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La doctrine Schulz : Regime change à Varsovie – et réactions…

Monday 18 January 2016 at 01:18

Le niveau de crétinisme des dirigeants de nos jours est vraiment impressionnant…

La doctrine Schulz : Regime change à Varsovie

Source : Philippe Grasset, pour De Defensa, le 11 janvier 2016.

Le président du Parlement Européen, l’Allemand Martin Schulz, est bien une sorte de missile de croisière à tête semi-nucléaire de Merkel et accessoirement de l’UE, visage de l’Allemagne démocratique-et-européenne ayant mis au pas la Grèce et s’apprêtant à faire de même avec la Pologne. Sa doctrine est toujours la même, avec une référence évidente à l’esprit : regime changeLe 3 juillet 2015, nous notions ses interventions à propos de la Grèce qui allait voter par référendum, vainement d’ailleurs, dans un sens insatisfaisant pour le duumvirat Merkel-UE :

« Dans une interview au quotidien économique allemand Handelsblatt, Schulz espère 1) la victoire du “oui” en Grèce, ce qui n’est pas trop méchant dans le climat ambiant, 2) la démission immédiate du gouvernement Tsipras, ce qui est plus précis mais pas exceptionnel, et 3) son remplacement immédiat par un gouvernement de technocrates. Ce point (3) inaugure directement, officiellement à ce haut niveau politique et d’une façon bien plus claire le doctrine européistetype-IVème Reich du regime change. Plus de gouvernement démissionnaire quoique majoritaire à l’Assemblée expédiant les affaires courantes, mais son remplacement immédiat. Par qui, puisque Syriza est majoritaire ? Par la voie constitutionnelle shulzienne, certes… »

Bien, comme chacun sait la Grèce est une affaire pliée, à la grande satisfaction de la volonté des peuples et dans le triomphe social et économique que l’on sait. Maintenant, il y a la Pologne, comme l’on sait également. Schulz est donc parti en croisade, avec tout le culot et l’arrogance qu’on lui connaît, à la fois ceux de l’Allemagne merkélienne et ceux de l’Europe standardisée. Ses interventions sont aussi impudentes et ahurissantes qu’elles l’étaient avec les Grecs, tandis que les parlementaires de la CDU de Merkel plaident pour des sanctions “européennes” contre la Pologne. Il s’agit donc d’une attaque concertée,dont on observera aussitôt qu’elle est beaucoup plus nettement allemande qu’européenne que dans le cas grec. (Par exemple, Juncker, président de la Commission, a déclaré le 8 janvier qu’il ne fallait pas “dramatiser” le conflit avec la Pologne, portant sur le contrôle des médias par le gouvernement, qu’il fallait éviter les sanctions, au contraire des députés de la CDU, parlant deux jours après Juncker.)

Ce qui est remarquable dans le cas de Schulz, et montre bien l’intention allemande, – Schulz n’agit pas sans l’aval de Merkel, – de véritablement réduire la Pologne, c’est qu’il recommence le même coup à 25 jours d’intervalle. L’impudence et l’arrogance sont manifestement soutenues par une volonté de provocation qui en dit long sur la volonté allemande, et déploie dans toute sa pseudo-sublimité la fine politique de cette grande nation au gouvernail de l’Europe : tout céder aux pressions de la globalisation, du Système si vous voulez (les USA, les migrants, le TTIP), être aussi dur que tel ou tel chancelier à la Croix-de-fer pour ce qui concerne les pays et courants européens affichant des velléités de souveraineté et d’indépendance (la Grèce, la Pologne, la posture anti-Russie). Il est difficile de trouver une démonstration plus convaincante du caractère veule de la politique allemande, – soumise face aux puissances diverses, impitoyables pour les plus faibles, – présentée pourtant par certains comme un modèle ; c’est dans tous les cas un reflet acceptable de l’époque

Les deux interventions de Schulz méritent quelques petites illustrations. Ce sont des modèles de grossièreté, d’ingérence et d’irrespect, parfaitement dans le même esprit que ce qui avait été manifesté vis-à-vis de la Grèce. Le même impérialisme de communication, le même mépris pour les principes fondamentaux, tout cela qui fait mesurer une fois de plus ce que vaut “leur-Europe”, sorte de Reich, quatrième du nom, mis au goût du jour…

• Le 15 décembre 2015, Shulz suggérait de façon directe et sans la moindre précaution de langage que des mesures prises par le nouveau gouvernement polonais issu des élections d’octobre et de la victoire du PiS ne constituaient rien de moins qu’un “coup d’État”. La réaction polonaise, notamment de la nouvelle Premier ministre Beata Szydlo, fut évidemment très vive ; les Polonais parlent, sans trop forcer la vérité, de l’“arrogance allemande”. Le porte-parole de Schulz a précisé ensuite, aimablement, qu’il ne s’agissait de la part de son employeur, non pas d’un jugement définitif mais d’une préoccupation concernant l’application des “principes fondateurs” (nous dirions, nous : “des valeurs opérationnelles”) de la règle de la Loi de l’UE. Schulz exprime ses “préoccupations” sous une forme très remarquable.

« A row has broken out after the German President of the European Parliament described the new government in Warsaw of staging a “coup d’État” by making changes to its constitutional court, in an unusual diplomatic intervention. The European Parliament president, Martin Schultz told Germany’s Deutschlandfunk radio station: “What is happening in Poland has the character of a coup d’état and is dramatic. I assume that this week or in January at the latest we will have to discuss this extensively in the European parliament.”

» His remarks, which are diplomatically-speaking outré, brought immediate condemnations from the highest levels in Warsaw, with Prime Minister Beata Szydlo describing them as “unacceptable” and demanding an apology. Her foreign minister, Witold Waszczykowski said Schultz’s remarks were “unfounded and therefore irresponsible” and called on Poland’s ambassador to the EU to meet with the European Parliament president. “He should at least know that Poland has recently seen a free and democratic election whose results are undisputed, and that now in Poland, as in many other democratic countries, we are simply having a normal political debate about institutional solutions,” said Waszczykowski. Schultz’s remarks were “scandalous” and “another example of German arrogance.” »

• Hier, 10 janvier 2016, Shulz remet cela, cette fois avançant jusqu’à l’insulte suprême dans le chef d’un politicien allemand aussi borné et standard (pléonasme), dans le choix de la dialectique-Système : l’accusation de la “poutinisation” de la politique européenne de la Pologne (par subordination de l’État au Parti, comme au bon vieux temps).

« European Parliament Chief has repeatedly accused the Polish government of subordinating the interests of the state to those of the winning party, referring to the constitutional crisis in Poland. He specifically termed it the “Putinization of European politics,” but ruled out that his comments represent an interference into the internal affairs. “The Polish government considers its [October] election victory a mandate to subordinate the interests of the state to the interests of the winning party,” Schulz told Germany’s Frankfurter Allgemeine Zeitung, according the paper’s website. “That’s democracy carried out in the style of [Russian leader Vladimir] Putin and a dangerous ‘Putinization’ of European politics,” Schulz added, as quoted by the website. »

• On ajoutera une intervention polonaise, hier également, une réponse à une “proposition” du 3 janvier, de la Commission européenne, du Commissaire européen à l’Economie et à la Société Numérique, de mettre la Pologne “sous surveillance”. Bien entendu, le commissaire, Günther Oettinger, est Allemand, ce qui représente la position allemande à l’intérieur de la Commission, également aussi dure que ce l’on a vu précédemment. Le ministre polonais de la Justice Zbigniew Ziobro a répondu hier à Oettinger, sur RadioPolsha.pl :

« Vous voulez mettre la Pologne sous surveillance. De tels mots prononcés par un homme politique allemand provoquent les pires des associations chez les Polonais, y compris chez moi. Je suis le petit-fils d’un officier polonais qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale contre la “surveillance allemande” dans les rangs de l’Armia Krajowa[armée de résistance polonaise pendant l’occupation allemande] »

De tout cela, il ressort que l’offensive contre le gouvernement polonais, eurosceptique, ultra-nationaliste, est d’une extraordinaire vigueur, qu’elle est même provocatrice et à la limite de la maladresse par sa brutalité. Il faut répéter qu’en plus de cela, ou bien est-ce ceci expliquant cela, elle est essentiellement, indirectement ou pas, allemande beaucoup plus qu’européenne. D’une certaine façon, l’offensive est beaucoup plus brutale, du point de vue de la communication et dans la chronologie, que contre le gouvernement Tsipras, il y a un an, en Grèce. Il y a là une marque, non pas de force mais de faiblesse, de la part de la direction allemande, parce que cette brutalité est inutile et contre-productive en soi. Il faut donc chercher une explication complémentaire que la seule sottise aveugle, la seule lourdeur disons, que l’on trouve dans la crise migratoire qui a pris des proportions épiques avec l’affaire du “Jour de l’An à Cologne”, qui concerne d’ailleurs beaucoup plus que Cologne, et même plus que l’Allemagne seule. Mais il n’y a que l’Allemagne, c’est-à-dire essentiellement Merkel, avec ses prétentions hégémoniques en Europe par les seules voies dont dispose cette énorme puissance de faux-semblant qu’est ce pays, qui sont celle de l’oppression économique et de l’agression de communication, il n’y a que l’Allemagne qui se trouve dans une position excessivement délicate à cause de cette crise des migrants.

L’Allemagne est d’autant plus dans cette position délicate qu’on observe que les suites de Cologne alimentent de plus en plus la narrative d’une organisation concerté, type-Daesh, pour expliquer les diverses violences et troubles collectifs sur la voie publique qui ont eu lieu. C’est donner à cette affaire une coloration extrêmement polémique, où Merkel peut se trouver accusée d’avoir, par démagogie et tendance sociétale si en vogue aujourd’hui (en plus d’éventuelles faveurs du patronat allemand), favorisé l’installation massive dans son pays d’un dispositif de déstabilisation de l’organisation terroriste, propre à produire tous les arguments qu’on veut pour mettre le gouvernement allemand dans une position très périlleuse. Par exemple, le site Bruxelles-2, pourtant d’excellente réputation européenne, écrit hier 10 janvier, sous le titre « Cologne. Un simple dérapage ou une nouvelle méthode d’intimidation ? » : « Les évènements survenus à la gare principale (HauptBahnhof) de Cologne dans la soirée du Nouvel an interpellent. S’agit-il juste d’un dérapage collectif de quelques individus, un peu éméchés, ou excités. Ou de quelque chose d’un peu plus organisée, orchestrée, par des mouvements qui ont intérêt à la déstabilisation ? Certains indices incitent à pencher en ce sens ou du moins à se méfier de toute leçon trop rapidement tirée et de s’interroger… » (Etc.)

