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Able Archer 83 : l’exercice militaire qui a bien failli déclencher la Troisième Guerre mondiale

Thursday 14 August 2014 at 04:00

Très intéressant article de Foreign Policy, traduit par Slate, sur cet épisode peu connu, 20 ans après la crise de 1962

On le sait désormais grâce à des documents de la CIA et du KGB notamment: l’hystérie de la Guerre froide a atteint son sommet entre le 7 et le 11 novembre 1983.

Selon un document déclassifié de l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA), intitulé «American Cryptology During the Cold War», la «période 1982-1984 fut la période la plus dangereuse de la confrontation américano-soviétique depuis la crise des missiles de Cuba». Ce document secret raconte que «l’hystérie de la Guerre froide a atteint son sommet» à l’automne 1983, au cours d’un exercice de tir de missiles nucléaires de l’Otan baptisé Able Archer 83 qui, selon un rapport de renseignement de la CIA, a vu «des unités aériennes soviétiques stationnées en Allemagne de l’Est et en Pologne placées en état d’alerte maximum ainsi que le déploiement de forces de frappe nucléaires».

Malgré les conséquences éventuelles qu’aurait pu avoir cette escalade nucléaire imprévue, l’histoire de l’incident Able Archer 83 est resté pour une large part inconnu du grand public. Cette pénurie de sources a même poussé certains critiques –non sans raison– à décrire la peur d’une escalade en 1983 comme «une chambre d’écho de recherches inadéquates et d’analyses erronées» un «processus d’auto-intoxication» fondé sur «des éléments disparates».

Afin de tenter de remplir cette chambre d’écho, les archives de la Sécurité nationale ont commencé à mettre en ligne, en trois parties, la plus importante collection de documents concernant cet incident disponibles sur Internet. Ces documents ont été obtenus grâce au Freedom of Information Act (FOIA, loi sur la liberté d’information) et sont issus de la CIA, de la NSA, du Département de la défense et du Département d’Etat, des archives américaines mais également d’anciens documents déclassifiés du Politburo et du KGB, d’entretiens avec d’anciens généraux soviétiques et d’autres documents issus d’anciens Etats communistes.

Les dossiers mis en ligne contiennent un document particulièrement éclairant: le rapport de la 7e division aérienne américaine à l’issue d’Able Archer 83.

Exercise Able Archer 83 After Action Report 1 December 1983 by JDStuster

Ce rapport est le premier document officiel à décrire dans le détail le scénario de l’exercice Able Archer 83, qui prévoyait un glissement progressif d’opérations conventionnelles vers des opérations nucléaires. Il révèle en fait que les sources secondaires dont se sont inspirés les récits contemporains d’Able Archer 83 se sont même trompés sur les dates exactes de l’exercice (du 7 au 11 novembre 1983).

Ce rapport contient également d’autres détails éclairants sur l’exercice Able Archer 83 qui suggèrent que certains de ses éléments étaient clairement plus provocateurs que les exercices précédents. De tels changements auraient ainsi été mal compris par les organismes de renseignement soviétiques, alors sur le qui-vive, car préoccupés par la «décapitation» des missiles «Pershing II» qui devaient être déployés en Europe etpoussèrent le Secrétaire général soviétique en place, Iouri Andropov à ordonner la plus importante opération de renseignement jamais effectuée en temps de paix: l’Opération RYAN. Leur mission? S’assurer de ne pas être en face d’une situation de Raketno-Yadernoye Napadenie, le nom de code d’une attaque nucléaire occidentale préventive, que les Soviétiques redoutaient tant.

Parmi les indices que quelque chose se préparait: le transfert, en silence radio complet, de 19.000 soldats américains vers l’Europe (cela s’était déjà produit lors de l’exercice conventionnel précédent et de plus grande ampleur, Autumn Forge 83), le déplacement du QG de l’Otan du «Quartier-Général Permanent vers le Quartier Général de Guerre Alternative», la mise en œuvre de nouvelles «procédure de mise à feu des armes nucléaires» dont des consultations avec des cellules à Washington et à Londres et «des questions politiques sensibles» posées par la désignation des nombreuses sorties de bombardiers B-52 comme autant de «frappes nucléaires».

Selon le scénario de l’exercice Able Archer 83, qui prévoyait une Troisième Guerre mondiale débutant en Europe centrale, le conflit entre les deux superpuissances était censé commencer avec, en toile de fond, «un changement à la tête de l’Union soviétique en février 1983»«une agitation grandissante en Europe de l’Est», et pour finir, l’invasion par le Pacte de Varsovie (baptisé «Pacte Orange» au cours de l’exercice) de la Yougoslavie après qu’elle aurait demandé l’aide économique et militaire de l’Occident.

Alors, le 3 novembre, les forces du Pacte Orange franchissaient la frontière finnoise, envahissaient la Norvège le lendemain et s’aventuraient en Allemagne de l’Est («les forces orange effectuent des attaques aériennes tout le long de la frontière allemande») puis s’attaquaient au Royaume-Uni («les attaques contre les aérodromes du Royaume-Uni interrompent les opérations des bombardiers et détruisent quelques appareils»).

Ne parvenant pas à empêcher la poussée des forces conventionnelles soviétiques, les forces bleues (l’Otan) «demandent l’emploi limité de têtes nucléaires contre des cibles fixes prédéterminées» au matin du 8 novembre. Mais «l’usage d’armes nucléaires par les Bleus ne mettant pas un terme à l’agression des forces orange», le Commandant suprême des forces en Europe (Saceur) opte pour une généralisation des attaques nucléaires. Le feu vert est donné le 11 novembre, date de la fin de l’exercice. A ce moment-là, on considère en effet qu’il n’y a plus rien à détruire.

La publication récente du rapport post-opération d’Able Archer 83 n’est pas sans ironie. Au moment même où l’Otan était en train d’effectuer un exercice mettant en scène un glissement d’un conflit conventionnel vers un conflit nucléaire, en Union soviétique, on plaçait les forces nucléaires en alerte maximale, craignant une frappe nucléaire préventive de l’Otan. La guerre nucléaire a bien failli avoir lieu. Tout cela à cause d’un exercice trop réaliste

Nate Jones

Traduit par Antoine Bourguilleau pour Slate

Nate Jones est le coordinateur du  Freedom of Information Act au sein des archives de la Sécurité nationale. Pour consulter l’intégralité des documents, visitez www.nsarchive.org.La première partie traite du débat autour de l’importance –et pour certains de l’existence– d’une authentique peur de l’escalade en Union soviétique. La deuxième partie documente les exercices Automn Forge 83, Reforger 83 et Able Archer 83 à partir de documents de l’Otan et de l’US Air Force. La troisième partie analysera la compréhension mouvante de la communauté américaine du renseignement de cette question de la peur d’un conflit en 1983.

Foreign Policy

Vidéo : 1983 – AU BORD DE L’APOCALYPSE

En 1983, l’état-major de l’OTAN organise un exercice militaire à grande échelle, destiné à tester les procédures de communication. Surveillée de près par le régime soviétique, l’opération démarre le 2 novembre dans un contexte international extrêmement tendu. Auparavant, le président Reagan a relancé la course aux armements en installant les nouveaux missiles Pershing 3 en Europe. Malgré les mouvements pacifistes, il enfonce le clou de cette stratégie, portée par le fameux discours sur “l’empire du mal”, prononcé en mars 1983. Deux semaines plus tard, il lance le programme de la “guerre des étoiles”. Côté soviétique, Andropov a succédé à Brejnev. Cet espion de carrière, âgé et en mauvaise santé, ne veut surtout pas faire preuve de faiblesse à l’égard de l’Occident. La méfiance est à son paroxysme dans les deux camps. Jusqu’au moment où un satellite militaire russe détecte – par erreur – le lancement de plusieurs missiles…

1983 – AU BORD DE L’APOCALYPSE

Page Wikipedia sur Stanislav Petrov :

Stanislav Ievgrafovitch Petrov, né en 1939, est un officier en retraite de la Voyska PVO, la force de défense anti-aérienne de l’Armée soviétique.

Lors d’une alerte déclenchée par les satellites de surveillance soviétiques en septembre 1983, il aurait, comme il l’a rapporté, pris la décision d’informer sa hiérarchie qu’il pouvait s’agir d’une fausse alerte, et non d’un tir de missiles contre l’Union soviétique comme l’indiquait le système informatique d’alerte anti-missiles. Cette crise intervint à un moment d’extrême tension entre l’Union soviétique et les États-Unis, et aurait donc pu déclencher une riposte soviétique.

L’incident de septembre 1983

Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1983, Stanislav Petrov était l’officier de garde sur la base d’alerte stratégique de Serpoukhov-15, située dans le village de Kourilovo, dans l’oblast de Kalouga1 à une centaine de kilomètres au sud de Moscou. Cette base était chargée de recueillir les informations des satellites soviétiques surveillant d’éventuels tirs de missiles nucléaires contre l’Union soviétique. À minuit quinze, heure de Moscou, le système informatique d’alerte anti-missiles Krokus du SPRN (Sistemi Predouprejdienia o Raketnom Napadienii, système d’alerte en cas d’attaque par missile)2 indiqua un, puis quatre nouveaux tirs de missiles balistiques intercontinentaux Minuteman III en provenance de la Malmstrom Air Force Base, aux États-Unis. Ces tirs avaient été détectés par le satellite de surveillance Cosmos 1382, de type Oko.

Petrov ne disposa que de quelques instants pour analyser la situation. Devant le faible nombre de missiles détectés, il indiqua à ses supérieurs qu’il s’agissait selon lui d’une fausse alerte. Son avis fut suivi et permit ainsi d’éviter une riposte soviétique qui aurait pu être le point de commencement d’un conflit nucléaire ouvert.

Par la suite, un diagnostic des systèmes soviétiques mit en cause le logiciel embarqué par les satellites, qui aurait fait une interprétation erronée de la réflexion des rayons du Soleil sur les nuages, confondue avec le dégagement d’énergie au décollage de missiles.

Petrov soutient que les enquêteurs qui analysèrent la fausse alerte cherchèrent à faire de lui un bouc émissaire du dysfonctionnement du système ; mais il semble que les conséquences sur sa carrière ne furent finalement ni positives ni négatives. Selon Peter Pry, un ancien analyste à la CIA, cette alerte survint dans un contexte extrêmement tendu dans les relations entre les États-Unis et l’Union soviétique, car Andropov était alors obsédé par la crainte d’une attaque surprise déclenchée par l’Occident, ayant en outre mis sur pied l’opération d’espionnage RYAN.

Pour des raisons de secrets militaire et politique, l’incident ne fut rendu public qu’en 1998.

Les suites

Stanislav Petrov quitta son poste peu après l’incident en raison du stress provoqué par cette alerte et de l’enquête qui la suivit. Le 21 mai 2004, puis le 19 janvier 2006, il fut distingué pour ses actions par l’Association of World Citizens.

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Source: http://www.les-crises.fr/able-archer-83-lexercice-militaire-qui-a-bien-failli-declencher-la-troisieme-guerre-mondiale/


[27/10/1962] Crise de Cuba : le jour le plus dangereux de l’Histoire

Thursday 14 August 2014 at 03:00

Reprise d’un excellent article du NouvelObs, qui rappelle à quel point nous marchons souvent au bord du précipice… A méditer.

 

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Réunion de l’excom, le comité secret établi par Kennedy, au début de la crise de Cuba

On savait que le monde, le 27 octobre 1962 – point culminant de la crise des missiles de Cuba – avait échappé de justesse à l’apocalypse nucléaire. Cinquante ans après, les témoignages d’acteurs de la crise et les informations des archives américaines et soviétiques révèlent que des incidents demeurés inconnus ont failli provoquer la déflagration, à l’insu même de Kennedy et de Khrouchtchev. (Enquête publiée dans le Nouvel Observateur du 18 octobre)

 

Ce fut le jour « le plus dangereux de l’histoire de l’humanité », a dit, à l’époque, un conseiller de John Kennedy. Il ignorait à quel point il avait raison. Le samedi 27 octobre 1962, point culminant de la crise des missiles de Cuba, le monde est passé très près d’une guerre thermonucléaire qui aurait provoqué des dizaines de millions de morts et détruit la civilisation moderne. Bien plus près, en fait, que les acteurs du drame et les historiens de la guerre froide ne l’ont cru pendant des décennies.
On savait depuis longtemps que plusieurs événements auraient pu conduire, il y a tout juste cinquante ans, à un affrontement atomique que ne souhaitait aucun des deux chefs ennemis, ni Kennedy ni Khrouchtchev. Mais il a fallu attendre l’ouverture d’archives restées longtemps secrètes, le récit de témoins qui n’avaient pas encore parlé et les découvertes de chercheurs obstinés pour connaître les derniers secrets de ce « samedi noir » : des péripéties jusqu’ici inconnues auraient pu provoquer, ce jour-là, le déclenchement de cette conflagration ultime. Et c’est grâce à d’incroyables hasards et au sang-froid de personnalités exceptionnelles, célèbres ou anonymes, que la troisième guerre mondiale n’a pas éclaté ce 27 octobre 1962.

