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Petite russophobie ordinaire…

Sunday 24 April 2016 at 19:25

[En passant…] C’est toujours moche la propagande, quel qu’en soit le camp…

moscou

Habile de dire Moscou, au lieu d’URSS – c’est un métier “journaliste”…

N.B. je parle du titre, pas du fond, nous sommes d’accord…

Source: http://www.les-crises.fr/un-petit-pas-pour-la-paix-un-grand-pas-pour-la-russophobie/


Uber commande 100.000 voitures semi-autonomes… pour se passer des chauffeurs ?

Sunday 24 April 2016 at 02:10

C’est beau le progrès, mais on va faire comment pour les emplois – that is the question… ?

Uber signe une méga-commande avec Mercedes … pour se passer des chauffeurs ? Par Jonathan Chelet

Source : Capital, Jonathan Chalet, 22-03/2016

© Mercedes Tous droits réservés

Uber aurait commandé 100.000 voitures semi-autonomes à Mercedes, selon le magazine allemand Manager Magazin. Un contrat à long-terme estimé à 10 milliards de dollars. L’absence de chauffeurs permettrait au service de VTC de casser les prix et d’éviter les ennuis juridiques mais pas seulement…

C’est peut-être la plus grosse commande de l’histoire de Mercedes. Selon le magazine allemand Manager Magazin, le service de VTC Uber a commandé 100.000 Mercedes Classe S au constructeur automobile allemand Daimler. A plus de 90.000 euros pièce, ce méga-contrat à long terme (jusqu’en 2020) est estimé à 10 milliards d’euros par le magazine.

Une voiture ultra-moderne et semi autonome

Uber n’a pas choisi n’importe quelle Mercedes. La Mercedes-Benz Classe S est le modèle le plus confortable et le plus moderne du constructeur de Stuttgart. En effet, depuis son lancement, cette limousine a toujours intégré les dernières technologies inventées par Mercedes comme l’ABS, l’Airbag ou encore l’ESP. Les tout derniers modèles de Classe S commandés seraient dotés du système “Intelligent Drive” de Mercedes qui rend la luxueuse voiture semi-autonome.

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Le système d’aide développé par Mercedes permet, par exemple, de respecter les distances de sécurité sur route et de suivre les véhicules qui précèdent. En d’autres termes, plus besoin de freiner ou d’accélérer, y compris dans les virages. La voiture lit aussi les panneaux, ajuste automatiquement sa vitesse, et freine en l’absence de réaction du conducteur.

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Si le pilotage de la Classe S est, pour l’instant, seulement semi-automatique, on peut imaginer que les voitures pourront conduire toutes seules dans quelques années (après une simple mise à jour comme le promet Tesla). Dans un premier temps, ces technologies permettront d’aider les chauffeurs et d’optimiser les courses mais à long terme, Uber ne cache pas vouloir développer sa propre technologie de voiture autonome.

Rendre le taxi encore moins cher

D’abord, avec des taxis autonomes, Uber réaliserait d’incroyables économies. Aujourd’hui, les chauffeurs récupèrent 75% du prix de la course. Le service pourrait alors baisser drastiquement ses prix tout en augmentant ses marges. Uber éviterait aussi les nombreuses difficultés juridiques qu’il rencontre presque partout dans le monde sur le statut de ses chauffeurs. A San Francisco, la ville de son siège, les conducteurs Uber doivent, par exemple, être considérés comme des salariés à la suite d’un procès.

Malgré son jeune âge, la start-up, fondée en 2009, est la société non cotée la plus valorisée au monde selon Forbes (62 milliards de dollars). Elle a donc les moyens de voir beaucoup plus loin : elle veut « uberiser » les transports en ville. En commençant par sortir les chauffeurs des voitures.

Et l’entreprise investit déjà dans cette optique. En 2015, Uber a racheté plusieurs sociétés de cartographie et financé deux universités américaines travaillant sur des systèmes de caméras et de capteurs indispensables aux voitures autonomes.

Une flotte totalement autonome en 2030

Le fondateur, Travis Kalanick, a déclaré vouloir une flotte totalement autonome en 2030. Des études montrent que le service de VTC sera alors si répandu et peu cher qu’il n’y aura plus d’intérêt à posséder une voiture !

Une étude de l’université de Colombia a calculé qu’avec seulement 9.000 voitures autonomes, Uber pourrait remplacer tous les taxis de New-York, avec un temps d’attente de 36 secondes pour un coût de seulement 30 centimes par kilomètre.

De son côté, la banque Barclays prédit qu’un taxi autonome pourrait remplacer neuf véhicules, ce qui aurait pour conséquence de faire plonger les ventes de voitures particulières de 40% sur les 25 prochaines années. Sauf peut-être pour les fournisseurs de belles berlines noires comme Mercedes…

Une telle commande pourrait donc marquer une étape cruciale dans la digitalisation de l’industrie automobile mais elle signifierait aussi un changement total du modèle d’Uber, qui repose aujourd’hui uniquement sur son logiciel : les chauffeurs utilisent et entretiennent leur propre véhicule, à leur charge. Que va donc devenir Uber dans 10 ans ?

Interrogé par Capital, la direction d’Uber France a démenti l’information du magazine allemand.

Jonathan Chelet

Source : Capital, Jonathan Chalet, 22-03/2016

Source: http://www.les-crises.fr/uber-commande-100-000-voitures-semi-autonomes-pour-se-passer-des-chauffeurs/


[GEAB] Retour du souverainisme national : Vers un nouveau baroud d’honneur des États-nations ?

Sunday 24 April 2016 at 01:00

Source : Laboratoire Européen d’Anticipation Politique, avril 2016.

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La crise systémique globale compose depuis bientôt 10 ans un impressionnant « canon »[1]symphonique où crise financière, crise économique, crise sociale, crise politique, crise idéologique et crise géopolitique, toutes de nature globale, jouent des lignes mélodiques semblables mais s’enchaînant de manière différée.

Nous le disons depuis de nombreux mois désormais : c’est l’aspect politique de la crise qui domine actuellement l’agenda global de façon impressionnante et très préoccupante. L’affaiblissement des Etats sous le coup de ces crises politique, combiné aux chocs géopolitiques ou économiques auxquels sont exposés ces Etats, aboutit actuellement à un repli national qui n’augure rien de bon pour la démocratie sur le plan intérieur ni pour la paix sur le plan international. Tout ceci, nous l’avons déjà vu en détail. Mais il s’agit de bien comprendre les caractéristiques de ce repli national multidirectionnel.

Crises politiques en série et fragilisation des états, dans un premier temps

Le cas le plus emblématique actuellement de cette crise politique nous est fourni par le Brésil et cette deuxième tentative des classes politiques du pays de destituer leur présidente démocratiquement élue[2]. Mais ce cas de figure, s’il touche désormais des pays modernes et de taille et d’importance globales, est loin d’être isolé. Quasi-simultanément, une tentative de destitution, finalement avortée, a touché Jacob Zuma, le président sud-africain[3]. Auparavant, bien que plus populaires comme dynamiques, nous avons assisté à des remises en question violentes en Turquie envers Erdogan[4] ou en Russie envers Poutine[5]. Bien entendu, le cas Ianoukivitch[6], en Ukraine, est à mettre dans cette même catégorie des destitutions ou tentatives de destitutions de chefs d’état élus. Même l’Europe a son exemple avec l’Italie, pays dirigé par un chef de gouvernement non élu depuis la démission contrainte d’Enrico Letta en 2014[7] (bien peu liée à une quelconque demande populaire, celle-ci). Bien entendu, toutes ces perturbations trouvent leur modèle dans les printemps arabes, même s’il est intéressant de remarquer que, au fil du temps,  les dirigeants sont expulsés dans le cadre de systèmes démocratiques de moins en moins contestables.

De manière générale, cette tendance est  à relier à l’impératif de transparence qu’impose désormais internet et à celui, également issu de la révolution internet, de réinvention de nouvelles méthodes démocratiques que nous relevons souvent dans ces pages. Indéniablement, à l’ère d’internet et des tissus sociaux globalisés et ultra-connectés, l’ancien système de validation démocratique des dirigeants politiques par élections périodiques ne suffit plus à créer une légitimité suffisante pour gouverner. De nombreux intellectuels travaillent à la réinvention des outils de la légitimation démocratique du politique, mais à ce stade, ce que les citoyens voient de ce travail n’est pas très impressionnant, consistant essentiellement en l’apparition de nouveaux partis, en reversements de dirigeants élus, et en referenda sans effet[8]. La réforme attendue sur cette question majeure est infiniment plus profonde.

Durcissement des états et abandon des principes d’ouverture et de démocratie, dans un deuxième temps

Or en l’absence de solutions, les déstabilisations politiques de plus en plus importantes auxquelles nous assistons fournissent les conditions idéales pour le durcissement des Etats, l’abandon des principes démocratiques et la mise au pas, par des intérêts autochtones ou non, des collectifs nationaux. Entre mise sous tutelle étrangère et nationalisme bon teint, partout où ces bouleversements au sommet des pyramides politiques ont lieu, les peuples ne vont pas avoir la priorité sur le débat public dans les années à venir.
Coté nationalisme, nous avons les exemples de Poutine et d’Erdogan, dirigeants endurcis par les crises qui les ont frappés. Coté mise sous tutelle, nous avons l’Ukraine, l’Egypte,…

Amérique du Sud : mise sous tutelle US ou entrée dans le XXIème siècle ?

Pour ce qui est du Brésil, nous avons anticipé il y a au moins un an dans ces pages que l’Amérique du Sud, après s’être débarrassée de ses dictatures militaires à la fin du XXème siècle, pourrait aussi avoir à tourner la page sur les révolutions populaires avant de pouvoir regarder l’avenir sereinement. Bien sûr, on est en droit de s’inquiéter d’un retour de la main-mise des Etats-Unis sur le sous-continent dans les chocs affectant les Cristina Fernandez en Argentine[9], les Dilma Rousseff au Brésil, les Nicola Maduro au Venezuela[10]… Mais tous ces politiques ont pour caractéristique d’être les héritiers de ces gauches révolutionnaires au passé indiscutablement glorieux, mais également ancré dans une histoire désormais anachronique.

Or, leurs pays ne parviendront pas à prendre la place qui leur revient dans le monde de demain tant que cette filiation pourra être utilisée contre eux. Lorsque Dilma Rousseff, en toute modernité, œuvre au renforcement du MERCOSUR ou à la contribution du Brésil à la réforme de la gouvernance mondiale via les BRICS, il est trop facile pour certains de mettre cela sur le compte d’un anti-américanisme primaire.

Alors bien sûr, dans un premier temps, les changements de régime dans ces pays vont créer de l’incertitude et un sentiment de retour en arrière, en partie justifié d’ailleurs. Mais l’Amérique d’aujourd’hui et celle des années 50 n’ont aucune mesure commune. La Chine n’est pas près de rentrer chez elle ni Internet de disparaître durablement. Et le durcissement politique que vont connaître ces pays sera équivalent à celui que tout le monde va expérimenter dans les prochaines années. Les Macri et autres Temer[11], certes amis de la finance et des Américains, auront vite fait de s’apercevoir que leurs sponsors ont les poches et la tête plus vides qu’ils croient. L’exemple italien est éloquent de ce point de vue : Matteo Renzi, mis au pouvoir en pleine crise euro-russe et très certainement poussé par des intérêts transatlantiques, a tôt fait de devenir l’un des principaux critiques des sanctions contre la Russie[12].

Iran : Vers un sort identique ?

Cela dit, ce durcissement des systèmes politiques en réaction aux risques de désordre véhiculés par les innombrables crises frappant tout le monde, n’est pas fait pour rassurer. Voici un exemple d’une remise en question politique qui aurait des conséquences dramatiques. En Iran, le dirigeant réformiste qu’est Rouhani (qui a connu en février une nouvelle victoire électorale[13]), pourrait ne pas être aussi solide en fait. Il surfe actuellement sur le succès de la levée des sanctions internationales et les perspectives d’ouverture qui s’offrent enfin à cette grande puissance. Cela dit, les lenteurs d’application de la levée effective des sanctions de la part des Etats-Unis[14] font monter en Iran un sentiment de trahison. Or, les ultra-conservateurs n’ont pas disparu du pays. Si les succès de Rouhani en matière d’ouverture économique du pays font décliner leur influence, il ne faudrait pas que l’attitude des Etats-Unis fasse perdre la face au camp réformiste et créé un regain d’influence du camp conservateur. Inutile de préciser que ce sont exactement là les circonstances qui autoriseraient Israël, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis à attaquer l’Iran, à la rescousse duquel viendraient la Russie, l’Inde et la Chine, déclenchant probablement un effet domino des plus dramatiques pour le Moyen-Orient et bien au-delà. Si l’Amérique d’Obama a prouvé qu’elle était capable de comprendre qu’il fallait éviter ce genre d’erreur, celle d’une Clinton ou d’un Cruz pourrait bien avoir cette bêtise.

Europe : Super-état ou espace d’harmonisation de politiques nationales ?

Un dernier mot sur l’Europe qui elle aussi se barricade graduellement derrière ses frontières, ses certitudes, et le modèle national qu’elle a inventé. Cela dit, dans ce cas particulier, le recours aux outils « durs » de la souveraineté (armée, police, frontières) se mobilise à deux niveaux, le niveau national et le niveau supra-national européen, en un mélange d’alliance objective et de lutte entre les deux étages du système politique unique européen. Et le continent oscille entre deux évolutions :

– l’une d’elle consiste à transférer les outils de la souveraineté au niveau européen, mettant en perspective l’émergence d’un super-état qui aura tous les attributs nécessaires pour prendre sa part à la confrontation globale qui se dessine peu à peu

– mais l’autre est beaucoup plus intéressante et réellement à l’œuvre également : le niveau européen assume en partie le rôle de gardien des valeurs européennes (celles d’après 1945, espérons-le) tout en laissant la main aux niveaux nationaux qu’elle s’attache à coordonner entre eux. Par exemple :

. dans le cas des banques italiennes, l’Europe a simplement produit une règle, légitime et compréhensible de surcroît, consistant à interdire les aides d’état au secteur bancaire[15]. Puis elle laisse les pays se débrouiller avec ça. C’est ainsi que l’Italie a mis en place un fond de sauvetage abondé par le secteur bancaire lui-même et non sur deniers publics[16]

. sur la question des frontières, les parlementaires européens proposent actuellement que les nouvelles forces douanières soient sous contrôle du Conseil de l’UE (Etats-membres) et non de la Commission ; cela dit, le niveau européen légifère en autorisant le voisin d’un pays qui déciderait de ne pas fermer sa frontière à recréer la sienne[17]

. en matière de pollution, les échecs constatés en Mer Baltique justifient aujourd’hui un rapport incendiaire de la Cour des Comptes européenne mettant la pression sur les états riverains à appliquer les décisions communes[18]

Dans les trois cas, l’Europe produit les orientations stratégiques et les règles/lois, et les Etats-membres utilisent leurs outils de souveraineté pour les appliquer. Aux deux bouts de cette chaîne de gouvernance, il y  des chantiers : d’un côté, le renforcement de l’autorité européenne en matçère d’application des règles ; et, de l’autre, l’invention du mécanisme de légitimation démocratique des orientations stratégiques décidées par le niveau européen, une fonction essentielle que le Parlement européen en l’état actuel ne parvient pas à remplir.

Dans le premier cas, on voit se mettre en place une Europe qui s’accapare les outils nationaux de la souveraineté et échoue dans son projet originel d’invention d’un nouveau modèle politique. Dans l’autre, la voie s’ouvre vers une Europe fondée sur ses Etats et responsable de leur mise en cohérence (qui n’autorise pas pour autant à faire l’économie de la démocratisation européenne).

Nous l’avons toujours dit, la voie que choisira l’Europe influencera celle que prendra le monde, notamment sur l’aspect des risques de conflictualisation globale. A ce jour, notre équipe estime que le niveau national est le plus inquiétant (montée de mouvements xénophobes, mise en berne de la démocratie, augmentation des budgets militaires,…) et que le niveau européen contribuerait plutôt, quant à lui, à maintenir le cap des principes fondateurs[19].

Monde multipolaire : D’un monde composé de grandes régions intégrées à un monde de super-puissances nationales

Mais en dehors de l’Europe dont le processus d’intégration régionale, malgré son échec sur la dimension politique, est le plus avancé au monde, l’espoir d’un monde multipolaire fondé sur de grandes régions intégrant tout le monde, est en train de disparaître sous nos yeux. On voit bien un monde multipolaire émerger mais il est composé de super-Etats menant des politiques régionales de plus en plus clairement hégémoniques :

. les Etats-Unis, bien sûr, tentant de reprendre le contrôle de ce qu’ils considèrent comme leurs deux back-yards, l’Europe et l’Amérique du Sud ;

. l’Europe, aussi en fait, en tous cas une certaine Europe qui rêve d’une gigantesque zone d’influence constituée de pays faisant allégeance et s’offrant aux entreprises d’Europe occidentale en échange de libéralisation des visas… et de promesses d’intégration éternellement déçues (Géorgie, Turquie, Ukraine….)[20] ;

. la Russie inévitablement, qui se bat pour maintenir sa sphère d’influence historique en Europe orientale, dans les Balkans, le Caucase et les républiques turcophones – dans le but notamment de repousser le plus loin possible l’encerclement auquel procède inexorablement l’OTAN depuis la chute du Mur ;

. la Chine (comme on le verra plus loin dans ce numéro de GEAB), qui s’installe dans le monde et a elle aussi besoin d’établir sa zone de sécurité autour d’elle et d’assurer les routes nécessaires à l’approvisionnement de son milliard et demi de citoyens ;

. l’Arabie Saoudite qui, en dehors des radars, avance ses pions depuis de nombreuses années, ayant transformé les principautés du Golfe en zones franches et ayant étendu, à coups de pétro-dollars, son influence idéologique dans tout le pauvre monde arabe qui ne les aime pas plus pour autant et dont les tissus sociaux souffrent considérablement de cette polarisation entre modernité occidentale et archaïsme saoudien, choix dans lequel les aspirations authentiques peinent à trouver leur place[21] ;

. l’Afrique du Sud, à son échelle, présente également des caractéristiques hégémoniques, bien peu repérées dans nos médias mais réelles et documentées[22].

