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Revue de presse du 09/03/2017

Thursday 9 March 2017 at 00:15

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Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-09032017/


Tiens, et si on validait l’étude Macron avec son ISF ? (+ Rothschild)

Tuesday 7 March 2017 at 22:29

Dernière (je l’espère) mise à jour sur le patrimoine de M. Macron (en réponse aux nombreux mails que j’ai reçus) – afin que nous passions à autre chose…

Comme on a vu que la Team Macron tentait de discréditer nos conclusions (ou interrogations, plutôt – il ne s’agit de rien d’autre), essayons d’en valider les grandes lignes par d’autres moyens. Rappelons que les 25 questions que nous nous posons à la lecture des déclarations de patrimoine de M. Macron sont consultables ici.

Comme d’habitude, s’agissant de ce blog collaboratif, nous comptons sur les spécialistes en fiscalité pour remonter en commentaire ou par mail leurs remarques et analyses.

I. L’ISF des Macron

Les déclarations portaient surtout sur le patrimoine personnel de M. Macron, pas sur celui de sa femme. Cependant, l’ISF fonctionne par foyer fiscal, en agrégeant les patrimoines des couples.

Et le 15 mai 2013, on apprenait dans l’Express une chose assez étrange :

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Toi aussi, laisse trainer ton avis d’imposition à six chiffres au boulot…

Outre le “Président dans vingt ans” (sic), on voyait surtout que M. Macron ne payait pas l’ISF malgré ses énormes revenus passés !

Or, l’article du Canard enchaîné du 1er juin 2016 qui parlait de l’affaire s’intéressait justement à l’ISF (dernière colonne) :

Pressé de questions, M. Macron finit par répondre sur Facebook :

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Hmm, il a donc fait bosser “plusieurs semaines” un des 5 experts de la Cour de cassation pour estimer la maison de sa femme – donc pour éviter de payer 3 000 ou 5 000 € d’ISF ? Dommage qu’il n’ait pas fait faire 5 estimations par des agences du Touquet, en en prenant la plus élevée, cela aurait été plus simple et moins cher…

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C’est ce jour-là qu’il révélait d’ailleurs le nom de son mécène

On voit donc une chose intéressante. La maison secondaire des Macron au Touquet est propriété de la seule Brigitte Macron ; le couple l’a estimée 1 200 000 €. Et quand l’administration l’a estimée plutôt 1 450 000 €, cela a fait basculer les Macron dans l’ISF – dont le seuil est de 1 300 000 €.

Cela signifie donc que le patrimoine du couple est proche de ce seuil de 1,3 M€, mais sachant que la seule maison de Madame représente 1,2 à 1,4 M€ : cela signifie donc que le patrimoine de M. Macron est bien rachitique.

Poursuivons :

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On note qu’en acceptant la proposition de l’administration fiscale, le couple rentre dans l’ISF en 2013 ; mais qu’en 2014, l’ISF est divisé par deux, et le couple sort de l’ISF en 2015…

Il est fascinant de voir que ce journal montre que l’ISF des Macron fond comme neige au soleil, donc leur patrimoine aussi, et que cela n’éveille aucune attention particulière des médias… (ok, il refuse aussi de fournir à l’Express – comme au Canard – les éléments demandés.)

Comme on a les montants de l’ISF, on a donc facilement le montant de l’actif net (=actif – passif, c’est-à-dire avoirs-dettes) du couple (calculette) :

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Le Canard a été un peu trop généreux avec ses 1,8 million…  🙂

On connait assez bien le passif du couple – en tout cas de Monsieur, on supposera que Madame n’a pas d’autre emprunt (et qu’ils n’ont aucun placement de défiscalisation de l’ISF – vu comment ils gèrent leur patrimoine, cela m’étonnerait…) :

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On n’a pas toutes les caractéristiques des emprunts, mais on peut faire quelques hypothèses raisonnables sur celles-ci (à confirmer, donc).

Au niveau de l’actif immobilier, on a deux biens. L’appartement de Monsieur, résidence principale, qu’il estime 935 000 € en 2014, et donc la maison de sa femme au Touquet, qui appartenait à son père (voir aussi ici ou ici) et lui appartient a priori entièrement en propre (ses frères et sœurs ont dû hériter des boutiques du père).

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La maison secondaire des Macron (propriété de Madame) au Touquet

C’est cette maison que le couple a estimée à 1 200 000 € et que le fisc a redressée à 1 453 000 €. À partir des données (grossières) de l’Insee (Paris et Nord Pas de Calais), on peut estimer ainsi l’évolution des valeurs des deux biens entre 2013 et 2016 :

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Notons au passage que Madame a environ 30 000 € de revenus fonciers par an, mais on ne sait pas quelle en est la source (location à l’année d’une partie de la maison du Touquet ? Il semble y avoir un commerce au rez-de-chaussée, je pense que ça peut être ça. Location saisonnière de toute la maison du Touquet ? Autre bien en immobilier locatif  [avec dans ce cas possiblement un emprunt, mais il faudrait en déclarer la valeur nette dans l’ISF, ce qui diminuerait encore plus la valeur du patrimoine de Monsieur, c’est assez peu plausible, mais pas impossible]).

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À ce stade, on a donc connaissance de façon certaine de l’actif net du couple, et on a une estimation grossière mais raisonnable du patrimoine immobilier, et des dettes. Par différence, on a donc une idée du montant du patrimoine financier du couple. Celui de Madame étant d’environ 100 000 € selon la déclaration patrimoniale de 2016, on peut donc estimer le patrimoine financier de M. Macron ainsi :

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Soit environ 550 000 €. Je rappelle que ce n’est qu’une simple estimation, pour valider des ordres de grandeur. Elle contient de plus une simplification notable : je raisonne net d’impôts. En réalité, les liquidités devaient être supérieures de 400 000 € à ce chiffre, correspondant aux impôts 2012 à payer ; somme qu’il faudrait d’ailleurs rajouter en dette pour le calcul de l’ISF – c’est donc sans impact sur l’actif net pour l’ISF. Cela n’apporte donc rien au raisonnement patrimonial, et complique les choses. On a donc raisonné comme si l’Impôt à la source avait été en place, pour une meilleure compréhension. De même, la valeur de la voiture est comprise dans les liquidités.

Il y a un autre point important à savoir : le logement principal bénéficie d’une décote légale de 30 % sur la valeur de l’actif avant prise en compte des dettes, ce qui génère une baisse de l’actif net du même niveau. (vous achetez un appartement principal un million avec un emprunt d’un million ; la valeur nette est nulle ; mais pour le fisc, vous abattez de 300 000 € l’actif, donc l’actif net du bien pour l’ISF est de – 300 000 €, qui s’impute sur le reste de l’actif net)

On arriverait donc à environ 550 000 € de liquidités (nettes d’impôts) pour M. Macron au 1/1/2013.

Or, on connait ses revenus plantureux de 2011 et 2012 (source) :

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Si on applique un taux moyen de 40 % d’impôts, et qu’on retranche – nous sommes gentils – les annuités d’emprunt au Crédit Mutuel, on obtient le “revenu net après impôts disponible” suivant pour Monsieur (qui s’ajoute aux 50 000 € annuels de sa femme) :

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On note qu’en 2011 et 2012, M. Macron a un revenu net disponible de plus de 1 400 000 € ; au 1/1/2013, il n’a plus que 550 000 €. Il a donc bien consommé 850 000 € ces deux années-là, soit 1 160 euros par jour, soit plus  d’un Smic par jour… Je dis consommé, mais cet argent a bien entendu pu servir à rembourser d’autres dettes antérieures (mais pas sur des postes connus à ce jour – elles auraient donc été dantesques et sans mesure avec les revenus), soit avoir tout simplement servi à réaliser des donations importantes à d’autres personnes.

S’il n’avait pas consommé ceci, ou disons juste 200 000 €, on aurait 600 000 € de plus dans son patrimoine, s’ajoutant aux 550 000 € de liquidités + les 100 000 € de sa femme – 240 000 € de valeur nette du logement principal – 330 000 € de crédit = 680 000 €. Si on ajoute à leur estimation de 1 200 000 € de leur maison, on arrive à près de 1 900 000 € de patrimoine – très au-delà des 1 300 000 € : le couple aurait dû payer un gros ISF.

Je vous refais le raisonnement différemment. Le couple a estimé la maison du Touquet 1,2 M€ ; Madame a 100 k€ de liquidités ; Madame a donc un patrimoine de 1,3 M€, exactement le seuil de l’ISF. Le couple ne l’a pas payé ni en 2012, ni en 2013, ni en 2014. Cela signifie donc que le patrimoine net ISF (avec décote de 30 %) de M. Macron a dû être constamment négatif. Or, il est constitué de liquidités (inconnues), de son appartement (-250 k€ en net, environ à cause de la décote) et d’un prêt de -350 k€. Bref, pour ne pas payer l’ISF, M.Macron a dû disposer de liquidités (nettes d’impôt) constamment inférieures à 600 k€. Or je vous ai indiqué ses revenus après paiement de ses annuités d’emprunts : 190 k€ en 2010, 820 k€ en 2011 et 600 k€ en 2012, donc environ 1,6 M€ en 3 ans, sans jamais dépasser 0,6 M€ : il aurait donc dilapidé (ou donné) forcément plus d’un million d’euros en 3 ans

Ainsi, quelles que soient les hypothèses, cet argent semble bien avoir disparu de son patrimoine taxable. Après, on peut bien entendu penser qu’il possède au 1/1/2013 des biens non soumis à ISF (tableaux, etc), mais on n’en trouve pas trace dans la déclaration de patrimoine de 2014 – ni d’eux, ni de la contrepartie de leur éventuelle vente…

Après, il y a aussi une hypothèse – peu probable – : l’investissement dans une tontine – pour éviter de payer l’ISF. Mais à mon sens il aurait fallu renseigner la déclaration de patrimoine, au moins en annexe. Ou il pourrait avoir mis ça légalement dans un trust… Ou il pourrait avoir eu des placements défiscalisants en ISF. Cela pourrait expliquer le trou – mais que M. Macron le dise alors… Nos questions sont légitimes. Et son porte-parole dit le contraire (JDD) :

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Autre point amusant : si on prend l’estimation qu’a fait réaliser M. Macron par un expert, à 1 200 000 € (c’est donc le calcul qu’il avait fait), on arrive à :

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Soi pile-poil juste en dessous du seuil de taxation de l’ISF de 1 300 000 € – le hasard fait parfois bien les choses. Je comprends que le fisc ait tiqué et ait proposé un redressement. Le “J’ai préféré ne pas faire d’action contentieuse contre l’administration” (pour 4 000 € d’impôts – soit le prix de l’avocat…) du message Facebook de M. Macron prend alors tout son sel.

On peut continuer l’exercice patrimonial assez facilement, vu qu’on a l’ISF 2014, donc le patrimoine :

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Bing, les liquidités de M. Macron passent donc de 550 000 € à 350 000 € : – 200 000 € de patrimoine dans l’année – normal.

