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[U3-5] Le sort des juifs en Galicie (2/2)

Tuesday 24 June 2014 at 01:17

Suite du billet précédent sur l’Ukraine
Index de la série

ATTENTION : billet contenant des images très dures

Le plus grand massacre par balle de Juifs de toute la guerre eut lieu à la fin du mois de septembre 1941, près de Kiev.

Le 19 septembre 1941, la Wehrmacht entra dans Kiev, qui comptait 900 000 habitants dont 120 000 à 130 000 Juifs. Le 26 septembre 1941, Kiev est prise et plus de 665 000 soldats russes sont faits prisonniers. Les forces spéciales du NKVD présentes à Kiev connaissant la tactique d’occupation des Allemands avaient préparé un gigantesque piège. L’armée allemande avait pour habitude d’utiliser les installations officielles comme poste de commandements, symbolisant leur prise officielle de pouvoir en s’établissant dans les sièges locaux du gouvernement soviétique mais aussi dans les locaux du Parti Communiste. Ce faisant, le NKVD avait dissimulé plus d’une dizaine de milliers de charges explosives et de mines dans la plupart des bâtiments publics et laissé un commando sur place chargé de les faire sauter une fois les Allemands en position dans l’espoir de décimer le commandement de la Wehrmacht de la zone et renouvelant la longue tradition russe de politique de la terre brûlée.

Les charges furent mises à feu le 24 septembre déclenchant un gigantesque incendie qui dura cinq jours et tua des milliers de soldats allemands.

Ce sont les Juifs qui furent tenus pour responsables de cette ruse de guerre. Le 28 septembre un communiqué ordonna à tous les Juifs de Kiev et des environs de se présenter le lendemain, jour de Yom Kippour :

« Tous les Juifs de Kiev et de ses environs devront se présenter le lundi 29 septembre 1941 à 8 heures du matin à l’angle des rues Melnikovskaïa et Dokhturovska (près des cimetières). Ils devront être munis de leurs papiers d’identité, d’argent, de leurs objets de valeurs, ainsi que de vêtements chauds, de linge, etc. Les Juifs qui ne se conformeront pas à cette ordonnance et seront trouvés dans un autre lieu seront fusillés. Les citoyens qui pénétreront dans les appartements abandonnés par les Juifs et s’empareront de leurs biens seront fusillés. »

En outre, pour renforcer la propagande, les Allemands répandirent la rumeur que les Juifs seraient réinstallés dans des camps de travail. Des milliers de Juifs ont ainsi suivi cet ordre, bien plus que prévu.

Selon un rapport de Paul Blobel, commandant de l’Einsatzgruppe C (Unité mobile de tuerie), qui a préparé et conduit les exécutions : « À l’origine, nous avons estimé l’arrivée de seulement 5 000 / 6 000 Juifs, mais, en fait, environ 30 000 Juifs se sont présentés d’eux-mêmes, croyant jusqu’au moment de leur liquidation qu’ils seraient réinstallés ailleurs, en raison de la grande efficacité de notre section de propagande. »

Les forces allemandes ont été largement aidées par l’utilisation de la milice auxiliaire de police, dont les forces rassemblèrent et conduisirent les Juifs par groupes de 100 à Babi Yar (« Ravin des bonnes femmes »), un ravin près de la ville, de 150 mètres de longueur, 30 mètres de largeur et 15 mètres de profondeur. Les environs entiers du ravin avaient été clôturé par des barbelés, et ont été bouclés par trois rangées de soldats: le cercle extérieur a été occupé par la police ukrainienne, le deuxième avec la police et les Allemands d’Ukraine, et le cercle intérieur avec des Allemands seulement.


Les colonnes de Juifs furent alors brutalisées dans le ravin, forcées à empiler leurs biens puis à se déshabiller, et enfin à s’allonger contre la paroi du ravin, où des soldats allemands les tuèrent par groupe de 10 à coups de mitrailleuses – c’est la tristement célèbre « Shoah par balles », qui causa tellement de dégâts psychologiques chez les soldats que les Nazis durent créer par la suite les camps d’extermination. Parmi les 1 500 bourreaux du massacre de Babi Yar, il y avait 1 200 policiers de l’OUN et seulement 300 Allemands…

« C’était comme une migration de masse. […] Les Juifs chantaient des chants religieux en chemin. Sur le quai, on leur prenait leur nourriture et leurs biens. […] Alors les Allemands commençaient à pousser les Juifs pour former de nouvelles files, plus étroites. Ils se déplaçaient très lentement. Après une longue marche, ils arrivaient à un passage formé par des soldats allemands avec des massues et des chiens policiers. Les Juifs étaient fouettés sur leur passage. Les chiens se jetaient sur ceux qui tombaient mais la poussée des colonnes qui se pressaient derrière était irrésistible et les faibles et les blessés étaient piétinés. […]

Meurtris et ensanglantés, paralysés par le caractère incompréhensible de ce qui leur arrivait, les Juifs débouchaient sur une clairière d’herbe. Ils étaient arrivés à Babi Yar, devant eux se trouvait le ravin. Le sol était jonché de vêtements. Des miliciens ukrainiens, surveillés par des Allemands, ordonnaient aux Juifs de se déshabiller. Ceux qui hésitaient, qui résistaient, étaient battus, leurs vêtements arrachés. Il y avait partout des personnes nues, ensanglantées. L’air était empli de cris et de rires convulsifs. » [Davidowicz, What is the use of Jewish History, p. 106-107]

Dans son Histoire de la Shoah, George Benssoussan retranscrit le témoignage d’un membre du commando spécial SK4a, Kurt Werner :

« Immédiatement après mon arrivée sur les lieux d’exécution, j’ai dû descendre au fond de ces gorges avec mes camarades. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que les premiers Juifs soient amenés et descendent la pente. Les Juifs devaient se coucher le visage contre la paroi du gouffre. Au fond du gouffre, les tireurs avaient été divisés en trois groupes d’environ douze hommes. Les Juifs étaient tous conduits en même temps aux pelotons d’exécution. Les suivants devaient s’allonger sur les corps de ceux qui venaient d’être exécutés. Les tireurs se mettaient derrière eux et les abattaient d’une balle dans la nuque. Je me souviens encore aujourd’hui qu’ils étaient saisis d’épouvante dès qu’ils arrivaient au bord de la fosse, et apercevaient les cadavres. Beaucoup d’entre eux, terrifiés, ont commencé à crier. » [Ernst Klee, Willy Dressen, Volker Riess, Pour eux, « c’était le bon temps » la vie ordinaire des bourreaux nazis, Plon, 1990, p. 61]

En raison de leur nombre, les Allemands ne purent pas tuer tous les Juifs immédiatement. L’historien Felix Levitas écrit:

« Les bourreaux n’ont pas eu assez de temps pour terminer leur travail. Par conséquent, ils ont commencé à mettre deux personnes ensemble, tête contre tête, de sorte qu’une seule balle puisse tuer deux personnes. Les personnes blessées ont été achevées avec des pelles. Les enfants ont été jetés dans le Yar et enterrés vivants. »

Sergey Ivanovich Loutsenko, ancien gardien du cimetière Lukianovska avoisinant, a déclaré:

« Ils ont tiré sur les gens du matin au soir. La nuit, les Allemands sont allés dormir. Le reste des victimes a été enfermé dans des garages vides. Cela a continué pendant cinq jours. Les Nazis ont amenés de plus en plus de personnes avec des camions, qui repartaient chargés des vêtements des victimes. »

Iryna Khoroshunova, habitante de Kiev, écrit indique dans son journal le 2 octobre 1941 :

« Chacun dit maintenant que les Juifs sont assassinés. Non ; ils ont déjà été tués. Tous. Sans exception. Vieilles personnes, femmes, enfants. […] Les gens en parlent d’une telle façon qu’aucun doute n’est permis. Pas un seul train n’a quitté la gare de Bahnhof Lukianivka. Des gens ont vu des camions avec des foulards et d’autres objets partant de la gare. « Minutie » allemande ! Ils ont déjà trié leurs rapines ! Une jeune fille russe a accompagné son amie au cimetière et s’est glissée de l’autre côté de la clôture : elle a vu comment des gens nus ont été poussés vers Babi Yar et a entendu les rafales d’une mitrailleuse. Il y a de plus en plus de rumeurs et de nouvelles. Trop monstrueuses pour y croire. Mais nous sommes obligés d’y donner foi, car le massacre des Juifs est une réalité. Une réalité qui nous rend fous. […] Mes cheveux se dressent sur ma tête. […] Il est impossible de vivre en sachant cela. »

Selon le rapport de l’Einsatzgruppe C, en date du 7 octobre, 33 771 Juifs furent assassinés les 29 et 30 septembre 1941. Il est également avéré que les services du SD et de la SIPO de Kiev reçurent des corbeilles entières de lettres de civils ukrainiens dénonçant des Juifs.

300 prisonniers de guerre soviétiques ont ensuite travaillé à stabiliser le sol au-dessus des fosses communes et à faire le tri des affaires.

En août 1943, face à l’avancée des Soviétiques, les restes des victimes furent exhumés et brulés. Efim Vilkis, un des rares survivants, témoigne :

« Mi-aout, la SS a mobilisé une centaine de prisonniers de guerre russes, qui ont été emmenés dans le ravin. Le 19 août, ces hommes ont reçu l’ordre d’exhumer tous les corps dans le ravin. Pendant ce temps, les Allemands en ont emmené une partie dans un cimetière juif à proximité, afin qu’ils portent des pierres tombales en marbre à Babi Yar pour former la base d’un énorme bûcher. Au-dessus de ces pierres étaient entassés une couche de bois, puis une couche de corps, et ainsi de suite jusqu’à ce que le bûcher soit haut comme une maison de deux étages. Eniron 1 500 corps ont ainsi été brûlés lors de chaque opération du four, chaque bûcher prennant deux nuits et un jour pour brûler complètement. La crémation a duré 40 jours, puis les prisonniers, qui à cette époque comprenaient 341 hommes, ont reçu l’ordre de construire un autre four. Comme c’était le dernier four et qu’il n’y avait plus de corps à brûler, les prisonniers ont compris qu’il était pour eux. Ils ont alors tenté de s’évader le 29 septembre, mais seulement 14 ont survécu aux balles des mitraillettes nazies. » [NewsWeek, 6/12/1943] [Attention, violent]

Hermann Graebe, directeur d’une entreprise de construction au service de l’armée allemande en Ukraine, a décrit au procès de Nuremberg une tuerie à laquelle il a assisté :

« J’entendis alors des coups de fusil se succéder rapidement, provenant de derrière un des monticules de terre. Les gens qui étaient descendus des camions – hommes, femmes et enfants de tous âges – devaient se dévêtir sur les ordres d’un SS qui avait un fouet de cheval ou de chien. Ils devaient poser leurs vêtements à des endroits déterminés. Je vis un tas de chaussures de 800 à 1 000 paires, d’immenses piles de linge de corps et de vêtements.