D’un renforcement du nationalisme au retour des idéologies

Ce renforcement de pôles nationaux, au lieu de pôles régionaux, s’accompagne d’une idéologisation croissante de chacun de ces méga-acteurs, annonciatrice de la prochaine dimension de la crise systémique globale, qui pointe déjà son nez : la crise idéologique.

Le monde « multi-giga-pôles-nationaux » se retranche aussi graduellement derrière ses spécificités culturelles en un mouvement de rejet complet du modèle dominant occidental auquel la planète entière a dû faire allégeance pendant des décennies. Désormais la Russie revendique la légitimité de son modèle de leadership, l’Arabie Saoudite son modèle religieux, les Etats-Unis présentent une version du modèle occidental de plus en plus divergente de l’acceptation habituelle, la Chine élabore son modèle spécifique ancré dans 3000 ans d’histoire, et l’Europe, l’Europe… continue à penser ses valeurs universelles et indépassables, parangon du Bien, oubliant bien facilement l’inquisition et le nazisme.

On le voit, l’émergence de super-états aux intérêts désormais ouvertement en compétition et construisant des idéologies polarisantes n’annonce rien de bon, inutile d’élaborer là-dessus. Le jeu des postures agressives et de retranchement est lancé depuis 2014 et la crise euro-russe, toujours non résolue. Les camps ne dialoguent plus. Il est par exemple inconcevable que les négociations en cours entre les Balkans et l’UE, notamment avec la Serbie, continue à se faire en bilatéral et non en invitant la Russie à la table, faisant courir à cette région le risque d’un embrasement à tout moment.

Nouvelle gouvernance mondiale : Des raisons d’espérer tout de même

En 2014, le monde a pris le mauvais aiguillage. Il reste néanmoins des moyens de canaliser les évolutions dans des directions moins effrayantes. Tout va dépendre de la capacité de ces Etats et super-Etats à travailler ensemble, à reconstituer des enceintes de dialogue et de coopération.

Nous avons souvent parlé dans ces pages du travail de la Chine et des BRICS en matière de réforme de la gouvernance mondiale.

Actuellement, notre équipe met beaucoup d’espoir dans la conférence des pays producteurs de pétrole qui doit avoir lieu le 17 avril[23], destinée à mettre d’accord 17 pays sur un ralentissement de la production. Cette conférence va mettre autour de la table des pays aussi peu amis que possible : Russie, Arabie Saoudite, Venezuela, Iran, Mexico[24]… Pour éviter une conflagration générale à l’horizon 2020, le monde multipolaire doit acter de ses différences, reconnaître la légitimité des contraintes de chacun et chercher les terrains d’entente. Le succès ou non de la conférence de Doha incitera à l’optimisme ou au pessimisme sur le potentiel de réinvention de nouveaux mécanismes de gouvernance mondiale. A suivre donc…

Guerre ou paix, le pivot US

En effet, les Etats-Unis sont opposés à cette conférence et souhaitent la voir échouer. Il faut d’ailleurs se demander pourquoi un pays prétendument producteur de pétrole peut ne pas souhaiter le succès d’une telle initiative[25]. Mais au-delà des raisons que cet article n’a pas pour objet d’explorer, force est de constater que tous les indispensables efforts de réorganisation du monde se voient contrecarrés par les Etats-Unis. Tant que cette situation perdurera, les citoyens du monde auront du souci à se faire.

Ce qui incite à l’optimisme, c’est certains progrès tout de même dans la prise de conscience américaine de leur place dans le monde. Au nombre de ces avancées, on trouve le fait que la Fed cesse enfin de parler de remontée de ses taux et prenne cette décision dans le cadre d’une prise en compte de la situation globale. Il est assez rassurant que Yellen produise enfin un discours responsable et cohérent avec le statut de monnaie de réserve internationale du dollar[26] : on ne peut pas, d’un côté, s’accrocher à ce statut international et, de l’autre, gérer sa monnaie de manière provinciale en visant des objectifs de taux national d’inflation de 2%.

Il serait de bon ton que les Etats-Unis soient également cohérents avec leur récente arrivée au nombre des pays exportateurs de pétrole[27] et participent donc aux enceintes internationales destinées à harmoniser les politiques dans ce domaine.

Sur l’Iran enfin, pour être crédibles dans le rôle qu’ils prétendent avoir joué dans la levée des sanctions internationales, les Etats-Unis se doivent d’être les plus prompts à l’appliquer. Ou alors, des questions vont se poser : qui était à la manœuvre en fait dans cette levée des sanctions ? et quelle influence les Etats-Unis ont-ils réellement sur le plan international ? ou même chez eux d’ailleurs ?

Obama a clairement contribué à amener son pays à prendre conscience de ses responsabilités internationales et de ce que cela signifie qu’être une puissance globale dans un monde où l’on n’est plus tout seul. Mais le grand danger, c’est un grand retour de bâton : repli et provincialisation définitive des Etats-Unis qui sortent du jeu international faisant tomber un rideau de fer sur eux-mêmes dont le fracas risque de retentir très loin.

Aujourd’hui leur « establishment », comme beaucoup d’autres de par le monde, est éminemment divisé sur les pistes d’avenir que le pays doit emprunter. Comme nous l’analysons plus loin dans ce numéro du GEAB, cette division est rendue visible par le chaos complet des primaires de l’élection présidentielle à venir. Bien malin celui qui peut prédire à quoi ressemblera l’Amérique à la fin de l’année, sachant que l’option Clinton est loin d’être aussi bénigne qu’on veut nous le faire croire.

Face à cette immense incertitude, le monde se prépare, beaucoup de monde se prépare… et l’année promet de continuer à être riche en rebondissements…

(Abonnez-vous pour lire l’entier bulletin GEAB 104)

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[1] Source : Wikipedia
[2] Source : Reuters, 15/04/2016
[3] Notre équipe a suivi les deux tentatives de destitution, dont l’une, en Afrique du Sud, touche un personnage au profil beaucoup plus trouble que l’autre, au Brésil. Nous nous étions amusés à spéculer que, ironiquement, c’est le plus trouble qui échapperait à la destitution tandis que l’autre, non. Pour ce numéro du GEAB, à peu de chose près, nous ne pourrons pas être certains d’avoir eu raison à 100%, mais nous avons déjà eu raison à 50%…
[4] Source : Al Monitor, 02/06/2013
[5] Source : CSMonitor, 06/05/2013
[6] Source : KyivPost, 22/02/2014
[7] Source : The Guardian, 14/02/2014
[8] Le référendum néerlandais sur l’accord de partenariat économique EU-Ukraine fournit un bel exemple de ce genre de désillusion : des citoyens se mobilisent, obtiennent un referendum, font campagne, dépensent une énergie gigantesque, obtiennent le minimum de participation requis (30%)… tout cela pour rien car le système démocratique européen, en l’état, est bien incapable de faire quoi que ce soit d’un tel effort : la décision concerne l’Europe mais la démarche est nationale, une grosse moitié d’un tiers de néerlandais disent « non » et alors ? Les institutions totalement illégitimes qui signent ce genre d’accord, ont la partie belle à balayer d’un revers de main ces initiatives démocratiques. Non, décidément, nous sommes loin du compte pour faire valoir nos intérêts collectifs. Source : NLTimes, 07/04/2016
[9] Cristina Fernandez qui a quitté le pouvoir par respect de la Constitution se voit aujourd’hui poursuivie pour corruption alors que c’est son opposant, Macri, désormais au pouvoir, qui figure dans les Panama Papers… Source : StraitTimes, 08/04/2016
[10] Source : Washington Times, 10/02/2016
[11] Michel Temer, successeur probable de Rousseff en cas de destitution. Source : Bloomberg, 29/03/2016
[12] Source : Reuters, 16/12/2015
[13] Source : BBC, 28/02/2016
[14] Source : Step, 21/01/2016
[15] Source : Irish Times, 07/04/2016
[16] Source : Financial Times, 12/04/2016
[17] Source : EUObserver, 12/04/2016
[18] Source : EUObserver, 12/04/2016
[19] L’exemplaire réaction des médias belges aux attaques terroristes, questionnant leur système plutôt que se répandant en invectives contre l’Islam (contrairement aux médias français), nourrit ce sentiment que partagent actuellement les membres de notre équipe selon lequel l’Europe (dont Bruxelles est également la capitale) contribuerait à amortir les réactions aux événements. Source : Le Vif/L’Express, 08/04/2016
[20] Source : Visa-free.eu
[21] Nous ne parlons pas des deux autres super-puissances régionales, actuellement hors-jeu, que sont l’Iran et la Turquie. Mais derrière la domination de fait de l’Arabie Saoudite sur le monde arabe en lambeaux, se profile bien entendu, au niveau régional, l’émergence d’un Moyen-Orient multipolaire autour de ces trois puissances, et dont il convient bien sûr d’observer attentivement les évolutions.
[22] Source : South Africa’s Symbolic Hegemony in Africa, Chris Alden and Maxi Schoeman, 2014, Palgrave Macmillan
[23] Source : GulfTimes, 14/04/2016
[24] Source : Financial Times, 14/04/2016
[25] Source : CNBC, 12/04/2016
[26] Source : Bloomberg, 29/03/2016
[27] Source : Wall Street Journal, 13/01/2016

Source: http://www.les-crises.fr/geab-retour-du-souverainisme-national-vers-un-nouveau-baroud-dhonneur-des-etats-nations/


Revue de presse internationale du 24/04/2016

Sunday 24 April 2016 at 00:01

Un bon nombre d’articles en VF, merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-24042016/


Voici Atlas, le “nouveau” robot de Boston Dynamics

Saturday 23 April 2016 at 05:38

Hmmm, vous le voyez commencer à partir votre emploi, là ?

Source : Tom’s guide, 29-02-2016

Atlas

Le nouveau modèle du robot Atlas est plus performant, même s’il est plus petit par rapport à la précédente version. En effet, avec 1m80 pour 82 kilos, il a diminué de 20 centimètres et surtout, il a perdu 68 kilos. L’humanoïde dispose de plus d’autonomie grâce à une batterie intégrée et ses déplacements sont plus sûrs.

Atlas contrôle mieux ses mouvements

Boston Dynamics a placé de nouveaux capteurs dans les jambes du robot. Ainsi, il parvient à rester debout lorsqu’il se déplace sur un terrain accidenté ou glissant et même si on le pousse volontairement, il arrive à garder son équilibre ou se relève en cas de chute.

Suite à l’intégration d’un nouveau lidar dans son dispositif de détection, le robot parvient à éviter les différents obstacles placés sur sa route. Ainsi, grâce à une meilleure coordination, il peut ouvrir des portes, saisir et déplacer un carton délicatement.

Le développement de ce nouvel humanoïde a été financé par la Darpa, l’agence de recherche de l’armée américaine. Aucune information n’a filtrée sur les caractéristiques précises ni sur les futures utilisations du robot atlas.

darpa-atlas

robot

Source : Tom’s guide, 29-02-2016

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Extrait du GEAB n°103, 03/2016 :

Vous pensiez être à l’abri ?

Évidemment, seuls les emplois manuels « basiques » sont mis en danger par cette robotisation rampante. Vraiment ? Voyons voir.

M. X est médecin, dix ans d’études, belle rémunération, quartier bourgeois. Il n’a pas encore entendu parler de Watson, le logiciel d’IBM qui a gagné le jeu télévisé Jeopardy en 2011 et qui s’est reconverti dans la médecine. Et qui offre sans doute le meilleur diagnostic médical du monde, c’est-à-dire meilleur que celui des médecins en chair et en os (en tout cas, c’est avéré pour les diagnostics sur le cancer). Dans dix ans, le métier de M. X ne consiste plus qu’à interroger un système expert automatique et bien meilleur que lui, comme Watson. Dans quinze ans, la moitié de ses patients font la même chose eux-mêmes sur internet sans bouger de leur canapé. Heureusement, c’est l’année de son départ à la retraite. Il est remplacé par une assistante sociale qui reçoit les patients uniquement pour conserver un minimum de contact humain.

Mme Y est universitaire, docteur en chimie (bac + 9), suffisamment brillante pour avoir décroché un poste d’enseignant-chercheur. Difficile cependant de publier dans les meilleures revues : heureusement qu’il lui reste l’enseignement. C’est sans compter sur les CLOM (cours en ligne ouverts et massifs, ou MOOC) : dans chaque discipline et pour chaque niveau, seuls les trois meilleurs cours du monde survivent et sont suivis par des millions d’étudiants. Sans étudiants, Mme Y n’est plus rentable : elle se fait licencier de son université qui ferme ses portes.

Un ingénieur ? Remplacé par de nouveaux logiciels qui font la même tâche mieux et plus vite. Un trader ? Idem. Un commercial ? Peut-être survivra-t-il plus longtemps, mais les achats se font de plus en plus à distance via internet. Guide touristique ? Remplacé par les smartphones. Traducteur ? Idem.

Nous pourrions multiplier les exemples à l’infini. Les métiers les plus qualifiés ne sont donc pas plus à l’abri que les autres : caissier dans une grande surface ? C’est déjà un métier du passé. Commerce de proximité ? Vampirisé par internet. Travail à l’usine, en entrepôt, ouvrier ? Robotisé. Cuisinier dans un restaurant ? Robotisé. Chauffeur de taxi ? D’abord uberisé, puis google-carisé (remplacé par des véhicules automatiques, comme tous les chauffeurs d’ailleurs). Maçon ? Robotisé ou inutile grâce aux techniques de constructions de pré-assemblage en atelier. En réalité, il est difficile de penser à un métier qui ne soit pas en danger… à part celui de psychologue, tant le sentiment de transition vers un homme « inutile » risque de dominer. Blague à part, les métiers les plus « sûrs » sont maintenant ceux du lien social… au moins tant que les robots ne seront pas aussi bien acceptés que les humains sur cet aspect-là.

Les robots suffisamment polyvalents pour les tâches qui précèdent vont arriver dans les 15 à 20 ans. Les voitures automatiques seront sur nos routes avant cela. Les logiciels experts meilleurs que les humains existent déjà et envahissent de plus en plus de domaines d’activité. Internet continue à décimer des secteurs d’activité entiers. Tout cela dresse un panorama de la société en 2030 singulièrement différent de la société qu’on connaît actuellement…

Un seul point vient ralentir cette marche inexorable vers un monde robotisé : le coût. Non que le coût des robots restera prohibitif longtemps, mais celui des humains en revanche, avec la crise et le chômage actuel et à venir, est si bas que ceux-ci restent pour quelque temps encore plus intéressants qu’un robot fonctionnant 24h/24, 7j/7, qui ne se plaint pas et qui ne se met pas en grève.

La société actuelle pourra-t-elle encaisser ce choc ? Autant le dire tout net : certainement pas tant que le débat politique se focalisera uniquement sur la croissance et le chômage. C’est-à-dire tant qu’aucun gouvernant n’osera remettre en cause l’« idéologie du travail » actuelle. Or, on l’a vu, il ne reste qu’une vingtaine d’années, tout au plus, pour réaliser un virage drastique de notre modèle de société. […]

Source: http://www.les-crises.fr/voici-atlas-le-nouveau-robot-de-boston-dynamics/


Revue de presse du 23/04/2016

Saturday 23 April 2016 at 02:37

Merci à nos contributeurs pour la revue de la semaine.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-23042016/


[1957] L’impérialisme occidental, ennemi de la Liberté – par J.F. Kennedy

Saturday 23 April 2016 at 02:15

Le 2 juillet 1957, le sénateur démocrate John F. Kennedy prononce un discours retentissant devant le Sénat des États-Unis. Il dénonce la présence coloniale française en Algérie et appelle à l’indépendance de ce pays. S’agit-il d’une fidélité à l’anticolonialisme américain, ou d’un souci de sauvegarder un « grand allié » et ami ? Sur un fond de guerre froide, les réactions ne se sont pas fait attendre. Elles sont venues de l’intérieur des États-Unis, de la France, de l’Algérie et d’ailleurs. Les unes applaudissent le courage du jeune sénateur. Les autres vouent aux gémonies ce « Yankee exterminateur » des Amérindiens, qui ose donner des leçons à la France civilisatrice et bâtisseuse d’écoles et d’hôpitaux…

Source : JFK Link, le 02/07/1957

Discours de J.F Kennedy sur l’Algérie devant le Sénat américain en 1957

2 juillet 1957

M. KENNEDY. Monsieur le Président, la plus puissante force de notre monde n’est aujourd’hui ni le communisme ni le capitalisme, ni la bombe H ni le missile guidé, il s’agit de l’éternelle aspiration de l’homme à être libre et indépendant. Le grand ennemi de cette force considérable qu’est la liberté est, faute d’un terme plus précis, l’impérialisme qui actuellement se réfère à l’impérialisme soviétique et, que nous l’apprécions ou pas, et bien qu’ils ne soient pas comparables, l’impérialisme occidental.

