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L’Euro-zone franchit le Rubicon : la gauche anti-austérité se voit interdire le pouvoir au Portugal, par Ambrose Evans-Pritchard

Thursday 5 November 2015 at 04:45

C’est quand même stupéfiant… Même Poutine ne fait pas ça ;)

EDIT : j’ai vu plusieurs fois en commentaire la phrase de Juncker “Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens”.

Mais elle est assez logique dans la vision des fédéralistes. Car :

  • ou bien, vous n’êtes pas fédéraliste, et cette phrase est scandaleuse, mais dans ce cas, vous arrêtez aussi l’euro and co, car ce sont des instruments fédéralistes ;
  • ou bien vous êtes fédéraliste, et dans ce cas c’est logique, tout comme il ne peut y avoir de choix démocratique de la région d’Alsace contre la politique nationale française (ou le Nebraska sur la politique US). Mais dans ce cas, il faut arrêter les simagrées, et expliquer aux pays que ce sont désormais de simples régions qui n’ont pas leur mot à dire sur ces sujets – c’est la petite difficulté des européistes…

Source : Ambrose Evans-Pritchard, The Telegraph, le 23/10/2015

 Une crise constitutionnelle se profile alors que la gauche anti-austérité se voit refuser le droit parlementaire à former un gouvernement que lui donne sa majorité

Le président du Portugal : « Il n’y a pas pire moment pour un changement radical des fondations de notre démocratie. »

Par Ambrose Evans-Pritchard

Le Portugal entre politiquement dans une passe dangereuse. Pour la première fois depuis la création de l’union monétaire européenne, un État membre a explicitement pris le parti d’interdire à des partis eurosceptiques d’occuper le pouvoir, au nom de l’intérêt national.

Anibal Caravaco Silva, président de la république portugaise, a refusé la constitution d’un gouvernement mené par une coalition de gauche, alors que celle-ci a rassemblé une majorité absolue au parlement portugais, et a obtenu mandat pour mettre en pièces la politique d’austérité léguée par la Troïka UE-FMI.

Il a jugé trop risqué de laisser le bloc de gauche ou les communistes s’approcher du pouvoir, répétant que les conservateurs devraient faire bloc en tant que minorité pour contenter Bruxelles et rassurer les marchés financiers étrangers.

La démocratie doit passer après le plus grand impératif que constituent les règles de l’euro et l’appartenance à l’UE.

« En 40 ans de démocratie, aucun gouvernement au Portugal n’a jamais dépendu du soutien de forces anti-européennes, c’est-à-dire de forces ayant fait campagne pour l’abrogation du Traité de Lisbonne, du Paquet fiscal, du Pacte de stabilité et de croissance, ainsi que pour le démantèlement de l’union monétaire et la sortie du Portugal de l’euro, en plus de la volonté de dissoudre l’OTAN », a déclaré M. Caraco Silva.

« Il n’ y a pas pire moment pour un changement radical des fondations de notre démocratie. »

« Après avoir mené un coûteux programme d’aide financière, marqué par de nombreux sacrifices, il est de mon devoir, dans le cadre de mes pouvoirs constitutionnels, de faire tout mon possible pour empêcher que de mauvais signaux soient envoyés aux institutions financières, aux investisseurs et aux marchés », a-t-il dit.

M. Cavaco Silva a avancé que la grande majorité des Portugais n’avaient pas voté pour les partis désireux de revenir à l’escudo, ou partisans d’une confrontation douloureuse avec Bruxelles.

Ce qui est vrai, mais il a omis le cœur du message adressé lors des élections qui se sont tenues il y a trois semaines : ils ont également voté pour la fin des réductions salariales et de l’austérité de la Troïka. Les partis de gauche, à eux tous, ont atteint 50,7% des suffrages. Menés par les socialistes, ils ont le contrôle de l’Assemblée.

Le chef de file des conservateurs, Pedro Passos Coelho, est passé en premier et par conséquent est le premier en lice pour former un gouvernement, mais la totalité de la coalition de droite a seulement empoché 38,5% des suffrages. Elle a perdu 28 sièges.

Le leader socialiste, Antonio Costa, a réagi avec colère, condamnant l’acte du président : « une grave erreur » qui menace d’engloutir le pays tout entier dans une tempête politique.

« Il est inacceptable que les pouvoirs exclusifs du parlement soient ainsi usurpés. Les socialistes n’ont aucune leçon à recevoir de la part du professeur Cavaco Silva en matière de défense de notre démocratie », a-t-il déclaré.

M. Costa a exprimé sa volonté d’accélérer la formation d’une coalition des trois gauches, et a averti le gouvernement-croupion de droite qu’il subirait immédiatement une motion de défiance.

De par la constitution du Portugal, il ne peut y avoir de nouvelles élections avant le second semestre de l’année prochaine, ce qui risque de paralyser le pays pendant près d’un an, le lançant droit vers une confrontation avec Bruxelles, et menace en fin de compte de rallumer la crise de la dette souveraine dans ce pays.

Le marché des obligations a réagi calmement aux évènements qui se sont produits à Lisbonne, mais ce n’est plus vraiment un instrument de mesure précis depuis que la Banque Centrale Européenne (BCE) éponge la dette portugaise par assouplissements quantitatifs (QE).

Le Portugal n’est plus sous le régime de la Troïka et n’est plus confronté à l’imminence d’une crise des crédits, ses réserves de liquidités s’élevant à plus de 8 milliards d’euros. Il n’en reste pas moins que, selon le FMI, le pays reste en situation de « grande fragilité » en cas de nouvelle crise ou si le pays ne mène pas à bien les réformes, qui semblent actuellement « au point mort ».

La dette souveraine s’élève à 127% du PIB, le total de la dette est de 370% du PIB, une situation pire que celle de la Grèce. Le passif extérieur dépasse 220% du PIB.

 

Le FMI a prévenu que le « miracle de l’exportation » du Portugal reposait sur une base fragile, les bénéfices affichés étant gonflés par des réexportations sans grande valeur ajoutée. « Un rééquilibrage durable de l’économie n’est pas encore intervenu », selon le FMI.

« Le président a engendré une crise constitutionnelle », selon Rui Tavares, parlementaire écologiste radical. « Ce qu’il nous dit, c’est qu’il ne permettra jamais la formation d’un gouvernement comprenant des gens de gauche et des communistes. Les gens sont abasourdis par ce qui s’est passé ».

Selon M. Tavares, le président a invoqué le spectre des communistes et le bloc de gauche comme un « homme de paille », pour empêcher toute prise du pouvoir par la gauche tout court, en sachant parfaitement que les deux parties avaient accepté de renoncer à leurs revendications pour une sortie de la zone euro, un retrait de l’OTAN, ainsi que la nationalisation des poids lourds de l’économie, dans le cadre d’un accord de compromis pour fonder la coalition.

Le président Cavaco Silva pourrait avoir raison en estimant qu’un gouvernement socialiste rassemblant les communistes précipiterait le pays dans une confrontation majeure avec les mandarins austéritaires de l’UE. Le maître-plan de M. Costa pour une relance keynésienne – qui inclurait principalement des dépenses pour l’éducation et la santé – est totalement incompatible avec le paquet fiscal de l’UE.

Le Secrétaire Général du Parti Socialiste Portugais, Antonio Costa, samedi dernier, après la publication des résultats.

Cette clause stupide du traité oblige le Portugal à réduire sa dette à 60% du PIB sur les vingt prochaines années dans un piège austéritaire perpétuel, et ce alors que le reste de l’Europe méridionale tente de faire de même, le tout dans un contexte de récession mondiale puissante.

Cette stratégie consistant à se débarrasser du lourd fardeau de la dette du pays en se serrant la ceinture en permanence porte largement son propre échec en son sein, puisque la stagnation du PIB en chiffres bruts aggrave le rapport dette sur PIB.

Pas plus qu’elle ne présente la moindre pertinence. Le Portugal aura besoin d’un effacement de sa dette lorsque la prochaine récession frappera pour de bon. Il n’y a absolument aucune chance pour que l’Allemagne accepte d’établir une harmonisation fiscale dans l’Union Monétaire Européenne (EMU) assez tôt pour l’empêcher.

Ce que le Portugal doit faire pour liquider la dette (source : Deutsche Bank)

La principale conséquence de cette prolongation de l’agonie, c’est la profonde atonie du marché du travail, et des taux d’investissement bas qui ne laissent aucun avenir.

M. Cavaco Silva utilise de fait son mandat pour imposer un programme issu d’une idéologie réactionnaire, dans l’intérêt des créanciers et de l’establishment de l’EMU, en maquillant le tout, avec un culot remarquable, en défense de la démocratie.

Les socialistes et les communistes portugais ont enterré la hache de guerre de leurs divisions pour la première fois depuis la révolution des Œillets et le renversement de la dictature de Salazar dans les années 70, et ont leur refuse néanmoins le droit parlementaire de former un gouvernement représentant une majorité.

Voilà une dangereuse démarche. Les conservateurs portugais et leurs alliés médiatiques font comme si la gauche n’avait aucun droit à exercer le pouvoir et devait être tenue sous contrôle par tous les moyens possibles.

Rien que de très familier – et glaçant – dans ce réflexe, pour qui connaît l’Histoire de la péninsule Ibérique au XXe siècle, ou celle de l’Amérique latine. Que ce soit fait au nom de l’euro est entièrement conforme à ce que l’on attend.

Le parti grec Syriza, premier gouvernement de gauche radicale en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a été écrasé et soumis pour avoir osé se mesurer à l’idéologie de la Zone euro. A présent, la gauche portugaise passe par une variante du même hachoir à viande.

Les socialistes européens se trouvent face à un dilemme. Ils prennent enfin conscience de la déplaisante vérité : l’union monétaire est une entreprise autoritaire de droite, qui a échappé à la bride de la démocratie ; et cependant, s’ils agissent en conséquence, ils risquent de se voir interdire tout accès au pouvoir.

Bruxelles a vraiment créé un monstre.

Source : Ambrose Evans-Pritchard, The Telegraph, le 23/10/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/leuro-zone-franchit-le-rubicon-la-gauche-anti-austerite-se-voit-interdire-le-pouvoir-au-portugal-par-ambrose-evans-pritchard/


Portugal : le président impose un gouvernement de droite, mais la gauche se rassemble, par Romaric Godin

Thursday 5 November 2015 at 03:56

On notera la formidable analyse du Monde, comme d’hab :

Eh oui, 104 siège sur 230, ils ont gagné, et encore mieux, “se maintiennent au pouvoir” – ce qui va être simple comme on le voit sur le graphique…

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Portugal : le président impose un gouvernement de droite, mais la gauche se rassemble, par Romaric Godin

Source : Romaric Godin, La Tribune, 23/10/2015

Pedro Passos Coelho reste premier ministre du Portugal (Crédits : HUGO CORREIA)

 Le président de la république portugaise a confirmé dans son poste le premier ministre sortant Pedro Passos Coelho. Mais la gauche majoritaire va déposer une motion de censure et a fait le plein de ses voix pour la présidence de la chambre;

Le président de la République portugais, Anibal Cavaco Silva, a donc décidé de passer jeudi soir en force. Alors que les leaders des trois formations de gauche (Partis socialiste et communiste et bloc de gauche) majoritaires au parlement lui ont affirmé mardi et mercredi qu’ils étaient « en mesure de former un gouvernement stable », il a finalement décidé de confirmer le premier ministre sortant, Pedro Passos Coelho, à la tête du gouvernement.

Provoquer une scission au PS

Ce dernier se retrouve donc à la tête d’un gouvernement minoritaire soutenu uniquement par l’alliance de droite Portugal à Frente (PàF) qui a obtenu le 4 octobre dernier 38,4 % des voix et 107 des 230 sièges de l’Assemblée de la République, le parlement monocaméral portugais. La stratégie d’Anibal Cavaco Silva, lui-même ancien premier ministre conservateur de 1985 à 1995 consiste donc à passer en force pour éviter une alliance des trois forces de gauche qui, pourtant, serait sur le point d’être finalisée. Son idée est de provoquer une scission interne au Parti socialiste (PS) en invitant la droite de ce parti à ne pas voter la motion de censure qui va être inévitablement déposée contre Pedro Passos Coelho.

Utiliser l’euro comme levier

Pour les convaincre de pratiquer cette rupture, le président de la République a joué sur l’Europe. « L’observation des engagements internationaux est décisif et cruciale pour le financement de notre économie et la croissance de l’emploi. Hors de l’euro, le futur du Portugal sera catastrophique », a indiqué Anibal Cavaco Silva qui tente donc de transformer le choix de gouvernement en un choix pour ou contre l’euro. « C’est aux députés de décider en conscience et en prenant en compte les intérêts supérieurs du Portugal, si le gouvernement doit ou ne doit pas assumer pleinement les fonctions que je lui confie », a-t-il indiqué. La stratégie de la droite, appuyée par le président de la République est donc de faire de la motion de censure un vote sur l’euro et l’UE afin de convaincre la portion la plus europhile du PS de s’abstenir.

Les conditions de la censure

Pour éviter la censure, le gouvernement portugais doit éviter qu’une majorité absolue des députés vote cette motion, selon l’article 195 de la Constitution, soit 116 voix. Les trois partis de gauche détiennent ensemble 122 sièges. L’abstention de 7 députés PS sur 86 serait donc suffisante. Compte tenu de l’attitude encore incertaine du parti animaliste PAN, qui dispose d’un siège, il faudrait la défection de huit députés PS pour que le gouvernement de droite survive à cette motion. C’est ce que la dramatisation de l’enjeu vise à obtenir.

Le PS affirme sa détermination

La balle est désormais dans le camp d’Antonio Costa, le leader du PS, qui va devoir convaincre l’ensemble de ses troupes, et notamment sa droite, de voter la censure et de respecter la discipline du parti. Antonio Costa pourra avancer qu’il a déjà obtenu du Bloc de gauche (BE) et du parti communiste (PCP) l’acceptation du « cadre budgétaire européen » et qu’il fera du maintien dans l’euro la condition sine qua non de la coalition future. En tout cas, dès ce vendredi 23 octobre à deux heures du matin, le PS a répondu vigoureusement à la décision du président de la République. La Commission politique du parti a décidé de demander au groupe parlementaire socialiste de déposer une motion de censure. Parallèlement, elle a donné le feu vert officiel à Antonio Costa pour achever les discussions avec le PCP et le BE.

Rien ne dit que les élus PS suivront tous la discipline de parti, mais vendredi, la gauche a envoyé une réponse claire en élisant un député PS à l’Assemblée de la République, Ferro Rodrigues. Ce dernier a obtenu 122 sièges et a donc fait le plein des voix de gauche. De bon augure pour la motion de censure qui sera déposée par Antonio Costa. Et un désaveu pour Anibal Cavaco Silva.

