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Nigel Farage : M. Tsipras, si vous en avez le courage, vous devriez sortir le peuple grec de la zone euro, la tête haute

Tuesday 14 July 2015 at 00:30

Formidable discours de Nigel Farage au Parlement européen la semaine dernière, face à Tspiras.

Y’a rien à jeter !

A vous de voir si vous jugez normal que nos grands médias ne vous l’aient pas diffusé…

La tête de Tsipras…

Je compatis : un type éloquent fait un exposé que même un enfant de 15 ans comprendrait et approuverait, sauf qu’il détruit toute vos croyances européistes quasi-religieuses, qui se fracassent contre les réalités politiques…

Source: http://www.les-crises.fr/tsipras-si-vous-en-avez-le-courage-vous-devriez-sortir-le-peuple-grec-de-la-zone-euro-la-tete-haute/


[J+1] Et Tsipras capitula…

Tuesday 14 July 2015 at 00:01

Bon, allez, pour être sympa, on notera qu’il a tenu 6 mois face à la meute européenne, quand nos dirigeants capitulent 15 minutes après leur élection.

Mais bon, on saura désormais dans les autres pays à quoi s’en tenir…

Capitulation, par Jacques Sapir

parthenon

Au petit matin de ce lundi 13 juillet, le Premier-ministre grec, M. Alexis Tsipras, a fini par capituler. Il a capitulé sous les pressions insensées de l’Allemagne, mais aussi de la France, de la Commission européenne et de l’Eurogroupe. Il n’en reste pas moins qu’il a capitulé. Car, il n’y a pas d’autres mots pour désigner l’accord qui lui a été imposé par l’Eurogroupe, puis par les différents dirigeants européens, le revolver – ou plus précisément la menace d’une expulsion de la Grèce hors de la zone Euro – sur la tempe. Cette capitulation aura des conséquences dramatiques, en Grèce en premier lieu où l’austérité va continuer à se déployer, mais aussi au sein de l’Union européenne. Les conditions dans lesquelles cette capitulation a été arrachée font voler en éclat le mythe d’une Europe unie et pacifiée, d’une Europe de la solidarité et des compromis. On a vu l’Allemagne obtenir de la Grèce ce que les anciens appelaient une paix carthaginoise. On sait que telle était la position dès le départ de M. Dijsselbloem, le Président de l’Eurogroupe[1]. On a vu, avec tristesse mais aussi avec colère, la France finir par se plier à la plupart des exigences allemandes, quoi qu’en dise notre Président.

Ce 13 juillet est et restera dans l’histoire un jour de deuil, à la fois pour la démocratie et pour l’Europe.

Un accord détestable

Cet accord est un accord détestable, et pour plusieurs raisons. Il l’est dans le domaine économique. Il saigne à nouveau l’économie grecque sans lui offrir la nécessaire et réelle bouffée d’oxygène dont elle avait besoin. L’accroissement de la pression fiscale sans contreparties, aura des conséquences désastreuses pour l’économie grecque. C’est la poursuite de l’austérité dans la plus pure logique d’un Pierre Laval en France, mais surtout d’un Brüning en Allemagne, ou d’un McDonald en Grande-Bretagne, ces figures tragiques des années trente qui ont aggravé par leurs politiques les conséquences de la crise de 1929. La hausse de la pression fiscale exigée, les nouvelles coupes dans les dépenses, ne s’accompagnent nullement du plan d’investissement massif qui aurait pu en compenser, au moins en partie, les effets. Notons ainsi que le gouvernement grec est contraint de s’engager à : « mener d’ambitieuses réformes des retraites et définir des politiques visant à compenser pleinement l’incidence budgétaire de l’arrêt de la cour constitutionnelle relatif à la réforme des pensions de 2012 et mettre en œuvre la clause de déficit zéro ou des mesures alternatives mutuellement acceptables d’ici octobre 2015 ». En d’autres termes on demande au gouvernement grec de compenser l’arrêt de la cour constitutionnelle qui avait cassé la réforme des retraites de 2012. Bref, la logique de l’austérité est ici proclamée plus importante que la constitution d’un état souverain[2].

Cet accord est aussi détestable dans le domaine financier aussi. Il engage donc le Mécanisme Européen de Stabilité, ou MES. Mais, cet engagement sera appelé à grandir régulièrement. L’économie grecque va, en effet, continuer à s’enfoncer dans la dépression. Les ressources fiscales vont au total stagner, voire diminuer et cela même si la pression fiscale augmente comme il est prévu dans l’accord. La dette va donc, en proportion de la richesse produite, devenir de plus en plus lourde. Sur cette dette, le reprofilage – mot barbare qui désigne un allongement des délais de paiement du principal et un report des intérêts – ne résout rien. On sait, le Fonds Monétaire International l’a dit, qu’il faut restructurer, c’est à dire annuler, une partie de la dette grecque. Mais, l’Allemagne s’y refuse toujours avec obstination. Il faudra d’ici peu trouver à nouveau de l’argent pour la Grèce. L’une des raisons pour lesquelles ce plan est détestable est qu’il ne règle rien, ni économiquement, ni financièrement.

Un accord de type néo-colonial

Enfin, ce plan est détestable pour une troisième raison. Politiquement, il aboutit à mettre la Grèce en tutelle, à l’assimiler dans les faits à une colonie privée de tout pouvoir réel. Le parlement grec non seulement est sommé de voter au plus vite certaines réformes, avec deux dates butoirs, du 15 et du 22 juillet[3], mais il devra soumettre désormais les différentes mesures à prendre au contrôle et au bon vouloir des institutions européennes. En particulier, un paragraphe de l’accord est très significatif. Il dit ceci : « Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement »[4].

C’est le rétablissement de ce que les grecs appellent le « régime de la Troïka », régime qu’ils avaient répudié lors des élections du 25 janvier dernier. Et c’est là sans doute le résultat le plus inouï de cet accord. Il équivaut à annuler une élection libre et démocratique, à affirmer que les règles édictées à Bruxelles ont plus de poids que le jeu démocratique. Il faudra s’en souvenir car, de ce point de vue, cet accord ne concerne pas les seuls grecs ; il menace aussi tous les peuples de la Zone Euro. Il nous menace donc nous aussi, les français. Et c’est pourquoi le fait que notre Président, M. François Hollande, se soit prêté à ce crime, car il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cet accord dans le domaine politique, doit nous emplir d’effroi. En acceptant de poser sa signature au bas de cet accord, en acceptant de la faire voter d’ici la fin de la semaine au Parlement français, François Hollande est dès lors connivent à cet étranglement de la démocratie en Grèce, mais aussi dans l’ensemble de la Zone Euro.

Allant toujours plus loin, cet accord organise la spoliation de la population grecque dans le paragraphe léonin qui concerne les privatisations et qui date directement de ce que l’on appelait au XIXème siècle la « politique de la canonnière ». Ce paragraphe stipule en effet que le gouvernement grec doit : « élaborer un programme de privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance; des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d’autres moyens. La monétisation des actifs constituera une source permettant le remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d’euros, dont 25 milliards d’euros serviront au remboursement de la recapitalisation des banques et d’autres actifs, et 50 % de chaque euro restant (c’est-à-dire 50 % de 25 milliards d’euros) serviront à diminuer le ratio d’endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements »[5]. Cela revient à dire que la Grèce ne pourra utiliser que 50% de 25 milliards, soit 12,5 milliards issus des privatisations pour des investissements. Or, ces sommes ne seront pas disponibles – si tant est qu’elles le soient un jour – avant deux à trois ans.

Quand on entend François Hollande affirmer dans la mâtinée de ce 13 juillet que la souveraineté de la Grèce a été préservée, on se dit que notre Président a un goût douteux pour la plaisanterie. C’est ajouter l’insulte à la blessure. Car la souveraineté de la Grèce a bel et bien été piétinée par l’Eurogroupe et par l’Allemagne, avec l’aide et avec l’assentiment de la France. C’est pour cela que ce 13 juillet sera désormais un jour de deuil pour tous ceux qui défendent la démocratie, la souveraineté et la liberté des peuples.

La question de l’Euro

François Hollande affirme que son action a sauvé l’Euro. Il est clair que si l’Allemagne avait imposé l’expulsion de la Grèce hors de la Zone Euro, cela aurait déclenché à relativement court terme le processus de dissolution de cette zone. Mais, le maintient de la Grèce dans la zone Euro ne sauve nullement l’Euro. D’une part parce que les problèmes économiques et financiers de la Grèce ne sont pas résolus. D’autre part, parce que d’autres pays sont aujourd’hui en grandes difficultés, et en particulier l’un de nos voisins, l’Italie.

L’Euro est, on en a eu la preuve aujourd’hui, indissolublement lié à la politique d’austérité. La politique économique menée dans la Zone Euro consolidée par le rôle des divers traités, et en particulier du dernier le TSCG ratifié en septembre 2012, ne peuvent que mener à l’austérité. Si on ne l’avait pas encore compris c’est aujourd’hui parfaitement clair : l’Euro c’est l’austérité. Bien sur, il peut y avoir des politiques d’austérité sans l’Euro. Mais l’Euro implique en réalité la politique d’austérité et toute politique menée dans le cadre de l’Euro conduit à l’austérité. Il faut comprendre le sens profond de cette affirmation. Aujourd’hui, tant que l’on restera dans la zone Euro, il sera impossible de mener une autre politique économique que l’austérité. Pour ne pas avoir compris cela Alexis Tsipras s’est mis de lui-même la tête sur le billot.

Cette constatation est appelée à devenir le véritable point de clivage de la politique française dans les mois et les années à venir. Ainsi, ce qu’a sauvé François Hollande, en réalité, c’est bel et bien l’austérité. On sait qu’il fit ce choix en 2012. Il n’en a pas changé. Il devra donc être jugé dessus aux prochaines élections.

[1] VAROUFAKIS: POURQUOI L’Allemagne REFUSE D’ALLÉGER LA DETTE DE LA GRÈCE, http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/120715/varoufakis-pourquoi-lallemagne-refuse-dalleger-la-dette-de-la-grece

[2] Déclaration du sommet de la zone euro , Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 3.

[3] Le texte de l’accord précise que ce dernier ne sera valable que dans les conditions suivantes : « Ce n’est qu’après – et immédiatement après – que les quatre premières mesures susmentionnées auront fait l’objet d’une mise en oeuvre au plan juridique et que le Parlement grec aura approuvé tous les engagements figurant dans le présent document, avec vérification par les institutions et l’Eurogroupe, qu’une décision pourra être prise donnant mandat aux institutions de négocier un protocole d’accord ». Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 2.

[4] Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 5.

[5] Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 4.

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 13 juillet 2015.


Crise grecque : un armistice qui ne résout rien, par Jean-Michel Naulot

Un homme vend des tickets de loterie devant une banque dans le centre d'Athènes, le 13 juillet 2015.

Un homme vend des tickets de loterie devant une banque dans le centre d’Athènes, le 13 juillet 2015. (Photo : ARIS MESSINIS.AFP)

Les dirigeants européens proposent aux Grecs un armistice sur des bases extrêmement dures : mise sous tutelle, accentuation de l’austérité, nouvel accroissement de la dette. L’inverse de ce que souhaitaient les Grecs.

L’euro était censé offrir aux Européens un nouvel horizon de croissance et de solidarité. Il offre la perspective inverse. Plus les années passent, plus les divisions s’accentuent. Le projet d’accord qui est proposé aux Grecs est marqué du sceau de la conception allemande de la gouvernance en zone euro. Cette crise est une nouvelle étape dans l’histoire d’une zone monétaire qui ne peut fonctionner efficacement entre des Etats aussi différents les uns des autres. C’est une évidence économique.

Dès la mise en place de la zone monétaire, les dérives que nous observons aujourd’hui à travers la crise grecque étaient en germe. Huit jours avant le vote sur le Traité de Maastricht, j’avais écrit dans une tribune au Monde :«Ce n’est pas en engageant les pays de la Communauté dans des ajustements forcés qui ne tiennent aucun compte de leurs problèmes spécifiques, de leurs caractéristiques structurelles ou de leur degré de maturité économique que l’on retrouvera demain le chemin de la croissance». N’importe quel étudiant en première année d’économie aurait pu faire la même observation.

Le pari perdu de la solidarité

Les dysfonctionnements de la zone euro – qui se traduisent par une faible croissance générale et un biais profondément inégalitaire – n’ont pas d’autre origine que cette volonté de plaquer un modèle unique sur des économies différentes. Faut-il rappeler que le PIB de la zone euro est, en 2015, au même niveau qu’en 2007 alors que celui des Etats-Unis a progressé en moyenne de 2% par an depuis cinq ans? Faut-il rappeler que depuis la naissance de l’euro la production industrielle de la France a régressé de 12%, celle de l’Italie de 20%, celle de la Grèce de 20% (et l’investissement de 47%) alors que celle de l’Allemagne a bondi de 34% ?

La création de l’euro reposait sur le pari politique que les peuples abandonneraient vite leur souveraineté et que la solidarité financière et politique serait quasiment illimitée. Pari perdu. Chaque année qui passe démontre que les peuples de la zone euro veulent rester souverains et défendent avant tout leurs intérêts. Toutes les élections, tous les sondages d’opinion, toutes les réunions européennes, le confirment. En Grèce, le vote de janvier dernier en faveur d’un parti qui n’existait pas il y a encore quelques années et le référendum expriment l’indignation d’un peuple que l’on cherche à mettre sous tutelle.

La Grèce face à une guerre économique

L’alternance grecque n’a pas plu en haut lieu car elle était incompatible avec la politique d’austérité. Depuis le début de l’année, la Grèce a ainsi dû faire face à une vraie guerre économique. Dès le 29 décembre dernier, la pénurie a été organisée. Le FMI et l’Eurogroupe ont suspendu immédiatement les aides prévues dans le cadre du deuxième plan d’aide dans la perspective des élections et la BCE a refusé de verser les intérêts qui étaient dus sur les obligations grecques qu’elle détenait. Elle a surtout refusé lors de l’annonce du référendum l’augmentation des financements d’urgence qui permettait de compenser l’hémorragie de capitaux. La fermeture des banques grecques pendant quinze jours est une décision qui a paralysé toute la vie économique et créé un sentiment de peur et de chaos.

Les dirigeants politiques ont multiplié les déclarations guerrières. Jean-Claude Juncker avait prévenu dès le lendemain des élections : «Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités. […]. Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les Traités européens». Et, avant même les élections grecques, Angela Merkel avait laissé fuiter la menace d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Angela Merkel se savait en position de force. Elle savait que le risque systémique n’était plus le même qu’en 2010 puisque les banques avaient pu céder leurs créances sur la Grèce au cours de la période 2010-2012. Elle savait la Grèce en position d’extrême faiblesse puisque la dette grecque était en droit étranger et non en droit national (à la différence d’un pays comme la France dont la dette est à 97% en droit national). L’Allemagne était prête à faire un exemple. Pendant ces six mois de guerre intensive, la France n’a à peu près rien dit. Ce n’est que lorsqu’une menace a pesé sur l’intégrité de la zone euro, au lendemain du référendum, qu’elle a plaidé vigoureusement en faveur d’un accord fondé sur la prolongation des mesures d’austérité. Plutôt l’austérité que la fin d’un dogme (Grexit).

Dans leur projet d’accord, les dirigeants européens proposent aux Grecs un armistice sur des bases extrêmement dures : mise sous tutelle, accentuation de l’austérité, nouvel accroissement de la dette. L’inverse de ce que souhaitaient les Grecs. Tous les économistes, même ceux du FMI, semblaient d’accord pour dire que la politique conduite depuis cinq ans en Grèce avait échoué. Il est proposé d’accentuer cette politique…

Le problème monétaire demeure

A l’occasion de cette crise, les citoyens et les contribuables des pays de la zone euro ont découvert que cette politique qui a échoué a en plus un coût astronomique. Pour la France, 42 milliards d’euros de manière directe, 70 milliards avec les aides indirectes (Target2, BCE). On envisage désormais un troisième plan d’aide de 80 milliards à travers le MES, soit une quinzaine de milliards pour la France ! Et aucune réduction de la dette antérieure n’est proposée, principale revendication de la Grèce depuis six mois ! L’allongement de la durée de la dette et la diminution éventuelle des intérêts payés, déjà très faibles, ne résolvent rien.

Au moins ces aides auraient-elles pu être apportées à la Grèce dans le cadre d’une sortie amicale de l’euro, seul moyen de redresser la compétitivité de la Grèce. Même Valéry Giscard d’Estaing avait soutenu l’idée d’une sortie amicale de l’euro. La Grèce qui est asphyxiée par une monnaie trop forte va rester confrontée au problème essentiel, le problème monétaire.

Quant à la démocratie, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne sort pas grandie de cette crise. Le peuple grec vient de refuser à une très large majorité les mesures d’austérité et voilà que la seule réponse qui lui est apportée, c’est une accentuation de cette politique, avec une mise sous tutelle en bonne et due forme : vote des lois exigées par les dirigeants européens dans les trois jours, cantonnement d’une partie du patrimoine national en vue de privatisations, inspections régulières à Athènes sur la mise en place des mesures.

Après six mois d’une vraie guerre en plein cœur de la zone euro, un armistice extrêmement douloureux est proposé aux Grecs. Que le Parlement grec l’accepte ou non, que les Parlements nationaux le ratifient ou non, cet accord aura des répercussions incalculables sur l’avenir de la zone euro. Ceux qui ont toujours nié la possibilité d’une implosion future de la zone monétaire doivent maintenant être habités par le doute. La boîte de Pandore est ouverte.

Jean -Michel Naulot est l’auteur de «Crise financière, pourquoi les gouvernements ne font rien» (Seuil, octobre 2013).