Par conséquent, les plus importants critères pour juger la politique étrangère américaine sont notre façon de relever le défi de l’impérialisme et nos actions pour défendre l’aspiration humaine à la liberté. Ces critères, plus qu’aucun autre, décideront du jugement de notre nation par les millions d’habitants d’Asie et d’Afrique non-alignés, et seront observés anxieusement par les amoureux de la liberté gardant espoir derrière le rideau de fer. Si nous échouons à relever ce défi de l’impérialisme soviétique ou occidental, alors aucune aide étrangère, aucune expansion de l’armement, aucun nouveau pacte ou nouvelle politique ou conférence de haut niveau ne pourra prévenir de nouveaux reculs dans notre évolution et notre sécurité.

Je suis aujourd’hui préoccupé par le fait que nous échouons à relever ce défi qu’est l’impérialisme, dans ses deux sens, et qu’ainsi nous manquons à nos devoirs envers le monde libre. Je propose donc, puisque le sénat et la nation se préparent à commémorer le 181e anniversaire de la plus noble expression de l’homme contre la répression politique, de commencer une série de discours en deux parties, analysant le rôle de l’Amérique dans la lutte sans relâche pour l’indépendance qui met à rude épreuve les forces impérialistes à l’intérieur des deux blocs, soviétique et occidental. Mon intention n’est pas de parler de principes généraux, mais de cas précis, de proposer non pas des critiques partisanes mais ce que j’espère être des réponses constructives.

Il y a plusieurs cas d’affrontements entre l’indépendance et l’impérialisme dans le bloc soviétique qui requièrent notre attention. Un, au-dessus du reste, se détache dangereusement, la Pologne.

Le secrétaire d’État, dans sa conférence de presse du matin, à ce sujet, suggéra que si les gens souhaitent faire quelque chose à propos des exemples de colonialisme, ils devraient considérer le cas de la Lituanie gouvernée par les Soviétiques et les pays satellites, Tchécoslovaquie, Pologne, et autres.

Je suis d’accord avec lui. Pour cette raison, j’espère parler, d’ici deux semaines, d’un problème que je pense primordial, en un mot de la Pologne.

Il y a plusieurs cas d’affrontements entre l’indépendance et l’impérialisme dans le bloc occidental qui requièrent notre attention. Mais ici aussi l’un d’eux, plus que les autres, est absolument essentiel, l’Algérie.

Je dois discuter cet après-midi de nos échecs et de notre avenir en Algérie et en Afrique du Nord, et aussi ultérieurement parler de la Pologne à cette assemblée.

  1. L’Algérie, la France, et les États-Unis

M. le Président, la guerre en Algérie confronte les États-Unis à la plus grave impasse diplomatique depuis la crise en Indochine, et cependant nous avons non seulement échoué à faire face au problème de manière franche et efficace, nous avons même refusé de reconnaître qu’il nous concernait. Aucun problème ne constitue un défi plus difficile pour les responsables de notre politique étrangère, et aucun problème n’a été négligé à ce point. Quoique j’hésite quelque peu à m’attaquer au genre d’examen public de ce cas dont j’espérais –- lorsque je commençai l’étude intensive du problème il y a 15 mois – qu’il serait transmis par le département d’État au Congrès et au peuple, le Sénat est en droit, à mon avis, de recevoir les réponses aux questions fondamentales posées par cette crise.

Je suis encore plus réticent à paraître critique envers notre premier et plus ancien allié, dont l’assistance dans notre propre guerre d’indépendance ne sera jamais oubliée et dont le rôle qu’il a habituellement tenu dans l’enchaînement des événements du monde a toujours été une attitude de coopération et de leadership constructif. Je ne veux pas que notre politique soit anti-française, pas plus qu’elle ne soit antinationaliste – et je suis convaincu qu’un nombre croissant de français, dont nous devons tous reconnaître la patience et l’endurance, réaliseront que les points de vue exposés dans ce discours sont, à long-terme, dans leur intérêt.

Je ne dis rien aujourd’hui qui n’ait déjà été énoncé par des chefs responsables de l’opinion française, et même par un nombre croissant de français eux-mêmes.

L’ALGÉRIE EST-ELLE UNE PRÉOCCUPATION POUR LES ÉTATS-UNIS ?

Pour commencer, il faut noter que des diplomates français et américains ont le même point de vue sur la question de l’Algérie et cela depuis plusieurs années. Ils considèrent que ce n’est pas un sujet de débat pour la politique étrangère américaine ou pour la marche du monde. C’est uniquement un problème interne à la France, consistant en un soulèvement dans une province, une crise qui réagira de façon satisfaisante à une anesthésie locale. Mais, quelle que soit la validité de ces clichés, les faits bruts et récents sur le sujet sont que la transformation du nationalisme africain et les effets secondaires de plus en plus graves de cette crise ont transformé l’Algérie en un problème international et par conséquent américain.

La guerre d’Algérie, impliquant plus de 400 000 soldats français, a ôté aux forces continentales de l’OTAN assez d’hommes pour les rendre squelettiques. Elle a brouillé les espoirs européens d’un marché commun et sérieusement compromis les réformes libérales prônées par l’OCDE en forçant la France à imposer des restrictions à l’importation car elle est en économie de guerre. Elle a fait l’objet de plusieurs appels à débat dans le cadre des Nations Unies. Nos réactions équivoques et notre opposition à ce débat ont altéré notre leadership et notre prestige dans cette organisation. Elles ont dégradé nos relations avec la Tunisie et le Maroc, qui font naturellement cause commune avec les chefs algériens et qui ont des reproches justifiés à nous faire, car nous avons des accords économiques et militaires avec un gouvernement français qui sanctionne économiquement leurs soutiens au nationalisme algérien.

Elle a affaibli l’efficacité de la force de la doctrine Eisenhower pour le Moyen-Orient et nos programmes d’aide étrangère et d’information. Elle a mis en danger le maintien de certaines de nos bases aériennes les plus stratégiques, et menacé nos avantages géographiques sur l’orbite communiste. Elle a affecté notre position aux yeux du monde libre, notre leadership dans la lutte pour garder ce monde libre, notre prestige et notre sécurité ; ainsi que notre leadership moral dans la lutte contre l’impérialisme soviétique dans les pays derrière le rideau de fer. Elle a fourni des munitions puissantes aux propagandistes anti-occidentaux dans toute l’Asie et le Moyen-Orient – et sera l’élément le plus gênant face à la conférence d’Accra  en octobre des nations libres de l’Afrique, qui souhaitent, en facilitant la transition vers l’indépendance des autres colonies africaines, rechercher des voies communes par lesquelles ce grand continent pourra rester aligné avec l’Occident.

Enfin, la guerre d’Algérie n’a cessé de drainer la main-d’œuvre, les ressources, et l’esprit de l’un de nos alliés les plus anciens et les plus importants – une nation dont la force est absolument vitale pour le monde libre, mais qui a été contrainte par ce conflit épuisant à reporter de nouvelles réformes et les services sociaux à domicile, à étouffer les nouveaux plans importants pour le développement économique et politique en Afrique occidentale française, le Sahara, et dans une Europe unie, pour faire face à un mouvement communiste intérieur consolidé à un moment où le communisme recule ailleurs en Europe, pour étouffer le journalisme libre et critique, et libérer la colère et les frustrations de son peuple par une instabilité gouvernementale perpétuelle et une attaque précipitée sur Suez.

Non, l’Algérie n’est plus un problème spécifiquement français – et ne le sera plus jamais. Et bien que leur sensibilité à son examen par cette nation ou l’ONU soit compréhensible, une discussion franche et complète d’une question si importante pour nos intérêts tout comme aux leurs devrait être évaluée des deux côtés d’une Alliance atlantique qui a un véritable sens et une solidarité.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait la moindre valeur dans le genre de discussion qui a caractérisé l’approche d’autrefois de ce problème et d’autres du même genre – de tièdes encouragements et de la morale des deux côtés, une neutralité prudente sur les véritables enjeux, et une réaffirmation du fait évident que nous dépendons de nos amis européens, de notre évident engagement malgré tout aux principes d’autodétermination, et de notre désir naturel de ne pas nous impliquer. Nous nous sommes convaincus nous-mêmes que nous avions de cette façon satisfait les deux côtés en faisant l’autruche, alors qu’en réalité nous n’avons gagné que la méfiance de tous.

UNE RÉSOLUTION RAPIDE EST-ELLE POSSIBLE SANS L’ACTION DES ÉTATS-UNIS ?

Il est donc temps que l’on prenne en main le véritable problème qui nous est posé en Algérie – problème qui ne peut plus être évité ni par les Nations Unies ni par l’OTAN – problème qui devient de plus en plus difficile à résoudre, comme une guerre acharnée apparemment sans fin détruit, un par un, les ponts de moins en moins nombreux qui restent vers un accord raisonnable. Chaque mois la situation devient plus tendue, les extrémistes gagnent de plus en plus de force des côtés français et algérien. Le gouvernement, récemment investi par l’Assemblée française, est présidé par un Premier ministre clairement identifié avec une politique sans aucune concession valide ou réalisable ; et son cabinet, bien que reposant sur un équilibre des partis similaire à celui de son prédécesseur, a été purgé de tous les membres associés de quelque façon que ce soit à une politique de négociation en Algérie. Le gouvernement français, quelle que soit la personnalité de son dirigeant, semble attaché aux mêmes formules rigides qui régissent ses actions en Algérie depuis si longtemps ; et le seul signe d’espoir est l’expression plus claire de l’intérêt pour un règlement parmi les penseurs indépendants en France, un exemple notable étant l’ouvrage bien argumenté publié récemment par M. Raymond Aron, intitulé « La tragédie algérienne ».

M. Aron, principal commentateur politique du journal conservateur Le Figaro, a exhorté à la constitution d’un État algérien comme le meilleur choix entre deux maux. Mais les perspectives d’un tel règlement offert ou accepté par son propre gouvernement sont fort éloignées, si l’histoire des échecs des négociations passées en est une indication. En février 1956 le Premier ministre Mollet, bombardé avec des tomates et des briques, a plié devant la fureur d’une foule française à Alger, et a remplacé le futur ministre résident français soupçonné de pencher vers un règlement rapide. A l’automne dernier, lorsque Mollet lui-même autorisa les émissaires français à tenir des négociations pour le cessez-le-feu avec les nationalistes à Rome et ailleurs, et encouragea la discussion sur la question entre les rebelles et les gouvernements tunisiens et marocains, les principaux dirigeants rebelles algériens ont été pris en otage par les Français lors du transit aérien entre Rabat et Tunis à l’occasion de ces réunions. Cette mesure, semblant prise à l’initiative du ministre français de la Défense et du ministre résident, et, en fait, à l’insu du Premier ministre, M. Mollet lui-même, a non seulement fait s’évanouir tous les espoirs d’un cessez-le feu, mais aussi eu les répercussions les plus défavorables pour la France dans tous les pays non-alignés.

Après l’apaisement des troubles de Suez, le Premier ministre tunisien Bourguiba a de nouveau tenté de trouver un terrain d’entente ; et, avec beaucoup d’efforts, il a persuadé les représentants nationalistes d’accepter le principe des élections sous contrôle international, sous réserve de garanties, si les Français se conformaient aux résultats. Mais, encore une fois, M. Mollet lui a coupé l’herbe sous le pied ; et, plus récemment, M. Bourguiba a été frustré par l’action de la France qui a arbitrairement coupé les subventions économiques pour la Tunisie. Une autre manifestation de violence a été récemment prévue au cas où l’actuel ministre résident, l’intransigeant Robert Lacoste, serait remplacé par un modéré. Une organisation extrémiste française à Alger qui a voué aux gémonies M. Mendes-France et les défenseurs de la réforme modérée est en effet subventionnée par Lacoste et le gouvernement. Et la politique française continue d’insister pour que ni négociations ni élections ne puissent avoir lieu avant la fin des hostilités – un engagement, comme je vais en débattre dans un moment, qui rend moins probables à la fois les négociations et la fin des hostilités, tout comme en Indochine.

*     *     *     *     *

M. MANSFIELD. Je note que dans le cadre des remarques du sénateur, il fait référence à une déclaration de M. Aron, qui a exhorté à la constitution d’un État algérien. Le sénateur peut-il nous dire si des offres, fermes ou non, ont été réalisées ces dernières années par un gouvernement français qui chercherait à réaliser une sorte de concordat entre la République Française et l’Algérie sous la forme de fédération, confédération ou Commonwealth ?

M. KENNEDY. Le sénateur du Montana sait que lors de la réunion au cours du week-end dernier du Parti socialiste, dont les membres ont de forts sentiments minoritaires, le vote a néanmoins été en faveur de la politique de Guy Mollet, qui considère l’Algérie comme partie intégrante de la France métropolitaine et qui appelle à un cessez-le-feu et au désarmement des rebelles, puis à discuter du problème.

Le parti refuse l’accord avec M. Aron et refuse également de reconnaître les réalités de la vie ; au contraire, il affirme que l’Algérie est partie intégrante de la France métropolitaine et qu’elle ne devrait pas être considérée comme une entité indépendante.

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M. KENNEDY. Il ne fait aucun doute que le maréchal Juin, qui était considéré à une époque comme un adversaire intransigeant de l’indépendance du Maroc, en est venu à réaliser que la politique actuelle du gouvernement français en Algérie est en faillite. Lundi, le New York Times, dans un article de Toulouse, en France, en discutant de la réunion des socialistes français qui s’y était tenue, a remarqué :

Ceux qui étaient favorables à la reconnaissance publique du droit de l’Algérie à l’indépendance étaient en réalité l’expression de l’attitude croissante, mais encore majoritairement privée, de nombreux Français qui craignent les conséquences politiques d’une telle position si elle devait être assumée publiquement.

Il me semble que l’opinion publique en France se déplace lentement vers la reconnaissance de la réalité que l’Algérie ne peut être raisonnablement partie intégrante de la France. Pourtant le parti suit toujours la politique de M. Mollet, qui considère l’Algérie comme partie intégrante de la France métropolitaine.

*     *     *     *     *

M. KENNEDY. Je voudrais citer en outre un extrait de l’article du New York Times, se référant à la politique du Parti socialiste de M. Mollet :

L’offre française de longue date d’un cessez-le-feu a été maintenue, et les élections, dès que le calme rétabli, seront tenues. Un statut définitif serait alors négocié avec les représentants élus du peuple algérien, qui est considéré comme faisant partie de la France métropolitaine.

L’article précise alors

Jusque-là, une loi provisoire donnant aux musulmans une plus grande voix au niveau local, régional, et, plus tard, les affaires territoriales serait mise en application. L’indépendance est absolument exclue.

Le reportage continue :

Le gouvernement dépend pour son existence du soutien et de la participation des socialistes. S’ils avaient voté des changements décisifs dans la politique algérienne, la coalition des socialistes et des radicaux se serait effondrée, précipitant une nouvelle crise gouvernementale.

En d’autres termes, ce refus de faire face aux réalités est considéré comme essentiel pour maintenir la structure gouvernementale actuelle. Tout le long de la réunion du Parti socialiste au cours des derniers jours, il y avait le fort sentiment qu’un changement était nécessaire.

Le nœud du problème est que, bien que la France affirme, d’une part, que l’Algérie fait partie intégrante de la France métropolitaine, les Français n’ont jamais vraiment reconnu les Algériens en tant que citoyens français. S’ils permettaient à tous les Algériens de voter en tant que citoyens français, plus d’un sixième des représentants à l’Assemblée française seraient d’Algérie. Le fait est que sur environ 625 représentants, ils ont permis à l’Algérie un total de 30. En outre, ils ont refusé aux Algériens les avantages sociaux, politiques et économiques qui reviennent aux citoyens qui vivent en France métropolitaine.

En 1936, lorsque le Premier ministre Léon Blum a mis en avant ses propositions visant à intégrer progressivement l’Algérie et à donner aux Algériens la citoyenneté française et la nationalité française, les citoyens français d’Algérie se révoltèrent. Un compromis raisonnable, qui j’en suis certain, aurait été accepté par les Algériens en remontant aussi loin que 1936, a été rejeté par les Français qui vivaient en Algérie. C’est cette attitude qui empêche toute politique vraiment constructive de se développer aujourd’hui.

M. MANSFIELD. Le sénateur du Massachusetts a anticipé une de mes questions ; à savoir, l’accord conclu par la France que l’Algérie, en tant que partie intégrante de la région métropolitaine, obtiendrait pour ses citoyens les droits de la citoyenneté française. Cet accord aurait-il été suivi d’effet – je crois que c’était De Gaulle qui, en 1947, a publié le dernier décret afin que les Algériens soient considérés comme des citoyens français – comme le sénateur du Massachusetts l’a indiqué, cela aurait signifié un total de 100 à 120 députés de plus au Parlement français. Si, à ceux-là avaient « été ajoutés les autres députés de l’étranger, cela formerait un bloc très solide. Les députés communistes, entre les deux, auraient bien pu exercer une influence dominante. Il ne serait pas déraisonnable de supposer que, sous certaines conditions, la France métropolitaine elle-même pourrait être régie par une assemblée à majorité composée de députés d’outre-mer. Est-ce exact ?

M. KENNEDY. Le sénateur a raison. De plus, la France a fait quelques concessions en 1947 qui prévoyaient la mise en place d’un parlement bicaméral basé sur deux électorats en Algérie.