C’est dans ce contexte qu’on ne peut faire autrement que lier les évènements autour de Cologne et l’offensive contre la Pologne, avec Shulz comme porte-flingue. Ainsi l’attaque provocatrice de Schulz d’hier, en même temps que les démarches européennes sous pressions allemandes venues depuis le 1er janvier, ont-elles une autre dimension et une autre signification que tout ce qui s’est passé contre la Pologne avant la fin de l’année. On remarque que le contenu de l’attaque du Schulz a changé, entre le 15 décembre et le 10 janvier, en passant des critiques théoriques à une dénonciation opérationnelle bien plus polémique, place la Pologne sur la trajectoire d’être très vite accusée de complicité, sinon de vassalité vis-à-vis de la Russie poutinienne, – ce qui est un comble et un paradoxe à bien des égards, notamment si l’on songe à l’antirussisme exacerbé du PiS des jumeaux, ou du jumeau restant Kaczynski.

Cela peut conduire à des extrêmes tout à fait instructifs : l’Allemagne en arriverait-elle, dans sa marche échevelée à une hégémonie qui produit en même temps une faiblesse et une vulnérabilité considérables, à placer la Pologne devant des choix extraordinaires : ou bien se soumettre complètement au diktat allemand à peine européanisé ou bien faire effectuer à sa politique un tournant à 180° en se tournant vers la Russie qu’elle fait pourtant profession de détester et contre laquelle elle s’es battue avec fureur lors de la crise ukrainienne ?… Là-dessus, encore, que faire et que dire des relations de tous ces pays avec l’OTAN et les USA, alors que les USA tiennent absolument à garder leur mainmise sur la Pologne et alors qu’ils ont sans aucun doute de très forts moyens de pression sur l’Allemagne (la chancelière en saitquelque chose) ; et alors (suite), que la campagne électorale bat son plein USA, avec un favori qui se dit ami de Poutine et qui n’apprécie certainement pas la politique de “portes ouvertes” à l’immigration musulmane de Merkel ?


Sur fond de tension, un magazine polonais montre Angela Merkel et des dirigeants européens en nazi

Source : Russia Today France, le 12 janvier 2016.

Capture d'écran Twitter de la couverture du magazine polonais Wpost

Capture d’écran Twitter de la couverture du magazine polonais Wpost

Les relations entre Bruxelles et la Pologne se sont encore détériorées après qu’un magazine polonais ait publié en couverture un montage de cinq leaders politiques européens dont la chancelière Angela Merkel avec des uniformes nazis.

Le sous-titre est également explicite : «Ces gens veulent à nouveau contrôler la Pologne». L’image retouchée sur la couverture de l’hebdomadaire populaire Wprost montre la chancelière allemande, le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du parlement européen, Martin Schulz, le commissaire de l’UE Günther Oettinger et l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt. Ils sont en train de regarder une carte, faisant écho à une photo de guerre d’Adolf Hitler et ses généraux.

Une image «outrageuse»

Le député européen Guy Verhofstadt qui est à la tête du groupe libéral Alde au parlement de l’UE a réagit estimant cette image «outrageuse», ajoutant que l’UE était une «communauté de valeurs» et que c’était «le devoir de tout le monde, commissaires, chanceliers ou non, d’élever la voix quand un gouvernement compromet ces principes et attaques les institutions démocratiques».

Martin Schulz a très vivement critiqué le parti conservateur polonais au pouvoir, le Parti catholique droit et justice (PIS) après que le contrôle du gouvernement ait considérablement renforcé son contrôle sur la Cour constitutionnelle, la fonction publique et la radio et la télévision publique polonais. Le commissaire européen au Numérique, l’Allemand Günther Oettinger, avait également menacé Varsovie d’enclencher une procédure inédite pour violation des valeurs fondamentales de l’UE.

Source: http://www.les-crises.fr/la-doctrine-schulz-regime-change-a-varsovie/


Matteo Renzi : le temps est venu de tourner la page à Bruxelles…

Monday 18 January 2016 at 00:30

Source : Boursorama, 16-01-2016

Le Premier ministre italien Matteo Renzi le 13 janvier 2016 à Rome ( AFP/Archives / ANDREAS SOLARO )

Le torchon brûle entre le chef du gouvernement italien Matteo Renzi et la Commission européenne autour de la flexibilité budgétaire et de la crise migratoire, sur fond de différends plus profond entre Rome et Berlin.

L’escarmouche, qui a eu lieu vendredi avec le président de la Commission Jean-Claude Juncker, a été sans précédent: “L’Italie mérite le respect” et “ne se laisse pas intimider”, a grondé le président du Conseil Matteo Renzi. Sur la chaîne Canale 5, M. Renzi, très remonté, a assuré que la flexibilité budgétaire qu’il juge nécessaire pour stimuler la croissance dans l’UE avait été acceptée “après que l’Italie l’a réclamée de manière très très insistante”.

“La flexibilité, c’est moi qui l’ai introduite, pas lui. J’ai beaucoup de respect pour le président du Conseil, mais il a tort d’offenser la Commission européenne”, avait lancé auparavant le président luxembourgeois de la Commission.

Demandant à Bruxelles mais aussi à Berlin, première puissance économique en Europe, une politique communautaire qui “pense plus à l’emploi et moins à l’austérité et aux règles de fer du budget”, M. Renzi entend se poser en représentant d’un Etat fort, troisième puissance de la zone euro, et non plus de celui d’un maillon faible de l’Europe des 28.

“J’ai l’honneur de diriger un grand pays qui donne beaucoup d’argent à Bruxelles (…) Si quelqu’un regrette l’époque où l’on pouvait dicter depuis Bruxelles sa ligne (de conduite) à Rome, télécommander Rome, ce temps n’est plus. Le temps où l’Italie devait faire ses devoirs à la maison est fini, nous avons accompli nos réformes et nous demandons à tous le respect. Le temps où l’Italie allait à Bruxelles le chapeau à la main n’a plus cours”, a ajouté M. Renzi.

–Sensation d’un axe Bruxelles-Berlin –

Selon les éditoriaux de la presse italienne, le mécontentement de M. Renzi s’explique par le sentiment d’une alliance entre Bruxelles et Berlin et s’adresse aussi et surtout à la chancelière Angela Merkel.

D’après le quotidien Il Messaggero, M. Renzi aurait déclaré à ses conseillers: “le temps est venu de tourner la page à Bruxelles. Nous sommes fatigués que ce soit toujours les mêmes qui y commandent, autrement dit Berlin“.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker le 15 janvier 2016 à Bruxelles ( AFP / EMMANUEL DUNAND )

Dans la loi de stabilité pour 2016, sous le chapitre “flexibilité”, l’Italie a obtenu l’équivalent de 0,4% du Produit intérieur brut (PIL) en contrepartie de ses réformes structurelles. Elle s’est vu aussi promettre 0,2% supplémentaires pour les “circonstances exceptionnelles” (l’urgence migratoire notamment). Mais la Commission temporise et a renvoyé sa décision en avril.

M. Renzi réagit à d’autres critiques qui se sont accumulées ces derniers mois: celles de la Commission –et de Berlin– sur la faillite des services d’immigration italiens à prendre efficacement les empreintes digitales des immigrés à leur débarquement en Italie, ce qui permet à beaucoup d’entre eux de partir vers l’Europe du Nord.

De même, le blocage par la chancelière allemande d’un projet de garantie européenne des dépôts en cas de faillite bancaire, avait fait sortir de ses gonds M. Renzi lors d’un sommet européen en décembre: “Faire croire que l’Allemagne est le donneur de sang de l’Europe, vu de l’extérieur, ce n’est pas la réalité”, avait-il lancé.

L’Italie freine du coup sur l’octroi de trois milliards d’euros d’aide européenne à la Turquie, demandée par Berlin, pour aider Ankara à accueillir sur son sol les migrants syriens qui, sinon, risquent de rejoindre l’Allemagne. Pour Rome, des sommes devraient d’abord être trouvées dans les budgets communautaires, avant de mettre à nouveau à contribution les Etats membres.

D’autres différents plombent les relations avec Berlin et Bruxelles, comme les mécanismes qui permettent d’assainir les créances des banques ou le projet Nord Stream 2 de gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, critiqué par M. Renzi.

Dans un langage plus diplomatique que M. Renzi, le ministre de l’Economie, Pier Carlo Padoan, a expliqué vendredi que le gouvernement italien n’avait “aucunement l’intention d’offenser quiconque, et surtout pas la Commission”. Mais, a-t-il ajouté, “nous avons des droits équivalents aux autres pays et nous entendons être écoutés”.

Source : Boursorama, 16-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/matteo-renzi-le-temps-est-venu-de-tourner-la-page-a-bruxelles/


[Vidéo] Les quatre cavaliers (avec Noam Chomsky, Joseph Stiglitz, John Perkins, etc.)

Sunday 17 January 2016 at 04:44

Source : Le Partage, 14-01-2016

Les quatre cavaliers (« Four Horsemen ») est un film indépendant de 2012 réalisé par Ross Ashcroft, qui dévoile les rouages du système économique dominant actuellement la planète. La croissance infinie et la recherche du profit ont poussé l’humanité au bord du précipice. Et les quatre cavaliers d’aujourd’hui sont la violence, la dette, l’inégalité et enfin la pauvreté. Si leurs galops infernaux ne sont pas arrêtés, ils risquent de compromettre la pérennité des futures générations.

L’économie mondiale va mal. La crise se transformant rapidement en catastrophe, de plus en plus de gens se mettent en quête de conseils avisés sur la manière de restructurer l’économie occidentale. Ces trois dernières années, 23 intellectuels – certains d’entre eux très controversés aux yeux de l’intelligentsia politico-médiatique – ont accepté de briser le silence et d’expliquer comment le monde fonctionne vraiment. Les quatre cavaliers ne tombent ni dans la critique des mondes financier et politique ni dans la théorie du complot : le film analyse simplement le système économique dans lequel nous avons choisi de vivre et avance des propositions de changement.

Intervenants : Noam Chomsky, Herman Daly, Joseph Stiglitz, Max Keiser, John Perkins, Ha-Joon Chang, Gillian Tett, Michael Hudson, Richard Wilkinson, Lawrence Wilkerson, Satish Kumar, Simon Johnson, Camila Batmanghelidjh, Phillip Blond, George Nilson, Dominic Frisby.

Source : Le Partage, 14-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/video-les-quatre-cavaliers-avec-noam-chomsky-joseph-stiglitz-john-perkins-etc/


Le capitalisme ou le culte du sacrifice humain, par Chris Hedges

Sunday 17 January 2016 at 02:59

Source : Le Partage, Chris Hedges, 18-12-2015

Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 13 décembre 2015. Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.