Source : Jean-Michel Naulot, pour Libération, le 13 juillet 2015.


Source: http://www.les-crises.fr/et-tsipras-capitula/


La défaite de la Grèce, la défaite de l’Europe, par Romaric Godin

Monday 13 July 2015 at 16:25

Brillant résumé…

Les dirigeants de la zone euro ont imposé un accord aux conditions encore plus dures, presque punitif, aux Grecs. Mais la défaite d’Alexis Tsipras résonne comme une défaite pour toute la zone euro.

Jamais, dans le jargon européen, le terme de « compromis » n’aura semblé si peu adapté. « L’accord » atteint au petit matin du 13 juillet entre la Grèce et le reste de la zone euro a désormais des allures de déroute pour le gouvernement grec. Une déroute qui a un sens pour le reste de l’avenir de la zone euro.

Erreur stratégique

Avant d’en venir aux conséquences, il faut expliquer cette défaite d’Athènes. Le gouvernement grec avait accepté jeudi soir le plan des créanciers présenté le 26 juin. Un plan déjà extrêmement difficile à accepter pour la majorité parlementaire grecque. Cette dernière s’était d’ailleurs fissurée vendredi soir dans le vote à la Vouli, le parlement grec. Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, pouvait cependant alors prétendre pouvoir arracher un accord sur la dette comme « compensation. » Malheureusement pour lui, les créanciers ont alors immédiatement compris le message : l’exécutif grec craignait davantage la sortie du pays de la zone euro que l’abandon de son propre programme. On aurait pu s’en douter dès le 22 juin lorsqu’Athènes avait déjà présenté un plan d’austérité. Mais le « non » au référendum avait été une contre-offensive qui, compte tenu du résultat, pouvait donner un mandat implicite au premier ministre pour réaliser le Grexit. Il n’en a pas jugé ainsi. En grande partie parce qu’il a commis l’erreur de ne pas le préparer.

La curée

Dès lors, la position grecque était extrêmement fragile. En effet, pour un petit pays aussi affaibli et endetté que la Grèce, la seule force dans les négociations était la menace de la sortie de la zone euro. Menace que, sans doute, il fallait éviter de mettre en oeuvre si c’était possible, mais qu’il fallait brandir assez sérieusement pour faire douter le camp d’en face. Dès lors que cette menace était levée, Athènes n’avait aucun moyen de pression. La position grecque s’était alors entièrement découverte. Et les créanciers ont pu, sans crainte d’une rupture, augmenter leurs exigences. Pour cela, le moyen était fort simple : il suffisait de menacer la Grèce d’une sortie de la zone euro. Comme cette dernière n’en voulait à aucun prix, il était simple de lui faire accepter d’autres conditions et d’annuler ainsi une partie des succès obtenus durant six mois de négociations, notamment le retour des « revues » de la troïka, l’instauration du travail du dimanche et la mise en place d’un fonds de 50 milliards d’euros issus des privatisations pour recapitaliser les banques, rembourser la dette et faire des investissements productifs. Et pour bien faire comprendre à la Grèce qu’elle devait filer droit cette semaine et voter les « réformes » souhaitées, le premier ministre néerlandais Mark Rutte a prévenu que le « Grexit n’était pas encore exclu. »

Quelques succès ?

Les créanciers ont donc tellement tourmenté Alexis Tsipras que ce dernier a pu présenter quelques concessions sur les exigences nouvelles de ce week-end comme des succès : l’absence de Grexit, le maintien du Fonds en Grèce (et non son transfert au Luxembourg comme l’Eurogroupe l’avait demandé) ainsi que le report d’un quart de son montant sur des investissements productifs (autant que la part réservée aux créanciers et moitié moins que celle réservée pour les banques). Mais son seul vrai succès est d’avoir obtenu l’ouverture d’une discussion sur un « reprofilage » de la dette, autrement dit sur un nouvel échéancier. Mais il faut se souvenir que ce plan va encore augmenter la dette et qu’un rééchelonnement risque simplement de « lisser » les effets de cette augmentation. Et, comme on a pu le constater, Athènes est tout sauf en position de force pour bien négocier ce rééchelonnement. Encore une fois, les créanciers – et Angela Merkel l’a confirmé explicitement – restent attachés au mythe de la viabilité de la dette publique grecque. Un mythe qui va continuer de coûter cher à la Grèce qui va ployer pendant des décennies sous le poids absurde de cette dette, la condamnant à une austérité sans fin et à la méfiance des investisseurs.

Prélude à la chute d’Alexis Tsipras ?

Alexis Tsipras va devoir désormais faire accepter ce plan à son parlement. Or, ce plan n’est rien d’autre qu’une négation explicite des deux votes grecs du 25 janvier et du 5 juillet. Les créanciers avaient pour but, d’emblée, d’obtenir l’annulation de fait de ces votes. Ils sont en passe de l’obtenir. Les parlementaires de Syriza ont désormais le choix entre provoquer une crise politique en désavouant Alexis Tsipras et adoptant un programme basé sur la sortie de la zone euro ou devenir un nouveau Pasok, un parti qui tente de « réduire l’impact » des mesures des créanciers sans avoir aucune certitude d’y parvenir. Face à un tel choix, Syriza pourrait se scinder, comblant les vœux des créanciers et de Jean-Claude Juncker qui souhaitait, en janvier, « revoir des têtes connues. » Car, avec de nouvelles élections, qui semblent désormais inévitables, les perdants des 25 janvier et 5 juillet pourraient profiter de cette division pour remporter le scrutin. Quoi qu’il en soit, si le Syriza « modéré » d’Alexis Tsipras l’emporte, sa capacité de résistance est désormais très faible. Le « danger politique » est écarté, comme le voulaient les dirigeants de la zone euro.

La victoire de Tsipras : un révélateur de la nature de la zone euro

Il est cependant un point sur lequel Alexis Tsipras a clairement gagné : il a mis à jour par ses six mois de résistance et ce déchaînement de « vengeance » comme le note ce lundi matin le quotidien britannique The Guardian en une, la nature de la zone euro. Ce lundi 13 juillet, on y voit plus clair sur ce qu’est la zone euro. A l’évidence, les gouvernants européens ont agi comme aucun Eurosceptique n’aurait pu l’espérer.

L’imposition de la logique allemande

D’abord, on a appris que l’euro n’était pas qu’une monnaie, mais aussi une politique économique particulière, fondée sur l’austérité. Le premier ministre grec avait fait le pari que l’on pouvait modifier la zone euro de l’intérieur et réaliser en son sein une autre politique économique. Preuve est désormais faite de l’impossibilité d’une telle ambition. Les créanciers ont clairement refusé une réorientation de la politique d’austérité budgétaire qui, pour un pays comme la Grèce, n’a réellement plus aucun sens aujourd’hui et l’empêche de se redresser. On a continué à imposer cette logique qui fonde la pensée économique conservatrice allemande : la réduction de la dette et la consolidation budgétaire ont la priorité sur une croissance économique qui ne peut être le fruit que « d’efforts douloureux » appelés « réformes. » Même dans un pays économiquement en ruine  comme la Grèce qui a démontré empiriquement l’échec de cette logique. Si Alexis Tsipras a perdu son pari, il n’est pas le seul fautif. Les Etats européens comme la France et l’Italie le sont aussi, qui en validant les réformes engagées depuis 2011 dans la zone euro (Two-Pack, Six-Pack, MES, semestre européen, pacte budgétaire) ont assuré la prééminence de cette logique.

Français et Italiens ne peuvent donc pas s’étonner de la radicalisation de l’Allemagne et de ses alliés. Ils l’ont préparé par leur stratégie de concessions à Berlin, se trompant eux-mêmes sur leur capacité future de pouvoir ainsi « infléchir » la position allemande dans le futur.

Gouvernance économique aveugle

La gouvernance économique de la zone euro – jadis tant souhaitée par les gouvernements français – existe donc bel et bien, et ne souffre aucune exception, fût-elle la plus modérée. Aussi, qui veut la remettre en cause devient un adversaire de l’euro. La diabolisation de Syriza pendant six mois l’a prouvé. Ce parti n’a jamais voulu renverser l’ordre européen, le gouvernement grec a rapidement fait de larges concessions (que l’on songe à l’accord du 20 février). Mais sa demande d’une approche plus pragmatique dans le traitement du cas grec conduisait à une remise en cause de la vérité absolue de la logique “austéritaire” décrite plus haut. Il fallait donc frapper fort pour faire cesser à l’avenir toute velléité de remise en cause de l’ordre européen établi. Il y a dans cette Europe un air de « Sainte Alliance » de 1815, révélé désormais au grand jour. Comment autrement expliquer cet acharnement face à Athènes ce week-end, cette volonté de « vengeance » ? Alexis Tsipras avait cédé sur presque tout, mais ce n’était pas assez, il fallait frapper les esprits par une humiliation supplémentaire.

Identification entre euro et austérité

Le problème, c’est que, désormais, l’identification entre l’euro et l’austérité est totale. Le comportement des dirigeants de la zone euro avant et après le référendum pour faire du « non » aux mesures proposées un « non » à l’euro le prouvent aisément. La volonté explicite de durcir les conditions imposées à la Grèce pour rester dans la zone euro ce week-end enfonce le clou. Aujourd’hui, c’est bien la question de la « réforme de la zone euro » et de sa gouvernance qui est posée. C’est un cadeau magnifique fait en réalité aux Eurosceptiques qui auront beau jeu désormais de fustiger la faiblesse d’Alexis Tsipras et de faire de la sortie de la zone euro la condition sine qua non d’un changement, même modéré, de politique économique. Cette fin de semaine, une certaine idée, optimiste et positive, de la zone euro a perdu beaucoup de crédibilité.

Grexit ou pas, le précédent existe désormais

Du reste, ceux qui se réjouissent d’avoir sauvé l’intégrité de la zone euro se mentent à eux-mêmes. Pour la première fois, l’impensable a été pensé. L’irréversibilité de l’euro est morte au cours des deux dernières semaines. Grexit ou pas, la possibilité d’une sortie de la zone euro est désormais établie. La BCE l’a reconnue par la voix de deux membres de son directoire, Benoît Coeuré et Vitor Constancio, et l’Eurogroupe en a explicitement menacé la Grèce. Dès lors, la zone euro n’est plus un projet politique commun qui supposerait la prise en compte des aspirations de tous ses Etats membres par des compromis équilibrés. Elle est un lieu de domination des forts sur les faibles où le poids de ces derniers ne comptent pour rien. Et ceux qui ne se soumettent pas à la doctrine officielle sont sommés de rendre les armes ou de sortir. On accuse Alexis Tsipras d’avoir « menti » à son peuple en prétendant vouloir rééquilibrer la zone euro. C’est faux, car il ne connaissait pas alors la nature de la zone euro. Maintenant il sait, et les Européens aussi.

C’est la réalisation du projet « fédéral » de Wolfgang Schäuble : créer une zone euro plus centralisée autour d’un projet économique accepté par tous, ce qui suppose l’exclusion de ceux qui le remettent en cause. Angela Merkel s’est rallié à ce projet parce qu’elle a compris qu’Alexis Tsipras ne sortirait pas de lui-même. Elle a donc pensé pouvoir obtenir la discipline et l’intégrité de la zone euro. Mais elle se trompe, elle a ouvert une boîte de Pandore qui pourrait coûter cher à l’avenir au projet européen. De ce point de vue, peu importe que le Grexit n’ait pas eu lieu  : sa menace suffit à modifier la nature de la zone euro.

La nature de l’euro

L’euro devait être une monnaie qui rapprochait les peuples. Ce devait être la monnaie de tous les Européens. Or, cette crise a prouvé qu’il n’en est rien. On sait que, désormais, on peut priver certains habitants de la zone euro de l’accès à leur propre monnaie. Et que cette privation est un moyen de pression sur eux. Il sera donc bien difficile de dire encore « l’euro, notre monnaie » : l’euro est la monnaie de la BCE qui la distribue sur des critères qui ne prennent pas en compte le bien-être des populations, mais sur des critères financiers dissimulant mal des objectifs politiques. L’euro est, ce matin, tout sauf un instrument d ‘intégration en Europe. En réalité, on le savait depuis la gestion de la crise de Chypre en 2013, qui, on le comprend maintenant, n’était pas un « accident. »

Le choc des démocraties réglé par le protectorat

La résistance d’Alexis Tsipras et l’accord obtenu mettent également à jour le déséquilibre des légitimités démocratiques. Longtemps, l’argument a été que les Grecs ne pouvaient pas imposer leurs choix démocratiques aux autres démocraties. Ceci était juste, à condition que ce soit réciproque.

Or, ce lundi 13 juillet, la démocratie grecque a été fragilisée et niée par ses « partenaires » européens. On a ouvertement rejeté le choix des Grecs et imposé à la place celui des autres gouvernements démocratiques. Le débat ne se tenait pas entre démocraties mais entre créanciers et débiteurs. Jamais la zone euro n’a voulu prendre au sérieux les choix grecs. Et toujours on a cherché à se débarrasser de ceux qui étaient issus de ces choix. Il est donc possible de faire d’un pays de la zone euro une forme moderne de protectorat financier. C’est là encore un dangereux cadeau fait aux Eurosceptiques qui auront beau jeu de venir se présenter en défenseurs de la souveraineté populaire et de la démocratie.

Plus d’intégration ?

François Hollande a promis « plus d’intégration » dans la zone euro les mois prochains. Ceci ressemble dangereusement à une fuite en avant. Angela Merkel a prouvé qu’elle avait choisi le camp de Wolfgang Schäuble, de concert avec la SPD. On ne peut donc que s’inquiéter de cette promesse de l’hôte de l’Elysée qui ne peut aller que dans le sens des erreurs commises. Enivrée par leurs victoires sur un peuple déjà à genoux, les dirigeants de la zone euro doivent prendre garde de ne pas aggraver encore un bilan qui, au final, est aussi négatif pour les vainqueurs que pour les vaincus.

Source : Romaric Godin, La Tribune, 13/07/2015

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Bref, “la défaite en riant”…

Source: http://www.les-crises.fr/la-defaite-de-la-grece-la-defaite-de-leurope-par-romaric-godin/


[Nouveau protectorat de Grèce] Le texte du sommet de la zone Euro

Monday 13 July 2015 at 13:25

Bon, ben, a yié, on à la réponse : Tsipras = petit bras – je ne serai pas plus méchant car, je répète, on ne sait pas de quoi nos clowns dangereux ont menacé Tsipras (genre “Grexit => défaut, défaut => blocus de la Grèce (plus de commerce, plus de tourisme, etc). C’est en effet facile d’écrire des “il n’a qu’à claquer la porte” depuis chez soi, mais quand on est en poste face à ces mafieux, je comprends qu’on puisse caler. Mais enfin, dans ce cas, on démissionne à mon sens, et on laisse d’autres loulous vendus signer ce genre de torchon…

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Le pire, c’est que Tsipras assume :

“La décision prise aujourd’hui permet le maintien pour la stabilité financière de la Grèce, donne des possibilités de relance. La mise en oeuvre sera difficile”, a prévenu le premier ministre grec Alexis Tsipras, en sortant du sommet marathon qui a abouti à un accord de sauvetage de la Grèce. “Les mesure prévues sont celles votées au parlement grec. Elles renforcent la récession mais j’espère que les 35 milliards d’euros de mesures et la restructuration de la dette permettront aux marchés et aux investisseurs de comprendre que le Grexit appartient au passé” et qu’elles “attireront les investissements nécessaires pour compenser la récession”, a-t-il ajouté.

“D’autre part, le fardeau sera reparti de façon juste. Ce ne sont pas ceux qui ont payé les années précédentes qui vont continuer à payer cette fois-ci. Ceux qui avaient réussi à éviter de payer leur part, paieront”. “Nous continuerons à lutter afin de pouvoir renouer avec la croissance et regagner notre souveraineté perdue. Nous avons gagné la souveraineté populaire, le message de la démocratie a été transmis en Europe et dans le monde entier, c’était le plus important”, affirme-t-il.

“Nous avons évité le projet de transfert des actifs à l’étranger, nous avons évité l’effondrement du système financier, nous avons pu, dans cette lutte très dure, obtenir une restructuration de la dette et un financement à moyen terme”, a énuméré le premier ministre grec.

“Je souhaite remercier tous mes collaborateurs car ensemble nous avons lutté jusqu’au bout”.

Car le problème, c’est que JAMAIS Tsipras n’a dit qu’il voulait quitter l’euro, bien au contraire, et beaucoup de sondages montrent que les Grecs ne le veulent pas non plus (après le “Syndrome de Stockholm“, le Syndrome d’Athènes !)- alors dans ces conditions, c’est sûr qu’on ne peut qu’aboutir à ça…

Par ailleurs, en tant que contribuable Européen, je me permets d’indiquer que je refuse qu’on donne prête ou garantisse 1 € de plus à la Grèce – le tout pour qu’elle puisse garder une monnaie totalement non adaptée à son économie, et des politiques qui vont continuer à la détruire…

L’intérêt de tout ceci est que cela va obliger les rêveurs européistes d’une “autre Europe sociale la chance” à se prononcer : ou accepter l’existant, ou quitter l’euro, désormais clair instrument politique oligarchique visant à empêcher toute alternance.

Bref, “l’euro néolibéral, tu l’aimes ou tu le quittes, mais tu ne le changeras jamais.” CQFD.

À suivre, donc – vu qu’on n’a rien résolu, nos dirigeants ne sachant que créer toujours plus de dettes sans jamais avoir le courage de régler les problèmes issus des lâches décisions précédentes…

La belle “Europe la chance”… :

* La Grèce adoptera d’ici le 15 juillet des mesures de simplification de la TVA et en élargira l’assiette, réduira les retraites et l’institut de la statistique Elstat deviendra indépendant.