Sans crier, sans pleurer, ces personnes se déshabillaient, se groupaient par familles, s’embrassaient les unes les autres, se disaient adieu et attendaient le signe d’un autre SS qui se tenait près de la fosse, également un fouet à la main. Pendant le quart d’heure que je restai là, je n’entendis ni plainte ni appel à la pitié. J’observais une famille d’environ 8 personnes, un homme et une femme d’une cinquantaine d’années avec leurs enfants d’environ 1, 8 et 10 ans et deux grandes filles de 20 et 24 ans environ (…). Le père tenait par la main un petit garçon d’une dizaine d’années et lui parlait doucement (…). À ce moment, le SS qui se trouvait près de la fosse cria quelque chose à son camarade. Ce dernier compta environ 20 personnes et leur dit d’aller derrière le monticule de terre. Parmi elles était la famille que j’ai mentionnée. Je fis le tour du monticule et me trouvai en face d’une énorme fosse. Les gens étaient étroitement serrés les uns contre les autres et les uns sur les autres, de sorte que seules les têtes étaient visibles. Presque tous avaient du sang qui coulait de leur tête sur leurs épaules. Quelques-uns de ceux qui avaient été fusillés remuaient encore… »

En 1942, les services secrets allemands ont conclu que les nationalistes ukrainiens étaient indifférents au sort des Juifs, et étaient prêts soit à les tuer ou soit à les aider, en fonction de ce qui servirait le mieux leur cause (cas des médecins juifs ou des travailleurs qualifiés par exemple, mis à l’abri par l’UPA).

Moshe Maltz, un Juif vivant caché près de Lviv, a ainsi entendu un ami polonais lui raconter « qu’environ 40 Juifs se cachaient dans les bois près de chez lui, mais que les gangs de Bandera sont venus et les ont tous tués. ». Maltz a indiqué que « Quand les gangs de Bandera trouvaient un Juif, ils considèrent que c’est une prise de haute valeur. Il en était de même pour les Ukrainiens de base. Ils voulaient tous participer à l’acte héroïque de tuer un Juif. Ils ont littéralement taillé les Juifs en pièces avec leurs machettes. »

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/le-sort-des-juifs-en-galicie-2/


[U3-5] Le sort des juifs en Galicie (1/2)

Monday 23 June 2014 at 01:32

Suite du billet précédent sur l’Ukraine
Index de la série

ATTENTION : billet contenant des images très dures

Les pogroms de Lviv en 1941

Le 30 juin 1941, les Soviétiques abandonnent Lviv face à l’arrivée des troupes allemandes. Le NKVD commet alors des assassinats de masse dans les 3 prisons de la ville, tuant environ 2 500 prisonniers (surtout Ukrainiens, de l’OUN, mais aussi des Polonais et des Juifs – prisonniers politiques comme droits communs).

exécution du nkvd

victimes du nkvd

Les Juifs furent publiquement accusés par les Allemands d’avoir perpétré ce massacre des prisonniers ukrainiens de Lviv. Ils enflammèrent la population avec une propagande antisémite et appuyèrent la création par l’OUN-B de la Milice Populaire Ukrainienne (UPM), dont les membres portaient des brassards blancs ou aux couleurs du drapeau ukrainien. Cette milice se lança alors dans un vaste pogrom. Cette milice était secondée par des jeunes gens ordinaires. Des milliers de juifs furent battus, fréquemment à mort. Le nombre de juifs assassinés se situe autour de 4 000 morts. Dès le 1er juillet, cette milice UPM de l’OUN fut subordonnée à la SS, et perdura jusqu’au 13 aout 1941, aidant les Allemands autant qu’elle pouvait.

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

Pogrom lviv Juillet 1941

[Attention, violent]

Kurt Lewin, un survivant de ce pogrom, témoigne ainsi qu’il avait particulièrement peur « d’un homme élégamment vêtu d’une belle chemise brodée [souvent porté par les membres de l’OUN], qui battait [les Juifs] avec une canne en métal. Au fur et à mesure, il ne frappait plus que les têtes. À chaque coup, il arrachait des bandes de peau. Il a fait sortir les yeux de certaines personnes, et arraché des oreilles. Lorsque sa canne a éclaté, il a immédiatement attrapé un gros morceau de bois carbonisé et fracassé le crâne de mon voisin. Le crâne a éclaté et le cerveau a éclaté, éclaboussant dans toutes les directions, y compris sur mon visage et mes vêtements. » [Kurt Lewin, J’ai survécu, Varsovie 2006, pp 58-59]

Un second pogrom a lieu durant trois jours fin 1941, tuant 2 000 Juifs et en battant 6 000 autres. À la même époque, quelques 3 000 personnes, en majorité juives furent exécutées dans le stade municipal par l’armée allemande.

Les pertes humaines

Au total, environ 20 000 juifs furent tués dans des pogroms en Ukraine occidentale en juillet 1941, et plusieurs milliers furent fusillés par les Einsatzkommandos.

Un ghetto de 120 000 Juifs est alors créé à Lviv fin 1941. Il sera entièrement liquidé en deux ans dans le camp d’extermination de Belzec. Au retour des Soviétiques en juillet 1944, il ne restait environ que 800 Juifs survivants – dont le célèbre chasseur de nazis Simon Wiesenthal.

Simon Wiesenthal

Selon un rapport du 30 juin 1943 de Fritz Katzmann, chef de la police et de la SS de Galicie, 434 329 Juifs avaient été assassinés dans son seul district. À la fin de la guerre, environ 1,5 million de Juifs ukrainiens avaient été exterminés par les Nazis et leurs supplétifs locaux. Comme il est apparu à Nuremberg, les Allemands avaient de plus tué dans la région de Lvov 700 000 Soviétiques.

Les nationalistes ukrainiens

L’implication des nationalistes ukrainiens dans ces évènements est accablante. Les membres de l’OUN-B étaient des antisémites enthousiastes. Pour eux, l’ennemi principal était les Polonais et les Russes, mais les Juifs étaient un « problème » parce qu’ils n’étaient pas Ukrainiens et parce qu’ils estimaient qu’ils aidaient les Soviétiques à envahir le territoire ukrainien.

L’Organisation des nationalistes ukrainiens avait adopté en 1929 les Dix commandements des nationalistes ukrainiens, auxquels étaient censés adhérer tous les membres de l’Organisation. Ce Décalogue indiquait : « N’hésitez pas à effectuer les actes les plus dangereux » et « Traitez les ennemis de votre nation avec haine et cruauté. ».

En mai 1941, lors d’une réunion à Cracovie la direction de l’OUN-B indiqua que « Les Juifs en URSS constituent le soutien le plus fidèle du régime bolchevique, et l’avant-garde de l’impérialisme moscovite en Ukraine. Le gouvernement moscovito-bolchévique exploite les sentiments anti-juifs des masses ukrainiennes pour détourner leur attention de la véritable cause de leur malheur et de les canaliser dans un moment de frustration dans les pogroms contre les Juifs. L’OUN combats les Juifs en tant que pilier du régime moscovito-bolchévique et, simultanément, il rend les masses conscientes du fait que l’ennemi principal est Moscou. »

Lors de cette réunion, l’OUN a adopté le programme « Lutte et l’action de l’OUN pendant la guerre » qui décrit le plan d’action lors du début de l’invasion nazie de l’URSS. Dans la section G de ce document – « Directives pour les premiers jours de l’organisation du nouvel État ukrainien », est dressée la liste des activités à mener durant l’été 1941. Dans le paragraphe « Politique envers les minorités » l’OUN-B ordonne : « Les Moscovites, les Polonais et les Juifs nous sont hostiles et doivent être exterminés dans cette lutte, en en particulier ceux qui résisteraient à notre régime : il faut les reconduire dans leurs terres, surtout : détruire leur intelligentsia qui pourrait être dans des positions de pouvoir. […] Les soi-disant paysans polonais doivent être assimilés, et il faut détruire leurs leaders. […] Les Juifs doivent être isolés, relevés de leurs fonctions gouvernementales pour empêcher le sabotage, et ceux qui sont jugés nécessaires ne pourront travailler qu’avec un surveillant. […] L’assimilation des Juifs n’est pas possible. »

Le 25 juin 1941, Stetsko – le futur « chef de l’État », donc -, dans un rapport à Bandera, écrivait déjà : « Nous créons une milice qui aidera à éliminer les Juifs et à protéger la population. ».

Stetsko avec ses anciens maîtres donne du pain et du sel aux envahisseurs allemands

Stetsko après la guerre avec son nouveau maître : George Bush responsable de la CIA

En aout 1941, le même Stetsko écrivit son autobiographie, qui contenait plusieurs passages antisémites notoires, en particulier, il y déclarait qu’il considérait le marxisme comme un produit de la pensée juive, mise en pratique par le peuple moscovite-asiatique avec l’aide des Juifs ; que Moscou et le judaïsme sont les porteurs des idées internationales des bolcheviks. Il y déclare aussi :

« Bien que je considère que c’est Moscou, qui en fait tient l’Ukraine en captivité, et non pas les Juifs, comme l’ennemi principal et décisif, je considère tout de même pleinement le rôle indéniablement nuisible et hostile des Juifs, qui aident Moscou à asservir Ukraine. Je soutiens donc la destruction des Juifs et la pertinence de l’apport des méthodes allemandes d’extermination des Juifs en Ukraine, plutôt que de tenter de les assimiler. »

Les mémoires de Stetsko

Les rapports de l’OUN ont été conservés. On y lit par exemple ceci :

« N° 82 P

Ville de Lvov, le 28 juillet 1941.

Au service de sécurité de l’OUN de Lvov, le père Tabinsky nous informe : « Notre milice procède maintenant à de nombreuses arrestations de juifs, avec les services allemands. Avant leur liquidation, les Juifs se défendent par tous les moyens, et, en premier lieu, par l’argent ».

Suivant les informations du père Tabinsky, il y a, parmi nos miliciens, certains qui, pour de l’or ou de l’argent, libèrent des juifs : ils doivent être arrêtés. Nous n’avons pas de données concrètes, mais nous vous transmettons ceci pour informations et utilisation ultérieure.

Gloire à l’Ukraine !

Organisation des nationalistes ukrainiens OUN.»

Dans un rassemblement le 6 juillet 1941, les membres de l’OUN déclarèrent : « Les Juifs doivent être traités durement. […] Nous devons en finir avec eux. […] En ce qui concerne les Juifs, nous allons adopter des méthodes qui conduiront à leur destruction. »

Après l’emprisonnement de Bandera, les bataillons ukrainiens de la Wehrmacht Nachtigall et Roland furent alors dissous fin 1941, et les activistes volontaires de l’OUN-B furent affectés à l’Ukrainian Schutzmannschaften, une milice auxiliaire de police. Cette milice comptait plus de 100 000 Ukrainiens en 1942, et s’impliqua activement dans l’arrestation et le meurtre de Juifs, communistes et résistants. Le leader militaire de l’OUN-B Roman Shukhevych devint commandant du 201st Schutzmannschaft Battalion, qui sévit jusqu’en Biélorussie.

milice auxiliaire de police , la milice comptait plus de 100 000 Ukrainiens en 1942, et s’impliqua activement dans l’arrestation et le meurtre de Juifs, communistes et résistants

Certains bataillons de police prennent directement part à l’extermination de citoyens soviétiques. Par exemple, la police du district de Raïon de Ratne, sous la direction de Logvinski et Seniok, détruit entièrement, le 23 septembre 1942, le village de Kortelisse. Il est entièrement incendié et 2 892 habitants pacifiques sont fusillés (dont 1 620 enfants). Les villages voisins de Birk, Sabaloty, Borisovka sont également détruits.