Plongée dans l’enfer chimique de Manchester, au Texas

HOUSTON — Bryan Parras se tenait dans l’ombre projetée par les projecteurs entourant les cylindres blancs massifs des réservoirs de la raffinerie Valero. Comme nombre de Mexaméricains pauvres ayant grandi dans cette partie de Houston, il se débat avec l’asthme, les maux de gorge et de tête, l’urticaire, les saignements de nez et tout un tas d’autres maladies et symptômes. L’air était chargé de souffre et de benzène. Il y avait sur nos langues ce goût léger et âcre d’une substance métallique. La raffinerie tentaculaire émettait un bourdonnement électrique strident. Les rugissements périodiques des torchères, les flammes rouges des émissions de gaz rejetés, s’élevaient dans les ténèbres stygiennes. La raffinerie semblait être un être vivant, quelque divinité antédiluvienne géante et malfaisante.

Parras et ceux qui vivent près de chez lui font partie des centaines de millions d’humains sacrifiés sur l’autel des exigences du capitalisme industriel. Ils sont, depuis la naissance, condamnés à subir la pauvreté, la maladie, la contamination toxique, et souvent, la mort prématurée. Ils sont obligés de s’agenouiller, tels des captifs enchaînés, pour être tués sur l’autel du capitalisme et au nom du progrès. Ils sont en première ligne. Nous suivrons. Lors des derniers stades du capitalisme mondialisé, nous serons tous détruits dans une orgie d’extermination de masse pour assouvir l’avidité des entreprises.

Brian Parras

 

Les idoles revêtent plusieurs formes, du Moloch des Cananéens de l’Antiquité jusqu’aux visions sanglantes et utopiques du fascisme et du communisme. La primauté du profit et de la gloire de l’empire US — ce que le théoricien politique Sheldon Wolin appelait « le totalitarisme inversé » — en est la dernière variante. Les exigences des idoles, de l’Antiquité aux Temps modernes, sont les mêmes : des sacrifices humains. Et notre culte du sacrifice humain, bien que technologiquement avancé, est aussi primitif et sanguinaire que les tueries perpétrées au sommet du grand temple aztèque de Tenochtitlán. Ce n’est qu’après avoir brisé nos idoles et nous être libérés de leur emprise, que nous pourrons parler d’espoir. Il eût été bien plus bénéfique pour les milliers d’activistes qui se sont rendus à Paris pour le sommet climatique, de se rendre au lieu de ça dans une zone de sacrifice comme celle du quartier de Parras, et, par vagues de 50 ou de 100, jour après jour, de bloquer les voies ferrées et les routes de services, afin de mettre hors service les raffineries, avant de se faire embarquer. C’est la seule forme de mobilisation massive qui ait la moindre chance de succès.

 

Parras — qui organise des manifestations et la résistance dans la communauté, à travers les Texas Environmental Justice Advocacy Services (Services de plaidoyer pour la justice environnementale du Texas, TEJAS), un groupe local qu’il a cofondé avec son père, Juan — se trouvait à Hartman Park. Il montra du doigt la batterie des réservoirs de stockage et d’autres équipements concentrés autour des raffineries de Valero, Lyondell Basell et Texas Petrochemicals. Le quartier, appelé Manchester, est cerné par l’usine chimique Rhodia, par un chantier pour les trains qui transportent le pétrole des sables bitumineux, du gaz, du charbon et autres produits chimiques toxiques, par une usine Goodyear de caoutchouc synthétique, une usine d’engrais, une usine de mélasse; des stations d’épuration et des cuves de poulets liquéfiés. On y trouve nombre de sites  Superfund [loi obligeant les entreprises pollueuses à décontaminer leurs sites, NdE] Ce quartier est l’un des plus pollués des USA. Une poussière ocre recouvre tout. Les entreprises, explique Parras, ne sont pas obligées de fournir la liste des produits chimiques toxiques qu’elles entreposent et utilisent pour raffiner ou traiter leurs produits. Les gens qui vivent dans cette zone industrielle désolée, qui rêvent de la fuir mais restent piégés en raison de leur pauvreté, ou du fait que personne ne souhaite acheter leur maison, savent qu’ils sont empoisonnés, mais ne savent pas exactement ce qui les empoisonne. Et, explique-t-il, « c’est ce qui est vraiment effrayant ».

 

Les opérations chimiques « tuent des gens, bien que personne ne veuille admettre que cela se produit », dit-il. « Et ce sont principalement des Mexaméricains » qui sont tués.

« Des alarmes sonnent dans la raffinerie », explique-t-il, « mais nous, dans la communauté, ne savons pas ce que cela signifie. Nous vivons dans une anxiété constante. On voit arriver des flics ou des voitures de pompiers arriver. Les camions à 18 roues tombent dans le fossé parce que les rues sont trop étroites. Les gens meurent prématurément, souvent de cancer. Il y a des écoles ici. Les enfants sont souvent malades. Les niveaux d’énergie sont amoindris. J’étais toujours fatigué quand j’étais petit. Il y a aussi beaucoup d’hyperactivité. Les enfants ne parviennent pas à se concentrer. Les produits chimiques ajoutent aux problèmes liés à l’obésité, particulièrement le problème du diesel. Les fruits et les légumes que nous faisons pousser dans nos jardins sont noirs. Les produits chimiques peuvent entrainer des maladies cardiaques et des leucémies lymphoïdes. Mais l’impact des produits chimiques n’est pas seulement biologique ou physique. Il est aussi psychologique. Vous vous sentez diminués, surtout quand vous voyez les autres communautés ».

« Nous sommes près d’un port », continua-t-il. « Il y a des hommes embarqués sur les bateaux pour de longues périodes. Beaucoup de trafic sexuel. Beaucoup de drogues. Il y a plus de bars dans ces rues que de magasins. Si vous ne parvenez pas à vous échapper, au mieux, vous finissez par bosser pour l’industrie des services pour un bas salaire, ou dans la prostitution ».

« Nous avons une usine de broyage de métaux », expliqua-t-il, en montrant la sombre brume nocturne.« Il y a une pénurie mondiale de métaux. Ils broient des voitures, des bus, et des appareils en copeaux métalliques. Il y a eu des explosions. Ils ne drainent pas toujours les liquides des véhicules. Il y a des combustibles. Il y a eu des feux. Il y a des particules rejetées dans l’air. Le bruit du broyage est permanent, 24h sur 24 et 7 jour sur 7 ».

Nous avons marché le long d’une rue étroite en pente, passant devant des rangées de petites maisons style « ranch » construites par de pauvres immigrés mexicains dans les années 1930. Manchester est l’un des quartiers les plus déprimés de Houston. Le gémissement aigu et le rythme d’une ballade tejanaprovenaient des fenêtres ouvertes d’une baraque. Parras me raconta, alors que nous marchions le long de la rue non-éclairée, comment lui et d’autres jeunes activistes organisaient des manifestations et prenaient en photo des infractions au règlement sur les émissions, et comment la sécurité privée de Valero harcelait ceux qui s’engageaient dans de telles activités dans les rues autour de la raffinerie.

« Nous sommes suivis, photographiés et nos plaques d’immatriculations sont relevées », explique-t-il.« Nous ne savons pas toujours qui [nous observe]. Ils conduisent des voitures noires aux vitres teintées. Il y a une menace de sécurité [vis-à-vis des équipements pétrochimiques]. Il est facile de monter dans ces trains, ou de rentrer dans l’usine Valero. Mais ce que nous faisons, c’est documenter leur négligence. Nous nous préoccupons des gens qui vivent ici, et des employés. Pensent-ils vraiment que nous allons fermer ces usines? Houston s’est construite sur le pétrole et le gaz. En plus de cela nous avons ce racisme et ce colonialisme endémique à l’encontre des Mexicains et des Indiens, de tous les basanés. C’est ici que la Destinée Manifeste* a commencé ».

Nous avons rejoint d’autres jeunes activistes, dont Yudith Nieto, qui a été élevée à Manchester par ses grands-parents. A 26 ans, elle souffre d’un éventail de problèmes de santé, dont l’asthme, une thyroïde endommagée et des douleurs de dos chroniques, qu’elle pense liés au stress et à la contamination par les métaux lourds. « Je ne peux pas me payer de toxicologue pour savoir si ma douleur est liée à l’environnement auquel je suis exposée », explique-t-elle. Nieto, Parras, et d’autres activistes du TEJAS, ainsi que d’autres activistes à travers tout le pays, ont organisé une série de manifestations contre le projet de pipeline Keystone-XL, désormais abandonné, qui aurait transporté du pétrole des sables bitumineux du Canada jusqu’aux raffineries de Houston et des environs.

Yudith Nieto

« Les gens ont peur de s’impliquer », explique Nieto. « Ils sont pauvres et souvent sans papiers. Ou ont fait des allers-retours dans le système carcéral. Les patrouilles frontalières mènent des raids. Nous essayons d’éduquer les gens. Nous avons mené un projet d’analyse de l’air cet été et en automne, en prélevant des particules de matière. Nous allons aux réunions du conseil municipal. Mais notre député au Congrès, Gene Green [le mal-nommé, NdE], est pro-industrie. Il est venu lors d’une audition de sécurité chimique, et a dit qu’il était là pour représenter l’industrie ».

Nieto a également exprimé sa frustration vis-à-vis des secteurs riches et majoritairement blancs de Houston, en expliquant qu’ils ne s’étaient pas joints à la défense de son quartier, les traitant, elle et d’autres activistes mexaméricains, comme des éléments isolés.

Les militants m’ont emmené dans l’un des bars miteux près du port. On pouvait lire sur le panneau devant l’entrée : « Cobesatos », de l’argot pour buckets ou bière, et on y voyait la publicité d’un « Show de Bikini ». Quatre femmes en surpoids dansaient ou buvaient au bar avec des prolos blancs ou mexaméricains. Les bars, qui profitent des femmes démunies et des hommes esseulés qui travaillent dans les industries pétrochimiques et sur les navires pétroliers, sont les seuls signes d’activité humaine à cette heure tardive de la soirée.

« Ceux qui travaillent dans ces industries ne sont pas de Houston », explique Yvette Arellano, également de TEJAS. « Ils vivent dans des motels bon marché, à un rythme de ’20 jours de boulot, 20 jours de repos’. J’ai l’impression de ne jamais rencontrer d’autres Houstoniens. Ils viennent du Colorado, du Dakota ou de Louisiane. Nous n’avons pas de camps pour les hommes. Nous avons des motels. Ce sont surtout des travailleurs intérimaires. Ils ne sont pas à plein temps. Cela pose des problèmes de sécurité. Aucun d’eux ne veut se plaindre de problèmes de sécurité, quand ils savent qu’ils pourraient perdre leur boulot s’ils se plaignaient. Et donc personne ne dit rien ».

