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Quelque chose va se passer, par Jacques Attali

Wednesday 15 October 2014 at 04:00

OUI, je reprends de nouveau un texte de Jacques Attali. Merci de ne pas lire si ça ne vous intéresse pas, et de ne pas écrire comme d’habitude que j’ai tort de le faire – on a compris merci.

NON, je ne partage pas toute la vision de Jacques Attali, en particulier à la fin sur l’Europe – pardon, l’Organisation du Traité de Lisbonne. MAIS je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas se féliciter de certaines diagnostics lucides – bien plus que celles de François Dernier et ses “la crise y’en a presque être finie”.

Faire bouger les choses, sensibiliser l’opinion est très complexe dans la chape médiatique du mainstream. alors quand un membre s’aventure – même un temps seulement – je pense qu’il faut le signaler, et non pas hurler dessus encore pire qu’un ministre PS néolibéral…

Pour chaque vision, pour chaque action, chaque soutien compte. Après, on peut aussi attendre le type parfait au pouvoir, mais on va attendre longtemps, et il risque même de ne plus y avoir de pouvoir du tout avant qu’il arrive…

Après, cela ne nous empêche pas d’exercer notre regard critique – et on ne s’en privera pas…

Il faut vraiment se voiler la face, comme le font trop de dirigeants politiques, pour ne pas voir que quelque chose de majeur va se passer en Europe, dans les mois qui viennent : l’une ou l’autre des multiples épées de Damoclès suspendues au ciel de l’Histoire tombera sur nos têtes :

Les divers mouvements terroristes qui agissent au Moyen-Orient et y forment des émules, pourraient déclencher sur notre continent les attentats dont ils nous menacent.

L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest pourrait prendre des proportions majeures et finir par atteindre significativement l’Europe, entraînant un ralentissement significatif des échanges de toute nature.

La situation politique et financière de la Chine, de plus en plus instable, pourrait y entraîner une crise économique majeure, aux conséquences considérables sur l’économie mondiale et en particulier sur l’Europe.

La formidable fuite en avant des Etats-Unis par l’endettement et la planche à billets, pour ne réaliser qu’une maigre croissance, pourrait ne pas réussir à sauver un système financier totalement déséquilibré, avec, là aussi, des conséquences vertigineuses sur l’Europe.

Plus directement, la situation globale de l’Europe, qui s’enfonce dans la déflation, rend probable une faillite d’un des Etats européens, et non des moindres, devenu incapable de rembourser sa dette. Et la colère des Allemands, devant la dérive des autres, pourrait conduire ce pays à sortir, le premier, de la zone euro.

Par ailleurs, la décision attendue de la cour européenne de justice, sur les mécanismes audacieux de solidarité monétaire créés par Mario Draghi, provoquerait, si elle les déclarait contraires aux traités européens, la démission du président de la BCE et un effondrement de l’euro.

Plus spécifiquement, la France, dont le déficit budgétaire est désormais hors de contrôle et où les réformes tardent à venir, pourrait se trouver attaquée par les marchés et devenir à son tour insolvable.

L’une au moins de ces menaces a de fortes chances de se matérialiser dans les dix-huit prochains mois. Chacun le devine et s’y prépare, à sa façon. En particulier en France. Et pour cela, deux attitudes sont possibles :

La première, la plus fréquente, la plus probable, est dictée par la peur des autres ; elle conduit à la fermeture des frontières, au repli sur soi, au refus du nouveau et des autres, dans l’illusion d’échapper ainsi au chaos du monde. Elle conduira à un autre choc, en donnant le pouvoir en France, au Front National, dans une ou deux régions, lors des prochaines élections de juin prochain ; et comme ils n’amélioreront en rien la vie des nordistes ou des provençaux, ils expliqueront qu’ils ne peuvent rien sauf à gouverner la France toute entière, hypothèse chaque jour davantage probable. Pour le plus grand malheur du pays, car toutes les dérisoires digues qu’un gouvernement de la peur mettrait en place seraient vite balayées par le tsunami qui vient.

La deuxième attitude est celle qui consiste à anticiper sur tous ces risques, à comprendre que la peur est mauvaise conseillère, que le repli sur soi ne sera pas une réponse, que le refus des autres est suicidaire, que la richesse future de la France dépend de la maîtrise de sa dette, de la promotion de l’innovation et de la formation, de l’intégration réussie de ceux qui ont voulu la rejoindre ; qu’on peut, qu’on doit, d’urgence, organiser l’Europe de façon à lui donner les moyens de résister à ces crises, en la laissant prendre les moyens d’investir, en faisant baisser l’euro et en organisant un contrôle commun efficace de ses frontières.

Ne pas avoir peur de ses ennemis, tel est le véritable secret de l’avenir. Tel est le secret des peuples heureux.

Source : L’Express, 13/10/2014

Source: http://www.les-crises.fr/quelque-chose-va-se-passer-par-jacques-attali/


[Lucidité] La pièce de Bernard-Henri Lévy s’arrête brutalement

Wednesday 15 October 2014 at 02:00

Un nouveau flop retentissant pour BHL qui s’ajoute à une longue liste… Citons au hasard :

  • son film Le Jour et la Nuit en 1997, qui n’enregistra que 73 147 entrées en France dont 28 000 à Paris. L’œuvre avait pourtant bénéficié de 3,5 millions de francs de la Commission des avances sur recettes, organisme dont BHL était alors le président… Les Cahiers du cinéma ont qualifié Le Jour et la Nuit de « plus mauvais film français depuis 1945 », et Libération “Je suis allé à la séance de 18 h, deux heures plus tard, j’ai regardé ma montre : il était 18 h 20.” BHL déclara à l’époque “tous ceux qui nous huent sont des analphabètes ou des salauds !” et encore en 2010 : “Je le trouve absolument réussi. J’ai revu le film, et je ne vois pas où est le problème. Je le tournerais aujourd’hui, je ne changerais rien”. Du pur BHL.
  • son film Le Serment de Tobrouk en 2012. Dans Les Inrockuptibles, Serge Kaganski décrit le film comme un « documentaire de propagande empreint d’autoglorification ». Il ajoute : « À vrai dire, Le Serment de Tobrouk n’est pas tant un film sur la Libye ou sur la grandeur des révolutions qu’un autoportrait de l’auteur en Superman sauvant le peuple libyen, la démocratie et le monde libre. Bilan faramineux : après une semaine on ne comptait que 1 475 entrées sur un réseau de 15 salles en France, soit une moyenne de 98 entrées par écran…

J’avais été sidéré par la couverture médiatique autour de cette pièce sans grand intérêt, je me rappelle même un JT de 13h00 où on a parlé de la pièce à 2 moments différents !

FranceTvinfo écrivait pourtant : “Avec “Hôtel Europe”, BHL signe une pièce catastrophiste et sans relief ; On ressort de ce salmigondis en forme de soliloque doublement exaspéré : d’abord que BHL, à travers son grand barnum médiatique, nous ait roulés dans la farine en nous laissant croire à une vraie réflexion. Mais il y a pour nous encore plus désagréable : dans ce si joli théâtre de l’Atelier, sur cette exquise « piazzetta » comme il en est tant dans notre belle Europe, il est des amoureux des grands textes qui vont dépenser presque quarante euros en espérant partager quelques moments d’intelligence. Les décevoir, et même les consterner ainsi, ce n’est pas bien.”

Même la courageuse journaliste au Monde Fabienne Darge posait la bonne question, et écrivait en septembre :  ”Toutes les tribunes sont bonnes pour Bernard-Henri Lévy (membre du conseil de surveillance du Monde). Après une première tentative peu concluante en 1992 (la pièce s’appelait Le Jugement dernier, elle avait été mise en scène par Jean-Louis Martinelli), le voilà qui revient au théâtre avec cet Hôtel Europe dont on est sortie rêveuse, jeudi 11 septembre, à l’issue de la première, où le roi BHL avait réuni l’ensemble de sa cour, Arielle Dombasle en tête. Rêveuse, oui, se demandant comment la surface médiatique de certains personnages de notre petite comédie intellectuelle française peut être à ce point inversement proportionnelle à leur talent. [...] La pauvreté de l’écriture, son absence totale d epouvoir performatif, son simplisme dénonciateur ne laissent aucune chance au théâtre d’advenir. [...] ?Ne parlons pas de la mise en scène indigente. [...] Dans son genre, c’est une performance : le one-man-Bosnie-show. Qu’il nous soit permis de trouver cela obscène, en plus d’être boursouflé.”

Enfin, on saluera la profonde communion entre nos dirigeants et le gout des Français… Mais bon, n’ayez crainte, il reviendra, avec la même couverture médiatique…

Dernier point, peu connu et qui explique plein “d’amitiés” : ne vous inquiétez pas trop pour lui, il a une fortune héritée d’au moins 150 millions d’euros (BHL, une publicité vivante contre l’héritage). Source : RichesEtCelebres

 

Initialement prévue à l’affiche jusqu’au début du mois de janvier, “Hôtel Europe”, la pièce de Bernard-Henri Lévy s’arrêtera plus tôt que prévu, faute de public.

La pièce de Bernard-Henri Lévy ne passera pas l’hiver. Nicolas Sarkozy, François Hollande et Manuel Valls s’étaient pressés pour assister à sa représentation mais cela n’a pas suffit.

Bernard-Henri Lévy avait multiplié les apparitions télévisées mais ce battage médiatique n’a pas permis de remplir le Théâtre de l’Atelier et ses 563 places.

Contacté par les Inrocks, le Théâtre nous informe que la représentation de la pièce s’arrêtera brutalement le 16 novembre au lieu du 3 janvier, comme c’était initialement prévu.

“La pièce s’arrêtera plus tôt que prévu, confie-t-on à l’accueil du théâtre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est très calme au niveau des réservations”.

Jacques Weber a perdu 30 kilos pour rien

La pièce racontait avec le lyrisme et la modestie que l’on connaît au philosophe et écrivain, l’histoire d’un homme qu’on devine être BHL, enfermé dans une chambre de l’Hôtel Europe, à Sarajevo.

Son sort est digne de Jack Bauer dans 24h chrono. Il a très précisément deux heures pour rédiger un discours solennel sur l’Europe et son futur.“Mais, au moment de prendre la plume, il se perd et se retrouve aux prises avec les contradictions de sa mémoire et de ce continent à la dérive”,précise le théâtre de l’atelier dans son synopsis.

Au moment de la première de la pièce, Jacques Weber avait confié au Figaro qu’il “avait perdu 30 kilos” pour interpréter ce rôle. Ce régime de spartiate n’aura donc servi à rien. BHL ne fait plus recette.

Source : Les Inrocks

En bonus – avec une pensée pour le grand Pierre (c’est vrai que les meilleurs partent les premiers, la preuve) :

Edit : finalement, je reprends toute la critique de FranceTvinfo, c’est trop drôle :

Avec “Hôtel Europe”, BHL signe une pièce catastrophiste et sans relief

Un homme dans une chambre d’hôtel le 27 juin 2014 à Sarajevo. Il est écrivain, vient prononcer un discours sur l’état de l’Europe cent ans après la première guerre mondiale. Il n’a pas le premier mot de son texte. L’Europe va mal et lui-même ne se sent pas très bien.

Jacques Weber sur scène est le porte-voix de BHL. La pensée de BHL, les combats de BHL, les rencontres de BHL, l’ego (et même la chemise) de BHL. Jusqu’à épuisement.

D’abord, comme on est à Sarajevo, la Bosnie. Va pour la Bosnie. Dispositif (habile) de projection sur grand écran des éléments que l’écrivain va chercher sur son ordinateur. Détails oubliés, anciennes photos, combattants amis peut-être morts. Et déjà un sentiment de malaise : aussi affreux que fût le cauchemar bosniaque, il semble plus important pour l’écrivain (enfin, BHL) que la boucherie de 14-18!

Puis exécution en règle de Pamela Harriman, l’ancienne ambassadrice des USA en France. Rapport avec la Bosnie? Seul BHL le sait. Elle était (nous dit l’écrivain) incompétente puisqu’elle couchait avec tout le monde. Après cet accès ahurissant de machisme d’un autre âge, anecdote de l’écrivain (BHL ?) nageant seul dans la piscine d’un hôtel (le Ritz) avec Pamela, encore très belle à 70 ans; les gestes désordonnés de Pamela qui est en train de mourir d’une crise cardiaque et l’écrivain, finalement, qui regrette que le temps leur ait manqué du coup pour une brève aventure… aquatique ?

Deux heures à tourner en rond

Et l’Europe dans tout cela ? Ben justement… le moindre commencement d’idée (pas forcément originale, mais au moins une idée !) interrompue par le portable, la femme de chambre, la dulcinée restée à Paris, la bouteille de whisky, la fatigue migraineuse de l’écrivain. Deux heures à tourner en rond au milieu des obsessions de BHL (Poutine, l’antisémitisme, la Bosnie, Marine Le Pen et… Berlusconi dans la série « Tirons sur une ambulance »), de la vie mondaine de BHL (expliquant Platon à Henry Kissinger dans la pissotière d’un palace), de la misogynie (inédite ?) de BHL. Cibles : Carla del Ponte exécutée d’une pichenette (il nous semblait pourtant que l’ancienne juge au Tribunal Pénal International avait poursuivi opiniâtrement les criminels serbes Mladic ou Karadzic), Catherine Ashton, l’ancienne commissaire européenne aux Relations Extérieures,  surnommée « Catherine Atchoum » (bienvenue dans l’univers des blagounettes à deux balles). Et Pamela Harriman.

Approximations

Ah ! on oubliait : les approximations de BHL. L’Europe sombrant à Munich et en Espagne alors que c’était la démocratie qui sombrait puisque l’Europe de l’époque était à moitié aux mains des dictatures. Et l’affreux banquier allemand (et incompétent… puisqu’il fornique avec sa secrétaire !) qui veut ruiner les gentils grecs (sans jamais rappeler trente ans d’incompétence des gouvernements d’Athènes avec trucage des comptes généralisé). Derrière ledit banquier, d’ailleurs, pointe la coupe à frange d’Angela M. mais là BHL n’ose pas : on ne se fâche pas avec la femme la plus puissante du monde.

Parfois on se prend à espérer : la litanie des grands créateurs, Dante, Kafka, Goethe, Mozart, Diderot, Zweig mais réduits à devenir les membres d’un gouvernement assez amusant (« avec Mère Teresa aux  Finances ») au lieu d’être les hérauts d’une Europe qu’ils parcouraient avec une curiosité jamais lasse, se jouant des frontières et tissant de vrais échanges intellectuels malgré les obstacles politiques. Et cette identité commune en forme d’art de vivre des villes d’Europe, Rome ou Stockholm, Oxford ou Lisbonne, à la commune histoire, douloureuse et prodigieuse. Mais cela se réduit –pour l’écrivain- à une liste de chambres d’hôtel où il observe (et accompagne) sa fiancée en train de jouir.

On ressort de ce salmigondis en forme de soliloque doublement exaspéré : d’abord que BHL, à travers son grand barnum médiatique, nous ait roulés dans la farine en nous laissant croire à une vraie réflexion. Sartre, à qui il fait référence comme dramaturge politique, sait, lui, bâtir une intrigue et imaginer des personnages. Ensuite qu’il entraîne Jacques Weber dans ce naufrage: chapeau bas pour l’endurance de l’acteur mais que de fins de phrases qui tombent, que de mots savonnés, à la limite du bafouillage, que d’emphase hors de propos! Mais il y a pour nous encore plus désagréable : dans ce si joli théâtre de l’Atelier, sur cette exquise « piazzetta » comme il en est tant dans notre belle Europe, il est des amoureux des grands textes qui vont dépenser presque quarante euros en espérant partager quelques moments d’intelligence. Les décevoir, et même les consterner ainsi, ce n’est pas bien.

"Hôtel Europe", affiche

Source: http://www.les-crises.fr/piece-bhl/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 15 October 2014 at 00:01

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche : La croissance ne reviendra pas parce que Valls et Hollande l’appellent

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): Analyse de la baisse enregistrée sur les marchés – 13/10

 

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): Marchés: se dirige-t-on vers un retournement de tendance ? – 13/10

 

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : L’insouciance de la génération des traders post 2009 – 08/10

Bilan Hebdo: Philippe Béchade et Jean-Louis Cussac – 10/10

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (1/2): Marchés: Le signal baissier est-il enclenché ? – 08/10

 

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (2/2): Faut-il s’attendre à un krach sur les marchés ? – 08/10

 

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : La situation ukrainienne nuit grandement à l’Allemagne – 11/10


 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi, ou les sites Soyons sérieux et Urtikan.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-15-10-2014/


Reuters : Des carences découvertes dans l’enquête ukrainienne sur le massacre de Maïdan

Tuesday 14 October 2014 at 01:28

C’est sûr que ce n”est pas l’AFP qui fera un tel travail (bien qu’imprafait, ne mentionnant pas que l’ancien procureur en question est membre de Svoboda…)

Ceci étant, sur le fond, on en parle depuis longtemps sur ce blog, comme ici avec la vidéo allemande (24 avril !), ou les déclarations du député chargé du suivi de l’enquête disant que les preuves avaient été escamotées (21 mai !) – qui n’ont été reprises par aucun grand média français…

Par Steve Stecklow et Oleksandr Akymenko, Reuters

Kiev, vendredi 10 octobre 2014, 6h12.EDT

(Reuters) – Pour des millions d’Ukrainiens, ce fut un crime contre l’humanité. En février, plus de cent manifestants ont été abattus lors du soulèvement de Maïdan, qui renversa le président Viktor Yanoukovitch. Les victimes sont connues maintenant sous le nom de “centurie céleste”.

De la fumée s’élève au-dessus des barricades en feu sur la place de l’Indépendance pendant les manifestations antigouvernementales à Kiev le 20 février 2014

En avril, les procureurs ont arrêté trois suspects, membres d’une unité d’élite au sein de la police anti-émeute “Berkout”. Le plus gradé d’entre eux, Dmytro Sadovnyk, 38 ans, un commandant décoré, était accusé d’avoir ordonné à ses hommes de tirer sur la foule, le matin du 20 février. Les trois suspects sont accusés d’avoir massacré 39 manifestants désarmés.

Le 19 septembre, l’affaire a rebondi, lorsqu’un juge a relâché Sadovnyk pour l’assigner à domicile – deux semaines plus tard, il avait disparu.

