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Syriza cernée, par Frédéric Lordon

Sunday 8 February 2015 at 04:30

Beau rappel de Lordon + 2 autres billets cités

Syriza cernée, par Frédéric Lordon

On savait que l’expérience Syriza serait une leçon de choses en politique, la mise à nu, toutes technicités juridico-financières envolées, des ressorts fondamentaux de la puissance et de la souveraineté. De ses confiscations dans des institutions aussi. Nous y sommes – et encore plus vite que prévu.

Comme on pouvait s’y attendre également, le lieu névralgique du rapport de force se trouve à Francfort, à la Banque centrale européenne (BCE). Ce qu’aucun article des traités européens ne permet juridiquement – mettre à la porte un Etat-membre – c’est la BCE, hors de toute procédure, par une opération entièrement discrétionnaire sans aucun contrôle démocratique, qui le peut. Et qui vient d’en donner l’avant-goût, dix jours à peine après l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement malséant, porté par un mouvement populaire ayant le front de réclamer la fin de l’absurde tourment auquel le pays a été soumis par notre chère Europe, un pays en situation de crise humanitaire (( Voir Sanjay Basu et David Stuckler, Quand l’austérité tue, Le Monde Diplomatique, octobre 2014. )) – au cœur de l’Union européenne (UE) et, plus encore, par l’Union ! –, un pays pour lequel, après quelques autres, il faudrait maintenant songer à formaliser juridiquement l’idée de persécution économique – et nommer les persécuteurs. Là contre, le peuple grec s’est donné un gouvernement légitime, mandaté pour faire cesser cet état de persécution. Un gouvernement souverain.

Comme on le sait depuis longtemps, depuis le début en fait, à la question de la souveraineté, la réponse européenne est non. Saint Jean-Claude bouche d’or, qui ne loupe pas une occasion, a livré sa vision terminale de la politique : « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » (( Jean-Claude Juncker, entretien, Le Figaro, 29 janvier 2015 )) . Et le peuple grec est invité à crever la gueule ouverte, mais démocratiquement, c’est-à-dire d’après les traités.

Il doit être assez clair maintenant que la leçon de choses a à voir avec deux conceptions radicalement différentes de la démocratie : la démocratie comme asservissement aux traités, contre la démocratie comme souveraineté populaire. Sous la formulation alternative de « passer sous la table ou la renverser », il s’agissait bien de nommer ce point de bifurcation qui verra, selon sa résolution, l’une ou l’autre de ces conceptions l’emporter. On s’y dirige à grande vitesse et, portant au jour la vérité hors-traité des traités, la BCE vient de montrer à tous de quel bois démocratique l’Union se chauffe.

Le chantage de la BCE ou la nudite du rapport de force

Ce que les opérations ordinaires de la politique monétaire ont usuellement pour propriété de voiler apparaît ici en pleine lumière : dans les procédures techniques du refinancement se trouve repliée toute une vision du monde et, comme toujours, c’est en situation de crise qu’elle se révèle pleinement. Couper la ligne du refinancement aux banques grecques n’admet ici aucune justification proprement monétaire. N’était-ce pas d’ailleurs par un geste souverain – car la souveraineté ne disparaît jamais complètement : elle migre – que la BCE avait décidé de détendre ses propres règles et d’admettre en collatéraux les titres de la dette grecque quoique tombés hors de la catégorie investment-grade ? C’est par un geste également souverain, mais inverse, qu’elle vient de revenir discrétionnairement sur cette facilité, manière évidente de faire savoir au gouvernement grec que, précisément, dans les dispositions qui sont les siennes, il n’est plus du tout question de lui faire la vie facile.

Dans une stratégie soigneusement graduée de la constriction, la BCE fait connaître sa force et ne met pas (encore) le système bancaire grec entièrement à genoux. Il reste à ce dernier une source de refinancement en la procédure exceptionnelle dite ELA (Emergency Liquidity Assistance). Mais d’une part cette procédure est plus coûteuse puisqu’elle fournit de la liquidité à un taux de 1,55 % contre… 0,05 % pour les procédures ordinaires. D’autre part l’ELA, en tant que programme « spécial », fait l’objet d’un strict contingentement en volume, de sorte que, la ligne étant susceptible à tout instant d’être brutalement coupée, le système bancaire grec, et le gouvernement derrière, sont installés dans la plus extrême précarité. Enfin, et peut-être surtout, les opérations ELA sont « déléguées » aux banques centrales nationales, en l’occurrence rejetées sur la Banque centrale de Grèce. La signification de ce mouvement de défausse est parfaitement claire, qui fait d’ailleurs écho aux orientations du QE (Quantitative Easing) récemment annoncé : il s’agit d’une stratégie de cantonnement. Désormais les titres de dette grecque ne finiront plus dans le bilan de la BCE elle-même, mais parqués dans celui de la Banque centrale grecque. L’avertissement est limpide : « n’imaginez pas une seconde que la menace à la sortie nous fera quelque effet, d’ailleurs nous sommes en train de créer les conditions pour que, à défaut de vous soumettre, vous preniez la porte avec vos propres encombrants ».

Nous savons donc maintenant jusqu’où va l’extrémisme libéral européen. Car Tsipras a beau en avoir considérablement rabattu, et renoncé aux annulations d’une dette pourtant insoutenable, la simple idée, à cadrage macroéconomique invariant, de réallouer la dépense publique d’une manière qui ne satisfasse pas pleinement à la conditionnalité de l’ajustement structurel est en soi une hérésie inadmissible. Certes le programme minimal d’urgence humanitaire (réaugmenter le salaire minimum et les plus basses pensions, réembaucher quelques milliers de fonctionnaires) ne pouvait se faire par simple réallocation au sein d’une enveloppe de dépense rigoureusement invariante. Certes encore, le surplus de prélèvement fiscal que Syriza a concédé devoir mettre en face est laissé à l’aléa de la capacité d’une administration fiscale extrêmement défaillante – s’il y a une seule « réforme structurelle » à conduire urgemment, c’est bien de ce côté qu’elle se trouve, tout le monde en convient, les Grecs au tout premier chef, il se pourrait même que Syriza, moins compromis que tous les autres partis dans le marécage clientéliste, soit le plus à même de la porter. Certes donc, le programme minimal appelle sans doute une extension du déficitex ante.

Il n’est même pas certain que ce dernier se confirme en déficit ex post, bien au contraire. Avec un talent confirmé d’étrangleur, c’est l’UE et ses restrictions aveugles qui ont précipité la Grèce dans une dépression dont on ne trouve plus d’équivalent qu’en celle des Etats-Unis dans les années 1930. Si bien que ce que, par paresse intellectuelle, on nomme « la dette grecque » n’est en fait pasla dette des Grecs : l’explosion des déficits et l’effondrement de la croissance à partir de 2010 sont moins le produit de l’incurie grecque que d’un assassinat de politique économique administré par l’Union en guise de « sauvetage ». De sorte que lorsque les Etats-membres prêtent pour tenir la Grèce à flot, c’est en bonne partie pour écoper le naufrage qu’ils ont eux-mêmes causé. On pourrait dire par court-circuit qu’au travers de la Grèce, l’UE prête pour l’UE ! Splendide opération qui aurait toute sa place dans un théâtre de l’absurde – si l’on excepte les investisseurs dont certains, en dépit de la restructuration, auront bien profité au passage.

En tout cas la redistribution de pouvoir d’achat en direction de ceux dont on est bien certain qu’ils le dépenseront intégralement est la plus rationnelle des politiques économiques – mais d’une rationalité qui a depuis belle lurette déserté les esprits européens. C’est en vue du financement intermédiaire d’un déficit temporaire qui avait de bonnes chances de s’auto-couvrir que le gouvernement grec s’était tourné vers la BCE. Nous connaissons maintenant la réponse et nous savons quel degré d’aide les institutions européennes sont disposées à apporter au peuple grec, dont le tableau des misères devrait leur faire honte : nul.

Syriza abandonnée de tous

Ce sont des salauds. Et ils sont partout. Reuters a rendu publique la teneur d’un rapport allemand préparé en vue de la réunion des ministres des finances du 5 février1 : c’est non sur toute la ligne. Non et rien, les deux mots de la démocratie-européenne-selon-les-traités. Croit-on que l’Allemagne soit seule en cause dans cette ligne de fer ? Nullement – ils sont partout. Ni l’Espagne, ni l’Irlande, ni – honte suprême – la France « socialiste » ne viendront en aide à Syriza. Et pour une raison très simple : aucun d’entre eux n’a le moindre intérêt à ce qu’une expérience alternative puisse seulement se tenir : dame ! c’est qu’elle pourrait réussir ! Et de quoi alors auraient l’air tous ces messieurs d’avoir imposé en pure perte à leurs populations un traitement destructeur ? De ce qu’ils sont. Des imbéciles, en plus d’être des salauds.

On n’aimerait pas être à la place de Tsipras et de ses ministres : seuls et abandonnés de tous. Mais l’Union européenne se rend-elle bien compte de ce qu’elle est en train de faire ? Il y avait de sérieuses raisons de penser qu’une combinaison minimale de dureté en coulisse et d’amabilité en façade permettrait un faux compromis qui aurait vu de facto Syriza plier sur toute la ligne ou presque – à quelques concessions-babioles dûment montées en épingle. Entre le désir de rester dans l’eurozone, les effets inertiels du recentrage de campagne, le découplage des institutions politiques qui protège un moment les gouvernants, il était probable que Tsipras aurait choisi un mauvais compromis qui gagne du temps et, laisse l’espoir (qui fait vivre) d’une possible amélioration future.

Mais il y a des degrés dans l’offense auquel, sauf à abdiquer toute dignité, un chef d’Etat peut difficilement consentir. Et tout se passe comme si l’UE était en train de pousser elle-même la Grèce vers la sortie. En s’en lavant les mains naturellement. Mais en ne laissant guère plus d’autre choix au gouvernement grec – passer sous la table ou la renverser, on n’en sort pas… C’est-à-dire, quand les conditions minimales d’estime de soi ne sont plus réunies pour passer dessous, renverser – comme on sait, la position défendue ici de longue date tient que cette Europe n’est pas amendable et que « renverser » est la seule solution offerte à un affranchissement d’avec la camisole libérale.

Si jamais on en venait à ce point critique, les événements connaitraient un de ces emballements qui font l’histoire. Car tout devrait aller très vite : séparation immédiate de la Banque centrale grecque du Système européen des banques centrales (SEBC), répudiation complète de la dette, instauration d’un contrôle des capitaux, nationalisation-réquisition des banques. Dans une interview à laquelle on n’a probablement pas assez prêté attention, Yanis Varoufakis lâche une phrase qui vaut son pesant de signification : « nous sommes prêts à mener une vie austère, ce qui est différent de l’austérité » (( « Nous sommes prêtes à mener une vie austère », Le Monde, 25 janvier 2015 )) . Et en effet c’est très différent, radicalement différent même. Entre la vie austère et l’austérité, il y a l’abîme qui sépare une forme de vie pleinement assumée et la soumission à une tyrannie technique. Car il est certain que la sortie de l’euro n’aurait rien d’un dîner de gala. Mais c’est faire de la politique, et au plus haut sens du terme, que de prendre à témoin le peuple et de lui mettre en mains les termes de son choix : nous pourrions bien, en effet, être plus pauvres un moment mais, d’abord, sous une tout autre répartition de l’effort, et surtout en donnant à cette « vie austère » la signification hautement politique d’une restauration de la souveraineté, peut-être même d’un profond changement de modèle socioéconomique.

De nouveau la politique

En tout cas pour la première fois depuis très longtemps, il y a à la tête d’un pays européen des gens qui savent ce que c’est vraiment que la politique – une histoire de force, de désirs et de passions –, soit l’exact contraire des comptables-eunuques qui gouvernent partout ailleurs, à l’image du têtard à binocles dont la couverture de L’Obs, qu’on créditerait ici volontiers d’un second degré inhabituellement fielleux, révèle qu’il est l’une des têtes pensantes de François Hollande.

Couverture de L’Obs du 5/2/2015
[Incidemment, pour savoir à quoi ressemblent de vrais hommes politiques, c’est-à-dire des gens qui ont touché l’essence de la politique, une essence violente et forte, il faut regarder la tête des anciens directeurs du Shin Beth, le service secret israélien, interviewés dans le formidable documentaire Gate keepers, et qui, quoi qu’on pense par ailleurs de leur action (( En l’occurrence, tous ceux qui ont vu le documentaire savent que ces anciens responsables des services secrets livrent une mise en accusation accablante de la politique des gouvernements israéliens depuis des décennies. )) , ont eu à agir en l’un des lieux de la planète où l’essence tragique du politique se donne à voir sous sa forme la plus haute. Et puis après admirer une photo de Michel Sapin. Ou le sourire d’Emmanuel Macron.]