Les 21 sommets internationaux sur le climat qui se sont tenus durant les dernières décennies n’ontabouti à rien, si ce n’est à une rhétorique vide, des fausses promesses et toujours plus d’émissions de carbone. Celui de Paris n’a pas été différent. Nous devons nous opposer physiquement à l’extraction, au transport et au raffinage des combustibles fossiles, ou faire face à l’extinction. Ceux qui vénèrent les idoles du profit utiliseront tous les outils à leur disposition, y compris la violence, pour nous écraser. C’est une guerre qui oppose les forces du vivant aux puissances de mort. C’est une guerre qui exige que nous entravions, par tous les moyens, les profits industriels justifiant le gaïacide. C’est une guerre que nous ne devons pas perdre.

NdE
*La Manifest Destiny (« destinée manifeste ») : idéologie selon laquelle la « nation américaine » avait pour mission divine de répandre la démocratie et la civilisation vers l’Ouest. Elle était défendue par les républicains-démocrates (ancêtres du Parti démocrate d’aujourd’hui) dans les années 1840, plus particulièrement par les « faucons » sous la présidence de James Polk. 

Chris Hedges


Traduction: Nicolas Casaux Édition & Révision: Chris Hedges

Source : Le Partage, Chris Hedges, 18-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/le-capitalisme-ou-le-culte-du-sacrifice-humain-par-chris-hedges/


Les risques de l’après-Poutine, par Gilbert Doctorow

Sunday 17 January 2016 at 00:55

Source Consortiumnews.com, 17 décembre 2015

En exclusivité : les néoconservateurs sont obsédés par le « changement de régime » ultime — à savoir déstabiliser la Russie et se débarrasser de Poutine — mais ils ignorent la probabilité que le successeur de Poutine puisse être un dirigeant nationaliste bien plus radical. Une perspective examinée par Gilbert Doctorow.

Par Gilbert Doctorow

Comme aux heures soviétiques, les chauffeurs de taxi russes figurent toujours au nombre des interlocuteurs les mieux informés et friands des tenants et des aboutissants de la politique souvent opaque du pays — ceux que nous avions coutume d’appeler  « kremlinologistes »  et qui déchiffraient les ascensions et les chutes selon qui se tenait près de qui lors des manifestations publiques.

La « kremlinologie » se porte bien,  témoins les chauffeurs de taxi qui cette semaine spéculaient sur le retrait imminent du gouverneur Georgi Poltavchenko, vu qu’il n’est apparu nulle part lors des grands spectacles du quatrième Forum culturel international, un événement majeur dans la vieille capitale impériale, envahie en cette occasion par les grands pontes moscovites qu’on pouvait voir partout.

Le  président russe Vladimir Poutine.

Mais le sujet essentiel pour l’Occident est est de savoir qui fait la queue derrière Poutine pour l’accession au pouvoir, si celui-ci devait quitter ses fonctions pour une raison ou une autre. Cela fait maintenant des années que les jusqu’au-boutistes américains et en particulier les néoconservateurs désirent ardemment un « changement de régime » à Moscou, avec l’espoir qu’une figure malléable, comme le défunt président Boris Eltsine, soit remise au sommet de l’État.

Toutefois, comme me le disent de nombreux chauffeurs de taxi bien renseignés, l’homme situé juste derrière le président russe s’appelle Sergueï Ivanov et sa façon de traiter avec l’Occident  ferait passer Poutine pour un agneau. Et si ce n’est pas Ivanov, le suivant en lice est vraisemblablement Dmitri Rogozine, un autre fervent patriote et favori du Kremlin.

Malgré les déclarations des dissidents russes Mikhaïl Khodorkovski et Masha Gessen aux lecteurs du New York Times, un « changement de régime » à Moscou n’aboutirait probablement pas à une seconde ère Eltsine. Les souvenirs de l’humiliation des années 90, après la chute de l’Union soviétique, sont encore trop présents, rappelant comment des « experts » de la finance envoyés par l’Occident avaient prescrit un « traitement de choc » capitaliste pour le système russe — ce qui amena une chute brutale du niveau de vie et une augmentation alarmante du taux de mortalité.

Ce qui est clair, c’est qu’on ne trouve aucun des chouchous « libéraux » de l’Occident dans la poupée russe du pouvoir. Un message que feraient bien d’intégrer les initiés du Capitole. Non que l’on puisse remarquer le moindre signe substantiel de désapprobation publique envers Poutine.

Dans les rues de Saint-Pétersbourg, le battage autour du Forum culturel fut juste une toile de fond pour la visite de Poutine qui n’était pas venu ici depuis des mois, m’a-t-on dit. En ville, on ne parlait que de son apparition prévue aux cérémonies d’ouverture du Forum.

Les médias russes ont fait la promotion de l’événement auprès du public national comme étant le « Davos de la culture » une référence au fameux colloque d’affaires international de Davos, en Suisse. On comptait sur 9000 visiteurs pour assister aux concerts, spectacles de danse et autres débats conduits par des commissaires d’exposition, des cinéastes et nombre de célèbres spécialistes des arts.

Les espaces culturels étaient concentrés à l’intérieur du musée de l’Ermitage, l’ancien bâtiment de l’état-major général situé sur la place du Palais, mais se déployaient aussi dans le centre historique de la ville. Des diplomates et des représentants gouvernementaux de plus de 40 pays lui conféreraient sa dimension internationale. Si l’Europe fut lamentablement sous-représentée (seul le Luxembourg figurait sur la liste des participants), le vide fut comblé par les nombreux notables venus d’Extrême-Orient.

Qui plus est, la plus importante présence étrangère était liée à l’UNESCO, institution qui fêtait ses 70 ans d’existence et qui était incidemment présidée par Irina Bokova, une russophone originaire de Bulgarie, diplômée en affaires internationales de l’Université de Moscou.

Un nombre considérable de petites célébrités se disputaient pour une invitation aux événements privés tandis que différents « organes de sécurité » au niveau local et fédéral essayaient de se surpasser afin d’assurer qu’aucun incident ne survienne. De petits malins dans ces services spéciaux érigèrent tellement d’obstacles à l’obtention des insignes, avec ou sans accès à certains événements (notamment ceux avec Poutine), avec ou sans hologrammes, que leur système informatique est tombé en panne, causant un chaos total dans le traitement des entrées du grand public, des journalistes et des participants au Forum.

La folie a continué à l’entrée du théâtre Mariinsky 2 où la principale cérémonie d’ouverture avait lieu le lundi soir. Nos invitations imprimées se sont avérées inutilisables. L’issue finale fut une violation improvisée du système par le personnel qui était complètement submergé et collait les indispensables hologrammes pour faire avancer les gens.

Une fois passées les lignes de ré-accréditation, puis la machine de vérification d’accès et enfin le détecteur de métaux, un calme surréaliste, mêlé d’une note d’élégante hospitalité au niveau présidentiel, s’imposa. Des flûtes de champagne étaient offertes par de jeunes préposés à l’air radieux.

Poutine ne nous fit pas attendre. Il fut le premier intervenant sur la scène, adressant une brève apostrophe au public suivie d’une sortie rapide. À la cérémonie, d’une durée de deux heures, succéda un traditionnel « dîner déambulatoire » au cours duquel les nuées d’invités dévalisèrent les plateaux de sandwiches au caviar et au crabe qu’on leur passait.

Pour ceux qui voient dans mon compte rendu une quelconque suggestion qu’il existe des failles dans la sécurité présidentielle, le meilleur conseil que je puisse leur donner est d’envoyer des courriels au Kremlin exhortant Poutine à renvoyer ses agents de sécurité et à engager des gens plus intelligents. Un « changement de régime » en Russie est bien la dernière chose dont nous ayons besoin.

Gilbert Doctorow est le coordinateur européen du Comité américain pour une entente Est-Ouest. Son livre le plus récent Does Russia Have a Future ? a été publié en août 2015.

Source Consortiumnews.com, 17 décembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-risques-de-lapres-poutine-par-gilbert-doctorow/


Revue de presse internationale du 17/01/2016

Sunday 17 January 2016 at 00:01

La revue internationale, pour laquelle nous accueillerions aussi volontiers de nouveaux contributeurs, entre billets de réflexion de fond et articles en VF.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-17012016/


Frapper l’Arabie-Saoudite là où ça fait mal, par Robert Parry

Saturday 16 January 2016 at 03:36

Source : Consortiumnews.com, 23 novembre 2015

Exclusif : Bien que face à une crise terroriste mondiale, le gouvernement de Washington ne peut dépasser sa rhétorique néoconservatrice de « gros bras. » Mais une autre option — celle de sanctions financières contre l’Arabie saoudite — pourrait contribuer à tarir finalement la fourniture clandestine d’argent et d’armes à Al-Qaïda et à l’État islamique, écrit Robert Parry.

Par Robert Parry

Alors que l’État islamique et Al-Qaïda entrent dans une macabre compétition à qui pourra tuer le plus de civils de par le monde, le destin de la civilisation occidentale telle que nous l’avons connue est sans doute en péril. Il ne faudra guère plus d’actions terroristes pour que l’Union européenne commence à céder et que les États-Unis se transforment en un régime de surveillance à grande échelle.

Malgré tout, face à la crise, la plupart des mêmes personnes qui nous ont entraînés sur la route de la destruction continuent à dominer et même encadrer le débat public. Par exemple, les néoconservateurs de Washington continuent d’insister dans leur préconisation d’un « changement de régime » dans les pays qu’ils ont ciblés il y a 20 ans. Ils exigent aussi une nouvelle guerre froide avec la Russie en défendant un régime de droite corrompu en Ukraine, déstabilisant l’Europe et désorganisant la coopération américano-russe en Syrie.

Le roi Salmane d’Arabie saoudite et sa suite arrivent pour recevoir le président Barack Obama et la première dame Michelle Obama à l’aéroport international du Roi Khalid à Riyad, Arabie saoudite, 27 janvier 2015. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)

Étant donné les enjeux, vous pourriez penser que quelqu’un en position de pouvoir – ou l’un des nombreux candidats à à la présidence des États-Unis – offrirait des solutions pragmatistes et réalistes pour s’occuper de cette menace extraordinaire. Mais la plupart des Républicains – de Marco Rubio à Carly Fiorina en passant par Ted Cruz – offrent seulement plus « d’encore plus la même chose » c’est-à-dire une belligérance néo-conservatrice sous stéroïdes. Donald Trump et Rand Paul échappent sans doute à cette hystérie particulière, mais aucun n’a proposé de contre-analyse cohérente et complète.

