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Actu’Ukraine 17/06/2015

Thursday 18 June 2015 at 01:30

Merci à toutes celles et tous ceux qui ont participé à cette Actu’Ukraine !

ACTU’UKRAINE DU 8 AU 14 JUIN 2015

 

FOCUS DE LA SEMAINE : LA TRANSNISTRIE

• La Transnistrie. La Transnistrie appelée aussi République Moldave du Dniestr ou  encore Pridniestrovie est un état indépendant de fait non reconnu internationalement à part par d’autres états sécessionnistes issus de l’ex URSS : l’Ossétie du Sud (sécession avec la Géorgie), l’Abkhazie (sécession avec la Géorgie) et le Haut-Karabagh (sécession avec l’Azerbaïdjan). Le pays compte environ 500 000 habitants. Les langues officielles sont le moldave, le russe et l’ukrainien (wikipedia, wikipedia).

 

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La région de Transnistrie a une histoire récente sanglante. Elle a été le cadre de déportations et de massacres lors de la seconde guerre mondiale de la part des roumains alors alliés à l’Allemagne nazie (wikipedia). Plus tard, en 1990, alors que l’URSS existe toujours, la république socialiste de Moldavie se rapproche de la Roumanie en adoptant le roumain comme seule langue officielle, ce qui crée des tensions avec la minorité russophone.  Il y a des affrontements militaires fin 1990 entre les troupes moldaves et les milices transnistriennes appuyées par la XIVe armée russe stationnée en permanence sur le territoire. Puis, après la dislocation de l’URSS, de nouveaux affrontements opposent la Moldavie et la Transnistrie en 1992 qui font plusieurs milliers de morts et gèlent les frontières entre Moldavie et Transnistrie (wikipedia). Depuis ce temps, des troupes russes d’interposition fortes d’environ 1200 hommes sont déployées en Transnistrie avec, jusqu’au 21 mai 2015, des accords de survol de l’Ukraine pour l’approvisionnement et la rotation des troupes. Pour la petite histoire, le président actuel de Transnistrie, Yevgeny Shevchuk, rappelle que les affrontements de 1990-1992 opposaient la majorité roumaine de Moldavie à la minorité russe et ukrainienne (russia-insider). Yevgeny Shevchuk, lui même, est un Transnistrien d’origine ukrainienne comme environ le tiers des Transnistriens.

La population de la Transnistrie enfin est très majoritairement (plus de 95%) favorable à un rattachement avec la Russie.

 

• Un cauchemar militaire. La Transnistrie est un micro état étendu le long de la rive gauche du Dniestr et qui n’a, au mieux, que 20 km de profondeur. Il est de plus enclavé entre la Moldavie à l’Ouest et l’Ukraine à l’Est. Côté défense du pays, ceci donne des lignes de front très étendues, sans profondeur stratégique ni repli possible et une impossibilité de ravitaillement ou d’intervention de la part de la Russie… sans entrer en conflit avec l’Ukraine. Côté invasion du pays, ceci donne une première phase aisée de percement des lignes de front, suivi par des combats meurtriers en milieu urbain au milieu de la population qui n’a nulle part où fuir et qui sera hostile aux envahisseurs. Bref, aucun militaire sensé ne voudrait défendre ou attaquer un pays qui pourrait se transformer en un Stalingrad, un Grozny ou un Beyrouth.

 

• L’armée transnistrienne.  Outre les 1200 soldats russes, l’armée transnistrienne est formée de 4 500 à 7 500 hommes, d’une vingtaine de tanks T-64BV, une centaine de véhicules d’infanterie BTR-60, BTR-70, MT-LB et BRDM-2, 173 chasseurs de chars, une cinquantaine de batteries de DCA et une quinzaine d’hélicoptères (wikipedia). De plus, la Transnistrie pourrait compter sur 50 000 réservistes pouvant être opérationnels en une semaine (rusvesna.su via fortruss). Autrement dit, elle est incapable de défendre les frontières et sera réduite à des combats de guérilla. Le seul élement qui maintient le statu quo et empêche une autre aventure militaire moldave est la présence de soldats russes et donc l’intervention automatique de la Russie en cas d’attaque de ses troupes. Paradoxalement, ce sont ces mêmes troupes russes qui attisent les rêves ukrainiens de soutien voire d’intervention de l’OTAN…

 

• Le rêve ukrainien d’une guerre ouverte avec la Russie. La Transnistrie présente quatre avantages pour l’Ukraine. Tout d’abord le pays compte des arsenaux immenses datant du temps de l’URSS dont la capture serait très utile pour l’armée ukrainienne encore équipée de matériel soviétique. Ensuite, depuis la dénonciation des accords russo ukrainiens et les restrictions moldaves de transit via Chisinau (sputniknews), les troupes russes présentes en Transnistrie sont quasiments encerclées. ce qui fait que la Russie ne peut plus les approvisionner ou les secourir en cas de conflit. A moins bien sûr d’intervenir militairement contre l’Ukraine. Donc si l’Ukraine attaquait la Transnistrie, cela pousserait la Russie à attaquer l’Ukraine. Par jeu de domino, l’OTAN, dont la Roumanie fait partie et que la Moldavie veut intégrer (nato.int), réagirait forcément de manière pavlovienne. C’était tout le calcul de l’Ukraine quand Porochenko discutait, il y a quelques semaines, de la Transnistrie, non pas avec la Moldavie mais avec la Roumanie, donc avec l’OTAN. Enfin, dernier avantage. Une guerre contre la Russie ne manquerait pas d’ouvrir grandes les vannes des financements et des fournitures d’armes américains.

Suite à sa décision de dénonciation des accords de transit, l’Ukraine a positionné des unités de missiles anti-aériens S300 près d’Odessa afin d’abattre d’éventuels avions russes (vzgliad.ru), ce qui, paradoxalement,  inquiètent les américains (sputniknews), mais n’alarme pas les experts qui pensent que la Russie pourrait facilement neutraliser électroniquement les batteries de missiles ukrainiens… qui sont de fabrication russe (fortruss) ! D’ailleurs, la Russie a déployé récemment, malgré le blocus ukrainien, des troupes spéciales de reconnaissance en Transnistrie (fortruss).

 

EXTRAIT DU FOCUS DE L’ACTU’UKRAINE DU 27 MAI (les-crises)

 • Isolement par rapport à la Russie : le rêve d’une guerre avec la Russie. Vu que les accords de Minsk doivent finalement être appliqués, la guerre avec la Russie ne peut plus venir de l’Est. Du coup, l’Ukraine essaye de déclencher une guerre à l’Ouest de son territoire. L’Ukraine  a entrepris le blocus des militaires russes se trouvant en Transnistrie. En effet la Rada a dénoncé jeudi 21 mai un accord de coopération militaire entre la Russie et l’Ukraine datant de 1995, qui autorisait le transit des troupes russes de maintien de la paix stationnées en Transnistrie, une région séparatiste de Moldavie enclavée entre la Moldavie et l’Ukraine, par le territoire ukrainien (russia-insider, vz.ru, vz.ru). Ce n’est pas la première fois que Porochenko essaye d’enflammer l’ouest du pays, déjà en mars 2015, il avait déjà évoqué ce dossier lors d’une entrevue avec son homologue roumain (Actu’Ukraine au 17 mars 2015 : les-crises.fr). La ministre des affaires étrangères de Transnistrie déclare qu’il s’agit d’une “menace sur la sécurité de la région” (sputniknews), ce qui est effectivement le cas.

Est-ce une mesure de rétorsion de l’OTAN contre la fermeture de la route nord (voir le passage plus haut sur l’OTAN) ou une initiative purement ukrainienne ? Le tout est que plusieurs milliers de soldats russes sont désormais totalement encerclés entre la Moldavie et l’Ukraine, deux pays proches des USA (vz.ru). Il va être intéressant de voir ce que justement les USA vont faire face à cette situation dans un contexte où ils doivent donner des gages de confiance à la Russie après Sotchi. A noter que les deux pays concernés, Moldavie et Ukraine, sont instables. La Moldavie et en proie à une grave crise politique suite à un énorme scandale de corruption (Actu’Ukraine au 6 mai 2015 : les-crises.fr) et l’Ukraine est proche de la faillite avec une guerre civile à l’Est et un agenda politique (Minsk 2) impossible à tenir sans implosion du gouvernement (rt.com) voire du pays (russia-insider, russia-insider).

EXTRAIT ACTU’UKRAINE DU 6 MAI 2015 (les-crises.fr)

• Crise politique en Moldavie. Suite aux manifestations et à la pression de la rue (lemonde.fr), le Président du Parlement a publié un rapport des détectives privés américains Kroll détaillant le vol d’un milliard de dollars dont ont été victimes trois banques moldaves d’août 2012 à novembre 2014. La société Privatbank à Riga  (donc appartenant à Kolomoïski)et des sociétés off shore britanniques et de Hong Kong sont impliquées dans la fraude. L’opposition estime que les Etats Unis et l’UE sont responsables de la situation catastrophique en Moldavie, ayant soutenu ces dernières années le gouvernement corrompu (http://www.vz.ru/world/2015/5/6/743663.print.html). Il est à noter que les USA comme l’UE soutiennent en Moldavie un gouvernement corrompu, alors qu’ils demandent sans cesse à Kiev d’accélérer ses réformes, dont fait partie la lutte contre la corruption. Morale élastique, s’il en est. Pour ne rien arranger, Saakachvili est prêt à  aller “déraciner” la corruption en Moldavie. La nouvelle a été annoncée par le Premier Ministre moldave, Kiril Gaburitch,  après une visite à Kiev (regnum.ru)… Rappelons que Saakachvili est poursuivi en Géorgie, le pays dont il était président pour une “note” de 5 millions de dollars sur le budget de l’état pour des “frais personnels”  : massages, cures, régimes, voyages, …).

EXTRAIT ACTU’UKRAINE DU 17 MARS 2015 (les-crises.fr)

• Porochenko, qui se sent chaud bouillant, envisage de déclencher une guerre contre la Russie ! Lors d’une entrevue avec son homologue roumain, Porochenko envisage d’intervenir pour rattacher la république sécessionniste de Transnistrie (wikipedia, novorossia.today, novorossia.today) à la Moldavie. Petit problème, il y a des troupes russes stationnées en Transnistrie (fortruss) Donc attaquer la Transnistrie, c’est déclencher une guerre contre la Russie… Comme l’Ukraine n’arrive pas à faire intervenir la Russie à l’est du pays, elle va essayer de la faire intervenir à l’ouest, histoire d’avoir “sa” guerre contre la Russie…

La Transnistrie lui répond par une lettre (fortruss) qui revient en termes non diplomatiques à lui dire de “s’occuper de ses oignons” :

 We, the residents of Transnistria, were  quite surprised by the manifested concern for the restoration of the  historic state borders from Petro Poroshenko and, in turn, intend to  express consent, provided, however, that Ukraine will return to its  historical homeland, that is, to Russia, to restore the territorial  integrity of the Russian lands. What actually Your citizens of Ukraine  have been demanding for more than a year. 

Dear Mr. Poroshenko, we’re surprised  that You started with the integration of foreign states, not starting  with your own. In order to show us an example of how to come to terms  with your historical homeland, now You just must demonstrate on your own  example and restore the historic injustice of the collapse of the Great  Union, the nuclear super-power. 

In case You deny Russia to return its  rightfully Russian land, then we will be forced to refuse You, too,  because if You do not find the strength to return home, then what right  do You have to return us somewhere? 

Sincerely we hope that You come to your  senses and integrate into the Russian Federation, where people will  start to live normally and not like now – only existing and surviving. 

With respect, the residents of Transnistria.

Coïncidence ? L’OTAN va ouvrir une représentation en Moldavie ce printemps (http://rt.com/news/line/2015-03-20/#84349). Pas de doute, certains à Washington veulent vraiment leur guerre avec la Russie…

 

• Le rêve de revanche de Saakashvili. Saakashvili a déjà déclenché et perdu une guerre contre la Russie, c’était en 2008 en Ossétie du Sud. De par sa nouvelle position de gouverneur de la région d’Odessa (les-crises.fr), limitrophe de la Transnistrie, il a de nouveau l’opportunité de déclencher une nouvelle guerre avec la Russie… Pour commencer, il annonce que l’Ukraine va “renforcer sa frontière” avec la Transnistrie (24today.net, president.gov.ua), ce qui revient pour VzGliad à vouloir étouffer la Transnistrie en en faisant le blocus (vz.ru). Timer, le media local d’Odessa titrait le 2 juin sur le désir de revanche de Saakashvili : Сине-оранжевый галстук, или Приднестровский реванш Саакашвили (Cravate bleu et orange, la vengeance transnistrienne de Saakashvili) (timer-odessa.net).

A Odessa, Saakashvili monte autour de lui une équipe géorgienne qui ressemble fort à un gouvernement géorgien en exil.

Comme procureur d’Odessa, il nomme Zurab Adeishvili (wikipedia), son ancien procureur général de Géorgie (liveuamap.com) et pour certains son “éminence grise”. Adeishvili a été recherché par INTERPOL avec une “red notice” (arrestation et extradition) de novembre 2013 (pog.gov.ge) jusqu’en avril 2015 où son mandat d’arrêt a été levé (civil.ge, rustavi2.com, 1tv.ge). Depuis, un autre scandale le rattrape dfwatch.net).  Adeishvili a donné une de ses rares interview le 9 juin 2015 (dfwatch.net). Apparemment Adeishvili se cachait en Ukraine depuis au moins un an avec Saakashvili, lui aussi recherché internationalement, mais dont l’Ukraine a refusé l’extradition.

Comme chef de la police de la région d’Odessa, il nomme son ancien Vice Ministre de l’intérieur, le général Gia Lortkipanidze (vz.ru, unian.info, vesti-ukr.com). Lortkipanidze est décrit par un ancien général de la police géorgienne comme  “un tueur sans pitié de l’ancien système avec un visage innocent d’enfant” (onpress.info). Lequel Lortkipanidze obtient dans la foulée la nationalité ukrainienne (unian.info).

Saakashvili a donc verrouillé les postes qui lui assurent de disposer d’un appareil répressif sans contre-pouvoir, justice et police étant entre ses mains.

 

Mikheil Saakashvili

Zurab Adeishvili

Gia Lortkipanidze

En résumé, cela donne un graffiti taggé par des inconnus sur le bureau du parti de Saakachvili à Batoumi en Géorgie : “les assassins se cachent à Odessa”. (http://www.vz.ru/news/2015/6/10/750116.print.html).

 

• Les développements des derniers jours. La Transnistrie s’inquiète des manœuvres ukrainiennes et des entraînements de troupes moldaves le long de ses frontières : “There is a concentration of additional forces and equipment  from Ukraine in close proximity to our borders, as well  as intensification of training among Moldovan troops,” dixit le président de Transnistrie (sputniknews). La Roumanie, de son côté, demande à ce que la Russie retire ses troupes de maintien de la paix de Transnistrie (sputniknews). Porochenko signe la loi mettant fin aux accords de transit de troupes russes via l’Ukraine votée le 21 mai par la Rada (unian.net, 24today.net) et déclare qu’il ferait “tout ce qui est en son pouvoir” pour liquider la Transnistrie (ruposters.ru via fortruss). Enfin, le représentant de l’Ukraine à l’OTAN, Igor Dolgov, annonce que Kiev et l’OTAN vont mettre sur pied des forces d’opérations spéciales conjointes (vz.ru). Enfin, la Russie via son vice premier ministre, Dmitri Rogozin, déclare que “la Fédération de Russie sera toujours là pour aider à assurer la stabilité et la sécurité de la Transnistrie” oborona.gov.ru, oborona.gov.ru) et, pour le montrer, mène actuellement des exercices militaires conjoints en Transnistrie (sputniknews, sputniknews, segodnya.ua, 24today.net). Le 12 juin, le premier ministre moldave démissionne (news.yahoo.com, moldavie.fr), le 14 juin, des élections municipales ont lieu dans tout le pays (sanluisobispo.com). Dans la capitale, Chisinau, l’actuel maire pro tout (US, OTAN, UE) est mis en ballotage incertain car n’ayant pas obtenu 50% des voix (37,39 % des voix contre 35,95 % pour son adversaire pro russe). Le second tour de ces élections est prévu le 28 juin (townhall.com)

 

Manœuvres ukrainiennes

Manœuvres ukrainiennes


 

• Article de synthèse sur la Moldavie. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la Moldavie en ayant peut de le demander… (russia-insider)

 

• L’analyse de Politrussia (youtube via fortruss, source : youtube).

3 juin 2015 : Transnistria – Another Civil War Front? | ENG DE SUBS (youtube)

 

• Résumé réalisé par Vincent Parlier (youtube).

5 juin 2015 : Une guerre de plus pour Porochenko (Ukraine, Moldavie contre Transnistrie) (youtube)

 

LUNDI  8  JUIN  2015

• Retour sur le focus de la semaine dernière :  Marinka.  Oukraïnskaïa Pravda annonce aujourd’hui que la bataille de Marinka est terminée  et que les séparatistes ont subi des pertes significatives (pravda.com.ua), logique pour un média ukrainien. L’article cite un avis analogue venant du député Diédieï (facebook), logique venant d’un député ukrainien. Ceci dit, la ville est toujours en partie contrôlée par les forces de Kiev. L’ordre d’évacuation de la population a été donné la semaine dernière, mais les ukrainiens ne sont parvenus qu’à remplir partiellement un bus avec 22 personnes. Dans le centre de Marinka, le nombre de pains distribués par la Croix Rouge laisse penser qu’il resterait 6000 habitants sur les 9000 que comptait la ville avant la guerre (rusvesna.su).

 

• Retour sur la manifestation réprimée de dimanche 7 juin. Cette manifestation, sous forme d’occupation pacifique de la place de Maidan, a été nommée Maidan 3.0. Elle n’a duré que quelques heures. Des ultra nationalistes ont détruit le campement et dispersé les personnes présentes par la force le soir même (kyivpost.com/). Ce lundi, le SBU a expulsé et interdit de séjour en Ukraine l’organisateur supposé de Maidan 3.0 : Rustam Tashbaev (facebook) : “The foreigner whose name you mentioned [Rustam Tashbaev] has been expelled  by the SBU and has been denied entry into the country, to prevent  further provocations” dixit Nalyvaichenko, le chef du SBU (sputniknews).

 

 

• Retour sur le bateau ukrainien coulé.  Ce lundi matin, le centre de presse de l’OAT accuse les séparatistes d’avoir fait sauter le bateau des garde-côtes à l’aide d’un “engin explosif artisanal” (bigmir.net, facebook).  Il est manifeste qu’une telle communication est à usage interne d’abord, destinée à la population, mais étant rédigée en russe, elle est aussi destinée à l’international. En fait d’”engin artisanal” il s’agirait d’une des nombreuses mines posées par les ukrainiens eux-mêmes. Parmi les commentaires de l’article on peut lire qu’un bateau de pêche a aussi sauté il y a huit jours et que des écriteaux “Danger Mines” sont disposés sur les plages de Marioupol. L’info du minage des plages est confirmée par un article de décembre 2014 (ru.tsn.ua, relayée par ridus.ru à 05 h 53 le 16  12  2014    ridus.ru et ridus.ru) : “Lundi, nous avons procédé à l’enfouissement de mines qui explosent si un bateau ou une embarcation transportant des combattants ennemis s’approchent de la rive. Selon les informations transmises par TSN, cent mines ont été posées.”

 

 

En fait, la situation est assez dramatiquement simple. le  gouvernement ukrainien a peur d’une attaque russe (ou s’y prépare) et d’un autre côté, il n’a aucune confiance dans les populations des régions concernées (Donetsk, Lougansk, Kharkov, Marioupol, Odessa) et donc ne communique pas les informations sur le minage à la population. C’est comme ça qu’un tracteur a passé sur une mine dans l’oblast de Donetsk, la semaine dernière, blessant son conducteur et c’est comme ça qu’un bateau de pêche saute ainsi qu’une vedette de garde-côtes. Il n’est pas non plus à écarter que l’armée ukrainienne agisse en mode panique et n’établisse pas toujours des plans exacts des zones minées.

Autre incident tragique, aujourd’hui, près de Krasnogorovski (oblast de Donetsk sous contrôle ukrainien), un véhicule militaire roule sur une mine anti-chars. Les sept occupants ont été tués sur le coup (lemonde.fr).

 

• Déclaration d’Obama au G7 et déclaration officielle du sommet. Rien de neuf. Pour Russia Insider c’est même un “non événement” (russia-insider).

Obama says Russian troops operating in Ukraine, sanctions biting   (youtube)

cliquez sur l’image pour voir la video


Leadersʼ Declaration G7 Summit 7-8 June 2015 (g7germany.de)

cliquez pour voir la déclaration

 

Et un petit rappel sanitaire, pour ne pas oublier (twitter via russia-insider.).

 

• Montée de sauce otanienne.  Au cours d’une réunion du Conseil interparlementaire Ukraine-Otan (youtube), le Ministre de la défense ukrainien, le général Stepan Poltorak, affirme que les forces de ATO (opération anti-terroriste), évaluées à 50 000 hommes, affrontent au Donbass 42500 hommes dont un quart de soldats russes renforcés de pas moins de 558 chars de combat et de “nombreuses” pièces d’artillerie (pravda.com.ua, lexpress). Autrement dit, l’Ukraine a besoin de l’aide de l’OTAN pour faire la guerre.

Au cours de la même réunion, Poltorak s’est plaint de ne pas pouvoir joindre son homologue russe, Choïgou (pravda.com.ua). Autrement dit,  l’Ukraine a aussi besoin de l’aide de l’OTAN pour parler de paix. Bref, l’Ukraine a besoin de l’OTAN.

Ukraine-NATO Assembly: Russian aggression in Ukraine should come ‘at high price’   (youtube)

 

• Bombardement de Gorlovka.  Depuis 5 heures ce matin, Gorlovka est bombardée sans arrêt par les forces ukrainiennes. Une femme a été très grièvement blessée (dan-news.info). Les cibles visées sont les localités de Golma, Komarova (Kourganka), Komsomolets et Gloubokaïa. Les Ukrainiens tirent depuis leurs positions d’Artemovsk et de Dzerjinsk.

Les tirs vont continuer durant la semaine. Trois femmes ont trouvé la mort et 2 enfants ont été blessés dans la nuit de mercredi à jeudi (youtube, youtube, youtube). La même info présentée par les média de Donetsk  (l’auteur des tirs est nommément l’armée ukrainienne) (dnr-news)et par les média de Kiev (ici, volontairement ou pas, on a omis de dire qui a tiré) (segodnya.ua/)…  Une station de filtration d’eau potable a été endommagée. Actuellement la ville est passée au régime de restriction de l’eau potable (dnr-news, segodnya.ua/).

 

г Горловка прямое попадание в девити  этажный дом погибла 3 женчины  2 ребенка в больнице в чежолам   (youtube, youtube)

 

10 – 11 июня 2015 г. Горловка. Последствия обстрела города ВСУ.   (youtube)

 

Gorlovka Destruction after Ukrainian Shelling (Drone Journalism #5)   (youtube)

 

Une femme de Gorlovka témoigne et appelle la communauté internationale à réagir (youtube).

 

“Communauté internationale! Ouvre enfin les yeux!..”  Donbass, Gorlovka.  (youtube)

 

• Et sur d’autres villes.  Outre Gorlovka, Donetsk, Oktiabrski, Stanitsia Louganska entre autres localités sont soumises à des tirs intensifs d’artillerie de la part des ukrainiens (youtube, youtubednr-news).

 

Oktiabrski : 09.06.2015 “Репортаж с места событий. Поселок шахты Октябрьской”   (youtube)

 

Donetsk. Conséquences de bombardement du village de Oktyabrsky. 13/06/15 (Донецк. Последствия обстрела поселка Октябрьский. 13.06.15) (youtube)

 

Donetsk : Срочно! Донецк в огне. ВСУ обстреливают столицу ДНР из артиллерии 9 июня 2015   (youtube)

 

Donetsk : Ужасающий обстрел ж/д вокзала Донецка 8 июня, перечеркнувший все разговоры о перемирии   (https://youtu.be/jrhQaKml_gQ)

 

Le 14 juin, un journaliste de l’AFP aurait été blessé par des bombardements ukrainiens près de Donetsk (sputniknews)…

 

• Pas de vaccins ni de médicaments russes pour les Ukrainiens.  Le ministre de la santé ukrainien, le géorgien Alexandre Kvitashvili, a déclaré que l’Ukraine ne s’approvisionnera plus en Russie pour  les médicaments et  en particulier les vaccins : “Les vaccins russes n’entreront pas chez nous. Par exemple le vaccin BCG, qui sera polonais. Dans l’avenir, nous nous nous efforcerons de ne pas introduire sur le marché ukrainien de vaccins russes, surtout celui du BCG.” Il a aussi prudemment  déclaré que l’Ukraine changera d’orientation dans ses achats de vaccins “en fonction de ses moyens budgétaires” :  “Il y a de nombreux pays autres que la Russie qui fabriquent des médicaments, le marché est énorme” (interfax.com.ua, pravda.com.ua).

 

 

MARDI 9 JUIN 2015

• Durcissement ukrainien dans la partie de l’Oblast de Donetsk sous contrôle de Kiev. Le gouvernement ukrainien ainsi que plusieurs députés de la Rada demandent et obtiennent la démission du gouverneur de la région de Donetsk, Alexandre Kichtchenko, considéré comme trop libéral et favorable aux populations civiles locales (vz.ru, vz.ru).  Porochenko adopte le 11 juin la décision mettant fin aux fonctions de ce gouverneur. Son successeur, Jebrivski, est perçu comme ultra-dur, dans le style de Moskal de l’oblast de Lougansk, celui qui a coupé l’eau potable à la LNR (vesti-ukr.com, regnum.ru).

Un des premiers effets, sinon une coincidence, est le blocage par l’armée ukrainienne de 26 camions d’aide humanitaire affrétés par Akhmetov (vesti-ukr.com/). Avec tout ça le Donbass commence à avoir des problèmes pour ses approvisionnements en eau potable et en produits alimentaires (vesti-ukr.com).

• Sondage russe. L’enquête a été menée du 22 au 25 mai 2015 sur un échantillon national représentatif de 1600 personnes venant de 134 localités réparties dans 46 régions du pays.  La marge d’erreur est d’environ 3,4% (levada.ru).

VOTRE OPINION SUR LES USA (хорошо : bonne, плохо : mauvaise)

VOTRE OPINION SUR L’UE (хорошо : bonne, плохо : mauvaise)


VOTRE OPINION SUR L’UKRAINE (хорошо : bonne, плохо : mauvaise)


VOTRE OPINION SUR LA BIELORUSSIE (хорошо : bonne, плохо : mauvaise)


VOTRE OPINION SUR LA CHINE  (хорошо : bonne, плохо : mauvaise)


VOTRE OPINION SUR LA GEORGIE  (хорошо : bonne, плохо : mauvaise)


NOMMER LES CINQ PAYS LES PLUS AMICAUX AVEC LA RUSSIE (DE 2005 A 2015)

 

NOMMER LES CINQ PAYS LES PLUS HOSTILES ENVERS LA RUSSIE (DE 2005 A 2015)

 

• Etude pro OTAN. Etude du Pew Research Center parue le 10 juin : NATO Publics Blame Russia for Ukrainian Crisis, but Reluctant to Provide Military Aid  – In Russia, Anti-Western Views and Support for Putin Surge (pewglobal.org, pewglobal.org, pewglobal.org)

cliquer pour accéder au rapport

 

 

 

• Montée des risques de conflits.  Telle est la conclusion du rapport annuel du  World Economic Forum : The Global Risks report 2015  (reports.weforum.org, weforum.org, zerohedge).

