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Poutine : “On na va pas jouer les gros bras, mais Erdogan ne va pas s’en tirer comme ça : nous savons quoi faire…”

Friday 4 December 2015 at 05:00

Poutine a donc prononcé son discours annuel hier (Source)

Nos médias :

Le discours :

“Chaque pays civilisé doit contribuer à la lutte contre le terrorisme, réaffirmant leur solidarité, non pas en paroles, mais en actes.

Cela signifie que les terroristes ne doivent pouvoir trouver refuge nulle part. Il ne doit pas y avoir deux poids deux mesures. Aucun contact avec des organisations terroristes. Aucune tentative de les utiliser pour des buts égoïstes. Aucune entreprise criminelle avec des terroristes.

Nous savons qui se remplit les poches en Turquie et qui laisse les terroristes prospérer de la vente du pétrole qu’ils ont volé en Syrie. Les terroristes utilisent ces revenus afin de recruter des mercenaires, acheter des armes et planifier des attaques terroristes inhumaines contre des citoyens russes et contre les habitants en France, au Liban, au Mali et dans d’autres pays. Nous nous souvenons que les militants qui opéraient dans le Caucase du Nord dans les années 1990 et 2000 ont trouvé refuge et ont reçu une aide morale et matérielle en Turquie. Nous les trouvons toujours là.

Pendant ce temps, le peuple turc est gentil, travailleur et talentueux. Nous avons beaucoup d’amis bons et fiables en Turquie. Permettez-moi de souligner qu’ils doivent savoir que nous ne les assimilons pas à la partie de l’élite dirigeante actuelle qui est directement responsable de la mort de nos militaires en Syrie.

Nous ne pourrons jamais oublier leur collusion avec les terroristes. Nous avons toujours considéré comme une trahison de la pire et de la plus honteuse espèce d’agir ainsi, et cela ne changera jamais. Je voudrais qu’ils se souviennent de ceci – de ceux en Turquie qui ont tiré sur nos pilotes dans le dos, ces hypocrites qui ont tenté de justifier leurs actions et de protéger les terroristes.

Je ne comprends même pas pourquoi ils l’ont fait. Toutes les questions qu’ils pourraient avoir, les problèmes, les désaccords que ne nous connaitrions même pas, tous auraient pu être réglés d’une manière différente. De plus, nous étions prêts à coopérer avec la Turquie sur toutes les questions les plus sensibles qu’elle avait ; nous étions prêts à aller plus loin, là où ses alliés ont refusé d’aller. Allah seul sait, je suppose, pourquoi ils l’ont fait. Et sans doute, Allah a décidé de punir la clique au pouvoir en Turquie en s’emparant de leur esprit et de leur raison.

Mais, s’ils s’attendaient à une réaction nerveuse ou hystérique de notre part, s’ils voulaient nous voir devenir un danger pour nous-mêmes autant que pour le Monde, ils ne l’obtiendront pas. Ils ne recevront aucune réponse pour le spectacle ou même pour un gain politique immédiat. Ils ne l’obtiendront pas.

Nos actions seront toujours guidées principalement par la responsabilité – envers nous-mêmes, envers notre pays, envers notre peuple. On ne va pas jouer les gros bras. Mais, s’ils pensent qu’ils peuvent commettre un crime de guerre odieux, tuer nos concitoyens et s’en trier comme ça, en ne souffrant de rien de plus qu’une interdiction des importations de tomates, ou quelques restrictions dans la construction ou d’autres industries, ils délirent. Nous allons leur rappeler ce qu’ils ont fait, plus d’une fois. Ils vont le regretter. Nous savons ce qu’il faut faire.”  (Source)

D’où le titre que j’ai retenu, et qui me semble plus honnête que ceux des “journalistes”…

En tous cas, sans Poutinophilie particulière, je trouve que c’est beau un Président (quelq u’ils oit) qui agit vraiment contre le terrorisme et ses soutiens… Bref, qui est à la hauteur des évènements.

Nous, on a ça :

Manuel Valls : Je rencontre aujourd’hui le Premier ministre du Qatar, qui est également ministre de l’Intérieur, que je connais bien, et qui est particulièrement déterminé à lutter contre le terrorisme. Et donc, nous aurons cette discussion pour voir comment nous pouvons les uns et les autres être beaucoup plus efficaces contre le terrorisme, bien évidemment, mais aussi pour lutter contre tout ce qui, aujourd’hui, depuis des années, fonde la progression de cet islamisme radical.

France Inter : C’est un partenaire loyal ?

Manuel Valls : Le pouvoir en Arabie Saoudite, comme au Qatar, lutte contre Daech. Ça c’est incontestable…

France Inter : Vous êtes certain ?

Manuel Valls : … Et moi, je n’ai pas de raison de douter aujourd’hui de l’engagement de ces deux gouvernements.

France Inter : Il y a de grandes fortunes, dans ces deux pays, et le pouvoir lutte-t-il assez contre ces grandes fortunes ?

Manuel Valls : Reste la question de l’ensemble de ces financements, mais dans le Proche et dans le Moyen Orient, les choses sont toujours très compliquées, et vous savez aussi les liens qui existent par exemple entre le régime de Bachar et Daech, vous savez les liens qui existent entre le régime de Bachar et l’Iran, vous savez qu’il y a la confrontation entre le monde sunnite et le monde chiite. Donc, il faut avoir en permanence en tête ces questions. Mais pour nous l’essentiel, chacun l’a bien compris, c’est la lutte contre le terrorisme et contre Daech. Et donc nous ne pourrions accepter aucun élément qui participe au financement de ce terrorisme contre nous.

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=> Et donc, je pense que ça finira mal, les choses étant désormais trop graves…

À suivre…

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-on-na-va-pas-jouer-les-gros-bras-mais-ils-ne-sen-tireront-pas-comme-ca/


[Tout va bien] La Russie accuse officiellement Erdogan de traficoter avec Daech

Friday 4 December 2015 at 03:44

I. Réactions russes après la destruction du Su 24

Rappelons que à propos de l’avion, une chose n’est pas claire :

une chose l’est : dans les deux versions, l’avion russe a bien été attaqué alors qu’il était au-dessus de la Syrie et ne représentait aucune menace pour la Turquie…

(N.B. Qu’on n’arrive jamais à avoir la vérité dans ce genre de cas, ou dans les vols de la Malaysian Airlines, en 2015, moi ça me dépasse…)

Pour mémoire, j’avais attiré l’attention ici sur la violence du discours de Poutine envers la Turquie, que je trouvais très mal relayée par nos médias. Pratiquement seul le Parisien avait cité la fin de la phrase de Poutine :

=> la Turquie “complice des terroristes”… Et il a continué quelques jours après :

Le Premier Ministre en avait remis une couche :

“On a le nom des Trucs qui s’engraissent avec Daech”…

Il est évident que quand on en est là, les choses ne peuvent se calmer tranquillement.

II. La conférence du Vive-Ministre russe de la Défense

Eh bien, en effet, ça a continué avant hier, avec la conférence de presse du vice-Ministre de la Défense :

Donc là, on en est donc au stade où le gouvernement russe accuse la Président turc de trafiquer avec les terroristes….

Bien.

Moi, ça commence à m’inquiéter énormément, mais a priori pas nos médias, ok.

Pourtant, la logique impose de conclure qu’un de ces deux gouvernements est fou à lier. Et on est allié avec un des deux. Tout roule.

Suite de la conférence :

 

En attendant, Obama traficote toujours avec Erdogan – de bon coeur on dirait :

Et l’Union européenne, euh, comme d’hab quoi :

Après les néo-nazis ukrainiens, 3 Md€ pour les complices de Daech, “les valeurs européennes” j’imagine…

Quelqu’un sait s’il reste des dignitaires nazis allemands survivants – vu l’âge, il faut qu’ils se dépêchent d’organiser une rencontre….

Bon, en conclusion, aucune campagne médiatique, aucune commission d’enquête parlementaire : rien d’important…

III. La Russie devoile trois itinéraires de livraison du pétrole de l’EI en Turquie

Source : Sputnik, 02-12-2015

La Turquie est le principal consommateur du pétrole volé en Syrie et en Irak, rapporte le ministère russe de la Défense.

“La Turquie est le principal consommateur du pétrole volé en Syrie et en Irak. Selon les informations recueillies, le président turc Erdogan et sa famille sont impliqués dans le système de trafic de pétrole volé par l’EI en Syrie”, a déclaré le vice-ministre de la Défense Anatoly Antonov.

“Nous connaissons la valeur des paroles d’Erdogan. Il a été déjà pris une fois en flagrant délit de mensonge par les journalistes turcs qui avaient révélé la livraison par la Turquie d’armes aux terroristes, sous couvert d’aide humanitaire. Pour cette raison les journalistes ont été emprisonnés. Les dirigeants turcs, notamment Erdogan, ne démissionneront pas et ne reconnaîtront rien, même si leurs visages sont souillés par le pétrole volé “, a martelé Anatoli Antonov.

Néanmoins, la Russie a la preuve que la Turquie est le point d’arrivée du pétrole syrien provenant des gisements contrôlés par l’EI.

Sites de production et de stockage de produits pétroliers

Après avoir franchi la frontière turco-syrienne, les camions-citernes transportent le pétrole de l’EI vers des ports où l’or noir est ensuite acheminé vers des pays tiers en vue de son raffinage.

La Russie a détecté trois itinéraires de livraison du pétrole de l’EI en Turquie depuis la Syrie. L’itinéraire ouest est connecté aux ports turcs de la Méditerranée, l’itinéraire nord mène à Batman, et l’itinéraire est à la base de transit dans la municipalité de Cizre.

Trois itinéraires de livraison du pétrole de Daech

A titre d’exemple, le ministère russe de la Défense a dévoilé les photographies des convois de camions-citernes transportant du pétrole jusqu’à la frontière entre la Syrie et la Turquie.

Premier itinéraire

L’itinéraire ouest est principalement utilisé de nuit afin de transporter les hydrocarbures produits dans les gisements situés près de la ville de Raqqa, fief de Daech dans le nord-ouest de la Syrie, à travers les villes frontalières d’Azaz (Syrie) et Reyhanli (Turquie) vers les ports turcs d’Iskenderun et Dörtyol.

Sur la photo prise le 13 novembre dernier, on peut voir l’accumulation des véhicules automobiles transportant des produits pétroliers sur la route reliant la Turquie et la Syrie, près de la ville d’Azaz.

Une accumulation de véhicules transportant des produits pétroliers près de la ville d’Azaz (Syrie)

Sur la photo prise le 16 novembre dernier, on peut voir une accumulation au moins de trois cent soixante camions et véhicules lourds dans la région de Reyhanli, à proximité de la frontière syrienne.

Une accumulation d’au moins 360 camions et véhicules lourds dans la région de Reyhanli, en Turquie (15 novembre 2015)

Le renseignement spatial a également révélé qu’après avoir traversé la frontière, les camions-citernes et les véhicules lourds chargés du pétrole se dirigeaient vers les ports d’Iskenderun et de Dörtyol, équipés de quais spécialisés pour les pétroliers.

Une partie du pétrole est chargée à bord des navires et envoyée pour traitement hors de Turquie, et le reste est vendu sur le marché intérieur.

Deuxième itinéraire

Le deuxième itinéraire démarre dans les champs pétrolifères sur la rive droite de l’Euphrate. La ville de Deir ez-Zor (en Syrie) est l’un des centres de production de pétrole contrôlés par Daech. Elle abrite de nombreuses raffineries.

Une accumulation de camions-citernes est constamment enregistrée dans cette région. Le ministère russe a présenté des images de colonnes de véhicules à courte distance les unes des autres.

Les images prises le 18 octobre dernier dans les environs de Deir ez-Zor par le renseignement par satellite ont permis de découvrir au moins 1.722 camions-citernes garés essentiellement sur des parkings non aménagés en dehors des routes.

Des camions-citernes garés essentiellement en dehors des routes, dans les environs de Deir ez-Zor

 

Des camions-citernes garés essentiellement en dehors des routes, dans les environs de Deir ez-Zor

 

Leur nombre s’est considérablement réduit depuis le début des frappes russes contre les sites d’infrastructure pétrolière tenus par Daech, selon les militaires russes.

Après avoir fait le plein de pétrole, les convois venant des régions orientales de la Syrie vont vers la frontière turque et y attendent leur tour.

Les images prises au mois d’août présentent des centaines de camions-citernes et de poids lourds allant vers la frontière turque et vice-versa.

Une grande partie du pétrole transféré des régions orientales de la Syrie arrive à la raffinerie turque de Batman, à 100 km de la frontière syrienne.

Troisième itinéraire

Le troisième itinéraire de transport du pétrole vers la Turquie prend sa source dans les champs de pétrole situés dans le nord-est de la Syrie et dans le nord-ouest de l’Irak. Il passe à travers les villes frontalières de Karatchok et de Cham Khanik sur le territoire syrien et à travers les villes irakiennes de Tavan et de Zakho.

Les camions-citernes traversent la frontière turco-syrienne sans discontinuer dans la région de la ville irakienne de Zakho, d’où le pétrole est envoyé aux raffineries, dont la plus proche est située à Batman, ou dans le plus grand centre logistique de cet itinéraire, situé près de Silopi.

A l’heure actuelle, au moins 8 500 camions-citernes sont engagés dans le trafic criminel de produits pétroliers. Ils transportent quotidiennement jusqu’à 200.000 barils de pétrole.

L’aviation russe continuera de frapper les sites d’infrastructure pétrolière de Daech, et Moscou appelle ses collègues de la coalition à en faire de même.

Source : Sputnik, 02-12-2015

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Pour approfondir :

-http://abonnes.lemonde.fr/international/article/2015/12/02/moscou-accuse-erdogan-et-sa-famille-d-etre-impliques-dans-le-trafic-de-petrole-avec-l-ei_4822504_3210.html

-http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/12/02/97001-20151202FILWWW00176-erdogan-implique-dans-un-trafic-avec-l-ei.php

-http://www.challenges.fr/europe/20151202.CHA2233/crise-russo-turque-lavrov-rencontrera-son-homologue-turc-a-belgrade.html

-http://fr.euronews.com/2015/12/02/achat-de-petrole-de-daech-par-la-turquie-la-russie-precise-ses-accusations/

Source: http://www.les-crises.fr/la-russie-accuse-officiellement-erdogan-de-traficoter-avec-daech/


[2014] Les coups de fil qui révèlent la corruption d’Erdogan, par Ola Claësson

Friday 4 December 2015 at 01:45

Pour information, de ce que j’ai pu lire, beaucoup accusent le fils d’Erdogan d’être mouillé dans le trafic de pétrole, sa fille d’organiser un réseau de soin pour les djihadistes, et, cerise sur la loukoum, la semaine passé le gendre d’Erdogan a été nommé ministre de l’énergie ! (donc du pétrole…)

Article de 2014 pour mémoire…

Source : courrier international, 26/02/2014

Coup de chaud pour Erdogan qui a dénoncé un complot contre lui. A un mois des municipales, cinq enregistrements d’appels téléphoniques révélant la corruption du Premier ministre turc ont fuité sur YouTube. En voici la retranscription.

En l’espace de quelques heures, la vidéo diffusant ces enregistrements – que le Premier ministre accuse d’être un montage – a totalisé plus d’un million de vues. Pourquoi ? Parce qu’elle révèle au grand jour l’étendue de la fortune occulte de Recep Tayyip Erdogan et de sa famille.

Corruption de père en filsL’essentiel des conversations figurant sur les enregistrements aurait eu lieu entre Recep Tayyip Erdogan et son fils Bilal Erdogan le 17 décembre, le jour où une enquête pour corruption a été ouverte inopinémentcontre des ministres du cabinet de Recep Tayyip Erdogan et leurs fils.

Tayyip Erdogan, qui se trouve à Ankara, appelle son fils, qui dormait semble-t-il et n’avait pas eu vent de l’agitation provoquée par l’ouverture de l’enquête. Il est 8 heures du matin :

R. TAYYIP ERDOGAN : Tu es chez toi ?

N. BILAL ERDOGAN : Oui, père.

R.T.E. : Ils viennent de lancer ce matin une opération contre Ali Agaoglu, Reza Zerrab, le fils d’Erdogan [un autre Erdogan], le fils de Zafer, le fils de Muammer, ils sont en train de perquisitionner chez eux.

N.B.E. : Redonnez-moi les noms, père.