Les activistes de Maïdan ont été révoltés, convaincus qu’un système corrompu avait laissé échapper un tueur. Une enquête sur le juge fut ouverte. Le procureur déclara : « D. Sadovnyk, soupçonné d’avoir commis un crime extrêmement grave, a disparu de son lieu d’assignation à domicile dans le but d’éviter une sanction. »

Mais dans un pays où la justice souvent n’est pas aveugle, il y a une autre possibilité : Sadovnyk était victime d’un coup monté et a vu la fuite comme la meilleure issue. Au tribunal, le mois dernier, il a qualifié les accusations contre lui de « lynchage politique ». Les jours avant qu’il se volatilise, selon son épouse et son avocat, Sadovnyk et sa famille avaient reçu des menaces de mort.

L’ex-commandant du “Berkout” Dmytro Sadovnyk se tient dans une cellule en métal lors d’une audience de justice à Kiev, le 5 septembre 2014.

Un examen par l’agence Reuters des pièces du dossier sur les tirs de la place Maïdan – basé sur l’interview de procureurs, d’avocats de la défense, de manifestants, d’officiers de police et d’experts légistes – a révélé de sérieuses carences dans le dossier contre Sadovnyk et les deux autres officiers du Berkout.

Parmi les preuves présentées contre Sadovnyk, se trouvait une photographie. Les procureurs disent qu’elle représente l’inculpé, près de la place de l’Indépendance de Kiev, le 20 février, portant un masque et tenant un fusil à deux mains, avec ses doigts bien en évidence.

Le problème : Sadovnyk n’a pas deux mains. Sa main droite, selon les déclarations de son épouse à Reuters, a été arrachée par une grenade dans un accident lors d’un entraînement, il y a de cela six ans. Quand les procureurs présentèrent l’image lors d’une audience en avril dernier, a raconté Yulia Sadovnyk, son époux a ôté son gant et montré son moignon à la salle.

« Il ne peut pas vraiment tirer », dit Serhiy Vilkov, l’avocat de Sadovnyk. « L’accuser de ce crime est un calcul politique ».

Les recherches sur les meurtres ont été entravées par la disparition de preuves. De nombreuses armes, censées avoir été utilisées pour tirer sur les manifestants, se sont volatilisées. De nombreuses balles tirées ont été emportées à la maison comme souvenirs. Des barricades, des arbres perforés de balles et d’autres preuves ont été enlevés, d’après les avocats.

Un ancien commandant du berkout a déclaré à Reuters que des officiers du Berkout ont détruit des preuves écrites qui auraient pu permettre d’identifier les officiers responsables. Ils l’ont fait, selon lui, car ils craignaient que le quartier-général du Berkout ne soit attaqué par une foule de manifestants assoiffés de vengeance, après la fuite de Yanoukovitch en Russie.

L’ancien président n’est pas le seul personnage-clé manquant au tableau. Dans une interview donnée avant la disparition de Sadovnyk, le procureur général d’Ukraine, Vitaly Yarema, a déclaré que les enquêteurs avaient identifié 17 officiers du Berkout comme soupçonnés d’avoir participé aux tirs contre les manifestants, d’après des vidéos de surveillance et les localisations de téléphones portables. Sur les 17, dit-il, 14 avaient fuit en Russie ou en Crimée, y compris le Commandant en chef du Berkout à Kiev. Sadovnyk et ses deux co-accusés étaient les seuls suspects identifiés qui étaient restés.

MOMENT-CLÉ

La place de l’Indépendance était le point de ralliement à Kiev où s’est principalement développée la révolution anti-Yanoukovitch, entre novembre et février. Le mot “maïdan” signifie “place” en ukrainien. Les tueries qui s’y sont produites ont rapidement été considérées comme un moment-clé de l’histoire ukrainienne contemporaine, comme le maillon d’une chaîne d’événements qui ont déclenché un conflit séparatiste et des incursions russes qui ont secoué le pays jusqu’en sa structure.

Des vidéos et des photographies semblent montrer des officiers du Berkout tirant en directions sur des manifestants et les frappant à coup de bâtons. Sur une vidéo, les hommes du Berkout forcent un homme à se tenir nu dans la neige.

Le public demande des réponses et que justice soit faite. Mais les enquêtes mettent à l’épreuve la capacité de l’Ukraine à dépasser les échecs qui ont toujours été la plaie du pays depuis son indépendance de l’Union soviétique en 1991.

Contrairement à, par exemple, la Pologne, l’Ukraine n’est jamais devenue un État solide. Kiev a connu deux révolutions depuis son indépendance. Un cortège de problèmes endémiques (corruption politique, racket, division entre les ukrainophones et les russophones) l’a laissée faible et en proie à la division. L’une des plus grandes faillites de l’État, selon des observateurs étrangers, est un système judiciaire en miettes.

Sous Yanoukovitch et ses rivaux avant lui, les tribunaux et les policiers étaient des instruments politiques. Yulia Timochenko, l’adversaire de Yanoukovitch lors des élections présidentielles de 2010, a été emprisonnée par la suite dans une affaire dont le caractère politique a été largement critiqué.

Dans son rapport 2013 sur les droits de l’Homme, le Département d’État américain a cité la condamnation de Timochenko, en observant que les tribunaux ukrainiens “restaient vulnérables à la pression politique et à la corruption, étaient inefficaces et dépourvus de soutien populaire. Dans certains cas, les verdicts de procès apparaissent comme prédéterminés”.

Le gouvernement ayant succédé à Yanoukovitch l’a reconnu en juillet dernier, dans un rapport préparé avec le Fonds Monétaire International. « L’administration fiscale, la police, le bureau du procureur général, le service d’application des décisions de justice et le système judiciaire ont été relevés comme les institutions publiques ayant été traditionnellement considérées comme les plus corrompues », selon le rapport.

Le passé semble se répéter.

Les deux procureurs et un ministre du gouvernement, qui ont conduit les investigations sur les tirs de Maïdan, ont joué un rôle dans le soutien au soulèvement. L’un de ces responsables a déclaré à Reuters que les enquêteurs réunissant les preuves sont complètement indépendants.

Un autre problème dans l’enquête : à ce jour, personne n’a été appréhendé pour les tirs sur les policiers. D’après le ministère de l’Intérieur ukrainien, entre le 18 et le 20 février, 189 officiers de police ont été blessés par balles. Treize sont décédés.

Un membre des forces de police anti-émeute “Berkout” montre un bouclier prétendument endommagé par des tirs et un cocktail Molotov pendant les manifestations anti-gouvernementales à l’ancien quartier-général du “Berkout” à Kiev, 6 septembre.

En outre, l’ancien procureur général qui a supervisé les arrestations des trois officiers du  Berkout a déclaré à la télévision que ces derniers « avaient déjà été désignés coupables ». Cette déclaration, selon les experts juridiques, pourrait préjudicier l’affaire. L’Ukraine a signé la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui mentionne que les accusés d’un crime sont présumés innocents jusqu’à ce que la preuve de leur culpabilité ait été faite.

« Une déclaration publique d’un procureur qui nie directement cette présomption est un déni de procès équitable », déclare Richard Harvey, un avocat britannique spécialisé en droit pénal international.

Même certaines familles endeuillées mettent en cause l’équité des procédures. Serhiy Bondarchouk, un professeur de physique, est mort d’une blessure par balle dans le dos, le 20 février au matin. Son fils Volodymyr Bondarchouk dit que son meurtre est l’un des 39 pour lesquels Sadovnyk et ses deux collègues sont suspectés. Volodymyr signala que, selon ses propres recherches, il doute que ces trois là soient responsables de la mort de son père.

« Ils essayent de boucler l’affaire parce que leurs patrons et la communauté veulent juste quelqu’un à punir », dit-il. « L’enquête ne contient pas assez de preuves pour prouver la culpabilité de ces trois hommes ».

Volodymyr Bondarchouk a récemment aidé à monter une association d’environ 70 familles de manifestants tués. « Le but principal pour nous est une enquête objective et précise », dit-il.

AIGLES D’OR

Le 20 février a été le jour le plus sanglant du soulèvement de la place Maïdan. Nombre de manifestants et d’officiers de police ont été tués. Le jour suivant, les chefs de l’opposition signaient un retour à la paix sous la médiation de l’Union européenne.

La pression publique s’est accentuée pour poursuivre les meurtriers. Au bout d’une semaine, Yanoukovitch, alors en fuite, a été inculpé pour l’assassinat en masse de manifestants. Le gouvernement intérimaire a dissous les Berkout, force qui comptait plusieurs milliers d’hommes, et dont le nom signifie « aigle d’or ».

Le 3 avril, les autorités ukrainiennes ont annoncé l’arrestation de plusieurs membres d’une unité spéciale d’élites du Berkout. L’un d’eux était Sadovnyk, le commandant de l’unité. Père de trois enfants, il a rejoint le Berkout en 1996 après avoir servi dans l’armée ukrainienne. Il a gagné par la suite de nombreuses distinctions pour ses services dans la police.

Deux autres officiers plus jeunes ont également été détenus : Serhiy Zinchenko, 23 ans et Pavel Abroskin, 24 ans.

Un document interne à la procédure d’accusation, étudié par Reuters, décrit la version des événements fournies par les enquêteurs. C’est un « avis de suspicion » concernant Zinchenko, datée du 3 avril.

Le document soutient que le 18 février, l’officier commandant en chef du Berkout, Serhiy Kusiuk, a donné l’ordre verbal à Sadovnyk de distribuer des fusils automatiques à son unité. Kusiuk est parmi les officiers du Berkout qui ont fui en Russie, selon les procureurs. Il n’a pas pu être contacté pour commenter cette information.

Le matin du 20 février, plusieurs membres de l’unité de Sadovnyk ont été tués. Vers 9 heures, d’après le document, Sadovnyk a ordonné à ses hommes de tirer en direction de manifestants désarmés remontant la rue Instytoutska, au centre ville. Le document établit que les tirs ont duré presque deux heures et plus de neuf manifestants ont été tués.

Le document avance que l’ordre de tirer donné par Sadovnyk était un abus de pouvoir, « étant donné qu’il n’y avait pas de menace immédiate sur la vie des officiers de police ».

Vilkov, l’avocat de Sadovnyk, conteste ce récit. Alors que le document indique que Sadovnyk était sur place, Vilkov dit que son client ne se trouvait pas sur la rue Instytoutska lorsque les manifestants ont été tués, au matin du 20 février. Vilkov n’a pas souhaité révéler l’endroit où se trouvait Sadovnyk.

Lors d’une interview téléphonique le 30 septembre, Sadovnyk a dit à Reuters qu’il était en réunion au quartier général de la police de Kiev, au matin du 20 février. La réunion a commencé entre 8 heures et 8h30. L’ordre du jour, dit-il, traitait de rapports selon lesquels de nombreux manifestants armés arriveraient à Kiev suite à un appel à la mobilisation lancé par les leaders des manifestants.

Sadovnyk a dit qu’environ sept officiers et responsables de la police étaient présents, et il a donné le nom de trois d’entre eux. Reuters n’a pas été en mesure de joindre ces personnes pour recueillir leurs commentaires.

Au cours de la réunion, dit Sadovnyk, les participants ont entendu des coups de feu et des cris sur les radios de la police. Ces radios faisaient état de la mort d’un officier Berkout et d’autres policiers blessés rue Instytoutska.

Sadovnyk dit qu’à ce moment, il quitta la réunion et partit en voiture jusqu’au lieu des événements, à environ 15 minutes de là. Il a déclaré ne pas se souvenir de l’heure à laquelle il est arrivé, mais que les enquêteurs pouvaient l’établir en localisant son téléphone portable. Il a dit qu’il avait emporté un pistolet et son équipement de protection.

Lorsqu’il est arrivé, dit-il, il a trouvé un lieu presque désert, avec des officiers de police en train de courir et des balles qui ricochaient. Il affirma n’avoir ni reçu ou ni donné aucun ordre à son unité de tirer sur des manifestants – et n’avoir lui-même tiré sur quiconque.

« Je nie avoir tué », dit-il.

Vadim Ostanim, un avocat pour l’unité du Berkout de Kiev, a donné une version similaire à Reuters. Il a dit qu’une vidéo montre Sadovnyk assistant à la réunion du quartier général de la police. Ostanim dit que quand Sadovnyk arriva sur le lieu des tirs, les hommes de son unité battaient déjà en retraite.

« COUPABLE »

Le bureau du procureur général n’a pas souhaité faire de commentaire sur les arguments de la défense. Dans une déclaration, le bureau déclare qu’il dispose de nombreuses preuves contre Sadovnyk. Y compris la vidéo d’un homme armé tirant sur un manifestant. Le bureau pense que cet homme armé est Sadovnyk, en raison de « la manière spéciale » qu’a le tireur de tenir son arme. Dans une précédente déclaration, le bureau déclarait : « La question de la culpabilité, ou à l’inverse, de l’innocence des personnes mentionnées, sera résolue par le tribunal. »

Oleh Makhnitsky était le procureur général d’Ukraine jusqu’à juin dernier. Dans un entretien, Reuters lui a posé une question concernant la photo d’un Sadovnyk ayant ses deux mains, qui avait été produite lors d’une audience en avril.

Le but de cette audience, a déclaré Makhnitsky, n’était pas de juger de la fiabilité de la preuve mais de déterminer s’il y avait un risque que Sadovnyk ne s’enfuie. Il a déclaré que les preuves contre Sadovnyk seraient présentées lors d’un procès à venir.

Makhnitsky, aujourd’hui conseiller du Président Petro Poroshenko, a déclaré qu’il dirigeait un groupe d’avocats qui assistaient légalement les manifestants anti-Yanoukovitch pendant les manifestations de Maïdan. Il a dit que la politique ne jouait aucun rôle dans l’inculpation des trois officiers Berkout.

« Les enquêteurs sont dans un service distinct qui ne peut même pas être influencé par le procureur », a-t-il déclaré.

Le 30 mai, Makhnitsky a donné une interview à la télévision locale, à propos de l’arrestation des trois officiers. Il a déclaré que la culpabilité des suspects “était établie”.

Interrogé au sujet de ces déclarations, Makhnitsky a dit qu’il avait voulu dire que « suffisamment de preuves avaient été réunies pour prouver qu’ils étaient coupables ». Un tribunal décidera en définitive, dit-il.

La teneur des preuves de l’accusation contre les trois officiers restent floues. Les dossiers du tribunal ne sont pas publics dans ces affaires.

Les avocats des officiers Zinchenko et Abroskine ont dit que, pour autant qu’ils le sachent, nombre des preuves avancées contre leurs clients sont des vidéos qui, selon les procureurs, montreraient les officiers tenant des armes. Les avocats disent que les hommes sur les vidéos – qui portent des masques et des casques – ne sont pas leurs clients.

Sur l’une des vidéos, « on voit seulement les yeux et le nez, et ce type n’est pas en train de tirer, il fait demi-tour avec une arme et regarde autour de lui », déclare Stefan Reshko, un avocat d’Abroskine. Reuters n’a pas pu visionner la vidéo.

Oleksandr Poznyak, qui représente Zinchenko, a dit qu’il y a, parmi les preuves contre son client, la vidéo d’un homme masqué tenant un fusil. L’avocat a montré la vidéo à Reuters. L’homme armé et masqué, a t-il déclaré, est plus grand et a de plus grosses mains que Zinchenko, et il tient le fusil de sa main gauche. L’avocat a dit que, même si Zinchenko écrit de sa main gauche, il a des photos prouvant qu’il tire de sa main droite. Reuters n’a pas vu ces photos.

Les avocats de la défense pensent également faire valoir que les officiers du Berkout étaient en droit de tirer en légitime défense. Ils étaient en danger, comme le démontre le fait que leurs collègues se sont fait tirer dessus. Les procureurs arguent que les 39 manifestants que les trois hommes sont accusés d’avoir tués le 20 février étaient tous désarmés.

Les procureurs « représentent toute la scène comme une manifestation pacifique », a dit Sadovnyk à un juge lors d’une audition le 5 septembre. Mais, a t-il ajouté, « le 20, tôt le matin, et dans le cadre de cette manifestation si pacifique, quasiment 17 représentants des forces de l’ordre ont été tués ».

GRAPIN ET GRIFFE D’ACIER

Pour soutenir l’argument de Sadovnyk, plusieurs ex-officiers du Berkout qui servent encore dans la police de Kiev ont accepté de rencontrer un reporter et un photographe. Dans une petite salle de leur vieux quartier général, ils ont sorti une sélection d’armes qui ont été, selon leurs dires, saisies sur les manifestants.

Parmi celles-ci, il y avait un grapin fixé à une barre d’acier, des battes de bois accrochées à des chaînes et une griffe d’acier fabriquée avec quatre clous tordus. Les anciens officiers ont montré un bouclier de policier brûlé portant deux impacts de balle, disant qu’il avait été touché par un cocktail molotov.

A côté des armes se trouvaient des cadres portant les photos de deux officiers du Berkout qui, ont-ils déclaré, ont été tués pendant les manifestations.

Si ces responsables étaient justes, ils n’arrêteraient pas seulement des policiers, mais également les activistes de l’autre camp”, signala un ex-membre du Berkout.

Le 5 septembre, une foule tendue regardait pendant qu’un juge écoutait les arguments pour ou contre la libération et l’assignation à domicile de Sadovnyk. L’accusé observait depuis sa cellule en métal.

Le procureur, Oleksii Donskyi, a qualifié l’affirmation par Sadovnyk de son absence durant les échanges de coups de feu “de mensonge absolu”. Lorsque les juge se retirèrent pour délibérer, Youlia Sadovnyk marcha vers le siège du procureur et lui lança, visiblement exaspérée : “J’attends que votre procès capote”. Donskyi a refusé de donner un commentaire.

Le juge a ordonné que Sadovnyk reste derrière les barreaux. Deux semaines plus tard, un autre juge lui a accordé une assignation à domicile. Le parquet a fait appel. Vendredi dernier, Sadovnyk a été appelé à une audition destinée à déterminer s’il devait être remis en prison.

C’est là qu’il a disparu. Youlia Sadovnyk a dit qu’il avait quitté son appartement à 7 heures du matin vendredi dernier, signalant qu’il ne se sentait pas bien. Elle affirma qu’elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis.

L’avocat Vilkov dit que les Sadovnyks, leurs trois enfants et l’avocat lui-même ont reçu des menaces de mort dans les jours précédant l’audition. Youlia Sadovnyk a lu à Reuters un échantillon des messages qu’elle a reçus.

Sur l’un, on peut lire : “Hé, toi, salope du Berkout. Une mort horrible t’attend, toi et tes enfants. Gloire à l’Ukraine !”