Treize jours plus tôt, le 14, des avions espions américains font une découvertesidérante : l’armée soviétique est en train d’installer des fusées nucléaires sur l’île castriste, à moins de 200 kilomètres des côtes américaines. Kennedy est sous le choc : le Kremlin avait juré qu’il ne déploierait pas de telles armes à Cuba. Et en septembre, alors qu’en catimini les navires soviétiques transportant les engins de mort étaient déjà en route, la CIA avait assuré à la Maison-Blanche que jamais Moscou n’entreprendrait une telle opération. Un double camouflet pour le président des Etats-Unis. L’honneur et l’autorité du jeune chef du monde libre sont en jeu.

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Photo de site de missiles prise d’un avion espion

Le 22 octobre, JFK exige, dans un discours alarmiste à la télévision, le retrait de ces missiles. Pour montrer sa détermination, il ordonne un blocus militaire de l’île et demande à son armée de « sepréparer à toute éventualité». Le numéro un soviétique, Nikita Khrouchtchev, qui a décidé ce déploiement secret sous le nom de code d’opération Anadyr, répond que cette quarantaine est « un acte d’agression » qui risque de provoquer une «guerre nucléaire mondiale ». Il refuse d’obtempérer : les missiles restent. Du coup, le patron de la Maison-Blanche met ses forces stratégiques en alerte maximale, à Defcon 2, le dernier stade avant la première salve atomique. Soixante B-52 américains bourrés de bombes thermonucléaires tournent sans relâche dans le ciel d’Europe, à quelques kilomètres de la frontière soviétique. Ils n’attendent qu’un ordre pour la franchir et vitrifier les grandes villes d’Union soviétique.

Ce n’est pas tout. Le vendredi 26, la crise est encore montée d’un cran. La CIA a établi qu’à Cuba cinq batteries de missiles nucléaires sont désormais prêtes à l’emploi. Selon l’agence de renseignement, les Soviétiques peuvent, en quelques minutes, tirer de l’île castriste l’équivalent de centaines de bombes d’Hiroshima sur New York et Washington. Le compte à rebours est lancé. L’état-major américain supplie Kennedy de frapper le plus vite possible Cuba et ses sites atomiques, puis d’envahir l’île afin de se saisir des missiles et de renverser le régime castriste une fois pour toutes. Le président résiste. Il ne veut pas donner son feu vert. Pas encore.

Khrouchtchev croit – et c’est une erreur colossale ! - que Kennedy a pris la décision de frapper. Castro vient de lui écrire une lettre désespérée, dans laquelle il l’assure que les Américains vont attaquer son île dans « vingt-quatre à soixante-douze heures ». Il le supplie de bombarder le premier – avec les missiles atomiques installés sur son île et qui sont déjà pointés vers les grandes villes de la côte Est. Comme Kennedy, Khrouchtchev tergiverse. Mais à l’évidence, des deux côtés, sous la pression du Pentagone ou des Cubains, la moindre étincelle peut tout déclencher. « Cette fois, nous étions vraiment à deux doigts d’une guerre nucléaire », confiera Khrouchtchev dans une étonnante conversation tenue au Kremlin quelques jours plus tard et qui vient d’être publiée pour la première fois (voir encadré plus bas).

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Sous-marin soviétique B-59 dans la mer des Caraïbes

Cette étincelle, ce déclic fatal, peut venir des profondeurs de la mer des Caraïbes. Ce 27 octobre 1962, cela fait deux jours que le commandant du sous-marin soviétique B-59, Valentin Savitsky, est traqué par les navires de guerre américains chargés du blocus, deux jours qu’il n’a pas pu remonter à la surface rafraîchir l’air irrespirable de son submersible vieillot. La température ambiante dépasse les 50 °C. Le gaz carbonique produit par le moteur Diesel provoque l’évanouissement des membres de l’équipage. Et, plus angoissant encore, cela fait vingt-quatre heures que Savitsky n’a pu communiquer avec Moscou. Or les dernières nouvelles étaient alarmantes : on parlait d’un confit imminent. A-t-il déjà commencé ? Comment savoir, à des centaines de mètres sous l’eau ?

Soudain, le commandant et ses hommes entendent cinq formidables explosions, juste au-dessus du sous-marin, puis cinq autres. « Est-ce la guerre ? » se demande le jeune commandant. En réalité, ce ne sont que des charges « creuses » lancées par les destroyers américains « USS Beale » et « USS Cony ». Ils veulent contraindre le submersible soviétique à remonter à la surface, et non le détruire. Pour éviter toute méprise, le secrétaire américain à la Défense Robert McNamara avait demandé que l’on prévienne le Kremlin que, dans le cadre du blocus, les grenades lancées contre les sous-marins soviétiques au large de Cuba n’étaient pas dangereuses. Mais, pour une raison qui n’est toujours pas établie, Savitsky n’en a pas été informé. Que va-t-il faire ? Ordonner le tir de son arme secrète, un engin dont les Américains ignorent qu’elle est en service sur ce type de sous-marin (ils ne l’apprendront qu’en… 1994) : une torpille nucléaire d’une puissance de 10 kilotonnes, soit à peu près celle de la bombe d’Hiroshima ?

Le patron du sous-marin ne peut, seul, déclencher le tir. « Cette torpille spéciale était gardée 24 heures sur 24par un officier de sécurité qui dormait auprès d’elle, raconte la meilleure spécialiste de cet épisode, l’historienne Svetlana Savranskaya. Cet officier disposait du jeu de clés indispensable pour armer l’engin et lui seul pouvait installer sa tête nucléaire. » D’après les règles édictées par le Kremlin, le commandant ne peut ordonner à l’ange gardien de lancer sa bombe sans en avoir reçu lui-même une instruction formelle de Moscou. Mais, curieusement, avant son départ vers Cuba, les patrons de la Marine soviétique lui ont donné d’autres consignes. Un vice-amiral a déclaré que les commandants des quatre sous-marins qui rejoignaient secrètement l’île en ce mois d’octobre 1962 pourraient lancer leur torpille spéciale si on les attaquait et si, de ce fait, « il y avait un trou » dans leur coque. Or, justement, les explosions de charges « creuses » lancées par les destroyers américains ont provoqué une petite fissure dans le B-59…

Selon le récit d’un officier présent dans le sous-marin, après les dix détonations, le commandant Savitsky perd son sang-froid. Ayant une fois encore vainement tenté de joindre Moscou, il lance à ses hommes : « On va les faire exploser maintenant ‘.Nous mourrons, mais nous coulerons tous ensemble. » Et il ordonne à l’officier de sécurité d’armer la torpille spéciale… « S’il l’avait lancée, il aurait détruit d’un coup tout le groupe naval américain à ses trousses et Kennedy aurait été contraint de répliquer avec une arme nucléaire. Cela aurait été le début d’un engrenage fatal », explique Svetlana Savranskaya, qui va publier « The Soviet Cuban Missile Crisis » (1).

Pourquoi Savitsky a-t-il renoncé ? D’après les survivants de cette odyssée, un homme a réussi à persuader le commandant de ne pas ordonner le tir : un certain Vassili Arkhipov, chef d’état-major de la flotte des sous-marins, qui, par hasard, navigue à bord du B-59 ce 27 octobre. Malgré son titre, cet officier supérieur ne peut donner d’ordre au commandant Savitsky, qui est le seul maître à bord. Il ne peut que tenter de le ramener à la raison. Comment y parvient-il ? On ne le saura jamais. Arkhipov est mort en 1998, en emportant son secret. Mais, selon l’historien de la guerre froide Thomas Blanton, « ce type a sauvé le monde ».

L’étincelle fatale peut aussi venir du ciel. Ce jour-là, le pilote américain Charles Maultsby est en mission de routine avec son avion espion U2. Parti d’Alaska, il doit se rendre au-dessus du pôle Nord pour recueillir des échantillons du nuage atomique provoqué par un essai nucléaire réalisé la veille par les Soviétiques. Mais le pilote Maultsby, aveuglé par une aurore boréale, a franchi sans le savoir la frontière de l’empire rouge et vole au-dessus de la péninsule de Tchoukotka, la pointe extrême de la Sibérie. Six Mi G soviétiques sont lancés à ses trousses.

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Commandant Maultsby, pilote d’U2

Pour venir en aide au commandant Maultsby, l’US Air Force dépêche immédiatement deux F-102. Seulement voilà : depuis que JFK a décrété l’alerte maximale, ce ne sont plus des armes conventionnelles que les deux jets transportent, mais deux missiles atomiques d’une puissance égale à celle de la bombe d’Hiroshima. Dans la précipitation, on les laisse s’envoler à la rencontre des MiG avec cet armement nucléaire. En théorie, celui-ci ne peut être utilisé que sur ordre du président des Etats-Unis. « Mais enpratique, écrit l’historien Michael Dobbs dans son livre magistral «One Minute to Midnight» (1), un pilote de F-102 avait la capacité physique de tirer la tête nucléaire en appuyant sur quelques boutons. Comme il était seul dans le cockpit, personne ne pouvait s’opposer à sa décision. »

L’un des deux pilotes de F-102 s’appelle Leon Schmutz, il n’a que 26 ans. Que va faire ce jeune officier tout juste sorti de l’école s’il est pris pour cible par les six MiG ? « Ne pas répliquera l’attaque d’un chasseur soviétique serait aller à l’encontre des instincts primaires de survie du pilote », écrit Dobbs. Autrement dit : selon toute probabilité, le jeune Schmutz tirera son missile nucléaire, ce qui conduira « à une guerre générale ». Mais, une fois encore, le scénario du pire est évité de justesse…
Quelques minutes avant d’être rattrapé par les MiG, lU2 dérouté retrouve son chemin. Et le jeune Schmutz rentre à sa base sans avoir tiré. Fin de l’histoire ? Non. Pendant plusieurs heures, l’armée soviétique se demande si, en ce jour de tension extrême, cette incursion d’un avion espion américain dans le ciel de l’URSS n’est pas le prélude à des frappes atomiques. Et pourtant, pour une raison encore mal éclaircie, Khrouchtchev décide finalement de ne pas tenir compte de l’incident.

L’étincelle pourrait aussi s’allumer sur terre, à Guantánamo, la base américaine que les Etats-Unis louent à Cuba depuis le début du XXe siècle et qui, sous George Bush, deviendra tristement célèbre pour sa prison. Ce samedi 27 octobre 1962, non loin de cette enclave séparée du reste de l’île par une gigantesque barrière de cactus, un régiment soviétique a fini d’installer dans la nuit une batterie de quatre-vingts missiles nucléaires de courte portée, surnommés « FKR ». Sa mission : vitrifier Guantánamo dès le début des hostilités. Or, ce « samedi noir », les Américains ignorent tout de ce déploiement autour de la base. Ils ne le découvriront qu’en… 2008, dans le livre de Michael Dobbs (2).

Cette nouvelle erreur majeure de la CIA aurait pu avoir des conséquences terribles. Car le plan d’attaque de l’île concocté par l’état-major américain commence par une semaine de bombardements conventionnels intensifs. Le Pentagone présume que les premières répliques seraient elles aussi conventionnelles. Il n’imagine pas que, selon les ordres de Khrouchtchev, dès les premières frappes de lUS Air Force sur Cuba, des FKR seraient tirés sur Guantánamo, ce qui ne laisserait d’autre choix à Kennedy que d’ouvrir à son tour le feu nucléaire et d’enclencher le cataclysme mondial. Le risque d’un tir soviétique en direction de la base est d’autant plus élevé, ce matin-là, que les missiles, installés en catastrophe par des militaires épuisés, n’ont pas été sécurisés. Leurs têtes nucléaires ne sont encore verrouillées ni par le moindre code, ni par la moindre clé. N’importe quel lieutenant anxieux ou exalté pourrait décider d’ouvrir le feu.

Nouveau miracle ! rien de tout cela ne se produit. Aucune étincelle ne vient enflammer la poudrière nucléaire. Mais qu’en sera-t-il les jours suivants ? Kennedy et Khrouchtchev, qui ont tous les deux combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, le savent d’expérience : dans une situation aussi tendue et aussi complexe, ils ne peuvent tout maîtriser. D’autant que, faute d’un canal de communication direct (le célèbre téléphone rouge entre le Kremlin et la Maison-Blanche ne sera installé qu’en août 1963, à la suite de cet épisode), leurs messages n’arrivent qu’au bout de plusieurs heures. Sans se parler, les deux K parviennent pourtant à la même conclusion : pour éviter d’être précipités contre leur gré dans le stade ultime de l’escalade – la guerre -, ils doivent au plus vite mettre un terme à leur bras de fer. Et pour cela faire des concessions.

Via des intermédiaires, ils s’entendent vite sur un compromis. Le Kremlin retirera ses missiles de Cuba. En échange, la Maison-Blanche s’engage à ne jamais envahir l’île et à désactiver discrètement, dans quelques mois, ses propres missiles en Turquie. Et le dimanche 28 octobre au soir, le monde pousse un immense « ouf » de soulagement. Sans savoir que la veille le monde a frôlé l’apocalypse.

Vincent Jauvert
(1) « The Soviet Cuban Missile Crisis », édité par Svetlana Savranskaya, CWIHP, à paraître.