Il n’est pas inopportun de faire pareil rappel, car ce tragique-là plane aussi sur la Grèce, qui doit compter avec ses salauds de l’intérieur. Dans un article qui éclaire un aspect oublié de la situation grecque, Thierry Vincent (( Thierry Vincent, « Un espoir modéré, la crainte des coups tordus »,Le Monde Diplomatique, février 2015. )) ne fait pas que remettre en mémoire le passé somme toute pas si lointain des colonels, mais la réalité très présente d’un appareil d’Etat gangrené pas seulement par la corruption ordinaire mais aussi par des forces sombres, substructure étatique constituée, comme toujours, autour des appareils de force, police, justice, armée, dont les connivences avec les néo-nazis d’Aube Dorée sont maintenant patentées, et où macèrent potentiellement les pires tendances factieuses. L’obsession économique finirait presque par faire oublier que le risque dominant auquel se trouve confrontée l’expérience Syriza est probablement politique, et tient moins à un rééchelonnement de dette mal fagoté qu’à ce que Thierry Vincent nomme les « coups tordus », et qu’il faudrait peut-être nommer « coup » sans autre qualificatif. Car voyons, dans les termes de notre alternative : passer sous la table, par quoi on entend ne rien obtenir de significatif, c’est épuiser l’idée même d’alternative progressiste en Grèce, et dégager la piste à la seule alternative restante – la pire. Mais renverser la table, c’est possiblement, par enchaînements successifs, entrer en confrontation directe avec le capital, et l’on sait de quelle manière les « démocraties » ont historiquement accoutumé de traiter ce genre de désaccord…

La preuve par Syriza ?

A la remorque de la psychorigidité allemande, l’Europe des ahuris, les Juncker, Moscovici, Sapin, etc., radicalement ignorants de ce qu’est vraiment la politique, jouent en toute inconscience avec le malheur des peuples, sans le moindre égard pour les forces obscures qui commencent à tournoyer au-dessus d’eux. Il faut dire qu’en matière d’ahuris, ils se sont trouvé de fameux intellectuels organiques, à l’image de Bernard Guetta, par exemple, qui entame sur le tard une improbable carrière de situationniste – mais à l’envers. Guy Debord tenait que, dans la société du spectacle, « le vrai est un moment du faux ». Chez Guetta, c’est le faux qui est un moment du vrai. Il suffit en effet de reprendre sa chronique « La preuve par Syriza » (( « « La preuve par Syriza » », Libération, 27 janvier 2015. )) et d’en inverser méthodiquement tous les termes pour avoir une représentation d’assez bonne qualité de l’état de l’UE et des gauches européennes – là où la lecture littérale livre une fantasmagorie sous produits à courir tout nu dans les prés. Car nous sommes le 27 janvier, et Guetta voit l’aube européenne se lever dans l’arrivée simultanée de Syriza et du Quantitative Easing

Or il faut avoir bonne vue, ou bien l’aide de quelques sérotoninergiques, pour voir « s’annoncer de nouvelles politiques économiques européennes » au motif que la BCE, au terme de luttes intestines longtemps indécises, cinq ans après toutes les grandes banques centrales du monde, et ayant dû attendre une situation de désinflation patentée pour être juridiquement fondée à agir, a enfin lancé son programme à elle de Quantitative Easing. Dont on sait déjà qu’il ne produira pas grand effet.

Et l’aide de substances plus brutales encore est requise pour nous appeler à réaliser que « non, l’unité européenne n’est pas en elle-même un projet libéral »« Ce n’est qu’un début », s’exclame le défoncé, « mais que la séquence est belle ». Quand les infirmiers auront achevé de l’embarquer, on ne retiendra que le titre de l’article manifestement écrit dans des conditions à faire peur à un cycliste, mais qui dit contre toute attente une chose très vraie : le caractère probatoire de l’expérience Syriza. En effet, il va bien y avoir une « preuve par Syriza ». Mais la preuve de quoi ?

Source : Frédéric Lordon, pour Le Monde Diplomatique, 6/2/2015

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La preuve par Syriza, par Bernard Guetta

C’est une séquence, une belle et passionnante séquence qui pourrait bien augurer d’un changement d’ère, et pas seulement en Europe. Mardi dernier, dans son discours sur l’état de l’Union, Barack Obama devenait le premier président américain à rompre avec les dogmes néolibéraux qui s’étaient imposés il y a trente-cinq ans aux Etats-Unis avant de partout triompher dans le monde. Jeudi, Mario Draghi annonçait que la Banque centrale européenne allait racheter pour plus d’un milliard d’euros d’obligations d’Etat. Dimanche, enfin, Alexis Tsipras, conduisait à la victoire une nouvelle gauche dont le programme est de renégocier le remboursement de la dette grecque et d’en finir, en Grèce puis dans toute l’Europe, avec des politiques aussi cruelles que contre-productives car uniquement axées sur le rétablissement des comptes publics.

Barack Obama est ce qu’il y a de plus proche, en Amérique, des sociaux-démocrates européens. Mario Draghi est un libéral, pragmatique mais essentiellement libéral. Alexis Tsipras vient de l’altermondialisme. Il n’y a rien de commun entre ces trois hommes sauf qu’ils constatent tous, aujourd’hui, là où ils sont, que les dogmes libéraux ont mené à une déréglementation dont le plus spectaculaire résultat fut la crise de Wall Street, qu’ils ont créé d’insoutenables inégalités sociales, réduit le poids des classes moyennes et conduit l’Europe au bord de la déflation.

Ce n’est pas que le néolibéralisme n’ait rien apporté au monde et, moins encore, qu’il soit le simple fruit d’un complot des plus riches. S’il est devenu une idéologie aussi dominante – comme le keynésianisme l’avait été de la fin de la guerre à l’élection de Margaret Thatcher – c’est d’abord que les classes moyennes occidentales des années 70 étaient entrées en révolte fiscale. Accablées de charges et d’impôts, elles ne voulaient plus financer, plus autant en tout cas, cette protection sociale et ces investissements d’avenir qui avaient pourtant fait leur ascension. C’est ce qui avait mis les gauches occidentales dans une difficulté dont elles ne sont pas encore sorties et la seconde raison du succès des néolibéraux était qu’on arrivait à la fin d’un cycle industriel. Les nouvelles technologies devaient prendre le relais de l’industrie lourde et il fallait libérer, pour cela, les nouveaux entrepreneurs de contraintes fiscales et sociales que de jeunes industries ne pouvaient pas encore assumer.

Le néolibéralisme a porté une nouvelle révolution industrielle et permis l’essor des pays émergents mais, maintenant que cela est fait et que la déréglementation permet aux multinationales d’échapper ou presque à l’impôt, on voit aussi, et dénonce beaucoup plus largement qu’hier, les dégâts des dogmes thatchériens, du «trop d’impôt tue l’impôt», de «l’Etat n’est pas la solution mais le problème» ou du «plus les riches sont riches, mieux chacun se porte».

La lutte contre les paradis fiscaux s’est développée depuis 2008, bien trop lentement mais considérablement. La prochaine présidentielle américaine se jouera autour de l’idée, défendue mardi par Barack Obama, d’une plus grande justice fiscale et, donc, d’une augmentation des impôts sur les plus riches. La partie ne sera pas facile pour les Républicains et, en Europe, le triomphe électoral de Syriza vient montrer que, bien au-delà des gauches, le rejet du tout-austérité peut et va constituer de nouvelles majorités politiques.

Sur la lancée du tournant amorcé, à la fois, par les rachats d’obligation de la Banque centrale européenne (BCE) et le plan de relance de la nouvelle Commission, ce sont de nouvelles politiques économiques européennes qui s’annoncent et, déjà, se mettent en place. Le rééquilibrage des comptes publics va se poursuivre mais à un rythme moins aberrant et s’accompagner – c’est l’essentiel – de politiques de relance, nationales et paneuropéennes.

Tant mieux. Mieux vaut tard que jamais car c’est la meilleure chose qui pouvait arriver aux Européens et à leur économie, mais ce n’est pas tout.

Politiquement aussi, ce changement de cap modifiera la donne du tout au tout. Hier encore totalement isolés et impuissants dans une Europe majoritairement libérale-conservatrice, les sociaux-démocrates trouvent aujourd’hui de nouveaux alliés pour faire bouger les choses, en Grèce comme à la BCE ou à la Commission.

Nouvelles et anciennes, les gauches auront maintenant tôt fait de reprendre du poids dans l’Union et ce faisceau de convergences va également changer la perception de l’Europe par les Européens.

Toujours plus nombreux, hier, à assimiler l’Union à ses politiques du moment, ils vont découvrir que, non, l’unité européenne n’est pas en elle-même un projet libéral et que ses politiques comme l’interprétation de ses traités sont susceptibles de profondes évolutions en fonction de réalités qui font loi et des votes, nationaux et paneuropéens, des citoyens de l’Union. Ce n’est qu’un début, mais que la séquence est belle.

Bernard Guetta, 27/01/2015, Libération

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Un espoir tempéré, la crainte des coups tordus par Thierry Vincent

La percée récente des forces progressistes aux élections grecques bouleverse un appareil d’Etat contrôlé depuis quarante ans par deux familles politiques. Si les dégâts de l’austérité ont convaincu une bonne partie de la fonction publique de choisir la coalition de gauche Syriza, des réseaux extrémistes s’activent autour des corps de sécurité.

par Thierry Vincent, février 2015

Madame Rena Dourou salue chaleureusement chacun des employés de l’administration du secteur nord d’Athènes. Dans les bureaux de l’immeuble sans âme, en cet hiver particulièrement rigoureux, il fait un froid glacial. « Le manque de chauffage, c’est aussi cela, la crise et l’austérité », nous explique la gouverneure de l’Attique, région la plus peuplée de Grèce avec près de la moitié de la population du pays. Agée de 39 ans, Mme Dourou a été élue en mai 2014 lors des élections régionales qui ont consacré, ici, la victoire de Syriza, une coalition de partis de la gauche radicale opposés aux politiques dictées par la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). Mais elle s’avoue un brin désabusée : « Le gouvernement nous met des bâtons dans les roues. Déployer notre programme s’avère difficile. »

 

Mme Dourou est entrée en fonctions le 1er septembre dernier. Quelques jours plus tard, les services financiers lui ont demandé de signer en urgence le projet de budget concocté par son prédécesseur, membre du parti conservateur Nouvelle Démocratie. « J’ai refusé. J’ai été élue pour appliquer ma politique et un budget favorable aux plus déshérités », nous explique-t-elle. Malgré les pressions, elle réussit finalement à imposer ses priorités. La subvention de 27 millions d’euros prévue pour la rénovation de deux stades de football appartenant à deux magnats de la construction est annulée. A la place, raconte Mme Dourou, « nous avons voté un financement de 28 millions d’euros pour les travaux contre les inondations et pour toute une série d’actions sociales, comme le réapprovisionnement en électricité des ménages qui accusent des arriérés de paiement ». 

Votée en 2010, le programme Kallikratis soumet les décisions des régions au contrôle d’une structure de l’Etat central, la direction des affaires décentralisées. Pilotée par un ancien député européen de Nouvelle Démocratie, M. Manolis Angelakas, cet organisme a refusé de valider l’embauche de cent trente-neuf agents réclamée par le nouvel exécutif de l’Attique. « Il s’agit pourtant de postes nécessaires au fonctionnement de la région », soutient Mme Dourou. Pour preuve, la gouverneure nous montre le bureau de la direction de l’éducation désespérément vide. « Le gouvernement cherche à discréditer notre parti, avance-t-elle. Voilà pourquoi une victoire de Syriza [aux élections législatives du 25 janvier 2015] est indispensable pour un vrai changement. »Périphérie d’Athènes, en ce premier samedi de janvier. Le Pavillon des sports de Faliro, superbe installation construite pour les Jeux olympiques de 2004, habituellement désert, est plein à craquer. Deux mille personnes accueillent avec ferveur le dirigeant de Syriza, M. Alexis Tsipras. « L’heure de la gauche est arrivée », scande un groupe de femmes de ménage licenciées du ministère de l’économie, poings fermés dans des gants rouges, symboles de leurs seize mois de lutte. Après une heure d’un discours enflammé promettant la fin de l’austérité, un salaire minimum brut de 751 euros (contre 586 euros aujourd’hui, et 520 pour les moins de 25 ans) et l’exemption d’impôts pour les plus démunis (moins de 12 000 euros de revenus par an), M. Tsipras quitte l’estrade sous les acclamations. Mais l’espoir semble tempéré par une sourde inquiétude.