Dans ces deux partis, on se dit déterminés à faire tomber Pedro Passos Coelho, mais cela ne dépend guère d’eux, mais plutôt des députés PS. Leur rôle sera plutôt désormais de donner des gages de leur bonne volonté et de leur refus de sortir de l’euro, de l’UE et de l’OTAN dans le cadre du prochain gouvernement à la droite du PS. D’une certaine façon, la décision d’Anibal Cavaco Silva pourrait aider Antonio Costa à contenir les exigences de ses deux partenaires de gauche pour arracher l’accord de tout le groupe parlementaire PS.

Tenir neuf mois

Le calcul du président de la République peut paraître à courte vue, car sans majorité, le gouvernement aura une marge de manœuvre réduite. Même si, en effet, il n’y a pas de majorité absolue pour renverser le gouvernement, ce dernier risque de ne pas disposer d’une majorité relative pour faire adopter ses voix, sauf si les défections atteignent plus de 15 députés. Mais Anibal Cavaco Silva vise à gagner du temps pour permettre une dissolution dès qu’elle sera possible, autrement dit six mois après l’élection présidentielle prévue en janvier. L’article 172 de la Constitution interdit toute dissolution six mois et après une élection présidentielle.

Instrumentalisation de l’euro

D’un point de vue européen, la situation portugaise ne manque pas d’intérêt. La droite portugaise tente en effet de contourner le vote du 4 octobre en instrumentalisant l’euro et l’UE. En faisant de la motion de censure un vote pour ou contre l’euro, l’hôte du palais de Belém tente de donner à la droite la majorité que les urnes ne lui ont pas accordé. Il s’agit, en réalité, de briser toute possibilité de constitution d’une politique alternative à celle menée depuis quatre ans par Pedro Passos Coelho, en créant une identité entre politique différente et appartenance à l’euro. C’est un jeu qui, à moyen terme, semble très périlleux.

Source : Romaric Godin, La Tribune, 23/10/2015

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Source : Romaric Godin, La Tribune, 04/11/2015

Portugal : l’accord à gauche est difficile à trouver

Les trois partis de gauche portugais n’ont toujours pas trouvé d’accord, notamment en raison de la résistance des Communistes. Si aucun accord n’est signé avant le début de la semaine prochaine, la droite gardera le pouvoir.

La droite portugaise peut encore espérer rester au pouvoir. Lundi, le gouvernement dirigé par le premier ministre Pedro Passos Coelho, nommé premier ministre la semaine passée par le président de la République Anibal Cavaco Silva, se présentera devant l’Assemblée de la république, le parlement unicaméral du pays. Ce gouvernement n’est soutenu que par les deux partis de droite, le Parti social-démocrate (PSD) et le Centre Démocrate-social-parti populaire (CDS-PP) qui s’étaient regroupés dans la coalition « Portugal d’abord » (Portugal à Frente, PàF) pour les élections du 4 octobre. Or, cette coalition n’a obtenu que 38,36 % des voix et 107 des 230 députés. Elle est donc minoritaire.

Vote de confiance mardi ou mercredi

La constitution portugaise prévoit cependant qu’un gouvernement minoritaire puisse gouverner le pays s’il n’existe pas de coalition alternative. Mardi ou mercredi, un vote de confiance sera organisé au parlement et, pour renverser le gouvernement, il faudra absolument réunir au moins 116 députés. En théorie, la gauche dispose de 122 sièges, soit largement de quoi faire tomber le 20ème gouvernement du pays depuis le retour de la démocratie. Sauf qu’il faut, pour cela, s’entendre. Et c’est ici que le bât blesse encore.

Le leader du Parti socialiste (PS), Antonio Costa, tente de trouver depuis un mois un accord avec les deux formations de gauche radicale, le Bloc de Gauche (BE) et l’alliance CDU centrée sur le parti communiste (PCP). Le PS dispose de 86 sièges, le BE de 19 sièges et la CDU de 17 députés. L’accord est très difficile à trouver, car les positions de la gauche radicale et celles du PS sont assez éloignées. Mais la décision d’Anibal Cavaco Silva de nommer Pedro Passos Coelho sans attendre l’issue des discussions à gauche et sa volonté de présenter un gouvernement de gauche comme un danger pour la participation du pays à la zone euro, a renforcé la détermination des trois partis.

L’accord entre le PS et le Bloc de gauche

Selon le Diario Económico, le quotidien des affaires lusitanien, le PS et le Bloc de Gauche, parti assez proche de Syriza dans sa version pré-mémorandum, se sont mis d’accord sur un programme de gouvernement mardi 3 novembre. Ce programme prévoit de revaloriser les salaires de la fonction publique, une baisse de la TVA dans la restauration, le dégel des pensions, l’augmentation des pensions les plus faibles et le relèvement progressif du salaire minimum jusqu’à 600 euros sur trois ans. Pour financer ces dépenses nouvelles, l’accord prévoit de ne plus baisser l’impôt sur les sociétés et de durcir les conditions pour les baisses de charges des entreprises. Le BE a renoncé, par ailleurs, à demander une baisse de la TVA sur l’électricité.

Le PCP doit faire un choix rapidement

Mais, désormais, le PS doit convaincre le PCP et rien n’est moins simple. Les Communistes portugais sont traditionnellement très eurosceptiques et ils hésitent clairement à participer à un gouvernement qui, c’est une condition posée par le PS, acceptera et respectera le « cadre budgétaire européen. » Le blocage vient clairement de là pour le moment. Le chef des députés socialistes, Carlos César, a clairement mis la pression sur les Communistes ce mercredi 4 novembre en insistant sur le fait qu’il fallait un accord « signé et écrit » pour les quatre prochaines années avant le vote de confiance pour espérer avoir un gouvernement de gauche au Portugal. L’enjeu est donc bien pour le PS d’obtenir un appui du PCP pour les quatre prochaines années : Antonio Costa ne veut pas se retrouver dépendant d’un soutien « lâche » des Communistes dans son prochain gouvernement.

La balle est donc désormais dans le camp du PCP. Car si aucun accord n’est possible à gauche, le PS a déjà prévenu qu’il ne renversera pas le gouvernement. Avec 102 députés, une alliance PS-BE ne pourra pas disposer d’une majorité, même relative. Et le PS préfère rester dans l’opposition que dépendre du PCP au jour le jour. Sans accord, le PS ne votera pas la censure de Pedro Passos Coelho qui pourra donc continuer à gouverner.

Le PCP doit donc désormais faire un choix. Depuis le 4 octobre, il a très rapidement fait savoir qu’il était favorable à une solution à gauche pour renverser le gouvernement de droite. Il s’est toujours dit disponible pour une telle option. Acceptera-t-il le prix de cette coalition de gauche, autrement dit de renoncer à plusieurs de ses revendications et à sa liberté d’action ? La réponse est encore incertaine et c’est un des éléments qui devrait déterminer la constitution ou non d’un gouvernement de gauche.

Le PS divisé

Ce qui est certain, c’est que la marge de manœuvre d’Antonio Costa est assez limitée. Il ne peut guère faire davantage de concessions aux Communistes, notamment sur le cadre européen, au risque de devoir faire face à sa propre opposition interne à la droite du PS. Il existe en effet dans ce parti un courant défavorable à l’accord à gauche, le courant « alternatif. » Antonio Costa a convoqué samedi un Comité national du PS, le jour même d’une réunion prévue par ce courant. S’il ne s’y rend pas avec un accord acceptable, sa position risque d’être affaiblie. Autrement dit, le temps presse pour le PCP de choisir entre le maintien d’un gouvernement de droite en restant libre dans l’opposition ou la mise en place d’un gouvernement de gauche avec une liberté limitée, mais avec un programme d’infléchissement de la politique d’austérité. Si aucun accord n’est trouvé ce week-end, le président Anibal Cavaco Silva aura réussi son pari : maintenir au nom de l’euro la droite minoritaire au pouvoir.

 

Source : Romaric Godin, La Tribune, 04/11/2015

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Et la dernière sortie de Farage au parlement pour finir :

Source: http://www.les-crises.fr/portugal-le-president-impose-un-gouvernement-de-droite-mais-la-gauche-se-rassemble-par-romaric-godin/


Catalogne : les positions se durcissent par Romaric Godin

Thursday 5 November 2015 at 01:40

Source : Romaric Godin, la Tribune 03/11/2015

Albert Rivera, président de Ciudadanos (à gauche) et Mariano Rajoy, président du gouvernement espagnol, à droite, sont favorables à une union sacrée contre les indépendantistes catalans. (Crédits : Reuters)

Alors que se forme en Espagne comme en Catalogne une véritable union sacrée anti-indépendantiste, les partis sécessionnistes sont déterminés à aller de l’avant. L’heure n’est plus aux demi-mesures.

Face à la déclaration commune des deux partis indépendantistes de Catalogne, qui proposent de rompre avec l’ordre constitutionnel espagnol, l’union sacrée contre l’indépendance de la Catalogne est proclamée en Espagne. Le président du gouvernement, Mariano Rajoy, qui tient des consultations depuis plusieurs jours avec les principaux partis du pays, a tenté de former une telle union baptisé « pacte d’Etat. » Avec un certain succès, puisqu’il semble que les trois formations actuellement en tête des sondages : le Parti populaire (PP) du chef du gouvernement, le parti des Citoyens (Ciudadanos ou C’s) d’Albert Rivera et les Socialistes du PSOE ont proclamé leur détermination à combattre la sécession de la Catalogne.

La montée de Ciudadanos, signe de l’importance de l’unité

Il est vrai que la défense de l’unité espagnole est en passe de devenir un point central de la campagne des élections générales du 20 décembre prochain et que la poussée de Ciudadanos, parti d’origine catalane et fervent défenseur de l’unité espagnole, met les deux partis traditionnels sous pression. Beaucoup pensent en effet que c’est l’unionisme de ce parti qui le fait monter dans les sondages. Or, les derniers sondages publiés lundi 2 novembre sont inquiétants pour les grands partis. Certes, pour TNS Demoscopia, le PP est largement en tête avec 26,7 % des intentions de vote, mais C’s dépasse désormais le PSOE avec 19,8 % contre 19,3 %. Quant à celui de Metroscopia, réalisé tous les mois pour El Pais, il donne les trois partis dans un mouchoir, avec le PP en tête à 23,5 % et C’s devant le PSOE, là aussi avec respectivement 22,5 % et 21 % d’intentions de vote.

L’impasse de la position du PSOE

Du coup, le leader socialiste, Pedro Sanchez se devait de rallier l’union sacré anti-indépendantiste, ce qu’il a fait lundi en insistant sur son accord avec le PP « et d’autres formations » pour « résister à l’indépendantisme. » Le candidat du PSOE à la Moncloa, le palais du président du gouvernement espagnol, a admis qu’il « partage la défense de l’intégrité territoriale, de l’unité de l’Espagne et des principes constitutionnels. » Mariano Rajoy ne pouvait rien espérer de mieux car, désormais, il peut se dire à la tête de la défense de ladite union sacrée, en tant qu’actuel président du gouvernement. Pedro Sanchez a tenté d’éviter ce piège en critiquant la politique du PP sur la Catalogne « qui est responsable de l’augmentation du sécessionnisme. » Mais face à la rébellion catalane, le temps n’est plus aux subtilités.

Certes, Pedro Sanchez refuse l’usage de l’article 155 qui peut suspendre l’autonomie de la Catalogne, mais sa situation n’est pas tenable et il va forcément devoir choisir si la situation se développe. Si, en effet, le Tribunal Constitutionnel (TC) sanctionne les décisions du parlement catalan et que Barcelone refuse de se soumettre à cette décision comme le prévoit la déclaration des deux partis indépendantistes, alors il n’y a aura que deux possibilités : accepter la rébellion catalane et donc un référendum d’autodétermination que Pedro Sanchez refuse et engager la discussion ou avoir recours à l’article 155. Cette dernière position est la position de Mariano Rajoy et Albert Rivera. On voit mal comment Pedro Sanchez pourrait alors la refuser. Il l’a du reste reconnu : les indépendantistes devront faire face à un « mur. »

Provocations unionistes

La droite unioniste représentée par le PP et C’s ont donc tout intérêt à jeter de l’huile sur le feu pour rendre la position « modérée » du PSOE inopérante, mais aussi pour couper le PSOE de sa gauche, car ni Podemos, ni Izquierda Unida (IU, « Gauche Unie », coalition des Verts et du parti communiste, entre autres), n’acceptent cette union sacrée. Alberto Garzon, le leader d’IU, a hier rejeté le pacte proposé par Mariano Rajoy et a demandé un référendum en Catalogne, tout en rappelant qu’il était opposé à l’indépendance.

Logiquement donc, C’s et le PP ne jouent guère l’apaisement. Lundi 2 novembre, le ministre des affaires étrangères PP José Manuel García-Margallo a appelé sur la chaîne Antenna 3 à « suffoquer le soulèvement » indépendantiste en Catalogne. De son côté, Albert Rivera, le président de Ciudadanos, a déclaré mardi 3 novembre, devant les entrepreneurs madrilènes que « l’estrellada », le drapeau indépendantiste catalan, était un « morceau de chiffon » et que les indépendantistes étaient « une bande organisée » qui cherche la déconnexion avec l’Espagne pour « couvrir leurs délits. » Albert Rivera faisait ainsi allusion à la famille de Jordi Pujol, ancien chef du gouvernement catalan de 1980 à 2003, qui n’était pas alors indépendantiste, et qui a organisé une vaste évasion fiscale de ses revenus et de ceux de sa famille. Avec de tels propos incendiaires, la possibilité d’un compromis semble bien loin.

Union sacrée anti-indépendantiste en Catalogne

Un premier exemple en acte de l’union sacrée a eu lieu au parlement catalan. Les trois formations unionistes, PP, C’s et PSOE, ont uni leurs forces pour tenter de bloquer l’adoption par l’assemblée régionale de la déclaration commune des deux partis indépendantistes, Junts pel Sí et la CUP. Ce mardi 3 novembre au matin, la présidente indépendantiste du parlement, Carme Forcadell, a convoqué l’assemblée des porte-paroles des groupes parlementaires, alors que le PP n’avait pas encore formé son groupe parlementaire. Cette convocation est en effet un préliminaire à la convocation de la première séance plénière au cours de laquelle la déclaration engageant la « déconnexion » avec l’Espagne sera votée. Or, le PP a joué l’obstruction en rechignant à former son groupe. Le but du PP était de repousser le plus possible le vote du texte indépendantiste, mais aussi assuré l’unité des unionistes.

Refus de reconnaître le parlement catalan

Car Carme Forcadell a passé outre cette obstruction et a convoqué l’assemblée des porte-paroles qui a été, en retour boycotté par les trois partis unionistes. Lesquels entendent désormais boycotter la première séance plénière, espérant ainsi disqualifier la majorité parlementaire indépendantiste et faire du parlement catalan le seul parlement des indépendantistes.