Abroskine et Zinchenko sont toujours en prison. Aucune date n’a été fixée pour leur procès. Les trois hommes encourent la prison à vie.

(Enquête complémentaire d’Elizabeth Piper à Moscou. Edité par Michael Williams et Sara Ledwith.)

Source : Reuters, le 10/10/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Une femme allume une bougie en mémoire des manifestants anti-Yanoukovitch tombés sur la place de l’Indépendance, le 23 février 2014.

Source: http://www.les-crises.fr/reuters-des-carences-decouvertes-dans-lenquete-ukrainienne-sur-le-massacre-de-maidan/


[Reprise] Interview du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov

Monday 13 October 2014 at 00:10

Des informations intéressantes dans cette interview… A lire avec recul, comme toutes les déclarations russes et occidentales…

Interview du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à ITAR-TASS, 10 Septembre 2014

Question : Êtes-vous d’accord pour dire que vous avez été sous tension ces six derniers mois ?

S. V. Lavrov : Et ce n’est pas encore fini. D’une manière générale, la politique étrangère ne navigue plus en eaux calmes depuis longtemps…

Question : Ne vous arrive-t-il pas de désespérer ?

S. V. Lavrov : Pourquoi ? Pour quelle raison ?

Question : Ok. Imaginez que vous rencontriez un homologue étranger, vous concluez un accord, et puis il s’avère tout à coup que le gars a tout faux ou bien décide de faire machine arrière…

S. V. Lavrov : Non, jamais. Ce n’est pas le type de sentiment que j’entretiens dans le fond de mon cœur. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe du désespoir. Nous devons continuer à faire notre travail correctement.

Question : Mais parfois, on ne peut éviter d’atteindre un point critique.

S. V. Lavrov : Ce n’est pas bon non plus. Les deux choses vont de pair. Il n’y a qu’à un novice qui pense tout à coup se retrouver dans une impasse que l’on peut pardonner de perdre son sang-froid et de ne pas savoir quoi faire ensuite. Votre serviteur ici présent a eu l’opportunité de voir beaucoup de choses au cours des décennies dans le service diplomatique, Dieu merci. Il faut avoir de la patience, et dans notre profession cette qualité compte double. Toute tentative de me faire sortir de mes gonds est vouée à l’échec. Cela ne vaut pas la peine d’essayer…

Question : Pouvez-vous citer quelques durs-à-cuire qu’il vous est arrivé d’avoir en face de vous à une table de négociations ?

S. V. Lavrov : Voyons, comment pensez-vous que je doive me comporter dans ce métier ? Je pourrais en citer quelques-uns, mais tous les autres se sentiraient insultés… Tous étaient de vrais professionnels !

Question : Pas tous, je pense…

S. V. Lavrov : Pourquoi pas tous ? Bien sûr que si, tous. Mais chacun a ses points forts au plan professionnel. Certains sont très professionnels quand il s’agit d’aller à la tribune, de tout bloquer, de se soustraire à la recherche d’un compromis et d’éviter des réponses directes. Les personnes de ce genre poursuivent des buts très différents. Et la quasi-totalité d’entre eux n’ont pas de politique étrangère indépendante. Il n’y a que des instructions strictes de tel ou tel haut ministère qui doivent être suivies. Et ils s’y tiennent scrupuleusement.

Naturellement, vous vous attendez toujours à ce que vos partenaires soient cohérents dans leurs actions, qu’ils appliquent des normes communes. Après tout, les États-Unis et l’Union européenne ont toujours demandé à ce que tous les pays respectent les principes de la démocratie et la primauté du droit dans leurs affaires intérieures. Mais dès que nous arrivons à une échelle internationale, aucun d’eux ne parle plus de ces valeurs de base. C’est naturel, bien sûr. Un ordre mondial démocratique ne cadre pas avec les politiques que poursuit l’Occident ces temps-ci dans sa tentative de conserver son emprise séculaire. Mais c’est une tâche de plus en plus difficile. En d’autres termes, le système international est en état de choc, ses fondements ont été ébranlés et plutôt durement…

Question : Avec notre aide ?

S. V. Lavrov : C’est tout le contraire. La Russie a toujours encouragé la consolidation du droit international. Nous avons demandé le respect des accords conclus et la création de nouveaux instruments qui offrent des réponses adéquates aux défis actuels. Prenez, par exemple, notre proposition de codification du principe de l’indivisibilité de la sécurité en Europe, et de rendre ce principe juridiquement contraignant pour tous. Cette déclaration politique visait à prévenir des crises comme celle de l’Ukraine. Nos propositions sont restées sans réponse. On nous a dit qu’un traité supplémentaire était tout à fait inutile. Autrement dit, tout le monde affirmait que la sécurité en Europe était inviolable, bien sûr, et que, en termes de droit international, l’OTAN fournirait une protection adaptée à tous ses membres. Mais cela ne garantit pas la sécurité de tous ceux qui n’en font pas partie ! Le projet de base était probablement d’utiliser ce prétexte pour inciter tous les pays post-soviétiques à rejoindre l’alliance et amener ainsi les lignes de division plus près de nos frontières. Mais cette idée s’est avérée totalement infructueuse.

Question : Vraiment ?

S. V. Lavrov : L’expérience a montré que cette logique est pervertie et conduit à une impasse. L’Ukraine l’a pleinement démontré. Pour que l’OTAN, les pays de l’OTSC [Organisation du Traité de Sécurité Collective, NDT] et tous les pays neutres non affiliés à une alliance politique et militaire (je vous rappelle que l’Ukraine a proclamé son statut de non-aligné, tout comme la Moldavie) se sentent rassurés et en sécurité, un dialogue aurait dû être engagé exactement comme nous l’avions proposé il y a longtemps. Nous ne nous serions pas alors retrouvés dans la situation actuelle de bras-de-fer, où Bruxelles a demandé à l’Ukraine de choisir entre l’Occident et la Russie. Tout le monde connaît les causes profondes de la crise : personne n’a écouté ce que nous avions à dire, Kiev a été contraint de signer des accords avec l’Union européenne, accords qui avaient été rédigés en coulisses et dont il s’est finalement avéré qu’ils portaient atteinte aux obligations de l’Ukraine envers la zone de libre commerce de la CEI. Lorsque Viktor Ianoukovitch a temporisé pour regarder de plus près la situation, les manifestations de Maidan ont été mises en scène. Et puis il y a eu les pneus brûlés, les premières victimes et une escalade dans le conflit…

Question : Un de nos écrivains satiriques, Mikhaïl Zadornov, a fait à un certain moment cette triste remarque : l’Amérique est prête à mener une guerre contre la Russie jusqu’au dernier ukrainien.

S. V. Lavrov : Que peut-on dire dans ce genre de situation ? Le cynisme fait partie intégrante de la politique depuis longtemps. Peut-être est-ce propre à tous ceux qui écrivent et parlent de politique. Nous détesterions que l’Ukraine soit utilisée comme un pion. Hélas, il en a été tout autrement jusqu’ici - pas par notre faute et contrairement à la volonté de la Russie. Certains partenaires de l’Ouest – pas tous – ont essayé d’utiliser la crise de l’État ukrainien dans le but de « contenir » la Russie, pour nous isoler, et par là-même pour affermir leur emprise vacillante sur le système international. Le monde change, la part des États-Unis et de l’Europe dans le PIB mondial se réduit, de nouveaux centres de croissance économique et de puissance financière ont émergé, dont l’influence politique a flambé en conséquence. Il n’y aura pas d’arrêt à cette tendance. Certes, on peut tenter de s’y opposer – et des efforts sont faits dans ce sens – mais il est vraiment difficile de nager à contre-courant. C’est ce qui a provoqué bien des crises.

Question : L’histoire remettra chaque chose à sa place, mais pour l’instant l’Occident a tendance à rendre la Russie responsable des tensions actuelles. Il soutient que c’est nous qui avons commencé. En Crimée.

S. V. Lavrov : Notre pays a empêché qu’un bain de sang ait lieu là-bas. Nous avons ainsi évité qu’éclate le même type de manifestations et de guerre qu’à Maidan, et qui s’est produit plus tard dans le Sud-Est. Comme vous vous en souvenez peut-être, lorsque les affrontements à Kiev ont atteint leur point critique, les parties en conflit ont conclu l’accord du 21 février. Parmi les priorités, il y avait la création rapide d’un gouvernement d’union nationale qui devait être suivie d’une réforme constitutionnelle et d’élections générales avant la fin de 2014. Le document a été signé par Ianoukovitch, ainsi que Iatseniouk, Klitschko, et Tyagnibok, qui représentaient alors l’opposition du moment et qui maintenant forment la coalition au pouvoir. Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et de la Pologne ont agi en tant que témoins de cet accord.

Question : Pas la Russie, remarquez.

S. V. Lavrov : Nous en avons parlé au cours d’une réunion du Conseil de Sécurité, et nous avons décidé que notre signature n’était pas nécessaire, étant donné qu’à partir du moment où le président de l’Ukraine d’alors, Viktor Ianoukovitch, avait donné son accord à ce document, il avait en fait consenti des concessions colossales, l’équivalent d’une capitulation des autorités. Mais pour l’opposition, les avantages récoltés n’étaient pas suffisants encore, et après les attaques contre la résidence du Président et d’autres édifices gouvernementaux à Kiev, ils ont déclaré, le 22 février, qu’il n’y aurait pas de gouvernement d’unité nationale et qu’ils allaient plutôt créer un « gouvernement de vainqueurs », que Ianoukovitch avait soi-disant fui et qu’ils réclamaient le pouvoir. Nous avons demandé à nos homologues occidentaux comment cela avait été possible. N’avaient-ils pas signé le document censé restaurer le calme ? En réponse, nous avons entendu que Ianoukovitch n’étant plus à Kiev, l’accord ne tenait plus. Quelle logique remarquable ! D’abord, à ce moment, il était dans l’est de l’Ukraine, dans son pays. Ensuite, il s’est avéré que la tâche de réconciliation nationale tenait entièrement à la personnalité de Ianoukovitch et à son déboulonnage, n’est-ce pas ? C’est cela, les valeurs de l’Europe ? Nous n’avons pas eu de réponse à ce jour. Aujourd’hui, l’Occident agit à l’unisson - avec un zèle tout particulier des USA et de la Grande-Bretagne - pour soutenir unilatéralement le régime actuel de Kiev. Ils déclarent que la paix en Ukraine ne sera possible que quand ceux qu’ils appellent séparatistes et terroristes du sud-est auront été éliminés.

La Crimée se serait embrasée, elle aussi. J’en suis convaincu. Nous avons enregistré des tentatives d’émeutes du même type que celles à Maidan. Des militants du Secteur Droit ont tenté d’entrer dans la péninsule. Il y a eu des fauteurs de trouble dans la République.

Question : À ce moment-là, les « gens polis » sont apparus au grand jour.

S. V. Lavrov : Ils ont toujours été présents. La marine russe n’a pas que des installations dans la seule Sébastopol. Nos troupes avaient le droit de se déplacer parmi eux. Tout s’est fait dans le respect des accords passés avec l’Ukraine. Il est vrai qu’à un moment, la Russie a augmenté le nombre de ses troupes en Crimée, mais permettez-moi de le redire : nous n’avons pas dépassé le quota autorisé par le traité russo-ukrainien pour la base navale.

Question : Au fait, les t-shirts à l’effigie des « gens polis » sont très à la mode en ce moment. Est-ce que vous en avez un ?

[NdT : en février 2014 les Spetznaz ont pris le contrôle de la Crimée, on les a d’abord appelé les « gens verts » du fait des tenues de camouflage vertes puis « les gens polis » ou « les hommes courtois ». Tout s’est produit sans affrontements, d’où le surnom « d'hommes polis » donné à ces hommes armés.]

S. V. Lavrov : J’en ai reçu quelques-uns en cadeau. J’aime tout particulièrement le modèle kaki avec l’image de trois hommes portant des masques et des lunettes. Une très belle œuvre d’art. Je pense que si certains prennent les choses avec un peu d’humour, sur des points fondamentaux de politique, c’est une bonne chose… Même si les opinions à ce sujet diffèrent.

On nous a accusé d’avoir annexé la Crimée. Nous répondons : la Crimée est passée par un référendum qui n’a pas pu être faussé. Beaucoup de journalistes, même étrangers, qui faisaient leur travail dans la péninsule à ce moment-là en conviennent. Il est vrai que certaines personnes, en particulier des membres des Mejlis des Tatars de Crimée, sont opposées à la réunification de la Crimée et de la Russie. Mais aujourd’hui, les Tatars de Crimée ont obtenu ce dont ils n’auraient même pas pu rêver s’ils étaient restés en Ukraine : un statut pour leur langue et l’allocation de terres. Toutes les causes de tensions entre les Tatars de Crimée et le reste de la population de la péninsule sont en train de disparaitre. Lorsque nos partenaires de l’Ouest nous font ces reproches, nous leur répondons que leur politique au Kosovo a été complètement différente.

Il n’y a pas eu de référendum. Il n’y avait pas non plus eu de crise avant qu’une partie de la Serbie ait été déclarée indépendante. Il n’y avait pas de menaces contre la population du Kosovo. Au contraire, Belgrade et Pristina étaient engagées dans des négociations et progressaient lentement mais sûrement. Ensuite, les pays occidentaux ont arbitrairement choisi la date et établi une date-butoir artificielle pour l’aboutissement d’un accord. Les Albanais du Kosovo ont joué très habilement cette partie. Après quoi l’Europe et les États-Unis ont hypocritement fait semblant d’être réduits à l’impuissance : puisque vous avez échoué à parvenir à un accord dans le délai imparti, nous reconnaissons le Kosovo unilatéralement. Point barre. Lorsque nous avons commencé à demander « comment cela se peut-il ? », on nous a dit qu’il y avait eu trop de sang versé au Kosovo. Dans la même logique, il aurait fallu d’abord attendre un bain de sang en Crimée pour qu’ensuite les États-Unis et Bruxelles daignent autoriser les survivants de Crimée à choisir leur propre avenir.

Question : Mais les habitants de Donetsk et de Lougansk ont tenu leurs référendums, eux aussi. Je pense que ceux qui ont été aux urnes croyaient que les mêmes « gens polis » en uniforme kaki apparaîtraient bientôt dans le Donbass. Au lieu de cela, les civils locaux ont vu les bombes pleuvoir sur eux…

S. V. Lavrov : Je crois que la Crimée était un cas très particulier, un cas unique à tous points de vue : historique, géopolitique et patriotique, si vous voulez. La situation dans le sud-est de l’Ukraine est différente. Il n’y a pas cette unanimité que nous avons vue en Crimée. Certains voudraient voir leur pays réapparaître sous une nouvelle entité territoriale appelée Novorossia, tandis que d’autres souhaitent rester en Ukraine avec des droits élargis. En fait, nous avons reconnu les résultats des référendums et appelé à leur application à travers un dialogue entre Donetsk, Lougansk et les autorités centrales de Kiev. Malheureusement, notre appel n’a pas donné de résultats. L’utilisation de snipers place de l’Indépendance à Kiev, l’enquête sur les violences à Odessa et Marioupol et les circonstances de la catastrophe de l’avion de la Malaysian Airlines, tout cela est occulté. Ce silence fait suspecter que Kiev et ses sponsors ont beaucoup à cacher. Ce sont les maillons d’une seule et même chaîne. Leurs mensonges continuels et leur incapacité totale à négocier sont vraiment consternants. J’ai l’impression que certains de nos partenaires occidentaux ne sont pas très à l’aise, mais ils ont néanmoins opté pour une politique de soumission aux ambitions du « parti de la guerre » à Kiev. Les Européens sont de plus en plus conscients du fait qu’ils sont impliqués dans un projet géostratégique des États-Unis. Au détriment des intérêts fondamentaux de l’Ancien Monde. J’espère que la signature du protocole de Minsk du 5 septembre, qui fait suite à l’initiative des présidents russe et ukrainien, va modifier la situation et que les accords entre Porochenko et les chefs des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk vont être mis en œuvre, sans aucune tentative pour en perturber le processus.

Question : Croyez-vous que cette chance existe ?

S. V. Lavrov : J’y crois presque. L’accord doit être maintenant utilisé dans toute sa mesure. Un dialogue national avec le Sud-Est a été lancé après plusieurs mois de refus et le bon sens semble prendre le dessus. De toute évidence, on pouvait difficilement s’attendre à ce que le cessez-le feu soit respecté à 100% dès les premières heures, et il a fallu du temps pour que ceux qui s’affrontaient armes à la main reçoivent les messages, d’où des incidents sporadiques tout à fait prévisibles. Ce qui compte, c’est qu’ils ne se sont pas multipliés et n’ont pas débouché sur de nouvelles hostilités. Nous soutenons la proposition des dirigeants de la RPD et de la RPL de déploiement rapide d’observateurs de l’OSCE dans les territoires engagés dans le conflit. Ce point a été inclus dans les accords de Minsk du 5 septembre et il acquiert maintenant une importance cruciale.

Question : Mais nombreux en Ukraine sont ceux qui prétendent qu’il ne s’agit pas seulement d’une lutte contre les séparatistes, mais d’une guerre avec la Russie. Que faire à ce propos ?

S. V. Lavrov : Kiev interprète les événements de cette manière parce que c’est la volonté des États-Unis. Les électeurs se sont vu offrir des slogans électoraux très simples, et personne ne prend la peine d’analyser la situation. Ils persistent à coller des étiquettes politiques – « Ploucs stupides », « séparatistes ». Ils continuent à dire que le Donbass aurait été calme et paisible s’il n’y avait pas eu la Russie, qui devrait retirer ses armements et ses troupes régulières… Quelles troupes ? Venant d’où ?

Question : Mais des gens portant des passeports russes et des armes à feu sont certainement présents là-bas.

S. V. Lavrov : Et aussi des gens avec des passeports suédois, polonais et lituaniens… Il y a même des gars noirs. Avec leur inimitable accent américain. Je ne prétendrais pas que ce sont des instructeurs ou des mercenaires. Les zones de trouble attirent toujours les volontaires, les casse-cous et toutes sortes d’aventuriers. Mais nous ne discutons pas d’eux en ce moment. Une guerre à grande échelle est en cours dans le Donbass. J’ai lu une interview tout à fait intéressante du général Ruban dans la presse ukrainienne, il n’y va pas par quatre chemins : à Donetsk et Lougansk, les autorités de Kiev sont engagées dans une guerre contre leur propre peuple.

Question : Vladimir Ruban est un négociateur, il arrange l’échange des prisonniers de guerre.

