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0406 Contre la Taxe Tobin (mais pour la TBF…)

Friday 5 June 2015 at 02:10

Ce billet fait suite à celui sur la déconnexion de l’économie financière.

Devant les offensives médiatiques actuelles, je prends la plume pour exposer assez brièvement ma vision sur la Taxe sur les Transactions Financières.

Non pas que je pense une seconde que notre Histrion national la mette en place – il va, comme souvent, simplement se (et nous) ridiculiser sur la scène internationale et renforcer les difficultés diplomatiques avec nos partenaires.

Si mes calculs sont justes, il devrait d’ailleurs nous sortir une nouvelle “super réforme” d’ici 2 jours, 4 heures et 18 minutes. Par chance, le Parlement part en congés fin février…

Mais en fait, précisément, je trouve le débat sur cette mesure très illustratif d’un mode de pensée vicié, et je dirais même plus un bon indice montrant que ces personnes n’ont pas compris les véritables ressorts de la Crise.

Nous avons donc vu que les opérations financières ont pris une part démesurée dans nos économies – qu’il convient de combattre.

Une des caractéristiques principales du capitalisme financier – que je préfère appeler financiarisme – est son court-termisme absolu, privilégiant l’instant au détriment du futur.

Dans ce monde, le court terme c’est le mois, le moyen terme c’est le trimestre, et le très long terme c’est une année. 

Sous ce prisme de décision, beaucoup de folies apparaissent finalement rationnelles : vendre des subprimes, maquiller les comptes des banques, acheter de la dette grecque, etc.

Ce phénomène touche également la détention des actions, comme on peut le voir dans ce graphique sur la durée moyenne de détention d’une action à la Bourse de New-York :

duree détention action nyse

On constate ainsi que, comme pour les inégalités, le niveau actuel de détention des actions à retrouvé son niveau des années 1920.

On voit bien qu’après la Crise de 1929 un frein a été mis à la spéculation et que la durée de détention d’une action est passée de 1 à plus de 7 ans dans les années 1960, avant de revenir à 2 ans en 1990, puis 1 an avant la Crise. La boucle a été bouclée, la Crise est revenue…

Soulignons au passage que ceci a un impact majeur sur la gestion des entreprises : un actionnaire qui va rester 3 ou 6 mois au capital d’une entreprise n’a pas la même attente qu’un actionnaire qui reste 10 ans… On ne souligne jamais cette profonde différence entre actionnaires.

Plus un actionnaire reste au capital, plus il gagnera d’argent avec le dividende (et évidemment la pérennité de l’entreprise…). Un actionnaire court terme est à la recherche “de coups” et vise essentiellement une plus-value :

generation du benefice action nyse

NB. : ce graphique éclate le rendement du dividende entre le rendement apporté par le niveau du dividende au jours de l’investissement et celui apporté par la croissance du dividende.

Dès lors, on comprend très bien que faire passer la durée moyenne de détention des actions cotées de 7 ans à 1 an ne peut qu’avoir des conséquences suicidaires pour le système économique.
Si vous gardez une action 7 ans, vous souhaitez que l’entreprise prospère, vous acceptez d’investir pour augmenter le dividende dans 3 ou 4 ans, vous souhaitez un bon climat social, etc.
Si vous gardez une action 1 an (qui est la moyenne, donc beaucoup la gardent seulement 3 ou 6 mois), vous ne visez qu’une plus-value sur le cours de l’action à quelques mois – peu importe donc l’avenir de l’entreprise. D’où les phénomènes hallucinants de rachats d’actions par l’entreprise (plutôt que d’investir), quand ce n’est pas des distributions de dividendes supérieures au bénéfice total (sic.), comme récemment EDF ou France Telecom…
Ainsi, si tous les actionnaires ont bien entendu certains intérêts convergents, il est assez spécieux d’entendre les dirigeants expliquer qu’ils agissent dans “l’intérêt des actionnaires” : ces intérêts peuvent être grandement divergents, certains souhaitant une entreprise pérenne et prospère, d’autres souhaitant la dépouiller quitte à la ruiner à moyen terme.
Malheureusement, les intérêts financiers des dirigeants ont été pratiquement alignés sur ceux des dépouilleurs…

Bien entendu, le financiarisme pousse à l’hyper-spéculation, qui se manifeste, par exemple, sur la volatilité des cours de Bourse. Observons, par décennie, la valeur moyenne de l’évolution quotidienne de la Bourse (en valeur absolue, donc on garde le chiffre sans le signe + ou -) :

volatilité cac 40

Ainsi, dans la décennie 1970, en moyenne, la Bourse évoluait tous les jours de 0,65 % (+ 0.65 % et -0,65 % le lendemain compte pour deux fois 0,65 %). C’est intéressant, car à la Bourse on peut jouer à la hausse ou à la baisse. Donc si vous pariez à la hausse et que la Bourse fait + 1 % et à la baisse le lendemain, et qu’elle fait – 1 % , elle est quasiment revenue à son niveau initial, et pourtant vous avez gagné environ 2 %…

Depuis les années 1980 et le décollage du financiarisme, on observe bien une nette hausse de la volatilité moyenne – la volatilité ayant quasiment doublé, ce qui est énorme. Et ce, alors que les échanges étant beaucoup plus nombreux, ils sont censés être plus proches de la “vraie” valeur des titres, et qu’on aurait dû au contraire observer une baisse de la volatilité. Bien entendu, la spéculation en est responsable, car justement, elle vit de ces petits écarts…

Pour illustrer, si tous les jours votre investissement suivait l’évolution absolue du CAC 40 (donc si vous saviez tous les jours si la Bourse allait monter ou baisser, et donc que vous gagniez à chaque coup), cela signifie que dans les années 70, vous multipliiez votre capital par 4 tous les ans, et que sur la tendance du début des années 2010, ce chiffre serait monté par la magie des intérêts composés à… x 13 tous les ans !

Bref, en conclusion, une saine gestion imposerait que la durée moyenne de détention des actions revienne à au moins 3 ou 4 ans…

C’est là que la Taxe Tobin intervient.

La Taxe Tobin

James Tobin, lauréat du prix Nobel d’économie 1981, a suggéré en 1972 de taxer les transactions financières d’un taux très faible, entre 0,05 % et 1 %, afin de ne plus inciter à la spéculation à court terme. Cette idée a fait florès, et beaucoup de personnes l’ont reprise, d’Attac (L’Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne) à… Nicolas Sarkozy.

C’est d’ailleurs une idée ancienne :

« Il est généralement admis que, dans l’intérêt même du publie, l’accès des casinos doit être difficile et coûteux. Peut-être ce principe vaut-il aussi en matière de Bourses. [...] La création d’une lourde taxe d’État frappant toutes les transactions se révèlerait peut-être la plus salutaire des mesures permettant d’atténuer aux États-Unis la prédominance de la spéculation sur l’entreprise. » [John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie {Chapitre 12, VI}, 1936]

NB. Comme 1936 < 1972, je me demande pourquoi on appelle cette taxe la Taxe Tobin et non pas la Taxe Keynes…

Pourquoi suis-je contre cette taxe ?

Non pas tant pour son immense difficulté de mise en oeuvre (il y aurait de nombreuses techniques pour la contourner) ou pour le “risque” de délocalisation (que tous ces fous se barrent, je suis pour la prime à l’expatriation du trader fou !).

Essentiellement car c’est pour moi une incompréhension majeure des sources de la Crise. L’un des piliers est l’hyper-cupidité actionnariale, qui s’attaque en priorité à l’entreprise pour la dépouiller. Bref, l’actionnaire met trop de pression sur l’entreprise. Or, cette taxe va diminuer la rentabilité des opérations financières. D’après vous, comment va réagir l’actionnaire ? :

Bref, la réponse C est quasi-certaine (tout comme la baisse des charges patronales d’une TVA sociale va être distribuée aux actionnaires) et cette taxe va rajouter encore plus de pression sur les entreprises financières, qui vont bien nous inventer les nouveaux subprimes…

Plus drôle, surtout à gauche, il y a l’idée que cette taxe devrait être une ressource – par exemple pour aider les pauvres etc.

Là c’est encore pire que tout, ils nous refont le coup des cigarettes : c’est nuisible, donc on taxe et on gagne beaucoup d’argent dessus. Donc, on n’a plus intérêt à combattre le fléau….

Faut-il avoir abandonné toute idée du rôle du Politique pour baisser les bras à ce point-là…

Si c’est nuisible, il faut l’interdire ou l’encadrer strictement. Pas simplement le taxer !

Propositions : Limiter drastiquement la spéculation financière

4-1/ Supprimer les instruments utilisés par la spéculation pour réaliser des paris sur les prix. Interdire par exemple les ventes à découvert, les opérations d’endettement pour des achats spéculatifs, les opérations à effet de levier important, l’utilisation des produits dérivés par des spéculateurs, l’accès aux marchés à terme aux spéculateurs, les opérations de type assurantiel aux non-assureurs (CDS…), le high frequency trading… Interdire les transactions sur les produits financiers hors des marchés réglementés pour imposer la transparence.

 Acheter un CDS sans avoir la chose assurée est comme assurer pour son compte la voiture de son voisin. Ceci ne peut qu’encourager des comportements dangereux. Le capitalisme est un pari courageux sur l’avenir, sur la réussite d’une entreprise à moyen terme. Ce n’est pas réaliser des paris spéculatifs sur le cours d’une matière première ou d’une monnaie une semaine plus tard – d’autant que les sommes sont telles que ces paris modifient les prix.

C’est pourquoi la loi n’accorde aucune aide pour demander l’exécution d’un pari – et ce depuis quatre siècles 

« Déclarons toutes dettes contractées pour le jeu nulles, et toutes obligations et promesses faites pour le jeu, quelque déguisées qu’elles soient, nulles et de nul effet, et déchargées de toutes obligations civiles ou naturelles.» [Article 138 de l’ordonnance de Louis XIII du 15/01/1629, dite Code Michau]

« La loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari. » [Article 1965 du code civil, inchangé depuis 1804]

Il pourrait ainsi être intéressant de remettre en vigueur les articles 421 et 422 du code civil qui interdisaient ces paris jusqu’en 1885 :

« Les paris qui auront été faits sur la hausse ou la baisse des effets publics, seront punis d’un emprisonnement d’un mois au moins, d’un an au plus. » [Article 421 du code pénal, abrogé en 1885]

« Sera réputée pari de ce genre, toute convention de vendre ou de livrer des effets publics qui ne seront pas prouvés par le vendeur avoir existé à sa disposition au temps de la convention, ou avoir dû s’y trouver au temps de la livraison. » [Article 422 du code pénal, abrogé en 1885]

De même, le problème des marchés à terme est vu depuis longtemps 

« Ne doit-on pas considérer comme des malveillants ceux qui, pour avilir les effets publics, s’engagent à en livrer dans un délai convenu des quantités considérables à un cours plus bas que celui du jour ? L’homme qui offre de remettre dans un mois à 38 francs des titres de rentes qui se vendent aujourd’hui au cours de 40 francs ne proclame-t-il pas et ne prépare-t-il pas le discrédit ? Ne montre-t-il pas au moins que personnellement il n’a pas confiance dans le gouvernement, et le gouvernement ne doit-il pas regarder comme son ennemi celui qui se déclare tel lui-même ? » [Napoléon Bonaparte, 1801]

humour cartoon régulation finance

4-2/ Supprimer la cotation en continu à la Bourse. Réaliser un seul fixing par jour, voire par semaine.

De même, la variation du prix d’une entreprise toutes les secondes est une aberration, nuisible à l’économie. Un seul fixing quotidien (ou hebdomadaire) permettrait de disposer de la compensation d’un très large volume d’ordres, ce qui conduirait à une meilleure évaluation du prix d’échange – qui resterait de toute façon imparfait.

« La Bourse a prédit neuf des cinq dernières récessions. » [Paul Samuelson, 1966]

« Il y a eu, aussi, une mauvaise analyse de la mondialisation : car les marchés livrés à eux-mêmes ne sont pas efficients, contrairement à ce que certains idéologues ont voulu nous faire croire. Ils se trompent. Et les gouvernements ont laissé faire. […] Croire que les marchés sont toujours efficients, c’est une erreur. […] Les réactions des marchés ne sont pas rationnelles. Je répète : les marchés ne sont pas efficients, les marchés ont toujours tort et les marchés n’ont pas des réactions rationnelles. […] Les dirigeants d’entreprise sont bien trop à l’écoute des marchés boursiers. Les marchés n’ont aucune vision stratégique. [...]

C’est avant tout la cupidité et la perte de bon sens de tous les acteurs du système qui sont en cause : les investisseurs, qui exigent des retours irréalistes, les agences de notation, qui jouent un rôle ambigu, ou enfin les régulateurs, qui ont laissé la finance perdre tout bon sens. » [Claude Bébéar, 2009]

 4-3/ Limiter strictement la titrisation. Veiller à ce que la réglementation définisse bien les porteurs de risque et en tire les conséquences. Un risque ne peut être cédé qu’à une personne plus compétente que soi pour le gérer, et l’accepteur de risque ne doit pas être plus averse au risque que ses clients.

 

Enfin, si je suis contre la Taxe Tobin sur les transactions, je propose cette taxe, sur le bénéfice réalisé :

4-4/ Taxer à 100 % tout profit financier spéculatif réalisé en moins d’une semaine, et diminuer progressivement la pression fiscale sur les plus-values mobilières pour arriver à 0 % après 12 ans.

Ce système simple permettrait de lutter très efficacement contre le court termisme et la spéculation.

Je propose donc un barème de ce type pour la Taxe sur les Bénéfices Financiers (TBF) que j’appelle de mes voeux :

bareme taxe benefices financiers

Ceci redonnera véritablement le sens du long terme aux structures et permettra aux managers d’oeuvrer à la pérennité des entreprises plutôt qu’à des bénéfices le mois prochain…

Je récuse immédiatement tout cri d’orfraie sur le thème de la régulation. Je considère que si on n’a pas compris qu’il fallait d’urgence exiger le même niveau de sécurité sur les activités financières que celui exigé sur les activités nucléaires, on n’a pas compris grand-chose à la Crise.

Expliquer qu’il ne faut pas limiter ces activités mortifères au prétexte du PIB créé ou de la liquidité (soi-disant) offerte revient à demander qu’on ne construise pas une enceinte de confinement des réacteurs nucléaires car cela dénature le paysage…

Une telle taxe serait beaucoup plus intelligente, car elle supprimerait de façon certaine le vice (l’investissement à très court terme) et récompenserait la vertu (l’investissement à très long terme). Elle ne vise pas à gagner de l’argent (tout au plus à conserver le même rendement que les taxes actuelles sur les plus-values), mais bien à supprimer la spéculation. Car on ne peut être schizophrène, en voulant à la fois supprimer le vice et gagner beaucoup d’argent en taxant le vice…

Keynes était loin de se douter de ce permettrait la technologie informatique. Dès lors, pour reprendre sa métaphore, il ne reste qu’à fermer le casino grâce à la TBF…

taxe benefices financiers tbf

Source: http://www.les-crises.fr/contre-taxe-tobin/


1000 [Idée reçue] Les États ne font jamais défaut…

Thursday 4 June 2015 at 01:32

Dans le mémorable débat d’Arrêts sur Images auquel j’ai participé, Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives Économiques, a déclaré :

“Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la relation créditeur-créancier, elle est à la base de toute l’activité économique et du développement économique qu’on a connu depuis trois siècles, simplement parce que créditeur, ça veut dire “que je crois”, hein, donc si les créditeurs [créanciers] n’ont plus de raison de croire que leurs dettes seront remboursées dans le futur, il y a des raisons de penser qu’ils ne prêteront plus. Et ça c’est gentil, mais ça pose des très sérieux problèmes. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut parfois qu’il y ait des défauts, hein, il y en a sur les entreprises, il y en a sur les ménages,  on a des machins de surendettement, etc., il en faut certainement sur les États, mais [cela entraînera des difficultés].” [Guillaume Duval, @SI, partie 4, 13', 25/11/2011]

Je réponds :

“Des siècles d’Histoire montrent que les États ne tiennent pas leur engagements avec une régularité déconcertante. Laissez suffisamment de temps à un État, et il fera défaut d’une façon ou d’une autre.

Et comme à chaque fois, les prêteurs reviendront, leur mémoire semblant ne pas dépasser 5 ans…” [Olivier Berruyer :) ]

C’est d’ailleurs la position des vrais experts :

« On nous rassure constamment sur le fait que les gouvernements ne manqueront pas à leurs engagements concernant la dette. Dans les faits, cependant, les gouvernements un peu partout dans le monde font défaut à leurs engagements avec une incroyable régularité soit directement soit par le biais de l’inflation ; ce qui fut le cas pour les États-Unis dans les années 70 mais aussi dans les années 30 lorsqu’ils ont procédé à la dévalorisation de l’or par rapport au dollar de 20 dollars à 34 dollars l’once. » [Kenneth Rogoff, Project Syndicate, 2009]

Analysons…

Les premiers défauts souverains, 1300-1799

Si on réalise une synthèse des défauts des États Modernes depuis 1300, on aboutit au tableau suivant :

On constate ainsi que le volume de défaut a été limité, et que notre pays a été le pays recordman des défauts.