Bien que la population française soit évaluée à un million, avec un décompte strict, son nombre pourrait descendre jusqu’à 700 000. L’égalité du droit de vote n’a pas été donnée à l’ensemble de la population algérienne de plus de 8 millions. Le projet de loi Blum stipulait que la pleine citoyenneté serait accordée selon une base s’élargissant lentement, en commençant par ceux qui ont apporté des contributions spéciales à l’État, dans l’armée, par exemple. Mais il a été convenu dans la colonie française d’Algérie que même cela ne serait pas acceptable. Tous les maires français d’Algérie se sont concertés, ont présenté leur démission collective et ont solennellement protesté. Soixante-quinze mille sur une population totale de 8 millions ont reçu le droit de vote français.

D’une part, il y a la revendication française que ses politiques protègent la France métropolitaine. D’autre part, les Français en Algérie refusent d’accepter la responsabilité qu’un tel point de vue implique.

Pour cette raison je soutiens que la France, dans la pratique, à travers ces déclarations, a reconnu l’Algérie comme une entité indépendante. À mon avis, la situation doit être traitée dans cette optique, et la France devrait poursuivre les négociations avec les nationalistes sur cette base. Jusqu’à ce que cela soit fait, la situation continuera évidemment à se détériorer.

QUEL EST LE DOSSIER AMÉRICAIN SUR L’ALGÉRIE ?

Ce récit lamentable est d’une importance particulière pour nous au Sénat et pour le sous-comité des relations étrangères des affaires des Nations Unies que j’ai l’honneur de servir en tant que président, en raison de l’attitude envers la question algérienne qui a été adoptée pendant toute cette période par nos porte-parole à Washington, à Paris et au siège de l’ONU. Au lieu de contribuer à nos efforts pour un cessez-le-feu et un accord, de l’équipement militaire américain – en particulier des hélicoptères, achetés dans ce pays, que les indigènes en particulier craignent et détestent – a été utilisé contre les rebelles. Au lieu de reconnaître que l’Algérie est le plus grand problème non résolu de la diplomatie occidentale en Afrique du Nord aujourd’hui, notre émissaire spécial dans cette région cette année, notre distingué vice-président, n’a même pas parlé de cette question sensible dans son rapport.

*     *     *     *     *

Au lieu de reconnaître le refus de la France de négocier de bonne foi avec les dirigeants nationalistes ou d’accorder les réformes précédemment promises, notre ambassadeur auprès de l’ONU, M. Lodge, dans sa déclaration cette année comme précédemment, et notre ancien ambassadeur à Paris, M. Dillon, dans sa déclaration l’année dernière représentant apparemment la politique de la plus haute administration, ont tous deux exprimé une foi ferme dans la gestion par le gouvernement français de l’ensemble de la question. Je ne les critique pas en tant qu’individus, parce qu’ils représentaient la politique du sommet de l’administration.

Dans sa déclaration, l’ambassadeur Dillon a rappelé avec fierté que « les États-Unis ont toujours soutenu la France quand les questions d’Afrique du Nord ont été discutées au sein des Nations Unies » ; et que le matériel militaire américain – en particulier des hélicoptères – avait été mis à disposition pour l’utilisation contre des groupes indigènes en Algérie.

Les États-Unis, souligna l’ambassadeur Dillon, se tiennent solennellement derrière la France dans sa recherche d’une solution libérale et équitable des problèmes en Algérie.

Notre fière tradition anticolonialiste, dit-il, ne place pas le problème algérien dans le même camp que la Tunisie et le Maroc.

Naturellement, les Français étaient ravis de la déclaration de l’ambassadeur Dillon. Le Premier ministre Mollet a exprimé la satisfaction de son pays d’avoir les États-Unis « à ses côtés en ce moment ». Le Monde la décrit comme « une victoire du camp pro-français dans le département d’État sur les champions de l’anticolonialisme et de l’apaisement des Arabes. » Mais le chef du mouvement national algérien, en résidence surveillée en France, a exprimé sa consternation que les États-Unis quittent leurs traditions démocratiques pour s’allier au colonialisme français et favoriser « la reconquête militaire de l’Algérie au détriment de l’autodétermination des peuples. »

De même, lorsqu’en 1955 on a demandé au comité de pilotage de l’ONU d’inscrire la question à l’ordre du jour de l’Assemblée générale, et notre ambassadeur à l’ONU a insisté sur le fait que l’Algérie faisait tellement partie intégrante de la République française que la question ne pouvait pas être correctement examinée par un organisme international. Un porte-parole algérien a commenté que son peuple « n’arrivait pas à comprendre pourquoi les États-Unis devraient s’identifier à une politique de répression coloniale et à des préjugés contraires aux traditions et intérêts politiques américains. »

L’Assemblée générale, le Sénat s’en souviendra, a annulé la décision du comité et a placé la question de l’Algérie à l’ordre du jour, ce qui a provoqué la sortie des délégués français de l’Assemblée, les États-Unis ont à nouveau voté contre la discussion de la question. Deux mois plus tard, bien sûr, la question a été abandonnée et les Français sont revenus. Lors de la session de 1956-1957, les États-Unis ont à nouveau travaillé pour parvenir à une résolution de compromis reportant l’examen par les Nations Unies pour au moins un an jusqu’à ce que les Français aient réglé la question comme ils l’entendent.

Ce n’est pas une attitude dont on peut être fier alors que s’approche la Journée de l’Indépendance. Peu importe la complexité des problèmes posés par la question algérienne, la position des États-Unis dans ce cas est, comme ailleurs, un recul par rapport aux principes d’indépendance et d’anticolonialisme, sans tenir compte des subtilités diplomatiques, juridiques, ou même des considérations stratégiques proposées pour sa défense. Le dossier est encore plus sombre une fois mis dans la perspective de notre refus constant pendant plusieurs années de soutenir l’examen par les Nations Unies des questions tunisienne et marocaine.

QUELLE EST LA GRAVITE DES OBSTACLES À UNE SOLUTION AU CONFLIT ALGÉRIEN ?

Je me rends compte qu’aucune solution miracle de l’« anticolonialisme » ne peut surmonter les énormes obstacles que doit affronter tout règlement rapide donnant aux Algériens le droit à l’autodétermination, et les distinguant des Tunisiens ou des Marocains. Mais considérons l’importance à long terme de ces objections et de ces obstacles, afin de déterminer si notre département d’État doit rester lié par eux.

Un. Le premier obstacle est l’affirmation que l’Algérie est légalement partie intégrante de la France métropolitaine et ne pourrait pas plus être séparée que le Texas ne peut l’être des États-Unis, un argument utilisé non seulement par la France, mais les porte-parole américains se prétendant préoccupés par quelque précédent des Nations Unies affectant nos propres affaires internes. Mais cette objection a été largement rejetée par les Français eux-mêmes, comme je vais en discuter dans un instant, ainsi que par le rythme des développements qui ont forcé l’Algérie à devenir un problème international, comme je l’ai déjà souligné. Je crois que ce sera la question la plus importante à l’ordre du jour des Nations Unies cet automne.

Deux. Le deuxième obstacle est posé par la population française en Algérie exceptionnellement nombreuse et à juste titre alarmée, qui craint pour ses droits en tant que citoyens français, ses biens et sa vie, et qui compare sa situation à celle des colons américains qui repoussaient les Indiens. Leur problème, à mon avis, mérite une reconnaissance spéciale dans un règlement final en Algérie, mais il ne diminue pas la nécessité d’aller de l’avant rapidement vers un tel règlement. Au contraire, le danger pour leurs droits et la sécurité augmente d’autant qu’un tel règlement – qui à la fin est inévitable – est reporté.

*     *     *     *     *

Trois. L’objection suivante, la plus fréquemment posée, est l’aide et le réconfort que tout règlement raisonnable donnerait aux extrémistes, des terroristes et des saboteurs qui imprègnent le mouvement nationaliste, aux communistes, égyptiens et autres provocateurs anti-occidentaux extérieurs qui ont clairement atteint un certain succès en pénétrant dans le mouvement. Le terrorisme doit être combattu, pas toléré, est-il dit ; il ne convient pas de « négocier avec des assassins ». Pourtant, une fois de plus c’est un problème que ni report ni tentative de conquête ne peuvent résoudre. Le tableau fiévreux de chaque révolution réussie – y compris, bien sûr, la Révolution française – révèle une augmentation de la température du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme ; mais cela n’invalide pas les buts légitimes qui ont déclenché la révolution d’origine. La plupart des révolutions politiques – y compris la nôtre – ont été soutenues par l’aide extérieure dans les effectifs, les armes et les idées. Au lieu d’abandonner le nationalisme africain aux agitateurs anti-occidentaux et aux agents soviétiques qui espèrent en prendre la tête, les États-Unis, produit d’une révolution politique, doivent redoubler d’efforts pour gagner le respect et l’amitié des dirigeants nationalistes.

Quatre. Enfin, est soulevée l’objection de négocier avec un mouvement nationaliste auquel manque un dirigeant pour sa cohésion, ses objectifs et sa direction, comme les Tunisiens l’ont eu avec Habib Bourguiba, ou que les Marocains avaient certainement après la destitution stupide et autodestructrice du sultan du Maroc Ben Youssef en 1953 – maintenant Mohammed V. Le manque, d’ailleurs, d’homogénéité raciale totale parmi les Algériens africains a été reflété dans les clivages au sein des forces nationalistes. Il est dit que les Algériens ne sont pas encore prêts à gouverner leur propre pays, sur une base réelle et permanente, sans les dirigeants expérimentés et les experts formés que tout État moderne exige. Mais le gouvernement français est mal placé pour formuler de telles objections. Lui qui a délibérément étouffé les possibilités d’éducation pour les autochtones algériens, emprisonné, exilé ou exécuté leurs dirigeants, et proscrit leurs partis politiques et leurs entreprises. Les mêmes objections ont été entendues dans les cas de la Tunisie et du Maroc – où l’autonomie n’a apporté ni chaos économique ni terrorisme racial ou anarchie politique; et le problème de la société plurielle, d’ailleurs, est maintenant la règle, et non l’exception, en Afrique.

Faut-il nous opposer à nos alliés français sur l’Algérie ? La raison la plus importante pour laquelle nous avons pris le parti des Français en Algérie et en Afrique du Nord est notre réticence à contrarier un ami traditionnel et allié important dans une période de crise. Notre entente avec la France a été troublée par ses réponses alarmistes à toutes les perspectives de négociation, par sa mise en garde que les seules conséquences possibles sont la ruine politique et économique, « la valise ou le cercueil ».

Pourtant, n’avons-nous pas appris en Indochine, où nous avons retardé l’action à la suite d’avertissements semblables, que nous aurions pu servir à la fois les Français et nos propres causes infiniment mieux, si nous avions pris une position plus ferme beaucoup plus tôt que nous ne l’avons fait ? Cet épisode tragique ne nous enseigne-t-il pas, que la France le veuille ou non, l’admette ou non, à notre soutien ou non, que leurs territoires d’outre-mer vont tôt ou tard, un par un, inévitablement se libérer et considérer avec suspicion les nations occidentales qui entravaient leurs pas vers l’indépendance ? Selon les termes de Turgot :

Les colonies sont comme les fruits qui ne tiennent à l’arbre que jusqu’à la maturité.

Je tiens à souligner que je ne manque pas de réaliser les difficultés de nos alliés français aux abois. L’imagination défaille à l’idée que la France est une nation qui a été dans un état continu de guerre depuis 1939 – contre l’Axe, puis en Syrie, en Indochine, au Maroc, en Tunisie, en Algérie. Il n’a naturellement pas été facile pour la plupart des Français d’observer les retraits successifs de Damas, Hanoi, Saigon, Pondichéry, Tunis et Rabat. Avec chaque départ un grand mythe a été de plus en plus dégonflé. Mais le problème n’est plus de sauver le mythe de l’empire français. Le problème est de sauver la nation française, ainsi que l’Afrique libre.

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Je crois que s’il y a trois ans les Français avaient fait un compromis raisonnable, il ne fait aucun doute qu’une solution raisonnable aurait pu être trouvée, et qui aurait protégé les intérêts français. Je pense qu’une telle solution aurait bien pu être trouvée alors, mais il devient de plus en plus difficile de l’appliquer au fur et à mesure que les mois passent.

En outre, le point sera fait à la réunion des Nations Unies cet automne car les États-Unis ont vraiment reporté la question en février dernier, parce que les Français ont plaidé pour plus de temps. Le fait est que la situation s’est détériorée depuis la réunion des Nations Unies, et donc les États-Unis viendront avec une résolution ferme proposant que les États-Unis et les autres membres des Nations Unies reconnaissent le fait que l’Algérie tente d’obtenir le droit à une existence indépendante. J’espère qu’auparavant les Français présenteront une proposition ; et je suggère que, avec l’aide d’Habib Bourguiba et du Sultan du Maroc et les bons offices de l’OTAN, une solution reconnaissant les droits des deux parties puisse être proposée.

M. JAVITS. On aurait pu avoir l’impression, en lisant le discours du sénateur dans une certaine optique, qu’il contenait des accents critiques sur l’administration. Sachant, comme nous le faisons tous deux, que la politique étrangère bipartite a eu le plus de succès, le sénateur du Massachusetts sera-t-il d’accord avec moi qu’il est parfaitement possible de mettre cela de côté et d’oublier de critiquer qui que ce soit, et de demander aux États-Unis de prendre la position que, après avoir essayé et essayé de nouveau et après avoir joué le jeu des Français, selon la théorie suivie par les Nations Unies de ne pas étudier la question, comme relevant de la compétence nationale, le moment est venu où les États-Unis ne peuvent pas laisser l’ONU rester à l’écart plus longtemps. Cela peut être la position des États-Unis à savoir que d’avoir fait de notre mieux avec un allié, en attendant et en attendant, les États-Unis sentent maintenant que dans l’intérêt général de la paix internationale, une certaine médiation d’un organisme international doit la garantir.

M. KENNEDY. Je suppose que la politique américaine dans ce domaine est l’objet de critiques. Mais malheureusement, cette politique a été confiée à cette administration et ce secrétaire d’État. Mais quand je parlais en 1953 et 1954 dans cette instance, de discuter de la question de l’Indochine, j’étais extrêmement critique sur la politique que l’administration démocrate avait pratiquée sur cette question pendant une période de 7 ans. De plus, je tiens également à préciser que la position de l’administration démocrate sur le Maroc, telle que les États-Unis l’ont définie aux Nations Unies avant 1953, n’a pas été non plus très heureuse. Donc, mes critiques ne sont pas partisanes, mais sont destinées uniquement à indiquer que la politique des États-Unis dans ce domaine au cours des 3 dernières années a été malheureuse ; à cet égard, je suis obligé de mentionner les noms de M. Lodge, M. Dillon, et le secrétaire d’État. Je suis critique de la position des États-Unis en ce qui concerne cette situation depuis 1946 – en particulier, le désir des États-Unis de maintenir son amitié avec les Français, les Belges et les Portugais, qui ont tous des possessions coloniales, et en même temps de maintenir l’amitié avec les peuples coloniaux eux-mêmes. Donc, ma critique n’est pas partisane, mais est uniquement destinée à indiquer que je crois que notre politique a échoué.

M. JAVITS. Permettez-moi de formuler la question de façon positive, Monsieur le Président : Notre gouvernement a besoin – pour ne pas revenir en arrière – seulement pour prendre la position très honnête que maintenant, après avoir essayé et essayé de progresser suivant une certaine ligne, à présent que la situation est devenue presque impossible en termes de maintien de la paix internationale, quelque chose doit être fait.

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M. KENNEDY. Monsieur le Président, aucun assaut de politesse mutuelle, de vœu pieux, de nostalgie, ni de regret ne devrait aveugler la France ou les États-Unis sur le fait que, si la France et l’Occident en général doivent avoir une influence stable en Afrique du Nord – et je suis favorable, certainement, à la poursuite de l’influence française dans ce domaine – alors la première étape essentielle est l’indépendance de l’Algérie le long des lignes du Maroc et de la Tunisie. Si des mesures concrètes sont prises dans ce sens, alors il peut encore exister un Afrique du Nord français. Faute de cette étape, il y aura inévitablement seulement une mémoire vide et un échec désolé. Comme M. David Schoenbrun, dans son récent excellent volume “Ainsi va la France” souligne de façon convaincante.

La France doit soit jouer sur l’amitié d’une Afrique du Nord libre, soit en sortir complètement. Il devrait être évident après le fiasco égyptien que la France ne peut pas indéfiniment imposer sa volonté à quelque 22 millions d’Africains. Tôt ou tard, les Français devront reconnaître l’existence d’un État algérien. Le plus tôt sera le moins cher en termes d’hommes, d’argent et d’une chance de sauver quelque chose du naufrage de l’Union française.

En effet une lueur d’espoir qui se dégage de cette image par ailleurs sombre est l’indice que les Français ont reconnu la faillite de leur politique algérienne, cependant, ils peuvent ressentir ce que nous disons en légiférant des mesures généreuses et à très grande portée pour une plus grande autonomie en Afrique de l’Ouest française. Ici, sous la direction de M. Félix Houphouët-Boigny, le premier Noir ministre de l’histoire française, le gouvernement français a pris des mesures importantes en établissant un système électoral collégial unique, que l’Algérie n’a jamais eu, et en offrant le suffrage universel, large mesure de décentralisation du gouvernement, et l’autocontrôle interne. Voici les étapes réalistes à terme prises pour fusionner les aspirations nationalistes en une évolution progressive et mesurable de la liberté politique.