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/le-sort-des-juifs-en-galicie-1/


Ukraine : les Etats-Unis nous entraînent dans une guerre contre la Russie (The Guardian)

Sunday 22 June 2014 at 01:44

Pourquoi tolérons-nous la menace d’une nouvelle guerre mondiale qui se mène en notre nom ? Pourquoi tolérons-nous les mensonges qui justifient ce risque ? L’état de notre endoctrinement, comme l’a écrit Harold Pinter, est « un tour d’hypnose brillant, et couronné de succès », comme si la vérité « ne s’était jamais déroulée, même au moment où elle se déroulait ».

Chaque année l’historien américain William Blum publie son “archive actualisée du résumé de la politique étrangère des Etats-Unis” qui montre que, depuis 1945, les Etats-Unis ont tenté de renversé plus de 50 gouvernements, la plupart démocratiquement élus ; ont grossièrement interféré dans les élections de 30 pays ; bombardé la population civile de 30 pays ; utilisé des armes chimiques et biologiques ; et tenté d’assassiner des dirigeants étrangers.

Dans bien des cas la Grande-Bretagne était complice. Le degré de souffrance humaine, et encore moins la criminalité, n’est jamais reconnu en Occident, malgré la soi-disant présence des technologies de communication les plus avancées, et du journalisme le plus libre du monde. Que les victimes les plus nombreuses du terrorisme – de notre terrorisme, soient des musulmans, est imprononçable. Que le djihadisme extrémiste, à l’origine du 11 septembre, fut créé comme arme de la politique étrangère britannique (Opération Cyclone en Afghanistan) est occulté. En avril le département d’État américain remarqua que, à la suite de la campagne de l’OTAN de 2011, « la Libye est devenue un paradis pour les terroristes ».

Le nom de “notre” ennemi a évolué au fil des années, du communisme à l’Islamisme, mais il s’agissait généralement de n’importe quelle société indépendante du pouvoir de l’Occident et occupant des territoires stratégiques ou riches en ressources. Les leaders de ces nations gênantes sont généralement violemment mis à l’écart, comme les démocrates Muhammad Mossadegh en Iran et Salvador Allende au Chili, où ils sont assassinés comme Patrice Lumumba au Congo. Ils font tous l’objet d’une campagne médiatique de caricature et de diabolisation – pensez à Fidel Castro, Hugo Chavez, et maintenant Vladimir Poutine.

Le rôle de Washington en Ukraine est diffèrent seulement parce que ses implications nous concernent tous. Pour la première fois depuis l’ère Reagan, les USA menacent d’entraîner le monde dans une guerre. Avec l’Europe de l’est et les Balkans devenus des bases militaires de l’OTAN, le dernier « état-tampon » frontalier de la Russie, est dévasté. Nous, les occidentaux, soutenons des Néo-nazis dans un pays ou les Ukrainiens nazis soutinrent Hitler. Ayant dirigé le coup d’état de Février contre le gouvernement démocratiquement élu à Kiev, la tentative de Washington de récupérer la base navale historiquement russe de Crimée a échouée. Les russes se sont défendus, comme ils l’ont toujours fait contre chaque invasion occidentale depuis presque un siècle.

Mais l’encerclement militaire de l’OTAN s’est accéléré, en même temps que des attaques orchestrées par les USA sur les ethnies russes d’Ukraine. Si Poutine peut être poussé à aller les aider, son rôle préétabli de paria justifiera une guerre menée par l’OTAN qui se propagera sans doute à l’intérieur du territoire Russe.

A la place, Poutine a embrouillé ses adversaires en cherchant un terrain d’entente avec Washington et l’Europe, en retirant ses troupes de la frontière ukrainienne et en incitant les ethnies russes d’Ukraine de l’Est d’abandonner le référendum provocant du week-end. Ces gens, russophones, bilingues – 1 tiers de la population de l’Ukraine – ont longtemps souhaité l’avènement d’une fédération qui reflète la diversité ethnique du pays et qui soit à la fois autonome et indépendante vis-à-vis de Moscou. La plupart ne sont ni des « séparatistes » ni « des rebelles » mais simplement des citoyens souhaitant vivre en sécurité dans leur pays.

Comme les ruines d’Irak et d’Afghanistan, l’Ukraine a été transformé en un camp d’entrainement pour la CIA – dirigé par le directeur de la CIA John Brennan à Kiev, avec des “unités spéciales” de la CIA et du FBI qui mettent en place une “structure de sécurité” afin de superviser les attaques sauvages de ceux qui se sont opposé au coup d’état de Février. Regardez les vidéos, lisez les rapports des témoins du massacre d’Odessa. Des bandits fascistes amenés par bus ont brulé les sièges des syndicats, tuant 41 personnes bloquées à l’intérieur. Regardez la police laisser faire. Un docteur a décrit sa tentative d’aller aider les gens, « mais j’ai étais stoppé par des nazis pro-Ukrainiens. L’un deux m’a violemment poussé, en me promettant que bientôt ce serait mon tour à moi et aux autres Juifs d’Odessa… Je me demande pourquoi le monde entier reste silencieux. »

Les ukrainiens russophones se battent pour leur survie. Quand Poutine a annoncé le retrait des troupes russes de la frontière, le secrétaire à la défense de la junte, à Kiev – un des membres fondateurs du parti fasciste « Svoboda », déclara que les attaques sur « les insurgés » allaient continuer. Dans un style Orwellien, la propagande occidentale a rejeté la faute sur Moscou « qui orchestre le conflit et la provocation », selon William Hague. Son cynisme peut être comparé à la grotesque félicitation d’Obama à la junte pour leur « retenue remarquable » à la suite du massacre d’Odessa. Illégal et fasciste, la junte est décrite par Obama comme « légalement élue ». Ce qui importe ce n’est pas la vérité, a un jour dit Henry Kissinger, mais « ce qui est perçu comme vrai ».

Dans les medias Etats-Uniens les atrocités d’Odessa ont été minimisées ; une affaire « louche » et une « tragédie » dans laquelle des « nationalistes » (Néo-nazis) ont attaqué des « séparatistes » (des gens en train de collecter des signatures pour un référendum sur une Ukraine fédéral). Le Wall Street Journal de Rupert Murdoch a maudit les victimes – « Un incendie meurtrier en Ukraine probablement allumé par les rebelles, selon le gouvernement ». La propagande en Allemagne est digne de la guerre froide, avec la Frankfurter Allgemeine Zeitung (littéralement, « Journal général de Francfort ») qui met en garde ses lecteurs contre la Russie et sa « guerre non déclarée ». Pour les allemands, le fait que Poutine soit le seul leader à condamner la montée du fascisme au 21ème siècle relève de l’ironie.

Un truisme populaire dit que “le monde a changé” à la suite du 11 septembre. Mais qu’est ce qui a changé ? Selon le fameux lanceur d’alerte Daniel Ellsberg, un coup d’état silencieux a eu lieu à Washington et un militarisme rampant dirige maintenant. Le pentagone dirige en ce moment des « opérations spéciales » – des guerres secrètes – dans 124 pays. Aux Etats-Unis, une pauvreté en augmentation et des libertés hémorragiques sont les corollaires historiques d’un état de guerre perpétuel. Ajoutez à cela le risque de guerre nucléaire, et la question qui reste est : Pourquoi tolérons-nous cela ?

John Pilger

13 mai 2014

Traduction Nicolas CASAUX du Collectif 4ème singe http://4emesinge.com/

Source : http://www.legrandsoir.info

Source: http://www.les-crises.fr/les-etats-unis-nous-entrainent-dans-une-guerre-contre-la-russie/


Le fol expansionnisme russe (et aussi un peu européen…)

Saturday 21 June 2014 at 01:32

Histoire sans paroles…

(hachures = pays candidats et futurs candidats)

« On assiste à une tentative de resoviétiser la région. Cela ne s’appellera pas comme cela, cela s’appellera Union douanière, cela s’appellera Union eurasiatique. […] Ne nous y trompons pas. Nous savons quel est le but et nous essayons de trouver les moyens de le freiner ou de l’empêcher. » [Hillary Clinton, 6/12/2012] (Source : Central Asia Newswire)

Source: http://www.les-crises.fr/le-fol-expansionnisme-russe-et-aussi-un-peu-europeen/


[Reprise] L’absence de transparence sur le patrimoine des parlementaires

Saturday 21 June 2014 at 01:12

Reprise d’un article du Monde

Jérôme Cahuzac à l’Assemblée, le 5 décembre. Alors ministre, il faisait face au feu des questions au lendemain des révélations de Mediapart sur son compte à l’étranger. | Reuters/CHARLES PLATIAU

La transparence du patrimoine des députés n’est pas pour demain. Et les socialistes n’ont pas fait preuve d’une grande audace en la matière, pour dire le moins. François Hollande, après l’affaire Cahuzac, avait promis une plus grande transparence sur le patrimoine des élus, notamment des parlementaires.

Mais certaines dispositions, notamment la publication du patrimoine, ne faisaient pas plaisir aux parlementaires, menés par Claude Bartolone, dénonçant le « voyeurisme » de la mesure. Et l’Assemblée avait tout fait pour minimiser la portée de ce projet de loi, sans que le gouvernement ne mette de zèle particulier à le défendre.

Comme le relève l’association Regards citoyens, qui milite pour une plus grande transparence des activités parlementaires, l’arrêté définissant les modalités de la publication du patrimoine des élus a été publié – dans une relative discrétion – le 28 mai. Mais, comme annoncé au moment de l’adoption de la loi, ces dispositions sont loin de la transparence.

AUCUNE NOTE OU PHOTOGRAPHIE

Les modalités retenues au vote de la loi sont confirmées par l’arrêté : les déclarations de patrimoine ne pourront être ni reproduites, ni copiées, et seuls les électeurs pourront les consulter en présence d’un agent. Photos ou prise de notes seraient ainsi interdites, empêchant toute analyse globale.

En clair, pour connaître le patrimoine d’un élu, il faudra être électeur, puis prendre rendez-vous en préfecture. Une fois sur place, on pourra le consulter quelques instants, en étant accompagné, et sans pouvoir prendre la moindre note ou photographie. Rappelons aussi que personne n’a le droit de mentionner le fameux patrimoine, sous peine d’une amende.

Bref, tout est fait pour que personne n’aille jamais consulter ces fameux documents désormais « publics ». Et sous prétexte de transparence, l’Assemblée a au contraire fait en sorte qu’on sache encore moins quel patrimoine ont les élus de la République.

D’autant moins que, malgré le délai confortable entre la validation de la loi et la publication de l’arrêté, le processus de consultation ne semble pas encore très au point. Concernant les détails, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, contactée par le Monde.fr, dit ne pas en avoir la charge et le ministère de l’intérieur n’a pas encore précisé ces modalités.