 

 

cliquer pour accéder au rapport (weforum.org)

 

• Prospective régionale. Une interview intéressante de Zerkalo Kryma sur la nomination de Saakachvili et la situation géopolitique dans la région. Le quotidien n’indique pas le nom de l’expert interviewé. Outre la dégradation de la situation en Transnistrie, l’expert rappelle qu’il y aura des élections au Kirghizstan en novembre prochain et souligne l’affaire de la “valise diplomatique” de 150 tonnes reçue par l’ambassade US dans ce pays en avril 2015 (sputniknews, egaliteetreconciliation.fr). L’expert prévoit une possible division du pays entre les régions nord et sud. Il évoque également les perspectives de déstabilisation en Turkménie, qui a une armée assez faible, à partir de la province de Faryâb en Afghanistan. La déstabilisation se répercuterait en Ouzbekistan. L’expert déclare enfin que le seul politique qui compte en Ukraine est l’ambassadeur US à Kiev (zerkalokryma.ru).

 

• Et mauvaise blague américaine. Un blogueur blagueur américain, spécialiste des pétitions loufoques, en fait signer une pour demander une frappe nucléaire préventive sur la Russie, et les américains signent youtube, rt.com, zerohedge)… Et la blague rejoint la réalité puisque, selon Ron Paul, certaines personnes à Washington imaginent une frappe nucléaire contre la Russie (ronpaulinstitute.org)…

 

• Enorme incendie d’un dépôt de produits pétroliers près de Kiev. Lundi 8 juin vers 17 h 30, Des cuves de produits pétroliers prennent feu dans le dépôt de produits pétroliers de Vassilkov, à 30 km au sud-ouest de Kiev, à côté d’un aéroport militaire (a-beskotti.livejournal.com). L’incendie n’ayant pas été détecté assez vite, le feu se propage à d’autres cuves. Les pompiers sont débordés, certains de leurs véhicules prennent feu de fait de la chaleur intense… Au soir, un train d’intervention arrive pour combattre l’incendie avec de la mousse (interfax.com.ua vers 19 h. 31, 112.ua/). Des trains d’intervention de cette sorte semblent assez récents. Les chemins de fers suisses de la CFF ont inauguré le leur en 2009 (draeger.com/). La Russie en a un, le Bélarus aussi, qui date de 2013 (wikipedia).

L’incendie est d’autant plus préoccupant, que les citernes sont installées près de bâtiments militaires (a-beskotti.livejournal.com). Vers 13 h 44 le 9 juin, les services de sécurité ont fait évacuer toute la population dans un rayon de 2 kilomètres (unian.info), et plus tard de 10 km. Vers 14 h 55, on déclarait l’incendie circonscrit, bien qu’il ne soit pas complétement éteint (kiyany.obozrevatel.com).

 

Взрывы на нефтебазе в прямом эфире 112 Украина   (youtube)

 

Гигантский пожар на нефтебазe БРСМ  Василькoв (youtube)

 

Взрыв на нефтебазе БРСМ.Горят пожарные машины и машины скорой помощи (youtube)

 

Quatre réservoirs sont encore en flammes le mercredi matin, dont un d’huile, qui dégage une énorme fumée (112.ua, sputniknews). Dès mardi en milieu d’après-midi, le ministre de l’intérieur Arsen Avakov affirmait sur son mur facebook que l’accident était dû à 90% à une négligence, information relayée par RIA (ria.ru) lors d’un transfert de carburant d’une cuve à une autre (112.ua).  Les corps de trois pompiers ont été retrouvés, ils sont complètement brûlés et ne pourront être identifiés qu’après des analyses.

Il y a eu plusieurs nouvelles explosions durant la nuit puis une autre vers 5 h 30 du matin (lb.ua).

L’incendie en fin de matinée le 10 juin (youtube). Heureusement, depuis le début, le vent souffle du nord et éloigne donc la colonne de fumée de Kiev. Le site contenait 15 000 tonnes de pétrole (112.ua), ce qui représente une perte de 5 millions de dollars, sans compter le coût des installations.

 

Пожар на нефтебазе Киев. Последствия ЧП.  (youtube.com)

 

Et samedi 13 juin, nouveau départ de feu  (youtube, unian.info). Dimanche 14 juin, le dépôt pétrolier brûle toujours. C’est un réservoir d’essence de 900 mètres cubes qui est en feu cette fois (ru.golos.ua).

A ce jour, le nombre des victimes est de 5, deux employés du dépôt et trois pompiers.

 

На нефтебазе под Киевом возобновился пожар 13.06.2015   (youtube)

 

• Soros protège ses investissement ukrainiens. Le milliardaire américain George Soros préconise des livraisons d’armes et l’octroi d’un nouveau paquet d’assistance financière à Kiev (ronpaulinstitute.org via sputniknews). Du coup, le budget américain pour 2016 prevoit 500 million $ pour l’ukraine (korrespondent.net)… Décidemment Ron Paul a une dent conre Soros parce qu’il l’attaque de nouveau en fin de semaine : “Soros – An American Oligarch‘s Dirty Tale of Corruption” (ronpaulinstitute.org)

 

 

MERCREDI 10 JUIN 2015

• Visite de Poutine en Italie. Poutine est en Italie à l’occasion de l’ouverture du jour russe à l’exposition universelle de Milan (expo2015.org, kremlin.ru, sputniknews). Il rencontre dans la même journée le premier ministre, Matteo Renzi (kremlin.ru, kremlin.ru/), le président, Sergio Mattarella (sputniknews), l’ex premier ministre Silvio Berlusconi (sputniknews) et le Pape (russia-insider, fortruss). Symboliquement, le Pape lui remet une médaille représentant un ange faiseur de paix…

Poutine confirme au passage un contrat de construction d’hélicoptères en discussion depuis des années. Pas très “sanctions compatibles” comme annonce (sputniknews, rbth.co.uk, russianhelicopters.aero, sputniknews) ! Cette visite de Poutine sert à montrer à l’UE que son front anti-russe n’est pas unanime et que dans l’optique de la reconduite des sanctions anit-russes, le vote est loin d’être acquis. Moscou compte ses amis et leur sera redevable. Quant aux autres ? (sputniknews, lefigaro.fr).

De manière anecdotique et pour la petite histoire, l’ambassadeur d’Ukraine à Rome avait cru bon de faire une interview pour rappeler à Renzi et au Pape ce qu’ils devaient dire à Poutine (regnum.ru). Pas sûr qu’il ait été écouté…

 

Analyse de RT : West is ticked off the Pope didn’t throw Putin under the bus…not just yet (youtube via russia-insider)

 

Press statement and answers to journalists’ questions following talks with Italian Prime Minister Matteo Renzi (kremlin.ru)

 President of Russia Vladimir Putin: Mr Prime Minister, ladies and gentlemen,

First of all, I want to thank our Italian friends for the invitation and for the exposition’s excellent organisation

Today,  together with Mr Matteo Renzi, as he just said, I visited the Russian and Italian pavilions  at the Expo 2015 Universal Exposition. The exhibition presented there vividly  illustrates the tremendous opportunities for cooperation between our countries  in protecting nature and its resources and guaranteeing food security  for the world’s people.

During the talks in narrow format that we have just concluded, we had a detailed discussion of the current state of our bilateral relations and exchanged views, as Mr Renzi said, on a number of current international issues.

Italy  is one of Russia’s biggest economic partners in Europe and is in third place in terms of trade  volume. Due to the circumstances we know, our bilateral trade has dropped of late,  down by 10 percent for 2014, and down by 25 percent for the first  quarter of 2015. Naturally, this situation is not to the liking of either our governments  or our business communities.

We know that Italian businesspeople do not want to break off their mutually advantageous projects with Russia. Businesspeople have been showing considerable interest in the Russian exhibition at Expo 2015. Italian business will be well represented at the St Petersburg International Economic Forum on June 18–20, particularly at the special seminar that we have planned: Russia and Italy – strengthening trade and investment ties at a time of geopolitical tension.

I note  that around 400 Italian companies have activities in Russia, and seven banks have opened offices  there. Total Italian investment in the Russian economy now comes to $1.1  billion, and Russian investment in the Italian economy is double that  at $2.3 billion.

Italian  companies are following an active policy of localising their production  in Russia. We are moving from buying goods made in Italy to having Russian companies produce goods marked  ‘made jointly with Italy’. A number of important projects were carried out  over the last year in the pharmaceuticals, automotive and other sectors.

For example,  Finmeccanica is working together with Sukhoi Corporation to develop a medium-haul passenger  plane and is preparing an agreement with Rosneft to develop joint  production of heavy helicopters for work at Russia’s offshore oil and gas fields.

I just discussed this contract with the Prime Minister. It is a project worthy of the Prime Minister’s attention, and would mean orders for Italian companies worth a total of 3 billion euros through to 2025.

Italy  is the second largest buyer of Russian gas in Europe, after Germany. In 2014, we exported 21.7 billion cubic  metres of gas to Italy. Italian companies are taking part  in the programmes to modernise Russia’s power generation plants. In particular, Enel has invested large  sums and is working actively in this area. Rosneft and ENI have plans  for joint offshore development in the Barents and Black seas. LUKOIL and another Italian  company are developing promising energy sector technology, including  wind-powered energy.

Our countries have close humanitarian ties and contacts. At the foundation of these ties is a mutual interest in each other’s history, culture, language, traditions and customs. During my conversation with the Prime Minister just before, I said that Russia sees some aspects of Italian culture as its own, things that have become intrinsically woven into our own cultural life.

Around  one million Russian tourists visit Italy every year, and 200,000 Italians visited Russia last year. We have  the Russian-Italian Civil Society Dialogue Forum, which will soon hold  its next meeting in St Petersburg.

I discussed in detail a number of international issues with Mr Renzi, as I said. Above all, we looked at the Middle East, North Africa, and Libya.

What  can I say on these issues? Clearly, what is happening in Libya now is the direct result of the disastrous social  and economic situation and the unceasing attacks by radical groups. We  believe that what we are seeing now is essentially the collapse of Libya as a state,  and this is a result of the external military intervention that took  place in 2011.

Russia supports resolving the Libyan crisis through peaceful means. We seek joint constructive work with our international and regional partners, including through the UN Security Council.

We touched on the situation in Syria and Iraq too, where terrorist groups, including the Islamic State, are creating havoc.

Of course, as the Prime Minister also mentioned, we discussed the crisis in Ukraine too. Both countries believe that peaceful settlement is the only possible solution here, and I want to say that Russia, like Italy, wants to see full implementation of the Minsk agreements.

This document that was approved in the Belarusian capital covers all key aspects for a settlement: political, military, socioeconomic, and humanitarian. Unfortunately, however, these provisions are not being implemented in full but only selectively.

Our  joint work with Mr Renzi continues. Ahead, we have discussions together with the delegations and with  representatives of some of our countries’ government ministries  and members of our business communities.

As was already noted, I will also meet today with the President of Italy, Mr Mattarella, and will visit the Vatican too, where I will meet with Pope Francis.

In conclusion,  I want to thank the Italian Prime Minister once again  for the invitation to Expo 2015, for taking part in the Day of Russia  opening ceremony together, and for today’s substantive conversation.

Thank you for your attention.

<…>

Question:  Did you discuss the sanctions? What do you expect from Europe and from Italy? Would tougher sanctions lead Russia  to revise its relations with countries with which it has a good dialogue  in place?

Vladimir Putin:  We did discuss sanctions, but in very down-to-earth terms, if you will.  We did not discuss their end or reduction, but spoke about the fact  that these sanctions are hindering us from developing our relations. We have, for example, several joint  Russian-Italian projects, including infrastructure projects. Obviously, the Italian  companies that fought for these contracts and won tenders want these projects  to go ahead. But these projects have ground to a halt and cannot proceed  because of the sanctions against our financial institutions. We need  to find a solution – either end the sanctions, or find some other instrument, if, of course,  you want to support your companies. We will find partners, of course, but  I do not think that it would make sense to abandon the instruments we have already  tried and tested, or give up mutually advantageous contracts.

The same goes for our cooperation in the military technical field. To be honest, this cooperation is nothing so amazing, and has no fundamental importance for Russia’s defence capability, but withdrawing from several joint plans and contracts that were agreed earlier has cost Italian companies a billion euros. This is money they could have earned, orders that would have kept their companies busy, and jobs that could have been created or maintained. This did not happen, however, because of the sanctions.

We  are now carrying out an import replacement programme in Russia, and overall, this even has some  benefits for our industry and advanced technology. Looking at the bigger  picture though, this is damaging for our cooperation, of course. I hope that we will  sooner or later put the restrictions we face today behind us.

Question: How do you see the future for Russia’s relations with the G7, and to what extent can we compare this group with the G20?

Vladimir Putin: As far as our relations with the G7 are concerned, we have no relations. What relations can there be? When we worked in this group, we took part in discussions and in drafting final documents that, incidentally, were not binding in nature.

I think there was sense in this work because we provided an alternative point of view at least. Our partners decided that they do not need an alternative point of view. This is their decision. But the G7 is not an organisation as such, rather, it is a club for people sharing common interests. We wish them success, because, as it seems to me, all contacts and discussions can always help to develop international relations.

There are broader formats too, such as the G20. We are working actively in the BRICS group, which unites Brazil, Russia, India, China and South Africa. We work in the Shanghai Cooperation Organisation too, which alongside its current members, will soon be joined by India and Pakistan. We are also very active in our work within the UN and its Security Council. If our partners wish, we are ready to develop active relations on a bilateral basis with any of the countries in the G7.

 

• Volet politique des accords de Minsk 2. Lors de la réunion le 10 juin du groupe de contact pour le réglement pacifique du conflit, le représentant politique de la RPD/DNR, Denis Pouchiline, a affirmé que les modifications de la constitution ukrainienne que proposent les deux républiques autoproclamées satisfont totalement aux stipulations des accords de Minsk (dan-news.info).

A propos de cette réforme constitutionnelle, un media pro-Kiev écrit que Lavrov aurait convaincu le ministre des AE allemand Steinmeier de faire pression sur Kiev à ce sujet (replyua.net), information à prendre avec prudence étant donnée l’orientation farouchement pro-Kiev de ce média. Un exemple : il a publié un article le 9 juin à 16 h 20 sous le titre “Les experts ont publié leur rapport sur le Boeing et ont blanchi les Ukrainiens” (replyua.net)…

De son côté, Porochenko a déclaré que les liens avec les territoires du Donbass non contrôlés par Kiev resteront au niveau actuel aussi longtemps qu’il n’y aura pas de progrès de faits dans l’application des accords de Minsk (interfax.ru)  : ” Nous nous efforçons, et nous sommes prêts à tout moment à rétablir tous les liens économiques avec les oblasts composant les régions de Donetsk et Lougansk occupées temporairement, à lever toutes les barrières intérieures et les limitations sur la route des mouvements des personnes et des marchandises. Mais à condition que nous rétablissions le contrôle sur les frontières extérieures, comme cela a été prévu dans les accords de Minsk”. En outre, Porochenko a parlé de la menace d’annulation des accords de Minsk induite par la réactivation des opérations militaires : “L’activation des opérations militaires par la Fédération de Russie et les bandes terroristes pro-russes sur une importante partie du front exerce une menace sur les accords de Minsk, sur lesquels se sont appuyés et s’appuient encore d’énormes espoirs pour la restauration d’une vie pacifique au Donbass”. Le président ukrainien a également fait connaître la date du déroulement des élections locales en Ukraine, c’est-à-dire le 25 octobre prochain, toutefois leur tenue dans les territoires “occupés” est encore une question en suspens.

 

• Colonne militaire à la frontière hongro-ukrainienne.  Le site hongrois Karpathir (karpathir.com) avait signalé le 9 juin une mystérieuse colonne militaire (voitures, camions transportant des blindés) (karpathir.com/) franchissant la frontière hongroise en provenance de l’Ukraine au point de passage de Zakhon (ru.golos.ua, goloskarpat.info).

Cette colonne présentait des caractéristiques surprenantes du fait de la couleur sable des premiers camions faisait penser à du matériel américain utilisé dans les pays du proche et Moyen Orient, mais les camions sable étaitent en fait de fabrication soviétique et destinés au transport de batteries de missiles “Ouragan” () . (Notre commentaire : ce sont les tracteurs couleur sable sur la photo du site karpathir karpathir.com).

Les deux derniers camions sont plus bizarres, ils sont de couleurs vives, on dirait des roulottes de cirque.  Encore plus bizarre, les services des gardes-frontière ukrainiens n’ont rien voulu communiquer sur cette colonne. Kiev non plus dit ne rien savoir à ce sujet.

Jeudi 11 juin,  Interfax titre “Kiev déclare que la colonne qui a été remarquée à la frontière quitte le pays après des exercices auxquels ont participé 300 instructeurs des USA” (interfax.ru) : “Du matériel des forces armées des USA a franchi la frontière ukraino-hongroise pour participer sur le polygone  de Yavorov (oblast de Lvov) à une session de formation et après la fin de ces exercices, elle quitte le pays” déclare l’attaché de presse du corps des gardes-frontières d’Ukraine Oleg Slobodian

 

• Accident mortel dans un camp d’entrainement en Bulgarie.  Autre nouvelle étonnante : celle rapportée par RIA au sujet d’un accident survenu le 6 juin dans le camp militaire bulgare d’Anevo, où un Américain a été tué par l’explosion d’une grenade de modèle soviétique RPG-7 (ria.ru) . Six autres Américains et un Bulgare ont été blessés. D’où l’étonnement russe : “Quels buts ces citoyens américains poursuivent-ils en participant directement à des tests menés sur le territoire bulgare par une entreprise militaire privée sur des échantillons d’armes de production soviétique ? On ne peut pas ne pas rester pensif devant “l’absence significative” de commentaires de la part des personnalités américaines sur ce sujet.” Lien de sites bulgares relatant l’accident (dariknews.bg, blitz.bg, dnes.dir.bg).

 

• Création d’un mémorial pour les victimes du massacre d’Odessa du 2 mai. Le conseil municipal d’Odessa vote cette décision par 71 voix pour et 1 abstention, malgré les protestations d’une centaine de manifestants qui se sont rassemblés devant la mairie. Les militants tiennent des drapeaux du Corps civil du régiment Azov, du parti Patrie de Ioulia Timochenko et du parti Svoboda (mayak.org.ua).

 

 

JEUDI 11 JUIN  2015

• L’Ukraine informe (enfin) officiellement le Conseil de l’Europe de sa loi sur la dérogation aux droits de l’homme. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe annonce avoir reçu une communication venant du ministère des affaires étrangères d’Ukraine, communication disant que l’Ukraine ne pouvait pas respecter les directives européennes concernant les droits de l’homme dans les régions où se déroulaient des opérations militaires (rt.com, ria.ru, capital.fr). Le Conseil de l’Europe répond en substance qu’il prend acte, mais refuse la disposition ukrainienne qui s’accordait l’immunité voire l’impunité quant à ces dérogations (coe.int) : “Le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Pavlo Klimkin, m’a informé hier qu’en raison de la situation d’urgence que connaît le pays les autorités ukrainiennes avaient décidé de recourir à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui permet de déroger à certains droits énoncés par la Convention. La Convention continue de s’appliquer en Ukraine. Cette décision n’empêchera pas la Cour européenne des droits de l’homme d’examiner les requêtes concernant l’Ukraine. Elle n’entraînera pas de changement dans les activités de projet du Bureau du Conseil de l’Europe à Kiev…”

 

EXTRAIT DU FOCUS ACTU’UKRAINE DU 27 MAI (les-crises.fr)

• L’isolement par rapport à la communauté internationale : la “dérogation” à l’application des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine. Le 21 mai, le parlement ukrainien, la Rada a approuvé le projet la loi 2765-2015 “Dérogation de l’Ukraine à certains engagements en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention européenne des droits de l’homme” (page de la loi : rada.gov.ua, texte de la loi :  rada.gov.ua, note explicative : rada.gov.ua). Il s’agit de la seconde mouture du texte, la première datant du 30 avril 2015 (texte de loi : rada.gov.ua, note explicative : rada.gov.ua). Ce projet a été initié par la coalition gouvernementale, donc Bloc Petro Porochenko, Union, Front Populaire et Parti radical (Lyashko). La presse ukrainienne titre sobrement sur le “retrait de l’Ukraine de certaines des obligations de la Convention sur les droits de l’homme” (pravda.com.ua, radiosvoboda.org). La loi a été adoptée par 249 voix (le minimum étant à 226) (vz.ru, rada.gov.ua). Elle est prévue pour “accompagner” la loi 2541-2015 sur le régime juridique de la loi martiale (page de la loi rada.gov.ua, texte de la loi  rada.gov.ua, note explicative rada.gov.ua), votée le 4 avril 2015 (vz.ru). En novembre 2014 Porochenko avait déjà émis un décret en ce sens arguant des troubles dans l’est du pays pour invoquer l’article 15 : “dérogation en cas d’urgence’ (conventions.coe.int),  ce qui avait fait  pas mal de bruit à l’époque (nsn.fm). Pour être précis, il s’agit du Décret (Oukaz) du Président de l’Ukraine N° 875/2014 (president.gov.ua) “Sur la décision du Conseil de la sécurité nationale et de la défense de l’Ukraine en date du 4 novembre 2014 “Sur les mesures urgentes relatives à la stabilisation de la situation socio-économique dans les régions de Donetsk et de Lougansk”. Le point 7 du Décret stipule que l’Ukraine est tenue de notifier au Secrétaire Général du Conseil Européen “la prise par l’Ukraine sur certains territoires de la zone de l’opération antiterroriste dans les régions de Donetsk et de Lougansk, en relation avec le danger public existant qui menace la vie de la nation, de mesures dérogeant aux engagements de l’Ukraine dans le cadre de la Convention de défense des DH et des libertés fondamentales” (abos.ru, assembly.coe.int). 

Cette fois, la loi est plus précise et donne donc tous les articles sujets à dérogation : le droit à la liberté et la sûreté (article 5), le droit à un procès équitable (article 6), le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8) et enfin le droit au recours collectif (article 13), ce qui veut dire l’impunité pour tous les crimes commis dans le cadre de la dérogation.  De nombreux média russes en parlent (sputniknews, govoritmoskva.ru, kommersant.ru, rbc.ru, vz.ru, vk.com, lenta.lviv.ua) et Vzgliad sort une longue analyse sur ce vote (vz.ru)

 Extrait de la loi : … approuve la demande de la Verkhovna Rada d’Ukraine de dérogation à certaines obligations prévues au paragraphe 3 de l’article 2 et des articles 9, 12, 14 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles 5, 6, 8 et 13 de la Convention sur les droits de l’homme et des libertés fondamentales pour la période allant jusqu’à la cessation complète de l’agression armée, à savoir jusqu’à ce que le retrait de tous les groupes armés illégaux, gérés, contrôlés et financés par la Fédération de Russie.

 

• Odessa, sous la coupe de quelques nationalistes liés à une société informatique de San Francisco. Intéressons-nous à Odessa de nouveau. D’une part, il s’agit certainement de la grande ville d’Ukraine qui rassemble le plus de personnes mécontentes du gouvernement actuel, et d’autre part Odessa revêt une importance stratégique pour les Américains qui souhaiteraient débarquer du matériel militaire lourd en vue d’une attaque contre la Transnistrie, la Crimée, ou le Donbass. Aux élections présidentielles de 2010, les Odessites avaient voté pour Ianoukovitch à 73%. Toutefois, le Parti des régions semble trop modéré pour beaucoup, puisqu’aux élections législatives de 2012, son représentant, Goncharenko, n’a obtenu que 20% des voix, se faisant devancer par Igor Markov, qui a créé le parti Rodina en 2008 ayant pour programme, la reconnaissance de la langue russe et déjà la fédéralisation du pays. Ses positions pro-russes ont valu beaucoup d’ennuis à Markov, à la fois sous le gouvernement de Ioulia Timochenko et sous celui de Viktor Ianoukovitch. Après le changement de pouvoir en 2014, Tourchinov lui redonna son poste de député, mais il fut rapidement contraint de fuir en Russie. Depuis le drame du massacre du 2 mai, l’opposition à Kiev n’ose plus beaucoup se montrer. Non seulement, des manifestants pacifiques sont morts dans d’horribles circonstances, mais en plus une bonne partie des survivants a été mise en prison, et y croupit encore, ou bien a fui la région pour échapper à la répression. L’un de ces exilés d’Odessa se nomme Yuri qui nous recommande la lecture d’un article d’Eric Draitser intitulé “la Répression par Kiev de l’antifascisme à Odessa” (histoireetsociete.wordpress.com). On y apprend notamment que les éditeurs d’un site d’actualité locale, infocenter-odessa.com, sont persécutés. “À la fin de 2014, l’éditeur du site, Yevgeny Anoukhine, a été arrêt

é sans mandat d’arrêt pendant qu’il tentait d’enregistrer son organisation de droits de l’homme auprès des autorités. Selon diverses sources, les principales raisons de son arrestation étaient sa possession des preuves vidéo illégales de bombardements par des militaires ukrainiens d’un poste de contrôle Kotovka et des données sur son ordinateur qui comprenait une compilation des noms de prisonniers politiques détenus sans jugement à Odessa. Sans preuve ni le mandat et en violation des procédures légales standards, il a été arrêté et inculpé de recrutement des insurgés contre l’Etat ukrainien. En mai 2015, le nouvel éditeur d’infocenter-odessa.com Vitaly Didenko, un gauchiste, journaliste et militant antifasciste a été également arrêté sur fausses accusations de possession de drogue, qui, selon plusieurs sources à Odessa, sont entièrement fabriquées par la police secrète SBU (services de sécurité de l’Ukraine) afin de créer un prétexte pour le détenir.” Au cours de son arrestation, Didenko a été blessé, étant tombé du deuxième étage (ou du troisième étage selon le décompte ukrainien).

Nous vous avions montré une vidéo d’un jeune nationaliste qui obligeait les passants à marcher sur un drapeau de la Novorussie (les-crises.fr). Cela ne se passait pas n’importe où, mais devant la cour d’Appel d’Odessa, 24-A rue Gaïdara. Cet homme de 20 ans, coiffé d’une crête que l’on appelle le chub ou la chupryna, n’est pas n’importe qui. C’est Mikola Dotsenko, recherché par la justice selon l’article 296, autrement dit pour hooliganisme, parce qu’il a été identifié comme étant l’un des 14 agresseurs de Nestor Shufrich, ancien ministre. Les faits remontent au 30 septembre 2014, quand un groupe de voyous l’avait passé à tabac et déposé dans une poubelle. Shufrich étant originaire de la ville d’Oujgorod dans l’ouest du pays, Porochenko soupçonnait des pro-russes d’être les auteurs, et avait, lui-même, demandé au ministère de l’intérieur de mener une enquête. En réalité, c’était le Secteur Droit qui avait réalisé cette “lustration” parce que Shufrich avait été député du Parti des Régions. Les coupables furent bientôt arrêtés, sauf Dotsenko qui était introuvable. Le 8 octobre, le chef du Secteur Droit d’Odessa le protégea en affirmant qu’il était parti combattre dans le Donbass (odessa.comments.ua). Mais le 17 octobre, Dotsenko fut repéré dans la station balnéaire de Zatoka (odessa.comments.ua). Quoi qu’il en soit, il ne fut pas arrêté ni jugé, si bien que le 30 avril 2015, le juge du tribunal du raïon de Primorsky, Roman Bondarenko, émis un nouveau mandat d’arrestation (odessa.comments.ua). Bien que Dotsenko soit retourné vivre à Odessa sans se cacher, il n’est toujours pas arrêté à l’heure actuelle, probablement parce qu’il bénéficie de soutiens importants. En effet, il est l’un des membres les plus actifs de “l’association civique Talisman” (ГО Оберіг). Le test de patriotisme devant le tribunal était organisé par cette association. Il ne s’est pas déroulé n’importe quand, mais le 26 mai 2015, la veille du procès en appel de Vitaly Didenko. Le but du test était clairement d’intimider les juges.