Précisons bien qu’il s’agit ici de défauts “affichés”, et non pas de défauts par inflation ou altération monétaire par le souverain, qui ont été bien plus nombreux…

Les défauts souverains au XIXe siècle

Pour le XIXe siècle, on a :

défauts Etats souverains

défauts Etats souverains

On constate ainsi une accélération des défauts avec le développement du crédit. L’Europe reste très touchée, mais l’Amérique Latine se joint à elle…

Les défauts souverains au XXe siècle

Pour le XXe siècle, on a :

défauts Etats souverains

défauts Etats souverains

défauts Etats souverains

Là encore, l’Amérique Latine a été très touchée, avec 79 défauts :

défauts Etats souverains

défauts Etats souverains

Si on pondère le nombre de défauts par le PIB du pays, on a ce graphe beaucoup plus visuel :

défauts Etats souverains

Les effets de la Crise de 1929 puis de la Seconde Guerre Mondiale sont patents… Mais on constate qu’il y a depuis 60 ans toujours au moins entre 5 et 10 % du PIB mondial en restructuration de dette…

Perspective

On peut étudier quelle était la situation de grands pays au moment du défaut ; on s’aperçoit qu’il n’y a pas de règle absolue :

défauts Etats souverains

en revanche, on note que nous sommes bien dans une situation financière préoccupante, parfois bien pire que celle de grands pays ayant déjà fait défaut…

Ainsi, la prochaine fois que vous entendrez un commentaire disant que le prêt aux États est “sans risque”, vous pourrez recommander à votre interlocuteur de s’acheter un livre d’Histoire, ou de venir sur ce blog, et méditer ce tableau, en particulier sur les 70 défauts au cours de 35 dernières années, soit 2 défauts par an en moyenne :

défauts Etats souverains
P.S. : Merci à Alain pour son aide ;)

Source: http://www.les-crises.fr/etats-font-jamais-defaut/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 3 June 2015 at 04:18

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: Grèce : La fuite des capitaux est inévitable – 01/06

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (1/2): La Grèce arrivera-t-elle à rembourser ses dettes ? – 01/06

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (2/2): Quel est le bilan du QE de la BCE ? – 01/06

II. Philippe Béchade

Philippe Béchade VS Rachid Medjaoui (1/2): Baisse des marchés: “On est simplement drivé par les liquidités” – 27/05

Philippe Béchade VS Rachid Medjaoui (2/2): Pourquoi la Fed hésite-t-elle encore à relever ses taux ? – 27/05

Philippe Béchade: Focus sur les marchés asiatiques – 28/05

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : L’implosion des systèmes politiques en Espagne et en Italie – 02/06

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): Crise de la dette grecque: Le salut viendra-t-il d’Allemagne ? – 02/06

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Une hausse des taux de la FED en juin serait-elle prématurée ? – 02/06


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-03-06-2015/


Stratfor : Les États-Unis veulent empêcher l’alliance germano-russe

Wednesday 3 June 2015 at 02:08

Voici le Discours de Georges Friedman géopoliticien américain pour Stratfor devant le Chicago Council, le 4 février 2015. Il indique que le gouvernement américain considère comme but stratégique suprême la remise en cause d’une alliance russo-allemande. Un tel bloc serait, en tant que puissance mondiale alternative, le seul en mesure de contester aux États-Unis leur position dominante.

En résumé :

1 – L’Europe n’existe pas
2 – Seule une union Allemagne-Russie pourrait nous menacer, ça n’arrivera jamais
3 – L’armée ukrainienne est une armée US, nous donnons nos médailles à leurs soldats méritants
4 – Nous livrons des armes dans tous les pays de l’est européen, même en Ukraine
5 – Notre but est d’installer un cordon sanitaire autour de la Russie
6 – Nous intervenons militairement dans le monde entier, nous dominons les océans et toute la terre
7 – Nous faisons battre nos ennemis entre eux, c’est cynique mais ça marche
8 – Les attaques préventives déstabilisent les ennemis, nous faisons ça dans toutes les guerres
9 – Nous installons des régimes favorables à nos intérêts
10 – Nous sommes un empire, nous ne pouvons pas nous relâcher
11 – L’Otan doit occuper tout l’espace terrestre entre la mer Baltique et la mer Noire
12 – Nous ne savons pas ce que va faire l’Allemagne, elle est dans une situation très difficile
13 – Nous ne voulons pas d’une coopération entre le capital financier et technologique allemand et les ressources de matières premières russes, les USA essaient d’empêcher ça depuis un siècle. Le destin de l’Europe dépendra de la décision des Allemands, où vont-ils diriger leurs exportations?

Transcription de la vidéo par le site les-crises.fr:

George Friedman : La préoccupation primordiale des États-Unis, pour laquelle nous avons livré des guerres depuis un siècle – la Première, la Seconde, la guerre froide – a été la relation entre l’Allemagne et la Russie. Car, unies, elles sont la seule force qui pourrait nous menacer. Et pour être sûrs que cela n’arrive pas. Je dis cela en tant que victime possible du terrorisme islamique : cela arrivera. Même si nous consacrons tous nos efforts à l’empêcher, nous échouerons. Par conséquent, si nous faisons ce que nous avons fait en une décennie après le 11 septembre, c’est-à-dire nous concentrer totalement sur ce problème au détriment de tout le reste – au point que notre armée ne puisse pas se battre sans avoir de sable sous ses pieds, elle n’en a pas l’habitude. Il existe de plus grands dangers pour les États-Unis. C’est très difficile de dire à un pays qui a été frappé par le 11 septembre de bien le prendre, et aucun gouvernement ne le peut. Mais la discipline de gouvernance, c’est cela, à la fois rassurer la population en lui disant que vous faites tout ce que vous pouvez, en sachant que ce n’est pas vrai. Vous faites tout ce que vous pouvez raisonnablement faire.

Et notre gouvernement – il faut se rappeler que les États-Unis sont comme un adolescent de 15 ans, ils sont maniaco-dépressifs. Le matin tout est paix, amour, bonheur, le soir ils sont suicidaires parce que leur meilleur ami ne les aime plus. Nous sommes un très jeune empire. Nous ne voulons même pas penser à l’idée d’être un empire. Nous voulons rentrer chez nous et, voyez-vous, faire des rêves libertaires. Cela n’arrivera pas. Mais cela nous prend beaucoup de temps d’atteindre la maturité.

George Bush ne se doutait absolument pas que sa présidence tournerait autour du 11 septembre, et il n’avait aucune idée de la façon d’y répondre, et ses opposants non plus. Barack Obama a décidé qu’il pouvait prétendre que cela n’existait pas. Que s’il était gentil, ils n’essaieraient pas de le faire sauter. Il nous faut trouver un modèle de gouvernance qui combine une république américaine avec ce qu’elle n’a jamais voulu être. Mais nous sommes presque le quart de l’économie mondiale, nous allons mettre les gens sacrément en rogne.

Nick Brand : Bien, juste en bas au premier rang, Phil Levy, notre chercheur émérite en économie globale.

Philip Levy : Merci pour vos remarques, c’est très intéressant. Pendant que le monde entier discute du comportement des États-Unis, j’espérais que vous pourriez aborder ce que devrait être la politique américaine vis-à-vis de la crise financière en Europe. Je vais vous poser cette question parce que nous somme à huis-clos, mais de toute évidence cela semble avoir tendu la plupart du temps vers l’encouragement et la stimulation économique. Dans votre exposé, vous exprimez un certain scepticisme sur ce que produirait la stimulation. Comme nous pouvons le constater, cela revêt évidemment une grande importance pour nous. Quelle devrait être la politique américaine ?

George Friedman : La politique américaine devrait être de rester le plus loin possible, éventuellement d’adopter une loi interdisant à toutes les banques américaines d’avoir des devises européennes. Nous ne pouvons pas le faire mais cela serait une bonne idée. L’Europe est trop vaste pour que les États-Unis y fassent quoi que ce soit. Et les européens sont trop sophistiqués pour avoir besoin de conseils. Le problème de l’Europe n’est pas comme si elle cornaquait un pays du tiers-monde et qu’elle ne savait pas comment s’y prendre ; le problème est une profonde contradiction entre les intérêts de diverses régions d’Europe, ce qui a mené à une impasse politique. Il est inconcevable que les États-Unis puissent avoir assez d’argent pour résoudre le problème s’ils le voulaient, et il est insensé que les États-Unis l’aient même envisagé.

En ce qui concerne les conseils sur la politique économique, les européens n’accepteront pas de conseils venant des États-Unis. Moi-même, je n’accepterais pas de conseils en politique économique venant des États-Unis. Le problème ici n’est pas que les gens n’ont pas de politique économique, c’est que cette situation impossible ne peut pas être résolue avec le paradigme dans lequel les européens travaillent. Ils changeront de paradigme une fois que la City se sera effondrée. Mais ils n’ont pas la volonté politique de faire face à l’irrationalité de la situation et de se pencher sur le fait que l’Allemagne ne peut pas exporter 50% de son PIB. En tout cas pas la moitié de celui-ci vers l’Europe.

Et donc cela n’arrivera pas et c’est une des raisons pour lesquelles personnellement la politique ne m’intéresse pas. La politique étrangère, c’est ce que vous auriez aimé voir arriver, l’histoire, c’est ce qui arrive réellement. Et, vous voyez, très rarement la politique étrangère arrive à faire un trou en un. Ce que j’essaie de comprendre c’est ce qui va arriver. Vous voyez, si j’étais vraiment intelligent, je serais riche. Il est certain que je ne donnerais pas de conseil aux européens sur la manière de s’enrichir.

Nick Brand : Question suivante s’il vous plait. Oui, tout au fond là-bas.

Question : Étant données les faiblesses que vous décrivez à la fois en Europe mais aussi en Asie du sud-est, et probablement en Asie orientale elle-même, est-il approprié ou même réaliste que nous continuions à repousser les frontières de l’« empire américain » si vous voulez, jusqu’au-delà de la zone de ces problèmes internes ?

George Friedman : Les États-Unis ont un intérêt fondamental. Ils contrôlent tous les océans du monde. Aucune puissance n’a jamais fait cela. Grâce à cela nous avons la possibilité d’envahir les gens et ils n’ont pas la possibilité de nous envahir. C’est une très bonne chose. Maintenir le contrôle de la mer, le contrôle de l’espace est le fondement de notre pouvoir. Le meilleur moyen de vaincre une flotte ennemie c’est de ne pas la laisser se construire. La façon dont les britanniques sont arrivés à être certains qu’aucune puissance européenne ne puisse construire de flotte a été de s’assurer que les européens se sautent à la gorge entre eux.

La politique que je recommanderais, c’est celle qu’a adoptée Ronald Reagan vis-à-vis de l’Iran et de l’Irak. Il a financé les deux côtés pour qu’ils se combattent entre eux et qu’ils ne nous combattent pas nous. C’était cynique, ça n’était certainement pas moral, ça a marché et c’est le but : les États-Unis ne peuvent pas occuper l’Eurasie. Dès lors que la première botte touche le sol, le différentiel démographique fait que nous sommes totalement surpassés en nombre. Nous pouvons vaincre une armée, mais nous ne pouvons pas occuper l’Irak. L’idée que 130 000 hommes pouvaient occuper un pays de 25 millions… et bien la proportion de policiers par citoyen à New-York était plus grande que ce que nous avons déployé en Irak.

Donc nous n’avons pas la possibilité de traverser mais nous avons bien la possibilité, premièrement, de soutenir diverses puissances concurrentes pour qu’elles se concentrent sur elles-mêmes, avec un soutien politique, un peu de soutien économique, du support militaire, des conseillers, et in-extremis de faire ce que nous avons fait au Japon [NdT : il se corrige] au Viêt Nam, en Irak et en Afghanistan : des attaques de désorganisation. L’attaque de désorganisation n’a pas pour but de vaincre l’ennemi. Elle est destinée à le déséquilibrer. Ce que nous avons fait dans chacune de ces guerres, en Afghanistan par exemple, c’est d’avoir déséquilibré Al-Qaïda.

Le problème que nous avons, puisque nous sommes jeunes et stupides, c’est qu’après les avoir déséquilibrés, au lieu de dire ok, bon travail, on rentre à la maison, nous avons dit “bon, c’était facile, pourquoi ne pas construire une démocratie ici ?” C’est à ce moment que la démence a commencé. Par conséquent, la réponse est que les États-Unis ne peuvent pas constamment intervenir partout en Eurasie. Ils doivent intervenir de manière sélective et très rarement. C’est le cas extrême, nous ne pouvons pas, comme première étape, envoyer des troupes américaines. Et lorsque nous envoyons des troupes américaines nous devons véritablement comprendre ce qu’est la mission, s’y limiter, et ne pas développer toutes sortes de délires psychotiques. Donc espérons que nous ayons appris cela cette fois-ci. Il faut du temps pour que les enfants apprennent leurs leçons.

Mais je pense que vous avez tout à fait raison, nous ne pouvons pas, en tant qu’empire, faire cela. La Grande-Bretagne n’a pas occupé l’Inde. Elle a pris plusieurs états indiens et les a tournés les uns contre les autres, et a fourni quelques officiers britanniques pour une armée indienne. Les romains n’ont pas envoyé de vastes armées. Ils ont placé des rois comme, vous savez, pleins de rois différents, créés sous l’autorité de l’empereur. Et ces rois étaient responsables du maintien de la paix. Ponce Pilate en était un exemple. Donc les empires qui sont directement gouvernés par l’empire, comme l’empire Nazi, ont échoué. Personne n’a autant de pouvoir. Il faut un certain niveau d’habileté. Cependant notre problème n’est pas encore celui-ci. En fait, notre problème est d’admettre que nous avons un empire. Donc nous ne sommes même pas encore arrivés au point où l’on ne pense qu’il ne nous reste plus qu’à rentrer à la maison et ça sera terminé, mission accomplie. Et donc nous ne sommes même pas prêts pour le chapitre 3 du livre.

Nick Brand : Question suivante s’il vous plait. Oui, le monsieur ici au 4ème rang.

Question : Donc je déduis de vos commentaires que l’Euro en tant que monnaie ne survivra pas. A quoi cela ressemblerait-il et à quelle vitesse cela se produirait-il ?

George Friedman : Le modèle a été établi par les hongrois. Les hongrois ne sont pas dans l’Euro mais ils ont souscrit des prêts hypothécaires libellés en Yen, en Franc suisse et tout le reste. Quand le Forint est parti en cacahouète, le gouvernement hongrois a défendu ses « otthons » [NdT : "foyers", en hongrois dans le texte] et a dit : nous allons vous rembourser en Forint. Et vous aurez 50 cents par dollar, copie-carbone grossière mais globalement cela. Ou alors vous n’aurez rien. Rappelez-moi demain matin, faites-moi savoir ce que vous voulez. Les banques européennes se sont écrasées et ont pris ce qu’elles pouvaient avoir : c’est cela que la Grèce va faire. Ils vont vous faire une offre que vous ne pourrez pas refuser.

Rappelez-vous que l’Allemagne est terrifiée à l’idée que quelqu’un quitte la zone de libre-échange. C’est la terreur de l’Allemagne. Il n’y a pas de meilleure bluffeuse que Frau Merkel. Elle m’enfume et tout le monde avec. Mais la vérité c’est que c’est elle qui a la main la plus faible. Parce que c’est elle qui dépend des exportations. Et les autres ne sont pas sûrs de vouloir rester dans la partie. Si elle fait sortir un pays de l’Euro qu’est-ce qui les empêche de la faire sortir de la zone d’échange ? Elle le sait, c’est pour cela qu’elle va toujours droit sur le rebord avant de revenir. Les grecs le savent, c’est pour cela qu’ils vont la pousser contre le mur. Son point faible est en train d’apparaître à tous les européens.

Comment cela va-t-il se passer ? Les grecs vont imprimer de la Drachme pendant la nuit, dont la valeur nette vaudra Dieu sait combien, et ils vont faire une offre. Et l’offre sera ou vous prenez cela, ce sera un plan d’allégement structuré de la dette , ou alors nous ne paierons pas du tout. Rappelez-vous que le débiteur doit beaucoup d’argent. Quel était le vieux dicton ? “Si je vous dois 100 dollars vous me tenez, si je vous dois un milliard de dollars c’est moi qui vous tiens.” Qu’est-ce que ces banques vont faire ? Et le problème en Europe, c’est que si vous les faites sortir de la zone Euro vous toucherez encore moins qu’en restant.

Je soupçonne que l’Euro va survivre. Mais je soupçonne aussi que quelque part en Europe il y ait un bâtiment qui abrite le bureau de la Société des Nations, qui n’est jamais tout à fait abolie. Et je suis sûr qu’il ne sert plus à rien. En Europe, les institutions se maintiennent bien après avoir perdu leur fonction. L’Allemagne n’aura pas un Mark, elle aura un Euro. Combien d’autres pays seront là, je ne le sais pas. Mais le chemin de la sortie a été trouvé par les hongrois et la prochaine étape est le retour de la Drachme.

