les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

(ancien) Comment nos députés veulent nous racketter pour le compte d’Amazon…

Friday 18 July 2014 at 00:01

(Billet du 11 octobre 2013)

Après le billet sur la situation des libraires, dernier billet de notre série, avec le dénouement final… :)

La réalité des conséquences de la loi

Nous avons analysé hier la loi anti-amazon (ou anti-Fnac). Revenons sur ses conséquences.

Elle va conduire à majorer de 5 % le prix des livres en ligne – pour soi-disant aider les libraires.

Financièrement le consommateur en ligne y perd 5 %. Mais qui y gagne ?

Eh bien Amazon, pardi !

Nous sommes en régime de prix unique, donc le prix va être fixé à un niveau plus haut.

Donc les députés viennent de racketter le consommateur pour donner (beaucoup) plus d’argent à Amazon !

Et pas qu’un peu…

Le marché de livres sur Internet doit tourner autour de 800 M€. On estime la part d’Amazon à 70 %, soit 500 M€ à la louche.

Nos députés viennent donc de voter une loi qui va

Car bien évidemment, il faut avoir un QI d’huître de député pour penser qu’en majorant un livre à 20 € de 1 €, les gens vont se ruer chez un libraire, ou même faire l’effort d’aller sur un de leur site en ligne, pour avoir le même prix et moins de services (ergonomie du site, conseils du site, rapidité, qualité des colis et de leur constitution, retour sous 30 jours…).

J’ai regardé : cette blague va personnellement me coûter 200 à 300 € par an, qui vont aller enrichir un site en ligne, sans rien en échange. Je ne trouve cela ni juste ni même efficace…

Les erreurs de la ministre

Je préfère dire erreurs que mensonges, mais bon, pour un ministre ça devrait être considéré comme identique… Et conneries, cela serait impoli.

Alors, que nous a-t-elle dit durant les débats sur la loi “anti-Amazon” (et “anti-FNAC”, donc), reprenant la propagande du syndicat des libraires ? [A lire ici]

Rien ne changera demain, si ce n’est que ceux qui vendent en ligne feront payer leur livre 22 euros au lieu de 20,90 euros, autrement dit au prix éditeur.” [Aurélie Filipetti, Assemblée Nationale, 3/10/2013]

Ah ben ouais, rien ne change donc… [Promis, je n'ai rien inventé, c'est tel quel dans le Journal Officiel]

D’ailleurs, en 2017, rien ne changera pour elle, si ce n’est qu’elle sera donc au chômage…

Ce ne sera donc pas pénalisant pour le consommateur puisque, de toute façon, dans son esprit, la loi de 1981 a toujours considéré que le respect du prix fixé par l’éditeur n’était pas une entrave au pouvoir d’achat du consommateur.” [Aurélie Filipetti, Assemblée Nationale, 3/10/2013]

Bah oui, cela n’est pas pénalisant, c’est juste plus cher !!! Et comme en France, l’argent est amené directement par les cigognes dans nos porte-monnaies, ce n’est pas grave… Et je vous laisse apprécier la bonne foi de l’argument avancé…

“La meilleure preuve en est que, dans les pays ne pratiquant pas le prix unique du livre, les livres ne sont pas moins chers qu’en France. C’est bien là tout l’effet bénéfique de la loi de 1981.” [Aurélie Filipetti, Assemblée Nationale, 3/10/2013]

Il y a là quelque chose qui devient à mes yeux proprement inacceptable : la négation de la réalité. Qu’on me dise que le consommateur doit payer plus cher pour soutenir les libraires, on peut débattre. Qu’on dise que cela n’a pas d’impact sur le consommateur, c’est inacceptable. Et cette pathologie est de plus en plus répandue : loi bancaire de séparation des activités qui ne sépare rien, référendum d’initiative populaire vanté par Hollande qui n’existera jamais, etc. Ou mieux : “loi anti-amazon” qui va augmenter ses profits de 20 ou 30 % (vous ne vous demandez pas pourquoi on ne les a pas entendu hurler ?) – vivement la “loi anti-blogueurs” dans ces conditions…

Il est évident que, les éditeurs ne faisant pas n’importe quoi (sous peine de ne plus avoir de client), le prix éditeur est forcement proche entre tous les pays -puisque que c’est le prix du “livre dans une librairie” : il faut créer le livre, imprimer le livre, transporter le livre dans la librairie, payer le loyer et le personnel de la librairie. Cela ne peut pas coûter 25 % de moins entre deux pays.

MAIS ça, c’est pour le prix “livre dans une librairie”. Mais Internet est arrivé, et on peut aussi avoir l’option “le livre livré à la maison”, qui est bien le nouveau prix du livre.

Alors Madame la Ministre, le prix du livre n’est pas moins cher à l’étranger ? Rendons-nous alors aux Etats-Unis par la magie d’Internet , chez Amazon.com, et comparons avec Amazon.fr pour le même livre (en convertissant en euros) :

prix du livre

prix du livre

prix du livre

prix du livre

prix du livre

N.B. : je précise pour les habitants du Ve arrondissement de Paris – qui regroupe presque tous les travailleurs du cabinet de la ministre de la Culture – qu’il existe en France ce qu’on appelle communément en termes techniques “des pauvres”. Et pour eux, payer 28,4 € pour avoir la vision d’Al Gore sur l’avenir de notre planète n’est guère envisageable – ce qui pose un léger bug démocratique… Idem pour l’économie :

prix du livre

Vous me direz que ce sont uniquement des traductions en français d’auteurs anglais, et que l’éditeur français doit payer la traduction (marginale mais bon…) ? Continuons alors avec des traductions américaines de livres français alors…

prix du livre

prix du livre

Vous me direz que ce sont finalement des nouveautés ou de grosses ventes ? Continuons…

prix du livre

prix du livre

prix du livre

prix du livre

prix du livre

prix du livre

prix du livre

prix du livre

Bon, alors “les livres ne sont pas moins chers [aux USA] qu’en France” ?

Mais ce n’est pas tout, elle continue :

“On le sait aujourd’hui, la gratuité des frais de port procède – il faut employer le mot – d’une stratégie de dumping, tout simplement. J’en veux pour preuve que dans les pays qui n’appliquent pas la loi sur le prix unique du livre, les opérateurs de vente en ligne ne pratiquent pas cette gratuité.” [Aurélie Filipetti, Assemblée Nationale, 3/10/2013]

Bien sûr… Que fait Amazon dans les pays sans prix unique ? C’est très compliqué à savoir – il faut aller sur leur site Internet, rendez-vous compte…

prix du livre

USA : gratuit au delà de 19 €

prix du livre

Canada : gratuit au delà de 18 €

prix du livre

Espagne : gratuit au delà de 19 €

prix du livre

Angleterre : gratuit tout le temps

Comment on a dit déjà ?  ”Les opérateurs de vente en ligne ne pratiquent pas cette gratuité.”

Mais il est vrai qu’en général, les frais de port ne sont pas offert sans minimum, sauf en Angleterre.

En revanche, il est SCANDALEUX d’appeler cela du dumping.

Pourquoi ? Parce qu’on est en régime de prix unique ! Et quel est ce prix ? Celui de la vente dans une librairie, avec cette structure :

prix du livre

Bref, on paie la moitié du prix pour amener le livre dans une librairie au fin fond de la France, payer le libraire et la surface en centre ville qui vend peu de livres.

Et les économies d’échelle sont énormes !

On a vu qu’une grande librairie a déjà des charges inférieure de 5 points de CA à une petite librairie !

Le prix unique du livre a été mis en place quand la FNAC, grande surface culturelle, a annoncé qu’elle allait vendre les livres 20 % moins cher – alors qu’elle doit aussi payer de gros loyers et beaucoup de personnel.

Mais les vendeurs en ligne n’ont pas ces coûts ! Les 2 ou 3 entrepôts, les manutentionnaires et emballeurs ont un coût proportionnel bien inférieur ! On peut imaginer qu’ils n’auraient aucune difficulté à vendre les livres 30 % moins cher ! Et quand, comme Amazon, on ne paye pas d’impôt et qu’on n’est pas social, eh bien on arrive aux USA, en ratiboisant les distributeurs, à faire – 35 % ou 40 % en moyenne ! Mais le -30 % en ayant une attitude citoyenne semble jouable ! On agite l’attitude fiscale d’Amazon, alors que ce n’est pas ça qui le rend vraiment rentable – c’est qu’on lui demande de facturer des frais de ses librairies qui n’existent pas !