(2) “One Minute to Midnight”,Michael Dobbs, éditions Knopf
Quand le Che voulait anéantir New York

La scène se déroule au Kremlin, le 30 octobre 1962, deux jours après que Nikita Khrouchtchev a décidé de retirer ses missiles nucléaires de Cuba. Le numéro un soviétique reçoit en tête-à-tête le patron du PC tchécoslovaque, Antonin Novotny. A chaud, il lui explique pourquoi il a cédé.

« Cette fois, nous étions vraiment à deux doigts d’une guerre nucléaire, confie-t-il dans une conversation dont le compte rendu vient d’être publié pour la première fois (*). Nous avons reçu une lettre de Castro dans laquelle il nous disait que les Américains allaient attaquer dans les vingt-quatre heures. Il nous proposait de déclencher une guerre atomique en premier. Nous étions totalement stupéfaits. Clairement, Castro [photo, à gauche] n’avait aucune idée de ce qu’était une guerre thermonucléaire. Après tout, si un tel conflit s’était produit, c’est Cuba qui aurait d’abord disparu de la surface de la Terre. Et puis, il pouvait y avoir une contre-attaque, potentiellement dévastatrice. Après tout, qu’aurions-nous gagné ? Des millions de gens seraient morts, dans notre pays aussi. Est-ce qu’on peut envisager une chose pareille ? Pouvons-nous permettre de mettre en danger le monde socialiste, imposé dans la douleur par la classe ouvrière ? Seule une personne aussi aveuglée par la passion révolutionnaire que Castro peut parler ainsi. »

Après avoir cédé à Kennedy, Khrouchtchev n’a qu’une obsession : éviter que les missiles ne tombent entre les mains des Cubains. « Fidel » demande à conserver, ni vu ni connu, les armes nucléaires que les Américains n’ont pas découvertes. Sur ordre, l’émissaire de Moscou, Anastase Mikoyan (photo, à droite), lui répond que c’est impossible. « Nous avons une loi qui interdit un tel transfert à qui que ce soit », répond-il. C’est un mensonge. Mais le Kremlin n’a pas confiance. Il a raison. Quelques jours plus tôt, Che Guevara (photo, centre) a déclaré en secret à l’ambassadeur de Yougoslavie à La Havane (*) : « Si nous, les Cubains, avions le contrôle de [ces] armes nucléaires, nous les installerions sur chaque centimètre de Cuba et n’hésiterions pas, si nécessaire, à les tirer dans le coeur de l’adversaire : New York. »

(*) Publié dans le dernier numéro du « Cold War International History Project Bulletin », sous la direction de James Hershberg, octobre 2012.

Source : NouvelObs, 27/10/2012

Source: http://www.les-crises.fr/crise-de-cuba/


[Reprise] Quatre mois après Maïdan, les promesses non tenues de la révolution ukrainienne

Thursday 14 August 2014 at 01:57

Reprise d’un article du Monde

Selon son propre mot, Tetiana Tchornovol est une « star » de la révolution ukrainienne. De ses heures sombres, comme ce 25 décembre 2013 où cette journaliste spécialiste des affaires de corruption fut retrouvée dans un fossé, passée à tabac sur une route des environs de Kiev pour avoir publié, quelques heures plus tôt, des photos de la luxueuse résidence du ministre de l’intérieur d’alors. Star, elle le fut aussi après la fuite du président Viktor Ianoukovitch. Le 22 février, la foule de Maïdan acclamait le nom de la nouvelle responsable du « comité national de lutte contre la corruption ».

Aujourd’hui, Mme Tchornovol est une fonctionnaire perdue dans les rouages de l’administration, sans équipe, sans pouvoirs réels, démunie face au « dragon » de la corruption et critiquée par ses anciens camarades. Elle travaille sur la liquidation des avoirs du clan Ianoukovitch, notamment d’immenses stocks d’hydrocarbures. La jeune femme a lutté pied à pied avec ses interlocuteurs du ministère de la justice pour préparer un projet de loi chargeant l’Etat de liquider les stocks. Pour, finalement, découvrir que l’un des vice-ministres, déjà en poste sous la présidence précédente, avait modifié le texte et offert à des entreprises le soin de mener la transaction. 

« VOLONTÉ POLITIQUE »

« Tout en haut de l’échelle, la volonté politique est là, mais beaucoup de fonctionnaires et de politiques sont restés en place, témoigne Mme Tchornovol. Les anciens schémas de corruption, surtout, perdurent, même si la voracité n’a plus rien à voir avec l’époque Ianoukovitch. Il faudrait remplacer les hommes, mais où trouver les personnes assez expérimentées pour leur succéder ? Quant à la corruption, elle profite à trop de monde, y compris au sein du nouveau pouvoir. »

Remplacer, c’est l’obsession d’un autre comité installé dans l’euphorie post-révolutionnaire : celui chargé de la « lustration ». Il s’agissait alors de se débarrasser de dizaines de milliers de responsables. Tout paraissait possible. Le premier ministre, Arseni Iatseniouk, ne venait-il pas d’annoncer qu’il voyagerait désormais en classe économique ?

Quatre mois plus tard, la plupart des projets de loi du « comité lustration » dorment au fond d’un tiroir. Sa victoire la plus retentissante s’est muée en déroute : mi-avril, après que 2 000 personnes recrutées parmi les irréductibles qui campent encore sur Maïdan se furent rassemblées devant le Parlement, tous les présidents de tribunaux ont été remerciés, et leur remplacement soumis à un vote des juges. Résultat : 80 % d’entre eux ont été réinstallés.

« A dire vrai, notre comité n’a même pas été officiellement formé, explique l’une des animatrices du groupe, Olga Galabala. L’annonce de sa création était seulement destinée à calmer Maïdan. Puis il y a eu la Crimée, la guerre dans l’Est… Mais nous savons que la révolution est un processus long. Il faut seulement que les citoyens ne baissent pas la garde, comme ils l’ont fait après la “révolution orange” de 2004. » 

RÉSISTANCES

La principale solution évoquée par les militants pour donner corps aux revendications de Maïdan et accélérer le renouvellement des élites est celle d’élections législatives anticipées. Leur tenue était une promesse du candidat Petro Porochenko, élu à la présidence le 25 mai, et l’ensemble du personnel politique se dit en leur faveur. Mais, là encore, les résistances montrent la difficulté à se défaire des pratiques passées. Elles émanent des perdants potentiels d’un tel scrutin – Parti des régions de l’ex-président Ianoukovitch, Parti communiste, parti Batkivchtchina de Ioulia Timochenko –, mais surtout de ceux parmi les députés qui ont purement et simplement acheté leur siège lors du scrutin de 2012. Selon les données collectées par la sociologue Ioulia Shukan, un mandat à la Rada peut coûter jusqu’à plusieurs millions d’euros. Le retour sur investissement serait tout simplement menacé.

« Les visages ont déjà changé », a tranché M. Porochenko lors de son discours d’inauguration, le 7 juin. Entre les lignes, il fallait surtout comprendre qu’un changement radical du système, lui, attendrait. L’allocution concernait d’ailleurs moins d’éventuelles réformes que la sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays, menacée par l’insurrection dans le Donbass. Le score du président – 54,7 % des voix au premier tour – montre que les priorités ont changé : malgré les promesses non tenues et le retour des oligarques honnis, il s’agissait de donner le mandat le plus fort possible, dans un contexte d’agression extérieure, au mieux placé des candidats issus de la révolution.

Sergueï Pachinski a été le chef de l’administration présidentielle du prédécesseur de M. Porochenko, Olexandre Tourtchinov, président intérimaire pendant trois mois. Il tient peu ou prou le même discours. « Quand nous sommes arrivés au pouvoir, notre objectif numéro un était la lutte contre la corruption. Une semaine plus tard, la question qui nous était posée était celle de la survie de l’Ukraine. Mais il ne faut pas penser que Maïdan n’a servi à rien. Une nation y est née, et elle s’est affirmée lors de l’élection présidentielle, quand les régions ont voté indifféremment pour Porochenko. Bâtir un Etat sur les ruines dont nous avons hérité, ce sera l’étape d’après. » 

« ÉTAT DE GRÂCE »

Où en est la révolution, quatre mois après et à la veille de la signature, vendredi 27 juin, du volet économique de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne ? La réponse de Pavel Rizanenko, député du parti UDAR, n’est pas si éloignée de celle des militants de Maïdan. « Le pouvoir est encore en état de grâce. Mais dans six mois, il faudra des résultats tangibles, sinon il y aura un Maïdan d’octobre, comme il y a eu en Russie la révolution d’Octobre après celle de février. » Dans sa circonscription des environs de Kiev, les chefs de la police ont été remplacés. Mais les policiers de base, ceux qui complètent leur salaire de 200 euros en extorquant citoyens et entrepreneurs, sont restés.

M. Rizanenko a un plan simple pour gagner du temps et faire illusion : « échanger » ces hommes contre ceux d’une ville voisine, « au moins pour donner aux gens l’impression d’un changement ». 

Benoît Vitkine (Kiev, envoyé spécial)
Journaliste au Monde

Source : Le Monde

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-quatre-mois-apres-maidan-les-promesses-non-tenues-de-la-revolution-ukrainienne/


[Invité] La banque comme régulateur de la puissance publique, par Rémy Mahoudeaux

Thursday 14 August 2014 at 00:14

Dans la torpeur estivale, cette information aurait pu passer complètement inaperçue. C’est un article daté du 9 Août 2014 signé du bureau éditorial du New York Times (1) relayé sur un réseau social qui a attiré mon attention sur cet événement. 11 banques parmi les plus importantes de la planète (2) ont vu leurs copies du « testament bancaire » retoquées le 6 août. Vous savez, ce document imposé par le Dodd Franck Act ou autres lois Moscovici et sensé fournir la « recette » du démantèlement au moins pire des intérêts des créanciers et de l’écosystème en cas de crash de l’établissement financier testateur.

J’ai déjà publiquement abondé il y a plus d’un an (3) dans le (bon-) sens d’Olivier Berruyer sur le sujet du testament bancaire : « Plutôt que de savoir quoi faire si Fukushima se reproduit, je préfère empêcher que Fukushima se reproduise ». Il est inutile de s’attarder sur l’opportunité de ce document : utile ou non, il est obligatoire. Mais là, les « exécuteurs testamentaires » que sont la Federal Reserve et la Federal Deposit Insurance Corporation, tentant de valider ex ante les informations de la version 1.0 de ces testaments, jugent ces documents non réalistes et insuffisamment étayés (4). Il est donné aux cancres une année de plus pour produire un codicille acceptable et satisfaire cette prescription. Soit 5 ans au lieu de 4. Mais pas question de bousculer de 100 bp l’exigence de leur ratio Tier 1 dans l’attente d’une copie qui obtiendrait la moyenne, ou de leur coller une amende dont la démesure outre-Atlantique esbaudit l’observateur européen.

Cette année supplémentaire indigne les signataires de l’article, et, de mon point de vue, ils ont raison. Pendant cette année, ces banques qui font partie de la trentaine de banques systémiques mondiales vont continuer à s’exposer et exposer leur écosystème sans satisfaire une des contraintes réglementaires qui devrait s’imposer à elles et (théoriquement) réduire la portée du désastre induit par leurs éventuelles défaillances, le sinistre maximum possible en jargon d’assureur. Nonobstant l’inefficacité dont j’affuble cette disposition, ne s’agit-il pas d’une distorsion conséquente à la concurrence par rapport aux autres établissements systémiques ayant fait correctement ce travail ?

Mon opinion d’iconoclaste : cette généreuse clémence qui confine au laxisme est un symptôme de cette inversion de fait que j’ai formulé dans mon titre : la banque est devenue le régulateur de la puissance publique, quand bien même une bonne théorie d’économie politique nous dirait que c’est l’inverse qui devrait être la norme. Un citoyen, ennemi de la finance ou non, ne saurait s’en réjouir.

Autre sujet d’agacement, la relative discrétion des médias français. Le sujet n’est certes pas passionnant, le reste de l’actualité est chargé, et je suis sans doute plus sensible que d’autres à la régulation bancaire, mais j’ai parfois le sentiment que nos médias sont plus complaisants quand il faudrait qu’ils soient pugnaces. L’absence de banque française prise la main dans le pot de miel explique peut-être ce relatif silence, mais le constat qu’un tiers des banques systémiques mondiales s’avère incapable de produire un testament qui tienne la route devrait (de mon point de vue) être terrifiant, ou alors ils partagent mon scepticisme sur l’utilité du testament bancaire et se taisent pour des raisons que j’ignore.

Bref, si vous pensez que Dodd Frank Act et ses avatars locaux protégeront l’économie mondiale des crises financières, vous êtes peut-être naïf, ou alors victime d’une information défaillante. La mansuétude sans contrepartie dont ces banques semblent bénéficier me fait penser à une cour de récréation où l’on pourrait lever le pouce pour dire qu’avant, ça ne comptait pas, c’était pas du jeu. Il serait opportun que la finance mondiale se fasse imposer un Glass Steagall Act pour éviter qu’au lendemain d’une prochaine crise, un Vincent Auriol ne soit tenté de mettre sa menace à exécution (5).