Et la vraie question est qu’est-ce que les banques vont faire ? Que pouvez-vous faire ? Elles ne peuvent pas parler de risques moraux parce qu’elles ont déjà racontées ça en Argentine. Je veux dire qu’elles savent déjà, toute l’Europe sait, que faire faillite, que ce soit l’Argentine ou American Airlines, ne signifie pas la fin du monde. Et les allemands ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour rendre plus attirant un sauvetage plutôt que pas de sauvetage. Maintenant qu’ils le fassent en Euro ou dans une autre monnaie est moins intéressant que le fait qu’ils vont faire défaut. Et la question est : comment ce sera géré ?

Nick Brand : Nous avons le temps pour peut-être une question de plus. Nous avons pris beaucoup de questions de la part d’hommes ce soir, est-ce qu’il y a des femmes avec des questions qui voudraient… Oui, la Consule générale de Croatie.

George Friedman : Croatie. [NdT : Il dit une phrase, probablement en hongrois.]

Nick Brand (à celui qui porte le micro) : Steven, c’est elle la Consule de Croatie.

Consule générale de Croatie : Oui, je pense qu’ayant étudié l’histoire vous vous rappelleriez si vous aviez vécu en union personnelle pendant 700 ans environ, et les gens parlent yougoslave ils ne parlent jamais le croate-hongrois, après avoir passé 7 siècles ensemble. Excusez-moi, je m’égare. Est-ce qu’il est dans l’intérêt US de se passer de la Russie en tant que puissance européenne ?

George Friedman : Est-ce que je pourrais… je ne vous ai pas entendu je pense.

Consule générale de Croatie : Est-ce qu’il est dans l’intérêt américain de se passer de la Russie en tant que puissance européenne ?

George Friedman : Avec la Russie en tant que puissance Européenne ?

Consule générale de Croatie : Oui, je suis juste curieuse. Comment prévoyez-vous l’architecture une fois que cela aura implosé ? Qu’est-ce qu’il arrivera ? C’est un scénario effrayant, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

George Friedman : Rappelez-vous la structure de l’Europe ; tracez une ligne de Saint-Pétersbourg à Rostov. A l’ouest vous avez la péninsule européenne, à l’est se trouve la Russie. Personne n’a jamais occupé de façon permanente la Russie. Mais la Russie a toujours avancé vers l’ouest. A présent, elle est au point le plus éloigné à l’est. La ligne, accessoirement, correspond grosso modo à la frontière avec les états baltes, la Biélorussie et l’Ukraine. La question sur la table pour les russes est : vont-ils maintenir une zone tampon qui serait au moins neutre, ou est-ce que les occidentaux vont pénétrer si loin en l’Ukraine qu’ils seront à 100 kms de Stalingrad et à 500 kms de Moscou ?

Pour la Russie, le statut de l’Ukraine est une menace existentielle. Et les russes ne peuvent pas renoncer. Pour les États-Unis, dans le cas où la Russie s’accrocherait à l’Ukraine, où s’arrêtera-elle ? Ce n’est donc pas un accident si le Général Hodges, qui a été nommé pour porter le chapeau dans toute cette histoire, parle de pré-positionner des troupes en Roumanie, Bulgarie, Pologne et dans les états baltes. C’est l’Intermarium [NdT : la Fédération Międzymorze] de la mer Noire à la Baltique dont Piłsudski a rêvé. Pour les États-Unis, c’est la solution.

Le problème auquel nous n’avons pas de réponse, c’est : que va faire l’Allemagne ? Par conséquent, le véritable joker en Europe serait, qu’alors que les États-Unis construisent un cordon sanitaire [NdT : en français dans le texte], pas en Ukraine mais à l’ouest, et que tandis que les russes essaient de monter une stratégie pour influencer les ukrainiens afin qu’ils les rejoignent, nous ne connaissons pas la position des allemands. L’Allemagne est dans une position très particulière, son ancien chancelier Gerhard Schröder est au conseil de surveillance de Gazprom, ils ont une relation très complexe avec les russes.

Les allemands eux-mêmes ne savent pas quoi faire. Ils doivent exporter, les russes peuvent absorber les exportations. D’un autre côté, ils perdent la zone de libre-échange. Ils doivent construire quelque chose de différent. Pour les États-Unis la peur primordiale est le capital russe, la technologie russe, je veux dire la technologie allemande et le capital allemand, les ressources naturelles russes, la main-d’œuvre russe… C’est la seule combinaison qui depuis des siècles flanque la trouille au États-Unis.

Par quoi cela va se traduire ? Et bien, les USA ont déjà mis leurs cartes sur la table, c’est la ligne des états baltes à la mer Noire. Pour les russes leurs cartes ont toujours été sur la table. Il doivent avoir au moins une Ukraine neutre, pas une Ukraine pro-occidentale. La Biélorussie, c’est autre chose. Maintenant, celui qui me dira ce que les allemands vont faire pourra me raconter les vingt prochaines années de l’Histoire. Mais malheureusement, les allemands ne se sont pas décidés. Et c’est toujours le problème avec l’Allemagne. Économiquement énormément puissante, géopolitiquement très fragile et ne sachant jamais vraiment comment réconcilier les deux. Depuis 1871, c’est la question allemande, la question fondamentale de l’Europe.

Donc pour répondre à ma loyale collègue de 700 ans d’empire, lorsque la Hongrie et la Croatie étaient unies, je n’ai pas pensé que vous ayez tellement aimé : pensez à la question allemande, parce qu’elle se pose à nouveau. C’est la prochaine question que nous avons à aborder. Ou que nous n’avons pas à aborder – nous ne savons pas ce qu’ils feront.

Contexte :

Le politologue américain George Friedman est le chef du think tank de renseignement “Stratfor Global Intelligence” qu’il a fondé en 1996. Le siège de Stratfor se trouve au Texas. Stratfor conseille dans le monde 4 000 entreprises, personnalités et gouvernements, rapporte le New York Times. Parmi eux figurent entre autres “Bank of America”, le département d’état américain, Apple, Microsoft et Lockheed Martin, Monsanto et Cisco pour les questions de sécurité.

En décembre 2011 le système informatique de Stratfor fut l’objet d’une cyber-attaque, à la suite de laquelle 90 000 noms, adresses, numéros de carte de crédit avec mot de passe, de clients de Stratfor furent publiés sur le net. L’attaque était le fait du hacker Jeremy Hammond, démasqué par la suite. Toutefois on apprendra plus tard qu’un collaborateur du FBI a incité Hammond à commettre cette attaque. Le FBI avait connaissance de toutes les étapes de l’attaque.

Friedman a publié en 2009 un livre intitulé “The Next 100 Years” (Les 100 prochaines années), dans lequel il procède à un certain nombre de déclarations concernant la politique sécuritaire du 21e siècle. Entre 2020 et 2030, la Turquie, la Pologne et le Japon deviendront, avec le soutien des États-Unis, des puissances régionales. Durant la même période, un bloc pro-américain formé par plusieurs états se constituera en Europe de l’Est. La Russie et l’UE, quant à eux, s’effondreront.

Source : Deutsche Wirftschafts Nachrichten, 17/03/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/stratfor-les-etats-unis-veulent-empecher-lalliance-germano-russe/


Actu’Ukraine 02/06

Tuesday 2 June 2015 at 04:04

ACTU’UKRAINE DU 25 AU 31 MAI 2015

 

PREMIER FOCUS DE LA SEMAINE : L’ISOLEMENT DE L’UKRAINE (SUITE DE LA SEMAINE DERNIÈRE)

• Isolement de l’Ukraine par rapport à la Pologne : le contrecoup de l’élection présidentielle polonaise.  Le second tour de l’élection présidentielle polonaise s’est déroulé dimanche 24 mai et a vu la défaite du très pro-ukrainien président sortant, Komorowski . Pro ukrainien, au point de ne pas réagir quand l’Ukraine a voté le 8 avril 2015 la loi n° 2538 “Statut juridique et commémoration des participants dans la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine au XXe  siècle” (rada.gov.ua, texte loi rada.gov.ua, note explicative rada.gov.ua, peremogi) qui “blanchit” de facto tous les combattants ukrainiens nazis de leurs crimes lors de la seconde guerre mondiale alors qu’il se trouvait en Ukraine lors d’une visite officielle (voir actu’Ukraine du 15 avril 2015 les-crises.fr). Cette loi a suscité de l’indignation en Pologne à cause des massacres de Volhynie (les-crises.fr) commis par les ukrainiens envers des Polonais vivant en Ukraine : environ 100 000 personnes ont été massacrées en quelques mois (voir Actu’Ukraine du 22 avril les-crises.fr à la date du 13 avril). La polémique n’a fait qu’enfler en Pologne (voir Actu’Ukraine du 29 avril les-crises.fr à la date du 20 avril) et Komorowski avait finalement protesté le 23 avril et arrêté le “dialogue historique avec l’Ukraine” mais trop tard. De son côté, la Rada avait essayé d’”expliquer” sa loi, mais sans convaincre (voir Actu’Ukraine du 29 avril les-crises.fr à la date du 27 avril).

Komorowski était arrivé second au premier tour des élections et s’était empressé, entre les tours, de ratifier la création de la brigade polono lituano ukrainienne (rt.com).

Il a été battu par le candidat arrivé en tête du premier tour. Le nouveau président, Andrzej Duda (sputniknews.com, fortruss, russia-insider) exige quasi aussitôt de l’Ukraine de revenir sur la fameuse loi 2538 (fortruss) et il enfonce le clou en annonçant qu’il “n’a pas le temps de recevoir Porochenko” qui avait prévu une visite a Varsovie pour féliciter le vainqueur de l’élection. Du coup, la visite est annulée (ria.ru, unian.net, ridus.ru) et l’amitié polono-ukrainienne du 8 avril tangue.

D’autant qu’Aleksander Kwaśniewski (wikipedia.org), ancien président polonais de 1995 à 2005, artisan de l’entrée de la Pologne dans l’OTAN et dans l’UE (et au passage une participation à la guerre d’Irak), donc un atlantiste et européiste convaincu, déclare à Prague : “Dans un futur proche, la Russie peut devenir un des centres du monde multipolaire qui est en formation actuellement… les USA continueront de jouer un rôle majeur mais ne seront jamais plus aussi puissants qu’ils l’ont été dans les 20-30 dernières années.” et également “que la Russie prépare un nouveau Maidan pour mettre au pouvoir des personnes pro-russes qui raméneraient l’Ukraine dans l’orbite de la Russie en évitant le bain de sang”. (ria.ru traduit par fortruss). Il avait déjà parlé de ce troisième Maidan lors d’une interview sur TVN24, le 13 avril (ridus.ru article en russe, tvn24.pl article en polonais) : “Un troisième Maïdan menace l’Ukraine, après lequel l’attend un virage net vers la Russie… Poutine attend le moment où le peuple ukrainien, excédé, organisera un troisième Maïdan et dira: “Ca suffit, ces rêves européens, parlons déjà avec ceux qui sont en mesure de nour aider réellement.”

EXTRAITS D’ACTU’UKRAINE DU 20 (les-crises.fr) et DU 29 AVRIL (les-crises.fr)

20 avril

• La Pologne se réveille (enfin). La loi ukrainienne de glorification des “combattants pour l’indépendance” de l’UPA qui de facto exonère ces nationalistes ukrainiens de leurs crimes durant la seconde guerre mondiale (environ 1 million de morts dont 100 000 polonais) a eu comme effet de réveiller la Pologne. Dans son hystérie anti-russe et sa défiance de l’Allemagne, la Pologne avait oublié qu’en Ukraine se sont les enfants spirituels des tueurs de Volhynie qui sont au pouvoir (les-crises.fr). D’où des prises de conscience et de position diverses en Pologne. Le Président polonais, Bronisław Komorowski condamne le vote de cette loi et arrête tout “dialogue historique” avec l’Ukraine (sputniknews). Version UNIAN : Le président polonais déclare que la reconnaissance par la Rada de l’activité de l’OUN OuPA comme composante de la lutte pour l’indépendance pourrait “compliquer le dialogue historique entre  Kiev et  Varsovie” (unian.net). Le général à la retraite Waldemar Skrzypczak, ex chef des forces terrestres polonaises et vice ministre de la défense, retire “tout ce qu’il a dit sur l’Ukraine” suite au vote de cette loi. Son oncle est mort crucifié nu à la porte d’une grange de la main de “combattants pour l’indépendance” (fortruss). Un candidat mineur à l’élection présidentielle et actuellement député au parlement européen, Yanouch Korvine-Mikke, déclare que les snipers de Maidan ont été formés en Pologne, que la participation de la Pologne aux événements du Maidan est un “fait bien établi” et que c’est les USA qui cherchent la déstabilisation,  non la Russie  (lenta.ru, sputniknews). Analyse de De Defensa (dedefensa).

27 avril

• Rétropédalage polono-ukrainien. Le président de la rada s’embourbe dans le lisier OUN. Il tente de s’en sortir en déclarant que “l’héroïsation” des “bandervotsy” n’est pas une opération anti-polonaise mais anti-soviétique (vz.ru) et  que la reconnaissance des OUN ne s’applique pas a leurs crimes (interfax.com.ua), mais a priori le mal est fait… Les relations entre la Pologne et l’Ukraine se sont dégradées.

 

• L’isolement par rapport à la réalité : surréalisme et aveuglement. Dans la région de Lvov, 26 écoliers ont perdu connaissance en classe pendant qu’ils priaient pour la paix en Ukraine (vesti-ukr.com) et de son côté, le patriarche Philarète, primat de l’église orthodoxe d’Ukraine (wikipedia.org) déclare : “Que l’agresseur tremble devant la colère de dieu qui vient pour eux et leurs mensonges”. (“Let the aggressors shiver from the wrath of God that is coming to them for their lies”)  (dnr-news.com). Et par rapport à la suite, c’est encore très soft…

Deux anciens présidents ukrainiens,  Kravtchouk et Koutchma, veulent proposer à la Rada d’examiner la question de la sortie de l’Ukraine du Traité de non prolifération des armes nucléaires afin de “protester contre la non application du Memorandum de Budapest” de décembre 1994 (vzgliad.ru, vz.ru, fortruss). En clair, ils veulent que l’Ukraine récupére son statut de puissance nucléaire et ait quelques bombes nucléaires à sa disposition…

De son côté, le ministre de l’intérieur Avakov déclare “qu’avec une opération militaire, la question du Donbass serait réglée en 2 ou 3 semaines” (Vzgliad citant Ria Novosti vz.ru, reuters).

Le premier ministre Yatseniouk déclare quant à lui,  lors de son  forum de Kiev (A Platform for European Security Architecture : ksf.openukraine.org, Partenaires : ksf.openukraine.org, Participants : ksf.openukraine.org) que l’Ukraine a perdu (officiellement selon l’ONU) plus de 7000 citoyens à cause de la guerre au Donbass (unn.com.ua) et s’empresse de dire que c’est le fait de “l’agression de la Russie contre l’Ukraine.” Donc, pour lui les russes sont seuls responsable de la mort des 7000 ukrainiens…

Autres perles : Pour Porochenko, l’immunité des juges et des députés est inutile en Ukraine dans les conditions de la démocratie (vzgliad.ru). Il considère également que les Ukrainiens attachés à l’ancien statut de pays non-aligné de l’Ukraine sont une menace pour le pays et ne les “tolérera” pas (russia-insider).

Restons sur Porochenko. Il a fêté le premier anniversaire de son mandat de président en se flattant d’avoir mis fin au projet “Novorossia” (gordonua.com, president.gov.ua), que les “troupes de maintien de la paix” ukrainiennes ont joué un rôle important dans la protection du pays (president.gov.ua, president.gov.ua) et qu’il est sûr que l’Ukraine récupérera le Donbass et la Crimée (gordonua.com). Et pour finir que les tarifs des services pour la population doivent être “clairs et honnêtes” (president.gov.ua)

Segodnya publie une analyse de l’année écoulée plus réaliste (segodnya.ua)… ” Vivre différemment “, voilà le slogan de sa campagne présidentielle, et il est vrai que la vie des ukrainiens a beaucoup changé depuis un an. Au lendemain de son élection, Poroshenko a promis que l’”opération anti-terroriste” au Donbass ne durerait que quelques heures. Selon les données de l’ONU depuis 13 mois de conflit il y a eu 6243 morts et 15615 blessés. La population du Donbass va vers une catastrophe humanitaire à cause du blocus financier et routier instauré par l’Ukraine. Le pouvoir d’achat en Ukraine a baissé de 25%, le salaire minimal s’élève à 43 dollars et se trouve désormais parmi les plus bas salaires dans le monde (segodnya.ua). La devise ukrainienne, la hryvna (UAH) a connu une dévaluation record de 11,71 en mai 2014 à 21 pour 1 dollar en mai 2015 (en passant par 33,75 pour un dollar en février 2015) (bloomberg). Les prix se sont envolés, l’inflation de la consommation est de 60,9% ce qui cache des disparités énormes, le prix des carottes par exemple a été multiplié par 3 (voir actu’Ukraine de la semaine dernière les-crises.fr au mercredi 20 mai) ! Les tarifs d’électricité, chauffage, l’eau et le gaz ont augmenté considérablement. La dette publique ne cesse d’ augmenter et l’Ukraine frôle la faillite. Les réformes se font attendre.