Il faut dire qu’en 2013, à l’Élysée, ses revenus ont été divisés par 10 par rapport à Rothschild (un saint homme….), soit 100 000 € nets d’impôts, mais grevés par 75 000 € d’annuités d’emprunts. Il ne reste donc “que” 75 000 € au couple. Et donc tout est consommé, ainsi que 200 000 €, soit près de 800 euros par jour en 2013.

À ce stade, je précise qu’on a une autre petite inconnue : la date de perception exacte par M. Macron de ses revenus Rothschild en Bénéfices Industriels et Commerciaux. Il est censé avoir des avances, et j’ai donc considéré qu’ils étaient perçus l’année de leur génération (les BIC 2012 sont perçus en 2012). Il peut y avoir un décalage, mais qui décalerait simplement le rythme de consommation (il aurait un peu moins consommé en 2012 mais plus en 2013).

Car dans tous les cas, dans sa déclaration patrimoniale d’octobre 2014, il n’a plus que 280 k€ de placements financiers (+ voiture), donc tous ses revenus Rothschild (soit environ 1 500 000 €) semblent bien avoir été consommés (ou distribués) à ce moment. CQFD.

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On peut vérifier nos calculs, en simulant au 1/1/2015 :

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La baisse des liquidités est telle que, en effet, le couple n’est plus soumis à l’ISF en 2015.

Au 1/1/2016, l’appartement parisien semble bien avoir été vendu, ce qui fait perdre le bénéfice de la décote de la résidence principale, et le couple est bien de nouveau soumis à l’ISF :

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Bref, l’ISF semble bien confirmer l’incroyable rythme de dilapidation patrimonial (parfaitement légal) de M.Macron. C’est à lui, s’il le souhaite, d’en expliquer la raison – surendettement, générosité avec ses proches, prodigalité ou tempérament de flambeur ?

Comme je l’ai déjà dit, c’est sa vie privée, c’est légal, c’est de l’argent privé, mais 1/ cela peut révéler un trait de caractère important à prendre en compte pour quelqu’un qui veut diriger le pays 2/ on reste dubitatif, vu ce rapport à la dépense, sur le fait qu’il ait quitté Rothschild en 2012 pour aller à l’Élysée s’occuper d’économie et de la loi bancaire.

Donc comme d’habitude, comme ces sujets ne sont pas traités dans les grands médias, nous en parlons ici. (Et ici, on ne traite pas des sujets qui sont plutôt bien traités dans les médias – ce blog n’est pas un site d’information, il complète simplement les grands médias).

P.S. je rappelle qu’il s’agit d’un travail sans prétention, à partir de déclarations et données publiques. Tout ceci est à prendre au conditionnel et avec prudence. Il s’agit simplement d’obtenir des explications de M. Macron – sachant qu’il n’y a probablement rien d’illégal.

EDIT : dédicace à tous ceux qui pensent qu’on vous donne 3 M€ en 3 ans dans une banque d’affaires juste pour votre “talent” – lire l’indispensable Martine Orange sur Médiapart

Bon, allez, #PensezPrintemps…

II. Du côté de chez Rothschild (pour experts)

2-1 Historique du groupe Rothschild (France)

Je complète le point précédent par quelques informations sur la période où M. Macron était chez Rothschild. Ce sont des points assez pointus, pour la culture générale je dirais. J’aurais bien aimé avoir en commentaire la vision d’avocats, de fiscalistes et d’experts comptables.

Fondée en 1817 à Paris, Rothschild Frères était la banque historique de la branche française de la famille Rothschild ; elle est devenue la Banque Rothschild en 1967. Comme en 1981 les socialistes étaient encore socialistes, cette banque fut nationalisée par la Loi du 11 février 1982 avec les autres. Elle fut renommée Européenne de Banque et fut confiée dans un premier temps au Crédit commercial de France (CCF) puis revendue en 1991 à la banque Barclays qui l’absorba.

En 1983, la famille de Rothschild réagit à cette nationalisation en re-créant une banque familiale : David de Rothschild fonda alors la Banque Rothschild & Cie. Pour ce faire, il se servit de la société Paris Orléans, holding financière familiale, issue de la société de chemin de fer du même nom (dont la gare centrale était la gare d’Orsay devenue le musée d’Orsay ; cette société avait cessé l’activité ferroviaire en 1937 lors de la création de la SNCF), qui possédait donc Rothschild & Cie Banque (RCB). À la demande du gouvernement en 1983 puis de la branche suisse de la famille Rothschild (possédant le Groupe Edmond de Rothschild), le groupe ne prit alors pas le nom de Rothschild.

En 2012, David de Rothschild réorganisa la structure du groupe (lire ici et ), et en 2015 il décida de renommer Paris Orléans en Rothschild & Co – ce qui suscita la colère de la branche suisse (lire ici, ou ). Enfin, en 2017, Rothschild & Co fusionne avec la Banque Martin Maurel pour créer Martin Maurel Rothschild & Co (source).

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Armoiries de la famille Rothschild

2-2 Structure du groupe Rothschild (France)

Le Groupe Rothschild a 3 principales activités : du conseil financier en fusion acquisition (=”M&A”, surtout via Rothschild & Cie et Rothschild & Cie Banque) de la gestion d’actifs (dont Rothschild & Cie Gestion) et du capital-investissement :

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Ce groupe de 2 800 collaborateurs a “quelques” filiales :

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Il est intéressant de noter que la loi impose désormais un reporting pays par pays, très intéressant, cela donne ceci :

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Rien à voir, mais je vous donne aussi ici celui de BNP Paribas.

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Intéressant, non ?

Bon, ben, c’est fini, le Conseil constitutionnel a déclaré cette “loi de transparence” inconstitutionnelle le 8 décembre 2016 :

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Et puis c’est bien marqué “c’est une super bonne idée la transparence pour lutter contre la fraude fiscale”… mais ça va pas être possible, désolé !

Le tout au nom d’une mystérieuse “Liberté d’entreprendre”, introduite en 1982 (tiens, tiens…) face aux velléités socialistes (décédées d’ailleurs en 1984) :

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Le Conseil Constitutionnel se fondant donc sur l’article 4 de la Déclaration de 1789. Pensée émue aux législateurs de l’époque qui, en rédigeant ça, n’imaginaient pas que deux siècles plus tard des amis de l’oligarchie financière s’en serviraient pour contredire le législateur et supprimer un reporting pays par pays des banques. (à l’époque, ils devaient trop craindre la guillotine pour exprimer ce genre d’idées…) Bref, pour la reconnaissance par le Conseil de la “Liberté de ne pas se faire entuber par les banquiers”, merci de prévoir un délai. #Hallucinant

Face à un Conseil constitutionnel qui fait désormais clairement de la politique, il va falloir prévoir une réforme du Conseil, et une possibilité d’appel.

Bref. Venons-en aux aspects financiers. Voici l’évolution du chiffre d’affaires du Groupe Rothschild :

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et voici le résultat :

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15 % de marge, 15 % de rentabilité (ROE) – pas mal du tout…

Mais on peut d’amuser à faire un zoom sur la Banque Rothschild & Cie (dans le fameux conseil), en regardant ses résultats (hors consolidation) :

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On voit donc qu’on a une banque qui travaille (commissions) mais qui est aussi rentière (revenus des titres) :

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Eh bien elle a un bénéfice supérieur au produit de son travail – ce qui est assez merveilleux. Ainsi, on constate qu’elle obtient :

Terminons par la structure du groupe :

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Le groupe

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 Les actionnaires de la Banque

 

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Les filiales de la Banque

En synthèse de cette immense pelote inextricable, on a – de ce que je comprends – un truc dans ce genre :

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C’est dans “Rothschild et Compagnie” (RCI) (encadrée en rouge) que sont associés les happy fews – dont Macron en 2011 –  et que remontent de gros bénéfices issus des activités de Conseil.

Terminons par dire qu’il s’agit d’une Société en Commandite Simple (SCS), forme assez rare de société. La commandite est une société où les associés sont divisés en deux catégories : les commandités, qui ont le statut de commerçants, qui apportent leur compétence et qui gèrent l’activité ; et les commanditaires, qui apportent de l’argent, mais à qui il est interdit de prendre part à la gestion de la société, et qui ne sont pas responsables au-delà de leur apport. Leur situation est assez proche de celle de prêteurs. Elle est administrée par des gérants, qui sont généralement des commandités, mais ne peuvent être des commanditaires.

2-3 Macron chez Rothschild

Si je parle de ceci, c’est qu’Emmanuel Macron a été nommé gérant de RCI au 1er janvier 2010, puis un an plus tard il devient Associé-gérant :

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(Oh, tiens, il a bossé sur la recapitalisation du journal Le Monde…)

On obtient ainsi en 2011 cette nouvelle répartition des parts de Rothschild & Cie :

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Spécial “journée de la femme” – Luce Gendry ayant démissionné en 2012…

Vous notez au passage qu’il a un copain de “promotion”, qui est Grégoire Heuzé.

Comme Macron est allé chez Hollande, il faut cependant faire attention qu’il ne manque pas trop de banquiers Rothschild à droite du coup – c’est résolu pour Le Maire :

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Je parle de Macron pour un petit point intéressant qui m’a été signalé – légal, mais qui a étonné plusieurs d’entre vous. Pour devenir associé, il a acquis une part sociale, au prix statutaire de 16 €. Il a ensuite revendu 16 € cette part le 15 mai 2012 quand il a démissionné.

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Ainsi, cette part se négocie apparemment pour presque rien (cela veut-il dire qu’il a bien vraiment acheté et revendu la part à 16 € ? ), alors qu’elle a évidemment une colossale valeur alors qu’elle devrait avoir une valeur bien plus importante vu les revenus qu’elle procure – ce qui fait parfois un peu tiquer le fisc… Mais rien d’illégal, je le répète – d’ailleurs le fisc l’a forcément vu.

Dernier point qui m’a également été remonté, cette annonce au journal officiel de 2012, datée du 4 mai 2012 pour l’AG du 8 juin (M. Macron démissionne de son mandat de gérant de Rothschildd & Cie le 15 mai) :

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Du coup, je ne sais pas à quoi correspondait cette opération, si elle a finalement eu lieu (il a démissionné dans l’intervalle), et que sont devenus du coup ses 370 k€ d’actions de la Financière Rabelais…

Il semble que ce soient ces actions qui aient procuré les Revenus de Capitaux Mobiliers dantesques qu’il a perçus – 290 k€ en 2011 et 270 k€ en 2012.

J’avoue que je ne comprends pas bien, donc si des spécialistes ont un avis – sur ça ou sur le reste, c’est à vous de jouer, merci🙂

 

Source: http://www.les-crises.fr/tiens-et-si-on-validait-l-etude-macron-avec-son-isf-rothschild/


Emmanuel Todd : « En France, nous vivons l’arrivée à maturité du vide »

Tuesday 7 March 2017 at 02:40

Source : Le Comptoir, Emmanuel,Todd03/03/2017

Jeudi 9 février, Emmanuel Todd nous reçoit dans son appartement parisien pour un entretien fleuve sur l’élection de Donald Trump, les États-Unis et la situation politique mondiale, que nous vous proposons en deux parties. Si notre ligne politique peut diverger de celle du chercheur Todd et de sa promotion d’un capitalisme régulé, il demeure pour nous une référence intellectuelle contemporaine majeure. Anthropologue, historien, démographe, sociologue et essayiste, Todd est ingénieur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Il est principalement connu pour ses travaux sur les systèmes familiaux et leur rôle politique. En quatre décennies, le chercheur s’est notamment illustré en prophétisant l’effondrement de l’URSS (« La chute finale », 1976) et les printemps arabes (« Le rendez-vous des civilisations », avec Youssef Courbage, 2007). Il a également mis en lumière les faiblesses de la construction européenne et de la mondialisation. 