(1) http://www.nytimes.com/2014/08/10/opinion/sunday/too-big-to-regulate.html?_r=0
(2) Bank of America, Bank of New York Mellon, Barclays, Citigroup, Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Morgan Stanley, State Street & UBS
(3) http://www.finyear.com/Banque-pensee-unique_a25090.html
(4) « unrealistic or inadequately supported »
(5) « Les banques, je les ferme, les banquiers, je les enferme. »

Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx

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Je complète par ce papier de François Garçon, Enseignant-chercheur, sur le Nouvel Obs

Le patron de la BNP “affecté” par l’amende record des USA : l’ENA-pipeau a encore frappé

LE PLUS. BNP Paribas a été condamnée fin juin à une amende de 6,5 milliards d’euros pour avoir violé les embargos américains contre le Soudan, Cuba et l’Iran. “Très affecté” par la sanction, le patron de la banque, Baudoin Priot, envisagerait de céder sa place. Quand les médias arrêteront-ils de le couvrir d’éloges ? Coup de gueule de François Garçon.

Ce grand patron “à la française”, autrement dit sorti de l’ENA et rapidement hélitreuillé à la tête d’un groupe de 180.000 personnes par un pair sorti de la même colonne de distillation (bonnes notes au lycée (!?), concours imbécile mais “méritocratique”, haute fonction publique, ignorance totale du milieu PME) à, de surcroît, eut la consécration journalistique : en 2009, le journal “La Tribune” le consacrait “stratège de l’année” pour avoir racheté Fortis Banque et, l’année suivante, il était élu “meilleur dirigeant bancaire européen”.

En 2012, c’est au tour du magazine “Challenges” de le célébrer comme “patron le plus performant“. En 2011, avec sa rémunération fixe et ses bonus, l’intéressé empochait 2,47 millions d’euros.

L’avez-vous reconnu ? Il s’agit de Baudoin Prot, patron de la BNP, dont la banque, nous dit “Le Monde”, connaît “des ennuis judiciaires” aux États-Unis. Ennui, nous dit “Littré”, signifie “contrariété”, voire “grand chagrin”.

La banque savait les risques qu’elle prenait 

En l’occurrence, cette contrariété et ce grand chagrin se traduisent par un chèque en dollars avec un 9 suivi de neuf zéros. Neuf milliards de dollars. Alors que le président collectionnait les médailles, la BNP, “sa” banque, celle dont Baudoin Prot était le patron, commerçait activement (et en dollars) avec Cuba et le Soudan, l’un des plus innommables régimes sur la planète.

À écouter nos benêts banquiers français, ils ignoraient que jongler avec la monnaie américaine plaçait automatiquement les transactions concernées sous la juridiction de ce pays !

Il est aujourd’hui admis que, depuis juin 2006, la banque savait les risques qu’elle prenait en enfreignant sciemment la législation américaine. Pire, on apprend encore que lorsque les autorités américaines ont engagé des poursuites contre la banque française, elle s’est empressée de détruire des documents qu’elle jugeait, sans doute à juste titre, compromettants.

Si à cela l’on ajoute les gémissements de Michel Sapin, déplorant l’hégémonie du dollar, puis l’humiliation de François Hollande intercédant auprès d’Obama pour que l’IRS américain revoie à la baisse sa sanction contre la banque française (à quoi Obama aurait répondu qu’en vertu de la séparation des pouvoirs, une telle démarche était impensable aux États-Unis), il n’est pas illégitime de s’interroger sur ce qui reste de “l’autorité morale” de la France.

Cessons donc de consacrer les patrons français !

Pour revenir à Baudoin Prot, et si l’on en croit le “JDD”, “son entourage le dit très affecté par la sanction”. Pardi, on le serait pour moins !

Après la faillite du Crédit Lyonnais sous la direction d’un autre inspecteur des finances, ou l’affaire Kerviel à la Société Générale, banque dirigée par un clone des précédents, cet énième cataclysme bancaire illustre l’incurie de cette vaste famille de dirigeants français qui, de l’entreprise, n’ont jamais connu que leur stage pipeau à l’ENA.

Cette engeance régale la presse qui, en retour, l’invite sur ses plateaux de radio ou de télévision, où elle se rengorge.

Que cette presse cesse donc de consacrer les “patrons de l’année”, ceux qui n’ont jamais rien créé, qui sont aux antipodes du modèle justement célébré de patrons anglo-saxons ou germaniques, sortis du rang, ayant monté leur entreprise pour ensuite la faire prospérer. Dommage d’être tant fasciné par ce modèle d’entrepreneurs hors de France pour, sitôt qu’on y revient, se rabattre sur l’archétype du technocrate interchangeable.

Le patronat français du CAC 40 est un patronat de réseau, réseau qui s’encalmine sitôt sorti de France. L’arrogance acquise pendant leurs formations stériles, organisées autour de concours imbéciles et de classements de sortie, s’avère une calamité. Peut-être viendra le jour où l’on s’en rendra enfin compte.

Enfin, tant de banquiers ont été célébrés pour leurs performances financières de l’année écoulée pour se découvrir, l’année suivante, de pendables imbéciles, ne conviendrait-il pas, comme dans le cas de sportifs dopés et démasqués, de procéder à la restitution des médailles et autres hommages dont ces patrons sont l’objet et dont ils sont si friands ?

Source : Nouvel Obs

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Et un peu de Lordon pour finir :

Source: http://www.les-crises.fr/la-banque-comme-regulateur-de-la-puissance-publique/


[Exclusif] Laurent Fabius contre Columbo…

Wednesday 13 August 2014 at 10:36

Fabius hier, sur France Info, vous trouverez la version toilettée sur le site du Ministère

Ukraine / Russie, comme d’hab…

Q – La Russie envoie un convoi humanitaire en Ukraine. Vous craignez que ce ne soit pas seulement un convoi humanitaire ?

R – Oui, c’est tout le problème. La Russie dit : «J’envoie des camions pour des raisons purement humanitaires», mais il y a une règle dans ces opérations. C’est que ce n’est possible qu’avec l’accord du pays dans lequel on envoie cette aide humanitaire et avec l’aide de la Croix-Rouge. Or, cette question n’est pas encore réglée. Évidemment, il faut être extrêmement prudent, parce que cela pourrait être une couverture de la part des Russes pour s’installer près de Louhansk et de Donetsk et pratiquer la politique du fait accompli.

Q – Il y a donc là une violation du droit international ?

R – Il y a des discussions avec la Croix-Rouge. Cette opération n’est possible et justifiable qu’à partir du moment où la Croix-Rouge aura donné son aval, où il n’y aura pas de forces militaires autour et il n’y aura pas simplement les Russes mais d’autres et l’Ukraine serait d’accord, ce qui à l’heure où je parle n’est pas le cas.

Q – Et si la Croix-Rouge ne donne pas son accord, qu’est-ce qui se passe ? Les camions arriveront à peu près d’ici deux jours. Ils partent aujourd’hui de Moscou.

R – À ce moment-là, il ne faut pas les autoriser à passer.

Q – Ça veut donc dire une action ? Une réaction de quelqu’un ? De la communauté internationale ?

R – Non. Je pense qu’il y a une pression des Russes et il faut qu’en face de la pression des Russes, la Croix-Rouge – qui est une organisation tout à fait respectée et respectable – agisse comme elle doit le faire avec la communauté internationale.

P.S. “la communauté internationale.” = “les pays vendus aux États-Unis…”, vous l’aurez corrigé…

Mais alors en Irak…

 - Laurent Fabius, la France a commencé à apporter de l’aide humanitaire en Irak. Qu’en est-il de l’aide militaire ? Vous avez dit que vous vouliez que ça se fasse dans un cadre européen. Où en êtes-vous de vos discussions avec nos voisins ?

R – Prenons les choses une par une si vous le voulez bien. Sur le plan humanitaire, j’ai convoyé dimanche dernier dix-huit tonnes à destination d’Erbil. Dans les deux jours qui viennent, il va y avoir un nouvel envoi de vingt tonnes d’équipements, de potabilisation d’eau et de médicaments. Cela va être fait dans les deux jours et arrivera aussi dans la région kurde. Dans les jours suivants, un troisième envoi est prévu avec des vivres. Ça, c’est sur le plan humanitaire français. Sur le plan européen, j’ai demandé immédiatement à la suite de mon voyage, à l’Europe qu’on établisse un pont européen humanitaire. Pour que ce ne soit pas la France toute seule, ou la France et tel pays de manière désordonnée, mais que l’ensemble des pays d’Europe puissent coordonner leur action. Aujourd’hui même, il y a une réunion de ce qu’on appelle le COPS (Comité politique et de sécurité), c’est-à-dire des représentants des différents pays au niveau européen, pour mettre cela en musique, et j’espère que cela va être fait. Ça, c’est sur le plan humanitaire.

Q – Pour l’instant, aucun pays ne vous a donné son accord ?

R – La réunion d’aujourd’hui a pour but de coordonner l’action des différents pays européens. J’espère bien qu’ils vont donner leur accord. On ne peut pas rester sans réaction lorsqu’on voit des centaines et des milliers de gens, des enfants et des femmes mourir de faim. C’est de cela qu’il s’agit.

Q – Et pour l’aide militaire ?

R – Deuxio, il y a le politique et tertio, il y a le militaire. Sur le plan politique, vous avez vu ce qu’il se passe. Très heureusement, l’ancien Premier ministre M. Maliki qui était responsable d’une grande partie de ce désastre, a été remplacé par M. Al-Abadi que nous soutenons. Le président Massoum, qui est le président irakien, dit à M. Al-Abadi : «Vous êtes en charge», mais M. Maliki s’accroche si je puis dire. La position de la France est tout à fait claire : nous soutenons le Premier ministre qui a été désigné régulièrement et nous espérons bien qu’il y aura un gouvernement d’union nationale. Ça, c’est sur le plan politique interne.

Q – Et le troisième point, le plan militaire.

R – Le troisième point est l’aspect militaire. Il y a un déséquilibre évident parce que d’un côté, cet horrible groupe terroriste de l’État islamique dispose d’armes très sophistiquées, qu’ils ont d’ailleurs prises pour une bonne part à l’armée irakienne qu’ils ont mise en déroute. De l’autre côté, les Peshmergas, c’est-à-dire les combattants kurdes, sont extrêmement courageux mais n’ont pas les mêmes armes. On peut rester comme cela et dire : «C’est désolant, on n’y peut rien» mais telle n’est pas notre position. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Mme Ashton de réunir au plus vite le Conseil des affaires étrangères, l’ensemble de mes collègues, pour qu’on prenne au niveau européen des décisions sur ce point.

[Columbo] Excusez-moi monsieur le ministre, je suis le lieutenant Columbo de la brigade criminelle. Désolé de vous déranger, mais il y a un point que je comprends mal… Vous nous dites qu’il faut armer les combattants kurdes car ils n’ont pas les “armes sophistiquées” qu’ont les terroristes.

Tiens, d’ailleurs ma femme me disait qu’elle n’avait pas vu d’armes spécialement “sophistiquées” à la télévision, mais on en reparlera plus tard…

Non, mais ce qui me chiffonne, c’est que vous dites que les terroristes les ont prises à l’armée régulière qu’ils ont même “mise en déroute”.

Alors je me demandais, sachant que ce sont les Américains qui avaient fourni à l’armée ces “armes sophistiquées”, comment les terroristes, qui sont des va nu-pieds, avaient réussi à battre l’armée irakienne professionnelle qui avait alors ces fameuses ”armes sophistiquées”, et pourquoi les Peshmergas n’arrivent pas à leur tour à les prendre aux troupes – cette fois non professionnelles – des terroristes ?

Je pose la question, car comme ma femme dit souvent “tu sais, il faut bien vérifier, car les politiques ont une sérieuse tendance à nous prendre pour des cons…”, et donc, je me demandais si, par hasard, on n’aurait pas armé des personnes non loyales qui auraient simplement retourné les armes contre nous…

Q – Pour le moment, il n’y a aucun accord avec d’autres pays ?

R – Il n’y a pas encore de date et je redemande que ce soit fait d’urgence. Je sais bien que dans les pays occidentaux, c’est la période des vacances, mais enfin quand il y a des gens qui meurent, j’allais dire qui crèvent, il faut revenir de vacances ! J’ai demandé et Mme Mogherini, la ministre italienne, aussi, que cela soit fait en urgence et j’attends que l’urgence soit respectée.

Q – Quel serait l’objectif ? Arrêter la progression de ces combattants islamistes ? C’est-à-dire les circonscrire à une région particulière ou les détruire et les empêcher de construire leur État islamique ?

R – Vous savez, quand vous voyez ce que font ces gens et ce qu’ils ont l’intention de faire, c’est en gros tuer tous ceux qui ne pensent pas comme ça, qui n’abjurent pas leur religion, pratiquer les tortures, les viols systématiques. Enfin, ce sont des gens absolument inhumains ! Il ne s’agit pas simplement de dire : «C’est regrettable. Passons notre chemin.» Il s’agit d’aider les Kurdes et les Irakiens à avoir les moyens de résister et, si possible, de les battre. Car leur objectif, Madame, ce qu’ils appellent le Khalifa islamique, ce n’est pas simplement l’Irak, c’est l’Irak, c’est la Syrie, c’est la Jordanie, c’est Israël, c’est la Palestine, excusez du peu. C’est ça, l’objectif. Et nous, nous tous, qui ne pensons pas comme eux, que ce soit au Proche ou Moyen-Orient ou en Europe, nous sommes des chiens à écraser et à détruire. Quand on est dans cette situation, il faut évidemment garder son calme, mais il faut aussi donner les moyens aux uns et aux autres de résister, et si possible de les neutraliser.