A ce sujet, voir la vidéo :


par lemondefr

Source: http://www.les-crises.fr/l-absence-de-transparence-sur-le-patrimoine-des-parlementaires/


[Alerte Wikileaks] TISA : encore un infâme traité qui avance dans le dos des peuples…

Friday 20 June 2014 at 03:10

Hier, Wikileaks a révélé un important document concernant le traité TISA (Trade in Services Agreement à ne pas confondre avec le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP)) : il s’agit de la divulgation de l’annexe visant à déréguler encore plus les services financiers… (sic.)

L’idée d’un accord sur le commerce des services (ACS, TISA en anglais) a été lancée par les Etats-Unis et proposé à un groupe de membres de l’OMC, le groupe dit “Really Good Friends” (22 pays plus les 28 pays de l’Union Européenne), à la suite de l’impasse des négociations du cycle de Doha. Depuis février 2012, le groupe se réunit de manière régulière à Genève sous la conduite conjointe des Etats-Unis et de l’Australie. Les négociations devraient être terminées en 2015.

Une lettre de protestation a été signée par 350 organisations de 115 pays. Dans un rapport publié lundi, l’Internationale des services publics dénonce la volonté d’ouvrir à la concurrence internationale de nombreux services.

Selon ce document, l’ACS instaurerait un environnement plus favorable à la privatisation des services publics et entraverait la capacité des gouvernements à remunicipaliser les services publics ou à en créer de nouveaux. L’accord limiterait aussi la capacité des gouvernements à légiférer dans des domaines tels que la sécurité des travailleurs, l’environnement, la protection du consommateur et les obligations de service universel.

“Ce qui est terriblement inquiétant, c’est que l’ACS est négocié en dehors du cadre commercial multilatéral par les pays les plus favorables à la libéralisation, qui ne cachent pas leur volonté d’entraîner le reste du monde dans cet accord, une fois ce dernier finalisé”, a affirmé Rosa Pavanelli. (Lire sur Bilan.ch)

Je vous recommande l’analyse de Magali sur l’excellent site Contre La Cour (en avril dernier).

Je précise enfin que les négociations du traité n’est pas encore terminées.

 

Dans son communiqué de presse, Wikileaks souligne que cet accord aboutira à une dérégulation encore plus importante du secteur des services financiers. L’organisme souligne que ‘la nature exclusive du TiSA” va également affaiblir la position des BRICS dans les futures négociations multilatérales sur les services, puisqu’ils ne sont pas parties à l’heure actuelle de cet accord. Est souligné que les États-Unis et l’UE sont les principaux auteurs des changements proposés dans les textes.

L’annexe secrète du TISA sur les services financiers (Wikileaks) publié par les-crises

Wikileaks publie une analyse du texte fournie par le professeur Jane Kelsey, Professeure à la faculté de Droit d’Auckland (Nouvelle Zélande), opposante au texte, qui n’en est pas moins instructive pour percer les détails techniques.

Analyse de l’annexe secrete financière du tisa publié par les-crises

ENTRAIDE : J’ai à peine survolé le texte inquiétant. Ce serait bien que certains d’entre vous signalent les passages problématique en commentaire, dans l’idéal en les traduisant…

Source: http://www.les-crises.fr/alerte-tisa/


[U3-4] L’invasion nazie en 1941 et la guerre

Friday 20 June 2014 at 01:24

Suite du billet précédent sur l’Histoire des Juifs en Galicie.

Index de la série

Le 22 juin 1941, l’opération Barbarossa est déclenchée : l’Allemagne envahit l’Union soviétique dans la plus grande invasion de l’histoire militaire. Au total, ce sont près de 4 millions de soldats de l’Axe qui pénètrent en Union soviétique, mobilisant 600 000 véhicules et 600 000 chevaux.

Le 22 juin 1941, l’opération Barbarossa est déclenchée -

Panzer III avec infanterie

Ce même jour, les leaders de l’OUN se rencontrent à Cracovie et établissent un plan pour créer un État ukrainien. Ils envoient une lettre à Adolf Hitler lui proposant une entière coopération en échange de l’indépendance de l’Ukraine.

Bien entendu, au vu de sa proximité géographique de la frontière, Lvov est aux avant-postes, et voit les soldats allemands arriver dès le 30 juin 1941.

Le front Est en 1941

Hitler libérateur

L’accueil des troupes nazies est très contrasté suivant les zones.

A l’Ouest de l’Ukraine, dans les territoires polonais annexés en 1939 par l’URSS (anciennement autrichiens puis polonais), l’accueil est enthousiaste et on construit des arcs de triomphe à la gloire des Allemands, vus comme des libérateurs. Cette arrivée est perçue comme un retour à l’ancien régime, plus favorable aux aspirations nationales ukrainiennes par opposition à l’attitude russe refusant de reconnaître les spécificités de l’Ukraine.

Accueil des allemands en Ukraine en 1941

Ukrainiens éminents accueillent les Allemands dans l’ouest de l’Ukraine en 1941

Arrivée des Allemands à Lviv en Juin 1941

Le bataillon Nachtigall dans les rues de lviv en Juin 1941

L’accueil est au contraire très mauvais dans le centre et l’Est de l’Ukraine (territoires anciennement russes, et restés soviétiques), où rien de semblable ne se produit. L’attitude de la population ukrainienne varie entre l’apathie et une haine dissimulée.

Ainsi, au moment où, dans les rangs des districts de l’Ukraine occidentale, la population locale continue à traquer et à capturer, dans les bois, « des opposants, communistes et des Juifs », dans la partie soviétique de l’Ukraine orientale, les nazis fusillent des habitants de la région qui aident ou cachent les partisans et les opposants.

Par ailleurs, le 30 juin 1941, le bataillon Nachtigall est arrivé quelques heures avant les nazis ; l’OUN-B proclama alors à Lviv l’indépendance de l’Ukraine.

Acte de Proclamation de l’Indépendance de l’Ukrainien

1. De par la volonté du peuple de l’Ukraine, l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, sous la direction de Stepan Bandera, proclame la formation de l’Etat ukrainien, pour lequel ont combattu des générations entières des meilleurs fils de l’Ukraine.

L’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, qui, sous la direction de son fondateur et chef Yevhen Konovalets a mené au cours des dix dernières années, une bataille sanglante contre les esclavagistes moscovito-bolcheviques dans une combat énergique pour la liberté, appelle tous les Ukrainiens à ne pas baisser les armes avant que toutes les terres ukrainiennes ne soient unies pour former un gouvernement ukrainien souverain.

Le gouvernement ukrainien souverain garantira au peuple ukrainien l’ordre, le développement unilatéral de toutes ses énergies et tous ses besoins.

2. Dans les terres occidentales de l’Ukraine, un gouvernement ukrainien est formé, qui est subordonné au Gouvernement National Ukrainien qui sera formé dans la capitale de l’Ukraine – Kiev.

3. Le nouvel État d’Ukraine collaborera étroitement avec la Grande Allemagne national-socialiste, sous l’autorité de son leader Adolf Hitler, qui est en train de mettre en place un Nouvel ordre Européen et Mondial, et qui est en train d’aider le peuple ukrainien à se libérer de l’occupation moscovite.

L’armée populaire révolutionnaire de l’Ukraine qui a été formé sur les terres ukrainiennes, continuera à se battre aux-côtés de l’armée allemande alliée contre l’occupation moscovite et pour un État souverain et uni et un nouvel ordre mondial.

Vive l’Ukraine Souveraine et Unie ! Vive l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens ! Vive le leader de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens et du peuple ukrainien – Stepan Bandera.

GLOIRE À UKRAINE !

“Source : Wikipedia
Un décret signé de Stepan Bandera nomme le même jour Yaroslav Stetsko comme chef de l’État.

Le 30 juin 1941 les habitants de lviv attendent la proclamation d’indépendance

Proclamation d’Indépendance de l’Ukraine , 1941

Convoqué le 2 juillet par les Allemands, qui lui expliquent que seul Hitler pouvait décider de la création d’un État à l’Est, Bandera leur répond obstinément qu’une telle décision n’a pas besoin du consentement des Allemands, car la seule chose qui importait était la volonté du peuple ukrainien.

Stetsko écrit le 4 Juillet à Hitler : « Votre Excellence. Je vous exprime la sincère gratitude et l’admiration des Ukrainiens pour votre armée héroïque, qui se couvrit d’une gloire immortelle sur les champs de bataille de l’Europe avec le pire ennemi – le bolchevisme moscovite. Nous vous envoyons, ô grand Führer, au nom du peuple ukrainien et de son gouvernement, qui a été créé dans Lemberg libérée, nos félicitations et nos souhaits chaleureux de voir finir ce combat dans la victoire complète.

La victoire des armées allemandes vous permettra d’étendre la création de la nouvelle Europe à ses territoires de l’Est. Ainsi, le peuple ukrainien espère qu’il aura l’occasion de participer activement à la mise en œuvre de cette grande idée, en tant que membre à part entière de la famille européenne des nations libres, uni dans l’Etat ukrainien souverain. Pour le Gouvernement ukrainien, le chef de l’État Yaroslav Stetsko »

Stetsko

Andrei Melnyk

Le 6 juillet 1941, Melnyk écrit pour sa part au Führer : « Le peuple ukrainien comme aucun autre, lutte pour sa liberté, l’âme imprégnée des idéaux de la nouvelle Europe. Le désir du peuple ukrainien est de participer à la mise en œuvre de ces idéaux. Nous, vieux combattants de la liberté des années 1918-1921, vous demandons de nous faire l’honneur d’accepter la participation de la jeunesse ukrainienne à la croisade contre la barbarie bolchevique. Nous demandons de nous permettre de marcher coude à coude avec nos libérateurs de la Wehrmacht et d’établir pour cela une force de combat ukrainien. »

Beaucoup pensèrent donc que cette proclamation avait la bénédiction allemande – ce qui n’était pas le cas. Ce nouvel État n’est pas reconnu par Hitler et le 4 juillet 1941, la déclaration d’indépendance de l’Etat ukrainien est annulée par les Allemands. Devant le refus de Bandera de revenir sur cette déclaration, les nazis l’arrêtent le 5 juillet et le conduisent à Berlin, puis ils arrêtent le 12 juillet Yaroslav Stetsko. Les deux passeront la guerre en détention dans un camp de prisonniers politiques. Environ 1 500 membres de l’OUN-B furent arrêtés par la Gestapo.

En novembre 1941, les consignes nazies sont durcies : « Le mouvement de Bandera est en train de préparer un soulèvement dans le Reichskommissariat dans le but ultime d’établir une Ukraine indépendante. Tous les cadres du mouvement de Bandera doivent être arrêtés sur le champ, et doivent, après interrogatoire poussé, être liquidés. » En décembre 1942, Hitler lui-même demande d’utiliser « les procédés les plus brutaux » contre les soutiens de l’OUN, « même contre les femmes et les enfants ».

Début 1942, l’OUN-M, qui collaborait toujours avec les Nazis, est à son tour réprimée par ceux-ci, son activité nationaliste étant vue comme préjudiciables aux projets nazis de transformer les territoires de l’Est en simples colonies allemandes.