Le 27 mai, le blond à la chupryna est revenu avec ses amis patriotes dont une bonne moitié sont vêtus de treillis militaire (youtube).

Рассмотрение апелляции сепаратиста Диденко, прокурор чуть не угодил в люстрацию (youtube)

Des militants s’étaient rassemblés sous les fenêtres du tribunal, pendant que d’autres avaient pris place dans la petite salle du procès. Le moment le plus surréaliste fut la sortie de l’audience, quand les charmants patriotes bloquèrent et bousculèrent les policiers qui encadraient le pauvre journaliste. Il est finalement retourné en prison, et les militants ont fini par se disperser dans la bonne humeur, ravis d’avoir menacé le juge de le mettre à la poubelle, et d’avoir persécuté l’opposant. La vidéo tournée par l’association Oberig, est étrange car certaines personnes ont été floutées, ce qui fait penser qu’elles seraient recherchées par la justice. On remarque aussi des visages cachés par des casquettes et de grosses lunettes noires, et même par des foulards remontés sur la bouche. Une seule chaine de télévision s’est intéressé à ce procès, ICTV, qui ne trouve rien d’anormal aux méthodes musclées d’Oberig (youtube).

В Одессе активисты попытались бросить прокурора в свалку – Чрезвычайные новости, 27.05  (youtube)

Une petite recherche montre que Oberig est très lié à une autre organisation nommée Одеса Західна (Odessa occident) dirigée par Andy Burkovetsky. C’est un jeune graphiste qui travaille pour la société Iron.io basée à San Francisco (iron.io). Curieusement, la moitié des 25 employés de cette société d’informatique américaine proviennent des pays de l’ex-URSS. En réalité plusieurs de ces informaticiens ne vivent même pas en Amérique, mais à Bishkek au Kirghizistan où eut lieu la révolution des tulipes en 2005 grâce aux Américains ; à Prague ; et à Odessa. Un informaticien plutôt âgé, Yury Yantsevich, exprime publiquement ses positions anti-russes, bien qu’il soit né en Biélorussie. Les autres sont plus discrets. Bref, les nationalistes d’Oberig ne semblent pas dépendre d’Azov et de Kolomoïski, comme le sont les militants qui avaient intimidé l’usine Bulkin de fabrication des pains. Quelques indices nous feraient plutôt penser qu’Oberig dépend d’un oligarque qui aime l’Amérique et les artistes contemporains, donc Viktor Pintchuk, lequel possède ICTV et soutient le nouveau gouverneur, Mikheïl Saakachvili.

Odessa Zahidna soutient aussi une start-up d’Odessa nommée Kwambio, qui vient d’obtenir la modique somme de 650.000 dollars, alors qu’elle n’a encore rien produit. Son domaine est celui de l’impression 3D, mais il est difficile de croire qu’une équipe totalement novice va réussir à faire mieux que les très nombreuses autres sociétés qui ont déjà envahi ce marché de niche. Tout devient plus clair en lisant l’interview du jeune PDG de cette start-up, Vladimir Usov : “Je me suis impliqué dans la politique à Odessa et je fus durant trois ans le représentant du parti “Patrie” (Батьківщини dirigé par Ioulia Tymochenko). C’était quand Ianoukovitch était au pouvoir. J’ai arrêté après sa fuite.” (theukrainians.org) Sa start-up, généreusement capitalisée, pourrait donc être un cadeau de remerciement pour son militantisme passé, ainsi que pour la poursuite de son action sous une autre forme. Avec son équipe de 12 personnes, il est invité à Boston pour un stage de trois mois (uadn.net).

 

• 29ème convoi humanitaire russe au Donbass. Le 29eme convoi humanitaire est arrivé à Donetsk et Lougansk, les camions sont en cours de déchargement. Depuis août 2014, ces convois ont apporté au Donbass plus de 36.000 tonnes de marchandises. Le média Lenta.ru détaille la composition des cargaisons : Produits alimentaires, par exemple pâtes alimentaires, huile végétale, blé, riz, orge perlé et sarrasin, mais aussi médicaments et matériaux de construction. (lenta.ru)

 

• Le ciel s’assombrit au-dessus de Kiev. Concrètement, précisons-le : outre les retombées de l’énorme incendie du dépôt pétrolier, qui continue et où l’on s’attend à deux autres explosions sous peu, des feux de tourbières se sont déclenchés dans deux secteurs de l’oblast de Kiev (localités d’Irpen et Bikovna). Le ciel au-dessus de la capitale est chargé de substances toxiques dont la concentration a été multipliée entre 1,12 et 4 fois : formaldéhyde, dioxyde d’azote, oxyde de carbone, anhydride sulfurique. Alexandre Tourchinov affirme que le dépôt était contrôlé cinq fois par an, le dernière inspection datant du 20 mai (unian.net). Il souligne que certaines personnes n’ont pas respecté les directives. Avakov avait déjà parlé de négligence mercredi (ria.rul).

 

 

VENDREDI 12 JUIN 2015

• Un anniversaire très symbolique. le 12 juin 1999, les chars russes entraient à Pristina au Kosovo pour protéger la minorité serbe (fortruss).

Русские ‘Tанки’ в Приштине [Russian 'Tanks' in Pristina] 1999.06.12 (youtube)

 

• Explosions à Odessa.  Il y a eu deux fortes explosions aux alentours de deux heures du matin dans la nuit du 11 au 12 juin. Celles-ci ont détruit des panneaux d’affichage 4×3 porteurs d’affiches patriotiques (ou propagandistes, selon le camp où l’on se trouve) (timer-odessa.net).

 

• Nouvelle étape du lâchage de l’Ukraine par les USA ? Le Congrès US a voté trois amendements du républicain John Conyers, refusant ainsi de mettre à disposition les moyens nécessaires à l’entraînement et l’instruction des combattants du bataillon nazi “Azov”(conyers.house.gov, fortruss, gordonua.com). Le geste n’est pas aussi noble qu’il pourrait en avoir l’air et ne constitue pas un lâchage de l’Ukraine. Conyers déclare que “If there’s one simple lesson we can take away from US involvement in  conflicts overseas, it’s this: Beware of unintended consequences.  As  was made vividly clear with U.S. involvement in Afghanistan during the  Soviet invasion decades ago, overzealous military assistance or the  hyper-weaponization of conflicts can have destabilizing consequences and  ultimately undercut our own national interests,” said Rep. John  Conyers.  “I am grateful that the House of Representatives unanimously  passed my amendments last night to ensure that our military does not  train members of the repulsive neo-Nazi Azov Battalion, along with my  measures to keep the dangerous and easily trafficked MANPADs out of  these unstable regions.”. En clair, Conyers a peur que les USA fassent la même erreur avec les néo nazis ukrainiens qu’ils ont fait avec les jihadistes afghans durant la guerre avec la Russie, c’est à dire entrainer et armer une force qui se retourne au final contre eux.

Sautant sur l’occasion, le porte-parole officiel du ministère russe des affaires étrangères, Alexandre Loukashevitch, a déclaré : “Il aura fallu plus d’une année pour qu’au Congrès américain on découvre que cette unité est un ramassis de brutes nazies qui se pavanent sous les emblèmes des SS hitlériens et se comportent comme des “punisseurs” dans les territoires occupés. Mais mieux vaut tard que jamais. L’étape suivante, logiquement, c’est reconnaître enfin que le renversement gouvernemental de l’an dernier, soutenu activement par Washington, a été réalisé par ces mêmes énergumènes nazis.” “Il est évident que d’autres formations de la garde nationale d’Ukraine ne sont absolument pas mieux qu’Azov”  (riafan.ru, fortruss).

Reste à savoir quelle sera la réaction d’Azov et du gouvernement de Kiev.  Si Kiev les désavoue, les Azov seront certainement très mécontents et risquent de se retourner contre Porochenko et les siens. Azov ne lâchera pas facilement sa position après avoir été chouchoutés par le pouvoir et avoir subi de lourdes pertes dans les combats. La datcha de Yanoukovitch n’était-elle pas devenue le QG du bataillon “Azov” fin 2014 (ukrinform.ua, Vidéo: youtube) ?

En tout cas le gouvernement ukrainien est en colère. Le ministre de l’intérieur veut que les services secrets US “gardent un oeil” sur le républicain John Conyers (russia-insider) … Et pour montrer son soutien aux Azov, en décore quelque uns (russia-insider).

En prime, l’analyse de De Defensa : Coup de force anti-Kiev au Congrès US, par surprise (dedefensa.org).

 

• Démobilisation partielle ukrainienne annoncée. Porochenko a signé la loi instaurant la démobilisation progressive entre juin et septembre de la vague de mobilisation de l’été 2014. Seront démobilisés progressivement entre juin et septembre les appelés qui ont été mobilisés dans le cadre de la mobilisation décrétée le 21 juillet 2014 (argumentua.com, rbc.ua, ubr.ua, gordonua.com, unian.net). Cette démobilisation ne signifie pas que l’Ukraine se résoud à la paix. Elle est la conséquence mécanique de la vague de mobilisation décrétée en 2015, Porochenko ayant déclaré que les mobilisés de 2015 devaient remplacer ceux de 2014. Il avait aussi indiqué que les mobilisés de 2014 seraient renvoyés dans leurs foyers en fonction de l’avancée de la mobilisation 2015.  Et, de fait, les bureaux de recrutement ukrainiens font le forcing allant jusqu’à ratisser les dortoirs, les transports en commun, les marchés, les supermarchés et les postes de contrôle de la police routière. Vidéo, hélas seulement en russe, et les articles sont en ukrainien. (tsn.ua, tsn.ua).

cliquez sur l’image pour voir la video


• Explosion d’un gazoduc à Avdeevka, non loin de l’aéroport de Donetsk. Un gazoduc en feu près d’Avdeevka suite à des tirs (youtube). Le premier ministre Arseni Yatseniouk s’est fâché tout rouge et a déclaré que c’était une “violation des accords de Minsk” : “Les terroristes russes ont fait sauter intentionnellement le gazoduc afin de stopper l’alimentation en gaz de Marioupol et arrêter les usines” (gordonua.com). Le média est Gordon, un média fortement propagandiste, ce qui explique le terme “terroristes russes”, et la suite de l’article parle d’une “invasion russe”, bref, le fond de commerce de Gordon. il n’en reste pas moins que la situation est sérieuse (fortruss) : “The  shelling of the Kramatorsk-Donetsk-Mariupol pipeline may cause an  industrial catastrphe in the eastern districts of Ukraine. Southern  parts of the Donetsk and Zaporozhye region will be deprived of gas  supplies, including the cities of Volnovakha, Berdyansk, and Mariupol.  If the damange is not repaired immediately, the pipeline will lose  pressure which in turn will lead to an industrial catastrophe on  Ukraine’s entire territory. By the most optimistic estimates, the  repairs would require 1.5-2 months”.

 

 

Вид на горящий газопровод из Горловки! 12.06.15 время 6:21   (youtube)

 

• Exemple de vivre ensemble UE compatible, version ukrainienne. Cette nuit, un pogrom a eu lieu à Kharkov contre des étudiants jordaniens près d’une cité universitaire (unian.net). Un groupe de 40 jeunes ont attaqué une université, un dortoir et visé les immigrés (korrespondent.ne). Des jordaniens se sont retrouvés à l’hôpital en soins intensifs (korrespondent.net).

 

• Le Chef du SBU limoge tous les dirigeants de la Direction de lutte contre la corruption du SBU (unian.net)

 

• Saisie de 500 kg d’héroïne à Odessa. La valeur de la saisie est de 1,5 milliards UAH (unian.net)

 

 

SAMEDI  13  JUIN  2015

• La dette de l’Ukraine vient d’atteindre 100% du PIB (fortruss). Le terrain financier ukrainien est miné pour les 6 mois à venir. Tout peut basculer très vite (fortruss).

 

• Les USA veulent stocker des armes lourdes en Pologne et en Lituanie. Washington discute avec la Pologne et la Lituanie pour entreposer dans ces pays des armes lourdes et des véhicules d’infanterie américains pour une force d’environ 5000 hommes, ce qui est vu par la Russie comme une violation des accords en 1997 entre l’OTAN et la Russie (rt.com, sputniknews). Pour Zerohedge : “NATO Goes “Back To The Future”, Will Store Tanks, Heavy Weapons Near Russian Border” (zerohedge.com).

 

• Mais pas en Ukraine. “Pas d’armes US pour l’Ukraine” : telle est la grosse déception qu’a exprimée Arseni Yatseniouk à l’antenne de la chaîne Kanal 5 (5.ua, youtube). Selon lui, si les USA ne veulent pas donner d’armes à l’Ukraine, c’est parce qu’ils doivent compter avec l’opinion des autres pays, entre autres ceux qui sont membres de l’UE et surtout du G7 (sputniknews). Pour une fois, ce n’est pas la faute de la Russie ni de Poutine, puisqu’il n’a pas été invité à la réunion du G7 le week-end dernier…

 

• Coup de force des ultra-nationalistes à Odessa. Le siège du parti communiste ukrainien d’Odessa avait déjà été la cible de jets de cocktails molotov en mars 2015 (ridus.ru à 11 h 43 , youtube). la vidéo avait été mise en ligne par un “patriote” ukrainien dont l’avatar sur VKontakt (vk.com/nevidomyy_patriot) est une synthèse de réminiscences nazies : svastika, nom écrit en runes plus ou moins slavisantes, et les deux cocktails molotov.  Il termine son post par “Смерть ворогам!” (Mort aux ennemis!). La routine en fait.

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Cette fois-ci, le siège du parti a été investi par une centaine d’activistes d’Euromaïdan, de Praviy Sektor, du groupe “Autodéfense d’Odessa” et du “Conseil de sécurité publique” avec leurs leaders. Les buts poursuivis par les activistes ne sont pas clairs, eux-mêmes disent qu’ils ont investi les locaux parce qu’il s’y trouve des documents qui leur appartiennent. Les activistes ont fouillé les locaux, ils y ont trouvé – ce qui est logique – des attributs communistes (désormais interdits par la loi de décommunisation) , qu’ils ont rassemblés et détruits en y mettant le feu(timer-odessa.net).

 

 

DIMANCHE  14  JUIN  2015

• Les Odessites de “Antimaïdan”. Ils avaient prévenu de leur intention de recréer un mémorial temporaire sur les Champs de Koulikovo avec les portraits des victimes du 2 mai 2015 (bbc.com, korrespondent.net, dnr-news.com). Leurs opposants de “Praviy Sektor” et de “Autoféfense ” aveint prévenu qu’ils y seraient aussi. Les deux camps ont tenu parole. Cela a donné lieu à des provocations de la part des activistes radicaux, surtout à l’adresse des jeunes qui étaient venus se promener là.

 

 

В Одессе активистов «антимайдана» не пустили на Куликово поле почтить память погибших 2 мая   (youtube)

 

Les manifestants ont déployé des banderoles: “Saakachvili go home”, “Liberté pour les emprisonnés pour raisons politiques”, “Libérez Bouzila”. Le leader du mouvement “Odessa, port franc”, Ibrahim Morris, a déclaré: “On nous a nommé un gouverneur qui n’a absolument aucun lien avec Odessa. N’y a-t-il donc parmi nous personne qui soit valable?”. Les participants au meeting scandaient “Le fascisme ne passera pas !”.

 

“Saakachvili go home”

 

• La DNR et la LNR estiment que les combats pourraient reprendre à grande échelle très rapidement (vz.ru). Extraits de l’article : “La situation au Donbass peut s’aggraver dans les heures qui viennent. C’est le sujet de conversation dans la DNR/RPD, dont une patrouille d’éclaireurs a découvert aux abords de la ligne de démarcation un rassemblement d’armes lourdes des forces ukrainiennes. Dans la LNR/RPL voisine, on est certain que les tirs intensifs sur les localités ont pour but de détruire les accords de paix de Minsk. L’intensité des tirs a doublé en vingt-quatre heures.”

Ces derniers temps, la situation en Ukraine s’est considérablement aggravée. Dans la nuit de samedi à dimanche, les militaires ukrainiens ont pratiquement bloqué par tous les côtés Piervomaïsk, en république populaire de Lougansk et l’ont bombardée avec des armes interdites par les accords de Minsk. Cela a été rapporté par le chef du deuxième peloton de fusillers-motocyclistes du régiment cosaque de LNR/RPL, surnom ” Hottabitch” : “Hier nous avons reçu deux salves de “Vassilka” (mortier automatique), ensuite les SAU (batteries d’artillerie automotrices) ont commencé à nous arroser, ensuite il y a eu les tanks. Tout cela, ce sont des armes interdites par les accords de Minsk” .

Ce qui fait écho d’un article allemand repris par Sputnik News : “Poroshenko and Yatsenyuk Need War to Stay in Power – German Media”  (sputniknews).

 

• Pensée profonde de Saakashvili. “Il faudra au moins vingt ans à l’Ukraine pour surmonter les conséquences de l’ère Yanoukovitch”. C’est ce qu’il a déclaré ce dimanche au cours d’une réunion stratégique du gouvernorat de la région d’Odessa (nahnews.org, sputniknews). Première mesure envisagée par Saakashvili pour redresser l’Ukraine ? Virer plus de 90% des fonctionnaires de la région d’Odessa (unian.info)…

Ceci dit sa réflexion concernait surtout l’état de l’économie et non le côté social. On notera juste au passage, qu’avant Yanoukovitch, il y a eu plusieurs autres présidents, et qu’ils n’ont pas non plus emmené leur pays vers la prospérité, leurs ministres non plus. Les propriétés que possèdent certains ministres et leurs familles sont les témoins de la corruption et de l’enrichissement personnel de certains, qui n’ont pas pu acquérir de telles richesses en économisant leur traitement de  ministre, de député ou de haut fonctionnaire. Par exemple, la propriété de Youlia Timochenk à Kontcha-Zaspa, le quartier résidentiel ultra-huppé près de Kiev (upadka.net)…

 

• Témoignage d’un enfant de Sakhanka. La localité, située au nord de Shirokino, avait été bombardée par les ukrainiens vers la mi mai 2015 (youtube).

Vania. (youtube)

 

EXTRAIT DE L’ACTU’UKRAINE DU 19 MAI 2015  (http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-19-05/)

• Scène de vie ordinaire sur la ligne de front : Les habitants de Sakhanka. Azov les bombarde avec des armes lourdes (qui auraient dû être retirées selon les accords de Minsk) et l’OSCE se borne à constater la taille des cratères et a écrire des rapports (osce.org). Les habitants craquent. La routine d’une guerre où la population est la cible principale pour les bataillons nationalistes urainiens (youtube). Sakhanka est situé près de Marioupol.

 

 Dans le rapport correspondant de l’OSCE cela donne ça (osce.org) :

 

 

 “The SMM visited Sakhanka (“DPR”-controlled, 24km north-east of Mariupol)  amid significant presence of press and media representatives from the  Russian Federation – approximately 30 individuals – and a group of 20 to  30 local residents, mainly middle aged and elderly women, who said that  shelling had occurred on 12 and 13 May. The Russian Federation Armed  Forces Colonel-General to the JCCC was also present in Sakhanka. The SMM  analysed five craters, four located in fields adjacent to the village  and one in the garden of a damaged house. In the SMM’s assessment, in  four cases the craters resulted from 120mm mortars, and in one case from  an 82mm mortar, all fired from a westerly direction. The SMM also  travelled to Shyrokyne and spoke with a number of local residents who  reported shelling on 13 May in the late afternoon. In the village, the  SMM observed increased destruction of civilian infrastructure and  private houses.”

 

• Exemple de schizophrénie européenne : Le Causase en 30 jours. Nouvelle série de reportages produite par Arte et la télévision Finlandaise, actuellement en diffusion sur ARTE (arte.tv). C’est assez intéressant et étrange en même temps. Le présentateur, l’acteur Finlandais Ville Haapasalo est un russophile confirmé depuis les années 90. Il a étudié au théâtre de St-Petersbourg entre 1991 et 1995, et depuis, sa carrière se partage entre la Finlande et la Russie… autant dire qu’il connait parfaitement la Russie, il parle russe couramment et il y est très apprécié. Cependant, le reportage est produit par ARTE, et on ressent la ligne éditoriale partiale de la chaîne. Cela dit, difficile de forcer les gens à dire que tout va mal avec Poutine… d’où ce mélange étrange : la narration qui met en avant tous les défauts de la Russie, et les paroles des gens rencontrés qui disent que tout va mieux maintenant. C’est aussi très bien filmé, et malgré les remarques « By ARTE » omniprésentes, assez agréable à regarder.

 

• La “narrative” américaine résumée en une phrase. Nous la devons à Karl Rove (wikipedia). Elle date d’octobre 2004 (nytimes.com) mais est toujours actuelle : “We’re an empire now, and when we act, we create our own reality. And while you’re studying that reality—judiciously, as you will—we’ll act again, creating other new realities, which you can study too, and that’s how things will sort out. We’re history’s actors…and you, all of you, will be left to just study what we do…”  Cette phrase resume bien ce que nous vivons sur tous les fronts de la guerre de communication orchestrée par les USA : un flot d’histoires, de “narrative”, de propagandes, destinées à changer/masquer la réalité.

 

• Contredit par la réalité itself. Signe des temps et symbole fort, le fabricant légendaire d’armes à feu, Colt, se place sous la protection de la loi sur les faillites (sputniknews).

 

• Conflit ouvert enre la présidence et le SBU. Selon l’ancien chef adjoint de l’administration présidentielle du temps de Yanoukovitch, Andreï Portnov, le départ de Nalivaïtchenko de la tête du SBU est une question de semaines. Il est en conflit avec Porochenko (vesti-ukr.com).

 

• Regroupement de partis d’opposition ukrainiens. Le parti communiste (Petro Symonenko) et le parti socialiste progressiste (Natalia  Vitrenko) ont signé un pacte pour fusionner dans “L’opposition unie de gauche” avec 5 autres partis, 13 organisations publiques et 6 personnalités dont le parti des travailleurs (Svyatoslav Bondarchuk), Leninsky  Komsomol of Ukraine et  l’union des officiers soviétiques (fortruss, colonelcassad).

 

Manifeste du nouveau parti (version anglaise : fortruss)

The All-Ukrainian movement of the left and center-left political parties and public organizations is the “left opposition”

The  course of domestic and foreign policy, which is held in Ukraine,  especially after the February (2014) coup, leads our country to the loss  of state sovereignty, division and fratricidal civil war, economic  collapse, social and ethnic genocide that threatens the collapse of  Ukraine, and is being used by external forces to provoke WWIII.

The  signing of the association agreement with the European Union, and  dutifully carrying out the draconian requirements of the International  Monetary Fund, Ukraine has lost its economic and political independence.  She actually is under external control. Its internal and external  policies are defined by the United States, and the international  financial oligarchy.

Implementing  the so-called reforms under the bankrupt model of peripheral neoliberal  capitalism, abandoning integration with the countries of the Customs  Union, Ukraine condemned itself to de-industrialization, the seizure of  public property by oligarchic clans, which was built by several  generations by Soviet people, and the loss of millions of jobs, poverty  and extinction of the population. Now the gross domestic product of  Ukraine does not even reach 60% of the 1990 level.

Destroyed  is the domestic industry, destroyed is its leading export-oriented  industry. The financial system of the country has been brought to  default. Over-exploitation of the labor force, skill-sets among the  highest in the world and yet pay at the level of the poorest African  countries. Health services and education are virtually inaccessible for  the majority of the population.

The  course of building mono-national state, the national-chauvinist  imposition of that ideology has led to a total violation of the  Constitution of Ukraine, the rules and principles of international law,  mass population discrimination on the basis of linguistic, national,  regional, confessional, grounds. The Ukrainian state has been unable to  reliably protect the legal rights, lives and safety of its citizens.

Adopted  by the Verkhovna Rada of Ukraine with gross violations of the  constitutional procedure and the introduction of the Law “On the  condemnation of the Communist and National Socialist (Nazi) totalitarian  regimes in Ukraine and prohibition of propaganda of their symbols”, “On  the legal status and the memory of fighters for Ukrainian independence  in the twentieth century” “On perpetuation of victory over the Nazis in  World War II, 1939-1945.” “On access to the archives of the repressive  organs of the communist totalitarian regime’s 1917-1991″ – is not only a  reflection of the totalitarian nature of the ruling regime now in  Ukraine, but also cynical falsification History and revisionism of the  decisions of the Nuremberg Military Tribunal.

It  is a challenge to the world community. Starting with the violation of  the Constitution through censorship, manipulation of public  consciousness, intimidation and persecution of dissidents, the  persecution of the canonical Orthodox Church, anti-constitutional ban on  political parties, persecution and physical violence with ideological  and political opponents, and of course, the extremely dangerous  violations of generally accepted standards and norms in the civilized world of democracy, deprivation of the people of Ukraine to free expression.

In  these circumstances, we, the representatives of opposition political  parties and public organizations claiming to unite our efforts within  the movement “Left Opposition” in order to save UKRAINE AND  PROTECT HUMANITY our compatriots for peace, prosperity and security in  the country, freedom of speech and belief, fair trial, truly democratic  elections, building social justice, democracy, the rule of law.

We  will seek above all an immediate end to the bloodshed in the east of  the country, the peaceful settlement of the conflict based on the steady  performance of the Minsk Agreement and the decentralization of power.

We  believe that to ensure a lasting peace in Ukraine and bring it out of a  deep, all-encompassing crisis and back into the circle of the advanced  countries of the continent is impossible without the restoration of  good-neighborly, equal and mutually beneficial relations with the  Russian Federation and Belarus.

It  is with them, unlike the US and EU countries, whom we share a common  history, culture, spirituality, civilizational values. History has  proven that the territorial integrity and independence of Ukraine was  stored only in the unity of our countries and brotherly peoples.

We  believe that to stop social genocide, stop the destruction of the  national economy, is impossible without abandoning the neo-liberal  course presently held under the dictates of the West.

We  advocate for the implementation of the new industrialization of Ukraine  on the basis of modern technological innovation, drawing on domestic  intelligence, human, natural and technological resources. Our  alternative to neo-liberalism is a socio-economic model based on  principles of social justice and democracy.

We  stand FIRMLY for a domestic and foreign policy in accordance with the  principles of the Declaration of State Sovereignty of Ukraine to  guarantee its non-aligned (neutral) status; Inter-ethnic relations based  on the principles of international law and the provisions of the  Declaration of Rights of Nationalities of Ukraine; STATUS OF RUSSIAN  language as the second official language.

We  oppose the humiliation and betrayal of the military and labor feats of  our fathers and grandfathers who beat the fascist invaders in World War  II, and the victorious labor undertaken to revive our homeland from the  ruins, and hold it as it was in the Soviet era to the heights of world  economic, scientific and spiritual progress. We are categorically  against the insertion in the country of neo-Nazism, rehabilitation and  glorification of Nazi accomplices and invaders.

We call on the political parties, public organizations, and for the FATE OF THE HOMELAND all  those who share our assessment of the modern political and  socio-economic situation and put forward in the manifesto our OBJECTIVES  – Join the patriotic movement “Left Opposition”.