R.T.E. : Je te dis le fils de Muammer, le fils de Zafer, le fils d’Erdogan, Ali Agaoglu, Reza Zerrab, 18 personnes à l’heure qu’il est. Ils viennent de lancer une vaste opération anticorruption et ils sont en train deperquisitionner.

N.B.E. : Oui.

R.T.E. : D’accord ? Maintenant écoute-moi, quoi que tu puisses avoir chez toi, tu me le fais disparaître ! D’accord ?

N.B.E. : Qu’est-ce que je peux avoir, père ? Il y a votre argent dans le coffre.

R.T.E. : C’est de cela que je te parle ! Je t’envoie ta sœur tout de suite, d’accord ?

N.B.E. : Qui m’envoyez-vous ?

R.T.E. : Je te dis que je t’envoie ta sœur !

N.B.E.: Ah, d’accord !

R.T.E. : Assure-toi qu’elle est au courant, d’accord ? Parle à ton frère !

N.B.E. : Oui !

R.T.E. : Faisons comme cela, parle à ton oncle aussi, il faut aussi qu’il fasse le ménage chez lui, parle à ton beau-frère, il faut que lui aussi…

N.B.E. : Que doit-on en faire, père, où faut-il que je le mette ?

R.T.E. : A des endroits précis, fais-le !

Dans d’autres enregistrements transcrits ci-dessous, Bilal Erdogan rappelle son père pour lui rendre compte de ses progrès. Après avoir passé une journée à réunir des sommes astronomiques en liquide – il serait question de 1 milliard de dollars répartis dans 5 maisons différentes – pour les faire disparaître en achetant des appartements et en payant d’avance des hommes d’affaires avec lesquels ils travaillent, il n’est pas encore parvenu à tout cacher.

Cet appel a lieu à 23 h 15 le même jour :

N.B.E.: Bonjour papa, j’appelle pour… on a presque fini. Oh, c’est vous qui m’avez appelé, père ?

R.T.E. : Non, ce n’est pas moi, c’est toi.

N.B.E. : J’ai été appelé par un numéro masqué.

R.T.E. : Venons-en au fait, tu as pu le faire disparaître ?

N.B.E. : Pas encore la totalité, père. Laissez-moi vous expliquer. Il reste 30 millions d’euros qu’on n’a pas réussi à faire disparaître. Berat [gendre d’Erdogan et directeur général de Çalik Holding] a eu une idée. On peut donner 25 millions de dollars de plus [au fondateur de Çalik Holding] Ahmet Çalik. Ils disent de lui donner. Et, quand l’argent sera là, on fera quelque chose, ils ont dit. Et avec le reste, on peut acheter un appartement deSehrizar, il m’a dit. Qu’en pensez-vous, père ?

Tayyip Erdogan accepte les propositions de son fils pour dissimuler les 30 millions d’euros restants. Le lendemain, 18 décembre, Bilal Erdogan appelle son père et l’informe que l’argent a été dissimulé en intégralité

Quelles conséquences pour les municipales ?

A ce jour, il est difficile de prédire dans quelle mesure ces enregistrements influeront sur l’issue des municipales du 30 mars. Naturellement, les partis d’opposition ont immédiatement réclamé la démission d’Erdogan, pendant que le Premier ministre affirmait que cet enregistrement, qui dure plus de onze minutes, était un montage, ajoutant qu’il avait l’intention de poursuivre en justice les individus qui se cachent derrière cet “odieux complot” dirigé contre lui et sa famille.

Cependant, il est certain que la réaction des électeurs après la révélation de ces enregistrements sera décisive pour l’avenir proche de la Turquie. Si ces enregistrements ne font pas chuter Erdogan lors des prochaines élections, il est clair que rien ne pourra le faire. La vidéo des enregistrements :

Ola Claësson

Source : courrier international, 26/02/2014

Source: http://www.les-crises.fr/les-coups-de-fil-qui-revelent-la-corruption-derdogan-par-ola-claesson/


La vraie nature de Monsieur Erdogan, par Alexandre del Valle

Friday 4 December 2015 at 00:34

Source : Politique Internationale, n°148

Essayiste et éditorialiste. Auteur, entre autres publications, de : La Turquie dans l’Europe, un cheval de Troie islamiste ?, Les Syrtes, 2003 ; Le Complexe occidental. Petit traité de déculpabilisation, Éditions du Toucan, 2014 ; Le Chaos syrien. Printemps arabes et minorités face à l’islamisme, Dohw éditions, 2015.

la vraie nature de MONSIEUR ERDOGAN

Depuis l’arrivée au pouvoir, en 2002, du Parti de la justice et du développement (AKP) d’inspiration islamiste, la Turquie a connu une mutation économique, politique, socio-religieuse et stratégique impressionnante. Le changement porte surtout sur l’identité nationale et la nature du régime politique : construction massive de mosquées ; renvoi des militaires dans leurs casernes ; autorisation du port du voile dans les écoles ; projets de révision de la Constitution instaurant un présidentialisme fait sur mesure pour Erdogan.

Mais la politique étrangère n’est pas en reste : tout en maintenant sa candidature à l’Union européenne, Ankara a mené une diplomatie à la fois « néo-ottomane », tournée vers le monde arabo-musulman, et multilatérale en direction des pays asiatiques. Cette Turquie post-kémaliste se pose en championne des Frères musulmans et des Palestiniens. Rompant brutalement avec son vieil allié Bachar el-Assad, elle a pris fait et cause pour les rebelles sunnites en guerre contre le régime syrien, jusqu’à adopter une attitude ambiguë envers les groupes islamistes djihadistes, y compris l’État islamique… Arguant de sa situation de corridor énergétique, Ankara a également resserré ses liens avec la Chine, la Russie et l’Iran.

Surenchère anti-israélienne pour séduire la rue arabe et islamiste

Tribun « islamo-populiste » hors pair, Recep Tayyip Erdogan a su jouer, depuis 2002, la carte de la réislamisation en vue de fidéliser son électorat sunnite et de permettre à la Turquie de reprendre pied dans ses anciennes possessions ottomanes (Égypte, Gaza-Palestine, Liban-Syrie, Maghreb, Balkans…). Cette stratégie s’est déployée de façon progressive afin de ne pas braquer ses alliés occidentaux qui l’ont aidé à arriver au pouvoir et à vaincre l’« État profond » kémaliste (1). Mais, à partir de la fin des années 2000, elle s’est intensifiée à coups de surenchères verbales anti-israéliennes destinées à séduire les millions de musulmans attachés à la cause palestinienne.

Plusieurs événements ont marqué la fin de l’amitié turco-israélienne (2). Le point de quasi-rupture a été atteint avec l’affaire de la flottille de Gaza, en mai 2010, lorsque des commandos israéliens ont tué neuf militants turcs pro-palestiniens à bord d’un ferry turc chargé d’aide humanitaire qui tentait de briser le blocus de Gaza. Un prétexte tout trouvé pour dénoncer l’ex-allié israélien. Ankara a par la suite pleinement approuvé l’obtention, par la Palestine, d’un statut d’observateur à l’ONU, puis appelé à la création d’un « État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale », ce que refuse l’État hébreu, avec lequel la Turquie reste pourtant liée par un traité (3). Emboîtant le pas à son président, le premier ministre Davutoglu a déclaré, lors d’une réunion de l’Organisation de la coopération islamique (à Djibouti, novembre 2012), que les « attaques dans la bande de Gaza – prison à ciel ouvert – sont un crime contre l’humanité » (4).

Déjà très liée aux Frères musulmans, qui organisent chaque année à Istanbul leur réunion internationale, la Turquie de l’AKP est devenue la nouvelle terre d’accueil du Hamas, branche palestinienne des Frères. Des membres de son aile armée s’entraînent sur son sol avec l’assentiment des autorités turques. D’évidence, ce soutien, qui a culminé avec l’installation officielle à Istanbul du siège du Hamas après son expulsion de Damas en 2011, pose un problème sécuritaire aux pays de l’Otan qui considèrent toujours ce mouvement comme terroriste. Malgré les protestations israéliennes et américaines, en 2013, Ankara a permis au Hamas d’élargir les activités de son siège turc, dirigé par Salah Al-Arouri.

Parmi les personnalités du Hamas installées en Turquie, on dénombre aujourd’hui vingt anciens prisonniers reconnus coupables d’actes terroristes, qui ont été libérés dans le cadre de l’échange avec le soldat israélien Gilad Shalit, notamment Zaher Jabarin et Jihad Yarmur, impliqués dans l’assassinat du soldat Nachshon Wachsman en 1994. Plus étonnant encore pour un pays qui s’est souvent présenté comme un rempart contre le terrorisme islamiste, la Turquie d’Erdogan tolère que le Hamas profite de son bureau à Istanbul pour recruter de jeunes Palestiniens étudiant en Turquie, en Jordanie ou en Syrie. Depuis que la Jordanie n’autorise plus les membres du Hamas à suivre une formation militaire sur son sol, les nouvelles recrues sont envoyées au siège stambouliote d’où elles sont ensuite acheminées vers des camps d’entraînement. En décembre 2014, Khaled Mechaal, chef du Bureau politique du Hamas, a été reçu avec tous les honneurs lors du congrès annuel de l’AKP et a prononcé à cette occasion un discours invitant à renforcer la coopération entre la Turquie et les Palestiniens en vue de « lutter pour libérer Jérusalem » (5).

Les postures anti-israéliennes des autorités turques méritent toutefois d’être relativisées : 1) l’AKP n’a jamais réellement rompu avec Israël, dont l’armée continue de coopérer avec l’armée turque ; 2) les déclarations d’Erdogan ou de Davutoglu reprochant à Israël sa politique de « colonisation » et de construction de milliers de logements dans des colonies juives sonnent comme des accusations miroirs, car la Turquie n’a jamais mis fin à la politique d’occupation et de colonisation – condamnée par l’ONU et le Conseil de l’Europe – de 37 % du nord de l’île de Chypre (« république turque de Chypre du Nord, RTCN, non reconnue internationalement »). Depuis 2008, Ankara a même menacé à plusieurs reprises la république de Chypre (membre de l’UE) d’intervenir militairement si jamais elle accordait des permis d’exploration gazière à Total ou à des consortiums franco-russe, italien (ENI) et sud-coréen (Kogas) (6).

Soutien aux révolutionnaires islamistes sunnites et échec de la diplomatie « zéro ennemi »

À partir du printemps 2011, pariant sur le succès des révolutions arabes, la Turquie a rompu avec ses anciens alliés nationalistes hostiles aux insurgés islamistes (Syrie de Bachar el-Assad, Libye de Kadhafi et, depuis 2013, Égypte du maréchal-président al-Sissi). Ankara a également perdu de son crédit au Liban et en Tunisie, où elle avait misé sur les Frères musulmans. En soutenant les révolutionnaires fréristes et en sous-estimant la capacité de réaction des forces hostiles aux islamistes, Ankara a en réalité réduit sa « profondeur stratégique » plus qu’elle ne l’a élargie, consacrant ainsi l’échec de la doctrine chère à Davutoglu du « zéro ennemi ».

La stratégie d’Ankara visant à obtenir le renversement du régime baasiste de Damas pour gagner les coeurs des masses sunnites solidaires des rebelles syriens a encouragé le gouvernement turc à soutenir pratiquement toutes les forces combattantes susceptibles de renverser Bachar el-Assad : de façon officielle, les rebelles sunnites « modérés » puis, de façon moins officielle, le Front islamique, l’Armée de la conquête (7) et même l’État islamique (Daech (8)).

Dès le début des opérations militaires occidentales en Syrie et en Irak, Ankara a refusé que l’aviation américaine utilise les bases de l’Otan pour bombarder les positions de l’EI – et cela, au risque d’apparaître comme un partenaire objectif des djihadistes. Rappelons que la Turquie abrite 24 bases de l’Otan (9), que l’armée de l’air turque dispose des dernières technologies issues de l’industrie militaire américaine et que ses pilotes sont formés par les États-Unis… Consternés, les stratèges de l’Otan et des pays en guerre contre Daech savent que, depuis le début de la guerre civile syrienne, Ankara a fermé les yeux sur les camps d’entraînement de l’EI installés sur son territoire et sur le passage à travers sa frontière d’armes et de djihadistes du monde entier. Ils sont souvent recrutés en Turquie – dans les mosquées, les écoles et même parmi les forces de sécurité -, ce pays étant devenu une base arrière pour la plupart des groupes islamistes syriens, y compris ceux liés à Daech et à al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda).

C’est d’ailleurs par la Turquie que transitent les volontaires européens, comme Hayat Boumeddiene, la compagne du terroriste français Amedy Coulibaly, auteur de la tuerie de l’Hyper Cacher en janvier 2015, ou encore les trois lycéennes londoniennes (10) qui ont été approchées sur Twitter par une militante djihadiste. Certes, le gouvernement turc assure qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour sécuriser les 800 kilomètres de frontière séparant les deux pays ; mais selon les passeurs, les combattants sunnites et les réfugiés, il est clair que les mafias locales et les forces de l’ordre corrompues ont organisé un véritable business. Pour 25 dollars, n’importe quel candidat au djihad peut franchir la frontière turque pour rejoindre Daech, al-Nosra, al-Ahram ou le Front islamique. Certains passeurs turcs « louent » carrément des sections de la frontière syro-turque à des « émirs » de Daech. Ajoutons que, jusqu’à présent, les autorités d’Ankara se sont bien gardées de mettre un terme à la contrebande d’hydrocarbures en provenance d’Irak et de Syrie – ce qui est loin d’être anodin lorsque l’on sait que les dizaines de champs pétroliers et de raffineries contrôlés par l’EI génèrent quelque 2 millions de dollars de recette par jour !

Pis encore : fin 2014, alors que le secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, tentait de convaincre Ankara de participer à l’offensive occidentale contre Daech, le président Erdogan refusa de soutenir militairement les forces kurdes qui défendaient la ville frontalière de Kobané (nord de la Syrie), assiégée depuis plusieurs mois par les combattants de l’État islamique (reprise par les Kurdes en janvier 2015) et d’ouvrir la base militaire d’Inçirlik aux avions de la coalition internationale. L’armée de l’air turque alla même jusqu’à bombarder des cibles du PKK dans le sud-est de la Turquie, une première depuis le cessez-le-feu décrété par les rebelles kurdes en mars 2013.

Le refus d’Ankara de se joindre aux opérations de la coalition a contribué à compromettre le fragile accord de paix conclu en 2013 avec le PKK. Et le succès inattendu du parti kurde HDP à l’occasion des élections générales turques du 7 juin 2015 (13 %, 80 députés) n’est pas étranger à ce refroidissement des relations turco-kurdes sur fond de chaos syrien et régional. En novembre et décembre 2014, les manifestations pro-kurdes se sont multipliées en Turquie, faisant plusieurs dizaines de morts. Mais Ankara a toujours comme priorité la lutte contre le régime d’Assad. D’où la revendication d’une zone d’exclusion aérienne au nord-ouest de la Syrie en échange d’une participation turque – pour l’heure toute symbolique – à la lutte contre l’EI (11). Et le gouvernement AKP continue de refuser que les forces kurdes de Syrie soient intégrées au programme d’entraînement des rebelles syriens mis en place en avril 2015 conjointement avec le Qatar, l’Arabie saoudite et les États-Unis.

Préférer les rebelles djihadistes syriens aux Kurdes ?

En fait, la position d’Ankara obéit à une logique  nationale-islamiste : les djihadistes sunnites ne sont pas considérés comme l’ennemi principal mais comme des forces – certes à surveiller – susceptibles de contribuer à la chute du régime de Bachar el-Assad. Ils permettent aussi de lutter contre l’ennemi intérieur que constitue l’irrédentisme kurde du PKK turc dans la mesure où ce PKK dispose d’une base arrière en Syrie tenue par le Parti de l’union démocratique (PYD) et ses combattants. De ce point de vue, les exigences des Occidentaux, qui voudraient voir la Turquie favoriser l’envoi de combattants du PKK turc pour aider leurs frères du PYD turc en Syrie, sont inacceptables aux yeux d’Ankara.