La démocratie parlementaire, partie émergée de l’iceberg

Car, en Grèce, il y a le visible et le caché. La partie émergée de l’iceberg est une démocratie parlementaire classique, mise en place après la chute de la dictature d’extrême droite des colonels en 1974. La montée des intentions de vote pour Syriza laisse entrevoir une période d’alternance politique dans un contexte de crise économique majeure, alors que le produit intérieur brut (PIB) du pays a baissé de 24 % depuis 2008. Mais derrière ces apparences, il y a le moins avouable : un pays gouverné presque sans interruption depuis soixante ans par deux familles. A droite, les Karamanlis, conservateurs ; à gauche, les Papandréou, socialistes. Deux générations de chefs de gouvernement : l’oncle et le neveu pour les premiers ; le grand-père, le père et le petit-fils pour les seconds. Dans ce système clientéliste, les achats de voix et les emplois de complaisance au sein de la fonction publique tiennent souvent lieu de stratégie politique.Le dernier épisode de corruption politique concerne l’élection présidentielle (1). Le 18 décembre dernier, M. Pavlos Haikalis, ancienne vedette de la télévision devenue député du parti souverainiste de droite des Grecs indépendants (ANEL), a affirmé s’être vu offrir 3 millions d’euros en échange de son vote pour M. Stavros Dimas, le candidat de la coalition au pouvoir, qui devait obtenir au moins cent quatre-vingts voix (sur trois cents députés) pour être élu et éviter l’organisation d’élections législatives anticipées. Le corrupteur serait le financier Giorgios Apostolopoulos, ancien conseiller des premiers ministres Giorgios Papandréou (2009-2011) et Antonis Samaras (en fonctions depuis 2012). Homme de télévision, M. Haikalis a filmé la scène en caméra cachée, puis a diffusé les images sur Internet. Résultat ? La justice a refusé d’engager des poursuites, prétextant que les preuves avaient été recueillies illégalement. Le premier ministre Samaras ayant même déposé une plainte pour diffamation, le corrupteur présumé se retrouve à l’abri, tandis que le lanceur d’alerte devra rendre des comptes…

« Cela rappelle la stratégie de la tension »

Au cœur des institutions se cache aussi ce que les Grecs appellent le parakratos : le « para-Etat » ou l’« Etat souterrain », c’est-à-dire un réseau informel hérité de la guerre froide, composé de hauts fonctionnaires, de policiers, de militaires et de magistrats, prêts à tous les coups tordus pour éviter l’arrivée des « rouges » au pouvoir. Un tel réseau, appuyé par les services secrets américains, avait minutieusement préparé le terrain au coup d’Etat de la junte des colonels en 1967.Les vieux réflexes du parakratos n’ont pas vraiment disparu. Les entorses aux libertés de réunion, de manifestation et d’expression ont été nombreuses ces dernières années. En octobre 2012, quinze militants antifascistes ont ainsi été arrêtés après des affrontements avec les néonazis du parti Aube dorée (qui a recueilli 9,4 % des voix aux élections européennes de mai dernier) et la police. A l’issue de leur garde à vue, les interpellés ont dit avoir été torturés, photographies à l’appui. « Ils nous traitaient de sales gauchistes, raconte Giorgios, l’un des interpellés, qui a porté plainte. Ils nous ont dit : “Maintenant on a vos noms et vos adresses. Si vous parlez, on les donnera à nos amis d’Aube dorée pour qu’ils puissent venir faire un petit tour chez vous.” Ils évoquaient aussi la guerre civile qui, en Grèce, a opposé les milices de droite aux forces de gauche entre 1945 et 1949 [faisant plus de cent cinquante mille morts]. Ils se sentaient clairement en guerre contre toutce qui ressemble à la gauche progressiste (2). » Une enquête interne a été lancée par le ministère de l’intérieur.« Cela rappelle la stratégie de la tension dans l’Italie des années 1970, estime le journaliste Kostas Vaxevanis. La police laisse faire, voire encourage les troubles créés par les néonazis pour justifier le maintien d’un pouvoir fort et la répression farouche de toute contestation. » Le limogeage de plusieurs hauts responsables de la police pour leurs liens supposés avec l’organisation néonazie a confirmé le noyautage par l’extrême droite d’une partie de l’appareil de sécurité : M. Dimos Kouzilos, ancien responsable des écoutes téléphoniques au sein des services secrets grecs, a ainsi dû démissionner, tandis que M.Athanasios Skaras, le commissaire du quartier d’Agios Panteleimonas à Athènes (fief d’Aube dorée), a été brièvement incarcéré en octobre 2013. « Le parakratos repose encore sur trois piliers : la police, la justice et l’armée », nous explique Dimitris Psarras, du quotidien Le Journal des rédacteurs. Toutes trois ont été largement épargnées par les politiques d’austérité, qui ont pourtant amputé le pouvoir d’achat des fonctionnaires de moitié. Le 23 juin 2014, le Conseil d’Etat a jugé inconstitutionnelle la baisse des salaires dans ces trois secteurs.En novembre 2011, M. Papandréou, alors premier ministre, a même été inquiété par des risques de coup d’Etat militaire. En plein sommet européen de Cannes, il annonça la tenue d’un référendum sur les nouvelles mesures d’austérité imposées par l’Union européenne. Tel un élève turbulent, le chef du gouvernement grec fut convoqué par la chancelière allemande Angela Merkel et par le président français Nicolas Sarkozy. Pour justifier son référendum, M. Papandréou évoqua le risque d’un coup d’Etat (3). Mais cette menace ne fut pas prise au sérieux. Les pressions allemandes et françaises l’obligèrent à renoncer à son projet de consultation populaire, et il fut contraint de démissionner un mois plus tard.

Syriza bénéficie même de soutiens chez les patrons

« L’immense majorité des fonctionnaires grecs demeure loyale », insiste néanmoins M. Grigoris Kalomiris, du syndicat des fonctionnaires (Adedy). Sans appeler à voter formellement pour Syriza, son organisation « soutient tout parti qui reviendra sur la politique d’austérité dramatique mise en œuvre depuis cinq ans ». « Il faut distinguer les secteurs relevant de la sécurité et de la répression des autres fonctionnaires. La décision constitutionnelle concernant l’annulation des baisses de salaire dans la justice, la police et l’armée prouve bien que ce sont des secteurs à part », juge le syndicaliste. Les autres catégories de fonctionnaires n’ont aucuneraison d’avoir un a priori contre la gauche radicale : « Nous sommes parmi les premières victimes de l’austérité,rappelle Kalomiris. Le nombre de fonctionnaires a diminué d’un tiers, passant de neuf cent mille à six cent mille environ. Le salaire moyen est de 800 euros. Les salaires ont baissé de 30 % et le pouvoir d’achat de 50 %si l’on prend en compte les hausses d’impôts. »Syriza semble donc bénéficier d’un soutien important au sein de la fonction publique. Pour des raisons également historiques. « Dès l’arrivée du Pasok [parti socialiste grec] au pouvoir en 1981, Andreas Papandréou, le premier ministre d’alors, a voulu “épurer” la fonction publique des éléments souvent compromis dans la dictature des colonels, avance Psarras. Il a fait embaucher à tour de bras des proches de son parti. Cela a duré jusqu’au début des années 2000. Au point que beaucoup de fonctionnaires sont d’anciens socialistes, déçus par la dérive droitière du Pasok et aujourd’hui farouchement pro-Syriza. »La coalition bénéficie d’autres appuis plus étonnants dans la société grecque. Ainsi, une fraction du patronat ne verrait pas d’un mauvais œil l’arrivée au pouvoir d’une gauche radicale mais pragmatique. « L’austérité voulue par la troïka est un échec, admet, sous couvert d’anonymat, un chef d’entreprise du secteur des transports. La dette n’a cessé d’augmenter et la croissance a été cassée, les PME font faillite les unes après les autres. Après la cure d’austérité, une cure de relance de l’économie ne pourrait pas nous faire de mal. » Il reste impossible d’exprimer une telle analyse en public pour un patronat grec majoritairement hostile aux « rouges ». Mais le discours anticorruption de Syriza, loin des dérives clientélistes qui ont fait tant de mal au pays, trouve des partisans dans toutes les classes sociales.

Thierry Vincent, Journaliste et réalisateur.

(1) Aucun des trois tours de celle-ci (17, 23 et 29 décembre 2014) n’ayant permis la désignation d’un président, des élections législatives anticipées ont été convoquées pour le 25 janvier 2015. (2) « Grèce   : vers la guerre civile   ? », « Spécial investigation », Canal Plus, 1er septembre 2013.(3) Libération, Paris, 5 novembre 2011.

Source : Le Monde Diplomatique

  1. « ECB cancels soft treatment of Greek debt in warning to Athens », Reuters, 4 février 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/syriza-cernee-par-frederic-lordon/


Charlie : Les chiens de garde contre Tariq Ramandan

Sunday 8 February 2015 at 03:56

“Débat sur l’islam et l’actualité le 15/01/2015. Tariq Ramadan face à Arlette Chabot, Michèle Cotta et Olivier Duhamel dans “Le Club de la Presse”"

Je vous le mets, pas tant pour les propos de Ramadan, mais plutôt, en termes d’éducation aux médias, pour l’attitude des “journalistes”. Leur discours “Vous allez partout dans les médias pour porter un message équilibré, mais ne seriez-vous pas en fait un dangereux islamiste” est assez énorme. Tout aussi énorme que la pathétique différence intellectuelle entre ce penseur (qu’on peut évidemment critiquer à loisir, je ne m’intéresse pas du tout au fond de sa vision ici) et l’équipe de nains qui l’interrogent, et qui sont, je le rappelle, “l’élite journalistique” de la France dans les années 2015…

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P.S. je vous mets aussi son débat face à Caroline Fourest :

La version intégrale :

Source: http://www.les-crises.fr/les-chiens-de-garde-contre-tariq-ramandan/


Pendant ce temps-là à Uglegorsk… (Point Ukraine, Edité)

Sunday 8 February 2015 at 01:30

Pendant que la propagande pro-guerre bat ici son plein, voici ce qui se passe à Uglegorsk…

Ah, vous ne savez pas ou c’est ? Ici, dans l’Est de l’Ukraine, entre Donetsk et Lougansk :

Enfin, avec la guerre, la citoyen est celle-ci :

Les troupes de Novorossia ont fermé le gros chaudron saillant bleu (ne me demandez pas comment l’armée ukrainienne peut être assez stupide pour se faire prendre dans ce piège grossier, je ne sais pas…) : :

Voici donc les affreuuuuuuux “pro-russes”, résidents d’Uglegorsk, évacués par la milice de la ville détruite par les Grads (artillerie militaire) de l’armée ukrainienne (que nos “zélites” proposent donc d’armer encore plus…)

Stakhanov. 06/02/2015 :

IMAGES TRES DURES : Komsomolets 6/2 :

Fascinant quand même de voir des vidéos hallucinantes qui sont volontairement non montrées dans nos médias, non ?

Un GRAD (lance-roquettes) :

P.S. bien entendu, en temps de guerre, on gardera son esprit critique sur tout témoignage non prouvé…

P.P.S : complément :

Drôlement heureux les 3 dans un pays en guerre…

Ah, moins sympa tout de suite…

Rien de bien nouveau, on sait bien que des centaines de soldats russes ont traversé pour aider volontairement les russophones. Surement avec l’approbation du Kremlin, mais ce n’est à ce stade “l’armée russe”…

Incroyable quand même cette narrative, qui arrive à sortir de notre tête qu’il y a 25 ans, ces 2 pays n’en faisaient qu’un seul, avec les conséquences qu’on imagine sur le sentiment d’appartenance… Ces soldats russes par exemple, ne seraient-ils pas nés dans le Donbass par exemple ? (Si la Bretagne quitte la France et qu’il y a une guerre là-bas, il y aura surement des soldats “français” volontaires pour aller combattre là bas !)

S’il a des preuves de la présence de chars de l’armée russe, là, je serais preneur…

Ah, pas la peine LePoint.fr SAIT :

9000 soldats de l’arme régulière russe – bah, l’Ukraine et l’OTAN le disent, c’est donc que c’est vrai…

Et il a des preuves tangibles le “sous-maître de la Maison Blanche” ? (mais comment diable des journalistes peuvent-il employer de telles expressions ?)

“Si nous ne parvenons pas à trouver un accord durable de paix, nous connaissons parfaitement le scénario : il a un nom, il s’appelle la guerre“, a martelé le président Hollande de retour en France.

Quel beau succès d’avoir écouté BHL et de s’être occupé de l’Ukraine alors qu’elle avait un président démocratiquement élu, bravo les gars…!

Dimanche, on verra si on peut aller vers une conclusion. Si ce n’est pas conclu demain, on poursuivra les discussions autant de temps que nécessaire mais on n’a pas beaucoup de temps”, a-t-on ajouté.

Ah bon, pourquoi ? On pourrait nous expliquer l’urgence de la guerre svp ?

Le succès de l’initiative franco-allemande pour ramener la paix se décidera “dans les deux ou trois prochains jours”, a estimé dans un entretien télévisé le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier.