* La Grèce réformera d’ici le 22 juillet son système judiciaire civil et mettra en oeuvre les règles de l’Union monétaire sur le renflouement des banques hors appel aux finances publiques (“bail-in rules”).

* La Grèce demandera une poursuite du soutien du FMI à partir de mars 2016.

* La Grèce fixera un calendrier clair pour mettre en oeuvre les mesures qui suivent:
- Réforme ambitieuse des retraites.
- Réforme de l’activité économique, autorisant notamment le travail du dimanche et touchant en particulier les pharmacies, laiteries et boulangeries.
- Privatisation du réseau de distribution électrique.
- Réforme des règles de négociation collective, du droit de grève et des licenciements collectifs.
- Renforcement du secteur financier, notamment en prenant des mesures sur les crédits improductifs; suppression des interférences politiques.

* La Grèce devra également:
- Mettre en oeuvre des mesures de privatisation, en transférant notamment des actifs à un fonds indépendant basé en Grèce qui devra planifier une collecte de 50 milliards d’euros d’actifs dont les trois quarts seront utilisés pour recapitaliser les banques du pays et réduire la dette.
- Réduire le coût de la fonction publique et réduire l’influence qu’a sur elle la sphère politique. Les premières propositions en la matière devront avoir été transmises d’ici le 20 juillet.
- S’assurer d’obtenir l’accord des créanciers pour les textes législatifs d’envergure avant de les soumettre à référendum ou au Parlement.

Les critères ci-dessus sont le minimal exigé pour que s’ouvrent des négociations avec les autorités grecques sur les points suivants:
- Les besoins de financement sont situés entre 82 et 86 milliards d’euros et une décision sur une nouvelle aide s’impose d’urgence au vu de besoins de financement de 7 milliards d’euros d’ici le 20 juillet et de 5 milliards d’euros d’ici la mi-août.
- Un éventuel nouveau programme du Mécanisme européen de stabilité (MES) devra intégrer l’apport d’un matelas fonds propres de 10 à 25 milliards d’euros pour les banques.
- Un reprofilage de la dette éventuel mais pas de décote nominale.

… et donc une défaite pour la Grèce, on est d’accord… Ces types sont des fanatiques dangereux…

Grèce : Alexis Tsipras face à une crise politique interne

13 Juil. 2015, 09h15 | MAJ : 13 Juil. 2015, 10h54

 Le premier ministre Alexis Tsipras a obtenu le soutien de l’opposition grecque dans les négociations avec les créanciers, mais au prix de dissensions internes à son parti Syriza.
C’est la Démocratie en Europe ça…

Comme pour tenter de la rassurer, il s’est d’ailleurs adressé à sa majorité ce lundi matin : « Nous avons évité le projet de transfert des actifs à l’étranger, l’asphyxie financière. (…) Nous avons pu obtenir une restructuration de la dette et un financement à moyen terme. Nous savions que ce ne serait pas facile. Mais nous avons obtenu beaucoup de choses pour un changement nécessaire », affirme le Premier ministre grec. Le parlement d’Athènes devrait se réunir ce lundi et son avis est attendu, tous ses membres n’ayant pas soutenu les négociations menées par Alexis Tsipras, y compris dans son propre camp.

Un total de 251 députés, sur 300, avaient autorisé samedi le gouvernement à conduire les négociations avec les créanciers de la Grèce sur la base de propositions à peine différentes de celles que les électeurs ont rejetées à 61% lors du référendum du 5 juillet.

Ce large mandat, le chef du premier gouvernement de gauche radicale au pouvoir le doit au soutien des deux grands partis qui ont gouverné alternativement le pays depuis 40 ans, la Nouvelle Démocratie (droite) et le Pasok (socialiste), auxquels s’ajoute celui de la formation de gauche modérée Potami et du parti de droite souverainiste ANEL, membre de la coalition gouvernementale.

Mais pas moins de 17 députés de Syriza, qui en compte 149, ont fait défection, parmi lesquels deux ministres, dont le bouillant ministre de l’Energie Panagiotis Lafazanis, adversaire déclaré de l’euro. 15 autres députés ont affirmé, dans une lettre adressée à M. Tsipras, avoir voté «oui» uniquement pour ne pas gêner le gouvernement. Ils ont prévenu qu’il ne faudrait pas compter sur eux pour entériner les futures réformes exigées par les créanciers. Et les réformes en question devraient prochainement passer devant le parlement grec suite à l’accord trouvé lundi, faisant apparaître au grand jour les dissensions au sein du parti au pouvoir.

Autre défection de taille, celle de la présidente du Parlement, Zoé Kostantopoulou, pasionaria de la gauche radicale et désormais «épine» dans le pied du Premier ministre, comme l’a qualifiée dimanche le quotidien libéralKathimerini. Cette femme de tempérament, qui n’hésite à sortir du Parlement pour se mêler aux manifestations de la place Syntagma, a cependant démenti dimanche soir des rumeurs faisant état de son projet de démissionner.

Il n’empêche : la pression monte sur Alexis Tsipras alors que le texte énumérant les exigences des créanciers, qui a servi de base aux discussions des chefs d’Etat réunis en sommet, a été qualifié de «très mauvais» et même de «monstrueux» par des sources gouvernementales grecques.

Le héros de la Résistance anti-nazie, Manolis Glezos, a déclaré dimanche soir sur la radio Kokkino qu’Alexis Tsipras devait «obéir au mandat que le peuple grec lui avait donné en disant «non» aux créanciers». «Pourquoi négocions-nous avec eux ? Voulons-nous nous coucher ? Pour quelle raison ?» s’est interrogé cette figure de la gauche morale en Grèce. Et sur Twitter, le hashtag #TsiprasLeaveEUSummit (Tsipras, quitte le sommet de l’UE) se répandait.

Une semaine après un référendum à valeur de plébiscite pour le jeune Premier ministre, ce dernier se retrouve donc dans une impasse. Pour la presse grecque, trois options s’offrent à lui : convoquer de nouvelles élections, former un gouvernement d’union nationale ou se contenter de faire le ménage dans son parti en écartant les récalcitrants.

Le ministre de l’Economie George Stathakis a adressé samedi soir une mise en garde aux frondeurs, en rappelant que «si un député n’est pas d’accord avec la politique du gouvernement, il doit se conformer aux règles et s’il est en désaccord profond, renoncer à son siège». A son arrivée au pouvoir, Syriza a fait signer à chaque député un «code de bonne conduite» stipulant qu’en cas de désaccord avec la politique du gouvernement, il devrait rendre son siège au parti, qui nommerait à sa place son suppléant.

Mais pour le journal Kathimerini, Alexis Tsipras n’a pas d’autre choix que de remanier en profondeur son gouvernement. Dans un éditorial intitulé «dernière chance», le quotidien estime que le Premier ministre «a fait le bon choix pour le pays, mais il a sacrifié son parti. La seule solution est la formation d’un nouveau gouvernement qui pourra garantir au pays un avenir européen».

Source : Le Parisien

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Même Le Monde n’arrive plus à mentir

La nuit où l’Allemagne a fait plier Tsipras

Il est 9 heures et c’est un matin blafard à Bruxelles. L’Europe se lève, la Grèce est encore dans la zone euro, mais tout le monde a un peu la gueule de bois. Un accord pour un plan de sauvetage financier de la Grèce a finalement été trouvé, à l’arraché, au bout d’un marathon de dix-sept heures de négociations. Elles ont en fait commencé samedi midi, avec la réunion de l’Eurogroupe (les ministres des finances de la zone euro), qui s’est terminée dimanche midi, juste avant celle des chefs d’Etat et de gouvernement des dix-neuf pays de l’union monétaire. Un accord ? En fait, quelque chose qui ressemble davantage à une reddition complète pour le premier ministre grec, Alexis Tsipras.

En échange de la promesse conditionnée – Athènes devra faire passer trois ou quatre réformes majeures d’ici au mercredi 15 juillet – d’un troisième plan d’aide pour son pays (82 à 86 milliards d’euros), le leader de la gauche radicale, épuisé, humilié, a dû accepter une liste de réformes d’une dureté qui heurte mêmes les fonctionnaires européens – ils évoquent une mise sous tutelle de la Grèce.

« C’est le catalogue des horreurs », écrit le magazine allemand Der Spiegel. Le tout imposé à un chef de gouvernement élu sur un programme anti-austérité, anti-Troïka – Commission de Bruxelles, Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI) – anti « diktat de Bruxelles ».

M. Tsipras va donc revenir à Athènes avec… la promesse que les négociations sur ce plan d’aide vont démarrer. Et c’est à peu près tout. [...]

Source: http://www.les-crises.fr/nouveau-protectorat-de-grece-le-texte-du-sommet-de-la-zone-euro/


[Jour J] L’Europe aux périls de l’Euro, par Jacques Sapir (+ Projet EuroGroupe)

Monday 13 July 2015 at 00:25

Les 3 derniers billets de Sapir. Je vous recommande le premier.

A la fin, l’hallucinant compte rendu des propositions de l’Eurogroupe d’hier…

L’Europe aux périls de l’Euro

La crise grecque est devenue désormais une crise de l’Union européenne. Quelle que soit son issue, les fondements mêmes de l’UE ont été durablement ébranlés. La prolongation de la réunion de l’Eurogroupe, censée se terminer samedi 11 juillet et qui a été étendu au dimanche 12, l’annulation du sommet européen des chefs d’Etats et de Gouvernements, sont des signes évidents de l’ampleur et de la profondeur de cette crise. Elle n’aura probablement pas de vainqueur, à moins que l’on en passe par les conditions posées par l’Allemagne, mais les vaincus seront nombreux. Et, au premier plan, les fanatiques de la construction européenne, les talibans de l’Euro. Car, la cause réelle, la cause évidente, de cette crise ce n’est pas le problème de l’endettement de la Grèce, mais c’est le fonctionnement de la zone Euro, qui dresse les peuples les uns contre les autres et qui ranime les pires des souvenirs de l’histoire européenne. Si l’Union européenne et l’Europe sont deux choses différentes, aujourd’hui, ce qui se joue à Bruxelles n’est plus seulement la Grèce ou l’Euro, c’est l’avenir de l’Europe et l’existence même de l’Union européenne.

La responsabilité de l’Euro

Il est désormais évident pour l’ensemble des observateurs que la cause profonde de cette crise est à chercher dans le fonctionnement de la zone Euro. On l’a déjà écrit à de multiples reprises dans ce carnet. Le projet de création d’une monnaie unique, sans assurer dans le même temps les conditions tant économiques qu’institutionnelles de la viabilité de cette monnaie, ne pouvait qu’entraîner un désastre. Il fallait se résoudre à une « union de transfert ». On ne l’a jamais fait. Si, dans des pays fédéraux comme l’Inde, l’Allemagne ou les Etats-Unis une même monnaie fonctionne en dépit des divergences parfois extrêmes qui existent entre les territoires composant ces pays c’est avant tout parce qu’existent des flux de transfert importants. Ceci n’a pu être mis en place au sein de la zone Euro, en raison de l’opposition de nombreux pays mais, par dessus tout, en raison de l’opposition totale de l’Allemagne.

Beaucoup de ceux qui écrivent en faveur de l’Euro se lamentent alors sur ce qu’ils appellent « l’égoïsme allemand »[1]. Ils ne prennent jamais la peine de chercher à mesurer ce que coûterait à l’Allemagne le financement de ces flux de transfert. Le calcul a été présenté dans ce carnet[2]. Il se montait alors autour de 260 milliards d’euros par an, sur une période de dix ans, et ce uniquement pour aider les 4 pays du « Sud » de la zone que sont l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. Sur cette somme, on peut penser qu’environ 85% à 90% serait fourni par l’Allemagne. On aboutit alors à un prélèvement sur la richesse produite en Allemagne compris entre 8% et 9% du PIB. Une autre source estimait même ce prélèvement à 12%[3]. Il est clair qu’imposer un tel prélèvement à l’Allemagne détruirait son économie. La question donc n’est pas que l’Allemagne ne veuille pas (ce qui est un autre problème) mais avant tout qu’elle ne peut pas supporter de tels prélèvements.

Confrontés à l’impossibilité de mettre en place une union de transfert, les gouvernement de la zone Euro ont cru trouver leur salut dans une combinaison de cures d’austérité dont les effets récessifs ont fragilisé les économies européennes, et de politique monétaire relativement expansionniste, telle qu’elle a été menée par la Banque Centrale Européenne. Mais, cette politique monétaire, si elle a permis de faire baisser les taux d’intérêts n’a pas résolu le problème. C’est comme de vouloir soigner une pneumonie avec de l’aspirine. L’aspirine fait un effet bénéfique en permettant à la fièvre de baisser, ce que fit la politique de la BCE à partir de septembre 2012, mais elle ne soigne pas.

Dès lors, l’Euro a entraîné les économies des pays membres de la zone dans une logique de divergence de plus en plus forte. Cette logique a conduit à des plans d’austérité de plus en plus violent, qui exaspèrent les populations et qui dressent celles des pays ayant moins de problèmes contre celles des pays souffrant le plus. Loin d’être un facteur d’unité et de solidarité, l’Euro entraîne le déchaînement des égoïsmes des uns et des autres et la montée des tensions politiques au sein de l’Union européenne. L’Euro, de par son existence même est bien la source de la crise dont les péripéties bruxelloises de cette fin-de-semaine sont l’illustration.

La responsabilité des politiques

Si la responsabilité première de cette crise incombe à l’Euro, et au système institutionnel que l’on a construit pour le faire perdurer, cela ne vaut pas non-lieu pour le personnel politique. Au contraire ; leur comportement a tendu à exacerber cette crise en provoquant une perte massive de confiance des peuples de l’Union européenne dans cette dite union.

Il est de bon ton de se déchaîner à présent contre Mme Merkel et M. Schäuble. Leur responsabilité est immédiatement engagée. Le plan présenté par M. Schäuble ce samedi 11 juillet, et qui prévoit soit l’expulsion de la Grèce soit la mise en gage d’une partie du patrimoine industriel de ce pays, est parfaitement scandaleux. Ces deux dirigeants se comportent comme des petites frappes cherchant à terroriser le quartier. Mais, il faut ici dire qu’ils ne sont sans doute pas les pires. De plus, il faut reconnaître à M. Schäuble une certaine cohérence dans sa position.

Parmi ceux dont les responsabilités sont certainement plus importantes il faut citer le président de l’Eurogroupe, M. Dijsselbloem. Ce triste personnage a ainsi exercé des menaces et un véritable chantage sur le ministre grec des finances, M. Yanis Varoufakis. Ce dernier l’a décrit de manière très explicite[4]. Il montre que ces détestables pratiques ne sont pas le produit de la crise (ce qui sans les justifier le moins du moins du monde pourrait les expliquer) mais ont commencé dès les premières réunions datant du mois de février 2015. Ces pratiques, ainsi que celles de M. Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission européenne, témoignent d’un esprit profondément anti-démocratique qui règne dans les instances de l’Union européenne. Les pratiques de ces dirigeants, et avant eux de personnes comme M. Barroso, ont largement contribué à la perte de crédibilité des peuples dans ces institutions. En novembre 2012, un sondage réalisé sur l’ensemble des pays européens montrait que le pourcentage de personnes disant ne pas faire confiance dans l’Union européenne était de 42% en Pologne, de 53% en Italie, de 56% en France, de 59% en Allemagne et de 72% en Espagne[5].

Mais, les bons apôtres de la construction européenne, comme M. François Hollande, ne peuvent – eux non plus – espérer sortir indemne de cette crise. Leur responsabilité est en réalité tout autant engagée que celle des autres politiciens. Si M. Hollande avait été fidèle à ses engagements de la campane présidentielle du printemps 2012, il aurait affronté immédiatement et directement la chancelière allemande. Au lieu de cela, il a accepté d’entrer dans la logique austéritaire qu’elle proposait et il a cédé, en tout ou partie, à ce qu’elle exigeait. Il est alors logique que Mme Merkel se soit sentie confortée dans ses choix et les ait poussés jusqu’au bout de leur absurde et funeste logique concernant la Grèce. M. Hollande cherche depuis quelques jours à faire entendre une musique différente. Mais, il n’est que trop visible que l’homme est déjà en campagne pour sa réélection. Sur le fond, il est un bon représentant de ces fanatiques de la construction européenne, de ces « eurobéats », dont l’attitude va aboutir à faire éclater l’Union européenne.

Il faut agir

Au point où nous sommes dans cette crise, il faut prendre ses responsabilités. Ce qui est en jeu n’est pas seulement le sort de 11 millions de personnes, ce qui est déjà beaucoup. C’est en réalité le sort des 510 millions d’habitants de l’Union européenne qui est aujourd’hui jeté dans la balance. Derrière le sort de la Grèce, que l’on laisse seule pour gérer un flux de réfugiés de 1000 personnes/jour, c’est la réalité de l’Union européenne qui est en jeu.