Le Comptoir : Le Brexit – défendu au Royaume-Uni principalement par des forces de droite – et l’élection de Trump présagent-ils de futures grosses surprises lors de l’élection présidentielle française et de l’élection fédérale allemande, qui se dérouleront toutes deux en 2017 ? Vous avez déclaré récemment que « François Ruffin [était] la vraie alternative de gauche à Marine Le Pen. » Un “populisme de gauche” a-t-il encore une chance d’émerger et de rivaliser avec l’extrême droite ?

Emmanuel Todd : Je pense qu’en termes moraux, Ruffin est la seule alternative possible. Le problème n’est toutefois pas la morale, mais de voir ce qui est sociologiquement possible. Mais il y a plusieurs éléments dans votre question. D’abord, il faut séparer les Français des Allemands. Ces derniers sont les grands vainqueurs de l’unification européenne. Les Allemands sont les maîtres, invisibles, mais les maîtres quand même, des donneurs de leçons, avec un excédent commercial qui n’en finit pas d’augmenter. La France, c’est une société bloquée : impuissante, bavarde pour rien, souvent ridicule quand elle n’est pas tragique. Et inconsciente de sa propre dérive. Je regardais une émission de télévision avec des “spécialistes” qui discutaient un après-midi, politologues et journalistes. C’était très drôle. Ils parlaient de Trump, toujours lui. Les commentateurs étaient choqués : un type qui applique son programme ! Ce n’est plus la démocratie, ça ! En France, nous savons ce qu’est la démocratie. Le modèle français, c’est le traité de 2005 : le corps électoral vote et on s’assied sur le résultat. Nous sommes conscients, dans l’Hexagone, qu’une présidentielle sert uniquement à parler. Nous faisons le discours du Bourget, et une fois au pouvoir, nous faisons passer la loi Travail. Aujourd’hui, nous devrions deviner ce que feraient Fillon ou Macron au pouvoir puisque nous savons d’avance qu’ils n’appliqueront pas leurs programmes. Nous avons le droit de ne pas aimer Trump, mais pour le moment, admettons qu’il tente de faire ce qu’il avait annoncé. De même, outre-Manche, nous voyons un Parlement rempli de gens qui n’étaient pas favorables au Brexit mais qui viennent de se plier à la volonté populaire et de produire le vote attendu par Theresa May. Donc il y a une nouvelle pression cruelle qui s’exerce sur le système politique français, de l’extérieur : le modèle réellement démocratique des pays anglo-saxons. Cela crée un élément supplémentaire de déstabilisation de notre système.

« Exclure de la communauté nationale les Français d’origine musulmane, c’est la garantie d’un échec économique et social si l’on tente la sortie de l’euro. »

Il y aura une deuxième pression, à plus long terme, exercée par le monde anglo-saxon. Outre-Atlantique, il y a encore une guerre civile entre les deux camps, les nationaux et les globalistes. Je pense qu’ils vont finir par négocier car aucun camp ne peut l’emporter. Mais il est évident que le virage protectionniste, déjà amorcé sous Obama avec le Buy American Provision de 2009, va s’affirmer. Et ça va marcher. L’Amérique sera donc engagée sur la voie positive de reconstruction interne opposée au libre-échangisme frénétique de l’Allemagne. Ce sera pour notre classe dirigeante une pression terrible. Je ne sais pas si cela mettra dix, quinze ou vingt ans. J’ai peur de ne plus être là pour tirer le bénéfice de cette prophétie sans risque.

Mais en France, il y a autre chose que le libre-échange. Notre situation est absurde au carré parce que l’euro aggrave les effets du libre-échange : il empêche de dévaluer et produit ce taux de chômage de 10 % dont on ne sortira jamais. La perte de notre souveraineté monétaire fait que le président de la République n’a plus aucun pouvoir effectif. En théorie, un président de la République peut tout, en termes de nomination, de dissolution, etc. Mais en pratique, il ne peut plus rien faire et avec Hollande, nous avons vu le modèle réalisé à la perfection. C’était moins visible sous Sarkozy car celui-ci entretenait un état d’agitation et de fébrilité déconcertant. Mais Hollande a mis à nu la réalité : l’absence de président en France. C’est un problème structurel. Et c’est sûrement pour cela que nous voyons une décomposition du sens de la présidentielle. Les gens font tout ce qu’ils peuvent pour mettre en scène un spectacle démocratique ou pseudo-démocratique. Ils font des primaires. Mais qu’est-ce qu’ils font dans ces primaires ? Nous voyons s’exprimer des bouts de corps électoral complètement atypiques. Prenons Fillon : plus de 50 % de gens de plus de 60 ans, retraités et riches, votent pour l’homme qui veut faire du Thatcher avec trente ans de retard. Je passe sur les suites judiciaires du “Penelopegate” qui aggravent ce ridicule démocratique particulier. Des électeurs socialistes, encore moins nombreux, désignent Hamon : arrive le style « on rase gratis ». Mais c’est pareil, ce sont des minorités qui se font plaisir. Pardon, j’oubliais celui qui incarne l’ultime vérité du système, celui qui n’a pas de programme : Macron.

C’est comme si, au fond, les candidats comme les électeurs avaient compris que la présidentielle, c’était pour rire. Alors tout le monde se lâche. Tout le monde fait n’importe quoi. Et cela n’a aucune importance. Car nous allons en réalité élire notre représentant à Berlin. D’ailleurs, Fillon, Macron et Hamon ont chacun d’une façon ou d’une autre déjà fait allégeance à l’Allemagne. Mais j’admets volontiers être, comme tout le monde, dépassé par la situation. L’Amérique me semble compréhensible, tout comme l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie, le Japon ou la Chine. La France non. Nous sommes peut-être au bord de la crise de régime.

D’ailleurs, même le FN semble ne plus croire en rien. Un copain avec qui je dînais début février 2017 me disait que la décomposition des partis de l’establishment semblait produire par rebond la décomposition et l’amollissement du discours du FN lui-même. Privé d’adversaire intellectuel, le parti d’extrême droite ne sait plus vraiment quoi dire. Face à la réalité de Trump et du Brexit, il est lui-même confronté à l’irréalisme de ses propositions. Comment passer au protectionnisme et sortir de l’euro sans la participation de tous les citoyens à cette épreuve, salvatrice mais difficile ? Exclure de la communauté nationale les Français d’origine musulmane, c’est la garantie d’un échec économique et social si l’on tente la sortie de l’euro. Ni la monnaie ni le protectionnisme ne peuvent se passer, pour fonctionner, d’une conscience nationale englobante complète. Les dirigeants du FN savent autant que les autres qu’ils ne sont pas sérieux.

« Trump a éloigné les thématiques religieuses du Parti républicain. »

Dans votre livre Qui est Charlie ? qui, au-delà de la polémique, traite de la question religieuse, vous insistez sur les conséquences de la sortie du religieux. Vous dites que les religions doivent être particulièrement prises au sérieux quand on en sort. Vous donnez l’exemple de l’Allemagne nazie, de la Révolution française… Vous liez d’ailleurs déchristianisation et poussées nationalistes, comme dans le cas québécois. Iriez-vous jusqu’à lier la question nationale telle qu’elle se pose aujourd’hui à la question religieuse, notamment en Europe ? Dans certains cas, comme celui de la Russie, le retour du national semble s’accommoder du retour du religieux…

 

[…]

Lire la suite sur : Le Comptoir, Emmanuel,Todd03/03/2017

Kevin “L’Impertinent” Boucaud-Victoire & Adlene Mohammedi

P.S. le flot d’insultes ayant été suffisant, les commentaires sont fermés.

Source: http://www.les-crises.fr/emmanuel-todd-en-france-nous-vivons-larrivee-a-maturite-du-vide/


Emmanuel Todd : « C’est un pays en cours de stabilisation morale qui vient d’élire Trump »

Monday 6 March 2017 at 05:37

Source : Le Comptoir, Emmanuel Todd, 01-03-2017

Jeudi 9 février, Emmanuel Todd nous reçoit dans son appartement parisien pour un entretien fleuve sur l’élection de Donald Trump, les États-Unis et la situation politique mondiale, que nous vous proposons en deux parties. Si notre ligne politique peut diverger de celle du chercheur Todd et de sa promotion d’un capitalisme régulé, il demeure pour nous une référence intellectuelle contemporaine majeure. Anthropologue, historien, démographe, sociologue et essayiste, Todd est ingénieur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Il est principalement connu pour ses travaux sur les systèmes familiaux et leur rôle politique. En quatre décennies, le chercheur s’est notamment illustré en prophétisant l’effondrement de l’URSS (« La chute finale », 1976) et les printemps arabes (« Le rendez-vous des civilisations », avec Youssef Courbage, 2007). Il a également mis en lumière les faiblesses de la construction européenne et de la mondialisation. 

Le Comptoir : Le 8 novembre 2016, Donald Trump remportait à la surprise générale l’élection présidentielle américaine. Comme lors du référendum sur le Brexit en juin de la même année, ou du rejet français du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) en mai 2005, les élites politico-médiatiques n’avaient rien vu venir. Pourquoi, à chaque scrutin, les élites semblent-elles de plus en plus déconnectées des électeurs ?

Emmanuel Todd : Je crois que la séparation fondamentale entre peuple et élites – c’est une image, car c’est toujours plus compliqué – a pour point de départ la différenciation éducative produite par le développement du supérieur. Au lendemain de la guerre, dans les démocraties occidentales, tout le monde avait fait l’école primaire – aux États-Unis, ils avaient également fait l’école secondaire –, les sociétés étaient assez homogènes et très peu de gens pouvaient se vanter d’avoir fait des études supérieures. Nous sommes passés, ensuite, à des taux de 40 % de gens qui font des études supérieures par génération. Ils forment une masse sociale qui peut vivre dans un entre-soi. Il y a eu un phénomène d’implosion sur soi de ce groupe qui peut se raconter qu’il est supérieur, tout en prétendant qu’il est en démocratie. C’est un phénomène universel et pour moi, c’est la vraie raison. Il y a des décalages. L’arrivée à maturité de ce groupe social se réalise dès 1965 aux États-Unis. En France, nous avons trente ans de retard et ça s’effectue en 1995. Les gens des diverses strates éducatives ne se connaissent plus. Ceux d’en haut vivent sans le savoir dans un ghetto culturel. Dans le cas d’un pays comme la France, nous avons par exemple l’apparition d’un cinéma intimiste, avec des préoccupations bourgeoises déconnectées des cruautés de la globalisation économique. Il y a des choses très bien dans cette culture d’en haut. L’écologie, les festivals de musique classique ou branchée, les expositions de peinture impressionniste ou expressionniste, le mariage pour tous : toutes ces choses sont bonnes. Mais il y a des personnes avec des préoccupations autres, qui souhaitent juste survivre économiquement et qui n’ont pas fait d’études supérieures. C’est en tout cas ce que j’écris dans mes livres, je ne vais pas changer d’avis soudainement.