La politique nazie des Allemands d’occupation du territoire est orientée vers l’affaiblissement de tous les facteurs potentiels d’indépendance nationale, qui peuvent devenir les bases de mouvements d’indépendance. Cela apparaît, par exemple, dans l’organisation de l’ensemble de l’enseignement général vers une étroite spécialisation professionnelle pratique, la fermeture des institutions scientifiques, des musées et bibliothèques, leur pillage, l’infantilisation du niveau de la culture dans la presse, le théâtre… L’affaiblissement des possibilités de la population est atteint par la faim, par l’ensemble des services médico-sanitaires, par les conditions inhumaines de travail imposées aux Ukrainiens envoyés en Allemagne et aux prisonniers de guerre soviétiques. Mais, aussi, par des exécutions massives de différents groupes de populations, pour des prétendus soutiens de mouvements de résistants.

En 1943, mécontente de la politique nazie en Ukraine, l’OUN-B entame la lutte armée contre les Allemands, contre les partisans ukrainiens pro-soviétiques, contre les partisans polonais et, à l’occasion, contre ses rivaux nationalistes de l’OUN-M, qui sont de facto obligés de se rallier ou de cesser leurs activités. L’OUN-B forme pour cela l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) qui compta jusqu’à 100 000 soldats. Bandera s’y oppose d’abord, car il croit qu’une armée clandestine ne peut pas gagner la guerre. Cependant, lorsque l’UPA devient réalité, Bandera lui donne son appui. Ses hommes ont mené des raids sur des centaines de stations de police allemandes et des convois militaires. Vers la fin de 1943 et au début de 1944, l’UPA contrôlait la majeure partie du territoire de Volhynie, en dehors des grandes villes. En mai 1944, l’OUN envoya une instruction pour « basculer complètement d’une lutte, menée contre les Allemands, vers une lutte totale contre l’URSS ».

Drapeau de l’UPA

l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA)

l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA)

Cependant, avec l’avancée soviétique, les choses changent. Le début des discussions et de l’établissement de liens entre les Allemands et l’OUN-UPA a lieu à la fin de 1943. Début 1944, l’Obergruppenführer SS Hans Prützmann signale : « Dans les territoires ennemis occupés, l’UPA envoie systématiquement les résultats de ses reconnaissances au Département du Ier groupe d’armée du front Sud. ». De mars à mai 1944, à Lviv, des discussions ont lieu entre les représentants de l’OUN et des Allemands à propos des accords sur les modalités pratiques de coopération. Le 9 mars 1944, une ordonnance du groupe UPA–Nord déclare : « Aujourd’hui il subsiste un ennemi au moins. Luttons contre l’impérialisme moscovite, contre les partis, le NKVD et ses valets, qui sont prêts à aider tous les ennemis du peuple ukrainien ! ».

En avril 1944, Bandera est approché pour discuter de plans de sabotages contre l’Armée Rouge. Les banderistes sont tous libérés en septembre 1944 ; Bandera est autorisé à fixer son quartier général à Berlin. Les Allemands équipent l’OUN-B et l’UPA en matériel. Encore début 1945, des leaders de l’OUN-B sont évacués par avion par les Allemands.

Après la reconquête soviétique, l’OUN-B continue son action armée contre les Soviétiques, et maintient une activité politique et militaire clandestine en Ukraine jusque dans les années 1950 : les combats ne cessent qu’en 1953-1954.

En 2010, après la reclassification de milliers de pages d’archives sur la Guerre, les Archives nationales américaines publièrent un document intitulé Hitler’s Shadow : Nazi War Criminals, U.S. Intelligence, and the Cold War, par Richard Breitman et Norman Goda, qui incluait un compte-rendu détaillé sur la collaboration de Bandera avec les nazis et leur rôle dans les exécutions de masse de Juifs et de Polonais – dont son tirées les informations suivantes.

“Source : the National Archives
“Source : CIA

Après la guerre, Bandera resta en RFA, où il créa en février 1946, la Section des Affaires étrangères de l’OUN, branche en exil du groupe Bandera, dans laquelle il a maintenu « une ligne ferme sur toutes les questions, l’éducation politique, l’unité idéologique et politique, et la discipline de ses membres. » Bandera avait pour but de créer une dictature en exil, qu’il pourrait transférer ensuite dans une Ukraine libérée. Selon des observateurs du service contre-espionnage de l’armée américaine CIC, la Section des Affaires étrangères OUN utilisait régulièrement l’intimidation et même la terreur contre ses ennemis politiques. Les rapports du CIC classent Bandera comme « extrêmement dangereux » car il était prêt à recourir à la violence contre des rivaux ukrainiens en Allemagne. Il était « constamment en déplacement, souvent déguisé » avec des gardes du corps prêts à « en finir avec toute personne qui pourrait être dangereuse pour [Bandera] ou son parti. »

Une querelle éclata en 1947 entre Bandera et Stetsko d’une part, et Hrinioch et Lebed (l’ancien assistant de Bandera qui dirigeait sur le terrain la police secrète du groupe) de l’autre. Bandera et Stetsko insistaient pour aboutir à une Ukraine indépendante avec un parti unique, l’OUN, dirigé par un seul homme, Bandera. Hrinioch et Lebed déclarèrent que les résistants dans le pays avaient créé le gouvernement clandestin UHVR, et qu’ils n’accepteraient jamais Bandera comme dictateur. Ces derniers furent alors expulsés de l’OUN.

Bandera fut recruté en avril 1948 par les services secrets britanniques – la liaison fut arrangée par Gerhard von Mende, un ancien nazi de haut niveau, qui travaillait pour les Britanniques à travers une société écran, qui recrutait en grande majorité des rebelles musulmans à l’intérieur de l’Union soviétique. Cet ancien dignitaire nazi joua ainsi un rôle déterminant dans la mise en place d’une plate-forme d’opérations des Frères islamiques à Munich et à Genève.

Grâce à von Mende, le MI-6 entraîna des agents de l’OUN-B qui étaient ensuite envoyés en Union soviétique pour y commettre des actes de sabotage et des assassinats entre 1949 et 1950. Un rapport du MI-6 de 1954 fait l’éloge de Bandera en tant qu’« agent professionnel muni d’une expérience terroriste et de notions impitoyables concernant les règles du jeu ». Il a ensuite eu des contacts avec les services secrets italiens.

Les forces de police voulurent ensuite démanteler l’organisation de Bandera, en raison de crimes allant de la contrefaçon au kidnapping. Mais Von Mende, qui était alors devenu un officiel du gouvernement de la RFA la protégea. En avril 1959, Bandera sollicita l’aide des services secrets allemands pour mener des opérations clandestines en Ukraine. Ils acceptèrent de soutenir au moins une mission sur la base du fait que « Bandera et son groupe avaient cessé de trancher des gorges ». Une équipe formée et financée par le BND a traversé la Tchécoslovaquie à la fin juillet, et le BND a promis à Bandera de le soutenir pour des opérations futures, si celle-ci devait être couronnée de succès.

Cette dernière décision lui fut fatale. À l’évidence, les Soviétiques ne pouvaient tolérer une nouvelle alliance entre les services secrets allemands et les fanatiques ukrainiens. Stepan Bandera fut alors assassiné par le KGB en octobre 1959.

La CIA et le Département d’État américain refusèrent catégoriquement de travailler avec Bandera. Un rapport de la CIA indiqua que : « Par nature, Bandera est un dirigeant politique intransigeant, doté d’une grande ambition personnelle, qui s’est opposé depuis avril 1948 à toutes les organisations politiques de l’émigration qui favorisent une forme de gouvernement représentatif en Ukraine, défendant l’idée d’un parti unique, le régime OUN / Bandera. […] Bandera est aussi un assassin condamné. » À partir de 1951, Bandera fit des déclarations anti-américaines, car ceux-ci ne soutenaient pas l’idée d’une Ukraine indépendante.

En revanche, comme par rapport à Bandera, Hrinioch et Lebed représentaient un groupe plus modéré, stable, sécurisé et opérationnel avec des connexions solides avec les nationalistes ukrainiens clandestins en URSS, la CIA décida de les soutenir. Et ce, même si un rapport du CIC américain de juillet 1947 qualifiait Mikhaïl Lebed de « leader fasciste ukrainien » et de « sadique bien-connu et de collaborateur des Nazis ». On constate ainsi que de telles qualités n’embarrassaient nullement la Maison blanche – pas plus que les penchants pronazis des dirigeants actuels à Kiev…

La CIA n’a pas cessé pendant la guerre froide de coopérer avec Lebed. Celui-ci recruta les agents de l’OUN-B qui n’avaient pas suivi Bandera au MI-6 et participa à de nombreux programmes de sabotage derrière le Rideau de fer, incluant l’« Opération Cartel » et l’« Opération aérodynamique ». Lebed fut ensuite envoyé à New York pour le protéger, où il établit une société écran pour le compte de la CIA, Prolog Research Corporation. Prolog fut actif jusqu’au cours des années 1990, après avoir obtenu un fort soutien de la part de Zbigniew Brzezinski qui était alors le conseiller du président Jimmy Carter en matière de sécurité nationale.

En 1985, le département de la Justice ouvrit une enquête sur le rôle de Lebed dans le génocide en Pologne et en Ukraine au cours de la Deuxième Guerre mondiale, mais la CIA fit de l’obstruction et l’enquête fut étouffée. Lebed mourut impuni en 1998 à 89 ans…

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/l-invasion-nazie-en-1941/


L’Ukraine, terre de tolérance (avec les néonazis…)

Friday 20 June 2014 at 00:45

Je précise juste en passant que ça continue les plaisanteries…

On a déjà parlé du sympathique bataillon Azov de nationalistes (vidéo du 9 mai ici) :

Ils étaient à Marioupol le 13 juin, dans une vidéo de propagande montrant leurs combats :

Pas de bol, le long du mur à droite du casque, un petit “détail” (à 2’11) – cela montre l’ambiance locale :

Apparemment ceci (à 6’45) n’émeut donc pas Caroline Fourest :

Autre chose, on a évoqué ici la manifestation (l’attaque ?) devant l’ambassade de Russie à Kiev.

La presse en a (un peu) parlé. Souvent en des termes et photos mesurés, comme ici RFI et France 24 (signalé par Dahu) :

Bizarre, si certains montrent un peu de dégâts, je n’ai vu aucun montrer ça apparemment :

Mais bon, l’essentiel est là quand même :

(Bon comme c’est Le Monde, le 27 juin c’est donc “avant l’été”, mais passons. La suite est plus intéressante :

“Alors que l’Est du pays est toujours très instable, le nouveau président ukrainien, Petro Porochenko, a annoncé jeudi qu’il signerait le volet économique de l’accord crucial d’association avec l’Union européenne (UE) le 27 juin à Bruxelles.

C’est un accord de libre-échange : on n’ose plus appeler un chat un chat ?

L’UE et l’Ukraine étaient convenues de signer cet accord en novembre, mais le président ukrainien de l’époque Viktor Ianoukovitch avait fait volte-face sous la pression de Moscou, déclenchant la crise qui a conduit à sa chute.