Du côté démocrate, la favorite Hillary Clinton gagne les éloges des éditeurs néo-conservateurs du Washington Post pour s’être démarquée de l’hésitation de Barack Obama à envahir complètement la Syrie. L’ancienne secrétaire d’état Clinton veut une invasion pour occuper des parties de la Syrie en tant que « zones de sécurité » et détruire les avions syriens (et probablement russes) qui violeraient ses zones d’exclusion aérienne.

De façon semblable aux invasions désastreuses de l’Irak et de la Libye, Clinton et ses alliés néo-conservateurs ont promu l’invasion de la Syrie comme une aventure humanitaire pour éliminer un « dictateur cruel » – en l’occurrence le président Bachar el-Assad – ainsi que pour « détruire » l’État islamique, que l’armée d’Assad et ses alliés iraniens et russes sont aussi en train de combattre. Les militaires d’Assad, les troupes iraniennes et les avions russes ont aussi frappé d’autres groupes djihadistes tels que le Front Al-Nosra d’Al-Qaïda et Ahrar Al-Sham, qui reçoit des armes des États-Unis tandis qu’il combat côte-à-côte avec Al-Nosra dans l’Armée de la Conquête.

La stratégie de Clinton protégerait probablement les djihadistes exception faite de l’État islamique — gardant ainsi vivant l’espoir d’un « changement de régime » — ce qui explique pourquoi les éditorialistes néoconservateurs, qui étaient d’ardents défenseurs de la guerre d’Irak en 2003, acclamèrent son approche va-t-en-guerre envers la Syrie comme louable.

A la gauche de Clinton, le sénateur Bernie Sanders a botté en touche sur le problème de ce qu’il fallait faire en Syrie ou au Moyen-Orient, échouant à offrir une idée réfléchie à propos de ce qui peut être fait pour stabiliser la région. Il choisit à la place un sujet de discussion astucieux mais vide, arguant que les Saoudiens et d’autres riches cheikhs du golfe Persique devraient utiliser leurs ressources financières et militaires pour mettre de l’ordre dans la région, et « se salir les mains. »

Le problème est que les Saoudiens, les Qataris et les Koweïtiens — ainsi que les Turcs — sont une grande partie du problème. Ils ont utilisé leur considérable fortune pour financer Al-Qaïda et ses divers alliés et rejetons, incluant l’État islamique. Leurs mains sont déjà très sales.

Le « pouvoir de conviction » de l’Arabie saoudite

Ce que nous avons observé au Moyen-Orient depuis les années 80 est  l’Arabie saoudite et d’autres États sunnites créer un « pouvoir de conviction » pour servir leurs ambitions régionales en assemblant des forces paramilitaires prêtes et mêmes impatientes de s’en prendre à des ennemis, que ce soit contre des rivaux chiites ou contre des pouvoirs occidentaux.

Bien que les riches Saoudiens, Qataris et autres princes gâtés ne veuillent pas devenir des soldats eux-mêmes, ils sont plus que contents d’exploiter de jeunes Sunnites mécontents, de les changer en djihadistes et de les lâcher. Al-Qaïda (qui date du djihad anti-soviétique en Afghanistan dans les années 80) et l’État islamique (qui a émergé en résistance au régime chiite instauré en Irak après 2003) sont les fantassins de l’Arabie saoudite.

Ces faits sont semblables au soutien que l’administration Reagan avait fourni aux forces paramilitaires de droite en Amérique Centrale dans les années 80, incluant les « escadrons de la mort » au Salvador et au Guatemala ainsi que les « Contras » au Nicaragua, proches des cartels de la drogue. Ces extrémistes étaient prêts à faire le « sale boulot » que la CIA de Reagan considérait nécessaire pour inverser le flot des révolutions de gauche dans la région, mais de façon suffisamment indirecte pour que Washington ne puisse pas être directement tenue responsable des massacres.

Aussi durant les années 80, les jusqu’au-boutistes de l’administration Reagan, incluant le directeur de la CIA William J. Casey, virent l’intérêt d’utiliser l’extrémisme islamique pour saper l’Union soviétique et sa position officielle athéiste. La CIA et les Saoudiens travaillèrent main dans la main à la construction des moudjahidin afghans — un mouvement islamique fondamentaliste — pour renverser le gouvernement laïque soutenu par les soviets à Kaboul.

Le « succès » de cette stratégie fit aussi subir des dommages sévères à l’économie soviétique, déjà en difficulté et le renvoi ultérieur (puis meurtre) du président soutenu par Moscou, Najibullah. Mais la stratégie provoqua aussi la montée des Talibans, qui prirent le pouvoir et instaurèrent un régime médiéval, et d’Al-Qaïda, qui évolua à partir des combattants saoudiens et d’autres nations étrangères (incluant le saoudien Oussama ben Laden) qui affluèrent au djihad afghan.

Les retombées de l’expérience afghane créèrent le mouvement djihadiste moderne — et les Saoudiens, en particulier, comprirent la valeur de cette force paramilitaire pour punir les gouvernements et les groupes politiques que les Saoudiens et leurs riches amis pétroliers considéraient comme des menaces. Officiellement, l’Arabie saoudite, le Qatar et d’autres États-pétroliers sunnites pouvaient affirmer qu’ils n’étaient pas derrière les terroristes tout en laissant de l’argent et des armes s’acheminer jusqu’à eux.

Bien qu’Al-Qaïda et les autres djihadistes aient leurs propre agendas — et pouvaient intervenir de façon indépendante — les Saoudiens et les autres cheikhs pouvaient diriger ces forces paramilitaires contre le prétendu “croissant chiite”, de l’Iran à travers la Syrie jusqu’au Liban (et après l’invasion de l’Irak en 2003, contre le gouvernement irakien chiite aussi).

Parfois, les djihadistes se montraient utiles pour les États-Unis et Israël, frappant le Hezbollah au Liban, se battant contre le « changement de régime » en Syrie, collaborant en 2011 au renvoi (et meurtre) du Libyen Mouammar Kadhafi et allant même jusqu’à joindre leurs forces au gouvernement ukrainien, soutenu par les États-Unis, pour tuer des Ukrainiens d’ethnie russe dans l’est de l’Ukraine

Le rôle d’Israël

Puisque ces djihadistes sunnites étaient très doués pour tuer des chiites, ils se firent apprécier non seulement de leurs donateurs saoudiens, qataris et koweïtiens, mais aussi d’Israël, qui a identifié l’Iran, dirigé par des chiites, comme sa plus grande menace stratégique. De ce fait, les néoconservateurs américains, qui collaboraient étroitement avec le très droitier Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, avaient eux aussi une attitude mitigée envers les djihadistes sunnites.

Qui plus est le terrorisme, très médiatisé, comme les attaques du 11 septembre, permit au néoconservateurs aux discours fermes de consolider leur contrôle de la politique étrangère des États-Unis et de dévier la fureur américaine provoquée par les 3000 victimes d’Al-Qaïda à New York et Washington, pour appliquer les « changements de régime » de leur propre agenda néoconservateur, d’abord en Irak bien qu’il n’ait rien à voir avec le 11 septembre, puis avec des plans pour passer à la Syrie et à l’Iran.

Comme le complexe militaro-industriel s’en sort comme des bandits avec des milliards et des milliards jetés à la « guerre contre la terreur », les entrepreneurs militaires, reconnaissants, renvoyèrent une partie des profits aux principaux groupes de réflexion où les penseurs néo-conservateurs étaient employés à développer plus de plans militaristes. [Voir Consortiumnews.com : « Un business familial de guerre perpétuelle »]

Mais l’inconvénient de cet arrangement avec les djihadistes sunnites a été qu’Al-Qaïda et son rejeton, l’État islamique, perçoivent l’Occident comme leur ennemi ultime, s’appuyant à la fois sur des injustices historiques et actuelles infligées au monde islamique par l’Europe et les États-Unis. Les leaders terroristes font référence à ces mauvais traitements pour recruter des jeunes des régions démunies du Moyen-Orient et des quartiers défavorisés des villes européennes – et les convaincre de mettre des ceintures d’explosifs.

De ce fait, Al-Qaïda et maintenant l’État islamique font non seulement avancer l’agenda néo-conservateur/israélien/saoudien en déclenchant des attaques terroristes en Syrie contre le gouvernement Assad et au Liban contre le Hezbollah, mais ils frappent de leur propre initiative des cibles européennes et américaines et ce même en Afrique où Al-Qaïda a revendiqué la semaine dernière l’assaut meurtrier sur l’hôtel haut de gamme Radisson Blu à Bamako au Mali.

Il apparaît aussi qu’Al-Qaïda et l’État islamique sont entrés en compétition sur celui qui peut organiser l’attaque la plus sanglante contre des Occidentaux de manière à renforcer le recrutement. Les attaques de Bamako étaient une tentative d”Al-Qaïda de voler la vedette à l’État islamique qui se vantait d’une violente suite d’attaques sur Paris, Beyrouth et un vol touristique russe dans le Sinaï.

Les conséquences des ces massacres ont été de menacer la cohésion financière et politique de l’Europe et d’augmenter la pression pour un état de surveillance renforcée aux États-Unis. Pour le dire d’une autre façon, les caractéristiques les plus précieuses de la civilisation occidentale –  la relative aisance et la liberté personnelle – sont menacées.

Pourtant, plutôt que d’expliquer les vraies raisons de cette crise – et quelles solutions pourraient être envisagées – personne dans les courants dominants du monde politique des États-Unis ou des principaux médias ne semble capable ou disposé à parler franchement au peuple américain de la façon dont nous en sommes arrivés là.

L’opportunité manquée de Sanders

Alors que l’on aurait pu s’attendre à cela de la part d’une grande majorité de républicains (qui se sont entourés de conseillers néoconservateurs) et de la part d’Hillary Clinton (qui a façonné ses propres liens avec les néoconservateurs ainsi qu’avec leurs acolytes libéraux et interventionnistes), on aurait pu s’attendre à ce que Sanders formule une critique pertinente envers le « cercle de pensée » officiel de Washington, dominé par les néoconservateurs.

Au lieu de cela, il préconise de manière simpliste et incompréhensible d’exiger plus des Saoudiens — alors que cela sèmerait davantage la mort et la destruction de la région et même au-delà. L’inverse aurait sans doute beaucoup plus de sens — imposer des sanctions économiques sévères à l’Arabie saoudite afin de la punir pour l’aide régulière qu’elle fournit à Al-Qaïda et à l’État islamique.