Une analyse qui rejoint en partie celle de Christopher Lasch en 1994, dans La révolte des élites et la trahison de la démocratie (The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy)…

Ben écoutez, La révolte des élites, je l’ai là [il attrape un exemplaire de The Revolt of the Elites posé sur sa table]. Oui, peut-être. Honnêtement, j’avais publié le bouquin de Lasch sur le narcissisme [La culture du narcissisme, NDLR] quand j’étais jeune éditeur chez Laffont. J’avais été très attentif à ce livre, dont j’avais revu la traduction. Mais je ne suis même plus sûr d’avoir lu La révolte des élites. C’est ça, l’âge. [Rires] Mais je sais de quoi il s’agit, c’est vrai que c’est à peu près ça. Par contre, je diverge de Lasch et de gens qui dénoncent les élites pour supposer des qualités spéciales au peuple. Je l’ai cru à une époque, mais je n’en suis plus là. Les élites trahissent le peuple, c’est certain. J’estime même de plus en plus qu’il y a au sein des élites des phénomènes de stupidité induits par le conformisme interne du groupe, une autodestruction intellectuelle collective. Mais je ne pense plus que le peuple soit intrinsèquement meilleur. L’idée selon laquelle, parce qu’il est moins éduqué ou moins bien loti, le peuple serait moralement supérieur est idiote, c’est une entorse subtile au principe d’égalité. Adhérer pleinement au principe d’égalité, c’est être capable de critiquer simultanément élites et peuple. Et c’est très important dans le contexte actuel. Cela permet d’échapper au piège d’une opposition facile entre un populo xénophobe qui vote Le Pen et les crétins diplômés qui nous ont fabriqué l’euro. C’est toute la société française qu’on doit condamner dans sa médiocrité intellectuelle et morale.

En 2008, alors que presque toute la gauche se félicitait de l’élection d’un Noir à la Maison-Blanche, vous étiez l’un des rares à émettre des doutes sur ce symbole. Selon vous, Barack Obama n’avait pas de programme économique. La percée inattendue de Bernie Sanders à la primaire démocrate et la victoire de Trump sont-elles les symptômes de l’échec d’Obama ?

Je crois que c’est le symptôme d’un changement d’humeur de la société américaine dans son cœur, qui est un cœur blanc puisque la démocratie américaine est à l’origine blanche. Depuis longtemps, je suis convaincu que parce que les Anglo-Saxons ne sont au départ pas très à l’aise avec la notion d’égalité, le sentiment démocratique aux États-Unis est très associé à l’exclusion des Indiens et des Noirs. Il y a quand même 72 % du corps électoral qui est blanc. Obama a mené une politique de sauvetage de l’économie américaine tout à fait estimable dans la grande crise de 2007-2008, mais il n’a pas remis en question les fondamentaux du consensus de Washington : le libre-échange, la liberté de circulation du capital et donc les mécanismes qui ont assuré la dégradation des conditions de vie et la sécurité des classes moyennes et des milieux populaires américains. Dans les années 1950, la classe moyenne comprenait la classe ouvrière aux États-Unis. Les ouvriers ont été  “reprolétarisés” par la globalisation et les classes moyennes ont été mises en danger. Il y a eu, en 2016, une sorte de révolte.

Le premier élément qui m’a intéressé – et c’était normal puisque dans L’illusion économique (1997) je dénonçais le libre-échange –, c’est la remise en question du libre-échange, qui était commune à Trump et Sanders. C’est parce que le protectionnisme est commun aux deux que nous pouvons affirmer être face à une évolution de fond de la société américaine. C’est vrai que le phénomène Trump est incroyable : le type fout en l’air le Parti républicain pendant la primaire et fout en l’air les Démocrates ensuite. Mais jusqu’au bout, et des vidéos le prouvent, j’ai cru que c’était possible, parce que j’étais tombé sur des études démographiques largement diffusées. Je ne sais plus si je les avais vues mentionnées dans le New York Times, dans le Washington Post, ou dans les deux. Elles révèlent que la mortalité des Blancs de 45-54 ans a augmenté aux États-Unis entre 1999 et 2013. Pour les Américains, le débat sur les merveilles du libre-échange est clos. Ils ont compris. Il faut partir de l’électorat et pas de Trump. L’électorat est en révolte et les États-Unis ont une tradition démocratique plus solide que la nôtre, à la réserve près qu’il s’agit d’une démocratie blanche.

« Trump a donc foutu en l’air le Parti républicain racial avec ses thématiques économiques, pendant que le Parti démocrate est resté sur ses positions raciales banales. »

Beaucoup de commentateurs ont vu dans l’élection du milliardaire Trump une victoire des classes populaires. Or, encore une fois, celles-ci se sont majoritairement abstenues. En outre, 58 % des Blancs ont voté Trump, contre 37 % pour Clinton. Réciproquement, 74 % des non-Blancs ont préféré la candidate démocrate. L’élection de Trump ne reflète-t-elle pas le retour de la question ethnique dans une Amérique qui s’est crue post-raciale après l’élection d’Obama ?

Non, je ne le pense pas. Bien entendu, la question raciale reste lancinante. D’abord, il faut savoir que la situation des Noirs, toujours ghettoïsés, et celle des Hispaniques, pauvres mais en voie d’assimilation, n’est pas du tout la même, même si le Parti démocrate a un discours de ciblage général des minorités. Comme aux précédentes élections, les Noirs ont voté très majoritairement pour la candidate démocrate (89%), mais avec un taux d’abstention plus élevé, parce que les Clinton sont assez ambivalents dans leurs rapports à la question, contrairement à Obama. Toute la politique américaine, depuis Nixon – et ça a culminé avec Reagan –, a été marquée par un Parti républicain qui a fait fortune en devenant un parti blanc, résistant aux mesures de déségrégation et à l’affirmative action (discrimination positive). Les Républicains ont inventé la technique du dog-whistle, c’est-à-dire du “sifflet à chien”, qui agit sans qu’on l’entende. Un langage codé permet de bien faire comprendre à l’électorat blanc qu’il faut détruire le welfare (les aides sociales), censé n’aller qu’aux Noirs. C’est ce qui a permis au Parti républicain de mener une politique économique absolument défavorable à son propre électorat, c’est-à-dire de diminuer les impôts des riches et de continuer à foutre en l’air la classe ouvrière blanche par le libre-échange. Trump est à l’opposé du dog-whistle. Il avait un double discours : d’un côté, un discours xénophobe tourné contre le Mexique – et pas contre les Noirs, qui sont sur le territoire américain – et de l’autre, des thématiques économiques quasi-marxistes. Pour moi, Trump est le contraire du racialisme républicain traditionnel. Il a mené le débat sur le terrain économique, face à des Démocrates qui activaient inlassablement, sur le mode de la bien-pensance, la question raciale, en se présentant comme les défenseurs des Noirs et en expliquant que si on appartenait à tel groupe, on devait voter de telle manière. Trump a donc foutu en l’air le Parti républicain racial avec ses thématiques économiques, pendant que le Parti démocrate est resté sur ses positions raciales banales.

Justement, vous semblez voir, dans l’élection de Donald Trump, l’amorce d’une sortie de la séquence néolibérale qui avait été marquée par l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher et Ronald Reagan au début des années 1980. La dénonciation du libre-échange ou la volonté de rétablir le Glass-Steagall Act– aboli par l’administration Clinton – qui séparait les banques de dépôt des banques d’affaires sont effectivement en rupture avec le discours tenu à la fois par les Républicains et les Démocrates. Les premières mesures de dérégulation financière annoncées dès le lendemain de son élection, comme l’abolition de la loi Dodd-Frank – régulation timide des marchés financiers introduite sous Obama – ne sont-elles pas plutôt le signe que ce discours protectionniste et régulateur n’était qu’une façade et que le consensus de Washington continue de faire loi ?

Le problème, c’est qu’en France, nous sommes confrontés à une méconnaissance de ce qu’est le protectionnisme. C’est un certain type de régulation par l’État, mais ce n’est surtout pas une technique de régulation hostile au marché. C’est la fixation d’une limite autour d’un marché, qui doit rester capitaliste et libéral. Dans la théorie classique du protectionnisme, il n’y a pas de contradiction entre le fait de prendre des mesures de libéralisation en interne et le fait de protéger en externe. En formalisant, nous pourrions dire qu’il y a deux forces qui s’opposent aux États-Unis : un parti national et un parti globaliste. Nous pourrions dire que le parti national se caractérise par une protection aux frontières – des biens, de la circulation des personnes, le tout avec une bonne base xénophobe – mais qui n’est pas hostile au marché et qui a pour seul but de relancer un capitalisme interne qui fabrique des biens. En gros, il explique que les entreprises peuvent se faire de l’argent autrement. En face, il y a le parti globaliste qui va laisser les frontières ouvertes, en expliquant que cela va fonctionner même si la théorie économique explique que cela va générer des dégâts et des inégalités, le tout devant être compensé par de la redistribution et du welfare. J’ai obtenu la réédition de l’ouvrage classique de l’économiste Friedrich List sur le protectionnisme [Système national d’économie politique, Gallimard, 1998, NDLR], que j’ai préfacée en expliquant bien que le protectionnisme n’était qu’une branche du libéralisme. Marx détestait List. Je me suis retrouvé dans des émissions de radio face à des incultes qui me répliquaient : « Vous voulez transformer la France en Corée du Nord ? » Ce sont des ignorants qui pensent qu’en économie, le protectionnisme est une branche de l’étatisme. Évidemment, ici, je fais comme si Trump et son équipe avaient une conscience parfaite de ce qu’ils font, ce qui n’est pas le cas. J’évoque l’idéal-type wébérien du libéralisme protectionniste.

« Quand j’ai pensé que Trump pouvait être élu, j’étais au fond en train d’admettre que mon modèle anthropologique était insuffisant. »

Vous expliquez donc que Trump est le promoteur d’un capitalisme national qui va relancer la production de biens. Mais pour le moment, il a surtout annoncé des mesures de dérégulation de la finance et a manifesté son envie de revenir sur les maigres mesures de régulation de l’administration Obama !

Mais ce n’est pas cela qui est important.

La financiarisation de l’économie a généralement nui au capitalisme productif que vous défendez…

Mais l’important, c’est la protection contre l’arrivée de marchandises fabriquées par des gens sous-payés. Une économie qui se protège avec des barrières tarifaires à 30-40 % – c’est une tradition américaine, c’était ainsi avant la guerre de 1914, si mes souvenirs sont exacts –, c’est une économie qui, même si toutes les règles internes deviennent plus libérales, est soumise à des contraintes différentes. C’est une économie où les ouvriers et les ingénieurs vont redevenir nécessaires ! Alors il y aura toujours des gens – c’est le principe du capitalisme – qui voudront se faire de l’argent. Il faudra seulement qu’ils le fassent autrement. Si nous nous en tenons à une approche marxiste, et souhaitons combattre les puissances d’argent, éventuellement abolir le Capital, nous restons à côté du problème. La question, c’est de savoir s’il existe une technique qui permet que des gens s’enrichissent et que cela profite à tout le monde dans l’espace national.