 

Adopted at the founding meeting of the “Left Opposition” 

12.06.2015, Kiev

 

Manifeste du nouveau parti (version française : editoweb.eu)

La politique intérieure et étrangère de l’Ukraine actuelle, surtout après le coup d’état de février (2014), conduit notre pays à sa perte. cette politique menace sa souveraineté nationale, conduit à la division et à la guerre civile, à l’effondrement de l’économie, au génocide ethnique. De plus l’utilisation de forces armées extérieures peut conduire à une Troisième Guerre mondiale. En signant l’accord d’association avec l’Union européenne et en suivant docilement les exigences draconiennes du Fonds monétaire international, l’Ukraine a perdu son indépendance économique et politique. Elle est effectivement sous contrôle extérieur. Ses politiques internes et externes sont dictées par les États-Unis, et l’oligarchie financière internationale. La mise en œuvre des soi-disant réformes d’un capitalisme néolibéral en faillite provoque l’abandon de l’intégration du pays à l’Union douanière, à la désindustrialisation, à l’accaparement par les clans oligarchiques de la propriété publique issue de l’Union Soviétique, à la perte de millions d’emplois, à la pauvreté et à l’effondrement de la natalité de la population. Actuellement, le produit intérieur brut de l’Ukraine n’est pas à 60% de celui de 1990. L’industrie nationale s’effondre, le gouvernement détruit son industrie de premier plan, orientée vers l’exportation. Le système financier du pays est au bord du défaut. La surexploitation du travail est plus élevés que dans le monde, les salaires sont tombés au niveau des pays africains les plus pauvres. Les services médicaux et l’éducation sont pratiquement inaccessibles à la majorité du peuple.

Le gouvernement tente de créer une idéologie nationale, chauvine, en violation totale de la Constitution de l’Ukraine, des normes et principes du droit international, créant des discriminations massives pour des raisons linguistiques, régionales et religieuses. Le gouvernement ukrainien est incapable de protéger le droit et la légalité, la vie et la sécurité de ses citoyens.

La loi de “décommunisation” adoptée par la Verkhovna Rada d’Ukraine est une violation grossière de la Constitution, la loi “sur le statut juridique et l’honneur des combattants pour l’indépendance en Ukraine du XXe siècle “… reflète non seulement la nature totalitaire du régime au pouvoir, mais aussi la volonté de réécrire l’histoire et modifier les décisions du Tribunal militaire de Nuremberg, ce gouvernement conteste l’ensemble des décisions de la communauté mondiale. L’introduction, en violation de la Constitution de l’Ukraine, de la censure, de la manipulation des masses, de l’intimidation et du harcèlement des opposants, de la répression contre l’Église orthodoxe, de l’interdiction anti-constitutionnel des partis politiques, est une violation extrêmement grave des normes démocratiques du monde civilisé. Ce gouvernement prive le peuple d’Ukraine à la libre expression.

Dans ces circonstances, nous, les représentants des partis politiques d’opposition et des associations déclarons unir nos efforts dans une “union” civile d’opposition de gauche POUR L’UKRAINE pour sauver et protéger nos compatriotes, pour la paix, la prospérité et la sécurité dans le pays, pour la liberté d’expression, une justice équitable, des élections démocratiques, juste, et un Etat de droit.

 

Nous allons d’abord demander la cessation immédiate des effusions de sang dans l’Est, et un règlement pacifique du conflit sur la base de la stricte application des accords de Minsk et de la décentralisation. Nous croyons que pour assurer une paix durable en Ukraine, pour sortir de l’abîme de la crise et retrouver un niveau de vie digne, cela passe par le rétablissement des relations pacifiées, mutuellement bénéfiques avec la Fédération de Russie et le Bélarus. Nous sommes, contrairement aux pays américains et européens, “unis par une histoire commune, une culture, des valeurs civilisationnelles, spirituelles. L’histoire a prouvé que l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine n’est possible que par le renforcement de l’unité de nos pays et de nos peuples frères. Il faut mettre fin au génocide social, il faut arrêter la destruction de l’économie nationale et abandonner les politiques néo-libérales mises en œuvre sous les diktats de l’Occident. Nous soutenons la mise en œuvre d’une nouvelle industrialisation de l’Ukraine sur la base de l’innovation technologique, moderne basée sur nos propres ressources, et sur l’écologie. Notre alternative au néolibéralisme est un modèle socio-économique basé sur les principes de la justice sociale et la démocratie. Nous préconisons le retour aux principes de la Déclaration de souveraineté de l’Ukraine, avec une garantie du statut des non-alignés (neutre); Les relations internationales doivent être fondées sur les principes du droit international et sur le respect de la Déclaration des droits des nationalités de l’Ukraine; Le statut de la langue russe doit être rétablie.

Nous nous opposons à l’humiliation, à la trahison de l’héroïsme de nos pères et grands-pères qui ont vaincu les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Leurs mains victorieuses ont construit notre pays, le pouvoir soviétique a sortir notre pays des ruines pour établir une société de progrès économiques, scientifiques. Nous sommes fermement opposés au retour du néonazisme dans le pays, à la réhabilitation et à la glorification des collaborateurs nazis.

Les partis politiques, les organismes publics, invitent tous ceux qui partagent l’amour de leur patrie, qui partagent notre évaluation de la situation politique actuelle et les buts et objectifs de ce manifeste à rejoindre l’Union patriotique “opposition de gauche”.

 

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-17062015/


[Défaut en vue !!!] Grèce : la nouvelle stratégie des créanciers

Wednesday 17 June 2015 at 03:00

La crétinerie infinie de nos dirigeants me décourage de commenter plus avant…

Les créanciers voudraient imposer un contrôle des capitaux et des limitations de retraites aux guichets.

Les créanciers voudraient imposer un contrôle des capitaux et des limitations de retraites aux guichets.

Selon la Süddeutsche Zeitung, les créanciers prépareraient un plan “à la chypriote” pour la Grèce en cas de défaut. Un moyen de faire pression sur le gouvernement hellénique qui demeure risqué.

Désormais, tout se passe comme si les créanciers de la Grèce jouaient une nouvelle partie : celle qui se jouera après le défaut d’Athènes vis-à-vis de ses engagements envers le FMI. Dimanche 14 juin, il n’y a eu aucune discussion. Selon des sources grecques proches du gouvernement, les négociateurs grecs se sont retrouvés à Bruxelles face à une équipe de techniciens « n’ayant aucun mandat pour négocier. » Et de fait, durant ce court rendez-vous de 45 minutes, toutes les nouvelles concessions grecques et non des moindres (notamment l’acceptation de l’objectif d’excédent primaire de 1 % du PIB pour cette année) ont été repoussées. Les exigences – toutes les exigences – des créanciers étaient à accepter en bloc. Ou à refuser. Autrement dit, les créanciers ne cherchent plus réellement à trouver un accord. Ils jouent désormais le coup d’après, celui qui suivra le défaut du 30 juin.

Stratégie européenne pour l’après-défaut

Leur stratégie a été en partie révélée par un article de la Süddeutsche Zeitung (SZ) de ce mardi. Ce dernier dévoile la stratégie mise au point par les dirigeants de l’Eurozone après le défaut. Selon la SZ, les chefs de gouvernement se retrouveraient dans une réunion d’urgence. Ils demanderaient à Athènes d’imposer un contrôle des capitaux et des limitations aux retraits des guichets bancaires au cours d’un week-end. Les banques devraient alors rester fermées quelques jours. Si le gouvernement grec refuse de faire passer une loi spéciale – nécessaire pour la réalisation de ce plan -, le système financier grec sera « isolé » de l’Eurosystème. Autrement dit, on coupera l’accès à la liquidité d’urgence (programme ELA) des banques grecques.

Renouveler Chypre

La SZ ne donne pas la finalité de ce plan. En réalité, elle est assez claire, c’est un scénario à la chypriote que les Européens promettent à la Grèce. Comme à Chypre, ce contrôle des capitaux permettra de faire payer la faillite des banques grecques par les déposants de plus de 100.000 euros (il existe une garantie européenne sur les dépôts jusqu’à cette somme). Comme à Chypre, cette solution s’accompagnerait d’un nouveau tour de vis budgétaire. C’est une position qui est défendue depuis quelques semaines par la banque centrale allemande, la Bundesbank. Cette dernière a fait du cas chypriote – où Nicosie avait dû céder à la menace d’une coupure de l’ELA -, un modèle du genre.

Pressions sur Athènes

Le but est fort clair : une telle procédure rendra extrêmement impopulaire le gouvernement d’Alexis Tsipras. L’objectif des dirigeants de la zone euro reste donc le même : renverser ce gouvernement, coûte que coûte. Et obtenir un gouvernement obéissant tout en évitant le Grexit.  Du reste, cette information – qui n’a été ni démentie, ni confirmée par le gouvernement allemand, ce qui revient à la confirmer – risque de provoquer une panique sur les dépôts puisque les Grecs connaissent parfaitement le précédent chypriote de mars 2013. Là encore, c’est un moyen de pression sur le gouvernement grec pour qu’il capitule avant le 30 juin.

Pari risqué

Cependant, le pari est risqué. Si les Grecs sont confrontés au choix de voir leur épargne confisquée pour renflouer les banques ou dissoute par une dépréciation d’une nouvelle monnaie, que choisiront-ils ? En réalité, la crainte de voir son épargne dissoute est un des derniers liens qui accrochent les Grecs à l’euro. Une fois disparu, le Grexit pourrait apparaître comme un moindre mal. Le plan européen pourrait alors avoir l’effet inverse de celui annoncé : renforcer la confiance dans le gouvernement sur le thème de la dignité outragée des Grecs. Sans doute les créanciers se laissent-ils trop bercer d’illusions par les sondages qui affirment que trois-quarts de Grecs veulent conserver l’euro « à tout prix. » Lorsque la facture sera présentée et dépassera les retraites et la TVA, le sentiment pourrait changer. Du reste, le contrôle des capitaux peut être utilisé pour une autre fin, celle du Grexit ou de l’introduction d’une monnaie parallèle. Dans ce cas, les Européens auraient ouvert les portes du Grexit.

Problèmes juridiques

Ce plan pose également des problèmes juridiques. Il utilise le programme ELA, qui relève de la politique monétaire de la BCE, comme moyen de pression. Or, la BCE est en théorie indépendante. Lundi 15 juin, devant le parlement européen, son président, Mario Draghi, a martelé qu’il ne prendrait pas de « décision politique. » Evidemment, on peut considérer que le défaut grec mènera à la faillite des banques. Mais, dans ce cas, ce ne peut être qu’après le « défaut officiel » envers le FMI, donc après le 30 juillet. Et si la rupture de l’ELA est présentée dans le cadre d’un plan global imposé par les créanciers, cela poserait le problème de l’indépendance de la BCE. Du reste, les Grecs préparent la riposte : selon le quotidien britannique DailyTelegraph, citant des sources proches de Syriza, Athènes pourrait déposer une plainte auprès de la Cour de Justice de l’UE pour une « rupture des traités » de la part des institutions européennes.

Confrontation directe

Ce qui est certain, c’est que le défaut du 30 juin ne fait plus aucun doute désormais. Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances, a indiqué qu’il n’y aurait pas de nouvelle liste de réformes présentée par les Grecs lors de la réunion de l’Eurogroupe jeudi 18 juin. Chacun pense donc à l’après-défaut. Et tente de faire peur à l’autre camp. Progressivement, c’est une confrontation directe qui semble se mettre en place.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 16 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/defaut-en-vue-grece-la-nouvelle-strategie-des-creanciers/


Miscellanées du mercredi (Blog, Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 17 June 2015 at 02:00

Avec une semaine de retard celui ci – mea culpa

I. Blog

Vous noterez depuis ce jour une petite fonctionnalité en plus : l’affichage en début d’article des commentaires les plus recommandés…

II. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : Croissance chinoise: “Les chiffres sont bidons !” – 08/06

Olivier Delamarche VS Malik Haddouk (1/2): Focus sur le ralentissement de l’économie chinoise – 08/06

Olivier Delamarche VS Malik Haddouk (2/2): Quel sera l’impact d’un Grexit sur l’Union Européenne – 08/06

III. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: “Le quantitative easing n’a aucun impact sur la reprise” – 03/06


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-17-06-2015/


[Vos sous...] Pensez à renégocier rapidement vos crédits !

Wednesday 17 June 2015 at 00:01

Une fois n’est pas coutume, petit conseil financier.

Comme on s’achemine de plus en plus vers un défaut grec

 

bon, enfin, un gros problème quoi (dont l’étendue des conséquences reste à définir), il est probable que nous allons quitter définitivement l’ère des taux d’intérêts très bas.

Ainsi, si vous avez des crédits, surtout immobiliers, à taux de 3%, 4 %, 5 %, n’hésitez pas à les renégocier avec les banques (en demandant bien des possibilités de transférabilité si vous revendez un jour, pour conserver le crédit à bas taux, option importante !). Cela génère une économie qui compense souvent les pénalités anticipées, à vous d’étudier et de comparer, ou de vous faire aider…

D’expérience, je vous conseille aussi de regarder ce que vous proposeront des courtiers spécialisés, comme empruntis, meilleurtaux, cafpi etc (publicité gratuite – mais je viens de tester avec un très bon courtier, et c’était vraiment très efficace…).

Lire ce papier des Echos :

La vague de baisse des taux des crédits immobiliers touche à sa fin

Un certain nombre de banques ont annoncé des hausses douces comprises de 0,1 à 0,3 point. Si le coût du crédit se stabilise, le nombre de renégociations va progressivement se résorber.

Les emprunteurs vont sans doute devoir changer leurs habitudes. Depuis trois ans, les taux de crédit ont été divisés par deux, parvenant à fin mai à un plancher historique de 2,01 % pour une durée moyenne d’un peu plus de dix-sept ans, selon le baromètre Crédit Logement/CSA. Or, cette longue parenthèse commence à se refermer.

Les taux des crédits vont-ils remonter ?

Dans les faits, les taux proposés aux emprunteurs sont toujours au plus bas. Mais une hausse se profile bel et bien. Selon les courtiers en crédit, certaines banques ont déjà annoncé des hausses, plutôt douces, comprises de 0,1 à 0,3 point. Plusieurs grands réseaux sont déjà concernés, soit au niveau national, soit localement via une banque régionale. « Désormais, quinze de nos banques partenaires vont dans ce sens », confirme Sandrine Allonier, responsable des relations bancaires chez Vousfinancer.com. Autre cas de figure possible : un prêteur laisse ses barèmes inchangés, mais ne négocie plus aucun rabais, alors qu’il les acceptait jusque-là. Ce serait une sorte de hausse invisible. Mais gare à l’image d’un mouvement généralisé et brutal : « Les taux ne remontent pas pour tout le monde, selon le type de clientèle que les banques souhaitent cibler », souligne Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.com. Par ailleurs, les crédits sont si bon marché que la route vers des taux « chers » sera de toute façon longue.

Comment expliquer ce retournement ?

La réponse est d’abord d’ordre technique : il existe un lien indirect entre le taux auquel l’Etat s’endette à dix ans (OAT) et celui appliqué par la banque sur un crédit immobilier. Les ressources nécessaires à refinancer le crédit sont en effet pour partie liées au niveau des taux longs. Ainsi, le passage de l’OAT d’environ 2 % en 2014 à 0,35 % début avril 2015 a bien correspondu à la chute des taux de crédit. Or, ces dernières semaines, ces mêmes OAT se sont tendues, jusqu’à 1,32 %, ce qui reste historiquement plutôt faible. « Mais il existe un seuil psychologique à 1,50 % dont on s’approche », prévient Cécile Roquelaure, directrice des études d’Empruntis. Le mécanisme qui a conduit à la plongée des taux du crédit est donc entrain de s’inverser. Par ailleurs, au-delà de l’OAT, les banques se refinancent actuellement à des conditions particulièrement attractives grâce à la généreuse politique monétaire de la BCE. Remonter le « prix à la pompe » du crédit revient actuellement à améliorer leur marge sur le crédit.

Est-ce la fin des renégociations de crédit ?

Le crédit bon marché a suscité ces derniers mois de nombreuses demandes de rachat ou de renégociation de crédit, entraînant, parmi d’autres désagréments, de gigantesques engorgements dans l’examen des dossiers. Un tonneau sans fond puisque chaque nouvelle baisse des taux de crédit générait un nouveau stock d’emprunteurs ayant intérêt à cette opération. Si le coût du crédit se stabilise, le nombre de renégociations devrait progressivement se résorber. « D’ores et déjà, certains réseaux ne veulent plus traiter ce type de dossier », remarque Sandrine Allonier. A l’avenir, les banques pourront davantage se concentrer sur les « vrais » crédits, pour lesquels la demande s’est ressaisie.

Edouard Lederer, Les Echos, 15/06/2015

Source: http://www.les-crises.fr/vos-sous-pensez-a-renegocier-rapidement-vos-credits/


[Grèce 2] La division des créanciers conduit à l’échec des discussions

Tuesday 16 June 2015 at 05:14

Négociations au bord du gouffre

La nouvelle de l’interruption des négociations entre la Grèce et ses créanciers ce jeudi 11 juin n’est ni une surprise ni une nouvelle. D’un part, on peut penser qu’il s’agit plus d’unesuspension des négociations et que ces dernières reprendront d’ici quelques jours, quitte à ce que nous soyons encore soumis au régime de la douche écossaise. Mais, d’autre part, sur le fond, il est clair qu’il y a un désaccord fondamental sur la nature politique de ces négociations.

La nature des désaccords

Ce que cherche l’Union européenne, par le biais de l’Eurogroupe, c’est de cautériser le précédent ouvert par l’élection de janvier 2015 en Grèce. Il s’agit de faire la démonstration non seulement en Grèce, mais ce qui est bien plus important en Espagne, en Italie et en France, qu’on ne peut « sortir du cadre de l’austérité » tel qu’il a été organisé par les traités. L’important est donc de faire plier la Grèce non pas pour elle-même, ou pour humilier ses dirigeants (même si certains dirigeants européens sont sur cette position) mais pour ôter l’envie aux peuples d’Europe de se rebeller par voie électorale contre lesdiktats de Bruxelles et Francfort.

Ce que cherche le gouvernement grec, c’est à imposer une solution politique à la question de la dette, qui permette de trouver une autre voie que celle de l’austérité. C’est pourquoi, et moyennant un tel accord et un programme d’investissements en Grèce, ce gouvernement serait prêt à faire des concessions que ce soit sur les privatisations ou sur les retraites. Mais, pour que ces concessions aient un sens il faut un accord politique global. Le Ministre des finances de la Grèce, M. Varoufakis, l’a rappelé en début de semaine[1].

L’attitude de l’Eurogroupe a ainsi largement fait évoluer la négociation vers ce que Yanis Varoufakis appelle une « guerre ».

Accords et désaccords

Aussi, on peut être techniquement très proche d’un accord et politiquement très éloigné. Les différents dirigeants européens (M. Jean-Claude Juncker en premier), les dirigeants allemands, comprennent très bien cette problématique. Ils ne mesurent pas encore complètement la détermination du gouvernement grec et de M. Tsipras. Cette détermination s’appuie sur plusieurs facteurs :

  1. La situation de la Grèce est tellement dramatique, et le soutien dont bénéficie le Premier-ministre et son parti est tel, que l’on ne le voit guère reculer. Le ferait-il qu’il se suiciderait politiquement. Or, l’homme est jeune. Il sait qu’il représente aujourd’hui un véritable symbole, que ce soit en Grèce ou en Europe. Il pourrait faire des concessions s’il obtenait le principal. Mais, fors cela, il n’a aucun intérêt à capituler. Bruxelles croit que Tsipras est un Papandréou plus jeune et se trompe complètement.
  2. La Grèce à bien moins à perdre d’une rupture que les oligarques de Bruxelles, de Paris ou de Berlin. Un échec des négociations entraînerait un défaut, et ce défaut conduirait probablement à une sortie de l’Euro. Le choc serait important pour la Grèce, mais cette dernière retrouverait rapidement le chemin de la croissance. Par contre, la zone Euro n’y résisterait très probablement pas. Dans ces conditions, et mesurant tout ce qui a été investi politiquement et symboliquement dans l’Euro, il est clair que l’hypothèse d’un défaut est bien plus insupportable pour un François Hollande, un Pierre Moscovici, un Matteo Renzi, voire une Angela Merkel que pour Alexis Tsipras.
  3. La Grèce joue d’ailleurs ici avec la Banque Centrale Européenne. Cette dernière est contrainte en un sens de continuer à financer les banques commerciales grecques alors qu’il y a un mécanisme désormais important de retrait des dépôts depuis le mois de février. Mais, ce phénomène joue en réalité dans la main de Tsipras car il peut alors dire que les capitaux qui sortent actuellement de Grèce y reviendraient rapidement en cas d’une sortie de l’Euro et d’une dévaluation massive de la monnaie grecque retrouvée. Ce processus contribue en réalité à sécuriser une partie de l’épargne grecque dans l’optique d’une sortie de l’Euro. C’est pourquoi le gouvernement grec a refusé de mettre en place un contrôle des capitaux.
  4. Si l’on considère la question sous un angle géopolitique il est aussi clair que les Etats-Unis et l’Union européenne ont bien plus à perdre que la Grèce. Une rupture entre la Grèce et l’Eurogroupe jetterait ce pays dans les bras de la Russie. La Grèce s’opposerait à la poursuite des sanctions dès le mois de juillet, et pourrait s’appuyer sur le couple Russie-Chine pour trouver les investissements dont elle a besoin. Les rodomontades des diplomates européens qui, à Bruxelles, promettent de « faire la peau » à la Grèce ou à Chypre si ces pays changeaient de camps ne sont que des rodomontades.

L’Eurogroupe en panne de stratégie.

En fait, c’est l’Eurogroupe, et en son sein l’Allemagne, qui se trouve en panne de stratégie. Donne-t-il raison à la Grèce, accepte-t-il une renégociation globale de la dette avec une annulation d’une parie de cette dernière, et immédiatement il verra l’Espagne, le Portugal, l’Italie et peut-être même l’Irlande demander des conditions analogues à celles qui ont été consenties à la Grèce. Maintient-il sa position intransigeante et il risque la rupture, avec un défaut grec, et un processus de dislocation de la zone Euro qui commencera très vite. C’est ce qui explique le caractère chaotique des négociations actuelles. Il est effectivement difficile pour les négociateurs grecs de négocier avec des gens sans stratégie. Le problème est décuplé par la situation en Allemagne. Si la chancelière est consciente du risque qu’elle prend par une politique intransigeante, elle doit aussi tenir compte de son propre ministre des finances, très opposé à l’idée d’un accord car il en mesure le prix à la fois en termes de perte de crédibilité de l’Allemagne dans le domaine de la politique économique mais aussi – et peut être plus directement – en matière budgétaire. Il est clair que si la zone Euro évoluait vers une logique tournant le dos à l’austérité la pression serait très forte pour que l’Allemagne contribue en finançant les pays du Sud de l’Europe. Ce serait « l’Union de transfert » dont l’Allemagne ne veut pas entendre parler.

Plus que jamais la négociation est donc incertaine. Il faut comprendre que des motifs politiques et pas uniquement – ni même principalement de rationalité économique – interviennent dans cette négociation. Il y a aussi la dimension géopolitique et l’on voit bien ici que les Etats-Unis, à cause de la logique de guerre froide qu’ils cherchent à imposer vis-à-vis de la Russie, ont un intérêt au maintien de la zone Euro et de l’Union européenne.

[1] Harald Schumann et Elisa Simantke pour le Tagesspiegel :http://www.euractiv.com/sections/euro-finance/varoufakis-greeces-creditors-have-turned-negotiations-war-315247

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 11 juin 2015.


Grèce : vers le défaut ?

L’Eurogroupe serait-il en train de se faire à l’idée de la possibilité d’un défaut grec ? Des informations, en provenance de Reuters[1], semblent le confirmer. Une réunion d’expert qui s’est tenu à Bratislava le jeudi 11 juin aurait pour la première fois explicitement évoqué la possibilité que, faute d’un accord, la Grèce puisse faire défaut. Ces informations confirment aussi que même si certains gouvernements ont travaillé depuis plusieurs mois sur cette hypothèse, c’est la première fois que l’Eurogroupe a abordé cette question.

Les conséquences d’un défaut.

Un défaut de la part de la Grèce impliquerait non seulement la dévalorisation radicale des créances grecques détenues à titre bilatéral par différents Etats de la zone Euro ou détenues par le MES, mais aussi l’impossibilité d’user de ces titres comme collatéral dans le cadre du mécanisme d’aide d’urgence à la liquidité (ELA) mis sur pied par la Banque Centrale Européenne. Le défaut entraînerait la suspension immédiate de l’ELA et obligerait le gouvernement grec à user d’instruments monétaires constituant une proto-monnaie, instruments qui en quelques semaines deviendraient une monnaie alternative. Notons que, dans ce scénario le gouvernement grec est obligé de créer ces instruments et qu’il peut prétendre que c’est contraint et forcé par l’attitude de la BCE qu’il le fait. Ouvertement, le gouvernement grec pourrait continuer à prétendre qu’il entend rester au sein de la zone Euro, tout en mettant sur pied le processus qui dans les faits aboutira à la recréation de la Drachme. Le gouvernement grec pourrait continuer à prétendre qu’il n’a pas voulu ce défaut et cette sortie de l’Euro, tout en préparant à encaisser les bénéfices de ces événements. Et ces bénéfices sont bien plus importants que ce que l’on pense et que l’on dit.

Les bénéfices d’un défaut.

Les conséquences de ce défaut seraient nettement plus importantes sur les partenaires de la Grèce que pour la Grèce elle-même. Des sommes importantes sont sorties de Grèce depuis le mois de février. On estime qu’il y a aujourd’hui plus de 30 milliards d’euros qui sont sortis depuis le mois de février et qui sont détenus par des acteurs grecs sur des comptes à l’étranger. Une fois la Drachme créée, ces sommes reviendrait en Grèce, et compte tenu de la dépréciation de la Drachme par rapport à l’Euro, les acteurs (entreprises et ménages) qui ont fait sortir ces liquidités gagneraient en pouvoir d’achat en Grèce. On peut penser que le gouvernement grec pourrait alors établir un contrôle des changes et prélever une faible taxe (5%) sur ces retours, ce qui permettrait aux ménages et entreprises de légaliser une partie de leurs avoirs, tout en donnant un gouvernement grec des moyens financiers supplémentaires pour compenser la partie de la population qui n’a pu faire sortir des liquidités. Ce « retour » de l’argent détenu à l’extérieur pourrait bien être l’équivalent de ce que le gouvernement grec a demandé à l’Union européenne, soit un plan d’investissement. Compte tenu de l’amélioration de la compétitivité des exportations grecques du fait de la dépréciation de la Drachme, l’effet positif de ce mécanisme pourrait bien être important.

Bien entendu, la Grèce devra faire face à un choc d’inflation importé. Mais, pour une dépréciation de 30% de la Drachme par rapport à l’Euro, ce choc ne devrait pas excéder le 6% à 8% la première année, et certainement moins (4% à 6%) la seconde année. Par contre, les effets positifs sur l’économie (et sur le secteur touristique en particulier) pourraient être très importants.

Le coût d’un défaut pour les partenaires de la Grèce.

Pour les partenaires de la Grèce, par contre, non seulement faudra-t-il gérer les conséquences économique d’un défaut (ce qui impliquera une nouvelle action de la BCE) mais ce sont surtout les conséquences financières et politiques qui poseront problèmes. D’un point de vue strictement financier, la réalité d’un défaut dans la zone Euro lancera un mouvement spéculatif et l’on cherchera à deviner quel sera le prochain pays qui sera le « maillon faible ». D’ores et déjà on constate que les bons du Trésor portugais, italiens et espagnols voient leurs taux monter rapidement. Mais, c’est surtout politiquement que le choc sera le plus important. Toutes les fadaises et les stupidités crasses sur « cela ne peut pas arriver » ayant été démentie se posera immédiatement le problème de l’Euro. Bien entendu, les gouvernements tenteront de limiter ce choc politique. Mais, s’il y a bien une chose que nous apprend la crise financière russe d’août 1998, c’est que les conséquences politiques d’un événement dont tout le monde pensait qu’il était impossiblesont dévastateurs pour l’idéologie qui a proclamée la soi-disant impossibilité de cet événement.

