les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

(Un autre imposteur) Ukraine : quand Poutine montre ses petits (tout petits) muscles… par Benoit Rayski

Monday 11 August 2014 at 15:10

Tiens, dans la série Chronique de la haine ordinaire, encore un grand texte montrant la russophobie de personnes aux racines polonaises… (parue sur Atlantico). Je n’ai pas souligné les propos débiles, sinon j’aurais dû tout souligner…

Benoit Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il est l’auteur de XXX qui dénonce l’ “anti-sarkozysme primaire” ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L’Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

P.S OB : Je lis sur Wikipedia, renvoyant ici : “En novembre 2012, il se définit comme « islamophobe de gauche et de droite »”. N’étant ni l’un, ni l’autre, j’aimerais bien savoir la différence philosophique profonde avec un judéophobe par exemple ? Quelle tristesse venant du fils d’un héros de la Résistance - il devrait savoir où ça mène la haine…

=========================================================

Face aux sanctions occidentales, le tsar de toutes les Russies a pris des mesures de rétorsion. Elles sont plutôt comiques.

Ah, on allait voir ce qu’on allait voir ! Poutine Le Grand, Poutine Le Fort, Vladimir  Le Terrible, allait faire trembler l’Occident craintif et peureux. Lui seul avait des muscles. Lui seul avait des couilles. Et il allait les montrer les unes et les autres. Et il les a montrés. En interdisant les importations de produits alimentaires en provenance des pays qui ont sanctionné le sien pour son soutien aux séparatistes pro-russes de Donetsk. Il y en a pour des milliards. Et c’est accablant. Surtout pour la Russie. Car ça en dit long sur le délabrement de l’agriculture russe.

[Coupé à la demande d'Atlantico - retrouvez le sur leur site. Le journaliste se moque du fait que la Russie importe des pommes au lieu de les faire pousser elle-même, preuve du "délabrement de l'agriculture russe."]

En France nombre d’imbéciles ont frissonné d’une joie frôlant l’extase quand Poutine a menacé d’envahir en Ukraine. L’anti-américanisme leur tenait lieu de viatique pour un pèlerinage amoureux vers Moscou. Ils ont applaudi quand Poutine a, sans trop de mal, bouffé la Crimée. Leur patriotisme pro-russe devait les inciter à partir là-bas en vacances. C’est très, très bon marché.

Car depuis qu’elle a été détachée de l’Ukraine, la Crimée est une région sinistrée. En témoignent les affiches du syndicat de tourisme local qui, avec de très jolies filles très court vêtues, vous promettent la-bas d’autres felicités que celles que peuvent offrir les vagues de la Mer Noire. C’est, semble t-il, la seule raison qu’on aurait d’aller en Crimée. Pour les pommes il faut aller en Pologne. Là-bas aussi les filles sont jolies. Mais contrairement à la Russie, on ne les exhibe pas comme des putes.

Affiche publicitaire vantant les atouts de la Crimée

P.S : Il ne faudrait pas croire pour autant que la Russie est revenue à l’âge de pierre. La preuve : elle dispose de missiles sol air tres sophistiqués. L’un d’entre eux a abattu un avion de la malaysia airlines.

Source : Atlantico

===========================================================================

P.S. OB : après exactement 12 secondes de recherches, j’ai trouvé ça :

Source : Vox-Land

Ben comme quoi la Pologne exhibe bien aussi ses filles “comme des putes”…

========================================================================

Edit : énorme. Ce que j’aime bien dans ce blog, c’est vous :)    Ou disons la puissance de l’intelligence collective que permet la rencontre en ce lieu.

Et donc grâce à vous, on apprend que ce qui tient 1 paragraphe sur les 5 de ce papier de cet “historien, écrivain et journaliste”, c’est cette pub qualifiée de “affiches du syndicat de tourisme local” est une simple (et triste) affiche publicitaire unique pour une boite de nuit locale, un peu comme si on jugeait la France avec des affiches de Pigalle présentées comme venant de l’Office du Tourisme…

Félicitations donc pour le travail d’enquête et de validation des sources (http:www.houin-je-l-ai-lu-sur-twitter.com).

Donc : “C’est une pub du bar-restaurant-lounge et boîte de nuit “Histoire”,à Yalta, pas de l’office du tourisme. Le texte disant “on donne à tout le monde” fait référence au slogan et à l’appel récent par de sFemen aux “filles” ukrainiennes de ne pas “donner” (se laisser prendre, coucher) aux russes.”

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-quand-poutine-montre-ses-petits-tout-petits-muscles-par-benoit-rayski/


Poutine le (pas si) grand, par l’ambassadeur US Michael McFaul

Monday 11 August 2014 at 12:28

Michael McFaul a été l’ambassadeur des États-Unis en Russie de janvier 2012 à février 2014.

Son analyse – totalement biaisée et d’une malhonnêteté intellectuelle hallucinante, que je vous laisserais apprécier – est donc très utile, d’autant qu’il développe largement ses vues dans cet article de Politico du 4 aout. C’est ce discours qui berce les oreilles d’Obama…

Vladimir Poutine est omniprésent dans les médias occidentaux ces jours-ci – nous toisant du regard depuis les couvertures de magazines, psychanalysé à longueur de journée à la télévision, caricaturé en tyran brutal dans les dessins des journaux. La plupart des portraits qui sont faits du dirigeant russe lui prêtent des intentions sinistres. Cependant, de nombreux commentaires sous-entendent que Poutine enregistrerait aussi des succès. Comme le dit le magazine Time, « chaque nouvelle crise le rend plus fort ». À en croire les commentateurs, Poutine est peut-être un méchant, ainsi en va-t-il de l’histoire, mais il est habile, coriace, fin stratège et intelligent, déjouant les manœuvres d’une pathétique alliance occidentale qui cherche à contrer le maître judoka du Kremlin.

Je ne suis pas d’accord. Poutine rêve de se voir comparé à Pierre le Grand ou à la Grande Catherine. Mais si l’on se réfère aux objectifs qu’il s’est lui-même fixés, ses résultats ne sont pas si impressionnants. Il a certes atteint certains de ses objectifs qui visaient à redonner à la Russie le rang prééminent sur la scène internationale, mais il a échoué sur ceux qui lui tiennent le plus à cœur . Et l’avenir paraît encore plus sombre.

Lorsque j’étais encore ambassadeur des États-Unis en Russie au début de l’année, il y avait un consensus parmi les diplomates, les officiels russes et les observateurs concernant les priorités de Poutine. À cette époque, la liste était : (1) renforcer l’Union Économique Eurasiatique qu’il essayait de former avec les États post-soviétiques aux frontières de la Russie ; (2) contenir la puissance américaine dans le monde, en particulier nos prétendues politiques de renversement de régimes au Moyen-Orient et en Eurasie ; (3) cultiver l’image des États-Unis comme ennemi, permettant ainsi de renforcer les soutiens populaires à Poutine et d’affaiblir les critiques à l’intérieur du pays ; (4) contrer l’expansion des systèmes de défense antimissiles américains ; (5) développer le commerce et l’investissement ; et (6) rétablir le rôle de la Russie comme puissance majeure respectée par le système international. Un objectif antérieur important – stopper l’expansion de l’Otan – ne figurait pas dans cette liste car, pour beaucoup parmi nous, cet objectif était déjà atteint.

Pour être clair, cette liste (ou programme) d’objectifs) ne serait pas la mienne pour faire de la Russie une grande puissance. Comme certains en Russie (bien qu’ils soient, j’en ai peur, une minorité décroissante), je crois que la voie de la grandeur passe par une Russie plus démocratique, plus orientée vers l’économie de marché et respectueuse du jeu des règles internationales. Mais durant les presque quinze années qu’il a passé au pouvoir, Poutine a montré qu’il avait une vision différente du chemin vers la gloire, n’incluant pas une gouvernance démocratique, se méfiant de la propriété privée et, de plus en plus, ignorant ou contournant les règles et les normes internationales qu’un temps, lui-même, il avait soutenues. Mais ne jugeons pas Poutine selon mes critères. Évaluons sa réussite en nous référant à son propre programme clairement défini.

Comment Poutine s’en sort-il ? Pas si bien que ça.

Indubitablement, il a remporté quelques victoires ces dernières années. Premièrement, il a aidé Bashar El Assad, le plus proche allié de la Russie au Moyen-Orient, à garder le pouvoir en Syrie, en bloquant l’action du Conseil de sécurité et en fournissant des armes et de l’argent au beau milieu d’une guerre civile brutale. C’est un fait tragique. Deuxièmement, il a réussi à convaincre la plupart des Russes que les États-Unis sont l’ennemi de la Russie – et il l’a fait bien avant cette dernière crise ukrainienne et la campagne de propagande anti-occidentale massive des médias russes, menée à cette occasion. En 2010, environ deux tiers des Russes avaient une opinion positive des États-Unis Aujourd’hui, le même pourcentage en a une opinion négative. La propagande fonctionne. L’efficacité de cette campagne a aidé Poutine à affaiblir l’opposition démocratique russe, car il sont dépeints comme des marionnettes des États-Unis. Troisièmement, il a commencé à rétablir la stature internationale de la Russie, du moins jusqu’à la crise ukrainienne. Son positionnement de la Russie comme contrepoids conservateur à l’Occident libéral et décadent a trouvé un écho dans l’esprit de beaucoup à travers le monde, tout comme ses positions en faveur de la défense de la souveraineté et contre le prétendu interventionnisme américain. Il a réussi, d’une certaine manière, à séduire à la fois les conservateurs sur le plan social [social conservatives] ainsi que les militants de gauche anti-impérialistes. Et les jeux Olympiques de Sotchi ont créé un engouement pour la Russie que je n’avais jamais observé auparavant.