S. V. Lavrov : Vous avez vu juste. Le général Ruban connaît la situation de l’intérieur et fait un travail très spécifique : il sauve la vie des gens et son but est d’en finir avec la guerre. Les fonctionnaires à Kiev refusent obstinément d’admettre qu’ils devront négocier non pas avec nous, mais avec leurs propres citoyens, y compris les résidents du Sud-Est. Le plan de paix Porochenko avait été proposé comme la seule alternative jusqu’à tout récemment. Nous l’avons accueilli favorablement, car il a appelé à l’armistice et de ce point de vue a joué un rôle positif. Mais, d’une part, l’armistice a été déclaré pour un temps très court et, d’autre part, la condition suivante a été mise en avant : celui qui n’est pas passé dans la clandestinité sera confronté aux conséquences de ses actes. Soit les milices utilisent ces quelques jours pour déposer les armes, et les autorités de Kiev accorderont peut-être une amnistie à certains d’entre eux, s’ils découvrent que ceux qui se sont rendus ne sont pas responsables de graves crimes contre le régime, soit tout le monde sera exterminé.

Le voilà, le plan de paix.

Ensuite, nous devrions réfléchir à la façon de rétablir le Donbass. L’Union européenne a déclaré dans ses derniers documents concernant l’Ukraine qu’elle appelait tout le monde à agir selon le plan de paix de Porochenko. Nous avons demandé plus d’une fois: que pensez-vous des accords de Genève qui reflètent le consensus des quatre partis ? Nous avons été informés qu’ils ont aussi été pris en compte, mais qu’il n’était pas utile de souligner cette évidence. C’est le genre de discours infantile que nous avons entendu en réponse… Ce n’est que maintenant, suite à l’initiative de paix en sept points de Vladimir Poutine, qu’il est devenu possible d’avancer sur le chemin des négociations à Minsk et d’adopter le protocole du 5 septembre. Le président russe a exhorté les deux parties à mettre fin aux opérations offensives dans le Donbass, à repousser les forces ukrainiennes à une distance suffisamment grande pour que le risque de bombardement de villages et des villes soit écarté, à convenir d’un échange « tous-contre-tous » de prisonniers de guerre, à ouvrir des couloirs humanitaires, à envoyer des équipes de réparation pour restaurer les infrastructures et à organiser une surveillance internationale du respect du cessez-le-feu…

Question : Vous avez lu l’interview de Ruban, alors vous devez avoir entendu parler de la controverse sur le concert de Andrei Makarevich dans Svyatogorsk…

S. V. Lavrov : Cela ne regarde que lui et sa propre conscience. D’une part, le sport et l’art doivent rester en dehors de la politique et la mission des acteurs de la culture est de rétablir et de renforcer les liens entre les peuples dans les moments difficiles. D’autre part, les artistes, les acteurs, chanteurs et musiciens sont tous des citoyens. Chacun d’eux a sa propre position et toute personne est libre de l’exprimer à voix haute. Lorsque plusieurs centaines de travailleurs culturels russes ont exprimé leur attitude vis-à-vis de la Crimée et de la situation dans le sud-est de l’Ukraine, certains d’entre eux se sont vu refuser l’entrée à un certain nombre de pays de l’Union européenne.

Question : C’est ce que la Lettonie a fait avec Kobzon, Gazmanov et Valeria.

S. V. Lavrov : C’est triste. L’identité nationale est fortement déformée. Je me souviens de la façon dont l’Union européenne et l’OTAN se sont étendus il y a une dizaine d’années : non seulement les pays de l’Est qui étaient autrefois membres du Conseil d’assistance économique mutuelle (COMECON) et de l’Organisation du Traité de Varsovie, mais aussi les trois républiques baltes, ont été faits membres à la hâte. Je laisse de côté l’Union européenne – il s’agit d’économie. S’il n’y a pas atteinte à l’exécution des obligations envers d’autres États et organisations, qui peut être contre ? Quant à l’OTAN, nous sommes profondément convaincus que l’alliance a perdu sa raison d’être, et en recherche fébrilement une nouvelle. Après l’Afghanistan, il est devenu clair que ce sujet ne consolide plus l’alliance, donc Bruxelles a joyeusement sauté sur l’occasion de jouer la carte de la Russie en nous présentant comme une menace. À présent c’est l’idée qui est mise en avant, y compris au dernier sommet de l’OTAN à Newport.

Nous avons à plusieurs reprises demandé à nos collègues occidentaux : est-il nécessaire d’étendre l’OTAN ? Ne vaudrait-il pas mieux garder à l’esprit l’OSCE, la sécurité égale et indivisible pour tous ? On nous a dit : Vous voyez, les pays baltes ont des phobies après avoir fait partie de l’URSS, ils aspiraient à l’indépendance, enfin ils l’ont obtenue, mais ils ont encore peur de vous. Une fois incorporés à l’OTAN, ils vont se calmer et vos relations s’éclairciront d’un seul coup. Alors, où en sommes-nous ? Dix ans ont passé, le cadre de l’alliance a été ouvert aux pays baltes, mais se sont-ils débarrassés de ces peurs fantômes ? Au contraire ! Par exemple, sur de nombreuses questions fondamentales de la coopération pan-européenne, la Lituanie devance même les États-Unis. Et maintenant, les pays baltes, ainsi que la Pologne, demandent à l’OTAN de pointer son système de défense antimissile contre la Russie ! Quelle personne sensée peut aujourd’hui parler sérieusement de notre invasion de l’Europe? C’est exclu !

Question : Oui mais certains en parlent. Maintenant, à cause de nous, l’Ukraine a la même phobie. Dans ce pays, il n’y a jamais eu une attitude de masse à considérer les Russes comme des ennemis, et maintenant c’est fait.

S. V. Lavrov : Pas à cause de nous. Ce sont plutôt des tentatives pour nous montrer ainsi. Vous savez, quand les médias audiovisuels, Internet et la presse écrite sont remplis de propagande anti-russe, une propagande généralement grossière, fausse et éhontée, il est difficile de s’attendre à un résultat différent. Nos chaînes de télévision en Ukraine sont bloquées, toutes les informations sont présentées d’une manière biaisée, partiale. Mais cela ne signifie pas que tout le monde a subi un lavage de cerveau. Je parle à des Ukrainiens, j’ai rencontré des réfugiés de Lougansk et de Donetsk et j’ai la connaissance directe qu’il y a des politiciens honnêtes à Kiev qui souhaitent mettre un terme à cette hystérie.

Je crois que les tentatives pour diviser nos peuples vont échouer, bien que dans l’ensemble ce soit l’objectif principal. Quelqu’un est visiblement réticent à la restauration de la fraternité historique entre Russes et Ukrainiens. Des erreurs ont probablement été commises par les deux parties, mais nous, au moins, essayons d’être honnête ; nous ne recourons pas à des mensonges et nous n’utilisons pas le « deux poids, deux mesures ».

Je voudrais aussi parler du Moyen-Orient. Lorsque le printemps arabe a commencé, nous avons proposé à nos collègues des États-Unis et d’Europe de nous réunir et d’analyser le plus sérieusement ce qui se passait, pour communiquer avec la Ligue des États arabes et mettre en place un processus multilatéral qui nous permettrait d’échanger nos évaluations de la situation et d’avancer conjointement. Cela n’a pas été suffisant. Rappelons-nous l’Egypte, où le président Moubarak, qui avait préservé les intérêts des États-Unis au Moyen-Orient pendant 30 ans, a été placé dans une cage après avoir abdiqué, et, à peine vivant, trainé en salle d’audience, encore et encore. Personne n’a même pris la peine d’expliquer à ceux qui étaient arrivés au pouvoir au Caire qu’ils devaient agir différemment, d’une manière civilisée, s’ils souhaitaient préserver et renforcer leur pays. Puis il y a eu la Libye – l’un des états de la région les plus socialement prospères. Certes, il y avait un régime autoritaire, certains le qualifiaient de dictatorial, mais qu’avons-nous aujourd’hui ? Le pays n’existe désormais plus. Il est divisé en principautés semi-féodales dirigées par des terroristes. Et l’Occident ne sait pas quoi faire.

Mon collègue français a reconnu publiquement que sous le règne de Kadhafi, Paris a fourni des armes à l’opposition au mépris de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui l’interdisait. Ces gens se sont ensuite déplacés au Mali, et les Français ont dû y envoyer un contingent armé pour les combattre. J’ai demandé à mon collègue s’il ne trouve pas ce comportement étrange. Il a ri et a répondu: « C’est la vie ». Si ceci est une forme de politique, je ne l’apprécie pas.

En Syrie, le drame n’est pas encore terminé. Dans ce cas, là encore, nous n’avons pas cessé d’appeler les Américains et les Européens à résoudre cette question avant que le problème ne déborde sur les pays voisins. Il aurait fallu dire clairement : la communauté internationale soutient le gouvernement syrien légitime dans sa lutte contre les insurgés, il n’y a pas de place pour eux dans le système existant. En guise de réponse, nous avons eu droit à un « n’exagérez pas ». Puis le groupe se faisant appeler l’État Islamique d’Irak et du Levant est apparu. Les tentatives de la Russie pour le déclarer organisation terroriste et l’inclure dans les listes respectives de l’ONU se sont heurtées aux objections des États-Unis. C’est seulement après que cette organisation ait pris un tiers de l’Irak et qu’un citoyen américain ait été exécuté publiquement que Barack Obama a reconnu : « Oui, ce sont des terroristes ». Aujourd’hui, les Américains vont les bombarder sur le territoire irakien, mais ils ne font rien contre eux en Syrie, parce que là, ils se battent contre Bachar-el-Assad, que les États-Unis veulent renverser. C’est la logique du « deux poids, deux mesures » : les terroristes peuvent être bons s’ils apportent de l’eau au moulin géopolitique approprié.

Question : Certains diplomates plaisantent en faisant courir la rumeur que Bachar-el-Assad se prosterne et prie pour remercier Allah des manifestations de Maidan.

S. V. Lavrov : Vous voulez dire que les évènements en Ukraine ont détourné l’attention de Damas ? Dans un certain sens, l’ironie peut être vraie, mais nous sommes convaincus qu’oublier d’œuvrer pour la fin des hostilités envers la Syrie serait une erreur. Washington et ses alliés européens étaient d’une intransigeance totale, mais ils ont depuis dérivé vers une position plus proche de la nôtre. Il y a un an, tout d’un coup, quelques-uns de nos partenaires occidentaux se sont mis à dire que le risque d’avoir des terroristes à la tête de la Syrie et de la voir devenir un camp d’entraînement pour militants était bien plus sérieux que le maintien d’Assad au pouvoir.

Question : Que répondriez-vous à ceux qui affirment que les répercussions des événements ukrainiens sur les affaires politiques mondiales ont été exagérées hors de toutes proportions ? Il y a aussi le terrorisme islamiste au Moyen-Orient, le virus Ebola en Afrique et l’éternelle crise dans la bande de Gaza…

S. V. Lavrov : Le problème ukrainien est certainement le plus important pour nous. Vu d’ailleurs, cela peut sembler exagéré, mais c’est parce que les États-Unis voient l’Ukraine comme le théâtre d’un conflit géopolitique où se joue le sort du monde. Les Occidentaux, conduits par les États-Unis, seront-ils en mesure de conserver leur position dominante, ou devront-ils négocier avec d’autres centres de pouvoir ? J’ai demandé à John Kerry et à plusieurs ministres européens des affaires étrangères pourquoi l’Ouest préconisait rapidement un cessez-le-feu et des accords nationaux dans pratiquement tous les conflits (Soudan, Yemen, Afghanistan, Palestine) mais n’en faisait pas de même en Ukraine. Le plan de paix de Porochenko, ou rien. Il s’avère qu’il est possible de négocier avec les Talibans ou le Jihad Islamique, mais complètement impossible d’avoir un quelconque contact avec ceux qu’ils ont appelés des séparatistes de la RPD et de la RPL.

Pourquoi a-t-on dénié au peuple du Sud-Est ukrainien le droit d’être entendu ? C’est au-delà du bien et du mal ! Tout comme le fait que le premier convoi humanitaire de Russie a été dans l’incapacité d’accéder à Lugansk deux semaines durant, alors que la ville connaissait déjà depuis longtemps des problèmes d’approvisionnement en eau, en électricité et d’accès à de nombreuses denrées de première nécessité. Kiev remettait sans cesse au lendemain de toutes les manières possibles et imaginables, sans jamais nous laisser une chance de tendre la main vers ceux qui en avaient le plus besoin. Les autorités ukrainiennes avaient apparemment compris que sans ce genre de comportement, il leur serait plutôt compliqué de présenter notre pays en agresseur. En mai dernier, nous avons proposé au ministre ukrainien des Affaires étrangères une assistance humanitaire pour le sud-est du pays. Notre proposition a été rejetée. La question a de nouveau été débattue en juillet, débats au cours desquels nous avons reçu un accord de principe suivi d’une longue et ennuyeuse discussion sur les détails. Dans un premier temps, Kiev a proposé une route, avant de changer d’idée et d’en proposer une autre. Ce n’étaient pas des négociations, mais une partie de ping-pong sans fin.

Cette lutte a duré plus de deux semaines. Au bout du compte, nous avons perdu patience et, le 22 août, après en avoir informé la partie ukrainienne et la Croix Rouge internationale, le convoi est entré dans la région de Lugansk. L’attente n’était tout bonnement plus possible, la situation défiait les règles du bon sens. Immédiatement, il y a eu toute une série de mensonges sur la roublardise de la Russie. On pouvait avoir l’impression que c’était une provocation délibérée visant à nous attirer dans un conflit.

Question : Selon vous, Sergueï Viktorovitch, il n’existe pas de temps calmes en matière diplomatique ; vous êtes, après Sergeï Choigou, le ministre en exercice depuis le plus longtemps, et vous avez une grande expérience. Est-il nécessaire de rappeler l’année 2008, la guerre avec la Géorgie et votre cinglante réflexion, adressée à Mikhail Saakachvili, le qualifiant de « gros taré » ?

S. V. Lavrov : Ce n’est pas moi qui ai dit cela. L’histoire est la suivante. Suite aux événements en Ossétie du sud, mon homologue européen avait visité Tbilissi, et, sur le chemin du retour, avait demandé à être reçu à Moscou. Au cours d’une conversation privée, il m’avait raconté ses discussions avec Mikhail Saakashvili, discussions qui lui avaient fait se dresser les cheveux sur la tête, et c’est à cette occasion qu’il avait employé cette expression. Je l’ai répétée à l’ancien Secrétaire britannique des Affaires étrangères, David Miliband, qui m’avait appelé pour blâmer la Russie d’une prétendue offense causée à la pacifique Géorgie et à son président. Je n’ai pas ajouté un seul mot insultant à l’égard de Saakashvili. Mais quelques trois mois plus tard, les conseillers de Miliband ont fait fuiter l’épisode dans les médias, pour une raison quelconque, tout en le déformant fortement.

Question : Cependant, il y eut alors une remise à plat des relations avec l’Amérique, les relations avec l’Occident ont été réévaluées, alors maintenant, avec « la Crimée-est-à-nous », on ne peut que rêver de cela…

S. V. Lavrov : Si cela n’avait pas été la Crimée et le Sud-Est de l’Ukraine, l’Occident aurait inventé quelque chose d’autre. L’objectif était de déstabiliser la Russie à n’importe quel prix. La mission a été élaborée il y a longtemps. Prenez la Syrie, par exemple. Il y a quelques années, ils se sont tournés contre nous, nous accusant de protéger un dictateur qui tyrannisait son propre peuple. A ce propos, il a été dit à l’époque qu’Assad utilisait la famine comme arme. Pour en revenir à la catastrophe humanitaire actuelle dans le Donbass, peut-être que l’idée était d’affamer tout le monde jusqu’à la mort et puis de repeupler les territoires vidés avec de vrais Ukrainiens ?

Question : Vous conviendrez que si nous nous reportons à l’hiver dernier, tout avait l’air d’aller très bien pour la Russie : un succès pour le sommet de l’APEC à Vladivostok, des Jeux Olympiques à Sotchi triomphants, la présidence du G8, puis…

S. V. Lavrov : Je le répète : quand on veut, on peut. Le fait que Washington et certains pays européens aient décidé d’isoler la Russie ne date pas d’hier.

Question : Et par conséquent nous sommes maintenant engagés dans une guerre de sanctions.

S. V. Lavrov : La Russie réplique. C’est le cas typique où les autres ont commencé les premiers. On écrit beaucoup maintenant sur ce que nous aurions dû faire ou ne pas faire. Vous savez, quand vous êtes puni comme un élève coupable à l’école… La Russie ne peut pas rester indifférente à cette situation. Mais quelle que puisse être l’attitude envers l’interdiction des importations de produits alimentaires de l’Union européenne, de la Norvège, de l’Amérique du Nord et de l’Australie, et j’ai entendu différents jugements, je ne pense pas que ce soit une tragédie. Tout peut être résolu. Il est important à ce stade d’être rapide : lorsque l’offre d’un pays prend fin, un remplacement adéquat est nécessaire par un autre importateur ou un producteur russe. Je crois que personne ne niera que les fruits et légumes de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et des républiques d’Asie centrale sont plus savoureux et de meilleure qualité que ceux qui arrivent d’Europe. En tout cas, moi je les préfère.

Question : La victoire sur certains restaurants McDonald’s rapprochera-t-elle la Russie d’un triomphe géopolitique ? Juste avant le début de contrôles en masse dans les points de vente McDonald’s à travers la Russie, la société a diffusé un spot TV annonçant un nouveau hamburger avec du parmesan sanctionné…

S. V. Lavrov : J’ai depuis longtemps cessé de m’y rendre. Cependant, je suis allé au premier restaurant McDonald’s qui a ouvert sur la place Pouchkine en 1990, avec ma fille. Le Vice-Premier ministre Dvorkovitch a déjà dit que personne ne prévoit d’interdire cette chaîne de restauration rapide. Les contrôles nécessaires seront effectués, les normes sanitaires seront remises en ordre… Pour ce qui est du parmesan, n’importe quel type de fromage peut être produit si on y investit efforts et savoir-faire. Ce n’est pas un problème.

Question : Le tout étant de ne pas pousser la situation jusqu’à l’absurde.