L’avenir européen de l’Ukraine reste flou voire s’éloigne. L’UE préfère donner un régime sans visa aux micro états du pacifique qu’à l’Ukraine ! Alors que, dans son discours le 7 juin 2014, Poroshenko avait promis le régime sans visa à partir du 1 janvier 2015…

Dans cette vidéo du 26 mai, un combattant ukrainien, blessé et prisonnier, fait de son côté le bilan de cette “année Porochenko” sans manifester de colère apparente (youtube).

 Transcript et traduction par Elena:

Félicitations à tout le monde, aujourd’hui c’est une grande fête, cela fait un an depuis que nous avons élu notre grand président P. P. Depuis un an, notre niveau de vie a baissé de 200%, par exemple le pain coûtait 3 ou 4 Hrv il y a un an et demi, maintenant il coûte 8 ou 9 Hrv. Qu’est ce qui se passe avec le dollar (le cours du dollar)? Il a promis de finir l’ATO en quelques jours, nous on voit que l’ATO est finie, nous n’avons plus de guerre. Autre chose : notre respectable petit président a promis qu’il n’y aurait que les volontaires dans l’ATO, qu’on ne va pas forcer ceux qui font leur service militaire à y aller. Moi j’ai vu les volontaires juste (inaudible). On sait que les volontaires après l’ATO se retournent contre le PP. Notre respectable président a promis 150000 Hrv en cas de blessure dans la zone de l’ATO , comme vous voyez, mon président, je suis bel et bien blessé, donnez moi au moi 100! On n’est pas à 100000 près! En cas de décès, on a promis 500000 ou 600000 Hrv. Combien sont-ils mort à Ilovaysk, combien à Débaltstevo? Combien sont morts dans les petits conflits? Il (le président) n’a payé personne! Pourquoi jeter les paroles en l’air? Dites tout simplement qu’il n’y a plus d’argent, que le pays est en faillite, tout le monde le dit, et juste pour vous l’Ukraine (geste signifant tout est OK). Monsieur le Président, bonjour de Donetsk, Je suis actuellement à Donetsk, je suis prisonnier blessé dans la zone ATO, On ne me donne même pas un rasoir pour que je puissse me raser, Bonjour à ma famille. Je vous demande encore une chose: au plus vite (bip bip)”.

Et enfin, pour doucher les rêves de victoire ukrainiens, les services de renseignement de la république de Donetsk communiquent que l’état-major ukrainien s’attend à des désertions en masse dans les rangs de l’armée ukrainienne en cas de reprise des combats  (fortruss).

 

• L’Isolement par rapport au monde financier : la déclaration de guerre de Poroshenko aux créanciers internationaux. Militairement, l’Ukraine s’est opposé à la puissante Russie. Financièrement, elle s’oppose à des fonds d’investissements internationaux également puissants (Lazard  Ltd., Blackstone Group International Partners LLP, BTG Pactual Europe  LLP, TCW Investment Management Co., T.Rowe Price Associates Inc., Franklin Templeton,…). Dans les deux cas, elle s’attaque à des poids lourds très au dessus de sa catégorie sans aucune chance de l’emporter… Et comme avec la Russie, l’Ukraine essaye la manière forte ! Porochenko a ratifié la loi 2899-2015 du 19 mai permettant de suspendre les versements aux créanciers du pays (voir le focus de l’actu’Ukraine du 27 mai  les-crises.fr) (president.gov.ua, sputniknews, yahoo, reuters, russia-insider, gordonua.com). Ceci revient, ni plus ni moins, à déclarer la guerre aux créanciers de l’Ukraine. Néanmoins, la ministre des Finances du pays “espère organiser une réunion” avec les créanciers (fortruss).

Ceci n’empêche pas l’Ukraine d’émettre le 29 mai des bons du trésor sur 5 ans pour une valeur de 1 milliard USD à 2,5% d’intérêt (sputniknews) !

De plus, les réserves en devises et or du pays seraient, selon certains, négatives ! de -2,5 milliards USD exactement (mignews.com.ua via fortruss) !  Dans ce contexte, l’Allemagne accorde un nouveau crédit de 500 millions EUR à l’Ukraine lors de la visite de Frank-Walter Steinmeier, le ministre allemand des affaires étrangères, à Kiev, vendredi 29 mai (sputniknews, president.gov.ua).

 

• L’isolement par rapport à Internet : Facebook. Facebook bloque les comptes des politiciens ukrainiens pour attisement de la haine. Les députés Boris Filatov, Borislav Bereza et le conseiller en communication Taras Berezovets ont vu leurs comptes suspendus et le groupe Ukrop a été supprimé. Dans un de ses posts, Taras Berezovets s’étonnait que les 2 militaires russes prisonniers n’étaient pas battus. Selon Borislav Bereza, les “bans” sont les résultats de travail d’une armée de trolls russes. Le politologue Mikhail Pogrebinskii est persuadé que les politiciens ukrainiens doivent réfléchir avant d’écrire : “Comme a déclaré Zuckerberg, la modération du segment ukrainien du Facebook se passe en Europe, et non en Russie. Ces gars (les députés) appartiens à une classe dirigeante, à la majorité. Ce qu’il écrivent ne plait pas à l’Europe:  incitation à la haine, les injures et les insultes.” (rusvesna.su).

Le ministère de la politique d’information (surnommé la “ministère de la vérité” en référence à “1984″) considère que le blocage des comptes Facebook des ukrainiens devient systématique et  remet en cause le droit de liberté d’expression, garanti dans la constitution ukrainienne et la déclaration des droits de l’homme de l’ONU (112.ua). L’adjoint du ministre mènerait les négociations avec l’administration du Facebook à ce sujet.

SECOND FOCUS DE LA SEMAINE : 26, 27 et 28 MAI, JOURS DE RECUEILLEMENT POUR LA NOVORUSSIE

• Le 26 mai est le jour anniversaire du début de la guerre au Donbass.  Le 26 mai est un jour symbolique pour la république de Donetsk car il marque le début réel de la guerre avec des bombardements violents sur la ville et le débarquement par hélicoptères de troupes ukrainiennes sur le site de l’aéroport de Donetsk le 26 mai 2014 (novorossia.today). C’est aussi le jour d’un bombardement meurtrier d’une zone civile de Gorlovka, le 26 mai 2015, soit exactement un an plus tard (voir plus bas) (novorossia.today, youtube).

Авиация ВСУ. Донецкий аэропорт 26.05.2014. Начало. (youtube)

 

• Le 27 mai 2015, dans la république de Lougansk : Funérailles d’Alexeï Mozgovoï et des ses compagnons d’infortune. La cérémonie a eu lieu le 27 mai 2015 à Alchevsk (colonelcassad, novorossia.today, dnr-news.com, youtube, youtube). Plus de mille personnes ont assisté aux funérailles. Alexei  Borissovitch Mozgovoï a été assassiné le 23 mai dans une embuscade avec plusieurs de ses hommes et son attachée de presse Anna Samelyuk. Un couple de civil a également été tué, dont une femme enceinte dans son dernier mois de grossesse.

 

 

Le manifeste politique de Mozgovoi (youtube)

 

• Le 28 mai 2015, dans la république de Donetsk : Funérailles des victimes du bombardement de Gorlovka et décret d’un jour de deuil national.  Des artilleurs ukrainiens ont bombardé une zone résidentielle dans la ville de Gorlovka le 26 mai vers 19h00. Au total, six civils ont été tués dont trois sur le coup avec parmi eux un père et sa fille de 11 ans (colonelcassad, novorossia.today, youtube, rt.com).  Les responsables de la DNR/RPD affirment avoir découvert quels sont les officiers ukrainiens responsables : Viktor Ioushko et Oleg Lisovoï. L’information a été diffusée à la télé russe sur la chaîne Russie 24 (Россия 24) (youtube, glagol.su).

Les victimes du bombardement à Gorlovka (youtube – sans commentaires, vidéo + 18)

Le 27 mai, Alexander Zakharchenko, leader de la république, a signé le décret  №219 “Sur la déclaration de deuil en rapport avec les événements tragiques dans la république de Donetsk” qui institue un jour de deuil annuel le 28 mai pour toutes les victimes de la guerre : “Exprimant notre affliction à propos des civils qui sont morts du fait des tirs barbares effectués par les forces ukrainiennes sur des localités de la République populaire de Donetsk, je décrète que le 28 mai de l’année 2015 est un jour de deuil… Sur tout le territoire de la DNR les drapeaux gouvernementaux seront mis en berne, il est recommandé aux établissements culturels et aux compagnies de radio et de télévision de supprimer les manifestations et les émissions de divertissement.” (dnr-news.com, ridus.ru à 09 h 22).

Gorlovka 27/05/15. Les frappes d’artillerie anéantissent une famille (youtube, version originale youtube).

A Gorlovka, plus de deux cent personnes se sont rassemblées devant la morgue de l’hôpital n° 2 afin d’accompagner au cimetière la famille et les amis d’un père et de sa fille de 11 ans. Pratiquement tout le corps médical de l’hôpital s’est joint à ce rassemblement (youtube).

Горловка – “Сыночек – ты меня слышишь?”  Gorlovka – “Mon fils – peux-tu m’entendre ?” (youtube)

Gorlovka 28/05/15 “Dites à Porochenko que c’est un fumier!..” (youtube)

A Donetsk même, environ 7.000 personnes se sont réunies sur la place centrale de la ville (youtube).

 

 LUNDI 25 MAI 2015

• Signes très nets de détente USA Russie. L’usine d’aviation civile de l’Oural (Russie) a signé un contrat avec Bell Helicopter (USA), pour l’assemblage des hélicoptères Bell 407GXP à Ekaterinbourg (Russie) (ria.ru)… Les sanctions semblent devoir se terminer d’elles-même… Trop tard cependant pour les Mistral et la France, le contrat est rompu le 29 mai 2015 (businessinsider, sputniknews).

Plus tard dans la semaine, un destroyer américain qui flirte avec les eaux territoriales russes en Mer Noire est fermement rappelé à l’ordre par des avions russes (zerohedge, rt.com, sputniknews, theaviationist). Le pentagone dément tout comportement inhabituel de son navire et apparemment “oublie” l’incident (reuters, reuters).

Il est aussi intéressant de signaler, dans cette dynamique de détente, la parution conjointe par l’Atlantic Council (atlanticcouncil.org) de deux rapports anti-Poutine. ” Hiding in plain Sight” (atlanticcouncil.org, dropboxusercontent), un rapport sur la présence des troupes russes en Ukraine, sujet qui n’intéresse plus personne (voir le flop de la capture de deux soldats russes en focus de la semaine dernière : les-crises.fr) est présenté en même temps que la version anglaise du “rapport Nemtsov”, “Putin.War”, dont plus personne ne parle (4freerussia.org) (voir Actu’Ukraine du 19 mai 2015 à la date du 13 mai les-crises.fr).

Egalement, le 27 mai, Biden avait fait un tour de piste au Brookings Institute sans grande répercussion médiatique (brookings.edu, youtube). Pour Vzgliad, l’intervention de Biden se résume à “la Russie essaye d’effrayer les alliés des Etats Unis en Europe et achète les partis anti-système de l’ancien monde” (vz.ru). Pour Sputnik News, c’est l’arrogance voire l’incohérence américaine qui sont montrées du doigt. Dixit Biden : “Nous allons continuer à chercher une issue pour le président Poutine.  Nous ne voulons pas le mettre dans une position inconfortable. Nous ne voulons pas un changement de régime, nous ne songeons pas à réévaluer la  situation intérieure de la Russie. Nous voulons qu’il se comporte de  façon plus rationnelle. Mais dans le cas contraire, nous continuerons à  nous opposer à ce que j’appelle une agression pure et simple” (sputniknews via olivierdemeulenaere).

 

• Une manifestation de protestation à Kharkov dégénère en bagarre. Aujourd’hui à Kharkov, les activistes d’une initiative publique nommée “Kharkoskiy monitor” ont mené une manifestation de protestation et réclamé le départ du président et du premier-ministre d’Ukraine.

A 14 h 30 les activistes ont bloqué la chaussée de Salatov dans le secteur du centre commercial “Boulevard de France”. Plusieurs dizaines de personnes se tenaient là avec des banderoles “Porochenko et Yatseniouk – démission” et “Stop aux privatisations criminelles”. Les participants à la manifestation criaient “Debout, Kharkov !”. Vers 15 heures, les participants ont été attaqué par des nationalistes radicaux. Les assaillants ont déchiré les banderoles et ont tenté de frapper les activistes  (youtube).

 

• Retour vers l’Est. Un certain nombre d’Ukrainiens du Donbass qui s’étaient réfugiés dans les régions ouest de l’Ukraine, souvent parce qu’elles y avaient de la famille ou des amis, reviennent dans leur région d’origine. Un article publié dans un média récemment créé (nahnews.org, segodnya.ua) avance comme explication que ces personnes reviendraient au Donbass par peur de la faillite qui arrive au galop dans la partie du pays sous contrôle de Kiev et du chômage de masse qui s’ensuivrait. De plus, cela se sait que les autorités de la DNR et de la LNR paient les retraites et les prestations sociales à la place du gouvernement, il est donc logique que ceux qui sont dépendants de ces prestations reviennent vers ceux qui peuvent les honorer.

 

• Effets tangible de la faillite ukrainienne. La faillite annoncée de l’Ukraine n’est pas seulement quelque chose d’abstrait, des chiffres sur du papier. Elle se ressent concrètement, par exemple, dans un secteur indispensable : la production d’électricité. Le ministère de l’énergie a communiqué aujourd’hui la nouvelle de l’arrêt de la centrale électrique thermique de la ville de Zmiiv, dans l’oblast de Kharkov, nouvelle relayée par l’agence d’information de la DNR/RPD (dnr-news.com) et par un autre média ukrainien (mignews.com.ua) . L’arrêt a été décidé le 22 mai par Tsentrenergo en raison d’un “déficit en charbon ne permettant pas de faire fonctionner plus d’un groupe de production”. Mais travailler avec un seul groupe de production n’est pas avantageux. C’est pourquoi le charbon sera réparti dans la centrale afin qu’elle puisse tourner avec 2-3 groupes…mais pas tout le temps. A l’heure actuelle, la provision de charbon représente 130 wagons de charbon, communique Tsentrenergo. Peu auparavant, on avait appris l’arrêt de la centrale de Slaviansk (gazeta.ua) située dans le territoire du Donbass sous contrôle ukrainien en raison du manque d’argent pour acheter du combustible.

On se souvient  que l”hiver 2014-2015 a été durement ressenti par la population ukrainienne en raison de coupures de courant “tournantes” et annoncées par les services concernés, afin d’économiser l’énergie. Cela va nécessairement se reproduire. Mais il y a fort probable que les quartiers où résident la plupart des politiciens et responsables ukrainiens seront épargnés. En effet, une décision du cabinet des ministres  interdit d’appliquer les coupures d’électricité aux “bâtiments, organismes et institutions gouvernementaux d’intérêt stratégique, ainsi qu’aux liaisons de télécommunications” (rian.com.ua le 25 mai 2015).

 

 

 MARDI 26 MAI 2015

• Agitation sociale à Kiev. Les syndicats professionnels ukrainiens (site de leur fédération : fpsu.org.ua) annoncent trois manifestations devant l’administration présidentielle, à raison d’une par semaine pendant trois semaines, le jour du conseil des ministres : mercredi 27 mai, mercredi 3 juin et mercredi 10 juin (112.ua, interfax.com.ua, ukrinform.ua).

 

• Critique des privatisations en Ukraine. Sur son blog , Viktor Medvedchouk, leader du mouvement “Choix ukrainien”, s’élève contre les privatisations en cours (vybor.ua) : “Le pouvoir a l’intention de déployer dans le pays une véritable mégaprivatisation qui, à y regarder de plus près, ressemble plutôt à une vente de liquidation. Le gouvernement a déjà pris la décision de vendre 286 “objectifs”. Le Cabinet des ministres n’attend plus que le feu vert de la Rada pour privatiser 43 autres entreprises“. Le pouvoir veut sortir de l’emprise du gouvernement tous les ports de commerce maritimes, l’entreprise “Odesskii priportovii zavod” (opz.odessa.net), deux unités de fabrication de produits chimiques – ammoniaque et engrais azotés -, quatre unités de transbordement de substances chimiques et d’autres divisions), ainsi que pratiquement toutes les centrales énergétiques des oblasts de l’est.

Un expert estime que la période est très défavorable pour entreprendre ces privatisations  : “Actuellement, l’époque n’est pas favorable à la vente des entreprises d’état ukrainiennes : la guerre, l’instabilité politique et économique se font sentir de manière négative sur le prix des actifs en les divisant plusieurs fois. Face à de tels risques, l’intérêt des investisseurs n’est pas très grand, ce qui signifie qu’il n’y aura pas de concurrence au moment de la vente, et par conséquence, pas d’importantes rentrées d’argent à attendre de celle-ci.”