Les trois partis unionistes ont annoncé qu’ils déposeraient un recours devant le Tribunal Constitutionnel (TC) espagnol contre le débat sur la déclaration indépendantiste au parlement catalan. D’ores et déjà, tout se passe comme si les trois partis unionistes avaient décidé d’appliquer, avant l’heure, l’article 155 en ne reconnaissant pas le parlement catalan comme fonctionnel.

Le leader du PP catalan, Xavier Albiol, a même menacé les députés catalans du parlement : « celui qui permettrait que se tienne une manifestation illégale [la séance plénière du parlement catalan, Ndlr] en assumera la responsabilité.» A l’appel des indépendantistes de sortir de l’ordre constitutionnel espagnol, les unionistes ont répondu par le refus de reconnaître la légitimité du parlement catalan. Plus que jamais, le fossé se creuse. Et, côté unioniste, le PSC, branche catalane du PSOE, ne montre aucun signe de résistance ou de distance à l’offensive commune du PP et de C’s.

Durcissement des positions

Des deux côtés, les positions se durcissent donc. Les indépendantistes peuvent se prévaloir de leur majorité parlementaire pour appliquer leur programme. Carme Forcadell a lancé la procédure pour organiser une séance plénière et faire adopter la déclaration indépendantiste. L’usage de l’article 155 serait pour eux l’occasion de montrer, comme en 2010 lorsque le TC a censuré une grande partie du statut catalan de 2006, que tout dialogue est impossible avec Madrid et que l’indépendance est la seule voie possible. Ce serait alors le moyen de rallier à leurs positions une partie de la gauche et des chrétiens-démocrates catalans qui se situent encore dans une position intermédiaire entre indépendantisme et statu quo.

En face, les unionistes peuvent se prévaloir de la légalité constitutionnelle et espérer que les indépendantistes se comportent comme des « rebelles » pour pouvoir, dans le reste de l’Espagne, se présenter comme les défenseurs de l’unité nationale, et en Catalogne, comme les défenseurs de l’ordre et de la stabilité. Bref, la situation est plus tendue que jamais entre Barcelone et Madrid.

Source : Romaric Godin, la Tribune 03/11/2015

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Source : Romaric Godin, la Tribune 04/11/2015

Catalogne : les indépendantistes font-ils un “coup d’Etat” ?

Les partisans de l’unité espagnole crient au “coup d’Etat” contre le processus lancé par la majorité parlementaire indépendantiste en Catalogne. Cette stratégie est-elle justifiée et est-elle la bonne ?

La crise indépendantiste catalane entrera dans les prochains jours dans une phase aiguë. Les trois partis unionistes au parlement catalan (PSC socialiste, PP conservateur etCiudadanos) ont décidé de recourir au Tribunal Constitutionnel (TC) contre la résolution indépendantiste engageant un processus de « déconnexion » de la Catalogne à l’Etat espagnol. Cette décision pourrait engager les partis souverainistes à entrer dans une « désobéissance » face à Madrid que cette résolution revendique.

Ce qui s’engage en Catalogne désormais est un combat entre deux formes de légitimités. La première est celle des partis indépendantistes catalans qui revendique une légitimité démocratique à appliquer leur programme de « déconnexion » puisqu’ils disposent d’une majorité parlementaire. En face, les partis unionistes s’appuient sur la légitimité constitutionnelle et sur l’illégalité du processus indépendantiste. Ils répondent donc aux votes de la majorité parlementaire catalane par des procédures judiciaires, en attendant d’avoir recours aux moyens d’exécution des décisions des tribunaux espagnols, comme l’application de l’article 155 de la Constitution qui permet de suspendre l’autonomie catalane.

Les arguments des unionistes contre le « coup d’Etat catalan »

Dans cette lutte, l’idée des partis unionistes est de présenter les Catalans comme des « rebelles » et des « hors-la-loi. »Plusieurs politiques espagnols, notamment à droite, ont ainsi énoncé que la déclaration indépendantiste représentait un « coup d’Etat » en ce qu’elle brisait l’ordre constitutionnel espagnol. D’autant que les unionistes ne cessent de pointer le manque de légitimité de la majorité parlementaire indépendantiste. Les deux listes favorables à la sécession, Junts Pel Sí, qui regroupait le centre-droit, la gauche républicaine et les associations indépendantistes, et la CUP, parti sécessionniste de gauche radicale, ont en effet obtenu 47,8 % des voix. Il manque donc 80.000 voix aux partisans de l’indépendance pour être majoritaires. Or, puisque le président de la Generalitat (le gouvernement catalan), Artur Mas, avait proclamé que les élections régionales du 27 septembre étaient « plébiscitaires » autour de la question de l’indépendance, les listes indépendantistes, fussent-elles majoritaires en sièges, n’auraient pas de mandat suffisant pour briser la légalité espagnole. On serait donc bien en présence d’un « coup d’Etat. »

Une criminalisation de l’indépendantisme après-coup

Ces arguments ont cependant des points faibles. Le premier est que la lutte judiciaire contre un programme défendue par une majorité parlementaire qui tente de l’appliquer revient concrètement à criminaliser les idées indépendantistes. L’indépendantisme serait certes toujours une opinion permise, à condition qu’elle ne soit pas appliquée. Si ces idées deviennent majoritaires dans une assemblée parlementaire, cette idée devient immédiatement illégale. C’est bien, du reste, le but des partis unionistes qui cherchent ainsi à montrer le caractère « impossible » de l’indépendantisme afin de disqualifier le sécessionnisme dans les prochaines élections. L’ennui, c’est qu’il pourrait aussi disqualifier aussi bien l’unionisme dans sa volonté de contourner le choix démocratique catalan. Le compliment du « coup d’Etat » pourrait donc être retourné contre les unionistes, ce qui prouve l’impasse de cette stratégie.

L’échec de la stratégie judiciaire

Cette « judiciarisation » de la question catalane est menée depuis 2010 par le gouvernement espagnol qui a notamment fait interdire le référendum du 9 novembre 2014. Or, cette stratégie n’a pas réellement porté ses fruits. Malgré l’interdiction de ce référendum, les partis indépendantistes ont obtenu le 27 septembre 95.595 voix de plus que le oui à un Etat indépendant le 9 novembre. Cette stratégie n’est donc guère fonctionnelle sur le plan politique. Elle renforce en réalité l’idée que l’Etat espagnol continue à refuser d’entendre le message et la volonté des Catalans. Elle alimente le sentiment de mépris de l’Espagne envers le « peuple catalan » qui, en retour, est évidemment une chance pour les indépendantistes.

La majorité parlementaire est suffisante pour agir

Quant à l’absence de majorité en voix pour les indépendantistes, l’argument n’est pas davantage recevable. D’abord, parce que les unionistes n’ont pas reconnu le caractère plébiscitaire des élections du 27 septembre. Il est donc étrange de les voir utiliser aujourd’hui cet argument. Ensuite, parce qu’une majorité parlementaire qui dispose de la majorité des sièges est légitime en démocratie pour appliquer son programme. Les gouvernements qui disposent d’une majorité des sièges sans majorité des voix sont légion en Europe et ne font l’objet d’aucune contestation de légitimité. Mieux même, le président portugais essaie actuellement d’imposer un gouvernement minoritaire en voix et en sièges. Du reste, là aussi, l’argument peut se retourner contre les partis unionistes. Car si les indépendantistes n’ont pas eu la majorité des voix, les trois partis unionistes n’ont, le 27 septembre, que cumuler 39,17 % des voix, soit moins que la seule liste Junts Pel Sí (39,55 %). Le fait que ces trois listes clairement minoritaires tentent d’empêcher le fonctionnement du parlement catalan et de criminaliser ses décisions pourrait aussi relever du « coup d’Etat. »

Un résultat du 27 septembre peu clair

Mais surtout, si ces élections étaient plébiscitaires, c’était précisément parce que l’Etat espagnol avait fait interdire le référendum sur l’indépendance par le TC. C’était donc la « moins mauvaise des solutions » pour donner la parole aux électeurs, mais c’était une solution imparfaite en ce sens que la réponse issue de ces élections ne pouvait pas être claire pour deux raisons. La première est que, dans ce type de scrutin, des sujets non liés à l’indépendantisme pouvaient jouer dans le choix des électeurs pour un parti. Un indépendantiste pouvait ainsi, par exemple, choisir de voter pour un parti de gauche non indépendantiste pour ne pas cautionner la politique d’austérité d’Artur Mas, mais qui sait ce qu’il aurait voté dans le cadre d’un référendum ? Or, l’écart avec la majorité absolue est si faible que l’on ne peut exclure ici une « déviation. » Le deuxième élément est que plusieurs partis refusaient de se prononcer sur l’indépendance en tant que telle ou étaient favorables à une consultation légale. C’est le cas de l’alliance de gauche et des chrétiens-démocrates qui ont obtenu ensemble plus de 11 % des voix. Là encore, sur ces 11 %, combien d’électeurs auraient voté oui à un référendum sur l’indépendance ou se serait abstenus ? Impossible à dire. Impossible donc d’affirmer que l’ensemble de ceux qui n’ont pas voté contre les listes indépendantistes ont voté contre l’indépendance.

Refus espagnol du référendum

Du coup, la majorité parlementaire catalane peut prétendre avoir le droit d’appliquer son programme de déconnexion. D’autant que la désobéissance vis-à-vis de Madrid et du TC n’a qu’un but : pouvoir organiser un référendum légal en Catalogne sur l’indépendance malgré son illégalité en Catalogne. Un référendum qui ne peut être que le seul acte capable de justifier une indépendance, ou de l’enterrer. La détermination des unionistes à refuser ce référendum est donc assez suspecte. Là encore, elle souligne le refus d’écouter la volonté des Catalans et, surtout, ce qui est assez grave, elle souligne aussi le refus des partisans de l’union de défendre cette unité espagnole dans le cadre d’un processus démocratique clair, alors qu’il existe évidemment d’excellents arguments en faveur du maintien de la Catalogne en Espagne.

Il est frappant de constater que les grands partis espagnols refusent cette option référendaire qui a pourtant permis, au Royaume-Uni et au Canada, de défaire les mouvements indépendantistes québécois et écossais. Le refus d’un processus démocratique sur la question catalane, ne peut amener qu’à creuser encore le fossé entre la Catalogne et l’Espagne et, en Catalogne, entre les Catalans. C’est une stratégie très dangereuse pour l’avenir même de l’Espagne qui pourrait être identifiée par un nombre croissant de Catalans comme une « prison » et favoriser encore la radicalisation du mouvement indépendantiste.

La responsabilité de la communauté internationale

De ce point de vue, la responsabilité de deux acteurs semble lourde. Le premier est le PSOE, le parti socialiste espagnol qui s’est rallié à la position des deux partis de droite unionistes, le PP et Ciudadanos. En refusant le principe d’un référendum d’autodétermination, comme le reste de la gauche espagnole, le PSOE justifie la position du « coup d’Etat » catalan. Il contribue donc à rendre la situation plus difficile.

La deuxième responsabilité est celle de l’Europe et du reste du monde qui soutient la position unioniste en espérant que les indépendantistes abandonneront leurs projets, faute de soutiens extérieurs. Même le secrétaire générale de l’ONU, Ban Ki-Moon, a récemment refusé le droit à l’autodétermination des Catalans, suivant ainsi les pas de l’UE et de la plupart des grands pays. Mais là encore, cette manœuvre semble vouée à l’échec face à la légitimité démocratique des partis indépendantistes.

D’autant qu’elle est juridiquement faible : Ban Ki-Moon affirme que la Catalogne ne fait pas partie des « territoires reconnus par les autorités comme « non-autonomes. » Mais c’était le cas aussi de l’Ecosse, du Québec et du Monténégro, qui étaient des régions d’un Etat membre de l’ONU et où se sont déroulés des référendums d’autodétermination. Et, dans le cas monténégrin, malgré un référendum contesté par certains, l’ONU a reconnu le nouvel Etat sans difficulté. Bref, tout ceci semble d’abord des manœuvres d’intimidation qui, in fine, sont contre-productives. Alors que la stratégie judiciaire de criminalisation de l’indépendantisme catalan semble donc une impasse, l’attitude de la communauté internationale de « coller » à cette stratégie, relève de l’inconscience.

Source : Romaric Godin, la Tribune 04/11/2015

Source: http://www.les-crises.fr/catalogne-les-positions-se-durcissent-par-romaric-godin/


Actu’Ukraine 05/11/2015 – agriculture

Thursday 5 November 2015 at 00:01

ACTU’UKRAINE DU 26 AU 1er NOVEMBRE 2015

FOCUS : AGRICULTURE, MYTHES ET RÉALITÉS

Une importante réforme agraire entrera en vigueur au début de l’année 2016. Le FMI pense que le secteur agricole permettra à l’Ukraine de se sortir de la crise et de contribuer au remboursement de la dette. D’autres observateurs sont plus pessimistes. Étudions un peu le sujet.

Le drapeau

Le drapeau jaune et bleu est souvent associé à un champ de blé mûr sous un ciel clair. Mais, dans les régions de l’ouest, situées au bout de la chaîne des Alpes, qui ont plus de pâturages que de grands champs de céréales, ces couleurs vexillologiques évoquent plutôt celles des anciens blasons de Lviv et de Przemysl visibles sur le champ de la bataille de Tannenberg/Grunwald, au nord de la Pologne, en 1410.

La steppe

Cosaques dans la steppe, peinture de Serhii Vasylkivsky, 1890.

Dans les régions du sud-est, on peut penser que la couleur jaune du drapeau symbolise la steppe plutôt que les champs de blé.

Les quatre types de paysage, établis par Global Water Partnership (slideshare.net)

A l’origine, le mot “steppe” ne s’appliquait qu’au paysage du sud-est de l’Ukraine, puis fut employé pour d’autres endroits semblables (encyclopediaofukraine). La steppe ukrainienne se situe à l’extrémité occidentale d’une longue bande de terre qui s’étend jusqu’en Mongolie, et d’où sont arrivés les fameuses troupes de la Horde d’or (Золотая Орда) au XIIIe siècle.

Les 14 biomes définis par le WWF. Le sud-est de l’Ukraine fait partie d’un macro-éco-système qui traverse l’Asie jusqu’à la Mongolie.

La steppe correspond au biome (macro-éco-système) nommée “prairie, savanes et terrres arbustives tempérées“. Ce sont des espaces qui ne sont pas toujours faciles à cultiver. Par exemple, en France, le plateau du Larzac et le causse Méjean entrent dans cette catégorie.

Ce n’est pas seulement le manque de précipitations qui pénalise le sud-est de l’Ukraine, mais aussi les températures qui peuvent descendre à -30 degrés, détruisant 30% de la production agricole, comme ce fut le cas en janvier 2012 (boursorama.com). Des gelées à Paques ne sont pas rares comme ce fut le cas en 2010. Et à l’inverse la température peut monter à plus 35 degrés pendant plusieurs jours, comme ce fut le cas en août 2012.

La terre noire

Carte de localisation du tchernoziom, établie par l’entreprise française Betenagro implantée en Ukraine depuis 1992 (betenagro.com).

