Alors que les commentaires publiés dans la presse sur la situation de l’économie en Russie sont plus ou moins catastrophistes[1], mais essentiellement sur des sources occidentales, la véritable question qui se pose est de savoir comment, et à quelle vitesse, l’économie russe pourra s’adapter à la situation actuelle. Au-delà des mesures prises pour conjurer les effets à court terme des sanctions, mesures qui ont été relativement efficaces au point que certaines de ces mesures sont aujourd’hui assouplies[2], se pose en effet la question de savoir comment la Russie va s’adapter à une rupture plus ou moins importante avec les économies occidentales. Cette question n’a, pour l’instant, pas de réponse. Mais, on voit se mettre en place des stratégies d’adaptation qui indiquent que les choses pourraient bouger dans les prochains mois, voire les prochaines semaines. Deux exemples sont ici intéressants et méritent d’être analysés.
1 – Le cas d’Avtoframos (Renault-Moscou)
Le premier cas est celui de l’usine Avtoframos créée à la fin des années 1990 par Renault suite à un accord avec la municipalité de Moscou. Renault, qui avait investi environ un demi-milliard d’euros dans la création de cette entreprise, a donc décidé de transférer gratuitement l’usine à la municipalité. Mais, contrairement à AvtoVAZ (qui se trouve à Togliattigrad), qui a été cédé à l’État pour un rouble symbolique et où Renault a le droit de revenir dans les six ans, l’usine de Moscou, qui est l’une des entreprises automobiles les plus modernes et technologiquement avancées de Russie, passe sous la juridiction russe de manière complète et irrévocable. Cette usine, située dans la banlieue de Moscou au Sud-Est de la ville à proximité du « port du Sud » sur la Moskova, à côté mais distinctes de l’ancienne usine automobile « Moskvitch », et que je connais pour avoir, avec l’un de mes thésards, suivi de près sa construction, employait environ 6000 personnes et produisait des modèles Dacia soit des « Logan », des « Sandéro », ou des « Duster », mais aussi un modèle Renault, la « Fluence ». La production avait dépassé les 160 000 exemplaires par an.
Le maire de Moscou, Sergueï Sobianine a annoncé, sur son blog le 16 mai, vouloir relancer la production, une production qui se ferait sous le nom de Moskvitch, une marque célèbre du temps soviétique, et faire de cette usine un nouveau fleuron industriel de Moscou[3]. L’idée décrite dans le blog est de chercher de nouvelles coopérations avec des firmes japonaises, chinoises ou malaisiennes (Proton ou Perodua) afin de disposer des composants (25%) qui étaient encore issus de l’étranger dans la production d’Avtoframos. Si une coopération directe avec des firmes japonaises est peu probable, du fait du régime de sanctions prises contre la Russie, la situation apparaît plus favorable dans le cas d’entreprises chinoises ou d’entreprises de la Malaisie, un pays qui se refuse à appliquer les sanctions et avec lequel la Russie vient justement de signer un grand accord pour la livraison de semi-conducteurs[4].
Cette idée est-elle réaliste ? Sans doute, mais elle impliquera que la municipalité de Moscou s’engage largement dans la gestion de la firme et lui apporte un soutien financier important dans les mois de transition. Si la nouvelle société « Moskvitch » veut s’inscrire dans la durée, elle devra soit s’allier à une société étrangère de taille internationale, soit se doter rapidement, mais cela impliquera de nouveaux coûts, d’un bureau d’étude et de conception lui permettant de concevoir et produire des véhicules nouveaux. L’histoire est donc loin d’être écrite. On peut penser que la solution la plus raisonnable serait de rechercher rapidement une alliance avec un grand groupe (chinois ?) mais on ne peut exclure la volonté de la municipalité de Moscou de relancer « Moskvitch » comme une firme réellement nationale.
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