Cependant, la liste de ses échecs récents est encore plus impressionnante. Le plus dommageable est son échec à obtenir l’adhésion de l’Ukraine à l’Union Économique Eurasienne – et en fait, sa réponse musclée à cet échec est l’étincelle responsable de la crise actuelle. Avec plus de quarante millions de consommateurs, l’Ukraine était la clé du succès économique de l’Union, ce que n’étaient ni la modeste Biélorussie ni le Kazakhstan exportateur de pétrole. Au départ, il semblait que Poutine allait réussir à convaincre l’Ukraine de choisir son Union Eurasienne plutôt que l’Union Européenne. Le plan d’aide de 15 milliards de dollars à l’Ukraine semblait avoir aidé à convaincre le président ukrainien Victor Yanoukovich de repousser la signature de l’accord avec l’Union Européenne (EU). J’étais ambassadeur des États-Unis à Moscou à cette époque et je me rappelle à quel point certains de mes interlocuteurs russes se montraient arrogants concernant cette victoire sur l’Union Européenne, et partant, sur nous. (Ceux qui au sein du gouvernement russe étaient responsables du paiement des 15 milliards de dollars n’étaient pas aussi enthousiastes.) Mais alors, comme nous le savons tous, les Ukrainiens ont réagi. Leurs manifestations sur la place Maidan ont stoppé net toute future avancée vers l’union proposée par Poutine. Un coup de maître de la part de Poutine ? Je n’en suis pas si sûr.

Ayant échoué à atteindre son objectif le plus cher – la participation de l’Ukraine à l’Union Eurasienne – Poutine a poursuivi ce qu’il considérait comme étant sa meilleure solution de rechange, à savoir un gouvernement à Kiev favorable à la Russie aussi longtemps que possible. En février de cette année, des officiels européens, américains et russes ont travaillé ensemble à la conclusion d’un pacte entre le gouvernement Ianoukovitch et l’opposition ukrainienne qui aurait prolongé le mandat du président ukrainien et repoussé les élections. Une nouvelle fois cependant, les Ukrainiens rassemblés sur la place Maidan ont dit non, et l’allié de Moscou, Ianoukovitch, s’est enfui. Le second choix de Poutine (et, pour être honnête, l’option soutenue également par le gouvernement américain à l’époque) n’a pas marché.

Répliquant à ce deuxième échec, Poutine a contre-attaqué en annexant la péninsule ukrainienne de Crimée. Avant cette année, je ne me souviens pas avoir entendu Poutine consacrer un discours majeur à défendre les Russes « opprimés » en Crimée ou à critiquer la cession de la Crimée, par le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, à ses camarades en Ukraine en 1956 (NdT : 1954 en fait). Mais le soudain intérêt de Poutine pour ces prétendues injustices du passé l’a aidé à justifier et mener rapidement à bien son occupation de la Crimée.

Ce succès, cependant, a eu un coût élevé vis-à-vis de l’objectif principal de sa politique étrangère : en annexant la Crimée, Poutine a rendu certain le fait que l’Ukraine ne rejoindrait jamais l’Union Économique Eurasienne. En réalité, l’intervention de Poutine a plus fait pour consolider la nation ukrainienne que tout autre événement des deux décennies écoulées depuis son indépendance. Même des régions considérées « pro-russes » comme Dniepropetrovsk, Odessa ou Kharkov embrassent à présent leur identité ukrainienne plus fermement que jamais. De plus, le pouvoir ukrainien, y compris le président nouvellement élu Petro Porochenko, semble être finalement déterminé à conduire de vastes réformes économiques avec, en particulier, des mesures anticorruption, qui, en cas de succès, rendraient l’Ukraine plus indépendante de la Russie. Dans le sillage des erreurs récentes de Poutine, il est difficile d’imaginer comment l’Ukraine pourrait un jour se détourner de son orientation pro-européenne pour revenir à une position plus favorable à la Russie. La Russie a perdu l’Ukraine à tout jamais. Est-ce une bonne chose pour la Russie ? Certainement pas.

Poutine a également rendu nerveux ses partenaires actuels (Biélorussie et Kazakhstan) du projet d’Union Eurasiatique. Si Poutine se sent le droit de défendre les populations d’origine russe de l’est de l’Ukraine, ressentira-t-il un jour la même obligation d’agir pour défendre les populations russes de ces pays ? En outre, il a favorisé l’accélération du processus de signature de l’accord avec l’Union Européenne non seulement par l’Ukraine, mais aussi par les anciennes républiques soviétiques inquiètes de Géorgie et de Moldavie. Génie de la « Realpolitik » ? Je ne crois pas.

Après avoir annexé la Crimée, Poutine a laissé entendre qu’il allait jouer le même jeu en Ukraine orientale. Il a rappelé au monde que ce territoire, qu’il appelle désormais « Novorossia » (Nouvelle Russie), faisait autrefois partie de l’Empire russe, et a critiqué les bolcheviques qui ont bradé cette terre. Ses médias se sont mis à appeler cela le « Printemps russe », prétendant au cours d’une violente campagne qu’il s’agissait en fait d’un écho du Printemps arabe, dans lequel la Russie était la libératrice des personnes d’origine russe opprimées en Ukraine orientale ; sur Twitter et sur le réseau social russe VKontakte, des dizaines de milliers de personnes ont été mobilisées pour réclamer l’indépendance de Novorossia. Mais tout cela est pour ainsi dire du passé. Les rebelles d’Ukraine orientale n’ont pas réussi à convaincre la majorité de rejoindre leur cause séparatiste dans ces régions. Et l’armée ukrainienne a fini par riposter, et a repris de nombreuses villes et de nombreux villages qui avaient été conquis par les insurgés dans un premier temps. Aujourd’hui, Poutine ne mentionne jamais la Novorossia. Il s’est rendu compte que « libérer » cette région n’était plus possible. Stratège de génie ? Je n’en suis pas si sûr.

Poutine s’en tient donc maintenant à un objectif minimal en Ukraine orientale – une situation que l’on peut définir comme en constant bouleversement avec une souveraineté contestée, qui rendrait cette région similaire aux autres zones de « conflits gelés » jamais officiellement résolus en Géorgie, Moldavie et Azerbaïdjan, délaissées après le démantèlement de l’Union soviétique. Si la rébellion (pro-russe) s’enlise pendant des années, voire des dizaines d’années, alors le nouveau régime à Kiev aura moins de chance de se renforcer et l’Occident d’étendre l’influence de l’Union Européenne et de l’Otan en Ukraine, du moins d’après ce qui semble être la logique russe.

Pour être clair, je ne comprends pas en quoi un voisin faible, pauvre et instable serait dans l’intérêt national de n’importe quel pays – mais Poutine ne m’a pas demandé de définir l’intérêt national russe. Et en plus Poutine ne parvient même pas à réaliser cet objectif minimal. Alors que ses intermédiaires commençaient à perdre du terrain il y a quelques semaines, il leur a expédié des armes plus dangereuses. Nous connaissons tous les conséquences tragiques de cette décision – la destruction du vol MH17 de la Malaysian Airlines. Tandis que les insurgés continuent à perdre, Poutine a mis la barre encore plus haut en bombardant des cibles ukrainiennes à partir du territoire russe, et donc en risquant de transformer une guerre civile en conflit entre États. Mais ses alliés perdent encore face à l’armée ukrainienne et son ensemble disparate de milices alliées et de forces volontaires. Poutine le Grand ? Pas vraiment.

Il lui reste une option : l’invasion. Cependant, malgré les mauvaises notes que j’attribue à Poutine en tant que grand stratège, je continue de croire qu’il est trop intelligent pour envoyer des troupes russes en Ukraine. Il comprend sûrement que les soldats russes subiraient des pertes lors de la première bataille, puis, en tant que force d’occupation, endureraient des attaques incessantes de type guérilla. L’amère expérience de l’occupation soviétique en Afghanistan demeure trop fraîche et incite l’armée russe à rester très prudente. Mais s’il décide effectivement d’y aller, les conséquences négatives à long terme pour l’armée, l’économie et la position internationale russe seraient énormes. Il ne lui reste aucune option acceptable en Ukraine.