On ne saurait toutefois réduire la politique kurde d’Ankara à l’expression d’une simple inimitié. Les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît et l’hostilité envers les indépendantistes kurdes du PKK turc et leurs alliés de Syrie est compensée par une coopération économique, politique et culturelle étroite avec le Kurdistan autonome d’Irak. Celui-ci est gouverné notamment par le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani, historiquement opposé aux partis-guérillas marxistes kurdes de Syrie (PYD) et de Turquie (PKK). Après l’intervention anglo-américaine de 2003 (12), le Kurdistan irakien est devenu, dès 2005-2006, un allié d’Ankara. Près de 70 % des importations irakiennes de produits turcs sont destinées à la province kurde, où la Turquie s’approvisionne en pétrole et en gaz. C’est dans le cadre de cette alliance pragmatique qu’Ankara a fourni une assistance logistique et une aide en matière de renseignement aux forces irakiennes en guerre contre l’EI (13). Mais la collaboration d’Ankara à la lutte contre l’EI s’est arrêtée là, l’armée turque ne pouvant mener une action militaire directe contre Daech qu’en cas de légitime défense (14).

Cette posture prudente a valu à la Turquie d’être jusqu’à présent épargnée par le terrorisme djihadiste et a permis aux services spéciaux de négocier avec succès la libération des 46 ressortissants turcs enlevés par l’EI en juin 2014 à Mossoul. Une fois les otages libérés sans violence, le 20 septembre 2014, le gouvernement d’Ankara a exprimé sa volonté de rejoindre la coalition internationale et a fait voter au Parlement une motion autorisant son armée à se déployer en Irak et en Syrie. Mais à deux conditions : que le régime de Bachar el-Assad soit clairement désigné comme la cible principale et qu’une zone d’exclusion aérienne soit instaurée. Aujourd’hui, la Turquie soutient, avec le Qatar et l’Arabie saoudite, l’Armée de la conquête, qui s’est emparée de la province d’Idleb dans le nord-ouest de la Syrie, et qui n’est en fait qu’une création d’Al-Qaïda « canal historique » via le Front al-Nosra. Ce faisant, Ankara aide indirectement d’autres djihadistes anti-Assad, dans la mesure où la pression exercée par l’Armée de la conquête sur Damas a obligé le régime syrien à abandonner l’est du pays à Daech afin de concentrer ses efforts sur Homs, Alep, la côte et la capitale.

En mars 2015, la Turquie a certes officiellement déclaré qu’elle changeait d’attitude, notamment en annonçant un ralliement tout symbolique à la coalition anti-Daech, mais le premier ministre Ahmet Davutoglu a clairement confirmé qu’Ankara n’enverrait pas de troupes pour combattre l’État islamique, la contribution turque se limitant à une aide logistique et humanitaire. Des avions-cargos remplis de matériels militaires (tenues de camouflage, rangers, tentes, couvertures, etc.) ont été envoyés à Bagdad. La Turquie a également poursuivi sa politique d’évacuation des populations civiles et d’accueil massif de réfugiés syriens au nom de sa politique de la « porte ouverte » – une politique très critiquée par l’opposition kémaliste qui voit dans les deux millions de déplacés irakiens et syriens présents en Turquie une réserve de cellules terroristes dormantes…

La voie eurasiatique et la vocation turque de corridor énergétique

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Notes :
(1) Derin devlet : littéralement, l’« État profond » (de l’arabe dawla, État, et du turc derin, « profond »). Manière dont la Turquie appréhende la question de l’intérêt national et de l’État (« fort et sacré ») dont les droits transcendent ceux de l’individu. Le derin devlet traduit une conception ultra-nationaliste de la souveraineté qui inspire à la fois l’état-major de l’armée turque et les nationalistes kémalistes ainsi que l’extrême droite. Il désigne aujourd’hui ceux qui demeurent prêts à intervenir (face aux « gauchistes », aux « séparatistes » ou aux « islamistes réactionnaires ») pour « empêcher le démantèlement de la Turquie ». Celle-ci serait « menacée » par ses voisins hostiles (Grecs, Arméniens, Iraniens, Arabes, Kurdes, etc.), toujours prêts à revenir au traité de Sèvres qui prévoyait la division de l’actuelle Turquie après la défaite définitive de l’Empire ottoman (ce traité fut invalidé en 1923 par le traité de Lausanne qui a fondé la République turque moderne).(2) Les deux gouvernements s’étaient violemment opposés au sujet de la guerre contre le Hamas (27 décembre 2008-17 janvier 2009) et l’arraisonnement par Israël (31 mai 2010) de la flottille se dirigeant vers Gaza (voir infra).(3) Rappelons enfin qu’à partir de 1994 quatorze accords militaires ont été signés entre les deux parties. Le 18 septembre 1995 fut signé à Tel-Aviv le « mémorandum » sur l’aviation militaire. Quelques mois plus tard, le 23 février 1996, le directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, le général David, et le premier secrétaire de la représentation turque, Cevik Bir, signaient des « accords de coopération et d’entraînement ». Ces accords portaient sur les entraînements conjoints entre les forces aériennes et maritimes des deux pays, l’échange de personnel militaire ou encore la possibilité offerte aux deux parties d’utiliser leurs bases militaires respectives. L’alliance militaire entre les deux pays est officiellement rompue en juin 2010, au lendemain de l’attaque d’un navire turc en route pour la Palestine (« Flottille de la paix ») par Tsahal, qui fait 9 morts civils. Mais depuis 2013, dans le contexte du chaos syrien et régional, les relations entre la Turquie et Israël se sont  réchauffées : Ankara a repris ses achats d’armements auprès de l’État hébreu, notamment des systèmes logistiques électroniques destinés à équiper des avions Awacs.(4) Voir Alexandre del Valle, « La stratégie néo-ottomane d’Erdogan pour réislamiser la Turquie et influencer le Proche-Orient », Atlantico, 12 novembre 2012, http://www.atlantico.fr/decryptage/turquie-proche-orient-strategie-neo-ottomane-erdogan-pour-reislamiser-turquie-et-influencer-proche-orient-alexandre-del-valle-564237.html.

(5) Des centaines de recrues ont été formées à l’utilisation d’armes légères, à la fabrication de bombes et aux opérations spéciales en Turquie, avant d’être envoyées sur le théâtre syrien ou cisjordanien. Les services de renseignement israéliens ont révélé, en 2014, à l’occasion de l’arrestation de cent terroristes qui préparaient des attentats dans l’Autorité palestinienne, que le chef du réseau, Riad Nasser, était un ancien du Hamas ayant opéré en liaison avec le siège d’Istanbul. De même, le chef du groupe de trente terroristes arrêtés en septembre 2014, Manaf Ajbara, étudiant originaire de Tulkarem, a été recruté en Turquie. Les assassins des trois adolescents israéliens tués en juin 2014 ont également été recrutés par le siège stambouliote. Et une part importante des armes du Hamas en Cisjordanie a été achetée par le siège d’Istanbul.

Concernant l’implication de la Turquie aux côtés des djihadistes et notamment de l’État islamique en Syrie, elle est constatée par tous les services de renseignement des pays occidentaux qui savent qu’une partie du territoire turc frontalier de la Syrie a servi depuis 2013 au moins de base arrière aux djihadistes de Daech et aujourd’hui au Front al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda) et à Ahrar Cham, organisations étrangement épargnées par les frappes aériennes de l’armée américaine. La présence de forces turques aux côtés des djihadistes de l’EI a été signalée en plusieurs lieux du Kurdistan syrien, notamment à Solipkaran, à 8 kilomètres de Tell Abyad, où les militaires turcs ont épaulé les djihadistes face aux rebelles kurdes. Des blindés turcs franchissent régulièrement la frontière turco-syrienne, comme on l’a vu lorsqu’ils ont prêté main-forte aux djihadistes assiégeant Jiimayé-Almalik (à 20 kilomètres de Tell Abyad) face au PYD kurde syrien. Les sections d’élite turques ont supervisé des attaques de Daech contre le village de Khan al-Jaradé, faits confirmés non seulement par le régime syrien mais aussi par l’opposition syrienne, notamment l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). C’est également par la Turquie que transitent les djihadistes venus d’Europe, du Maghreb, du Caucase, d’Asie centrale, du Pakistan et même de Chine ou d’Inde.

(6) Ankara a également menacé d’exclure de ses futurs projets énergétiques les compagnies internationales signant des contrats d’exploration de gaz dans les eaux territoriales de Chypre, sur lesquelles la Turquie n’a pourtant aucun droit.

(7) Coalition militaire composée de nombreuses factions rebelles islamistes syriennes, dont la branche syrienne d’Al-Qaïda, le Front al-Nosra, surtout actives autour d’Idleb, de Hama et de Lattaquié. Créée le 24 mars 2015, l’Armée de la conquête a pris la ville d’Idleb le 28 mai 2015. Cette alliance bénéficie d’une aide qatarie, saoudienne et surtout turque considérable en matière financière et logistique, de livraisons d’armes et de facilités de passage sur le territoire turc.

(8) Acronyme de Dawla al islamiyya fi Irak wa sham, État islamique en Irak et au Levant, devenu en juin 2014 État islamique. Voir Alexandre del Valle et Randa Kassis, Le Chaos syrien, Dhow éditions, 2014.

(9) Voir « NATO’s Eastern Anchor. 24 NATO bases in Turkey », Global Research, 14 février 2011, http://www.globalresearch.ca/nato-s-eastern-anchor-24-nato-bases-in-turkey/23205.

(10) Cf. Sophia Jones, « Il suffit de 25 $ pour rejoindre Da’ech en Syrie en passant par la Turquie », Huffington Post, 7 mars 2015, https://fr.news.yahoo.com/suffit-25-rejoindre-daech-syrie-063843398.html

(11) Voir l’article d’Abdullah Bozkurt, « Erdogan’s mosque building frenzy » (Zaman, 9 mai 2015), qui annonce une opération militaire de l’armée turque visant à renverser le régime d’Assad qui a subi des revers en mai 2015. En fait, la Turquie mène une politique plus qu’ambiguë. Elle prétend, en effet, aider la colalition anti-Daech tout en posant des conditions impossibles à sa participation militaire active (zone d’exclusion aérienne et zone tampon) et en aidant directement ou indirectement Daech face aux Kurdes et au régime syrien, considérés par Ankara comme ses principaux ennemis.

(12) Le 20 mars 2003, l’intervention militaire anglo-américaine « Liberté pour l’Irak » est lancée contre l’Irak – sans mandat de l’ONU – avec pour buts de guerre de « lutter contre le terrorisme international » et de mettre fin au régime de Saddam Hussein, soupçonné de détenir des « armes de destruction massive ». Cette opération provoque la chute du régime de Saddam Hussein après 20 jours de combats. Bagdad est rapidement occupée ; les forces de la coalition américano-britannique instaurent une Autorité provisoire, dirigée par le diplomate américain Paul Bremer. Saddam Hussein, qui a pris la fuite en avril 2003, est arrêté en décembre. Les troupes d’occupation doivent faire face à des mouvements de résistance, chiites comme sunnites (islamistes et baasistes), qui s’organisent dans un contexte de chaos général et de démantèlement des structures étatiques irakiennes. Le pays sombre dans la guerre civile. Les chiites majoritaires et revanchards, appuyés à la fois par les forces anglo-américaines et par l’Iran, prennent le contrôle de ce qui reste de l’État irakien, après des décennies de domination sunnite. De leur côté, les nationalistes kurdes, associés au nouveau pouvoir et dotés de forces militaires propres (Peshmergas), créent de facto un État indépendant, ce qui va déclencher une vague d’anti-américanisme sans précédent en Turquie. À partir de janvier 2007, le Congrès et l’opinion publique américains ne soutiennent plus l’Administration Bush, le conflit ayant occasionné la mort de 3 000 soldats américains. En 2008, l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis change la donne géopolitique. Le nouveau président propose un calendrier pour le retrait progressif des troupes : les derniers soldats américains quittent le pays en décembre 2011. Le vide soudainement provoqué par le retrait américain permettra à l’État islamique de refaire surface en Irak puis en Syrie.

(13) En fait, la stratégie turque varie selon les théâtres d’opérations : si l’armée turque collabore plus facilement avec les autres États de la coalition contre Daech en Irak, elle aide objectivement l’État islamique en Syrie face aux Kurdes liés au PKK et au régime alaouite-baasiste de Bachar el-Assad.

(14) Parce qu’elle considère comme ses ennemis principaux les Kurdes syriens indépendantistes pro-PKK et le régime alaouite de Damas, et parce qu’elle craint à juste titre une déstabilisation interne et des vagues d’attentats djihadistes facilités par les nombreuses cellules pro-Daech et pro-Al-Qaïda au sein des deux millions de réfugiés syriens présents sur son territoire, la Turquie n’a pas intérêt à intervenir militairement contre Daech et d’autres groupes djihadistes. D’autant qu’elle aide désormais officiellement l’Armée de la Conquête dont l’une des composantes n’est autre qu’Al-Qaïda en Syrie (Front al-Nosra)…

 

Source : politiqueinternationale, n°148

Source: http://www.les-crises.fr/la-vraie-nature-de-monsieur-erdogan-par-alexandre-del-valle/


UE : les néoconservateurs de Bruxelles choisissent la confrontation avec la Russie, par Alain Pucciarelli

Thursday 3 December 2015 at 23:40

Source : Alain Pucciarelli, 03-12-2015

A la faveur de la « crise des réfugiés », l’UE fait risette à la Turquie et désavoue M. Hollande  dans sa quête d’une aide militaire auprès de la Russie

Le « problème » des réfugiés conduit donc l’UE à rouvrir les négociations avec la Turquie en vue de son adhésion, et à répondre de la sorte positivement à une vieille demande des Etats Unis.

Elle fait cela au motif officiel que sans accord de fond avec la Turquie, le problème des réfugiés ne peut pas être résolu. Elle agit sans consultation officielle des pays concernés, sans tenir compte de leurs opinions publiques.

-Elle le fait juste après que la Turquie a abattu un chasseur russe en Syrie sans raison apparente autre que celle de la provocation, dont l’origine peut sans doute être recherchée du côté de Washington, qui a la haute main sur l’usage des armements sophistiqués que les Etats Unis livrent à leurs alliés. En la matière, on est en droit de supposer que la Turquie a appuyé sur la détente, mais qu’elle ne tenait pas le viseur.

-Elle le fait à la suite des événements du 13 novembre en France, et de la visite à Moscou de M. Hollande quêtant une aide pour abattre « Daesh » (alors que l’UE a reconduit les sanctions contre la Russie). Cette escale moscovite succédait à  une entretien humiliant à Washington avec M. Obama, qui a maintenu son préalable, le départ de M. Assad (inacceptable pour la Russie), pour s’engager dans une coalition anti Daech en dépit de l’agression qu’a subie la France. Autrement dit, M. Hollande a été piteusement éconduit par notre « grand allié » qui n’a pas pu voir d’un bon œil l’éventuel rapprochement de la France et de la Russie.

-Et voilà que sur le mode Tartuffe, elle ridiculise le président français à peine rentré de Moscou en se rapprochant brutalement et étroitement d’un agresseur de fraîche date de la Russie. De sa seule initiative ? Peut-on attribuer tout cela au hasard des calendriers et des contraintes diverses et variées de la politique internationale ? A chacun d’en juger.

Une vérité paradoxale 

La Turquie est donc en apparence considérée suffisamment importante dans la gestion des flux de réfugiés qu’il convient de la museler avec de l’argent (on parle de trois milliards d’euros au moins) et avec la réanimation d’une perspective politique ancienne d’intégration. On ne peut pas mieux reconnaître dans tous les cas qu’elle est largement à l’origine de l’invasion migratoire  qui secoue l’UE.

Cette réouverture officielle des négociations visant à permettre son entrée dans l’UE intervient à un moment où le régime de M. Erdogan donne des signes d’autoritarisme réels, par exemple à travers la mise au pas de la presse d’opposition, ou l’emprisonnement de journalistes dénonçant la collusion entre la Turquie et Daech, alors que M. Poutine dénonce cette collusion et accuse Ankara de commercialiser le pétrole vendu par l’  « Etat islamique ». L’UE prend cette décision lourde de conséquences au moment où les avions turcs supposés frapper Daech s’en prennent surtout aux Kurdes, qui se battent précisément contre Daech, comme le faisait le chasseur russe abattu dernièrement. Tout cela se produit sur fond d’islamisation accélérée de la société turque et d’alliance étroite avec les états sunnites de la région, dont le Qatar et l’Arabie Saoudite, proches alliés eux aussi des Etats Unis et soutiens puissants des islamistes qui mettent la Syrie à feu et à sang.