En fait, quand on regarde, les prix aux USA sont bas car Amazon applique une décote énorme sur le prix éditeur :

prix du livre

Mais en France, la loi INTERDIT à Amazon de baisser ses prix, et donc l’OBLIGE a faire un profit monstre, en facturant au client des frais qui ne la concerne pas ! Quand les libraires font moins de 1 % de résultat net, Amazon doit bien faire dans ces conditions 20 ou 30 % de résultat net ! Du coup, ils peuvent se permettre de baisser les prix de 5 % et d’offrir le port ! Car le port est déjà payé dans le prix éditeur – mais c’est celui pour livrer le livre au libraire ! Où madame la ministre a-t-elle vu qu’on fait du dumping quand on fait un profit monstrueux ? Profit que la loi va encore augmenter…

La ministre reprend juste tels quels les arguments des libraires, sans esprit critique :

 «Devoir payer des frais de port pour un livre sera, il est vrai, un peu dur pour le consommateur mais c’est vrai aussi pour tous les autres produits vendus en ligne,  y compris les CD ou les DVD vendus par Amazon. Les facturer aussi pour les livres n’est donc pas injuste, mais juste», a affirmé le Syndicat de la Librairie Française.

Ben si c’est injuste, on va le payer 2 fois ! Sans prix unique du livre, Amazon facturerait la livraison, mais vendrait le livre – 30 % ! Moi, je signe tout de suite…

Mais bon, la ministre ajoute :

“Ils le font en France et dans les pays où le prix unique du livre existe, uniquement pour pouvoir s’introduire sur le marché et accéder ainsi à une position dominante. Une fois que cet objectif aura été atteint et que le réseau de libraires indépendants aura été écrasé, ils augmenteront leurs tarifs sur la livraison.” [Aurélie Filipetti, Assemblée Nationale, 3/10/2013]

Réseau de libraires qui ne vend plus qu’un livre sur 5 mais bon…

Mais c’est évident : on vient de voir aux USA  à quel point ils montaient leurs prix… Pardi, le consommateur sur Internet, on peut le tondre, il ne risque pas de changer de site ou d’aller sur des comparateurs…

Belle vision de la concurrence. On attend toujours que Carrefour augmente ses prix maintenant qu’ils ont écrasé les petits commerçants…

Pour montrer enfin le manque d’esprit critique, je vous mets les arguments des libraires, vous comparerez avec les propos de la ministre :

 En cumulant la gratuité des frais de port, sans minimum d’achat, pour l’achat des livres sur son site, et un rabais systématique de 5%, Amazon finance, grâce à l’évasion fiscale qu’il pratique à grande échelle, une politique de « dumping » visant à étrangler ses concurrents, à contourner le prix unique du livre et à bâtir un monopole qui lui permettra dans quelques années d’imposer ses conditions aux éditeurs et de relever ses prix”

on mesure combien la gratuité des frais de port correspond à une stratégie de « dumping » qui s’appuie sur les économies réalisées grâce à l’évasion fiscale, d’une part, et sur une capitalisation boursière sans égale, d’autre part. C’est une position de domination absolue sur le marché de la distribution que recherche Amazon à travers cette stratégie. Cette stratégie a déjà fait des victimes : la chaîne Borders aux États-Unis, Virgin en France. [...]

A l’exception de Fnac.com, challenger d’Amazon en France, aucun libraire ni aucune chaîne ne pratique la gratuité des frais de port dès le 1er euro, tout simplement parce que cette pratique est financièrement et économiquement intenable [...]

Au final, ce sont les contribuables de France et d’ailleurs qui financent la gratuité des frais de port.  Ce que les clients d’Amazon gagnent en frais de port, ils le perdent en impôts ! [...]

Au niveau international et à l’exception du Royaume-Uni, Amazon n’offre les frais de port sans minimum d’achat que dans les pays dans lesquels s’applique un prix unique du livre (France, Allemagne, Autriche, Espagne, Pays-Bas, Japon…). Dans des pays sans prix unique du livre (États-Unis, Canada, Suède, Finlande, Australie…), les frais de port pour les commandes de livres sont payants jusqu’à un certain montant d’achat (25$ aux États-Unis). [communiqué du 26/09/2013 du SLF]

Tout ceci est d’une rare malhonnêteté intellectuelle comme on l’a vu… Mais je préfère ça :

Néanmoins, les pratiques prédatrices d’Amazon freinent considérablement le développement de la vente en ligne dans les librairies et les chaînes de librairies. Les librairies étant parmi les commerces de détail les moins rentables[4], elles ne peuvent rivaliser avec les pratiques de dumping d’Amazon. A titre d’exemple, les frais de port représentent entre 15 % et 18 % du chiffre d’affaires réalisé sur Internet par les libraires indépendants alors même que ceux-ci n’offrent la gratuité des frais de port qu’à partir d’un montant minimal d’achat (de 25 à 35 € en règle générale). En cumulant ces coûts avec le rabais de 5%, c’est donc près d’un quart de la marge du libraire qui est amputée, ce qui est insupportable lorsque l’on sait que le résultat net moyen des librairies est aujourd’hui inférieur à 1%

Bref, il ne faut pas de concurrence sur le prix, sinon on va tuer les libraires, et c’est important d’avoir des libraires, parce que la vente en ligne, c’est pas bien pour la culture – et tant pis pour le consommateur. Mais par contre il faut aider les libraires à vendre en ligne, car les pauvres n’arrivent pas à vendre en ligne pas cher car ils ont des librairies pour ne pas vendre en ligne qui coûtent cher…

Enfin bon, j’arrête là…

Les questions qui se posent

En conclusion, le problème est complexe, et je suis partagé. Je ne peux me rendre aux seuls arguments des libéraux, apôtres de la concurrence totale et du consommateur empereur, mais pas plus totalement à ceux du lobby des commerçants de livres. Il me semble que, comme souvent, la vérité est un peu entre les deux.

Faut-il sauver les libraires ou le livre – qui souffre aussi, par exemple il n’y a plus de vraie encyclopédie papier désormais ? Et à quel coût, quand on voit que les livres pourraient être 30 % moins cher – soit 1,3 Md€ de pouvoir d’achat en plus ? L’Angleterre a supprimé sa loi sur le prix unique, ce qui a fait disparaître son réseau de libraires ; mais il s’y vend autant de livres qu’en France (423 millions d’exemplaires en 2012)…

Les vendeurs en ligne vont détruire de l’emploi en librairie, mais les consommateurs auront plus d ‘argent, et pourront le dépenser dans d’autres livres ou d’autres secteurs, créant des emplois.

Le mouvement est clair ; voici l’évolution 2003-2012 :

lieux achat du livre

Les libraires nous expliquent qu’eux ne peuvent pas offrir les frais de port, que de ce fait ils sont plus chers qu’Amazon, et que  la concurrence est donc déloyale, et qu’ il faut forcer Amazon à monter ses prix.

On rêve…

Les libraires  parlent de concurrence déloyale, alors qu’ils ne survivent que parce qu’une loi a tué la concurrence sur les prix dans le secteur – ce qui coûte 300 M€ à 900 M€ par an aux consommateurs..

Mais non, il n’y a pas de concurrence, car vous ne vendez pas la même chose. Acheter un livre en librairie ou le faire livrer, ce n’est pas la même chose – d’ailleurs c’est l’argument justifiant la loi Lang pour sauver les libraires. Non, dominos pizza n’est pas en concurrence avec l’Italien en bas de chez moi, ce n’est pas pareil, même s’il s’agit de manger des pizzas. Proposez une pizza Domino’s pour votre anniversaire de mariage, vous verrez si c’est pareil…

D’autant que 70 % des ventes d’Amazon sont des fonds de catalogue, qui partiraient au pilon sans les vendeurs en ligne. Et leurs sites poussent à la consommation, en proposant toujours des livres intéressants qu’on ne connaissait pas, bien plus qu’en librairie…

Donc je veux bien aider les libraires, mais il y a des limites. Et on ne va pas se mettre à financer des chaines logistiques pour livrer un livre à un libraire perdu à la campagne pour qu’il le renvoie au client par la Poste ! J’adore les libraires, mais il ne faut pas pousser – acheter un livre de Musso ou Marc Levy, ce n’est pas non plus le summum de la culture, il vaut mieux lire des blogs ou regarder un beau reportage d’investigation sur Arte…

Et je n’ai vu dans aucun rapport le % de Français qui vivent à plus d’une demi-heure d’une librairie, ce serait intéressant – car beaucoup de Français n’ont juste pas le choix – 11 libraires dans la Creuse…

Propositions alternatives

Après avoir étudié longuement le dossier, voici mes propositions – que je pense équilibrées.