Il faut aujourd’hui admettre que l’Euro n’est pas viable dans le cadre actuel, et que changer de cadre, passer au « fédéralisme » comme l’invoquent certains, est impossible. Dès lors, il faut en tirer les conséquences et procéder à un démontage coordonné de la zone Euro. Réfléchissons-y bien ; ce démontage, s’il est réalisé de manière coordonnée, sera un acte d’union. Il n’y a aucune honte à reconnaître que les conditions nécessaires n’ayant pas été remplies, la monnaie unique ne peut être viable. Il n’y a aucune honte à cela, sauf à faire de l’euro un fétiche, une nouvelle idole, une religion. Et c’est bien ce qui est inquiétant. Pour de nombreux dirigeants dans les pays de l’union européenne l’Euro n’est pas un instrument, c’est une religion, avec ses grands prêtres et ses excommunications. Car, l’alternative à cela, c’est le « Grexit », soit en réalité l’expulsion de la Grèce hors de la zone Euro, acte inouï de violence, mais dont tout le monde comprendra qu’il n’est que le début d’un processus. Une fois la Grèce mise dehors, les regards se porteront sur le prochain, puis sur le suivant. On aboutira, alors, à une lente implosion de la zone Euro, dans un vacarme de récriminations et d’accusations réciproques, dont l’Eurogroupe du samedi 11 aura été une timide annonciation. L’Union européenne, il faut le savoir, ne résistera pas à cela. Elle pourrait certainement résister au démontage coordonné, sous le contrôle du Conseil européen, et avec la participation des institutions européennes. Mais, il en ira tout autrement si on s’abandonne à la facilité et si l’on laisse la zone Euro se déliter à la suite d’une expulsion de la Grèce.

Aujourd’hui, le temps presse. Les dirigeants de l’Union européenne peuvent faire le choix salvateur d’une solution coordonnée. S’ils reconnaissent que la zone Euro n’est pas viable, tout est possible. Si, par contre, ils s’enferrent, que ce soit par idéologie ou par intérêt de court terme, dans des tentatives désespérées pour tenter de faire survivre cette zone Euro, en y sacrifiant un pays, puis un second, puis un troisième, ils mettront en marche la machine infernale de l’explosion de l’Union européenne, et ils porteront devant l’Histoire la responsabilité de futures affrontements intereuropéens. L’Union européenne peut périr, ou se transformer. L’important est de sauver l’esprit européen, un esprit de fraternité et de solidarité. C’est cela que menace désormais l’existence de l’Euro.

[1] Voir Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, Paris, 2012.

[2] Voir Sapir J., « Le coût du fédéralisme dans la zone Euro », note publiée sur le carnetRussEurope, 10 novembre 2012, http://russeurope.hypotheses.org/453

[3] Patrick Artus, « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », NATIXIS, Flash-Économie, n°508, 17 juillet 2012.

[4] VAROUFAKIS: POURQUOI L’Allemagne REFUSE D’ALLÉGER LA DETTE DE LA GRÈCE, http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/120715/varoufakis-pourquoi-lallemagne-refuse-dalleger-la-dette-de-la-grece

[5] Sondage EUROBAROMETER

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 12 juillet 2015.


Les conditions d’un “Grexit”

La question d’un possible « Grexit » a été à nouveau évoquée lors de la réunion de l’Eurogroupe ce samedi 11 juillet. Il s’apparenterai dans les faits à une expulsion de la Grèce, à moins que son Premier ministre ne consente à présenter sa émission, et ce en dépit d’un vote de confiance massif au Parlement dans la nuit de vendredi à samedi, et en dépit du succès remporté par le « non » au référendum du dimanche 5 juillet. Les conditions d’une sortie de la Grèce de l’Euro dans l’urgence doivent être étudiées très sérieusement compte tenu des positions de l’Allemagne à l’Eurogroupe. Si le blocage des négociations à l’Eurogroupe persiste, et devant la mauvaise fois désormais évidente de certains interlocuteurs, au nombre desquels il faut compter M. Schäuble, le Ministre allemand des finances ou M. Dijsselbloem, le Président de l’Eurogroupe, on ne peut exclure un « Grexit » dans l’urgence dès le début de la semaine prochaine. Confrontée à cette éventualité la Grèce serait dans une situation certes difficile, car les banques sont à cours de liquidités, avec des problèmes de bilans très sérieux, et la Banque Centrale (ou BofG) n’a pas de réserves. Mais cette situation est loin d’être insoluble et ne doit pas effrayer outre mesure le gouvernement grec. Si donc un « Grexit » en urgence doit être envisagé il faudra traiter les problèmes suivants, qui vont des réserves de la Banque Centrale aux liquidités en passant par la question de la dette :

  1. La question des réserves de la Banque Centrale

On admet qu’un taux de réserves par rapport au PIB de 1/30 à 1/20 suffit pour un pays dont le compte courant (balance des exports-imports de biens et services) est à l’équilibre. Le PIB de la Grèce est aujourd’hui de 200 milliards d’Euros, soit approximativement 220 milliards de dollars. Un rapport de 1/20 donnerait donc 11 milliards de dollars. Portons à 20 milliards cette somme pour se prémunir contre tout imprévu. Cette somme pourrait venir de plusieurs sources :

Cet argent irait abonder un fonds de réserve de la nouvelle monnaie. Compte tenu de l’équilibre de la balance courante, il serait suffisant pour stabiliser cette monnaie. En fait, et compte tenu du quasi-équilibre de la balance courante, on peut penser que ce fonds de réserve serait très peu utilisé. Le contrôle des capitaux déjà en vigueur permet de limiter les prises de positions spéculatives sur la future monnaie grecque.

  1. La question des liquidités

La Grèce est aujourd’hui étranglée par le manque de liquidités. C’est un fait bien établi. Cet étranglement, la version moderne du lacet des assassins ottomans, est entièrement lié à la politique de la Banque Centrale Européenne. Face à cela, le gouvernement grec peut émettre des reconnaissances de dette à trois ou six mois auxquelles il confèrerait le cours légal et qu’il accepterait en paiement des impôts. Ceci permettrait à l’économie de retrouver de la liquidité.

Mais, comme on l’a dit dans une précédente note, la solution qui s’impose serait en réalité une réquisition de la Banque Centrale. Cette réquisition doit être faite dans le cadre des pouvoirs d’urgence que le gouvernement grec ne manquerait pas d’invoquer si un « Grexit » était constaté. Cette réquisition permet, de manière temporaire et en attendant qu’une nouvelle loi précisant l’organisation bancaire ne soit votée, de placer la BofG sous le contrôle direct du Ministère des finances et de remplacer son directeur actuel. Cette opération permettrait au gouvernement de libérer les réserves détenues soit à la BofG soit sous contrôle de la BofG dans les banques commerciales. De toute manière, dans le cas d’une sortie de l’Euro, la réquisition de la Banque Centrale s’impose. En combinant ces deux méthodes, le gouvernement grec desserrerait le lien qui aujourd’hui l’étrangle. Il montrerait aussi à tous les agents, qu’ils soient grecs ou étranger, sa résolution à reprendre en main sa monnaie et son destin.

  1. la question de la dette

Le problème de la dette grecque se pose ensuite. Cette dette est importante par rapport au PIB, représentant 341 milliards d’euros. En cas de dépréciation de la nouvelle monnaie, il est clair que le poids de cette dette, qui pèse déjà très lourdement sur la Grèce, serait accru. Cette dette a été émise de Bruxelles et de Francfort dans le cadre des plans d’aide qui furent en réalité des plans de transfert des créances détenues par des banques privées vers les Etats de la zone Euro. Cela constitue une importante différence avec la dette de la France ou de l’Italie, dette qui est émise dans des conditions bien plus normales et qui est majoritairement (à plus de 97% dans le cas de la France) émise dans le droit national. Dans le cas de la Grèce le problème est que – dans ces conditions particulières – la lex monetae ne s’applique pas. Il n’y a donc pas de solution autre que le défaut sur la dette, comme le fit la Russie en 1998. Une fois ce défaut réalisé, la condition de reconnaissance de la dette (à 20% ou 30 de sa valeur faciale) pourra être discutée. Mais, il est très important que le gouvernement grec annonce le défaut sur sa dette en même temps qu’il constatera que l’Euro ne peut plus avoir cours légal sur son territoire. En fait, la question du changement de monnaie et du défaut sont étroitement liées.

  1. La question des banques commerciales

Les banques commerciales grecques, dans le cas d’un défaut sur la dette et d’une rupture avec la BCE, se trouveront en faillite. Le montant nécessaire pour leur recapitalisation est évalué actuellement à 25 milliards d’euros par le FMI. C’est une somme considérable. Ces banques commerciales doivent donc être nationalisées, mais, s’inspirant de l’exemple islandais, le gouvernement grec ferait bien de ne pas chercher à les recapitaliser entièrement. En fait la partie « banque d’investissement » doit être laissée à elle-même et doit faire faillite. Par contre la partie banque de circulation doit elle être sauvée. Cette partie pouvant opérer sous le contrôle de l’Etat, avec une garantie des dépôts de la population à travers une aide exceptionnelle apportée par la Banque Centrale, la BofG, qui aura été au préalable réquisitionné ». Cette partie devra être recapitalisée et le gouvernement devrait pour cela déclarer un emprunt obligatoire sur tous les ménages gagnant plus de 60 000 euros par an, emprunt dont les intérêts seraient égaux à l’inflation.

Telles sont les mesures qui s’imposeraient si la Grèce devait se faire expulser de la zone Euro, mesure inouïe, et qui libérerait la Grèce de l’obligation de respecter les traités, du moins dans le domaine monétaire. Ceci n’épuise pas le sujet. Il est clair que les responsabilités de l’Allemagne seraient alors immenses, et que d’autres pays pourraient très sérieusement songer à quitter l’Euro, provoquant de fait sa dissolution. Mais, aujourd’hui, l’urgence est de montrer le chemin que la Grèce peut suivre afin que ce « Grexit » se passe le mieux possible, quitte à par la suite attaquer en justice la BCE et l’Allemagne.

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 11 juillet 2015.


L’Allemagne, les Etats-Unis et la France

Les propositions qui ont été soumises par le gouvernement grec le jeudi 9 juillet, on le sait, ont été en grande partie rédigées avec l’aide de hauts fonctionnaires français. Même si cela a été démenti par Bercy, c’est une pratique courante des administrations de déléguer des fonctionnaires « à titre personnel », s’assurant ainsi en cas d’échec de la possibilité de nier toute implication. Ceci témoigne, en réalité, de l’intense travail de pressions qui a été exercé tant sur la Grèce que sur l’Allemagne par les Etats-Unis depuis ces derniers jours. Nous verrons sous peu si ces pressions ont été efficaces. Mais, il est clair d’ores et déjà qu’elles ont eu des effets collatéraux.

Le rôle de la France

Car, ces pressions ont aussi mobilisé la France qui a cru pouvoir jouer le rôle d’un intermédiaire entre l’Allemagne et ses alliés d’une part et la Grèce d’autre part. Ce rôle d’intermédiaire n’a été possible qu’en se rangeant dans le camp des Etats-Unis. Il faut donc noter ici que la France a délibérément choisi le camp des Etats-Unis contre celui de l’Allemagne. Cela ne sera pas sans conséquences pour la suite, et ceci que l’Allemagne impose le « Grexit » où qu’un accord de dernière minute soit trouvé. En effet, si le gouvernement français n’a pas eu nécessairement tort de choisir d’affronter l’Allemagne sur ce dossier, la manière dont il le fait jette un doute sur la survie à terme non seulement de la zone Euro mais, au-delà, de l’Union européenne. Le gouvernement français a en effet choisi de s’appuyer sur une puissance non-européenne pour tenter de faire fléchir l’Allemagne. Ce faisant, il reconnaît de par son action, que c’est la politique allemande qui constitue aujourd’hui un problème pour la zone Euro. C’est une évidence, et on l’a écrit à de nombreuses reprises dans ce carnet.

Mais alors, que reste-t-il du mythique couple franco-allemand, dont beaucoup se rincent la bouche et qui constitue, en un sens, l’un des piliers de l’Union européenne ? N’est-ce pas reconnaître qu’avec la réunification de l’Allemagne, le « couple franco-allemand » est mort et enterré ? Dans ce cas, plutôt que de se jeter dans les bras d’une puissance non-européenne, ne devrait-on pas se rapprocher de la Russie ? Ce qui frappe quand on analyse l’attitude du gouvernement français c’est l’amateurisme qui a prévalu sur des questions absolument fondamentales.

Une vision essentiellement idéologique

Qui plus est, le gouvernement français s’est engagé dans cette voie pour des raisons essentiellement idéologique. En réalité, ce que veut par dessus tout M. François Hollande c’est « sauver l’Euro » et éviter de voir l’Allemagne exclure de fait la Grèce de la zone Euro. François Hollande est ici bien l’un des fils spirituel de Jacques Delors, la vision en moins et la rigidité idéologique en plus. Mais, il risque de voir très rapidement le prix qu’il aura payé pour cela, et pour un résultat qui ne durera probablement que quelques mois. Car, les propositions avancées par le gouvernement grec, si elles devaient être acceptées, ne règlent rien. Si ces propositions sont finalement rejetées, comme semble le laisser présager la réunion du l’Eurogroupe de la nuit du 11 au 12 juillet, il deviendra clair que l’action des Etats-Unis et de la France a été inefficace. Par contre, la rupture entre la France et l’Allemagne perdurera, elle. Et l’image d’une Union européenne divisée, obligée d’appeler une tierce puissance pour résoudre ses conflits internes, va s’imposer rapidement.

La seule signification possible de l’Union européenne, et avant elle de la Communauté économique européenne, consistait à montrer que les européens étaient capables de prendre leurs affaires en mains sans aucune ingérence d’une tierce puissance. Or, en appuyant les pressions américaines, en se joignant à elles, c’est très précisément à cela que François Hollande, tout à la poursuite de son rêve quant à l’Euro, vient de renoncer. Le prix politique à payer sera donc très lourd.

Le problème allemand et l’Union européenne

Au-delà, il y a aujourd’hui très clairement un « problème allemand » au sein de l’UE et surtout de la zone Euro. On voit bien comment l’Allemagne utilise à son profit exclusif les institutions qui ont été mises en place. Mais, au lieu de le reconnaître, et de comprendre que dans ces conditions l’Euro ne peut plus fonctionner, François Hollande s’entête. Il refuse d’en tirer les conséquences. En fait, François Hollande est tombé dans le piège tendu par les Etats-Unis. Alors qu’une confrontation entre la France et l’Allemagne sur les questions européennes, même si elle aurait pu faire tanguer les institutions européennes, serait restée essentiellement une affaire intra-européenne, en jouant la carte des Etats-Unis pour un problème conjoncturel François Hollande a probablement porté le coup de grâce à ce à quoi il tient le plus : l’Union européenne.

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 11 juillet 2015.

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Pour les anglophones, le projet de l’Eurgroupe d’hier – incroyable :

Et pour finir par le rire :

“La soutenabilité de la dette ne peut être atteinte sans décote, le FMI a raison de le dire” a-t-il dit lors d’une conférence organisée par la Bundesbank à Francfort, avant d’ajouter: “Il ne peut y avoir de décote car cela serait contraire aux règles de l’Union européenne.” Wolfgang Schäuble

Ils sont forts ces Allemands quand même (qui, cependant, ne font que défendre les intérêts des Allemands…).

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EDIT : je vous mets le dernier Krugman – désolé, c’est du Google trad, pas le temps de faire mieux

Tuer le projet européen, par Paul Krugman

Supposons que vous considérez Tsipras comme un crétin incompétent. Supposons que vous payeriez cher pour voir Syriza hors du pouvoir. Supposons que, même, que vous accueillez la perspective de pousser les Grecs ennuyeux sortir de l’euro.

Même si tout cela est vrai, cette liste de l’Eurogroupe des demandes est de la folie. La tendance hashtag ThisIsACoup est tout à fait exact. Cela va au-delà dure dans vindicte pure, la destruction complète de la souveraineté nationale, et aucun espoir de soulagement. Il est, sans doute, censé être une offre Grèce ne peut pas accepter; mais même ainsi, il est une trahison grotesque de tout ce que le projet européen était censé défendre.

Tout peut sortir l’Europe au bord du gouffre? Le mot est que Mario Draghi tente de réintroduire un peu de raison, que Hollande montre enfin un peu de volonté d’interrompre les demandes allemandes économie morale-play qu’il a si manifestement pas réussi à fournir dans le passé. Mais la plupart des dommages a déjà été fait. Qui va jamais confiance bonnes intentions de l’Allemagne après cela?

En un sens, l’économie ont presque devenu secondaire. Mais encore, soyons clairs: ce que nous avons appris ces dernières semaines est que d’être un membre de la zone euro signifie que les créanciers peuvent détruire votre économie si vous sortez de la ligne. Cela n’a aucun lien sur les bases économiques sous-jacentes de l’austérité. Il est aussi vrai que jamais que l’imposition de l’austérité sévère sans allégement de la dette est une politique vouée à l’échec, peu importe la façon dont le pays est prêt à accepter la souffrance. Et à son tour, signifie que même une capitulation grecque complète serait une impasse.

La Grèce peut elle arracher une sortie réussie? L’Allemagne va elle tenter de bloquer une reprise économique ? (Désolé, mais voilà le genre de chose que nous devons maintenant demander.)

Le projet européen – un projet dont j’ai toujours fait l’éloge et que j’ai soutenu – vient d’être porté un coup terrible, peut-être fatal. Et quoi que vous pensez de Syriza, ou de la Grèce, ce ne sont pas les Grecs qui l’ont fait.

Source: http://www.les-crises.fr/leurope-aux-perils-de-leuro/


« Les Allemands torturent les Grecs pour que les Italiens entendent leurs cris », par Charles Gave

Monday 13 July 2015 at 00:01

Très belle analyse du vrai libéral Charles Gave

Grèce : Enfin des bonnes nouvelles ! par Charles Gave

Lénine avait coutume de dire que pendant certaines semaines, plus d’événements inouïs se passaient que pendant toutes les décennies précédentes et c’est une idée que je crois très juste. C’est peut être ce que nous allons vérifier une fois de plus dans les semaines qui viennent.

Prenons l’Euro.