S. V. Lavrov : Oui, mais on ne veut pas être pris pour des idiots non plus. Rosselkhozbank, qui offre des crédits à nos producteurs agricoles, est parmi ceux que visent les sanctions. Cela signifie que les agriculteurs nationaux devront faire face à des difficultés de financement et leurs produits seront moins compétitifs que les importations en provenance de l’Union européenne, qui obtient on ne sait combien de milliards en subventions. Nous ne pouvons que rêver de telles subventions. Et il y a encore autre chose. Les pays qui ont imposé ces sanctions, et ceux-ci sont pour la plupart des pays membres de l’OTAN, prétendent de plus en plus souvent que la Russie n’est plus leur partenaire, mais un adversaire. Et nous devons réfléchir à ce que veulent dire ces déclarations. Est-il logique que la sécurité alimentaire d’un état, la fourniture de nourriture à la population - même si c’est autour de 20 à 30 pourcents - dépendent de ceux qui nous considèrent comme un ennemi ? Mais la Russie ne peut pas devenir l’otage des plans que d’autres montent pour faire pression par des sanctions. Que se passera-t-il si l’Union européenne et les États-Unis décident de mettre plus de pression sur nous, et sont même d’accord pour allouer beaucoup plus de milliards de dollars ou d’euros sous forme de subventions à leurs agriculteurs ? Nous ne connaissons pas leurs plans secrets.

Question : Mais jusqu’à présent, ils n’ont rien fait de tel. Nous avons interdit les importations nous-mêmes.

S. V. Lavrov : Mais je le dis encore une fois : il y a beaucoup de pays qui rêvent de remplacer les Européens et les Américains sur notre marché. L’Argentine et le Brésil, par exemple, se vantent de produire une excellente viande.

Question : L’avoine ne coûte pas cher, mais les bateaux sont chers. Sagesse proverbiale.

S. V. Lavrov : Non, les prix seront absolument raisonnables. Les Sud-Américains veulent obtenir un quota dans notre marché. Cela se fait dans le cadre de possibilités offertes par l’OMC.

Question : En d’autres termes, vous ne sentez pas de gêne dans votre travail, Sergueï Viktorovitch ?

S. V. Lavrov : C’est ainsi. Je réponds en toute sincérité. D’abord, il s’agit d’un défi professionnel, si vous voulez. Ensuite, ce sont plutôt mes homologues qui se sentent mal à l’aise quand ils doivent donner des explications obscures, par téléphone ou via nos ambassadeurs, pour se justifier de la raison qui les pousse à retarder une visite à Moscou qui avait été programmée. Au nom du Ciel ! L’amour ne se dicte pas. Lors de différents forums internationaux, les ministres des pays qui ont imposé des sanctions à la Russie viennent me voir un par un, me prennent à part et me demandent, tout gêné, de prendre cela du bon côté, d’être compréhensif, disant qu’ils ne veulent pas, mais qu’ils sont obligés. Le consensus, la solidarité… Ce sont les arguments de la très grande majorité des états, qui ont compris qui orchestre ces processus sans aucun dommage pour lui-même, et qui satisfait ainsi ses ambitions géopolitiques.

Peut-être que des périodes de tension dans les relations internationales sont inévitables. Mais elles finissent tôt ou tard. Et celle-là passera. Mais avant tout, tous doivent s’habituer à l’idée que le monde ne sera pas unipolaire plus longtemps. En attendant, nous allons assister à des rechutes et des regains belliqueux.

Question : Peut-on considérer que le non-alignement adopté par la Russie lui confère une position privilégiée ?

S. V. Lavrov : Vous savez, les alliances classiques de l’époque de la guerre froide ont fait leur temps. J’ai déjà mentionné le flottement de l’OTAN, en quête d’une raison d’être. Nous avons l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, notre propre alliance militaro-politique. Mais il n’y a pas de politique du bâton. Parfois, nous entendons : Regardez comme les membres de l’Alliance de l’Atlantique Nord sont unis dans leur vote à l’ONU - les États-Unis ont donné les ordres et tous ont levé la main (mais tout le monde sait qu’on a « tordu le bras » à nombre d’entre eux avant). Quant aux représentants des pays membres de l’OTSC, ils peuvent soutenir l’initiative de la Russie ou s’abstenir, ou tout simplement manquer une session, comme lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies a examiné une résolution après les événements de Crimée. Ma réponse est toujours simple : oui, nous nous attendons à ce que nos alliés respectent les accords des pays membres de l’OTSC sur une ligne de politique étrangère commune, mais nous comprenons aussi que le monde d’aujourd’hui est multi-facettes et multi-vectoriel et c’est pourquoi nous ne cherchons pas à interdire à quiconque d’avoir des nuances dans les approches pour le règlement de tel ou tel problème, et nous ne faisons certainement pas de chantage ni ne forçons la main à personne.

Question : Prenez le Kazakhstan et la Biélorussie, par exemple, ils sont nos partenaires de l’Union douanière, mais ils ne soutiennent pas l’embargo de la Russie sur la nourriture…

S. V. Lavrov : C’est leur droit. Oui, ils ont dit qu’ils ne se joignaient pas aux sanctions, mais ont souligné qu’ils ne permettront pas que leur territoire serve à violer les règles établies par la Russie. C’est ce qui distingue les anciennes alliances des nouvelles. Les alliances d’aujourd’hui doivent être souples. Par ailleurs, nos partenariats stratégiques ne sont pas limités à l’OTSC. Nous devons mentionner les BRICS, qui réunissent le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ainsi que l’Organisation de coopération de Shanghai. Dans les deux cas, en dehors des intérêts économiques mutuels, nous parlons de pays qui partagent une vision similaire des questions fondamentales sur l’ordre mondial.

Question : Que signifie notre préparation à nous retirer unilatéralement des accords internationaux ?

S. V. Lavrov : C’est écrit dans la plupart des documents internationaux. C’est une procédure standard : en règle générale, un pays doit officiellement notifier son souhait aux autres parties du traité et aux dépositaires avec six mois d’avance. Et c’est tout. Une approche civilisée. Il peut y avoir différents traités et l’attitude envers eux peut changer. Il faut comprendre à l’avance ce que ce changement va entraîner. Lorsque les États-Unis et l’Union soviétique ont signé le Traité sur les missiles anti-balistiques au début des années 1970, tout le monde s’est rendu compte que c’était une vraie contribution à l’arrêt de la course aux armements. Si vous renoncez à la protection totale de votre territoire, vous êtes moins tenté d’attaquer un ennemi.

Et l’opposant se comporte de la même manière. Sous George W. Bush, les USA ont décidé de se retirer du traité, et je me souviens que Vladimir Poutine avait demandé à son homologue s’il était vraiment nécessaire de saper ce gage de stabilité. Bush a répondu que la défense anti-missile n’était pas dirigée contre la Russie, mais servait à contrôler l’Iran, et c’est pourquoi la Russie pouvait prendre toutes les mesures qu’elle souhaitait pour assurer sa sécurité. Si l’on remonte un peu dans le temps, Bismarck avait dit que dans l’art de la guerre, ce ne sont pas les intentions qui comptent, mais les potentiels. Autre exemple : prenez le Traité sur les forces conventionnelles en Europe. Il a été signé au moment où l’Union Soviétique et d’autres pays du pacte de Varsovie s’opposaient à l’Otan. Après la fin du bloc socialiste, le document a été changé, adapté à de nouvelles réalités. La Russie l’a ratifié, mais l’Occident a dit qu’il ne le signerait qu’après le départ de nos soldats de la paix en Transnitrie. Pourquoi donc ? Il n’en est fait aucune mention dans le traité. Résultat, le document est devenu inutile à cause du refus de l’Otan de s’y joindre.

Question : Je me demandais : est-ce que vos itinéraires ont beaucoup changé ces derniers temps ?

S. V. Lavrov : Je ne dirais pas cela. C’était Berlin avant Minsk, et Paris un peu avant. Et en ce moment, l’Afrique, un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Douchanbé, et puis New York.

Question : Quelle sera votre humeur lors de votre prochaine réunion de l’Assemblée générale des Nations unies ?

S. V. Lavrov : Je n’ai pas encore pensé à ce voyage, il y a tellement d’autres choses avant… Une session de l’Assemblée générale de l’ONU, c’est un événement familier. Un représentant de chaque pays montera sur l’estrade pour dire quelque chose.

Question : Mais l’humeur sera sûrement différente cette fois.

S. V. Lavrov : Nous écouterons d’abord, puis nous en tirerons des conclusions.

Question : Est-ce que vous avez eu des annulations de visites ces derniers temps ?

S. V. Lavrov : Les miennes n’ont pas été annulées. L’homologue japonais avait prévu de visiter Moscou en avril, mais pour des raisons techniques, il a demandé à remettre la visite à plus tard… Voilà une autre chose très surprenante : des représentants de pays qui n’ont rien à voir avec l’Union européenne et les sanctions contre la Russie disent que les ambassadeurs américains, partout, sont allés voir les autorités nationales pour leur demander de geler leurs relations avec Moscou ! N’allez pas les voir, ne les recevez pas. Est-ce normal ? D’une certaine façon, c’est assez amusant de travailler dans une situation où les Américains ont recours à ce type de méthode. Franchement, je n’aurais jamais imaginé qu’un pays généralement respectable puisse se comporter de cette façon !

Question : Est-ce que vous avez dit ça en face à John Kerry ?

S. V. Lavrov : Bien sûr, nous discutons de différentes questions avec le secrétaire d’État Américain.

Question : Vous n’êtes jamais à court de mots, Sergueï Viktorovitch. Des rumeurs secrètes prétendent qu’il y a une pierre sur l’une des rives de la rivière Katun dans le territoire de l’Altaï. Un texte gravé sur cette pierre dit qu’à cet endroit même, le ministre Lavrov a dit à son collègue britannique, Jack Straw, d’aller se faire voir. Le texte est suivi de la date.

S. V. Lavrov : Les rumeurs secrètes vous ont égaré. La pierre n’est pas sur la rive de la rivière Katun, mais dans mon sauna. Je l’ai emmenée chez moi comme souvenir. Voici ce qui s’est passé. J’étais avec d’autres personnes, principalement mes anciens camarades d’études de l’Université MGIMO [Institut d'État des relations internationales de Moscou, NDT] et comme d’habitude, nous faisions du rafting sur la rivière. Un soir, nous avons atteint une étape où bivouaquer. Nous traînons les radeaux, montons des tentes, allumons un feu pour cuire le dîner. Tout se passait comme d’habitude. Avec un téléphone satellite, j’ai appelé Moscou et demandé comment les choses se passaient en général. On m’a indiqué que Jack Straw, avec qui nous avions établi de très bonnes relations, avait demandé à être joint rapidement.

Vous savez, les batteries de téléphone ne durent pas éternellement, je devais économiser ma batterie et nous avons convenu que Londres allait me rappeler une demi-heure après. J’ai allumé mon téléphone exactement après cette période de temps. Les Britanniques m’ont appelé et dit que Straw était occupé à ce moment là. Ils m’ont demandé s’ils pouvaient me rappeler dans dix minutes. Après dix minutes la situation s’est répétée, et puis encore et encore jusqu’à ce que je demande - poliment - de dire à Jack que je ne pourrais pas parler avec lui ce soir-là. C’est tout ce dont il s’agit. Un de mes amis a entendu le dialogue et puis a laissé une interprétation très libre de tout cela gravée dans la pierre.

Question : Il semble que le représentant permanent de la Russie à l’ONU, Vitali Tchourkine, soit votre véritable compagnon en termes de capacité à s’exprimer clairement. Il est également capable d’exprimer tout très clairement.

S. V. Lavrov : Vitali est mon vieil ami. En avril 1992, nous avons tous deux été promus à des postes de vice-ministre des Affaires étrangères de Russie et depuis lors, nos chemins se sont souvent croisés. Par exemple, quand il a travaillé dans les Balkans, j’étais responsable de cette zone.

Question : Il se dit que vous avez activement essayé de convaincre Vladimir Poutine de nommer Tchourkine à l’ONU ?

S. V. Lavrov : C’était ma proposition et j’ai mis en avant des arguments en sa faveur. Compte tenu de l’importance de la position, j’ai demandé au président de recevoir Vitali avant sa nomination pour lui parler personnellement.

Question : Depuis combien de temps êtes-vous proche de Poutine ? Et comment avez-vous été nommé au poste de ministre ?

S. V. Lavrov : Nous nous sommes rencontrés à Moscou en Novembre 1999, Vladimir Vladimirovitch était à la tête du gouvernement de l’époque, et j’étais l’envoyé permanent à l’ONU. J’avais pris l’avion pour Moscou pour la visite d’un vice-premier ministre irakien, dont la réception avait eu lieu sur les berges de Krasnopresnenskaya. Elu président en 2000, Poutine est arrivé à New York pour le sommet du Millénaire. Nous nous sommes vus plus d’une fois depuis lors.

Le 6 mars 2004, j’ai reçu un coup de téléphone de la part du chef de l’administration présidentielle, Dmitri Medvedev, qui m’a invité à Moscou. Je suis parti le jour même. Le jour suivant, Vladimir Vladimirovitch m’a reçu et m’a offert le poste de ministre. Depuis, je maintiens un contact de travail permanent, pratiquement au quotidien.

Question : Quand vous menez des négociations hors de la Russie, avec quelle fréquence consultez-vous le président ?

S. V. Lavrov : Avant les voyages, je parle de la position à laquelle je compte me tenir, et après avoir reçu des instructions, je maintiens le cap qui a été décidé. Je ne vais pas révéler tous nos secrets, mais en règle générale, nous avons plusieurs options pour nos actions. Malgré tout, il y a parfois des cas essentiels où les compromis sont écartés d’office. Dans ces cas, je l’explique franchement à Vladimir Vladimirovitch. Dans les cas très sérieux, quand des textes doivent être remaniés et que leur contenu pourrait impliquer des doubles sens, je l’appelle au téléphone et je l’en informe. C’est comme ça que nous sommes arrivés à un accord sur les armes chimiques en Syrie. Le document contenait des points discutables, et de notre mission de Genève, j’appelais régulièrement le Kremlin.

Question : Je sais que vous utilisez un téléphone cellulaire. Vous différez des autres, qui préfèrent n’utiliser que des téléphones à cadrans rotatifs.

S. V. Lavrov : Mais la communication par cellulaire n’est pas appropriée pour contacter le Président et parler du travail en cours. Nous ne l’utilisons que pour les questions d’organisation, qui, où, quand…

Question : Comment est-ce qu’Edward Snowden et Julian Assange ont changé le monde d’aujourd’hui, à votre avis ?

S. V. Lavrov : Nous n’avons rien appris de fondamentalement nouveau. Si je me souviens bien, quand j’ai commencé à lire les informations révélées par Assange, je n’ai pas trouvé de révélations sur des caractéristiques personnelles de telle ou telle personnalité de l’arène mondiale, ou concernant la description des méthodes de travail utilisées par les gouvernements ou les services secrets. Nous savions déjà tout ça.

Question : Quid des mémoires d’Hillary Clinton ? Les avez-vous lues ?

S. V. Lavrov : J’ai feuilleté le livre. Il comprend un index alphabétique et j’ai cherché les sections qui parlaient de moi, de mes confrères de l’administration de l’ONU et d’un certain nombre de pays d’Europe. C’était intéressant.

Question : Le Secrétaire d’État américain précédent était très pointu dans ses descriptions de Poutine.

S. V. Lavrov : Très ! En Occident, c’est considéré comme indispensable à n’importe quel programme. Malgré tout, des opinions sensées s’expriment aussi, mais elles sont généralement le fait de diplomates et de politiciens à la retraite. Ceux qui sont employés au gouvernement ou veulent accéder à de hautes fonctions doivent se tenir à la ligne du parti et, parce qu’ils visent à appliquer le dernier agenda américain, ils font finalement de la surenchère.

Question : Vous avez dit avoir des contacts de travail permanents avec Poutine. Comment est-ce que ça marche ?

S. V. Lavrov : Nous parlons pendant les visites à l’étranger, au cours desquelles j’accompagne toujours le président, nous nous rencontrons avant de recevoir les chefs d’état étrangers en visite en Russie. Vladimir Poutine a une capacité d’écoute exceptionnelle. Ce n’est pas un compliment, ni une flatterie, mais la constatation d’un trait de caractère fondamental. Poutine offre toujours une possibilité de s’exprimer et ne recourt jamais à des ultimatums. Aucune idée sensée, susceptible d’offrir une solution constructive à un problème, que ce soit dans le domaine de l’économie ou dans le cas d’une crise comme celle de l’Ukraine, n’échappe à son attention.

Question : Vous est-il déjà arrivé de le faire changer d’avis ? On sait qu’avant la signature de l’accord nommé « Loi Dima Yakovlev », vous avez vu Poutine et avez contre-argumenté.

S. V. Lavrov : J’avais fait un rapport sur mon évaluation des aspects juridiques et les conséquences possibles après l’adoption du document. Il est entré en vigueur en décembre 2012, quelques mois plus tôt, nous avions signé à Washington un accord avec les Américains en matière d’adoption d’enfant, cela a demandé beaucoup d’efforts parce que nous avions de plus en plus de problèmes avec les enfants russes adoptés aux États-Unis qui étaient abusés, violés et même assassinés. Le Département d’État a dégagé sa responsabilité, arguant que, selon les lois américaines de tels cas relèvent de la compétence du système judiciaire de chaque état. En conséquence, nous avons obtenu l’adoption de l’accord intergouvernemental, et lors de la déclaration de Vladimir Poutine en décembre 2012, j’ai suggéré que la dénonciation ne soit pas incluse dans la loi « Dima Yakovlev » parce que j’espérais que cela nous permette de vérifier plus tôt la situation des enfants adoptés.

Tout au long de 2013, l’accord est resté en vigueur, et pour parler franchement, j’ai trouvé mon évaluation de la capacité du gouvernement américain à tenir ses engagements trop optimiste. Il n’y a eu aucun progrès sur les questions soulevées devant le Département d’État, y compris le fameux Ranch pour enfants, un orphelinat dans le Montana qui a admis des enfants abandonnés par leurs nouveaux parents américains. Au cours de trois années nous n’avons pas réussi à y aller.

Question : On dit que lors de votre confirmation au poste de ministre des Affaires étrangères, vous avez discuté avec le Président pour valider le droit de faire annuellement du rafting entre amis sur les rivières de montagne et sans gardes de sécurité. Est-ce vrai ?

S. V. Lavrov : C’est une demande qui a été soutenue par Vladimir Vladimirovitch.

Question : Avez-vous fait du rafting cette année ?

S. V. Lavrov : Début août, mais c’était court. Je n’avais pas beaucoup de temps.

Question : Est-ce que ce sont vos amis qui vous ont surnommé « l’ Élan »?