Tiens, sien passant non, on va bientôt regretter Sarko :

L’ancien président français Nicolas Sarkozy, désormais chef de l’opposition de droite à son successeur François Hollande, a estimé samedi qu’on ne pouvait “pas reprocher à la Crimée” d’avoir “choisi la Russie” et a mis en garde contre une nouvelle “guerre froide” avec Moscou.

“La séparation entre l’Europe et la Russie est un drame. Que les Américains la souhaitent, c’est leur droit et c’est leur problème. Nous avons une civilisation en commun avec la Russie. Les intérêts des Américains avec les Russes, ce ne sont pas les intérêts de l’Europe avec la Russie”, a affirmé l’ex-chef de l’Etat lors d’une réunion à Paris des dirigeants du parti de droite UMP qu’il dirige, . “Nous ne voulons pas de la résurgence d’une guerre froide entre l’Europe et la Russie”, a-t-il martelé en évoquant les tensions entre Moscou et les Occidentaux nées du conflit dans l’est de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée par Moscou en mars 2014 après un référendum de la population locale.

“La Crimée a choisi la Russie, on ne peut pas le lui reprocher”, a ajouté M. Sarkozy, estimant par ailleurs qu’”il faut trouver les moyens d’une force d’interposition pour protéger les Russophones d’Ukraine”. “L’Ukraine doit garder sa vocation de pont entre l’Europe et la Russie. Elle n’a pas vocation à entrer dans l’Union européenne”, a-t-il ajouté. (Source AFP)

À suivre…

 

Source: http://www.les-crises.fr/pendant-ce-temps-la-a-uglegorsk/


Yves Trotignon : « Une solution contre le jihadisme ? On n’y arrive pas »

Sunday 8 February 2015 at 00:45

 

Spécialiste de l’antiterrorisme, Yves Trotignon (*) redoute une « escalade du pire » et estime que les événements de ces trois derniers jours signent l’échec de 25 ans de lutte contre le jihadisme. Il est le premier invité de notre nouveau rendez-vous, l’entretien du samedi.

Jamais en France les forces de l’ordre n’avaient dû faire face au scénario d’hier : deux prises d’otages simultanées. Est-ce le scénario du pire ?

Les tueurs de Charlie Hebdo visaient évidemment l’état-major du journal. Derrière, mais en avaient-ils réellement conscience, ils se sont en réalité attaqués à ce qui fait de nous des Français, irrévérencieux, arrogants, ricaneurs, amoureux de la vie et des bons mots. Je ne suis pas sûr non plus qu’ils avaient conscience des débats politiques que cela allait entraîner et de la mobilisation de la population. Cet attentat va beaucoup plus loin que les tueries de Merah ou de Nemmouche. C’est le plus meurtrier en France depuis des décennies et le plus sanglant attentat jihadiste commis en Europe depuis ceux de Londres, au mois de juillet 2005 (57 morts). On ne peut cependant pas le comparer avec les attentats du 11 septembre 2001 comme je l’ai entendu. Non. Ce matin, avant la prise d’otages, je vous disais que ce n’était pas non plus l’attentat majeur que redoutent les services. Je disais que la limite haute allait encore au-delà. Hier midi, on a franchi un cran supplémentaire. Mais le pire va encore au-delà. C’est horrible de penser qu’il peut y avoir plus horrible. Mais c’est le cas. C’est cela le jihadisme, une adaptation opérationnelle perpétuelle afin d’obtenir des effets politiques majeurs.

Tout cela est nouveau ?

La nouveauté, c’est que ça se passe en France. La seule rupture, c’est celle de la défense anti-terroriste. Ça y est, ils sont passés. Ils ont brisé la cuirasse. On le redoutait. Jusqu’à présent, les services avaient contenu les terroristes. Nous n’avons eu aucun mort en France entre 1996 et 2012. Les services craignaient deux types d’action : des attentats simultanés de grande ampleur, comme ceux de Bombay par exemple, ou alors un individu isolé qui tire dans la foule.

Comment les suspects, vu leur profil et leurs antécédents, ont-ils pu passer au travers des mailles du filet ?

On n’en sait rien ! C’est pour cela qu’il aurait pu être intéressant de les capturer. Mais la vie des otages est toujours la priorité absolue et la décision prise a évidemment été la bonne. La question centrale, c’est : qu’est-ce qu’ils ont fait que nos services n’ont pas vu ? Ou qu’est ce que nos services n’ont pas fait ? Étaient-ils si bons ? Ont-ils été aidés ? À partir du moment où un attentat survient, c’est qu’il y a quelque chose qui a raté. Peut-être les deux frères étaient-ils suivis mais qu’ils n’ont rien laissé transparaître, qu’aucun de leurs messages n’était inquiétant et qu’au dernier moment, ils ont échappé au dispositif, avec ou sans l’aide d’un réseau. Cela s’est déjà vu. Après, il s’agit rarement d’un échec massif, mais d’une succession de petites erreurs. Mais spéculer n’a jamais fait avancer. Attendons d’en savoir plus.

Cela peut-il être dû à un manque de moyens ?

Le patron de la DGSI le disait encore il y a quelques mois : ils sont débordés. Il y a trop de cibles et trop de personnes à surveiller. Les Britanniques ne disent pas autre chose et ils redoutent bien pire que les trois horribles jours que nous venons de vivre. La question des moyens ne doit pas cacher une réflexion, qu’il faut mener calmement, sur ce qu’on attend des services, sur ce que nous sommes prêts à tolérer en termes de pression judiciaire et de menaces terroristes. Peut-être faudra-t-il admettre que l’invulnérabilité n’est pas de ce monde.

Y a-t-il beaucoup d’autres Kouachi à redouter en France ?

J’en ai peur. Il y a plusieurs dizaines d’individus extrêmement dangereux en France. Ils sont surveillés mais aucun système n’est infaillible malgré l’engagement de tous les services. Que nous enseignent ces événements ? C’est une tragique illustration de l’échec de la lutte contre le jihadisme. Cela fait 25 ans qu’on le combat et nous n’avons toujours aucune solution, qu’elle soit judiciaire, politique, militaire ou sociale. Le contexte international a changé et on n’y arrive pas. On n’arrive même pas à se mettre d’accord sur les causes. Il y a pourtant des traits communs.

Quels traits communs ?

À l’origine, il y a un projet religieux né en Égypte dans les années 20 : le seul pouvoir souverain est celui de Dieu, pas celui du peuple. Il n’y a pas de démocratie possible. Il y a aussi des revendications sociétales : l’État n’est pas satisfaisant. Il est violent, corrompu, injuste… Et ce ressentiment est nourri par de nombreuses interactions : guerres en Irak, au Mali, en Syrie… La violence révolutionnaire n’est plus aujourd’hui marxiste ou réactionnaire mais islamiste. Pour la France, l’injustice ressentie est économique mais pas seulement. Il y a beaucoup de « petits bourgeois » ou de gens qui ont un travail. Cela va plus loin. On entend des discours qui étaient ceux des années 1970, à base de tiers-mondisme, de volonté d’indépendance… Il y a une volonté de ne plus entendre la seule voix de l’Occident.

Il y a donc un vrai message de fond ?

Oui. Dire que les jihadistes sont des fous est faux et réducteur. Cela empêche aussi de se poser les bonnes questions, d’étudier les motivations, les raisonnements, leurs constats. Comment peut-on espérer vaincre une idéologie que l’on ne comprend pas ? Comment bâtir un contre-discours, des argumentaires, envisager le point de vue de l’adversaire en partant du principe que des dizaines de milliers de guérilleros, du Sahel aux Philippines, relèvent simplement de la psychiatrie ? Cela évite encore de nous mettre face à nos contradictions, que pointent les terroristes qui nous accusent perpétuellement de pratiquer le « double standard », de défendre la démocratie mais de tolérer des alliances avec des régimes parfois très autoritaires ?

La Syrie, où une armée de dizaines de milliers de jihadistes s’est levée, avec des moyens militaires et financiers sans précédents, est le coeur du problème aujourd’hui ?

Les frères Kouachi n’en revenaient pas, jusqu’à preuve du contraire ! Il faut arrêter de parler avec ses tripes ! Intervenir en Syrie, aujourd’hui, ce serait contre-productif. Et nous n’en n’avons tout simplement pas les moyens. On ne s’en sort pas au Mali, alors en Syrie… * Analyste senior chez Risk & Co, Yves Trotignon était précédemment analyste à la DGSE, le service de renseignement extérieur français.

Source : Le Télégramme -

Source: http://www.les-crises.fr/yves-trotignon-une-solution-contre-le-jihadisme-on-ny-arrive-pas/


Revue de presse internationale du 08/02/2015

Sunday 8 February 2015 at 00:21

Une petite revue de presse internationale cette semaine. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-08-022015/


Billet de crise… (07/02) (+ ENTRAIDE)

Saturday 7 February 2015 at 05:30

Eh bien “les-crises” a rarement aussi bien porté son nom…

Je comptais poursuivre encore tranquillement la série une dizaine de jours (les billets sont d’ailleurs prêts), cette fois avec les suites judiciaires et législatives des attentats, mais les évènements s’accélèrent (ils vont péter l’euro et déclencher une guerre ou quoi ?), d’où ce petit point.

L’Ukraine

Tout va bien, les comiques continuent…

J’adore la “Dernière chance”…

Ca fait belle lurette qu’on aurait pu résoudre ce conflit avec une recette magique qui s’appelle “Démocratie”, et qui consisterait à faire voter l’Est de l’Ukraine pour que les gens décident de leur avenir, comme de vulgaires Écossais… Et de donner un statut neutre à l’Ukraine, au lieu de vouloir l’accrocher au Titanic UE coûte que coûte… Même Kissinger l’a dit il y a 1 an, et la Russie est d’accord…

Comme cela aurait pu être fait depuis 1 an, je crains que, hélas, la situation n’empire.

Il n’y a qu’à voir ce qu’Hollande a dit lors de sa conférence de presse :

“Le temps presse et il ne sera pas dit que la France et l’Allemagne ensemble n’auront pas tout tenté, tout entrepris, pour préserver la paix”, poursuit François Hollande. Mais il brandit aussi la menace : “En Ukraine, c’est la guerre. Des armes lourdes sont utilisées, des civils tous les jours sont tués. (…) On pourrait être prêts à armer les ukrainiens”, prévient-il. “Il y a une autre option”, une solution négociée, mais “l’option de la diplomatie ne peut être prolongée indéfiniment”. [François Hollande, 5/2/2015]

Quel crétin quand même…

Moi, j’ai toujours pensé que ce type rentrerait dans l’Histoire, en y laissant une grande trace… (hélas)

Tiens au passage, la banque centrale d’Ukraine n’arrive plus à contrôler le change de sa monnaie…

Impressionnant, non ?

Merci BHL, tout ça, tout ça… Il va faire de l’Ukraine ce qu’il a fait de la Libye – bon courage…

Ca va bien nous mettre le salaire minimal Ukrainien à 80 € ça… – vive le libre échange du coup, pour notre compétitivité…

La Propagande de guerre se déchaîne, il faut que je fasse un papier sur ça..

La Grèce

En introduction, je partage avec vous mon étonnement sur le niveau général des commentaires sur ce sujet bouillant.

C’est typiquement une situation liée à une négociation très complexe, un poker menteur où règne le trompe-qui-peut pendant quelques temps, mais pas grave, il y a PLEIN de gens qui SAVENT…

Exemple : la BCE. La Grèce dit qu’elle ne compte pas les rembourser, mais on se scandalise que la BCE fasse un peu pression en limitant un peu le robinet à argent… (même si je n’aurais pas fait comme ça)

Exemple : Syriza. Je ne sais pas ce qu’ils feront à la fin, c’est très tendu. Leur peuple ne peut pas rembourser, mais il ne veut pas non plus quitter l’euro à ce stade (vu j’imagine qu’il n’y a pas plus de débat sérieux sur ce sujet là-bas qu’ici, et sans compter qu’en plus c’est un symbole pour eux de sortie du tiers monde).

À mon sens, la sortie de l’euro par la Grèce est inéluctable, comme la mort de cette monnaie maléfique d’ailleurs.