Quant à la vente des entreprises agro-alimentaires, Medvedchouk considère que les vendre maintenant n’est absolument pas dans l’intérêt de l’Ukraine. Sa conclusion est claire : “Ces aspirations à vendre au plus vite les entreprises d’état montre à l’évidence que l’équipe qui détient le pouvoir est décidée à mettre “dans les mains qu’il faut” le plus grand nombre possible de possessions étatiques pendant qu’elle encore “aux commandes”. Il semblerait que les “mains qu’il faut” soient déjà prêtes à accepter du pouvoir ukrainien ce cadeau si généreux”.

Cela rappelle étrangement  les années Eltsine en Russie, quand Boris Nemtsov était ministre de l’Énergie et vice-président du gouvernement chargé de l’Économie sous la présidence de Boris Eltsine, de 1997 à 1998. En pire, car à l’époque, ce sont des Russes qui ont mis la main sur les ressources énergétiques et les entreprises du pays, devenant les oligarques que l’on reproche tant à Poutine, même s’il a pourtant quelque peu “fait le ménage” dans leurs rangs… En Ukraine, ce seront des occidentaux qui achètent. Enfin, peut-être… et à quel prix ?

Porochenko avait dit en avril 2014 : ” Si je suis élu, je vendrai le groupe Roshen” (dont une des usines se trouve en Russie, dans le pays ennemi). La vente tarde. La guerre fait fuir les acheteurs et le seul intéressé, Nestlé (korrespondent.net) a proposé 1 milliard de dollars, soit 3 fois moins que ce que veut Poroshenko.  Cet épisode est symptomatique et  laisse mal augurer des privatisations suivantes… Ceci n’empêche pas le premier ministre, Arseny Yatsenuk, d’appeler les investisseurs américains et  les industriels et hommes d’affaires allemands à acheter les entreprises d’état. Plus de 300 compagnies sont mises en vente dans l’industrie charbonnière, l’agriculture, les ports maritimes. Plus de 30 millons d’hectares de terres agricoles pourront être vendus. Les allemands ont déjà des projets en cours, mais plutôt de création et non de rachat. Une compagnie allemande envisage d’investir 2 millions d’euros dans une installation de production de biogaz en Ukraine, dans la région de Soum (unian.net) une autre se propose de produire du bioéthanol (unian.net).

Ukraine up for sale | Kiev encourages American investors to buy its state assets.  Interview de RT avec le professeur  Richard Sakwa, auteur de  “Frontline Ukraine: Crisis in the Borderlands”   (version en anglais  youtube,  version en russe youtube)

 

• Répression politique en Ukraine : l’histoire de Rouslan Kotsaba (youtube).  

 

• Visite de l’ambassadeur russe en Ukraine aux deux prisonniers russes. Alekseï Grubiy a vu les 2 prisonniers russes à l’hôpital, dans la région de l’Oblast de Lougansk sous contrôle ukrainien (lenta.ru).

 

• Des nouvelles de Vita Zaveroukha.  Elle subirait selon elle des intimidations en prison et a tenté de s’ouvrir les veines avec les dents (dnr-news, rian.com.ua)… Son avocat est passé à la télé ukrainienne (youtube). Il accuse la police de tortures sur Vita et dénonce toute la procédure : arrestation illégale, aveux fabriqués, etc. (roadcontrol.org.ua).

 

cliquez sur l’image pour voir la video

 

 

MERCREDI 27 MAI 2015

• Les ukrainiens ne font pas confiance à leur gouvernement.  C’est la conclusion du gouvernement canadien  suite à un sondage commandé à plusieurs compagnies étrangéres et  ukrainiennes. Les Ukrainiens considèrent  que le pays avance dans la mauvaise direction et souhaitent la décentralisation du pouvoir  (vesti-ukr.com).

 

• Le problème des armes en Ukraine : trafic vers l’Europe de l’ouest et passage en Russie. Il existe déjà un trafic d’armes illégales d’Ukraine vers l’Europe, a déclaré sur le plateau de “Kanal 5″ le porte-parole du conseil de surveillance de l’Association ukrainienne des possesseurs d’armes, Grigori Outchaïkine : “Un gros volume d’armes illégales présentes sur le territoire ukrainien partent dans toutes les directions. J’ai été l’un des participants de la réunion avec les gens de l’OSCE. Ils observent et constatent qu’il y a déjà un trafic d’armes illégales partant d’Ukraine en direction des pays d’Europe (de l’Ouest, Ndlr.)” (ukrinform.ua).

Le même problème existe côté russe. Ceci à conduit la Russie qui renforce sa frontière avec le Donbass. Plus de 40 kilomètres de clôture sont prévus, environ 100 kilomètres de fossés ont été creusés. Le service frontalier régional du FSB de la fédération de Russie déclare que ce renforcement était nécessaire pour garantir la stabilité dans la région du Don et freiner l’entrée illégale d’armes en Russie en provenance d’Ukraine. Depuis le début de 2015, les gardes-frontière de l’oblast de Rostov ont bloqués plus de 60 tentatives de passage d’armes et de munitions et ont dû faire 5 fois usage de leurs armes. Plus de 130 personnes ont été arrêtées en tentant de franchir la frontière (big-rostov.ru).

 

Dans ce contexte, le Procureur général Chokine a évoqué la possibilité d’une légalisation rapide des armes à feu en Ukraine. Selon les chiffres officiels, les taux de criminalité en Ukraine ont doublé depuis un an. Selon des experts cités par Vzgliad, elle a en fait décuplé. Le quotidien rappelle que 20 000 droits communs ont été amnistiés pendant cette période. Selon Vzgliad, la décision de légaliser les armes à feu serait encouragée par Porochenko qui a l’appui de “Praviy Sektor” (http://www.vz.ru/world/2015/5/28/747913.print.html).

 

• Le marronnier de l’actu ukrainienne est de retour. En language journalistique, un marronnier est un sujet régulier, généralement saisonnier, qui remplit des colonnes à coup sûr. Pour l’Ukraine, c’est la concentration de troupes russes à la frontière annonçant une invasion prochaine… Cette fois ci c’est sûr… Il y a même des témoins : “Exclusive: Russia masses heavy firepower on border with Ukraine – witness” titre Reuters (reuters.com) le 27 mai 2015. Moon of Alabama s’est amusé à faire le total une liste des articles de Reuters sur le sujet (moonofalabama.org via russia-insider) :

 

JEUDI 28 MAI 2015

• En réponse aux menaces de privatisation, les Odessites ont manifesté à Kiev pour réclamer le statut de “port franc” pour leur ville. Près de la Rada suprême, environ 500 activistes du mouvement public “Odessa-pour un port franc” ont mené une action de soutien à l’établissement d’une zone de régime économique et administrative libre (youtube). Evénement rapporté par le leader du mouvement, Alekseï Tsvietkov. Il a également déclaré avoir remis à l’appareil de la Rada suprême une pétition de 37 000 signatures soutenant la constitution d’un “port-franc” dans la région : “Quand nous avons réuni les signatures à Odessa, nos activistes se sont fait rosser, les agents du SBU ont fait des perquisitions, ils ont confisqué les signatures qu’avaient rassemblées nos gars. Je voudrais poser la question: où est la démocratie européenne? On a ouvert une information judiciaire contre moi – c’est ça, la démocratie?” (youtube).

 

• Anatomie d’une campagne médiatique : Les sept crématorium mobiles russes  et la crédulité/complicité des plus hautes autorités militaires américaines. La semaine dernière, Schinazi nous signalait un article intitulé “Poutine utilise des fours crématoires mobiles en Ukraine” (levif.be). L’ignorer serait une erreur, car il indique quelle preuve les plus hautes autorités legislatives américaines peuvent invoquer pour faire passer un projet d’une intervention militaire américaine de grande envergure en Ukraine. Cette histoire d’incinérateurs pourrait être équivalente à la fiole d’anthrax irakien montrée aux Nations Unis par Colin Powell.

Premier hebdomadaire d’information en Belgique francophone, avec 469 000 lecteurs (wikipedia.org), Le Vif/L’Express se réfère à un article de Bloomberg (bloombergview.com). Bloomberg est un media américain habituellement assez sérieux et relativement neutre. Son article cette fois se borne à rapporter les propos du député Seth Moulton : “les informations sur la guerre que les autorités ukrainiennes ont données aux législateurs américains ne sont pas brillantissimes (the information [...] from Ukrainian officials, whose record of providing war intelligence to U.S. lawmakers isn’t stellar).” Bloomberg est prudent et donne en lien un article qui révèle que des images de colonnes de chars russes, supposés envahir l’Ukraine mais en réalité photographiés en Georgie en 2008, avaient été données aux parlementaires américains par une délégation conduite par Semen Semenchenko, Anatoli Pintchuk, et neuf autres officiels ukrainiens à la fin de l’année 2014 (buzzfeed.com).

“Il y a eu des rapports non confirmés de l’usage par la Russie de crématorium mobile [...] mais autrefois, les officiels américains n’y ont jamais cru. Le chef de la sécurité ukrainienne [SBU], Valentin Nalyvaichenko, déclara en janvier [2015] que sept camions transformés en crématorium ont traversé le pays sur une période de 4 jours, chacun de ces crématorium pouvant brûler 8 à 10 corps par jour”.

Penchons nous sur les acteurs de cette campagne médiatique :

En premier lieu, voyons quelle est la source de cette rumeur. Valentin Nalyvaychenko est le chef du SBU, le service de sécurité ukrainien. Il est né à Zaporojié, mais est très proche idéologiquement des extrémistes de Lvov. Il a déménagé une partie des bureaux de l’ex-KGB dans cette ville où vivait Stepan Bandera et a surtout mené une importante action en justice en 2009 pour faire reconnaitre le Holodomor comme étant un génocide des Ukrainiens de la part des Russes, alors qu’en réalité, cette famine de 1932-33 toucha principalement les régions proches de la Russie et donc celles où vivaient majoritairement des russes ethniques. Le jugement du tribunal, qualifié de farce théâtrale, contribua à la défaveur du gouvernement Ioulia Timochenko par la population russophonne. Nalyvaychenko fut diplomate en Finlande en 1994, puis aux Etats-Unis de 2001 à 2003, et eut des relations tellement amicales avec les Américains, qu’il donna l’accès aux bureaux du SBU à des employés de la CIA en 2013 (ru.wikipedia.org). Le lendemain du crash du boeing MH17, c’est lui qui annonça que l’aomogoyu-rosiyskogo-zrk-buk). Puis, le 28 janvier 2015, il a annoncé à la télévision que la Russie avait envoyé sept camions dans la région de Donetsk équipés de fours pour brûler les corps des soldats russes ainsi que leurs papiers d’identité (atoua.com) vion avait été détruit par l’armée russe à partir de systèmes de missiles anti-aériens Buk M, et qu’il en avait des preuves (unn.com.ua, youtube). On constate que les mensonges de Nalyvaychenko se développent sur des éléments réels (la famine, le crash) et il est possible qu’il en soit de même pour ces camions, car il en existe pour incinérer les chiens errants (theorisk.wordpress.com).

Revenons à l’article de Bloomberg : “Thornberry dit qu’il a vu des preuves des crématoriums à partir de sources américaines et ukrainiennes (he had seen evidence of the crematoriums from both U.S. and Ukrainian sources). Il a dit qu’il ne peut pas dévoiler les détails de ces informations classifiées, mais qu’il insiste sur le fait qu’il croit à ces rapports.”

Mac Thornberry n’est ni un petit journaliste ni un petit homme politique. Il est le directeur (chairman) de la Commission des Forces Armées pour la Chambre des Représentants. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, depuis 1946, toutes les lois concernant l’armée américaine et ses missions sont élaborées par les deux “Committees on Armed Services”, un pour chaque chambre du parlement (John McCain est le directeur de l’autre comité, celui du Sénat).  “Nous avons entendu cela de plusieurs sources là-bas, suffisamment pour que nous ayons confiance dans la véracité de cette information” dit Moulton, qui lui aussi prend soin de ne pas divulguer d’informations américaines classées.”

L’informateur de Bloomberg, Seth Moulton, est un jeune député américain du parti Démocrate, élu du Massachusetts, qui fait partie de la Commission présidée par Thornberry. Il fut officier en Irak de 2003 à 2008. Il est populaire car il

s’exprime bien quand il est invité sur les plateaux de télévision américains pour parler de l’armée et de la politique étrangère. Moulton et Thornberry sont allés à Kiev fin mars 2015.

“Alexander Vershbow, a déclaré dans une conférence en mars (bbc.com), “Les dirigeants russes ont de plus en plus de mal à cacher le fait que des soldats russes combattent, et meurent, en grand nombre en Ukraine de l’est.”

Bloomberg fait appel ici à un homme très important de la diplomatie américaine et de la Défense. Alexander Vershbow travailla pour l’OTAN, où il fut actif dans le processus de démantèlement de la Yougoslavie. Puis il fut nommé ambassadeur en Russie de 2001 à 2005, où il s’opposa à Poutine. Il devint ambassadeur en Corée du Sud, où il mena une “ligne dure” contre la Corée du nord (wikipedia). Et enfin, depuis 2012, il est “Deputy Secretary-General” de l’OTAN, qui est le deuxième poste le plus important, derrière celui du Secrétaire Général occupé par le Norvégien Jens Stoltenberg.

Bloomberg confirme l’ingérence russe : “Les bloggers russes et ukrainiens ont établi des listes des soldats tués en Ukraine” (tvrain.ru). Ce site prend ces sources dans les pages de réseaux sociaux, les communiqués pro-ukrainiens, et les vidéos tournées par des pro-Maidan. Néanmoins, examinons cette liste puisque c’est la seule citée par Bloomberg, qui la considère comme une référence. Elle ne recense que 34 soldats dont on ne sait pas s’ils sont vraiment en activité actuellement ou si ce seraient d’anciens soldats. 13 personnes citées sont encore vivantes, 16 personnes sont mortes dont 7 sont enterrées, et 5 sont disparues. Donc, au maximum, les crématoriums secrets auraient éliminés les cadavres 16-9+5=14 soldats russes. Cela fait une moyenne globale de seulement de 2 cadavres par crématorium mobile. On est loin du “grand nombre”. Ensuite, pourquoi faire enterrer les 7 russes de la liste, au lieu de les incinérer, et en plus de les enterrer dans des endroits hors d’Ukraine où le public russe a pu être présent et connaitre le secret, comme c’est le cas pour deux morts enterrés à Nijni-Novgorod, un à Voronej, et un en Bachkirie.

Bloomberg explique ensuite la motivation de Thornberry et Moulton : “Cependant, tenant compte de la résistance européenne, le président Président Barack Obama, a dit en mars qu’il était encore en train de réfléchir au sujet de la fourniture d’armes défensives à l’Ukraine. Maintenant, deux mois plus tard, il faut qu’il prenne une décision. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour qu’un moyen légal force cela (legislatively forcing it to happen). Comment pouvons nous forcer un président à donner des armes à un pays, s’il ne le veut pas ?” (How do we force the president to provide weapons to a country if he doesn’t want to?) a déclaré Thornberry. “Je ne vois personne qui s’y oppose sauf le Président Obama” (“I can’t find anyone who is against this except for President Obama.”).

Les Commissions des Forces Armées ont déjà obtenu, le 30 avril dernier, le vote d’une “lethal assistance” d’une hauteur de 200 millions (armedservices.house.gov), mais ils en veulent encore plus.

Enfin, l’article de Bloomberg se termine sur les mots “stopping Putin’s murderous mischief.” Bien évidemment, c’est Poutine en personne qui a des actions malicieuses et meurtrières. Medvedev n’existe pas, ni les habitants d’Ukraine du sud-est.

Espérons que les Américains ne déclencheront pas une troisième guerre mondiale en la justifiant par les photos d’un camion de la SPA de Donetsk chargé d’incinérer les chiens errants qui se multiplient dans les décombres.

La porte-parole du département d’état US, Marie Harf, n’a pas confirmé l’existence des incinérateurs. La question lui a été posée lors d’une interview sur CNN le 27 mai (cnn.com).

BLITZER: You have seen these reports that Russia has deployed mobile crematoriums to Ukraine to dispose of bodies, including Russians — Russian soldiers who may be killed, so there’s no evidence that Russian soldiers are there. Are these reports true? 

HARF: Right. Well, I have seen them, and we can’t independently verify them. But what we do know is there are Russian soldiers in Eastern Ukraine, there are Russian soldiers who have died in Eastern Ukraine, and that the Russians have tried to cover up the fact that there are Russian soldiers there, whether it’s removing the insignia off of their gear they wear into battle, whether it’s stripping off the markings on a tank, for example. 

They have tried to hide their presence their. But on that report, we just can’t confirm.

Ces incinérateurs mobiles ont déjà fait l’objet de polémiques, mais ils étaient jusqu’à présent attribués aux Ukrainiens et mis en rapport avec leur grand nombre de tués. Ce sont les milices du Donbass qui avaient annoncé cette nouvelle en janvier 2015 (ridus.ru à 20 h 34). Dans l’article cité, on trouve un bref passage qui confirme l’incinération des soldats ukrainiens tués : “…после чего пойдут гробы, которые будут закопаны в Польше и Литве. И хорошо, если бойцов будут хоронить, а не сжигать, как на Украине. Не думаю, что данный вариант является для литовцев приемлемым ” “…après quoi arriveront des cercueils, qui seront enterrés en Pologne et en Lituanie. Et ce sera bien si ces combattants sont enterrés, et pas brûlés comme en Ukraine. Je ne pense pas que cette variante soit acceptable pour les Lituaniens“.   Le chef du SBU avait été interrogé en avril 2015 par des députés sur le fonctionnement des incinérateurs de Kiev au moment du massacre de Maïdan (rbc.ua).