Geler ou confisquer des comptes bancaires saoudiens à l’échelle mondiale pourrait enfin faire comprendre aux princes gâtés des pays pétroliers du golfe Persique qu’il y a un réel prix à payer lorsque l’on fricote avec le terrorisme. Une telle action envers l’Arabie saoudite enverrait également le message aux États sunnites plus petits de la région qu’ils pourraient être les prochains sur la liste. D’autres pressions, comme la possible exclusion de l’OTAN, pourraient être brandies face à la Turquie.

Si l’Occident se décidait enfin à prendre les choses au sérieux en ce qui concerne l’arrêt de l’aide financière et militaire à Al-Qaïda, à l’État Islamique et à leurs alliés djihadistes en Syrie, la violence pourrait enfin diminuer. Et si les États-Unis et l’Europe mettaient la pression sur l’opposition syrienne « modérée » — peu importe ce qu’il en reste — pour qu’elle parvienne à un compromis, une solution politique pourrait être envisageable également.

À l’heure actuelle, le plus gros obstacle à un accord politique semble être les États-Unis et leur volonté insistante pour que le président Assad soit inéligible une fois que la Syrie sera stabilisée. Pourtant, si le président Obama est si certain que le peuple syrien déteste Assad, il paraît insensé de laisser la défaite présumée d’Assad dans les urnes empêcher un dénouement si crucial.

La seule explication à l’entêtement des USA est que les néoconservateurs ainsi que les faucons libéraux ont fait du « changement de régime » en Syrie une priorité si importante dans leur agenda qu’ils perdraient la face si le départ d’Assad n’était pas réclamé. Cependant, l’avenir de la civilisation occidentale étant dans la balance, un comportement aussi borné semble non seulement inefficace mais dangereux.

En comprenant comment ce désordre a été créé, quelques politiciens américains pourraient fabriquer un appel qui aurait un large soutien dans tout le spectre politique. Si Sanders prenait le flambeau d’un plan rationnel pour apporter une paix relative au Moyen-Orient, il pourrait aussi changer les dynamiques de la course démocratique.

Bien sûr, défier la pensée de groupe officielle de Washington est toujours dangereux. Si compromis et coopération remplaçaient le « changement de régime » comme but des États-Unis, les néoconservateurs et les faucons libéraux paniqueraient. Mais les enjeux sont très élevés pour l’avenir de la planète. Peut-être que sauver la civilisation occidentale vaut le risque de faire face à une crise de colère des néo-conservateurs et des faucons libéraux.

Source : Consortiumnews.com, 23 novembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/frapper-larabie-saoudite-la-ou-ca-fait-mal-par-robert-parry/


Revue de presse du 16/01/2016

Saturday 16 January 2016 at 01:40

Les volontaires pour nous aider à faire vivre les revues sont toujours les bienvenus ! Merci à nos nouveaux et plus anciens contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-16012016/


La femme qui vient de hacker Hollywood par Flore Vasseur

Saturday 16 January 2016 at 01:15

Source : Flore Vasseur / Blog, 09-03-2015

Voici la version non éditée d’un article paru dans Society  puis Medium backchannel, en mars dernier. Il s’agit d’un long portrait de Laura Poitras, la réalisatrice de Citizen Four.

Avec sa caméra, Laura Poitras n’a pas seulement aidé Edward Snowden et Glenn Greenwald a révéler les sales secrets de la plus grande démocratie du monde. Elle a piraté la plus grande machine à rêves de l’humanité : Hollywood. En la récompensant de l’Oscar du meilleur documentaire pour son hallucinant Citizen Four, l’Académie lui a décerné une veritable “licence to kill”. Mais qu’est-ce qui prédisposait cette brunette quinquagénaire au regard doux à devenir l’une des femmes les plus courageuses du monde du cinéma ? Portrait d’une femme qui n’a jamais rien lâché.

Presque dix ans que son nom figure sur la Watch List de la NSA, l’Agence nationale de sécurité américaine. Presque dix ans qu’à chaque retour d’un de ses voyages en Irak, Yémen, ou Europe, Laura Poitras, 53 ans, est attendue au pied de l’avion. Là, un agent la conduit dans une pièce à part, lui confisque son matériel, ses carnets, ses vidéos. Cela est arrivé quarante fois. Son crime? Révéler, avec sa caméra, une vérité impossible à ignorer mais difficile à signifier : depuis le 11 septembre, les Etats-Unis se sont fourvoyés dans la violence. La plus grande démocratie au monde sème les graines d’un Etat totalitaire.

Qu’est-ce qui a amené cette femme à prendre l’Amérique post 11 septembre en ligne de mire, au point de finir sur la sinistre Watch List de la NSA ? Assise en ce début du mois de mars dans les salons d’un hôtel parisien, Laura Poitras m’explique: “Je veux montrer des individus placés dans une situation horrible et tentant de faire les bons choix”. Laura Poitras travaille sans longue démonstration, à l’instinct et hauteur d’homme.

Née à Boston d’un père ingénieur du MIT et d’une mère infirmière, Laura Poitras veut initialement devenir Chef cuisinier. Elle se forme, sert d’apprentie à l’Espalier à Boston puis à Masa, la mecque de la french cuisine à San Francisco. Elle travaille quatorze heures par jour, apprend l’exigence, la précision, s’épuise à tenter de maitriser l’inconnu : la qualité des ingrédients, les températures, l’improbable alchimie. Elle découvre la frustration : “la gastronomie peut signifier beaucoup de choses mais reste un plaisir de l’instant tu ne peux pas parler de tragédie. Rien ne reste », explique-t-elle.

Avec son salaire, elle s’offre une formation en cinéma au très pointu San Francisco Art Institute puis part à New York. Elle est en train de travailler sur le montage de son film d’études Flag War, un documentaire sur la gentrification d’un quartier noir par la communauté homosexuelle blanche et huppée, quand elle reçoit un mail la prévenant qu’un avion a heurté une Tour du World Trade Center. Elle quitte son immeuble de l’Upper West Side, « loin » de la zone d’impact.

Elle en approche à pied, pendant que les Tours tombent, les unes après les autres. Dans les jours qui suivent, elle sort sa caméra et la pose non loin du gouffre. Empruntant à Bill Viola ses longs plans fixes et son recours au ralenti, elle filme des New-Yorkais découvrant les ruines. C’est le très expérimental « Oh say can you see », qui tourne dans quelques musées. Laura assiste avec horreur à l’engrenage :« A New York, les rues étaient pleines de compassion. A cette époque, nous aurions pu choisir le droit. Nous aurions pu utiliser ces événements et cette énergie autrement Nous avons préféré la violence». 

“Il faut accepter l’aventure”

Le gouvernement Bush prépare sa population à la guerre. “Au nom de la sécurité nationale, il a placé l’esprit critique sous coma artificielse souvient-elleIl n’y avait pas de lien entre l’Irak et les attentats, c’était schizophrène. Les ‘informations’ deviennent très abstraites, déconnectées du réel. Le 11 septembre a crée un vide de pouvoir qui lui même a charrié des conséquences inattendues ». 

Pseudo armes de destruction massive, Patriot Act, axe du mal: la “presse” légitime la War on Terror planétaire. « Les medias se sont effondrés et sont devenus des outils de propagande. Alors, j’ai voulu articuler les dangers que je voyais se profiler et les traduire en terme humains”. Laura décide de partir en Irak avec sa caméra. Ses amis journalistes l’en dissuadent. Elle prend contact avec le Général Herbert L. Altshuler, alors Commandeur du US Army Civil Affairs and Psychological Operations. Elle aimerait une accréditation presse, explique vouloir raconter un fait historique : les préparatifs des élections démocratiques.

Tortures, viols, meurtres, les photos de militaires américains et agents de la CIA abusant des prisonniers d’Abu Grahib viennent de paraître. Honte nationale absolue. Pour le Général responsable des affaires civiles, pour l’armée, rien ne peut être pire. Il accepte sa demande. Laura rejoint la Green Zone de Bagdad, avec un laissez-passer des autorités américaines. Elle filme sans plan pré-établi : « quand je démarre un projet, je ne sais pas où il va aller. Il faut accepter l’aventure. Si vous êtes patient, les choses vont se faire devant vous. Tout est une histoire de coïncidences. Mes meilleures scènes sont toutes issues de coïncidences ».

Elle est à l’abord de la maudite prison d’Abu Grahib, qui l’obsède, quand une délégation d’activistes irakiens des droits de l’homme vient observer la situation des prisonniers, parqués dans des camps, à même le soleil, comme des bêtes en cage. Au travers d’un grillage, un médecin tente de prodiguer des soins élémentaires aux plus malades. Un enfant l’interpelle. Il a 9 ans. Laura filme la scène et repère ainsi son personnage principal, le docteur Riyadh. Sunnite, il est candidat aux premières élections démocratiques de son pays.

Elle le suit de consultations en meeting, pendant six mois. Malgré sa taille, son profil caucasien, sa situation de femme dans un pays musulman, Laura se fond dans le décor, gagne la confiance de chacun, fait accepter sa caméra qui tourne constamment. Elle n’est pas là pour juger, veut faire un document pour l’histoire. Elle se place en anthropologue. « Je veux donner une vision réelle, hyper réaliste et incarnée de l’humanité ».

Elle raconte le cheminement du Docteur Riyad, ses batailles, son quotidien et à travers lui, l’histoire d’un peuple qui ne sait s’il doit participer à ces élections, mascarade parachutée d’Amérique, comme les bombes.

Ni vue ni connue mais en toute liberté, en Irak, Laura pose visages, voix, doutes et  émotions. Elle remet de la chair et de la vie sur ces informations désincarnées.

Elle se place à hauteur d’homme et de femme et par l’histoire personnelle, raconte la grande, l’indicible, celle qui dérange : au nom de la War on terror, les Etats-Unis sont en train de faire n’importe quoi.

« D’une certaine manière, je suis toujours en train de travailler sur ce sujet ». En Irak, au nom de la démocratie, ils usurpent un peuple, libèrent le commerce des armes, radicalisent la jeunesse. Ils amènent le vote, sèment la discorde.

L’Amérique construit jour après jour ses bombes à retardement. Dollars et armes s’échangent. L’argent prolifère sur la haine, à moins que cela ne soit l’inverse. « Oil is a curse. Violence will increase, not decrease », prédit le bon docteur. My Country, My countryson deuxième long métrage est nominé aux Oscars et diffusé dans les écoles militaires. Des soldats la remercient. Elle n’a encensé personne mais tenté de parler de chacun, dans sa vérité.

Son exploration de l’Amérique post-11 septembre la propulse alors au Yémen, sur les traces de deux beaux-frères, tout deux anciens employés de Ben Laden. L’un, son ancien garde du corps, est devenu taximan à Sanaa. L’autre, son ancien chauffeur personnel, croupit à Guantanamo. Deux vies en parallèles, marquées par le djihadisme, les commissions militaires, l’arbitraire. Laura continue de tirer son fil. 