L’échec de la guerre par procuration dans l’est de l’ukraine a également produit de nombreux dégâts collatéraux sur ses autres objectifs de politique étrangère. Si le débat concernant l’expansion de l’OTAN était passé au second plan avant l’avancée de Poutine en Ukraine, il est maintenant revenu au premier plan et au centre des préoccupations. De la même façon, le renforcement de la capacité de l’OTAN à défendre ses membres à l’est de l’Europe est redevenu une priorité pour la première fois depuis de nombreuses années. Les dirigeants russes ont toujours redouté l’installation de soldats américains en Pologne ou en Estonie, ce qui pourrait bien se produire maintenant. De plus, les actions de Poutine en Ukraine ont garanti que le projet de défense antimissile en Europe serait non seulement mené à bien, mais qu’il pourrait même s’étendre. Après dix ans de discussions non suivies d’action, Poutine a provoqué le développement par l’Europe d’une politique de réduction de la dépendance au gaz et au pétrole russe. Le résultat des actions de Poutine en Ukraine est que les États-Unis sont maintenant susceptibles de devenir un exportateur d’énergie, en concurrence avec la Russie pour les parts de marché. Certains qualifient les politiques de Poutine de pragmatiques et intelligentes. Je ne suis pas d’accord.

Avant les actions de Poutine en Ukraine, presque tous les officiels de haut rang du gouvernement russe avec lesquels j’avais pu parler insistaient sur le besoin désespéré pour la Russie d’attirer des investissements, considérés alors comme le seul moyen viable de stimuler la croissance. Depuis les actions de Poutine en Ukraine, à peu près 75 milliards de dollars ont quitté le pays, alors que des dizaines de milliards supplémentaires d’argent du contribuable ont été utilisés pour défendre le rouble et financer une dette plus coûteuse. Les sanctions économiques sévères, et le spectre de nouvelles sanctions à venir, imposées par les États-Unis et l’Europe, ont déjà suscité l’incertitude parmi les investisseurs russes et étrangers, ainsi que la prudence parmi les consommateurs russes. De plus, l’intégration de la Crimée au sein de la Russie va coûter des dizaines de milliards de dollars. Ces conséquences économiques sont-elles dans l’intérêt de la Russie ? Je ne le pense pas.

De nouvelles sanctions américaines sur l’exportation de technologies dans le domaine énergétique pourraient être particulièrement dommageables au programme de Poutine. Lorsque j’étais au gouvernement américain, j’ai entendu plus d’une fois Poutine expliquer aux représentants américains que le partenariat de plusieurs milliards de dollars entre Rosneft et ExxonMobil, afin d’exploiter les gisements énergétiques dans les régions arctiques, était l’accomplissement le plus important des relations États-Unis–Russie de ces vingt dernières années. Beaucoup se demandent aujourd’hui si ce projet ambitieux pourra se poursuivre selon les échéances initalement prévues. Un brillant stratège défendant les intérêts nationaux russes ? Je me demande ce qu’Igor Setchine, à la tête de Rosneft, et qui est maintenant sur la liste des sanctions américaines, en pense.

Et bien sûr le sujet est beaucoup plus vaste que ce point précis, même s’il est important. Poutine a mis en mouvement des tendances néo-autarciques, anti-modernisation qui, si elles devaient se prolonger, feraient reculer le développement économique russe pour les décennies à venir. Poutine a essayé de justifier ces contraintes de plus en plus fortes sur le commerce et les investissements, ainsi que le rôle plus important de l’État dans l’économie comme une opportunité qui permettra à la Russie d’être moins dépendante de l’économie mondiale. (Il a même sous-entendu qu’internet serait un outil dangereux au service de la CIA, conçu pour saper la souveraineté russe.) Mais ce n’est pas vraiment une bonne recette pour la prospérité : historiquement, se tourner vers l’intérieur et augmenter le rôle de l’État dans l’économie n’a pas souvent été une bonne stratégie de croissance économique. Vous rappelez-vous de l’effondrement de l’Union soviétique ? Il est difficile de voir ainsi Poutine en visionnaire, allant à l’encontre de décennies, voire de siècles d’expérience. Je me sentirais nerveux si j’étais un entrepreneur vivant actuellement en Russie. En fait, beaucoup le sont. C’est pour cela qu’ils quittent la Russie.

Les sondages internationaux montrent que l’image de la Russie dans le monde a subi de sérieux dommages depuis l’intervention russe en Ukraine. Poutine a définitivement perdu son ambition d’être le champion mondial de la souveraineté nationale. Et le crash du vol 17 de la Malaysia Airways a détruit en un jour des années investies à améliorer la réputation de la Russie à l’étranger, y compris les 50 milliards de dollars dépensés pour les jeux Olympiques de Sotchi, qui étaient destinés à présenter une nouvelle Russie moderne au monde. La Russie est certes crainte à nouveau, mais elle n’est pas respectée. Une telle image de voyou dissuadera l’investissement étranger pour les décennies à venir et diminuera les chances de Poutine de signer des contrats ou de forger des alliances avec d’autres chefs d’État. Armer les rebelles d’Ukraine orientale avec des missiles sol-air a-t-il servi l’intérêt national russe ? Pour l’instant, il est difficile de voir comment.

OB : très très intéressant ça. Primo, vous noterez que “popularité en chute dans le monde occidental” devient “popularité internationale” – en effet, je ne pense pas du tout que sa popularité ait beaucoup baissé en Chine, Inde, Amérique du Sud, ou Afrique… Secundo, nos dirigeants qui ne vivent que pour les sondages (avec le succès qu’on connait) semblent trouver bizarre que Poutine mène une politique qui le rend populaire chez lui et pas aux États-Unis (eux-mêmes faisant le contraire…).

Pendant que Poutine ternissait l’image de la Russie à l’étranger, il est vrai qu’il renforçait sa propre image dans le pays. C’est un fait. Mais pour combien de temps ? La cote de popularité de Poutine se maintient au-dessus de 80 % aujourd’hui, mais souvenez-vous que le président George W. Bush bénéficiait du soutien de 90 % des Américains pour engager la guerre en Afghanistan et encore de 70 % d’opinions favorables pour envahir l’Irak. Il avait cette cote de popularité alors qu’il ne contrôlait ni le Congrès ni les principales chaînes de télévision, ce que Poutine fait aujourd’hui. Déjà, dans le sillage de la tragédie de la Malaysia Airlines, les intellectuels russes ont mis en doute la sagesse de sa trajectoire. L’ancien ministre des Finances de Poutine, Alexei Kudrin, a averti des dangereuses conséquences économiques de la nouvelle diplomatie aventureuse russe, sentiment partagé en privé par le monde des affaires. Ce débat ne peut que se renforcer, surtout avec des succès militaires limités en Ukraine et une croissance économique qui stagne en Russie.

L’Occident, mené par les États-Unis, devrait contribuer à renforcer ce débat – en continuant à confronter la politique agressive de Poutine. Cela ne signifie pas que nous réussirons toujours.

L’histoire des 70 dernières années est remplie d’exemples de l’impuissance des États-Unis et de nos alliés à empêcher les agressions des dirigeants du Kremlin envers leurs voisins, que ce soit l’Ukraine aujourd’hui, la Géorgie en 2008, la Tchécoslovaquie en 1968 et la Hongrie en 1956. Mais cela ne veut pas dire que nous devrions nous tenir à l’écart. Même si nous avons souvent échoué à arrêter les agressions du Kremlin, nous avons quand même réussi quelquefois à rendre ces actes belliqueux coûteux pour la Russie. La réponse d’Obama aujourd’hui ressemble plus à la réponse de Ronald Reagan à la répression soviétique contre le mouvement de protestation Solidarité en Pologne en 1981 qu’aux réponses plus timorées à d’autres interventions du Kremlin. Il devrait donc poursuivre dans cette direction. C’était la dernière fois que Washington imposait de sérieuses sanctions contre Moscou. Reagan et son équipe réagirent ainsi non pas parce que l’on pensait que ces sanctions allaient changer l’attitude russe (ou polonaise), mais parce qu’ils pensaient qu’une mauvaise attitude devait être punie. Reagan n’a pas fait changer immédiatement Brejnev d’avis, mais il a permis de faire de ce conflit une question de principe et non pas de simple calcul d’intérêt, dont l’écho résonne aujourd’hui dans la manière dont nous devrions aujourd’hui exprimer notre indignation face à la désintégration des frontières d’un voisin par Poutine, alors qu’il avait légalement promis de les sécuriser.

Je le reconnais. Quand j’ai quitté la Russie en tant qu’ambassadeur des États-Unis au début de l’année, j’étais impressionné par les réussites de Poutine. Il dirigeait la coalition anti-américaine dans le monde, un rôle qu’il avait tenu avec bonheur au sommet du G20 de Saint-Pétersbourg en septembre de l’année dernière. Il avait « gagné » en Syrie, savourait la publicité internationale positive que lui valait l’asile qu’il avait accordé au lanceur d’alerte Edward Snowden, et bien sûr il y avait eu ce show spectaculaire aux Jeux olympiques de Sotchi.

Mais il a gâché tous ces succès par ses actions en Ukraine. Il est difficile de voir maintenant comment il pourrait finir dans les livres d’histoire aux côtés de Pierre le Grand ou de Catherine II – à moins, bien sûr, qu’il n’ordonne qu’ils soient écrits ainsi !