Le gouvernement par intérim présidé par le premier ministre Arseni Iatseniouk avait signé le volet politique de cet accord à Bruxelles le 21 mars, lequel reconnaissait notamment « les aspirations du peuple ukrainien à vivre dans un pays s’appuyant sur des valeurs, la démocratie et l’état de droit ».

UN PARTENARIAT INÉDIT

Kiev avait repoussé la signature du volet économique parce qu’il impliquait une levée des barrières douanières ukrainiennes visant à protéger d’une compétition européenne directe les paysans et les aciéries dans l’Est.

Note : un éclair de lucidité. Cela a été refusé “sous la pression de Moscou”. Mais bon, c’est vrai aussi que ça allait foutre en l’air l’agriculture et l’industrie ukrainiennes, et ferait plein de chômeurs… Mais le Président Ianoukovytch n’a pas refusé pour cette raison, hein, ce ne serait pas logique…

Mais bon, heureusement, depuis, les choses ont changé, et cette fois, ces secteurs vitaux seront protégés et ils ser…

Oups, ah ben non, rien n’a changé… Mais le journaliste du Monde en reste là (2 millions d’emplois dans le pays le plus pauvre d’Europe, c’est du détail pour Bruxelles), et poursuit…

Certains médias américains, notamment le Wall Street Journal, avaient dans un premier temps indiqué que le nouveau président ukrainien envisageait de repousser la signature de l’accord jusqu’à ce que le pays parvienne à sortir de la récession et jusqu’à une résolution de l’insurrection séparatiste prorusse.

Ce qui serait juste NORMAL..

Inédit dans l’histoire de l’UE, l’accord d’association vise à arrimer l’Ukraine à l’Union, sans pour autant déboucher sur son adhésion au bloc des 28.

AHAHAHAHAHAH

UN RAPPROCHEMENT SUR LE GAZ

Le même jour que cette annonce, une autre décision importante a été prise par les députés ukrainiens. Confronté à une coupure de l’approvisionnement russe en gaz, le Parlement a accepté jeudi d’examiner un projet de loi confiant la gestion des infrastructures gazières de l’Ukraine à une coentreprise ouverte aux investisseurs européens ou américains.
Cette nouvelle entité, détenue à 51 % par l’Ukraine et à 49 % par des partenaires étrangers, s’occuperait de louer les gazoducs et les sites souterrains de stockage du gaz, dans le but de réduire la dépendance de Kiev vis-à-vis de Moscou tout en garantissant un transit fiable du gaz russe vers l’Europe.

Ah, c’est donc du bi-zi-nesse alors… Pensée pour les morts à Maïdan : votre sacrifice n’aura pas été vain, GDF vous remercie…

Le gouvernement fait valoir que la coentreprise permettrait l’apport de capitaux et ne justifierait plus la construction par le groupe russe Gazprom et ses partenaires du gazoduc South Stream, qui doit contourner le territoire ukrainien en reliant la Russie à la Bulgarie via la mer Noire.

Ahhh, ils vont être contents Gazprom… Et puis ils ne vont pas augmenter le prix de notre gaz alors pour se refaire… Et comme il y a une révolution tous les 6 mois en Ukraine, ne sécurisons surtout pas nos flux gaziers par un plan B surtout…

Le gazoduc South Stream risque de faire perdre à l’Ukraine les frais de transit qu’elle touche sur la livraison de gaz russe à l’Europe occidentale. Kiev espère aussi que la création d’une coentreprise sur le gaz lui permettra de racheter plus facilement à l’Europe une partie de son gaz importé de Russie. Arseni Iatseniouk a estimé que cette inversion des flux pourrait atteindre quinze milliards de mètres cubes par an.

Je ne suis pas spécialiste, mais je vois mal Gazprom qui vend son gaz à des prix très différents en Europe autoriser ça - étrange…

 

Bon, en tous cas, comme je l’ai déjà écrit, la signature ou pas de ce papelard montrera la finesse de Porochenko, et son sens de l’intérêt général.

Car comme dès qu’il va signer, la Russie va sortir l’Ukraine de ses accords de libre-échange (pas pour la punir, juste pour se protéger, comme on résilierait Schengen si Madrid signait un accord de libre circulation des personnes avec l’Algérie), et va donc nitrater l’industrie de l’Est de l’Ukraine. D’où d’énormes problèmes sociaux et donc politiques à venir.

Du suicide pour moi, de la pure inconscience de la part de l’UE : signer un accord de libre échange et d’association avec un pays dont une partie est en guerre civile et qui a un contentieux territorial fort avec la Russie.

Ils iront jusqu’au bout de la folie…

PS. sinon, ancien, de mi-2013, on en a déjà parlé, mais comme on m’a envoyé ce jour cette vidéo – on ne s’en lasse pas, surtout le député Svoboda à la fin…

Source: http://www.les-crises.fr/l-ukraine-terre-de-tolerance/


Le scandale des fonds vautours face à l’Argentine…

Thursday 19 June 2014 at 17:00

Reprise de 2 articles, je manque de temps, partant uen semaine en Crète demain pour un peu de repos bien mértié (la modératon sera donc très lente).

Cependant, je lance simplement deux règles simples, qui devraient être inscrites dans le Droit international pour règler une fois pour toutes le sort des fonds vautours :

1. Un État ne rembourse jamais le titulaire d’une obligation publique pour plus cher que 100 % (ou même 130 %, si on veut un peu de liquidité en cas de problèmes) du prix qu’a été achetée l’obligation. 

2. La loi régissant une obligation publique est toujours celle du pays émetteur – aucun autre État n’a donc de compétence pour en condamner un autre.

Les États-Unis disjonctent de plus en plus :

To be continued…

Pourquoi des fonds vautours ont-ils gagné face à l’Argentine ?

Reprise d’un article de La Croix

 La Cour suprême des États-Unis a refusé de se saisir d’un ultime recours de l’Argentine sur sa dette. 

La haute Cour confirme ainsi la décision d’une cour d’appel de New York qui, en août 2013, avait condamné l’Argentine à rembourser ses créances aux fonds spéculatifs – dits « vautours » – NML Capital et Aurelius Management. La présidente argentine Cristina Kirchner a assuré que le pays n’allait « pas se déclarer en défaut de paiement ». 

Par Michel Aglietta, conseiller scientifique au CEPII :

« Cette décision est navrante. Elle est le résultat d’une campagne de lobbying menée à Washington avec des moyens considérables par ces fonds vautours. C’est la victoire de la vision anglo-saxonne de la justice, fondée sur le droit coutumier. Ce droit donne plus d’importance aux intérêts privés qu’aux intérêts collectifs. Les spéculateurs ont ainsi gain de cause face au peuple argentin. Dans cette vision, le droit de la propriété privée doit l’emporter sur tout autre intérêt économique.

« C’est l’argent qui fait de l’argent qui a gagné face à l’argent qui a une utilité économique et sociale »

Revenons sur l’histoire récente de la dette argentine. En 2002, face à l’écroulement du pays, ses créanciers ont accepté des rabais, des rééchelonnements, histoire de ne pas perdre la totalité de leur mise. C’est dans ce climat que des hedge funds – ces fonds vautours – ont racheté des titres de la dette argentine, dont la majorité des investisseurs voulait se débarrasser. Ils les ont rachetés à bas prix. Ils ont ensuite dépensé leur énergie à exiger un paiement du pays. Ils ont donc eu gain de cause. C’est l’argent qui fait de l’argent qui a gagné face à l’argent qui a une utilité économique et sociale.

On pouvait espérer que la crise financière de 2008 avait modifié les comportements. Ce n’est pas le cas. Les spéculateurs purs et durs ont gagné sur les investisseurs à long terme. C’est regrettable d’un point de vue moral. C’est également regrettable sur le plan financier. Depuis la crise de 2008, les banques centrales soutiennent l’activité en injectant massivement des liquidités. L’économie réelle a besoin que ces liquidités se fixent sur le long terme dans des investissements qui relancent la croissance, qui luttent contre le changement climatique.

« La croissance actuelle se fait sur la base de la spéculation »

Or, les détenteurs de ces liquidités préfèrent spéculer. Ils se portent, par exemple, sur les pays émergents, avant d’en sortir à la moindre annonce d’un possible relèvement des taux d’intérêt aux États-Unis, ce qui leur assurerait une meilleure rémunération. Voilà, pourquoi les pays développés courent après une croissance solide. La croissance actuelle se fait sur la base de la spéculation. C’est le cas en Grande-Bretagne où elle s’explique par une nouvelle flambée immobilière. Dans ce contexte, ce n’était pas le moment d’envoyer le type de signal que vient de donner la Cour Suprême ! »

Recueilli par Pierre Cochez

L’Argentine souhaite rembourser sa dette mais refuse de payer les fonds vautours

Article de La Tribune

L’Argentine rejette le jugement américain qui l’oblige à rembourser sa dette aux fonds vautours, qui pourrait l’exposer à hauteur de 15 milliards de dollars. Mais elle insiste aussi sur sa volonté de rembourser ses créanciers “coopératifs”.

L’Argentine veut honorer ses dettes, mais se refuse à appliquer sous sa forme actuelle un jugement américain la contraignant à payer plus d’un milliard de dollars à deux fonds spéculatifs, ce qui pourrait provoquer à terme un nouveau défaut de paiement.

15 milliards de dollars potentiels à rembourser

Le gouvernement de la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner a en effet annoncé mardi qu’elle entendait négocier avec Thomas Griesa, le juge qui a prononcé l’arrêt de la Cour d’appel de New York, confirmé lundi par la Cour suprême des Etats-Unis.

Nous allons envoyer nos avocats pour parler avec le juge Griesa“, a déclaré le ministre argentin de l’Economie Axel Kicillof. Car, “si le jugement s’applique, l’Argentine se verrait obligée de payer aux fonds vautours non pas 1 milliard de dollars mais 15 milliards, et cela conduirait l’Argentine au défaut de paiement. Mais soyez tranquilles, nous n’arriverons pas à ce stade“, a-t-il ajouté.

Certes, le jugement condamne l’Argentine à ne verser que 1,4 milliard de dollars à NML Capital et à Aurelius Management. Mais ce jugement a créé un précédent, et les autres fonds qui ont refusé les restructurations de la dette argentine pourraient exiger le même traitement. Comme le dit Axel Kicillof, Buenos Aires pourrait alors avoir à verser quelque 15 milliards de dollars.

Or, un remboursement aussi important serait impossible à l’heure où la banque centrale d’Argentine ne dispose que de 28,5 milliards de réserves en dollars, sur fond de déficit énergétique et d’amorce de récession économique.

“Mettre au tapis la restructuration de la dette argentine”

Depuis la faillite de 2001, Buenos Aires rembourse progressivement sa dette envers 93% des créanciers privés qui ont consenti en 2005 et 2010 une remise de dette d’environ 70%. Mais les 7% restant, des fonds spéculatifs, ont refusé cet accord et activé l’option judiciaire pour réclamer 100% de la valeur nominale de bons qu’ils avaient achetés à bas prix.

“Ils veulent mettre au tapis la restructuration de la dette argentine (…) Une clause dans les bons et dans la législation argentine dit que nous ne pouvons pas faire une meilleure offre à un autre créancier”, a mis en avant le ministre argentin.