Autrement dit, l’UE tend symboliquement la main à Daech  alors que M. Hollande tente, ou fait semblant de tenter d’organiser une coalition contre ce groupe terroriste dont la naissance doit tout aux Etats Unis (lire les déclarations du général Desportes devant le Sénat le 12 décembre 2014, Les crises.fr).

Cet étrange rebondissement intervient après que des preuves ont été apportées de l’implication illégale, secrète et très concrète (armes, argent, conseillers) des pays européens (aux côtés des Etats Unis), dont la France, dans la guerre menée par les groupes terroristes, modérés ou pas, contre le pouvoir de M. Assad. M. Hollande a reconnu des livraisons d’armes en direction de « rebelles modérés » faites en toute illégalité internationale. M. Fabius a légitimé le soutien à un « groupe modéré » (Al Nosra), qui vient d’applaudir au massacre du 13 novembre à Paris, en parlant du « boucher Assad » et du sang que ce dernier aurait sur les mains.

Si tel est le cas, et pourquoi pas, en a-t-il autant que M. Obama, ou que son prédécesseur M. Bush (la liste des bourreaux est infinie) ? Est-ce là un argument recevable en politique internationale, surtout quand les monarchies moyenâgeuses et barbares du golfe sont nos alliées ?

Un désastre européen programmé ?

On peut opter pour deux visions de la situation actuelle, dont la gravité ne semble pas mobiliser nos médias, qui s’extasie sur la COP21 ou les nouvelles frappes occidentales (avec l’Allemagne et le Royaume Uni) autour des Etats Unis qui, espérons-le, seront plus efficaces que les précédentes. A moins qu’une nouvelle provocation anti russe ne vienne égayer nos soirées.

La première vision, rebattue par la « grande » presse, s’en tient à la prise en compte du cours « normal » des politiques européennes, faites d’accommodement, de compromis et d’arrangements entre amis dans un contexte aujourd’hui délicat, celui des réfugiés. Ce qui est oublier les conditions et le moment où cet accord intervient. Et sauf bien entendu que cette mollesse supposée des instances européennes fait place dès que nécessaire à une rigueur et à une brutalité sans pareilles, par exemple à l’occasion de l’affaire grecque.

A noter que la « une » du Monde.fr du mardi 1er décembre (au moins dans la matinée) ne souffle pas un mot sur cet énorme événement, la reprise des négociations d’adhésion avec la Turquie, et que le 20h d’Antenne 2 du même jour fait de même, ce qui en dit probablement  toute l’importance véritable.

 Une autre réalité ?

On a parallèlement le droit, et sans doute le devoir civique, de voir les choses d’un autre œil, au moins pour essayer de comprendre une réalité qui, peut-être, paraît plus complexe qu’elle n’est.

Personne ne peut nier que l’afflux brutal des réfugiés dont l’essentiel vivaient dans des camps au Liban et en Turquie déstabilise les pays de l’UE, quoiqu’en disent les droitdelhommistes professionnels. Cet afflux s’est déclenché soudainement et massivement, et il est permis de voir à l’origine de cet événement un chef d’orchestre, la Turquie (par exemple!), conviée pour prix de cette action d’éclat à accéder à son vieux projet européen par ceux-là mêmes qui subissent son agression violente par flots de malheureux migrants interposés.

Cela ne « colle » évidemment pas. Récompense-t-on un état qui fait preuve d’un tel pouvoir de nuisance ? Et bien… oui ! Les réfugiés en provenance du Moyen orient sont si nombreux qu’ils feraient presque oublier les flux meurtriers de « boat peoples » qui tentent toujours de traverser la Méditerranée depuis les rivages de feu la Lybie.

Si, comme l’accord avec la Turquie paraît l’indiquer, ce pays a donc eu un rôle majeur dans ce désastre humanitaire si parfaitement mis en oeuvre, nonobstant le fait que la tragédie humanitaire globale au Moyen Orient trouve sa source dans les politiques occidentales, au premier rang desquelles celle des Etats Unis, on ne peut qu’être intrigué par la soudaine précipitation de l’UE à reprendre dans de telles conditions des négociations plus ou moins suspendues avec la Turquie, qui n’a par ailleurs jamais été officiellement découragée dans son entreprise d’intégration de l’UE, cette vieille stratégie US comme il l’a été évoqué plus haut.

Autrement dit, le vrai fil de cette histoire peut être lu en sens inverse de ce qui nous est asséné quand certains médias prennent la peine de parler de cela: le flux de réfugiés a pu être déclenché par les Occidentaux, dont les dirigeants européens, avec l’aide décisive de la Turquie, pour permettre la « nécessaire » intégration de la Turquie à l’UE selon la vision atlantiste.

On pourrait alors interpréter cette hypothèse vraisemblable comme un plan brillant destiné à duper les opinions publiques occidentales, et à renforcer la politique US au Moyen orient en adossant enfin la Turquie à l’UE, tout en accélérant le processus de désintégration des Etats européens qui de la sorte ne s’opposeront plus aux Etats Unis d’aucune manière : l’allié turc, avec les amis des états Unis déjà nombreux parmi nos partenaires européens, contribuera mieux encore à vassaliser le vieux continent et à l’ensabler dans des querelles sociétales monstrueuses depuis Bruxelles.

Nous aurons ainsi une traduction libre et imparfaite, du vieux rêve fédéraliste porté par Jean Monnet (se reporter à tous les arguments qui militent rationnellement contre une entrée de la Turquie dans l’UE et pour une sortie de la France de cette même UE).

Implications objectives

Les attentats Charlie ont conduit à la mise en œuvre de la « loi sécurité », sur le modèle du Patriot Act américain. Ceux du 13 novembre débouchent sur l’état d’urgence, comme en prolongation de la loi qui de toute évidence protège peu contre le terrorisme, surtout quand le gouvernement français a refusé (2013) les informations des services syriens relatifs aux « Français » combattant avec Daech et qu’après le 13 novembre, il ne rouvre toujours pas son ambassade à Damas, seul moyen de collecter des informations fiables en temps réel. On peut considérer à ce titre que l’Etat ne fait pas tout ce qui est indispensable à la lutte contre les terroristes, tout en instrumentalisant au maximum les conséquences des actes de ces derniers, et sans remettre en cause sa politique extérieure, qui est  celle de l’UE et donc de Washington en dépit des velléités de M. Hollande de se rapprocher de la Russie.

L’UE tend la main à la Turquie, qui trempe apparemment dans des pratiques mafieuses la liant à la nébuleuse terroriste, soutenue et financée puissamment on l’a dit par les grands amis de la Turquie et de la France que sont les monarchies pétrolières. La Turquie facilite aussi grandement les allées et venues des terroristes, leurs approvisionnements, leur encadrement, mettant à ce titre aussi la sécurité des états européens en cause. Si l’on considère que l’UE est une construction politique même si on l’oublie parfois, elle nous engage donc à la fois dans le soutien à la politique impériale de M. Erdogan et dans sa complicité avec les groupes terroristes y compris ceux qui sont susceptibles de nous frapper ; la Turquie nous entraîne également, mécaniquement, dans sa confrontation avec la Russie, traduction de la stratégie belliciste des Etats Unis où certains, en haut lieu, évoquent sans recul une éventuelle aventure guerrière avec cette même Russie.

Comment aujourd’hui la Russie ne peut-elle pas prendre acte du fait que l’UE se rapproche significativement du pays agresseur qui a abattu son chasseur bombardier, et que, par voie de conséquence, elle devient ouvertement, « es qualité », un adversaire déclaré, (bientôt ennemi?) car rallié clairement aux Etats Unis, dont la responsabilité (active ou passive) dans l’attaque turque est plus que probable pour les dirigeants russes ? 

La COP 21, un nuage de fumée ?

Dans ce contexte dangereux, que penser de la COP21, sinon qu’elle est à présent un rideau de fumée « bienvenu », puisque la presse nationale ne parle en gros que de cela, même si elle a été programmé bien avant ces événements ? On aurait aimé d’ailleurs que la détresse écologique de la planète fasse l’objet d’une véritable mobilisation internationale et non d’un faux semblant théâtralisé porteur d’illusions et donc de futures déceptions. On peut en effet douter de l’efficacité d’une procédure non contraignante, quels que soient les accords obtenus entre états. Il suffit à ce titre de se demander si les négociations à propos du Traité transatlantique (TAFTA, plus le traité sur les services TISA) et l’existence du traité transpacifique ne réduisent pas à néant tout projet écologique éventuel produit par les pays engagés dans la mise sur pied d’un monde qui verrait les oligarchies financières et économiques imposer leurs lois aux puissances publiques.  Derrière ce nuage de fumée, donc, s’affirment la problématique Turque, et la toute puissance du parrain US déterminé à avancer ses pions contre la Russie après le choc produit par l’intervention de M. Poutine en Syrie. La soudaine décision de l’UE serait la réponse de Washington à Moscou.

Une « consolation » cependant dans cet apparent chaos protéiforme: le jour où la Turquie sera dans l’UE, les réfugiés n’en seront plus, et pourront se répandre en Europe en toute légalité !

Il est donc légitime de tirer la sonnette d’alarme, et de dénoncer les petits pas qui nous entraînent vers une possible catastrophe militaire et un probable séisme social et sociétal que non seulement Bruxelles n’anticipe pas, mais semble promouvoir.  Il est vraiment temps de sortir de l’UE et de son asservissement originel aux stratégies US de domination du monde dans lesquelles nous n’avons rien à gagner, et beaucoup à perdre. Avant qu’il ne soit trop tard.

 Source : Blog MediapartAlain Pucciarelli, 03-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/ue-les-neoconservateurs-de-bruxelles-choisissent-la-confrontation-avec-la-russie-par-alain-pucciarelli/


« Mon usine était le quartier général de l’État islamique à Alep » par Farès el-Chehabi

Thursday 3 December 2015 at 02:46

Pour avoir d’autres regards…

Source : lorientlejour, 28/11/2015

Farès el-Chehabi

INTERVIEW Farès el-Chehabi, homme d’affaires alépin sunnite, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Syrie, fait part des ravages causés par quatre années de guerre sur sa ville et ses alentours. Depuis septembre 2011, il est inscrit sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne, accusé d’apporter un soutien économique au régime.

Propos recueillis par Caroline HAYEK

Quelles ont été les conséquences de la guerre sur la zone industrielle d’Alep ?
Alep était la capitale économique de la Syrie. Nous avions plus de 80 000 usines. Bien plus qu’aucune ville au Moyen-Orient. En 2011, dès le deuxième mois de la guerre, les destructions et les pillages ont commencé. Dès les premiers mois, les rebelles nous ont distribué des tracts exigeant la fermeture de nos entreprises, sinon elles seraient brûlées. Ils ont envoyé ces menaces à tous les magasins et entreprises. Les gens ont immédiatement pris peur. Une vingtaine de mes amis industriels, membres de la Chambre de commerce, ont été assassinés car ils refusaient de fermer leurs usines. En 2011, les rebelles avaient réduit en cendres plus de 100 manufactures.

L’une de mes usines se trouvait à Cheikh Najjar, la plus grande zone industrielle. Les rebelles s’en sont emparés en 2011. On m’a dit qu’elle ne m’appartenait plus et que je n’avais pas le droit de la réclamer sous peine de représailles. Mon usine, qui produisait de l’huile d’olive, que je croyais être entre les mains de l’Armée syrienne libre (ASL), était en fait le quartier général de l’État islamique (EI). Une fois cette zone libérée en juillet 2014, j’ai constaté les dégâts. Sur les murs, étaient peints le drapeau de l’EI, il restait les vêtements des jihadistes, leurs tracts. Dans la zone, j’ai remarqué qu’il y avait près de 500 enfants qui avaient été privés d’éducation pendant deux ans. J’ai alors décidé de transformer cette usine en école gratuite.

Vous avez accusé le gouvernement turc d’être derrière le pillage des usines d’Alep…
Oui. Et j’ai des preuves sérieuses. J’ai déposé deux plaintes contre le gouvernement turc, aux tribunaux de Strasbourg et à La Haye. J’ai recueilli des preuves solides, des vidéos, des confessions et des témoins. Beaucoup d’industriels m’appelaient en panique me disant que les rebelles étaient dans leur usine et que des experts turcs étaient avec eux. Les hommes armés ne font pas la différence entre les différentes lignes de production d’une usine. Ils ne savent pas comment désassembler les machines sans les endommager. C’est pourquoi les experts turcs étaient présents, pour choisir leur butin et les envoyer à Gaziantep, à Adana… J’ai reçu plus de 5 000 plaintes d’industriels, victimes de vols. Le butin est parti en Turquie avec la complicité de la police turque. Impossible de faire passer du matériel d’usine facilement. Certaines machines font 20, 30 mètres de long. Ils ont utilisé des camions, sont passés aux postes-frontières, pas à travers des champs d’oliviers. C’est de la contrebande organisée. Ils ont vidé les zones industrielles d’Alep. C’est un champ de ruines.

Une usine de la zone industrielle de Cheikh Najjar, à Alep.

Aujourd’hui, comment Alep s’organise pour survivre?
Depuis neuf mois, nous n’avons plus Internet. Depuis que la route Hama-Alep a été libérée, les produits du quotidien arrivent facilement. L’eau est contrôlée par al-Nosra (branche syrienne d’el-Qaëda). L’Onu l’a déclarée organisation terroriste en 2014. La Coalition nationale syrienne essaye de rendre al-Nosra acceptable, en l’encourageant à couper ses liens avec el-Qaëda, pour qu’elle puisse rejoindre les modérés. Le Front contrôle en grande partie l’électricité. Et la grande centrale électrique est sous contrôle de l’EI. Donc nous n’avons que très peu d’électricité à Alep. Le gouvernement négocie avec eux. « Les terroristes » vous disent : « On donne à Alep 5 % d’électricité et on prend le reste. » Ce qui équivaut à 5 mégawatts pour 3 millions de personnes. Ce n’est pas de la négociation, c’est du chantage sur l’électricité comme pour l’eau. Nous attendons la libération de la plus grande station électrique près de l’aéroport de Kweires. Personne ne peut l’attaquer, car il y a des risques de contamination, de radiations… On a une autre centrale à Zorba qui devrait être libérée dans les prochains jours.

Est-ce que les Alépins habitant les zones contrôlées par le gouvernement craignaient que le régime ne les laisse tomber ?
Beaucoup de gens étaient frustrés au début et furieux, car ils se sentaient abandonnés. Nous n’étions pas en mesure de nous défendre contre les rebelles. Nous étions face à deux choix : soit détruire nous-mêmes ce qui reste d’Alep et les combattre, ou bien les assiéger sans détruire la ville. Et c’est la seconde option qui est en cours.

Les gens bradent leurs maisons alépines à l’ancienne, juste pour partir. Et les plus visés sont les chrétiens et les Arméniens. Il ne reste que 10 000 Arméniens à Alep, alors qu’ils étaient plus de 200 000 avant la guerre. J’ai rendu visite aux patriarches et aux prêtres de toutes les communautés, et tous tiennent le même discours : ceux qui les attaquent sont des islamistes qui veulent les forcer à quitter le pays. Mais les islamistes oublient que la communauté chrétienne à Alep n’est pas une invitée. Ce sont les habitants originels de la ville. Ils étaient là avant les musulmans. Et on espère qu’un jour, les chrétiens reviendront.

Vous critiquez les rebelles, mais de son côté, le gouvernement syrien achète le pétrole de l’EI…
Déjà, ce pétrole n’est pas à l’EI. Il appartient aux Syriens. Donc, si un groupe contrôle ma production de blé, de coton ou d’huile, c’est mon travail de libérer mon usine ou de racheter la production par tous les moyens possibles. Il m’appartient. Donc, c’est hypocrite de pointer du doigt les efforts du gouvernement syrien qui rachète ce pétrole à l’EI pour le redonner à ses citoyens. Et puis le régime bombarde par ailleurs certains champs pétroliers.

Que pensez-vous des futures élections, décidées à Vienne, qui devront se tenir dans 18 mois ?
Nous décidons qui doit nous gouverner à travers des élections libres. Nous n’avons aucun problème si ces élections sont contrôlées par une organisation internationale tant qu’elle n’est pas corrompue. Si vous souhaitez le départ d’un président, organisez des élections. Mais nous n’acceptons pas les groupes rebelles comme Jaïch al-islam ou autre… Laissons les groupes dit « modérés » participer aux élections. S’ils gagnent, nous seront obligés de l’accepter. C’est la loi du bulletin de vote. Mais personne ne veut réellement d’élections et ils exigent que le président démissionne. Car ils savent que si Bachar el-Assad y participe, il gagnera. Il aura la majorité, peut-être pas 90 %, mais 45 % lui suffirait pour gagner. Et pour l’instant, personne du côté de l’opposition ne peut rallier autant de suffrages.