Michael Mc Faul est l’ancien ambassadeur des États-Unis en Russie

Source : Politico. Traduction collective par les lecteurs du blog www.les-crises.fr

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-le-pas-si-grand/


[U3-6] L’UPA en action et les Massacres de la Volhynie

Monday 11 August 2014 at 01:19

Suite du billet précédent sur l’Ukraine
Index de la série

ATTENTION : billet contenant des images très dures 

À la fin de 1942, l’UPA a participé à une campagne de nettoyage ethnique de Volhynie (où vivaient 350 000 Polonais), et au début de 1944, ses campagnes ont commencé à inclure la Galicie orientale.

On estime que près de 70 000 Polonais, principalement des femmes et des enfants ainsi que des hommes non armés, ont été tués au cours de la campagne du printemps et de l’été 1943 en Volhynie par l’UPA.

ivangorod

babi yar

execution en masse

L’holocauste en Pologne

L’idée, l’acceptation et l’exécution de l’ordre étaient conformes à l’idéologie nationaliste de l’OUN-B et l’UPA: au nom du peuple on peut tout faire et même tuer. Le résistant ukrainien Taras Borovetz a ainsi été attaqué par Bandera pour avoir refusé de se soumettre à l’OUN-B et de participer aux massacres de la Volhynie. Il écrivit d’ailleurs à Bandera pour lui dire que l’Ukraine avait des ennemis bien plus importants que les Polonais, et il critiqua les massacres qu’il qualifia d’honteux. 

Taras Borovetz

À partir de 1942 et surtout l’année suivante commencèrent des actes barbares où l’assassinat était associé aux mutilations par coupe ou arrachage de membres, leur sciage, par “éventrage” et “éviscération”… Ni les Soviétiques ni les Allemands ne pratiquèrent de tels actes à une telle échelle. “Leur génocide” fut réalisé par des formations spécialisées et en uniforme : Einsatzgruppen der Sicherheitspolizei et Sicherheitsdienst pour les Allemands, les NKVDs pour les Soviétiques. Dans le cas du « génocide ukrainien », à côté de l’UPA de Bandera, des dizaines de milliers de paysans ukrainiens, auxiliaires de l’UPA de fait, participèrent aux grandes actions de nettoyage des Polonais, leurs voisins, armés de haches et de fourches, dans une sorte d’arrière-ban ukrainien. Les femmes, les adolescents et même les enfants y prirent part se chargeant de voler les biens des morts, d’incendier les bâtiments et de porter le dernier coup aux blessés. Un autre problème est la spécificité des massacres des couples mixtes. En effet les bourreaux obligeaient le conjoint ukrainien à assassiner son propre conjoint polonais. Ce type de barbarie n’a jamais été relevé dans le cas de couples polono-russes ni celui de couples germano-juifs. 

Pire, le génocide fut accompli par les Ukrainiens, citoyens de la République de Pologne, habitants de ses territoires orientaux, dont beaucoup, après la guerre, se firent reconnaître cette citoyenneté, parfois en utilisant les papiers de leurs victimes assassinées, afin d’être considérés comme “rapatriés” en direction de la Pologne ou des zones d’occupation occidentales de l’Allemagne pour y recevoir le statut de réfugiés et émigrer en Amérique anglo-saxonne (Canada en particulier). 

La décision de nettoyer ethniquement la région a été prise par l’Armée insurrectionnelle ukrainienne au début de 1943. En mars 1943, l’OUN-B (spécifiquement Mykola Lebed) a condamné à la peine de mort collective tous les Polonais vivant dans l’ancienne partie orientale de la Deuxième République de Pologne ; quelques mois plus tard, des unités locales de l’UPA ont été invitées à accomplir l’opération à la hâte. En 1943, le chef de l’UPA pour la Volhynie, Klym Sawur (ou Savour) donna l’ordre de liquidation de la population polonaise habitant les 11 cantons de la région : hommes, femmes, enfants et vieillards.

Victimes polonaises de l’UPA à Lipniki

Victimes polonaises de l’UPA

À cette époque, Roman Choukhevytch devient le chef militaire de l’UPA. Cet ancien de l’UVO, condamné pour avoir participé à l’assassinat du ministre de l’Intérieur polonais, Bronisław Pieracki, en 1934, était en 1941 le chef politique et militaire du bataillon ukrainien de la Wehrmacht « Nachtigall ». 

Signalons enfin que les Allemands proposèrent en 1943 la création d’une division de Waffen-SS composée de volontaires ukrainiens de la Galicie et destinée au combat régulier sur le front Est. La création de la Division SS Galicie fut annoncée le 28 avril 1943, et de nombreuses cérémonies se tinrent en Galicie. Cette division compta jusqu’à 26 000 soldats – 82 000 hommes ayant postulé.

Armoiries de Lviv

creation de la division SS galicie lemberg – 1943

recrutement SS par l aumonier Malinowski Sanok- 1943

recrutement SS Galicie

Division Galicie

Division Galicie

serment hitler SS Galicie

Depart SS Galicie

Division Galicie

himmler galizien – 05 1944

himmler galizien – 05 1944 – noygammer

Himmler visite la SS Galicie – 05-1944

Propagande de recrutement pour la division SS Galicie

Propagande de recrutement pour la division SS Galicie

Propagande de recrutement pour la division SS Galicie

Propagande de recrutement pour la division SS Galicie

Propagande de recrutement pour la division SS Galicie

Propagande de recrutement pour la division SS Galicie

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 18-07-1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 18-07-1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 18-07-1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 18-07-1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 18-07-1943

parade volontaires SS Galicie Lviv

parade creation volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade creation volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade creation volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

parade volontaires SS Galicie Lviv 1943

05-1943 marche des volontaires SS Galicie sur kosciuszko street a sanok

Parade de volontaires SS Galicie Lviv Opera 1943 

Cette création d’une division de Waffen SS a été fortement soutenue par l’OUN-M de Andriy Melnyk, qui y vit un contrepoids à l’UPA de l’OUN-B. Celle-ci s’opposa à l’idée de la création de cette division, qui serait hors de son contrôle. Cependant, une fois formée, l’OUN-B y envoya certains de ses membres, pour qu’ils acquièrent une formation militaire. Elle combat en Russie, en Slovaquie et en Slovénie, où elle est dissoute à la fin de la guerre. Les Ukrainiens sont séparés des Allemands et envoyés dans un camp en Italie, où, suite à l’intervention du Vatican, qui estime que les soldats de ces divisions sont de « bons catholiques et de tradition anticommuniste », leur statut est modifié, passant de celui de « prisonniers de guerre » à « personnel ennemi qui s’est rendu ». 

Plus largement, les données historiques s’accordent sur le nombre des légionnaires ukrainiens qui prennent part à la formation militaire aux côtés des Allemands (Wehrmacht, SS, police) durant la guerre, et qui s’élève à 250 000 hommes environ. 

Le 27 juillet 1944, l’armée allemande est définitivement chassée de la ville de Lviv par l’Armée rouge. En 1945, la région est définitivement rattachée à l’Union soviétique et les Polonais survivants sont déplacés vers Wrocław (en allemand Breslau), en Silésie alors donnée à la Pologne. Sans Polonais, ni Juifs, la ville est à moitié vide d’habitants. 

retour des soviétiques à lvov 1944 

La défaite – quoique définitivement acceptée seulement à la fin des années 1950 avec la fin de la lutte armée de l’UPA -, allait entraîner une mise en sommeil des sombres penchants de la Galicie durant toute la période soviétique.  

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/u3-6-l-upa-en-action-et-les-massacres-de-la-volhynie/


[Reprise] France, royaume des imposteurs, par Natacha Polony

Sunday 10 August 2014 at 05:04

Reprise d’une tribune du Figaro de  Natacha Polony

FIGAROVOX/TRIBUNE – Des promesses politiques de campagne aux publicités mensongères, Natacha Polony dénonce les impostures derrière les postures.

Cela commence par un président qui se fait élire sur la promesse d’imposer les plus riches à 75%. Disposition retoquée par le Conseil constitutionnel. Le même se fait écraser aux municipales et promet des baisses de charges salariales. À nouveau retoqué. Ce président prend aussi des airs compassés pour aligner trois mots effarants de banalité sur «le droit à la sécurité d’Israël» avant de se reprendre, quelques jours plus tard, et d’évoquer les morts palestiniens parce qu’un communicant l’a alerté sur l’effet désastreux de son assourdissant silence. Triste figure de composition qui est la même qu’à peu près tous les politiques, de droite comme de gauche, quand ils veulent montrer au citoyen français qu’ils sont impliqués, conscients, déterminés.

C’est cet air d’un ancien président interrogé par deux journalistes et qui évoque ce «sens du devoir» qui seul pourrait lui donner l’envie de mettre fin au feuilleton savamment orchestré de son retour pour annoncer qu’il répond à l’appel du peuple. C’est celui d’un ministre des affaires étrangères au visage de circonstance, voulant faire croire que la France a une quelconque position diplomatique qui serait autre que l’alignement pur et simple sur les volontés américaines.