QU’AVONS-NOUS APPRIS EN INDOCHINE, EN TUNISIE ET AU MAROC ?

Les Français n’étaient pas les seuls, cependant, à devoir être convaincus de l’inutilité et du coût d’une lutte de type algérien. Les États-Unis et d’autres alliés occidentaux ont fourni de l’argent et du matériel en Indochine dans une tentative désespérée pour sauver pour les Français une terre qui ne voulait pas être sauvée, dans une guerre où l’ennemi était à la fois partout et nulle part en même temps, comme je l’ai souligné au Congrès à plusieurs reprises. Nous avons accepté pendant des années les prédictions que la victoire était imminente, les promesses que l’Indochine allait bientôt être libérée, les arguments que c’était un problème spécifiquement français.

Et même après avoir été témoins des conséquences tragiques de notre indécision, non seulement en termes de gains communistes mais la décimation de la force militaire française et de l’efficacité politique, nous avons entendu encore les mêmes prévisions, les mêmes promesses, les mêmes arguments en Tunisie et au Maroc. Les fortes attaches pro-occidentales dans chacun de ces pays aujourd’hui, en dépit des offres séduisantes de l’Est communiste, rendent hommage à l’autorité d’hommes comme le Premier ministre Bourguiba, dont les années dans les prisons françaises n’ont jamais obscurci l’attachement aux valeurs démocratiques occidentales.

LE DOSSIER FRANÇAIS EN TUNISIE ET AU MAROC

Certes, les Français ne peuvent à eux seuls s’attribuer le mérite de cette orientation pro-occidentale. Bien qu’en Tunisie, et plus encore au Maroc, qui a une économie beaucoup plus diversifiée et flexible, les Français laissèrent un impressionnant témoignage de réussite économique, les fruits de ces progrès n’étaient nullement répartis équitablement  dans les populations autochtones ; et il n’y avait quasiment pas de croissance parallèle des facilités dans les domaines de l’éducation et de la politique. Même si un parti politique nationaliste – l’Istiqlal au Maroc et le Néo-Destour en Tunisie – a pris vigueur dans chaque pays, son expansion a été limitée par une étroite surveillance française, par de longues périodes d’illégalité, par des arrestations, la marginalisation, ou l’emprisonnement de presque tous les dirigeants politiques importants, et par un manque d’opportunité de partager la responsabilité politique réelle. Les syndicats, qui, en Afrique, fournissent un des meilleurs viviers d’expérience politique, n’ont eu guère de liberté pour se développer.

Dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale, une succession de commandants militaires et de généraux résidents dans les deux villes de Tunis et Rabat semblaient considérer leurs missions en Afrique du Nord comme principalement concernées par l’ordre public, la suppression de la dissidence par la force, et le colmatage des explosions nationalistes. Le Parti de l’Istiqlal a été supprimé purement et simplement en 1952-1954, alors qu’aucune presse marocaine importante n’a été autorisée à publier en dehors du contrôle français et espagnol. L’alphabétisation chez les Marocains plafonne à 10 pour cent, et est à peine plus élevé chez les Tunisiens.

Deux ans avant la réalisation de l’indépendance du Maroc, les Français ont exilé le sultan et l’ont remplacé par la marionnette Ben Arafa, simple créature des Français et d’El Glaoui, pacha de Marrakech, qui avait conspiré avec le maréchal Juin pour renverser le sultan. Ces étapes brutales, la tentative d’imposer une solution militaire au Maroc et le sabotage par le gouvernement français et les « colons » du seul effort de véritable réforme en 1955 par le général résident Grandval, ont en fait assuré l’indépendance du Maroc. L’opinion décisivement ralliée au côté du sultan exilé, les Français avaient davantage de difficulté à traiter avec l’Armée marocaine de Libération et avec les tactiques souterraines du Parti de l’Istiqlal.

En Tunisie la politique de la garnison des Français ne fut pas aussi vindicative et rigoureuse – mais aucune véritable concession n’a été faite, et le chef du Parti Néo-Destour tunisien, Bourguiba, a été maintenu en isolement.

LE DOSSIER AMÉRICAIN EN TUNISIE ET AU MAROC

Malheureusement, Tunisiens et Marocains savent aussi qu’ils doivent peu, sinon rien, aux États-Unis pour leur liberté retrouvée. En fait, nous avons camouflé notre soutien constant à la position française avec des discours charitables ponctuels à propos d’une autonomie gouvernementale finale et d’espoirs de solutions justes. Et, heureusement, notre gouvernement n’a pas offert la reconnaissance à Ben Arafa parrainé par les Français après la destitution du sultan Ben Youssef, avec qui le président Roosevelt s’était entretenu pendant la Conférence de Casablanca. Mais dans la série de discussions qui a débuté en 1951 aux Nations Unies sur le Maroc et la Tunisie, les États-Unis, vote après vote, sous les deux administrations démocrate et républicaine, ont fait valoir, soit que l’ONU n’avait pas de véritable compétence pour traiter de ces questions, ou, argument pour faire peur, que cela ne ferait qu’envenimer la situation. En bref, sur chaque vote aux Nations Unies sur les questions du Maroc et de la Tunisie, nous avons échoué à voter contre les Français et pas même une fois avec les nations dites anticolonialistes d’Asie et d’Afrique.

TUNISIE, MAROC ET L’OCCIDENT AUJOURD’HUI

Heureusement pour les États-Unis et la France, et en dépit de – et non à cause de – nos dossiers passés, ni la Tunisie ni le Maroc n’ont une inclination naturelle vers Moscou, Pékin, ou Le Caire aujourd’hui. Mais il est néanmoins évident que ces derniers constituent de possibles pôles d’attraction de rechange si les pays occidentaux deviennent trop paternalistes ou tyranniques. En Tunisie, l’opposition politique au Premier ministre Bourguiba, dirigée par l’auto-exilé Salah Ben Youssef, cherche clairement à mobiliser le soutien des gouvernements égyptiens et russes. Au Maroc, les forces les plus réactionnaires et traditionalistes, qui pourraient venir au pouvoir si le gouvernement actuel d’esprit occidental échoue, semblent tâtonner quant au soutien du Caire, et aussi probablement de Moscou, et nous, dans ce pays, sommes enfin pleinement conscients du fait que la Russie possède une gamme efficace d’incitations économiques et d’astuces politiques ; que l’Égypte fait un appel persuasif, au nom du nationalisme africain, pour l’unité contre l’Occident ; et que la Chine rouge offre aux pays émergents d’un État colonial une réponse toute prête sur la façon de parvenir rapidement à la transition du retard économique à une économie forte.

Les politiques américaines dans ces territoires – visant à fournir une alternative efficace à ces forces et qui ont aidé l’indépendance tunisienne et marocaine, tandis que nous restions silencieux – ne peuvent plus désormais être liées aux Français, qui cherchent à faire dépendre leur aide économique et les négociations politiques de l’attitude du destinataire envers l’Algérie. Nous ne pouvons pas temporiser aussi longtemps que nous l’avons fait l’année dernière sur la fourniture d’urgence de blé à la Tunisie. Nous ne pouvons pas offrir à ces pays en difficulté une aide économique en deçà de leurs besoins, représentant une petite fraction de ce que nous avons offert à certains de leurs voisins moins sympathiques, moins nécessiteux, moins démocratiques, alors que même un ami dévoué comme le Premier ministre Bourguiba a été contraint de rejeter l’offre initiale de l’ambassadeur Richards – comme il avait rejeté une offre d’aide soviétique plus de 30 fois plus importante. Au Maroc, aussi, notre aide a été en deçà des besoins élémentaires de la nouvelle nation.

Nous devons, d’autre part, éviter la tentation d’imiter les communistes en promettant à ces nouvelles nations des remèdes automatiques et rapides à la détresse économique – qui conduisent trop facilement à récolter des désillusions. Mais nous pouvons de façon réaliste contribuer à ces programmes qui généreront une véritable force économique et apporteront un soulagement à la famine, à la sécheresse et aux catastrophes. La poursuite de l’utilisation des excédents agricoles, et le nouveau fonds de prêt renouvelable rendant possible la planification et l’engagement à long terme, devraient être particulièrement bien adaptés aux besoins du Maroc et de la Tunisie, qui ont dépassé le niveau de la plupart des États sous-développés, mais pas encore atteint la capacité de la plupart des économies occidentales.

Une autre étape que nous pouvons franchir immédiatement, de la plus haute priorité encore que peu coûteuse, est d’accélérer considérablement le nombre de jeunes d’Afrique du Nord qui ont pu jusqu’à présent venir aux États-Unis dans l’enseignement supérieur et la formation technique, et d’augmenter nos propres missions d’enseignement et de formation dans ce domaine. L’édification d’une fonction publique nationale, des ressources en gestion et un vivier d’ouvriers qualifiés et de cadres sont des conditions préalables pour ces pays – et l’ajout de quelques administrateurs qualifiés, ingénieurs, médecins et éducateurs sera remboursé au centuple par la stabilité et la bonne volonté.

De cette façon, nous pouvons aider à réaliser une grande et prometteuse opportunité de montrer au monde qu’une nation nouvelle, avec un patrimoine arabe, peut s’instaurer dans la tradition occidentale et résister victorieusement à la fois à l’attraction vers la féodalité arabe et le fanatisme et l’attraction vers l’autoritarisme communiste.

QUE PROPOSE LA FRANCE POUR UN ACCORD EN ALGÉRIE ?

Les leçons de la Tunisie et du Maroc, comme la leçon de l’Indochine auparavant, constituent, je l’espère, la preuve ultime de l’inutilité de l’actuelle position de la France en Algérie et le danger de l’actuelle paralysie de l’attitude américaine. Un accord rapide est une nécessité urgente – pour l’Afrique du Nord, pour la France, pour les États-Unis, l’OTAN et le monde occidental. Ce sont pourtant les éléments du « règlement » mis en avant de temps à autres par les Français, dans lesquels nous avons cru. Ils sont trois : d’abord, la reconquête militaire ou pacification ; deuxièmement, réforme économique et sociale ; et troisièmement, l’union politique avec la France.

Je suggère respectueusement que ces trois éléments ne représentent pas du tout un accord, et que d’y insister continuellement ne fait que retarder, et non hâter, un accord final. Permettez-moi d’examiner brièvement chaque point.

Le premier est l’insistance française sur la pacification de la région, en réalité reconquête, avant que d’autres pourparlers ne se poursuivent : une politique qui rend peu probables à la fois un accord et un cessez-le-feu. Car il encourage les nationalistes à supposer qu’ils peuvent jouer un jeu d’usure où la patience et la ténacité des hommes politiques français vont enfin céder comme ils l’ont fait pour l’Indochine en 1954. La politique dite de pacification de M. Lacoste se compose plus de mesures imaginaires que d’une simple répression militaire, car il tente de combiner l’élimination des rebelles et des activités terroristes dans les petites localités avec des mesures de réforme sociale et de reconstruction. Mais la rébellion est maintenant trop contagieuse pour être traitée par des méthodes de pacification, même si les Français pouvaient se permettre d’augmenter sensiblement les effectifs déjà affectés dans la région, et cela malgré le flux régulier de communiqués français optimistes.

Car, comme le général Wingate l’a judicieusement fait remarquer dans la dernière guerre, « Compte tenu d’une population favorable à la pénétration, un millier d’hommes résolus et bien armés peuvent paralyser pour une durée indéterminée les opérations de cent mille » ; et ceci est précisément ce qui est arrivé en Algérie. Les Français ont tendance à regarder le problème des rebelles algériens en termes d’échiquier militaire, alors qu’en fait, chaque rebelle identifiable a derrière lui le soutien silencieux ou à demi-mot de nombreux autres Algériens. Ainsi, près d’un demi-million de vaillants soldats français font face à un ennemi sans forces organisées, sans stratégie acceptable, sans installations militaires, et sans filières identifiables d’approvisionnement. Ils ne se battent pas avec le zèle qu’ils mettraient à défendre leur propre liberté, mais ils se battent en vain – à travers l’histoire, il a été vain d’endiguer la liberté d’un autre peuple.

Les États-Unis, contribuant à la force militaire française et en refusant d’exhorter à la médiation d’un cessez-le-feu, ont apparemment avalé la longue série de déclarations contradictoires offertes par les Français suggérant pourquoi la guerre d’Algérie s’éternise. De temps en temps on nous a dit que la guerre s’est poursuivie seulement à cause de l’ingérence du colonel Nasser, que la rébellion était active uniquement pour attirer l’attention des Nations Unies, ou en raison de l’aide du Maroc et de la Tunisie, ou en raison de l’ingérence injustifiée de diplomates et de journalistes américains décontractés, ou enfin parce que Russes et communistes s’immiscent en Algérie. Aucune de ces explications qui cherchent à trouver à l’extérieur les véritables agents de la rébellion algérienne n’emporte plus guère la conviction, même celle des Français, comme le montre la multiplicité des récentes tentatives pour supprimer le journal critique local et les commentaires du public.

Deuxièmement, les Français ont continué à exposer aux Nations Unies leurs réformes économiques et sociales actuelles et à venir les proposer en Algérie, promettant une vie meilleure pour tous si elles peuvent mettre fin aux combats. Il est vrai que les Français ont finalement ouvert des possibilités d’emploi aux musulmans, ont exproprié des terres pour les redistribuer, et ont fait des efforts pour augmenter les salaires des travailleurs agricoles. Mais la lenteur de ces réformes et l’étroitesse d’esprit de la minorité française en Algérie, qui depuis plus de 20 ans a combattu les efforts de réforme des quelques ministres libéraux, ont permis à la vague de nationalisme de s’étendre jusqu’à présent, et de prendre racine si profondément que ces efforts palliatifs arrivent trop peu et trop tard pour une situation devenue maintenant explosive. Nous devons, je le crains, accepter la leçon de tous les mouvements nationalistes que les réformes économiques et sociales, même honnêtement parrainées et administrées efficacement, ne peuvent pas résoudre ou satisfaire la quête de liberté. La plupart des peuples, en fait, semblent disposés à payer un prix dans le progrès économique, afin de parvenir à l’indépendance politique.

Troisièmement et enfin, la conception française de l’accord a obstinément adhéré au concept de constitution algérienne en France elle-même. Cette zone, il convient de le rappeler, n’a été prise que par les Français il y a un peu plus d’un siècle – la zone désertique du Sud a toujours été gouvernée de Paris comme une colonie de la couronne – et bien que le territoire côtier du Nord peuplé et fertile ait été légalement englobé dans la France en 1871, les Algériens indigènes ne sont pas devenus citoyens français jusqu’en 1947. Même alors, ce mouvement a été mené pour solidifier le contrôle français plutôt que pour accorder l’égalité. En même temps un système de représentation électorale à l’Assemblée nationale française et à l’Assemblée algérienne a été créé, donnant un pouvoir égal à deux groupes électoraux strictement séparés – l’un composé de plus de 7 millions d’Algériens et l’autre composé d’environ un million de colons français. Seuls 75 000 Algériens africains avaient le droit de vote – et seulement 30 sièges pour l’Algérie, la plupart occupés par des hommes politiques français, ont été élus à l’Assemblée nationale française. Même ces sièges sont vacants maintenant, bien sûr, les élections de 1956 n’ayant pas été prolongées après la crise qui déchire l’Algérie.

Le résultat de cet écart entre la parole et l’action, et la réticence persistante des Français à permettre plus de légères réformes ponctuelles au détriment des intérêts investis en France et en Algérie, a été d’aliéner la plupart des secteurs de l’opinion algérienne de telle sorte que l’assimilation est maintenant un effort infructueux. Il y a eu une augmentation progressive du nombre d’Algériens africains qui, une fois engagés dans un programme d’intégration avec la France, se sont ravisés et ont rejoint le mouvement pour l’indépendance – l’exemple le plus notable étant celui de Ferhat Abbas, un des leaders nationalistes les plus habiles, qui a longtemps plaidé en faveur d’une démarche assimilationniste et n’a pas tout à fait désespéré d’un tel règlement jusqu’à peu de temps avant 1956, quand il a rejoint le Front de Libération nationale.

S’il y avait eu de constants progrès d’extension de l’égalité politique et des opportunités à tous les Algériens, de sorte qu’après un certain temps, il y aurait eu une norme commune de la citoyenneté française, un effort constant pour élargir les droits politiques, au moins ceux inhérents au statut de 1947 de l’Algérie, il est possible qu’on aurait pu parvenir à une solution responsable. Il y a deux ans, une promesse – avec une date d’application précisée – qui aurait donné un droit de vote véritablement égal à l’Assemblée nationale française, et au moins la parité dans l’administration municipale algérienne, aurait bien pu gagner le soutien musulman général. Mais les Français ne voulaient pas voir 100 députés musulmans au Parlement et fournir – à un coût ne dépassant pas celui de la guerre d’Algérie actuelle – des services sociaux et une éducation communs. Et c’est cet échec de la part des Français à accepter les conséquences de leur propre conception qui a fermé à jamais la porte à la possibilité d’une véritable Union française, et a fait de l’Algérie irréversiblement une facette de la quête plus large de l’indépendance politique en Afrique. Par ailleurs, le nationalisme en Afrique ne peut pas être évalué uniquement en termes de subtilités historiques et juridiques invoquées par les Français, et donc bien acceptées par le département d’État. L’autodétermination nationale a souvent lieu par une combustion rapide que la pluie de la répression ne peut tout simplement pas éteindre, surtout dans une région où il y a un patrimoine islamique commun et où la plupart des gens – y compris les voisins les plus proches de l’Algérie en Tunisie, au Maroc et en Libye – ont obtenu l’indépendance politique. Des nations nouvelles se succèdent rapidement – Ghana hier, Nigeria peut-être demain, et les colonies d’Afrique centrale migrant vers le statut de protectorat. Quelle que soit l’histoire et ce que peuvent dire les livres de droit, nous ne pouvons pas échapper aux preuves de notre temps, surtout nous dans les Amériques dont les expériences propres fournissent un modèle qui inspire un grand nombre de ces nouvelles nations.