Faisons attention à un point, tout de même, j’attire votre attention là-dessus. C’est qu’il y a beaucoup de combats qui ont lieu au niveau des Kurdes, c’est-à-dire au Nord de l’Irak, mais vous avez vu peut-être que si les Kurdes ont pu reprendre deux villages hier, en revanche il y a une ville qui n’est pas loin de Bagdad, qui a été prise par l’État islamique. Quand vous regardez la carte, faites attention à ce qu’il n’y ait pas simplement l’attention portée sur ce qui se passe au Nord de l’Irak, mais il y a aussi la question de Bagdad. J’étais dimanche à Bagdad, qui est une ville totalement en état de guerre, vous avez des tanks à tous les coins de rues, et le front est à cent vingt kilomètres.

[Columbo] Excusez-moi de nouveau monsieur le ministre, c’est toujours le lieutenant Columbo de la brigade criminelle.

Désolé de vous déranger, mais il y a encore un point que je comprends très mal…

Vous nous dites qu’il faut armer les combattants kurdes, car on ne peut pas laisser des civils “crever” face à des terroristes (évidemment “inhumains” – et pour qui nous serions des “chiens à écraser et à détruire”), et qu’il faut envoyer de l’aide humanitaire et  leur donner les moyens de résister.

Alors je comprends mal, parce que hier, je regardais sur Internet (là par exemple) avec ma femme des vidéos atroces de pauvre civils innocents massacrés par les bombes de leur propre armée dans l’Est de l’Ukraine. Et vous venez de dire plus haut qu’il ne fallait pas laisse passer un convoi humanitaire, et qu’il fallait sanctionner la Russie que vous accusez (sans preuves, mais on y reviendra) d’armer les Ukrainiens de l’Est, que ma femme trouve d’ailleurs aussi “courageux” que les Peshmergas, et qui, eux non plus, n’ont pas les mêmes “armes sophistiquées” que l’armée ukrainienne.

Or, je rappelle aussi avoir entendu (et on peut l’écouter ici) l’ancienne Premier ministre ukrainienne, dont le bras droit est l’actuel Premier ministre, dire que : Il est temps de prendre nos armes et d’aller tuer ces maudits russes ainsi que leur leader. J’aurais trouvé un moyen de tuer ces connards. [...] J’espère que je serai capable d’impliquer toutes mes relations. Et j’utiliserai tous mes moyens pour faire se soulever le monde entier afin qu’il n’y ait même plus un champ brulé en Russie. [...] Ils doivent être détruits avec des armes nucléaires.“, ce qui pourrait tout de même permettre de conclure que bons nombre de dirigeants ukrainiens considèrent les Russes comme “des chiens à écraser et à détruire.”

Et donc, je me demandais, avec vos positions, si un Russe ne pourrait pas penser, à raison, qu’on se fout vraiment du monde en général, et d’eux en particulier ?

Source: http://www.les-crises.fr/exclusif-laurent-fabius-contre-colombo-ca-marche/


[Exclusif] La vision de Mitterrand sur l’Ukraine, par M.N. Lienemann

Wednesday 13 August 2014 at 01:59

Aujourd’hui, une interview exclusive pour Les-crises.fr, réalisée par Benjamin Tardif début avril.

Je la reposte :)

La Sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann nous confie ic la vision de François Mitterrand sur l’Ukraine en 1992 :

Source: http://www.les-crises.fr/mitterrand-sur-l-ukraine-mnl/


François Hollande ? “Plaisir de trahir, joie de décevoir”, par Laurent Binet

Wednesday 13 August 2014 at 01:07

Ex-soutien du président, l’écrivain Laurent Binet est stupéfait par la politique menée aujourd’hui. Il l’écrit pour la première fois dans “le Nouvel Observateur”, en kiosque le 10 juillet.

Finalement, il y aura quand même eu un changement sous le quinquennat de François Hollande.

Il ne s’agit pas, naturellement, du tournant social-démocrate imaginaire que seules l’inculture historique, la complaisance proverbiale et la dépolitisation fondamentale de certains journalistes ont pu accréditer un instant.

Politiquement, le déroulement des opérations a été au contraire remarquablement rectiligne : des premières semaines (ratification du traité européen, hausse de la TVA, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) aux dernières en date (intermittents, pénibilité), l’inconcevable succession de reniements s’est égrenée avec une formidable constance.

D’autres journalistes ont toutefois mis le doigt sur la nature exacte du changement :

C’est dans le discours qu’il s’est passé quelque chose. Maintenant, Hollande assume, il a fait son “coming out”, etc.

A l’époque où cette antienne a émergé, ils avaient tort. Dire “social-démocratie” pour “néolibéralisme” ou bien inventer l’oxymore “socialisme de l’offre” pour “politique de droite”, c’est faire un usage des mots politiquement classique : mentir, dissimuler, se justifier par des contorsions rhétoriques, essayer d’abuser un auditoire ou de sauver les apparences.

Un homme politique fait des promesses, les électeurs font semblant d’y croire, c’est le jeu. En littérature, on appelle ça la suspension d’incrédulité. En politique, c’est une campagne électorale. A charge pour l’élu de justifier, par la suite, son incapacité à appliquer son programme malgré toute sa bonne volonté : la conjoncture, l’Europe, la crise des subprimes, etc.

Certes, l’impression de rouleau compresseur, de systématicité infernale dans l’alignement sur le patronat rendait le quinquennat de Hollande particulièrement pénible et, d’une certaine manière, encore plus violent que le précédent, mais enfin, la méthode langagière était la même : le déni en dépit du bon sens. On se souvient, par exemple, de la phrase deCahuzac à un Mélenchon éberlué : “La réforme fiscale est terminée.” C’était encore l’époque de la trahison tranquille.

La “provocation” (comme il l’a qualifiée lui-même) de Michel Sapin, déclarant que, tout compte fait, “notre amie, c’est la finance”, nous fait basculer dans une autre dimension.

Ce n’est pas seulement que ce cynisme goguenard nous dégoûte. Après tout, il y a une forme de panache dans ce crachat à la gueule des électeurs.

(Panache entaché toutefois par la précision que Sapin a cru bon d’apporter, ajoutant le ridicule à l’abjection : la “bonne finance” évoquant irrésistiblement le sketch des Inconnus sur le bon et le mauvais chasseur.) Mais c’est, d’une certaine manière, une déclaration de guerre. Le message ne peut pas être plus clair : les mots ne veulent rien dire, ils sont réversibles comme des gants, ne nous écoutez jamais, ne croyez jamais ce qu’on vous dit, on vous a entubés jusqu’à la garde, abandonnez toute espérance, après nous le déluge. Et Hollande qui ne cessait de répéter, pendant la campagne, qu’il voulait installer la gauche au pouvoir dans la durée…

L’écrivain Laurent Binet, le 11 juillet 2012. (Eric Dessons/JDD/Sipa)

L’Histoire se souviendra de ces hommes comme de la cinquième colonne du Medef, je crois que la cause est entendue. L’explication n’est sans doute pas à chercher très loin : ni soumission ni incompétence mais complicité de classe, tout simplement. Il restera quand même ce mystère : quelle ivresse, quelle étrange perversité les aura conduits à exhiber, à mettre en scène de façon aussi spectaculaire leur duplicité ?Plaisir de trahir, joie de décevoir.

“La gauche peut mourir”, dit l’assassin. Mais non, la gauche ne mourra pas. C’est elle ou vous, et ce sera vous, parce que les idées de justice sociale auxquelles vous avez tourné le dos sont éternelles, tandis que vous êtes déjà oubliés. Ce masque que Michel Sapin a laissé tomber dans son geste de folle théâtralité, il y aura toujours des gens pour le ramasser et, l’Histoire nous a aussi appris ces choses-là, certains parmi eux qui seront dignes de le porter.

Source : Nouvel Obs

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La pathétique réponse de Sapin

Michel Sapin à Laurent Binet : “Joie de l’invective, plaisir de blesser”

L’écrivain a certes la liberté de l’écriture dans l’usage des mots et des formules au service de son idéal. L’homme politique, lui, a la responsabilité de la parole et le privilège des actes qui construisent le réel.

Mais il est des bornes à tout et la violence inutile et injuste de la tribune coup de gueule de Laurent Binet m’autorise et même m’oblige à lui répondre.

Le 15 septembre 2008, la banque Lehman Brothers s’écroulait, victime d’elle-même, de ses imprudences et des impudences d’une finance débridée et livrée à elle-même. Les conséquences de cet effondrement furent terriblement douloureuses et sont encore effrayantes. Les destructions économiques, les violences sociales, les désordres budgétaires sont à l’évidence les produits de cette finance qui est la pire ennemie du développement économique, de la cohésion sociale et de l’équilibre budgétaire. Cette finance sacrifie la construction de l’avenir à l’appât du gain immédiat. Il fallait la dénoncer, cette finance, “sans nom, sans visage, sans parti”, comme l’a fait avec conviction et talent François Hollande dans son fameux discours du Bourget, discours que chacun devrait relire en entier aujourd’hui pour en percevoir tout l’élan, toute la chaleur, toute la justesse et tout l’équilibre.

Il fallait la combattre, cette mauvaise finance, en mettant en place les règles indispensables à sa domestication, en luttant contre les fraudes fiscales insolentes, contre les fortunes amassées en quelques heures sans cause et sans risque.

Il faut continuer à la combattre sans relâche, sans indulgence, sans faiblesse, cette finance qui reste et restera notre ennemie, car elle est l’ennemie de l’intérêt général et tout simplement l’ennemie des peuples et des nations.

14 janvier 2013, la croissance reprend en Europe et en France, mais elle reprend trop lentement pour reconstruire ces tissus économiques sociaux et budgétaires détruits par cette mauvaise finance. François Hollande lance le pacte de responsabilité et de solidarité. Il faut mobiliser les acteurs privés et publics pour répondre au défi majeur des mois et des années qui viennent, l’investissement et l’emploi.

Et pour investir, qu’il s’agisse d’une entreprise qui veut acheter une machine et créer un emploi, d’un particulier qui veut acquérir un logement ou d’une commune qui veut construire une crèche, il faut trouver les financements nécessaires, la finance prête à s’engager sur la longue durée, la bonne finance qui mobilise l’épargne au service des Français.

C’est le sens de l’action de la Banque publique d’Investissement ou de la mobilisation de la Banque européenne d’Investissement. C’est le sens de la réorientation progressive de l’épargne investie dans des placements sans enjeu et sans ambition vers des placements qui s’engagent dans la durée pour appuyer les entreprises, avant tout les PME PMI, et soutenir les investissements publics des collectivités.

Oui, il existe, loin des représentations totalitaires et du manichéisme des extrêmes, une finance, une bonne finance, fruit de l’épargne privée, une bonne finance qui aidera la France à retrouver la croissance créatrice d’emplois, porteuse de solidarités et source de désendettement. Car c’est cet endettement trop élevé qui met nos finances publiques entre les mains des marchés – ces mêmes marchés qui se révèlent volatils, voire voraces, à l’image de ces fonds vautours qui, aujourd’hui encore, cherchent à asphyxier un pays comme l’Argentine.

Tel est le sens évident, à qui veut bien y réfléchir quelques secondes, de ma phrase désormais fameuse, qu’il vaut mieux citer dans son intégralité pour ne pas la travestir par malhonnêteté :

La finance est mon amie, la bonne finance, la mauvaise finance est mon ennemie et le restera toujours.”

L’invective se veut blessante, mais elle rend impuissant ; elle est le masque du cynisme et de la dictature. La réflexion aide à l’intelligence et donne de la force à l’action ; elle est le visage de la conviction et de la démocratie. Oui, l’histoire nous a appris ces choses-là, ne les oublions pas.

Source : Nouvel obs

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La vision de Jean-Michel Naulot

“Notre amie c’est la finance, la bonne finance…”. Réponse à Michel Sapin.

Tribune publiée dans L’Humanité Dimanche (31 juillet 2014).

La petite phrase du ministre a beaucoup fait rire dans certains milieux mais elle a choqué nos concitoyens. En quelques mots, le ministre a vidé de son contenu le discours du Bourget. Il est vrai que la déclaration de guerre du Président à la finance devenait un peu gênante après le récent virage libéral ! Michel Sapin a en quelque sorte rendu service à un ami… Mais à quel prix ! Cela donne le sentiment que l’on peut tout dire en politique, une chose et son contraire, même sur des sujets graves. Or, c’est précisément ce double discours qui tue la politique.

En deux ans, nous avons eu plusieurs exemples de ce grand écart entre la parole et les actes. D’abord, le Traité de stabilité budgétaire (TSCG) qui devait être renégocié et qui a été signé tel quel. Angela Merkel a beau jeu de rappeler à tout propos le texte du traité. Ensuite, la loi bancaire qui avait pour objet de montrer que l’on « s’occupe de la finance » et qui n’a pratiquement rien changé dans la vie des banques. Les financements aux fonds spéculatifs n’ont même pas été filialisés. Enfin, la manière de procéder pour mener à bien le projet de taxe sur les transactions financières (TTF) a été particulièrement cynique. Pierre Moscovici avait affirmé très solennellement qu’elle devait rapporter « plusieurs dizaines de milliards d’euros » et au final nous avons eu une vraie peau de chagrin. Rien d’étonnant puisqu’il a lui-même plaidé en coulisse pour une taxe minimale. Comment nos concitoyens pourraient-ils ensuite faire confiance à leurs dirigeants politiques ?