The Oath, paru en 2010 et récompensé à Sundance, peint la radicalisation en marche, des deux côtés de la ligne de front.

Au Yémen et à Guantanamo, j’ai perdu toute naïveté: nous ne réglions en rien la situation, nous n’apprenions pas de nos erreurs”.

Comme My country, My country, ce film annonce le monde à venir : l’Occident bunkerisé, Daech aux portes, le vide moral, l’écrasement des libertés. “Avec Abu Grahib et Guantanamo, nous n’aurions pas pu faire davantage pour libérer la violence, dit-elle. Avant le 11 septembre, il y avait des fanatiques bien sûr, mais bien moins qu’aujourd’hui”.

De Rio à Berlin, via Julian Assange

Il y avait aussi plus de liberté. “Le Quatrième Pouvoir existait alors”. Et on ne l’arrêtait pas, elle. Comme artiste, journaliste ou simplement citoyenne engagée, elle représente une menace pour son gouvernement. Jadis sas vers l’aventure ou de retour vers les siens, les aéroports deviennent des lieux de privation de liberté, de persécution ; avec Guantanamo, ils attestent du fait que la War on Terror s’est invitée sur le sol américain. L’espace entre la porte de l’avion et le douanier est une zone de non droits. Les autorités américaines peuvent piétiner à loisir le 4e amendement, arrêter sans mandat, interroger sans présence d’un avocat.

La NSA pense intimider Laura Poitras, la stopper. Elle apprend à se protéger de cette surveillance d’Etat. Pour la combattre, elle veut la comprendre, l’incarner. Laura tire à nouveau son fil et se met à enquêter. Elle lit depuis des années les articles pugnaces de Glenn Greenwald. il est alors établi comme journaliste indépendant et libre, très incisif et entier. Il est l’un des seuls journalistes à s’intéresser et à défendre Chelsea – alors Bradley – Manning, la source des fuites des câbles diplomatiques à Wikileaks. L’ancien analyste de l’armée américaine vit confiné, en sous vêtement, dans une cellule de 5 mètres carrés éclairée au néon 23 heures sur 24. Privé de lumière du jour et de repère temporel.

En avril 2011, Laura part à Rio rencontrer Glenn Greenwald, l’interviewe et le filme. Elle réitère l’expérience avec Jacob Appelbaum, expert en sécurité informatique et prince des hackeurs, depuis qu’il a co-créé TOR, un logiciel de navigation sur Internet qui garantirait l’anonymat. Comme Glenn Greenwald, il est impliqué dans la défense de Manning. Comme Laura, il est systématiquement retenu et interrogé à son arrivée aux USA.

En 2012, elle rencontre aussi les “NSA Four” (Thomas Drake, Kirk Wiebe, Edward Loomis et William Binney), les quatre lanceurs d’alerte de l’agence de surveillance. En août 2012, elle publie sur le site du New York Times, The Program, le témoignage filmé de l’un d’entre eux : mathématicien, codeur de génie, William Binney, a démissionné de la NSA en 2001 après 32 ans de bons et loyaux services pour dénoncer le programme Stellar Wind assemblé au lendemain des attentats du World Trade Center. Celui-ci permet à l’agence de renseignement de récupérer et mettre en lien l’ensemble des informations privées (communications, achats, localisations) de toute la population américaine.

Laura poursuit ses recherches et part à Londres, à la rencontre de Julian Assange. La NSA intensifie ses pressions. Lors d’un passage à l’aéroport, elle se fait interroger quatre heures d’affilée. Muette mais prenant note de tout, elle se fait arracher son stylo sous le prétexte qu’il pourrait être une arme. Pour protéger son travail, Laura décide de ne plus retourner aux USA.

Sous les conseils de de Jacob Appelbaum, elle s’installe à Berlin. L’expérience de la STASI a marqué une génération de législateurs et de citoyens. Les lois de l’Allemagne sur la protection de la vie privée, les loyers modérés de Berlin, son vibrant Chaos Computer Club en font le camp de base des hackeurs, codeurs et défenseurs des libertés numériques. Laura établit alors une liste des personnes avec lesquelles elle aimerait travailler et notamment un monteur, ressource clé d’un grand film.

En haut de sa liste, la française Mathilde Bonnefoy, dont elle a apprécié le travail sur Run Lola Run et avec Win Wenders. Berlinoise depuis 20 ans, Mathilde est alors à Paris où elle tente de renouer avec le cinéma français. Elles se rencontrent dans la capitale française.

A l’époque, je ne veux plus faire de montage, confie Mathilde.Mais j’ai le déclic en la voyant. Elle m’inspire confiance. »

Mathilde présente Laura à son mari, le producteur allemand indépendant Dirk Wilutzky. « Nous lui proposons de s’installer chez nous à Berlin puisque nous restons à Paris. Puis en mars 2013, nous commençons le montage dans notre appartement ».

Elles travaille sur les rush accumulés : « le matériel est déjà très impressionnant » confie Mathilde. A l’époque Laura a déjà reçu des mails d’un certain Citizen Four qui se revendique de la NSA et prétend avoir des informations pour elle. Il a déjà contacté Glenn depuis des mois sans succès : le journaliste est débordé et na pas le temps de soumettre aux conditions de sécurité exigées par Citizen Four pour communiquer et un jour récupérer « ces informations qui devraient l’intéresser » : l’encryption.

Laura, plus au fait, ouvre la porte de la discussion. « Laura ne me parle de Citizen Four (Edward Snowden, ndlr) qu’en juin pour me mettre en garde. Si je vais plus loin je serais surveillée, intimidée. Elle me propose de renoncer, m’assure qu’elle ne m’en voudra pas. Je refuse de lâcher.”. Laura pense ainsi compléter sa longue liste de témoignages sur la surveillance d’Etat et la NSA. Elle est le Cheval de Troie de Citizen Four pour atteindre Glenn et le convaincre de venir à Hong Kong le rencontrer.

Quand ils débarquent sur la péninsule chinoise, cela fait plus de six mois que Laura communique avec Citizen Four. Il lui a transmis un premier document classifié secret défense : la preuve que l’opérateur américain Verizon transmet, quotidiennement, à la NSA l’ensemble des informations sur ses clients. Elle sait qu’il a décidé de lui confier bien d’autres preuves explosives du système de surveillance de masse déployée par la NSA contre ses alliés et sa propre population.

Quand elle rencontre Edward Snowden dans sa chambre du Mira Hotel et qu’il finit par accepter qu’elle le filme, elle sait aussi qu’il a décidé de lui confier sa vie.

« Je n’aime rien de plus qu’être avec des personnes lors de décisions et moments critiques pour elles. Cela implique d’accepter l’incertitude. Mais ce qu’il m’est arrivé avec Snowden est vraiment quelque chose que jamais je n’aurais pu imaginer ».

De coïncidence en coïncidence, elle traverse là l’expérience la plus folle de sa vie. La plus signifiante aussi. Au bout de quelques heures dans le huis clos de la chambre, Glenn Greenwald publie son premier article sur la base des informations de l’ancien collaborateur de la NSA. C’est une course contre la montre avant que la NSA et ses sbires, ou une triade ne les repère. Laura filme son témoignage, face caméra : nom, prénom, âge, profession, motivation.

Cette vidéo est publiée sur le site du Washington Post, unique media à avoir commandé quoi que ce soit à Laura. Saisissant la NSA à la gorge, la vidéo fait le tour du monde, passe sur écran géant à Time Square. Edward Snowden donne à Laura une lettre portant des instructions, au cas où il lui arriverait quelque chose. « Je lui promets de divulguer ses informations ». Puis il se volatilise. Ils perdent le contact.

Pendant une semaine, Laura se cache, fait des copies de ses images et les confie à des tiers, au cas où. Elle détruit fichiers et disques durs originaux, ne se sépare jamais des documents de sa source. Elle se terre à Hong Kong, espérant un contact, le revoir. Elle se terre à Hong Kong, espérant revoir sa source. 

“Je me suis sentie seule et vulnérable, tellement exposée, analyse-t-elle, encore troublée par ce souvenir. J’étais en colère contre le Guardian, qui n’avait rien fait pour nous protéger”.

Rentré à Rio, Glenn lui ordonne de partir“Nous savions tous les deux la puissance de ce que nous avions entre les mains.” La mort dans l’âme et terrorisée, Laura se rend à l’aéroport, achète en liquide un aller simple pour Berlin, via Dubaï. Lestée de la plus grande fuite de toute l’histoire de la NSA, elle traverse portiques de sécurité police de l’air et douane. Sans encombre. Du sous sol de l’Ambassade d’Equateur où il s’est réfugié, Julian Assange envoie Sarah Harisson, sa très proche collaboratrice, à Hong Kong. Elle trouve Snowden, se démène pour lui trouver une terre d’asile, l’exfiltre jusqu’à Moscou qui lui accorde l’asile, au bout de 39 jours dans la zone de transit de l’aéroport.

“La décharge d’adrénaline avait été trop forte”

Laura débarque à Berlin bouleversée : “elle avait une dizaine d’heures de rushs mais ne se souvenait plus de ce qu’elle avait filmé. La décharge d’adrénaline avait été trop forte”, se souvient Mathilde. Elle demande à Dirk Wilutzky, de devenir le producteur du film, pour l’aider. Jusqu’alors, Laura a toujours produit seule. Elle est aussi très occupée par la publication des révélations de “Citizen Four” pendant plusieurs mois, et ne touche pas aux images. Mathilde commence à visionner les rushs seule. Puis elle s’attaque au remontage, transforme l’ensemble des séquences de cinéma-vérité en thriller. Les scènes concernant Binney, Assange et Appelbaum sont rabotées. Edward Snowden ses mots, son calme, sa force, prennent toute la place.

Vient alors l’idée de transformer cette série d’interviews en thriller et de poser ses codes - rythme, musique, suspens, héros prêt à mourir face à une machine diabolique.

Vient aussi l’idée de jouer sur l’intime, de révéler ce qui se joue-là: la révélation d’un homme à lui-même, un sonneur d’alerte qui passe à l’acte. Mathilde veut signifier l’interaction, la relation à l’œuvre. Elle a besoin que Laura se dévoile.

Fidèle aux règles du cinéma vérité, celle-ci ne figure jamais dans ses films, ni à l’image, ni au commentaire, dont ils sont dénués. “Le spectateur doit trouver sa place, faire son tri, s’approprier ce qu’il voit et le mettre en perspective, pour lui-même”, justifie-t-elle.