 

VENDREDI 29 MAI 2015

• 80% des Ukrainiens sont sous le seuil de pauvreté. Avec un salaire moyen de 50 USD par mois, selon Russia Insider (russia-insider) on obtient 1,67 USD par jour, donc très inférieur au seuil de pauvreté de 5 USD par jour…

 

• Rumeur de préparation d’offensive ukrainienne.  D’après les données rapportées par une de leurs équipes infiltrées, les chefs de la DNR / RPD estiment que le commandement des Forces armées ukrainiennes prévoient de commencer à partir de samedi l’acheminement vers Volnovokha, en deux fois, de  la 55e. brigade d’artillerie.  L’acheminement de la première partie se fera entre le 30 mai et le 2 juin (17 véhicules KRAZ modernisés. La seconde colonne se composera de 20 véhicules, après le 2 juin. Il y aurait des obusiers de 152 mm Мста-Б, des canons de 152 mm Jacinthe B (wikipedia).

 

• Explosion dans un magazin Roshen à Kiev.  Les radicaux de l’organisation Kiev Division ont revendiqué l’explosion (youtube). La population meurt, tandis que son business a augmenté de 18 fois. Nous appellons tous les ultradroites à détruire le business de cet occupant legitimement élu. Il aura d’autres explosions.”.  La video de revendication a été postée sur les réseaux sociaux et retirée aussitôt (vesti-ukr.com).

 

 • Saakashvili nommé gouverneur d’Odessa.  L’ex président de Georgie, Mikhail Saakashvili, est nommé par Porochenko gouverneur de la région d’Odessa (youtube, spiegel.de, lefigaro.fr).  Rappellons au passage l’importance strategique d’Odessa : un port immense et des gazoducs dans tous les sens…

M. Saakashvili est poursuivi en Géorgie pour détournement de fonds et abus de pouvoir, malgré la demande de Tbilissi, Kiev a refusé de  l’extrader (vesti-ukr.com). Le gouvernement lui avait proposé de prendre la direction du bureau anti-corruption, ce qu’il avait refusé… Il vient d’obtenir la nationalité ukrainienne après un temps qui lui a semblé extrêmement long, il s’en était plaint en avril sur le plateau de la chaîne ukrainienne “112″ (112.ua) : “Cela fait déjà cinq semaines que j’essaie, moi, chef du conseil présidentiel d’Ukraine, d’obtenir mon autorisation de résidence, et encore, ils me la font rapidement. Il y a des gars de chez nous qui se battent et se font tuer ici, pourtant ils n’ont toujours pas cette autorisation au bout de plusieurs mois. Pas parce quelqu’un les en empêche, mais  parce que c’est comme ça que fonctionne la procédure chez vous. Je ne vais quand-même pas corrompre quelqu’un, hein? Chez nous, ça prend 7 minutes, et pour moi, ça prend plusieurs semaines. “. On appréciera le “je ne vais quand-même pas corrompre quelqu’un, hein?”

Le moins que l’on puisse dire est que cette décision met tout le monde d’accord ou presque…

Pour Lyashko (facebook) : “Dans toute l’Ukraine avec ses 45 millions d’habitants, il ne s’est pas trouvé un seul citoyen digne de devenir président de l’administration régionale d’Odessa. En nommant des étrangers à des postes en Ukraine, le Président Porochenko à mon avis humilie la nation ukrainienne, reconnaissant devant le monde entier que les Ukrainiens eux mêmes ne sont pas capables d’instaurer l’ordre dans leur Etat. Peut-être que le Président aussi nous devrions le faire venir de l’étranger ?”

Denis Pouchiline, porte-parole de la DNR/RPD, a qualifié la nomination de Saakachvili de “véritable offense envers les Ukrainiens” (youtube).

Pour le premier ministre russe Medvedev, “le cirque continue” en Ukraine (dnr-news.com) et pour Russia Insider, le “clown géorgien” a été nommé gouverneur (russia-insider).

Alexeï Poushkov, président de la commission parlementaire aux affaires étrangères de la Douma, écrit dans son microblog sur Twitter: Алексей Пушков @Alexey_Pushkov 

Саакашвили забыл свои обещания вернуться в Тбилиси,чтобы возглавить Грузию. В Грузии он в лучшем случае может возглавить колонну заключенных” “Saakachvili a oublié sa promesse de revenir à Tbilissi pour diriger la Géorgie”.En Georgie, dans le meilleur des cas, il serait juste capable de diriger une colonne de détenus” (allusion aux nombreuses affaires dans lesquelles l’ex-président est compromis).

Les Odessites, eux, ont pendu des cravates rouges en divers endroits de la ville (24tv.ua). C’est une référence directe à Saakashvili, mangeant sa cravate rouge en direct sur la BBC en août 2008, après sa guerre désastreuse contre la Russie (nouvelle-europe.eu, fortruss).

D’ailleurs la presse ne lui donne pas beaucoup de chance de réussir à s’imposer ou même d’en sortir indemne. Saakachvili dit lui-même avoir été prévenu “qu’il est dangereux de rouler en voiture dans Odessa”. Des experts d’Odessa le qualifient de “corps étranger” (kp.ua) : “Quelques députés ont approuvé le choix du chef du gouvernement, en faisant remarquer que la région a besoin de changement. Pour autant, le député du parti “Batkivshina” Ivan Kroulko a écrit sur les réseaux sociaux que l’ancien président de Géorgie a été nommé jusquà l’automne. Par ailleurs, les experts locaux ne croient pas qu’en un laps de temps aussi bref, il soit en mesure de satisfaire aux tâches qui l’attendent….Saakachvili ne restera pas longtemps. Odessa est un tremplin pour sa carrière” pense le politilogue odessite Andreï Zolotarev.

Pour Kiev, cette nomination est à la fois un coup médiatique et une tentative d’évincer des postes haut placés les gens de Kolomoïski. En effet, Saakachvili remplace Igor Palitsa qui faisait partie de l’entourage de Kolomoïski. Rappelons aussi que le surnom de Kolomoïski, “Benia”, vient de la nouvelle d’Isaac Babel, qui avait donné ce nom au “roi” d’Odessa. Kolomoïski a réagi en déclarant : “Je suis surpris (de la nomination de Saakachvili). Je pense que c’est temporaire. Il va livrer Odessa aux Russes. … Quelle est sa nationalité ? Américaine, géorgienne, hollandaise, et maintenant ukrainienne ?” (rusvesna.su). Kolomoïski cherche à riposter en appelant au soutien des nationalistes ukrainiens. En revanche, la nomination de Saakachvili est une victoire pour Porochenko et surtout pour l’oligarque Viktor Pintchuk qui est le grand rival de Kolomoïski depuis toujours.

De nombreux spécialistes estiment qu’une telle nomination est un ratage, et que ce changement est mal venu. Les Odessites ne croient pas qu’un étranger puisse garantir la stabilité militaire et politique de la région, mais qu’il sert seulement de “chiffon rouge” pour le gouvernement de Moscou : “Les politologues sont persuadés que cette “créature” géorgienne aura bien du mal à prendre l’ascendant sur les militaires, les politiciens, les représentants de la sphère des affaires  et les organisations criminelles (Quel résumé de la société ukrainienne, soit dit en passant !). Ce corps étranger, cet extra-terrestre ne sera pas pris au sérieux, d’autant qu’il n’a aucun poids aux yeux des Odessites.”

 

• Propagande ukrainienne qui fait flop flop. Dans son talk Show, Savik Shuster a voulu faire témoigner en direct un militaire russe qui s’était battu en Ukraine de l’Est et connaissait les deux agents du GRU arrêtés par le SBU. Le militaire a témoigné en racontant tous les bobards habituels sur la présence des troupes russes, etc. Mais soudain il a traité les téléspectateurs d’idiots en disant que rien de ce qu’il a relaté n’était vrai : “Le plus important dans tout cela, c’est que tous vous y avez cru”, a-t-il dit “Parce que vous passez votre temps à mentir à votre peuple ukrainien.”. Le “témoignage” du militaire est juste au début de l’émission. Tout cela en présence des plus éminents propagandistes kieviens, dont Gerashchenko. Soit cet homme est très courageux, soit c’est une opération de déstabilisation et de trollage en règle (youtube, fortruss).

 

Шустер LIVE от 29.05.15 Часть 1   (youtube)

 

 

SAMEDI 30 MAI 2015

• Exemples d’humour russe (fortruss)

How did you sleep today?

Like a baby!

Cried half the night and crapped your diaper twice?

At the  rate things are going, they’ll soon write that John Kennedy was shot in  1963 by an 11-year-old pioneer named Volodya Putin. 

 US scientists searching for oil

We’ve been stealing from these idiots for 23 years, and they still think it’s the Russians’ fault

You raised their utility payments?
Yes
And lowered pensions?
Yes
And sent them to slaughter?
Yes
And how did they react?

They are yelling “Damn Russians!”

 

• Humour ukrainien involontaire.  Selon la déclaration qu’il a faite à la réunion du conseil de supervision de Ukrnafta , Igor Kolomoiskii va porter plainte contre l’état ukrainien pour une somme de 5 milliards (la devise n’a pas été precisée). Toujours égal à lui même, il a traité Aivaras Abromavičius, le ministre de l’économie de “singe” et d’incompétent. La journaliste de Rossia 24, chaine de TV russe, n’arrive pas à retenir un fou-rire en annonçant cette nouvelle (youtube). Kolomoiski a précisé à son collègue nationaliste, Oleh Liachko, qu’Abromavicius a un passeport brésilien où vivent beaucoup de singes (rusvesna.su). Kolomoiski est en réalité furieux d’avoir perdu Odessa où Igor Palitsa, son protégé, a été remplacé par Saakachvili. Il joue la carte nationaliste contre les étrangers dont Abromavicius qui est lituanien.

 

• Test de patriotisme ukrainien. Il y avait déjà eu la “lustration” des anciens fonctionnaires du gouvernement précédent, avec des gens traînés de force dans la rue et jetés dans un conteneur à ordures, ou encore arrosés de kéfir (youtube). Maintenant, des ultras ont inventé un nouveau test pour déterminer qui est séparatiste et qui ne l’est pas : “A Odessa, les activistes de droite ont une vision très personnelle  de la manière d’être Ukrainien. Devant le portail de la Cour d’Appel, le drapeau de Novorussie est devenu paillasson. Quiconque s’essuie les pieds dessus au passage avec joie et passion est étiqueté “patriote “. Quiconque tente de passer prudemment par-dessus ou de le pousser sur le côté doit immédiatement rendre des comptes. Cela va de questions comme “Alors, comme ça, tu es séparatiste?” à une poursuite à travers les couloirs du bâtiment – avec ordre de montrer ses papiers. Ce “test”, avec tous ceux qui s’y sont soumis soit de bon gré, soit avec réticences, a été filmé en vidéo. Le but de ces prises de vues, c’est en fin de compte d’identifier ceux qui n’ont passé ce test avec honneur et sous le salut de “Gloire à l’Ukraine”. (remembers.tvyoutube).

Ce drapeau de Novorussie, les “patriotes” l’ont amené depuis la zone de l’OAT (“Opération ant-terroriste”) et le considèrent comme un trophée personnel. L’initiateur de cette glorieuse idée explique (à partir de 00′ 40″) à ses concitoyens et aux juges de sa ville bien-aimée l’arrière-plan de ce test comme suit : “Ce qui est étendu là, c’est le drapeau de Novorussie – ce n’est même pas un Etat, c’est un groupement terroriste qui combat contre nos gars dans l’est (de l’Ukraine). Ils nous ont envoyé ce drapeau et nous ont dit : “Hé, les gars, faites donc quelque chose ! Ce n’est pas possible ! Nous, on les attrape (les séparatistes) et eux (les juges) les laissent repartir tout simplement. Après l’échange, on n’a plus de gars qui viennent, nos gars meurent et ici, ils les laissent tout bonnement filer. Comment est-ce possible ?”

Le résultat du test, soyons honnêtes, est mitigé. La plupart du temps, les gens essayaient de passer le portail le plus rapidement et le plus discrètement possible. Les autres ne se laissaient pas convaincre par rapport à leur opinion, qui est que l’on ne piétine pas un drapeau. D’autres, cependant, marchaient dans la combine d’une manière démonstrative.

Mais ce qui nous a beaucoup fait plaisir, ce fut la réaction d’un jeune policier qui a tenté de passer aussi prudemment que possible à côté du drapeau, et ce, sous les yeux du “jury” et devant la caméra qui tournait. Le “guide” a évidemment remarqué son manège et l’a constaté en proférant des accusations en rapport (à partir de 1′ 15″) : “Qu’est-ce que tu as fait, là? Tu es donc un séparatiste? Tu m’entends? Comment t’appelles-tu? Viens un peu ici, s’il te plaît.”

Comme le jeune homme -courageux- ne voulait pas se laisser embarquer dans une discussion de toutes façons inutile, il a tout simplement poursuivi son chemin, il a été poursuivi jusque dans le bâtiment et contraint verbalement de rendre des comptes.

Est-ce que vous soutenez l’organisation terroriste appelée “Novorussie”? Non? Et pourquoi avez-vous refusé de vous essuyer les chaussures sur le symbole de la Novorussie?

Ce à quoi le jeune policier, soucieux de protéger sa vie et celle de sa famille, n’a su répondre que “Je ne sais pas de quel drapeau il s’agit”.

 

DIMANCHE 31 MAI 2015

• Moscou établit une liste noire de personnalités européennes interdites de séjour en Russie. 89 personnes sont donc désormais interdites d’entrée en Russie en rétorsion d’actions similaires de l’UE envers des citoyens russes (lefigaro.fr, ouest-france.fr) : ABOLTINA Solvita, ADELSOHN-LILJEROTH Lena, ANTONI LEGUTKO Ryszard, ARENKIEL Thomas, AUSTREVICIUS Petras, BILDT Anna Maria CORAZZA, BONTES Van BAALEN Louis, BORUSEWICZ Bogdan, BUZEK Jerzy, CARLSEN Daniel, CHIFU Iulian, CHONDON Tiberiu-Liviu, CIOROIANU Adrian, CLEGG Nick, COHN-BENDIT Daniel, CORNELIS Johannes, CORSEPIUS Uwe, CZARNECKI Ryszard, DE POURBAIX-LUNDIN Marietta, DEMESMAEKER Mark, DESPERSEN Lene, DUNNE Philip, FALKOWSKI Andrzej, FOTYGA Anna Elzbieta, FUCHS Michael, FULE Stefan, GRINA Gediminas, HARMS Rebecca, HATEGAN Gheorghe, HAUTALA Heidi Anneli, HOUGHTON Nicolas, HUNIA Maciej, HOKMARK Gunnar, KALNIETE Sandra, KARLSON Gunnar, KELAM Tunne, KIILI Meelis, KOWAL Pawel, KOZIEJ Stanislav, KUBILUS Andrius, KUJAWA Radoslav, KUPIECKI Robert, LANDSBERGIS Vytautas, LEVY Bernard-Henri, LIDSTROM ADLER Eva, LIPINSKI Adam, MALOSSE Henri, MARGELLOS Theodore, MIGALSKI Marek Henryk, MOLLER Per STIG, McMILLAN-SCOTT Edward, MULLNER Karl, NELIUPSIENE Jovita, OJULAND Kristina, PABRIKIS Artis, PALAUSKAS Arturas, PARKER Andrew, PARVE Andres, POMASKA Agniezska, POSSELT Bernd, REINSALU Urmas, RIFKIND Malcolm, ROBATHAN Andrew, ROUX Bruno LE, SALAFRANCA SANCHEZ-NEYRA Jose Ignacio, SARYUSZ-WOLSKI Jacezk, SAWERS John, SCHWARZENBERG Karel, SERVAES Michiel, SINISALU Arnold, SISO VALCARCEL Ramon Luis, SIWIEC Marek, STETINA Jaromir, SUDER Katrin, Sˆderman Magnus, TERRAS Riho, TIGANIK Arthur, TOMAC Eugen, TOMASZYCKI Marek, VAIDERE Inese, VAITEKUNAS  Edmundas, VASILEV Ilian, Verhofstadt Guy, WALTER Robert, WELLMANN Karl-Georg, WERIN Odd Sven-Eric, WLOSOWICZ Zbigniew, ZENISEK Marek, ZILE Roberts.

Parlant pour l’UE, Mogherini (wikipedia.org) trouve cette interdiction “injustifiée  : “We consider this measure as totally arbitrary and unjustified,  especially in the absence of any further clarification and  transparency.” (sputniknews). Bien qu’aucun italien se trouve sur cette liste, le ministre des affaires étrangères italien réagit de son côté de la même façon : “The Foreign Ministry considers the blacklist issued by Moscow, to be  unclear, especially taking into account the lack of criteria and  conditions of its compilation… It does not help resume dialogue  between the European Union and Russia, which Italy has always  supported.” (sputniknews).