Depuis sa création, je ne cesse d’expliquer à qui veut bien l’entendre que tout cela finira très mal et que l’Euro n’est pas une monnaie, mais une construction complètement artificielle qui allait détruire l’Europe de la diversité que j’aimais profondément, dans l’espoir insensé de créer de toutes pièces un Etat Européen dont seuls des technocrates non-élus  seraient les bénéficiaires.

Et j’étais loin d‘être seul à me faire du souci.

Par exemple, Milton Friedman, bon connaisseur de la monnaie s’il en fut, avait coutume de dire qu’à sa connaissance c’était la première fois dans l’Histoire que des pays souverains décidaient de tous utiliser la même monnaie et que le système sauterait si un choc asymétrique venait  à toucher les différents pays. Ce qu’il voulait dire était que, dés qu’un choix allait devoir être fait entre la Souveraineté Nationale et la monnaie, la Souveraineté Nationale l’emporterait.

Ce choc, nous l’avons eu au moment de la grande crise financière de 2008-2009, le système a failli craquer et a fini par tenir quand monsieur Draghi a fait comprendre aux marchés que les Traités, il s’asseyait dessus et que la Bundesbank ne pouvait que se coucher, ce qu’elle fit.Et donc le nœud coulant fut resserré autour du cou de la Grèce et desserré par ailleurs, l’idée étant que les malheurs des Grecs devaient montrer aux autres peuples Européens pris dans le même étau ce qui arrivait aux mauvais sujets. Comme me l’avait dit le patron de l’une des grandes sociétés d’assurance Allemandes avec beaucoup de finesse (!), « Nous torturons les Grecs pour que les Italiens entendent leurs cris», ce qui m’avait passablement surpris venant d’un Allemand.

Et donc l’Euro est encore là, à ma grande surprise, continuant à pousser les peuples Européens dans la misère et le désespoir, les seuls gagnants étant des technocrates que personne n’a élu.

Au fil des années, je me suis quand même demandé POURQUOI je détestais l’Euro à ce point ?

Je crois que j’ai compris. Au début, j’étais contre l’Euro pour des raisons  purement techniques puisqu’il était idiot de vouloir maintenir un taux de change fixe entre des pays qui ont des productivités du travail et du capital complètement différentes. Et puis j’ai réalisé que derrière ce projet il y avait une volonté profonde de détruire les Nations Européennes.

Philosophiquement, je suis un partisan des Lumières, c’est-à-dire de la Liberté, ou plus exactement de Libertés bien concrètes et bien réelles. Le projet des Lumières était que chaque homme puisse exercer ses Libertés, dans trois domaines essentiels.

Et je suis en bonne compagnie.

Jean- Paul II dans son encyclique « Centesimus Annus », écrite pour commémorer la grande encyclique de Léon XIII «  Rerum Novarum » qui consacrait la réconciliation entre l’Eglise et le monde nouveau, précisait que la Liberté de chaque homme ne pouvait s’exercer que dans le cadre de la Nation dont il était citoyen (en tant que Polonais, il savait de quoi il parlait).

Un peu plus loin, il indiquait que l’entreprenariat était une vocation et que les pays où les entrepreneurs ne pouvaient exercer leurs Libertés n’étaient pas libres.

Ce qui veut dire en termes clairs que l’Euro était une machine à détruire nos Libertés comme il en a peu existé dans l’Histoire. Je m’explique, en commençant par les entrepreneurs.

Il n’en est rien dans l’Euro.

PERSONNE n’a le monopole de la violence légitime en Europe, et pour une raison très simple : il n’existe pas de Nation Européenne et la démonstration en est faite par la BCE qui finance les Etats légitimes en imprimant de l’argent puisque les impôts ne suffisent pas. Or les impôts sont la manifestation de cette volonté de vivre ensemble… Et  donc le projet Européen apparait en pleine lumière : Il s’agit purement et simplement de détruire les volontés de vivre ensemble, c’est-à-dire les  Nations Européennes auxquels les peuples sont extraordinairement attachés, pour construire un Etat Européen dont personne ne veut sauf mes chers Oints du Seigneur (ODS), tous socialistes c’est-à-dire sans aucun respect pour la volonté du Peuple, qu’ils méprisent. Et nulle part, cette volonté de destruction de la Nation n’a été plus visible qu’en Grèce. L’Etat Grec est  certes tout à fait inefficace, tout le monde le savait, un peu comme l’Etat Italien mais le Peuple Grec est une réalité profonde et ancienne.  Attaquer la Grèce parce qu’elle avait un Etat inefficace a couté fort cher à Mussolini et à Hitler, qui eux aussi, comme mes ODS aujourd’hui,  voulaient rétablir l’Empire Romain…

Ils n’ont pas trouvé en face d’eux l’Etat Grec, mais bien le Peuple Grec, ce qui n’est pas  pareil. La même chose va arriver aux ODS Européens.  L’Euro n’est qu’une expression de plus, après  le communisme, après  le fascisme, après le nazisme de la Présomption Fatale de ce cher Hayek, qui avait tout compris. La seule différence est que les victimes de ce projet contre nature se suicident à la place d’être envoyés dans des camps de concentration. Gros progrès !

Les Grecs vont donc pouvoir voter, ENFIN suis- je tenté de dire.

Quand Papandreou avait proposé la même chose il ya quelques années, il avait été promptement débarqué grâce à ce qu’il faut bien appeler un coup d’Etat organisé a Bruxelles pour être remplacé par un Quisling de service, ex haut fonctionnaire de …la BCE.

Je ne sais pas ce que les Grecs vont voter, mais comme le dit le proverbe Américain, les dindes votent rarement pour Noel.

En tout cas, je sais ce que je voterais si j’étais Grec.

“L’Homme” disait le Christ “ne vit pas que de pain”.

Les Grecs ont donc le choix entre la fin de l’horreur et une horreur sans fin.

J’espère que la révolte des Peuples Européens contre la dictature molle que Tocqueville avait parfaitement vu arriver a enfin commencé, et si c’est le cas,  elle se produit d’abord, ironie de l’Histoire dans le pays qui a été le berceau de la Démocratie…

Quel magnifique symbole.

En réalité, je ne connais pas d’exemple dans l’Histoire de retour vers la Démocratie et vers des prix de marché qui se soient mal terminés.

Je me sens redevenir optimiste. Comme le disait Jean-Paul II, encore lui : “N’ayez pas peur car la Vérité l’emportera toujours sur le Mensonge”.

Conclusion : ce qui se produit en Grèce est une bonne nouvelle, mais ça va secouer.

Source : Charles Gave, pour l’Institut des Libertés, le 29 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/les-allemands-torturent-les-grecs-pour-que-les-italiens-entendent-leurs-cris-par-charles-gave/


Emmanuel Todd

Sunday 12 July 2015 at 03:21

(article retiré à la demande de Copiepresse)

Source: http://www.les-crises.fr/on-assiste-a-la-3e-autodestruction-de-leurope-sous-direction-allemande-par-emmanuel-todd/


Cédric Durand : « Les peuples, contre les bureaucrates et l’ordre européen »

Sunday 12 July 2015 at 01:06

Entretien pour le site de Ballast

Dimanche 5 juillet 2015. Nous retrouvons l’économiste Cédric Durand (auteur du Capital fictif et directeur de l’ouvrage collectif En finir avec l’Europe) dans l’après-midi. Les premiers résultats tombent au cours de notre entretien. La soirée confirmera ces chiffres : les Grecs balaient d’un écrasant revers de la main (61,31 %) les oukases de leurs créanciers. « Le non au référendum est un grand oui à la démocratie », s’empressera d’avancer le ministre Varoufakis avant de « donner » sa démission. Si ce résultat apparaît aux yeux de Cohn-Bendit comme « une catastrophe », si Laurence Parisot lance un « Aïe » historique, si Éric Brunet, l’auteur d’Être riche : un tabou français, peste aussitôt contre « l’immaturité »  profonde des Grecs, Durand lance et tranche : « Les Grecs s’apprêtent à écrire une nouvelle page de l’histoire de l’émancipation humaine. Leurs victoires seront nos victoires. » Décryptage. 

Toutes les photographies en Grèce sont de Stéphane Burlot

Après le « non » au référendum, quelles sont les perspectives pour la Grèce, dans les jours et les semaines à venir ?

Cette victoire extrêmement large est un événement politique majeur : c’est la première fois qu’un gouvernement dénonce la légitimité de l’Europe et en appelle à son peuple. Ce précédent démontre qu’on peut se référer à la légitimité des peuples contre la légitimité des bureaucrates et de l’ordre européen. Les conséquences de ce « non » sont avant tout politiques : un « oui » aurait rendu très difficile pour Tsipras de rester Premier ministre et aurait représenté une cassure de sa majorité. Lorsqu’il a décidé d’annoncer ce référendum, son parti était quasiment coupé en deux : l’aile gauche était vent debout, refusant d’endosser l’accord proposé aux créanciers le 23 juin (il comportait des concessions importantes sur la TVA et les retraites). Dans ces conditions, Tsipras risquait de se retrouver devant l’alternative suivante : démissionner ou s’allier avec Potami, le Pasok et des forces du centre-gauche néolibéral. Le référendum a permis de sortir de cette impasse et de réunifier son camp face à un adversaire commun. C’était très habile. Aujourd’hui, son capital politique est plus fort que jamais ; il a ressoudé son camp et dispose d’une légitimité populaire immense.
Toutefois, les désaccords qui préexistaient ne sont pas résolus. Beaucoup de choses ne dépendent pas de la Grèce et l’on peut se demander jusqu’à quel point les Européens vont accepter de donner satisfaction à Athènes – il ne faut pas se faire d’illusions à ce sujet. S’il y a des concessions en faveur des Grecs, elles seront minimales. L’accord esquissé sera un accord de restructuration de la dette (même le FMI et les États-Unis sont pour) en échange des réformes que Tsipras avait acceptées. La victoire politique de ce dernier serait alors d’obtenir une restructuration partielle de la dette, tandis que les Allemands pourront dire que les Grecs ont pris des engagements très fermes dans le sens de l’austérité… La victoire du « non » aurait un goût amer si elle devait se traduire par la poursuite des politiques d’austérité. Ce sur quoi Tsipras était prêt à s’engager avant le référendum, ce sont 8 milliards d’euros de coupes budgétaires et de taxes supplémentaires — ce qui ne manquerait pas d’aggraver de la dépression et d’accroître le niveau de chômage.

Que retenez-vous du rapport de force qui a opposé la Grèce à ses créanciers au cours des dernières semaines ?

« C’était très habile. Aujourd’hui, le capital politique de Tsipras est plus fort que jamais. Il a ressoudé son camp et dispose d’une légitimité populaire immense. »

Ce que les Grecs sont parvenus à faire est spectaculaire. La Grèce ne représente rien en terme de poids économique, pour l’Union européenne : c’est 2 % du PIB européen. Et c’est le seul pôle de gauche radicale dans une Europe majoritairement à droite. Les différents pays d’Europe sont gouvernés par une grande coalition permanente – comme en en Allemagne ou, implicitement, en France, puisque les cadres de la politique économique du gouvernement entrent dans une matrice définie en commun avec la droite, par le biais de l’échelon européen. En cela, la Grèce est spécifique : ce tout petit pays ne rentre pas dans cette grande coalition, ne souhaite pas y entrer et dispose même d’un gouvernement élu pour ne pas y rentrer. Dès lors, la situation est extrêmement difficile. Ces derniers mois, le gouvernement grec a adopté un positionnement assez ambivalent. D’un côté, une posture de combat, en permanence, avec un discours sur lequel il n’a jamais cédé : l’austérité ne marche pas et la dette grecque est insoutenable, il faut la restructurer. De l’autre, le gouvernement Tsipras a toujours adopté une posture de négociation qui l’a amené à reculer sur des questions essentielles. Si on fait le bilan, les Européens ont reculé sur le niveau d’excédent primaire qu’ils exigeaient – c’est un recul substantiel, mais qui a été effectué très tôt et qui, par ailleurs, tenait à l’insoutenabilité des objectifs fixés. Pour le reste, les Grecs se sont petit à petit alignés sur les exigences des créanciers, jusqu’à la fin du mois de juin, où Tsipras était prêt à signer ce qu’il avait refusé la semaine d’avant, grillant toutes ses lignes rouges — notamment sur la réforme des retraites et les privatisations.

Les reculs du gouvernement grec reflètent la puissance du chantage auquel celui-ci est soumis. La Banque centrale européenne [BCE] a, ces derniers mois, resserré à deux reprises le nœud coulant financier. D’abord, lors de l’accord du 20 février : elle a fermé l’accès aux mécanismes standards de refinancement, ne leur laissant l’accès aux procédures d’urgences plus coûteuses. Le gouvernement grec s’est alors résolu à signer un agenda de négociations plus qu’éloigné de son mandat électoral. Néanmoins, dans la période qui suivit, il a temporisé, n’ayant de cesse de remettre la question de la restructuration de la dette et du niveau d’excédent primaire sur la table… mais finissant par lâcher sur l’essentiel. Jusqu’au coup de tonnerre de la convocation du référendum ! Une décision prise, rappelons-le, par le fait que bien que le niveau d’austérité exigé soit accepté par la partie grecque, le contenu de celle-ci (notamment une taxe exceptionnelle sur les gros bénéfices) ne leur convenait pas. Ensuite, le 30 juin, Tsipras recula une nouvelle fois. Il craignait que la BCE ne rendît encore plus difficile l’accès au refinancement d’urgence. Ces derniers étaient déjà plafonnés – ce qui a conduit à la fermeture des banques –, mais, là, la BCE risquait d’appliquer une décote sur les titres qu’elle acceptait pour donner accès au refinancement d’urgence. Cela signifie que dans les deux jours qui allaient suivre, une banque fermerait — imaginez une banque qui ferme à la veille du référendum…

Quelle est la position du gouvernement Tsipras sur l’euro ? Faut-il souhaiter une sortie de la monnaie unique pour la Grèce ?

« Sans sortie de l’euro, il n’y a pas de marge de manœuvre pour une politique de gauche. C’était vrai avant le référendum ; cela le restera après. »

D’après les enquêtes d’opinion, les Grecs ne sont majoritairement pas favorables à une sortie de l’euro. Cependant, le résultat du referendum montre que cette perspective ne les effraie pas. La position la plus partagée est sans doute celle d’un « oui à l’euro » à condition de sortir de l’austérité. Tsipras fait de la politique et conserve à ce sujet une ambiguïté qui recoupe celle de la gauche de la gauche sur la question européenne. Il défend l’idée que, malgré tout, il faut se battre au sein des structures européennes pour faire changer l’Europe. D’autres personnes, dont je suis, pensent que la perspective internationaliste ne doit bien évidemment pas être abandonnée, que même la perspective européenne peut, toujours, être une perspective, mais que celle-ci ne peut se faire que par une désobéissance aux institutions européennes, et en particulier par une sortie de l’euro. Sans sortie de l’euro, il n’y a pas de marge de manœuvre pour une politique de gauche. C’était vrai avant le référendum ; cela le restera après.

Dans la bataille menée en Grèce, il est intéressant d’observer un clivage très net entre l’élite (qui s’est uniformément mobilisée en faveur du « oui » — en particulier via les organisations patronales et les médias privés) et le reste de la population, majoritairement du côté du « non ». Dans l’Union européenne, le grand capital transnational et financier est du côté de l’euro. Refuser les règles du jeu de cette monnaie unique, c’est se donner les moyens de les changer et, en particulier, d’en finir avec une politique économique dont les marges de manœuvre se limitent à baisser le coût du travail et à réduire la dépense publique. En tant qu’économiste hétérodoxe, je n’ai pas de doute sur le fait que reprendre la main sur leur monnaie permettrait aux Grecs d’obtenir de meilleurs résultats socio-économiques, à moyen terme. C’est une sortie qui devrait être négociée, pour limiter le choc initial — ils pourraient en particulier négocier un régime de change contrôlé avec la BCE, afin d’empêcher un effondrement de la monnaie au cours des premiers mois. N’oublions pas que la partie grecque a une carte maîtresse en main : leur dette qui pourrait être, purement et simplement, annulée.

Une restructuration de la dette permettrait-elle à la Grèce de rester dans l’euro ?

Oui. Pour rester dans l’euro, il faut que la Banque centrale européenne continue à financer le système bancaire grec. Pour qu’elle accepte de le faire, la BCE pose comme condition que les Grecs bénéficient d’un programme d’assistance financière. La question qui se pose aujourd’hui concerne les mesures qui s’imposeront aux Grecs pour qu’ils puissent bénéficier d’un tel programme.

Et quels seraient, plus précisément et à courts termes, les effets d’une sortie de l’euro  sur l’économie grecque ?

Une dévaluation se traduit par un appauvrissement du pouvoir d’achat en biens produits à l’étranger ; il y aurait donc un renchérissement sur les produits importés. Mais l’économie grecque est l’une des économies les plus fermées d’Europe : elle est très largement autocentrée. Décrocher de la monnaie unique serait la possibilité d’avoir une politique de relance keynésienne (qui s’avérerait plutôt efficace). Ensuite, cela restaurerait brutalement la compétitivité de l’économie, permettant de réutiliser des capacités de production aujourd’hui oisives. De nombreuses personnes n’ont pas de travail, des usines et des établissements ne fonctionnent pas, des agriculteurs ne peuvent cultiver leurs champs. Il y a ici un vivier qui peut se remettre en ordre de marche très vite. Dans les cas de la Russie, en 1998, et de l’Argentine, en 2001, la reprise s’est jouée en l’espace de quelques mois : cinq à six mois pour la Russie, un peu plus pour l’Argentine — dans le contexte d’un chaos politique. Dans ces deux cas, les dévaluations ont un effet très puissant, remettant les pays sur une trajectoire de croissance forte pour une dizaine d’années (même si d’autres facteurs ont, bien entendu, joué un rôle).