S.V.Lavrov : Le surnom m’est resté depuis mes études. Quand j’étais au MGIMO, chaque été, pendant les quatre années que j’y ai passées, je participais aux « brigades de construction étudiantes ». On a commencé en Khakassie, puis on a continué en Touva, la troisième année, on était en Extrême-Orient, et la quatrième, en Yakoutie. J’étais chef d’équipe, j’épuisais tout le monde, et c’est probablement pourquoi on m’a donné ce surnom. Je ne l’ai pas contesté.

Question : Mais avant les brigades de construction, vous creusiez déjà le sous-sol du centre de télévision.

S. V. Lavrov : Oui, avant l’entrée à l’Université, on nous envoyait à Ostankino, on creusait les fondations des bâtiments qui allaient abriter le centre de télévision.

Question : Le téléviseur dans votre bureau de la place de Smolensk n’est pas qu’un meuble, non ? Vous l’allumez ?

S. V. Lavrov : De temps en temps. Je regarde toutes les chaînes russes, CNN, BBC, et Ukraine News1.

Question : Comprenez vous l’ukrainien ?

S. V. Lavrov : Je le comprends en gros, mais pas toutes les subtilités. Littéralement et au figuré.

Question : Pratiquez-vous encore votre première langue étrangère, le cingalais ?

S. V. Lavrov : J’ai appris l’anglais à l’école. J’ai commencé le français et le cingalais au « MGIMO ». Je peux écrire en cingalais, mais je ne suis pas sûr de pouvoir encore le parler. Je n’ai pas eu l’occasion de le pratiquer depuis bien longtemps. Depuis mon départ du Sri Lanka en 1976, en fait.


Source : Sergueï Lavrov, Ministère russe des Affaires étrangères, 10/09/2014.

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Sergueï Lavrov

Source: http://www.les-crises.fr/interview-lavro/


[Reprise] Manuel Valls, expert en optimisation politico-fiscale

Sunday 12 October 2014 at 03:30

Bon, ce n’est pas très important (et c’est légal), mais ça révèle tellement de choses…

Révélation de Charlie Hebdo, sur un point que j’avais repéré à l’époque en préparant le billet dédié, sans avoir pu le creuser…

Voir la presse avaler sans broncher que le Premier ministre, député maire depuis 10 ans à 7 000 € par mois, n’a presque rien au final et vit avec sa femme dans 44 m² – je trouvais ça presque aussi bien que Les Misérables… (notez, ils le sont aussi, mais d’une autre façon…)

Sauf erreur, après une rapide recherche, je ne trouve rien sur ce scoop de Charlie (qui a une semaine…) sur lemonde.fr, liberation.fr, lefigaro.fr.

Alors chuuuuuuut !!!!!

Charlie Hebdo – Transparence : le tour de passe-passe de Valls – 1er oct 2014

Les ministres vont bientôt publier leur déclaration de patrimoine. Mais certains petits malins, Manuel Valls en tête, surfent sur un texte de loi restrictif pour qu’on ne sache pas qu’ils vivent grand train ou presque…

On croyait tout savoir de Valls. Depuis qu’il est ministre, ce dernier a eu droit à une cascade de portraits dans la presse, mettant en scène son couple, sa femme, leur amour et… leur appartement. Les Français ont vite su qu’ils préféraient habiter dans ce logement du quartier de la Bastille, plutôt que de dormir dans le lit précédemment occupé par Claude Guéant à l’Intérieur. C’est ce qu’avait assuré son épouse, la musicienne Anne Gravoin. On la comprend un peu…

Mais pour en savoir plus sur ce fameux appartement, le « nid » parisien de la famille (Le Figaro), mieux vaut ne pas en rester à la déclaration de patrimoine que, à l’instar de tous les ministres, Manuel Valls est obligé de remplir depuis l’adoption en 1988 de la loi sur le financement de la vie politique. Gageons que celle qu’il doit à nouveau (car il a été renommé à Matignon le 26 août) déposer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) reprendra les mêmes éléments que celles qui furent publiées depuis son entrée au gouvernement, en 2012 : un « appartement de 88 m2 » acheté en 2006 à Évry, ainsi qu’un « appartement de 44 m2 », acquis à Paris en 2010 pour 315 000 euros, via une SCI. La Haute Autorité, institution indépendante créée en 2013 après l’affaire Cahuzac, a contrôlé en juin dernier sa première déclaration de Premier ministre. Et n’y a rien trouvé à redire.

Normal : le Premier ministre respecte la loi à la lettre. Il a déclaré les biens immobiliers dont il est propriétaire via une SCI dont sa femme possède 99 parts sur 100, et rien d’autre. Le cadastre, que Charliea consulté, est formel. La SCI Homère détient deux lots de l’immeuble en question, en plein coeur du XIe arrondissement, bobo et populo à la fois. Il s’agit d’un WC donnant sur l’escalier et d’un petit appart de deux pièces au premier étage, comprenant entrée, séjour, chambre, cuisine et salle d’eau avec cabinets. On est d’accord : la règle déclarative a été formellement respectée.

Le seul souci, c’est que Manuel Valls ne vit pas dans un deux-pièces de 44 m2. L’appartement qui abrite les nuits de monsieur le Premier ministre comporte en tout, encore selon le cadastre, 16 lots de copropriété, ainsi que 2 caves. À lire le règlement de copropriété de l’immeuble, les lots réunis — dont 14 appartiennent en nom propre à Anne Gravoin, qui a épousé Valls sous le régime de la séparation de biens — permettent de regrouper pas moins de 7 pièces de séjour, 4 chambres, 5 salles d’eau ou salles de bains, ainsi que 5 cuisines et 2 terrasses. Sans parler de 6 locaux, entiers ou partiels, au rez-de-chaussée. On peut imaginer que, contrairement à l’affectation des habitations lors de la construction de l’immeuble, les cuisines ou les salles de bains en surnombre ont été transformées en chambres. Le Point, qui dressait le 1er avril 2014 le portrait de Valls, évoquait en tout cas un logement « bohème ». On en connaît d’autres qui adoreraient vivre dans une telle «bohème»…

En tout cas, il s’agit d’un lieu « charmant et ressourçant », selon une amie du couple (Le Figaro, 3 septembre 2013) : « Deux appartements qu’Anne a réunis au fil des ans, une petite terrasse au milieu, des lampions », « de bric et de broc, de petites pièces… », ajoute le journal. Au final, selon nos calculs, la surface totale des lieux se situe entre 210 et 250 m2. Soit, à quelque 8 000 euros du mètre carré (le bas de la fourchette…), un prix total s’élevant de 1,68 million à 2 millions d’euros.

Mais quand la presse s’est penchée sur la dernière déclaration de patrimoine de Valls, elle n’y a vu que du feu. Les Échos, L’Obs, Le Huffington Post et d’autres racontent ainsi qu’il « dispose de deux appartements, un dans l’Essonne et un appartement de 44 mètres carrés à Paris ». L’Express et Le Monde du 16 avril 2013 sont plus précis, notant qu’il est propriétaire de « une part sur 100 d’un appartement de 44 m2 dans le XIe arrondissement de Paris, acheté avec son épouse… ». Les lecteurs imaginent donc que Valls et sa famille vivent dans un simple deux-pièces. Seul Le Canard enchaîné a évoqué un jour « un bel appartement », au détour d’un article sur les SDF virés du quartier en raison de la présence de l’auguste personnage.

Faut dire que Valls, qui n’a pas souhaité  faire de commentaires à Charlie, s’est bien gardé de contredire les journaux. Quant à la Haute Autorité, elle est tenue de contrôler le « patrimoine personnel » des ministres, pas « leurs conditions de vie », explique une porteparole. « La loi a clairement exclu les biens des conjoints. » Mais les textes n’avaient pas prévu les talents prévu les talents de communicant de certains ministres…

Lauret Léger, chronique parue dans Charlie Hebdo n°1163 du 1er octobre 2014

Source : Charlie Hebdo

Économie matin – Manuel Valls, millionnaire masqué, expert en optimisation politico-fiscale – 10 oct 2014

Pratiquement le seul média un peu important à en avoir parlé… Chapeau à eux, et merci aux chiens de garde !

 ”Manuel Valls, un ministre endetté sans réel patrimoine“ titraient nos confrères du Figaro en juin dernier, lors de la publication de la déclaration de patrimoine de Manuel Valls à son arrivée à Matignon. Selon ce document (absent au moment ou nous publions cet article, voir plus bas), le Premier ministre ne revendiquait que 93 000 euros d’actifs, le plaçant dans le “peloton de queue” sur le plan patrimonial du gouvernement Valls I.

Avec la nomination du nouveau gouvernement (Valls II) et même si la plupart des ministres sont restés à leur poste, toutes les déclarations de patrimoine ont été retirées du site de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique, et seront republiées prochainement (http://www.hatvp.fr/pages_nominatives/valls-manuel.html) . Ce qui ne signifie pas pour autant, normalement, que les “anciennes” déclarations, vieilles de quelques mois à peine, étaient fausses. En revanche, à en croire Charlie Hebdo paru jeudi 9 octobre, certaines étaient habilement (et parfaitement légalement) rédigées ! Ainsi, sur celle de Manuel Valls, outre les 93 000 euros d’actifs déclarés (déduction faite de ses dettes, des emprunts), le Premier ministre déclarait posséder un appartement de 88 m2 à Evry, et un autre de 44 m2 à Paris. C’est dans cet appartement parisien du XIe arrondissement (Bastille) que Manuel Valls vit avec son épouse, la violoniste Anne Gravoin. Un premier ministre dans un F2, cela laisse songeur…

Il y avait évidemment un truc, que Charlie Hebdo a révélé dans son édition papier du 1er octobre puis mis en ligne sur son site Internet un peu plus tard : Marié sous le régime de la séparation de biens, Manuel Valls ne possède qu’une seule part de la SCI Homère qui détient l’appartement du XIe arrondissement. Les 99 autres parts (sur 100) sont détenues par son épouse. Mais surtout, la SCI Homère ne détient pas un simple studio de 44 m2, mais 16 lots de copropriété, pour un total de 210 à 250m2, le tout étant valorisé entre 1,6 et 2 millions d’euros !

On se pince à lire le descriptif des lots sur le plan de cadastre. Outre les 4 chambres, ce qui est tout à fait normal sur cette surface, il y aurait également 5 salles d’eau ou salles de bains (soit une par chambre, ce qui est déja assez luxueux) mais aussi…. 7 pièces de sejour, ainsi que 5… cuisines et 2 terrasses ! On imagine aisément que certaines pièces décrites comme “cuisine” dans le cadastre aient pu depuis changer d’affectation. Charlie Hebdo se souvient que Le Point avait qualifié le logement de “bohème”. Il n’empêche, le F2 se transforme tout d’un coup en un somptueux appartement (duplex ?) de 11 pièces, 15 si l’on considère qu’une seule cuisine suffit au couple Valls, et que les 4 autres ont été transformées en bureau, salon télé, dressing ou encore buanderie… “On en connaît d’autres qui adoreraient vivre dans une telle bohème” dixit Charlie Hebdo.

La part de Manuel Valls dans la SCI montée avec son épouse ne vaut donc en effet que quelques milliers d’euros, en fonction du montant de l’emprunt probablement contacté par la société civile pour acheter les 16 lots de copropriété. La déclaration de patrimoine de Manuel Valls raconte donc l’histoire d’un homme politique “sans réel patrimoine” comme le disait le Figaro, ce qui est comptablement exact. En revanche, même sous le régime de la séparation de biens, les époux sont solidaires pour un certain nombres de choses, à commencer pour les impôts qui taxent les revenus et les biens du couple, quel que soit le contrat de mariage auquel ils ont souscrit.

Alors, Manuel Valls et Anne Gravoin devraient il payer l’ISF ? A priori, non, s’ils ne possédent absolument rien d’autre (de valeur), ou encore, s’ils sont (lourdement) endettés par ailleurs. L’appartement logé dans la SCI est certes valorisé autour de 1,25 million d’euros (abattement de 30% sur la résidence principale déduit), soit juste sous la limite des 1,3 million, déclenchant l’ISF. Mais la SCI s’est certainement endettée en 2010 pour en faire l’acquisition : Cette dette vient en déduction de l’actif taxable, ce qui “laisse de la place” dans le patrimoine des époux Valls pour posséder d’autres biens. Justement, Manuel Valls a déclaré un appartement de 88 m2 à Evry, dont on ne connaît pas la valeur, mais cela représente tout de même quelques centaines de milliers d’euros, puisque situé en banlieue parisienne (Sud). En fait, pour que les époux Valls ne soient pas soumis à l’ISF en 2015, il faut que leurs dettes (dans la SCI ou ailleurs) soient équivalentes au montant de leurs autres actifs, en dehors de l’appartement du XIe. S’ils possédent pour 600 000 euros d’autres biens immobiliers, , la SCI (ou eux-mêmes directement) doivent être endettés à hauteur du même montant, pour ne pas dépasser le seuil ISF des 1,3 million d’euros.

Au final, la déclaration de patrimoine transmise par Manuel Valls lors de son arrivée à Matignon (et avant, quand il était ministre de l’Intérieur) était manifestement réguliére, mais en revanche, tout sauf sincère ou loyale. Cacher 99 % des parts d’une SCI détenant un actif de près de 2 millions d’euros, en les mettant au nom de sa femme, pour ne pas avoir à en déclarer le montant ou l’existence en tant qu’homme politique est certes permis par la loi. les juges aux affaires familliales connaissent cependant la chanson : lors de la dissolution d’un mariage, on recherche toujours l’origine des fonds ayant servi à l’acquisition des biens detenus en indivision. Anne Gravoin, violoniste, payerait avec ses cachets 99 % des mensualités de l’emprunt de la SCI, et aurait apporté 99 % de l’apport initial? Peut-être… ou peut-être pas.  Tout laisse cependant penser qu’il s’agit d’une manoeuvre destinée à “blanchir” Manuel Valls d’une etiquette de bourgeois nanti. C’est sûr qu’il est plus difficile de demander aux français de se serer la ceinture quand on est millionnaire, voire multimillionaire, que lorsque l’on déclare un “patrimoine” de 93 000 euros à 52 ans !

Le patrimoine de François Hollande aussi a été ausculté (pour ce qui en est connu) afin d’estimer s’il aurait du s’acquitter de l’ISF, tant avec Ségolène Royal que Valérie Trierweiler. Plus récemment, c’est Emmanuel Macron dont on s’est demandé pourquoi les 2 millions d’euros (bruts) touchés chez Rotschild ne l’avaient pas soumis à l’ISF les années suivantes… Mais l’intéresssé a expliqué avoir fait d’énormes travaux de rénovation dans sa maison du Touquet. Oubliant cependant au passage que ces travaux, sauf si la maison menaçait de s’effondrer et qu’il s’agissait de la sauver, ont fort logiquement créé de la valeur, et augmenté celle de la maison aux yeux du fisc… Sauf à admettre que ces deux millions d’euros ont été investis dans la maison à fonds perdus.

Frederic Legrand / Shutterstock.com

Source : Economie matin

Sources

J’ai réalisé un petit travail de synthèse.

Car j’ai vu avec sidération que, semble-t-il, les déclarations de patrimoine ne semblent pas être archivées sur le site de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique !

(message aux personnes intéressées : pensez à sauvegardez les déclarations lors de leur publication sur le site, c’est plus pratique que de fouiller le JO)

Après recherche, voici donc la déclaration de Manuel Valls de 2013 (lien pdf direct) :

Déclaration de patrimoine de Manuel Valls en 2013 publié par les-crises

J’avais bien ri avec ça l’année dernière :

31 mars 2013 : 109 € sur le compte en banque  de Manuel Valls, le pôôôôôvre, les fins de mois sont vraiment difficiles. 1 500 € de liquidités en tout et pour tout – pourvu qu’il n’ait pas de coup dur… Impressionnant pour quelqu’un gagnant plus de 8 000 € nets par mois quand même…

Idem pour les 240 € d’assurance vie – il n’abuse pas de la niche fiscale…

La presse avait en effet peu enquêté (Source):

(j’aime le patrimoine modeste de seulement 2 appartements en région parisienne…)

Bon, être propriétaire via une SCI de 0,44 m² n’étonne personne (Source)…

Les Échos ont même un petit souci entre patrimoine net et brut…

La presse ne se réveillera, un peu, qu’en 2014.

Après recherche, voici donc la déclaration de Manuel Valls de 2014 (lien pdf direct) :

Déclaration de patrimoine de Manuel Valls en 2014 publié par les-crises

(Source)

(Source) [Sérieusement, 16 lots de copropriété réunis ?]

L’article indique :

“Manuel Valls, un ministre aux poches percées? Entre 2013 et 2014, le patrimoine du premier ministre a fondu de moitié, à en croire sa déclaration de patrimoine publiée ce vendredi par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En 2014, il a déclaré un patrimoine d’un peu plus de 93.000 euros. Soit un chiffre bien moins important que celui de sa déclaration de 2013, qui s’élevait à un peu plus de 198.500 euros. En un an, le ministre de l’Intérieur devenu premier ministre a donc perdu près de 103.000 euros. Comment expliquer cela ? [...]

Ensuite, 80 000 euros de «biens mobiliers divers», mentionnés dans la déclaration de 2013, n’apparaissent plus dans celle de 2014. Il semblerait que ce soient des oeuvres d’art. [...] Le cabinet du premier ministre explique au Scan que cette valeur correspond aux tableaux Xavier Valls, le père du chef du gouvernement. La loi dispense de déclarer un bien dont la valeur ne dépasse pas les 10 000 euros [OB : en voilà une loi qui est bien faite... C'est vrai, quoi, on ne va quand même pas demander d'indiquer simplement le montant global du poste... ?]. Or, aucun de ces tableaux pris individuellement ne dépasse cette somme. Manuel Valls qui a déclaré les tableaux en 2013, n’a pas fait cette précision en 2014. ” Source : Le Figaro

Peuchère, le gars, plus il travaille plus, plus il gagne plus, mais plus son patrimoine baisse ! M. Valls, pensez à arrêter d’urgence votre activité professionnelle alors !

Ah ces néolibéraux…

dessin humour cartoon patrimoine ministres

Source: http://www.les-crises.fr/manuel-valls-millionnaire-masque-expert-en-optimisation-politico-fiscale/


[Reprise] Etat islamique : 2 milliards de revenus contre 5 millions pour Al Qaïda…

Sunday 12 October 2014 at 02:15

Reprises de 2 articles de Bakchich et d’Atlantico

Achetons-nous du pétrole à l’Etat Islamique ?