La terre noire, aussi appelée par son nom russe, tchernoziom (чернозём), serait très avantageuse pour l’agriculture, un peu comme le loess que l’on trouve dans le bassin parisien ainsi qu’en Ukraine. Mais la terre noire de qualité ne se trouve qu’au centre du pays comme le montre la carte.

L’Ukraine et la France, deux grands pays agricoles d’Europe

La surface cultivée en Ukraine est de 26 millions d’hectares (betenagro.com) (le chiffre de 42 millions ha est souvent indiqué, mais il ne s’agit que d’une évaluation théorique) contre 32 millions d’hectares en France bien que la France soit un peu plus petite. La production de céréales en 2014 s’est élevé à 63 millions de tonnes (lepoint.fr), contre 70 millions de tonnes en France en 2009 (fr.wikipedia). Avec ces chiffres, on remarque déjà que le rendement agricole ukrainien est assez bon, puisqu’il n’est pas loin de celui de la France.

L’Ukraine est au premier rang européen pour la production d’œufs avec 1,15 million de tonnes, et se situe entre l’Espagne et l’Italie pour la production de chair de volaille avec 1,32 million de tonnes (lafranceagricole.fr).

L’Ukraine exporte vers l’UE sans droit de douane

Le Parlement européen a adopté, le 3 avril 2014, une proposition de la Commission visant à supprimer les droits de douane sur les importations ukrainiennes de plus de 80 % des produits agricoles en provenance d’Ukraine. Cette mesure n’oblige pas l’Ukraine à rendre la pareille en supprimant ses droits de douane sur les produits originaires d’UE mais la contraint à ne pas les augmenter (lafranceagricole.fr). Parmi les 20% restant taxés se trouvent les produits laitiers, pour lesquels la levée des droits de douane devrait avoir lieu d’ici la fin de 2015, selon le ministre de la Politique agraire de l’Ukraine en visite à Berlin le 22 octobre 2015 (interfax.com.ua).

Les grandes entreprises agricoles

(Source : globalresearch.ca)

L’optimisme du FMI et du ministre Pavelenko

Ces graphiques viennent de la page 40 sur 173 du rapport du FMI No 15/69 publié en mars 2015 (imf.org). Le deuxième graphique à gauche compare les performances de l’agriculture, du bâtiment et des travaux publics, et du commerce de détail.

Le FMI place beaucoup d’espoirs dans l’agriculture parce que les autres secteurs vont plus mal. Page 94 du rapport No 15/69 est indiqué : “We recognize that agriculture has become one of the most profitable sectors of the Ukrainian economy.” Et en page 2 de l’annexe : “The decline in production was observed in almost all basic industries. Industrial output fell by 10.1 percent; construction by 21.7 percent; retail by 8.6 percent; and wholesale trade by 15 percent. The largest contraction in industrial output was recorded in the Donetsk and Luhansk regions, by 31.5 percent and 42 percent respectively. In those regions infrastructure and production capacity has been destroyed to a significant extent. On the positive side, a record high harvest of cereals increased agriculture output by 2.8 percent.” (imf.org). Le FMI demande une réforme au gouvernement de Kiev afin qu’il procède à de grandes privatisations et à une forte augmentation des taxes. “La contribution de l’agriculture au PIB est de 10%, mais seulement 1% des recettes fiscales sont générées par cette activité.” constate un représentant du FMI (rusvesna.su).

Le ministre de la politique agricole, Olexiï Pavlenko (Павленко), estime que la production céréalière pourrait grimper de 63 millions en 2014 à 100 millions de tonnes par an d’ici 2020 (lafranceagricole.fr). Pavlenko est ministre seulement depuis le 2 décembre 2014. Il succède à Ihor Chvaïka, qui était membre de Svoboda. Pavlenko ne fait pas de politique. Il a étudié à Kiev et aux Pays-Bas en 2001-2002, avant de devenir chef d’entreprise. Il a probablement été choisi par les Américains car il est membre de la Young Presidents’ Oragnisation, une association texane assez fermée regroupant de jeunes présidents d’entreprise.

La France paye un conseiller auprès du ministre ukrainien de la politique agricole depuis 2010, Henri Barnabot, originaire de Lectoure dans le Gers (ladepeche.fr et agronews.ua). Son avis est que le “secteur a théoriquement la capacité de doubler sa production d’ici dix ou quinze ans, mais il y a au moins deux problème à régler : le système de crédit et la corruption.” (lexpress.fr). Il travaille en collaboration avec le projet ukraino-suisse Fibl pour une agriculture biologique. Les Ukrainiens ont du mal à s’y intéresser, sauf quand Barnabot leur parle de subventions (agronews.ua).

Un autre français vivant en Ukraine, Jean-Jacques Hervé, tient des propos très positifs : “L’Ukraine n’est pas seulement un grand pays agricole, c’est une superpuissance verte qui, bientôt, rayonnera dans le monde.” (lexpress.fr). Il est présenté comme étant un “éminent spécialiste des questions agricoles éminent spécialiste des questions agricoles ukrainiennes”, mais en réalité, il est avant tout un salarié du Crédit Agricole à Kiev, qui cherche à vendre des crédits aux investisseurs.

Le pessimisme des céréaliers

“Presque toutes les entreprises agricoles d’Ukraine ont des problèmes” (“Almost all agricultural companies in Ukraine are in trouble”) déclare Michael Bleyzer, patron du 5e groupe agricole d’Ukraine, le 5 mai 2015 (agrogeneration.com).

“Nous avons travaillé avec zéro bénéfice” déclare Olexandre Verjikhovski, chef d’AgroKIM, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev (lafranceagricole.fr).

“Les investisseurs étrangers rechignent à placer des fonds dans le secteur agricole ukrainien. Personne ne veut prendre de risques”, déclare Olexandre Pyssanka, ingénieur agronome (lafranceagricole.fr).

Les agriculteurs viennent manifester de temps en temps devant le parlement de Kiev, par exemple le 10 août 2015 pour demander l’extension du moratoire sur la vente des terres agricoles qui doit se terminer au 1er janvier 2016 (rusvesna.su).

La situation est aggravée par les agissements des pilleurs, comme par exemple un groupe de Praviï Sektor qui récolte le tournesol d’un terrain qui ne lui appartient pas dans la région de Dnipropetrovsk (youtube et rusvesna.su).

Agrogénération

Vers 2007 naît la société Agrogénération, financée par plusieurs investisseurs français pour l’exploitation de 22.000 hectares qui viennent de 3 anciens kolkhozes en Ukraine de l’ouest. “Les émirats, les Libyens, les Américains sont déjà là”, explique Pierre Begoc du cabinet de conseil Agritel. Le fondateur de Poweo, Charles Beigbeder, frère aîné de l’écrivain, se lance dans l’aventure en expliquant : “Nous voulions produire des biocarburants, avec AgroFuel. Depuis nous avons abandonné le projet de transformation et nous nous sommes concentrés sur l’amont, la production de céréales pour l’alimentation animale et humaine. Nourrir la planète sera le grand défi de demain.”. Son adjoint, Charles Vilgrain précise : “Nous nous appuyons sur le groupe industriel céréalier français Champagne Céréales qui assure notamment le négoce. C’est du long terme. Il peut y avoir de mauvaises années. Nous atteindrons l’équilibre en 2010″ (lefigaro.fr).

La société Agrogénération fait son entrée à la bourse de Paris en mars 2010. Le cours de son action atteint son plus haut le 20 août 2010 à 2,50 euros, puis décline régulièrement. Les résultats sont négatifs (-5,6 millions d’euros en 2012), mais il n’est pas facile d’interpréter ce chiffre car la société acquiert de nouveaux terrains. Elle possède 50.000 hectares en 2012, quand un important actionnaire, Vivescia, ex Champagne céréales, se prépare à se retirer, alors que SygmaBleyzer se prépare à arriver. Michael Bleyzer est un Américain d’origine ukrainienne, qui a fait fortune au Texas, et qui s’est mis à investir dans les pays de l’Est, en Roumanie, au Kazakhstan, et en Ukraine où il possède déjà 70.000 hectares près de Kharkov/Khariv. Agrogénération émet des obligations en juillet 2012 au taux nominal de 8%, et d’autres obligations en avril 2013 pour compenser le départ de Vivescia. Bleyzer, via sa filiale Harmelia, devient majoritaire, détenant 62% des parts. Le résultat à la fin de 2013 est de -22,5 millions d’euros. Vers le début d’EuroMaidan, le 15 novembre 2013, l’action ne vaut plus que 1,34 euros, et 1,00 euro le 2 mai 2014. Le paiement, du coupon des obligations qui doit avoir lieu en mai 2014, est retardé. Le cours de l’action baisse encore jusqu’à 50 centimes d’euro le 31 octobre 2014, avant de se stabiliser un peu au-dessus de 40 centimes. Fin décembre 2014, Agrogénération est contraint de s’adresser au tribunal de commerce de Paris pour avoir l’autorisation de mettre en oeuvre des mesures de sauvegarde. Le résultat net de l’année est de -21,7 millions d’euros. La solution qui est trouvée consiste à convertir la dette des obligations classiques qui doivent être remboursées en cash, par une dette d’OSRANEs (Obligations Subordonnées Remboursables en Actions Nouvelles ou Existantes) en 2019. Agrogénération obtient le soutien d’Alfa-Bank Ukraine (laquelle est soutenue par le FMI) de la BERD (Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement). La conversion est réalisée le 31 mars 2015.

Les chiffres des rendements agricoles (rdt et yield) sont particulièrement intéressants (agrogeneration.com/2014 pdf et agrogeneration.com/2015 pdf) :

Rapport de gestion du 5 juin 2014, page 3.

Rapport de gestion du 5 juin 2014, page 4.

Rapport du 26 octobre 2015, page 4.

“L’optimum est à 53 quintaux [5,3 t] équivalent blé à l’hectare”, “43 quintaux [est] près de l’équilibre financier” déclarait Charles Beigbeder en 2010 (lefigaro.fr). Or les chiffres des tableaux montrent que les rendements sont insuffisants. De plus, ils n’augmentent pas, malgré tous le savoir-faire et toute la technologie occidentale, qui est mise en oeuvre depuis plusieurs années.

Conclusion : L’agriculture ukrainienne est un secteur difficile. Croire qu’il y aurait un fort potentiel à cause de la supériorité occidentale serait faire preuve d’arrogance. Le climat continental et la steppe peuvent contrarier les espoirs de rendements de ceux qui ne connaissent pas le terrain.

 

LUNDI 26 OCTOBRE 2015

Après les élections régionales de dimanche 25 octobre. Il y a tellement d’infos diverses qu’il est difficile de faire une synthèse. Nous nous contenterons de dresser une liste d’exemples, révélatrice de la situation politique du pays au niveau régional.

- Le parti “Bloc d’opposition” dénonce des falsifications à Odessa aussi (pravda.com.ua).

- Grigorij Touka, gouverneur de l’oblast de Lougansk, n’exclut pas que les élections tenues à Roubijnoe et à Severodonetsk doivent être annulées (pravda.com.ua).

- Iouri Loutsenko, chef du groupe parlementaire du Bloc Petro Porochenko à la Rada, promet un bon “nettoyage” du parti à la suite des prestations lamentables de ses membres aux élections régionales (pravda.com.ua).

- Dans l’oblast de Kiev, le ministère de l’intérieur a ouvert quatre procédures pour violation des lois électorales (pravda.com.uamvs.gouv.ua).

- Lundi 26 octobre, la coalition décidera de ce qu’il convient de faire pour les élections régionales de Marioupol (rappelons qu’à la suite d’une multitude d’incidents, ces élections pourraient être remises au 15 novembre prochain) (pravda.com.ua, ukranews.com).

- Annulation des élections locales à Lisitchansk dans l’oblast de Lougansk (pravda.com.ua).

- Le Comité des électeurs d’Ukraine évoque de très fortes menaces sur l’honnêteté des décomptes aux élections (pravda.com.ua). Anatoli Boïko, président de l’organisation “Comité des électeurs ukrainiens” pour l’oblast d’Odessa, a déclaré : “Nous constatons l’absence massive de copies des procès-verbaux de décompte des voix dans les bureaux de vote”  (ukrinform.ru).

- Dans l’oblast de Kiev, l’OPORA affirme que toute la population d’un village a voté sans avoir à présenter de papiers d’identité (pravda.com.ua). Il s’agit de Pотiеvка, un village de la région de Biélotsierkovski, où 465 électeurs sur 590 inscrits ont voté, un score élevé quand la participation d’ensemble n’a pas dépassé 36%.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe juge que les élections régionales ukrainiennes se sont bien déroulées “hormis quelques anomalies par rapport au droit”, d’après le média Eurointegration.

L’OSCE a vu des pilleurs ukrainiens dans un camion militaire

Le 25 octobre 2015, à 41 km au nord-ouest de Donetsk, les observateurs de l’OSCE rencontrent un groupe de 16 femmes et 8 hommes qui disent avoir été forcés de quitter la ville de Peski, en zone gouvernementale près de l’aéroport de Donetsk. Ils se plaignent du pillage de leurs biens et de l’occupation de leurs maisons. Un peu plus tard, à 6 km à l’ouest de Peski, les observateurs de l’OSCE voient un camion militaire venant de Peski contenant 4 personnes emportant des meubles, des matelas et des encadrements de fenêtre. Arrivés à Peski, les observateurs trouvent des maisons ouvertes avec des vêtements par terre, des photos, et d’autres objets personnels éparpillés. Ils notent aussi la présence de militaires installés dans des maisons privées (osce.org).

 

MARDI 27 OCTOBRE 2015

Une interview du procureur général Chokine

Le procureur général Victor chokine (Шокин) explique que ce n’est pas facile de lutter contre la corruption (ukranews.com). Il raconte qu’il gène beaucoup de personnes, qu’il doit se déplacer en voiture blindée car il reçoit des menaces. Il justifie la création de nouveaux fichiers des propriétaires de biens immobiliers et de véhicules en disant que ceux qui n’ont rien à cacher n’ont rien à craindre. Par ailleurs, il dément la rumeur d’un conflit avec le ministère des affaires étrangères, Pavel Klimkin (pravda.com.ua).

Un haut-fonctionnaire kievien arrondissait ses fins de mois

Le Parquet général a découvert qu’un ancien haut-fonctionnaire de la Police routière de l’oblast de Kiev, Alexandre Iershov, régnait sur des parkings, des kiosques à journaux et des salons de coiffure (pravda.com.ua). Iershov se servait d’organisations caritatives : “Mouvement contre les dangers de la route” et “BDP-Universal”. Il a été limogé après la publication d’un article montrant le train de vie luxueux que menaient sa fille et sa famille (pravda.com.ua, les photos publiées dans l’article parlent d’elles-mêmes).

Cargill va s’implanter à Odessa avec l’argent de la BERD 

La BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) s’apprête à financer la construction d’un terminal céréalier près d’Odessa, qui sera exploité par le géant américain de l’agroalimentaire, Cargill (interfax.com.ua).