“Si une sentence nous dit ‘suicidez-vous’, on ne peut pas l’accepter”, a lancé le ministre, un proche de Mme Kirchner.

Il a ensuite souligné que les deux fonds spéculatifs victorieux de leur combat judiciaire contre l’Argentine n’avaient jamais prêté d’argent à l’Argentine. “Ils ont racheté des titres pour 48,7 millions de dollars et un juge des Etats-Unis leur dit qu’il doivent encaisser 832 millions“, dénonce-t-il.

Buenos Aires n’emprunte plus sur les marchés de capitaux

Surfant depuis 2002 sur d’importants revenus tirés des exportations agricoles dopées par la flambée du prix des matières premières, l’Argentine a soldé sa dette avec le FMI en 2006 et conclu le mois dernier un accord avec le Club de Paris.

Depuis 2001, Buenos Aires a renoncé à lever des fonds sur les marchés internationaux de capitaux. Lundi soir, la présidente de centre gauche s’est adressée aux 41 millions d’Argentins, et s’est élevée contre les fonds vautours coupables selon elle d’”extorsion“. Mais elle a réaffirmé sa volonté de rembourser les créanciers “coopératifs“. Pour gagner du temps, elle peut notamment demander à la Cour suprême des Etats-Unis une révision du jugement.

S&P dégrade, le FMI s’inquiète

L’agence de notation financière Standard and Poor’s a abaissé mardi de deux crans la note de la dette de l’Argentine, soulignant que le jugement américain “augmente les risques” d’un défaut de paiement argentin.

S&P établit toutefois une stricte délimitation: selon elle, l’Argentine ne sera considérée en défaut que dans la seule hypothèse où elle ne parviendrait pas à payer ses créanciers coopératifs. Le non-remboursement des deux fonds “vautours” ne suffira en revanche pas à lui attribuer ce statut redouté par les pays et les investisseurs, précise l’agence.

Selon les experts, le litige autour de la dette argentine pourrait menacer les futures restructurations de dette publique en incitant les créanciers à refuser tout compromis avec les États. Mardi, le FMI s’est notamment dit “inquiet de potentielles implications plus vastes pour l’ensemble du système“, estimant que le jugement pourrait menacer dans le monde les futures restructurations de dette publique.

Source: http://www.les-crises.fr/le-scandale-des-fonds-vautours-face-a-largentine/


[Reprise] Crise sur deux fronts (DeDefensa)

Thursday 19 June 2014 at 16:27

Très bon papier de DeDefensa - ça fait plaisir de voir qu’il reste des penseurs de géopolitique dans le pays…

18 juin 2014 – L’Irak a-t-elle fait oublier l’Ukraine ? Ou, question posée autrement, de façon plus appuyée : la crise irakienne est-elle survenue à point pour faire oublier la crise ukrainienne ? On a fort peu lu ni entendu d’explications bien informées sur une sorte de “stratégie de crises” comme il est coutume d’envisager parfois. C’est un exercice dialectique qui ne déplaît pas d’habitude aux mêmes esprits qui échafaudent les scénarios explicatifs des divers Grands Jeux et “complots” manipulateurs (en général du chef des USA) expliquant tel ou tel événement inattendu. On n’a guère entendu ni lu, par exemple, d’hypothèses concernant la corrélation possible entre la crise irakienne et la crise ukrainienne, notamment du point de vue de la communication ; puisque certains en sont à dire que l’offensive d’ISIS en Irak a été manipulée par les mains obscures et expertes qu’on sait, pourquoi ne pas pousser l’hypothèse et avancer que la crise irakienne vient à point pour détourner l’attention de l’Ukraine alors que la bande de Kiev poursuit son entreprise de liquidation (de tentative de liquidation) de la révolte du Donbass ? Ainsi les belles âmes humanitaires du bloc BAO n’auraient-elles pas quelque vague remord à détourner le regard des bombardements divers des villes et villages de la zone, puisque la crise irakienne force à ce détournement, le rend presque nécessaire et le justifie parfaitement.

… Mais l’hypothèse est absurde, parce que “les belles âmes humanitaires” n’éprouvent aucun “vague remord”, ignorant parfaitement ce qu’il faut ignorer en Ukraine et s’en tenant à la narrative de l’“agression russe” assaisonnée du mutisme le plus complet pour ce qui concerne la situation en Ukraine russophone, et notamment la campagne de terreur des force “contre-terroristes” de Kiev. Aussi nous abstiendrons-nous à ce point de quelque hypothèse que ce soit, pour en venir au constat qu’il est difficile, à cause des événements eux-mêmes et de la tournure qu’ils prennent, de ne pas envisager une situation où ces deux crises se trouveraient à leur paroxysme en même temps, – et, dans ce cas, que fait-on, que se passe-t-il ?

Cette proximité chronologique de paroxysme est-elle possible ? Il semble bien que oui. En effet, les deux crises, qui ont déjà connu un paroxysme initial qui caractérise toute crise normalement constituée, semblent dans une situation qui pourrait mener à un second paroxysme, éventuellement en parallèle, la crise irakienne rattrapant à grands pas le temps perdu. (On se trouve là devant le caractère exceptionnel des “crises” dans ce temps crisique, où le Système fait partout feu de toute sa surpuissance et où les arrangements métahistoriques influent directement sur les événements. Les “crises” ne se résument plus à un paroxysme suivi d’un apaisement et de leur résolution, dans un sens ou l’autre, mais bien à des crises qui se transforment très rapidement, après leur “paroxysme initial”, en une situation chronique où d’autres paroxysmes se manifestent, tout cela dans le cadre de ce que nous nommons infrastructure crisique.)

• D’une part, on connaît la situation en Irak, qui peut être résumée selon le constat que le premier choc de l’invasion d’ISIS (paroxysme initial) a établi une situation de crise mais n’a pas résolu cette crise. Le régime Maliki ne s’est pas effondré, la débandade de l’armée irakienne a été contenue, une situation d’un certain équilibre se rétablit et l’affrontement se met en place. Au contraire, Maliki, loin d’accepter la défensive sinon la contrition et éventuellement les conseils nécessairement éclairés de Washington, choisit la résistance agressive, dans tous les cas au niveau de la communication et, espère-t-il, sur le terrain avec une mobilisation générale des ressources guerrières annexes de la population chiite (milices, “armées” spécifiques, etc.). Maliki réagit dans un mouvement d’humeur, sinon de révolte, aux “conseils nécessairement éclairés de Washington”, comme le rapporte ZeroHedge.com le 17 juin 2014 :

«Shortly after the US revealed that, in addition to aircraft carriers and amphibious assault ships it was also sending a few hundred “special forces” on the ground in Iraq, contrary to what Obama had stated previously, Washington made quite clear it wants Prime Minister Nuri al-Maliki to embrace Sunni politicians as a condition of U.S. support to fight a lightning advance by forces from the Islamic State of Iraq and the Levant. Then something unexpected happened: Iraq’s Shi’ite rulers defied Western calls on Tuesday to reach out to Sunnis to defuse the uprising in the north of the country, declaring a boycott of Iraq’s main Sunni political bloc and accusing Sunni power Saudi Arabia of promoting “genocide.” In fact, as Reuters reported moments ago, the Shi’ite prime minister has moved in the opposite direction of Obama’s demands, announcing a crackdown on politicians and officers he considers “traitors” and lashing out at neighbouring Sunni countries for stoking militancy.»

Outre l’attitude de Maliki vis-à-vis de BHO, ce qui est intéressant, dans cette situation c’est l’accusation du même Maliki contre l’Arabie. Cela pourrait signifier que l’Irakien cherche à impliquer l’Arabie en exposant au grand jour son “Grand Jeu” déstabilisateur développé depuis 2-3 ans, notamment en Syrie et depuis bien plus longtemps, derrière tous les groupes terroristes. L’ironie de la chose est bien que cette circonstance se produit au moment où l’Arabie, après la liquidation en douceur de Prince Bandar qui a officiellement perdu en avril son poste de maître déstabilisateur à la tête des SR, semble tentée de changer de stratégie pour une position plus défensive et plus conciliante, et alors l’agressivité de l’Irak à son encontre ne facilite pas ses affaires. Cette tension à la fois extrême et confuse sur cet axe Bagdad-Ryad ne facilite pas la tâche des washingtoniens, qui est de décider quelque chose, alors que l’offensive d’ISIS a divisé d’une façon extraordinaire le camp interventionniste, – avec le symbole effectivement extraordinaire des sénateurs-siamois Graham et McCain s’opposant, pour et contre une coopération USA-Iran contre ISIS dans la crise irakienne. On voit de quel côté, aujourd’hui, se trouvent la confusion, l’indécision, la paralysie, alors que l’Iran est partout sollicité par le bloc BAO pour tenir le rôle qu’il entend naturellement jouer, de protecteur du régime Maliki contre l’ISIS et la révolte sunnite. Washington-Système envoie un porte-avions dans le Golfe, – c’est peu pour une crise de cette puissance mais il n’en a guère plus à disposition, – et barbote dans l’impuissance et dans les querelles internes du pouvoir américaniste.

• En même temps, il apparaît possible que la crise ukrainienne se dirige rapidement, elle aussi, vers un nouveau paroxysme. La tension entre l’Ukraine et la Russie a progressé à pas de géant ces derniers jours. Pêle-mêle, on citera la poursuite de la campagne dite-“anti-terroriste” en Ukraine russophone ; l’interruption de livraison de gaz russe à l’Ukraine ; l’attaque contre l’ambassade russe à Kiev, avec l’étrange performance du ministre des affaires étrangères ukrainien au milieu de la foule ; la mort de deux journalistes russes en Ukraine russophone, au cours d’une attaque d’éléments ukrainiens dont on peut croire que l’opinion publique russe jugera qu’elle était préméditée…

L’opinion publique russe, justement… Dans ce pays souvent présenté, dans les salons parisiens où l’on cultive la parabole surréaliste, comme étant avec Poutine dans un régime de dictature à l’égal de celle de Staline, il se trouve que cela compte, l’opinion publique, comme dans une vulgaire démocratie occidentale, et peut-être plus encore. Effectivement, nous avons toujours pensé que l’un des grands problèmes de Poutine, dans sa tactique de containment face aux pressions et aux provocations ukrainiennes, ce serait l’impatience de l’opinion publique. L’une des grandes réussites de Poutine dans cette crise, le rassemblement patriotique autour de lui, peut s’avérer être la pression décisive qui le forcerait à changer sa politique. C’est notamment l’appréciation du Saker, de The Vineyard of the Saker, qui juge, le 17 juin 2014, que Poutine ne pourra plus, très, très rapidement, écarter l’option de l’intervention…

«…Second, the level of outrage in Russia over the apparent Russian non-action in the face of what has now clearly become a systematic terror campaign against the people of Novorossia is immense. If Putin does not take action very soon he will face a very serious challenge from many sectors of Russian society including the media, the Duma and even his own party “United Russia”. My personal opinion is that this “wait and see” game was probably aimed at deliberately getting the Russian public opinion in a state of rage similar to the one which preceded the 2nd Chechen war but if that is so, then now the Russian society has reached boiling point and that if Putin does not act very soon a political explosion will take place in Russia. Every day now I see already “not so veiled at all” criticisms and expressions of disbelief at the Kremlin’s “shameful passivity”, and I am not talking about some small extremist party websites, but of the most watched and best known TV news and talkshows of mainstream Russian TV. Reporters which used to be very pro-Putin are now clearly and openly expressing frustration maybe not at Putin personally (yet), but at “Moscow”. But the writing is on the wall for Putin now. Furthermore, representatives of Novorussian authorities are now spending their time in Moscow going from one talk-show to another and making truly dramatic pleas for help. In other words, Putin is days away from what will become his political suicide unless he takes action. I would say that things have become so bad that even if the Novorossian Defense Forces have what it takes to keep the neo-Nazi death-squads mostly in check (and I believe that they do), the humanitarian situation is so bad (over 110.000 refugees already) that the pressure to have Russia intervene will continue to grow regardless of the military equation.»