Après pétrole contre nourriture, l’Irak sera-t-il le théâtre d’une nouvelle saga pétrole contre barbus?

A quel jeu de dupes jouent les gouvernements européens recrutés dans la coalition new-look constituée toutes affaires cessantes par Barak Obama contre l’Etat Islamique (EI) ?

La question n’est pas superflue à en juger par la manière dont on essaie depuis quelques jours de nous convaincre de l’extrême dangerosité de la clique de Abu Bakr al-Baghdadi l’émir à la Rolex (…Il n’y a pas de temps à perdre face à la menace des djihadistes de Daesh qui a pris le contrôle de larges secteurs de territoires irakien et syrien, multipliant les exactions… » disait encore récemment François Hollande qui est prêt à toutes les aventures internationales pour oublier l’espace d’un instant son lent mais inexorable naufrage domestique).

Dangereux sûrement, ne serait ce que par l’appel à l’union sacrée et au soutien des forces de l’émir que viennent de lancer Aqmi (Al Qaida au Maghreb Islamique) et Aqpa (Al Qaida dans la Péninsule Arabique), en réaction à la mobilisation de la coalition occidentale. Manquerait plus que l’annonce d’une association plus étroite entre le Front Al Nosra, en quelque sorte, la « filiale » syrienne d’Al Qaida, avec EI pour préparer un joli feu d’artifice local au cas où le locataire de la Maison Blanche se serait mis en tête de lancer la guerre d’Irak version III.

Des poils de barbe dans les barils de brut

A moins que la précipitation s’explique par l’urgence de réduire au silence, les courtiers en pétrole de l’inventif émir, au sujet du petit business très lucratif qu’ils ont mis au point avec leurs clients étrangers.

Car l’Etat Islamique est tout sauf dans la dèche, pour faire un mauvais calembour avec la nouvelle appellation contrôlée dont on l’affuble.

Le pétrole des sites syriens de Deir al-Zour puis de Hasaka, tombés entre de mauvaises mains depuis avril 2013 et de Mossoul qu’il a récupéré à la mi- juin de cette année ainsi qu’une bonne partie de la production de la province septentrionale de Salahuddin, a largement compensé la baisse des allocations que versaient avec enthousiasme l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweit et les Emirats Arabes Unis à l’Armée Libre Syrienne dont une part significative des effectifs auraient rejoints avec armes et bagages les rangs de l’EI à en croire les déclarations de l’un de ses chefs, un certain Abu Yusaf, le mois dernier. (« …Many of the FSA people trained and equipped by the West, are actually joining us…”)

Prix cassé

Les estimations les plus précises de la petite entreprise de l’émir portent aujourd’hui sur une capacité de “production” (de vol serait sans doute plus approprié) de 30 000 barils par jour de pétrole irakien et de 50 000 barils de pétrole syrien, fourgués sur le marché noir de l’or noir aux alentours de 40 dollars le baril, un prix cassé ramenant tout de même dans les caisses de EI, une recette totale journalière de 3,2 millions de dollars. Si on y ajoute les rançons et les trafics en tous genres d’êtres humains, ça représente un joli matelas qui devrait permettre à l’EI de voir venir les forces – aériennes cela va sans dire – déployées par François Hollande et ses copains. Certes, les coûts de transport de l’émir sont un peu élevés. Le pétrole doit être acheminé par camions vers le terminal pétrolier de Ceyhan en Turquie d’où il est chargé avec des certificats d’origine parfois un peu baroques, sur les tankers qui les livrent à leurs ultimes destinataires.

Cet été on signalait même des tombées de camions citernes d’or noir à l’origine contrôlée et certifiée par le Gouvernement Régional du Kurdistan, arrivées par bateau dans le port israélien d’Ashkelon. Une confirmation de l’information publiée par Reuters en mai selon laquelle des raffineries américaines et israéliennes étaient alimentées en pétrole « kurde » à l’origine douteuse…

Bizarrement, dès que la prise de contrôle des sites syriens de Deir Al-Zour et d’Hasaka a été confirmée, l’Union Européenne s’est empressée de voter un allègement de l’embargo sur le pétrole syrien afin qu’il puisse être vendu sur les marchés internationaux, via la Turquie. De son côté le ministre du pétrole irakien a indirectement confirmé le trafic au mois d’août lorsqu’il a déclaré que « ..les acheteurs internationaux de pétrole brut et les autres acteurs du marché doivent savoir que toute exportation de pétrole n’ayant pas reçu l’agrément du ministère du Pétrole, pourrait bien contenir du pétrole brut provenant des champs tombés sous le contrôle de l’Etat Islamique ».

Le dernier volet provisoire de l’affaire, c’est la déclaration faite par la charmante Jana Hybàskovà, chef de la délégation de l’Union Européenne en Irak – si, si, ça existe ! – le 2 septembre 2014 lors d’une séance de travail de la Commission des Affaires Etrangères du parlement européen (« échange de vues sur les crises dans le grand voisinage de l’Union ») qui a beaucoup intéressé Michèle Alliot-Marie et selon laquelle des pays de l’Union achetaientt du pétrole brut à l’Etat islamique en provenance de 11 champs pétrolifères du nord de l’Irak et de celui pompé dans la province syrienne de Raqqa.

Pressée de citer des noms, elle a hésité un moment mais s’est finalement abstenue, se bornant à mettre en garde ses interlocuteurs pour le soutien apporté aux groupes séparatistes kurdes, susceptibles selon elle de causer une déstabilisation totale du Moyen Orient.

Chasse au dahu

Depuis, la chasse au dahu a commencé au Parlement européen où le jeu qui fait actuellement fureur, consiste à identifier le ou les pays de l’Union qui joue(nt) double jeu en appelant à la mobilisation contre l’Etat Islamique les jours pairs et lui commandent discrètement du pétrole le jour suivant.

Il semble que le précédent Sarko’ versus Kadhafi de « je t’aime, moi-non plus » ait donné d’étranges idées à un certain nombres de parlementaires européens sur l’identité des coupables. D’autant que la petite phrase de Chistophe de Margerie, le PDG de Total en marge des rencontres économiques d’Aix en Provence début juillet (« …il n’y a pas de raison de payer le pétrole uniquement en dollars… ») a fait sensiblement monter la cote de l’Hexagone comme l’un des possibles acquéreurs du pétrole volé par l’émir à la Rolex.

Si tel est le cas, on peut imaginer que nos pilotes de la coalition aérienne refusent de se voir confier la mission de détruire les convois de camions-citerne de l’émir en route pour la Turquie…

Source : Bakchich

2 milliards de revenus contre 5 millions pour Al Qaïda) : les califoutraques islamiques ont peut-être du pétrole mais qui sont ceux qui le leur achètent ?

Jean-Charles Brisard est consultant international, spécialiste des questions liées au terrorisme et à son financement

L’Etat islamique d’Irak et du Levant n’est plus seulement un groupe terroriste ou une faction implantée territorialement… Il se range désormais du côté des puissances pétrolières mondiales.

Atlantico : L’Etat Islamique est installé sur un territoire aujourd’hui plus vaste que le Royaume-Uni qui contient bon nombre d’installations pétrolières. La production de pétrole par ces installations peut atteindre les 80 000 barils par jour et au total avec l’argent provenant d’extorsions, de taxes, et de la contrebande cela représenterait l’équivalent de 2 millions de dollars par jour. Ces capacités font-elles de l’Etat Islamique une puissance pétrolière potentielle ?

Jean-Charles Brisard : Le fait qu’un groupe terroriste prenne le contrôle de territoires, d’installations pétrolières et de raffineries modifie radicalement le paradigme du financement du terrorisme.

Nous sommes passés d’un modèle de financement externe, c’était notamment le cas d’Al Qaida, qui dépendait en majeure partie de donations et du soutien d’ONG, à un modèle d’autofinancement reposant sur des transactions commerciales. Ce mode de financement n’est pas nouveau, le réseau Al-Qaida a utilisé des sociétés écrans dans le passé, notamment au Soudan et en Espagne, mais ces financements étaient marginaux, et n’étaient donc pas la priorité des organes de vérification ou de régulation (Comité des sanctions de l’ONU, GAFI…), ni celle des services de renseignement. L’Etat islamique contrôle des territoires et donc des infrastructures et des ressources. On estime qu’ils contrôlent désormais au moins six champs pétroliers en Syrie, dont le plus important, situé dans la province de Deir al-Zor, ainsi que treize autres au Nord et à l’Est de l’Irak et au moins deux raffineries. Des combats sont en cours pour le contrôle de la raffinerie de Baiji, qui produit un tiers du pétrole irakien. Au total, l’EI contrôlerait un peu moins de la moitié des capacités de production nationale, pour un marché potentiel de 2 à 4 millions de dollars par jour, ce qui en fait une puissance pétrolière de facto.

L’Etat Islamique a bénéficié à ses débuts de soutiens d’hommes d’affaire et du soutien officiel de certains états tels que l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Golfe, les Emirats Arabes Unis et le Koweit. Qui sont les clients du califat ?

Le pétrole et les produits dérivés sous contrôle de l’Etat islamique sont aujourd’hui revendus à prix réduit au marché noir localement, en Irak et en Syrie (25 à 50 dollars le baril contre un prix sur le marché de plus de 100 dollars). Ces produits sont également utilisés par l’EI pour ses propres besoins. Mais l’EI contrôle également les routes de contrebande et de transit du pétrole vers la Jordanie, la Turquie et l’Iran (via le Kurdistan). Or, en raison de la complexité et souvent de l’opacité des réseaux de distribution, ces pays pourraient en effet devenir les clients involontaires et indirects de l’Etat islamique, s’ils ne le sont pas déjà. A terme, on ne peut pas exclure que du carburant vendu par des intermédiaires de l’Etat islamique ne soit commercialisé aux Etats-Unis et même en Europe.

Comparativement, en 2011 les Talibans avaient réussi a récolter 400 millions de dollars par le biais de rançons. Ces installations pétrolières font-elles de l’Etat islamique le groupe extrémiste le plus riche du monde ?

La capacité financière de l’Etat islamique, estimée entre 1,5 et 2 milliards de dollars, est sans précédent. Ses profits, qui sont de l’ordre de 3 à 5 millions de dollars par jour, représentent l’équivalent du budget annuel d’Al-Qaida depuis le 11 septembre 2001 (contre 30 millions de dollars avant 2001, selon les services américains). Même le budget d’AQMI, dont le financement s’appuie principalement sur les rançons issues de prises d’otages, n’a jamais atteint plus de 15 millions de dollars par an en moyenne depuis 2008.

Lire la fin de l’interview sur Atlantico

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-etat-islamique-2-milliards-de-revenus-contre-5-millions-pour-al-qaida/


Revue de presse du 11/10/2014

Sunday 12 October 2014 at 00:01

Cette semaine encore un article dans la série qui n’en finit plus sur banque mondiale, qui fait aussi parler d’elle côté bonus, beaucoup sur la Suisse et pas seulement concernant de l’évasion fiscale, cependant également abordée, la France sous différents angles et d’autres sujets variés. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-11-10-2014/


[Reprise] La Hongrie (et l’Europe) dans le collimateur de Nuland, par Philippe Grasset

Saturday 11 October 2014 at 04:46

Ukraine, Irak, Syrie, Hong-Kong, Brésil(loupé), Hongrie – pfiou, ça devient dur de suivre les ricains… (ou plutôt leurs dirigeant, le texan de base se moque de tout ça et veut qu’on lui fiche la paix…)

Papier de Dedefensa – pensez à les aider aussi…

Merci de traduire en commentaire les phrases en anglais svp, je mettrai à jour…

Je rappelle la carte de Todd (on repère facilement la Hongrie… :) ):

L’impudence avec un abattage peu commun, le culot au-delà de toute description, les yeux furieux et sardoniques comme la politique-Système dont elle est une fidèle exécutante, Victoria Nuland est à nouveau sur le sentier de la guerre. A vrai dire, comme on l’imagine aisément, elle ne le quitte jamais. L’assistante du secrétaire d’État (le dynamique John Kerry) pour les affaires européennes, grande machiniste des révolutions de couleur et autres, comploteuse américaniste sans le dissimuler une seconde, a cette fois un compte à régler avec Viktor Orban, le Premier ministre hongrois. Elle ne le cite pas directement mais l’interprétation qu’il faut en donner est aimablement communiquée par les commentateurs qui font suivre son discours du 2 octobre 2014 au Center for European Policy Analysis (CEPA) de Washington, l’un des principaux relais washingtonien d’influence de la politique en Europe centrale et de l’Est. (Précision qui est l’indication qu’on comprend : Zbigniew Brzezinski fait partie du conseil d’administration du CEPA.)

Mais Nuland va plus loin dans ce discours. Au travers de sa critique de Orban, elle donne une vision élargie de la stratégie, du comportement, des conceptions de la faction extrémiste (neocon, appuyée sur ses alliés libéraux-interventionnistes type “R2P” jusqu’à ce qu’on ne puisse plus distinguer l’un de l’autre) dont elle est la principale représentante au sein de l’administration Obama. Cette tendance représente aujourd’hui l’opérationnalisation de la politique-Système de déstructuration et de dissolution suivie par l’administration Obama au nom des USA. (On peut dire que la politique-Système, c’est-à-dire le Système, sert aujourd’hui de ciment bipartisanship pour la politique de sécurité nationale de Washington : elle constitue l’orientation, la dynamique de fer de la politique washingtonienne complètement au service du Système.) Enfin, ce discours confirme la centralité de l’Europe dans un affrontement que nous jugeons comme ultime, et un affrontement qui passe aussi bien par des agressions et conflits extérieurs que par l’usage effréné de la subversion intérieure («L’Europe centrale est de nouveau sur la ligne de front dans notre combat pour notre sécurité et nos valeurs. Et aujourd’hui, ce combat est de nouveau à l’extérieur et à l’intérieur.»). (Les principaux extraits de son discours viennent de EUObserver, du 3 octobre 2014. Ils sont agrémentés effectivement de commentaires de présentation des extraits du discours par le journaliste Andrew Rettman, dont l’orthodoxie est garantie, qui permettent de bien comprendre de quoi il est question.)

• Sur Orban directement, Nuland se montre très critique, au point où l’on peut se demander si, dans certaines circonstances qui ne sont pas éloignées de la vérité actuelle de la situation, une offensive déstabilisatrice de subversion type-Maidan/Ukraine ne pourrait pas être lancée contre la Hongrie (laquelle se montre très préoccupée des événements en Ukraine, où se trouve une minorité hongroise importante et assez peu friande de la ligne Kiev-Nuland) … «Victoria Nuland, la diplomate américaine de plus haut rang sur l’Europe, a critiqué indirectement le leader hongrois Viktor Orban à propos de ce qu’elle nomme le cancer de l’évitement et du doute en démocratie. Elle n’a pas nommé Orban directement, mais a fait allusion à ses critiques nettes contre les sanctions prises par l’occident contre la Russie. « Il n’est pas facile de prendre des sanctions et de nombreux pays payent le prix fort » a-t-elle déclaré. « Mais… quand les leaders européens font ainsi des déclarations qui déchirent le tissu de nos résolutions, j’aimerais qu’ils se souviennent de leur propre histoire nationale, et combien ils auraient voulu que leurs voisins les soutiennent.»

• Nuland se réfère à une déclaration du Premier ministre hongrois, en juillet, en Roumanie, où il se faisait l’avocat d’une affirmation nationale, statiste, éventuellement antagoniste du libéralisme déchaînée exigé par le Système (“Je ne crois pas que notre appartenance à l’UE nous empêche de construire un nouvel État antilibéral, sur des fondations nationales”) ; elle s’y réfère pour brandir l’anathème contre toutes ces orientations, et donc structurellement contre toute attitude souveraine… «Alors même qu’ils profitent de l’OTAN et leur appartenance à l’Union Européenne, certains leaders de la région semblent avoir oublié les valeurs sur lesquelles ces institutions sont fondées », a déclaré V. Nuland jeudi dernier. « Donc je leur demande : Comment pouvez-vous dormir tranquilles la nuit, protégés par la couverture de l’article 5 de l’OTAN, alors que vous promouvez une démocratie non libérale le jour, stimulez le nationalisme, restreignez la presse, ou bien encore faites passer la société civile pour démoniaque ? » Elle a également dénoncé ‘les cancers jumeaux du renoncement et de la corruption’ en Europe de l’Est, alimentant ‘un vortex qui détruit leur propre défense nationale’

• Nuland élargit encore le registre de son attaque en mettant en cause le projet de gazoduc SouthStream. Pour elle, tous les pays européens qui participent à ce projet, qui permet la livraison de gaz russe par le Sud en contournant l’Ukraine, commettent un acte qu’on devrait qualifier de répréhensible, c’est-à-dire d’antiaméricaniste, c’est-à-dire d’antiSystème. «Elle s’en est également pris aux États de l’Union Européenne qui s’apprêtent à construire le South Stream : un pipeline de gaz russe qui traverse les Balkans de l’ouest vers l’Autriche et l’Italie, et qui inclut la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie et la Slovénie. « Je pose la même question à ceux qui… établissent des accords douteux augmentant la dépendance de leur pays envers une source d’énergie, et ce malgré leur politique de diversification des énergies », a déclaré V. Nuland.

• Enfin, le discours présente également in fine la thèse du caractère inviolable des droits des NGO à travailler comme elles l’entendent dans les pays où elles se trouvent. Si l’on traduit, on comprend qu’il s’agit des Organisations Non-Gouvernementales US, qui sont en général très généreusement financées par le gouvernement US, avec comme tâche principale l’ingérence systématique et absolument subversive dans les affaires intérieures des pays où elles se trouvent, par le moyen de l’“agitation sociétale” (voir comment nous comprenons ce terme, le 30 avril 2013). Le but ultime est évidemment le regime change au profit de l’installation d’un pouvoir totalement acquis aux consignes du Système par l’intermédiaire de la mainmise directe des USA. On reprend ici une citation déjà faite, interprétée de ce point de vue, et renforcée par des déclarations récentes d’Obama … «With Orban also accused of restricting press freedom and cracking down on human rights NGOs in Hungary, she added: “So today I ask their leaders: How can you sleep under your Nato Article 5 blanket at night while… [...] … restricting free press; or demonising civil society?”»