On assisterait alors à un retournement des représentations politiques (et économiques). C’est très exactement ce qui s’est passé en Russie en août 1998, et c’est ce qui explique la destruction des forces libérales pour la suite.

Il est certain que les responsables européens sont conscients, du moins en partie, de ce problème. Mais, on peut penser que, pris dans la logique de la négociation et de ses détails, ils ont perdu la compréhension de la nature stratégique de la situation présente. Le fait que la question d’un possible défaut grec n’ait été abordée par l’Eurogroupe que hier le démontre. On peut penser que ces responsables, à tous les niveaux, sont désormais confrontés à une situation dont les déterminants leurs échappent.

Il reste le problème du maintien de la Grèce dans l’Union européenne. On sait que les traités assimilent l’Euro à l’UE, même si de nombreux pays de l’UE ne sont pas dans la zone Euro. Mais, formellement, pour décider que la Grèce ne fasse plus partie de l’UE, il faudrait un vote à l’unanimité des 27 (28 – 1) pays de l’UE. Or, il est clair que certains pays, et en particulier Chypre et la Hongrie, se refuseront à voter une exclusion de la Grèce.

Les dirigeants européens feraient bien mieux de sortir de leur autisme et de commencer à réfléchir sur des mécanisme permettant une sortie ordonnée de l’Euro avec le maintien des pays au sein de l’UE, voire – mais c’est sans doute trop leur demander – à réfléchir sur une dissolution de la zone Euro. Un proverbe grec, celui du « songe trompeur » envoyé par Zeus (Jupiter) décrit bien la situation des dirigeants européens. Sa traduction latine est connue :

Quos vult perdere Jupiter dementat prius

(Ceux que Jupiter veut perdre, il leur ôte d’abord la raison)

Nous en verrons bientôt une application….

[1] http://www.reuters.com/article/2015/06/12/us-eurozone-greece-default-idUSKBN0OS1BD20150612

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 12 juin 2015.

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Les discussions entre la Grèce et le FMI sont au point mort.

Les discussions entre la Grèce et le FMI sont au point mort.

L’impasse dans laquelle se trouvent les négociations s’explique surtout par l’incapacité des créanciers à adopter des positions cohérentes et réalistes.

Les discussions – on n’ose plus guère parler de négociations – entre la Grèce et ses créanciers sont donc au point mort. Depuis que le FMI a claqué la porte vendredi 12 mai, les tentatives pour reprendre langue ont lamentablement échoué. Dimanche soir, les représentants du gouvernement grec sont rentrés à Athènes sans avoir pu trouver d’accord avec les représentants européens. L’option du défaut le 30 juin sur les remboursements de 1,6 milliard d’euros dus au FMI semble donc devoir se rapprocher.

L’échec : à qui la faute ?

Que s’est-il passé alors qu’un accord semblait sur le point d’être conclu mercredi soir ? Faut-il imputer cet échec, comme ne cessent de le faire les Européens, à « l’intransigeance » du gouvernement grec refusant de couper dans les retraites et d’alourdir le poids de la TVA ? Mais la position du gouvernement grec n’a pas changé depuis sa dernière proposition du mardi 9 juin. En réalité, Athènes n’a cessé depuis près de cinq mois d’assouplir ses positions et Alexis Tsipras, le premier ministre, est allé jusqu’au bout de ce qui est politiquement possible pour lui. Si mercredi, un accord a failli être conclu, c’était donc sur les mêmes bases que celles qui ont conduit à l’échec ce week-end.

Or, selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, on était proche d’un accord la semaine passée. Conformément à une information qui était parue alors, une alternative aux baisses des retraites a bien été recherchée, principalement en réduisant les dépenses militaires. Un accord sans doute fort acceptable par Athènes. Mais, toujours selon la FAZ, le FMI aurait refusé cet accord. Selon nos informations, la partie grecque ce week-end a proposé des « alternatives » pour couvrir l’équivalent des mesures exigées par les créanciers et refusées par les Grecs. Mais les Européens les ont repoussées sèchement. L’échec des discussions est donc bien à mettre au crédit du refus  de négocier et de la division des créanciers. « Depuis plusieurs semaines, il est impossible de comprendre ce que veulent les créanciers, ils sont extrêmement divisés », explique une source grecque proche du gouvernement. Et c’est bien cette division qui mène aujourd’hui la zone euro au bord du gouffre.

Pourquoi le FMI est parti

Le départ du FMI- ses représentants n’étaient pas dans les négociations du week-end – agit, du reste, comme un révélateur. Ce départ a pu surprendre de la part d’une des rares institutions qui avait entamé son mea culpa concernant les erreurs de l’austérité, avec le fameux « rapport Blanchard » qui reconnaissait une sous-estimation des « multiplicateurs budgétaires », autrement dit des effets de la consolidation budgétaire sur l’économie. Comment alors le FMI peut-il quitter la table des négociations en réclamant des baisses dans les retraites et une hausse de la TVA ? Autrement dit, comment peut-il consciemment reproduire les mêmes erreurs que celles qu’il avait reconnues ?

La volonté du FMI de restructurer la dette grecque

La réponse réside dans l’insistance du FMI à demander depuis plusieurs mois une restructuration de la dette grecque. L’institution de Washington agit en gestionnaire des fonds qui lui sont confiés par ses « actionnaires. » Il estime que le poids de la dette grecque est insoutenable. Contrairement à une idée reçue tenace et soutenue par plusieurs observateurs, les remboursements dus par la Grèce sont immenses et la dette est bien un problème urgent pour Athènes. Certes, le pays ne doit en théorie, rembourser qu’à partir de 2023 les Européens, mais rien que d’ici à 2020, il lui faut rembourser, par exemple, pas moins de 13,15 milliards d’euros au FMI. Sans compter les 21,87 milliards d’euros qui devront être remboursés à la BCE. Un total, hors dette à court terme, de 35 milliards d’euros dus en cinq ans, soit pas moins de 18,4 % du PIB grec actuel. Or, on le sait, la Grèce n’a pas accès au marché, elle doit donc financer ces sommes par de l’excédent budgétaire primaire ou par de nouvelles dettes auprès de ses créanciers. On comprend que le FMI juge la situation absurde, car elle l’est. C’est, du reste, ce que le nouveau gouvernement grec n’a cessé de dire. Ce lundi 15 juin, Yanis Varoufakis, dans une interview accordée à Bild Zeitung, rappelle qu’avec une restructuration de la dette, la Grèce n’a pas besoin de l’argent des créanciers. Cet argent que les créanciers ne veulent pas verser est en effet destiné non pas à payer la « folie » d’un Etat-providence grec qui serait trop généreux, mais à rembourser les créanciers eux-mêmes !

La logique du FMI

Dès lors que l’option de la restructuration était écartée par les Européens, le FMI n’avait qu’un souci : assurer le paiement de ses échéances. Et pour cela, il lui faut assurer à la fois des excédents primaires suffisants, une baisse « structurelle » des dépenses publiques et une hausse « structurelle » des recettes. D’où son insistance sur les retraites et la TVA. Sans vraie restructuration de la dette, le poids des remboursements pesant sur le budget grec est nécessairement lourd. Et les retraites représentant une charge immense pour ce dernier, il faut les baisser pour permettre au FMI de toucher ces fonds. Dès lors, remplacer une baisse des retraites par une baisse du budget militaire ne saurait convenir au FMI qui veut s’assurer que la charge des retraites progressera plus faiblement à l’avenir pour permettre à Athènes de le rembourser. Selon Olivier Blanchard, qui a posté sur son blog dimanche 14 juin au soir une « justification » de la position du FMI, la proposition actuelle des créanciers, incluant une baisse des retraites nécessitera tout de même une restructuration de la dette. Bref, dans sa logique, le FMI est allé au bout de ce qui lui est possible, tout comme le gouvernement grec. L’institution de Washington est désormais dans la situation de l’investisseur qui préfère « prendre ses pertes » en cas de crise boursière. Et est donc prête à assumer un défaut.

L’erreur des Européens

En face, les Européens se sont toujours refusé à discuter d’un quelconque aménagement de la dette. Politiquement, les dirigeants européens ne semblent pas disposés à assumer un tel pas. Angela Merkel a toujours promis à son électorat qu’elle sauverait l’euro à moindre coût pour le contribuable allemand et que les garanties de l’Etat fédéral ne seraient jamais activées. Certes, la dette due aux Européens n’est pas le problème le plus brûlant. Mais la BCE, engoncée dans les traités européens qui lui interdisent tout financement d’un Etat membre, ne peut engager de négociations sur la restructuration de la dette qu’elle détient. La solution évoquée par Athènes qui passerait par un rachat de cette dette par le MES pour ensuite la restructurer, ne convient pas davantage aux Européens. D’où cette volonté des créanciers de tout régler par les fameuses sacro-saintes réformes qui, dans la rhétorique dominante, seraient capables d’apaiser tous les maux, comme jadis les saignées des médecins de Molière. Mais cette pharmacopée n’est acceptable par le FMI qu’à forte dose et elle ne l’est par le gouvernement et la population grecs qu’à faible dose. D’où le blocage actuel.

La fracture intra-européenne

A cela s’est ajoutée une deuxième ligne de front au sein des Européens, ou, en réalité, au sein du gouvernement allemand entre une Angela Merkel réticente à prendre le risque du Grexit et un Wolfgang Schäuble prêt à prendre ce risque pour imposer une zone euro « ordonnée. » Cette divergence a conduit à une lecture de plus en plus difficile de la position des créanciers européens. Ceci s’est incarné dans les postures de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, qui a alterné depuis deux semaines les bouderies, les colères et les sourires face à Alexis Tsipras. Cette divergence a, en réalité, rendu la solution politique voulue par Athènes inopérante. Pour éviter la rupture avec son ministre des Finances, la chancelière a tenté d’amadouer par des paroles rassurantes le premier ministre grec tout en laissant la réalité des négociations aux « techniciens. » Or, ces techniciens européens ne pouvaient trouver de solution non seulement, comme on l’a vu, parce que, sans restructuration de la dette, il n’y a pas de solution viable, mais aussi parce que, comme l’explique une source grecque, « les négociations se font par sujets spécifiques de façon divisée, un accord global est donc impossible. » On comprend donc mieux la demande hellénique d’une « solution politique. »

Soumis à un programme inexécutable, les créanciers durcissent leur position

On a beaucoup glosé sur « l’irréalisme » du programme de Syriza et du gouvernement grec. Mais en réalité, Athènes a adopté une position réaliste en acceptant beaucoup de concessions. En revanche, le programme des créanciers était absolument inexécutable. En maintenant le stock de dettes grecques intact, les créanciers obligeaient la Grèce à reproduire les erreurs du passé. Le tout devait être accepté par un gouvernement fraîchement élu sur un rejet de cette logique, sans pousser la Grèce à sortir de la zone euro. Bref, ces positions étaient intenables. A moins, bien sûr, de se retrouver face à un gouvernement grec docile. Avec le départ du FMI, ces contradictions éclatent au grand jour. Les Européens tentent donc une dernière fois de faire céder Alexis Tsipras par une attitude de fermeté. Face à cette impasse, la position des Européens semble désormais se durcir. Sigmar Gabriel, le vice-chancelier allemand et président de la SPD social-démocrate, a ainsi changé de ton ce week-end en indiquant que son parti ne garderait pas la Grèce dans la zone euro à « n’importe quel prix. » Autrement dit, pour tenter de « rationaliser » leurs positions, les créanciers adoptent l’enchère la plus haute : celle du plan présenté voici dix jours. Car, finalement, ce qui unit le plus les créanciers restent leur volonté de dompter politiquement Athènes. Mais le gouvernement grec a prévenu hier qu’il n’accepterait jamais les coupes dans les retraites et la hausse de la TVA. Et, de sources grecques, on affirme que “l’on a été supris par la position” des créanciers.

Manque de volonté politique

L’impasse dans laquelle sont les discussions rend forcément moins optimiste sur les capacités d’un accord avant le 30 juin. Et un Grexit devient de plus en plus probable. Certes, Yanis Varoufakis, dans Bild, estime « qu’un accord peut être trouvé dans une nuit », et l’Eurogroupe du 18 juin apparaît comme une dernière chance de parvenir à une entente. Mais ce qui semble désormais manquer, c’est la volonté politique des créanciers à trouver cet accord. Paralysés par leurs contradictions, ces derniers se réfugient sur une position dure qui, comme l’a remarqué le 5 juin Alexis Tsipras devant le parlement, semble nier l’existence de négociations. Sauf un sursaut au niveau politique peu probable au regard des événements de la semaine dernière, la Grèce devra désormais faire ce choix qu’Alexis Tsipras s’est toujours refusé à faire jusqu’à présent : rester dans la zone euro aux conditions des créanciers ou assumer son propre destin.

Source : Romaric Godin, pour Le Tribune, le 15 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/grece-2-la-division-des-creanciers-conduit-a-lechec-des-discussions/


[Grèce 1] La Grèce proche de la fin de la crise ?

Tuesday 16 June 2015 at 04:14

Grèce : Angela Merkel a-t-elle cédé ?

Angela Merkel a-t-elle choisi la voie de la conciliation ?

Angela Merkel a-t-elle choisi la voie de la conciliation ?

Selon Bloomberg, l’Allemagne ne demanderait plus qu’une “seule réforme” pour convenir d’un accord avec Athènes. Le signe d’une défaite cuisante pour Wolfgang Schäuble ?

On a beaucoup glosé sur les tensions au sein du gouvernement grec et entre Syriza et le premier ministre hellénique Alexis Tsipras. On en a fait la clé des négociations entre la Grèce et ses créanciers. Sans doute trop. Car on a oublié que la véritable clé réside bien plutôt à Berlin, au sein même du gouvernement allemand et de la coalition d’Angela Merkel. Or, ces tensions apparaissent de plus en plus réelles. Le 26 mai déjà, le quotidien conservateur Die Welt révélait que la chancelière et son ministre des Finances étaient sur des positions divergentes concernant l’attitude à tenir face à une Grèce qui refuse de céder aux injonctions de ses créanciers. Ce mercredi 10 juin, c’est un député social-démocrate, vice-président du groupe SPD au Bundestag, Carsten Schneider, qui confirme à la radio Deutschlandfunk que « le groupe parlementaire conservateur est divisé et le gouvernement aussi » sur le sujet grec.

Les deux visions allemandes

Cette division est connue : Wolfgang Schäuble est, depuis fort longtemps, un partisan de l’exclusion de la Grèce de la zone euro, sauf à ce que ce pays se plie aux conditions de ses créanciers. Il voit à cette méthode plusieurs intérêts : un effet « d’exemple » d’abord pour les autres pays qui seraient tentés de « ne pas respecter les règles », une cohérence renforcée ensuite pour la zone euro puisqu’on aura imposé une unique politique économique possible et, enfin, une sécurité pour les contribuables allemands. Face à lui, Angela Merkel refuse de prendre le risque de fragiliser l’euro tant pour des raisons économiques que politiques. Or, plus le blocage actuel de la situation entre la Grèce et ses créanciers oblige le gouvernement allemand à faire un choix entre ces deux positions : ou accepter de faire des concessions à Athènes pour la conserver dans la zone euro ou exiger jusqu’au bout une capitulation grecque au risque du Grexit.

Pourquoi Angela Merkel fait encore monter les enchères

Berlin a déjà lâché un peu de lest en oubliant dans le dernier plan les demandes de réforme du marché du travail et en abaissant les objectifs d’excédents primaires. Mais au prix d’exigences très dures sur les retraites. En fait, dans le jeu auquel se livre Athènes et Berlin, chacun tente de montrer à l’autre qu’il est prêt à la rupture, pour le faire céder en premier. On tente donc d’obtenir de l’adversaire le plus de concessions possibles. Avec le report au 30 juin de l’échéance du FMI, on peut donc encore continuer ce petit jeu. Angela Merkel serait sans doute fort aise de pouvoir présenter à son opinion publique une défaite d’Alexis Tsipras sur le terrain des retraites. Mais si le premier ministre grec ne cède pas et si le défaut se rapproche, il lui faudra nécessairement faire le choix présenté plus haut.

Wolfgang Schäuble sur la touche ?

Or, pour Carsten Schneider, ce choix est déjà fait. « Wolfgang Schäuble peut bien donner des interviews, il ne participe plus réellement aux négociations », a-t-il affirmé dans une autre interview à la chaîne de télévision ZDF. « Angela Merkel lui a retiré son mandat de négociation », ajoute-t-il à la Deutschlandfunk, avant de comparer le sort de Wolfgang Schäuble à celui de Yanis Varoufakis, qui avait été mis en retrait des négociations en mai par Alexis Tsipras. Désormais, donc, Wolfgang Schäuble ne servirait plus que d’aiguillon, jetant volontiers de l’eau sur le feu, évoquant à l’envi dans la presse, le Grexit ou le « Graccident », mais il n’aurait plus aucune prise sur les discussions. Du reste, sa ligne a déjà été largement écornée par les concessions acceptées par les créanciers dans leur dernier plan. Carsten Schneider, qui n’a sans doute pas parlé sans l’accord des dirigeants sociaux-démocrates présents dans le gouvernement, pourrait donc bien avoir raison.

Menace de la SPD

Angela Merkel pourrait donc avoir fait le choix d’une solution de compromis avec Athènes. Le durcissement de ses derniers jours serait tactique. A la fois pour faire céder, si c’est encore possible, Alexis Tsipras et pour montrer aux députés conservateurs allemands sa détermination à le faire. Mais Carsten Schneider se dit certain que « le groupe parlementaire conservateur suivra sa chancelière. » Du reste, prévient-il, si ce n’est pas le cas « ce sera la fin de ce gouvernement. » par la bouche de Carsten Schneider, la SPD met donc directement en garde la chancelière sur une explosion de la « grande coalition » en cas d’échec des négociations avec la Grèce.

Or, si les sondages demeurent encore largement favorables à la chancelière, il n’est pas certain que cette dernière ait envie de se lancer dans une campagne électorale maintenant, alors même qu’elle est engluée dans l’affaire de la collaboration entre les services secrets allemands et étatsuniens qui lui coûte cher en popularité. De même, des élections anticipées sur fond de rumeurs de Grexit pourrait donner une nouvelle vie aux Eurosceptiques d’AfD actuellement en voie de dissolution en raison de leurs divergences internes. Bref, le moment est assez mal choisi, d’autant qu’un accord avec la Grèce bénéficiera sans doute d’une large majorité au Bundestag, les groupes du Parti de gauche Die Linke et des Verts votant sans doute en sa faveur…

« Où il y a une volonté, il y a un chemin »

Dans ce cadre, le refus sec du « plan grec modifié » par la Commission ce mardi 9 juin, ne doit pas être interprété comme le signe d’un blocage irrémédiable de la part des créanciers. C’est bien plutôt un moyen de faire monter la pression. Mais Angela Merkel a, ce mercredi en début d’après-midi, affirmer par une phrase sibylline que les négociations continuaient : « où il y a une volonté, il y a un chemin. » Comprenez : la négociation se poursuit. Au reste, le vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis, a reconnu que les créanciers « sont prêts à étudier des alternatives aux coupes dans les retraites. » Or, ces coupes sont le principal obstacle qui empêche aujourd’hui un accord. Selon Bloombergqu cite deux personnes familières des discussions, l’Allemagne se contenterait désormais “d’une seule réforme“. S’il n’est pas sûr qu’un accord soit trouvé la semaine prochaine, comme l’affirme Carsten Schneider, ni même qu’un accord soit in fine trouvé, il semble que la ligne Merkel, celle qui refuse la rupture avec la Grèce et le risque d’un Grexit l’ait bien emporté sur celle de Wolfgang Schäuble. Ce serait incontestablement une victoire pour Alexis Tsipras qui serait le fruit de sa persévérance.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 10 juin 2015.


Grèce : le piège tendu par les créanciers

Alexis Tsipras refuse de céder à "l'irréalisme" du plan des créanciers. A raison ?

Alexis Tsipras refuse de céder à “l’irréalisme” du plan des créanciers. A raison ?

Un examen des conditions du plan des créanciers montre que ces derniers renouvellent les erreurs d’analyse du passé. Un aveuglement qui a une fonction tactique.

« Les propositions soumises par les Institutions sont clairement irréalistes. » Vendredi 5 juin à la tribune de la Vouli, le parlement grec, Alexis Tsipras, le premier ministre grec, (dont on peut lire ici le discours traduit en français) a clairement repoussé la proposition d’accord de cinq pages soumis par les créanciers de la Grèce à son gouvernement. « Jamais je n’aurais pu croire, surtout, que des responsables politiques, et non des technocrates, échoueraient à comprendre qu’au bout de cinq années d’austérité dévastatrice il ne se trouverait pas un seul député grec pour voter, dans cette enceinte, l’abrogation de l’allocation accordée aux retraités les plus modestes ou l’augmentation de 10 points de la TVA sur le courant électrique », a expliqué l’hôte de Maximou, le Matignon hellénique. Cette réaction a déclenché des cris d’orfraies dans le camp des créanciers qui n’ont pas goûté le rejet sec de ces cinq pages qu’ils avaient eu tant de mal à élaborer. Jean-Claude Juncker a montré sa mauvaise humeur en faisant une de ses habituelles leçons de morale.

Une consommation basse et juste stabilisée.

La colère des créanciers est-elle justifiée ? Les propositions des créanciers sont-elles réalistes et rationnelles ? Peuvent-elles concrètement donner une nouvelle chance à l’économie grecque de rebondir ? Pour y répondre, il faut d’abord rappeler la situation de l’économie grecque. Cette situation est peu lisible aujourd’hui en raison du blocage entre créanciers et gouvernement, mais il est certain que la Grèce doit faire face à un problème de demande et la consommation est son point faible. La consommation des ménages a été en 2014 inférieure à celle de 2005. Elle a reculé en prix constants de 17,5 % depuis 2008 et de 0,4 % par rapport à 2013. Il y avait donc une stabilisation à un niveau bas qui n’assurait guère de base pour une vraie reconstitution de l’économie grecque dont la consommation des ménages représente les deux-tiers du total.

Les propositions sur la TVA

Dans ce contexte, les créanciers proposent certes d’abaisser le taux intermédiaire de 13 % à 11 %, mais ils cherchent à relever le poids de la TVA en supprimant le taux réduit de 6 % et en élargissant, notamment à la restauration et à l’énergie les services et les biens frappés par le taux supérieur de 23 %. En tout, l’alourdissement s’élèvera à 1,8 milliard d’euros dès le 1er janvier. L’effet de cette mesure peut être sensible dans la mesure où l’énergie est une dépense incompressible des ménages et que son renchérissement se fera directement ressentir sur d’autres dépenses. On a vu a contrario que la baisse du prix de l’énergie dans de nombreuses économies européennes, comme l’Espagne ou l’Italie, a permis un rapide redressement de la consommation.

Cercle déflationniste

Certes, en cas d’accord, dans un premier temps, il existera une compensation dans la mesure où la consommation des ménages grecs sera sans doute gonflée par les dépenses qui ont été restreintes durant les « négociations » avec les créanciers : les ménages thésaurisent actuellement pour se prémunir contre un éventuel « Grexit. » Mais, à terme, l’effet de cette hausse de la TVA risque de se faire durement ressentir sur l’économie grecque. Ce serait en réalité le maintien d’une logique déflationniste. Les entreprises ne pourront faire face à cette nouvelle baisse de demande que par des baisses de prix. Or, la Grèce est encore en déflation profonde (les prix ont baissé de 1,8 % en mai sur un an). Ceci présage d’une nouvelle hausse du chômage pour compenser ces baisses de prix. D’où une nouvelle baisse de la demande des ménages à attendre…

Le tourisme en danger

Cette hausse sera d’autant plus sensible qu’elle touche aussi un des derniers points forts de l’économie grecque : le tourisme. Avec la crise, la Grèce est devenue plus dépendante du tourisme qui représente 18 % de son PIB contre 16 % en 2009. Or, les créanciers et les autorités grecques proposent de supprimer les exemptions dont bénéficiaient les services touristiques dans les îles égéennes. Les créanciers veulent également faire passer de 11 % à 23 % la TVA sur la restauration. C’est mettre en danger les avantages compétitifs de la Grèce sur le marché du tourisme méditerranéen. Là encore, la seule parade sera soit de développer l’économie informelle, soit (et les deux options ne sont pas exclusives) de licencier. A la clé, c’est risquer de voir ce secteur important rapporter moins à l’économie, mais aussi aux caisses de l’Etat. C’est pourquoi le gouvernement grec propose de ne lever l’exemption dans les îles qu’après le 1er octobre, afin de pouvoir épargner la saison touristique de cette année.

Des choix qui n’ont rien appris des erreurs de 2010-2012

Cette politique de hausse du poids de la TVA semble contre-productive. Les créanciers renouvellent ici clairement leurs erreurs de 2010 et 2012, alors même que le FMI avait reconnu ses erreurs. En pratiquant une taxation supplémentaire d’une demande affaiblie, on s’assure à coup sûr de recettes inférieures aux prévisions pour l’Etat. Accepter cette logique pour Athènes serait accepter la logique des trois gouvernements précédents : ce serait accepter d’avance de nouvelles coupes budgétaires pour « entrer dans les clous. »

La question des excédents primaires

Voici pourquoi le gouvernement refuse aussi des objectifs d’excédents primaires trop importants. L’affaiblissement économique du premier semestre rend nécessairement caduc l’objectif du mémorandum de 2012 (3,5 % du PIB cette année) qui, du reste, semblait devoir l’être avant même les élections du 25 janvier. L’excédent de 1 % du PIB, soit 1,8 milliard d’euros, proposé par les créanciers semble un objectif atteignable. De janvier à avril, l’excédent primaire grec s’élevait encore à 2,41 milliards d’euros. Mais il convient de prendre en compte dans ce chiffre les arriérés du gouvernement, autrement dit les factures non payées dans les 90 jours, qui sont passées entre décembre et avril 2015 de 157 à 478 millions d’euros. Il faut que le gouvernement puisse payer ses fournisseurs rapidement, ou bien, là encore ce serait un coup dur porté à l’économie. Tout dépendra donc de l’évolution des recettes pour savoir s’il faudra ou non pratiquer de nouvelles coupes franches. Or, en mai, les recettes fiscales ont été mal orientées. L’objectif grec de 0,6 % du PIB, soit 1,1 milliard d’euros, permet de se prémunir contre une mauvaise surprise dans les recettes. Mais surtout, il s’agit de pouvoir libérer quelques centaines de millions d’euros pour mener des politiques de soutien, notamment sociales. Ces excédents sont des garanties pour les créanciers mais ne sont d’aucune utilité pour l’économie grecque. Athènes tente de sauvegarder quelques moyens d’actions. Néanmoins, il peut y avoir sans doute sur ce sujet des bases de discussions possibles sur quelques points de PIB.