Vous avez longtemps soutenu que l’acceptation par le monde anglo-saxon de la globalisation et de la montée des inégalités qui en découle renvoyait à la structure familiale de type nucléaire et individualiste, indifférente à la valeur d’égalité. Le Brexit et l’élection de Trump ne sont-ils pas, au contraire, la preuve que l’action des peuples peut échapper, du moins dans certaines limites, aux déterminations anthropologiques ?

Je suis dans un manuscrit où je suis en train de traiter justement cette question. Pour moi, c’est la vraie question. Jusqu’à présent, j’étais résigné à l’enfermement de “l’anglosphère” dans son néo-libéralisme par son indifférence à l’égalité. Dans l’ensemble, mon modèle anthropologique ne fonctionne pas mal. L’idée d’un communisme fabriqué par une famille communautaire, égalitaire et autoritaire explique très bien l’histoire russe. La famille nucléaire absolue explique très bien le modèle libéral anglo-saxon, ainsi que le développement du capitalisme. Le fait que les gens ne sont pas très sensibles aux États-Unis ou en Angleterre à l’idéal d’égalité explique pourquoi le capitalisme y fonctionne de manière bien huilée et pourquoi les individus ne sont pas choqués quand certains font du profit. Mais entre 2000 et 2015, nous avons atteint la limite du modèle. Et bien sûr, les peuples peuvent transcender leur détermination anthropologique, mais à un certain niveau de souffrance seulement. C’est pour cela que la hausse de la mortalité a été un avertisseur qui m’a permis d’échapper à mon propre modèle. Quand j’ai pensé que Trump pouvait être élu, j’étais au fond en train d’admettre que mon modèle anthropologique était insuffisant. Mais c’est finalement la même chose qui s’est passée avec la chute du communisme.

Ce que vous écriviez dans La chute finale (1976)…

Mon modèle anthropologique dit que les traditions communautaires russes expliquent très bien l’invention du communisme. Mais de même que le libéralisme a emmené la société américaine à un niveau de souffrance exagéré, qui a provoqué la révolte de 2016, le communisme avait atteint vers 1975 un niveau d’absurdité tel, avec une hausse de la mortalité infantile, qu’il s’est effondré en 1990. Par contre, ce que nous dit déjà l’existence ultérieure de la Russie, c’est que l’atteinte de ce point de rupture peut amener une modification du système économique, mais ne fait pas sortir définitivement la population de sa culture. Je pense qu’il y a une démocratie en Russie. Les Russes votent à 80 % pour Poutine. C’est une forme de démocratie autoritaire. Mais le fonctionnement de la société garde beaucoup des traditions communautaires d’autrefois. Le système américain tente de se réformer, mais il va garder ses traits libéraux et non égalitaires fondamentaux. D’ailleurs, quand je décrivais un protectionnisme qui laisse fonctionner le capitalisme en interne, c’est exactement cela que j’évoquais.

« Le retour au national promu par Trump devrait s’accompagner d’une “désuniversalisation” des problèmes. »

En 1981, vous introduisiez Christopher Lasch en France, en faisant traduire La culture du narcissisme (sous le titre Le Complexe de Narcisse). L’intellectuel américain y analysait la destruction de la structure familiale américaine et ses conséquences néfastes. Les élections que nous venons de vivre s’inscrivent-elles dans la séquence décrite par Lasch ?

Lire la suite sur : Le Comptoir, Emmanuel Todd, 01-03-2017

Source: https://www.les-crises.fr/emmanuel-todd-cest-un-pays-en-cours-de-stabilisation-morale-qui-vient-delire-trump/


Revue de presse du 06/03/2017

Monday 6 March 2017 at 02:45

Merci à nos contributeurs pour cette revue de presse. Pour rejoindre l’équipe de la revue, vous pouvez postuler via le formulaire de contact du blog.

Source: https://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-06032017/


Le principe du Décodex illustré par l’équipe Macron : discréditer les gêneurs

Sunday 5 March 2017 at 04:15

Fantastique illustration du danger du Décodex – ou, plus précisément, d’une liste officielle de sites “non fiables” établie par le journal Le Monde.

J’ai comparé dès le début ce Décodex avec l’Index de l’Église Catholique. Nous allons voir que les mêmes conséquences surviennent sur la liberté d’expression.

C’est la raison pour laquelle j’en parle autant, et que ce sujet ne m’a jamais fait sourire – malgré son aspect éminemment ridicule en première approche.

Comme je vous l’ai dit, beaucoup de choses se passent sur mon compte Twitter depuis une semaine – jetez-y un oeil @OBerruyer (n’hésitez pas à nous suivre)

Je rappelle que les 25 questions que j’ai posées à Macron (à partir d’un article du Canard Enchaîné et de ses déclarations de patrimoine) sont ici, avec une synthèse au début de l’article.

I. La question 18…

J’ai continué à tweeté hier certaines questions à Emmanuel Macron. À force, on est arrivé à la question 18 – évidemment plus accessoire que les autres :

macron

La TeamMacron  (“équipe Macron”) est constitué des membres de l’équipe du Leader Minimo, dont, apparemment Sylvain Maillard @SylvainMaillard son porte-parole :

CEO = PDG

Eh bien, croyez-le : j’ai obtenu une réponse officielle de l’équipe Macron ! Et du lourd (3 mars, 17h49) :

Ah, le LDD n’est pas plafonné, fichtre, il faut d’urgence changer la documentation officielle :

Mais que dit le lien de la TeamMacron vers le site du Crédit Mutuel ?

On voit pourtant clairement que le Crédit Mutuel a simplement fait du marketing et a greffé deux simples livrets bancaires sur un LDD…

EDIT : on m’a envoyé les Conditions générales du Crédit Mutuel (merci A.), ce qui confirme :

Il aurait donc fallu scinder en 3 la somme dans sa déclaration de patrimoine :

Notez que – oh surprise -, c’était bien mon hypothèse principale sur ce point accessoire, dans mon article aux 25 questions à Macron (dernière phrase) :

Le point intéressant, là, pour moi, était le manque de soin dans la rédaction de la déclaration. Déclarer 40 000 € pour un LDD, c’est comme déclarer 158 000 €sur un Livret A, il y a un problème, ça doit faire “tilt” quand on a quelques connaissances de base sur les placements – a fortiori quand on est un Inspecteur général des finances, et qu’on est ministre de l’Économie…

Mais il y a mieux. Beaucoup mieux.

II. L’Index Décodex

La Team Macron avait dit autre chose avant de se sentir obligée de faire semblant de répondre (16h57 et 17h18) :

Impressionnant, non ?

J’ai pensé dès le début (voir ce billet) qu’il arriverait très vite ce genre de choses avec l’Index du Monde, qui a pour simple objet de déconsidérer une source dans son intégralité. Ce phénomène se répand depuis sur les réseaux sociaux à mon détriment :

samuel-laurent samuel-laurent

samuel-laurent

On comprend bien que ce Décodex mine ma Liberté d’expression et de Débat : mes contradicteurs s’appuieront désormais toujours sur l’autorité du Monde pour discréditer mes propos a priori, sans même prendre la peine d’y répondre…

Et la Team Macron @TeamMacron2017 se lâche encore aujourd’hui – et passe la deuxième couche, montrant toute son honnêteté intellectuelle :

Les types ne sont pas élus, et ils se permettent déjà ça. Ca promet pour la suite…

ce que perçoivent bien les lecteurs malins :

Bon, en tous cas, avec son #AuRevoir (unique pour moi, merci), la Team espère sans doute pouvoir me congédier comme un domestique, me prenant peut-être pour un des journalistes qui le suit au quotidien.

Bref, je ne lâche rien :

Enfin, vous voyez bien que, quand on a des choses à cacher, on applique souvent une stratégie visant à attirer l’attention sur des sujets les plus accessoires possibles (genre le peu de soin mis à remplir la case LDD), loin du sujet problématique (genre avoir gagné l’équivalent d’une petite cagnotte du loto et à avoir tout dilapidé en 2 à 3 ans, en étant en plus à l’Élysée – ce qui est parfaitement légal, mais qui interroge sur la personnalité de M. Macron).

Mais comme la Team Macron aime les anecdotes, continuons… Par exemple, juste pour rire, avec l’association de financement de la campagne, déclarée au Tribunal de Commerce (archive) comme ayant une “Activité des agents et courtiers d’assurances”

Eh, Monsieur Macron, je peux avoir un devis pour l’assurance de ma voiture, svp ?

Plus sérieusement, même la simple déclaration de sa voiture pose question :

Au delà des erreurs et détails anecdotiques, peut-il 1/ confirmer qu’il a acheté à 28 ans une voiture à 40 000 € 2/ indiquer son salaire annuel l’année de l’achat…

Merci de vos réponses – on passera ensuite aux plus sérieuses – sur vos dépenses, sur l’achat de votre appartement, sur les affaires de M. Hermand, sur vos interventions sur le projet de loi de séparation des activités bancaires, etc… Et ce malgré votre proverbiale timidité :

Bref, comme on dit :

Source: http://www.les-crises.fr/le-principe-du-decodex-illustre-par-lequipe-macron-discrediter-les-geneurs/


Décodex, “fact-checking”, “post-vérité” : de quoi sont-ils le nom ? par Dany Caligula

Sunday 5 March 2017 at 03:59

Je vous propose cette vidéo de Dany Caligula sur notre sujet de prédilection…

Il est rassurant de voir que les créateurs sur Internet commencent à comprendre l’inquiétante portée de ce projet…

Allez voir la chaine Youtube de Dany, il traite de plein de sujets intéressants (Philosophie, Éthique, Politique…)  🙂

Source: http://www.les-crises.fr/decodex-fact-checking-post-verite-de-quoi-sont-ils-le-nom-par-dany-caligula/


Le véritable but du rapport du gouvernement U.S. sur le prétendu piratage par la Russie, par Chris Hedges

Sunday 5 March 2017 at 03:40

Source : Truthdig, le 08/01/2017

Publié le 8 janvier 2017

Par Chris Hedges

Détail d’une page du rapport déclassifié (Job Elswick / AP)

Quelques réflexions sur “La campagne d’influence de la Russie visant l’élection présentielle US en 2016”, le rapport récemment déclassifié par le bureau du directeur du renseignement national.

1. L’objectif principal du rapport déclassifié, qui n’apporte aucune preuve pour appuyer ses affirmations selon lesquelles la Russie aurait piraté la campagne présidentielle U.S., est de discréditer Donald Trump. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de piratage russe des emails de John Podesta. Je dis que nous attendons encore les preuves appuyant cette accusation. Celle-ci — le Sénateur John McCain a assimilé les actions supposées de la Russie à un acte de guerre — est la première salve de ce que sera la campagne infatigable de l’Establishment Républicain et Démocrate, avec leurs alliés des grandes entreprises et les médias de masse, pour détruire la crédibilité du président-élu et ouvrir la voie à une procédure de destitution.