« Dans deux ou trois ans, une Grèce reconstruite avec un chômage qui a diminué, imaginez l’impact que cela aurait sur les débats européens ! »

Le plus important demeure qu’une sortie de l’euro représente la possibilité de sortir d’un agenda d’austérité, d’un côté, et de réformes structurelles, de l’autre. Le pari que l’on peut faire, c’est qu’une Grèce sortant de l’euro, avec une politique internationaliste et menant une politique alternative, ferait une démonstration politique. Dans deux ou trois ans, une Grèce reconstruite avec un chômage qui a diminué, imaginez l’impact que cela aurait sur les débats européens ! À l’inverse, si la Grèce, après avoir gagné ce référendum, consent finalement à des mesures d’austérité, cela pèsera sur l’ensemble de la gauche radicale européenne.

Mais la Grèce a-t-elle des structures économiques et industrielles sur lesquelles une relance de l’économie pourrait s’appuyer en cas de dévaluation ?

Elle a une base industrielle très faible, mais qui existe et qui pourrait jouer un rôle. Elle a un potentiel d’export et le tourisme bénéficierait massivement d’une dévaluation. Elle a un secteur agricole qui pourrait se reconstruire et jouer un rôle plus important — d’abord en satisfaisant la demande interne et, secondairement, en contribuant aux exports. En ce qui concerne les machines et les équipements, les Grecs n’ont pas investi pendant cinq ou six ans, mais, même si une « vieille » machine s’avère moins performante, elle redevient rentable face aux importations lorsque la monnaie est dévaluée.

Quel pourrait-être le nouveau régime de change de la Grèce si elle sortait de l’euro ?

Ce qui serait souhaitable serait un régime de change fixe ajustable. Un accord avec l’Union européenne pourrait permettre de s’ancrer sur la valeur de l’euro afin d’échapper aux vents de la spéculation sur les marchés des changes, mais aussi de procéder politiquement à des réajustements en cas de nécessité. Les marchés ne détermineraient pas les taux de change et il faudrait déterminer un niveau compatible avec l’équilibre extérieur de la Grèce. Cela constituerait une expérience pour l’ensemble de la gauche radicale. Si l’on veut mener une politique de gauche, il faut une autonomie financière, il faut donc des comptes équilibrés ; c’est une question centrale. La difficulté que rencontre, par exemple, le Venezuela renvoie à une stratégie économique entièrement dépendante des exports de pétrole (une stratégie à présent très vulnérable). La Bolivie, à l’inverse, a réussi à avoir des comptes plus équilibrés, avec une politique un peu plus conservatrice, mais qui lui donne des marges de manœuvre pour tenir.

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Est-il vraiment impossible, comme certains le proposent encore à gauche, d’imaginer une reprise en main de la BCE, avec un objectif de lutte contre le chômage et en contraignant l’Allemagne à sortir de son obsession monétaire autour de l’euro fort et de la lutte contre l’inflation ?

« L’économie allemande bénéficie très largement de l’euro tel qu’il existe et ses classes dominantes feront tout pour ne pas en changer les règles. »

Sur le papier, rien n’interdit les États-Unis socialistes d’Europe. Cela serait formidable. Mais cela n’aura pas lieu – pour deux raisons principales. La première, c’est qu’il y a aujourd’hui des gagnants et des perdants de la zone euro. À commencer par le capital allemand, qui bénéficie de la zone euro sous forme d’un taux de change sous-évalué par rapport à la compétitivité du pays gagnée sur l’écrasement des salaires, dans les décennies 1990 et 2000. Cette sous-évaluation équivaut à une subvention massive à l’industrie du pays. Bref, l’économie de ce pays bénéficie très largement de l’euro tel qu’il existe et ses classes dominantes feront tout pour ne pas en changer les règles. La position du Ministre des Finances allemandSchaüble est cohérente et consiste à dire qu’il est hors de question que l’union monétaire devienne une union de transferts entre différents pays, c’est-à-dire d’une zone où des flux financiers d’une région à une autre permettre de faire tenir l’entité politique (comme il en existe, par exemple, entre Paris et la Corrèze).

La deuxième raison est plus historique, plus longue, et c’est celle qui est explorée dans En finir avec l’Europe. Au fur et à mesure du temps, il y a une cristallisation de certains types de rapports sociaux au niveau des structures étatiques. La zone euro est un proto-État dont la construction s’est faite au moment où le mouvement ouvrier était en pleine déconfiture, dans les années 1980, avec le choc du chômage et le bloc de l’Est qui se fissure. Les forces du mouvement ouvrier sont complètement absentes de ce processus. De la même manière que la Sécurité sociale est un héritage des grandes grèves de l’après-guerre et de la Résistance (dans lesquelles il y avait un Parti communiste extrêmement fort), la zone euro cristallise l’absence d’un mouvement ouvrier. Quatre champs sont des domaines exclusifs de l’UE : la pêche, le commerce, la concurrence et la monnaie. Ces trois dernières questions sont centrales pour l’organisation du Capital, mais le mouvement ouvrier n’intervient pas dessus, ou seulement de manière subordonnée (il aborde les sujets de la protection sociale, de la qualité des produits, de la structure du marché du travail, de l’emploi et des services publics). Par conséquent, l’intégration européenne se fait en positif sur les premières questions, qui déterminent les problèmes légitimes à traiter. Les secondes questions sont uniquement subordonnées aux premières : c’est ce que Hayek appelle, de manière assez lucide, l’« intégration négative ». Ce concept très puissant permet d’expliquer comment l’Europe, aujourd’hui, s’occupe en réalité de politique sociale. Tout le temps. Des politiques de réformes structurelles menées en France et ailleurs, comme la loi Macron, sont bel et bien élaborées au niveau européen — mais elles ne sont pas élaborées en tant que telles, elles le sont au nom d’autre chose : les principes de compétitivité et de concurrence libre et non faussée.

Et quid de la viabilité de la zone euro, à long terme ?

« Les institutions européennes sont une grande victoire pour les classes dominantes et le capital financier transnational, en ce qu’elles contournent les compromis sociaux réalisés dans le cadre des États. »

Les pronostics sont toujours très dangereux, mais il existe bel et bien un mouvement historique long, en matière d’intégration européenne. Et la Grèce est intéressante en cela. Au début des années 1980, lorsqu’elle rentre dans l’UE, elle a valeur de modèle pour tous les États post-autoritaires et post-fascistes (le Portugal, l’Espagne…). L’UE leur propose alors une certaine stabilité politique, celle de la démocratie libérale. Et, actuellement, ce qu’il se passe en Grèce – et qui se déroulera, peut-être, en Espagne – marque le refus des corps sociaux de se soumettre aux lois comme aux principes établis et orchestrés par Bruxelles. Il existe un paradoxe : les classes dominantes ont à ce point réussi dans leur projet qu’elles vont échouer dans sa mise en œuvre. Je m’explique. Les institutions européennes sont une grande victoire pour les classes dominantes et le capital financier transnational, en ce qu’elles contournent les compromis sociaux réalisés dans le cadre des États. Mais cet espace européen ne permet plus d’encaisser les chocs sociaux comme le permettaient encore les États : il existe, dans ces derniers, toute une série de micro-couches et de micro-institutions (à commencer par l’administration) qui amortissent et digèrent les conflits, permettant de maintenir l’édifice politique en garantissant une certaine cohésion. Au niveau européen, en revanche, il n’y a pas d’amortisseurs puisque l’Union est une pure structure au service des classes dominantes : lorsqu’un refus fort se manifeste, il n’existe donc rien pour négocier la cohésion du corps social. C’est ce que l’on voit actuellement en Grèce. Je ne dis pas qu’elle va sortir, demain, de la zone euro, mais cela fait partie des possibilités – en tout cas, ce n’est pas exclu (si le système bancaire tombe et que la BCE refuse de refinancer, cela peut aller très vite). En revanche, c’est très clair, pour moi, qu’une tendance longue à la dislocation est aujourd’hui à l’oeuvre.

Vous parlez de la situation de « quasi protectorat » que l’UE impose à certains pays, dans une logique presque coloniale.

Vous avez tout à fait raison d’insister sur ce point. On a beaucoup dit, ces derniers jours, qu’un conflit entre démocratie et non-démocratie se jouait en Grèce : c’est absolument vrai, mais ce n’est pas que cela. Il y a un autre conflit : celui des créanciers face aux débiteurs – ceux qui sont en droit d’exiger des autres qu’ils travaillent pour eux pendant X temps. Que demande-t-on aux Grecs ? De dégager un excédant primaire de 3,5 % à partir de 2018. En clair, cela induit qu’il doit y avoir 3,5 % du PIB grec destiné à l’étranger. Cela instaure un rapport fondamentalement inégal. C’est un peuple qui travaille pour un autre – et, en disant cela, je n’efface pas les rapports de classes : sous régimes coloniaux, il y a bien sûr une bourgeoisie locale, comme en Grèce. La zone euro permet à l’Allemagne de dégager des excédents considérables (de 7 à 9 % du PIB par an). Chaque année, elle accumule donc des droits de tirages sur la production future du reste du monde sous la forme d’investissements ou de prêts : cette dynamique, lorsqu’elle devient aussi importante, génère des rapports inégaux structurels — et, en réaction, une demande de libération.

Lorsque Frédéric Lordon affirme que l’euro n’est pas un simple instrument d’échange mais un instrument de coercition, doublé d’une clé de l’architecture institutionnelle du néolibéralisme, êtes-vous d’accord ?

« C’est un peuple qui travaille pour un autre – et, en disant cela, je n’efface pas les rapports de classes : sous régime coloniaux, il y a bien sûr une bourgeoisie locale. »

Absolument. L’euro est une monnaie sans budget. Donc sans politique. Seules les règles uniformes du Capital s’y imposent – avec deux variables d’ajustement en fonction des pays : le prix du travail et le niveau de prélèvement des impôts. Dans les années 2000, on a eu une Europe à deux vitesses : un centre, où le prolétariat allemand a subi une grande défaite (ce sont les années Gerhard Schröder, avec une stagnation totale des salaires et l’apparition d’une masse de travailleurs pauvres), et une périphérie au sein de laquelle existait une hausse des salaires modérée mais réelle (et même une consolidation de l’État social dans certains cas : le Portugal, la Grèce ou l’Espagne). Mais la progression et le rattrapage de ces derniers se sont avérés être un trompe-l’œil : ils ont été rendus possibles par des flux financiers massifs (essentiellement des prêts au secteur privé, un peu au public) qui ont soutenu une demande en partie satisfaite par les importations, tandis que le secteur industriel se délitait. La crise a mis à nu ce mécanisme : une fois que les marchés financiers en ont pris acte, les dettes et les exigences de remboursement ont surgi. Regardez les courbes de PIB par habitant : c’est spectaculaire. Rattrapage dans les années 2000 et tout se casse la figure juste après la crise. Aujourd’hui, la Grèce et l’Italie sont deux pays dans lesquels le PIB par habitant est inférieur à celui de 1999. Pour ces pays, c’est une crise extrêmement forte : pire que celle de 1929. En Europe, la dette publique ne devrait pas être un problèmeAu Japon et aux États-Unis, elle est, en proportion du PIB, bien plus importante que dans la zone euro prise dans son ensemble.

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Au sein de la gauche critique, un argument parfois avancé contre la sortie de l’euro est celui du « coût du capital » : en France, les revenus distribués par les entreprises à leurs actionnaires seraient tellement importants qu’ils pénaliseraient les PME et entraveraient l’innovation. Cette prise de pouvoir du capital empêcherait l’augmentation des salaires et une dévaluation ne changerait rien de ce point de vue. La question de l’euro ne serait pas l’enjeu central. Qu’en pensez-vous ?

« La dette publique ne devrait pas être un problème. Au Japon et aux États-Unis, elle est, en proportion du PIB, bien plus importante que dans la zone euro. »

Tout dépend de l’horizon dans lequel on se place. Si on regarde ce qu’il se passe depuis les années 1980, on assiste en effet à la montée en puissance de la création de valeur pour l’actionnaire, l’affirmation du pouvoir de la finance – mais il faut saisir que tout ceci n’est pas déconnecté de la construction européenne. L’unification des marchés boursiers européens, dans les années 1990, va permettre au capital financier de renforcer son emprise en accroissant sa liquidité. La constitution de la zone euro également. Il faudrait examiner cette question pays par pays et secteur par secteur, mais concentrons-nous donc sur la France : on observe depuis le lancement de l’euro un recul de l’industrie et des déficits croissants liés à cette perte de compétitivité, du fait d’un taux de change réel trop élevé pour notre économie. À l’inverse, dans des secteurs comme les télécommunications ou la grande distribution, la logique de la financiarisation joue à plein. Ce ne sont donc pas des arguments contradictoires.

Le Royaume-Uni a dévalué de manière significative depuis 2008 : ça a permis de relancer son économie, mais la condition des salariés reste la même…

Ils ont un gouvernement de droite, qui mène une politique de droite – donc défavorable aux salariés et finançant massivement une bulle immobilière. Il n’empêche que la dévaluation a permis au pays d’obtenir une certaine croissance. Sortir de l’euro, ça ne signifie pas entreprendre une politique de gauche : il peut y avoir des sorties de droite et de gauche. Mais ce qui est certain, c’est qu’il ne peut y avoir de politique de gauche au sein de l’euro.

On parle toujours de « saut dans l’inconnu » pour évoquer cette sortie. Comment aborder la phase de transition ?

À court terme, il y aurait des coûts de transition (de la même façon qu’il y en eut pour rentrer dans l’euro). Tout dépend du contexte dans lequel cela s’effectuerait : en cas de grande conflictualité et de profonds désaccords entre les différents partenaires, cela peut en effet créer un choc violent ; si c’est préparé et négocié, la transition, en terme de coûts, serait tout à fait envisageable. L’essentiel est de mettre en place des mécanismes de garantie pour les ménages les plus modestes (en terme d’accès aux services publics et de biens de consommation courante), de manière à s’assurer qu’ils ne payent pas le coût de la dévaluation. Il faut aussi prioriser les importations pour s’assurer que les besoins essentiels du pays passent avant les produits de luxe. Une sortie de l’euro, outre les gains de compétitivité qui en découleraient, permettrait, et c’est le plus important, de regagner en autonomie politique : avoir sa propre monnaie, financer ses déficits publics en interne, etc. Il faut vraiment se rendre compte de la fonction, à l’heure qu’il est, de la BCE. Depuis la crise, elle a mobilisé plus de 2 000 milliards en faveur de la finance (via, en 2012, des prêts aux banques à taux particulièrement réduits, et, cette année, le programme de rachats de titres). 2 000 milliards ! C’est-à-dire 70 millions d’emplois au SMIC durant un an. On pourrait très bien embaucher ces personnes pour, par exemple, entamer la transition énergétique. Il faut également mettre les choses en perspective politique — admettons que Podemos l’emporte cette année et que Tsipras se maintienne : cela va changer les rapports de force. Constituer un projet à deux et sortir de l’euro à deux, ce n’est pas pareil que d’avancer en solitaire. En France, malheureusement, la question ne se pose pas…

Sauf si vous prenez le pouvoir avec Lordon.

« Je ne vois vraiment pas comment on peut livrer une bataille de classe en investissant de nos désirs de gauche l’espace de l’ennemi. »

(rires) Il y a peu de signes qui l’indiquent ! Imaginons que le champ politique voie émerger une orientation de gauche d’affrontement à l’euro-libéralisme ; vu la position de la France dans l’Europe, le pays serait en mesure de faire des propositions à l’ensemble des autres Européens afin de refonder les bases d’une intégration européenne et, probablement, serait amené à mettre en œuvre ce projet avec seulement certains d’entre eux… Que l’on se comprenne bien : je n’exalte en rien un espace national particulier qui, en tant que tel, serait le mieux à même de développer la démocratie.

Justement, Philippe Corcuff estime que votre pensée désarme la gauche critique en ce qu’elle prête le flanc aux dérives nationalistes.

Corcuff, et la mouvance politique de gauche dans laquelle il s’inscrit, ne se rend pas compte que l’Europe n’est pas seulement un espace, mais un appareil politique. Et cet appareil cristallise les rapports de force sociaux. On ne peut pas le regarder in abstracto. Il y a un internationalisme du Capital et l’Union européenne en est l’une de ses émanations : on ne peut pas dire que « c’est bien » car cela relève de l’internationalisme mais « c’est mal » car ça tient du Capital. On ne peut pas dissocier les deux. Il ne faut pas accepter ce cadre, au prétexte qu’il dépasserait les nations. Si Bernier et Sapir font de l’État un fétiche, ce n’est pas ma position. Je n’ai pas cette volonté ni cette préoccupation. J’estime seulement que c’est une position de repli nécessaire dans la mesure où un pays en a, contextuellement, les moyens : par nos temps, c’est la Grèce. Au lendemain d’un référendum gagné et porté par un gouvernement de gauche, il faudra m’expliquer en quoi ce serait « nationaliste » de défendre la sortie de l’euro. Je dirais même que ce serait authentiquement internationaliste puisque cela proposerait à l’ensemble des peuples européens une nouvelle voie.

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Vous aviez débattu avec Étienne Balibar, dans Regards, et il soutenait que la réflexion que vous développiez dans votre ouvrage En finir avec l’Europe était « au mieux équivoque, au pire criminelle ». Vous avez pourtant en commun le même héritage marxiste. Comment expliquer un tel décalage ?

«  Au lendemain d’un référendum gagné et porté par la gauche, il faudra m’expliquer en quoi ce serait “nationaliste” de défendre la sortie de l’euro. »

J’ai beaucoup d’estime pour lui (c’est un grand théoricien), mais il voit l’Europe, là encore, comme une idée. Negri est sur la même position, à la percevoir comme la possibilité de dépasser les États-Nations. Je partage avec eux cet affect mais je ne vois vraiment pas comment on peut livrer une bataille de classe en investissant de nos désirs de gauche l’espace de l’ennemi.