1/ On garde la loi Lang, pour ne pas détruire le réseau des libraires en 3 ans. Mais il ne faut pas exagérer non plus ;

“La loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre, dont M. le rapporteur a eu l’amabilité d’affirmer qu’elle était désormais inscrite dans notre patrimoine national; on pourrait même dire qu’elle est inscrite au patrimoine de l’humanité, puisqu’elle essaime dans beaucoup de pays dans le monde» [Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, jeudi 3 octobre 2013].

2/ on ne vote pas cette proposition de loi débile ;

3/ on crée une Autorité Indépendante de Soutien aux Libraires ;

4/ cette Autorité va lever une nouvelle taxe :

Elle vise à compenser l’excès de bénéfice indu de ces structures. Cette taxe va rapporter environ 120 M€ par an ;

5/ cette autorité va gérer la distribution des sommes collectées sous forme de subventions aux 3 000 libraires français, avec des règles fixées par décret et claires. En donnant par exemple une somme fixe de 30 000 € par an à chacun, au titre de la subvention à “l’activité d’intérêt général de diffusion de culture”, modulée en fonction des frais et contraintes des zones. Ainsi, le consommateur ne paie pas plus cher, et on aide VRAIMENT les libraires à ne pas mourir – ce qui va être fait dans 5 ans sinon, même avec cette loi…

6/ on réfléchit à passer le rabais sur la loi Lang à - 10 % – ce serait encore  moins que les -15 % en Italie, où il  reste pourtant plein de libraires (2100 dont 1300 indépendants, plus qu’en France)… Ils pourront améliorer ainsi l’attractivité de leurs points de vente, et le consommateur y gagnerait un peu…

7/ on sauve la FNAC, pour qu’Amazon ne soit pas en monopole sur les livres, et ne fasse pas trop de pression sur les éditeurs dans 5 ans. Le souci est qu’à la FNAC, ils sont mauvais pour le moment sur la vente en ligne. Site minable (il suffit juste de COPIER Amazon les gars, on ne vous demande pas d’innover !), logistique mal foutue, vendeurs de qualité remplacés par des vendeurs de qualité bien inférieure, et surtout bras cassés à la confection des colis (purée, il ne faut pas 12 prix Nobel pour édicter des règles d’emballage correctes !!!). C’est le souci avec une FNAC qui est revendue en permanence (1985 à la GMF, 1993 à la CGE, 1994 PPR, volonté de revendre en 2009 sans succès, 2013 “spin-off” en la mettant en Bourse…), personne ne voulant investir à long terme (financiarisme quand tu nous tiens… Amazon ne se demande pas quand elle sera revendue..). Donc tant que je reçois des colis FNAC mal constitués (photo ci-dessous : 300 € de livres abîmés dans un seul carton mal ficelé) :

prix du livre

je n’appelle pas au Boycott d’Amazon en votre faveur, qui le mérite – désolé, il y a des limites, il faut changer de métier sinon… A chacun de choisir – mais il ne faut pas s’étonner de ça :

prix du livre

Mais FNAC.com a une importance stratégique majeure pour le secteur du livre… (Arnaud Montebourg, si tu m’entends…)

8/ on organise la transparence des CA des vendeurs en ligne pour suivre ce qu’il se passe sur ce marché ;

9/ on vote la proposition des écolos de la TVA à 19,6 % sur les formats de livres numériques propriétaires non ouverts (quand vous avez acheté un livre numérique, il est inacceptable qu’on puisse vous en couper l’accès un jour)

10/ on arrête d’accuser Amazon pour sa problématique fiscale. Oui, ce qu’elle fait n’est pas éthiquement responsable, mais c’est légal. Je suis toujours ulcéré quand on passe son temps à accuser une entreprise de faire des choix légaux qui lui rapportent de l’argent. Alors que le problème, ce sont les députés qui laissent perdurer cet état de fait. Non, le problème n’est pas Amazon ; le problème est “pourquoi  le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Irlande ont des législations qui permettent ces pratiques d’évasion fiscale des voisins ? Pourquoi a-t-on aux frontières un micro-État où la TVA sur le livre est à 3 % ? Pourquoi n’a-t-on toujours pas modifié la règle sur le paiement de la TVA dans le pays d’achat ? Pourquoi fait-on un marché européen avec libre circulation des produits et des capitaux AVANT d’avoir homogénéisé la zone législativement ? Je rappelle que ce qu’il faut c’est : 1/ on homogénéise 2/ on fait le marché unique. Ça marche pour tout : 1/ on homogénéise 2/ on fait une monnaie unique. Etc. Sinon, on ne vient pas se plaindre que des malins en profitent pour vous plumer comme le dindon que vous êtes… Bref, on modifie les règles législatives entre États pour une concurrence équitable !

Vous en pensez quoi ?

P.S. n’hésitez pas à faire suivre ce billet :)

Source: http://www.les-crises.fr/rachet-deputes-loi-anti-amazon/


Un Boeing 777 de Malaysian Airlines s’écrase à l’est de l’Ukraine

Thursday 17 July 2014 at 18:03

Encore une horreur (et gigantesque !) – ils ne sont pas gatés cette année Malaysian Airlines…

Voilà ce qui arrive quand on laisse des conflits se développer, et qu’on n’impose pas une bonne fois pour toutes des cesser-le-feu (comme à Gaza d’ailleurs). Cela me rappelle l’histoire de l’Airbus iranien abattu par les USA et le Boeing coréen abattu par les soviétiques… Je en sais pas non plus quel est le fou qui laisse des corridors aériens au dessus d’une zone de guerre…

J’espère que cela l’occasion d’imposer un cesser-le-feu aux 2 parties et l’ouverture de négociations internationales pour résoudre enfin cette histoire sordide (qui est à l’évidence une bavure – et donc peu importe de quel coté elle vient)…

RIP aux victimes de la folie des hommes…

L’avion, qui transportait 295 personnes, s’est écrasé dans la région de Donetsk en Ukraine.

Un avion de ligne malaisien parti d’Amsterdam aux Pays-Bas à destination de Kuala Lumpur en Malaisie a disparu des radars à 10.000 mètres d’altitude, puis s’est écrasé près de la ville de Chakhtarsk, dans la région de Donetsk, dans l’Est de l’Ukraine, ont rapporté jeudi 17 juillet les agences Itar-Tass et Interfax-Ukraine.

Cette dernière a cité une source “au sein des forces de l’ordre ukrainiennes”, ajoutant qu’un groupe de secouristes du ministère des Situations d’urgence se rendait sur place. L’agence russe Itar-Tass a cité “les milieux de l’aviation”. Une partie de la région de Donetsk est contrôlée par des séparatistes prorusses.

Il s’agit d’un Boeing 777 de la compagnie Malaysian Airlines transportant à son bord 280 passagers et 15 membres d’équipage.

Source : Nouvel Obs

EDIT 17/07. Merci de vos infos en commentaire. Je ne commente pas trop – on verra bien ce qu’il ressortira, la prudence est de mise (et y’a pas le feu).

Enfin, pas partout…

=> On est d’accord, ce “gentil démocrate” est un dingue qui cherche le conflit ? Je ne me sens pas “intoxiqué par la vile propagande poutinienne” : il CHERCHE QUOI LE GARS ???

C’est pas mieux pour son Premier Ministre :

Mais ils sont bien conseillés :

(Nouvel Obs)

=> Bien sûr, sanctionnons Moscou pour un crash en Ukraine ! Et pour la collision TGV TER aussi !

Et si on sanctionnait les USA pour avoir abattu l’avion iranien (comme là, on est sûr que c’était eux…) ?

=> C’est vrai qu’en tant qu’administratrice de BNP Paribas, elle a du temps à consacrer à la géopolitique. Caniche des Américains, belle reconversion.