 

MERCREDI 28 OCTOBRE 2015

Odessa, arrestations en marge des élections

Ce mercredi, vers trois heures du matin, la milice a arrêté deux candidats à la députation membres du parti “Confiance dans l’action”, Dmitri Pestrouïev et Oleg Kireïev (pravda.com.ua et zn.ua).

Le ministère de la santé n’aura plus le droit d’acheter les médicaments

Lors d’une assemblée du gouvernement mercredi 28 octobre, Arseni Yatseniouk a annoncé que le ministère de la santé va être privé de l’une de ses fonctions, l’achat de médicaments. Ce serait, semble-t-il,une mesure destinée à limiter les tentations de certains de se servir au passage dans l’argent public en prenant leur “commission”. C’est une agence spéciale qui aura cette charge.

 

JEUDI 29 OCTOBRE 2015

Justice

Le ministre de l’intérieur, Arsen Avakov, déclare sur sa page facebook qu’il faudrait révoquer tous les juges d’Ukraine et les remplacer par des juges neufs et plus jeunes (pravda.com.ua).

L’adjointe du ministre, Natalia Sevostianova, déclarait en avril 2015 que 70% des décisions de justice en Ukraine ne sont absolument pas respectées, en tout impunité (replyua.net). Au nombre des raisons pour lesquelles les agents de l’état ne contrôlent pas l’application des décisions du tribunal, Sevostianova a cité des traitements peu élevés, avec pour conséquence une absence de motivation au travail. La collaboratrice du ministre a également fait remarquer que l’application des décisions de justice est un processus opaque, sur lequel on informe très mal le public. L’activité de l’organisme lui-même ne possède pas de fondements législatifs effectifs et manque complètement de coordination électronique avec les autres organes du pouvoir.

Le premier ministre Arseni Yatseniouk avait décidé en mars 2015 de les augmenter (unn.com.ua) “Nous allons donner des salaires élevés à ces juges d’instruction qui instruisent des affaires particulièrement importantes. Le ministre Avakov a proposé 30.000 gryvnas par mois”. En septembre 2015 Porochenko s’est décidé à une réforme radicale du système judiciaire (novosti.dn.ua).

 

Baisse de la monnaie après les élections

Ce graphique de Yahoo Finance montre que le dollar est passé de 21,043 UAH pour 1 USD le dimanche 18 octobre à 23,000 UAH le jeudi 29 octobre. Il montre aussi la très forte hausse qui s’était produite le 5 février 2015 passant de 16,210 à 33,910 le 27 février, avant de redescendre et de se stabiliser entre 20 et 23 UAH depuis le 5 mars.

Des mouvements de change se produisent souvent après des élections, et c’est le cas actuellement. Depuis le début de la semaine, le dollar a augmenté de 196 kopecks sur le graphique ci-dessus. Le ministre du Développement économique et du Commerce, le lituanien Aivaras Abromavicius, a déclaré “Nous stabilisons pleinement la situation Мы полностью стабилизировали ситуацию” (capital.ua). Trois semaines plus tôt, le 7 octobre, des craintes avaient commencé à apparaître après le message pessimiste de Serguiï Arbuzov (Арбузов), Premier ministre par intérim du 28 janvier au 22 février 2014, qui avait souligné que le FMI prévoyait une inflation de 50% en 2015, ce qui implique une baisse de la hryvna (capital.ua). La hausse est encore plus forte sur le marché noir, puisque le dollar s’y achète à 24,62 UAH (capital.ua). Il est normal d’avoir des taux de change différents selon les courtiers, mais cela devient anormal quand l’écart avec le cours officiel devient important. La présidente de la Banque nationale d’Ukraine (Нацбанк Украины), Valeria Gontareva (Гонтарева), ne parle pas de lutter contre l’inflation, mais de renforcer le contrôle du marché des changes. Actuellement, le marché “gris” ou “noir” est principalement dû à 4 institutions non-bancaires : La Financière Ukrainienne (Украинская финансовая), Absoliout Finance (Абсолют Финанс), GGLA (ГГЛА) seulement à Kiev, et Finod (Финод) à Odessa. Les Ukrainiens y échangent leur argent bien que le dollar y soit plus cher, parce qu’ils ne sont pas limités à 3000 UAH (115 euros), et parce que les formalités administratives y sont réduites (capital.ua).

Pas d’accords pour la restructuration de la dette ukrainienne envers la Russie

Le 9 octobre 2015, à l’issue du sommet de Lima, un accord semblait avoir été trouvé, mais il n’en est rien. La Russie se dit prête à porter l’affaire devant les tribunaux, qui seraient anglais en l’occurrence, si l’Ukraine ne rembourse pas les Eurobonds en décembre 2015 comme prévu. Outre les ennuis judiciaire, le défaut pourrait poser des problèmes lors de l’émission de nouvelles obligations alors que Kiev en aurait besoin en décembre pour obtenir une tranche de 1,7 milliards de dollars du FMI, une aide de l’UE de 670 millions de dollars, et un prêt du Japon de 300 millions de dollars (interfax.com.ua). Mais le porte parole du FMI, Gerry Rice, a déclaré à Washington que le FMI pourrait accorder la tranche malgré un défaut sur la dette russe, en changeant une règle du FMI qui exclut la possibilité d’un financement supplémentaire en cas d’une dette envers les créanciers officiels (interfax.com.ua et imf.org).

 

VENDREDI 30 OCTOBRE 2015

Jet de grenade à Lviv

Une grenade a été jetée dans la cour de la maison du maire de Lviv, Andriï Sadoviï, jeudi vers 23 heures (pravda.com.ua). Un homme a aussitôt été arrêté par les vigiles. Il s’appelle Alexandre Zhivinski et avait sur lui trois grenades. C’est un membre du bataillon “Aïdar”, unité qui a déjà beaucoup fait parler d’elle sur le plan de la violence envers les civils. Interrogé, l’homme a déclaré qu’il avait fait cela pour protester contre le “pouvoir des gens aisés”, mais qu’il n’avait rien contre Sadoviï lui-même. Neuf mois plus tôt, le 26 décembre 2014, un ou plusieurs inconnus avaient déjà lancé contre cette maison une grenade qui avait causé des dégâts matériels. Il n’y avait pas eu d’arrestation. Donc il est possible que l’auteur fut le même.

Elections régionales (suite)

A Odessa, la victoire de Guénadi Troukhanov a fortement mécontenté le gouverneur de l’oblast, Mikheïl Saakashvili, ainsi que son conseiller Alexandre Borovik, qui était candidat à la mairie. Borovik a tenté d’obtenir un recomptage des voix, mais le tribunal d’Odessa qu’il avait saisi a rejeté sa demande (pravda.com.ua).

Le maire de Lviv, Andriï Sadoviï, qui est en même temps le chef du parti Samapomichtch déclare que son parti a dépensé 80% de son budget pour soutenir la candidature de Sergueï Goussovski à la mairie de Kiev, objectif qu’il n’a pas atteint, puisqu’il ne participera même pas au second tour. Selon Sadoviï, il aurait mieux valu qu’il se présente, car les élections de cette année, avec la formule selon laquelle elles se déroulaient, demandaient une expérience particulière (sous-entendu : que Goussovski ne possédait pas).

Explosion d’un dépôt de munitions des FAU

Au moins deux morts et huit blessés graves, dont 4 civils, à la suite d’une explosion et d’un incendie dans un dépôt contenant 3.500 tonnes de munitions, dans la ville de Svatovo, au nord de Severodonetsk en zone gouvernementale de l’oblast de Lougansk. En tout, 35 immeubles ont été endommagés (interfax.com). Le SBU qualifie cet événement d’acte terroriste (novosti.dn.ua).

Les USA ne sont pas contents de leur protégé

L’ambassadeur des USA en Ukraine, Geoffrey Payett, a parlé à Kiev lors de l’inauguration d’une conférence pour hommes d’affaires “USA-Ukraine” (pravda.com.ua). “Il faut que le Parquet général cesse de saboter les réformes, de protéger les procureurs de son effectif qui sont corrompus, comme par exemple les “procureurs à brillants” qui ont été arrêtés en juillet, et aussi arrêter de bloquer les enquêtes pénales pour corruption, connivence et arrangements politiques”, a déclaré Payett. “Le parquet général d’Ukraine se refuse à lutter contre la corruption intérieure qui sabote les réformes que mènent les autorités”, a-t-il déclaré aussi.

 

SAMEDI 31 OCTOBRE 2015

A Kiev, le second tour des élections opposera Vitali Klitscho et Borislav Bereza

Vitali Klitschko arrive en tête avec 353 312 voix (40,6%). Borislav Beriosa arrive second avec 77 029 voix (8,8%). Pas très loin derrière, se trouvent l’ancien maire de Kiev, Olexandre Pmieltchenko avec 73 725 voix (8,5%),  Vladimir Bondarenko, candidat de Baktivchina, avec 68.460 voix 7,9%, et Sergueï Gousovski, candidat de Samopomichtch avec 67.197 voix, soit 7,7%. Borislav Beriosa du Parti des citoyens résolus, est un ex-commandant du bataillon de volontaires Dniepr-1. Le 4 novembre 2014, il avait promis qu’avec son bataillon, il prendrait Moscou. Il fut chef du département de l’information de Praviï Sektor de février à décembre 2014.

Analyse des élections par Xavier Moreau

 

DIMANCHE 1er NOVEMBRE 2015

Un site ukrainien spécialement dédié aux pétitions

Le pouvoir ukrainien vient de mettre en ligne un site destiné à recueillir les pétitions électroniques et les communications provenant des citoyens. (pravda.com.ua). Ce portail, nommé “Е-петиция” (E-Pétition), commencera de fonctionner le 2 novembre. Adresse : https://petition.kievcity.gov.ua/ Cette ouverture fait suite à une décision prise le 8 octobre dernier par le Conseil de Kiev. Après son enregistrement sur le site, une pétition devra atteindre 10.000 signatures dans un délai de trois mois à partir de sa publication pour pouvoir être examinée. Ensuite, les organismes ou les personnes en position de responsabilité à qui elle est adressée l’examineront. Par la suite, elle sera étudiée par les commissions permanentes du Conseil de Kiev concernées, puis en séance plénière par le Conseil lui-même. Si une pétition n’atteint pas la quantité requise de signatures électroniques, son auteur pourra la proposer à nouveau sur le site.

Blanchiment d’argent à Nikolaïev

Le SBU a encore fermé un “centre de conversion”, officine qui utilise des systèmes de fausses factures ou d’entreprises fictives pour obtenir de l’argent liquide. Celui-ci avait un “chiffre d’affaires ” de 300 millions de hryvnas (epravda.com.ua). Nous avions publié une nouvelle à ce sujet il y a quelque temps.

 

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-05112015/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 4 November 2015 at 04:19

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: “Les marchés entendent ce qu’ils veulent entendre” – 02/11

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): La FED montera-t-elle ses taux avant la fin de l’année ? – 02/11

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): L’économie européenne est-elle passée d’un sommeil profond à une somnolence ? – 02/11

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: “Les banques centrales sont obligées d’inventer des concepts” – 28/10

Philippe Béchade VS Stanislas De Bailliencourt (1/2): “Les banques centrales sont obligées d’inventer des concepts pour masquer le fait que les QE n’ont aucun des effets annoncés” – 28/10

Philippe Béchade VS Stanislas De Bailliencourt (2/2): Le moment est-il opportun pour investir en Bourse ? – 28/10

Les indés de la finance: “La meilleure performance enregistrée par le Cac 40 au mois d’octobre relève du miracle pur”, Philippe Béchade – 30/10

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir: “il y a toujours une très fort…” – 03/11

Les points sur les “i”: Jacques Sapir: “La Chine est consciente de la nécessité de faire baisser la pollution aux aérosols” – 03/11


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-04112015/


Grèce : comment renflouer les banques ? Par Romaric Godin

Wednesday 4 November 2015 at 02:39

et hop, 14 milliards d’euros, et un risque ENORME pour les gros investisseurs privés too big to fail, qui appelleront à l’aide en cas d’inévitable problème…

Source : Romaric Godin, La Tribune, 02/11/2015

Les banques grecques auront besoin de 14,4 milliards d’euros. (Crédits : Reuters)

La BCE a estimé les besoins de capitaux des banques grecques à 14,4 milliards d’euros. Un mécanisme complexe devrait être choisi pour préserver les intérêts des investisseurs privés et des contribuables européens. 

Les banques grecques ont jusqu’à vendredi 6 novembre pour faire connaître les moyens par lesquels elles entendent trouver 14,4 milliards d’euros nécessaires à leur recapitalisation. Samedi 31 octobre, la BCE – agissant en tant que superviseur unique bancaire de la zone euro – a en effet publié le résultat de sa revue de la qualité des actifs (Asset Quality Review ou AQR). Dans le scénario de base, conforme aux prévisions macroéconomiques du mémorandum signé à la mi-août entre la Grèce et ses créanciers, les besoins des banques grecques sont estimés à 4,4 milliards d’euros. Dans un scénario plus difficile, la BCE estime ce besoin est estimé à 14,4 milliards d’euros. C’est ce chiffre qui sera retenu comme référence pour recapitaliser les banques grecques.

La mécanique du renflouement

Cette estimation correspond aux attentes du marché et est nettement inférieure à la somme de 25 milliards d’euros que les créanciers avaient mis à disposition des banques grecques dans le cadre du mémorandum. Selon les informations publiées dans la presse grecque et internationale ce week-end, la recapitalisation du secteur devrait être réalisée en trois parties. Les levées de fonds privées et certaines ventes d’actifs (notamment, selon le site grec Macropolis, d’une partie importante de la filiale turque de la Banque Nationale de Grèce, Finansbank) devraient rapporter 4,4 milliards d’euros.

Parallèlement, le Mécanisme européen de Stabilité (MES) devrait verser au Fonds hellénique de stabilité financière (HFSF) 10 milliards d’euros pour compléter les besoins bancaires. Mais 25 % seulement de cette somme prendra la forme d’une prise de participation du HFSF dans les banques. Les 75 % restants prendront la forme d’un instrument financier, les « Contigents convertibles », plaisamment appelées « CoCos » sur les marchés. Ces « CoCos » sont des obligations dites « hybrides » : ce sont des prêts comptabilisés comme du capital. Pourquoi ? Parce que, dans certaines situations précisées par contrat, ces obligations sont automatiquement converties en capital, autrement dit en actions.

Pourquoi les CoCos ?