Comment voyez-vous votre pays dans quelques années ?
La Syrie ne sera jamais plus comme avant. Elle est détruite. Nous avons des réfugiés partout malheureusement. En 2010, nous n’avions aucune dette étrangère. Je pense que dix ans après la fin de la guerre, nous serons à nouveau considérés comme un pays fort. Mais pour guérir nos blessures, cela prendra des générations et des générations, comme c’est encore le cas au Liban.

Source : lorientlejour, 28/11/2015

Source: http://www.les-crises.fr/mon-usine-etait-le-quartier-general-de-letat-islamique-a-alep-par-fares-el-chehabi/


Grèce : l’économie s’est effondrée au troisième trimestre

Thursday 3 December 2015 at 01:00

Source : La tribune, Romaric Godin, 27/11/2015

L’économie grecque s’est contractée de 0,9 % au troisième trimestre. (Crédits : Reuters)

 Le chiffre révisé du PIB hellénique entre juillet et septembre a mis en lumière une contraction de 0,9 %, au lieu des 0,5 % annoncés d’abord. Tous les signaux sont au rouge, notamment le tourisme et la consommation.

Voici deux semaines, la publication « flash » de l’évolution du PIB grec pour le troisième trimestre avait surpris les observateurs. La baisse annoncée, -0,5 % sur un trimestre, semblait particulièrement faible au regard des événements de ce trimestre. Rappelons qu’un contrôle des capitaux a été mis en place le 28 juin avec une restriction des retraits de liquide aux guichets. Les banques ont également été fermées pendant trois semaines et, durant le mois de juillet, les transferts financiers entre la Grèce et le reste du monde ont été quasiment stoppés.

En réalité, la contraction de la richesse grecque était évidemment plus prononcée. L’office des Statistiques helléniques, Elstat, l’a, ce vendredi 27 novembre, revu à la baisse « en prenant en compte des données inconnues lors de la première estimation. » On est, cette fois, sur un chiffre proche des estimations des économistes (- 1 %). Le tableau de la situation économique du pays est, partant, fort inquiétant. D’autant que la croissance du deuxième trimestre a également été révisée à la baisse de 0,4 % à 0,3 %.

Tous les signaux au rouge

Pour retrouver une contraction supérieure à ces 0,9 %, il faut remonter au premier trimestre 2013 (-1,8 %). Le niveau de PIB du troisième trimestre 2015 est inférieur de 1,1 % à celui du troisième trimestre 2014. En euros de 2010, le PIB de ce troisième trimestre est le plus faible enregistré depuis le deuxième trimestre 2014. Reste évidemment que tous les indicateurs de l’économie grecque sont au rouge. La consommation des ménages affichent un recul de 0,8 % sur un trimestre qui semble presque modéré au vue des conditions dans lesquelles les Grecs ont dû vivre en juillet.

L’investissement recule de 9,5 %, l’investissement productif de 7 %. Et si le commerce extérieur a apporté une contribution positive à la croissance, c’est surtout parce que la mise à l’arrêt de l’économie a fait s’effondrer les importations (-16,9 % sur le trimestre). Mais les exportations sont en forte baisse (-7,1 %), particulièrement les exportations de services qui ont reculé de 16,1 %. Ceci est très préoccupant, car elle souligne l’impact de la crise en pleine saison sur le secteur touristique qui pèse pour près de 18 % du PIB grec.

Rares éléments positifs

Reste qu’il existe quelques rares éléments positifs. D’abord, malgré le contrôle des capitaux, la baisse des investissements a ralenti au troisième trimestre de près de moitié. Entre mars et juin, le recul des investissements avait atteint 18,8 % sur un trimestre. Il a été, de juillet à septembre, de 9,5 %. Ceci est également vrai dans le seul domaine des investissements productifs qui ont reculé de 7 % contre 8,9 % au deuxième trimestre. Evidemment, c’est une très faible consolation tant les baisses sont marquées. Autre élément positif : les exportations de biens ont continué à progresser, malgré les conditions, de 1,5 % au troisième trimestre. Mais ce poste reste trop peu significatif pour peser sur la conjoncture.

Quelle responsabilité ?

Reste, enfin, la question de la responsabilité de ce désastre. La version officielle et largement admise à présent par les observateurs est de faire porter cette responsabilité au gouvernement grec coupable d’un « fol entêtement » face aux créanciers. Ce scénario permet d’épargner à bon compte toute culpabilité aux Etats créanciers et à la BCE. La réalité peut cependant être un peu plus nuancée. Le gouvernement grec a cherché à construire pendant des mois un compromis prenant en compte des éléments de son programme électoral. Ce compromis a été systématiquement rejeté. Les créanciers ont joué sur la faiblesse du système bancaire grec pour faire céder les autorités de ce pays. Quel qu’en soit le prix pour l’économie hellénique. C’est aussi cette stratégie qui a conduit au désastre décrit par Elstat. Car, non seulement cet affaiblissement du système bancaire a conduit au contrôle des capitaux, mais la capitulation du gouvernement grec le 13 juillet a laissé présager avec raison une nouvelle vague d’austérité sévère, ce qui n’est pas réellement de nature à favoriser l’investissement.

Stabilité sur trois mois

Et maintenant ? Si l’on cumule les PIB des trois premiers trimestres de l’année, compte tenu d’un deuxième trimestre bien meilleur en 2015 qu’en 2014 (+0,3 % contre -0,3 %), le PIB grec affiche en volume encore une légère croissance de 0,07 %. Il est possible d’espérer que la contraction sera inférieure aux prévisions de la Commission européenne (-1,4 %) et du mémorandum (-2,3 %). Le dernier trimestre sera déterminant de ce point de ce point de vue. Il jouera sur un effet de base plutôt positif, car le dernier trimestre de 2014 avait été faible (-0,5 % sur un trimestre), mais la sévérité des mesures mises en place par le gouvernement en octobre et novembre laisse présager d’un mauvais trimestre.

Programme chargé pour Alexis Tsipras

Alexis Tsipras, le premier ministre hellénique, peut cependant espérer que la recapitalisation des banques qui aura lieu dans les semaines à venir, conduise à une stabilisation de la situation. D’autant que, une fois cette mesure prise, la BCE pourrait accorder à la Grèce une dérogation pour la faire entrer dans son programme de rachat d’actifs publics (« QE »), deux éléments qui pourrait permettre une levée des restrictions de retraits de fonds et de circulation des capitaux. Mais le poids des « réformes » risque d’être considérable, notamment celle des retraites.

Car les créanciers demeurent très exigeants. Ce vendredi 27 septembre, l’Euro working group, le groupe de travail de l’Eurogroupe a publié 13 mesures à prendre avant le 11 décembre pour toucher la dernière tranche de la première partie du prêt du MES, soit un milliard d’euros. On y trouve la volonté de faire passer une nouvelle grille salariale dans le privé et le lancement de nouvelles privatisations pour commencer à alimenter le fameux fonds de privatisations de 50 milliards d’euros. Viendra ensuite, en décembre, la réforme, sûrement très douloureuse, du système de retraite. L’économie grecque sera donc encore mise à rude épreuve dans les prochains mois.

Source : La tribune, Romaric Godin, 27/11/2015

Source: http://www.les-crises.fr/grece-leconomie-sest-effondree-au-troisieme-trimestre/


Gilles Kepel: « Le 13 novembre? Le résultat d’une faillite des élites politiques françaises »

Thursday 3 December 2015 at 00:01

Source : Le Temps, 26-11-2015

Politologue et sociologue, Gilles Kepel est internationalement reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes du discours djihadiste et de l’islam en France. Il revient sur la dernière vague de terreur qui ébranle la France, bien trop prévisible pour l’intellectuel quelque peu désabusé de prêcher depuis des années dans le désert. Entretien

Au lendemain des attentats du 13 novembre, un message de revendication était diffusé sur le Net par la voix d’un converti français. «Rhétorique pseudo-islamique à la sauce des banlieues populaires françaises», réagit aussitôt Gilles Kepel.

Politologue et sociologue, Gilles Kepel est internationalement reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes du discours djihadiste et de l’islam en France. Voici plus de trente ans qu’il étudie en parallèle l’émergence de l’islamisme radical dans le monde arabe et l’évolution des musulmans dans son pays. Son dernier livre «Terreur dans l’Hexagone» devait paraître en janvier. Gallimard, son éditeur, a anticipé la sortie au 15 décembre, avec un avant-propos sur la dernière vague de terreur qui ébranle la France. Un acte bien trop prévisible pour l’intellectuel quelque peu désabusé de prêcher depuis des années dans le désert. Nous l’avons rencontré dans son bureau parisien de Sciences Po.

Le Temps: Le 13 novembre est la conclusion tout à fait logique de votre livre, dites-vous ?

Gilles Kepel: Il y a un mois, avant même sa sortie, on m’accusait de faire un titre sensationnaliste pour me faire remarquer. Aujourd’hui, il est un peu en-deça du tambour de la presse qui titre partout «guerre, guerre, guerre». Là, je suis un peu plus dubitatif. Toute ma vie universitaire, j’ai essayé de marcher sur deux jambes, l’une étant ma formation d’orientaliste arabisant éduqué au Moyen-orient, et l’autre qui était la filière française et européenne, avec l’étude des banlieues de l’islam – c’est malheureusement la jonction entre les deux qui s’est produite avec les attentats djihadistes de 2015 en France. Cela ne m’aurait pas gêné que le monde soit différent de ce que je craignais qu’il devint.

– Vous semblez désabusé.

– J’en veux à la fois à l’université française qui a détruit complètement les études arabes au moment même où Mohamed Bouazizi s’immolait par le feu déclenchant la révolte arabe, et à nos dirigeants.

– C’est-à-dire?

– Je fais une critique au vitriol de la façon dont nos élites politiques conçoivent la nation. La France – peut-être pour un Suisse cela apparaît-il de façon claire – est gangrenée par une haute fonction publique omnisciente et inculte qui méprise l’université, notamment les études qui sont dans mon domaine. Donc on a abouti à ce à quoi on a abouti… Le monde du renseignement s’est endormi sur ses lauriers après s’être débarrassé de Kelkal (Ndlr, terroriste d’origine algérienne qui a commis plusieurs attentats en France avant d’être abattu par la police fin 1995), jusqu’à Merah, et finalement il n’a pas compris le passage au djihadisme de 3e génération. Il y a aussi une incapacité à comprendre ce qui se noue dans la sédentarisation de l’islam de France, ses acteurs, le jeu des élus avec le salafisme pour avoir la paix sociale. C’est l’incapacité globale de notre élite politique.

«Une critique au vitriol de la façon dont nos élites politiques conçoivent la nation» (AFP) JOEL SAGET

– On a presque l’impression d’entendre Michel Houellebecq qui, dans une tribune publiée dans le New York Times, traite le premier ministre de «demeuré congénital» et vomit les élites.

– Je n’utiliserais peut-être pas les mêmes termes. Le chapitre six de mon livre commence par Houellebecq puisque la journée du 7 janvier a commencé avec son interview à la matinale de France Inter. Encensé par la presse pour son livre précédent qui avait obtenu le prix Goncourt, Houellebecq est alors brûlé par la même presse sur le thème «C’est un islamophobe». Ce matin-là, Caroline Fourest interpelle Houellebecq. Il dit : «Oui, euh, oh, oui, oui… (il imite la voix de Houellebecq), je crois pas avoir lu de ses livres. Je me suis documenté pourtant, je me suis arrêté à Gilles Kepel. » A ce moment-là le téléphone se met à chauffer, des collègues m’objurguent de me désavouer d’avec Michel Houellebecq, islamophobe. Je n’en fais bien sûr rien. Je viens ensuite dans mon bureau et c’est là que j’apprends l’attaque contre Charlie Hebdo. Et je dis à mes collègues: maintenant ils vont tuer des «apostats» et des juifs. J’avais lu et traduit en français Abou Moussab al-Souri, le théoricien de ce nouveau djihad qui avait rompu avec Ben Laden. Il avait expliqué que c’en était fini avec l’Amérique, la stratégie d’Al Qaida avait été un échec, c’était de l’hubris. Il fallait désormais attaquer le ventre mou de l’Occident, l’Europe, pour y déclencher une guerre civile en utilisant la population mal intégrée et les camps d’entraînement au Levant. Tout cela, je l’ai écrit dans «Terreur et Martyre» paru en 2008 mais personne ne s’y intéressait à l’époque – et c’est effectivement ce qui s’est passé. Aujourd’hui certains disent qu’al-Souri est mort. On n’en sait rien, mais cela n’a plus d’importance car ses textes continuent de circuler, dans le monde du tweet il n’y a plus d’auteur.

– Vous avez lu «Soumission»?

– En fait, l’éditrice de Houellebecq m’avait demandé de regarder les épreuves avant la publication de «Soumission» pour voir dans quelle mesure il courait un risque. J’avais dit que de mon point de vue, il n’y avait rien qui porte atteinte aux valeurs sacrales de l’islam, il n’insulte pas le prophète. Il ironise sur ce Mohamed Ben Abbes, fils méritant d’épicier tunisien, énarque et polytechnicien qui devient président de la République. C’est une fiction, assez drôle (il ne faut bien sûr pas la suivre comme étant la réalité, la réalité est différente), mais qui attrape assez bien un certain nombre de clivages de la société française. Il force le trait mais c’est un livre très intéressant. Notez que les quatre auteurs de langue française les plus fameux ou primés de l’année sont Houellebecq, Hédi Kaddour, Boualem Sansal et Mathias Enard, qui tous traitent de ces sujets. Cette année 2015 aura commencé par Charlie et l’Hyper Cacher et s’achève avec d’une part avec la pègre djihadiste – parce que c’est une pègre, on n’est plus du tout à l’époque de Ben Laden et Zawahiri. Tous les éléments de l’enquête sont hallucinants: la dérive d’Abdel Hamid Abaaoud, qui erre après l’attentat au Bataclan, prend le métro à Montreuil,  et qui finit grâce à sa cousine dans ce squat sordide de Saint-Denis où il est abattu – et la victoire attendue de Marine Le Pen aux élections régionales d’autre part. Cela veut dire qu’il y a un séisme dans la société française et que nos élites sont défaillantes.

– C’est-à-dire?

– C’est-à-dire que les clivages dans la société font un peu penser au 18e siècle avant la révolution française.

– Cela signifie-t-il la stratégie d’Al-Souri de guerre civile s’impose ?

– On n’en est pas là. Quand François Hollande dit «C’est la guerre», «Nous sommes face à une armée djihadiste», on a l’impression qu’il se regarde au miroir que lui tend Daech. Moi je ne crois pas à cela. Une guerre se mène contre un Etat. L’État islamique est-il vraiment un Etat ? Non. Si guerre il y a, elle est au Levant. C’est le fait d’une coalition internationale qui a décidé de se débarrasser de Daech. Mais, prise dans ses contradictions, elle ne marche pas.

– Pourquoi?