 

=> ça confirme que le ministre des Affaires étrangères suédois est dingue. Le type retweete de la propagande de Kiev, comme ça, sans souci…

Purée, il faut imposer 3 mois de trêve dans l’Est de l’Ukraine et sulfater le premier qui moufte à l’Est ou l’Ouest… Et ouvrir des négociations !

Bref, Merkel est lucide :

EDIT 2 : Trop forts à l’AFP (Via Nouvelobs) :

Vachement troublant – mais il n’y a qu’un petit problème, ce n’est pas la page de StrelKov (qui a déjà déclaré qu’il n’allait pas sur les réseaux sociaux – il conduit une guerre là…) : il n’a aucune page officielle, c’est un gusse qui anime ça tout seul. Bref, du louuurd !

Source: http://www.les-crises.fr/un-boeing-777-de-malaysian-airlines-secrase-a-lest-de-lukraine/


La loi “Anti-Amazon”

Thursday 17 July 2014 at 03:36

(Billet du 10 octobre 2013)

Nous allons aujourd’hui nous intéresser à l’actualité législative du prix du livre et à sa reprise par les médias – bonne façon d’analyser la qualité de l’information…

I. Les faits

En juin 2013, les députés UMP Gaymard, Kert et Jacob ont déposé une proposition de loi visant à modifier la loi Lang de 1981, afin d’interdire aux sites Internet de cumuler l’avantage de la baisse de 5 % du prix éditeur et la gratuité des frais de port.

Il faut savoir que seuls Amazon et la Fnac cumulent ces avantages quel que soit le montant de l’achat, alors que Chapitre, Decitre ou Gibert accordent toujours les -5 % mais la gratuité seulement à partir d’un seuil (de 18 à 35 €). Rue du Comemrce (ex Alapage) accorde le -5 %, mais jamais la gratuité du port, et Cultura n’accorde pas les -5 %, mais offre la gratuité de la livraison quel que soit le montant… pour un retrait dans ses magasins (merci !), et au delà de 20 € sinon.

La rédaction initiale de la proposition de loi n°1189 était assez lapidaire :

Après le quatrième alinéa de l’article premier de la loi n° 81–766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La prestation de livraison à domicile ne peut pas être incluse dans le prix ainsi fixé. »

Bref, il faut facturer le port à part. Mais à combien ? Mystère et boule de gomme, 0,01 € ça semble passer… Bref, des spécialistes du sujet rédigent mal la proposition, chapeau !

Ces députés s’en sont rendus compte (bravo aux 70 députés signataires…), et ont déposé un amendement pour réécrire complètement leur propre proposition ainsi :

« Le coût de la livraison à domicile, à l’adresse choisie par l’acheteur, est ajouté par le détaillant au prix effectif de vente au public. ».

C’est mieux – c’est bien le coût qu’il faut rajouter -, mais enfin, ce n’est toujours pas d’une clarté extrême, et sans doute contournable…

La ministre a résolu le problème en déposant un amendement réécrivant la proposition de loi UMP, qui a été voté à l’unanimité des députés. Il indique désormais :

« Lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur. Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit. »

Ainsi aujourd’hui un livre de 20 € est vendu :

Demain, si le projet est adopté par le Sénat en l’état, il coûtera 20 € en ligne, et le commerçant pourra déduire 1 € sur les frais de port qu’il facturera (ou pas).

Dans cette rédaction, l’histoire de la remise sur les frais de port est du n’importe quoi absolu : le marchand étant libre de les facturer comme il veut, il ne sert à rien qu’une loi prévoit qu’il peut les diminuer jusqu’à un certain de montant : il pouvait les diminuer sans limite, et il pourra continuer.

Le texte voté, sous sa rédaction stupide et alambiquée signifie simplement la fin de la remise de 5 % pour les ventes sur Internet – et donc une hausse de 5,3 % des prix à venir sur ce circuit.

Quand la ministre déclare à l’Assemblée :

“Pour simplifier, cette rédaction dont nous avons veillé à garantir la sécurité juridique, n’empêche ni le rabais de 5 % ni la gratuité des frais de port, en raison de la décision de la Cour de cassation de 2008 ; elle interdit seulement le cumul de ces deux avantages.”

c’est faux ! Si vous achetez 200 € de livres en ligne, le libraire ne peut diminuer le prix de vente, il peut juste diminuer de 10 € au maximum le montant des frais de port qu’il vous facturera – et vous paierez donc au moins 10 € de plus qu’aujourd’hui, dans tous les cas…

Voyons comment cela a été reproduit par les médias.

II. L’information par les médias

Bon article de Claire Planchard dans 20 minutes, sauf :

«Il y a aujourd’hui deux hypothèses: soit les opérateurs vont garder le rabais de 5% et supprimer les frais de port gratuits, soit ils conserveront la gratuité mais renonceront à appliquer le rabais de 5%. Dans les deux cas, cela va augmenter le coût pour le consommateur d’environ 5% et cela fera entrer plus d’argent dans les caisses des opérateurs et surtout celles d’Amazon», analyse Mathieu Perona, coauteur de Le prix unique du livre à l’heure du numérique

“soit les opérateurs vont garder le rabais de 5% ” : ben non, c’est écrit dans les 2 petites phrases de la loi “Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit”, il ne peut donc plus les déduire du prix public !

Je reproduis la fin, pour exposer les arguments du syndicat des libraires – que je commenterai demain :

« Devoir payer des frais de port pour un livre sera, il est vrai, un peu dur pour le consommateur mais c’est vrai aussi pour tous les autres produits vendus en ligne, y compris les CD ou les DVD vendus par Amazon. Les facturer aussi pour les livres n’est donc pas injuste, mais juste», réagit le président du Syndicat de la librairie française (SLF) Matthieu de Montchalin, qui rappelle qu’Amazon facture également les frais de port des livres dans d’autres pays qui n’ont pas de prix unique.

Côté « diversité culturelle », le SLF estime aussi que cette nouvelle réglementation va permettre de « rétablir une équité sur le marché », et éviter par là même « des destructions d’emplois, la disparition de libraires et de maisons d’édition ».

« A mon avis cette mesure ne va pas apporter davantage de ventes aux libraires eux-mêmes », modère toutefois Mathieu Perona. « La force d’Amazon restera la disponibilité immédiate d’un nombre de titres énorme sans se déplacer. Le service rendu par cette plateforme n’est pas le même service rendu par les libraires », estime ce spécialiste.

Un bel article dans Libération (signé AFP, mais bon, c’est clairement retouché par le journal…) : Les députés adoptent à l’unanimité une mesure anti-Amazon

“Ils veulent mettre fin aux pratiques de «dumping» du géant américain et ainsi protéger les librairies françaises. Amazon dénonce une mesure discriminatoire, la Fnac est dubitative.” [...]

Selon Amazon, la proposition de loi adoptée – fait rare – à l’unanimité de l’Assemblée nationale «risque également de ne pas être neutre sur la diversité culturelle», en pesant notamment sur les maisons d’édition de moindre envergure. «Son impact sera le plus important à la fois sur le fonds de catalogue et pour les petits éditeurs, pour qui internet peut représenter une large part de leur activité», estime Amazon. [...]

Les députés ont été unanimes pour soutenir le réseau «unique au monde» de librairies en France. Droite et gauche ont dénoncé de concert les pratiques de «dumping» d’Amazon qui «détourne» l’esprit de la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre, érigé en «patrimoine national» par le rapporteur UMP du texte Christian Kert. [...]

Ces frais de port gratuits proposés par Amazon, qui détient 70% du marché de la vente en ligne, sont en effet jugés comme de la concurrence déloyale par les librairies qui sont déjà souvent en mauvaise situation financière, comme le démontre encore l’annonce lundi de la mise en vente des 57 librairies du réseau Chapitre. [...]

Les uns après les autres, les députés sont montés au créneau pour défendre avec lyrisme le réseau «unique» de librairies en France, d’une «importance majeure pour l’animation culturelle des petites villes». La France compte quelque 3 500 librairies (dont 600 à 800 «indépendantes», n’appartenant pas à un éditeur, une chaîne ou une grand surface) contre à peine 1 000 en Grande-Bretagne.