Les allégations contenues dans le rapport, amplifiées dans des déclarations à couper le souffle par les medias soumis aux grandes entreprises qui travaillent dans un monde non basé sur des faits et en tout point aussi pernicieux que celui de Trump, ont pour dessein de faire croire que Trump est un “idiot utile” de Poutine. Une campagne orchestrée et soutenue d’insinuations et de dénigrement systématique sera dirigée contre Trump. Quand “l’impeachment”  sera finalement proposé, Trump aura bien peu de soutien du public et bien peu d’alliés, et deviendra une figure ouvertement ridicule dans les medias soumis aux grandes entreprises.

2. La seconde tâche de ce rapport est d’appuyer la campagne de dénigrement maccarthyste contre les medias indépendants, y compris Truthdig, présentés comme des agents conscients ou inconscients du gouvernement russe. La disparition de la programmation anglaise d’Al-Jazeera et de TeleSur, avec l’effondrement des diffusions publiques nationales destinées à donner une voix à ceux qui ne doivent rien aux entreprises ni aux partis, laisse RT America et Democracy Now! de Amy Goodman comme les seuls medias électroniques de portée nationale acceptant de donner un espace à ceux qui critiquent le pouvoir du monde des affaires et de l’impérialisme comme Julian Assange, Edward Snowden, Chelsea Manning, Ralph Nader, Medea Benjamin, Cornel West, Kshama Sawant, moi-même et d’autres.

Sept pages du rapport sont consacrées à RT America, où j’ai un show appelé “On Contact”. Le rapport gonfle énormément la portée et l’influence de cette chaîne câblée. Il comprend aussi quelques erreurs flagrantes, y compris l’affirmation que “RT a introduit deux nouveaux shows (“Breaking the set” le 4 septembre, et “Truthseeker” le 2  novembre) les deux massivement concentrés sur la critique des USA et des gouvernements occidentaux, et aussi sur la promotion d’un mécontentement radical. “Breaking the set”, avec Abby Martin, a été retiré de la diffusion il y a deux ans. On ne peut vraiment pas l’incriminer dans la défaite d’Hillary Clinton. [Truthseeker a aussi été retiré des ondes en 2014, NdT]

La rage à peine contenue du directeur du renseignement national James Clapper au Comité du Sénat sur les Services Armés était évidente durant la séance sur les cyber-menaces étrangères, quand il éructa que RT “promouvait un point de vue particulier, éreintant notre système, notre soi-disant hypocrisie sur les Droits de l’Homme et cetera.” Sa colère donnait un aperçu sur la façon dont l’Establishment bouillonne de haine contre les dissidents. Clapper a menti dans le passé. Il s’est parjuré en mars 2013, trois mois avant les révélations sur la surveillance d’état massive fuitées par Snowden, quand il a assuré au Congrès que la NSA ne collectait “aucun type de données” sur le public américain. Quand le “corporate state” (l’état associé aux grandes entreprises) aura fermé RT, il attaquera Democracy Now! et la poignée de sites progressistes (y compris celui-ci) qui donnent un espace aux dissidents. Le but, c’est la censure.

3. La troisième tâche du rapport est de justifier l’expansion de l’Organisation du Traité Atlantique-Nord au-delà de l’Allemagne, en violation avec la promesse que Ronald Reagan avait faite à Mikhaïl Gorbatchev de l’Union soviétique après la chute du mur de Berlin. L’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est a ouvert un marché des armes pour l’industrie de guerre. Ce business a généré des milliards de dollars. Les nouveaux membres de l’OTAN doivent acheter des armes occidentales qui peuvent être intégrées à l’arsenal de l’OTAN. Ces ventes, qui saignent à mort les budgets serrés de pays comme la Pologne, sont dédiées à de potentielles hostilités avec la Russie. Si la Russie n’est pas une menace, la vente des armes s’effondre. La guerre est un racket.

4. La dernière tâche du rapport est de donner au Parti Démocrate une explication plausible à la défaite catastrophique dont il a souffert  aux élections. Clinton a initialement blâmé le directeur du FBI James Comey pour sa défaite avant de changer pour Poutine, plus facile à diaboliser. L’accusation d’interférence russe se résume essentiellement à l’absurde présomption que, peut-être, des centaines de milliers de supporters de Clinton décidèrent subitement de reporter leurs votes sur Trump quand ils ont lu les emails fuités de Podesta. Soit ça, soit ils ont regardé RT America et décidé de voter pour le parti écologiste.

La direction du Parti Démocrate ne peut pas reconnaitre, et certainement ne peut pas admettre publiquement, que sa trahison impitoyable de la classe moyenne et de la classe ouvrière a déclenché une révolte nationale qui a provoqué l’élection de Trump. Ce parti a été battu de façon répétée depuis que le Président Obama a pris ses fonctions, perdant 68 sièges à l’Assemblée, 12 sièges au Sénat et 10 postes de gouverneur. Il a perdu plus de 1000 élus entre 2008 et 2012 au niveau national. Depuis 2010, les Républicains ont remplacé 900 législateurs Démocrates. Si cela était un vrai parti, le directoire en entier aurait été viré. Mais ce n’est pas un vrai parti, c’est une coquille vide soutenue par l’argent du business et par des medias surexcités.

Le parti Démocrate doit maintenir la fiction du libéralisme exactement comme le parti Républicain doit maintenir la fiction du conservatisme. Ces deux partis, cependant, appartiennent à un seul parti : le parti des grandes entreprises. Ils travailleront de concert, comme on le voit déjà avec l’alliance entre des leaders républicains comme McCain et des leaders Démocrates comme le sénateur Chuck Shumer, pour se débarrasser de Trump, pour faire taire toute dissidence, pour enrichir l’industrie de guerre et promouvoir la farce qu’ils appellent démocratie.

Bienvenue dans notre “annus horribilis” [année horrible, citant la reine Elizabeth II, NdT].

Source : Truthdig, le 08/01/2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-veritable-but-du-rapport-du-gouvernement-u-s-sur-le-pretendu-piratage-par-la-russie-par-chris-hedges/


Menacer Trump à la façon de J. Edgar Hoover, par Robert Parry

Sunday 5 March 2017 at 03:25

Source : Consortium News, le 12/01/2017

Exclusif: Le Président élu Trump est en train de se défendre contre une fuite des services du renseignement américain, qui prétendent sans preuve qu’il a fait des cabrioles avec des prostituées russes, mais le côté plus sombre de cette affaire pourrait bien être l’ingérence de la CIA dans la politique des USA, rapporte Robert Parry.

Par Robert Parry

La décision de la communauté du renseignement US d’inclure, dans un rapport officiel, des allégations non vérifiées et salaces contre le Président élu Donald Trump ressemble à une tactique extraite du manuel de (l’ancien) directeur du FBI J. Edgar Hoover à propos du chantage gouvernemental : j’ai des informations très désobligeantes sur vous et je détesterais vraiment les voir apparaitre dans la presse.

Le légendaire directeur du FBI J. Edgar Hoover

Dans ce cas, alors que les leaders de la communauté du renseignement US pressaient Trump d’accepter leur évaluation sur la tentative du gouvernement russe d’appuyer la campagne de Trump en volant et diffusant des emails vraiment dommageables à la campagne d’Hillary Clinton, Trump a fait face à une “annexe” confidentielle décrivant des soi-disant cabrioles avec des prostituées qu’il aurait faites dans une chambre d’hôtel à Moscou.

On suppose que ce sont le directeur du renseignement national James Clapper et le directeur de la CIA John Brennan qui ont inclus les allégations non prouvées dans le rapport sous prétexte que le gouvernement russe pourrait avoir filmé la mauvaise conduite de Trump, et donc aurait pu utiliser le film pour le faire chanter. Mais la communauté des services du renseignement US a aussi des raisons de vouloir menacer Trump qui critique leurs performances et qui a exprimé des doutes sur leur analyse du “piratage russe”.

Après le briefing de vendredi dernier, Trump et sa nouvelle administration ont changé de position, acceptant l’évaluation de la communauté du renseignement selon laquelle le gouvernement russe a piraté des emails du Comité National Démocrate (DNC) et du directeur de campagne de Clinton, John Podesta. Mais on m’a dit que Trump n’a vu aucune preuve que la Russie ait ensuite donné le matériel à WikiLeaks et il n’a pas cédé sur ce point.

Toutefois, le changement de ton de Trump a été remarqué par les grands médias et a été traité comme un aveu d’abandon de son précédent scepticisme. En d’autres termes, il a finalement été embarqué dans le mouvement d’ensemble de la communauté du renseignement qui dit que “c’est la Russie qui l’a fait”. Cependant, on sait maintenant que Trump a été simultanément confronté avec la possibilité que les histoires non prouvées sur lui, au sujet de sa participation à des actes sexuels non orthodoxes avec des prostituées, pourraient être publiées, l’embarrassant ainsi à peine une semaine avant sa prise de pouvoir.

Le rapport confidentiel, avec l’annexe explosive, a aussi été remis au Président Obama et au groupe nommé “le gang des huit”, qui est formé de membres éminents des deux partis du Congrès, chargé de superviser la communauté du renseignement, et cela a augmenté la probabilité que les accusations contre Trump soient “fuitées” à la presse, ce qui bien sûr s’est produit.

Propager des rumeurs

Les histoires sur le renseignement russe qui aurait soi-disant filmé Trump avec des prostituées dans un hôtel de luxe de Moscou circulent dans Washington depuis des mois. Je l’ai appris par un proche d’Hillary Clinton qui espérait clairement que ces accusations seraient publiées avant l’élection, et ainsi compromettraient encore davantage les chances de Trump. Mais la vidéo supposée n’a jamais fait surface, et ces affirmations présentent toutes les caractéristiques d’un coup tordu de campagne électorale.

Le Président-élu Donald Trump. (Photo credit: donaldjtrump.com)

Mais maintenant cette histoire de galipettes illégales a été portée à un autre niveau. Elle a été insérée dans un rapport officiel du renseignement américain, dont certains détails ont été “fuités” d’abord à CNN puis sur d’autres grands médias d’information.

Trump a dénoncé l’histoire comme une “fausse nouvelle”, et il est certain que les détails juteux – qu’on attribue à un ex-agent britannique du MI6 nommé Christopher Steele – n’ont pas encore été vérifiés. Mais l’introduction des rumeurs dans un document du gouvernement des USA a donné aux grands medias une excuse pour publier l’histoire.

Il a aussi permis aux médias de rabâcher le mot russe “Kompromat” comme si les Russes avaient inventé le jeu consistant à assembler des informations compromettantes sur quelqu’un pour s’en servir ensuite afin de le discréditer ou de le faire chanter.

Dans l’histoire américaine, le légendaire directeur du FBI J. Edgar Hoover avait la mauvaise réputation d’utiliser son agence pour développer une information négative sur un homme politique, et ensuite lui faire savoir que le FBI possédait cette saleté et ne voudrait certainement pas que cela devienne public, si seulement il voulait bien faire ce que le FBI attendait de lui : que ce soit renouveler le mandat de Hoover, ou bien augmenter le budget du FBI, ou encore dans le cas odieux du leader des droits civiques Martin Luther King, peut-être même se suicider.