Il est évident qu’en THÉORIE, la Grèce à intérêt à sortir, pour avoir une monnaie adaptée à son économie, ce qui est fondamental – cela boosterait le tourisme en premier lieu, à situation inchangée. L’économie souffrirait 1 an puis repartirait – en théorie…Mais de là à faire plein de jolies courbes sur tous les avantages…

Car EN PRATIQUE, moi je ne sais pas ce qui se passe. Il est évident que, après une sortie de l’euro, l’objectif stratégique majeur des talibans de Bruxelles sera de détruire l’économie grecque. Ils ne pourront accepter que la Grèce se relève en 1 an, comme l’a fait l’Argentine, ce serait la porte ouverte au départ de l’Italie et de l’Espagne. Et donc qui sait si les intégristes européistes ne vont pas sortir la Grèce de la zone européenne de libre échange, de Schengen, mettre en place des sanctions, un boycott, un blocus, etc.. – avec de joyeuses conséquences sur l’économie grecque…

Je comprends donc que Syriza négocie un maximum, il faudrait être fou (ou commentateur) pour claquer la porte en 7 jours… Je rappelle aussi que le gouvernement grec n’a d’ailleurs toujours pas été investi par l’Assemblée grecque…

Alors, après, Syriza finira-t-il comme Hollande en se déculottant ? Possible, mais peu probable à mon avis, au vu des hommes en place. À mon humble avis (et c’est là où il faut bien prendre quelques risques…), ils vont tout tenter pour arracher un accord.

Mais à ce stade, on a vu que les positions de l’UE sont très dures, ce qui ne me rend pas optimiste à ce stade, car les échéances sont courtes, et qu’il aurait déjà fallu entamer des négociations approfondies.

Le problème grec, comme ukrainien, n’est pas si compliqué à résoudre : ils ne peuvent pas rembourser ; j’imagine mal l’UE accepter comme ça, mais ils auraient pu proposer un moratoire de 25 ans sur les dettes, cela aurait été intelligent. Mais je ne pense pas qu’ils le fassent, car primo, ce sont des talibans sadiques (sic.) secundo, ils ont raison de craindre la contagion.

Syriza risque donc de se heurter à un mur. Et je pense alors qu’il y a 80 % de chances qu’ils cassent tout et fichent le camp – c’est finalement le cœur de leur programme, le choix ultime de la Démocratie par dessus tout. Ce sera la résultat d’une partie de “Chicken” (vous savez, les 2 voitures qui foncent l’une sur l’autre), mais où aucune ne s’écartera…

Mais il y a aussi 20 % de chances qu’ils se couchent, non pas par Hollandisme, mais en raison des risques et dangers pour leur pays. Je rappelle qu’environ la moitié des forces de l’ordre ont des sympathies pour le parti néo-nazi Aube Dorée, et qu’il y a 40 ans, le pays étaient encore sous dictature militaire. Syriza pourrait donc aussi flancher s’ils sentaient un risque Pinochet pour le pays, à mon sens, ce dont personne ne parle…

Mais bon, on verra, ce n’est que le début de la partie…

Quelques infos :
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Athènes fait la sourde à ses partenaires, avant une semaine de tous les dangers

AFP le 06/02/2015 à 23:41

De retour à Athènes après un marathon européen peu concluant, les dirigeants du nouveau gouvernement grec ont réitéré vendredi leur demandes d’un plan-relais d’aide au pays, campant sur leur position avant une semaine de réunions à haut risque.

La posture du gouvernement, et le temps qui passe alors que se présentent des échéances de dettes cruciales à honorer, ont poussé l’agence de notation Standard & Poor’s à abaisser d’un cran la note du pays vendredi soir, de “B” à “B-”, en menaçant d’aller encore plus loin.

Dans la soirée, Moody’s a accentué la pression en annonçant placer la note grecque “sous examen en vue d’une dégradation” en raison de “l’incertitude élevée des négociations entre la Grèce et ses créanciers publics”.

Le gouvernement réclame 1,9 milliard d’euros aux banques centrales de la zone euro, au titre des bénéfices réalisés par celles-ci sur leurs avoirs en titres grecs, ainsi que l’extension de sa capacité d’endettement fixée par ses créanciers à 15 milliards d’euros en 2015, a répété une source gouvernementale vendredi.

- “Sans pression et sans chantage” -

Le financement-relais doit permettre “de négocier sans pression et sans recourir au chantage”, selon elle.

Le message s’adresse à l’Allemagne, qui joue la montre alors que les sources de financement de la Grèce se tarissent les unes après les autres, et à tous les partisans d’une ligne dure en Europe.

Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis (d) et son homologue allemand Wolfang Schäuble lors d'une conférence de presse à Berlin, le 5 février 2015 ( AFP / Odd Andersen )

Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis (d) et son homologue allemand Wolfang Schäuble lors d’une conférence de presse à Berlin, le 5 février 2015 ( AFP / Odd Andersen )

“Nous ne faisons pas de financements-relais”, a ainsi asséné vendredi le patron de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, selon l’agence Bloomberg.

Or, c’est devant l’Eurogroupe, l’ensemble des ministres des Finances de la zone euro, que la Grèce va jouer son va-tout mercredi, avant un conseil des chefs d’Etat et des chefs de gouvernement de l’Union européenne.

Avant ces rendez-vous à haut risque, Athènes maintient donc une revendication majeure du gouvernement Tsipras: s’affranchir des accords passés depuis 2010 qui imposent un programme de rigueur jugé humiliant en échange d’une aide de plus de 200 milliards d’euros.

- L’Allemagne intransigeante - 

Mais pour l’Allemagne, la Grèce doit s’en tenir aux engagements passés et au calendrier fixé, sans régime d’exception même temporaire.

Le compte à rebours est donc plus que jamais engagé pour le pays, qui pourrait se voir privé le 28 février de toute aide internationale, et dont le financement ne tient plus qu’à un filet de sécurité de la Banque centrale européenne, “l’ELA”.

La réunion de l’Eurogroupe sur la Grèce “était attendue et elle est bienvenue”, avaient indiqué plus tôt des sources proches du Premier ministre, Alexis Tsipras, de retour à Athènes jeudi après un marathon d’entretiens à Rome, Paris, Bruxelles, Francfort et Berlin avec des dirigeants européens pour roder son argumentaire anti-austérité.

Le Premier ministre mène de front campagne européenne et engagements nationaux, après que des milliers de personnes lui ont témoigné leur soutien en manifestant jeudi à Athènes.

Il doit présenter dimanche soir le programme gouvernemental au Parlement, avant un vote de confiance prévu mardi.

Cela ne devrait guère faciliter le dialogue européen: plusieurs promesses anti-austérité de Syriza horripilent les partisans de la rigueur en Europe, qu’il s’agisse d’augmenter le salaire minimum, de réembaucher des fonctionnaires ou d’arrêter les privatisations.

Calendrier et réunions en lien avec la dette de la Grèce  ( AFP / L. Saubadu/cam )

Face à Athènes, le camp de la discipline budgétaire s’organise, avec l’Allemagne, mais aussi les pays tout justes sevrés de l’aide européenne, comme le Portugal et l’Espagne.

L’Italie et la France ont elles adopté une ligne plus conciliante, mais refusent qu’un allègement de la dette grecque ne pénalise leurs contribuables.

Dans une tentative de donner encore une marge de manœuvre à la Grèce, le ministre italien de l’Economie Pier Carlo Padoan a fait savoir vendredi que l’Eurogroupe “n’était pas un lieu de conflit entre une équipe et une autre, mais celui d’une recherche constante de solutions partagées”.

- “Proche d’une sortie de l’euro” -

Intervenant dans le dossier, les Etats-Unis ont quant à eux jugé via leur ambassadeur en Grèce David Pearce “très important que le gouvernement grec travaille en coopération avec ses collègues européens, et avec le FMI”.

Rassemblement devant le Parlement grec pour soutenir la politique anti-austérité du nouveau gouvernement le 5 février 2015 à Athènes ( AFP / Louisa Gouliamaki )

Rassemblement devant le Parlement grec pour soutenir la politique anti-austérité du nouveau gouvernement le 5 février 2015 à Athènes ( AFP / Louisa Gouliamaki )

Avant la réunion extraordinaire de l’Eurogroupe mercredi, a lieu une rencontre des ministres des Finances du G20 lundi et mardi à Istanbul.

“La Grèce ne figure naturellement pas à l’ordre du jour officiel, mais on peut probablement s’attendre à ce qu’elle joue un rôle dans les rencontres bilatérales” en marge du sommet, a estimé porte-parole du ministère allemand des Finances.

Dans une note alarmiste vendredi, les analystes de Capital Economics jugent que la Grèce n’a “jamais été aussi proche d’une sortie de l’euro”.

Source : Boursorama

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NEW YORK, 6 février (Reuters) – La Bourse de New York a perdu près de 0,5% vendredi, plongeant dans le rouge en fin de séance après que Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, a dit que la Grèce avait jusqu’au 16 février pour demander un prolongement de son programme d’aide faute de quoi le pays risquait d’être privé de soutien financier.

Ben après l’action de la BCE, on devrait y voir plus clair dans une semaine…

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BHL :

La Grèce, quoi qu’en disent les démagogues, était sur le chemin du redressement. Un redressement fragile, certes. Et qui s’est payé, pour le peuple grec, d’une quantité de souffrance quasi insupportable. Mais enfin un redressement tout de même. Et un timide retour à la croissance, des gains de productivité et, donc, un frémissement sur le front de l’emploi que réduiraient à néant les mesures, type gel des privatisations ou blocage des investissements étrangers, que l’on a jetées en pâture aux électeurs de Syriza. Alors, info ou intox ?”

Faut quand même lui reconnaitre ça : il a de très bons yeux BHL…

“L’Allemagne, quoi qu’en pense ce nouveau socialisme des imbéciles qu’est devenue la germanophobie, avait commencé d’entendre les arguments de ceux qui plaidaient contre une austérité sans mesure administrant ses remèdes comme on fait boire la ciguë. La germanophobie, depuis la semaine dernière, est de retour. La bouc-émissairisation de Mme Merkel reprend de plus belle dans la presse grecque. Encore quelques semaines de ce régime et l’on en oubliera cette évidence que ce n’est pas elle, Mme Merkel, mais bien la gabegie, la corruption, la mauvaise gouvernance des élites grecques et aussi, hélas, des classes moyennes qui ont manqué ruiner la Grèce et qui, de fait, la ruineront si l’on n’engage pas, sans délai, les réformes de structure trop longtemps différées.”

On la voit bien la solidarité allemande… Quant aux “réformes de structure”, vous savez ce que j’en pense…

“L’euro peut éclater. Et l’Un de la monnaie unique peut, pour paraphraser une dialectique fameuse, se diviser très vite en Deux. C’est ce que je redoute depuis des années. C’est le scénario noir qui se réalise tôt ou tard quand l’instauration d’une monnaie n’est pas immédiatement suivie par l’harmonisation des politiques fiscales, douanières, monétaires des pays membres. Que la Grèce fasse défaut ou que, sans faire défaut, elle tire exagérément sur la corde de sa dette et exige des délais de remboursement et des baisses de taux vécus par les citoyens des pays voisins comme un insoutenable alourdissement de leur propre dette ou, ce qui revient au même, comme un injuste appauvrissement de leurs assurances-vie – et alors l’Union européenne se retrouvera dans la situation de ces deux unions monétaires ratées, l’Union scandinave (1873-1914) et l’Union latine (1865-1927), dont l’écroulement commença avec un défaut… de la Grèce !”

Ben fallait le dire clairement en 1992, au moins on aurait voté NON à Maastricht, et on n’en serait pas là… (mais ce n’est jamais de leur faute vous noterez… Ce n’est jamais eux qui ont proposé un truc dément, totalement irréaliste, mais la faute du peuple de gros beaufs qui n’a pas su saisir la chance historique que ces Lumières avaient mise entre leurs mains, snif)

L’alliance des rouges-bruns, ce spectre qui hante l’Europe depuis presque quarante ans. [...] Un autre encore, en Russie, où c’est un parti « national-bolchevique » fondé, dans la plus pure tradition des sections bifsteck allemandes – « rouges dedans, brunes dehors » – des années 1930, par l’écrivain Edouard Limonov qui est à l’origine de l’eurasisme de MM. Douguine et Poutine. Mais la voilà, cette alliance, qui paraît trouver ses lettres de noblesse définitives quand, à Athènes, patrie de la démocratie, le Mélenchon local scelle un accord de gouvernement avec un parti, l’Anel, aussi ouvertement populiste et raciste que le parti de Mme Le Pen. Avenir de cette collusion ? Conséquence, par exemple, en France où la patronne du Front national se réjouit de « la gifle démocratique monstrueuse que le peuple grec vient d’administrer à l’Union européenne » ? A suivre. A voir. Et, évidemment, à conjurer.”

Mais oui, mais oui, les extrémistes ne sont pas au pouvoir chez nous, ça se voit tous les jours…

Et c’est sûr qu’on peut compter sur BHL pour conjurer la démocratisation de l’UE… Tiens, et si on faisait un référendum sur l’accord d’association et de libre-échange avec l’Ukraine ?