– Les Turcs, au fond, trouvaient que Daech c’était pas mal puisque que cela permettait de tenir les Kurdes en laisse. Et puis ils leur achetaient du pétrole à très bas prix. Les Saoudiens et les gens du Golfe trouvaient eux que Daech permettait d’avoir une force efficiente pour détruire le système assadien, allié de l’Iran et donc d’affaiblir le croissant chiite. Les Russes au fond trouvaient eux aussi que Daech c’était plutôt bien puisqu’ils bombardaient les «djihadistes modérés» comme disent un certain nombre d’ânes de la politique étrangère française. Entre Assad et Daech, il y a un équilibre dans l’horreur, mais il faut bien voir que ce n’est pas Assad qui fait les attentats en France. Et pour cela, la ligne de la politique française, qui faisait de la «neutralisation» d’Assad un préalable, a changé. C’est le sens de la recherche par François Hollande d’une coalition qui a la neutralisation de Daech comme priorité, désormais…

– D’autres attentats les ont précédés, à Beyrouth, l’avion russe…

– Pour les Russes, Daech est désormais un vrai problème. Même s’il n’a pas d’opinion publique à proprement parler, Poutine est obligé de montrer qu’il fait quelque chose contre ceux qui ont détruit l’avion russe au Sinaï, des enfants sont morts comme ici dans le 10e et le 11e arrondissement. Mais aujourd’hui, il y a eu un deuxième avion russe abattu, par la DCA turque, et cela montre les limites de la coalition! De son côté, Erdogan a remporté à nouveau les élections, mais il a besoin de se refaire une virginité en Occident car son image s’est beaucoup dégradée. Il met donc des moyens contre Daech – on verra jusqu’où… Quant aux Saoudiens, ils sont très ennuyés par cette histoire car Daech apparaît maintenant comme une source de légitimité islamique face aux régimes corrompus et occidentalisés de la péninsule. L’auteur algérien Kamel Daoud a écrit que «l’Arabie saoudite c’est Daech qui a réussi». Il y a de ça. Le régime saoudien voit avec beaucoup d’inquiétude la possibilité que Daech s’empare de Damas. Selon les prévisions apocalyptiques salafistes – des propos du prophète remis à la mode du jour – c’est de Damas, Sham en arabe, que viendra l’apocalypse, moment à partir duquel l’islam se répandra à la surface de la terre. Tout cela, on y croit en Arabie saoudite, c’est ce que diffusent les oulémas saoudiens. Si Damas tombe aux mains de Daech, Médine et La Mecque ne pourront plus grand-chose pour protéger le régime. Il y a une vraie inquiétude.

– Daech est devenu un concurrent.

– Le concurrent d’un régime qui a par ailleurs changé. Il s’est considérablement rajeuni. Longtemps, lorsque des Saoudiens venaient me voir, je passais pour un bambin, ils avaient 80 ans. Aujourd’hui je me sens un vieillard. Dans l’entourage des princes héritiers, ce sont des gens qui ont 35 ans qui sont aux commandes. C’est extrêmement rapide, comme ailleurs dans le Golfe. Il y a donc beaucoup de gens qui ont aujourd’hui intérêt à battre Daech. Mais sur le sol européen, on ne peut pas parler de guerre. C’est une opération de police qui implique d’avoir un renseignement efficace et le renseignement préventif ne l’est pas, Schengen n’aide en rien. Ils sont parfaitement capables de se faufiler dans tous les interstices possible. La différence, c’est qu’en janvier vous aviez des gens ciblés : des «islamophobes», des «apostats», des juifs. Là ils ont tué tout le monde de manière indiscriminée en visant la jeunesse bobo-branchée du Xe et du XIe arrondissement, ainsi que les jeunes issus de l’immigration qui habitent aussi ces quartiers.

– Avec quel but ?

– Un: terroriser l’adversaire. Deux: viser des soutiens auprès de sympathisants. Le 11 janvier, il y a eu une immense manifestation «Je suis Charlie». En même temps, un certain nombre de jeunes «issus de l’immigration» disaient «Chah», ce qui veut dire «Bien fait!» en arabe maghrébin dialectal, ou «Je ne suis pas Charlie». Vous aviez aussi des milliers de «like» pour Merah sur les pages Facebook. En janvier, ils ont mobilisé des soutiens. Là, en novembre, très peu. Il y a très peu d’affirmation d’identification à Daech.

– C’est une rupture, ils sont allés trop loin ?

– Oui. Il est possible que ce soit de ce point de vue-là un vrai souci dans leur stratégie.

– Si l’on revient à la guerre de Hollande contre Daech, cela représente un tournant pour un pays qui se montrait le plus intransigeant face à Bachar al-Assad

– Il a perdu de sa crédibilité pour monter une coalition. Au départ, il y avait ici une ligne selon laquelle la Syrie était notre guerre d’Espagne. Le dire semble romantique, mais c’est une idiotie. Car cela veut dire que toute personne qui va se battre en Syrie le fait avec la bénédiction de l’État. Et c’est ce qui s’est passé avec les djihadistes. C’était un manque de vision, un manque de connaissance. On était tous focalisé contre Assad, pour lequel je n’ai pas de sympathie, mais le résultat est qu’on n’a pas vu venir Daech. Aujourd’hui, cette ligne a été mise sous le boisseau puisqu’on cherche à s’allier avec les Russes pour se débarrasser de Daech. Notez que les Russes non plus ne sont pas des fans d’Assad. Ils ont préservé Assad parce que c’était la façon de garder leur position sur place.

– Et pourtant Daech est en partie une créature d’Assad.

– Bien sûr. Longtemps, ils ne se sont pas battus entre eux. Daech se battait contre les autres rebelles, le régime était très content. C’est un peu la même tactique que les Russes avaient préconisée en Algérie pour combattre la rébellion dans les années 1990, c’est-à-dire susciter des ultra radicaux qui se battent entre eux. Finalement l’explosion de la violence dégoûte les sympathisants. C’est ce qui s’est passé en Algérie en 1997, puis en Egypte aussi. Est-ce qu’on en est arrivé à ce point avec Daech en France, c’est trop tôt pour le dire. De leur point de vue, sur le plan quantitatif, ils ont tué beaucoup plus de monde qu’en janvier.

«Tous ces types sont devenus extrêmement dangereux durant la décennie 2005-2015, quand ils sont passés en prison, sous le contrôle de l’administration pénitentiaire». (AFP)

– Comment définissez-vous le djihad à la française?

– Il y a toute une histoire française qui est passé par la communauté d’Artigat, dans l’Ariège, où l’on retrouve Thomas Barnouin, qui est le grand idéologue du djihad francopohone, la fratrie Merah, des convertis comme les frères Bons. Quand vous appelez les djihadistes français au téléphone, me disent ceux qui sont à leur contact, vous avez parfois un fort accent du sud-ouest, au bout du fil… pas seulement un accent reubeu…

– Dans ce djihadisme made in France, quelle est la part d’explication relevant de facteurs économiques et sociaux, des problèmes d’intégration de l’immigration, des dérives sectaires ou religieuses, de la criminalité ?

– C’est un mélange. La criminalité se retrouve dans les cas les plus lourds: Merah, Kouachi, Coulibaly, Abdeslam, Abaaoud. C’est l’itinéraire de braqueurs. Et c’est l’incubateur carcéral qui a joué un rôle clé pour transformer ces braqueurs en djihadistes. Le passage par la prison est fondamental. Là encore, vous avez une défaillance des élites politiques françaises: tous ces types sont devenus extrêmement dangereux durant la décennie 2005-2015, quand ils sont passés en prison, sous le contrôle de l’administration pénitentiaire.

– Quelle doit être la riposte?

– Emmanuel Macron posait cette question dimanche dernier: comment s’est constitué le terreau et pourquoi la machine à intégrer ne marche plus. J’ai travaillé en Seine St-Denis pendant une année, cinq ans après les émeutes de 2005, pour comprendre comment la rénovation urbaine s’était mise en place, mais le travail est toujours absent. Il faut qu’il y ait des stratégies éducatives qui permettent à des jeunes d’occuper des emplois auxquels ils sont aujourd’hui inadaptés en sortant de l’école. L’école est décrédibilisée parce qu’elle n’apporte pas d’emploi, du coup les valeurs qu’elle enseigne – c’est-à-dire la laïcité – sont nulles et non avenues dans l’esprit de nombreux jeunes de milieux défavorisés. On est dans un cercle vicieux. Le terrorisme n’est pas quelque chose de génétique: c’est l’aboutissement d’un processus dans lequel les utopies d’extrême-gauche et d’extrême-droite sont tombées en déshérence, en putréfaction. Le djihadisme rattrape aussi tout cela.

– Qu’en est-il des autres causes?

– Il y a l’explication psychiatrique. Le père a généralement disparu et la mère se retrouve seule face à des fratries avec une substitution du père par les pairs et la projection dans le départ en Syrie pour redresser les torts privés et publics.

– Et il y a le salafisme.

– Il y a un débat à ce propos. Des gens vous disent que c’est formidable, parce que cela maintient la paix sociale. On voit émerger des communautés, parfois d’anciens gauchistes, comme celle d’Artigat en Ariège, passée du chichon à la charia. Le problème est de savoir quand le salafisme dit «quiétiste» bascule dans le salafisme djihadiste. Les quiétistes disent qu’ils n’ont rien à voir avec les autres. Je pense que ce n’est pas si simple. Artigat en est un très bon exemple. Au départ cela se veut quiétiste, on fait de la poterie. Finalement, toute la mouvance djihadiste du sud-ouest passe par là, de Merah au frères Clain qui ont lu et psalmodié le communiqué de Daesh après le 13 novembre. Le problème du salafisme est la rupture en valeurs avec les normes de la société ambiante. Et à partir du moment où vous êtes en rupture en valeurs, le substrat du passage à l’acte est là, même s’il n’a pas toujours lieu.

– Et ce passage du salafisme quiétiste au djihadiste est dû…

– … essentiellement à des raisons affinitaires. Quand vous êtes dans ces milieux désocialisés, que vous avez un gourou qui est éloquent, vous basculez.

– Le salafisme nous ramène à l’Arabie saoudite puisqu’il en est la source. Peut-on lutter contre le salafisme tout en vendant des armes à l’Arabie saoudite ? N’est-on pas là au coeur de la contradiction française?

– C’est très complexe effectivement. Le budget de la France doit beaucoup à la vente d’armes financées par les Saoudiens, que ce soit pour l’armée égyptienne, l’armée libanaise ou pour eux-mêmes. Quelles sont les contre-parties à ces budgets, ça je ne le sais pas.

– Comment définissez-vous le djihad à la française?

– Il y a toute une histoire française qui est passé par la communauté d’Artigat, dans l’Ariège, où l’on retrouve Thomas Barnouin, qui est le grand idéologue du djihad francopohone, la fratrie Merah, des convertis comme les frères Bons. Quand vous appelez les djihadistes français au téléphone, me disent ceux qui sont à leur contact, vous avez parfois un fort accent du sud-ouest, au bout du fil… pas seulement un accent reubeu…

– Dans ce djihadisme made in France, quelle est la part d’explication relevant de facteurs économiques et sociaux, des problèmes d’intégration de l’immigration, des dérives sectaires ou religieuses, de la criminalité ?

– C’est un mélange. La criminalité se retrouve dans les cas les plus lourds: Merah, Kouachi, Coulibaly, Abdeslam, Abaaoud. C’est l’itinéraire de braqueurs. Et c’est l’incubateur carcéral qui a joué un rôle clé pour transformer ces braqueurs en djihadistes. Le passage par la prison est fondamental. Là encore, vous avez une défaillance des élites politiques françaises: tous ces types sont devenus extrêmement dangereux durant la décennie 2005-2015, quand ils sont passés en prison, sous le contrôle de l’administration pénitentiaire.

– Quelle doit être la riposte?

– Emmanuel Macron posait cette question dimanche dernier: comment s’est constitué le terreau et pourquoi la machine à intégrer ne marche plus. J’ai travaillé en Seine St-Denis pendant une année, cinq ans après les émeutes de 2005, pour comprendre comment la rénovation urbaine s’était mise en place, mais le travail est toujours absent. Il faut qu’il y ait des stratégies éducatives qui permettent à des jeunes d’occuper des emplois auxquels ils sont aujourd’hui inadaptés en sortant de l’école. L’école est décrédibilisée parce qu’elle n’apporte pas d’emploi, du coup les valeurs qu’elle enseigne – c’est-à-dire la laïcité – sont nulles et non avenues dans l’esprit de nombreux jeunes de milieux défavorisés. On est dans un cercle vicieux. Le terrorisme n’est pas quelque chose de génétique: c’est l’aboutissement d’un processus dans lequel les utopies d’extrême-gauche et d’extrême-droite sont tombées en déshérence, en putréfaction. Le djihadisme rattrape aussi tout cela.

– Qu’en est-il des autres causes?

– Il y a l’explication psychiatrique. Le père a généralement disparu et la mère se retrouve seule face à des fratries avec une substitution du père par les pairs et la projection dans le départ en Syrie pour redresser les torts privés et publics.

– Et il y a le salafisme.

– Il y a un débat à ce propos. Des gens vous disent que c’est formidable, parce que cela maintient la paix sociale. On voit émerger des communautés, parfois d’anciens gauchistes, comme celle d’Artigat en Ariège, passée du chichon à la charia. Le problème est de savoir quand le salafisme dit «quiétiste» bascule dans le salafisme djihadiste. Les quiétistes disent qu’ils n’ont rien à voir avec les autres. Je pense que ce n’est pas si simple. Artigat en est un très bon exemple. Au départ cela se veut quiétiste, on fait de la poterie. Finalement, toute la mouvance djihadiste du sud-ouest passe par là, de Merah au frères Clain qui ont lu et psalmodié le communiqué de Daesh après le 13 novembre. Le problème du salafisme est la rupture en valeurs avec les normes de la société ambiante. Et à partir du moment où vous êtes en rupture en valeurs, le substrat du passage à l’acte est là, même s’il n’a pas toujours lieu.

– Et ce passage du salafisme quiétiste au djihadiste est dû…

– … essentiellement à des raisons affinitaires. Quand vous êtes dans ces milieux désocialisés, que vous avez un gourou qui est éloquent, vous basculez.

– Le salafisme nous ramène à l’Arabie saoudite puisqu’il en est la source. Peut-on lutter contre le salafisme tout en vendant des armes à l’Arabie saoudite ? N’est-on pas là au coeur de la contradiction française?

– C’est très complexe effectivement. Le budget de la France doit beaucoup à la vente d’armes financées par les Saoudiens, que ce soit pour l’armée égyptienne, l’armée libanaise ou pour eux-mêmes. Quelles sont les contre-parties à ces budgets, ça je ne le sais pas.

– Les Saoudiens ne financent-ils pas les prédicateurs salafistes qui créent le terreau de la terreur?

– C’est difficile à dire quand vous n’avez pas vous-même accès aux organismes qui traquent l’argent. Mais l’influence de ces prédicateurs sur les réseaux sociaux est immense.

Source : Le Temps, 26-11-2015

Source: http://www.les-crises.fr/gilles-kepel-le-13-novembre-le-resultat-dune-faillite-des-elites-politiques-francaises/


Quand les récits américains s’emmêlent les pinceaux, par Robert Parry

Wednesday 2 December 2015 at 04:02

Source : Consortiumnews.com, le 19/11/2015

Exclusif : De nombreux récits fantaisistes élaborés par Washington à propos de la Russie et de la Syrie sont devenus si embrouillés qu’ils sont devenus dangereux pour la lutte contre le terrorisme sunnite et peuvent présenter une menace pour l’avenir de la planète, un péril examiné par Robert Parry.

Par Robert Parry

On pourrait se représenter Washington en visualisant une bulle géante, qui servirait de serre pour faire pousser une « pensée de groupe » génétiquement modifiée. La plupart des habitants de cette bulle vénèrent cette création, pour eux glorieuse et sans reproche ; mais certains dissidents remarquent l’étrangeté et la dangerosité de ces produits. Ces critiques sont toutefois exclus de la bulle, laissant derrière eux un consensus encore plus fort.

Ce processus pourrait presque paraître comique, comme le sont les guerriers sur canapé qui répètent ce-que-tout-le-monde-sait-bien pour démontrer qu’il faut toujours plus de guerres et de conflits. Mais les États-Unis sont le pays le plus puissant au monde, et cette « pensée de groupe » fallacieuse répand le chaos et la mort tout autour du globe.

Le président Barack Obama s’entretient avec ses conseillers à la sécurité nationale dans la salle de crise de la Maison Blanche, le 7 août 2014. (Official White House Photo by Pete Souza)

Il se trouve même des candidats aux élections présidentielles, principalement chez les Républicains mais parmi lesquels on compte également l’ancienne secrétaire d’état Hillary Clinton, qui se livrent à une surenchère belliciste, considérant que l’invasion de la Syrie est vraiment le moindre que l’on puisse entreprendre, certains se voyant même descendre quelques avions de combat russes.

Même si le président Barack Obama accueille les propositions les plus extrêmes de mauvaise grâce, il reste en phase avec la « pensée de groupe » en réclamant toujours le « changement de régime » en Syrie (le président Bachar el-Assad « doit partir »), en autorisant l’envoi d’armes sophistiquées aux djihadistes sunnites (dont la livraison de missiles anti-char TOW à Ahrar al-Sham, groupe djihadiste fondé par des vétérans d’Al-Qaïda et combattant aux côtés du front al-Nosra d’Al-Qaïda) et en permettant à son équipe d’insulter le président russe Vladimir Poutine (ainsi le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, dénigrant l’attitude de Vladimir Poutine qui était assis les jambes écartées lors d’un entretien au Kremlin avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou).

Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’entretenant avec le président Vladimir Poutine à Moscou, le 21 septembre 2015)

Il n’est pas surprenant, j’imagine, que la désapprobation pincée d’Earnest de ce que l’on qualifie ordinairement de « virilité affichée » ne fut pas appliquée à Netanyahou qui avait adopté la même posture lors de sa rencontre avec Poutine le 21 septembre et également lors d’une rencontre la semaine dernière avec Obama, lequel – il faut le noter – s’était assis les jambes convenablement croisées.

Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’entretenant avec le président Barack Obama à la Maison Blanche, le 9 novembre 2015. (Photo credit: Raphael Ahren/Times of Israel)

Ce mélange de parler cru, d’insultes grossières et de soutien inconsidéré aux djihadistes affiliés à Al-Qaïda (« nos gars »), est devenu semble-t-il de rigueur à Washington, où domine toujours en politique étrangère l’idéologie des néoconservateurs, qui avaient établi dès 1996 l’objectif du « changement de régime » en Irak, en Syrie et en Iran et qui n’ont pas dévié depuis. [Voir sur Consortiumnews.com : « Comment les néoconservateurs ont déstabilisé l'Europe »]

Mise en forme des récits

Malgré la catastrophique guerre d’Irak – laquelle s’appuyait sur le mensonge à propos des armes de destruction massive présenté par les néoconservateurs, avec la complicité d’une « pensée de groupe » atone – les néoconservateurs ont conservé leur influence, principalement grâce à l’alliance avec les « interventionnistes de gauche » et grâce à leur domination conjointe sur les plus grands cercles de réflexion de Washington, de l’American Enterprise Institute à la Brookings Institution et sur les médias dominants américains, le Washington Post et le New York Times inclus.

Grâce à cette assise, les néoconservateurs ont pu continuer à façonner les récits à Washington, sans considération pour la réalité des faits. Ainsi, un éditorial du Post de ce mardi a déclaré de nouveau que les « atrocités » commises par Assad incluaient l’utilisation d’armes chimiques, en référence à l’affirmation à présent largement discréditée selon laquelle les forces d’Assad étaient responsables d’une attaque au gaz sarin dans la banlieue de Damas le 21 août 2013.

Après cette attaque, le département d’état américain s’était empressé d’accuser les troupes d’Assad, conduisant le secrétaire d’état John Kerry à menacer l’armée syrienne de frappes en représailles. Mais le renseignement américain avait refusé d’avaliser ces conclusions hâtives, ce qui contribua à la volte-face de dernière minute du président Obama, qui suspendit la campagne de bombardement, et accepta l’assistance de Poutine pour négocier l’abandon par Assad de ses armes chimiques (quoiqu’Assad ait toujours nié toute implication dans cette attaque au gaz sarin).

En conséquence de quoi le casus belli bricolé pour bombarder la Syrie s’est délité. Lorsque davantage d’éléments se sont fait jour, il est devenu de plus en plus évident que cette attaque au gaz sarin était une provocation des djihadistes sunnites, peut-être aidés par le renseignement turc, pour induire les États-Unis en erreur et les pousser à détruire l’appareil militaire d’Assad, et paver ainsi la voie d’une victoire sunnite.

Nous savons à présent que le front al-Nosra d’Al-Qaïda, ainsi que l’excroissance connue sous le nom d’État Islamique (aussi connu sous le nom d’ISIS, ISIL, ou encore Daech), auraient été les principaux bénéficiaires d’une telle attaque de la part des États-Unis. Mais le gouvernement Obama n’est jamais revenu officiellement sur ces allégations infondées à propos du gaz sarin, laissant ainsi des organes de presse irresponsables tels que le Washington Post persister dans cette « pensée de groupe » pourtant dépassée.

Le même éditorial du Post a accusé Assad d’utiliser des « barils d’explosifs » contre les rebelles sunnites qui cherchent à renverser son gouvernement laïc, perçu comme le protecteur des minorités en Syrie – dont les chrétiens, les alaouites et les chiites – qui risqueraient un génocide si les extrémistes sunnites venaient à l’emporter.

Bien que la thématique des « barils d’explosifs » soit devenue le refrain préféré des néoconservateurs comme des organisations de gauche des « Droits de l’Homme », il reste encore à établir en quoi des engins explosifs largués par hélicoptère seraient plus inhumains que le volume massifs d’obus labellisés « choc et effroi », dont des bombes de 250 kg, utilisées par l’armée américaine dans tout le Moyen-Orient, et qui ne tuent pas seulement les combattant visés mais également des civils innocents.

Il n’en reste pas moins que le tout-Washington accepte ce refrain des « barils d’explosifs » comme un argument pertinent justifiant le déclenchement de bombardements aériens massifs contre les cibles gouvernementales syriennes, quand bien même de telles attaques ouvriraient le chemin aux alliés et aux différentes ramifications d’Al-Qaïda pour le contrôle de Damas, et déclencheraient une crise humanitaire pire encore. [Voir sur consortiumnews.com : "La thématique ridicule d'Obama des « barils d'explosifs »"]

Les nœuds des récits mensongers

Il est devenu impossible à Washington de se dépêtrer de tous les récits mensongers tissés par les néoconservateurs et les faucons de gauche en renfort de leurs différentes stratégies de « changement de régime ». De plus, il ne reste à l’intérieur de la bulle que peu de gens susceptibles de reconnaître le caractère mensonger de ces récits.

Ainsi donc, il ne reste au peuple américain que les médias d’information mainstream, répétant sans cesse des scénarios qui sont soit complètement faux, soit grandement exagérés. Nous entendons par exemple répéter sans cesse que les Russes sont intervenus dans le conflit syrien en promettant de ne s’attaquer qu’à l’ÉI, mais n’ont pas tenu leur parole en attaquant le front al-Nosra d’Al-Qaïda et « nos gars » des forces djihadistes sunnites armés par l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie et la CIA.

Et bien que l’on entende ce conte partout à Washington, personne pour véritablement citer Poutine, ou bien quelqu’un de haut placé en Russie ayant promis de n’attaquer que l’ÉI. Dans toutes les citations que j’ai lues, les Russes parlent d’attaquer les « terroristes », ce qui inclut l’ÉI, mais ne se limite pas à eux.

A moins que le tout-Washington ne considère plus Al-Qaïda comme une organisation terroriste – un ballon d’essai que certains néoconservateurs ont pu lancer – alors le récit sur un mensonge de la part de Poutine n’a aucun sens, même si les importants-savent-que-c’est-vrai, dont le secrétaire à la Défense d’Obama d’obédience néoconservatrice, Ashton Carter.

Les gros bonnets des médias et de la politique aux États-Unis raillent également la proposition russo-iranienne de stabiliser la Syrie en premier lieu, et de laisser ensuite le peuple syrien décider par lui-même de la façon dont il sera gouverné, par le biais d’élections avec la présence d’observateurs internationaux.

Bon, vous allez me dire, quel est le problème de laisser les Syriens voter et choisir eux-mêmes leurs dirigeants ? Mais enfin, cela montre que vous êtes tout simplement un apologiste des Russes et des Iraniens, et que vous n’avez pas votre place dans la bulle. Non, la bonne réponse, c’est « Assad doit partir ! » quoique le peuple syrien puisse en penser par ailleurs.

Ou bien, comme les sarcastiques éditorialistes du Washington Post ont pu l’écrire mardi, « M. Poutine a dépêché comme convenu son ministre des affaires étrangères, le week-end dernier, [pour assister] aux pourparlers de Vienne concernant un règlement politique [de la crise] syrienne. Mais Moscou et Téhéran continuent à avancer des propositions pour laisser au pouvoir M. Assad pour encore 18 mois ou plus, pendant qu’en théorie une nouvelle constitution serait rédigée et des élections organisées. On a même rejeté une proposition des États-Unis d’exclure M. Assad d’éventuelles élections, selon des diplomates iraniens. »

En d’autres termes, le gouvernement américain ne veut pas laisser au peuple syrien la possibilité de décider si Assad doit être ou non chassé du pouvoir, une posture étrange et contradictoire, puisque le président Obama ne cesse d’insister sur le fait que le peuple syrien dans sa grande majorité détesterait Assad. Si c’est effectivement le cas, que ne laisse-t-on des élections libres-et-impartiales le prouver ? Ou bien Obama est-il à ce point captivé par l’insistance des néoconservateurs sur le « changement de régime » dans les pays figurant sur la « liste noire » d’Israël qu’il ne veut pas laisser aux Syriens la moindre chance d’y faire obstacle ?

La réalité ligotée

Mais la vérité et la réalité dans le tout-Washington se retrouve désormais comme Gulliver ligoté par les Lilliputiens. Il y a un tel enchevêtrement de mensonges et de déformations qu’il est devenu impossible pour le bon sens de se frayer un chemin.

Un autre élément majeur dans la crise washingtonienne des faux récits concerne la diabolisation de la Russie et de Poutine, un processus qui remonte de fait à 2013, lorsque Poutine a aidé Obama à contrecarrer le rêve des néoconservateurs de bombarder la Syrie, et a aggravé l’insulte en l’aidant également à contraindre l’Iran à encadrer son programme nucléaire, ce qui a enrayé un autre rêve néoconservateur de bombarder l’Iran à qui mieux-mieux.

Il est devenu tout à fait clair aux yeux des néoconservateurs que cette collaboration entre les deux présidents pourrait même amener à ce que les deux pays fassent pression de concert sur Israël pour conclure un accord de paix avec les Palestiniens, une éventualité qui frapperait quasiment au cœur la pensée néoconservatrice, laquelle a pendant les deux dernières décennies favorisé les tentatives de « changement de régime » dans les pays voisins pour isoler et réduire à rien le Hezbollah libanais et les militants palestiniens, laissant à Israël toute latitude pour faire ce que bon lui semblait.

En conséquence, cette relation Obama-Poutine devait être dynamitée, et le point d’impact a été l’Ukraine, aux frontières de la Russie. Les faux récits du tout-Washington à propos de la crise ukrainienne constituent maintenant le cœur de l’effort des néoconservateurs et des faucons de gauche pour empêcher toute coordination sérieuse entre Obama et Poutine pour contrer l’ÉI ainsi qu’Al-Qaïda en Syrie et en Irak.

Au sein de la bulle du tout-Washington, il est d’usage de parler de la crise ukrainienne comme d’un cas ordinaire d’« agression » russe contre l’Ukraine, dont une « invasion » de la Crimée.

Si vous vous appuyiez sur ce que le New York Times, le Washington Post ou les principales chaînes qui répètent ce que les grands journaux disent, vous ne pourriez pas savoir qu’il y a eu un coup d’état en février 2014 qui a renversé le gouvernement élu de Victor Ianoukovitch, alors même qu’il avait accepté un compromis de l’Union Européenne aux termes duquel il abandonnait une bonne partie de ses pouvoirs et la tenue d’élections anticipées.

Au lieu de laisser cet accord suivre son chemin, des ultranationalistes [d'extrême]-droite, dont des néo-nazis infiltrés parmi les protestataires de Maïdan, ont pris le contrôle des immeubles gouvernementaux à Kiev, le 22 février 2014, poussant Ianoukovitch et d’autres chefs politiques à fuir pour sauver leur vie.

Dans les coulisses, des diplomates américains, comme la néoconservatrice Victoria Nuland, secrétaire d’état adjointe aux affaires européennes, ont participé à l’élaboration de ce coup d’état, et ont fêté la victoire des leaders choisis par Nuland, dont le premier ministre choisi après le coup d’état, Arseni Iatseniouk, dont elle parlait dans des communications téléphoniques antérieures de la façon suivante : « C’est Iats qu’il nous faut ».

Victoria Nuland

La secrétaire d’état adjointe aux affaires européennes, Victoria Nuland, qui a travaillé en faveur du coup d’état en Ukraine et a participé au choix des leaders post-putsch.

Vous ne sauriez pas davantage que le peuple de Crimée avait massivement voté pour le président Ianoukovitch, et, après le coup d’état, avait [tout aussi] massivement voté pour sortir de l’état ukrainien en déliquescence et rejoindre la Russie.

Les grands médias américains ont distordu la réalité en parlant d’une « invasion » de la Russie, quand bien même il se serait agi de plus étrange des « invasions » de tous les temps ; pas de photo de troupes russes débarquant sur les plages, ni de parachutistes fondant du ciel. Ce que le Post comme le Times ont consciencieusement ignoré, c’est que les troupes russes étaient déjà présentes en Crimée, en raison d’un accord de stationnement de la flotte russe à Sébastopol. Ils n’ont eu nul besion d’« envahir ».

Et le référendum en Crimée donnant un taux d’approbation de 96% pour la réunification avec la Russie, bien que hâtivement mis en place, n’a pas été le « simulacre » décrié par les médias mainstream. En effet, le résultat a été confirmé par divers sondages, effectués ultérieurement par des agences occidentales.

Le président russe Vladimir Poutine s’adresse à la foule le 9 mai 2014, lors des célébrations du 69e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie, et du 70e anniversaire de la libération de la cité portuaire de Sébastopol des nazis.

L’affaire du MH-17

La diabolisation de Poutine a atteint de nouveaux sommets le 17 juillet 2014, après que le vol 17 de la Malaysia Airlines ait été abattu au-dessus de l’est de l’Ukraine, tuant les 298 passagers à bord. Bien que des preuves consistantes ainsi que la logique fassent porter la responsabilité sur l’armée ukrainienne, Washington, dans sa hâte à établir un jugement, a fait porter la faute de ce tir de missile sur les rebelles d’origine russe, ainsi que sur Poutine, pour leur avoir soi-disant fourni un puissant système de missiles anti-aérien Buk.

Ce récit biscornu s’est souvent appuyé sur la répétition du fait, non pertinent, que les Buks sont de fabrication russe, ce qui a été utilisé pour impliquer Moscou, mais n’avait aucun sens puisque l’armée ukrainienne possédait également des missiles Buk. La vraie question était de savoir qui avait tiré les missiles, et non où ils avaient été fabriqués.

Mais les éditeurs du Post, du Times et du reste des médias conventionnels pensent que vous êtes stupides, et continuent donc de mettre l’accent sur la fabrication russe des Buks. Le point le plus marquant est que les renseignements américains, avec tous leurs satellites et autres capacités, étaient incapables – avant comme après que l’avion ait été abattu – de trouver des preuves que les Russes avaient donné des Buks aux rebelles.

Puisque les missiles Buk font 16 pieds de long (5 mètres) et sont transportés par des camions qui se déplacent lentement, il est difficile de croire que les renseignements américains ne les aient pas repérés, étant donné l’intense surveillance alors mise en place au-dessus de l’est ukrainien.

Un scénario plus probable à propos de la destruction du vol MH-17, serait que l’Ukraine avait déplacé de nombreuses batteries de missiles Buk aux frontières, certainement par peur d’une attaque aérienne russe, et que les opérateurs étaient sur les nerfs après qu’un avion militaire ukrainien ait été abattu le long de la frontière le 16 juillet 2014 par un missile aérien, vraisemblablement tiré par un avion russe.

Cependant, après avoir rédigé dans la hâte un document accusant Moscou cinq jours après la tragédie, le gouvernement américain a refusé de fournir la moindre preuve ou le moindre renseignement qui puisse aider à identifier celui qui avait tiré le missile et abattu le MH-17.

Malgré ce notable échec du gouvernement américain à coopérer au sujet de l’enquête, les médias conventionnels américains n’ont rien trouvé de suspect concernant ce chien qui n’aboyait pas [référence à A. Conan Doyle, Le chien des Baskerville, NdT], mais continuaient à citer l’affaire du MH-17 comme une raison supplémentaire de mépriser Poutine.

Si l’on veut mesurer à quel point les faits sont inversés, sur le thème tout-est-de-la-faute-de-Poutine, on peut lire « l’analyse » rédigée par Steven Erlanger et Peter Baker dans le New York Times de ce jeudi, lorsque tous les « désaccords fondamentaux » entre Obama et Poutine ont été imputés à Poutine.

« Ce qui les divise, ce sont l’annexion russe de la Crimée et son ingérence dans l’est ukrainien, les efforts de Moscou pour diaboliser Washington et miner la confiance dans l’engagement de l’OTAN à la défense collective, et le soutien du Kremlin au président syrien Bachar el-Assad, » selon Erlanger et Baker.