 

• Malheur aux vaincus. A Volyn, en Ukraine de l’Ouest (wikipedia), 22 soldats ukrainiens qui avaient échappé au chaudron sud en juillet 2014 en traversant la frontière russe passent actuellement en jugement après leur retour de captivité en Russie (dnr-news.com, youtube). Ils peuvent “prendre” jusqu’à dix ans de prison (novorus.info). Il leur est reproché d’avoir abandonné leurs positions et d’avoir préféré passer en Russie pour rester en vie. Ce que l’acte d’accusation ne précise pas, c’est qu’à l’époque, ils n’avaient plus de nourriture, plus de munitions, et que leur hiérarchie n’avait  rien fait pour les tirer de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Le fait que les soldats qui se rendent risquent la prison n’est pas nouveau : après le “chaudron” de Debaltsevo, des soldats ukraniens interrogés déclaraient : Si nous refusions de nous battre, c’est la prison qui nous attendait”   (source indisponible suite à la fermeture du compte Youtube : youtube).

На Волыни судят 22 бойцов 51-й отдельной механизированной бригады  (youtube)

 

• Témoignage novorusse.  Sur Youtube, on trouve aujourd’hui la vidéo de l’interview d’un combattant du bataillon “Sparta” (commandant : Motorola”), surnom “Pougatsh”, qui a combattu à l’aéroport de Donetsk (youtube). Sur le sujet du documentaire “Aeroport” (ictv.ua) tourné à la gloire des “Cyborgs”, les combattants ukrainiens de cette bataille de l’aéroport, présenté par Porochenko le 6 mars 2015. Sa réaction est facilement compréhensible (entre 0′ 34″ et 0′ 42″). Plus tard, le journaliste lui demande de décrire les conditions de la bataille. Le soldat reste laconique :  “c’était en hiver” (2′ 48″). “ça tirait sans arrêt” (3′ 34 – 3′ 42″).  Plus tard, il parle des pertes subies par les “cyborgs’ : “des pertes cosmiques !” (4. 02″) (il veut dire “astronomiques”). Pougatsh est modeste, . Il dit: “Nous avons eu de la réussite”, et aussi “nous étions toujours prêts à aller à l’avant”.

Потери киборгов в аэропорту были космическими, – боец Спарты “Пугач”  (youtube)

 

• Informations novorusses à vérifier.  Des compagnons du commandant Mozgovoï, assassiné le 23 ami et enterré le 27, créent un nouveau bataillon nommé “Pechersk” dotnle seul but est l’élimination physique des leaders de la “junte ukrainienne”. En somme, la loi du talion à l’oeuvre (fortruss)… Autre nouvelle à confirmer, un commando américain opérant sous uniforme et identité ukrainiennes sur la ligne de front comme “instructeur” des troupes de Kiev aurait abattu un officier ukrainien voulant violer une jeune femme et serait passer avec elle du côté novorusse (fortruss).

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-0206/


[Reprise] Comment soumettre la société de casino, par Warren Buffet

Tuesday 2 June 2015 at 02:43

Vous pouvez télécharger cet excellent article de 1986 du milliardaire américain Warren Buffet au format pdf ici ; il a été repris dans la revue Commentaire (que je remercie).

Warren Buffet

Comme à chaque fois que l’opinion s’inquiète de la spéculation, la taxe sur les transactions financières revient à l’ordre du jour, et les gouvernements français et allemand paraissent cette fois désireux d’aboutir. Traitant le problème dans un article de 1986, Warren Buffett, le meilleur financier américain du dernier demi- siècle, y a apporté une solution originale : la taxation à 100 % des plus-values à moins d’un an. Chacun gagnera à juger son argumentation sur pièces.  JEAN GATTY

«  AUCUNE des maximes de la liquidité, à coup sûr, n’est plus antisociale que le fétichisme de la liquidité (9)… Les spéculateurs peuvent être inoffensifs, comme des bulles sur le lot régulier des affaires des entreprises. Mais la situation devient sérieuse lorsque les entreprises deviennent des bulles dans le tourbillon de la spéculation. Quand le développement du capital d’un pays devient un sous-produit des activités d’un casino, le travail risque d’être mal fait. »

Voilà ce que disait Keynes dans sa légendaire Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de 1936. À l’époque, son avertissement parut donquichottesque : la sombre atmosphère du Wall Street d’après 1929 autorisait peu d’activités de type casino. Les milieux d’affaires s’occupaient des affaires, et les spéculateurs jouaient tout seuls  (9) à leur jeu. Mais nous avons à présent fait un virage à 180 degrés. La pyrotechnie spéculative à Wall Street a des répercussions sur les entreprises américaines et sur la société. Et malheureusement le résultat réalise les pires craintes de Keynes.

En effet :

– Les hold-ups d’entreprises sont devenus courants. Le modus operandi est inélégant mais efficace. En général, le raider agresseur confronte la direction de l’entreprise agressée à la menace suivante : « De l’argent ou votre poste ! » Ce à quoi la direction répond d’habitude : « Voici, prenez le portefeuille de mon employeur » – c’est-à-dire celui de tous les actionnaires hors l’agresseur. Il n’est pas étonnant que l’agresseur et la direction de l’agressée trouvent cet arrangement acceptable. Mais il a souvent des retombées considérables et permanentes sur les affaires. Des bilans sains se retrouvent lourdement endettés et il faut souvent vendre certaines divisions pour financer le remboursement. Dans d’autres cas, la société agressée se précipite vers un « chevalier blanc ». De tels mariages dans l’instant causent souvent de grandes surprises aux deux parties. Il arrive même que l’entreprise agressée se suicide purement et simplement en se démembrant.

Une âme innocente pourrait penser qu’à la fois l’agresseur et la direction de l’agressée sont des objets de honte ou d’ostracisme pour l’aristocratie de Wall Street. Mais, au contraire, toute l’opération reçoit l’aide des banquiers d’affaires et des avocats de Wall Street les plus subtils ou, au moins, les mieux payés. S’il arrive que l’entreprise agressée soit mutilée, ses chèques sont toujours compensés. Et ces chèques sont élevés. Avocats et banquiers d’affaires sont tous deux payés pour bénir les procédures de remboursement. Les banquiers d’affaires se font souvent payer une seconde fois pour lever l’argent de la rançon,   soit par un financement externe soit par la vente de divisions de l’entreprise.

Le maître chanteur à l’OPA ne manque pas non plus d’amis à Wall Street puisque ses maraudes nocturnes ultérieures aboutiront à coup sûr à des opérations occasionnant encore davantage d’honoraires. Quelques semaines de Sir James Goldsmith contre Goodyear ou de Ronald Perelman contre Gillette, pendant lesquelles ces joueurs recomposent continuellement le paysage des entreprises, rapportent des tonnes de lucre à la communauté de Wall Street. Opposez cela aux modestes sommes tirées d’années d’un conseil financier loyal à Potomac Electric ou à la Washington Post Company, qui opèrent avec succès mais sans faire de bruit. Qui courtiseriez-vous ?

– Il n’a pas échappé aux meilleurs et aux plus brillants éléments de notre jeunesse que, pour faire rapidement beaucoup d’argent dans les années 1980, il valait mieux créer des deals que créer des produits. Si un titulaire d’un MBA me demandait : « Comment puis-je m’enrichir rapidement ? », je ne répondrais pas avec quelques citations de Benjamin Franklin ou d’Horatio Alger, mais en me pinçant le nez d’une main et en montrant Wall Street de l’autre. Le rendement à court terme de Wall Street par point de QI et par erg de travail dépasse largement celui de General Motors, de General Electric ou de Sears. Ce qu’on a bien compris aujourd’hui sur les campus universitaires : Wall Street est devenu La Mecque d’un nombre démesuré de gens brillants et ambitieux.

– Insatisfait du volume astronomique des actions et obligations ordinaires, Wall Street a inventé des produits nouveaux et séduisants pour le casino. Vinrent d’abord les options. Elles furent suivies par des contrats à terme sur des instruments financiers réels, tels que les obligations d’État. Vinrent ensuite les contrats à terme sur des objets non réels, tels que les indices de marché. Enfin, continuant à chercher un jeu toujours plus excitant et plus volatile, Wall Street a créé des options sur des valeurs futures d’indices. Comme on pouvait s’y attendre, ces options ont eu beaucoup de succès. Alors que le turnover des actions est normalement calculé sur une base annuelle, celui de certains de ces nouveaux instruments ésotériques est compris entre 25 et 50 % par jour.

On s’en doute, les courtiers aiment que leurs clients soient hyperactifs : le revenu de Wall Street dépend de la fréquence à laquelle la prescription change, et non de l’efficacité du remède. Mais ce qui est bon pour le croupier, qui prend son pourcentage sur chaque transaction, est un poison pour le client. Investisseur changé en spéculateur, celui-ci subit le même genre d’effets financiers négatifs que celui qui pariait une fois par an au Kentucky Derby et qui se met à parier chaque jour à toutes les courses.

Wall Street aime qualifier d’activité sophistiquée, favorable à la société et facilitant l’ajustement d’une économie complexe, cette prolifération frénétique de jeux financiers. J’ai moi-même profité d’un certain nombre de transactions de court terme et je peux comprendre le désir des gens de Wall Street d’associer ces activités à une philosophie aux aspirations élevées. Leur préférée est sans conteste la main invisible d’Adam Smith. On se souviendra qu’une main bienveillante devait infailliblement diriger toutes les actions des capitalistes – y compris celles initialement motivées par l’avidité individuelle – vers un résultat social vertueux. Mais la vérité est à l’opposé : les transactions de court terme sont comme des coups de pied invisibles manqués aux tibias de la société.

Un de mes fantasmes a toujours été qu’une cargaison de vingt-cinq courtiers fasse naufrage et parvienne non sans mal à une île où aucun secours ne serait possible. Confrontés au développement d’une économie qui maximiserait leur consommation et leurs plaisirs, affecteraient-ils, me demandé-je, vingt d’entre eux à la production de nourriture, de vêtements, d’abris, etc., tout en laissant les cinq autres négocier indéfiniment des options sur l’avenir des vingt premiers ?

Que peut-on faire maintenant que le tourbillon spéculatif s’est emparé du monde de l’entreprise ? Une proposition qui peut paraître étrange de prime abord pourrait avoir une grande vertu : que le gouvernement impose une taxe à 100 % de tous les profits provenant de la vente d’actions ou d’instruments dérivés détenus depuis moins d’un an. Et qu’il y assujettisse tout le monde, y compris les fonds de pension et d’autres entités normalement non imposables. C’est l’une des nombreuses ironies de Wall Street que de tels fonds, qui devraient avoir pour perspective  REVUE DE PRESSE  l’investissement à très long terme, aient été transformés par la course à la performance de Wall Street en joueurs parmi les plus spéculateurs.

La taxe de 100 % ne confisquerait pas le capital si quelqu’un avait besoin d’une liquidité immédiate. On pourrait récupérer son argent en vendant à un prix supérieur au prix de revient dix minutes ou dix mois après l’achat. Mais on ne retirerait aucun profit de ses décisions d’allocation du capital à moins d’avoir un horizon d’une année au moins.

Des horizons à bien plus long terme qu’un an ont toujours eu cours dans l’immobilier, sans entraîner une pénurie d’immeubles de bureaux ou de centres commerciaux. De même, des horizons plus longs pour les achats d’actions n’entraîneront pas une pénurie de voitures ou de téléviseurs.

Une taxe de 100 % aurait une conséquence certaine : la quantité substantielle d’intelligence et d’énergie aujourd’hui consacrée aux décisions d’investissement qui doivent produire les meilleures rémunérations en quelques minutes, jours ou semaines serait instantanément réorientée vers les décisions promettant les meilleures rémunérations à long terme. Bien que Wall Street puisse ne pas aimer les règles, Wall Street ajuste immédiatement sa façon de penser à la question de savoir ce qui rapporte le plus sous n’importe quelles nouvelles règles promulguées.

Cette réorientation des brassages financiers vers une allocation des actifs qui regarde loin générerait des sous-produits séduisants. La forme la plus attractive d’information d’initié – celle liée aux opérations de fusions-acquisitions – deviendrait inutile. Les OPA avortées elles-mêmes, ainsi que les chantages à l’OPA, perdraient beaucoup de leur attrait. Les spéculateurs à court terme, qu’il s’agisse de fonds de pension ou du menu fretin, deviendraient nécessairement des investisseurs à moyen terme au moins.

Le Congrès a toujours reconnu que l’esprit des gens doté d’une ambition financière se focalise sur les comportements récompensés par le Code des impôts. C’est pourquoi les législateurs ont souvent lié ce qu’ils croyaient être des objectifs bénéfiques pour la société à un traitement fiscal privilégié. Pourquoi ne pas inverser le processus et utiliser le bâton  autant que la carotte ? Si le comportement spéculatif à court terme sème la pagaille dans l’allocation du capital du pays – si, comme dit Keynes, « le travail risque d’être mal fait » –, pourquoi ne pas simplement éliminer les rémunérations attachées à ces comportements ?

Cette réforme produira évidemment quelques effets secondaires négatifs, de même que du tissu sain est parfois sacrifié pour enlever une tumeur. Mais les inconvénients semblent mineurs comparés aux gains qui en résulteront. Ils semblent également mineurs comparés aux faiblesses que présentent d’autres mesures législatives qui voudraient maîtriser la société de casino en imposant des règles carcans à la fois à Wall Street et aux entreprises américaines.

Les investisseurs, les entrepreneurs et les managers ne seraient pas affectés par cette taxe et disposeraient encore de toute la panoplie de choix qu’offre aux entreprises un marché libre. Les titulaires de MBA pourraient commencer à se concentrer sur la valeur que l’on peut créer en développant des affaires plutôt que sur les péages qu’on peut retirer du brassage des affaires. Le contrôle des entreprises pourrait continuer à changer, comme il doit souvent le faire. Il changerait cependant bien moins souvent par l’effet de l’activité spéculative de court terme qui pousse à présent des entreprises « dans le jeu » – terme original forgé par Wall Street pour décrire des affaires nouvellement promises à une transformation inconnue, non planifiée, mais inévitablement importante.

Le volume des échanges de titres, et plus particulièrement des échanges d’options et de contrats à terme, diminuerait. Beaucoup de gens employés aujourd’hui au casino pour- raient être mutés à la production du gâteau plutôt qu’à son découpage. Les maîtres chanteurs à l’OPA et les artistes de l’argent rapide, qui dénoncent depuis longtemps les défauts des dirigeants d’entreprises en place, pour- raient s’essayer à faire mieux que les objets de leur mépris. Nous parlons beaucoup de concurrencer, dans une économie mondiale, des décideurs étrangers dont l’horizon d’affaires se chiffre en décennies. Pourquoi ne pas essayer de repousser notre propre horizon d’une année au moins ?

WARREN BUFFETT

Article paru dans Commentaire, n° 136, hiver 2011-2012 disponile sur commentaire.fr

Source: http://www.les-crises.fr/soumettre-la-societe-de-casino/


L’Art d’ignorer les pauvres, par John K. Galbraith

Monday 1 June 2015 at 06:02

John Kenneth Galbraith (1908-2006) est un des rares économistes très critiques à l’égard du système économique à avoir eu une certaine influence de son vivant. Il a notamment été le conseiller de trois présidents américains : F. D. Roosevelt, J. F. Kennedy et L. B. Johnson.

John Kenneth GalbraithChaque catastrophe ” naturelle ” révèle, s’il en était besoin, l’extrême fragilité des classes populaires, dont la vie comme la survie se trouvent dévaluées. Pis, la compassion pour les pauvres, affichée au coup par coup, masque mal que de tout temps des penseurs ont cherché à justifier la misère – en culpabilisant au besoin ses victimes – et à rejeter toute politique sérieuse pour l’éradiquer.

Je voudrais livrer ici quelques réflexions sur l’un des plus anciens exercices humains : le processus par lequel, au fil des années, et même au cours des siècles, nous avons entrepris de nous épargner toute mauvaise conscience au sujet des pauvres. Pauvres et riches ont toujours vécu côte à côte, toujours inconfortablement, parfois de manière périlleuse. Plutarque affirmait que ” le déséquilibre entre les riches et les pauvres est la plus ancienne et la plus fatale des maladies des républiques “. Les problèmes résultant de cette coexistence, et particulièrement celui de la justification de la bonne fortune de quelques-uns face à la mauvaise fortune des autres, sont une préoccupation intellectuelle de tous les temps. Ils continuent de l’être aujourd’hui.

Il faut commencer par la solution proposée par la Bible : les pauvres souffrent en ce bas monde, mais ils seront magnifiquement récompensés dans l’autre. Cette solution admirable permet aux riches de jouir de leur richesse tout en enviant les pauvres pour leur félicité dans l’au-delà.