Vous écrivez, en rebondissant sur Lénine, que le processus d’intégration européenne est très probablement « contre-révolutionnaire » dans sa « nature » même. Concluons là-dessus ?

Lénine expliquait en effet que l’Europe ne se fera pas, à moins de se faire contre les peuples. C’est ce que l’on observe aujourd’hui. Depuis les années 1980, les autorités européennes ne sont plus mues par la peur des États socialistes mais, de façon très nette, par le contournement des compromis sociaux : voilà comment Mario Draghi, président de la BCE, a pu déclarer que « le modèle social européen est mort ».

Source : Ballast, le 6 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/cedric-durand-les-peuples-contre-les-bureaucrates-et-lordre-europeen/


Le ministre allemand des finances veut que la Grèce soit exclue de l’euro pour effrayer les Français, par Yanis Varoufakis

Saturday 11 July 2015 at 19:06

Le sommet EU de demain va sceller le sort de la Grèce dans l’Eurozone. Alors que ces lignes sont écrites, Euclid Tsakalotos, mon cher ami, camarade m’ayant succédé au poste de ministre grec des finances se rend à la réunion de l’Eurogroupe qui va déterminer si un ultime accord entre la Grèce et nos créanciers peut être trouve et si cet accord contient assez d’éléments concernant un allègement de la dette permettant à l’économie grecque de devenir viable dans la zone euro. Euclide a emporté avec lui un plan de restructuration de la dette, à la fois logique, modéré et bien-pensé, qui est sans aucun doute dans l’intérêt de la Grèce et de ses créanciers. (Je publierai les détails de ce plan ici une fois que les choses se seront calmées).

Si ces modestes propositions de restructuration de la dette sont rejetées, comme en a menacé le ministre allemand des finances, le sommet EU de dimanche devra décider entre exclure maintenant la Grèce de l’Eurozone ou la garder pour un certain temps, dans un profond état d’appauvrissement, jusqu’à ce qu’elle s’en aille. La question qui se pose est : pourquoi le ministre des finances allemand, Dr Wolfgang Schäuble, s’oppose à une restructuration de dette modérée et bénéfique aux deux parties ? L’éditorial suivant, publié récemment dans le Guardian, répond a ma question. [Je tiens à dire que le titre du Guardian n’était pas mon choix. Le mien était, comme celui au-dessus: Derrière le refus allemand d’accorder un allégement de la dette grecque]

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Le drame des finances grecques a dominé les gros titres des médias Durant 5 ans pour une raison: le refus obstiné de nos créanciers d’accepter un allègement de la dette. Pourquoi, alors que cela est un non-sens, que cela va contre l’avis du FMI et les pratiques habituelles des banquiers faisant face à des emprunteurs ruinés, refusent-ils une restructuration de la dette ? La réponse n’est pas d’origine économique, mais est profondément inscrite dans le labyrinthe politique européen.

En 2010, l’État grec est devenu insolvable. Deux options, toutes deux impliquant un maintien dans l’Eurozone, se présentèrent d’elles-mêmes : l’option logique, que tout bon banquier recommanderait, était de restructurer la dette et redynamiser l’économie ; et l’option néfaste était de prêter encore plus d’argent a une entité en faillite en prétendant qu’elle demeurait solvable.

Les officiels européens ont choisi la seconde option en plaçant le sauvetage des banques françaises et allemandes exposées à la dette grecque au-dessus de la viabilité socio-économique de la Grèce. Une restructuration de la dette aurait engendré des pertes pour les banquiers sur leurs parts de la dette grecque. Résolus a ne pas avouer aux parlements que les citoyens devraient encore renflouer les banques du fait de leurs prêts inconsidérés, les officiels européens ont présenté l’insolvabilité de l’État grec comme un manque de liquidité, et ont justifié le ‘sauvetage’ de la Grèce comme nécessaire solidarité envers le peuple grec.

Pour transformer le transfert cynique de pertes privées irrécupérables sur les épaules des citoyens en un cas “d’amour vache”, une politique d’austérité a été impose à la Grèce, dont le revenu national (qui sert à payer les anciennes et nouvelles dettes) a en conséquence diminué de plus d’un quart. Il faut l’expertise mathématique d’un enfant de 8 ans pour comprendre que cette approche ne peut que mal finir.

Une fois que cette opération sordide fut achevée, l’Europe a automatiquement trouvé une autre raison pour refuser de discuter d’une restructuration de la dette : celle-ci affecterait maintenant directement les citoyens européens ! Et ainsi des doses d’austérité de plus en plus importantes ont été administrées tandis que la dette enflait, forçant les créanciers à accorder plus de prêts en échange de plus d’austérité.

Notre gouvernement a été élu sur la proposition d’en finir avec cette boucle infernale ; de demander une restructuration de la dette et d’arrêter cette austérité néfaste. Les négociations ont atteint une impasse pour une raison simple : les créanciers continuent de refuser toute restructuration de dette tout en insistant pour que notre énorme dette soit remboursée ‘’paramétriquement ‘’ par les Grecs les plus faibles, leurs enfants et leurs petits-enfants.

Durant ma première semaine en tant que ministre des finances, j’ai reçu la visite de Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe (les ministres des finances de l’Eurozone), qui m’a mis face à un choix impossible : « accepte cette forme de sauvetage et oublie toute demande de restructuration de de dette ou tes accords de prêt vont être annulés » (la conséquence non-dite étant que les banques grecques devraient mettre la clé sous la porte).

S’en sont suivis cinq mois de négociations effectuées dans des conditions d’asphyxie monétaire et d’un bank-run supervisés et administrés par la BCE. La suite logique était évidente : à moins que nous capitulions, nous nous retrouverions très vite à faire face à des contrôles de capitaux, une fermeture des banques et au final un Grexit.

La menace d’un Grexit a provoqué quelques frayeurs ces dernières années. En 2010, il a effrayé les financiers car leurs banques étaient remplies de dette grecque. Même en 2012, quand le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, a déclaré que le coût d’un Grexit était un investissement rentable en tant que moyen de discipliner la France et d’autres États, l’idée d’un Grexit a continué à effrayer quasiment tout le monde.

Avant même que Syriza arrive au pouvoir en janvier dernier, et que cette élection ait confirmé notre opinion que ces ‘renflouements’ n’avaient pas pour but de sauver la Grèce (mais plutôt de renforcer l’Europe du nord), une vaste majorité au sein de l’Eurogroupe, sous la tutelle de Schäuble, avait adopté le Grexit soit comme leur solution préférée soit comme arme de choix contre notre gouvernement.

Les Grecs, à raison, ont frissonné à l’idée d’être coupés de l’union monétaire. Sortir d’une monnaie commune n’est en rien comparable à la sortie d’une parité de change fixe, comme le firent les Britanniques en 1992, quand […] la livre sterling a quitté le Système Monétaire Européen (SME). Hélas, la Grèce n’a pas de monnaie dont le taux de change avec l’euro peut être découple. Elle a l’euro, une monnaie étrangère entièrement administrée par un créancier insensible au besoin de restructurer notre dette nationale intenable.

Pour sortir, nous aurions à créer une nouvelle monnaie à partir de rien. En Irak occupé, l’introduction d’une nouvelle monnaie papier a pris près d’un an, a peu près 20 Boeings 747, la mobilisation des forces armées américaines, 3 entreprises d’impression et des centaines de camions. En absence d’un tel support, un Grexit équivaudrait a annoncer une large dévaluation plus de 18 mois en avance : une recette parfaite pour liquider la Grèce et transférer les avoirs a l’étranger par tout moyen.

Note OB : cet exemple : soit il se drogue là, soit c’est de l’intox liée à la négo en cours…

Avec [la menace d’]un Grexit amplifiant le bank-run induit par la BCE, nos tentatives pour remettre un plan de restructuration de la dette sur la table des négociations tombent dans l’oreille d’un sourd. Encore et toujours, on nous a dit que cette question serait abordée après que le programme d’austérité ai été terminé avec succès, ce qui constitue une prodigieuse farce dans la mesure ou le ‘’programme’’ ne pourrait jamais réussir sans restructuration de dette.

Ce week-end nous amène au firmament des discussions où Euclid Tsakalotos, mon successeur, s’efforce, encore, de remettre les choses en ordre : de convaincre un Eurogroupe hostile que la restructuration de la dette est un prérequis au succès des reformes grecques et non une récompense accordée après-coup. Pourquoi cela est-il si difficile à comprendre ? J’y vois 3 raisons.

« L’Europe ne savait pas comment répondre a une crise financière. Celle-ci doit-elle conduire à une expulsion (Grexit) ou une fédération ? »

Une raison est que l’inertie institutionnelle est dure à combattre. Une seconde raison est qu’une dette insoutenable donne aux créanciers un immense pouvoir sur les emprunteurs, et le pouvoir, comme nous le savons, corrompt même les meilleurs. Mais c’est la 3eme raison qui me semble la plus pertinente et, de fait, plus intéressante.

L’euro est un hybride entre un régime de taux de changes fixes, comme le SME des années 80, ou l’étalon or des années 30, et une monnaie étatique. Le premier compte sur la peur d’une expulsion pour garder sa cohésion, tandis que la monnaie étatique implique des mécanismes de redistribution des surplus entre États membres (par exemple, un budget fédéral, des bons du Trésor communs). Mais l’Eurozone n’est en réalité aucun de ces 2 concepts : c’est plus qu’un régime taux de changes fixes et moins qu’une monnaie étatique.

Et voilà bien le hic. Après la crise de 2008/9, l’Europe ne savait pas comment répondre. Devait-elle se préparer à au moins une expulsion (c’est le Grexit) pour renforcer la discipline? Ou se diriger vers une fédéralisation ? Jusqu’à présent cela n’a été ni l’un ni l’autre, et son angoisse existentialiste augmente sans fin. Schäuble est convaincu qu’étant donné la situation, il a besoin d’un Grexit pour faire retomber la pression, d’une façon ou d’une autre. Soudainement, une dette publique grecque perpétuellement insoutenable, sans laquelle le risque d’un Grexit s’évaporerait, a trouvé une nouvelle utilité auprès de Schäuble.

Que veux-je dire par là ? Basée sur des mois de négociations, ma conviction est que le ministre allemand des finances veut que la Grèce soit exclue de l’euro pour effrayer les Français et amener ces derniers à accepter son modèle d’une Eurozone disciplinée.

Source : le blog de Yanis Varoufakis, 11/07/2015. Traduction en urgence par Romain (merci encore) pour le blog www.les-crises.fr, librement reproductible en indiquant la source.

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Source: http://www.les-crises.fr/derriere-le-refus-allemand-daccorder-un-allegement-de-la-dette-grecque-par-yanis-varoufakis/


[J-1] Quid de la stratégie de Tsipras ?

Saturday 11 July 2015 at 11:20

La trahison de Tsipras?

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Les propositions soumises par Alexis Tsipras et son gouvernement dans la nuit de jeudi à vendredi ont provoqué la stupeur. Elle reprennent largement, mais non totalement, les propositions formulées par l’Eurogroupe le 26 juin. Elles sont largement perçues dans l’opinion internationale comme une « capitulation » du gouvernement Tsipras. La réaction très positive des marchés financiers ce vendredi matin est, à cet égard, un signe important.

On sait par ailleurs qu’elles ont été en partie rédigées avec l’aide de hauts fonctionnaires français, même si cela est démenti par Bercy. Ces propositions résultent d’un intense travail de pressions tant sur la Grèce que sur l’Allemagne exercées par les Etats-Unis. La France a, ici, délibérément choisi le camp des Etats-Unis contre celui de l’Allemagne. Le gouvernement français n’a pas eu nécessairement tort de choisir d’affronter l’Allemagne sur ce dossier. Mais, il s’est engagé dans cette voie pour des raisons essentiellement idéologique. En fait, ce que veut par dessus tout M. François Hollande c’est « sauver l’Euro ». Il risque de voir très rapidement tout le prix qu’il a payé pour cela, et pour un résultat qui ne durera probablement que quelques mois. Car, ces propositions, si elles devaient être acceptées, ne règlent rien.

Les termes de la proposition grecque

Ces propositions sont donc proches de celles de l’Eurogroupe. On peut cependant noter certaines différences avec le texte du 26 juin, et en particulier la volonté de protéger les secteurs les plus fragiles de la société grecque : maintien du taux de TVA à 7% pour les produits de base, exemptions pour les îles les plus pauvres, maintien jusqu’en 2019 du système d’aide aux retraites les plus faibles. De ce point de vue, le gouvernement grec n’a effectivement pas cédé. De même, le gouvernement a inclus dans ce plan des mesures de luttes contre la fraude fiscale et la corruption, qui faisaient parties du programme initial de Syriza. Mais, il faut bien reconnaître qu’il s’est, pour le reste, largement aligné sur les demandes de l’Eurogroupe. Faut-il alors parler de capitulation comme le font certains ? La réponse est pourtant moins simple que ce qu’il paraît.

En effet, le gouvernement grec insiste sur trois points : un reprofilage de la dette (à partir de 2022) aboutissant à la reporter dans le temps de manière à la rendre viable, l’accès à 53 milliards sur trois ans, et le déblocage d’un plan d’investissement, dit « plan Juncker ». Mais, ce « plan » inclut largement des sommes prévues – mais non versées – par l’Union européenne au titre des fonds structurels. Surtout, le gouvernement grec insiste sur unengagement contraignant à l’ouverture de négociations sur la dette dès le mois d’octobre. Or, on rappelle que c’était justement l’une des choses qui avaient été refusées par l’Eurogroupe, conduisant à la rupture des négociations et à la décision d’Alexis Tsipras de convoquer un référendum.

De fait, les propositions transmises par le gouvernement grec, si elles font incontestablement un pas vers les créanciers, maintiennent une partie des exigences formulées précédemment. C’est pourquoi il est encore trop tôt de parler de capitulation. Une interprétation possible de ces propositions est qu’elles ont pour fonction de mettre l’Allemagne, et avec elle les autres pays partisans d’une expulsion de la Grèce de la zone Euro, au pied du mur. On sait que les Etats-Unis, inquiets des conséquences d’un « Grexit » sur l’avenir de la zone Euro, ont mis tout leur poids dans la balance pour amener Mme Merkel à des concessions importantes. Que l’Allemagne fasse preuve d’intransigeance et c’est elle qui portera la responsabilité du « Grexit ». Qu’elle se décide à céder, et elle ne pourra plus refuser au Portugal, à l’Espagne, voire à l’Italie, ce qu’elle a concédé à la Grèce. On peut alors considérer que ce plan est une nouvelle démonstration du sens tactique inné d’Alexis Tsipras. Mais, ces propositions présentent aussi un grave problème au gouvernement grec.

Le dilemme du gouvernement grec

Le problème auquel le gouvernement Tsipras est confronté aujourd’hui est double : politique et économique. Politiquement, vouloir faire comme si le référendum n’avait pas eu lieu, comme si le « non » n’avait pas été largement, et même massivement, majoritaire, ne sera pas possible sans dommages politiques importants. Le Ministre des finances démissionnaire, M. Yannis Varoufakis, a d’ailleurs critiqué des aspects de ces propositions. Plus profondément, ces propositions ne peuvent pas ne pas troubler non seulement les militants de Syriza, et en particulier la gauche de ce parti, mais aussi, et au-delà, l’ensemble des électeurs qui s’étaient mobilisés pour soutenir le gouvernement et Alexis Tsipras. Ce dernier prend donc le risque de provoquer une immense déception. Celle-ci le laisserait en réalité sans défense faces aux différentes manœuvres tant parlementaires qu’extra-parlementaires dont on peut imaginer que ses adversaires politiques ne se priveront pas. Or, la volonté des institutions européennes de provoquer un changement de gouvernement, ce qu’avait dit crûment le Président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, n’a pas changé. Hier, jeudi, Jean-Claude Juncker recevait les dirigeants de la Nouvelle Démocratie (centre-droit) et de To Potami (centre-gauche). Privé d’un large soutien dans la société, ayant lourdement déçu l’aile gauche de son parti, aile gauche qui représente plus de 40% de Syriza, Tsipras sera désormais très vulnérable. Au minimum, il aura cassé la logique de mobilisation populaire qui s’était manifestée lors du référendum du 5 juillet et pendant la campagne. Il faut ici rappeler que les résultats de ce référendum ont montré une véritable mobilisation allant bien au-delà de l’électorat de Syriza et de l’ANEL, les deux partis du gouvernement. Cela aura, bien entendu des conséquences. Si les députés de la gauche de Syriza vont très probablement voter ces propositions au Parlement, il est néanmoins clair que les extrêmes, le KKE (les communistes néostaliniens) et le parti d’Extrême-Droite « Aube Dorée », vont pouvoir tirer profit de la déception que va susciter ces propositions.