Aider l’ÉI

Cet enchevêtrement de faux récits achoppe à présent sur la perspective d’une alliance américano-franco-russo-iranienne pour combattre l’État Islamique, Al-Qaïda et les autres forces djihadistes sunnites qui cherchent à renverser le gouvernement laïque de Syrie.

Le néoconservateur Washington Post, notamment, a été particulièrement fielleux au sujet d’une collaboration potentielle, laquelle – alors qu’elle constituerait la meilleure chance de résoudre enfin l’horrible conflit syrien – torpillerait la vision à long-terme des néoconservateurs consistant à imposer un « changement de régime » en Syrie.

Dans des éditoriaux, les rédacteurs néoconservateurs du Post ont également affiché un manque criant d’empathie pour les 224 touristes russes et membres d’équipage tués dans ce qui semble avoir été une explosion terroriste d’un avion affrété au-dessus du Sinaï, en Égypte.

Le 7 novembre, plutôt que d’exprimer leur solidarité, les éditorialistes du Post ont ridiculisé Poutine et le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, car ils ne se sont pas précipités pour établir qu’il s’agissait un acte terroriste, mais ont plutôt insisté sur le fait qu’il fallait d’abord analyser les preuves. Le Post s’est aussi moqué des deux dirigeants pour avoir échoué à vaincre les terroristes.

Ou, comme les rédacteurs du Post l’ont exprimé : « Alors que M. Poutine suspendait les vols russes le [6 novembre], son porte-parole insistait encore sur le fait qu’il n’y avait pas de raison de conclure qu’il y avait eu acte de terrorisme. … Pendant que les gouvernements occidentaux se souciaient de protéger leurs citoyens, les régimes de Sissi et Poutine mettaient l’accent sur leur propre protection… »

« Les deux dirigeants se sont vendus comme des guerriers combattant courageusement l’État Islamique et ses filières ; ils utilisent tous deux ce combat comme prétexte pour d’autres fins, telles que réprimer des opposants pacifiques à l’intérieur de leurs frontières, et détourner l’attention du déclin de leur niveau de vie. Sur le terrain, ils échouent l’un comme l’autre. »

Étant donné le déferlement de sympathie que les États-Unis ont reçu après les attaques du 11 septembre et les condoléances qui ont inondé la France la semaine passée, il est difficile d’imaginer une réaction plus impolie face à une attaque terroriste majeure contre des Russes innocents.

En ce qui concerne l’hésitation des Russes, plus tôt ce mois-ci, à dresser un constat en hâte, cela pourrait avoir été en partie un vœu pieux, mais ce n’est certainement pas une inspiration diabolique que d’attendre des preuves solides avant d’émettre un jugement. Même les rédacteurs du Post ont admis que des diplomates américains avaient noté, au jour du 7 novembre, qu’il n’y avait « pas de preuve permettant de conclure que l’avion avait été bombardé. »

Mais le Post ne pouvait attendre de faire le lien entre l’attaque terroriste et « l’aventure syrienne de M. Poutine », et espérait que cela « pourrait » infliger à Poutine une « cruelle blessure politique. » Les rédacteurs du Post ont également surenchéri en affirmant gratuitement que les diplomates russes « [niaient] encore la preuve accablante selon laquelle un missile anti-aérien russe [avait] descendu l’avion de ligne malaisien au-dessus de l’Ukraine l’an dernier. » (Là encore, c’est une tentative de duper les lecteurs du Post en faisant référence à « un missile anti-aérien russe. »)

Le Post semble particulièrement réjoui à l’idée du rôle [que joue] l’armement américain dans la mort de soldats syriens et iraniens. Jeudi, selon le Post, « Les troupes syriennes et iraniennes ont perdu un grand nombre de chars et de véhicules blindés fournis par la Russie par le fait des missiles américains TOW utilisés par les rebelles. En échouant à opérer des gains territoriaux d’importance, la mission russe semble vouée à l’impasse, voire à la défaite en l’absence d’un sauvetage diplomatique. »

La surenchère

La détermination des néoconservateurs à diaboliser Poutine est montée d’un cran, leur obsession à renverser les gouvernements du Moyen-Orient s’inscrit aujourd’hui dans une stratégie pour déstabiliser la Russie et forcer le changement de régime à Moscou, établissant les bases d’une confrontation nucléaire à grande échelle qui pourrait provoquer l’extinction de la vie sur Terre.

A en croire la rhétorique de la majorité des candidats républicains et de la favorite démocrate Hillary Clinton, il n’est pas difficile de s’imaginer comment les agressions verbales pourraient se matérialiser et mener à la catastrophe. [Voir, par exemple, l'analyse par Philip Giraldi de la rhétorique de la "guerre avec la Russie" qui innonde la campagne électorale et le cercle des dirigeants de Washington.]

Essai nucléaire dans le Nevada le 18 avril 1953.

Il semble à l’heure actuelle vain – voire naïf – de croire en des moyens de percer les différentes “idées reçues” et la bulle qui les soutient. Mais opposer un contre-argumentaire aux faux récits est possible si certains candidats reconnaissent qu’un électorat informé est une condition nécessaire à la pratique de la démocratie.

Pour renforcer le pouvoir des citoyens sur les faits, il est nécessaire de dépasser les clivages traditionnels et les barrières idéologiques. Qu’ils soient de droite, de gauche ou du centre, les Américains ne veulent pas être considérés comme des moutons que l’on mène à coup de propagande, de “communication stratégique” ou de n’importe quel euphémisme qui désigne la manipulation.

Un candidat pourrait donc faire ce qui est juste et pertinent en demandant la publication d’autant de renseignements des services américains que possible afin de trancher le nœud gordien de ces récits fallacieux. Par exemple, il est plus que nécessaire de déclassifier les 28 pages du rapport de la commission d’enquête du congrès sur le 11 septembre concernant un supposé soutien saoudien aux terroristes.

Et si ces informations embarrassent certains de nos “alliés” – comme l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie – qu’il en soit ainsi. Si l’image d’un président s’en voit ternie, qu’il en soit ainsi. Les élections américaines sont affaiblies, sinon rendues insignifiantes lorsque l’électorat n’est pas informé.

Un candidat à la présidentielle pourrait aussi faire pression sur Obama pour divulguer les informations dont dispose le renseignement américain sur d’autres fondements majeurs de faux récits, comme les conclusions de la CIA concernant l’attaque au gaz sarin du 21 août 2013, ou bien la destruction du vol MH-17 du 17 juillet 2014.

Le schéma classique du gouvernement américain mettant à profit des tragédies pour prendre l’ascendant dans une “guerre de l’information” contre un “ennemi”, puis redevenant silencieux une fois que des éléments concrets sont disponibles, est une menace directe contre la démocratie américaine et – au regard de l’arsenal nucléaire russe – contre la planète dans son ensemble.

Des secrets légitimes, comme des sources ou des méthodes, peuvent être protégés sans pour autant servir de prétexte à cacher des faits qui ne s’inscrivent pas dans le discours de propagande, et ensuite utilisés pour attiser le bellicisme insensé de l’opinion publique.

Toutefois, à cet instant de la campagne présidentielle, aucun candidat n’a fait de la transparence une réelle problématique. Et après les manipulations de la guerre d’Irak – et la perspective d’autres guerres fondées sur des informations déformées ou partiales en Syrie, ainsi qu’une potentielle confrontation avec la Russie – il me semble que le peuple américain répondrait positivement si quelqu’un s’adressait à lui avec le respect que méritent les citoyens d’une république démocratique.

Source : Consortiumnews.com, le 19/11/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/quand-les-recits-americains-semmelent-les-pinceaux-par-robert-parry/


Qui est Robert L. Dear, le tireur du Colorado ? Lucas Burel

Wednesday 2 December 2015 at 01:25

Vous noterez au passage que, lors de ce fait divers au États-Unis, on n’a pas spécialement :

  • critiqué la Bible ;
  • demandé aux chrétiens de se désolidariser de ces meurtres ;
  • traité ce type de membre d’une 5e colonne à éradiquer…

Pourtant, il veut bien par son acte terroriser les médecins pratiquant l’IVG…

On voit bien qu’il ne lui a manqué qu’une secte catholique pour lui monter encore un peu plus le bourrichon, et le transformer en vrai bon terroriste aux “normes médiatiques”…

Le combat devrait porter d’abord sur les soutiens intellectuels, pratiques et financiers de ces terroristes, à savoir certains pays du Proche-Orient…

Source : L’Obs, 29-11-2015

Robert L.Dear a ouvert le feu dans un centre de planning familial dans le Colorado. Opposé à l’avortement, il dit ne plus vouloir voir de “bébés en morceaux”

Robert L. Dear, le suspect de la tuerie du Colorado du 27 novembre. (COLORADO SPRINGS POLICE DEPT. / AFP)

Robert L. Dear ne voulait plus voir de “bébés en morceaux”. Il s’est introduit vendredi dans un centre de planning familial – Planned Parenthood -, à Colorado Springs, avant d’ouvrir le feu, tuant trois personnes dont deux policiers. Il a été arrêté après plus de cinq heures d’échanges de tirs, en plein week-end de Thanksgiving, une des plus grandes fêtes du calendrier américain.

Dear vivait isolé du monde et n’était connu de la police locale que pour des délits mineurs. Cette nouvelle tuerie porte le nombre de fusillades de ce type à plus de 350 depuis le début de l’année 2015. Plus d’une par jour.

#Qui est Robert Dear ?

Quasi ermite, Robert Dear vivait depuis un an dans une caravane délabrée, près Hartsel, à l’ouest de Colorado Springs, sans électricité ni eau courante ou égouts, limitant au maximum les contacts avec ses rares voisins.

Interrogé par le “Washington Post”, l’agent immobilier qui venait de négocier avec lui l’achat du terrain évoque un individu “normal”, “comme n’importe qui voulant acheter un terrain dans ce coin perdu”.

Originaire de Charleston en Caroline du Sud, cet ancien vendeur d’art indépendant multipliait les logements de fortune et les déménagements depuis son divorce en 2000.

A l’époque il vivait dans une petite cabane à l’extérieur de la ville de Black Mountain, en Caroline du Nord ; ses voisins le souviennent de lui comme d’un homme instable et inquiétant. James Russel, son ancien voisin “raconte au New York Daily News” que Dear “évitait soigneusement de le regarder dans les yeux” :

Quand vous lui parliez, ça partait toujours dans tous les sens, rien de concret”.

#Bien connu des services de police

En 1997, celle qui était alors sa femme, Pamela Ross, avait appelé la police, l’accusant de violences conjugales, selon “le New York Times“. Robert Dear l’aurait poussée à travers une fenêtre après lui avoir interdit l’accès à leur domicile. Elle affirme que son époux pouvait avoir des “accès de colère”, mais qu’il s’en excusait par la suite.

En Caroline du Nord, les rapports de police locaux font état de nombreuses disputes de voisinage. En 2002, il est même accusé de voyeurisme après avoir été aperçu en train d’observer une maison, caché dans des buissons.

Dans sa cabane près de Black Mountain, il vivait seul avec pour seule compagnie un chien galeux dont l’état de santé avait motivé les voisins à appeler les services de la protection animale locaux. Toujours en 2002, il a accusé d’avoir abattu le chien mais il est finalement acquitté.

#Comment explique-t-il son geste ?

Pour les moments, les explications données par le tireur aux policiers laissent apparaître un profil classique de conservateur du sud des Etats-Unis. Chasseur, élevé dans la foi Baptiste, gardant de nombreuses armes à feu autour de son domicile, il aurait évoqué “les bébés en morceaux” des centres de planning familial et “le président Obama” auprès des enquêteurs rapporte la chaîne NBC.

Bien qu’opposé à l’avortement, le sujet n’était pas “obsédé” par la question, affirme son ex-femme au “New York Times“.

Je n’ai jamais, jamais pensé” qu’il pourrait être capable d’une tuerie, précise-t-elle.

Mais la présidente de Planned Parenthood pour le secteur des montagnes Rocheuses, Vicki Cowart, a déclaré que “des témoins confirmaient” que le tireur “était mû par son opposition à l’avortement légal”.

Par mesure de sécurité, même si “aucune menace précise” n’est connue des forces de l’ordre, la surveillance a été renforcée autour des centres de planning familial dans le Colorado.

“Ce n’est pas normal. Il ne faut pas que cela devienne normal”, a protesté Barack Obama, qui réagit systématiquement lors de fusillades meurtrières dans son pays pour réclamer un meilleur contrôle des armes à feu, notamment les plus puissantes. Sans succès pour le moment : le Congrès ne se décide toujours pas à légiférer.

Lucas Burel

Source : L’Obs, Lucas Burel, 29-11-2015

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Ce site éloquent tient à jour l’ensemble des fusillades de masse aux États-Unis (2014 : 383 morts et 1239 blessés).

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Aux États-Unis aussi, la définition médiatique du « terroriste » est à géométrie variable

Source : Acrimed, 25/06/2015

 

Si l’on trouve des « terroristes » et du « terrorisme » sous toutes les plumes journalistiques ou presque, en France, aux États-Unis et ailleurs, force est de constater que les grands médias appliquent trop souvent, dans ce domaine aussi, le « deux poids, deux mesures ». En effet, s’ils s’empressent de brandir le terme dans certains contextes et pour certains individus (plutôt « islamistes » ou, par défaut, « musulmans »), ils répugnent parfois à le faire alors même que tout semble indiquer qu’il se justifierait (les individus sont alors plutôt « occidentaux » ou, comme on le dit dans le monde anglophone, de type « caucasien »). À cet égard, le traitement du « cas Breivik » fut « exemplaire ».
Le court texte qui suit, paru le 19 juin dernier sous le titre « Why Are persons Unknown More Likely to Be Called « Terrorist » Than a Known White Supremacist ? », sur le site de l’observatoire américain des médias Fair, revient sur ce travers journalistique. (Acrimed)

Au lendemain d’un acte de violence de masse, un pays hébété se tourne généralement vers ses grands médias pour voir la façon dont ils présentent les évènements. Les termes utilisés par les journalistes dans les heures qui suivent un massacre contribuent à former l’opinion publique tout en ayant une influence majeure sur les réactions politiques.

Lorsque deux bombes ont explosé le 15 avril 2013 lors du marathon de Boston, faisant trois morts et des centaines de blessés, cela a immanquablement fait les gros titres : une recherche effectuée le lendemain de l’attentat à partir d’une base de données regroupant les journaux américains indiquait que 2593 articles mentionnaient le marathon, tous ou presque relatant les explosions. Parmi ceux-ci, 887 (34%) eurent recours au terme « terrorisme » ou assimilé (« terroriste », sous sa forme adjectivale ou nominale) – bien que l’on ne connût les auteurs, et a fortiori leur motivation, que plusieurs jours plus tard.

Lorsque neuf personnes ont été tuées le 17 juin dernier dans l’Eglise épiscopale méthodiste africaine Emanuel, 367 articles ont paru le lendemain qui mentionnaient « Charleston » et « l’église », selon la même base de données ; un important fait d’actualité, certes, mais loin du traitement hors norme des attentats du marathon de Boston. Et parmi ces 367 articles, seuls 24 (7%) parlaient de « terrorisme » ou de « terroriste », bien que d’emblée, Dylan Roof, suspect n°1, fût identifié, tout comme furent exposées les preuves selon lesquelles il était mu par une idéologie suprémaciste blanche ainsi que le désir de « déclencher une guerre civile » (selon le journal local de Caroline du Sud The State).

 

D’après certains, on a tellement usé et abusé du terme « terrorisme » que l’on ferait mieux de s’en passer. Reste que la violence motivée politiquement ciblant des civils – invariant de toutes les définitions du « terrorisme » – est un phénomène bien réel qu’il est difficile de ne pas nommer.

Si les médias veulent utiliser ce terme, néanmoins, ils doivent le faire sans recourir au « deux poids, deux mesures ». En l’appliquant à des attaques dont les auteurs n’étaient alors pas encore identifiés, tout en refusant, dans la plupart des cas, de l’utiliser pour qualifier un massacre attribué à un blanc suprémaciste souhaitant déclencher une guerre raciale, ils ont échoué.

Jim Naureckas

(Traduit par Thibault Roques)

Source : Acrimed, 25/06/2015

Source: http://www.les-crises.fr/qui-est-robert-l-dear-le-tireur-du-colorado-lucas-burel/