«En passant le seuil d’une librairie, le lecteur cherche la vie et les conseils. Qui mieux qu’un amoureux des mots et de la pensée, du papier et des reliures, peut nous orienter ? Si les librairies continuent à fermer, alors où pourrons-nous trouver cette odeur du papier si caractéristique ?» s’est ainsi enflammé le député de la Mayenne Yannick Favennec (UDI). Mais ces librairies «sont en situation tendue du fait du poids des loyers, des charges de personnel et du coût des stocks», a souligné Christian Kert, même si elles vont bénéficier d’un plan de soutien du gouvernement annoncé début juin.

D’autant plus que «la vente en ligne est désormais le seul segment du marché du livre en progression (13,1% de ce marché en 2011) et que les librairies indépendantes ont du mal à y trouver leur place du fait d’un retour sur investissement très faible», a-t-il ajouté. Outre la concurrence sur les prix, les libraires français souffrent d’une «concurrence fiscale déloyale», selon lui.

Certes, l’avantage sur la TVA, dont bénéficie Amazon installée au Luxembourg (3% contre 5,5% en France) devrait disparaître avec le temps puisqu’à partir de 2015 les entreprisses seront assujetties non dans le pays d’implantation mais dans le pays où le bien est consommé. Mais le «GAFA» (l’acronyme qui désigne Google, Apple, Facebook et Amazon) «qui dégagerait entre 2,2 et 3 milliards de chiffre d’affaires en France, ne verserait pour chaque entreprise en moyenne que 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés du fait d’une politique d’optimisation fiscale systématique», a dénoncé Christian Kert, en citant une étude de la Fédération française des télécommunications.”

Les Echos relaient l’information, La loi « anti-Amazon » va provoquer des dégâts collatéraux, avec des erreurs :

“la mesure toucherait tous les sites, Amazon, mais aussi les autres « pure players » comme Price Minister, par exemple”

Ben non, le prix unique, ce n’est pas pour l’occasion, donc PriceMinsiter n’est pas concerné sur le fond de son business, et pour les libraires dessus, je n’ai guère vu de livraison gratuite !

“Autre difficulté, selon un professionnel : la mesure serait difficilement applicable car, pour contrôler son application, il conviendrait d’examiner de près la façon dont les e-commerçnats calculent leurs frais de port. ”

Ben non, c’est vite contrôlé, puisque c’est + 5 % pour Amazon et la Fnac dans tous les cas, inutile de s’intéresser aux frais de port ! (heureusement que le projet ne fait que 2 phrases !)

Enfin, j’y reprends la vision de la FNAC (dont je parlerai demain…)

 « L’objectif des députés est louable, explique Laurent Glépin, directeur de la communciation [sic.] de la Fnac, mais cela ne résout pas le problème de distorsion de concurrence que pose Amazon pour des raisons fiscales. »C’est-à-dire l’optimisation que réalise le géant américain en opérant en France depuis le Luxembourg.

On lit dans Le Figaro : “Les députés votent une mesure anti-Amazon

«Cela fait six ans que l’on se bat contre ces pratiques déloyales qui freinent la croissance des ventes en ligne des plus de 500 librairies qui le proposent, indique Guillaume Husson, le président du SLF. Les libraires indépendants se félicitent que les pouvoirs publics cherchent enfin à remettre de l’équilibre dans les conditions de concurrence.» C’est en effet un vieux combat des libraires qui anime le secteur de l’édition avec encore plus d’acuité depuis qu’Amazon est dans le même temps accusé d’évasion fiscale. «Le sujet était sur la table depuis longtemps, mais il y a aujourd’hui une conjonction favorable, eu égard notamment au problème d’évasion fiscale de certains opérateurs numériques», ajoute le député UMP de Savoie Hervé Gaymard.

La Croix reprend la dépêche AFP (qui structure presque tous les articles, les journalistes la complétant plus ou moins, comme ici le NouvelObs ou ici, FranceInfo, Ouest France, RTL, TF1…). Prix du livre : les députés adoptent à l’unanimité une mesure anti-Amazon

Amazon a répondu dans un entretien au Figaro :

Très clairement mis en accusation, Amazon se défend. Romain Voog, président d’Amazon France SAS, estime que ces dispositions «iraient avant tout à l’encontre de l’intérêt des consommateurs, en renchérissant de facto le prix des livres achetés sur Internet par rapport à ceux achetés en magasins. De nombreux consommateurs habitent loin de toute librairie et apprécient de pouvoir acheter leurs livres en ligne». Il ajoute: «si les projets de loi passent, cela aura un impact mineur sur Amazon mais en revanche, cela pénalisera les consommateurs et menacera la diversité culturelle en France, car Amazon offre le plus large choix de livres neufs ou d’occasion en France».

«Il est évident que nous ne vendons pas les livres à perte car c’est illégal ! Si Amazon perd de l’argent, ce n’est pas parce qu’il fait du dumping sur les prix mais parce qu’il investit massivement dans des entrepôts. En France, nous avons ouvert quatre entrepôts dans lesquels nous stockons 800.000 titres différents pour pouvoir servir au mieux les lecteurs». Romain Voog insiste sur le fait qu’Amazon ne fait pas de concurrence directe aux libraires mais propose plutôt une offre complémentaire. «Nous réalisons 70% de nos ventes sur des livres de fond de catalogue qui ont plus d’un an. Au contraire, les libraires se concentrent sur les nouveautés et ne peuvent pas servir les clients qui demandent des ouvrages plus anciens car ils ne les conservent pas en stock. Nous sommes donc parfaitement complémentaires. Par ailleurs, si l’on regarde les parts de marché, la vente en ligne de livres ne représente que 10% du marché de l’édition. Les grands vendeurs de livres sont les grandes surfaces alimentaires (20% du marché) qui réduisent leurs offres aux best seller, et les grandes surfaces spécialisées dans la culture, qui disposent d’un quart du marché. Les librairies indépendantes conservent encore 20% du marché».

Il avait aussi déclaré aux Echos :

“Chez Amazon, l’analyse de la situation des librairies indépendantes n’était évidemment pas la même. «  Amazon n’est pas responsable de la hausse des charges, notamment celle des loyers », se défendait hier Romain Voog, président d’Amazon France. Le géant américain aux 31 milliards de dollars de chiffre d’affaires mondial au premier semestre (+ 22 %) – les données ne sont pas communiquées pour la France, mais le groupe dit y avoir collecté 158 millions d’euros de TVA l’an dernier – est parti en guerre contre cette proposition de loi. Il a adressé une lettre aux parlementaires pour leur dire tout le mal qu’il en pensait, touchant notamment le point sensible du pouvoir d’achat des Français. «  Nous sommes opposés à une loi dont l’objectif est de renchérir le prix d’accès aux livres sur Internet. C’est une loi discriminatoire », expliquait hier encore Romain Voog. Des propos réitérés par le groupe ce jeudi.

Pour Amazon, cette proposition va aussi à l’encontre de la diversité culturelle : le site met en avant ses 800.000 références en stock, le poids qu’il représente dans le chiffre d’affaires de certains petits éditeurs, qui ont un accès moindre aux réseaux traditionnels de distribution, et les freins que cette disposition ne manquera pas de créer pour le commerce en ligne. «  Je suis surpris de voir des lois contre des acteurs qui ont une démarche positive pour le secteur culturel », concluait Romain Voog. Une certitude, la bataille est encore loin de s’achever.”

III. Des analyses vraiment intéressantes sur Internet

C’est sur Internet qu’on trouve les meilleures analyses, écrits par des non-journalistes – ce qui en dit long sur les soucis de la presse (les journalistes étant pressurés et payés au lance-pierres, ils n’ont pas le temps de bosser et bricolent souvent simplement les dépêches AFP – mais les journalistes finiront comme les libraires à ce rythme…)

Commençons par ce très bon article du site ActuaLitté (en lien avec le secteur, et qui apporte de vraies informations) : Loi Amazon : Supprimer la concurrence de la vente de livres sur Internet Pas anti-Amazon, attention !

On comprend qu’Amazon peste. Et peste deux fois. Selon nos informations, les lobbyistes d’Amazon auraient obtenu une audience auprès du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour tenter de plaider leur cause – et notamment la question du cumul. Le premier ministre aurait renvoyé tout ce joli monde à ses études, évoquant le manque de transparence de la firme américaine sur le territoire français. Et tant que les représentants d’Amazon ne feraient pas d’effort sur ce point, pas question d’écouter ni requêtes, ni doléances.