Au-delà, la question de la viabilité de l’économie grecque reste posée, car ces propositions n’apportent aucune solution au problème de fond qui est posé. Certes, cette question de la viabilité sera posée dans des termes moins immédiatement dramatiques qu’aujourd’hui si un accord est conclu. La crise de liquidité pourra être jugulée sans recourir aux mesures radicales que l’on a évoquées dans ces carnet. Les banques, à nouveau alimentée par la BCE, pourront reprendre leurs opérations. Mais, rien ne sera réglé. Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du Fond Monétaire International signale que les pronostics très négatifs réalisés par son organisation sont probablement en-deçà de la réalité. Après cinq années d’austérité qui l’ont saigné à blanc, l’économie grecque a désespérément besoin de souffler. Cela aurait pu passer par des investissements, une baisse de la pression fiscale, bref par moins d’austérité. Ce n’est pas le chemin vers lequel on se dirige. Cela aurait pu aussi passer par une sortie, et non une expulsion, hors de la zone Euro qui, en permettant à l’économie grecque de déprécier sa monnaie de -20% à -25%, lui aurait redonné sa compétitivité. On ne fera, à l’évidence, ni l’un ni l’autre. Dès lors, il faut s’interroger sur les conditions d’application des propositions soumises par la Grèce à ses créanciers. Même en admettant qu’un accord soit trouvé, la détérioration de la situation économique induite par l’action de la Banque Centrale Européenne, que M. Varoufakis a qualifiée de « terroriste », venant après cinq années d’austérité risque de rendre caduques ces propositions d’ici à quelques mois. Une chute des recettes de la TVA est aujourd’hui prévisible. Une nouvelle négociation sera donc nécessaire. En ce sens, ces propositions ne règlent rien.

L’Euro c’est l’austérité

Il faut, alors, s’interroger sur le sens profond de ces propositions. Si elles sont tactiquement défendables, elles correspondent très probablement à une erreur de stratégie. Alexis Tsipras a déclaré ce vendredi matin, devant le groupe parlementaire de Syriza, qu’il n’avait pas reçu mandat du peuple grec pour sortir de l’Euro. Le fait est aujourd’hui débattable, surtout après l’écrasante victoire du « non » au référendum. Il est clair que telle n’était pas l’intention initiale du gouvernement, et ne correspondait pas au programme sur lequel il avait été élu. Mais, on peut penser que mis devant l’alternative, refuser l’austérité ou refuser l’Euro, la population grecque est en train d’évoluer rapidement. En fait, on observe une radicalisation dans les positions de la population, ou du moins c’est ce qui était observée jusqu’à ces propositions. Les jours qui viennent indiqueront si cette radicalisation se poursuit ou si elle a été cassée par ce qu’a fait le gouvernement.

En réalité, ce que l’on perçoit de manière de plus en plus claire, et c’est d’ailleurs l’analyse qui est défendue par l’aile gauche de Syriza et un économiste comme Costas Lapavitsas[1], c’est que le cadre de l’Euro impose les politiques d’austérité. Si Tsipras a cru sincèrement qu’il pourrait changer cela, il doit reconnaître aujourd’hui qu’il a échoué. L’austérité restera la politique de la zone Euro. Il n’y aura pas « d’autre Euro », et cette leçon s’applique aussi à ceux qui, en France, défendent cette fadaise. Dès lors il faut poser clairement le problème d’une sortie de l’Euro, qu’il s’agisse d’ailleurs de la Grèce ou de nombreux autres pays.

[1] Voir son interview, http://therealnews.com/t2/index.php?option=com_content&task=view&id=31&Itemid=74&jumival=14181

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 10 juillet 2015.

Grèce : le gouvernement Tsipras a-t-il vraiment refusé de réformer ?

Le gouvernement grec a-t-il entamé des réformes ?

Le gouvernement grec a-t-il entamé des réformes ?

Les créanciers justifient leur dureté avec Athènes par un manque de volonté de réformer du gouvernement grec. Mais qu’en est-il exactement ?

Un des arguments les plus fréquemment utilisés ces derniers jours pour justifier la violence avec laquelle la Grèce et son gouvernement sont traités par les créanciers européens est l’incapacité du gouvernement d’Alexis Tsipras à réformer. La charge a été menée notamment par l’ancien premier ministre belge, le libéral flamand Guy Verhofstadt en réponse au discours du premier ministre hellénique le jeudi 8 juillet.

L’arrestation de Leonidas Bobolas

Qu’en est-il exactement ? Evidemment, il y a loin de l’ambitieux programme de Syriza à ce qui a été fait sur le terrain. Affirmer que rien n’a été fait n’est cependant pas vrai. Du reste, qui connaît la Grèce ne peut que s’en convaincre quand il songe à cette image d’un des hommes les plus puissants du pays, Leonidas Bobolas, arrêté par la police pour évasion fiscale et contraint de payer 1,8 million d’euros pour sa libération. Personne n’aurait pu imaginer une telle scène, car Leonidas Bobolas, président d’une puissante société de construction et président des sociétés d’autoroutes de l’Attique était connu pour ses « amitiés politiques. » C’était l’exemple de l’oligarque lié au pouvoir politique.

Des mesures contre l’évasion fiscale

Une action symbolique ? Bien sûr et sans doute trop isolée. Mais pas uniquement. Depuis cette arrestation, plusieurs riches contribuables demandent à régulariser leur situation fiscale pour éviter le sort de Leonidas Bobolas. La fameuse « liste Lagarde » des évadés fiscaux, après avoir été mise au rebus par les précédents gouvernements, commence à porter ses fruits. Du reste, le gouvernement grec a entamé des pourparlers avec les autorités suisses – gelés au cours des dernières années – pour conclure un accord fiscal. Il a aussi demandé et obtenu la coopération du gouvernement régional de Rhénanie du Nord-Westphalie en Allemagne, qui a été en pointe dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Le long travail préalable

Mais le gouvernement grec doit repartir de zéro dans des conditions difficiles. D’abord, une partie de la hiérarchie intermédiaire administrative, issue du clientélisme, est hostile au gouvernement et « protège » certains contrevenants. Ensuite, il convient de reprendre entièrement les méthodes de travail. Il a donc fallu réorganiser les agences de contrôles. Un nouveau ministère de la Transparence a été mis en place pour unifier ces contrôles. Ce travail, s’il est peu visible des médias ou de Guy Verhofstadt, est cependant essentiel et constitue une « réforme structurelle » majeure.

Quelques fruits

Ces nouvelles méthodes commencent cependant à porter leurs fruits. Deux listes ont déjà été publiées et sont traitées directement par les services fiscaux : une liste d’évadés fiscaux le 2 mars et une liste de fraudeurs fiscaux (ayant déclaré en tout 70,5 millions d’euros de moins que la réalité) le 6 mai. Par ailleurs, un travail de vérification des données fiscales de près de 1,3 millions de contribuables déclarant plus de 300.000 euros au cours des dix dernières années est en cours. Le gouvernement a aussi mis en place un « registre des fortunes », sorte d’embryon de cadastre notamment, qui est en cours d’élaboration. Il s’agit d’avoir une vision la plus précise possible de la richesse de chaque contribuable, y compris foncière.

Inspections du travail renouvelées

De même, une nouvelle équipe d’inspecteurs du travail, la Sepe, a été mise sur pied et a effectué de nombreux contrôles, notamment dans les banques et les médias. Ainsi le groupe de télévision privé Skai a été inspecté pour la première fois depuis 17 ans. De plus, le 11 mai, le gouvernement a établi que le travail dissimulé dans la société de livraison Raptopoulos a conduit à un manque à gagner de 193 millions d’euros pour l’Etat. Dire que le nouveau gouvernement n’a rien fait est donc faux.

La tentative de numérisation des paiements

La détermination du gouvernement a également lancé un projet important concernant la numérisation des paiements le 13 mai dernier. Le président de l’industrie touristique, Andreas Andreadis s’en félicite et rappelle que c’est une mesure qu’il a de nombreuses fois demandé en vain aux précédents gouvernements et aux représentants de la troïka. Mais comment mettre en place cette numérisation dans un contexte de fuite des dépôts, puis de course aux guichets bancaires ? Alors que le gouvernement grec voulait réduire l’utilisation du liquide, la stratégie du « nœud coulant » de la BCE et des créanciers l’a renforcée.

La responsabilité des créanciers

Du reste, les créanciers ont beau jeu aujourd’hui de prétendre s’offusquer de l’immobilisme de Syriza en matière de réformes. Ils oublient encore leur part de responsabilité. En effet, le 20 février, dans l’accord signé avec les créanciers, Athènes s’est engagée à ne pas « prendre de mesures budgétaires unilatérales. » « Toute mesure d’envergure sur les questions importantes devait, dans le programme qui s’est achevé le 30 juin, être approuvée par les institutions pour ne pas être considéré comme une action unilatérale », explique un responsable gouvernemental hellénique. Cette décision était donc un piège tendu au gouvernement grec, le paralysant pour mieux pouvoir l’accuser d’inertie.

Des « listes de réformes » rejetées

Du reste, dans les nombreuses « listes de réformes » envoyés par Athènes aux créanciers, il y avait toujours un aspect « structurel » concernant le fisc et la numérisation des paiements. Toutes ces listes ont été rejetées comme « insuffisantes » ou « peu sérieuses. » Dans la proposition du 22 juin dernier, le gouvernement avait proposé une taxe relevée sur les entreprises réalisant plus de 500.000 euros de bénéfices en Grèce. Un moyen de mieux répartir l’impôt et donc de le faire mieux accepter. Mais le FMI et l’UE ont biffé cette proposition en rouge. Au point que l’on se demande si ces réformes structurelles étaient alors jugées utiles par les créanciers.

Contexte très défavorable

Reste un point : l’équipe gouvernementale débutante a dû mener des réformes dans un contexte d’asphyxie économique, de retraits massifs des dépôts, de développement du numéraire dans l’économie en raison des actions de la BCE et de recherche désespérée de ressources pour payer les créanciers. Quel gouvernement, fût-il le plus aiguisé aurait pu changer l’administration et les habitudes d’un pays en six mois dans de telles conditions ? Encore une fois, on exige des Grecs ce que l’on ne saurait exiger de nous-mêmes. Le « blame game » joue à plein. Mais la réalité, c’est que les Européens ont peut-être ici perdu une chance historique de réellement réformer la Grèce.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 9 juillet 2015.

Grèce : où Alexis Tsipras veut-il en venir ?

Que cherche le premier ministre grec avec sa proposition ?

Que cherche le premier ministre grec avec sa proposition ?

En acceptant les anciennes propositions des créanciers, le premier ministre grec tente un coup de dés. Quelles sont ses ambitions ?

Avec la reprise des propositions des créanciers qui s’apparente à une victoire par procuration du « oui » au référendum du 5 juillet, Alexis Tsipras donne l’impression de renoncer à beaucoup de ses objectifs. Mais dans quel but le premier ministre hellénique a-t-il accepté ces concessions majeures ?

1. Faire repartir l’économie

L’objectif premier de l’hôte de Maximou, le Matignon grec, c’est évidemment de mettre fin à l’asphyxie économique et financière dont son pays est victime. La Grèce est presque coupée désormais du reste du monde en termes économiques. Les importations deviennent presque impossibles et les exportations très difficiles. Le règne de l’argent liquide menace par ailleurs les recettes publiques. La situation ne pouvait continuer. Un accord rapide vise à rétablir le fonctionnement normal du système bancaire. Si la Commission accepte de débloquer les 35 milliards d’euros bloqués pour « raison politique » en en faisant un usage massif et rapide, Alexis Tsipras peut compter sur une bonne dynamique d’ici à la fin de l’année qui s’accompagnera d’un effet « rattrapage » après 6 mois de gel de l’activité économique. Ceci pourrait faire passer en partie les premières mesures d’austérité.

2. Gagner du temps pour les “vraies” réformes

En laissant mourir le programme du 30 juin et en demandant un troisième plan, la Grèce sort de la politique des « plans à court terme. » Jusqu’au 30 juin, on négociait des financements de quelques mois au mieux, cette fois, le gouvernement grec demande un plan de trois ans. Ceci couvre une grande partie du mandat d’Alexis Tsipras et permet de réaliser les « vraies » réformes, celles pour lesquelles les Grecs ont porté ce gouvernement au pouvoir : amélioration des recettes fiscales, meilleure justice sociale et lutte contre l’oligarchie. S’il réussit à mettre en place ces réformes, les éléments « punitifs » du plan ne seront alors plus forcément nécessaires. Alexis Tsipras sera alors celui qui aura mis fin à la logique purement comptable de la troïka. On comprend alors mieux l’importance du référendum : il a permis de mettre fin à ce « nœud coulant » financier lié au maintien depuis février d’une logique de court terme.

3. Mettre les créanciers face à leurs responsabilités

En reprenant les mesures des créanciers, Alexis Tsipras les contraint en réalité à accepter sa proposition de restructuration de la dette à long terme. Si les créanciers refusent, leur intransigeance éclatera au grand jour et il sera difficile de tenir le discours habituel fustigeant des Grecs pas sérieux. Dès lors, la sortie de la zone euro, si elle a lieu, sera une expulsion politique et sa gestion sera justifiée face aux Grecs. S’ils acceptent, alors Alexis Tsipras pourra se vanter d’avoir réussi là où le gouvernement Samaras a échoué : obtenir une remise de dette à partir de 2022 qui va permettre de redonner de la visibilité aux investisseurs et aux agents économiques grecs. Il pourra aussi renforcer ainsi sa stature d’homme d’Etat travaillant pour la Grèce à long terme en étant celui qui a fait céder en Europe, pour la première fois Angela Merkel et Wolfgang Schäuble.

4. Renforcer sa position politique

Le référendum du 5 juillet a été une défaite politique cuisante pour l’opposition centriste et conservatrice qui sont apparues comme des forces aveuglément suivistes des ordres des créanciers. Aujourd’hui, Alexis Tsipras les prend au piège à nouveau en reprenant le texte pour lequel ils avaient fait campagne. Il détruit donc toute opposition sur sa droite. Sur sa gauche, c’est évidemment plus délicat, mais là encore, la victoire au référendum a tellement renforcé la position d’Alexis Tsipras et la tension économique est si forte, que la gauche de Syriza ne peut prendre le risque de renverser le gouvernement. Sans doute y aura-t-il de la mauvaise humeur, mais il est actuellement très difficile de prétendre faire campagne contre Alexis Tsipras. Comme Angela Merkel en Allemagne, le premier ministre grec renforce donc sa position politique avec cette proposition. Il serait donc parvenu, grâce au référendum, à échapper au « coup d’Etat financier » souhaité par Bruxelles et Berlin. Face à l’opinion, il peut prétendre incarner à la fois la rupture avec l’austérité unilatérale du passé, la résistance face à la dureté des créanciers et la responsabilité. C’est finalement le cœur de son mandat du 25 janvier : infléchir la politique sans sortir de l’euro.

5. Garantir les acquis

Si la proposition grecque est une capitulation au regard du « non » du référendum et même des propositions grecques du 1er juillet. Mais ce n’est pas une capitulation au regard de la situation de départ du gouvernement. Il est faux d’affirmer que le gouvernement grec aurait obtenu la même chose sans lutter. D’abord, parce que, comme on l’a dit, on parle désormais d’un plan de trois ans. Ensuite, parce que le gouvernement a obtenu de vrais succès : acceptation d’une réforme du marché du travail conforme aux standards de l’OCDE et de l’OIT, pas de baisses de salaires ni de réductions d’effectifs dans la fonction publique, des retraites en partie préservées, un effort socialement mieux réparti en dépit de la hausse de la TVA (mais l’électricité reste à 13 %). Alexis Tsipras a estimé qu’une sortie de la zone euro aurait mis en danger ces acquis.

Au final, le plan d’Alexis Tsipras semble plus élaboré qu’il n’y paraît au premier regard. La fonction du référendum ne semble pas non plus si futile qu’on pourrait le croire. Mais le premier ministre grec prend néanmoins un risque majeur, car les Grecs vont à nouveau devoir accepter des sacrifices importants et douloureux. Le risque, c’est aussi que le gouvernement Tsipras ne soit dépendant des « revues » de la troïka et ne devienne qu’un fondée de pouvoir des créanciers comme ses prédécesseurs. Au-delà de l’accord, son application sera donc un élément à surveiller de près…

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 10 juillet 2015.

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11/07 : Le Parlement grec valide à la proposition d’accord soumise aux créanciers par Alexis Tsipras

Le Parlement grec a donné dans la nuit son feu vert à la proposition d’accord soumise aux créanciers du pays par le gouvernement d’Alexis Tsipras. Le vote a cependant été marqué par les défections de plusieurs députés de Syriza, selon le décompte de l’assemblée.

Le Premier ministre, qui avait fait de ce vote un choix de “haute responsabilité nationale”, a recueilli 251 votes positifs sur un total de 300 députés pour aller négocier samedi avec les créanciers du pays (UE, BCE, FMI) sur la base de la proposition qu’il a mise sur la table jeudi soir. Mais il a enregistré les défections de dix députés de son parti de gauche radicale Syriza qui se sont abstenus ou, pour deux d’entre eux, ont voté contre ce plan d’accord.

Parmi les huit abstentionnistes figurent trois personnalités de sa majorité : le ministre de l’Energie Panagiotis Lafazanis et le ministre délégué aux caisses d’assurance sociale Dimitris Stratoulis, de l’aile eurosceptique de Syriza, ainsi que la présidente du Parlement Zoe Konstantopoulou, troisième personnage de l’Etat.

Plusieurs députés Syriza étaient par ailleurs absents pour le vote, dont l’ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis, si bien que le texte a été adopté avec les voix de l’opposition, socialistes et conservateurs notamment, puisque la majorité gouvernementale compte 149 députés Syriza ainsi que 13 députés du petit parti de droite souverainiste Anel, ces derniers ayant voté pour la proposition d’accord.

Les commentateurs politiques estimaient samedi que ces défections au sein de la majorité pourraient entraîner des changements politiques, peut-être sous la forme d’un remaniement ministériel.

Alexis Tsipras, tout en défendant le paquet de mesures proposé par le gouvernement, avait admis, face aux parlementaires, qu’elles étaient “difficiles” et loin des promesses électorales de la gauche radicale.

(avec AFP)

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Source: http://www.les-crises.fr/j-1-quid-de-la-strategie-de-tsipras/