Mais Mathilde ne lâche pas : elle a besoin que Laura, à son tour, accepte de devenir un protagoniste du film “pour qu’on avance, avec elle, pas à pas, à la rencontre de cet homme et de cette expérience. J’ai mis des mois à la convaincre d’apparaître, pour une mini-séquence, en subjectif. On l’aperçoit dans le miroir de la chambre d’hôtel, comme on s’apercevrait nous”. Cela ne suffit pas à signifier ce moment incroyable de confiance, de respect, entre le lanceur d’alerte et les journalistes. Edward Snowden a appris des erreurs de ses prédécesseurs, et notamment d’Assange. Il a évité les grands medias, a sélectionné ses journalistes, ses “passeurs”, pour leur intégrité. “Je ne t’ai pas choisie, affirme-t-il à Laura. Tu t’es choisie toute seule.”

Laura a imprimé quelques uns des emails de Citizen Four.

J’ai été impressionnée par la beauté de ses textes, très lourds d’implication existentielle”, se rappelle Mathilde.

Sûre de tenir une pièce maitresse du film, elle pense les faire lire par Snowden lui-même. Elle a besoin d’une voix témoin, Laura se prête à l’exercice. Mathilde tombe à la renverse: “Laura est le vecteur de toute cette histoire et le signifiera par sa voix”.

Jamais Laura ne pense être en train de réaliser un film pour les Oscars. Elle travaille obnubilée par des scénarii catastrophes. Pour la neuvième fois de son mandat – un record – Obama a utilisé l’Espionnage Act pour incriminer Edward Snowden. Les traitements infligés aux sonneurs d’alerte et à ceux qui les aident, les journalistes sont rabâchés par les media, au cas où d’autres seraient tentés : peine de prison, de mort, harcèlement, intimidation de l’entourage, diabolisation. Edward Snowden a appris des erreurs de ses prédécesseurs et notamment d’Assange.

Sûr de la puissance de ses informations, l’homme de WikiLeaks avait noué des partenariats avec les grands medias : passées les premières révélations, plusieurs d’entre eux se sont retournés, servant ainsi de porte voix au travail de sape piloté par le gouvernement américain. Et d’après Laura, certains medias n’auraient pas respecté les consignes de sécurité imposées par Wikileaks, faisant fuiter notamment la clé de cryptage des câbles originaux, exposant ainsi le nom des agents de terrain. Wikileaks a été blâmé pour l’erreur, discréditant d’un coup l’ensemble de l’initiative.

A l’inverse, Glenn, Laura et Edward travaillent révélation après révélation, ne partagent l’ensemble des documents avec personne. De Rio, Glenn Greenwald canarde, scoops sur scoops, changeant de partenaire media au gré des informations à révéler. Cela garantit la sécurité des documents mais retarde la diffusion. Glenn et Laura tentent alors de créer leur propre media pour gagner en temps et liberté. Pierre Omidyar, l’un des fondateurs de Ebay, vient de se faire rafler le Washington Post par Jeff Bezos, l’homme d’Amazon. Entrepreneur milliardaire, il est aussi philanthrope et inquiet. Il contacte Glenn et Laura, met 250 millions sur la table pour The Intercept, nouveau media 100% internet, dédié à la diffusion des révélations et au travail de Glenn et Laura.

Tout est à construire. Cela prend plus de temps que prévu et ralentit davantage le flux. Laura s’agace. Le visa d’Edward Snowden en Russie va expirer. Ses révélations scandalisent, Le Guardian et le Washington Post reçoivent tous deux le Pulitzer pour la diffusion des articles et films de Glenn et Laura mais la déflagration espérée, auprès des politiques ou des populations, ne survient pas.

Le travail de la NSA pour diaboliser Edward Snowden et minimiser ses révélations ne faiblit pas. Tout est tenté pour le décrédibiliser : le traiter de narcissique irresponsable, le faire passer pour un espion à la solde des russes. La NSA et Snowden s’affrontent par media interposé. A chacune de ses apparitions, Edward Snowden réplique coup par coup, impeccable, dans la parfaire maitrise de son choix et de son sujet, donnant peu de prise à une NSA dépassée par la puissance de son moteur : son désintéressement.

Obama en fait un traitre à la Nation, l’accusant d’avoir mis en danger les agents de terrain. Edward, Glenn et Laura sont obsédés par ce qu’ils veulent dénoncer et par le mal qu’ils pourraient causer. A ce jour, aucun nom ou information susceptible de fragiliser les agents de terrain n’a été publié. De fait, le trio s’attaque à un système désincarné, une technologie qui n’est plus contrôlée par personne, une idéologie qui se nourrit d’elle-même. Les individus sont prisonniers d’une ambition : « La surveillance d’Etat ne relève pas de la théorie du complot, analyse Jacob Appelbaum pour Vice. Mais du business plan ».

Pour Laura Poitras, c’est ce qui est le plus difficile à admettre : « la surveillance d’état sera difficile à démanteler, parce que c’est un énorme marché » : celui de complexe militaro technologique, évalué à 40 milliards de dollars par an, régulé par rien ni personne. A l’image des drones tueurs, probablement le sujet de son prochain film puisque « sur cela aussi, nous ne mettons aucune image et du coup, nous ne nous confrontons pas à la réalité ».

Les itinéraires de Glenn, Laura et Citizen Four prouvent qu’il existe une alternative au renoncement mais qu’il y a un prix à payer :

« il y a un lien direct, dans nos métiers, entre le risque que l’on prend et ce que l’on peut accomplir ».

Et le monde que l’on souhaite. A l’image de Snowden dans la guerre médiatique qui l’oppose à la NSA, tout est question de maitrise de son sujet, de son choix, de son histoire. Lui n’a laissé aucune prise. Le microcosme des media commence à bouger : « Notre acceptation de la torture, de la surveillance d’Etat est aussi un problème de notre profession. La presse a perdu son rôle de contre-pouvoir. Avec Glenn, on leur a mis une certaine pression pour que cela devienne plus difficile pour eux de ne PAS résister à la censure imposée par le gouvernement ».

Dans ses films, Laura laisse beaucoup de place au hasard mais elle contrôle tout ce qui pourrait exposer ses sources. Elle donne à ses personnages le bénéfice du doute mais aucun aux institutions. Elle revendique de prendre son temps, accepte une certaine inefficacité. Pourtant, personne n’a jamais pris en ligne de mire l’Amérique post 11 septembre avec autant de munitions et de doigté. Elle se laisse porter par les coïncidences, son instinct. Etonnement, elle revient toujours à ses bases : « montrer des individus placés dans une situation horrible et tentant de faire les bons choix ». Les épreuves de la vie, l’apprentissage de la dignité, David contre Goliath.

Quand Laura rentre aux Etats-Unis pour la cérémonie des Oscars en février dernier, personne ne l’attend au pied de l’avion ni même à l’immigration. Sur la scène du Dolby Theater, elle vient chercher sa récompense avec ses compagnons de fortune, de cordée, sa bande: Glenn, Dirk, Mathilde. Lindsay Mills, la fiancée d’Edward Snowden, se tient derrière eux, les mains sur sa jolie robe, muette, défiant la caméra bien en face. “Edward était parti sans rien dire pour ne pas l’exposer. Mais les médias du monde entier lui étaient tombés dessus”, explique Laura.

Lindsay a alors lâché les plages paradisiaques d’Hawaï où le couple s’était rencontré et vivait, pour l’exil et le combat, avec son homme à Moscou. “L’une des choses les plus dures pour moi était d’imaginer ce que Lindsay avait enduré, continue Laura. Alors je lui ai proposé de venir. Elle a quitté Moscou, pris l’avion, est revenue aux Etats-Unis et est apparue pour dire qu’elle n’avait pas peur. L’Académie des Oscars a récompensé une histoire de personnes en lutte contre un Etat aux pulsions totalitaires. Exposer ces personnes est la meilleure des protections.”

Drapés de tous les atours du thriller (rythme, musique, suspens, héros prêt à mourir face à une machine diabolique), Citizen Four a fait tomber toutes les résistances. Caméra au poing, Laura Poitras vient de hacker, au sens noble, Hollywood. Elle a détourné le système pour servir son combat, ses idées. Et atteindre, enfin, nos âmes. Hollywood est la porte dérobée pour atteindre notre système de représentation. Dénonçant l’Etat de surveillance comme personne, elle a créé une brèche dans l’Etat de l’Ignorance. Notre plus grand ennemi n’est pas forcément la NSA. Mais notre apathie.

La folie des Oscars dissipée, Laura Poitras repart pour la France, où Citizen Four sort enfin au cinéma. A l’Aéroport de New York, elle tend son passeport et sa carte d’embarquement à l’employé de la Transportation Security Administration, créée après le 11 septembre pour renforcer les contrôles de sécurité dans les transports. Il lit son nom, s’exclame: “Laura Poitras? Sérieusement?” Il lui rend son passeport et dans un grand sourire, ajoute: “J’ai vu votre film hier soir! Félicitations à vous!. Laura retire alors de son sac à main sa précieuse statuette pour la passer aux détecteurs de métaux. C’est là que vraiment, j’ai su que j’avais remporté une victoire.” 

Pour ce qui lui reste à accomplir, cet Oscar sera plus efficace qu’un gilet pare-balles. Vue, connue et en toute liberté, Laura Poitras continuera à raconter des histoires, qui feront l’Histoire. A faire du cinéma vérité tant celle-ci n’est pas bonne à dire.

Source : Flore Vasseur / Blog, 09-03-2015

Source: http://www.les-crises.fr/la-femme-qui-vient-de-hacker-hollywood-par-flore-vasseur/


Qui est prêt à se battre pour son pays ?

Friday 15 January 2016 at 04:29

Qui est prêt à se battre (et donc à mourir !) pour son pays ?

Un intéressant sondage de Gallup a tenté de répondre à cette question fin 2014 (analyse et détail ici).

On prendra ça avec recul, amis on voit bien, au vu de la cohérence des résultats entre pays que cela dit quelque chose, au moins au niveau psycho-sociologique sur la vision de ses devoirs envers son pays.

En voici le résultat (personnes ayant répondu “OUI”, avec des codes couleur régionaux et/ou culturels) :

(Nb : comme souvent, les Japonais évitent de répondre au sondage, ici 1 sur 2, ce n’est donc pas très significatif)

Cela m’a évidemment fait penser à cette belle phrase de Shakespeare :

« La paix et l’abondance engendrent les lâches : la nécessité fut toujours la mère de l’audace. » [William Shakespeare, Cymbeline, III-6]

La même chose, mais classé par “NON” :

Et enfin le même, mais classé par “OUI”-”NON” :

À méditer…

Source: http://www.les-crises.fr/qui-est-pret-a-se-battre-pour-son-pays/