Surtout que lors de l’examen de la loi Consommation, l’amendement du ministère de la Culture n’était pas passé, du fait de l’intervention d’Arnaud Montebourg, assez proche d’Amazon.

Aurélie Filippetti, bon petit soldat de la librairie

La ministre de la Culture, qui se trouvait dans l’hémicycle ce matin, a pour sa part salué, dans un communiqué, cette décision, comme l’une des « mesures attendues de son plan en faveur de la librairie ». Ce n’est pas tout à fait exact, puisque le plan en faveur de la librairie, tel qu’exposé au Salon du livre de Paris, ne contenait pas de mention à cette question du cumul de frais de port et des 5 %, mais il n’est jamais trop tard pour réécrire l’histoire.

Fin de la concurrence déloyale… vraiment ?

Or, parmi les autres réactions récoltées, le Syndicat de la librairie française, qui en 2008 avait perdu le procès intenté à Amazon, concernant la gratuité des frais de port, évoque « un dispositif équilibré qui va dans le bon sens. L’objectif n’est pas de réduire les ventes d’Amazon, mais qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale ». Il serait intéressant que les différents acteurs impliqués dans ces questions cessent de pratiquer l’euphémisme à outrance, et parlent enfin de législation visant à empêcher toute forme de concurrence tarifaire. Mais sur ce point, il y a bien plus que des progrès législatifs à réaliser.

La députée Europe Écologie les Verts, Isabelle Attard, a été la seule qui ce matin, à l’Assemblée nationale, qui ait tenté de faire prendre un peu de hauteur aux débats en évoquant la question de la fiscalité. Son analyse de la situation mérite d’être reproduite :

Quels sont aujourd’hui les avantages des librairies en ligne ? Selon vous, le principal serait la livraison gratuite. Selon moi, il ne s’agit là que d’un avantage parmi d’autres. Prenons le cas du leader, Amazon. Il dispose d’au moins six avantages stratégiques sur les librairies physiques.

On a aussi un article recherché chez Rue89 : Livres : la loi anti-Amazon, fausse bonne idée ?

Avec leur loi visant Amazon, les députés sont-ils en train de sauver le livre ou d’accélérer sa disparition ?

Une réaction de bon sens d’un blogueur : Loi anti-Amazon : acheter des livres sur le web coûtera plus cher, merci les députés !:

L’objectif des députés est donc de freiner le “méchant” Amazon qui nous fait l’affront d’être plus innovants que nous. [...] Objectif affiché : gêner Amazon et sauver les libraires, qui ferment leurs magasins les uns après les autres parce que les amoureux de la lecture trouvent plus pratique de commander leurs livres sur le web. Salauds de lecteurs… [...]

En attendant, acheter un livre va coûter plus cher. C’est peut-être la “faute” d’Amazon si les Français préfèrent acheter leurs livres sur internet, mais enfin, c’est surtout parce que c’est plus pratique. [...]

Bref, Messieurs les allumeurs de réverbères, si les librairies sont menacées, la lecture a de l’avenir. Je comprends que l’on ait envie d’aider une profession en déclin, mais il y a certainement d’autres moyens que de pénaliser les lecteurs. Notamment les moins fortunés d’entre eux.

Quelques pensées importantes d’un contributeur Atlantico : La loi “anti-Amazon” ou l’étrange défaite de la pensée des élites françaises

C’est une loi injuste : oui, évidemment. Qui est mis à mal par cette loi ? Amazon, un peu. Mais surtout, le pouvoir d’achat des Français, sachant que les augmentations de prix des biens de grande consommation touchent particulièrement les plus pauvres, puisque l’impact proportionnel sur leur budget est plus important. Et aussi, la culture, c’est-à-dire l’accès à la culture : en rendant les livres plus chers, on rend plus difficile l’accès à la culture pour les Français. Lorsqu’on parle de l’exception française, on tend en général deux concepts : la solidarité et l’exception culturelle. Voilà une loi qui va à l’encontre de ces deux concepts dont on nous dit qu’ils sont particulièrement structurants pour la France et qui a été votée à l’unanimité des députés de la République française. [...]

Que c’est une loi qui traîne l’intérêt général dans la boue ? A coup sûr. Cette loi, c’est avant tout la victoire des intérêts particuliers sur l’intérêt général. L’objectif est de défendre les libraires de la concurrence d’internet. Pas la culture. Pas le livre. Les libraires. C’est-à-dire des commerçants. C’est-à-dire une catégorie particulière.

Que c’est une loi qui montre l’alliance de la gauche et de la droite pour prolonger la maladie de la société française ? Oui, bien sûr. La droite veut protéger les intérêts des privilégiés (dont les libraires, en tant que petits commerçants, en France, font assurément partie) ; la gauche, par inculture économique, pense qu’elle protège “la culture” en protégeant les libraires. Et donc les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent et la France s’enfonce.

On pourrait dire tout ça, mais la chose la plus frappante sur cette loi fut le vote à l’unanimité. Pas un juste pour racheter l’Assemblée nationale et la République.

On a là l’exemple frappant du mélange d’ignorance et de lâcheté qui caractérise la démission complète de nos élites politiques.

Je termine par un très très bon article, drôle, d’un contributeur sur Slate : La loi «anti-Amazon», une loi Maginot qui protège les commerçants, pas les lecteurs

Quel est l’enjeu de la proposition adoptée jeudi avec des trémolos dans la voix? Préserver des boutiques, certes sympathiques, ou favoriser la lecture? Préserver quelques gros éditeurs ou favoriser la diversité culturelle?

[...] Pour un peu, les députés nous auraient parlé de l’odeur du livre frais contre l’immonde bouquin surgelé arrivant par la Poste (qui, peut-être, se trouve fort bien d’avoir Amazon pour client avec son modèle économique qui pue la mort à moyen terme).

Eriger une ligne Maginot contre Amazon est évidemment inutile. Pour la simple raison que c’est trop tard. [...]

La Ligne Maginot des 5% est dérisoire. L’achat d’un livre est bien souvent impulsif. Je le vois, j’en ai envie, je l’achète. Je ne vais pas comparer les prix d’une boutique à l’autre ni attendre les soldes parce que, loi Lang oblige, le prix est le même partout. Si c’est trop cher, je tente le bouquiniste ou, plus sûrement, le Bon Coin, eBay… Sinon, je l’achète dès que je le trouve: à Auchan, dans une gare, chez un libraire ou sur Internet.

Or, manque de bol pour nos maginotistes, Internet c’est le mal absolu: en, trois clics, je peux trouver et acheter un livre, tout le temps, même le dimanche. Je peux l’acheter sur mon smartphone, je peux payer en robe de chambre ou à poil, de chez moi, au bureau, en vacances à Kuala-Lumpur. Toutes choses impossibles chez mon libraire (que j’aime beaucoup par ailleurs) et qu’Amazon a rendues simples. Alors, c’est dire si cette grotesque histoire de 5%, les clients d’Amazon s’en fichent comme de leur première connexion 56 kbits. [...]

Un texte à côté de la plaque

Malheureusement, il y a plus grave. Non seulement ce texte est inutile, mais il est nuisible. Car, comme souvent, de plus en plus, le législateur détourne l’attention. Une fois dénoncé le vilain Amazon, croit-on un instant que cela va changer quelque chose pour les libraires? De quoi souffrent-ils? D’une rentabilité en berne, la plus faible des commerces de proximité avec les marchands de journaux (tiens!). Ils ont beau aimer leur métier, il faut aussi qu’ils fassent de l’argent.

Peut-être faut-il s’attaquer aux questions réelles: le partage de la valeur ajoutée entre éditeurs et diffuseurs? Le coût des loyers en centre ville? Si les députés voulaient vraiment défendre les libraires, ils les imposeraient en centre ville, avec un loyer réduit en taxant, tiens pourquoi pas, les opticiens à la rentabilité scandaleusement élevée, ou en restreignant le nombre de boutiques de fringues. Si on veut montrer ses muscles et réguler à tout prix, autant faire preuve d’imagination.