C’est celui de ces chefs de la droite, grands ou petits, qui proclament à chaque élection leur «conviction européenne» depuis que Jacques Chirac, en 1992, a décrété qu’on ne pouvait avoir de destin présidentiel si l’on avait osé critiquer cette Europe.

C’est enfin celui de tous ces responsables qui parlent la main sur le cœur du déclassement des classes moyennes inférieures parce qu’ils ont – enfin – compris que leur abandon total les précipitait dans les bras du Front national.

Quel rapport entre ces personnages disparates? Cette petite gêne que l’on ressent devant ce qui ressemble fort à une simple posture. Le soupçon qu’il n’y a là aucune conviction, pas l’ombre d’une vision, mais un discours calculé suivant les impératifs supposés de la popularité ou de la réussite. La posture, c’est cette façon de ne se positionner que selon les critères du moment et ce que l’on suppose être l’attente de son public.

C’est ce dommage collatéral généralisé du règne de la communication. Car le phénomène ne frappe pas seulement les politiques. Dans chaque domaine de l’activité humaine, on peut relever ces exemples, non pas d’hypocrisie – ce serait encore un hommage du vice à la vertu – mais de composition d’un argumentaire ponctuel hors sol. Et cela nous raconte un peu de notre monde moderne.

La communication dont on nous rebat les oreilles comme d’un principe d’efficacité a changé de nature sous l’effet d’une extension de la logique marchande. Elle n’a plus rien à voir avec la vieille réclame qui se contentait de vanter les qualités d’un produit, de «faire savoir». Il s’agit désormais de concevoir le produit en fonction de ce qui va séduire. La communication modifie l’essence même des choses.

Dans le domaine des idées? Plus un discours qui ne vante l’action merveilleuse des femmes, tellement «indispensables». Posture. Et que dire de ces proclamations sur la tolérance dont le but est moins de changer les choses que de montrer à ses pairs que l’on se situe du bon côté? Posture. Dans le domaine de l’art? Il y a longtemps que nous sommes habitués à ce discours verbeux qui accompagne des œuvres sans âme pour les positionner sur l’échelle de la «rébellion». Posture encore. Dans le domaine du vin? Il n’y a plus de choix qu’entre des vins passés dix-huit mois en barrique neuve, parce que certains œnologues à la mode n’aiment que le goût du chêne, ou les vins oxydés de ceux qui ont fait du vin «bio» une idéologie.

Le dénominateur commun? Le lecteur, l’électeur ou le buveur sont devenus des clients, plus des citoyens auxquels on s’adresse, des gens à qui l’on offre une émotion ou une vision en partage. Ils sont des parts de marché potentielles. En politique, le tournant date du début des années 1980, quand des publicitaires ont pris en main les campagnes électorales. Un petit village de France sur une affiche et ce slogan: «La force tranquille». Première forfaiture politique. Car malgré l’espoir sincère que soulevait dans une partie du peuple l’arrivée de cette gauche au pouvoir, on entrait dans l’ère du mensonge. Sous prétexte d’aider les politiques à formuler leurs idées et d’offrir un écho à leurs actes, les marketeurs ont peu à peu modifié le discours politique lui-même pour le faire coller aux codes.

Comme dans le vin, c’est maquillage au bois neuf du techno pinard ou vinaigre imposé par les «purs» autoproclamés. C’est un gaullisme de circonstance par des héritiers perchés sur la croix de Lorraine pour mieux s’asseoir sur les engagements et les choix de l’homme du 18 Juin. C’est une invocation ad nauseam des mânes de Jaurès par ceux-là mêmes qui ont désindustrialisé le pays et abandonné la classe ouvrière pour convenir aux sirènes de la mondialisation.

Une société de posture ne peut rien produire de durable, rien qui dépasse le simple cadre de notre existence immédiate, puisqu’elle ne cultive que le court terme et la rentabilité. Quitte, pour cela, à tromper un peu le client. Ainsi de la posture sommes-nous passés à l’imposture.

Source : Le Figaro

Source: http://www.les-crises.fr/france-royaume-des-imposteurs-par-natacha-polony/


[Vidéo] Nestlé et le business de l’eau en bouteille

Sunday 10 August 2014 at 02:54

Comment transformer de l’eau en or ? Une entreprise détient la recette : Nestlé, multinationale basée en Suisse, leader mondial de l’agroalimentaire, grâce notamment au commerce de l’eau en bouteille, dont elle possède plus de 70 marques partout dans le monde. Une enquête édifiante d’Arte. (Disponible jusqu’au 12 aout)

Comment transformer de l’eau en or ? Une entreprise détient la recette : Nestlé, multinationale basée en Suisse, leader mondial de l’agroalimentaire, grâce notamment au commerce de l’eau en bouteille, dont elle possède plus de 70 marques partout dans le monde (Perrier, San Pellegrino, Vittel ou Poland Spring aux États-Unis). Pour le président du CA, Peter Brabeck, l’eau, fer de lance d’une stratégie planétaire, peut “garantir encore cent quarante ans de vie” à l’entreprise. Malgré le refus de collaborer opposé par la direction, Res Gehriger et Urs Schnell dévoilent les coulisses de ce marché qui brasse des milliards. Des États-Unis au Nigeria en passant par le Pakistan, ils explorent les circuits de l’eau en bouteille, mettant en lumière les méthodes parfois expéditives du plus puissant groupe agroalimentaire de la planète. Ils montrent qu’elles reposent sur une question cruciale, objet dans nombre de pays d’un vide juridique dont les avocats et lobbyistes de la firme savent tirer profit : à qui appartient l’eau ?

Bien public, gains privés

À Fryeburg, dans le Maine, un tribunal a autorisé Nestlé à ouvrir une deuxième station de pompage, alors que les habitants s’étaient mobilisés pour tenter d’empêcher ce qu’ils considèrent comme un pillage de leurs ressources collectives. Dans la première, installée sur un terrain privé, la multinationale paye dix dollars au propriétaire pour 30 000 litres d’eau… Mais si, aux États-Unis, le groupe s’efforce de se concilier les populations en se montrant “bon voisin” (quitte à leur offrir en bouteilles l’eau qui coule de leurs robinets !), il ne prend pas les mêmes gants avec les villageois démunis du Pakistan. Ceux qui, dans la région de Lahore, ont demandé par pétition à pouvoir bénéficier de l’eau pompée sur leur nappe phréatique par l’usine Pure Life, filiale de Nestlé, n’ont pas eu de réponse.

Dans le sillage de Res Gehriger, présent à l’écran, cette enquête minutieuse aux images soignées donne la parole à de très nombreux protagonistes sur trois continents, usagers ou militants, adversaires et partisans de Nestlé. Peter Brabeck lui-même y défend avec vigueur son point de vue (éloquent, comme quand il qualifie d’”extrémiste” l’idée que l’eau doit rester un bien public), par le biais de ses nombreuses interventions publiques.

Source: http://www.les-crises.fr/video-nestle-et-le-business-de-leau-en-bouteille/


[Reprise] Le retour de la guerre de George Orwell et Big Brother en Palestine ; l’Ukraine et la Vérité, par John Pilger

Sunday 10 August 2014 at 01:41

L’autre soir, je suis allé voir une interprétation de 1984, de George Orwell, dans un théâtre de Londres. Bien qu’une mise à jour contemporaine eut été intéressante, l’avertissement d’Orwell n’y fut présent que sous la forme d’un exercice de style : distant, pas le moins du monde menaçant, quasiment rassurant. Comme si Edward Snowden n’avait rien révélé, que Big Brother n’était pas devenu un espion numérique, et qu’Orwell lui-même n’avait jamais dit : « Pour être corrompu par le totalitarisme, nul besoin de vivre dans un pays totalitaire ».

Encensé par les critiques, cette production talentueuse était à la mesure culturelle et politique de notre époque. Quand les lumières se sont rallumées, les gens étaient déjà en train de sortir. Ils ne semblaient pas avoir été touchés, ou peut-être que d’autres distractions les attendaient. « Quelle prise de tête ! », s’est exclamée une jeune demoiselle, en allumant son téléphone.

A mesure que les sociétés avancées se dépolitisent, les changements sont à la fois subtils et spectaculaires. Dans les discours quotidiens, le langage politique est une inversion, comme Orwell l’avait prédit dans 1984. « Démocratie » n’est plus qu’un outil de rhétorique. « La Paix » c’est en réalité un état de guerre perpétuelle. « Global » signifie impérialiste. Le concept de « réforme », autrefois porteur d’espoir, signifie aujourd’hui régression, voire destruction. « Austérité » signifie le passage au capitalisme extrême pour les pauvres et au socialisme pour les riches : un système ingénieux où la majorité travaille à rembourser des dettes, au profit de la minorité.

Dans les arts, l’hostilité vis-à-vis des vérités politiques est un article de la foi bourgeoise. « La période rouge de Picasso », titrait un journal, « et pourquoi la politique et l’art ne font pas bon ménage ». Imaginez cela dans un journal qui aurait fait la promotion du bain de sang de l’Irak en tant que croisade libérale. L’opposition au fascisme qui a marqué la vie de Picasso n’est plus qu’un détail, comme le radicalisme d’Orwell qui s’est détaché de son nom.