Lorsque Michel Barnier a présenté son projet de réforme des banques systémiques, le gouvernement aurait dû immédiatement approuver le principe de l’interdiction des activités spéculatives. Au lieu de cela, on a assisté à une levée de boucliers ! Sept ans après le déclenchement de la crise financière, il est stupéfiant de constater que l’on s’interroge encore à ce sujet. On nous explique que l’Union bancaire va réduire le risque systémique mais c’est une contre-vérité. Que pèseront en cas de crise bancaire les 55 milliards du fonds de résolution ? Pour les seules banques françaises, les produits dérivés représentent plus de 90000 milliards d’euros, 45 fois le PIB. Le comble du double discours vient d’être atteint avec la déclaration du gouverneur de la Banque d’Angleterre. Mark Carney vient d’affirmer qu’il allait financer le shadow banking pour assurer le développement de la City alors qu’il préside le Conseil de stabilité financière, le bras armé du G20 en matière de régulation financière !

Le fond du problème, c’est que les dirigeants occidentaux n’ont pas pris la dimension des ravages provoqués par le capitalisme financier, un déséquilibre historique entre la finance et l’économie réelle. Ce déséquilibre ne cesse de croître avec les liquidités injectées massivement par les banques centrales, des liquidités qui s’investissent à très court terme dans la spéculation. Croire que l’on peut développer la « bonne finance » dans un tel contexte, c’est avoir une vision très réductrice des réformes qui restent à accomplir. C’est le système qu’il faut changer. Tant que l’on n’aura pas réduit ce déséquilibre, on s’exposera à des crises systémiques. Dédramatiser le débat comme vient de le faire le ministre, c’est prendre le risque de différer les vraies réformes.

Post-scriptum (11 août) : Dans l’édition du Nouvel Observateur du 7 août, Michel Sapin tente de réduire la portée de sa déclaration d’Aix-en-Provence en précisant qu’il a ajouté : « La mauvaise finance est mon ennemie et le restera toujours ». Mais cette précision du ministre ne change rien quant au fond. Elle énonce une évidence. Quel homme politique, de droite ou de gauche, quel économiste oserait affirmer le contraire ? La contradiction entre la déclaration d’Aix et le discours du Bourget ne se limite pas à des problèmes de sémantique. Cela n’a pas échappé à nos concitoyens. J.M. N.

Source : son blog 

Source: http://www.les-crises.fr/francois-hollande-plaisir-de-trahir-joie-de-decevoir-par-laurent-binet/


Énorme : BHL à la télé ukrainienne…

Tuesday 12 August 2014 at 13:50

Du “grand” Bernard-Henri Lévy…

Alors bonus pour les plus courageux : le passage de BHL à la télé ukrainienne ! (toute mon estime à ceux qui iront jusqu’au bout)

TRANSCRIPTION : 

0:15 La révolution est finie mais pas la guerre. L’Ukraine est victime d’une agression, une agression brutale de la part de Monsieur Poutine. Pas le peuple russe, Poutine ! 

0:33 Et je suis venu soutenir le peuple Ukrainien Je suis venu saluer la ville d’Odessa, et je serai demain soir à l’opéra d’Odessa pour jouer une pièce que j’ai écrite pour l’Ukraine

0:56 C’est une pièce de théâtre pour l’Ukraine et sur l’Ukraine, sur l’Ukraine européenne, sur la grande tradition européenne de l’Ukraine, demain soir, à l’opéra d’Odessa, je vais dire qu’Odessa est une grande ville européenne. Demain soir, à l’opéra d’Odessa, je vais dire qu’Odessa est une capitale de Europe et je vais venir saluer, très humblement (sic) l’esprit de résistance européen d’Odessa. C’est pour ça que je suis venu

1:58 Vous savez, les peuples, le peuple Europe est avec vous. Les dirigeants sont frileux, les dirigeants ont peur de Poutine, nos dirigeants. Mais nos (sics) peuples sont avec vous. Ils admirent la résistance du peuple ukrainien, ils admirent ce qui c’est passé sur le Maïdan, à Kiev et à Odessa, donc il faut bien que vous compreniez cela. Je suis ici le représentant de ces opinions publiques européennes, ces opinions publiques elles savent que le coeur de Europe bat à Odessa, et demain soir à l’Opéra, c’est ça que je vais dire. Le coeur battant de l’Europe, il est à Odessa. Et c’est pas moi qui le pense, c’est la majorité du peuple français, c’est la majorité des peuples européens, et je suis ici, leur modeste porte parole, leur modeste représentant.

Question inaudible

3:30 En tout cas c’est une belle révolution et c’est une belle révolution européenne. Le personnage de ma pièce, demain soir, dit la chose suivante : Il dit, au fond, en Ukraine c’est la première fois que des jeunes hommes et des jeunes femmes meurent en serrant dans leurs bras le drapeau de l’Europe. Aucun français, aucun allemand n’est mort en serrant dans ses bras le drapeau de l’Europe. Sur le Maïdan à Kiev, oui, la centurie céleste des morts du Maïdan ce sont des hommes et des femmes qui sont morts pour l’Europe. C’est ça que je dis demain soir à l’opéra d’Odessa. Et pour une européen comme moi c’est tellement émouvant, la jeunesse de Kiev et la jeunesse d’Odessa nous a donné une grande leçon d’Europe, voila pour moi le sens de cette révolution.

Question “les paroles ne peuvent pas retourner les vies humaines” (?)

5:21 Écoutez ! J’espère que Europe ne se contentera pas de paroles, j’espère qu’il y aura de plus en plus d’actes de solidarité. Un exemple ! Mon pays, la France, comme vous le savez a promis eux navires à la Russie, deux Mistral, ça n’est pas possible, la France ne peut pas livrer à Poutine, aujourd’hui des navires de guerre. Le président Hollande qui a reçu le président Porochenko, ne peut pas livrer des bateaux de guerre à Poutine. Alors ça je le dis ici, je le dis dans la pièce de demain à l’opéra d’Odessa, mais je le dis aussi à Paris, et je le dis aussi au président français Hollande et j’espère que je gagnerai. J’espère que ces bateaux ne seront pas livrés. J’espère que ces contrats seront rompus.

7:00 Parce que le commerce c’est bien, mais la morale c’est tellement mieux et tellement plus important et la morale aujourd’hui elle est du coté de l’Ukraine. Et la violence, la barbarie, le fascisme sont du coté de Poutine. La France doit choisir son camp et je pense qu’elle en train de le choisir. C’est une information exclusive que je vous donne là ! (sourire pincé du présentateur)

(question inaudible)

7:47 Non, non, non ! J’ai dit le contraire, sur le Maïdan à Kiev j’ai dit “Attention ! Poutine est capable de tout, Poutine est un impérialiste, Poutine est un néo-fasciste, Poutine est inspiré par un idéologue qui s’appelle Douguine Et le plan de Douguine c’est l’Eurasie, donc l’Ukraine”. J’ai dit ça sur le Maïdan. J’ai dit aux jeunes du Maïdan : Attention ! Vous avez face à vous un adversaire redoutable, capable de tout.

8:45 Je vais aller voir tout à l’heure des blessés, des réfugiés du Dombass ; pour moi ce sont des héros d’ailleurs, ils affrontent une des plus puissantes armée du monde. L’Europe a peur de Poutine, les militaires dans le Dombass n’ont pas peur de Poutine. Les civils dans Dombass n’ont pas peur de Poutine, ils sont les sentinelles de Europe, je vais donc aller les saluer et je vais leur dire comme sur le Maïdan à Kiev : “Vous êtes braves , mais Poutine est barbare, il est capable de tout !”

Question “démonisation de Poutine”

9:55 Il y a une tradition en Europe qui s’appelle “l’esprit de Munich”, c’était en 1938, face à Hitler, ont a donné à Hitler ce qu’il voulait : les Sudètes, la Tchécoslovaquie, l’Autriche et on a dit “Ouf, on a la paix !”. Ça, ça s’appelle “l’esprit de Munich”. C’est une vieille tradition européenne, une tradition horrible, une tradition honteuse, une tradition contre laquelle je me suis battu toute ma vie et contre laquelle je me bat encore, et bien c’est cette tradition qu’on voit revenir à propos de Poutine. L’Europe a peur de Poutine comme elle avait peur d’Hitler, mais ce qu’elle ne comprend pas, c’est que les gens comme Hitler ou comme Poutine il faut les arrêter tout de suite. Plus on attend plus ce sera difficile. C’est pas la même chose Hitler et Poutine, naturellement, naturellement, mais l’attitude de Europe c’est la même, c’est “l’esprit de Munich” et c’est ce contre quoi la pièce que vous allez voir demain soir, c’est ce contre quoi elle se bat.

11:43 J’ai écris une pièce contre “l’esprit de Munich”, contre le défaitisme des Européens. Les Européens ont peur de leur ombre, c’est ça que dit “Hôtel Europe”. “Hôtel Europe” qui aurait pu s’appeler “Hôtel Ukraine”. C’est un hôtel qui a brûlé à Sarajevo, il y a 20 ans, bombardé par les Serbes. “Hôtel Ukraine” c’est le nom d’un hôtel sur le Maïdan à Kiev, qui a brûlé aussi, à cause des tirs des Berkut. “Hôtel Europe”, “Hôtel Ukraine”, la Serbie, la Russie, la résistance des gens de Sarajevo, la résistance du Maïdan, tout ça se mélange dans ma pièce, parce que c’est la même histoire qui se répète.

Trop fort, l’”Hôtel Ukraine” était tenu par les Maidan, et c’est de là que sont partis certains tirs de snipers sur les manifestants…

13:08 La barbarie des hommes d’un coté et l’esprit de résistance et l’héroïsme et la grandeur des hommes de l’autre coté. Et moi j’admire l’esprit de résistance, j’admire cet esprit de grandeur qui s’empare de gens simples, à Kiev et à Odessa comme à Sarajevo où comme en France à l’époque de la résistance contre le nazisme, des gens simples saisis par la grandeur qu’ils ont en eux, c’est la sujet de la pièce que vous allez voir demain soir, et c’est la chose au monde qui me semble la plus belle et c’est ce que je suis venu dire à Odessa.

Question : “ne va t’on pas découvrir dans un an que nous sommes les Sudètes que Hitler a pris en premier ?”

14:28 Je ne crois pas que vous serez les Sudètes, parce que vous avez une armée qui se bat, et parce que vous avez des civils qui résistent. Vous savez, pendant la campagne électorale, j’étais avec le futur président Porochenko dans certaines villes de l’Est, j’ai accompagné le candidat Porochenko dans des villes que l’on appelle en France, en europe des villes russophones ou même séparatistes, je n’ai pas vu ça moi, j’ai vu des patriotes Ukrainiens, j’ai vu des antis-impérialistes, c’est à dire des antis-Poutine. J’ai vu des dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui venaient écouter Monsieur Porochenko et qui venaient dire leur amour de l’Ukraine, une et indivisible. Donc vous ne perdrez pas. J’en prends le pari aujourd’hui. Cette Ukraine que l’on disait faible il y a six mois, elle est forte aujourd’hui, elle est fière et elle gagnera. Ce sera mon message aussi demain soir à l’opéra.

“Merci de votre visite”

P.S. je rappelle qu’Orwell était parti combattre en 1936. BHL peut bien choisir le camp qu’il veut, mais ce dont ce camp a besoin, c’est d’un philosophe qui prenne les armes et vienne l’aider, pas d’un bobo venant jouer une pièce de théâtre…

30 ans d’escroquerie intellectuelle :

a

Source: http://www.les-crises.fr/enorme-bhl-a-la-tele-ukrainienne/


[Reprise] Modi conduit l’Inde sur la Route de la Soie, par M.K. Bhadrahumar

Tuesday 12 August 2014 at 04:30

Ça fait du bien un peu d’intelligence géopolitique…

Par M.K. Bhadrahumar. Article publié dans rediffNEWS, le 7 août 2014: Modi leads India to the Silk Road (traduction: JFG-QuestionsCritiques).

Avec Pékin qui repense de fond en comble l’admission de l’Inde en tant que membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai, les plaques tectoniques de la géopolitique d’un énorme pan de la planète, s’étendant de l’Asie-Pacifique à l’Asie occidentale, se déplacent spectaculairement.

JFG-Modi.jpg

A première vue, la Chine a été jusqu’à présent réticente à l’admission de l’Inde en tant que membre à part entière de l’Organisation de la Coopération de Shanghai (OCS).

Selon les dernières informations, Pékin aurait revu sa position de fond en comble.

Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OCS, jeudi dernier à Douchanbe, au Tadjikistan, il a été décidé que le groupe invitera officiellement l’Inde, le Pakistan, l’Iran et la Mongolie, en tant que membres, lors du prochain sommet de l’OCS en septembre prochain.