QUELLE POSITION LES ÉTATS-UNIS DEVRAIENT-ILS ADOPTER EN ALGÉRIE ?

Et ainsi je reviens, Monsieur le Président, au moment où je commençais cette analyse. Le temps est venu où notre gouvernement doit reconnaître que ce n’est plus seulement un problème français et que le temps est passé, où une série d’ajustements au coup par coup, ou même une dernière tentative d’intégrer Algérie entièrement à la France, peut réussir. Le temps est venu pour les États-Unis de faire face aux dures réalités de la situation et d’assumer leurs responsabilités en tant que leader du monde libre – à l’ONU, à l’OTAN, dans l’administration de nos programmes d’aide et dans l’exercice de notre diplomatie – dans l’élaboration d’une course vers l’indépendance politique de l’Algérie.

Notre gouvernement ne devrait pas avoir pour objectif d’imposer une solution aux deux parties, mais d’apporter une contribution pour briser le cercle vicieux des tourbillons du conflit algérien.

Et je n’affirmerai pas non plus que les lourdes procédures des Nations Unies sont nécessairement mieux adaptées au règlement d’un différend de ce genre. Mais une recommandation et l’action directe des Nations Unies seraient préférable à l’absence actuelle de traitement du problème ; et en tout état de cause, lorsque l’affaire réapparaît à l’ordre du jour des Nations Unies, les États-Unis doivent radicalement réviser la position de Dillon et Lodge par laquelle notre politique a été trop longtemps corsetée.

En outre, bien que la résolution qui a été adoptée lors de la dernière session ait accordé, en général, un soutien aux efforts des Français pour localiser le conflit, il y avait néanmoins une condition – une condition qui a servi à accorder à la France un statut probatoire et à avertir que des progrès conséquents devraient être présentés à la prochaine réunion de l’Assemblée. Nous sommes maintenant quasiment arrivés à mi-chemin de cette période intérimaire et la situation s’est encore aggravée. Pour éviter une situation encore plus difficile lors de la session d’automne, notre département d’État devrait maintenant chercher des moyens de sortir de l’impasse actuelle. Et je demande à cet organisme, comme il l’a fait avec succès avant dans les cas de l’Indonésie et de l’Indochine, d’offrir des conseils à l’administration et aux dirigeants dans le monde sur cette question cruciale.

Je soumets aujourd’hui une résolution qui, je crois, présente les meilleurs espoirs de paix et de règlement en Algérie. En bref, elle exhorte à encourager le président et le secrétaire d’État à faire jouer l’influence des États-Unis pour soutenir les efforts, soit par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou de bons offices du Premier ministre de la Tunisie et le Sultan du Maroc, pour parvenir à une solution qui reconnaîtra la personnalité indépendante de l’Algérie et établira les bases d’un règlement interdépendant entre la France et les pays voisins.

Cette résolution exprime ma conviction qu’il ne devrait pas être impossible de sortir de l’impasse dans une affaire d’une telle importance pour l’OTAN et les forces de médiation dans le reste de l’Afrique du Nord. Les gouvernements de la Tunisie et du Maroc, ni l’un ni l’autre membres de la Ligue arabe et chacun soucieux de poursuivre ses relations avec l’Occident, offrent le meilleur espoir, et en effet, ils ont fourni une telle aide, comme déjà indiqué, l’été dernier et au début de l’automne. Il y a deux semaines M. Bourguiba a lancé un nouvel appel à une solution algérienne au sein d’une fédération globale d’Afrique du Nord tournée vers la France. Même le gouvernement indien, souvent considéré comme le porte-parole systématique du nationalisme, a offert l’été dernier d’agir comme un éventuel intermédiaire dans une solution qui accorderait l’indépendance politique à l’Algérie mais confirmerait une protection spéciale aux citoyens français et placerait l’Algérie dans une fédération économique spéciale avec la France.

Il n’est pas impossible de trouver des médiateurs raisonnables ni des motifs raisonnables de médiation. Le problème en Algérie est de concevoir un cadre pour l’indépendance politique qui combine l’interdépendance économique étroite avec la France. Ce n’est pas un objectif illusoire. Les dirigeants nationalistes algériens parlent surtout le français. L’Algérie a un profond intérêt à des liens économiques et culturels stables avec la France, ainsi qu’à l’aide occidentale en général. Mais ces liens naturels avec la France vont refluer immédiatement si un changement n’a pas lieu bientôt. En novembre dernier, lorsque l’Algérie était sous examen des Nations Unies, le Premier ministre Bourguiba a exprimé l’inquiétude qui affecte le nationaliste responsable de l’Afrique du Nord à propos de la question algérienne :

Le vote de la Tunisie libre sera contre la France, mais ce serait une erreur de croire que nous sommes heureux de ce conflit. J’avais espéré sincèrement que la Tunisie serait un pont entre l’Occident et l’Orient et que notre premier vote indépendant aurait été en faveur de la France. Bien que cela se soit révélé impossible, je ne peux toujours pas me résoudre à désespérer, pour la première fois de ma vie, de la sagesse du peuple français et de son gouvernement. Le jour viendra peut-être, si le gouvernement de la République agit assez rapidement, où la civilisation française sera vraiment défendue en conseil mondial par les dirigeants d’une confédération française d’Afrique du Nord.

Les États-Unis doivent être prêts à accorder leur soutien à un tel règlement et leur aide pour les problèmes économiques qui en découleront. Ce n’est pas un fardeau que nous considérons légèrement ou avec plaisir. Mais dans aucune autre entreprise nos efforts ne sont plus importants, ce qui revient à reprendre une nouvelle fois l’initiative dans les affaires étrangères, ce qui démontre notre attachement aux principes de l’indépendance nationale, et nous fait gagner le respect de ceux qui se sont longtemps défiés de notre dossier négatif et hésitant sur les questions coloniales.

Il est particulièrement important, dans la mesure où la Hongrie sera une question primordiale lors de la réunion des Nations Unies cet automne, que les États-Unis crèvent l’abcès et éclaircissent leur position sur cette question, sur laquelle nous avons été vulnérables dans le passé. Et nous devons faire très clairement comprendre aux Français ainsi qu’aux Nord-Africains que nous ne cherchons pas d’avantages économiques pour nous-mêmes dans ce domaine, aucune opportunité de remplacer les liens économiques avec la France ou d’exploiter les ressources africaines.

Si nous voulons assurer l’amitié de l’Arabe, de l’Africain et de l’Asiatique – et nous le devons, malgré ce que M. Dulles dit à propos de ne pas être dans un concours de popularité – nous ne pouvons pas espérer l’accomplir uniquement au moyen de programmes d’un milliard de dollars d’aide extérieure. Nous ne pouvons pas gagner leurs cœurs en les rendant dépendants de notre aide financière. Nous ne pouvons pas les garder libres en les vendant à la libre entreprise, en décrivant les dangers du communisme ou la prospérité des États-Unis, ou en limitant nos relations à des accords militaires. Non, la force de notre appel à ces populations clés – et c’est à juste titre notre appel, et non celui des communistes – réside dans notre philosophie traditionnelle et profondément ressentie de la liberté et de l’indépendance de tous les peuples partout dans le monde.

Peut-être est-il déjà trop tard pour les États-Unis pour sauver l’Occident de la catastrophe totale en Algérie. Peut-être est-il trop tard pour abandonner nos politiques négatives sur ces questions, rejeter les décennies de suspicion anti-occidentale, pousser fermement mais hardiment pour une nouvelle génération d’amitié entre les États égaux et indépendants. Mais nous ne devons pas manquer de faire cet effort.

Les cœurs des hommes nous attendent

Dit Woodrow Wilson en 1913

La vie des hommes est en jeu ; les espoirs des hommes nous demandent de dire ce que nous allons faire. Qui méritera cette grande confiance ? Qui ose ne rien tenter ?

Monsieur le Président, je soumets pour référence appropriée une résolution sur le sujet que j’ai discuté aujourd’hui.

Le PRÉSIDENT. La résolution sera reçue et renvoyée de manière appropriée.

La résolution (S. Res 153), présentée par M. Kennedy, a été renvoyée à la commission des relations étrangères, comme suit :

Il est résolu que, en prenant connaissance de la guerre en Algérie, sa répression des aspirations nationalistes légitimes, sa contamination croissante des bonnes relations entre les nouveaux États d’Afrique du Nord et de l’Ouest, son érosion grandissante sur la force effective de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, la croissante préoccupation internationale qu’elle a suscitée au sein des Nations Unies, nous, Président et secrétaire d’État, par les présentes sommes fortement encouragés à soutenir les efforts, par l’influence des États-Unis, ou par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou par les bons offices du Premier ministre de la Tunisie et du Sultan du Maroc, pour parvenir à une solution qui reconnaîtra la personnalité indépendante de l’Algérie et établira les bases d’un accord interdépendant avec la France et les pays voisins ; et de plus

Il est résolu que, si aucun progrès substantiel n’a été noté lors de la prochaine session de l’Assemblée générale des Nations Unies, les États-Unis soutiendront un effort international pour obtenir pour l’Algérie la base de la réalisation de l’indépendance.

Source : JFK Link, le 02/07/1957

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Vous pouvez lire une analyse ici.

J.F Kennedy 1957

J.F Kennedy 1957

Source: http://www.les-crises.fr/1957-limperialisme-occidental-ennemi-de-la-liberte-par-j-f-kennedy/


Edward Snowden : « Nous devons contrôler les moyens de communication » pour protéger les libertés fondamentales

Friday 22 April 2016 at 01:59

Source : Nafeez Ahmed, Insurge Intelligence, le 13/03/2016

Le célèbre lanceur d’alerte de la NSA appelle à une action populaire radicale pour prendre le contrôle des technologies de l’information

Intervention publique d'Edward Snowden à Berlin samedi soir via une connexion vidéo

Intervention publique d’Edward Snowden à Berlin samedi soir via une connexion vidéo

Un parterre de journalistes, de hackers et de lanceurs d’alerte ont pu entendre ce week-end à Berlin l’ancien agent de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden, appeler les citoyens à trouver les moyens de prendre le contrôle des technologies de l’information qu’ils utilisent au quotidien.

Le Logan Symposium, organisé par le “Center for Investigative Journalism (CIJ)” à l’université Goldsmiths de Londres, a aussi été suivi par Julian Assange, l’éditeur des Wikileaks, et les lanceurs d’alerte de la NSA Thomas Drake et William Binney.

Cette conférence sur deux jours était soutenue par de nombreuses organisations de défense de la liberté de presse, des groupes de journalistes indépendants, et des médias traditionnels comme le magazine d’actualités allemand Der Spiegel.

J’ai participé à ce colloque en tant que conférencier, où moi et mes autres panélistes, y compris le journaliste d’investigation Jacob Appelbaum – qui a travaillé à la fois avec Assange et Snowden, et indépendamment révélé l’espionnage de la chancelière allemande Angela Merkel par la NSA – avons témoigné de nos expériences de reportages en première ligne.

Eveline Lubbers faisait partie de mon panel, elle a été la première à enquêter sur les opérations de police du Royaume-Uni visant à infiltrer les groupes d’activistes ; Martin Welz, rédacteur en chef du Noseweek, le seul magazine de journalisme d’investigation en Afrique du Sud ; Natalia Viana, co-directeur du principal journal d’investigation à but non lucratif au Brésil, Agencia Publica ; et Anas Aremeyaw, journaliste d’investigation de premier plan en Afrique.

Au cours de son allocution vidéo exclusive le samedi soir, Snowden a alerté sur la primauté donnée aux nouveaux développements en matière de cryptage comme moyen de déjouer la surveillance de masse, et a plutôt insisté sur l’urgence de réformes politiques et juridiques globales.

Le lanceur d’alerte a également critiqué l’attitude du président Barack Obama sur le différend entre Apple et le FBI concernant l’accès à l’iPhone utilisé dans la fusillade de San Bernardino.

“Il y a beaucoup à dire sur comment lancer nos défis avec des moyens techniques,” disait Edward Snowden lors de la conférence vidéo de Berlin transmise en direct.

“Nous devons réfléchir à comment nous en sommes arrivés là. Nous parlons de réformer légalement, mais ce ne sera pas accepté en premier lieu… Réformer les choses à l’intérieur du système c’est un idéal, au sein du système. C’est de cette façon que cela devrait fonctionner, la façon dont nos sociétés sont conçues pour fonctionner.

Mais que se passe-t-il lorsque le système ne fonctionne plus ?

Nous avons une tendance naturelle à croire que ce sont des déviations par rapport à l’ordre naturel des choses, que tout s’arrangera à nouveau, et que nous pourrons une fois de plus faire confiance au système.

Mais il se trouve que l’abus est inhérent au pouvoir… Quand des groupes de plus en plus restreints ont le pouvoir, on constate de plus en plus d’abus de pouvoir. Ce mécanisme est aujourd’hui technologique…

Il y a un croisement entre technologie et accès à l’information dans la société. L’Internet en est le raccourci… Il a de plus en plus d’impact sur nous tous, mais nous avons de moins en moins de contrôle sur lui.”

Vendredi, l’éditeur fondateur de Wikileaks, Julian Assange, a exprimé des préoccupations similaires dans son discours diffusé en direct en vidéo depuis l’ambassade équatorienne à Londres, où un comité spécial de l’ONU a récemment conclu qu’il est effectivement détenu arbitrairement. L’ONU est parvenue à cette conclusion, a dit Assange, “en dépit des pressions illégitimes des gouvernements américain et britannique.”

Assange a averti de connivences de plus en plus marquées entre Google, aujourd’hui la plus grande entreprise de médias du monde, et le complexe militaro-industriel des États-Unis, et il a souligné en particulier l’escalade des investissements de Google dans l’intelligence artificielle (IA) et dans la robotique, en grande partie pour des applications de « sécurité nationale » pour l’armée américaine et la communauté du renseignement.

“Google intègre des systèmes d’intelligence artificielle au système de sécurité nationale,” a déclaré Assange. “C’est une menace pour l’humanité. Nous devons cesser d’alimenter Google.”

Il a exhorté le public à trouver des services en ligne alternatifs pour atténuer la capacité de Google à collecter de grandes quantités de données personnelles dans les systèmes d’IA cooptés par le Pentagone.

La démocratie menacée

Assange et Snowden ont tous deux fait valoir que la rapide centralisation du contrôle des technologies de communication de l’information au sein d’entreprises du secteur privé de plus en plus étroitement liées à la sécurité de l’État représente une menace fondamentale pour le fonctionnement démocratique, et plus spécifiquement la liberté de la presse.

“Nous devons accepter que la seule façon de garantir les droits de certains est de protéger les droits de tous,” a dit Snowden. “C’est de plus en plus perçu comme une menace pour le gouvernement car cela représente un domaine dans lequel ils ne pourront bientôt plus intervenir.”

Décrivant la position du président Obama sur le différend entre Apple et le FBI comme une “fausse séparation entre confidentialité et sécurité,” il en conclut “Vous avez besoin des deux”, et ne pouvez avoir l’une sans l’autre.

Snowden ajoute que l’utilisation des métadonnées pour cibler les personnes considérées comme des menaces pour la sécurité nationale crée un dangereux précédent, avec un large champ propice aux erreurs judiciaires à l’encontre des citoyens. Une personne qui communique avec un journaliste qui sort un sujet fondé sur des révélations d’un lanceur d’alerte du gouvernement, par exemple, peut être condamnée comme la source – même si elle n’est pas la source  – à partir des liens établis par les métadonnées qui la lient au journaliste.

“Que vous soyez la source ou pas, si vous avez simplement communiqué avec le journaliste, vous pourriez être condamné,” a déclaré Snowden.

En Angleterre, le gouvernement conservateur essaie d’imposer un texte législatif particulièrement contraignant, le projet de loi sur la réglementation des pouvoirs d’investigation (IP Bill), qui offrirait à l’État des pouvoirs énormes pour entraver le journalisme. Le projet de loi qui, s’il est voté, pourrait servir de précédent aux pays occidentaux, devra être examiné en seconde lecture le mardi 15 mars au parlement.

Selon l’Union nationale des journalistes (National Union of Journalists), le projet de loi donnera au gouvernement le droit d’accéder aux communications des journalistes et de pirater leur équipement électronique, y compris d’intercepter le contenu et les métadonnées de leurs communications, sans les prévenir.

Malgré une opposition non négligeable de diverses commissions parlementaires, dont le comité mixte sur le projet de loi sur la réglementation des pouvoirs d’investigation, les amendements gouvernementaux n’ont fait que renforcer ces mesures.

Selon Michelle Stanistreet, secrétaire générale du NUJ, le projet de loi :

“… est une menace sur la capacité des journalistes à faire leur boulot, à vérifier leurs informations et à protéger leurs sources. Sans cette protection, nous n’avons tout simplement plus de presse libre opérationnelle… Ce manque de protections pour tous les journalistes aura de profondes conséquences sur le droit du peuple à savoir, au Royaume-Uni.”