Pourquoi avoir recours aux « CoCos » qui, sur les marchés, sont considérés comme des titres assez risqués pour les investisseurs ? Pour deux raisons. La première répond à l’obsession des créanciers : épargner l’engagement des contribuables. Si la situation des banques grecques reste sous contrôle, autrement dit si le « scénario central » se confirme, cette somme sera remboursée au HFSF puisqu’il s’agit d’obligations, et donc au MES. In fine, la somme directement et effectivement versée dans le secteur financier hellénique ne sera donc que de 2,5 milliards d’euros. Deuxième raison : en réduisant la recapitalisation directe par l’État, on réduit la dilution des autres actionnaires des banques grecques et on les incite de cette façon à abonder dans l’augmentation de capital privé. On espère ainsi pouvoir réduire les besoins couverts par le HFSF et donc par le contribuable européen.

Préserver les investisseurs privés

Les discussions de cette semaine viseront donc à établir la part des Cocos dans le montant mis à disposition du HFSF. Plus il sera important, plus les investisseurs privés seront prompts à réinvestir dans les banques grecques. Les banques, de leur côté, ont fait savoir qu’elles désiraient avoir le plus possible recours aux fonds privés. Samedi, un des investisseurs d’Eurobank, une des quatre banques grecques, le milliardaire étatsunien William Ross, a prévenu qu’il ne voulait pas investir dans une banque « nationalisée. » Il a donc demandé l’usage des Cocos. La justification de William Ross est intéressante, car elle place le problème sur le plan de la responsabilité morale de la situation. « Puisque ce sont les actions du gouvernement grec qui ont conduit à la mise en place du contrôle des capitaux et que cette mise en place à conduit à ce besoin de capital, cela n’aurait aucun sens pour le gouvernement de diluer les actionnaires des banques », a-t-il expliqué.

Le gouvernement grec marginalisé

Pour William Ross, c’est donc l’action du gouvernement grec qui a conduit à ce besoin de recapitalisation. Il est donc logique que ce gouvernement paie pour ces nouveaux besoins (les fonds du HFSF sont des prêts du MES à Athènes), mais sans nuire aux intérêts des investisseurs privés qui n’ont aucune responsabilité dans la situation. Cette lecture est, en réalité, aussi celle des créanciers de la Grèce. Dans le projet de loi sur la recapitalisation bancaire qui a été imposée par le mémorandum et qui sera votée samedi selon la procédure d’urgence, la marge de manœuvre de l’Etat grec est réduite à néant. Le conseil du HFSF comprendra ainsi trois représentants des créanciers, un de la Banque de Grèce et deux du gouvernement, qui sera donc minoritaire. Il n’y a donc en réalité aucun risque de « nationalisation » comme le prétend William Ross.

La question de la responsabilité

Quant à la question de la responsabilité, elle est évidemment sujette aux interprétations des uns et des autres. L’AQR de la BCE évalue la dégradation des créances douteuses des banques grecques, autrement dit des prêts susceptibles de ne pas être remboursés à 7 milliards d’euros supplémentaires par rapport au précédent AQR réalisé voici un an. A cela s’ajoute la perte de valeur des « collatéraux », autrement dit des titres utilisés par les banques pour couvrir son passif. Enfin, la BCE précise que les besoins ont été « amplifiés » par les modifications méthodologiques de ces revues. L’essentiel de cette dégradation est dû, comme le dit William Ross, à l’imposition du contrôle des capitaux et les trois semaines de fermeture des banques décidées par le gouvernement grec le 28 juin. L’économie grecque s’est alors mise à l’arrêt, provoquant ces dégradations.

La responsabilité des créanciers

Mais la réalité est évidemment plus complexe. Ce contrôle des capitaux est le fruit du refus de la BCE d’augmenter les liquidités d’urgence aux banques grecques. Et ce refus lui-même s’inscrit dans le bras de fer entre la Grèce et ses créanciers et, notamment, par la décision d’Alexis Tsipras d’appeler à un référendum sur les propositions des créanciers. Ce serait donc en raison de ce référendum que les banques doivent aujourd’hui être recapitalisées. Mais, là encore, ce serait oublier plusieurs éléments. D’abord, le fait que la Grèce avait fait entre le pré-accord du 20 février et le 27 juin avait proposé plusieurs éléments de compromis, tous rejetés.

Le dernier plan grec, datant du 22 juin, incluait même des baisses de pensions, longtemps réclamées par les créanciers. Mais ces derniers voulaient une victoire politique, ils sont donc rejeté ce plan comme les autres, alors même que, via des rumeurs et des informations quotidiennes sur les retraits, les banques se vidaient de leurs dépôts. Les créanciers ont clairement utilisé l’arme des banques – le point faible de la Grèce – contre Athènes, et c’est bien la raison principale pour laquelle il faut renflouer ces établissements aujourd’hui. Du reste, la BCE qui avait la maîtrise du HFSF, encore doté alors de 11 milliards d’euros, avant le 30 juin, a refusé de renflouer les banques grecques comme elle en avait le droit après l’accord du 20 février. Elle a préféré utiliser la liquidité d’urgence comme moyen de pression. De ce point de vue, l’engagement des contribuables de la zone euro est logique : ils paient là le prix de la stratégie politique de leurs dirigeants qu’ils ont démocratiquement choisis.

La responsabilité des investisseurs privés

Par ailleurs, William Ross et les autres investisseurs privés ont fait confiance à l’AQR de la BCE d’automne 2014. Or, cet AQR s’est révélé inopérant face au scénario du risque politique, ce qui, du reste, devrait rendre cet exercice sujet à caution pour l’avenir. Les investisseurs privés ont donc sous-estimé le risque d’une erreur de la BCE et la fragilité réelle du secteur financier grec. Ils n’ont pas évalué le risque politique, pourtant évident dans un pays soumis à une politique d’austérité rejetée par la population. En sous-estimant le risque politique et la fragilité des banques grecques, ils ont sous-estimé l’utilisation par les créanciers des banques grecques comme une arme contre le pouvoir politique grec. Bref, l’investissement de William Ross était un investissement bien hardi. Il serait donc logique qu’il fût dilué. Au final, le scénario officiel de la responsabilité unique du gouvernement Tsipras I arrange tout le monde et permet de ménager les intérêts des uns et des autres, Etat grec excepté, évidemment.

Débat sur les expulsions

Car, en marge de cette question de la recapitalisation des banques demeure la question des expulsions des ceux qui ne peuvent honorer les traites de leurs crédits immobiliers. Les créanciers voudraient abaisser le niveau à partir duquel on peut expulser, fixé aujourd’hui à des biens supérieurs à 250.000 euros. Le but des créanciers est simple : en expulsant davantage, on peut réduire les besoins des banques puisque davantage de créances douteuses sont « réalisées. » On réduit donc les besoins de fonds européens et on laisse plus de place aux investisseurs privés. C’est aujourd’hui un des points principaux d’achoppement de la discussion entre le gouvernement grec et ses créanciers.

Mais le temps presse. D’abord parce que sans banques fonctionnelles, l’économie grecque ne repartira pas. Ensuite, parce que la recapitalisation des banques doit être achevée avant le 31 décembre. Pour une raison simple : au-delà de cette date s’appliquera la directive de résolution de l’union bancaire. Or, dans cette directive, ce sont les créanciers des banques – donc les investisseurs privés – qui seront mis à contribution. On aura compris que ce n’est pas la stratégie menée. C’est même ce que l’on cherche à éviter. D’où ce paradoxe : les créanciers de la zone euro, qui prétendaient que l’Union bancaire était une solution, cherchent aujourd’hui à éviter l’application de cette union.

 

Source: http://www.les-crises.fr/grece-comment-renflouer-les-banques-par-romaric-godin/


L’Empire le plus bête du monde, par Dmitri Orlov

Wednesday 4 November 2015 at 00:07

 Un article pour sourire un peu, mais qu’on lira avec le recul habituel…

Source : Club Orlov, le 06/10/2015

 

Je ne peux pas m’empêcher de remarquer que ces dernières semaines l’Empire est devenu extrêmement bête – si stupide que je pense qu’il mérite le titre d’Empire le plus bête du monde. Certains pourraient prétendre qu’il a été stupide par le passé, mais les récentes évolutions semblent montrer un saut gigantesque dans son degré de bêtise.

La première très grosse bêtise a fait surface quand le général Lloyd J. Austin III, le chef du commandement central des États-Unis, a indiqué à un comité sénatorial que seul un très petit nombre de combattants syriens entraînés par les États-Unis – pas plus de cinq peut-être – combattaient encore. La facture pour les entraîner et les équiper a été de 500 millions de dollars. Cela fait 100 millions par combattant mais tout va bien tant que les sous-traitants militaires sont payés. Les choses sont devenues encore plus embarrassantes quand il s’est avéré par la suite que ces quelques rares combattants s’étaient fait cambrioler par ISIS/Al-Qaïda (quelle que soit la manière dont ils s’appellent) et avaient perdu armes et véhicules.

Général Ausin

 

Le Général Austin reprend le rôle du Lt. Général Casey dans le film Mars Attacks de Tim Burton ! C’était déjà un rôle très stupide, mais son rôle actuel constitue une nette progression, en termes de niveau hiérarchique comme en termes de degré de bêtise.

Lieutenant Général Casey
Mars Attacks!

L’épisode de stupidité suivant s’est déroulé devant l’assemblée Générale des Nations-Unies quand Obama, qui s’est exprimé durant 30 minutes au lieu des 15 accordées (M. le stupide Président sait-il au moins lire une montre ?), a réussi la performance d’utiliser tout ce temps pour ne dire absolument rien de sensé pour qui que ce soit.

Mais c’est le discours de Poutine qui a exposé aux yeux de tous la bêtise de l’Empire, lorsqu’il a sermonné les ÉU pour avoir fait du Moyen-Orient le théâtre d’un bain de sang avec leurs interventions maladroites. La phrase, maintes fois relayée « Comprenez-vous ce que vous avez fait ? » n’est cependant pas tout à fait exacte. La phrase russe « Вы хоть понимаете теперь, чего вы натворили? » peut être plus précisément traduit par « Comment ne pouvez-vous pas, même aujourd’hui, comprendre quelle monstrueuse pagaille vous avez provoquée ? » Les mots ont leur importance. Ce n’est pas de cette manière qu’on s’adresse à une super puissance devant une assemblée de leaders mondiaux ; c’est ainsi qu’on réprimande un enfant stupide et capricieux. Aux yeux du monde entier, cela donne l’image d’un Empire plutôt idiot.

Ce qui s’est produit ensuite est l’annonce par la Russie du début de sa campagne de bombardements contre toutes les types de terroristes en Syrie (et peut-être en Irak aussi, la demande irakienne est dans la boite mail de Poutine). Ce qui est remarquable avec cette campagne de bombardements, c’est qu’elle est entièrement légale. Le gouvernement syrien, légitimement élu, a demandé l’aide de la Russie. La campagne a été approuvée par le parlement russe. De l’autre côté, la campagne de bombardement menée par les États-Unis est totalement illégale. Il n’existe que deux possibilités pour bombarder légalement le territoire d’un autre pays : 1 – une demande provenant du gouvernement de ce pays. 2 – une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU. Les ÉU n’ont obtenu ni l’une, ni l’autre.

Pourquoi est-ce important ? Parce que l’ONU, avec son Conseil de Sécurité, a été créée pour éviter les guerres, en empêchant les nations d’entrer dans des conflits militaires sans devoir assumer toutes sortes de répercussions économiques et politiques. Après la Seconde Guerre mondiale, on s’est dit que les guerres étaient horribles et que quelque chose devait être fait pour les éviter. Mais les États-Unis estiment que cela n’est pas vraiment nécessaire. Lorsqu’un correspondant de presse russe (Gayane Chichakyan de RT) a demandé au porte-parole de la Maison Blanche sur quelle base légale les ÉU bombardaient la Syrie, il a commencé par faire semblant de ne pas comprendre la question, puis bredouillé de manière incohérente, en apparaissant plutôt ridicule. Voyez-vous, les États-Unis aiment faire la guerre (ou plus précisément, leurs sous-traitants militaires aiment faire la guerre, parce que cela leur permet de s’enrichir et de contrôler une grande partie du gouvernement américain). Mais les États-Unis ne peuvent gagner aucune guerre, ce qui rend l’ensemble de leur effort de guerre plutôt stupide (de manière meurtrière).

Malgré les réticences américaines, l’ONU empêche les guerres de fait. Récemment, elle a empêché les États-Unis de mettre en place une « frappe limitée contre le régime Assad en réponse à l’utilisation éhontée d’armes chimiques ». Cela a été facilité par le jeu adroit de la diplomatie russe, qui a abouti à ce que la Syrie abandonne volontairement son stock d’armes chimiques. Négligeant la diplomatie, les ÉU ont tiré quelques missiles de croisière en direction de la Syrie, mais les Russes les ont promptement éliminés du ciel, obligeant le Pentagone à repenser de façon majeure sa stratégie, et, bien sûr, ridiculisant les États-Unis.

Mais une fois qu’on s’est ridiculisé soi-même, pourquoi s’arrêter ? Effectivement, Obama n’affiche aucunement l’intention d’en rester là. A peu près toute l’assemblée générale de l’ONU savait que l’attaque chimique du gouvernement syrien contre son propre peuple n’avait jamais existé. Les produits chimiques ont été fournis par les Saoudiens et involontairement utilisés par les rebelles syriens contre eux-mêmes. Mentir, lorsque tout le monde sait que vous mentez, et sait que vous savez que vous mentez : est-il possible d’ être plus stupide encore ?

OK. Et à quoi bon parler continuellement, à tort et à travers, de « la liberté et la démocratie » au Moyen-Orient, après avoir plongé toute la région dans le chaos à travers leurs interventions de lobotomisés ? La seule voix de la raison aux États-Unis semble être celle de Donald Trump, qui a récemment déclaré que le Moyen-Orient était plus stable sous Saddam Hussein, Moammar Khaddafi et Bachar al-Assad. C’était effectivement le cas. Le fait que le seul politicien non-stupide qui reste aux États-Unis soit Trump – ce sac à fric pompeux – place très haut le niveau de bêtise de l’ensemble du pays.

Parler à tort et à travers de « la liberté et la démocratie » au Moyen-Orient est également stupide car l’ensemble de la région est tribal – l’a été depuis quelques milliers d’années, et le sera pour quelques milliers d’années encore. Dans chaque localité, une tribu est au-dessus des autres. Si l’idée est de la découper en unités territoriales souveraines (aucune d’entre elles ne se désigne en tant que nation, car chacune finit par être multinationale), alors chaque unité territoriale s’avérera être gouvernée par une tribu pendant que les autres renâcleront. Faire des bourdes et exploiter la grogne pour provoquer un « changement de régime » – et automatiquement l’ensemble de la région s’enflamme.

Israël en est un bon exemple : une tribu y fait la loi, les Juifs. Ils peuvent flinguer ou bombarder n’importe qui d’autre dans la plus totale impunité. Le pays est considéré comme « démocratique » pour la bonne raison que les Juifs ont le droit de vote, ce qui est très bien pour les Juifs. Les Alaouites de Syrie peuvent voter eux aussi – et voter pour Bachar al-Assad ; pourquoi est-ce que cela ne suffit pas ? À cause de l’hypocrisie des Américains et de leur « deux poids, deux mesures ».