De forts excédents pendant des années

Le principal problème vient des objectifs pour les années suivantes. Les créanciers et le gouvernement s’accordent sur un objectif d’excédent primaire de 3,5 % du PIB en 2018 (contre 4,5 % dans le mémorandum), mais les créanciers veulent aller plus vite que les Grecs (2 % contre 1,5 % en 2016,  3 % contre 2,5 % en 2017). On notera cependant qu’Athènes accepte le principe d’une progression  de l’excédent primaire. Ceci supposera ou une forte hausse des recettes par la croissance ou l’impôt, soit de nouvelles coupes. Il y a là une acceptation par le gouvernement grec d’une certaine austérité, même si elle est plus « douce » que celle proposée par le mémorandum de 2012 et par les créanciers. C’est une concession douloureuse de la part d’Alexis Tsipras qui accepte en quelque sorte le principe qu’une partie des richesses du gouvernement doit être réservée au remboursement de la dette. Il n’y a donc pas de « rupture » avec ce que l’économiste de la gauche de Syriza Costas Lapavitsas appelait le « péonage de la dette. »

Comment Alexis Tsipras veut compenser l’austérité qu’il a accepté

Mais, Alexis Tsipras espère contrer ces critiques par deux phénomènes. D’abord, cette concession s’accompagnerait d’investissements européens (les créanciers refusent tout plan de ce genre) et de l’intégration de la Grèce aux rachats de titres de la BCE, ce qui devrait favoriser la croissance, donc réduire le poids de l’effort du gouvernement. Ensuite, cet « effort » sera mieux réparti puisque le gouvernement entend modifier le barème du prélèvement de solidarité pour le faire porter sur les plus aisés. Les revenus de plus de 100.000 euros annuels verront ainsi cette contribution passer de 2,8 % à 6 %, ceux de plus de 500.000 euros de 2,8 % à 8 %. A noter cependant que le poids de cette contribution sera aussi fortement relevée pour les classes moyennes puisque le niveau de contribution sera relevée à partir de 30.000 euros de revenus mensuels (de 1,4 % à 2 %) et sera presque doublé pur ceux qui gagnent de 2,1 % à 4 %. L’effort sera donc mieux réparti, mais il touchera une grande partie des ménages et cela peut aussi avoir un effet négatif sur la consommation. Néanmoins, cette hausse de la contribution ne sera que de 220 millions d’euros en 2015, donc inférieur au milliard d’euros d’alourdissement de la TVA contenu dans le plan des créanciers.

Justice fiscale

Enfin, le gouvernement grec entend aussi faire contribuer les grandes entreprises par une taxe extraordinaire et par une taxe sur les publicités. En tout, ceci devrait rapporter 1,16 milliard d’euros. Sans compter sa volonté de lutter contre la fraude fiscale. Par ailleurs, le gouvernement maintient l’impôt sur la propriété Enfia, qui est un poids sur la consommation hellénique, sans objectif de recettes. Les créanciers exigent le maintien de la recette de 2014, ce qui signifie une hausse du taux puisqu’il y a une baisse de la valeur des biens. Rien de plus faux donc que les propos des créanciers qui jugent que la proposition grecque ne contient aucun « effort. » Alexis Tsipras a fait de grandes concessions à la logique de l’austérité exigée par ces créanciers. Il est sans doute allé aussi loin qu’il le pouvait et qu’il le voulait dans ce domaine. Un pas de plus et il accepterait rien d’autre que de prendre la place de ses prédécesseurs…

Le nœud gordien des retraites

Reste un dernier point : les retraites dont on a déjà vu qu’il constituait le nœud gordien de la mésentente avec les créanciers. Ces derniers ont eu la main lourde dans ce domaine, alors même qu’il savait que c’était là un point sensible pour le gouvernement grec. Ils réclament non seulement une baisse de 1 % des retraites, soit 1,8 milliard d’euros de revenus ôtés aux ménages, mais le report de l’âge légal de la retraite à 67 ans. En mars, le taux de chômage en Grèce était de 25,6 %, avec un taux de 19 % pour la tranche d’âge 55-64 ans. En cas de report de l’âge de la retraite à 67 ans, il y aura donc mécaniquement moins d’emplois libérés et cela portera sur les tranches d’âge inférieures où le chômage est plus élevé. Par ailleurs, s’il est plus faible que dans les autres tranches d’âge, le chômage des 55-64 ans a connu la plus forte hausse entre mars 2014 et mars 2015 : alors que le chômage des 15-34 ans reculait, celui des 55-64 ans progressait de 1,6 point. Bref, on fera travailler davantage des gens qui sont davantage au chômage en faisant peser un risque sur le reste des salariés. Le tout sans incitations pour l’emploi. Bien au contraire, comme on l’a vu avec la TVA.

Le rôle social des retraites

Parallèlement, les retraites ont un rôle social important dans la société grecque. Elles freinent clairement les effets sociaux de l’austérité en offrant des revenus notamment aux chômeurs de la famille. En Grèce, seuls 14,4 % des chômeurs sont indemnisés. Ce serait surtout, encore une fois, faire payer les plus fragiles puisque, quoique considérées comme « généreuses » par les créanciers, 45 % des retraités grecs touchent moins de 665 euros, soit le niveau du seuil de pauvreté défini par Eurostat. La pension moyenne grecque est d’ailleurs de 664,7 euros à laquelle il faut ajouter les retraites complémentaires, en moyenne de 168,40 euros. Les créanciers veulent, outre les baisses des pensions, supprimer progressivement ce système d’ici à fin 2016. Ces exigences des créanciers seraient donc très négatives sur la croissance grecque. Or, rappelons-le, tout est lié. Un affaiblissement de la croissance se traduirait, pour tenir les objectifs fixés, par de nouvelles coupes. Comme de 2010 à 2013. C’est précisément ce que les Grecs veulent éviter, car leur stratégie d’une austérité « acceptable » s’effondrerait alors. Ils retrouveraient la logique des gouvernements précédents.

Le piège des créanciers

Le plan des créanciers est donc clairement un plan « politique. » Il entend maintenir une stratégie qui a échoué pour pouvoir mettre à genoux politiquement le gouvernement grec effacer le vote grec contre l’austérité du 25 janvier. Aucune logique économique ne peut réellement soutenir un tel plan. Même la volonté de « prendre des garanties » pour le remboursement futur des dettes ne tient pas. L’affaiblissement de la croissance grecque ne peut en aucun cas constituer une quelconque garantie. Les deux restructurations de 2011 et 2012 le prouvent. De surcroît, on a vu qu’Alexis Tsipras acceptait des concessions qu’il a, lui-même, qualifié de « douloureuses » (on pourrait aussi évoquer l’acceptation d’une partie des privatisations). Les créanciers ont déjà obtenu beaucoup et Alexis Tsipras aura déjà bien du mal à redresser le pays avec ces concessions.

Apprentis sorciers

Mais le maximalisme des créanciers, leur volonté d’imposer les erreurs du passé, prouvent qu’ils ne visent pas un objectif financier ou économique. En réalité, ce plan des créanciers n’est qu’un piège. En l’acceptant, Alexis Tsipras retomberait dans l’erreur de ses prédécesseurs. Pris dans le cercle vicieux des objectifs et d’une croissance faible, voire négative, il devrait passer sous les fourches Caudines des coupes budgétaires. La politique « alternative » prônée par l’exécutif grec deviendrait impossible. Si le gouvernement de Syriza ne tombe donc pas immédiatement, il subira le sort de tous les gouvernements de gauche « gestionnaires de l’austérité » et le parti disparaîtra comme le Pasok, dont le maintien à la Vouli est désormais incertain. Resteront alors face à face les partis assumant la sortie de l’euro (Parti communiste et Aube Dorée) et les « amis » de l’Europe de Bruxelles de Nouvelle Démocratie. Le but est de prouver qu’il n’y a pas d’alternative aux politiques d’austérité budgétaire. Cette tactique de la « terre brûlée » fait des créanciers aujourd’hui des apprentis sorciers bien dangereux pour l’avenir de l’Europe.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 8 juin 2015.


Comment Tsipras coince l’Europe, financièrement

Les Grecs accumulent les réserves hors de leur pays, avec l’aide complice de la BCE: c’est elle qui finance, en fait, la fuite des capitaux hors de Grèce. Va-t-elle mettre fin à cette situation, dont joue le premier ministre grec, Alexis Tsipras? Par Hans-Werner Sinn, président de l’Ifo

Les spécialistes de la théorie des jeux savent pertinemment qu’un plan A n’est jamais suffisant. Il est toujours nécessaire d’élaborer et de pouvoir proposer un plan B crédible – qui, par sa menace, permet de faire avancer les négociations entourant le plan A. Il semble que le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, soit expert en la matière. En effet, consacré « poids lourd » du gouvernement grec, Varoufakis travaille actuellement à la confection d’un plan B (une éventuelle sortie de la zone euro), tandis que le Premier ministre Alexis Tsipras se tient disponible dans le cadre du plan A (extension de l’accord de prêt intéressant la Grèce, et renégociation des modalités de renflouement du pays). Ainsi se retrouvent-ils en quelque sorte à jouer les rôles du « good cop, bad cop » – jusqu’à présent avec une grande réussite.

Le plan B se compose de deux éléments clés. Il revêt tout abord une composante de provocation pure et simple, destinée à échauffer l’esprit des citoyens grecs, afin d’attiser les tensions entre le pays et ses créanciers. On tente de persuader les citoyens grecs qu’en maintenant leur confiance dans le gouvernement, ils pourraient échapper à de grave injustices au cours de la période difficile qui suivrait une sortie de la zone euro.

Le gouvernement grec laisse s’opérer la fuite des capitaux

Deuxièmement, le gouvernement grec provoque parallèlement une hausse des coûts qu’engendrerait le plan B, en laissant s’opérer une fuite de capitaux de la part des citoyens. Dans un tel scénario, le gouvernement pourrait s’efforcer de contenir cette tendance au moyen d’une approche plus conciliante, ou de l’endiguer immédiatement grâce à l’introduction de contrôles sur les capitaux. Néanmoins, une telle démarche viendrait affaiblir sa position de négociation, ce qui est pour lui hors de question.

Cette fuite des capitaux ne signifie pas leur expatriation en termes nets, mais plutôt que les capitaux privés se changent en capitaux publics. Grosso modo, les citoyens grecs contractent des emprunts auprès des banques locales, prêts largement financés par la Banque centrale grecque, qui elle-même acquiert des fonds via le dispositif ELA de fourniture de liquidités d’urgence de la Banque centrale européenne. Ils transfèrent ensuite leur argent vers d’autres pays afin d’acheter des actifs étrangers (ou de rembourser leurs dettes), aspirant ainsi la liquidité des banques de leur pays.

Les autres banques centrales contraintes d’imprimer de nouveaux billets…

Les autres banques centrales de la zone euro sont ainsi contraintes d’imprimer de nouveaux billets afin que soient honorés les ordres de paiement des citoyens grecs, conférant alors à la Banque centrale grecque un crédit par découvert, tel que mesuré par les fameuses dettes TARGET. Aux mois de janvier et février, les dettes TARGET de la Grèce ont augmenté de presque 1 milliard d’euros par jour, en raison d’une fuite des capitaux des citoyens grecs et des investisseurs étrangers. Fin avril, ces dettes atteignaient 99 milliards d’euros.

…et qui perdraient leurs créances en cas de sortie de la Grèce de la zone euro

Une sortie de la Grèce ne viendrait pas affecter les comptes dont ses citoyens disposent dans d’autres États de la zone euro – et encore moins faire perdre aux Grecs les actifs dont ils ont fait l’achat grâce à ces comptes. En revanche, une telle sortie aboutirait à ce que les banques centrales de ces États se retrouvent coincées avec les créances TARGET, libellées en euro, des citoyens grecs vis-à-vis de la Banque centrale de Grèce, qui pour sa part détiendrait des actifs libellés exclusivement dans une drachme fraichement rétablie. Étant donné l’inévitable dévaluation de cette nouvelle monnaie, et sachant que le gouvernement grec n’est pas tenu de parer à la dette se sa banque centrale, il est quasiment certain qu’un défaut viendrait priver les autres banques centrales de leurs créances.

Tsipras renforce ainsi sa position de négociation

Une situation similaire survient lorsque les citoyens grecs retirent des espèces sur leurs comptes pour ensuite les stocker dans des valises ou les emporter à l’étranger. Si la Grèce venait à abandonner l’euro, une part substantielle de ces fonds – dont le total atteignait 43 milliards d’euros à la fin du mois d’avril – se déverserait alors dans le reste de la zone euro, que ce soit vers l’achat de biens et actifs ou vers le remboursement de dettes, ce qui entraînerait une perte nette pour les membres demeurant dans l’union monétaire.

Tout ceci vient considérablement renforcer la position de négociation du gouvernement grec. Il n’est donc pas étonnant que Varoufakis et Tsipras jouent la montre, en refusant de présenter un ensemble de propositions de réformes significatives.

La responsabilité de la BCE

La BCE partage une importante responsabilité dans cette situation. En échouant a rassembler au Conseil de la BCE les deux tiers de majorité nécessaires pour limiter la stratégie de self-service de la Banque centrale grecque, elle a permis la création de plus de 80 milliards d’euros de liquidités d’urgence, qui excèdent les quelque 41 milliards d’euros d’actifs recouvrables dont dispose la Banque centrale grecque. Les banques de Grèce étant ainsi certaines de bénéficier des fonds nécessaires, le gouvernement n’a pas eu à mettre en place de contrôles sur les capitaux.

La rumeur voudrait que la BCE s’apprête à réajuster son approche – et cela très prochainement. L’institution est consciente que l’argument selon lequel les prêts ELA sont garantis s’érode peu à peu, puisque dans bien des cas cette garantie présente une notation inferieure à BBB-, en dessous de la catégorie investissement.

Si la BCE décidait enfin d’admettre l’impasse, et de retirer le filet de sécurité qui sous-tend la liquidité de la Grèce, le gouvernement grec serait alors contraint de commencer à négocier sérieusement, puisqu’il n’aurait aucun intérêt à attendre plus longtemps. Pour autant, le stock d’argent envoyé à l’étranger et détenu en liquidités ayant d’ores et déjà explosé jusqu’à 79 % du PIB, sa position demeurerait solide.

Autrement dit, en grande partie grâce à la BCE, le gouvernement grec serait en mesure d’obtenir une issue plus favorable – notamment accroissement de l’aide financière et réduction des exigences de réforme – que jamais auparavant. Une large part des ressources acquises, mesurées selon les soldes TARGET, ainsi que des liquidités imprimées, se changerait ainsi en un véritable cadeau de dotations vers un avenir d’indépendance.

Beaucoup en Europe semblent considérer Varoufakis, spécialiste de la théorie des jeux mais en même temps néophyte sur le plan politique, comme incapable d’exploiter les cartes que joue la Grèce. Ceux-là feraient bien d’y réfléchir davantage – avant que la Grèce ne s’en aille avec la mise.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

Hans-Werner Sinn, professeur d’économie et de finances publiques à l’Université de Munich, est président de l’Ifo Institute for Economic Research, et membre du Conseil consultatif du ministre allemand de l’économie. Il est l’auteur d’un récent ouvrage intitulé The Euro Trap: On Bursting Bubbles, Budgets, and Beliefs.

Source : Hans-Werner Sinn, pour La Tribune, le 5 juin 2015.


Grèce : les coupes dans les retraites jugées inconstitutionnelles

800.000 retraités grecs vont connaître une revalorisation de leurs pensions.

800.000 retraités grecs vont connaître une revalorisation de leurs pensions.

Le Conseil d’Etat grec a cassé les coupes dans les pensions décidées fin 2012 sous la pression de la troïka. Les pensions seront revalorisées. Quelles conséquences pour les négociations ?

C’est une excellente nouvelle pour les retraités grecs, mais c’est aussi un nouveau casse-tête pour le premier ministre hellénique Alexis Tsipras dans les négociations avec les créanciers. Mercredi 10 juin, le conseil d’Etat grec a annulé pour inconstitutionnalité les coupes dans les retraites et dans les retraites complémentaires décidées fin 2012 par le gouvernement d’Antonis Samaras. La plus haute juridiction administrative grecque a considéré qu’aucune étude sérieuse n’avait été menée concernant l’impact de ces coupes. Le Conseil d’Etat n’oblige pas l’Etat à rembourser les retraités qui ont subi ces coupes dans leurs revenus, mais il faudra rétablir le niveau d’avant 2012. Ces coupes concernaient les retraités touchant plus de 1.000 euros de retraites mensuelles, soit 800.000 personnes. La revalorisation va de 5 % à 15 % et coûtera entre 1 milliard d’euros et 1,5 milliard d’euros à l’Etat, soit une facture s’élevant de 0,5 % à 0,8 % du PIB.

La fin de la discussion sur les retraites ?

Cette décision ne va certainement pas manqué d’avoir une certaine influence sur les négociations où la question des retraites est centrale. Alexis Tsipras refusait jusqu’ici avec fermeté l’exigence des créanciers de couper davantage dans le niveau des pensions. Dans leur dernier plan, les Européens et le FMI demandaient des coupes de 1,8 milliard d’euros. La décision du Conseil d’Etat vient d’une certaine façon conforter la position grecque : il sera difficile de reprendre et d’aggraver des mesures déjà jugées inconstitutionnelles.

Du coup, il y a fort à parier (mais ce n’est pas sûr) que le nœud de la discussion se décale vers la question des excédents budgétaires primaires (hors service de la dette). Avec cette charge supplémentaire pour l’Etat, les objectifs budgétaires de l’Etat vont devenir plus difficiles à atteindre. Le plan des créanciers prévoyait un excédent primaire de 1 % du PIB en 2015, 2 % en 2016. Le plan grec « modifié », rejeté sèchement mardi 9 juin par Bruxelles, proposait 0,75 % du PIB. Mercredi, des rumeurs affirmaient que le gouvernement grec était prêt à s’aligner sur les exigences des créanciers, ce qui aurait constitué un effort supplémentaire d’un demi-milliard d’euros. Désormais, il faut ajouter le poids de cette revalorisation des pensions à la facture.

Comment financer ces nouvelles dépenses ?

Comment vont réagir les créanciers ? Réclameront-ils de nouvelles « garanties » sur le détail du financement de ces excédents, notamment de nouvelles coupes budgétaires ou de nouvelles recettes par l’organisation de davantage de privatisations ? Dans ce cas, les négociations pourraient à nouveau se bloquer après la tentative d’avancée dans la soirée du mercredi 10 juin où Alexis Tsipras a de nouveau rencontré Angela Merkel, François Hollande et Jean-Claude Juncker. A moins qu’il n’y ait eu une vraie avancée dans la nature des discussions. Le gouvernement grec a, après ces contacts, indiqué qu’il cherchait à mettre en place une solution qui « permette de faire repartir la croissance et pas seulement de couvrir les remboursements des créanciers. »

Casse-tête en termes de justice sociale

Reste cependant une question que soulève le blog grec Keep Talking Greece : cette revalorisation des pensions moyennes et élevées ne va-t-elle pas se faire au détriment des petites pensions de moins de 1000 euros qui ne sont pas concernées par cette mesure et que Syriza avait promis de revaloriser en décembre prochain ? Ce serait un coup de canif dans le programme du gouvernement et cela ne manquera pas de poser des problèmes de justice sociale. C’est là, à coup sûr, un casse-tête pour Alexis Tsipras.

Croissance ou nouvelles coupes budgétaires ?

Mais la clé du problème est bien la suivante : seule le retour de la croissance peut permettre au gouvernement grec de remplir ses objectifs budgétaires et de rembourser ainsi ses créanciers dans la durée. En théorie, ce serait donc également dans l’intérêt des créanciers de favoriser cette croissance et, pour cela, de mettre fin le plus rapidement possible au blocage actuel qui, en organisant et maintenant l’incertitude, fait plonger l’économie grecque vers les abymes. Dans ce cadre, la décision du conseil d’Etat peut être une chance en redonnant un coup de fouet à la consommation des ménages. A condition toutefois que les incertitudes soient levées, donc qu’un accord permettant une certaine visibilité soit obtenu. Dans ce cas, une partie des versements sur les pensions reviendront à l’Etat sous forme de TVA et d’impôts divers. C’est une logique encore étrangère aux créanciers. S’ils ne finissent par l’admettre, les maux de la Grèce sont loin d’être terminés.

Caractère sauvage de l’austérité des années 2010-2013

Mais la décision du Conseil d’Etat grec rappelle aussi une vérité trop souvent oubliée : le caractère « sauvage » qu’a pris l’austérité dans les années 2010-2013. Les créanciers ont exigé des mesures souvent inconstitutionnelles ou illégales sans s’en soucier. La cour constitutionnelle portugaise avait déjà dû casser par deux fois des mesures adoptées sous la pression de la troïka. Ces décisions hâtives, conduites par la seule logique du retour rapide à l’équilibre budgétaire, se sont révélé en réalité des pièges à long terme. Elles montrent aussi l’existence déjà d’une « zone euro à deux vitesses » que redoutaient Alexis Tsipras dans son texte publié dans le Monde le 1er juin dernier. Compte tenu de la sensibilité, par exemple, de l’Allemagne, au respect de ses règles constitutionnelles, on peut constater que ce type de mesures n’est possible que dans les pays « périphériques. » Si le gouvernement grec entend réellement ne plus accepter cet état de fait, la décision du Conseil d’Etat peut être plus qu’un casse-tête budgétaire. Ce peut être une chance de prouver qu’une décision juridique grecque a autant de valeur d’une décision de la Cour de Karlsruhe dans la zone euro. Et qu’il convient donc d’apprendre des erreurs du passé.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 11 juin 2015.


Grèce : le FMI quitte la table des négociations

Le FMI a rompu les négociations avec la Grèce

Le FMI a rompu les négociations avec la Grèce

Le FMI a annoncé que ses équipes avaient quitté Bruxelles. L’institution de Washington exige que la Grèce accepte les réformes exigées par ces créanciers.

Les négociations entre la Grèce et ses créditeurs sont à nouveau stoppées. Jeudi 11 juin vers 16h, le FMI a annoncé qu’il avait quitté la table des discussions. Les équipes de l’institution internationale ont quitté Bruxelles et sont retournées à Washington. Un signe de mauvaise humeur qui, selon le FMI, s’explique par le refus du gouvernement grec d’accepter le régime que demandent les créditeurs : coupes dans les retraites, réformes du marché du travail et objectif ambitieux d’excédents budgétaires primaires (hors services de la dette). « Il existe des différences majeures entre nous sur la plupart des sujets clé. Il n’y a eu aucun progrès pour réduire ces différences récemment », a souligné a indiqué Gerry Rice, le porte-parole du FMI. « La balle est à présent vraiment dans le camp de la Grèce », a-t-il conclu.

Ce durcissement du FMI vient stopper net les espoirs qui étaient nés dans la soirée du mercredi 10 juin. Alors que des informations de Bloomberg laissaient entendre que l’Allemagne était prête à accepter « une seule réforme », des contacts, rompus depuis près d’une semaine, avaient été repris. Alexis Tsipras avait rencontré Angela Merkel et François Hollande dans la nuit, et, par deux fois, Jean-Claude Juncker. Ces rencontres n’ont cependant rien donné. Selon Reuters, citant un « officiel européen », la rencontre de jeudi entre les deux hommes était « la dernière tentative » de parvenir à un accord. Ce dernier détail viendrait alors confirmer que le FMI n’est pas seul en cause dans la rupture des négociations. Les créanciers européens ont également rompu les ponts. Les marchés européens ont fortement réagi à cette nouvelle. Le DAX-30 de Francfort a perdu brutalement près d’un point de pourcentage de gains.

Négociations fermées ?

Tout espoir serait donc perdu ? Rien n’est sûr évidemment. Depuis plus de quatre mois, les négociations ont cessé, puis reprises. Mais, évidemment, plus on se rapproche de la fin du mois de juin et plus la situation devient critique. Sans accord, la Grèce devrait inévitablement ne pas payer les 1,6 milliard d’euros qu’elle doit rembourser au FMI avant la fin du mois. On entrera alors dans une autre phase de la crise, où la présence de la Grèce dans la zone euro ne tiendra plus qu’à un fil. Le FMI est-il prêt à prendre le risque de devoir faire face à un défaut grec ? Les Européens oseront-ils soutenir la Grèce sans l’institution de Washington ? Pour le moment, le mouvement du FMI est un énième moyen de faire pression sur Athènes pour lui faire accepter ce qui reste inacceptable pour le gouvernement grec.

Il n’est cependant pas à exclure que les discussions se poursuivent malgré tout. Comme l’a précisé Gerry Rice, « le FMI ne quitte jamais la table. » Et Christine Lagarde est attendue pour la réunion de l’Eurogroupe les 18 et 19 juin prochains. Les sujets qui empêchent toujours l’accord restent les mêmes : les retraites et les excédents primaires. A la mi-journée, jeudi, le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, avait indiqué qu’il n’y avait pas d’accord sur l’objectif de 1 % du PIB pour l’excédent primaire de 2015. Cet objectif est lié pour les Grecs a un accord plus global, intégrant un prolongement du programme d’aide et un échange de dettes entre la BCE et le MES. Quant aux retraites, l’équation est rendu encore plus délicate par la décision du conseil d’Etat de rétablir certaines retraites à leur niveau de 2012.

Reste à savoir quelles seront les réactions à ce nouveau coup de théâtre côté grec. Il semble que le gouvernement hellénique soit allé jusqu’au bout de sa capacité de compromis. En allant plus loin, Alexis Tsipras mettrait en danger la cohérence de sa majorité et sa survie politique. Si les créanciers demeurent sur leur position consistant à réclamer une capitulation, les négociations ne reprendront plus.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 11 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/grece-1-la-grece-proche-de-la-fin-de-la-crise/


[Média] BFM Business, Les Experts – 22 avril

Tuesday 16 June 2015 at 01:52

(Oups, j’avais oublié de le sortir – j’y repasse ce jour… Dommage, car c’était intéressant sur certains points…)

Nicolas Doze m’a invité à son émission sur BFM Business.

Avec Guillaume Dard, président de Montpensier Finance et André Lévy-Lang, professeur à l’université Paris-Dauphine (et ancien PDG de Paribas).

Voici la vidéo :

Partie 1 :

Partie 2 :

Bonus : un petit rappel historique :

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2 extraits importants :

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N’hésitez pas à réagir en direct par mail sur cette émission via ce lien – Nicolas Doze consulte bien les mails en direct, et est très demandeur ;) :

http://www.bfmtv.com/emission/les-experts/

(cliquez sur Lui écrire à droite)

Utilisez aussi Twitter : https://twitter.com/NicolasDOZE

Source: http://www.les-crises.fr/media-bfm-business-les-experts-22-avril/


[Reprise] Un entêtement suicidaire, par Milton Friedman 1/2 [1996]

Tuesday 16 June 2015 at 00:30

(On ne s’en lasse pas…)

Comme vous le savez, j’aime bien croiser les visions, pour me faire mon opinion. Cela me fait recevoir alternativement des mails me traitant “de vil gauchiste” puis après “de libéral” ou de “souverainiste” et autres bouilleurs d’enfants.

Moi, je pense qu’il faut donner de l’information, la plus complète possible, et laisser les gens se faire leur propre opinion, éclairée par des débats entre de vrais contradicteurs compétents. Et je pense qu’il y a souvent des choses intéressantes dans tous les bords intellectuellement charpentés, et qu’il est toujours utile de ne pas tout rejeter en bloc avant d’avoir écouté et analysé.

Pour illustrer, travaillant un peu sûr Maastricht, je suis stupéfait de voir que des propos phares du débat de 1992 sont totalement absents d’Internet, qui n’existait certes pas, mais enfin, je parle ici d’une trentaine de contributions phares à tout casser, des plus grands. Je n’ai d’ailleurs aucun doute que, si Internet avait existé à l’époque, le Non l’aurait emporté comme en 2005.

Alors, pour combler le vide comme je le fais avec Allais) je vous propose aujourd’hui une interview de Milton Friedman de 1996, réalisé pour le magazine Géopolitique, que j’ai trouvée hallucinante.

Bien sûr, vous savez que Friedman est un des pères spirituels du néolibéralisme, avec sa vision intégriste du marché, des inégalités et de l’égoïsme cupide. Ceci étant, disons aussi que ce néolibéralisme a échappé à ses créateurs, et que Friedman – pour intégriste qu’il fût – n’aurait très probablement jamais accepté les renflouements des banques en 2008, le non-retour à la séparation des activités bancaires, le retour des bonus faramineux et les interventions à outrance des banques centrales. Le néolibertarisme, c’est la liberté du libéralisme, mais surtout sans la contrepartie des responsabilités/sanctions.