Il y a quelques années, Terry Eagleton, alors professeur de littérature anglaise à l’université de Manchester, admit que « pour la première fois depuis deux siècles, il n’y a pas d’éminent poète britannique, de metteur en scène, ou de romancier prêt à remettre en cause les fondamentaux du style de vie occidental ». Aucun Shelley ne parle pour les pauvres, pas de Blake pour défendre les rêves des utopistes, ni de Byron pour maudire la corruption et la classe dominante, et pas de Thomas Carlyle ni de John Ruskin pour révéler le désastre moral qu’est le capitalisme. William Morris, Oscar Wilde, HG Wells, George Bernard Shaw n’ont aucun équivalent aujourd’hui. Harold Pinter fut le dernier à s’insurger. Parmi les voix du “consumé-féminisme”, aucune ne fait écho à celle de Virginia Woolf, qui décrivait “les arts de domination des autres peuples… de régner, de tuer, d’acquérir la terre et le capital”.

Au théâtre national, une nouvelle pièce, « Grande-Bretagne », satirise le scandale des écoutes téléphoniques, qui aura fait juger et condamner des journalistes, dont un ancien éditeur du « News of the World » de Rupert Murdoch. Décrite comme une « farce avec des crocs qui soumet l’ensemble de la culture médiatique incestueuse au ridicule impitoyable », les cibles de la pièce sont les personnalités « heureusement très drôles » de la presse tabloïd britannique. C’est bien bon, et si familier. Mais qu’en est-il des médias non-tabloïd qui se considèrent eux-mêmes comme crédibles et réputés, et pourtant jouent le rôle parallèle de bras armé du pouvoir de l’état et du capital, en promouvant et en soutenant les guerres illégales ?

L’enquête Leveson sur les écoutes téléphoniques a légèrement laissé entrevoir ce phénomène. Tony Blair énonçait des preuves, se plaignant auprès de monsieur le juge du harcèlement des tabloïds sur sa femme, quand il fut interrompu par une voix qui s’éleva du public. David Lawley-Wakelin, un réalisateur, demandait l’arrestation de Blair et son jugement pour crimes de guerre. Il y eut un long silence : le choc de la vérité. Lord Leveson se leva, ordonna l’expulsion de celui qui osait dire la vérité, et s’excusa auprès du criminel de guerre. Lawley-Wakelin fut condamné, pas Tony Blair.

Les complices aguerris de Tony Blair sont plus respectables que les hackers de téléphone. Quand le présentateur de la BBC, Kirsty Wark, le reçu pour le 10ème anniversaire de l’invasion de l’Irak, elle lui offrit un moment dont il ne pouvait que rêver ; elle lui permit d’agoniser sur sa décision “difficile” sur l’Irak au lieu de lui rappeler ses crimes. Ceci rappelle la procession de journalistes de la BBC qui en 2003 déclaraient tous que Blair pouvait se sentir “justifié”, et la série qui s’ensuivit sur la BBC, “Les années Blair”, pour laquelle David Aaronovitch fut choisi comme écrivain, présentateur, et interviewer. Un serviteur de Murdoch qui fit cempagne pour la guerre en Irak, en Lybie, et en Syrie.

Depuis l’invasion de l’Irak – l’exemple d’un acte d’agression non-provoquée, ce que le procureur de Nuremberg Jackson qualifiait de “crime international suprême qui diffère des autres crimes de guerre en ce qu’il les contient tous” – Blair et son porte-parole et principal complice, Alastair Campbell, ont eu droit à pas mal de place dans le Guardian afin de réhabiliter leurs réputations. Décrit comme une étoile du Labour Party, Campbell a voulu s’attirer la sympathie des lecteurs en prétextant une dépression, et a montré son intérêt, à l’instar de Blair, bien que cela ne soit pas son assignement actuel comme conseiller, pour la tyrannie militaire Egyptienne.

Alors que l’Irak est démembré suite à l’invasion de Blair et Bush, un titre du Guardian énonce : “Renverser Saddam était juste, mais nous nous sommes retirés trop tôt”. Ceci dans un article phare du 13 juin écrit par un ancien fonctionnaire de Blair, john McTernan, qui a aussi travaillé pour le dictateur Irakien installé par la CIA, Iyad Allawi. En appelant à répétition à l’invasion d’un pays que son ancien maître avait aidé à détruire, il ne fit jamais référence aux 700 000 morts, ni aux 4 millions de réfugiés et au tournant sectaire qui avait eu lieu dans une nation autrefois fière de sa tolérance.

“Blair personnifie la corruption et la guerre”, a écrit le journaliste radical du Guardian Seumas Milne dans un article très inspiré en date du 3 juillet. Dans le milieu on appelle cela « la balance ». Le lendemain, le journal publia une pleine page de publicité pour un bombardier américain. Sur la photo menaçante du bombardier était écrit : « le F-35, Génial pour l’Angleterre ». Cette autre personnification de « corruption et de guerre » va couter aux contribuables britanniques 1,3 milliards de £, les précédents modèles de la gamme F ayant déjà servi à massacrer des gens un peu partout dans le monde en développement.

Dans un village d’Afghanistan, où vivent les plus pauvres des pauvres, j’ai filmé Orifa, s’agenouillant devant les tombes de son mari, Gual Ahmed, un tisserand, et de 7 autres membres de sa famille, dont 6 enfants, et de deux enfants qui furent tués dans la maison d’à côté. Une bombe « de précision » de 500 livres est directement venue s’exploser sur leur petite maison de boue, de pierre et de paille, laissant à la place un cratère de 50 pieds de long. Lockheed Martin, le fabricant de l’avion a le privilège de bénéficier de pages publicitaires dans le Guardian.

L’ancienne secrétaire des affaires étrangères des USA et aspirant présidente, Hillary Clinton, est récemment passé à la BBC, à l’émission « Women’s Hour », la quintessence de la respectabilité médiatique. La présentatrice, Jenni Murray, présenta Mme Clinton comme l’exemple même de la réussite féminine. Elle ne rappela pas à l’audience les propos déplacés de Mme Clinton qui prétendait que l’Afghanistan était envahi afin de libérer les femmes comme Orifa. Elle ne posa aucune question à Mme Clinton sur la campagne de terreur de son administration qui utilise des drones pour tuer femmes, hommes et enfants. Elle ne fit pas non plus mention de la menace de Mme Clinton, durant sa campagne présidentielle, d’ « éliminer » l’Iran, et rien non plus sur son soutien aux surveillances illégales, et son acharnement contre les lanceurs d’alertes.

Murray posa une question « osée ». Mme Clinton avait-elle pardonné à Monica Lewinsky d’avoir eu une affaire avec son mari ? « Le pardon est un choix », répondit Mme Clinton, « pour moi ce fut le bon choix ». Cela nous rappelle que dans les années 90 et pendant la période secouée par le scandale « Lewinsky », le président Bill Clinton envahissait Haïti et bombardait les Balkans, l’Afrique et l’Irak. Il détruisait aussi les vies d’innombrables enfants Irakiens ; L’Unicef rapporte la mort d’un demi-million d’enfants Irakiens de moins de 5 ans, en conséquence de l’embargo mis en place par les USA et la Grande-Bretagne.

Ces enfants furent ignorés par les médias, tout comme les victimes des invasions soutenues par Hillary Clinton – l’Afghanistan, L’Irak, le Yémen, la Somalie – sont ignorés par les médias. Murray n’y fit jamais allusion. Une photo d’elle et de son invité de marque fut mise en avant sur le site de la BBC.

En politique, comme dans le journalisme et dans les arts, il semblerait que la contestation autrefois tolérée dans les médias mainstream se soit abaissée à un simple désaccord : un sous-sol métaphorique. Quand j’ai commencé ma carrière à Fleet Street en Angleterre dans les années 60, il était acceptable de critiquer fortement le pouvoir occidental. Il suffit de lire le rapport de James Cameron sur les explosions des bombes à hydrogène à l’atoll Bikini, où celui sur la guerre de Corée et sur le bombardement américain du Nord-Vietnam. La grande illusion de notre époque est ce mythe de l’ère de l’information, alors qu’en vérité nous vivons à une époque où la propagande des multinationales et du monde de l’entreprise est insidieuse, contagieuse, efficace et libérale.

Dans son essai de 1859 « De la liberté », auxquels les libéraux modernes rendent hommage, John Stuart Mill écrivait :

« Le despotisme est un mode de gouvernement légitime si l’on a affaire à des barbares, à condition que le but soit leur amélioration, et les moyens sont justifiés par l’accomplissement effectif de ce programme. »

Les « barbares » étaient de larges sections de l’humanité dont « l’obéissance implicite » était exigée.

« C’est un mythe utile et commode de croire que les libéraux sont pacifistes et les conservateurs belliqueux », écrivait l’historien Hywel Wiliams en 2001, « mais il est possible que l’impérialisme du libéralisme soit plus dangereux de par sa nature explicite : sa conviction qu’il représente une forme supérieure de vie ». Il avait en tête un discours de Tony Blair dans lequel l’ex premier ministre promettait de « remettre de l’ordre dans le monde autour de nous » selon ses propres « valeurs morales ».