Les métadonnées sont, bien sûr, déjà utilisées dans un large champ de contextes par la communauté du renseignement pour identifier non seulement les personnes suspectées de terrorisme, mais aussi les militants, les groupes de défense des droits de l’homme et d’autres opposants à la politique gouvernementale.

De plus en plus, des attaques de drones [dites “signature drone strikes”] contre des groupes non identifiés de présumés terroristes ciblés sur les théâtres de conflit de la Syrie, du Yémen, du Pakistan et de l’Afghanistan se fondent seulement sur les métadonnées collectées à travers la surveillance de téléphones mobiles, de profils sur les réseaux sociaux ou d’autres répertoires d’informations électroniques. Cela a conduit à faire d’innombrables victimes civiles.

Les métadonnées de nombreuses sources électroniques, y compris les médias sociaux, sont de plus en plus considérées par le Pentagone, ainsi que par les agences de sécurité du Royaume-Uni et de l’Union européenne, comme un vaste dépôt d’informations “open source” facilement accessible pour tenter de prévoir et contrôler le comportement des populations.

Comme je l’ai signalé en février, les documents officiels déclassifiés de l’Office américain de la recherche navale, entre autres programmes de recherche du Pentagone, mettent en lumière les intentions alarmantes (de type “minority report”) des fonctionnaires du gouvernement américain en termes de volonté d’anticiper et prédire précisément le prochain activisme, les manifestations, la criminalité, le terrorisme, les conflits et les renversements de pouvoir. Pourtant, les experts indépendants notent que ces technologies sont plus susceptibles de générer des faux positifs et des fausses pistes, plutôt que des prévisions fiables.

Cryptage ?

Edward Snowden a préconisé l’utilisation méthodique et l’amélioration des technologies de chiffrement par les journalistes pour les aider à protéger leurs sources, mais il a noté que la technologie seule n’est pas la réponse correcte.

Une nouvelle technologie très puissante, un système d’exploitation complet connu sous le nom de SubGraph OS qui peut être installé sur un PC ou un Mac pour fournir une gamme complète d’outils de communication cryptés, a été lancé lors de la conférence. SubGraph est le dernier d’une famille d’outils différents, mais similaires, tels que Tails – un système d’exploitation qui peut être lancé sur un ordinateur via une clé USB – ou Qubes, un autre système que l’on ne peut installer que sur des ordinateurs adaptés, munis d’une sécurité renforcée.

Les concepteurs de ces projets ont cependant alerté durant la conférence que si ces outils étaient très puissants, ils n’apportaient aucune garantie contre la surveillance gouvernementale, notamment contre l’éventuelle possibilité de placer des “backdoors” (portes dérobées) dans les logiciels grand public et dans le matériel.

“Ce sont vraiment des projets géniaux,” a dit Snowden, désignant SubGraph OS en particulier : “J’ai l’intention de l’utiliser moi-même. Mais nous devons reconnaître qu’ils ne sont pas accessibles à la majorité des utilisateurs, aux journalistes, qui ne sont pas des spécialistes.”

Le défi pour ces technologues est de développer pour les utilisateurs des interfaces plus accessibles, qui peuvent être apprises par les profanes au cours de l’utilisation. Snowden a suggéré d’étudier la “ludification” de la courbe d’apprentissage de ces outils et d’accumuler l’expérience pour une prise en main plus facile.

“Nous pouvons fournir aux gens les compétences de base, la compréhension, en leur enseignant dans le contexte – une ludification de l’interface, qui enseigne aux gens au fur et à mesure de l’utilisation, de façon amusante, pas ennuyeuse. Nous devons beaucoup travailler là-dessus.”

Snowden a également encouragé les technologues à « concurrencer directement les intérêts des entreprises aux milliards de dollars » comme Google, Facebook et Apple. Il y a une chance, dit-il, que l’esprit d’entreprise citoyenne puisse être plus fructueux, créant des produits plus attrayants, plus faciles à utiliser, mais pas aussi dangereux pour les libertés individuelles et d’association, en toute sécurité.”

Transformation radicale

Edward Snowden a également mis en garde contre l’hypothèse que tenter de contrer la surveillance de l’État par le seul cryptage serait une panacée, en préconisant une profonde remise en cause de la centralisation du pouvoir dans un contexte où les technologies de l’information sont aux mains d’entreprises et de l’État.

“Nous sommes dépendants des groupes de sociétés à but lucratif comme Apple pour la défense de nos droits. Nous devons sécuriser les protocoles et les systèmes qui transportent nos communications.

Nous devons devenir des technologues et des journalistes plus radicaux…

Il y a eu des déséquilibres de pouvoir extraordinaires à travers l’histoire. Je ne suis pas communiste, mais il y eu des gens qui prônaient la saisie des moyens de production. Nous approchons rapidement du moment où nous devons saisir les moyens de notre communication.”

La raison ?

Nous constatons beaucoup trop de contrôle des institutions auxquelles nous sommes censés faire confiance, mais nous ne pouvons pas leur faire confiance,” a-t-il dit. “Dans le même temps, nous voyons que des sociétés ont accès à notre vie privée, d’une manière que nous ne pouvions pas prévoir, et nous ne savons pas quelle utilisation elles en font.”

Confidentialité ou sécurité ?

Snowden a rejeté l’idée que la vie privée ou la liberté étaient antinomiques en quelque sorte d’une véritable sécurité.

“Les politiciens sont taraudés par la crainte spontanée concernant les messageries. Dire que « cela va sauver des vies,» c’est convaincant pour l’électeur. Les gens sont enclins à les croire… Regardons les faits réels, dans le cas [des attentats] du 11-Septembre. Nous avons eu une enquête du Congrès – qui a conclu que ce n’était pas la faute d’une insuffisance de collecte de renseignement. Le problème était que notre objectif était trop dispersé ; de si nombreux programmes collectaient un si grand nombre de messages, que nous ne les partagions pas suffisamment. Et à cause de cela, 3000 personnes sont mortes. Les politiciens d’aujourd’hui disent que nous devons collecter plus  –  mais ils nous rendent plus vulnérables, et mettent nos vies en danger.”

Les attentats du marathon de Boston, dit-il, ont fourni un exemple clair de la faillite du mantra de plus-de-surveillance-pour-plus-de-sécurité : les auteurs, bien qu’opérant sous le “plus grand programme de quadrillage dans l’histoire de mon pays” n’ont pas été détectés.

“En fin de compte, nous devons décider. Souhaitons-nous une société sous contrôle ? Ou voulons-nous vivre dans une société libre ? Car nous ne pouvons pas avoir les deux.”

Lors d’une étude le vendredi, Thomas Drake – l’ancien cadre supérieur de la NSA qui a inspiré à Snowden de lancer l’alerte sur les défauts du projet à un milliard de dollars Trailblazer de surveillance de masse de cette agence – a rappelé comment ses patrons de la NSA ont cyniquement vu l’échec du renseignement le 9/11 comme l’occasion d’augmenter le budget de l’agence de façon spectaculaire.

“Je ne pouvais le croire, lorsque mes supérieurs ont décrit le 9/11 comme un “cadeau fait à la NSA”.”

L’idée que la surveillance de masse a pour objet principal de véritablement nous protéger est donc profondément discutable. Le problème fondamental de l’insistance sur l’élimination de la vie privée au nom de la sécurité est son impact totalitaire qui touche toutes nos sociétés.

“Nous devons réfléchir à la finalité de nos droits. D’où viennent-ils ? Quelles sont leurs valeurs ? A quoi sert la vie privée, vraiment ?” dit Snowden au public lors de la rencontre CIJ.

“La vie privée est le droit dont tous les autres découlent. Sans la vie privée il n’y a que la société, que le collectif, ce qui suppose que nos comportements et nos pensées sont les mêmes. Vous ne pouvez rien avoir seul, vous ne pouvez pas avoir vos propres opinions, sauf si vous avez un espace qui n’appartient qu’à vous seul.

En prétendant que vous ne vous souciez pas de la vie privée parce que vous n’avez rien à cacher, c’est comme dire que vous ne vous souciez pas de la liberté de parole parce que vous n’avez rien à dire…”

Dissidence politique

Si la surveillance de masse avait pour seul but de contrer le terrorisme, ses cibles ne pourraient pas être des dissidents politiques, a fait valoir Snowden, évoquant le fameux discours “I have a dream” de Martin Luther King Jr – décrit par Snowden comme “le plus grand leader des droits civiques que mon pays ait jamais connu.”

Deux jours après ce discours, a dit Snowden, le FBI a considéré King comme « la plus grande menace pour la sécurité nationale » de l’époque.

Peu de choses ont changé depuis ce temps-là.

L’ancien agent du renseignement a souligné que l’agence de renseignement de la Grande-Bretagne, Le GCHQ, a illégalement espionné des groupes de défense des droits de l’homme comme Amnesty International, des journalistes, des personnalités des médias et d’autres ONG, “grâce aux pouvoirs publiquement alloués à la lutte contre le terrorisme.”

Citant les documents top secret qu’il a dévoilés, il a noté que la justification interne pour maintenir ces programmes secrets ne fait aucune référence aux questions de sécurité nationale. Au lieu de cela, les documents mentionnent que « les révéler nous conduirait à un “débat public dommageable” parce que nous [le public] voudrions protester contre ces activités. »

La conséquence est que l’État de sécurité nationale voit les fondements mêmes des démocraties saines – une presse vraiment libre, des débats publics contradictoires, le contrôle des politiques de renseignement hautement classifiées – comme l’ennemi.

La négation de l’importance des droits de la vie privée, a dit Snowden, est fonction du rapport des forces. Le lanceur d’alerte a incité ses auditeurs à considérer que la demande d’éliminer la vie privée provient de gens puissants “dans une position privilégiée… Si vous êtes un vieux type blanc au sommet de la pyramide, la société a ordre de protéger vos intérêts. Vous avez conçu le système pour protéger vos intérêts.”

Cette inégalité du pouvoir, dit Snowden, signifie que « ce sont les minorités qui sont les plus touchées » par l’impact de la surveillance de masse.

« Il ne suffit pas d’y réfléchir, il ne suffit pas d’avoir des convictions, » a conclu Snowden sous des applaudissements nourris. « Vous devez vraiment vous battre pour quelque chose, vous exprimer, courir un risque, si vous voulez que cela aille mieux. »

Source : Insurge Intelligence, le 13/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/edward-snowden-nous-devons-controler-les-moyens-de-communication-pour-proteger-les-libertes-fondamentales/


[1/2] Une nouvelle guerre mondiale a commencé – Brisons le silence ! Par John Pilger

Friday 22 April 2016 at 00:30

Source : Consortiumnews.com. Par John Pilger, 22 mars 2016

La propagande à propos de « l’agression » russe et chinoise camoufle la réalité d’un mouvement agressif des États-Unis et de l’Occident pour encercler ces deux pays, le début d’une guerre mondiale, selon John Pilger.

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22J’ai filmé les îles Marshall, qui se situent au nord de l’Australie, au milieu de l’océan Pacifique. A chaque fois que je dis aux gens où je suis allé, ils demandent « Où est-ce ? » Si je donne un indice en parlant de « Bikini », ils répondent « Tu veux dire le maillot de bain. »

Certains semblent au courant que le maillot de bain “bikini” a été nommé en hommage aux explosions nucléaires qui ont détruit l’île de Bikini. Les États-Unis ont fait exploser soixante-six engins nucléaires dans les îles Marshall entre 1946 et 1958 – l’équivalent de 1,6 bombe Hiroshima chaque jour pendant 12 ans.

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Le président Barack Obama accepte inconfortablement le prix Nobel de la paix de la part du président du comité Thorbjorn Jagland à Oslo, Norvège, le 10 décembre 2009. (White House photo)

Bikini est silencieuse aujourd’hui, mutée et contaminée. Les palmiers poussent avec une étrange forme de grille. Rien ne bouge. Il n’y a pas d’oiseaux. Les pierres tombales du vieux cimetière sont vivantes avec les radiations. Mes chaussures affichent « dangereux » sur le compteur Geiger.

Debout sur la plage, je regardais le vert émeraude du Pacifique tomber dans un vaste trou noir. C’était le cratère laissé par la bombe à hydrogène qu’ils ont appelée « Bravo ». L’explosion a empoisonné les gens et leur environnement sur des centaines de kilomètres à la ronde, peut-être pour toujours.

Le jour de mon retour, je me suis arrêté à l’aéroport d’Honolulu et j’ai remarqué un magazine américain appelé Women’s Health. Sur la couverture il y avait une femme souriante en bikini avec le titre : « Vous aussi vous pouvez avoir un corps à bikini. » Quelques jours plus tôt, sur les îles Marshall, j’avais interviewé des femmes qui avaient des “corps à bikini” très différents ; chacune avait souffert d’un cancer de la thyroïde et d’autres cancers mortels.

Contrairement à la femme souriante du magazine, toutes étaient pauvres : les victimes et cobayes d’une superpuissance avide qui est aujourd’hui plus dangereuse que jamais.

J’ai relaté cette expérience comme un avertissement et pour interrompre une diversion qui a consumé tant d’entre nous. Le fondateur de la propagande moderne, Edward Bernays, décrivait ce phénomène comme “la manipulation consciente et intelligente des habitudes et opinions” des sociétés démocratiques. Il appelait cela un “gouvernement invisible”.

Combien de personnes sont-elles au courant qu’une guerre mondiale a commencé ? Pour l’instant, c’est une guerre de propagande, de mensonges et de diversions, mais cela peut changer instantanément avec la première erreur de commandement, le premier missile.

En 2009, le président Obama se tenait devant une foule en adoration dans le centre de Prague, au cœur de l’Europe. Il s’est engagé à faire “un monde sans armes nucléaires.” Les gens l’ont applaudi et certains ont pleuré. Un torrent de platitudes fleurirent dans les médias. Obama était consécutivement nommé prix Nobel de la paix. Tout était faux. Il mentait.

L’administration d’Obama a fabriqué plus d’armes nucléaires, plus d’ogives nucléaires, plus de systèmes de vecteurs nucléaires, plus d’usines nucléaires. Les ogives nucléaires ont coûté à elles seules plus sous Obama que sous tous les présidents américains. Le coût sur 30 ans est de plus de 1000 milliards de dollars.

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Test d’une explosion nucléaire mené dans le Nevada le 18 avril 1953.

Une mini bombe nucléaire est prévue. Elle est connue sous le nom de B61 Modèle 12. Il n’y a rien eu de tel jusqu’ici. Le général James Cartwright, un ancien vice-président du comité des chefs d’état-major interarmées, a dit : “Faire plus petit rend l’usage de l’arme nucléaire plus concevable.”

Durant les derniers 18 mois, la plus importante accumulation de forces armées depuis la Seconde Guerre mondiale – menée par les États-Unis – est installée le long de la frontière occidentale de la Russie. Aucune troupe étrangère, depuis l’invasion d’Hitler de l’Union soviétique, n’a représenté une telle menace concrète pour la Russie.

L’Ukraine – autrefois partie de l’Union soviétique – est devenue un parc d’attraction de la CIA. Ayant orchestré un coup d’État à Kiev, Washington contrôle effectivement le régime qui est à la porte de la Russie et très hostile : un régime littéralement pourri de nazis. Les principales figures parlementaires sont les descendants politiques des célèbres groupes fascistes OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens) et UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne). Ils glorifient ouvertement Hitler et appellent à la persécution et à l’expulsion des minorités russophones.

Ce sont des informations rarement données en Occident, ou elles sont inversées pour dissimuler la vérité.

En Lettonie, Lituanie et Estonie – voisines de la Russie – l’armée américaine déploie des troupes de combat, des tanks, des armes lourdes. Cette provocation extrême de la deuxième plus grande puissance nucléaire ne suscite pas l’intérêt en Occident.

Ce qui rend la perspective d’une guerre nucléaire encore plus dangereuse est la campagne parallèle contre la Chine. Rares sont les jours où la Chine n’est pas élevée au statut de “menace”. Selon l’amiral Harry Harris, le commandant de la région Pacifique américain, la Chine “construit un grand mur de sable dans la mer de Chine méridionale.”

Ce à quoi il se réfère sont les pistes d’atterrissage que la Chine construit sur les îles Spratly, qui font l’objet d’un conflit avec les Philippines – un conflit de peu d’ampleur avant que Washington ne mette la pression et soudoie le gouvernement de Manille et que le Pentagone ne mène une campagne de propagande appelée “liberté de navigation”.

Que cela signifie-t-il réellement ? Cela signifie liberté pour les vaisseaux américains de patrouiller et d’avoir la mainmise sur les eaux côtières chinoises. Essayez d’imaginer la réaction américaine si les vaisseaux chinois faisaient la même chose le long des côtes californiennes.

J’ai fait un film appelé The war you don’t see (La guerre que vous ne voyez pas), dans lequel j’interviewais d’éminents journalistes en Amérique et en Grande-Bretagne : des reporters tels que Dan Rather de CBS, Rageh Omar de la BBC, David Rose de The Observer.

Tous me dirent que si les journalistes et les chaînes avaient fait leur job et remis en question la propagande sur la possession d’armes de destruction massive par Saddam Hussein ; si les journalistes n’avaient pas fait écho et amplifié les mensonges de George W. Bush et de Tony Blair, l’invasion de 2003 en Irak aurait pu ne pas survenir et des centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants seraient en vie aujourd’hui.