On sait que la thèse la plus courante de la situation ukrainienne hors des narrative et de la presse-Système, c’est celle de la pression et de la manipulation US de la direction ukrainienne pour provoquer à toute force une intervention russe en Ukraine russophone, de façon à pouvoir mettre la Russie en accusation, éventuellement aggraver la situation en Russie même, etc., avec au bout du compte l’habituelle perspective du regime change. (…Et plus encore, avec le mot de l’ancien chef du renseignement russe, Leonid Chebarchine, selon lequel «l’Ouest ne veut qu’une seule chose de la Russie : que la Russie n’existe plus.»). D’une certaine façon, on pourrait dire que la crise en Irak facilite, en en détournant l’attention, la mission du pouvoir de Kiev, pour ce qui regarde la campagne “anti-terroriste”. (Quoique l’on peut discuter ce jugement du simple fait que, dans tous les cas, même lorsque l’attention était fixée sur l’Ukraine, l’aveuglement volontaire du bloc BAO sur les événements en Ukraine russophone faisait fort bien l’affaire…) Bien évidemment, si la pression interne pousse Poutine à l’intervention, – sous la forme d’un “corridor humanitaire” en Ukraine orientale, par exemple, – l’argument se retourne et c’est la Russie qui profite du détournement d’attention.

De toutes les façons, la pression de la crise irakienne est si énorme qu’on voit mal comment un nouveau paroxysme ukrainien (intervention russe) pourrait ramener la concentration des moyens de guerre de la communication, et d’autres styles de guerre plus ou moins “douce”, contre la Russie. On peut même imaginer que certains acteurs des deux crises, surtout dans le camp anti-US, ou antiSystème si l’on veut, peuvent être amenés à jouer de cette “concurrence” des tensions. Dans tous les cas, on découvre alors des possibilités extraordinaires de contradictions antagonistes lorsqu’on considère les positions respectives et relatives des uns et des autres : ici, les USA dans une position aventuriste de provocation directe de la Russie à l’aide d’une direction ukrainienne complètement faussaire ; là, les USA dans la position de quémander une aide de l’Iran, éventuellement de la Syrie, pour soutenir un régime qu’ils critiquent contre des groupes terroristes qu’ils ont eux-mêmes financés, – tout cela, alors qu’on sait les liens unissant la Russie d’une part, la Syrie, l’Irak et l’Iran de l’autre. Qu’on imagine également les “concurrences” de priorité à Washington, où déjà l’idée de “coopérer” avec l’Iran divise le War Party en son cœur même … Tout cela, alors que les moyens militaires de pression des USA, voire pour un affrontement, sont notablement amenuisés.

(Comme on l’a rappelé plus haut, on a beaucoup annoncé, comme pour signaler la puissance US, le déploiement dans le Golfe du USS George H.W. Bush, le bien-nommé et le plus récent [CVN-77] des grands porte-avions d’attaque de l’US Navy. Ce déploiement signale au contraire l’extraordinaire faiblesse de l’US Navy par rapport à ses missions et à ses structures historiques depuis 1945, puisque cette unité est le seul porte-avions US pour toute la zone Méditerranée-Océan Indien, au lieu des 2-4 présents jusqu’à ces dernières années selon les crises en cours ou non. [Voir le déploiement des porte-avions US restant en service sur ZeroHedge.com, le 13 juin 2014.] On découvre à cette occasion que les USA n’ont plus d’unité centrale de contrôle et de projection de force déployée en permanence dans le Golfe comme ce fut le cas depuis 9/11 jusque fin 2013 et les premiers effets de la séquestration.)

Connexion des paroxysmes

Toute réflexion stratégique sensée inscrit parmi ses grands principes le précepte de ne pas ouvrir de second front lorsqu’on est déjà suffisamment occupé avec un premier. Mais comme nous soupçonnons les USA de beaucoup moins planifier et manigancer tous les événements du monde à la façon que nous annoncent les analystes du complot, nous ne jugerons pas que les USA sont en l’occurrence coupables de déroger à cette règle essentielle du second front. Pour nous, la crise ukrainienne reste, dans sa mécanique, dans son déclenchement, dans son “exploitation”, le travail de centres de pouvoir et d’individualités (Nuland & Co) hors de toute coordination et planification centralisées ; idem pour la crise irakienne, qui est le produit d’un monstre de plus accouché par les USA-Système (ISIS et sa nébuleuse diverse), et dont on a évidemment complètement perdu le contrôle. Voilà à quoi se résume “leurs plans” divers et, par conséquent, le “second front” n’est pas de leur propos. Il n’empêche que si les deux crises parviennent, comme on en fait l’hypothèse, à un paroxysme parallèle et chronologiquement aligné, les conséquences deviennent absolument imprévisibles et hors de tout contrôle. (Et nous parlons, notamment et principalement, d’abord des conséquences à Washington même.)

Dans les deux crises, la faiblesse des USA, principaux instigateurs inconscients des causes et des conséquences, sinon de l’acte lui-même, tient en ce qui sembla jusqu’alors faire leur force. Dans des crises qui impliquent des acteurs régionaux, qui ont pour la plupart leurs destins engagés, ils figurent comme un acteurs global, désengagé quant à l’essentiel de leur destin voire de leur ontologie ; c’était jusqu’alors leur puissance apparente, puisqu’ils semblaient ne pas risquer trop dans chaque crise ainsi déclenchée, mais c’est désormais leur faiblesse parce que, à cause de la dissolution interne de leur puissance, jusqu’à la comptabilité de la quincaillerie (les porte-avions), les USA apparaissent comme un acteur global qui a perdu sa capacité globale d’intervention, comme un usurpateur dépassé par le poids de ses usurpations. S’il n’y avait qu’une seule crise, – l’ukrainienne, pour prendre le cas chronologique dominant, – on pourrait débattre sur leur capacité à donner le change. Mais, dès posé ce cas des deux fronts ouverts en même temps, avec possible rencontre des paroxysmes, les USA se trouvent affaiblis sur les deux fronts, et sans l’irrésistible ardeur que donne le sentiment de lutter pour son propre destin, justement.

Comme on a vu plus haut, nous bannissons de notre analyse toute hypothèse sérieuse, centrale, d’une planification réellement élaborée selon des buts stratégiques sérieux et réalistes, – de la part de tous les acteurs d’ailleurs, y compris des bandits de la clique de Kiev et des allumés de ISIS… (Il est entendu que nous ne pouvons désigner comme un “but stratégique sérieux et réaliste” l’ambition de mettre en place un pseudo-califat djihadiste, non parce qu’il ne peut pas se faire mais parce qu’il ne peut l’être que par l’effet d’une violence nourrie par la surpuissance des dynamiques en cours, donc à considérer comme un accident de la crise générale d’effondrement.) Les seuls acteurs sérieux, la Russie et l’Iran principalement dans chacune des deux crises, ne font que réagir, n’ayant en rien déclenché les crises, parce que leurs diplomaties repoussent par leur nature même le procédé de la crise, parce que leur raison politique a horreur du procédé de la déstructuration et de la dissolution.

Cela nous laisse avec deux crises, et peut-être deux paroxysmes de crise interconnectés en une espèce de super-crise touchant tout le Système, sans manipulateur, sans ordonnateur humain, sans Grand Jeu comme règle du jeu. Nous-mêmes, nous nous en passons bien, sans rien laisser pour autant au hasard. Notre appréciation est métahistorique, comme nous aimons à le répéter, et l’activité métahistorique se manifeste aujourd’hui directement, dans des ensembles d’événements qui interfèrent avec une puissance considérable dans les rangements humains (trop-humains) qui relèvent de plus en plus souvent de la narrative de convenance. Le résultat est que les événements eux-mêmes dévoilent les terribles vérités de situation, et notamment les tromperies d’inversions ; ainsi, en ne cessant de vouloir manifester leur puissance qui n’est plus qu’une narrative, les USA ne cessent de manifester leur impuissance.

Pour nous, il s’agit, dans le chef de ces deux crises et, surtout, de la possibilité d’une conjonction de leurs paroxysmes, d’une de ces grandes conjonctions d’événements déstabilisateurs des dynamiques de surpuissance nées du Système ; et l’on sent évidemment que ces “grandes conjonctions” sont de plus en plus fréquentes à s’esquisser, à se préparer, à s’offrir en opportunité. Dans ce cas, on admettra que l’opportunité est considérable et recèle, si elle se développe jusqu’à l’opérationnalité complète, des effets non moins considérables, et d’abord dans le coeur des terres pseudo-impériales. L’establishment, le War Party dominant, sont déjà dans des positions extrêmement difficiles, à Washington même, un peu comme le sont les USA dans le monde : s’accrochant à l’affirmation de leur toute-puissance, alors qu’il ne leur reste plus que l’impuissance qui se révèle avec la division dans leurs rangs eux-mêmes. Des revers extérieurs, dans l’une ou l’autre crise en cours, dans un enchaînement dont nul ne peut s’assurer du contrôle, auraient un effet direct au cœur même de l’establishment et dans le public, avec la possibilité d’une concrétisation intérieure et institutionnelle presque instantanée lors des élections mid-term de novembre. A cet égard, la défaite d’Eric Cantor (voir le 12 juin 2014) constitue un avertissement extrêmement sérieux, et un signe de la rapidité que peuvent acquérir certaines dynamiques de bouleversement, même au sein des appareils-Système qui semblent les mieux verrouillés.

Dans les deux cas de crise, Washington joue très gros, et cette mise est d’autant plus fragile qu’elle est répétée deux fois, dans les deux crises, dans les mêmes conditions à la fois d’incertitude et d’improvisation. Washington est divisée, incertain, fatigué, contraint au poison psychologique de l’affirmation d’une puissance (la doctrine de l’exceptionnalisme, si l’on veut) qui n’existe certainement plus au niveau où on la proclame, pourtant incapable de vivre, sinon de survivre, sans cette drogue de l’affirmation sans fin de son hybris. La mise a la grandeur et l’importance des voies qui ménageraient une évolution fulgurante vers le cœur de la crise d’effondrement. Ce qui domine aujourd’hui dans la perception de cette énorme surpuissance qui tourne presque à vide, c’est sa fragilité, c’est-à-dire le moyen d’une évolution décisive vers l’autodestruction.

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-crise-sur-deux-fronts/