Poutine, justement. On sait que le premier à avoir félicité Tsipras est l’ambassadeur de Russie. On sait aussi que Syriza a maintes fois affirmé sa solidarité culturelle et politique avec la Russie. Et l’on a entendu la déclaration du nouveau ministre de l’Energie, Panagiotis Lafazanis, clamant, à peine nommé, son opposition à « l’embargo (sic) imposé à la Russie ». Comment interpréter ces signes ? Faut-il en conclure que cette proximité avec la Russie pourrait se traduire, un jour, par une alliance alternative ? Et est-il imaginable que Vladimir Poutine ait, en la personne du Grec Tsipras, et après le Hongrois Orban, un second cheval de Troie dans la guerre de longue durée qu’il semble avoir engagée contre l’Union européenne et ses valeurs ?

On n’ose le croire. Mais il y a un moyen simple de le vérifier. Nous venons, avec George Soros, de lancer un appel invitant le Conseil européen à étendre exceptionnellement à l’Ukraine l’accès au fonds de soutien à la balance des paiements des Etats européens non membres de la zone euro. Cet élargissement de la règle supposant, non plus la majorité qualifiée, mais l’unanimité du Conseil, je suggère de poser la question sans détour à M. Tsipras : est-il, ou non, favorable à ce geste de soutien à l’Ukraine ? ou se fera-t-il, au moment du vote, l’expression d’un bellicisme jusqu’au-boutiste dont l’intention non déguisée est de mettre M. Porochenko à genoux et à la merci du maître du Kremlin ? Ce sera l’épreuve de vérité.

Ben voyons, je propose aussi qu’on double l’impôt sur le revenu pour tout donner aux Ukrainiens…

Mais quand “BHL/Soros” parle, la presse s’exécute toujours rapidement…

À suivre – pauvres de nous…

P.S. Entraide

Les temps étant troublés, nous avons besoin d’un peu d’aide…

Donc si vous pouvez :

écrivez-nous (2e formulaire Contact, et non pas Lien svp) – merci d’avance !

Source: http://www.les-crises.fr/billet-de-crise/


Revue de presse du 07/02/2015

Saturday 7 February 2015 at 04:45

Dans la revue cette semaine, de “légers” problèmes de démocratie (Suède, Europe, Grèce), l’évasion fiscale dans le collimateur, des alliés encombrants (USA, AS), le point économique sur les USA, le dernier épisode de la série “Au-delà d’internet”, et en bonus sous le thème Médiathèque, “La minute « comique » de la semaine pour se détendre !” proposée par l’un de nos fidèles contributeurs. Bonnes lecture et écoute.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-07-02-2015/


[Reprise] Chomsky et Kissinger sont d’accord : il faut éviter une tragédie historique en Ukraine

Saturday 7 February 2015 at 04:20

Intéressant papier de synthèse…

Généralement, il serait difficile de trouver plus polaire en matière de politique étrangère américaine, mais quand il s’agit de l’Ukraine, l’intellectuel contre la guerre et l’ancien Secrétaire d’État américain ont plus en commun que chacun pourrait l’admettre… .

Dans le New York Times de mardi il est noté que l’administration Obama envisage d’envoyer plus d’armes en Ukraine — pour une valeur de $ 3 milliards. Selon le Times : « le Secrétaire d’État John Kerry, qui a prévu de visiter Kiev jeudi [5 février], est ouvert à de nouvelles discussions sur une aide létale, comme le général Martin E. Dempsey, le Président de l’état-major interarmées, l’a indiqué  »

Ceci fait suite aux Defense News rapports qui note que ce printemps les Etats-Unis enverront des troupes pour former la garde nationale ukrainienne et commenceront l’expédition de véhicules blindés financée par les Etats-Unis. Le financement a été autorisé par le Congrès mondial sur les fonds de prévoyance de sécurité, qui avait été demandés par l’administration Obama dans le budget de l’année financière 2015 pour aider à former et équiper les forces armées des alliés dans le monde entier.

Pendant ce temps, des images de la télévision ukrainienne de janvier montrent le général américain Ben Hodges, commandant de l’armée américaine en Europe, distribuant des médailles aux soldats ukrainiens blessés.

La pente glissante de l’engagement américain dans ce qui se transforme en une guerre civile repose sur une grande partie sur la propagande des déclarations et la couverture inexacte d’entreprises médiatiques et cela rappelle que la plupart des guerres ont commencé pour de fausses raisons.

Les vues de Henry Kissinger et Noam Chomsky sur ce conflit sont assez similaires, bien qu’il soit difficile de trouver deux pôles plus opposés sur le sujet de la politique étrangère américaine. En effet, Chomsky a été uncritique de longue date de Kissinger sur les bombardements en Asie du sud-est et les différents coups d’État contre les dirigeants démocratiques qui ont eu lieu au cours de son mandat. Chomsky a déclaré que dans un monde juste, Kissinger certainement aurait pu être poursuivi pour ces actions. (Ceux-ci étaient des crimes de guerre que CODEPINK a récemment dénoncé devant la Commission des finances du Sénat.)

Pourtant quand il s’agit de l’Ukraine, Chomsky et Kissinger sont d’accord sur l’essentiel. Ils sont en désaccord avec l’administration Obama plus belliciste et le sénateur John McCain encore plus extrêmes — qui sont tous deux en train de faire monter le conflit à leur façon.

« Une situation menaçante »

Chomsky a décrit l’Ukraine comme une « crise [qui] est sérieuse et menaçante », notant en outre que certaines personnes comparent la situation à la crise des missiles cubains de 1962. À propos de la Russie et la Crimée, il rappelle aux lecteurs que « la Crimée est historiquement russe ; elle abrite l’unique port en eau chaude de la Russie,  l’accueil de flotte russe ; et a une importance stratégique énorme. »

Kissinger est d’accord. Dans une interview au Spiegel, publié en novembre, Kissinger a dit, « l’Ukraine a toujours eu une importance particulière pour la Russie. C’était une erreur de ne pas s’en rendre compte. »

Il continue :

La Crimée est un cas particulier. L’Ukraine faisait partie de la Russie pendant une longue période.Vous ne pouvez pas accepter le principe que n’importe quel pays peut juste changer les frontières et prendre une province d’un autre pays. Mais si l’Occident est honnête avec lui-même, il faut admettre qu’il y a des erreurs de jugement. L’annexion de la Crimée n’était pas une évolution vers une conquête globale. Ce n’était pas Hitler pénétrant en Tchécoslovaquie.

Quand Kissinger affirme que le cas de la Crimée ne saurait être apparenté à Hitler et à un désir de conquête globale par la Russie, il va au cœur des arguments avancés par ceux qui cherchent d’escalade. Quand on lui demande s’il croit que l’Occident a « au moins une sorte de responsabilité pour » l’escalade en Ukraine, Kissinger dit :

L’Europe et l’Amérique n’ont pas compris l’impact de ces événements, quand ils ont entamé les négociations sur les relations économiques de l’Ukraine avec l’Union européenne et qui a abouti à des manifestations à Kiev. En tenant compte des conséquence cela aurait dû faire l’objet d’un dialogue avec la Russie.

En d’autres termes, Kissinger accuse les Etats-Unis et l’Europe d’être à l’origine de l’actuelle catastrophe en Ukraine. Kissinger ne commence pas au point où il y a conflit militaire. Il reconnaît que les problèmes en Ukraine ont commencé avec l’Europe et les Etats-Unis qui cherchent à attirer l’Ukraine dans une alliance avec les puissances occidentales avec des promesses d’aide économique. Cela a conduit à des manifestations à Kiev. Et, comme nous l’a appris la sous-secrétaire d’État, Victoria Nuland, les U.S.A ont dépensé $ 5 milliards dans la construction d’opposition au gouvernement en Ukraine.

Dans une interview d’octobre sur la politique étrangère américaine avec l’Institut de Plymouth pour la recherche de la paix, interrogé sur l’Ukraine, Chomsky a écrit :

C’est un développement extrêmement dangereux, qui a débuté depuis que Washington a violé sa promesse verbale à Gorbatchev et a commencé à élargir l’OTAN vers l’est, vers les frontières de la Russie, et menaçant d’intégrer l’Ukraine, qui est d’une grande importance stratégique pour la Russie et bien sûr entretient des liens historiques et culturels. Il y a une analyse sensée de la situation dans la principale revue sur les affaires étrangères, par le spécialiste en relations internationales John Mearsheimer, intitulé « pourquoi la crise de l’Ukraine est de la faute de l’Occident. » L’autocratie russe est loin d’être irréprochable, mais nous sommes maintenant revenus aux commentaires précédents : nous sommes dangereusement proches de la catastrophe antérieure et nous en sommes à nouveau à jouer avec la catastrophe. Ce n’est pas que les solutions pacifiques possibles fassent défaut.

Kissinger aussi met en garde contre la situation dangereuse que représente l’Ukraine en décrivant le potentiel d’une nouvelle guerre froide et il exhorte les pays concernés à faire tout ce qu’ils peuvent pour éviter « une tragédie historique. » Idem dans le  Spiegel:

Ce risque existe clairement, et nous ne devons pas l’ignorer. Je pense qu’une reprise de la guerre froide serait une tragédie historique. Si un conflit est évitable, sur une base impliquant la moralité et la sécurité, on doit essayer de l’éviter.

Chomsky est d’accord que le conflit de l’Ukraine est à haut risque, mais il va plus loin. S’adressant à Russia Today (RT), il mentionne un risque de troisième guerre mondiale et la guerre nucléaire, disant : le monde a emprunté  « une voie dangereusement étroite à plusieurs reprises dans le passé. » Il a ensuite décrit la situation actuelle en Ukraine: « Et maintenant, en particulier dans la crise sur l’Ukraine et des systèmes de défense antimissile près des frontières de la Russie, c’est aussi une situation menaçante ».

Kissinger a également critiqué les sanctions économiques contre la Russie. Il les conteste en tant qu’elles ciblent des individus parce qu’il ne voit pas comment cela peut se terminer. En effet, la critique des sanctions s’applique également à l’implication militaire américaine en Ukraine. Kissinger Spiegel: « je pense qu’on devrait toujours, quand on commence quelque chose, penser ce que l’on veut atteindre et comment cela doit se terminer.«

La prise de contrôle virtuel du gouvernement ukrainien

Les États-Unis ont pris en charge le gouvernement et les postes clés en Ukraine avec les américains ou lesalliés des États-Unis. Nuland a été surprise dans une conversation téléphonique avec Geoffrey Pyatt, l’ambassadeur américain en Ukraine, en train de choisir le prochain chef de l’Ukraine. L’appel est plus célèbre pour son retentissant  — « Fuck the EU », mais dans l’appel, elle a également dit que le prochain chef de l’Ukraine devrait être l’ancien banquier Arseniy Yatseniuk, qu’elle appelle par un Pseudo « Yats. » En effet, il est depuis devenu premier ministre du gouvernement ukrainien après le coup d’état.

Le Président ukrainien Petro Poroshenko est identifié dans les documents du département d’Etat comme un informateur pour les États-Unis depuis 2006. Les documents décrivent comme « [o] vntre initié d’Ukraine (UO) Petro Poroshenko. » Le département d’Etat a également des rapports sur le fait que Poroshenko est « entaché d’accusations crédibles de corruption  ».

La plus récent haut fonctionnaire à rejoindre le gouvernement ukrainien est Natalia A. Jaresko, un fonctionnaire du département d’État depuis longtemps, qui est allé en Ukraine après la Révolution Orange parrainée par les Etats-Unis. Jaresko est devenue citoyen ukrainien naturalisée par le Président le même jour où il l’a nommé son ministre des finances. William Boardman rapports supplémentaires sur Jaresko :

Natalie Jaresko , une citoyenne américaine qui a réussi une implantation en Ukraine-, créée par l’U.S. hedge fund qui a été inculpée de délits d’initiés illégales . Elle a également réussi un fonds financé par la  CIA qui a soutenu le mouvement  « Pro-démocratie » et a recyclé une grande partie des $ 5 milliards que les  États-Unis ont consacré à soutenir les protestations de Maidan qui a mené au coup d’état de Kiev en février 2014. Jaresko est un grand fan de l’austérité pour les gens dans les pays troublés.

Ensuite, il y a également l’un des plus importants secteurs économiques en Ukraine : l’industrie de l’énergie.Après le coup d’Etat soutenu par les USA, – le fils du  vice-président Joe Biden , Hunter Biden un ami proche du Secrétaire d’État John Kerry, Devon Archer, le compagnon de chambre du beau-fils de la Secrétaire d’Etat, ont rejoint le Conseil d’administration du producteur de gaz ukrainien Burisma Holdings, producteur indépendant de gaz de l’Ukraine en volume. Archer a également servi comme conseiller de la campagne présidentielle de 2004 de Kerry et coprésidé son Comité des finances nationales. Il est aussi membre de la famille Heinz, qui gère l’entreprise familiale.