Richard Falk, autorité reconnu sur la loi internationale et rapporteur spécial de l’ONU sur la Palestine, a décrit une « bien-pensance, unilatérale, un écran légal/moral avec des images positives des valeurs occidentales et de l’innocence dépeinte comme menacée, justifiant une campagne de violence politique sans restriction ». Et « largement acceptée au point d’en devenir virtuellement incontestable. »

Favoritisme et mandature récompensent les gardiens. Sur la Radio 4 de la BBC, Razia Iqbal reçut Toni Morrison, la lauréate Afro-Américaine du prix Nobel. Morrison se demandait pourquoi les gens étaient « si énervés » contre Barack Obama, qui était pourtant « cool » et souhaitait seulement construire une « économie et un système de sécurité sociale solide ». Morrison était fière d’avoir parlé au téléphone avec son héros, qui se trouvait avoir lu un de ses livres et l’avait invité lors de sa prise de fonction.

Ni elle ni la présentatrice n’évoquèrent les 7 guerres d’Obama, dont sa campagne de terreur par drones, à cause de laquelle des familles entières, leurs secouristes et leurs proches furent assassinés. La seule chose qui semblait avoir de l’importance était qu’un homme de couleur « qui s’exprime bien » s’était élevé au plus haut échelon de l’échelle du pouvoir. Dans « Les damnés de la terre », Frantz Fanon écrivait que « la mission historique » des colonisés était de servir de « ligne de transmission » aux dirigeants et autres oppresseurs. A notre époque, l’utilisation des différences ethniques par le pouvoir occidental et ses systèmes de propagandes est perçue comme essentiel. Obama incarne parfaitement cette idée, bien que le cabinet présidentiel de George W. Bush – sa clique belliciste – ait été le cabinet le plus multiracial de l’histoire présidentielle.

Alors que la cité Irakienne de Mosul tombait aux mains des djihadistes d’ISIS, Obama fit la déclaration suivante : « Le peuple américain a beaucoup investi et sacrifié afin que les Irakiens aient l’opportunité de se choisir une meilleure destinée ». À quel point ce mensonge est-il « cool » ? À quel point s’est-il « bien exprimé » lors de son discours à l’académie militaire de West Point le 28 mai ? Lors de son discours sur « l’Etat du monde » à la cérémonie de remise des diplômes de ceux qui « vont prendre la direction des Etats-Unis » à travers le monde, Obama déclara que : « Les Etats-Unis utiliseront la force militaire, unilatéralement s’il le faut, quand nos intérêts seront menacés. L’opinion internationale compte, mais l’Amérique ne demandera jamais la permission… »

En répudiant la loi internationale et le droit de souveraineté des nations, le président américain s’octroie un droit divin basé sur la puissance de son « indispensable nation ». C’est un message d’impunité impériale familier, bien que toujours étonnant à entendre. Evoquant la montée du fascisme des années 30, Obama a dit « Je crois en l’exceptionnalité Américaine de tout mon être ». L’historien Norman Pollack écrivait « Au lieu de ceux qui marchent au pas, on substitue l’apparemment inoffensive militarisation de la culture. Et au lieu du leader grandiloquent, nous avons le réformateur manqué, qui travaille allègrement, planifie et exécute des assassinats, tout en souriant ».

En février, les USA préparaient un de leurs coups d’états contre le gouvernement élu d’Ukraine, en exploitant de véritables protestations contre la corruption à Kiev. La conseillère nationale à la sécurité d’Obama Victoria Nuland sélectionna personnellement le leader d’un « gouvernement d’intérim ». Elle le surnomma « Yats ». Le Vice-Président Joe Biden se rendit à Kiev, tout comme le directeur de la CIA John Brennan. Les troupes de choc de leur putsch étaient des fascistes Ukrainiens.

Pour la première fois depuis 1945, un parti Néo-Nazi ouvertement antisémite contrôle des secteurs clés du pouvoir étatique d’une capitale européenne. Aucun leader européen n’a condamné cette résurgence fasciste près de la frontière où l’invasion des Nazis d’Hitler couta la vie à plusieurs millions de Russes. Ils étaient soutenus par l’UPA, une armée d’insurgés Ukrainiens, responsable de massacres de juifs et de russes qu’ils appelaient « la vermine ». L’UPA est l’inspiration historique du parti actuel Svoboda et de leurs compagnons de droite. Oleh Tyahnybok, leader de Svoboda a appelé à une purge de « la mafia Mosco-Juive » et des « autres vermines », dont les gays, les féministes et tous ceux de gauche.

Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, les USA ont entouré la Russie de bases militaires, d’avions de guerre et de missiles nucléaires, suivant le projet d’élargissement de l’OTAN. Reniant la promesse faite au président soviétique Mikhail Gorbatchev en 1990 de na pas étendre l’OTAN « d’un centimètre vers l’Est », L’OTAN occupe militairement l’Europe de l’Est. Dans l’ancien Caucase soviétique, l’expansion de l’OTAN est le plus important chantier militaire depuis la seconde Guerre Mondiale.

Le cadeau de Washington au régime issu du coup d’état à Kiev est un plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN. En Août, l’opération « Rapid Trident » placera les troupes américaines et britanniques à la frontière entre la Russie et L’Ukraine et l’opération « Sea Breeze » placera des navires de guerre américains en vue de ports russes. Imaginer les conséquences si ces actes de provocations, ou d’intimidations, s’effectuaient contre les Etats-Unis.

En récupérant la Crimée – que Nikita Krutchev avait illégalement détachée de la Russie en 1954 – les russes se défendent comme ils l’ont fait depuis presque un siècle. Plus de 90% de la population de la Crimée a voté pour le rattachement à la Russie. La Crimée c’est aussi la base navale de la mer noire, et sa perte signifierait la mort de la flotte Russe et un trésor pour l’OTAN. Semant la confusion au sein des parties belliqueux de Kiev et de Washington, Vladimir Putin retira les troupes russes de la frontière ukrainienne et urgea les ethnies russes de l’Est de l’Ukraine d’abandonner le séparatisme.

Suivant une logique Orwellienne, cela a été traduit à l’Ouest par « la menace Russe ». Hillary Clinton compara Poutine à Hitler. Sans ironie aucune, les commentateurs d’extrême-droite allemands firent de même. Dans les médias, les Néo-Nazis Ukrainiens ne sont plus que des « nationalistes » ou « ultra-nationalistes ». Ils ont peur que Poutine soit habilement en quête d’une solution diplomatique, et qu’il réussisse. Le 27 juin, en réponse au compromis de Poutine– sa requête devant le parlement Russe de révoquer la législation qui lui avait octroyé le pouvoir d’intervenir en faveur des ethnies russes d’Ukraine – le secrétaire d’état John Kerry publia un autre de ses ultimatums. La Russie doit « agir dans les prochaines heures, littéralement » pour mettre un terme à la révolte en Ukraine de l’Est. Nonobstant le fait que Kerry soit largement considéré comme un guignol, le propos sérieux de ces « avertissements » est de conférer le statut de paria à la Russie et de faire écran de fumée aux nouvelles de Kiev et de la guerre que mène le régime intérimaire contre son propre peuple.

Un tiers de la population Ukrainienne est Russophone et bilingue. Ils souhaitent depuis longtemps la naissance d’une fédération démocratique qui reflèterait la diversité ethnique Ukrainienne et qui serait autonome et indépendante de Moscou. La plupart ne sont ni « séparatistes » ni « rebelles » mais des citoyens qui veulent vivre en paix sur leur terre natale. Le séparatisme est une réaction à l’attaque la junte de Kiev sur ces mêmes citoyens, causant l’exode de plus de 110 000 d’entre eux (estimation de l’ONU) vers la Russie. Pour la plupart, des femmes et des enfants traumatisés.

Comme les enfants de l’embargo irakien, et les femmes et les jeunes filles « libérées » d’Afghanistan, terrorisés par les seigneurs de guerre de la CIA, ces ethnies d’Ukraine ne sont pas les bienvenus dans les médias occidentaux, leurs souffrances et les atrocités auxquelles elles sont soumises sont minimisées, ou passées sous silence. L’intensité de l’assaut mené par le régime n’est pas retransmise par les médias occidentaux mainstream. Ce n’est pas une première. En relisant le chef d’œuvre de Phillip Knightley « Première victime : le correspondant de guerre comme héros, propagandiste et faiseur de mythes », je renouvelle mon admiration pour le journaliste du Guardian Philips Price, le seul reporter occidental à être resté en Russie pendant la révolution de 1917 et à avoir rapporté la vérité sur les invasions désastreuses des alliés occidentaux. Objectif et courageux, Philips Price à lui seul dérange ce que Knightley appelle un « silence sombre » antirusse en occident.