Bien plus tard, dans les vingt ou trente années qui suivirent la publication, en 1776, des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations – à l’aube de la révolution industrielle en Angleterre -, le problème et sa solution commencèrent à prendre leur forme moderne. Un quasi-contemporain d’Adam Smith, Jeremy Bentham (1748-1832), inventa une formule qui eut une influence extraordinaire sur la pensée britannique et aussi, dans une certaine mesure, sur la pensée américaine pendant cinquante ans : l’utilitarisme. ” Par principe d’utilité, écrivit Bentham en 1789, il faut entendre le principe qui approuve ou désapprouve quelque action que ce soit en fonction de sa tendance à augmenter ou diminuer le bonheur de la partie dont l’intérêt est en jeu. ” La vertu est, et même doit être, autocentrée. Le problème social de la coexistence d’un petit nombre de riches et d’un grand nombre de pauvres était réglé dès lors que l’on parvenait ” au plus grand bien pour le plus grand nombre “. La société faisait de son mieux pour le maximum de personnes, et il fallait accepter que le résultat soit malheureusement très déplaisant à l’encontre de ceux, très nombreux, pour lesquels le bonheur n’était pas au rendez-vous.

En 1830, une nouvelle formule, toujours d’actualité, fut proposée pour évacuer la pauvreté de la conscience publique. Elle est associée aux noms du financier David Ricardo (1772-1823) et du pasteur anglican thomas Robert Malthus (1766-1834) : si les pauvres sont pauvres, c’est leur faute – cela tient à leur fécondité excessive. Leur intempérance sexuelle les a conduits à proliférer jusqu’aux limites des ressources disponibles. Pour le malthusianisme, la pauvreté ayant sa cause dans le lit, les riches ne sont pas responsables de sa création ou de sa diminution.

Au milieu du XIX e siècle, une autre forme de déni connut un grand succès, particulièrement aux États-Unis : le ” darwinisme social “, associé au nom de Herbert Spencer (1820-1903). Pour ce dernier, dans la vie économique comme dans le développement biologique, la règle suprême était la survie des plus aptes, expression que l’on prête à tort à Charles Darwin (1809-1882). L’élimination des pauvres est le moyen utilisé par la nature pour améliorer la race. La qualité de la famille humaine sort renforcée de la disparition des faibles et des déshérités.

L’un des plus notables porte-parole américains du darwinisme social fut John D. Rockefeller, le premier de la dynastie, qui déclara dans un discours célèbre : ” La variété de rose “American Beauty” ne peut être produite dans la splendeur et le parfum qui enthousiasment celui qui la contemple qu’en sacrifiant les premiers bourgeons poussant autour d’elle. Il en va de même dans la vie économique. Ce n’est là que l’application d’une loi de la nature et d’une loi de Dieu. ”

Au cours du XX e siècle, le darwinisme social en vint à être considéré comme un peu trop cruel : sa popularité déclina et, quand on y fit référence, ce fut généralement pour le condamner. Lui succéda un déni plus amorphe de la pauvreté, associé aux présidents Calvin Coolidge (1923-1929) et Herbert Hoover (1929-1933). Pour eux, toute aide publique aux pauvres faisait obstacle au fonctionnement efficace de l’économie. Elle était même incompatible avec un projet économique qui avait si bien servi la plupart des gens. Cette idée qu’il est économiquement dommageable d’aider les pauvres reste présente. Et, au cours de ces dernières années, la recherche de la meilleure manière d’évacuer toute mauvaise conscience au sujet des pauvres est devenue une préoccupation philosophique, littéraire et rhétorique de première importance. C’est aussi une entreprise non dépourvue d’intérêt économique.

Des quatre ou peut-être cinq méthodes en cours pour garder bonne conscience en la matière, la première est le produit d’un fait incontestable : la plupart des initiatives à prendre en faveur des pauvres relèvent, d’une manière ou d’une autre, de l’État. On fait alors valoir qu’il est par nature incompétent, sauf quand il s’agit de gérer le Pentagone et de passer des marchés publics avec des firmes d’armements. Puisqu’il est à la fois incompétent et inefficace, on ne saurait lui demander de se porter au secours des pauvres : il ne ferait que mettre davantage de pagaille et aggraverait encore leur sort.

Un mécanisme de déni psychologique

John Kenneth GalbraithNous vivons une époque où les allégations d’incompétence publique vont de pair avec une condamnation générale des fonctionnaires, à l’exception, on ne le dira jamais assez, de ceux travaillant pour la défense nationale. La seule forme de discrimination toujours autorisée – pour être plus précis, encore encouragée – aux États-Unis est la discrimination à l’endroit des employés du gouvernement fédéral, en particulier dans les activités relevant de la protection sociale. Nous avons de grandes bureaucraties d’entreprises privées, regorgeant de bureaucrates d’entreprise, mais ces gens-là sont bons. La bureaucratie publique et les fonctionnaires sont mauvais.

En fait, les États-Unis disposent d’une fonction publique de qualité, servie par des agents compétents et dévoués, honnêtes dans leur quasi-totalité, et peu enclins à se laisser surfacturer des clés à molette, des ampoules électriques, des machines à café et des sièges de toilettes par les fournisseurs. Curieusement, quand de telles turpitudes se produisirent, ce fut au Pentagone… Nous avons presque éliminé la pauvreté chez les personnes âgées, grandement démocratisé l’accès à la santé et aux soins, garanti aux minorités l’exercice de leurs droits civiques, et beaucoup fait pour l’égalité des chances en matière d’éducation. Voilà un bilan remarquable pour des gens réputés incompétents et inefficaces. Force est donc de constater que la condamnation actuelle de toute action et administration gouvernementales est en réalité l’un des éléments d’un dessein plus vaste : refuser toute responsabilité à l’égard des pauvres.

La deuxième méthode s’inscrivant dans cette grande tradition séculaire consiste à expliquer que toute forme d’aide publique aux indigents serait un très mauvais service à leur rendre. Elle détruit leur moral. Elle les détourne d’un emploi bien rémunéré. Elle brise les couples, puisque les épouses peuvent solliciter des aides sociales pour elles-mêmes et leurs enfants, une fois qu’elles se retrouvent sans mari. Il n’existe absolument aucune preuve que ces dommages soient supérieurs à ceux qu’entraînerait la suppression des soutiens publics. Pourtant, l’argument selon lequel ils nuisent gravement aux déshérités est constamment ressassé, et, plus grave, cru. C’est sans doute la plus influente de nos fantasmagories.

Troisième méthode, liée à la précédente, pour se laver les mains du sort des pauvres : affirmer que les aides publiques ont un effet négatif sur l’incitation à travailler. Elles opèrent un transfert de revenus des actifs vers les oisifs et autres bons à rien, et, de ce fait, découragent les efforts de ces actifs et encouragent le désœuvrement des paresseux. L’économie dite de l’offre est la manifestation moderne de cette thèse. Elle soutient que, aux États-Unis, les riches ne travaillent pas parce que l’impôt prélève une trop grande part de leurs revenus. Donc, en prenant l’argent des pauvres et en le donnant aux riches, nous stimulons l’effort et, partant, l’économie. Mais qui peut croire que la grande masse des pauvres préfère l’assistance publique à un bon emploi ? Ou que les cadres dirigeants des grandes entreprises – personnages emblématiques de notre époque – passent leur temps à se tourner les pouces au motif qu’ils ne sont pas assez payés ? Voilà une accusation scandaleuse contre le dirigeant d’entreprise américain, qui, de notoriété publique, travaille dur.

La quatrième technique permettant de se soulager la conscience est de mettre en évidence les effets négatifs qu’une confiscation de leurs responsabilités aurait sur la liberté des pauvres. La liberté, c’est le droit de dépenser à sa guise, et de voir l’État prélever et dépenser le minimum de nos revenus. Ici encore, le budget de la défense nationale mis à part. Pour reprendre les propos définitifs du professeur Milton Friedman (1), ” les gens doivent être libres de choisir “.

C’est sans doute la plus révélatrice de toutes les arguties, car quand il s’agit des pauvres, on n’établit plus aucune relation entre leurs revenus et leur liberté. (Le professeur Friedman constitue une fois de plus une exception car, par le biais de l’” impôt négatif “, qu’il recommande, il garantirait un revenu universel minimum.) Chacun conviendra pourtant qu’il n’existe pas de forme d’oppression plus aiguë, pas de hantise plus continue que celles de l’individu qui n’a plus un sou en poche. On entend beaucoup parler des atteintes à la liberté des plus aisés quand leurs revenus sont diminués par les impôts, mais on n’entend jamais parler de l’extraordinaire augmentation de la liberté des pauvres quand ils ont un peu d’argent à dépenser. Les limitations qu’impose la fiscalité à la liberté des riches sont néanmoins bien peu de chose en regard du surcroît de liberté apporté aux pauvres quand on leur fournit un revenu.

John Kenneth GalbraithEnfin, quand tous les raisonnements précédents ne suffisent plus, il reste le déni psychologique. Il s’agit d’une tendance psychique qui, par des biais variés, nous conduit par exemple à éviter de penser à la mort. Elle amène beaucoup de gens à éviter de penser à la course aux armements, et donc à la ruée vers la probable extinction de l’humanité. Le même mécanisme est à l’œuvre pour s’épargner de penser aux pauvres, qu’ils soient en Ethiopie, dans le sud du Bronx ou à Los Angeles. Concentrez-vous sur quelque chose de plus agréable, nous conseille-t-on alors.

Telles sont les méthodes auxquelles nous avons recours pour éviter de nous préoccuper du sort des pauvres. Toutes, sauf peut-être la dernière, témoignent d’une grande inventivité dans la lignée de Bentham, Malthus et Spencer. La compassion, assortie d’un effort de la puissance publique, est la moins confortable et la moins commode des règles de comportement et d’action à notre époque. Mais elle reste la seule compatible avec une vie vraiment civilisée. Elle est aussi, en fin de compte, la règle la plus authentiquement conservatrice. Nul paradoxe à cela. Le mécontentement social et les conséquences qu’il peut entraîner ne viendront pas de gens satisfaits. Dans la mesure où nous pourrons rendre le contentement aussi universel que possible, nous préserverons et renforcerons la tranquillité sociale et politique. N’est-ce pas là ce à quoi les conservateurs devraient aspirer avant tout ?

John Kenneth GALBRAITH, 1985

(Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro de novembre 1985 de Harper’s Magazine.)

Source: http://www.les-crises.fr/ignorer-les-pauvres-galbraith/


Mais que va faire Charlie Hebdo de tout son argent ?

Monday 1 June 2015 at 00:02

L’hebdomadaire satirique a reçu une quinzaine de millions d’euros à la suite des attentats de janvier. Une partie sera reversée aux famille des victimes, une autre à une fondation pour le dessin de presse.

Avant, Charlie Hebdo était un “fanzine” (dixit Luz), déficitaire, qui se vendait à près de 30.000 exemplaires, et comptait près de 10.000 abonnés.

Mais, ça c’était avant. Depuis les attentats, le nombre d’abonnés a grimpé à 220.000. Le numéro du 14 janvier a été tiré à 8 millions d’exemplaires, un record historique pour la presse française. Le tirage du numéro suivant, qui paraît ce mercredi 25 février, reste à un niveau sans équivalent en France, à 2,5 millions d’exemplaires.

Plus de problèmes d’argent

Résultat: l’hebdomadaire qui refuse toute publicité n’a plus de problème d’argent, bien au contraire. Le numéro du 14 janvier a rapporté 10 à 12 millions d’euros (7 à 8 millions après impôts), a indiqué Me Richard Malka, l’avocat de l’hebdomadaire, au Monde. Et les abonnements devraient générer 3 millions d’euros de marge. A cela s’ajoute le million d’euros d’aide d’urgence accordé par le ministère de la Culture. Richard Malka indique que tout cet argent sera en partie conservé par le journal, et pour le reste financera une fondation soutenant le “dessin de presse”, qui reste à créer.

En tout cas, cet argent ne sera pas reversé aux actionnaires du journal, la distribution de dividendes ayant été suspendue pour les trois prochaines années.

Mais ce n’est pas tout. Le “journal irresponsable” a aussi reçu 4,2 millions d’euros de dons versés par des particuliers via deux canaux: l’associationPresse et pluralisme (2,65 millions d’euros), et l’Association des amis deCharlie Hebdo (1,5 million d’euros). A noter que Google a aussi versé 250.000 euros. Tous ces dons “vont être reversés aux familles des victimes des attentats”, a indiqué Patrick Pelloux dans Médias le Magazine. “Cet argent, c’est un risque”, n’a pas caché pas l’urgentiste qui tient une chronique dans l’hebdomadaire.

Déchirements passés

Le sujet est sensible car la rédaction s’était déjà déchirée dans le passé sur des histoires de gros sous, notamment en 2006 après la publication des caricatures de Mahomet, un numéro qui s’écoula à 500.000 exemplaires. En effet, quand Charlie se portait bien, les bénéfices n’ont pas été gardés en réserve, mais reversés en quasi-intégralité aux actionnaires qui, en six ans, se sont ainsi octroyés collectivement 3,8 millions d’euros de dividendes.

Cette politique de redistribution des bénéfices avait alors suscité une polémique interne, exacerbée par le caractère “anar” du journal. D’autant plus que les salaires y étaient faibles. Surtout, ce système ne bénéficiait qu’aux quatre salariés qui étaient parallèlement actionnaires: Bernard Maris (13,3%), le directeur financier Eric Portheault (6,6%), Cabu (40%), et le directeur de la rédaction Philippe Val (40%). A lui seul, ce dernier a touché ainsi 1,6 million d’euros, ce qui pourrait expliquer en partie l’animosité actuelle de la rédaction à son égard.

Vaches maigres

Surtout, cet argent a manqué cruellement quand les vaches maigres sont arrivées. En 2008, Siné est parti avec fracas fonder Siné Hebdo, entraînant avec lui une partie des lecteurs. En 2009, le résultat a plongé dans le rouge, et depuis lors, plus aucun dividende n’a été distribué. En 2010,  l’hebdomadaire a dû augmenter son prix de vente de 2 à 2,5 euros, et licencier 12 salariés sur 50. Et à peine deux mois avant les attentats, un appel aux dons était lancé face à une situation financière critique…

En 2009, Philippe Val est parti pour France Inter, puis a revendu ses parts en 2011 pour 1 euro symbolique, tout comme Cabu et Bernard Maris. A la suite de cela, le capital s’est réparti entre Charb (40%), Riss (40%) et Eric Portheault (20%). Après la mort de Charb, ses 40% sont revenus à ses parents. Selon Le Monde, Riss et Eric Portheault ont proposé à Luz de reprendre ces 40%, mais Luz a refusé, préférant que les actions soient distribuées à tous les salariés sous forme de coopérative. Régler ce problème reste un autre défi à relever pour Charlie Hebdo

Les résultats de Charlie Hebdo (en millions d’euros)

Chiffre d’affaires (en millions d’euros) Résultat net (en euros) Dividendes au titre de l’exercice (en euros)
2004: 6,2 2004: +483.000 2000 à 2001: 0
2005: 6,4 2005: +580.000 2002: 300.000
2006: 8,3 2006: +969.000 2003: 502.500
2007: 8,7 2007: +981.000 2004: 480.000
2008: 7,9 2008: +196.000 2005: 839.250
2009: 5,1 2009: -1.382.000 2006: 825.000
2010: 5,2 2010: -507.600 2007: 900.000
2011: 5,9 2011: +655.300 2008 à 2013: 0
2012: 5,8 2012: +97.248
2013: 5,2 2013: -51.999
Source: compte sociaux des Editions Rotative SARL

Document Sans Titre du 02/25/2015 – 1818 publié par BFMBusiness

Source : Jamal Henni, pour BFM Business, le 24 février 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/mais-que-va-faire-charlie-hebdo-de-tout-son-argent/


Revue de presse internationale du 31/05/2014

Sunday 31 May 2015 at 15:32

Cette semaine dans la revue internationale, la Chine (s’)inquiète ; les USA aussi entre eau et état islamique ; le gaz de schiste contre les panneaux solaires ; Cuba, le Kirghizstan, quelques articles traduits et deux vidéos. Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-31052014/


Annie Lacroix-Riz : La Pologne dans la stratégie extérieure de la France (1938-1939)

Sunday 31 May 2015 at 00:44

Annie Lacroix-Riz, ancienne élève de l’école normale supérieure (Sèvres), élève de Pierre Vilar, est agrégée d’histoire, docteur-ès-Lettres, et professeur d’Histoire contemporaine à l’université Paris VII-Denis Diderot. (voir son site ici)

Elle est spécialiste des relations internationales dans la première moitié du XXe siècle. Ses travaux portent sur l’histoire politique, économique et sociale de la Troisième République et de Vichy, sur la période de la Collaboration dans l’Europe occupée par les nazis, sur les relations entre le Vatican et le Reich ainsi que la stratégie des élites politiques et économiques françaises avant et après la Seconde Guerre mondiale. Elle est également connue pour son engagement communiste.

Ses principaux livres sont :

Elle traite ici du rôle de la Pologne dans la stratégie extérieure de la France :

Annie Lacroix-Riz – La Pologne dans la stratégie extérieure de la France 1938 1939

Source: http://www.les-crises.fr/annie-lacroix-riz-la-pologne-dans-la-strategie-exterieure-de-la-france-1938-1939/