Cette prise de contrôle virtuel du gouvernement ukrainien est le contraire de ce que Kissinger aurait voulu . Il a écrit en mars dernier, « si l’Ukraine est en état de survivre et de prospérer, elle ne doit pas être un avant-poste de l’un contre l’autre — Elle devrait fonctionner comme un pont entre eux. » Malheureusement, il semble qu’il a été choisi par les États-Unis, de créer des conflits plutôt qu’un pont entre la Russie et les Etats-Unis

L’homme qui a participé à plusieurs coups contre des gouvernements démocratiquement élus, maintenant dit que les États-Unis ne peuvent pas imposer leurs vues sur les autres nations :

SPIEGEL : Dans votre livre, vous écrivez que cet ordre international « doit être entretenu, non imposé. » Qu’entendez-vous par là ?

Kissinger : Cela signifie que nous, les américains pouvons être un facteur important du fait de notre force et de nos valeurs. Vous devenez une superpuissance en étant fort, mais aussi en étant sage et en étant clairvoyant. Mais aucun État n’est assez fort ou assez sage pour à lui seul créer un ordre mondial .

Chomsky a souvent décrit comment les superpuissances cherchent à organiser le monde selon leurs intérêts par l’intermédiaire de la puissance militaire et économique. Tout au long de sa carrière, il a été un défenseur de l’autodétermination nationale, en refusant la   domination des super-pouvoirs.

Bien que Kissinger et Chomsky pourraient être mutuellement offensés d’être associés dans leurs vues politiques réciproques, le fait que les États-Unis se précipitent tête baissée dans un conflit militaire entre le gouvernement né de coup d’Etat à Kiev et les gouvernements de l’Ukraine orientale qui cherchent leur propre autodétermination, il faut noter que les deux sont d’accord sur le fait  que cette ruée vers la guerre est une erreur et une erreur qui contient des potentialités  historiques.

Kevin Zeese est co-directeur du Résistance populaire et actif avec le groupe anti-guerre, Come Home Amérique .

Source : Danielle Bleitrach, pour Histoire et Société, traduit de l’anglais depuis la version originale de Kevin Zeese, pour Mint Press News.

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-chomsky-et-kissinger-sont-daccord-il-faut-eviter-une-tragedie-historique-en-ukraine/


[Reprise] Le désert des valeurs fait sortir les couteaux, par Régis Debray

Saturday 7 February 2015 at 04:00

Très tôt Régis Debray aura alerté contre l’oubli des et leurs républicaines.

Alors qu’il publie aujourd’hui “Un candide à sa fenêtre”, l’intellectuel s’exprime sur l’unanimisme de l’après- attentat, l’état préoccupant de notre pays ou encore l’attrait inédit du djihadisme.

Propos recueillis par Aude Lancelin

Régis Debray

L’Obs La mobilisation nationale consécutive aux assassinats perpétrés à « Charlie Hebdo » et à la porte de Vincennes pourrait-elle montrer plus de ressources républicaines et de capacités de sursaut qu’on n’en attribuait ces derniers temps à la France ?

Régis Debray Oui, à l’heure où nous parlons, c’est un formidable encouragement. « Quelque chose meurt en nous quand un ami s’en va. » Non. Quand des amis comme ceux-là s’en vont, morts au champ d’honneur, quelque chose de profond se réveille en nous tous. Challenge and response, défi et renouveau. Cela vaut pour les civilisations, comme pour les pays et les individus. Et cela vaut bien de passer sur la récupération bizarre, voire obscène, de joyeux francs-tireurs par tous leurs ennemis réunis, au dedans comme au dehors. Paris vaut bien une comédie unanimiste. La République vaut bien un quiproquo. On devrait pouvoir repartir. Imaginez des politiques à la hauteur ! On peut rêver.

Depuis plus de vingt ans, on le voit à nouveau dans ce livre « Un candide à sa fenêtre », votre réflexion porte sur le délitement de l’idée de France, sur l’espèce de déliquescence qui affecte le grand récit national, et l’antipathie sourde que ce dernier inspire même à beaucoup d’entre nous. Chez vous pourtant, cela ne débouche jamais, contrairement à tant d’autres aujourd’hui en France, sur un déclinisme sinistre. Qu’est-ce qui vous permet de garder espoir en ce pays ?

D’abord, le noble instinct de conservation. Et puis la langue, et l’humour – parce qu’au fond, le français, ma vraie patrie, c’est beaucoup plus grand que l’Hexagone. Il y a là une vitalité, une veine d’impertinence, une résilience qui ne renonce pas, en France, en Algérie, au Québec, au Liban. On est bien forcé pourtant d’observer chez nous un appauvrissement du vocabulaire, un tarissement du poétique, un « casse-toi pauv con » généralisé. Mais il y a de la ressource.

Quand vous lisez Kamel Daoud par exemple /-« Meursault, contre-enquête », NDLR], vous vous dites : ah, il y a encore une mise des mots sous tension, une intensité d’écriture. Bien sûr, minoritaire. Mais, ça l’a toujours été. Malraux disait que la secte littéraire, c’était 10 000 personnes. Au-delà, c’est un malentendu. Ou un opportunisme. Espoir d’ordre culturel, donc. D’ordre politique ? Je crains que de ce côté, on ne soit à la fin d’un cycle, celui qui est né aux alentours de 1789 et qui liait la lutte pour le pouvoir à une confrontation d’idées. La première a sans doute 50 000 ans, en tout cas 3 000 ans attestés. C’est une lutte d’intérêts, de factions, de clans. Mais la Révolution a inventé autre chose en France qui arrimait l’éternelle bagarre pour les places à une idée de l’homme et de l’avenir, à un universel. On a souvent l’impression qu’on en est revenu là-dessus au statu quo ante, « ôte-toi de là que je m’y mette ».

Quel genre d’événement pourrait permettre de mettre en branle les nouvelles élaborations politiques nécessaires pour redonner une véritable vie à la République en France ?

L’attentat du 7 janvier jouera-t-il le rôle d’un tel événement ? Ou bien faudra-t-il une guerre pour de vrai ? Ou l’arrivée d’une troïka du FMI pour prendre les commandes, comme à Athènes ? Il faudra frôler un précipice en tout cas. Je n’ignore pas que chaque siècle a son petit poème de deuil sur la décadence. La longue-vue historique relativise ces lamentations. Quand l’imprimerie est apparue, les moines copistes ont dit que tout était foutu. On voit aujourd’hui la même chose avec le virtuel. C’est une idiotie bien sûr, on peut reconstituer une culture en milieu numérique. Je lisais récemment l’« Histoire de la littérature française » de Thibaudet, livre admirable. Il fait terminer notre littérature dans les années 1920, estimant que les années 1930, celles où il écrit, sont un désert.

Bon. Nous sommes tout de même réellement sur le recul. La France a tenu l’avant-scène deux ou trois siècles. C’est normal qu’elle laisse à d’autres la place. Mon ami Daniel Cordier dit que la France est morte en 1940. La France en tant que pays maître et grande puissance, on peut le penser. Il y a tout de même eu un « été indien » avec de Gaulle, mais la messe était peut-être dite. Au fond, on peut survivre à ça. On peut même vivre plus heureux. Etre un acteur de l’histoire, c’est très emmerdant, ça coûte des vies humaines, de l’argent, beaucoup d’inconvénients domestiques. En Suisse, le principe de précaution joue à plein.

Cette situation ne concerne pas seulement la France. Vous avez ainsi récemment publié « l’Erreur de calcul » (Editions Le Poing sur la Table), un très beau texte, très fort, terrible en même temps. Vous y dénoncez notamment l’expansionnisme de la vision économique du monde, et les ravages qu’elle opère. D’une certaine façon, c’est la planète entière qui est mise en joue par le néolibéralisme et la soumission de nos élites à ses exigences… En Occident, en tout cas. Le remplacement des lettres par les nombres et l’idée qu’à toute expression doit correspondre une valeur chiffrée, que ce soit en taux, en score, en performance ou en part de marché, c’est quelque chose de sidérant. Est-ce l’illusion économique qui a stérilisé la politique ? Ou la politique est-elle tellement stérile qu’il ne nous reste plus que z l’économique ? En tout cas, il y a un cercle vicieux qui fait que nos dirigeants sont devenus des comptables. On m’a fait une adolescence politique, on me fait une vieillesse économique. Ça me fait rire, et un peu pleurer aussi. C’est un changement radical de référence.

Vue aérienne de la marche républicaine du dimanche 11 janvier, à la place de la République

Vue aérienne de la marche républicaine du dimanche 11 janvier, à la place de la République

Pour être Premier ministre, il faut avoir été dircom [Manuel Valls fut directeur de la communication de Lionel Jospin]. Au fond, on se demande si une personnalité originale peut encore surgir dans le forum ou la foire actuelle. Les contraintes et les contrôles (sondages, communicants, marchés, Bruxelles, etc.) sont tels que seul le médiocre, le falot ou le docile peuvent s’y tailler une place.

Aujourd’hui, la gauche radicale française est au tapis, alors qu’on assiste, dans d’autres pays européens, à l’émergence de nouvelles formations (Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, etc.). Comment l’expliquer ? Est-ce que, comme vous le suggériez tout à l’heure, on n’est finalement pas encore tombés assez bas économiquement, ou bien est-ce que nous ne sommes pas ce peuple insurgé que l’on a longtemps prétendu être et que l’on a surjoué à certaines époques ? Qu’est-ce qui explique qu’aujourd’hui le Front national soit la force politique montante, et pas une formation du type Syriza ?

C’est la question clé politiquement. J’ai voté Mélenchon – j’allais dire « comme tout le monde » -, même si je suis souvent en désaccord avec ce qu’il dit (notamment vis-à-vis du religieux, domaine où il n’a rien compris). Le cours des choses est allé de droite à gauche pendant les deux derniers siècles. Aujourd’hui on dirait que la génération qui vient sera plus à droite que celle de ses aînés. Voyez l’évolution du PS. Le programme du Conseil national de la Résistance serait taxé par lui aujourd’hui d’extrême gauche. Cela peut s’expliquer par la remontée des archaïsmes identitaires propre à l’ultramodernité. Et puis il y a la bombe diasporique, à la suite des migrations inéluctables qui vont dominer le siècle, et provoquer des réactions immunitaires un peu partout.

Plus les gens se côtoient, moins ils s’aiment. Il en va de même des cultures. Il y a aussi le fait que le Parti socialiste n’est plus regardable ni audible. Mais honnêtement, je ne peux pas répondre à votre question. Chez les Anglo-Saxons, ou les Bavarois, on peut comprendre. Mais chez nous, pas de Syriza ou de Podemos ? On est latins, tout de même !

Est-ce que ce ne serait pas aussi le fait que la France a opéré pendant des années une chasse aux marxistes très dure, à la mesure peut-être de la longueur de l’épisode gauchiste qu’elle avait vécu antérieurement ? Pendant vingt à trente ans, toutes ces idées-là ont été totalement ostracisées.

Nos connards d’antimarxistes professionnels, excusez-moi, ont ouvert la porte au pire. On a eu deux catastrophes silencieuses depuis trente ans : l’effacement du Parti communiste et celui de l’Eglise catholique – c’est la même chose d’ailleurs. Parce que c’était tout de même deux encadrements qui permettaient l’intégration des marges et des immigrés et dont la seule présence donnait un peu de pudeur à la loi du fric et aux bourgeois déculturés. Le prêtre-ouvrier façon Jean-Claude Barreau et le militant syndicaliste.

Le Français Maxime Hauchard (à droite) a été reconnu, le 17 novembre 2014, parmi les membres du groupe Etat islamique qui ont assassiné des prisonniers syriens.

Le Français Maxime Hauchard (à droite) a été reconnu, le 17 novembre 2014, parmi les membres du groupe Etat islamique qui ont assassiné des prisonniers syriens.

L’immense travail qu’a fait la mouvance communiste (associations de jeunesse, », centres culturels, presse militante, « Vaillant » avec Pif le chien, TNP, etc.) a permis l’extension du domaine de la République vers des couches sociales qui lui étaient étrangères. Quand vous étiez paumé en banlieue en 1950, vous vous disiez : bon, je vais voter communiste, dans vingt ans on sera au pouvoir. Aujourd’hui, qu’est-ce que vous pouvez vous dire ? Chacun pour soi, comme dans un naufrage. Avec son business, ou avec son petit réseau de cinglés. Ou les deux ensemble.

L’engagement pour la Syrie ou l’Irak tient lieu de nouvelle échappatoire pour certains. Dans un des textes de ce recueil, vous comparez au passage audacieusement la situation des jeunes djihadistes qui s’embarquent aujourd’hui pour ces destinations sanglantes à celle du jeune révolutionnaire que vous fûtes.