Et ainsi de suite. L’Arabie Saoudite est aux mains d’une tribu, la Maison des Saoud, et tout les autres sont privés de droits civils. L’Irak était autrefois dirigé par les Sunnites de la tribu de Saddam Hussein, mais les Américains les ont délogés, et ce qui en reste est maintenant dirigé par les Chiites du Sud, tandis que les Sunnites en sont partis et ont rejoint Daesh. Tout cela peut paraître super simple, mais pas pour les Américains, parce que cela va à l’encontre de leur idéologie, selon laquelle l’ensemble du monde doit être remodelé à leur image. Et donc ils continuent d’essayer de le faire (ou prétendent essayer de faire, car les résultats ne comptent pas vraiment, tant que les fournisseurs d’armes et de mercenaires continuent à être payés) et ils n’ont visiblement pas l’air de se préoccuper le moins du monde de l’air particulièrement stupide que cela leur donne.

Et ainsi se dessine le schéma typique : les États-Unis bombardent un pays jusqu’à en faire un tas de ruines fumantes, préparent une invasion terrestre, mettent en place un régime fantoche, et, plus ou moins rapidement, se retirent. Le régime fantoche s’écroule, et vous voilà face soit à un chaos ingouvernable ou à une forme passablement vilaine de dictature, soit un peu des deux : un État inexistant, comme la Libye, le Yémen, une bonne partie de l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie. Peu importe au fond un tel résultat (du moins tant que les vendeurs d’armes continuent à être payés), dans la mesure où le leitmotiv de l’Amérique semble être : « Ayons l’air de crétins et continuons comme ça ». Détruisez un pays – et en avant pour la prochaine campagne de bombardements.

Mais c’est ici que l’ensemble en devient absolument stupide : ils ne peuvent pas même y parvenir en Syrie. Cela fait un an maintenant que les Américains bombardent Daesh ; et dans le même temps, Daesh est devenu plus fort et contrôle davantage de territoire. Mais ils ne se sont pas allés jusqu’à renverser Assad ; au lieu de ca, les gars de Daesh passent leur temps à se pavaner dans le désert en haillons noirs et baskets blanches, à prendre des selfies, exploser des sites archéologiques, réduire les femmes en esclavage et décapiter tous ceux dont la tête ne leur revient pas.

Mais il semble à présent que les Russes ont réussi en cinq jours ce que les Américains n’ont pas réussi en un an, et les gars de Daesh s’enfuient en Jordanie ; d’autres veulent aller en Allemagne et demandent l’asile. Ce qui a rendu les Américains furieux, parce que, voyez-vous, les Russes bombardent “leurs” terroristes – ceux que les Américains avaient recrutés, équipés et entraînés… puis bombardés ? Je sais, c’est débile – mais vrai. Les Russes ne connaîtront rien de tel, parce que leur approche est la suivante : si cela a l’air d’un terroriste, cancane comme un terroriste, alors c’est un terroriste, donc on le bombarde.

Mais on peut comprendre que cette perspective n’emporte pas l’adhésion des Américains : là, ils avaient soigneusement déversé des tonnes d’armes et matériel, en bombardant soigneusement dans les coins de façon à ne rien endommager, et voilà que les Russes déboulent et réduisent le tout en fumée ! Les Saoudiens sont absolument blancs de rage, étant donné qu’ils en avaient payé la majeure partie. Et en plus, les terroristes sont leurs frères wahhabites ou takfiris – ceux-là mêmes qui se plaisent à déclarer à bien d’autres musulmans qu’ils les considèrent comme des infidèles, en violation de leur propre Charia. Cela vous rappelle quelqu’un ? Quelqu’un de particulièrement débile ?

Mais il semble qu’il n’y ait rien que les Américains puissent faire pour arrêter les Russes, ou les Chinois, qui eux aussi veulent un morceau de Daesh comme part du gâteau, ou encore les Iraniens et les combattants du Hezbollah, prêts à marcher et à nettoyer ce qu’il restera de Daesh une fois que les missions de bombardement auront détruit tout le matériel de guerre qu’il avait amassé. Et il est donc temps pour les Américains de déclencher une guerre de l’information en accusant les Russes de causer des pertes civiles.

Bien sûr, en dignes Américains, il leur faut entreprendre cette guerre de l’information de la façon la plus débile possible. D’abord, faire état de vos informations sur des morts civiles avant même que les avions russes n’aient décollé. Oups ! Ensuite, vous inondez les médias sociaux de photos truquées d’enfants blessés, préparées à l’avance, avec des acteurs en casques blancs payés par George Soros. Et ensuite, lorsqu’on vous demande des preuves, refusez d’en fournir la moindre.

Jusqu’ici, tout va bien ; mais essayons de nous montrer encore plus stupides. Juste après avoir crié haut et fort que les Russes tuent des civils, les Américains détruisent un hôpital en Afghanistan dirigé par Médecins Sans Frontières, en dépit d’avoir été informés de sa localisation précise avant et pendant le bombardement. « Ne tuez pas de civils… voilà, comme ça ! » Peut-on se montrer plus débile que cela ? Bien sûr on peut : les États-Unis peuvent se mettre à mentir crûment et ouvertement : « Il y avait des Talibans cachés dans cet hôpital » – non, il n’y en avait pas. « Les Afghans nous ont dit de bombarder cet hôpital ! » – non, ils ne l’ont pas fait. Bombarder cet hôpital était un authentique crime de guerre – dixit l’ONU. Les Russes vont-ils se mettre à accepter des leçons de la part de criminels de guerre ? Ne soyez pas stupides, voyons !

Il est difficile de l’admettre, mais tout semble possible à présent. Ainsi, les États-Unis semblent ne plus avoir la moindre politique étrangère : la Maison Blanche dit une chose, le Département d’État une autre, le Pentagone une troisième ; Samantha Power, à l’ONU, fait sa propre politique étrangère via Twitter, et le sénateur John McCain veut armer les rebelles syriens pour qu’ils descendent les avions russes (Tous les cinq ? Ne sois pas stupide, John !). En réaction face à une telle confusion, les hommes politiques à la botte des États-Unis dans l’Union Européenne commencent à s’agiter de façon incontrôlable et ne respectent plus le scénario, pour la bonne raison que le centre nerveux à Washington ne leur envoie plus de signes cohérents.

Comment tout cela va-t-il finir ? Eh bien, puisque nous sommes en train de devenir tous stupides, qu’il me soit permis de faire une humble suggestion : les États-Unis devraient bombarder tout ce qui se trouve à l’intérieur du périphérique à Washington, plus quelques comtés de Virginie. Cela devrait sensiblement diminuer le potentiel de débilité du pays. Et si cela ne marche pas, et alors ? Après tout, il est clair que ce n’est pas le résultat qui compte. Tant que les marchands d’armes sont payés, tout va bien.

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/lempire-le-plus-bete-du-monde-par-dmitri-orlov/


La France a fourni des armes à la révolution syrienne dès 2012, explique François Hollande dans un livre

Tuesday 3 November 2015 at 02:29

Source : Robin Ferner, pour Slate.fr, le 6 mai 2015.

François Hollande avec Khaled Khodja, président de la coalition nationale syrienne. REUTERS/ Philippe Wojazer

François Hollande avec Khaled Khodja, président de la coalition nationale syrienne.

Le président français s’est confié au journaliste Xavier Panon, qui révèle que François Hollande a décidé de livrer des armes lourdes aux rebelles syriens, malgré l’embargo européen.

La France a fourni des armes à des groupes rebelles syriens dès 2012 alors que l’Union européenne avait imposé un embargo sur de telles livraisons. Et c’est le président Hollande qui le dit lui-même dans un livre à paraître le 13 mai aux Editions de l’Archipel, intitulé Dans les coulisses de la diplomatie française, de Sarkozy à Hollande, écrit par le journaliste Xavier Panon.

«Nous avons commencé quand nous avons eu la certitude qu’elles iraient dans des mains sûres», explique le chef de l’Etat à l’auteur du livre, en mai 2014. Les livraisons ont débuté dès la fin de l’année 2012, alors que l’embargo européen, établi à l’été 2011, est toujours en vigueur. Il ne sera levé qu’à la fin du mois de mai 2013.

Ce cavalier seul contraint l’Elysée à la prudence. Officiellement, la France se contente d’envoyer de l’équipement non-létal: gilets pare-balles, outils de communication cryptée, masques contre les armes chimiques, lunettes nocturnes. Mais c’est un tout autre matériel qu’elle dépêche sur place: canons de 20 mm, mitrailleuses, lance-roquettes, missiles anti-chars. Seuls les missiles anti-aériens restent tabous. François Hollande n’en enverra pas car ils s’avéreraient trop dangereux si des djihadistes venaient à s’en emparer.

Mille et une précautions

Les armes sont envoyées grâce aux soins de la DGSE (la Direction générale de la sécurité extérieure). Les Français marchent sur des œufs car il s’agit de s’assurer que les armes parviendront à la bonne destination… et que ces transferts ne seront pas surpris en flagrant délit par la communauté internationale. Les dates de livraison sont donc très irrégulières et les précautions nombreuses.

Il faut, tout d’abord, trouver des fournisseurs discrets, effacer les marques de la provenance des armes avant leur départ. Et puis, comment être certain qu’elles seront bien réceptionnées à l’arrivée par des hommes de l’armée syrienne libre, alors dirigée par le général Sélim Idriss, interlocuteur privilégié de l’Elysée? Les services français utilisent leurs propres réseaux, les autres leur paraissant moins fiables.

Sur la scène publique, la France s’enferre dans une valse-hésitation sur la question des armes. Une fois, le 15 mars 2013, l’Elysée tente de lever l’embargo européen et d’entraîner ses partenaires à envoyer des armes mais le 28, François Hollande rétropédale:

«Nous ne fournirons pas d’armes tant que nous n’avons pas la certitude que ces armes seront utilisées par des opposants légitimes et coupés de toute emprise terroriste.»

Si la diplomatie française est aussi embarrassée, c’est qu’elle se heurte aux atermoiements de ses alliés européens, mais aussi des Etats-Unis peu désireux de prendre part à un nouveau conflit au Moyen-Orient. D’autant que celui-ci devient de moins en moins lisible au fil des mois, au fur et à mesure de la montée en puissance des groupes djihadistes. L’affirmation sur le front anti-Bachar el-Assad d’islamistes radicaux comme les soldats deJabhat Al-Nosra par exemple fragilise la position française: il est désormais quasi impossible d’assumer la livraison d’armes en Syrie alors que ce sont les djihadistes qui tendent à incarner la révolution syrienne.

Dans son livre, Xavier Panon transcrit les propos d’un responsable du Quai d’Orsay:

«François Hollande et son ministre ont été bien imprudents sur la Syrie et l’embargo. Faute d’avoir la capacité d’influer réellement sur le rapport de forces, la posture reste morale. Or, la morale est rarement bonne inspiratrice en politique étrangère. Livrer des armes sans garantie de destination, c’est être cobelligérant. Il y a davantage de raisons de ne pas le faire que de le faire.»

L’action de la France semble, de toute façon, avoir eu peu de portée sur le terrain. En 2015, la Syrie est toujours enlisée dans une guerre meurtrière. Un conseiller de l’Elysée admet auprès de Xavier Panon:

«Oui, nous fournissons ce dont ils ont besoin, mais dans la limite de nos moyens et en fonction de notre évaluation de la situation. Dans la clandestinité, vous ne pouvez agir qu’à petite échelle. À moyens limités, objectifs limités. Au final, est-ce que notre aide permettra à la révolution de gagner? Non.»

Source: http://www.les-crises.fr/la-france-a-fourni-des-armes-a-la-revolution-syrienne-des-2012-explique-francois-hollande-dans-un-livre/


Général Desportes : « Au rythme actuel, l’armée française sera bientôt épuisée »

Tuesday 3 November 2015 at 02:00

Intéressante interview, même s’il y a des points critiquables, mais vu le profil du personnage, cela reste encourageant… :)

Source : Jacques Hubert-Rodier et Anne BauerLes échos , 26/10/2015

Le général Vincent Desportes. – Catherine Hélie/Gallimard

 

Vincent Desportes lance un cri d’alarme sur la réduction des moyens militaires dans un ouvrage intitulé « La dernière bataille de France » (Le Débat-Gallimard).

Ancien élève de Saint-Cyr et général de division de l’Armée de Terre, le général Vincent Desportes s’est fait le grand défenseur de son corps d’armée dans les opérations extérieures de la France. Ses critiques de la stratégie américaine – donc française – en Afghanistan lui avaient valu d’être débarqué en 2010 du commandement du Collège interarmées de défense.

L’armée française a-t-elle aujourd’hui les moyens de faire face aux menaces ?

Nous sommes dans une situation extrêmement critique. D’un côté, les menaces s’accroissent, le feu a pris tout autour de l’Europe, de l’Ukraine au Sahel en passant par le Moyen-Orient. De l’autre, les capacités de notre défense sont constamment réduites : moins 25 % sous Nicolas Sarkozy et à peu près la même chose sous François Hollande, selon l’actuelle loi de programmation militaire, même après la légère rectification décidée par le Président. Vérifiez vous-même. Si cette pente vertigineuse n’est pas sérieusement redressée, les armées françaises vont tout simplement disparaître : le dernier soldat français défilera sur les Champs-Elysées le 14 juillet 2040.

Ce qui est terrible, c’est que l’institution militaire, silencieuse par nature, est incapable de se défendre elle-même, comme peuvent le faire d’autres corps sociaux, médecins, architectes, avocats disposant « d’Ordres » dont c’est la mission. Des voix citoyennes doivent s’élever, au nom de la Nation. Mon devoir était de pousser un cri d’alarme. C’est l’objet de cet ouvrage, hélas plus réaliste que pessimiste.

Pourquoi ce grand écart entre missions et moyens ?

L’Europe a tué l’idée de guerre dans l’esprit des citoyens européens. Ils ont cru que le « soft power » pourrait remplacer le « hard power ». Nous avons intellectuellement « quitté l’histoire » en imaginant être parvenus dans un monde post-moderne qui avait définitivement éliminé la guerre et la barbarie.

Si la guerre a disparu, pourquoi conserver des armées ? Les citoyens se sont désintéressés de la défense dont les investissements sont devenus peu à peu illégitimes. En aval, on a pu, sans coût politique, rogner sur les budgets de défense pour redistribuer aux corps sociaux qui, eux, descendent dans la rue.

Le 29 avril, le président Hollande a annoncé une rallonge budgétaire de 3,8 milliards d’euros sur quatre ans pour la défense. Est-ce suffisant ?