Cependant, dans ce cas, on ne sait même pas si les Russes ont quoique ce soit de compromettant sur Trump. Cela peut être seulement des rumeurs concoctées au milieu d’une campagne électorale féroce, d’abord parmi les Républicains combattant Trump pour la nomination (cette investigation hostile a d’abord été initiée par des supporters du sénateur Marco Rubio dans la compétition au sein du parti républicain), puis reprises par des supporters de Clinton pour les utiliser dans l’élection générale.

Une question encore plus troublante est peut-être de savoir si la communauté du renseignement US est entrée dans une nouvelle phase de politisation, dans laquelle ses chefs se sentent responsables d’éliminer les candidats “inadéquats” à la présidence. Durant la campagne électorale, une source bien placée dans la communauté du renseignement m’a dit que cette communauté méprisait à la fois Clinton et Trump et voulait discréditer les deux, en espérant qu’une personne plus acceptable puisse entrer à la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années.

Blesser les deux candidats

Bien que cette information m’ait laissé sceptique, il s’avéra que le directeur du FBI James Comey, un des hauts fonctionnaires de la communauté du renseignement, a sérieusement causé du tort à la campagne de Clinton. Il a d’abord jugé qu’elle avait géré ses emails de façon “extrêmement imprudente” quand elle était Secrétaire d’État, mais a décidé de ne pas la poursuivre, et puis pendant la dernière semaine de la campagne, il a ré-ouvert brièvement l’enquête et enfin il l’a refermée.

Le directeur du FBI James Comey

Puis, après l’élection, la CIA du Président Obama a commencé à faire “fuiter” des allégations sur le président russe Vladimir Poutine, qui aurait orchestré le piratage des emails du parti démocrate et les aurait fournis à WikiLeaks pour révéler comment la DNC avait sapé la campagne du sénateur Bernie Sanders et aussi ce qu’Hillary Clinton avait dit aux pontes de Wall Street dans des conférences rémunérées qu’elle voulait cacher au peuple américain.

Cette action de la communauté du renseignement a établi les bases de ce qui aurait pu être une révolte du Collège électoral, dans laquelle un nombre suffisant de délégués de Trump auraient pu refuser de voter pour lui, afin de renvoyer l’élection à la Chambre des Représentants, où les États auraient choisi le Président parmi les trois candidats du Collège électoral qui avaient obtenu le plus de votes. Le finaliste à la troisième place était l’ex Secrétaire d’État Colin Powell qui a eu 4 voix des délégués de Clinton dans l’État de Washington. Mais le complot du Collège électoral a échoué quand les délégués de Trump ont montré une loyauté absolue au candidat du GOP (Great Old Party).

Maintenant on voit ce qui ressemble à une nouvelle phase avec cette stratégie “stopper (ou affaiblir) Trump”, avec l’inclusion de saletés anti-Trump dans un rapport officiel du renseignement qui a été fuité dans les médias principaux.

Que cette action soit destinée à affaiblir Trump ou bien que la communauté du renseignement pense vraiment que ces accusations pourraient être vraies et méritent d’être intégrées dans un rapport sur la soi-disant interférence russe dans la politique des USA, ou bien encore que ce soit une sorte de combinaison des deux, nous assistons à un moment historique, où les services du renseignement américain déploient leurs pouvoirs extraordinaires dans le domaine de la politique américaine. J. Edgar Hoover en serait fier.

Le journaliste d’investigation Robert Parry a écrit plusieurs articles analysant l’affaire Iran-Contra pour l’Associated Press et pour Newsweek dans les années 1980s.

Source : Consortium News, le 12/01/2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/menacer-trump-a-la-facon-de-j-edgar-hoover-par-robert-parry/


Le WashPost est généreusement récompensé pour ses fausses nouvelles sur la menace russe, alors que le public est trompé, par Glenn Greenwald

Saturday 4 March 2017 at 11:25

Source : The Intercept, le 04/01/2017

Photo: Paul J. Richards/AFP/Getty Images

Durant les six semaines passées, le Washington Post a publié deux histoires à succès devenue virales sur la menace russe : une sur comment la Russie est derrière une explosion massive de “fausses nouvelles”, l’autre sur comment elle a envahi le réseau électrique des USA. Les deux articles étaient fondamentalement faux. Chacune présente maintenant une note humiliante, écrite à contrecœur par un rédacteur admettant que les déclarations fondamentales de l’histoire étaient de la fiction : la première note a été publiée deux semaines complètes après, à l’en-tête de l’article original ; l’autre a été enterrée le jour suivant tout en bas de l’article.

La seconde histoire sur le réseau électrique est devenue de loin pire que je ne le réalisais quand j’ai écrit sur le sujet samedi, quand il devint clair qu’il n’y a eu aucune “pénétration dans le réseau électrique des USA”, comme le Post l’a prétendu. En plus de la note du rédacteur, l’histoire “la-Russie-a-piraté-notre-réseau-électrique” est maintenant complètement escamotée sous la forme d’un article séparé admettant que “l’incident n’est pas lié à une tentative du gouvernement russe de viser ou pirater le service” et qu’il n’y a même pas eu de malwares du tout sur cet ordinateur portable.

Mais pendant que ces débâcles embarrassaient le journal, il a aussi été généreusement récompensé. Cela parce que les journalistes – y compris ceux du Post – ont fait un tel battage agressif et ont promu les fausses nouvelles sensationnelles et originales, s’assurant qu’elles deviennent virales, générant un trafic massif vers le Post (Marty Baron, l’éditeur exécutif du journal, s’est récemment  vanté sur la soudaine lucrativité du journal).

Après avoir répandu des mensonges en long et en large, élevant le niveau de peur et manipulant le discours politiques des USA dans la foulée, (les deux histoires sur la Russie ont été largement rabâchée sur le câble), les journalistes qui ont répandu ces fausses allégations ont par la suite écrit une note de rétractation ou de correction seulement de la manière la plus silencieuse possible, et souvent même, ne l’on pas fait du tout. Comme résultat, seule une petite fraction des gens qui ont été exposés à la fausse histoire originale ont finalement lu les rétractations.

Baron lui-même, l’éditeur en chef du Post, est un cas parfait d’étude de ces tactiques irresponsables. C’est Baron qui est allé poster sur Twitter le soir du 24 novembre pour annoncer que l’exposé du Post sur l’énorme portée de l’opération de fausses nouvelles russes, basées sur ce qu’il a clamé comme étant les trouvailles de “chercheurs indépendants”. Le tweet de Baron s’est répandu partout ; jusqu’à aujourd’hui, il a été re-posté plus de 3000 fois, y compris par beaucoup de journalistes avec leur grand nombre de suiveurs :

La tentative de propagande russe a aidé à répandre des fausses nouvelles durant les élections, d’après des chercheurs indépendants

Mais après que cette histoire ait dû faire face à un barrage de critiques intense – de la part d’Adrian Chen dans le New Yorker (“la propagande sur la propagande russe”), Matt Taibbi dans Rolling Stone (“honteux, dégoutant”), mon propre article et beaucoup d’autres – y compris les menaces légales de sites calomniés comme propagandistes pour la Russie par les “chercheurs indépendants” du Post – le Post a finalement ajouté une note plus longue de l’éditeur se distançant lui-même du groupe anonyme qui a fourni les principales revendications de son histoire (“le Post… ne valide pas lui-même les conclusions de PropOrNot” et “depuis la publication de l’histoire dans le Post, PropOrNot a retiré certains sites de la liste.”)

Qu’est-ce que Baron a raconté à ses suiveurs sur la note de ce rédacteur dégoûté de ces principales allégations dont il a lui-même fait grand battage ? Rien. Pas un mot. Jusqu’à aujourd’hui, il a été publiquement silencieux sur ces révisions. Il avait répandu les allégations originales au sein de dizaines de milliers de personnes, sinon plus, il n’a pris aucune mesure pour s’assurer qu’ils entendent parler de la marche arrière majeure sur les allégations les plus inflammatoires et significatives de l’article. Cependant, ironiquement, il trouva le temps de promouvoir une histoire différente sur le Post sur l’effet terrible et dommageable des fausses nouvelles :

“Pizzagate” montre comment les fausses nouvelles blessent les vrais gens

Savoir si les fausses histoires du Post ici peuvent être distinguées de ce qui est communément appelé “fausses nouvelles” est, à ce niveau, une dispute sémantique, particulièrement parce que l’expression “fausses nouvelles” n’a pas de sens convaincant. Les défenseurs des fausses nouvelles en tant que catégorie distincte [de nouvelles] mettent typiquement l’accent sur l’intention, pour se différencier du mauvais journalisme. C’est vraiment juste un moyen de définir les fausses nouvelles de telle façon qu’il est impossible par définition à des médias grand public comme le Post de s’en rendre jamais coupable (de façon très semblable le terrorisme est défini pour qu’il soit sûr que le gouvernement des USA et ses alliés ne puissent en aucun cas, par définition, le commettre).

Mais quelle était la motivation du Post pour publier deux fausses nouvelles sur la Russie, qui, de façon très prévisible, ont généré une attention massive, trafic, et impact politique ? Est-ce que c’était idéologique et politique – à savoir, un dévouement au projet de D.C. [Washington, NdT] d’élever la Russie au statut de grave menace pour la sécurité des USA ? Etait-ce pour plaire à son public – sachant que ses lecteurs, au matin de la victoire de Trump, voulaient se gaver d’histoires sur la trahison russe ? Etait-ce une servitude envers les sources – prouvant ainsi qu’il servira, loyalement et sans critique, de dépôt pour n’importe quelle propagande que les agents du renseignement veulent disséminer ? Etait-ce par cupidité – pour obtenir un revenu par les unes sensationnelles et génératrices de clics avec un mépris imprudent pour la véracité de l’histoire ? Dans une institution aussi grande que le Post, avec un grand nombre de reporters et de rédacteurs participants à ces histoires, il est impossible d’identifier un motif définitif.

Quelques soient les motifs, les effets de ces fausses histoires sont exactement les mêmes que ceux que l’on considère comme de fausses nouvelles. Les fausses allégations voyagent sur internet, trompant un nombre énorme de gens qui veulent y croire. Les propagateurs de mensonges reçoivent un large profit de leurs fausses “infos” virales. Et personne ne sera tenu responsable, de sorte qu’il n’y aura aucune dissuasion de répéter ce comportement. (Le fait que finalement le Post a corrigé ces fausses histoires ne les distingue pas d’un site classique de “fausses nouvelles”, qui aussi parfois fait de même.)

Et alors qu’il est vrai que les médias font des erreurs, et que même le journaliste le plus prudent parfois s’égare, ces faits n’atténuent pas, même de loin, le comportement du Post ici. Dans ces cas, ils ne font pas des erreurs de bonne foi, après s’être engagés dans un journalisme prudent. Avec ces deux histoires, ils ont été imprudents (au mieux) depuis le début, et les déficiences criantes du reportage se révélaient d’emblée évidentes (ce qui est la raison pour laquelle les deux histoires ont été largement attaquées après publication).