Mais si on oublie son intégrisme des marchés, sa vision de la monnaie (c’était son sujet d’études économiques, qui lui a valu le prix Nobel) est des plus intéressantes, et il fait preuve ici de ce qui manque en général aux économistes (en particulier à Robert Mundell, autre prix Nobel et “père de l’euro”, par exemple – car oui, “en théorie”, ça peut marcher, comme le communisme…), à savoir le besoin de tenir compte AUSSI des réalités politiques ! Et encore, en tant qu’américain, il lui en manque certaines, comme l’absence totale de vision démocratique ou de responsabilité de nos talibans politico-économiques, que Charles Gave appelle si bien “les oints du Seigneur”, ce qui explique qu’il se soit trompé dès la première question. Mais la suite est passionnante…

Pour commenter, je me suis contenté de mettre en gras ce que j’ai adoré, et en italique mes points de désaccord profond. À vous de vous faire maintenant votre opinion en exerçant votre esprit critique ! :)

par Milton Friedman [1996]

Unification économique, unification politique et souveraineté
L’autonomie de la politique économique
Intégration par les marchés et Intégration politique


Unification économique, unification politique et souveraineté

Milton Friedman

Robert Lozada – Croyez-vous à la possibilité d’une monnaie unique en Europe ?

Milton Friedman – Pas de mon vivant en tout cas. Du vôtre peut-être, encore que je sois sceptique, mais pas du mien. Je ne crois pas à la création d’une monnaie unique en Europe dans les années à venir. Pas plus en 1997, la date originellement mentionnée, qu’en 1999, celle qui est maintenant avancée, qu’en 2002.

R.L. Mais n’en est-on pas à discuter la forme des pièces et la couleur des billets ? Un calendrier précis de mise en œuvre du projet a été établi et un nom nouveau, l’euro, a été adopté pour la monnaie européenne. Quelle preuve supplémentaire voulez-vous de la détermination de nos dirigeants à faire aboutir cette entreprise ?

Milton Friedman : Se mettre d’accord sur un nom est une chose. Rendre opérationnel un pareil projet est autre chose. Le rêve d’unification européenne ne constitue pas exactement ce que l’on peut appeler une récente découverte. Sans remonter plus loin, les projets abondent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La monnaie unique, on en parlait déjà au temps de l’Union européenne des paiements (UEP) et de la création du Marché commun dans les années 50, on en parlait encore à la fin des années 60 sous le nom de Communauté économique, on continuait d’en parler au temps du serpent monétaire de 1972 à 1978, puis du Système monétaire européen qui lui succéda en 1979 et dont la quasi-fixité des changes, avec une marge de fluctuation de chacune des monnaies limitée à 2,25 % de part et d’autre de la parité, était censée constituer un prélude à la monnaie unique.

Or, le système s’est, en fait, effondré, sinon officiellement, du moins en pratique sous le coup des crises de 1992 et 1993 qui ont conduit, soit à la sortie de certaines monnaies (lire, livre sterling), soit à l’élargissement des marges dans des proportions telles, 15 % de part et d’autre du taux pivot, que cela équivaut à un flottement de fait. Et je n’évoque pas ici les échecs d’autres tentatives de changes fixes non limitées à l’Europe : Le Fonds monétaire international dans sa version originelle de 1944 ou l’accord du Louvre de 1987 entre les sept pays les plus industrialisés. Pourquoi accorder davantage de chances de succès à la tentative en cours qu’aux précédentes ?

R.L. N’est-ce pas une affaire de volonté politique ? En Allemagne, le chancelier Kohl a imposé, en 1990, l’unification monétaire avec la RDA à un taux de parité entre les deux marks qui paraissait inconcevable à la Bundesbank. De la même façon, n’imposera-t-il pas sa vision politique pour la monnaie unique en 1998, au moment de la décision ?

Milton Friedman : Je n’ai aucun doute que M. Kohl croit sincèrement à l’opportunité de créer une monnaie unique en Europe. Mais cette aspiration ne fonde pas d’elle-même les institutions et les conditions économiques nécessaires à la réussite du projet. Or, ces conditions ne me paraissent pas réunies. Nous sommes nombreux sur cette terre à aspirer à des choses irréalisables. Le projet de monnaie unique suppose la suppression du rôle de toutes les banques centrales existantes, Banque d’Angleterre, Banque de France, Banque d’Italie, etc. Et même la Bundesbank. Toutes remplacées dans leurs fonctions essentielles par une Banque centrale unique, la Banque centrale européenne (BCE), dont les pays membres du système sont censés devoir accepter les décisions. À mon avis, pour que cette banque puisse imposer son autorité, il faut que la zone couverte soit politiquement unifiée ou dans une situation équivalente sur le plan monétaire.

On peut avoir une unification économique sans unification politique. À condition de combiner la liberté du commerce et des mouvements de capitaux avec des changes flottants, car ceux-ci préservent l’autonomie des politiques économiques des pays concernés. Si les changes sont fixes, cette autonomie disparaît. Il n’existe plus de politique économique spécifique à chaque pays et répondant aux conditions particulières existant dans le pays en question.

Considérez, par exemple, la situation des États-Unis au cours du demi-siècle écoulé. Il y a quelques années, la Nouvelle-Angleterre souffrait d’un ralentissement économique nettement plus marqué que celui sévissant dans le reste du pays. Les capitaux et les hommes fuyaient vers le sud des États-Unis. Si la Nouvelle-Angleterre avait été une entité nationale, elle aurait dévalué sa monnaie pour endiguer cette détérioration économique. Mais les liens politiques ancestraux empêchant de même songer à une pareille démarche. La situation en Europe est toute différente. Les pays de la zone n’ont pas la même homogénéité politique, sociale et culturelle que les cinquante États américains. La mobilité des hommes et même des biens et des capitaux reste limitée, les langues sont diverses, les autorités politiques des différentes entités nationales ne sont pas prêtes à sacrifier l’intérêt de leur pays, tel qu’ils le conçoivent, à l’intérêt supérieur de l’Union européenne et à ajuster leur politique économique à celle déterminée par la Banque centrale unifiée.

R.L. Il me semble que vous êtes en train de dire que l’unification européenne ne constitue pas une proposition politiquement réaliste. Pourtant, vous avez souvent souligné que les économistes devaient se limiter à évaluer la validité économique des projets qui leur sont soumis, sans chercher à estimer leur opportunité politique, car cette estimation est pleine d’aléas.

Milton Friedman : Non, mon jugement n’est pas strictement d’opportunité politique. Ce n’est pas exact. Il s’agit d’apprécier quelle institution politique est nécessaire pour qu’une Banque centrale européenne puisse réellement fonctionner.

Les citoyens des pays participants devront non seulement accepter l’effacement de leur propre Banque centrale, mais aussi les conséquences économiques qui en résulteront, par exemple davantage de chômage ou d’inflation, sans pouvoir essayer de tempérer ces conséquences. La monnaie unique fait perdre à chaque pays sa liberté d’appréciation concernant la politique économique qui est la plus appropriée à sa situation. C’est un sacrifice considérable auquel je ne crois pas les Européens prêts.

L’exemple le plus évident des problèmes qui se posent est celui de la réunification allemande. Avant cette réunification, l’Allemagne de l’Ouest avait un excédent de sa balance des paiements, elle vendait plus à l’étranger qu’elle ne lui achetait. Autrement dit, elle exportait des capitaux, pour l’essentiel vers les pays de la Communauté européenne. En un sens, les partenaires européens de l’Allemagne obtenaient de celle-ci des marchandises sans avoir à en payer le prix. Cette situation supposait que les prix allemands étaient bas relativement à ceux en vigueur chez leurs partenaires ou encore que le deutsche mark était sous-évalué par rapport aux autres devises européennes.

Survient la réunification. L’Allemagne ne veut plus être exportatrice de capitaux, mais importatrice, car elle a besoin de ces capitaux pour développer l’ancienne RDA. La réunification modifie le caractère de son économie et, en conséquence, de sa balance des paiements.

Cette transformation d’exportateur en importateur de capitaux suppose une modification du rapport des prix entre l’Allemagne et ses partenaires européens, dont la France. Cette modification peut se produire de trois façons : soit une inflation en Allemagne, ce dont les intéressés ne veulent pas et la Bundesbank agit en conséquence ; soit une dévaluation des monnaies européennes par rapport au deutsche mark qui, en rendant la monnaie allemande plus chère, freine les exportations de ce pays, stimule les importations et donc permet le renversement recherché de la balance des paiements; soit, troisième possibilité, une déflation chez les partenaires de l’Allemagne afin de faire baisser leurs prix chez eux par rapport aux prix allemands.

Très rapidement, en septembre 1992, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne n’insistent pas et choisissent la dévaluation. Par contre, la France adopte la voie du fameux franc fort, c’est-à-dire de la déflation. Non seulement en septembre 1992, mais même en août 1993, lorsque la spéculation oblige les autorités à une défense élastique en acceptant un élargissement des marges à 15 %, la Banque de France choisit de tenir le niveau du franc par rapport au deutsche mark par des taux d’intérêt à court terme élevés. Le coût inévitable est la montée du chômage dans votre pays.

Franchement, cet entêtement m’a paru à l’époque, et me paraît encore aujourd’hui, relever d’un comportement suicidaire.

R.L. Il prouve aussi qu’on ne peut pas écarter l’hypothèse que les autorités françaises, après tant de sacrifices, se sentent tenues, au moment de la décision de 1998, d’accepter le passage à la monnaie unique qui est en somme devenue la Terre promise.

Milton Friedman : C’est possible. D’autant plus que l’Allemagne est en récession, ce qui l’incite à une politique d’expansion monétaire de nature à aider la France à sortir de l’ornière dans laquelle elle s’est enfoncée. La politique du franc fort peut s’en trouver provisoirement revigorée. Mais, dans l’avenir, des tensions ne manqueront pas de réapparaître, car ces nations qui portent le poids d’une longue histoire distincte ne vivent pas rigoureusement au même rythme. D’autres crises surviendront jusqu’au moment où la tentative de changes fixes ou d’unification monétaire sans fusion politique s’effondrera.

Au demeurant, la question est de savoir s’il y aura une véritable monnaie européenne, c’est-à-dire incluant non seulement la France et l’Allemagne, mais également la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, etc.

C’est cela le traité de Maastricht et non pas seulement une union monétaire franco-allemande complétée par les petits pays limitrophes de l’Allemagne et dont la monnaie est traditionnellement rattachée au deutsche mark : Benelux, Autriche et peut-être Danemark.

L’autonomie de la politique économique

R.L. Les partisans de la monnaie unique soulignent que celle-ci laisse place à des différences de politique budgétaire entre les pays participants. L’abdication de souveraineté ne serait donc pas totale.

Milton Friedman : Les États américains, Californie, État de New York, etc., ont chacun leur budget, mais ils n’ont pas la possibilité de battre monnaie. Leur capacité d’endettement est donc rigoureusement limitée. De plus, leur autonomie est réduite par l’accroissement de la puissance relative du gouvernement fédéral. La France est-elle vraiment prête à devenir… serait-ce même l’État de New York des États-Unis d’Europe ?

Il est vrai que l’on trouve sur la planète des pays indépendants, tous relativement petits, qui ne croient pas devoir posséder leur propre Banque centrale.

L’exemple type, à ma connaissance, est Hong-Kong. Ce territoire de six millions d’habitants utilise le dollar bien qu’il l’appelle dollar de Hong-Kong. Il a donc une monnaie commune avec les États-Unis tout en ayant une politique budgétaire bien différente. Mais Hong-Kong ignore les droits de douane et la structure des salaires y est extrêmement flexible. Incidemment, l’Argentine essaie, elle aussi, de lier sa monnaie avec le dollar, mais, comme dans le cas de l’euro, la réussite du projet est beaucoup plus douteuse parce que l’économie de l’Argentine est loin d’être aussi libre que celle de Hong-Kong.

R.L. Il existe des pays qui ont une Banque centrale et dont la parité avec une monnaie de référence n’est nullement mise en question. Les Pays-Bas et l’Autriche dont les monnaies respectives sont fixes par rapport au deutsche mark constituent des exemples frappants.

Milton Friedman : Je ne connais pas ces cas en détail. Mais la seule explication logique que je vois est que ces pays se comportent sur le plan monétaire comme si la Banque centrale n’existait pas. En principe, il est absolument nécessaire en matière monétaire, si l’on veut éviter un complet contresens, de distinguer l’unification des monnaies, type Hong-Kong (Luxembourg avec le franc belge ou encore Panama avec le dollar) où les partenaires du pays de référence renoncent purement et simplement à leur Banque centrale. Leur monnaie, même si elle existe sur le papier – la monnaie de Panama s’appelle en principe le balboa et non pas le dollar – est en fait celle du pays de référence. Par contraste, beaucoup de pays dans le monde prétendent lier leur monnaie à une autre ; c’est le cas des pays qui, dans le cadre du Système monétaire européen, sont attachés au deutschemark. Ils préservent, toutefois, l’existence de leur Banque centrale propre, ce qui prouve tout simplement qu’ils ne sont pas vraiment sérieux dans leur volonté de fusion monétaire puisqu’ils se gardent le moyen, sous la forme de leur institut d’émission, de reprendre éventuellement leur liberté monétaire si la politique de la Banque centrale de référence ne leur convient plus.

Sur le papier, les Pays-Bas et l’Autriche appartiennent à cette catégorie des ” changes administrés ” qui est radicalement différente de l’unification monétaire même si les apparences sont les mêmes. En pratique, tout se passe comme si la Banque centrale des Pays-Bas et celle d’Autriche se comportaient vis-à-vis du deutsche mark comme la caisse de conversion de Hong Kong se comporte vis-à-vis du dollar. C’est-à-dire de façon totalement passive. Il n’existe pas, semble-t-il, de politique monétaire néerlandaise ou autrichienne indépendante de celle de la Bundesbank. Ce qui explique la pérennité des taux de change. Dans d’autres cas, la situation est beaucoup moins nette parce que le petit pays, voisin du grand, n’abdique pas son indépendance monétaire. Pensez à la Suisse vis-à-vis de l’Allemagne ou au Canada face aux États-Unis (et qu’en serait-il si le Québec était indépendant?).

Or, la France, en principe, depuis la création du SME en 1979 et résolument depuis 1983, prétend se comporter monétairement à l’égard de l’Allemagne comme les Pays-Bas ou l’Autriche, tout en s’efforçant par le verbe de sauver les apparences d’un condominium monétaire franco-allemand. C’est un exercice d’équilibre qui n’est pas commode.

R.L. Une monnaie a besoin d’un point d’ancrage. Il est nécessaire de maîtriser sa production par un mécanisme ou par un autre. Au XIXe siècle, pour le franc, c’était l’étalon-or Aujourd’hui, c ‘est à la recherche de la fixité du change avec le deutsche mark que le gouvernement a recours pour assurer cette régulation. L’étalon deutsche mark a remplacé l’étalon-or. Est-ce inconcevable ?

Milton Friedman : Ce n’est pas inconcevable, mais c’est déconcertant. De même que Hong-Kong a choisi de se lier au dollar, la France est libre d’attacher sa monnaie au deutsche mark. C’est ce qu’elle fait avec une détermination digne d’un meilleur sort depuis dix ans. Ce qui revient à dire que les Français ont plus confiance dans la politique monétaire allemande que dans la leur propre. Je peux à la rigueur comprendre qu’un pays pratique une telle politique pendant un certain temps, mais qu’une nation de taille relativement importante et très sourcilleuse de sa souveraineté comme la France accepte de façon permanente de sacrifier son autonomie monétaire me paraît peu crédible. L’Allemagne, tout au long de son histoire, n’a pas toujours été un modèle d’orthodoxie monétaire. Elle a connu des hyperinflations, des dépressions, qui sait ce qu’il en sera dans l’avenir.

R.L. Les défenseurs (à Paris) de la monnaie unique expriment l’espoir que ce système rendra la politique monétaire de la France moins dépendante de la Bundesbank qu’elle ne l’est actuellement, car le pouvoir sera partagé au sein de la Banque centrale européenne.

Milton Friedman : D’abord, la France est monétairement dépendante de la Bundesbank parce qu’elle le veut bien. La seule façon indiscutable de recouvrer la pleine souveraineté monétaire serait non pas de se fondre dans un organisme collectif, mais de rompre avec l’attitude de soumission à l’égard du deutsche mark. L’économiste Alain Cotta écrit : “L’idée de derrière la tête de nos inspecteurs des Finances est de déterminer “enfin”, “eux aussi”, la politique monétaire européenne, une fois l’unification réalisée. Cette ambition tient de l’arrogance“. Je crains qu’il n’ait raison. D’ailleurs, si les autorités françaises ne se croient pas capables de mener une politique monétaire saine de leur propre chef, pourquoi croient-elles que leur action au sein de la Banque centrale européenne sera mieux inspirée ? Comme le dit un autre de vos économistes, Pascal Salin : “Ce qui est utile aux citoyens, ce n’est pas une monnaie unique, ce sont de bonnes monnaies, c’est-à-dire essentiellement des monnaies non inflationnistes”. A ce sujet, la libre circulation des capitaux et des monnaies constitue une condition plus décisive que la monnaie unique. Margaret Thatcher, elle aussi, distingue une Europe de nations indépendantes commerçant librement les unes avec les autres d’une Europe dominée par une bureaucratie centralisée qui prétend imposer ses règlements à l’ensemble des pays participants.

Intégration par les marchés et Intégration politique

R.L. Pascal Salin, que vous venez de citer condamne le concept d’intégration mis en œuvre par la Commission européenne, comme n’étant qu’une vaste politique de cartel s’exprimant en particulier par la fameuse ” harmonisation ” des politiques.

Milton Friedman : J’approuve complètement. Il faut distinguer l’intégration par les marchés d’un côté, la seule intégration authentique aux yeux des libéraux, de l’intégration bureaucratique qui prétend mettre en place des soi-disant politiques communes dans le but déclaré de permettre la fusion des différentes économies nationales et qui aboutit à la négation de l’économie de liberté.

L’action de la France depuis l’origine, c’est-à-dire la signature du traité de Rome en 1957, a tendu à faire triompher cette conception étatique et le projet de monnaie unique représente une expression caractéristique de cette tendance. La démarche doit aboutir à la formation d’un super-État européen, mais c’est une logique abstraite qui me paraît avoir peu de chance de résister à l’épreuve des faits.

J’éprouve beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi les Français, qui constituent l’un des peuples de la Terre le plus attaché à son identité nationale, dont le patriotisme est proche du chauvinisme, pourquoi ce peuple croirait-il renforcer son autorité en se fondant dans un État multinational dans lequel il ne constituera qu’une minorité.

Revenons un instant à cette question centrale de la nécessité d’un point d’ancrage de la politique monétaire assurant la stabilité des prix. Une raison essentielle, semble-t-il, de l’opinion favorable dont bénéficie le Système monétaire européen en France tient au rôle décisif qu’on lui attribue dans la quasi-disparition de l’inflation dans un pays qui paraissait voué depuis 1914 à la dégradation monétaire. C’est une illusion d’optique, car le recul de l’inflation est un phénomène mondial et non pas uniquement français ni même européen. Le SME n’explique pas le ralentissement profond de la hausse des prix aux États-Unis, au Chili, en Nouvelle-Zélande ou même en Grande-Bretagne. Ce phénomène général tient moins à la mise en œuvre de tel ou tel mécanisme qu’à un changement d’attitude de l’opinion vis-à-vis de l’inflation et aussi à la quasi-disparition des avantages que les gouvernements pouvaient attendre de la hausse des prix (les tranches d’imposition sont indexées et le marché mondial des obligations est extrêmement sensible à toute déviation monétaire).

R.L. En 1984, à Paris, vous aviez, en effet, annoncé la probabilité de perspectives non inflationnistes à long terme dans le monde.

Milton Friedman : Et le SME ne jouait aucun rôle dans cette appréciation. Ce mythe d’un SME indispensable à la victoire contre le laxisme monétaire vous aura coûté très cher en entretenant la confusion entre discipline monétaire française et soumission à la règle allemande dans ce domaine.

R.L. Supposons que la Banque centrale européenne soit effectivement instituée en 1999. Comment voyez-vous le système fonctionner ?

Milton Friedman : Je ne me pose guère la question, car je crois qu’en quelques années au plus le système s’effondrerait. Comme se sont effondrées toutes les tentatives semblables depuis cinquante ans ?

R.L. Mais n ‘expliquez-vous pas que la différence entre une entreprise privée et une institution publique réside dans le fait que, en cas d’échec, la première disparaît tandis que la seconde continue et, au besoin, se développe ?

Milton Friedman : Pas dans ce cas. Le projet paraît si contraire à la tendance politique fondamentale que je ne crois pas même à la possibilité d’une survie artificielle. Je considère le patriotisme français comme une force politique fondamentale. De même que le nationalisme italien ou britannique. Je ne peux pas croire que la Grande-Bretagne soit prête à sacrifier la Banque d’Angleterre, une institution vieille de trois cents ans, sur l’autel de la monnaie unique.

R.L. La Grande-Bretagne a renoncé à des traditions qu’on aurait pu croire impérissables. Elle a décimalisé son système monétaire, elle a accepté le tunnel sous la Manche, surtout, elle est entrée dans le Marché commun européen en 1972. Pourquoi pas un renoncement supplémentaire ?

Milton Friedman : C’est vrai. La Grande-Bretagne a accepté bien des choses que je n’aurais pas cru possible qu’elle acceptât. Mais il y a des limites à ces renoncements. Je ne vois pas la vieille dame de Threadneedle Street (la Banque d’Angleterre) être jetée par-dessus bord afin de faire place à l’union monétaire avec l’Allemagne. Le Royaume-Uni est entré dans le Marché commun, mais il semble n’avoir jamais cessé de le regretter depuis lors. Si un référendum était organisé sur ce sujet, je ne suis pas certain que les partisans de l’Europe l’emporteraient. Pas plus qu’en Allemagne d’ailleurs. Mais les gouvernements de nos pays ne sont pas vraiment démocratiques.

R.L. En France, nous avons eu, en septembre 1992, ce référendum que vous évoquez. Vous connaissez le résultat : le traité de Maastricht a été approuvé par 51 % des voix contre 49%.

Milton Friedman : Je trouve démentiel un système politique qui permette une modification aussi fondamentale de l’équilibre politique de la nation que celle prévue par le traité de Maastricht au bénéfice d’une majorité aussi courte que 51 contre 49 ! Il faudrait une majorité massive, proche de l’unanimité, pour que le système ait une chance de fonctionner. Cette approbation, plus que chichement mesurée, présente toutes les apparences d’un ” oui ” de politesse qui n’engage, au fond, personne et dont les promoteurs du projet, eux-mêmes, ne sont pas sûrs de la consistance. Il me semble qu’il existe des cas évidents où la règle de la majorité simple ne devrait pas suffire. Si 51 % des électeurs votent en faveur de la mise à mort des 49 autres %, faut-il obéir à ce verdict ?

Suite de l’interview demain, ici.


P.S. Au début de l’interview, Friedman fait référence au célèbre Triangle d’incompatibilité de Mundell, principe monétaire qui indique que dans un contexte international, un État ne peut pas atteindre simultanément les trois objectifs suivants :

L’euro est un régime de change fixe, il faut donc choisir entre la libre circulation des capitaux et l’autonomie des politiques monétaires. La première étant un principe fondateur de l’Organisation de Bruxelles, c’est donc la seconde qui a été sacrifiée. Mais en fait, on observe bien qu’au delà de la politique monétaire, c’est bien la politique économique et même budgétaire qui sont à sacrifier.

Le tout pour une monnaie unique dont on se passait assez bien avant 1999…

Source: http://www.les-crises.fr/entetement-suicidaire-1/


[Reprise] Un entêtement suicidaire, par Milton Friedman 2/2 [1996]

Tuesday 16 June 2015 at 00:07

Suite et fin de l’interview de Milton Friedman, le début étant ici.

par Milton Friedman [1996]

Les avantages de la monnaie unique en question
Le monétarisme n’est pas responsable

Les avantages de la monnaie unique en question

Milton Friedman

Robert LozadaLes avocats du projet de monnaie unique lui prêtent divers avantages :
- les exportateurs français n’auront plus à craindre les dévaluations compétitives comme celle, par exemple, de la livre sterling depuis 1992 ;
- la monnaie unique sera une bonne monnaie qui permettra la baisse des taux d’intérêt ;
- elle supprimera l’incertitude inhérente aux changes flottants ;
- elle libérera l’Europe de la tutelle du dollar.

Quels commentaires vous inspirent ces affirmations ?

Milton Friedman – Sur le premier point, la livre sterling flotte vis-à-vis des monnaies du Système monétaire européen, mais je ne vois pas que l’on puisse parler de dévaluation compétitive puisque la Banque d’Angleterre n’a fixé aucun taux de change à sa monnaie et ne vend pas, que je sache, du sterling sur le marché pour le faire baisser. En tout état de cause, les pays européens que vos commentateurs accusent de dépréciation compétitive risquent de ne pas participer à la monnaie unique. Celle-ci ne changera donc rien à la situation existante. Deuxième point : la monnaie unique ne dérogera pas à la règle commune sous le prétexte qu’elle est “unique”. Elle sera, comme toutes les monnaies, bonne ou mauvaise, c’est-à-dire inflationniste ou pas, suivant la façon dont elle sera gérée. Si, comme certains de ses promoteurs en ont la tentation, elle représentait une sorte de qualité moyenne par rapport aux différentes monnaies qui la composent, elle serait automatiquement moins bonne que certaines de celles-ci ; moins bonne que le deutsche mark en particulier. Il y aurait recul et non pas progrès par rapport à la situation actuelle. Troisième point : la fusion des monnaies supprime évidemment l’incertitude de change entre les monnaies concernées. Mais pour l’instant, nous n’en sommes pas là. Nous nous trouvons en présence d’un système de changes administrés ou encore de flottement impur, c’est-à-dire comportant l’intervention constante des banques centrales. Vue sous cet angle, l’affirmation des défenseurs de la monnaie dite unique ne constitue que la reprise des arguments traditionnels contre les changes flottants et en faveur des changes administrés. Dans un article publié en 1953, ” The case for flexible exchange rate “, je réfutais déjà ces arguments. Il se trouve que le livre contenant cet article vient de paraître dans sa traduction française (1).

Je continue d’adhérer pleinement à l’analyse théorique que je formulais il y a plus de quarante ans. Je me contenterai ici de dire que les changes administrés n’éliminent en rien l’incertitude, tout au plus en modifient-ils la forme. Quant au dernier point, l’euro comme monnaie de réserve ? Soit, mais quel bénéfice les Européens croient-ils qu’ils retireraient de cette promotion ? Les États-Unis ne tirent guère avantage du fait que le dollar constitue la monnaie de réserve internationale. Le Japon, a contrario, a-t-il souffert du fait que le yen ne sera pas monnaie de réserve ?

Ne vous méprenez pas, je n’ai rien en soi contre la perspective d’une monnaie unique en Europe. Si les institutions politiques sont adaptées, la monnaie unique comporte assurément quelque mérite. Mais, même sur ce point, nombre de commentateurs se font des illusions sur les avantages économiques à attendre d’une telle innovation. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à l’époque où il y avait une monnaie unique en Europe qui était l’étalon-or. D’abord la période d’authentique étalon-or dans le monde a été courte, au plus de 1879 à 1914. Ensuite, durant cette période, des crises répétées ont sévi aux États-Unis, en Grande-Bretagne et même en France. Les fluctuations cycliques durant la période de l’étalon-or furent plus marquées qu’elles ne l’ont été depuis cette période. Aux États-Unis, la grande dépression, elle-même, s’est produite alors que le pays était encore sous l’étalon-or. Une monnaie unique, qu’il s’agisse de l’étalon-or ou d’une monnaie fiduciaire, ne constitue pas par elle-même une garantie contre la déflation. Contre l’inflation non plus, nous l’avons dit, si la monnaie unique est mal gérée.