On peut être sûr que la Russie s’en réjouira. Un expert à Moscou a rapidement estimé que l’admission de l’Inde dans l’OCS ouvrira la voie au groupe pour qu’il tienne bon en tant que « centre de pouvoir de la politique mondiale ».

Ne vous y trompez pas, ces plaques tectoniques de la géopolitique d’un pan immense de la planète, s’étendant de l’Asie-Pacifique à l’Asie occidentale, se déplacent de façon spectaculaire, et ce crissement dans les steppes d’Asie Centrale se fera entendre très fort dans le lointain – jusqu’en Amérique du Nord.

Une grande question reste en suspens : Qu’est-ce qui a poussé la Chine à revoir sa position ?

Nous savons que lors de la rencontre d’une heure et demie entre le Premier ministre (indien) Narendra Modi et le Président chinois Xi Jinping, à Fortaleza au Brésil, en marge du récent sommet des BRICS, la question du rôle de l’Inde dans l’OCS a été abordée.

Plusieurs raisons pourraient être attribuées à la « nouvelle réflexion » de Pékin. Avant tout, la Chine a peut-être le sentiment que sous la direction de Modi, l’Inde est prête à poursuivre une politique étrangère véritablement indépendante.

L’idée d’une « politique étrangère indépendante » a été un cliché dans le discours indien, que les gouvernements successifs ont fait circuler de façon cavalière.

Mais la vérité crue est que depuis que l’Inde s’est embarquée dans des réformes économiques, il y a une vingtaine d’années, le monde occidental industrialisé – les Etats-Unis en particulier – s’est arrogé la situation centrale dans le calcul indien.

Des changements subtils de la trajectoire de la politique étrangère indienne, fortement aidés par les groupes d’intérêts et les lobbies indiens, en ont résulté.

Au cours des dix dernières années, sous la direction du Premier ministre Manmohan Singh, cette tendance est devenue très prononcée, et l’Inde a parfois semblé succomber aux charmes d’une nouvelle forme d’enfermement – de l’esprit.

Il n’est pas surprenant que l’hésitation de la Chine était nourrie jusque-là par son inquiétude tacite que l’Inde pourrait travailler pour les Américains au sein du camp de l’OCS, à la façon d’un « cheval de Troie », ce qui était évidemment inacceptable puisque ce groupe a été d’une importance capitale pour Pékin dans la poursuite de sa politique régionale, ainsi que pour protéger son intégrité territoriale et sa sécurité nationale.

C’est à partir d’un tel point de vue que l’imprimatur de Modi, qui est déjà visible dans la politique étrangère de l’Inde, doit être jugé. Manifestement, la globalité de la politique étrangère indienne est remise à l’heure.

Modi s’en est allé à la réunion des BRICS en frétillant comme un poisson dans l’eau, ce qui a surpris la plupart des observateurs indiens qui s’imaginaient que les groupes d’intérêts qui ont soutenu le plus bruyamment sa candidature dans les élections législatives d’avril dernier attendaient de lui qu’il suive une « politique étrangère pro-américaine, motivée également par le besoin impérieux d’adopter une approche musclée dans les relations indiennes problématiques avec la Chine et le Pakistan.

Cependant, les rencontres de Modi en marge du sommet des BRICS avec Xi Jinping et le Président russe Vladimir Poutine ont réveillé sa conviction que les intérêts à long terme de l’Inde sont mieux servis en forgeant des partenariats stratégiques étroits avec ces deux puissances mondiales.

Une fois encore, selon toute attente, plutôt que de d’adopter une position belliqueuse, Modi a lâché les colombes de la paix dans les cieux de l’Asie du Sud.

Et surtout, il a pris la décision audacieuse d’exiger de Delhi de ne pas ratifier pas l’accord de l’OMC sur la facilitation des échanges qui mettait en danger la sécurité alimentaire de l’Inde.

Modi a pris cette décision dans l’intérêt national, impassible quant au fait qu’il doit se rendre aux Etats-Unis, et anticipant qu’elle sera vue comme un acte peu obligeant par l’administration de Barack Obama et qu’elle agacera l’establishment à Washington et les lobbies d’affaires américains.

Ce qui ressort de tout ceci est que Modi a une vision mondiale concernant les relations mutuelles des forces au plan international aujourd’hui et qu’il peut mesurer où se trouvent les intérêts essentiels de l’Inde.

Modi est un personnage solitaire et énigmatique et il n’a quasiment rien dit sur la politique mondiale, mais il semble y avoir beaucoup réfléchi dans l’intimité de son esprit. On ne prend pas beaucoup de risques en disant cela.

Inutile de dire que Modi a soutenu l’émergence de la banque de développement des BRICS avec beaucoup de circonspection, sachant pleinement qu’une telle mesure défie la domination du dollar américain dans l’économie mondiale et qu’elle sapera sérieusement le système de Bretton Woods qui a fourni un soutien vital pour l’avancement et la préservation de l’hégémonie planétaire des Etats-Unis au cours des dernières décennies.

S’il l’on veut s’aventurer à formuler une construction intellectuelle sur de telles tendances, comme on a pu le voir au cours des 70 derniers jours, lesquelles pourraient finalement s’intégrer à la « Doctrine Modi », cela comprendrait probablement les éléments suivants :

Les éléments ci-dessus sont plus ou moins visibles et leur interaction présente une vision engageante.

Les sinistres prédictions concernant Modi en tant qu’homme se sont avérées être largement des idioties – par exemple, qu’une vilaine confrontation entre l’Inde et le Pakistan était inévitable une fois que Modi deviendrait Premier ministre.

Ou que l’ALP chinoise [l’armée de libération du peuple] « testerait » le cran de Modi en établissant une tente ou deux sur le territoire indien disputé.

Mais rien de la sorte ne s’est produit. Les analystes perspicaces, au contraire, ont noté quelques attitudes accommodantes de la part de la Chine envers l’Inde au cours de la période la plus récente.

De la même manière, c’est avec la Chine, jusqu’à présent, que Modi a engagé le dialogue le plus intensément.

Un corpus important d’experts indiens a catégoriquement prédit que Modi formerait un axe avec son homologue japonais Shinzo Abe pour contrer l’« assurance » de la Chine dans la région Asie-Pacifique.

Il est toutefois singulier que lorsque Modi ira voir Obama (ou Abe), il aura déjà rencontré deux fois Xi Jinping.

Si l’on retourne à l’adhésion imminente de l’Inde à l’OCS, il y a trois saillants qui attirent l’attention.

Premièrement, le moment choisi par l’OCS pour décider d’admettre l’Inde ; deuxièmement, comment l’OCS est prête à évoluer ; et troisièmement, ce que peut tirer l’Inde de cette adhésion à l’OCS. Chacun de ces points nécessite d’être exposé minutieusement.

JFG-Kerry-Modi.jpg

Durant sa visite à New Delhi la semaine dernière, un regroupement de médias a demandé au ministre des Affaires étrangères John Kerry (à gauche sur la photo, en compagnie du Premier ministre Modi et de sa ministre des Affaires Sushma Swaraj) où se situerait l’Inde dans l’ordre des choses selon Washington en ce qui concerne les récentes sanctions prises contre la Russie.

Kerry a reconnu qu’il était déçu mais semblait résigné devant la position de l’Inde. « Nous serions évidemment très contents que l’Inde nous rejoigne à ce sujet (les sanctions). Mais c’est à eux de décider. C’est le choix de l’Inde ».

Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’OCS prend cette décision d’admettre l’Inde en son sein à un moment décisif de la politique de l’ère de l’après-guerre froide.

L’adhésion de l’Inde à l’OCS avance à grand pas avant la toute première rencontre entre Modi et Obama [en septembre prochain]. Le point important est que l’OCS prend également une décision calculée d’inviter l’Inde à devenir membre à part entière.

La toile de fond de cette décision de l’OCS est extrêmement pertinente. Les Etats-Unis poursuivent une double politique d’endiguement vis-à-vis de la Russie et de la Chine, les deux principaux acteurs de l’OCS. Les Etats-Unis, d’un autre côté, ont courtisé assidûment l’Inde en tant qu’alliée stratégique.

Du point de vue des Américains, l’adhésion de l’Inde à l’OCS impactera inévitablement la trajectoire future du partenariat stratégique indo-américain, alors même que l’Inde sera indisponible comme « contrepoids » contre la Chine ou comme complice pour « isoler » la Russie.

L’inde étant une puissance majeure en Asie, sa politique de « non-alignement » fait grincer la stratégie de rééquilibrage des Etats-Unis.

Sur un plan plus fondamental, il faut comprendre que si l’OCS a souvent été appelée « l’Otan de l’Est », ce n’est pas sans raison – bien que ce regroupement soit loin d’être une alliance militaire au sens classique du terme.

L’OCS a refusé le vide de sécurité apparaissant en Asie Centrale, que l’OTAN a peut-être saisi comme alibi pour y mettre les pieds. Formulé différemment, tant que l’OCS est là, l’expansion de l’OTAN vers l’Est au-delà du Caucase reste bloquée.

En attendant, il faut aussi prendre en compte que l’OCS et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) travaillent main dans la main sur la sécurité régionale.

Ces deux organisations défient la stratégie des Etats-Unis de projeter l’Otan comme une organisation mondiale de sécurité.

L’admission de l’Inde, du Pakistan, de l’Iran et de la Mongolie constitue un revers majeur pour les stratégies des Etats-Unis dans cette région.

Pour une bonne raison, une OCS élargie apporte une « profondeur stratégique » à la Russie. Les sanctions des Etats-Unis et de l’Union européenne contre la Russie seront rendues encore plus impuissantes.

L’OCS affaiblit l’emprise américaine dans les négociations sur l’Iran, alors que le régime de sanctions destiné à isoler l’Iran devient non viable.

Elle paralyse la stratégie américaine de « pivot » en Asie et réduit la capacité des USA à dicter ses conditions à l’Afghanistan (ou au Pakistan).

En termes stratégiques, la réalité frappante est que d’ici la fin de l’année, l’OCS comptera parmi ses membres quatre puissances nucléaires plus une « puissance au seuil du nucléaire ».

En termes géopolitiques, l’OCS sortira d’Asie Centrale et ira tremper ses orteils dans l’Océan Indien et le Golfe Persique.

Il est entièrement concevable qu’à un moment ou un autre, dans un avenir plus proche qu’éloigné, les pays de l’OCS commenceront à effectuer leurs échanges commerciaux dans leurs monnaies nationales, créant des institutions bancaires pour financer les projets interrégionaux et formant des régimes commerciaux préférentiels.

Il est inutile de dire qu’avec l’Inde, le Pakistan et l’Iran dans le camp de l’OCS, ce regroupement devient un acteur de premier plan en Afghanistan.

La montée en puissance de l’OCS entrave sérieusement la capacité des Etats-Unis de manipuler les forces de l’Islam radical et du terrorisme comme instruments de politique régionale en Asie Centrale et en Afghanistan.

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Il ne fait aucun doute, selon le point de vue afghan, que l’OTAN cesse d’être seul en scène. Cela ne peut que renforcer l’indépendance de l’Afghanistan et permettre à ce pays de regagner sa souveraineté nationale.

Une OCS élargie ne peut que voir avec inquiétude le jeu des Etats-Unis et de l’Otan visant à établir des bases militaires en Afghanistan et à déployer le système de défense antimissile dans l’Hindou-Kouch.

En somme, l’enrôlement de l’Inde, du Pakistan et de l’Iran changerait complètement la donne pour l’OCS. Pour la première fois dans l’histoire moderne, une organisation de sécurité collective prendrait forme sur un immense territoire peuplé de quelque trois milliards de personnes.

Cela donnerait un coup de fouet significatif à l’élan vers la multipolarité de la politique mondiale en défiant le rôle central de l’ONU pour faire respecter la loi internationale.

Comment l’Inde peut-elle faire usage de sa qualité de membre de l’OCS. Il y a quatre ou cinq directions dans lesquelles la diplomatie indienne peut espérer explorer de nouvelles frontières. L’histoire de l’OCS fournit quelques indications utiles.

Depuis sa conception au milieu des années 1990, l’OCS a fourni une plate-forme à la Russie, à la Chine et aux Etats d’Asie Centrale, pour tourner la page des fantômes du passé, à savoir le legs amer des animosités de l’ère soviétique.

L’OCS a offert un nouveau modèle de relations fondé sur l’égalité, le partage des préoccupations et la communauté des intérêts, qui, à son tour, a aidé à créer la confiance conduisant à la résolution de leur disputes frontalières et l’harmonisation de leurs objectifs en matière de sécurité régionale.

Il y a là beaucoup de matière à réflexion pour l’Inde. Une fenêtre d’opportunité s’ouvre pour les diplomates indiens de travailler avec la Chine et le Pakistan dans un esprit similaire à ce qu’a fait la Chine avec ses adversaires d’autrefois de l’ère soviétique.

Une fois encore, ce n’est pas une mince affaire que les chefs militaires ou de l’espionnage de l’Inde, de la Chine et du Pakistan puissent se réunir et agir ensemble sous la tente de l’OCS sur une base régulière et dans un cadre institutionnalisé, échanger des notes et commencer à rechercher des solutions aux problèmes régionaux.