«Ses déclarations viennent après que le président Obama ait rangé le mois dernier la Hongrie dans le même sac que la Russie en ce qui concernait la menace pour la société civile. « De la Russie à la Chine en passant par le Vénézuela, on constate des fractures manifestes qui font passer les dissensions légitimes pour des subversions. En Azerbaidjan par exemple, les lois rendent l’intervention des NGO quasiment impossible. De la Hongrie à l’Égypte, des règlements interminables et une intimidation assumée menacent de plus en plus la société civile », a-t-il dit à New York le 23 septembre.

Ce discours de Nuland devrait être retenu comme significatif de l’activisme-Système des USA décidant d’agir à visage découvert, sans prendre le moindre gant, et d’agir en pressant le rythme et la vitesse des événements. Le projet est clair : une subversion complète de tous les pays du bloc BAO (les pays de l’UE) dans la ligne-Système générale, hyperlibérale, anti-souverainiste, antirusse, comme une sorte de mise en place d’une structure politique et stratégique où s’inscrirait notamment ce que devrait être le TTIP (voir le 13 novembre 2013). Il va de soi que Nuland considère que, dans cette occurrence, l’UE institutionnelle elle-même est une courroie de transmission des consignes ainsi prescrites. (Certes, Nuland c’est «Fuck the EU» [voir le 7 février 2014], mais en l’occurrence elle compte bien que la fucked EU fera son travail de fidèle porteuse d’eau pour les USA et le Système. D’un certain point de vue, c’est prêcher, ou presser une convertie ; le problème est que l’UE, toute soumise qu’elle paraît être aux USA, ne l’est que selon un état d’esprit “égalitaire”, simplement en épousant les mêmes “valeurs”-Système que les USA et en affirmant une autonomie de décision dans ce cadre. Cela fait que l’UE, si elle suit la même dynamique que les USA, entend le faire selon son propre choix, en toute “indépendance” si l’on ne craint pas l’emploi caricatural du mot, ce qui conduit à des querelles dans la mesure où l’hystérie à-la-Nuland réclame toujours plus d’alignement sur les consignes, et toujours plus vite, et toujours selon une procédure dégradante d’asservissement visible pour ceux qui sont ainsi apostrophés.)

Les thèmes développés, les termes choisis, montrent l’impudence et le culot dont nous parlons plus haut. Nuland intervient dans la situation et la politiques des pays de l’UE en tant que tels comme si elle était une sorte de président-dictateur de la chose, ou une sorte de Juncker-femme qui aurait pris tous les pouvoirs. Elle y mêle l’OTAN sans vergogne, sous-entendant par conséquent que l’appartenance à l’OTAN et le “bénéfice” (?) de l’Article 5 dépendent tout simplement d’un complet asservissement, de l’abandon complet de toute souveraineté pour les grands choix non seulement militaires, mais politiques, économiques et sociétaux des pays-membres. Désormais il n’y a plus de nuances, et qui fait partie de l’UE est comptable des nouvelles règles qui régissent l’OTAN telles qu’elles les développent in fine, et est donc mis en demeure d’appliquer les consignes directes de Washington et du Système. Le modèle universel à suivre pour tout le monde, c’est l’application de la formule du triomphe ukrainien dont tout le monde peut goûter les fruits (voir le 3 octobre 2014).

Tout cela est dit sur un fond d’hostilité antirusse (et très bientôt sinon d’ores et déjà antichinoise, avec l’affaire de Hong Kong) qui nous paraît sans retour. Ceux qui espèrent des arrangements avec les USA, notamment Poutine dans la partie de sa démarche dans ce sens, en seront sans le moindre doute pour leurs frais. Les USA sont engagés sur une course maximaliste, aveugle, sans retour, qui a pour effet et pour but à la fois la déstructuration et la dissolution systématiques. On aurait tort, parce que c’est le contraire, d’y voir une marche victorieuse, l’allant et l’assurance d’une Nuland indiquant à cet égard la passion hallucinée de la pathologie bien plus que l’assurance de la victoire. Cette poussée des USA est celle d’une puissance qui se voudrait impériale et qui s’estime “exceptionnelle”, mais qui est en réalité aux abois dans divers domaines essentiels, et principalement d’abord, pour ces esprits habités par l’obsession de la finance, de l’argent et du racket, à cause du sort du dollar devant les perspectives des projets divers de faire usage d’autres monnaies pour les transactions internationales, – dans le chef de la Russie, de la Chine, etc. Une telle menace contre le dollar est une menace d’effondrement des USA à cause de sa dette colossale et de ses pratiques d’impression de papier-monnaie (Quantitative Easing) pour continuer à financer ces mêmes activités déstructurantes et dissolvantes. (De même dans d’autres domaines plus concrets : la menace, perçue par nombre d’Européens, que constitue le traité du TTIP, est de plus hypothéquée, c’est-à-dire elle-même menacée, par une opposition intérieure qui ne fait que se renforcer au fil des mois.) Bref, les USA présentent les caractères du désordre ultime de la formule surpuissance-autodestruction activée au sommet de son dynamisme : une poussée offensive sans aucune retenue, contre toutes les structures encore en place, dans une situation propre d’instabilité extraordinaire, à cause de ses propres caractères de déstructuration et de dissolution de cette puissance, et donc en danger constant d’effondrement.

Le discours de Nuland confirme donc une tendance à l’accélération des événements vers une situation de confrontation suprême. Destiné à l’UE, il ne peut être, justement, réduit au cadre de la seule UE ; il se place dans un contexte général, justement là aussi, où l’UE n’est qu’un acteur parmi d’autres, et où il s’agit de la situation générale caractérisée par cette “accélération des événements”. En s’adressant à la Hongrie, et aux pays de l’UE, Nuland s’adresse indirectement à la Russie et à la Chine, en leur montrant que les USA sont plus que jamais sur le chemin de la confrontation globale. Ainsi ce discours rejoint-il finalement les grandes lignes d’une alternative, selon le schéma que nous avions déjà évoquée à propos de l’Ukraine (voir le 3 mars 2014) d’une conflagration générale, ou d’un effondrement des USA (du bloc BAO) opérationnalisant l’effondrement du Système. A cet égard, les directions russe et chinoise sont particulièrement concernées. On peut donc citer un article récent de Paul Craig Roberts (le 25 septembre 2014 dans sa version originale, le 1er octobre 2014 dans sa version française, sur le “Saker-français”, que nous citons ici) : sa conclusion a sa place dans ce commentaire, comme illustration de l’enjeu terrible où le discours de Nuland a sa place.

«L’incapacité des gouvernements russe et chinois à faire face à la menace contre leur souveraineté, et l’insistance des adeptes de l’économie néo-libérale, rendent la guerre nucléaire plus probable. Si les Russes et les Chinois comprennent les enjeux trop tard, la seule alternative sera la guerre ou la soumission à l’hégémonie américaine. Comme il n’y a aucune possibilité pour les USA et l’Otan d’occuper la Russie et la Chine, la guerre sera nucléaire.

»Pour éviter cette guerre, qui, selon de nombreux experts, pourrait détruire la vie sur terre, les gouvernements russe et chinois doivent rapidement devenir réalistes dans leur évaluation du mal au sein de Washington, qui a fait des USA le pire état terroriste de la planète.

»Il est possible que la Russie, la Chine et le reste du monde puissent être sauvés par l’implosion de l’économie américaine. L’économie des USA est un château de cartes. Le revenu moyen réel des familles est en déclin sur le long terme. Les universités produisent des diplômés criblés de dettes, mais sans emploi. Le marché obligataire est trafiqué par la Réserve fédérale, qui a besoin de magouiller sur les marchés des lingots pour protéger le dollar. Le marché boursier est truqué par le déversement de billets de banque émis par la Réserve fédérale et son équipe de protection contre l’effondrement, ainsi que par les entreprises qui rachètent leurs propres actions boursières. Le dollar est soutenu par tradition, habitude et troc de monnaies.

»Le château de cartes américain continue de tenir, grâce à la tolérance mondiale pour la corruption à grande échelle et à la désinformation, et aussi [par] la cupidité satisfaite par l’argent provenant d’un système truqué. La Russie ou la Chine (ou les deux) pourront abattre ce château de cartes lorsqu’ils auront des responsables capables de le [décider].»

Mis en ligne le 4 octobre 2014

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Maidan-sur-Danube, l’hypothèse délicate

L’article “La Hongrie (et l’Europe) dans le collimateur de Nuland” pose les bases d’un scénario à la Maidan en Hongrie, tellement moche que ça sonne vrai. Cela dit nous devons prendre en compte certains acteurs qui différencient la Hongrie de l’Ukraine, le principal étant l’impossibilité pour un conflit de demeurer à l’intérieur des frontières.

Contrairement à l’Ukraine, la Hongrie est un vrai pays avec un vrai gouvernement et une puissante homogénéité linguistique. De ce côté-là les lignes de fractures se situent plus à l’extérieur (minorité magyarophones en Roumanie, Slovaquie, Serbie et… en Ukraine). Orbán en est conscient puisqu’il a lancé un programme permettant aux hongrois hors de Hongrie d’acquérir la double nationalité, quitte à faire grogner un peu les gouvernements voisins. Peut-être ne s’agit-il à l’origine que d’une manœuvre électorale, en tous cas on n’imagine pas le bonhomme hésiter une seule seconde à exporter un peu de désordre vers les pays frontaliers, si besoin en était.

Ensuite l’extrême-droite personnifiée par le Jobbik a peu à voir avec les nazis ukrainiens. Le Jobbik est une fabrication récente, vraisemblablement destinée à capter le mécontentement populaire en coupant l’herbe sous le pied au renouveau communiste possible au début des années 2000. Le Jobbik a également servi de laboratoire d’idées pour le Fidesz (le parti d’Orbán), étant notamment le premier à parler d’une collaboration accrue avec la Russie et la Chine. Hormis cela le Jobbik déballe des uniformes des Croix-fléchées et deux-trois svastikas les grands jours, brûle la bannière étoilée (la bleue et jaune) et fait son beurre électoral de la détestation des Roms. Bien que les Roms de Hongrie comptent pour 10 % de la population, ils sont pauvres, politiquement inexistants, et on peut même dire que leur mise à l’écart ne modifierait pas directement un équilibre stratégique, alors que ça serait le cas pour les russophones d’Ukraine. En cas de conflit armé c’est plutôt le Jobbik qu’on retrouverait du côté d’Orbán.

Bien avant de nous produire cette pépite d’“illibéralisme”, Orbán avait évoqué plusieurs fois un avenir qui se construirait vers l’Est. C’est déjà vrai pour l’approvisionnement énergétique avec le gaz et les centrales nucléaires importées de Russie. En même temps, les subventions de l’UE ça fait du bien, y compris quand il s’agit de se remplir les poches entre amis. Pour l’instant tout est calme parce que le forint permet de jouer sur le taux de change et qu’il reste de la croissance à gratter (bas salaires, potentiel de dérégulation). Dans l’absolu il suffirait de faire durer pour renforcer l’addiction des élites locales à la potion magique UE, pour ensuite leur faire acheter n’importe quoi.

Mais voilà, l’orthodoxie uniopéiste ne souffre d’aucun délai ; tout comme le reste il faut qu’elle avance en mode turbo. L’énervement de Victoria Nuland nous montre aussi qu’Orbán a tout à fait compris les limites de l’UE puisqu’il en joue si bien et qu’il est toujours là. Un scénario tragi-comique serait celui où l’UE n’étant plus en mesure de faire bénéficier la Hongrie de ses largesses – une sécession de la Catalogne couplée à un effondrement bancaire, par exemple – Orbán irait faire ses adieux à Bruxelles avant d’aller fort logiquement chercher meilleure fortune à l’Est. Le drapeau de l’OTAN flotterait un petit peu moins fièrement devant la façade du Ministère de la Défense et les Gendarmes du Monde nous resserviraient un “Maidan 2” en mode réflexe et en complet déphasage avec la réalité. Ils se sont plantés avec la Syrie, puis avec l’Ukraine, pas de raison de s’arrêter là c’est vrai. Le versant optimiste, ça serait la Hongrie revenant sur sa russophobie contractée du temps de l’Union Soviétique.

À Budapest l’ambassade des USA est située sur la Szabadság Tér (Place de la Liberté !) juste en face du siège de la MTV Télévízió qui n’a rien à voir avec MTV tout court. En trois ans leur ambassade s’est transformé en une espèce de château-fort avec une enceinte faite de piliers d’acier colossaux pour garder la zone d’entrée. Cher à bâtir, encore plus cher à dégommer.

Laurent Caillette, 8/10/2014, Dedefensa

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-la-hongrie-et-leurope-dans-le-collimateur-de-nuland-par-philippe-grasset/


[Reprise] Portrait de Vadim, Ukrainien perdu

Saturday 11 October 2014 at 01:44

Policier au service de l’État ukrainien après avoir fui les séparatistes, Vadim Koba n’est désormais reconnu par aucun des deux camps. Rencontre.

Dnipropetrovsk, centre de l’Ukraine. Vadim Koba, 32 ans, se tient bien droit pour la photo. Il a même tenu à poser en casquette, “pour faire plus sérieux”. Si ce policier au service de l’État ukrainien arbore aujourd’hui une tenue de camouflage aux armes de l’Ukraine en plein centre-ville, c’est parce qu’il sert d’instructeur au bataillon de volontaires Dnepr-1, financé par le milliardaire Igor Kolomoïski, gouverneur de la très riche région industrielle de Dnipropetrovsk. Né à Donetsk et résidant dans la capitale de la république autoproclamée du même nom, Vadim a fui sa ville il y a trois mois dans l’espoir de pouvoir facilement obtenir son transfert à la police de Dnipropetrovsk, la ville où il se trouve actuellement “en exil”, comme des dizaines de milliers de civils déplacés par les combats. Mais c’était compter sans la confusion qui règne dans les administrations respectives des deux villes, l’une se trouvant en territoire ukrainien (Dnipropetrovsk), l’autre s’affichant comme capitale d’une république autoproclamée dans laquelle se sont déroulés depuis cet été des combats acharnés, même si, depuis vendredi 5 septembre, un cessez-le-feu semble partiellement respecté.

Après le début des troubles militaires dans sa ville cet été (des combats que la partie ukrainienne appelle pudiquement une “action antiterroriste”), Vadim a décidé de fuir le camp séparatiste pour rejoindre la ville de Dnipropetrovsk et de s’y faire officiellement transférer en tant que policier. Or, il se trouve maintenant dans une impasse puisque son transfert dépend de ses supérieurs à Donetsk qui ne veulent pas en entendre parler : pour rien au monde, les représentants des forces de l’ordre restées à Donetsk et défendant aujourd’hui les “couleurs” de la DNR (sigle russe pour République indépendante de Donetsk) ne souhaitent perdre un élément qui pourrait dans le futur les combattre. En attendant, Vadim a rejoint les milliers de volontaires qui se sont enrôlés dans les bataillons hétéroclites apparus sur tout le territoire de l’Ukraine ces derniers mois et qui envoient leurs hommes se battre dans la zone d’opération “antiterroriste” ou dans ses alentours.

“On est indépendants ? Mais de qui ? De quoi ?”

Pourquoi Vadim n’est-il pas resté en DNR ? “Parce que, là-bas, on ne me donne pas le choix : on m’oblige à servir leur État dont personne ne sait à quoi il va ressembler, quelles en sont les “frontières”, ni comment on va y vivre. Moi, je veux avoir le choix. Je dois dire aussi que le niveau de corruption de mes supérieurs était devenu insupportable. Je rêve d’une police qui serve réellement les gens, même si ce but paraît difficile à atteindre, en jugeant par ce que je vois ici. Faut pas rêver : personne n’a vraiment compris pourquoi on se combat les uns les autres, et moi, ce que je constate, c’est qu’ici, c’est la même mentalité que là-bas. Tu te sers d’abord, et les autres viennent bien après. Vraiment, j’en peux plus de cette mentalité !”

Fin août, dans la localité d’Ilovaïsk, à l’est de Donetsk, les forces ukrainiennes secondées par ce bataillon de volontaires dont Vadim faisait partie ont été prises en embuscade par des forces séparatistes. Sa version des faits ne corrobore pas la version officielle : “La reconnaissance séparatiste est bien meilleure que la nôtre, il faut le reconnaître. De notre côté, on ne combat pas vraiment, ou alors, comme des amateurs. Et nous avions en face de nous des forces de la DNR, pas de la Russie ! Moi, je n’ai vu aucun engin ou personnel qui ressemblait à des Russes !” affirme-t-il alors que, sur les réseaux sociaux ukrainiens, le “drame d’Ilovaïsk” est encore abondamment commenté (on ne sait d’ailleurs toujours pas combien de personnes exactement ont péri sur place, mais sans doute plus de 90 du côté ukrainien). “J’ai même dû aider par téléphone des membres de notre bataillon totalement perdus en leur expliquant où ils se trouvaient géographiquement parce qu’ils n’avaient même pas de carte et comptaient parmi eux des blessés qu’il fallait rapatrier au plus vite !”

Vadim n’a jamais été en Russie, alors qu’il s’est rendu une fois en Europe pendant une dizaine de jours pour du tourisme. Pour lui, Poutine n’est pas le diable (“il paraît qu’aujourd’hui, en Crimée, la situation est stable et on les envierait presque…”), pas plus que le président Petro Porochenko, mais il lui paraît faible et incapable de contrôler ses troupes. “Porochenko et son gouvernement nous font croire qu’on est indépendants, mais de qui ? De quoi ? L’Ukraine n’est pas du tout indépendante, elle n’a pas les moyens de l’être, et ça, nous en souffrons tous !” explose-t-il. Comme beaucoup, il n’a aucune idée de ce qui l’attend demain : son salaire ne lui est plus versé puisque, officiellement, il ne travaille plus nulle part. “Je ne sais pas où va mon pays, qui le dirige, les décisions sont confuses et je ne vois pas comment on va avancer”, soupire-t-il, avant d’esquisser un sourire en montrant sur le smartphone que lui a prêté un copain “businessman” les photos de sa femme et de sa fille, 5 ans, témoignant d’une vie de couple heureuse à Donetsk, la capitale du Donbass. Pour ajouter aussitôt, en proie à une vive émotion : “Ma femme m’a quitté et a emmené notre fille avec elle à Krasnodar dans le sud de la Russie.” Quand ? Pourquoi ? “À cause des événements. Ses parents sont pro-russes, ils ont vendu leur business et tout rapatrié en Russie. Parce que je n’ai pas voulu les accompagner, ils m’ont prévenu que je ne verrais plus jamais ma fille.” La guerre sans nom détruit aussi des familles.

Source : Le Point

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-portrait-de-vadim-ukrainien-perdu/