On allait vers l’homme, tandis qu’eux vont au ciel. On allait vers l’avenir, eux vont vers le passé. Pulsion de vie contre pulsion de mort. On régresse. Le lumpen à l’abandon caricature et inverse l’engagement révolutionnaire d’hier. Pourquoi ? Les âmes bien nées ont toujours eu besoin d’une « cause » et de risquer leur vie pour elle. Or il n’y a plus d’offre nationale de ce côté-là (mourir pour un point de croissance, c’est un peu mince) et l’Europe à la Jean Monnet, comme mythe de convocation, a fait pschitt. Restent les appels de l’exotisme. Ajoutez l’attrait de la guerre et des armes, l’ennui du train-train, et la recherche de l’absolu. Plus une vision du monde qui divise l’humanité entre ceux qui ne sont rien, les incroyants qu’on peut tuer à loisir et les élus. Le contraire de la fraternité. Nous n’étions pas des évangéliques, mais nous avions beau être qualifiés de « terroristes », un attrape-tout qui a beaucoup servi, le fait de prendre des civils en otage ou d’abattre des prisonniers, c’était impensable.

L’agitation autour de l’islam ne cesse de monter en France. Outre les événements tragiques survenus à « Charlie Hebdo », le nouveau roman de Michel Houellebecq traite précisément de ces questions sur un mode polémique. Est-ce que vous pouvez comprendre le fait que certains voient dans cette religion un facteur de déstabilisation majeur pour les pays européens ? Ou est-ce qu’il y a là pour vous une panique excessive qui finit du reste par devenir autoréalisatrice ?

Evitons surtout la paranoïa. Il y a un problème sérieux lié non à l’immigration en soi, mais au fait que beaucoup d’enfants d’immigrés ne se sentent plus français et n’ont pas envie de le devenir. Aux Etats-Unis, les arrivants arborent le drapeau américain. Pourquoi ? Parce que les politiques y ont un petit drapeau étoilé sur le revers du veston, parce que, lorsque vous arrivez dans un aéroport, vous avez un stars and stripes de 10 mètres sur 20.

Nous, nous avons une classe dirigeante qui a honte de sa langue et de son lieu de naissance : c’est ringard, franchouillard, moisi. Comment voulez-vous que les immigrés se sentent un attrait pour ce qui rebute nos gens du bon ton ?

Le vrai problème, ce n’est pas la présence musulmane, du reste aussi éclatée et diverse que le monde chrétien de souche. C’est notre incapacité à nous faire aimer des nouveaux venus. C’est plus un problème franco-français qu’un problème franco-musulman. Pourquoi rien à la place du service militaire ? Pourquoi n’a-t-on pas ritualisé la naturalisation comme le font les Etats-Unis, pourquoi « la Marseillaise » à l’école est-elle jugée pétainiste ?

Leur religion biblico-patriotique rend les Américains confiants dans leur destin, parfois même un peu trop. Nous avions un équivalent dans le culte laïque de la patrie ou du savoir ou du progrès. Les fondements symboliques sont aux abonnés absents. C’est la fierté qu’il faut désormais récupérer.

Pourquoi est-ce que nous n’arrivons plus en France à mobiliser notre passé prestigieux et nos mythologies autrement que sur un mode muséal ?

Les pays comme la Chine ou l’Inde entretiennent leur mytho-histoire. Chez nous, le mythe, Barthes aidant, passe pour un affreux mensonge. La Maison de l’histoire de France était mal partie, avec Sarkozy en initiateur, on avait envie de fuir. Mais cette affaire était révélatrice, comme je le dis dans mon « Candide ». Qu’est-ce qu’une nation ? C’est une fiction qu’on accepte parce qu’elle nous augmente. L’histoire s’en allant, ne nous restent que clod mémoires, parcellaires et antagonistes. On est passé de la molécule aux atomes. Ça se paie.

Vous décrivez trois stades d’illusion dans « l’Erreur de calcul ». Après le temps de l’illusion religieuse, celui de l’illusion politique, et aujourd’hui l’illusion économique dans laquelle l’Occident vit. Cette civilisation-là, à vous lire, n’est pas promise à un grand avenir. Elle présente des contradictions extrêmement violentes, ne serait-ce que le fait de ne pas donner aux gens de véritables raisons de vivre. Alors c’est sûr, nous n’échapperons pas au retour de l’illusion religieuse ?

Ce serait malheureux, parce que la religion sans culture religieuse, c’est toujours meurtrier. Dommage que les autorités n’aient pas donné suite à ma proposition d’il y a dix ans : l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque. On s’était fait une idée un peu bébête du progrès, du genre : « une école qui s’ouvre, c’est un sanctuaire qui ferme ». J’ai découvert il y a quarante ans, en me baladant dans le monde arabe, que les fondamentalistes à l’université prospéraient dans les facs de sciences et de techniques, et non de lettres.

Partout, en Inde, comme en Israël, comme en Amérique. La modernisation techno-économique déclenche une régression politico-culturelle. Comme le nuage porte la pluie, la fin de la politique comme religion (ce qu’elle fut en France depuis 1789) entraîne le retour des religions comme politique. Le tout-économie, dont le tout-à-l ‘ego est un effet parmi d’autres, accélère ce mouvement de balancier jusqu’à la folie. Il y a une sorte de cercle vicieux entre le désert des valeurs et la sortie des couteaux. Entre la dévaluation de l’Etat et le retour au tribal, le repli sur les périmètres de sécurité primaires : le clan, la famille, le terroir, la reféodalisation du paysage.

Au fond, le grand résultat de l’Europe de Bruxelles, ça aura été le retour de l’Europe moderne au XVe siècle : les villes-Etats, les principautés ou régions, les féodalités financières et les communautés de croyance. Mafias et sectes. Si les choses continuent ainsi, ce n’est plus la citoyenneté qui va nous unir, mais la généalogie (papa et maman, la terre et les morts), ou une appartenance religieuse ou les deux. Ce serait la fin d’une période ouverte par la Révolution française, et ceux qui se sont réjouis de cette fin ont en réalité ouvert un avant-1789. Ce sont ces pseudo-modernisateurs de la gauche qu’il faudrait maintenant oublier.

Régis Debray

Source : L’OBS, N°2619, le 14/01/2015

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Je vous propose aussi ce beau débat sur Mediapart après les attentats (merci à Arthur78 !), avec Jocelyne Dakhlia, historienne et anthropologue, directrice d’études à l’EHESS, spécialiste de l’histoire du monde musulman et de la Méditerranée ; Régis Debray, écrivain, philosophe ; Edgar Morin, sociologue et philosophe ; Benjamin Stora, historien, spécialiste de l’histoire du Maghreb contemporain, dirige le Musée de l’histoire de l’immigration. :

La République, l’islam et la laïcité (partie 1) : premières leçons des attentats

La République, l’islam et la laïcité (partie 2) : rééduquer les éducateurs

La République, l’islam et la laïcité (partie 3) : Modernité et archaïsmes

Source: http://www.les-crises.fr/regis-debray-le-desert-des-valeurs-fait-sortir-les-couteaux/


Nouveau dérapage antisémite de Dieudonné ?, par Didier Porte

Saturday 7 February 2015 at 02:22

Du grand Didier Porte :

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Rappel en effet de la cerise sur le gâteux avec Philippe Tesson de janvier 2015 :

«D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité, sinon des musulmans ? On le dit, ça ? Eh bien moi, je le dis ! Je rêve ou quoi ? C’est ça notre problème actuellement, c’est les musulmans qui mettent en cause la laïcité ! C’est les musulmans qui amènent la merde en France aujourd’hui !»

Pour ceux qui n’ont pas connu René Coty, je précise que Philippe Tesson est un journaliste, ancien rédacteur en chef du journal Combat de 1960 à 1974 puis du Quotidien de Paris qu’il fonda.

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Qui rappelait le dérapage de janvier 2014 sur Dieudonné :

«Il n’y a pas de pitié pour ça. Ce type, sa mort par exécution par un peloton de soldats me réjouirait profondément. Je peux aller jusque-là», dit-il, avant d’ajouter : «Pour moi, c’est une bête immonde, donc on le supprime et c’est tout». «Je signe et je persiste» ajoute-t-il quelques secondes plus tard, voyant que ses interlocuteurs n’admettent pas de tels propos. «N’allons pas jusque-là parce que nous sommes contre la peine de mort» lance alors un invité. «Ah ben voilà, le coupe Tesson, il y a toujours quelque chose qui nous empêche d’aller jusqu’au bout».

Qu’avait fait la radio ?

Le podcast de l’émission entière a rapidement été supprimé sur le site de Radio Classique, comme vous pouvez le voir ci-dessous. Joint par le Figaro, le service de communication de Radio Classique s’est justifié : «Si nous n’avons pas mis le podcast en ligne, c’est que la radio ne souhaitait pas donner de l’écho à ces propos qui ont pu être mal interprétés».

Mais finalement, ce n’est pas grave, il suffit de le réinviter :

Il aura fallu attendre ce mercredi 15 janvier pour que le célèbre journaliste de 84 ans modère ses propos sur Europe 1, évoquant une «formule de style».

Source : Le Parisien

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Et en 2015, après ce “dérapage”,  on l’exclut des médias ?

Ben non, on le réinvite… Sur France Inter là, où il admet un “dérapage” (rooo) mais bon, ne change pas grand chose au fond :

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Je termine donc par l’excellent éditorial de Daniel Schneidermann :

Tesson : la solution du chiffon

Par Daniel Schneidermann le 22/01/2015 – 09h15 – le neuf-quinze

Tous les cerveaux malades ne sont pas condamnés à l’indignité médiatique. Après sa tirade islamophobe sur Europe 1, et alors que le parquet vient d’ouvrir une enquête, le chroniqueur octogénaire Philippe Tesson est l’invité de Léa Salamé, sur France Inter. Il est tancé fermement, sermonné, rappelé à l’ordre. “Qu’est ce qui vous a pris ? Vous avez dit que les musulmans foutent la merde en France !” Ah non. Attention. Ne pas déformer. Ne pas trahir sa pensée. “Je n’ai pas dit qu’ils foutent la merde, j’ai dit qu’ils amènent la merde”. Et vous le maintenez ? Tesson sort les rames, pour une opération traduction, à destination des chastes oreilles des auditeurs de France Inter : “s’il y a des désordres aujourd’hui en France, il y a quand même davantage de musulmans que de chrétiens qui amènent ces problèmes, non ?” En effet. Ca change tout.

Pour sa défense, Tesson explique que les temps ont changé. Au siècle dernier, période bénie, avant que les serres du politiquement correct s’abattent sur la délicieuse liberté française, on pouvait parler clair, dru, joyeux, exprimer sa pensée telle qu’elle jaillissait de nos cerveaux vigoureux, dire tout haut ce qu’on pensait tout bas. Aujourd’hui, hélas…

“Qu’est-ce qui vous a pris ?” Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, Tesson fait partie de la famille. On ne va tout de même pas encabaner papy, aujourd’hui, à son âge. La saillie islamophobe est certes inacceptable, mérite rappel à l’ordre, réprimande, tape sur les doigts, tout ce qu’on voudra, mais tout de même moins que l’apologie des frères Kouachi sous l’emprise de l’alcool. “Une boulette”, dit Joffrin, pour excuser Tesson.

Ces circonstances atténuantes ne sont donc applicables qu’aux éditorialistes multicartes, honorablement connus du milieu. Pas la moindre indulgence, en revanche, pour la collection de semi-débiles, sur qui pleuvent les condamnations à de la prison ferme, depuis deux semaines. “Ils ont tué charlie, moi j’ai bien rigolé. Si je n’avais pas de père ni de mère, j’irais m’entrainer en Syrie”, par un déficient mental, bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé, à Bourgoin-Jallieu (Isère) : six mois ferme. A Paris : “quand je vois des bombes qui explosent et des policiers qui crèvent, je rigole”. Peu importe s’il s’autoproclame fils de Ben Laden, avec lourds antécédents psychiatriques : trois mois ferme. Sur Facebook : “on a bien tapé, mettez la djellabah, on ne vas pas se rendre, il y a d’autres frères à Marseille” : trois mois ferme. Etc etc. Et aucune invitation de repêchage à France Inter.

Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : ceci n’est pas un appel à l’incarcération de Philippe Tesson. J’aurais trop peur qu’il se radicalise en prison. Mais le code pénal, dans sa grande sagesse, a prévu des peines de substitution, que les tribunaux ont d’ailleurs parfois (mais trop peu) appliquées ces derniers jours. Vive l’éducation ! Il n’est jamais trop tard pour les solutions éducatives ! De même que les semi-débiles à la kalachnikov en carton pâte pourraient, avec profit, effectuer quelques menus travaux au bénéfice d’associations de victimes du terrorisme, de même on pourrait envoyer le semi-débile Tesson, avec son seau et son chiffon, nettoyer les tags islamophobes, qui se multiplient sur les mosquées. Et tout serait pardonné.

Source: http://www.les-crises.fr/nouveau-derapage-antisemite-de-dieudonne-par-didier-porte/