R.L. J’aimerais à ce propos vous lire un commentaire d’un des avocats de la monnaie unique, M. Paul Mentré, inspecteur des Finances et proche de l’ancien président de la République, M. Valéry Giscard d’Estaing : ” Une des raisons de la fragilité du dollar est le surdimensionnement de son rôle en matière de placements internationaux. Une monnaie unique européenne… contribuera à un meilleur équilibre global au service de l’activité et de l’emploi “. Cette citation vous inspire-t-elle à votre tour un commentaire ?

Milton Friedman : Je ne comprends pas ce que cela veut dire. Le dollar ne me parait pas du tout fragile. En quoi l’est-il ?

R.L. Il a beaucoup baissé vis-à-vis du yen et du DM. Les phrases citées sont extraites d’un article paru dans Le Figaro du 31 mars 1995 à l’époque où le taux de change de monnaie américaine chutait vis-à-vis des deux autres monnaies mentionnées, à la suite de la crise mexicaine et de l’aide apportée par les États-Unis à leur voisin.

Milton Friedman : Le dollar ne baisse plus. Demain, peut-être, il remontera. Mais admettons l’argument de la baisse : ce fait est-il plus significatif que la supériorité du niveau de vie des États-Unis par rapport à la France, elle-même reflet de la persistance d’une productivité plus grande de la première citée de ces économies par rapport à la seconde ? La baisse d’une monnaie A par rapport à une monnaie B n’est pas nécessairement une marque de faiblesse de l’économie dont la monnaie baisse. Pas plus que la hausse de la monnaie B par rapport à A n’est en soi un signe de vitalité. La variation des deux monnaies l’une par rapport à l’autre exprime un phénomène monétaire qui n’a rien à voir avec la force relative des deux économies en présence.

En mars 1995, c’est le yen qui était fragile à cause du niveau trop élevé qu’il avait atteint par rapport au dollar. Cette surévaluation ne pouvait se maintenir et effectivement elle n’a pas tenu. J’ai personnellement gagné de l’argent en vendant du yen à court terme. Quand une monnaie baisse par rapport à une autre, pourquoi qualifier de ” fragile” la première et non pas la seconde ? La baisse d’une monnaie par rapport à une autre est-elle nécessairement un événement négatif ?

R.L. Pas nécessairement, en effet, pour le pays dont la monnaie baisse, répondront vos contradicteurs. Mais il n ‘en va pas de même pour ses partenaires commerciaux.

Milton Friedman : Si le dollar s’effondre, vous pouvez acheter des produits américains très bon marché. Où est le préjudice ?

R.L. Vous présentez le point de vue des consommateurs alors que vos contradicteurs pensent à celui des producteurs. Ils diront que si le producteur perd son emploi, il ne peut plus être consommateur. A quoi bon des produits importés à bas prix si on ne peut plus les acheter ?

Milton Friedman : La réponse facile et décisive à ce type de raisonnement est fournie par l’Histoire. La révolution industrielle au XIXe siècle a provoqué des déplacements importants de personnes et de capitaux entre les pays alors développés (Europe) et les pays qui ne l’étaient pas (en particulier les États-Unis), ce que les commentateurs que vous citez craignent aujourd’hui. Les travailleurs anglais, les plus concernés, ont-ils souffert les maux (chômage, salaire réel diminué) que l’on attribue à cette concurrence ? En fait, le résultat fut le développement du bien-être pour des centaines de millions d’êtres humains répartis sur la surface du globe.

Je ne crois pas du tout que le dollar soit ” fragile “. C’est une monnaie forte et l’une de ses forces tient à sa capacité de fluctuer sans que ces fluctuations ne provoquent de craintes particulières. Sa volatilité est une force et non une faiblesse parce qu’il permet à l’économie américaine de s’ajuster plus rapidement à des circonstances changeantes. Cette volatilité évite d’autres formes d’ajustement qui seraient plus pénibles. Le critère essentiel de la ” solidité ” d’une monnaie réside dans la stabilité des prix dans le pays concerné. A ce titre, la performance américaine depuis plus de dix ans, avec une hausse de prix de l’ordre de 3 % par an et aucun signe d’accélération, est satisfaisante. Aussi longtemps que ce résultat subsiste, il n’y a pas à se préoccuper de la variation du dollar par rapport aux autres monnaies. C’est au marché des changes seul qu’il incombe de fixer la valeur relative des monnaies les unes vis-à-vis des autres.

R.L. Je voulais surtout obtenir votre opinion concernant la deuxième phrase du texte de M. Mentré où il exprime l’espoir qu’il met dans la monnaie unique comme facteur d’un meilleur équilibre économique dans le monde.

Milton Friedman : Je ne vois pas du tout ce que cela peut vouloir dire. Non, je ne le vois vraiment pas. Le problème ne concerne pas je ne sais quel ” équilibre global “, il concerne la situation concrète des Français, des Allemands, des Suédois, des Italiens, etc. Comparé à ces nations charnelles, existe-t-il une entité que l’on puisse qualifier de globale ? Que signifie ” équilibre ” ? Faut-il entendre que les exportations doivent être égales aux importations pour chacun des pays du monde ? N’est-il pas approprié que certains pays épargnent plus qu’ils n’investissent et soient donc exportateurs de capitaux ?

R.L. D’autres partisans français de la monnaie unique, professeurs d’économie, soulignent que le système actuel entretient l’incertitude.

Milton Friedman : Le cimetière est le seul endroit où l’on échappe à l’incertitude. Celle-ci est-elle néfaste lorsqu’elle est liée à une évolution progressive et dynamique? Le mal central dont souffre l’Europe depuis cinq ou dix ans consiste en un excès de certitude ou de sécurité. Trop de sécurité en ce qui concerne le salaire, trop de sécurité en ce qui concerne l’emploi. Pas assez d’incertitude, c’est-à-dire pas assez de flexibilité. L’incertitude est un ingrédient indispensable au progrès. Ce dont vous souffrez, ce n’est pas d’un excès d’incertitudes, mais d’un trop plein de clichés, de phrases convenues, de sophismes. Le texte que vous me soumettez me parait parfaitement creux.

R.L. Vous n’êtes pas opposé cependant à la stabilité du Système monétaire international ?

Milton Friedman : Stabilité ne signifie pas rigidité. De plus, si les différents pays appliquent des politiques monétaires non inflationnistes, la stabilité des taux de change s’ensuivra.

R.L. L’inflation est réduite depuis plus de dix ans dans les pays occidentaux, pourtant les changes ont continué d’être chahutés.

Milton Friedman : La volatilité a beaucoup diminué. Les crises de change les plus marquées que l’on a connues dans le cadre du Système monétaire européen en 1992 et 1993, ou dans le cas mexicain en 1995, ont eu pour origine la volonté de maintenir des changes fixes contre la tendance profonde du marché.

Le monétarisme n’est pas responsable

R.L. La politique de change fixe entre le franc et le DM menée par la Banque de France est constamment qualifiée en France de ” monétarisme “. Voici un exemple : ” C’est le monétarisme absolument dément pratiqué par nos autorités monétaires depuis cinq ans – en l’occurrence une véritable diminution de notre masse monétaire certaines années – qui explique la hausse non moins démente de nos taux d’intérêt réel “. Approuvez-vous cette analyse ?

Milton Friedman : Permettez-moi de réécrire ce texte de la façon suivante : ” C’est l’insistance démente mise par la Banque de France à lier le franc français au deutsche mark à un taux déterminé qui a obligé cet institut d’émission à réduire (ou à accroître) la masse monétaire de temps à autre et à maintenir des taux d’intérêt réels très élevés “. Cette politique n’a rien à voir avec le monétarisme qui consiste dans l’affirmation, sur le plan théorique, d’une étroite corrélation entre la quantité de monnaie et le niveau des prix et, dans l’affirmation complémentaire que l’évolution de la quantité de monnaie constitue le meilleur guide de la politique économique d’un pays. En aucun cas, le monétarisme ne consiste à affirmer que la politique économique d’un pays doit être fondée sur le maintien d’un taux de change fixe avec un autre pays. La politique suivie par la Banque de France est celle des changes administrés. La qualifier de monétarisme constitue un contresens absolu.

Au fond, l’expression ” politique du franc fort ” constitue un bel exercice d’autosuggestion. Bien loin de traduire, comme les termes semblent l’indiquer, une inébranlable confiance en soi, elle parait plutôt refléter un étrange complexe d’infériorité en matière monétaire ; complexe qui s’efforce de se dissimuler sous un vocabulaire avantageux mais quelque peu dérisoire.

N’est-ce pas vous-même qui m’aviez fait remarquer qu’en dehors du bref épisode du franc Poincaré, dont le succès, incidemment, fut beaucoup plus dû à l’exceptionnelle autorité du gouverneur de la Banque de France de l’époque, Émile Moreau, qu’à Poincaré lui-même, la France depuis 1914, et surtout depuis 1936, aura successivement accroché sa monnaie à la livre sterling jusqu’en 1940, au dollar jusqu’en 1972 et, depuis, au deutsche mark ? Comme si elle se sentait incapable par elle-même de résister aux sirènes de l’inflation. Si j’étais Français, je n’accepterais pas cette autoflagellation.

R.L. A ce sujet, voyez-vous un parallèle entre la politique du franc fort suivie depuis plusieurs années et la politique de déflation menée de 1931 à 1936 dans l’espoir de maintenir la parité du franc non pas, à l’époque, avec telle ou telle monnaie mais avec l’or ?

Milton Friedman : Tout à fait. Il est frappant, dans ce contexte, de constater la permanence de certaines attitudes monétaires dans la vie des nations. Je n’ai jamais mieux compris les querelles à propos de la politique monétaire internationale au cours des années 60, en particulier la politique du général de Gaulle à l’égard de l’or et du dollar, qu’en lisant les mémoires du gouverneur Moreau relatant ses relations avec les Britanniques et les Américains de 1926 à1930. En ce qui concerne le politique déflationniste de la France dans la première moitié des années 30, l’épilogue n’en fut pas heureux et je crains que, sous une autre forme, il n’en aille de même cette fois-ci.

R.L. Vous n’attribuez pas, je présume, au franc fort la responsabilité totale ou même principale des 12 % de chômage que connaît la France, n’est-ce pas ?

Milton Friedman : Non. Comme dans pratiquement tous les pays de la planète, on retrouve en France les maux qui caractérisent nos économies modernes, à des degrés divers il est vrai : niveau trop élevé des dépenses publiques en raison des débordements de l’Etat-providence, 54 % en France d’après ce que j’ai lu dans un rapport de l’OCDE, abus des réglementations, rigidité excessive du marché du travail, système éducatif en pleine décadence : il faut arrêter de produire des diplômés qui ne savent souvent ni lire, ni écrire, ni compter.

Toutefois, à ces maux s’ajoute un élément qui, lui, est proprement français et pour cela attire l’attention perplexe voire médusée des observateurs extérieurs dans mon genre : cette bizarre politique du franc fort qui a aggravé vos difficultés structurelles depuis dix ans et qui rend dérisoires les déclarations pathétiques et les efforts sporadiques du gouvernement français contre le sous-emploi.

Vous savez, l’effort des pays européens pour établir une monnaie unique me suggère une comparaison qui, à première vue, peut paraître lointaine, mais que je crois très éclairante : l’établissement d’une langue commune pour surmonter l’obstacle représenté par la diversité linguistique ; obstacle au moins aussi sérieux que celui constitué par la diversité monétaire.

Personne, pourtant, n’a suggéré d’entamer des négociations destinées à établir une langue commune ni l’adoption de règlements par la Commission européenne tendant à assurer l’utilisation de cette langue et l’amélioration de ses caractéristiques.

Certains pays, en particulier la France, s’efforcent à une maîtrise administrative du développement de leur langue afin d’empêcher l’introduction de mots étrangers. Mais sans grand succès.

Pourtant, l’Europe est bien plus proche aujourd’hui de la langue commune que de la monnaie unique. En dépit de l’opposition française, l’anglais est devenu la langue des échanges intra-européens.

Non pas à cause d’accords intergouvernementaux ou de sommets à Maastricht, mais simplement par la libre décision des personnes engagées dans ces échanges et qui ont constaté que l’anglais représentait la plus utile seconde langue à maîtriser.

Très exactement le processus même de coopération volontaire et d’échange qui rend l’économie de marché si efficace dans l’utilisation des ressources.

Rien ne garantit que l’anglais demeurera indéfiniment la langue commune. Pendant des siècles, ce fut le latin et ensuite le français. Si les conditions changent, une autre langue remplacera peut-être l’anglais comme le français avait succédé au latin. On peut sans doute me chicaner sur des détails, mais mon message central demeure : l’évolution linguistique a été le fruit de changements spontanés et graduels et non pas de la mise en oeuvre d’un plan gouvernemental.

Pourquoi ne pas procéder de la même façon avec les monnaies ? Que chaque pays conserve sa monnaie librement échangeable avec les autres monnaies au taux de change que les parties à la transaction choisissent d’utiliser (autrement dit, par recours aux taux de change flexibles).

Et qu’une monnaie commune s’impose de la même façon que la langue commune s’est imposée : par coopération volontaire. Le marché assure de bien meilleures chances de succès que la politique.

R.L. Vous vous êtes exprimé en toute liberté. Mais sur ce sujet de la probabilité de la monnaie unique en Europe, nombre de vos collègues économistes américains font preuve du même scepticisme que vous. Au point que les Français, partisans de cette monnaie unique, dénoncent un ” complot anglo-saxon ” destiné à démolir un projet qui ferait ombre à la prééminence américaine. Que répondez-vous ?

Milton Friedman : Il n’existe pas plus de conspiration contre l’Europe qu’il n’y en a afin d’établir l’anglais comme langue universelle.

Comme vous le savez, j’ ai de profonds désaccords avec nombre de mes collègues américains et je ne ménage pas mes critiques à l’égard de la politique économique américaine. En particulier en ce qui concerne l’excès de réglementations, de dépenses publiques et de décisions de caractère protectionniste. Il se trouve, cependant, que la plupart des économistes américains, et sur ce point je partage leur jugement, considèrent que les économies anglo-saxonnes s’adaptent mieux à la concurrence mondiale que les pays européens ; les États-Unis surtout mais aussi la Grande-Bretagne. Vous avez le droit de ne pas partager ce jugement mais vous auriez tout à fait tort de croire qu’il est fondé sur une volonté de vous nuire. Il n’y a pas parmi les économistes américains d’hostilité personnelle à l’égard de la monnaie unique.

Il n’y a rien d’autre qu’un scepticisme de caractère professionnel à l’égard de la viabilité du projet. S’il y a complot c’est celui d’une même réaction intellectuelle devant un problème donné. Mon scepticisme à l’égard du projet européen n’est pas récent. Dès 1950, me trouvant comme consultant à Paris dans le cadre du plan Marshall, j’exprimais dans un rapport la conviction qu’une véritable unification économique européenne, entendue comme un marché libre, n’était possible qu’avec un système de changes flottants.

Déjà à l’époque, j’avais exclu la possibilité d’une fusion des monnaies parce que politiquement irréalisable. Une Banque centrale européenne ne se conçoit que dans le cadre des États-Unis d’Europe. Or, un de mes éditoriaux dans le magazine Newsweek en 1973 expliquait pourquoi je ne croyais pas à la réussite de ce projet. Je me référais à un texte d’un des fondateurs de la République américaine, Alexander Hamilton, texte publié dans ses célèbres Federalist papers en 1787 ou 1788. J’avais été frappé par le fait que la critique adressée par Hamilton à la première forme de l’Union américaine, une confédération d’États, valait également pour la Communauté européenne dont la structure politique correspondait, et correspond toujours, à celle de la Confédération américaine de 1787. Pour créer une vraie nation européenne, il faudrait instituer un gouvernement dont l’autorité se substituerait à celle des nations existantes.

Mais, écrivais-je en 1973, les loyautés nationales sont beaucoup plus fortes dans les pays du Marché commun qu’elles ne l’étaient dans les treize États de la Confédération américaine et les différences culturelles beaucoup plus grandes. Les treize États n’acceptèrent de se fédérer qu’après un âpre combat et à une courte majorité. Il y a peu de chance pour que les pays du Marché commun acceptent une pareille limitation de leur souveraineté “.

En ce qui concerne plus précisément la création d’une Banque centrale européenne, mes sources sont également anciennes puisqu’il s’agit du célèbre livre Lombard Street (1873) du fondateur de l’hebdomadaire The Economist, Walter Bagehot. L’auteur explique que les institutions monétaires ne se sont pas créées du jour au lendemain ; elles se développent au fil du temps. Vous pouvez établir toutes les institutions que vous voulez sur le papier avec toutes les conditions possibles et toutes les précisions opérationnelles voulues. Mais vous pouvez aussi être assuré que la réalité ne répondra pas à vos anticipations. Si vous fondez une autorité supranationale baptisée Banque centrale indépendante, vous constaterez à l’expérience que l’indépendance n’est pas quelque chose que l’on impose de l’extérieur, elle se gagne avec le temps.

Si je complote, c’est donc pour le réalisme et contre les illusions onéreuses, pour la Démocratie et contre l’oligarchie bureaucratique, pour la liberté et contre l’étatisme destructeur. Et ce complot présente la particularité de se dérouler à livre ouvert.

(1) Essais d’économie politique. Editions Litec.

Source : Géopolitique, n°53, “Monnaie unique, le débat interdit”, 1996.

Source: http://www.les-crises.fr/entetement-suicidaire-2/


Noam Chomsky lit le New York Times – et explique pourquoi le “Journal de référence” est pure propagande

Monday 15 June 2015 at 02:51

Depuis le Laos jusqu’au Moyen-Orient, un tour d’horizon des articles du Times qui ont attiré l’attention d’intellectuels estimés.

Par Noam Chomsky / Alternet, le 20 mai 2015

Un article de Une est consacré à une histoire non étayée de viol sur un campus par le magazine Rolling Stone, dénoncée par le journal majeur de critique des médias. Le déraillement vis-à-vis de l’intégrité journalistique est jugé si fort que le sujet est aussi repris dans l’article à la une de la rubrique économique, une page intérieure entière étant dédiée à la suite des deux articles. Ces comptes rendus indignés parlent des crimes passés de la presse : quelques cas de fabrication d’information, révélés sans s’y arrêter, et des cas de plagiat (“trop nombreux pour être énumérés”). Le crime spécifique du Rolling Stone est son “manque de scepticisme”, et qui est “à bien des égards le plus insidieux” des trois catégories précitées.

Voir Times si engagé dans la défense de l’intégrité journalistique a quelque chose de réjouissant.

En page 7 de la même édition, on trouve un article important de Thomas Fuller intitulé “La mission d’une femme pour libérer le Laos de ses munitions non-explosées”. Il rend compte de “l’effort opiniâtre” de Channapha Khamvongsa, une Lao-Américaine, “pour débarrasser sa terre natale des millions de bombes qui y sont toujours enterrées, héritage de neuf ans d’une campagne américaine menée par air qui a fait du Laos le pays le plus lourdement bombardé du monde” – il allait bientôt être détrôné par le Cambodge rural, à la suite des ordres de Henry Kissinger donnés aux forces aériennes américaines : “Une campagne de bombardement massive sur le Cambodge. Tout ce qui vole sur tout ce qui bouge.” Un semblable appel à un quasi-génocide serait très difficile à trouver dans les archives. Il a été évoqué par le Times dans un article sur des cassettes du président Nixon rendues publiques, et a provoqué peu de réactions.

L’article de Fuller sur le Laos rapporte que le lobbying de Mme Khamvongsa s’est traduit par une augmentation généreuse du budget américain annuel pour la neutralisation des bombes non explosées de 12 millions de dollars. Les plus mortelles sont les bombes à sous-munitions, qui sont conçues pour “causer le plus grand nombre possible de blessés parmi les troupes” en répandant des “centaines de sous-munitions sur le sol.” Environ 30% d’entre-elles y restent non explosées et provoquent la mort ou la mutilation des enfants qui ramassent les pièces, des fermiers qui les heurtent dans leur travail, ou bien d’autres malchanceux. Une carte annexe représente la province de Xieng Khouang située au nord du Laos, plus connue sous le nom de Plaine des Jarres, la principale cible des bombardements intensifs qui ont connu leur pic de frénésie en 1969.

Fuller raconte que Mme Khamvongsa “a été poussée à l’action après avoir découvert une collection de dessins des bombardements réalisés par des réfugiés et réunis par Fred Branfman, un activiste anti-guerre qui a œuvré à révéler la Guerre Secrète.” Les dessins sont publiés dans le remarquable livre du regretté Fred Branfman, Voices from the Plain of Jars [NdT : Les Voix de la Plaine des Jarres], publié en 1972 et réédité par les presses universitaires du Wisconsin avec une nouvelle introduction. Les dessins dévoilent de manière saisissante les souffrances des victimes, pauvres paysans d’une zone reculée qui n’avaient pratiquement rien à voir avec la guerre du Vietnam, ce qui a d’ailleurs été reconnu officiellement. Un rapport typique effectué par une infirmière de 26 ans saisit la nature de la guerre aérienne : “Il n’y avait pas une nuit où nous pensions que nous allions vivre jusqu’au matin, pas un matin où nous pensions que nous allions survivre jusqu’à la nuit. Est-ce que nos enfants pleuraient ? Oh oui, et nous pleurions aussi. Je me contentais de rester dans ma grotte. Je n’ai pas vu la lumière du soleil pendant deux ans. A quoi pensais-je ? Oh, je répétais dans ma tête ‘s’il-vous-plaît, que les avions ne viennent pas, s’il-vous-plaît que les avions ne viennent pas, s’il-vous-plaît que les avions ne viennent pas.’”

Les vaillants efforts de Branfman ont véritablement permis de faire naître une certaine prise de conscience de cette atrocité hideuse. Ses recherches constantes ont aussi mis au jour les raisons de la destruction sauvage d’une société paysanne sans défense. Il en dévoile à nouveau les raisons dans l’introduction de la nouvelle édition de Voices. En ces termes :

“Une des révélations les plus terribles à propos du bombardement a été de découvrir pourquoi il s’était si énormément intensifié en 1969, comme l’ont décrit les réfugiés. J’ai appris que le président Lyndon Johnson, après avoir décrété un arrêt des bombardements sur le Vietnam du nord en novembre 1968, avait simplement dérouté les avions vers le nord du Laos. Il n’y avait pas de raison militaire à ceci, c’était simplement parce que, comme l’a attesté le chef de mission adjoint Monteagle Stearns devant la commission du Sénat aux affaires étrangères en octobre 1968 : “Bien, nous avions tous ces avions qui restaient là à ne rien faire, et nous ne pouvions les laisser là à ne rien faire”.

Donc, les avions inutilisés étaient lancés sur de pauvres paysans, dévastant la pacifique Plaine des Jarres, loin des ravages des guerres d’agression meurtrières de Washington en Indochine.

Maintenant regardons comment ces révélations ont été transformées dans le New York Times Newspeak : “Les cibles étaient les troupes du Vietnam du Nord – spécialement le long de la piste Ho Chi Minh, dont une grande partie traverse le Laos – aussi bien que les communistes laotiens alliés du Nord-Vietnam.”

Comparez les paroles du chef de mission adjoint américain avec les descriptions et témoignages poignants des écrits de Fred Branfman.

Véritablement, le journaliste a une source : la propagande américaine. Cela suffit sûrement à submerger les simples faits d’un des plus grands crimes de l’après seconde guerre mondiale comme le détaille sa source même : les révélations cruciales de Fred Branfman.

Nous pouvons être certains que ce colossal mensonge au service de l’état ne méritera pas d’être longuement dévoilé et dénoncé comme méfait honteux de la Presse Libre, comme le sont le plagiat et le manque de scepticisme.

Le même numéro du New York Times nous inflige un rapport par l’inimitable Thomas Friedman, relayant avec le plus grand sérieux les mots du président Obama présentant ce que Friedman nomme “la Doctrine Obama” – chaque président doit avoir une doctrine. La Doctrine profonde est “‘engagement’, combiné avec la préservation des besoins stratégiques principaux.”

Le président a illustré cela avec un cas crucial : “Vous prenez un pays comme Cuba. Tester la possibilité que l’engagement mène à un meilleur résultat pour le peuple cubain ne représente pas beaucoup de risques pour nous. C’est un petit pays minuscule. Ce n’est pas un pays qui menace nos objectifs de sécurité principaux et ainsi [il n'y a aucune raison de ne pas] essayer cette idée. Et s’il s’avère que cela ne mène pas à de meilleurs résultats, nous pouvons ajuster notre politique.”

Et là, le lauréat du Prix Nobel de la paix s’étend sur ses raisons d’entreprendre ce que le journal intellectuel américain majeur de la gauche-libérale, le New York Review, salue comme une étape “courageuse” et “vraiment historique”, le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba. C’est un mouvement entrepris pour “donner plus de pouvoir au peuple cubain,” a déclaré le héros, nos efforts précédents pour leur apporter la liberté et la démocratie ayant échoué à réaliser nos nobles objectifs. Les efforts précédents comportaient un embargo écrasant condamné par le monde entier (excepté Israël) et une guerre terroriste brutale. La suite est comme d’habitude balayée de l’histoire, hormis des tentatives d’assassinat contre Castro, un détail très mineur acceptable car on peut les disqualifier avec mépris comme étant des magouilles ridicules de la CIA. Quand on se tourne vers les archives internes déclassifiées, on apprend que ces crimes ont été entrepris à cause du “succès de la remise en cause” par Cuba de la politique américaine qui remonte à la doctrine Monroe, qui déclarait l’intention de Washington de gouverner cet hémisphère. Mais ils sont tous inavouables et bien trop nombreux pour les narrer ici.

En recherchant plus loin nous trouvons d’autres merveilles, par exemple, l’article de réflexion en première page sur l’accord avec l’Iran par Peter Baker quelques jours plus tôt, mettant en garde contre les crimes iraniens régulièrement listés par le système de propagande de Washington. Tous s’avèrent très révélateurs à l’analyse, quoique aucun ne soit pire que le dernier des crimes iraniens : “la déstabilisation” de la région par le soutien aux “milices chi’ites qui ont tué des soldats américains en Irak.” Voici de nouveau l’image standard. Quand les EU envahissent l’Irak, le détruisant pratiquement et créant des conflits sectaires qui déchirent le pays et désormais la région entière, cela entre dans le cadre d’une “stabilisation” dans la rhétorique officielle et par conséquent médiatique. Quand l’Iran soutient des milices  résistant à l’agression, c’est de la “déstabilisation”. Et il pourrait difficilement y avoir un crime plus odieux que de tuer des soldats américains qui attaquent votre maison.

Tout cela, et bien plus, beaucoup plus, est parfaitement clair si nous montrons une obéissance absolue et acceptons sans critique la doctrine approuvée : les EU sont les propriétaires du monde et c’est leur droit, pour des raisons expliquées de manière lucide dans le New York Review, dans un article de mars 2015 écrit par Jessica Matthews, l’ancien président de la Carnegie Endowment for International Peace [NdT : Fondation Carnegie pour la paix internationale] : “Les contributions américaines à la sécurité internationale, à la croissance économique mondiale, à la liberté et au bien-être de l’humanité ont été si évidemment uniques et ont été si clairement dirigées au profit d’autres que les Américains ont longtemps cru que les EU représentaient une sorte de pays tout à fait différent. Là où d’autres servent leurs intérêts nationaux, les EU essayent de promouvoir des principes universels.” Fin de la plaidoirie.

Noam Chomsky est professeur de linguistique et de philosophie au MIT (Massachusetts Institute of Technology).

Source : AlterNet, le 20/05/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/noam-chomsky-lit-le-new-york-times-et-explique-pourquoi-le-journal-de-reference-est-pure-propagande/