C’est un frémissement positif mais insuffisant. Il s’agit simplement d’un ralentissement de la diminution du budget des armées… et surtout d’une manœuvre de communication. Mais ce geste symbolique – qui doit être salué – ne rétablit pas l’outil militaire à la hauteur des menaces et des ambitions de la France. Il est vrai qu’en 2016, on va recruter, et que le budget a été renforcé de 600 millions pour passer de 31,4 milliards d’euros dans la Loi de programmation initiale à 32 milliards. Mais la déflation des effectifs reste programmée et va reprendre. Les hausses sérieuses de budget ne sont prévues qu’après 2017 ! Autant dire que le gouvernement fait des promesses pour un avenir que personne ne connaît.

Quel serait le budget militaire idéal ?

Il n’y a évidemment pas de jauge absolue, tout dépend des ambitions, des menaces et de la façon dont on emploie le budget. Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que l’armée française est largement suremployée par rapport à ses capacités. Elle s’use. Elle ne peut plus se reconstituer (formation, entraînement, remise en condition…) entre deux engagements. Elle risque de se retrouver dans la même situation que l’armée britannique qui, malgré un budget supérieur au nôtre (plus de 40 milliards d’euros), est aujourd’hui incapable d’aller opérer au sol sur les théâtres extérieurs.

Pourquoi la Grande-Bretagne est-elle dans cette situation ?

Son armée a été surengagée par rapport à sa capacité. Presque simultanément, elle a déployé jusqu’à 40.000 soldats à Bassora en Irak et jusqu’à 10.000 dans le Helmand en Afghanistan, un effort très au-delà de ses possibilités et qui l’a profondément usée. Résultat, si l’armée britannique bombarde encore ici et là, il n’y a plus désormais aucun contingent britannique significatif engagé dans des opérations extérieures. L’armée britannique s’est détruite par sur-emploi et mettra a minima quatre ou cinq ans à se reconstruire. Pour tenir dans la durée, les armées américaines considèrent qu’on ne peut déployer au maximum qu’un soldat sur sept, sans épuiser le capital.

Et l’armée française, est-elle épuisée ?

En France, on applique un ratio de un sur six, largement dépassé aujourd’hui. Au rythme actuel, elle sera bientôt épuisée, particulièrement dans les forces terrestres. Nous sommes toujours capables de réussir des opérations coup de poing comme l’opération Serval, lancée en janvier 2013 au Mali pour arrêter la percée djihadiste. Mais on ne sait plus s’engager efficacement sur le long terme alors que tous les conflits auxquels nous prenons part sont des conflits longs.

Il y a des choix à faire : de la présence sous la Tour Eiffel, ou de l’efficacité opérationnelle en Syrie et au Sahel ? Les 7.000 soldats français déployés dans le cadre de l’opération Sentinelle n’ont qu’une plus-value très limitée au regard des inconvénients majeurs de ce déploiement avant tout politique. Employer un soldat, dont la formation est très onéreuse, dans le rôle d’un employé de société de gardiennage est un véritable gâchis, au plan opérationnel et au plan budgétaire. Impôts dilapidés, dégradation continuelle des capacités opérationnelles individuelles et collectives… Sentinelle casse un outil qu’on regrettera très vite. Il est tout à fait légitime d’utiliser les soldats français pour la protection du territoire national, mais à condition de tirer le meilleur parti de leurs compétences spécifiques. L’armée n’est pas un stock de vigiles à déployer devant les lieux de culte !

La France a la chance d’avoir une belle armée, capable du meilleur. C’est la seule qui puisse encore défendre l’Europe. Il faut précieusement prendre soin de ce capital inestimable sans oublier que reconstruire une armée est extrêmement long et complexe. L’armée irakienne formée à coup de milliards de dollars par les Américains s’est « débandée » face à Daech. De même, l’armée malienne formée par la Mission européenne n’a guère résisté aux premiers coups de feu des Touaregs. Idem pour l’armée afghane, on l’a encore vu récemment à Kunduz devant les talibans…

Mais avec l’Europe de la Défense, ne peut-on pas mutualiser les moyens militaires ?

Notre horizon doit être l’Europe de la Défense. Mais, à ce jour, nous ne sommes parvenus à rien de sérieux. Le meilleur exemple de l’inanité de l’Europe de la défense, ce sont les Groupements tactiques de 1.500 hommes, parfaitement équipés et entraînés… mais qui n’ont jamais été utilisés, ni au Mali, ni en République centrafricaine alors que l’occasion en était clairement donnée.

A l’heure de la montée des dangers, la France ne doit surtout pas se départir des moyens de défense qu’elle possède encore. C’est pourquoi ces questions ne sont pas de nature budgétaire mais d’abord un problème de vision, de sens de l’Etat et de volonté politique.

Et l’Otan ?

Malheureusement, aujourd’hui, il faut le dire, l’Otan est préjudiciable aux intérêts de la défense européenne : la survie de cette organisation d’un autre âge est la première cause de l’effondrement des budgets européens de défense. Les Européens rêvent toujours du soldat Ryan… qui ne reviendra jamais plus les défendre. Le « pivot » américain vers le Pacifique n’est pas une vue de l’esprit : il est une tendance lourde, irréversible.

L’intérêt bien compris des Américains serait d’imposer l’autonomie aux Européens, mais, par courte vue, ils craignent une Europe-puissance qu’il faudrait admettre à part entière dans la gestion des affaires du monde. L’Otan ? Oui, mais profondément transformée, sans « primus inter pares » et dans laquelle les Européens seraient au minimum « l’actionnaire majoritaire ».

La France est-elle vraiment menacée ?

Ce n’est pas parce que la France, tout au bout de sa péninsule européenne, se croit protégée, qu’elle l’est. Au contraire. Après les Etats-Unis, elle est pour les djihadistes le deuxième « Grand Satan ». Les menaces sont concrètes. Quand l’armée française s’engage au Mali, elle va détruire des djihadistes qui ont l’intention de semer la terreur en France. L’intention de Daech est de perpétrer des attentats de masse sur le territoire national : la destruction de l’Etat islamique est dans l’intérêt immédiat des Français. Cela rend bien secondaires beaucoup d’autres considérations.

Mais ces menaces ne sont-elles pas avant tout du domaine de la police ?

Il y a un continuum entre sécurité et défense, mais l’une et l’autre sont complémentaires et nécessaires. Nos frontières sont poreuses, et plus on traitera la menace « à l’avant », moins on aura à le faire sur le territoire national. Ne rêvons pas d’une ligne Maginot antiterroriste : toutes les forteresses ont vocation à être détruites ou contournées. Cette « défense de l’avant », il faut sans relâche en expliquer la nécessité aux Français : plus les théâtres d’opérations sont lointains, moins le citoyen les relie à sa propre sécurité.

Pourtant, il n’y a pas d’autre solution que d’aller là où se trouvent les sources de la violence, et les tarir. L’erreur majeure serait de confondre « continuum » et « fusion ». Il faut consolider la coopération entre défense et sécurité, mais les missions et les moyens doivent rester spécifiques.

Vous êtes donc d’accord avec les opérations lancées de l’autre côté de la Méditerranée ?

Ce n’est pas la multiplication des interventions qui fait une stratégie. La France s’engage partout, mais on a du mal à identifier clairement une stratégie dans toutes ses dimensions. Elle pare au plus pressé, basculant ses efforts au gré des départs de feu sans jamais parvenir à traiter les problèmes « au fond ». Faute de pouvoir envoyer sur les théâtres des contingents adaptés aux enjeux, on projette des forces, on s’active au mieux, mais on ne travaille pas dans la durée ; souvent, on perd la nuit ce qu’on avait gagné dans les combats du jour.

C’est le Sisyphe interplanétaire, version casque lourd. On le voit en République centre-africaine, en Afghanistan et dans le désastre de Libye. Dans mon livre, j’affirme qu’on a transformé nos armées en « kit expéditionnaire », toujours à la peine pour transformer les gains tactiques en succès stratégique. Faute de budget, de moyens, l’armée française est capable de gagner des batailles, mais plus des guerres, car cela supposerait d’assurer la permanence des effets. Pensez qu’au Sahel, 3.500 soldats sont mobilisés sur un territoire plus vaste que l’Europe !

Alors que c’est un point fort de la France, vous remettez aussi en cause l’inflation technologique militaire. Pourquoi ?

Parce que l’effet délétère des coupes budgétaires sur nos forces est d’autant plus violent qu’il se couple avec un armement toujours plus sophistiqué et donc toujours plus coûteux. Or, cette inflation technologique – par elle-même réductrice des parcs et flottes – se traduit in fine par la contraction des formats et déflation des effectifs, une logique perverse… La technologie est utile. Cependant, l’hyper-sophistication produit des armées excellentes dans la bataille, au niveau technique, mais médiocres dans la guerre, au niveau stratégique. Quel triste exemple que l’Afghanistan, où la coalition internationale mobilisait les deux-tiers des budgets militaires du monde, où le différentiel technologique était le plus élevé de toute l’histoire militaire, sans qu’aient pu être vaincus quelque 30.000 talibans équipés de kalachnikovs !

La technologie ne confère pas hélas le don d’ubiquité qui serait fort utile vu la multiplicité de nos théâtres d’opération. Quand la France acquiert une frégate de dernière génération pour un milliard d’euros, elle se prive de quelque 10 navires plus modestes mais qui seraient plus efficaces pour surveiller son espace maritime, le deuxième du monde !

Faut-il alors remettre en question la dissuasion nucléaire ?

Du moins faut-il veiller à ce qu’elle ne devienne pas notre nouvelle ligne Maginot. Cette arme de non-emploi n’est utile que si on dispose d’une armée d’emploi, seule à même de prévenir son contournement et de faire face aux multiples enjeux sécuritaires infra-nucléaires. Or, le nucléaire, qui mobilise environ 20 % du budget d’investissement des armées, est une des premières victimes de l’inflation technologique ; il pourrait rapidement atteindre 30 % des dépenses militaires compte tenu des renouvellements de programmes prévus dans les dix ans à venir.

Il est temps de maîtriser une dérive perverse pour la défense française et d’envisager enfin la défense de manière globale. En ce sens, la sacralisation actuelle du nucléaire est une des plus graves menaces sur la sécurité des Français.

Pourra-t-on gagner la lutte contre Daech ?

Seulement si on trouve la stratégie commune, donc le but à atteindre. Pour l’heure, faute de savoir ce qu’on veut faire dans un Moyen-Orient qui a enterré les accords Sykes-Picot [délimitant une frontière entre l’Irak et la Syrie, NDLR], on mène une guerre de « containment » pour gagner du temps, le temps nécessaire pour déterminer le compromis possible entre les différentes parties prenantes, Iran, Arabie Saoudite, Irak, Turquie, Israël, etc.

Mais sans accord entre Obama et Poutine, sans reconnaissance des intérêts légitimes des uns et des autres, on ne pourra pas définir un objectif commun et donc nous continuerons à perdre du terrain comme nous le faisons, malgré toute notre force militaire, depuis l’été 2014.

La Russie n’est donc pas notre adversaire ? Fallait-il alors lui vendre les navires Mistral ?

Je pense qu’il ne fallait pas lui  livrer les Mistra l, car il faut fixer des limites à Vladimir Poutine : il n’en respectera la France que davantage. C’est important ! D’autant plus que c’est le même Poutine qui fixe à présent le tempo des relations internationales.

Et lui, il a une vision : replacer la Russie au cœur du jeu international, préserver ses intérêts au Sud de la Méditerranée et sa base militaire de Tartous en Syrie, et enfin se défendre des mouvements djihadistes sur la frontière sud de la Russie. Son intervention a rebattu les cartes. Vendre ces navires à l’Egypte n’est pas un mauvais choix : cet Etat doit rester solide et ne pas devenir une zone de guerre comme ses voisins.

Le gouvernement a-t-il tort de réclamer le départ de Bachar al-Assad ?

La première vertu du stratège, c’est le réalisme. La mission première d’un chef d’Etat est d’assurer la sécurité de ses citoyens, pas de faire de la morale. Désormais les choses sont cependant plus claires :  Bachar al-Assad est militairement soutenu par la Russie et il fera donc partie du compromis à trouver pour sortir de cette crise.

Le rendez-vous de New-York lors de l’assemblée générale de l’ONU a été un grave échec. Il aurait fallu que les Etats-Unis, la Russie, la France fassent cause commune pour éteindre le feu, et donc lutter contre Daech. Après, il sera toujours temps de négocier, sachant que le président russe est évidemment plus attaché à sa base de Tartous qu’à Assad.

Faut-il envoyer des troupes au sol ?

Eventuellement, mais seulement quand on aura clairement déterminé l’état final recherché : en stratégie, la question des moyens est toujours une question de deuxième ordre, même si elle interagit avec la question de la finalité. Des troupes, mais quelles troupes ? Quelles nationalités ? Quelles religions ? Questions complexes. Quel volume de forces et quels risques, pour un engagement forcément très long, dans de vastes espaces ?

En 2003, l’armée américaine en Irak a mis un an pour reconquérir le Tigre et l’Euphrate avec 150.000 hommes. Elle a mis finalement neuf mois pour faire tomber Falloujah avec 40.000 hommes, dont 15.000 Américains. En comparaison, l’armée française a pu mobiliser un maximum de 5.000 hommes au Mali !

La France devait-elle en 2011 contribuer au renversement du colonel Kadhafi ?

A part Nicolas Sarkozy, qui défend, encore aujourd’hui, cette intervention ? Cet engagement n’était pas nécessaire. Je suis très critique quant à cette opération, mais pas plus que ceux qui savent que, dans la guerre, ce qui compte ce n’est pas l’intention initiale mais le résultat final. Et les conséquences de cette intervention, c’est non seulement la destruction de la Libye, mais aussi les migrants et le chaos que l’on a installé durablement au Sahel, et, pour bonne part, la consolidation de Boko Haram.

Autant, clairement, le 31 août 2013, il fallait lancer l’opération prévue contre les troupes de Bachar al-Assad, autant en Libye, il eut été infiniment plus sage de s’arrêter au but initialement fixé – arrêter la poussée blindée devant Benghazi – et ne pas laisser dériver dramatiquement la mission.

Propos recueillis par Anne Bauer et Jacques Hubert-Rodier 

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On pourra aussi l’écouter ici sur France Inter ou là au club de la presse Europe 1.

Vincent Desportes : “La Russie est un allié objectif de la sécurité des Français”

Source: http://www.les-crises.fr/general-desportes%e2%80%89-%e2%80%89au-rythme-actuel-larmee-francaise-sera-bientot-epuisee%e2%80%89/


Revue de presse du 03/11/2015

Tuesday 3 November 2015 at 01:21

Une revue francophone qui s’échappe exceptionnellement du week-end avec au sommaire de faux vrais chiffres, de vraies fausses informations, de vrais faux stagiaires, de fausses vraies retraites, de vraies fausses vitrines, de vraies fraudes mais pas tant que ça, de vraies amendes, de faux dividendes, de faux savoirs (enfin pas “utiles”), et de l’argent virtuel (pour nous bientôt en tout cas)… Bonne lecture.

P.S. nous avons besoin de butineurs pour nous aider à réaliser cette revue – n’hésitez pas à nous écrire

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-03112015/