La propagande qui est en train de paver le chemin pour une guerre contre la Russie et/ou la Chine n’est pas différente dans son principe. A ma connaissance, aucun journaliste “grand public” en Occident – l’équivalent d’un Dan Rather, disons – ne demande pourquoi la Chine construit des pistes d’atterrissage en mer de Chine méridionale.

La réponse devrait être absolument flagrante. Les États-Unis encerclent la Chine avec un réseau de bases, avec des missiles balistiques, des groupes de combat, des bombardiers avec des armes nucléaires.

Cet arc létal qui s’étend de l’Australie aux îles du Pacifique, les Mariannes, Marshall et Guam jusqu’aux Philippines, en Thaïlande, Okinawa, en Corée et à travers l’Eurasie jusqu’en Afghanistan et en Inde. L’Amérique a accroché un nœud coulant autour du cou de la Chine. Ce n’est pas nouveau. Silence dans les médias ; guerre par les médias.

En 2015, en grand secret les États-Unis et l’Australie ont organisé le plus grand exercice militaire aérien et naval de l’histoire récente, connu sous le nom de Talisman Sabre. Son objectif était de répéter le Plan de bataille air-mer pour bloquer des voies maritimes comme le Détroit de Malacca et le détroit de Lombrok, qui coupent l’accès de la Chine au pétrole, gaz et autres matériaux naturels vitaux en provenance du Moyen-Orient ou de l’Afrique.

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Le candidat à la présidence, le milliardaire et Républicain Donald Trump.

Dans le cirque connu sous le nom de campagne présidentielle américaine, Donald Trump est présenté comme un aliéné, un fasciste. Il est certainement odieux ; mais il est aussi une figure détestée des médias. Ce seul point devrait éveiller notre scepticisme. Les points de vue de Trump sur l’immigration sont grotesques, mais pas plus grotesques que ceux du Premier ministre David Cameron. Ce n’est pas Trump le Grand Déporteur des États-Unis, mais le gagnant du prix Nobel, Barack Obama.

Selon un chroniqueur libéral prodigieux, Trump est “en train de déchaîner les sombres forces de la violence” aux États-Unis. Les déchaîner ?

C’est le pays où les nourrissons tirent sur leur mère et la police mène une guerre meurtrière contre les Afro-Américains. C’est le pays qui a attaqué et cherché à renverser plus de 50 gouvernements, pour la plupart des démocraties, et bombardé de l’Asie au Moyen-Orient, causant la mort et la spoliation de millions de personnes.

Aucun pays ne peut égaler ce record systémique de violence. La plupart des guerres de l’Amérique (presque toutes contre des pays sans défense) ont été menées non par des présidents républicains mais par des démocrates libéraux : Truman, Kennedy, Johnson, Carter, Clinton, Obama.

En 1947, une série de directives du Conseil pour la sécurité nationale décrivait le but ultime de la politique étrangère américaine comme “un monde essentiellement façonné selon sa propre image (américaine).” L’idéologie était un américanisme messianique. Nous étions tous américains. Ou autre. Les hérétiques seraient convertis, renversés, soudoyés, calomniés, écrasés.

Donald Trump en est un symptôme, mais il est aussi franc-tireur. Il dit que l’invasion de l’Irak était un crime ; il ne veut pas faire la guerre avec la Russie et la Chine. Le danger pour nous n’est pas Trump mais Clinton. Elle n’est pas un franc-tireur. Elle incarne la résistance et la violence d’un système dont le tant vanté “exceptionnalisme” est un totalitarisme avec un apparent visage libéral.

Alors que le jour de l’élection présidentielle approche, Clinton sera saluée comme la première femme présidente, malgré ses crimes et mensonges – tout comme Barack Obama a été encensé en tant que premier président noir et les libéraux ont avalé son absurdité de “hope” (“espoir”). Et le cirque continue.

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Le sénateur Bernie Sanders et l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton, lors d’un débat du Parti démocrate sur les élections présidentielles, parrainé par CNN.

Décrit par le chroniqueur du Guardian, Owen Jones, comme “marrant, charmant, avec une attitude cool qui manque quasiment à tout autre politicien,” Obama l’autre jour a envoyé des drones tuer 150 personnes en Somalie. Il tue des gens généralement les mardis, selon le New York Times, lorsqu’on lui donne une liste de candidats à la mort par drone. Vraiment cool.

Durant la campagne présidentielle de 2008, Hillary Clinton a menacé de “totalement anéantir” l’Iran avec des armes nucléaires. En tant que secrétaire d’État d’Obama, elle a participé au renversement du gouvernement démocratique du Honduras. Sa contribution à la destruction de la Libye en 2011 était presque jubilatoire. Lorsque le dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, a été publiquement sodomisé avec un couteau – un meurtre rendu possible par les logistiques américaines – Clinton s’est vantée de sa mort : “Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort.”

L’une des alliées les plus proches de Clinton est Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’État, qui a attaqué des jeunes femmes parce qu’elles ne supportaient pas “Hillary”. C’est la même Madeleine Albright tristement célèbre pour avoir célébré à la télévision la mort d’un demi-million d’enfants irakiens comme “valant le coup”.

Parmi les plus grands soutiens de Clinton, il y a le lobby israélien et les compagnies d’armement qui alimentent la violence au Moyen-Orient. Elle et son mari ont reçu une fortune de Wall Street. Et pourtant, elle est sur le point d’être décrétée la candidate des femmes, pour voir échouer le maléfique Trump, démon officiel. Ses supporters comprennent des féministes de renom telles que Gloria Steinem aux États-Unis et Anne Summer en Australie.

Il y a une génération, un culte post-moderne maintenant connu comme “la politique identitaire” a empêché beaucoup de gens ouverts d’esprit et intelligents d’examiner les causes et les personnes qu’ils soutenaient – tout comme les impostures d’Obama et de Clinton ; comme les mouvements progressistes tel Syriza en Grèce, qui a trahi le peuple de ce pays et s’est allié avec ses ennemis.

Le repli sur soi, une sorte de moi-isme, est devenu le nouvel esprit du temps (Zeitgeist) des sociétés privilégiées de l’Occident et signale la disparition des grands mouvements contre la guerre, l’injustice sociale, l’inégalité, le racisme et le sexisme.

Aujourd’hui, le long sommeil est peut-être terminé. La jeunesse s’agite à nouveau. Petit à petit. Les milliers en Grande-Bretagne qui soutiennent Jeremy Corbyn comme leader du parti Travailliste font partie de ce réveil – comme ceux qui se sont ralliés au sénateur Bernie Sanders.

En Grande-Bretagne la semaine dernière, le plus proche allié de Jeremy Corbyn, son trésorier John McDonnell, a engagé un gouvernement travailliste à acquitter les dettes des banques pirates et, de continuer la prétendue austérité.

Aux États-Unis, Bernie Sanders a promis de soutenir Clinton si elle est nominée ou lorsqu’elle le sera. Lui aussi a voté l’usage de la violence en Amérique contre des pays, lorsqu’il pensait que c’était “juste”. Il dit qu’Obama a fait “du bon boulot”.

En Australie, il y a une sorte de politique mortuaire, où des jeux parlementaires assommants sont joués dans les médias, alors que les réfugiés et les indigènes sont persécutés et que l’inégalité grandit, de même que le danger de guerre. Le gouvernement de Malcom Turnbull vient d’annoncer un prétendu budget de défense de 195 milliards de dollars qui est le chemin vers la guerre. Il n’y a pas eu de débat. Silence.

Qu’est-il arrivé à la grande tradition d’action populaire directe, non affiliée à des partis ? Où sont le courage, l’imagination et l’engagement nécessaires pour débuter une longue journée vers un monde meilleur, juste et pacifique ? Où sont les dissidents dans l’art, le cinéma, le théâtre, la littérature ?

Où sont ceux qui briseront le silence ? Ou attendons-nous que le premier missile nucléaire soit lancé ?

Ceci est une retranscription d’un discours de John Pilger à l’Université de Sydney, intitulé “Une guerre mondiale a commencé”. JohnPilger.com – the films and journalism of John Pilger.

Source : Consortiumnews.com, le 22/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/12-une-nouvelle-guerre-mondiale-a-commence-brisons-le-silence-par-john-pilger/


[2/2] Trump et Clinton : censurer ce qui dérange, par John Pilger

Friday 22 April 2016 at 00:24

Source : Consortiumnews.com. Par John Pilger le 29 mars 2016

Tandis que Donald Trump, le bateleur milliardaire, fait l’objet d’une opération de diabolisation à grande échelle, l’establishment de la politique et des médias fait d’Hillary Clinton l’héroïne de la pièce « Il faut arrêter Trump ! », mais qui est vraiment le plu22s dangereux des deux, demande John Pilger.

Une censure certes habituelle, mais violente, s’abat sur la campagne électorale aux États-Unis. Alors que la grosse brute de bande dessinée, Donald Trump, va probablement gagner la nomination du Parti républicain, Hillary Clinton, décrète-t-on, est à la fois « la candidate des femmes » et la championne du libéralisme américain dans sa lutte héroïque contre le Mal incarné.

Des sornettes, bien sûr. Hillary Clinton laisse derrière elle un cortège de massacres et de souffrances tout autour du monde, sans parler de son rôle évident d’exploiteuse cupide dans son propre pays. Cependant, au pays de la liberté d’expression, il devient impossible de le dire.

L'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton.

L’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton.

La campagne présidentielle d’Obama en 2008 aurait néanmoins dû alerter même les plus naïfs. Il avait fondé sa campagne « hope » presque entièrement sur le fait que, d’origine afro-américaine, il aspirait à diriger la terre de l’esclavage. Il était aussi opposé à la guerre.

Obama, cependant, n’a jamais été opposé à la guerre. Au contraire, comme tous les présidents américains, il y était favorable. Il avait voté en faveur des subventions pour George W. Bush, destinées au massacre en Irak, et il projetait d’intensifier les combats en Afghanistan. Dans les semaines qui ont précédé son serment d’entrée en fonctions, il a secrètement approuvé une attaque israélienne contre Gaza, le massacre connu sous le nom d’Operation Cast Lead (Opération plomb durci). Il a promis de fermer le camp de concentration de Guantanamo et il ne l’a pas fait. Il s’est engagé à contribuer à débarrasser le monde des armes nucléaires et il a fait le contraire.

Choisir le mielleux Obama comme directeur du marketing du statu quo d’un nouveau genre, quelle excellente décision ! Même à la fin de sa présidence éclaboussée de sang, avec ses drones qui répandent bien plus de terreur et provoquent bien plus de morts dans le monde que les djihadistes à Paris et à Bruxelles, Obama continue à être encensé pour son attitude « cool » (cf. le quotidien britannique, The Guardian).

Mon article « Début d’une nouvelle guerre froide » a été publié sur le web (y compris sur Consortiumnews.com) à partir du 22 mars.

Comme je le fais depuis des années, je l’ai distribué à un réseau international, qui comprenait Truthout.com, le site libéral américain. Truthout publie des articles d’une haute tenue, en particulier les remarquables dénonciations du monde des affaires de Dahr Jamail. Mais Truthout a refusé mon article : selon un rédacteur, il violait la ligne directrice et avait été publié dans Counterpunch ; j’ai répondu que cela n’avait jamais été un problème au cours des années et que je ne connaissais pas cette ligne directrice.

Le milliardaire et candidat républicain à la présidence, Donald Trump.

Le milliardaire et candidat républicain à la présidence, Donald Trump.

Mon obstination m’a apporté une nouvelle explication. Mon article était absous, si je le soumettais à une « relecture » et acceptais les changements et les suppressions effectués par « le comité éditorial » de Truthout. En conséquence, on a édulcoré et censuré ma critique de Hillary Clinton et on a veillé à bien la distinguer de Trump. Voici le passage coupé :

« Trump est, pour les médias, un personnage haïssable, cela seul devrait, d’ailleurs, nous inciter au scepticisme. Les opinions de Trump sur l’immigration sont grotesques, mais pas plus que celles de David Cameron. Ce n’est pas Trump qui est champion des expulsions des États-Unis, mais le lauréat du prix Nobel de la paix, Barack Obama… Le danger pour le reste d’entre nous, ce n’est pas Trump, mais Hillary Clinton. Ce n’est pas une anticonformiste. Elle incarne la ténacité et la violence d’un système… À l’approche de l’élection présidentielle, elle va être saluée comme la première présidente femme, sans qu’on se soucie de ses crimes et de ses mensonges, de la même façon que Barack Obama a été célébré comme le premier président noir et que les libéraux ont gobé toutes ses bêtises à propos de “l’espoir”. »

Le « comité éditorial » voulait clairement que j’édulcore mon argumentation, que je cesse de soutenir que Clinton représentait un danger extrême pour le monde. Comme toutes les censures, celle-ci était inacceptable.

Maya Schenwar, qui dirige Truthout, m’a écrit que ma réticence à soumettre mon travail à un « processus de révision » la conduisait à enlever mon article du « registre des publications ». Ainsi s’exprime la gardienne du temple.

La façade Obama/Clinton

Au cœur de cet épisode se niche quelque chose d’inexprimable depuis déjà longtemps. C’est le besoin, la compulsion de beaucoup de libéraux aux États-Unis d’adouber un dirigeant issu de l’intérieur d’un système manifestement impérialiste et violent. Comme « l’espoir » d’Obama, le genre de Clinton n’est rien d’autre qu’une façade de convenance.

Cette irrépressible envie n’est pas neuve. Dans son essai de 1859 « De la liberté », auquel les libéraux ne cessent de rendre hommage, John Stuart Mill a décrit le pouvoir de l’empire. « Le despotisme est une façon légitime de gouverner quand on est en face de barbares, a-t-il écrit, pourvu qu’on ait pour fin de les faire progresser, et les moyens sont justifiés si l’on atteint effectivement cette fin. » Les « barbares » composaient une large part de l’humanité dont on exigeait une « soumission implicite ».

« Les libéraux sont des artisans de la paix et les conservateurs des bellicistes, voilà un charmant mythe bien pratique, » écrivait l’historien Hywel Williams en 2001, “mais l’impérialisme à la mode libérale est peut-être plus dangereux, à cause de sa nature illimitée. Il est, en effet, convaincu de représenter une forme supérieure de vie, [tout en refusant d’assumer son] vertueux fanatisme.”

Il avait à l’esprit un discours prononcé par Tony Blair après les attaques du 11-Septembre, dans lequel le Premier ministre promettait de « remettre de l’ordre dans le monde qui nous entoure » selon ses « valeurs morales » à lui. Il en est résulté le massacre d’un million de personnes en Irak.

Les crimes de Blair n’ont rien d’original. Depuis 1945, quelque 69 pays, plus d’un tiers des États membres des Nations Unies, ont souffert tout ou partie des agressions suivantes : leur pays a été envahi, leur gouvernement renversé, leurs mouvements de revendication populaire éradiqués et leur peuple bombardé. L’historien Mark Curtis évalue le nombre de victimes en millions.

Avec la disparition des empires européens, cela a été le projet du pays qui porte la flamme libérale, cette terre d’exception, les États-Unis, dont le président célébré comme progressiste, John F. Kennedy a, ainsi que l’indiquent de nouveaux travaux, autorisé le bombardement de Moscou pendant la crise cubaine de 1962. Les événements se sont, comme nous le savons, déroulés de telle sorte que ce bombardement est devenu inutile.

La nation indispensable

« Si nous devons utiliser la force, » dit Madeleine Albright, la secrétaire d’État de l’administration libérale de Bill Clinton, qui soutient maintenant farouchement la campagne de la femme de celui-ci, « c’est parce que nous sommes l’Amérique. Nous sommes la nation indispensable. Nous nous tenons la tête haute. Nous voyons plus loin vers l’avenir. »

L’un des crimes les plus abominables d’Hillary Clinton a été la destruction de la Libye en 2011. Sur ses instances pressantes, et avec le support logistique américain, l’OTAN a, selon ses propres archives, procédé à 9700 frappes contre la Libye, dont un tiers ciblait des civils. On a employé des missiles à l’uranium appauvri. Regardez donc les photographies de Misrata et de Syrte et les charniers identifiés par la Croix-Rouge. Lisez aussi le rapport de l’UNICEF au sujet des enfants tués « [dont] la plupart avait moins de dix ans. »

Dans les travaux universitaires anglo-américains que suivent servilement les médias libéraux des deux côtés de l’Atlantique, des théoriciens influents, appelés « libéraux réalistes » enseignent depuis longtemps que les impérialistes libéraux – expression qu’ils n’utilisent jamais – sont, dans le monde, des conciliateurs et des gérants de crise, plutôt que justement les fauteurs de ces crises. Ils ont enlevé l’élément humain de leur étude des nations et l’ont mis au congélateur, en employant un jargon au service des bellicistes. Ils écrasent des nations entières pour les autopsier, ils identifient des « États en échec », (ceux qui sont difficiles à exploiter) et des « États voyous » (ceux qui résistent à la domination occidentale).

Que le régime ciblé soit une démocratie ou une dictature n’a aucune importance. Au Moyen-Orient, les collaborateurs du libéralisme occidental sont depuis longtemps des extrémistes islamistes comme récemment al-Qaïda, tandis que des concepts cyniques de démocratie et de droits de l’homme sont employés pour servir de façade rhétorique à la conquête et à la destruction, comme en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, à Haïti et au Honduras. Consultez donc les archives publiques de ces bons libéraux, Bill et Hillary Clinton. Ils ont atteint un niveau auquel Trump ne peut qu’aspirer.

Source : Consortiumnews.com, le 29/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/22-trump-et-clinton-censurer-ce-qui-derange-par-john-pilger/