Le 2 Mai, à Odessa, 41 ukrainiens d’origines russes furent brulés vivant dans le QG des syndicats, sous les yeux de la police qui regardait sans rien faire. Il y a de nombreuses preuves vidéo sans équivoque. Le dirigeant de droite Dmytro Yarosh a dit de ce massacre qu’il était « un jour glorieux pour l’histoire de la nation ». Dans les médias américains et britanniques, ceci fut présenté comme une « sombre tragédie » résultant d’affrontements entre « nationalistes » (Néo-Nazis) et « séparatistes » (des gens collectant des signatures pour un référendum pour une Ukraine fédérale). Le New York Times passa cela sous silence, ayant classé comme propagande russe les avertissements sur les politiques fascistes et antisémites des nouveaux clients de Washington. Le Wall Street journal a maudit les victimes – « Un incendie ukrainien mortel probablement l’œuvre des rebelles, selon le gouvernement ». Obama félicita la junte pour sa « retenue ».

Le 28 juin, le Guardian dévoua une quasi pleine-page aux déclarations du « président » du régime de Kiev, l’oligarque Petro Poroshenko. Encore une fois, la règle Orwellienne d’inversion s’appliqua. Il n’y avait pas eu de putsch ; pas de guerre contre les minorités ethniques ; les Russes étaient à blâmer pour tout. « Nous voulons moderniser mon pays » écrivit Poroshenko. « Nous voulons introduire la liberté, la démocratie et les valeurs européennes. Quelqu’un n’aime pas ça. Quelqu’un ne nous aime pas pour cela. »

A la lecture de son article, le reporter du Guardian, Luke Harding, n’a jamais questionné ces affirmations, ou mentionné les atrocités d’Odessa, les attaques aériennes et de l’artillerie du régime sur des zones résidentielles, le meurtre et le kidnapping de journalistes, les incendies des journaux d’opposition, et la menace de « libérer l’Ukraine des poussières et des parasites ». Les ennemis sont « des rebelles », des « militants », des « insurgés », des « terroristes » et des larbins du Kremlin. Allez chercher dans les archives de l’histoire les fantômes du Vietnam, du Chili, du Timor-Est, d’Afrique du Sud, d’Irak, vous remarquerez les mêmes qualificatifs. La Palestine est la pierre angulaire de cette escroquerie sans fin. Le 11 juillet, à la suite des derniers massacres à Gaza, commis par les Israéliens, équipés par les Américains – 80 personnes dont 6 enfants de la même famille – un général Israélien écrivait dans le Guardian, le titre de son article : « Une démonstration de force nécessaire ».

Dans les années 70, j’ai rencontré Leni Riefenstahl et je lui ai posé des questions sur ses films qui glorifiaient les Nazis. À l’aide de caméras révolutionnaires et de techniques d’éclairages, elle a produit une sorte de documentaire qui hypnotisa les allemands ; son film « le triomphe de la volonté » est réputé avoir scellé le destin d’Hitler. Je lui ai posé des questions sur la propagande des sociétés qui s’estimaient supérieures. Elle répliqua que « les messages » dans ses films ne dépendaient pas « d’ordres venant d’en haut » mais d’un « vide de soumission » au sein de la population germanique. « Cela inclut-il la bourgeoisie libérale et éduquée ? » ai-je demandé, « tout le monde » m’a-t-elle répondu, « et bien sur l’intelligentsia ».

John Pilger (Traduis de l’anglais Nicolas CASAUX du 4eme Singe)

Vous trouverez la version anglaise ici

Source : Le Grand Soir

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-le-retour-de-la-guerre-de-george-orwell-et-big-brother-en-palestine-lukraine-et-la-verite-par-john-pilger/


Revue de presse internationale du 10/08/2014

Sunday 10 August 2014 at 00:01

Une revue internationale aux thématiques très variées. Un grand merci aux travailleurs de l’été !

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-10-08-2014/


[Vidéo] Conférence de Pierre Hillard sur le Mondialisme et la Crise ukrainienne

Saturday 9 August 2014 at 05:00

Une intéressante conférence ( à 1 ou 2 points près…) de Pierre Hillard à Berlin (dont je suis loin de partager toutes les positions, mais peu importe, je me limite ici à cette seule conférence dont 90 % est intéressant), en mai 2014 :

Source: http://www.les-crises.fr/conference-de-pierre-hillard-sur-le-mondialisme-et-la-crise-ukrainienne/


Ukraine : les trois options de Poutine, par Zbigniew Brzezinski

Saturday 9 August 2014 at 03:09

Tribune de Zbigniew Brzezinski parue le 8 juillet. Il est important de connaitre sa vision, au vu de son influence. Incroyable de le voir parler de “fanatisme chauvin”…

 Zbigniew Brzezinski a été conseiller à la sécurité nationale des Etats -Unis de 1977 à 1981. Ce texte est extrait de la déposition qu’il doit faire devant la commission des affaires étrangères du Sénat des Etats-Unis ce mercredi [9 juillet].

Plus de trois mois se sont écoulés depuis le discours triomphaliste de Vladimir Poutine au parlement russe. Dans une débauche de chauvinisme, il se réjouissait alors de l’annexion militaire de la Crimée. Poutine savourait clairement l’enthousiasme du moment sans se préoccuper apparemment des conséquences stratégiques à long terme de ce qu’il avait déclenché.
Trois mois plus tard, au vu du coût international croissant pour la Russie et sur fond d’incertitude persistante quant à l’avenir des relations russo-ukrainiennes, Poutine est confronté à trois choix fondamentaux:
1. Il pourrait rechercher un compromis avec l’Ukraine en mettant fin aux attaques portées à sa souveraineté et à son bien-être économique. Cela requerrait de la sagesse et de la persévérance tant de la part de la Russie que de la part de l’Ukraine et de l’Occident. Un tel compromis devrait comprendre l’arrêt des efforts russes pour déstabiliser l’Ukraine de l’intérieur, mettant ainsi fin à toute menace d’invasion à plus grande échelle, et une sorte d’arrangement entre l’Est et l’Ouest conduisant la Russie à accepter tacitement de voir l’Ukraine se mettre en marche sur le long chemin menant à son éventuelle adhésion à l’Union Européenne. Dans le même temps, il devrait être précisé clairement que l’Ukraine ne recherchera pas son adhésion à l’OTAN, et que  l’Occident ne l’envisagera pas non plus. Il est compréhensible qu’une telle perspective puisse inquiéter la Russie.
De plus, il serait précisé de la même manière de façon claire que la Russie n’attendra plus de l’Ukraine qu’elle rejoigne « l’Union Eurasiatique », organisation masquant à peine la reconstruction de quelque chose se rapprochant de l’ancienne Union Soviétique ou de l’empire tsariste. Cela ne devrait toutefois pas empêcher  un accord commercial russo-ukrainien, sachant que les deux pays peuvent profiter de l’accroissement de leur coopération en matière commerciale et financière.
La communauté internationale pourrait renouveler son soutien à cette solution et au retour à des relations plus normalisées avec la Russie elle-même, incluant la levée des sanctions.
2. Poutine pourrait continuer à soutenir une intervention militaire à peine voilée destinée à déstabiliser plusieurs parties de l’Ukraine. Si la Russie venait à continuer sur cette voie, il est évident que l’Occident devrait engager des sanctions prolongées et véritablement punitives afin de reporter sur la Russie les conséquences douloureuses de sa violation de la souveraineté ukrainienne. Cette issue malheureuse ferait très probablement deux victimes en Europe de l’Est : d’une part l’Ukraine, en raison des actions destructrices de la Russie ; et d’autre part la Russie elle-même.
3. Poutine pourrait envahir l’Ukraine, en s’appuyant sur le potentiel militaire beaucoup plus important de la Russie. Une telle action, cependant, non seulement déclencherait des représailles immédiates de la part de l’Occident, mais pourrait également soulever une résistance ukrainienne. Si une telle résistance s’avérait durable et intense, il y aurait une pression croissante sur les membres de l’OTAN pour soutenir les Ukrainiens de différentes manières, rendant le conflit beaucoup plus coûteux pour l’agresseur.
Pour le Kremlin, la conséquence de cette troisième option serait non seulement l’hostilité permanente de 40 millions d’ukrainiens mais aussi une Russie isolée politiquement et économiquement, qui ferait face à un risque accru de troubles internes.
Le bon choix est évidemment de trouver un compromis, qui doit inclure l’abandon par la Russie de l’utilisation de la force contre l’Ukraine. La question de la Crimée restera  non-résolue pour le moment, mais servira à rappeler durablement que le fanatisme chauvin n’est pas le meilleur point de départ pour résoudre des problèmes complexes. C’est pourquoi les actions de Poutine sont une menace non seulement pour l’Occident mais, en fin de compte, pour la Russie elle-même .

 

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-les-trois-options-de-poutine-par-zbigniew-brzezinski/


Revue de presse du 09/08/2014

Saturday 9 August 2014 at 00:01

La crise bancaire est terminée (bien entendu), l’austérité mène à la croissance en Europe (évidemment), l’Allemagne et l’Angleterre exemplaires (si, si !), nos parlementaires gesticulent (…), les seules prises de positions intéressantes nous viennent des BRICS. Et Sénèque dans tout ça ? Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-09-08-2014/