Pour le moins, le risque d’un conflit entre l’Inde et le Pakistan pour le contrôle de l’Afghanistan serait minimisé, ce qui encouragerait le Pakistan, espérons-le, à prendre un nouveau cap lui faisant abandonner son obsession pour la « profondeur stratégique ».

Curieusement, l’adhésion à l’OCS fait des Indiens et des Pakistanais des compagnons d’armes pour stabiliser l’Afghanistan. Bien sûr, un tel revirement des évènements ne peut qu’avoir des retombées positives sur le climat général des relations indo-pakistanaises.

Une fois encore, l’OCS permet à l’Inde de faire monter en régime sa politique régionale et ce n’est pas un petit gain que la sécurité régionale ne soit pas prise en otage par la politique imprévisible et capricieuse des Etats-Unis vis-à-vis de l’Afghanistan.

Finalement, la Route de la Soie en tant que telle bénéficierait d’une embellie massive et, au sein de la structure de l’OCS, l’Inde pourrait aspirer à avoir un meilleur accès à l’Afghanistan et à l’Asie Centrale.

La sécurité énergétique de l’Inde a besoin également d’être renforcée. Le temps est peut-être venu pour la création d’un club énergétique de l’OCS, une idée qui a été soulevée en premier par Poutine, il y a une dizaine d’années.

De nouvelles possibilités se font jour pour les projets énergétiques trans-régionaux sous les auspices de l’OCS, comme le gazoduc Iran/Pakistan/Inde.

En termes généraux, l’adhésion à l’OCS rend la situation internationale dominante très favorable pour le développement général de l’Inde et son ascension en tant que puissance mondiale.

La meilleure chose à propos de l’OCS est qu’elle n’est pas dogmatique et que l’Inde peut préserver son « autonomie stratégique ». L’OCS n’est pas non plus dirigée contre quelque pays que ce soit de la communauté mondiale.

Bref, les Etats membres sont entièrement libres de poursuivre leur politique étrangère en accord avec leurs priorités nationales respectives.

C’est-à-dire que la qualité de membre de l’OCS ne fait pas obstacle au renforcement et à l’expansion de la coopération de l’Inde avec les Etats-Unis, laquelle présente de multiples facettes.

Au contraire, elle ne fait qu’améliorer la capacité de l’Inde de négocier une relation avec les Etats-Unis qui se baserait vraiment sur un pied d’égalité.

Inutile de dire que la qualité de membre de l’OCS donne une raison d’être supplémentaire et de la verve à la politique non-alignée de l’Inde.

Au cours des soixante dernières années, ou depuis que l’idée du non-alignement est née, le monde a changé de façon phénoménale et l’Inde s’est aussi transformée à en devenir méconnaissable. Mais l’idée du non-alignement en tant que tel continue d’avoir une très grande pertinence pour l’Inde.

Le défi intellectuel pour la diplomatie indienne aujourd’hui se trouve dans la réinterprétation de l’idée du non-alignement en accord avec l’esprit de notre époque, qui est caractérisé par la multipolarité de la politique internationale, afin de satisfaire les besoin de l’Inde dans la période à venir, en tant que puissance émergente.

C’est aussi ce que Jawaharlal Nehru aurait espéré que Modi fasse, en tant que successeur de valeur présidant au rendez-vous de l’Inde avec son destin à un tournant crucial de la politique mondiale.

Tout bien considéré, l’adhésion de l’Inde à l’OCS signifierait par conséquent que le gouvernement de Modi tire l’Inde à bout de bras en direction d’un monde multipolaire où les options politiques et diplomatiques du pays se multiplieront.

M.K. Bhadrahumar

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Autre point important, pour illustrer (ça fait toujours du bien de voir Le Monde avoir de la peine)

Sérieux revers pour l’OMC après l’échec de l’accord « historique » de Bali

Le Monde.fr avec AFP | 01.08.2014

C’est un « non » qui fait tout basculer. En raison du blocage du nouveau gouvernement indien, les 160 Etats membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont échoué, jeudi 31 juillet, à adopter le texte conclu à Bali lors de leur dernière conférence ministérielle en décembre 2013.

L’accord « historique », obtenu le 7 décembre 2013 après bien des tractations, portait sur la libéralisation des échanges commerciaux. Il s’agissait surtout du premier accord signé depuis la création de l’organisation en 1995, la sauvant ainsi de l’obsolescence, au prix toutefois d’une réduction de ses ambitions. L’accord de Bali ne répond en effet pas aux espoirs et ambitions de l’OMC d’une abolition globale des barrières douanières, exprimés tout au long des douze années de négociations infructueuses à Doha.

Les ambassadeurs avaient jusqu’au 31 juillet minuit pour s’accorder définitivement sur le texte. Le directeur de l’OMC, le Brésilien Roberto Azevedo, s’est entretenu toute la journée jeudi avec les coordinateurs des groupes régionaux au sein de l’OMC pour essayer de débloquer la situation, mais sans y parvenir.

« Nous n’avons pas pu trouver une solution qui nous permettrait de rapprocher les points de vue. Nous avons essayé tout ce que nous pouvions. Mais cela n’a pas été possible. »

M. Azevedo a par ailleurs instamment prié les membres de l’OMC de « réfléchir longuement et sérieusement aux répercussions de ce revers ». M. Azevedo n’a pas caché ses préoccupations pour la suite du processus de négociations à l’OMC.

Cet avis a été partagé par l’ambassadeur américain auprès de l’OMC, Michael Punke :

« Nous sommes évidemment tristes et déçus de voir qu’une petite poignée de pays n’étaient pas disposés à tenir leurs engagements pris à la conférence de Bali en décembre. Nous sommes d’accord avec le directeur général pour dire que cette action a placé l’institution sur un terrain très incertain. »

Lire l’éclairage de 2013 : « L’accord de Bali est d’une portée limitée et a surtout sauvé le crédit de l’OMC »

UN SEUL PAYS PEUT TOUT BLOQUER

L’accord conclu en décembre représente moins de 10 % du vaste programme de réformes lancé à Doha et concerne trois volets : l’agriculture, avec un engagement à réduire les subventions à l’export, l’aide au développement prévoyant une exemption accrue des droits de douane aux produits provenant des pays les moins avancés, et la « facilitation des échanges », qui ambitionne de réduire la bureaucratie aux frontières.

L’accord prévoyait aussi d’être adopté par tous les pays membres avant le 31 juillet à minuit. Mais le nouveau gouvernement indien est revenu la semaine dernière sur cet accord, en demandant qu’une solution permanente aux stocks alimentaires soit négociée d’ici au 31 décembre 2014, alors qu’à Bali, l’Inde avait accepté un moratoire jusqu’en 2017. A l’OMC, les décisions doivent être adoptées par consensus, et un seul pays peut tout bloquer.

ESPOIR AVEC LA VISITE DE JOHN KERRY EN INDE

Les Etats-Unis, l’Union européenne, les autres pays occidentaux dont la Suisse ainsi que beaucoup de pays en développement avaient regretté le durcissement de la position de l’Inde.

Un espoir de déblocage résidait dans la visite en Inde, jeudi, du secrétaire d’Etat américain John Kerry, à la tête d’une forte délégation, pour présider le cinquième dialogue annuel stratégique entre les Etats-Unis et l’Inde. Mais le gouvernement de New Delhi avait fait savoir qu’il n’entendait pas revenir sur sa position.

Source : Le Monde

Source: http://www.les-crises.fr/modi-conduit-linde-sur-la-route-de-la-soie/


BHL, UE, OTAN : Quand Porochenko perd les pédales…

Tuesday 12 August 2014 at 02:26

Rencontre entre Bernard-Henri Lévy et le Président Petro Porochenko, le 6 août 2014

Tiré du blog de BHL.

Communiqué de la présidence ukrainienne datant du 6 août 2014

Le Président Petro Porochenko s’est entretenu avec Bernard-Henri Lévy, philosophe et essayiste français de renommée mondiale.

Le Président lui a exprimé sa reconnaissance pour son soutien au peuple ukrainien. Le Chef de l’État a qualifié de « très symbolique », l’appellation « Format de Normandie » donné aux négociations de paix entre les délégation ukrainienne, allemande, française et russe. Il a également mis en avant l’implication de Bernard-Henri Lévy dans la mise en oeuvre de ces négociations.

Le Chef de l’État a ensuite souligné qu’à l’heure actuelle, les Ukrainiens étaient bercés par un sentiment d’unité et d’enthousiasme sans précédent.

Selon le Président Petro Porochenko, après la victoire de l’Ukraine et le rétablissement de la paix dans tout le pays, l’entrée dans l’Union européenne sera pour lui une perspective fondamentale. «Suite aux événements du Maydan, un nouvel État a émergé, une identité consciente, pour lequel le sens d’appartenir à l’Europe, la fidélité à ses valeurs et la conscience de sa responsabilité pour son propre avenir sont une partie intégrante», a–t-il dit.

M. Bernard Lévy a indiqué également la raison de son voyage en Ukraine : la lecture de sa pièce Hôtel Europe. Une avant-première de la pièce avait déjà été présentée à Sarajevo, le 27 juin, et c’est maintenant au tour d’Odessa, ce 8 août. «La Bosnie et l’Ukraine sont deux point douloureux de l’Europe qui saignent. L’Ukraine est l’un des derniers pays qui continue à avoir confiance en l’Europe», – a dit M. Lévy. Selon lui, jouer à Odessa est très symbolique: la ville est à la fois cosmopolite, multiculturelle, ouverte et, surtout, c’est une ville ukrainienne. «Ce spectacle, c’est mon cadeau», – a déclaré M. Lévy, en ajoutant que les tickets étaient gratuits, et qu’il comptait consacrer les sommes réunies au titre des contributions volontaires pour répondre aux besoins des soldats ukrainiens.

Source Originale sur le site de Porochenko

Porochenko a remis à M. Fogh Rasmussen (OTAN) l’Ordre de la liberté ukrainien, le 7 août 2014

Source

Voici le communiqué sur le site de l’OTAN :

L’Ukraine peut être assurée du soutien de l’OTAN, a déclaré le secrétaire général à Kiev

L’OTAN se tient aux côtés de l’Ukraine et, au sommet que l’Alliance tiendra le mois prochain au pays de Galles, elle cherchera à renforcer le partenariat qu’elle entretient avec ce pays, a déclaré le secrétaire général, M. Anders Fogh Rasmussen, au cours de sa visite à Kiev ce jeudi 7 août 2014. « Le soutien de l’OTAN en faveur de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine est indéfectible. Notre partenariat existe de longue date. Nos liens sont solides, et en réponse à l’agression russe, l’OTAN coopère d’autant plus étroitement avec l’Ukraine à la réforme des forces armées et des institutions de défense de ce pays », a-t-il ajouté.

Le secrétaire général a envisagé avec le président ukrainien Petro Porochenko la manière de renforcer le partenariat entre l’OTAN et l’Ukraine. Il s’est également entretenu avec le premier ministre Arseniï Iatseniouk, le ministre des Affaires étrangères Pavlo Klimkine et le président du Parlement Oleksandr Tourtchynov.

Le président Porochenko a remis à M. Fogh Rasmussen l’Ordre de la liberté ukrainien, pour sa contribution personnelle au développement des relations OTAN-Ukraine et son soutien en faveur de la souveraineté de l’Ukraine. « Nous soutenons l’Ukraine et votre combat pour la défense des principes fondamentaux sur lesquels nous avons construit nos sociétés libres », a-t-il déclaré en acceptant cette récompense.

En signe du ferme soutien et de la solidarité de l’OTAN, les Alliés ont décidé d’organiser une réunion spéciale avec l’Ukraine au sommet que l’OTAN tiendra le mois prochain au pays de Galles, ce qui contribuera à « rendre notre partenariat encore plus fort », a déclaré le secrétaire général. L’OTAN prodigue déjà à l’Ukraine des conseils en matière de planification de défense et de réforme de la défense, et l’Alliance est prête à intensifier son soutien. En juin, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN sont également convenus d’établir quatre fonds d’affectation spéciale pour aider l’Ukraine. Ceux-ci pourraient couvrir des domaines comme le commandement et le contrôle, la logistique et la reconversion des personnels militaires retraités.

Comme l’a indiqué le secrétaire général lors d’une conférence de presse, la Russie continue de déstabiliser l’Ukraine, plutôt que d’engager une désescalade, et a massé un grand nombre de forces à la frontière ukrainienne afin de protéger les séparatistes et d’utiliser n’importe quel prétexte pour intervenir plus avant.

« J’appelle donc la Russie à faire machine arrière. À s’éloigner de la frontière. À ne pas invoquer le maintien de la paix comme excuse pour faire la guerre. Je demande instamment à la Russie de suivre la voie de la paix. De cesser d’apporter son soutien aux séparatistes. De retirer ses troupes de la frontière ukrainienne. Et de s’engager dans un dialogue sincère en vue d’une solution pacifique », a-t-il déclaré.

OB : Ils vont finir par déclencher l’entrée de la Russie en Ukraine avec leur folie de l’OTAN – de toutes façons, elle est DÉJÀ sanctionnée… Et puis, pas d’angélisme, une structure qui est faite pour faire la guerre cherchera toujours à augmenter les tensions – sans quoi elle mourra, ce qu’aucune structure ne désire… 

Source: http://www.les-crises.fr/quand-porochenko-perd-les-pedales/