Cette excellente chronologie documentée par Kalev Leetaru montre que le Post ne s’est même pas soucié de contacter les sociétés de service en question – étape la plus élémentaire de la responsabilité journalistique – jusqu’après la publication de l’histoire. Les agents du renseignement insistant sur l’anonymat – pour s’assurer ainsi qu’ils ne pourraient être tenus pour responsables – leur ont chuchoté que cela était arrivé, et malgré l’importance des conséquences possibles, ils se sont empressés de l’éditer sans aucune vérification. Ce n’est pas un cas de mauvais journalisme produisant des rapports inexacts ; c’est un cas de la publication par un média d’une histoire dont ce média connaissait la production massive de bénéfices et de conséquences sans la plus petite vérification ou le moindre soin attendus.

L’aspect le plus ironique de tout cela est que les journalistes grand public – les mêmes personnes qui sont devenues obsédées par la croisade contre les fausses nouvelles – sont ceux qui jouent un rôle clé en permettant et en approvisionnant la dissémination de fausses histoires. Ils le font non seulement en les répandant sans discussion, mais aussi en ne prenant que peu ou pas de mesures pour avertir le public de leur fausseté.

La débâcle épique du Post ce week-end à propos de cette fiction du réseau électrique illustre brillamment cette dynamique. Comme je le remarquais samedi, beaucoup de journalistes ont réagi à cette histoire de la même façon qu’ils le font pour toute histoire concernant la Russie : ils cliquent instantanément et re-postent et partagent l’histoire sans le moindre examen minutieux. Le fait que ces allégations soient constamment basées sur les chuchotements d’agents anonymes et accompagnées d’aucune preuve que ce soit ne laisse à ces journalistes aucun temps mort ; n’importe quelle déclaration officielle que la Russie et Poutine sont derrière un quelconque mal universel est instantanément traitée comme la Vérité. C’est une raison importante pour que des journaux comme le Post soient incités à publier imprudemment des histoires de ce genre. Ils savent qu’ils seront louangés et récompensés, peu importe la justesse ou la fiabilité de ces informations, parce que leur Cause – le plan – est celui qui est juste.

Vendredi soir, immédiatement après que l’histoire du Post fut publiée, une des déclarations des plus dramatiques vint du rédacteur éditorial Brent Staples du New York Times, qui dit ceci :

“Notre “ami” russe Poutine attaque le réseau électrique.”

Maintenant que cette histoire s’est effondrée et a été complètement retirée, qu’a fait Staples pour noter que ce tweet était faux ? Juste comme Baron, absolument rien. En fait, ce n’est pas tout-à-fait vrai, car il fit quelque chose : à un certain moment, après vendredi soir, il a tranquillement supprimé son tweet sans commentaire. Il n’a pas soufflé un mot sur le fait que l’histoire qu’il promouvait s’était écroulée et s’est révélée totalement fausse sous tous ses aspects, et que c’est ce qu’il avait raconté à ses 16 000 et plus suiveurs – avec en plus un nombre incalculable de gens qui re-postent la déclaration spectaculaire de cet éminent journaliste.

Encore plus instructif est le cas de Kyle Griffin de MSNBC, un utilisateur avisé et prolifique des médias sociaux  qui a vu son nombre de suiveurs exploser cette année avec un flot constant de contenu anti-Trump. Vendredi soir, quand le Post a publié l’histoire, Griffin l’a gonflée avec une série de tweets destinés à faire paraître l’histoire comme menaçante et lourde de conséquences. Ce qui comprenait des déclarations hystériques de fonctionnaires du Vermont – qui croyaient dans les fausses déclarations du Post- ce qui rétrospectivement est incroyablement embarrassant.

Le gouverneur du Vermont Peter Shumlin sur la tentative de piratage : “Un des voyous en chef mondiaux, Poutine, a tenté de hacker notre réseau électrique.”

Ce tweet de Griffin – convainquant les gens que Poutine mettait en danger la santé et la sécurité des vermontois – a été re-posté plus de 1000 fois. Ses autres tweets similaires – comme celui qui fait figurer l’avertissement du Sénateur du Vermont Patrick Leahy sur la tentative de Poutine de “fermer le réseau en plein hiver” – ont aussi été largement répandus.

Mais le lendemain, le nœud de l’histoire s’est écroulé – dans sa note, le rédacteur du Post admit “qu’il n’y avait pas de signes” que “des hackers russes aient infiltré le réseau électrique” – et Griffin n’a rien dit. En fait, il n’a rien ajouté là-dessus jusqu’à hier – quatre jours après sa série de tweets largement partagés – dans laquelle il a simplement re-posté le reporter du Post citant une “mise à jour”, que l’histoire était fausse sans fournir de commentaires personnels :

En contraste avec les tweets enflammés originaux de Griffin sur la menace russe, qui ont été largement diffusés avec enthousiasme, cette correction après les faits a été re-postée seulement 289 minables fois. Aussi, une petite fraction de ceux qui furent exposés à la sensationnelle histoire a fini par être informée que cela était faux.

Sincèrement, ce n’est pas mon intention de mépriser publiquement ces journalistes. Ils montrent juste une dynamique très ordinaire : toute histoire qui renforce la théorie orthodoxe de D.C. [Washington, NdT] sur la menace russe, peu importe à quel point elle est douteuse, est répandu en long et en large. Et ensuite, comme il arrive si souvent, quand l’histoire se révèle fausse ou trompeuse, peu ou rien du tout est fait pour corriger les effets pervers. Et le plus incroyable de tout cela, ce sont les mêmes gens qui décrient constamment les menaces générées par les Fausses Nouvelles.

Une dynamique très commune conduit à ceci : une pensée de groupe des médias, totalement exacerbée (comme je l’ai décrit samedi) par le système d’incitation de Twitter. Comme l’échec géant des médias en 2002 l’a démontré, les journalistes américains sont hautement susceptibles d’attiser et de mener la parade de diabolisation d’un nouvel ennemi étranger plutôt que de se restreindre et d’être sceptiques sur l’évaluation de la vraie nature de cette menace.

Ce n’est pas une coïncidence que beaucoup des plus embarrassantes débâcles journalistiques de cette année impliquent la Menace russe, et elles sont toutes impliquées dans la même dynamique. La pire d’entre elles peut-être, fut la ridicule et fallacieuse histoire pré-électorale de Slate – qui a été proposée à de multiple publications (y compris The Intercept) – prétendant que Trump avait créé un serveur secret pour communiquer avec une banque russe ; cette histoire fut si largement partagée que même la campagne de Clinton a fini par en faire un battage – un tweet, qui a lui-même été re-posté presque 12 000 fois.

Des informaticiens ont apparemment découvert un serveur caché liant la Trump Organization à une banque russe.

Mais seulement un petit pourcentage de ceux qui ont entendu cette histoire a finalement entendu parler de la marche arrière majeure et de la démystification venant d’autres publications. La même chose est vraie sur l’histoire du Guardian de la semaine dernière sur WikiLeaks et Poutine qui est devenue virale, seulement  finalement la rétractation a été à peine remarquée parce que la plupart des journalistes qui ont répandu cette histoire ne se sont pas soucier de la noter.

Au-delà de la tendance des journalistes à faire écho aux propos de fonctionnaires anonymes sur n’importe quoi concernant les Affreuses Menaces Etrangères à la mode du moment, il y a une intention incitative indépendante qui sous-tend le tout. Que la Russie soit une grave menace attaquant les USA est devenu, pour des raisons évidentes, une histoire cruciale pour les Démocrates et les autres opposants de Trump qui dominent les élites des cercles médiatiques dans les réseaux sociaux et partout ailleurs. Ils récompensent et font la publicité de quiconque soutient cette histoire, et en même temps attaquent vicieusement tous ceux qui la mettent en question.

Bien sûr, durant mes 10 ans et plus d’écriture sur la politique et sur un nombre infini de problèmes clivants – y compris le rapport Snowden – rien n’est comparable, et de loin, à la campagne de calomnie qui a été lancée après que j’ai travaillé à questionner et défier les allégations sur le piratage russe et la menace posée par ce pays en général. Cela a été manigancé, non pas par des comptes au hasard ou marginaux, mais par les experts les plus éminents du Parti démocrate et l’appui massif des médias.

J’ai été transformé en l’espace d’une nuit en adhérent de la première heure de l’idéologie de la droite alternative, un fan absolu de Breitbart, un supporter de Trump enthousiaste, et, inutile de le dire, un agent du Kremlin. C’est littéralement le script explicite qu’ils utilisent maintenant, qui fabrique carrément ce que je dis (voir ici un exemple particulièrement criant).

Bien sûr, ils savent que tout est faux. En dix ans de journalisme, j’ai porté un intérêt primordial à la défense des libertés civiles des musulmans. J’ai écrit un livre entier sur le racisme et l’inégalité inhérents au système judiciaire des USA. Ma carrière de juriste implique de nombreuses représentations de victimes de discrimination raciale. J’étais l’un des premiers journalistes à condamner l’approche “neutre” et mensongère des rapports sur Trump, et à appeler à plus de condamnations explicites des extrémismes et des mensonges. J’étais l’un des rares à défendre Jorge Ramos contre les attaques des médias largement répandues quand il a défié Trump sur ses positions extrêmes sur l’immigration. Avec beaucoup d’autres, j’ai essayé d’avertir les démocrates que la nomination d’une candidate aussi impopulaire qu’Hillary Clinton faisait courir le risque d’une victoire de Trump. Et en tant que personne très ouvertement en faveur du mariage entre personnes du même sexe et du mariage mixte, et avec quelqu’un qui vient juste d’être élu sur un poste de fonctionnaire en tant que socialiste, je fais un bien improbable leader de la droite alternative, pour parler gentiment.

La malveillance de cette campagne dépasse sa stupidité évidente. Même d’avoir à lui donner une défense digne, c’est déprimant, bien qu’une fois répandu largement comme ça, il n’y a pas beaucoup de choix.

Mais c’est le climat que les démocrates ont cultivé avec succès, alors que tout le monde conteste ou même simplement exprime du scepticisme au sujet de leur propre intéressement, l’histoire russe est la cible de calomnies coordonnées et puissantes : comme James Carden de The Nation l’a documenté hier, le scepticisme équivaut à une trahison. Et le contraire est vrai également : ceux qui disséminent des allégations qui appuient cette histoire, peu importe à quel point elles sont dissociées de la raison et de l’évidence, reçoivent un étalage de bénéfices et de récompenses.

Que l’histoire soit finalement complètement discréditée n’a que peu d’importance. Le mal est fait, et les bénéfices encaissés. Les fausses nouvelles au sens restrictif sont certainement quelque chose qui mérite qu’on s’en inquiète. Mais peu importe comment on veut appeler ce genre de comportement de la part du Post, c’est une bien plus grande menace étant donné la portée que cela a sur les institutions qui s’y engagent.

Source : The Intercept, le 04/01/2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-washpost-est-genereusement-recompense-pour-ses-fausses-nouvelles-sur-la-menace-russe-alors-que-le-public-est-trompe-par-glenn-greenwald/