La concurrence déloyale d’Amazon? Elle fait rigoler tout le monde. Il serait temps aussi d’expliquer aux libraires que le papier disparaîtra peut-être, et que si c’est effectivement le cas, il vaut mieux s’y préparer. Que le livre numérique, non, ce n’est pas sale. C’est peut-être moche, ami libraire, mais c’est pratique et, si les éditeurs cessent de s’en mettre plein les poches, bientôt le livre numérique sera vendu trois fois rien. Ton business model est là ami libraire: ta boutique te coûte cher, tu vends les livres cher, ça tient à peu près. Demain, tes clients achèteront des livres numériques, plein, ils liront encore plus. Et les 5%, personne n’y pensera plus.

Et le prix unique du livre, dont on se gargarise tant? Mais il est cher, le livre! Il est sacrément cher! 12, 15, 18 euros pour une nouveauté! 13 euros une BD! Une fois payé le loyer, le chauffage, l’essence, la bouffe, les impôts… il vous reste de quoi acheter combien de livres ?[...]

Car si la représentation nationale voulait vraiment bloquer Amazon, elle s’y prendrait autrement. Elle s’interrogerait sur l’optimisation fiscale. Ou serait imaginative. [...]

A mon grand regret car j’aime bien les libraires, je dois admettre que la réaction d’Amazon est fondée [...]

On protège donc des commerçants, pas des consommateurs. Quel est l’enjeu? Préserver des boutiques, certes sympathiques, ou favoriser la lecture? Préserver quelques gros éditeurs ou favoriser la diversité culturelle ?”

Après ça, le contre-exemple du témoignage-propagande de cette (sympathique) libraire pèse peu (plus c’est gros, plus ça passe…) : Loi anti-Amazon : une bonne nouvelle pour nous, libraires, mais aussi pour les lecteurs.

Comme quoi, l’information existe, mais il faut 2 heures de recherche pour avoir les différents arguments, chose qu’aucun journal n’a hélas été possible de produire…

Demain, dernier billet sur la situation économique des libraires et de ma vision de la loi…

Source: http://www.les-crises.fr/la-loi-anti-amazon/


8013 La situation des librairies

Thursday 17 July 2014 at 01:24

Après le billet sur le projet de loi, dernier billet d’analyse de notre série, avant le dénouement final… :)

Analysons aujourd’hui la situation des libraires.

Les librairies françaises

Nous avons vu dans ce billet qu’il y avait en France environ 25 000 points de vente de livres, dont 15 000 avaient une activité régulière de vente de livres.

Sur ce nombre, il ne restait en 2012 que 3 000 librairies, qui sont spécialisées dans l’activité de distribution de livres (sont donc exclues les grandes surfaces culturelles et alimentaires, les maisons de la presse, la vente à distance…). Sur ce nombre, on compte environ 800 à 900 librairies indépendantes non diversifiées.

Les librairies disposaient en 2012 de 16 000 références actives en moyenne.

Elles représentent environ 20 % des ventes de livres, dans un contexte d’érosion de leur activité et de pertes de parts de marché.

lieux achat du livre

lieux achat du livre

Les 1 000 premiers détaillants (qualifiés de “1er niveau” – libraires et GSS) représentent 60 à 75 % du chiffre d’affaires des éditeurs.

Rappel de la chaîne du livre

Nous avons également vu l’économie du prix du livre :

prix du livre

De par la loi sur le prix unique, le fonctionnement est celui-ci :

  1. l’éditeur fixe le prix de vente de son livre par le libraire (par exemple 20 €) ;
  2. il négocie ensuite avec lui le prix auquel il lui vend son livre (par exemple 13 €), ce qui revient à négocier la marge commerciale, c’est-à-dire le rabais accordé sur le prix de vente final (ici 35 %, pour le libraire).

Le libraire doit donc payer ses frais avec cette marge commerciale.

Résultats financiers du panel

Xerfi a réalisé une étude très intéressante sur les librairies indépendantes pour le Syndicat de la Librairie Française, qui sert de base à l’analyse.

Xerfi a analysé les résultat globaux de la branche des 800 librairies, ainsi que les résultats détaillés d’un panel représentatif de 260 librairies présentes entre 2005 et 2012 (on a donc les résultats moyen d’un libraire ayant au moins 8 ans).

Pour analyse plus fine, Xerfi a scindé le panel entre les petites librairies (P), les moyennes (M) et les grandes (G) :

situation économique  des librairies

Le chiffre d’affaires

Voici l’évolution du CA :

situation économique  des librairies

situation économique  des librairies

situation économique des librairies

On constate que le panel a vu son activité se contracter de 1,5 % en moyenne, et que les petites librairies ont mordu la poussière avec une baisse de 4 % (donc près de -6 % en termes réels…). Elles sont en grave crise, 2012 ayant été la 5e année de suite de baisse d’activité.

Depuis 2005 (base 100 de CA), l’évolution a été la suivante :

situation économique des librairies

Seules les grandes librairies ont progressé sur la période.

Voici le détail suivant les secteurs :

situation économique des librairies

On retrouve bien la nette progression des ventes sur Internet, et la chute d’activité dramatique des petits libraires.

Voici l’évolution annuelle moyenne des ventes entre 2006 et 2012 :

situation économique des librairies

À -4 % par, la situation ne peut perdurer très longtemps…

La marge commerciale

Voici l’évolution de la marge commerciale – dont de la part accordée par les éditeurs :

situation économique  des librairies

On note que la marge moyenne a contenance à croître, et se situe entre 33,5 et 34,5 %.

On constate de façon inattendue que ce sont les petites librairies qui ont la plus forte marge. On s’attend à ce qu’elles aient évidemment les plus gros besoins, mais on constate que les éditeurs jouent le jeu, et les soutiennent malgré leur faible pouvoir de négociation pour qu’elles ne disparaissent pas.

Il y a aussi un effet de composition différente du type d’ouvrages vendus, avec des marges différentes – les plus grandes vendant plus d’ouvrages scolaires ou aux collectivités.

Les charges externes : loyers et le transport

Les libraires ont deux types principaux de charges externes : les loyers et les frais de transport. On regroupe le tout dans le poste Autres Achats et Charges Externes :

situation économique des librairies

Rappelons que les librairies font en moyenne 146 m², contre 154 m² en 2008 – dont 75 % sont réservés à la vente de livres.

On voit que l’effet taille est manifeste : les grandes librairies ont toujours 3 points de CA de charges en moins, ce qui fait environ 10 % de la marge commerciale !

On note aussi l’évolution défavorable : les loyers sont de plus en plus chers, ainsi que le transport (hausse des tarifs des transporteurs, augmentation de taux de retour de 22 % en 2004 à 26 % en 2012 – à la charge des libraires).

Rappelons que plusieurs pays voisins ont un tarif Livres, qui diminue fortement le coût d’expédition – La Poste ayant supprimé les avantages du secteur depuis une quinzaine d’années :

situation économique  des librairies

(Source : Rapport Gaymard sur le livre, 2009)

Les charges internes : salaires

Outre l’achat des livres, les frais de personnel sont le premier poste de charge des libraires :

situation économique des librairies

Rappelons que les librairies comptent 3 employés en moyenne, contre 3,9 personnes en 2008.

On voit que les frais sont ici plus faibles chez les petites librairies. Mais c’est en fait en trompe l’œil, car le dirigeant, parfois seul dans la boutique, n’est pas toujours salarié, ou le salaire peut servir de variable d’ajustement pour équilibrer l’exercice… La situation est encore pire pour l’ensemble des petites librairies de la branche (et pas seulement du panel, où elles ont plus de 8 ans) : 14,8 % contre 17,5 pour les grandes et moyennes librairies.

Les résultats

On a au final pour l’EBE (= CA – charges – frais de personnel, avant les amortissements) :

situation économique des librairies

On note que les petites et moyennes librairies sont dans une situation critique – les petites ayant en plus joué sur le salaire du dirigeant…

Le résultat courant avant impôt (RCAI = EBE – amortissements – opérations financières [= intérêts versés]) :

situation économique des librairies

Le RCAI a été divisé par 3 pour les petites et moyennes librairies, et par 2 pour les grandes !

Le résultat net hors éléments exceptionnels (RNHE = RCAI – Impôt sur les sociétés) :

situation économique des librairies

Là encore, la réalité est pire que ce panel ne montre ; à l’échelle de la branche, le taux de RCAI des petites librairies est négatif (-0,4%) – et ce, bien que de nombreux dirigeants de ces petites librairies aient baissé leur rémunération pour limiter leurs pertes…

Le résultat net y compris éléments exceptionnels (RN = RNHE + éléments exceptionnels [= vente d'actifs, abandons de créances]) :

situation économique  des librairies

Les éléments exceptionnels ont un peu amélioré la situation des P et M, mais ces mesures ne peuvent être pérennes…

Résultats financiers de la branche des libraires

Si on analyse cette fois la branche entière, on a les résultats synthétiques suivants :

situation économique  des librairies

Le plus important est le taux de résultat net hors éléments exceptionnels des petites librairies, qui atteint l’incroyable niveau de -0,6 %, ce qui veut dire qu’en moyenne, l’activité est totalement déficitaire malgré les gros efforts et sacrifices des dirigeants de ces petites structures…

situation économique  des librairies

On note bien que tout se joue en fait dans la ligne “Loyer + Transport”, où les libraires perdent 5 points de marge sur ce poste par rapport aux grandes librairies – et doivent faire de gros efforts sur les rémunérations pour limiter ensuite les pertes.

Si on prend toutes les entreprises de la branche, on arrive à un résultat net de 0,6 %, qui est haut la main le plus faible des commerces de détail :

situation économique des librairies

Comme on achète souvent des lunettes pour lire, à quand une taxe sur les opticiens pour financer les libraires ? :)

Nous proposerons dans le prochain billet des solutions plus sérieuses que celle-là – et que celle du gouvernement…

La situation est en effet très sérieuse pour les petites librairies, qui ne pourront résister longtemps, plombées principalement par leur taille trop réduite qui ne leur permet pas de faire des économies d’échelle suffisantes…

Source : étude Xerfi 2013

Sources plus anciennes : étude Xerfi 2010, étude 2004, étude Librairies dans le monde

P.S. un coup de gueule pour finir. Xerfi a fait un travail très utile, en compilant les résultats obtenus via les greffes des tribunaux de commerce – où le dépôt des comptes est obligatoire et les comptes publics depuis des décennies, sous peine d’amende. On voit tout l’intérêt que cela représente quand on utilise ces données, pour analyser un secteur, le comprendre, et donc prendre les bonnes décisions.

Sauf que Jean-Marc a annoncé tout crânement dans sa politique de simplification administrative qu’il allait supprimer cette atroce contrainte pesant sur les TPE  (bah oui, mettre le compte dans une enveloppe timbrée et la poster, quelle galère ! Mieux vaut perdre de l’information statistique publique précieuse, surtout en temps de crise).

“Dès aujourd’hui, nous décidons la suppression de l’obligation de rendre publics les comptes pour 1,4 million de TPE, une charge inutile”.[Jean-Marc Ayrault, 17/04/2013, La Tribune] [NB cela permet surtout à une entreprise de savoir si son client ne va pas faire faillite avant de la payer, l’entraînant avec lui – mais il ne doit pas pouvoir comprendre ces étranges notions…)

Donc Xerfi ne pourra probablement pas remettre cette étude à jour dans 2 ou 4 ans.

Chapeau l’artiste !

Source: http://www.les-crises.fr/situation-des-librairies/


L’UE est sauvée !

Thursday 17 July 2014 at 00:22

Allez, pour se détendre un peu…

Source: http://www.les-crises.fr/l-ue-est-sauvee/


8012 Le prix du livre

Wednesday 16 July 2014 at 03:28

Suite du billet sur le marché du livre.

I. Le circuit du livre

Comment se fabrique un livre ?

Il est la résultante d’une chaîne d’intervenants.

chaine du livre

1. L’auteur

Évidemment, c’est un peu la base du livre…

On compte en France environ 60 000 auteurs (y compris illustrateurs ou traducteurs), mais seuls 2 500 d’entre eux vivent principalement de leurs droits d’auteur.

En effet, l’auteur touche de 6 % à 10 % du prix de vente. Conseil du blogueur-auteur : si vous voulez écrire un livre principalement pour l’argent, et que vous n’êtes pas Marc Levy, je vous conseille plutôt de coudre des ballons de foot, le taux horaire est bien plus intéressant… :)

2. L’éditeur

L’éditeur a trois fonctions : intellectuelle, économique et technique.

Il sélectionne les manuscrits à publier et prépare la création du livre : traduction éventuelle, travail sur le manuscrit, préparation de l’iconographie, création de la maquette et de la couverture, composition et photogravure…

C’est lui qui finance la création du livre et qui porte l’essentiel du risque financier de l’édition.

Les exportations représentent environ 20 % des 2,6 Md€ du CA des éditeurs.

Le secteur est très concentré : les deux premiers groupes d’édition (Hachette Livre et Editis) totalisent environ 35 % des ventes de livres et les douze premiers éditeurs (Hachette Livre, Editis, France Loisirs, Atlas, Média Participations, Lefebvre Sarrut, Gallimard, La Martinière-Le Seuil, Flammarion, Reed Elsevier, Albin Michel et Wolters Kluwer) près de 80 %. Et les 98 premiers éditeurs représentent 92 % du total. Cependant, l’édition française se caractérise aussi par l’existence de très nombreux acteurs indépendants, aux dimensions variables : on dénombre ainsi plus de 8 000 structures éditoriales, dont 4 000 pour lesquelles l’édition constitue l’activité principale et 1 000 dont l’activité est significative sur le plan économique.

On estime à près de 17 000 le nombre d’emplois salariés dans l’édition de livres.

chaine du livre

3. L’imprimeur

C’est évidemment lui qui fabrique physiquement le livre, en l’imprimant et le façonnant.

Le livre représente environ 10 % de l’activité d’impression en France, et les 300 000 tonnes de papier qu’il consomme représentent 7 % de la consommation totale de papier (35 % pour la presse et 30 % pour les éditions publicitaires).

Environ un quart des entreprises de ce secteur travaille pour l’édition de livres, soit quelque 300 sociétés de plus de dix salariés.

Les coûts de fabrication du livre sont à la baisse depuis de nombreuses années.

Si le livre « noir » (roman, essai…) est encore principalement imprimé en France, les éditeurs font de plus en plus souvent appel, pour les livres illustrés, à des
imprimeurs européens ou asiatiques. Une étude de l’ADEME a même indiqué que 60 % des livres commercialisés en France étaient imprimés à l’étranger.

4. Le diffuseur

Le diffuseur est chargé de la promotion du livre, en faisant connaître les ouvrages auprès des libraires et, plus généralement auprès de l’ensemble des revendeurs. Il s’appuie principalement sur la force de vente constituée de plusieurs représentants. Il organise des campagnes promotionnelles, s’assure de la mise en place du livre dans les différents points de vente et du réassort.

Le club de livres est une autre forme de diffusion où les adhérents reçoivent périodiquement à domicile des propositions d’achat de titres ayant fait l’objet d’éditions particulières par des entreprises spécialisées comme France-Loisirs, le Grand Livre du Mois ou Jean de Bonnot.

5. Le distributeur

Le distributeur a un rôle logistique, commençant chez l’imprimeur et se terminant chez le libraire. Il réalise l’ensemble des tâches liées à la circulation physique des livres (stockage, transport…) et à la gestion des flux entre l’éditeur ou son diffuseur et le détaillant : emballage, mise en place, traitement des commandes, expédition et transport, facturation, recouvrement, traitement des retours…

L’activité de distribution est donc la plus industrialisée de la chaîne du livre, nécessitant des investissements très lourds, ce qui explique qu’elle soit également la plus concentrée, la plupart des structures de distribution appartenant aux grands groupes d’édition. 5 sociétés se partagent ainsi environ 80 % du marché français : Hachette, Interforum (groupe Editis), Sodis (groupe Gallimard), Volumen (groupe La Martinière) et Union Distribution (groupe Flammarion).

6. Le libraire

Le libraire vend directement au public, mais aussi aux bibliothèques, qui offrent un accès non marchand au livre.

La France compte environ 25 000 lieux de vente, dont 15 000 ont une activité véritablement régulière de vente de livres, et seuls 3 000 à 4 000 d’entre eux exercent cette activité à
titre principal ou réalisent une part significative de leur chiffre d’affaires avec le livre.

Les 1 000 premiers détaillants (ce qui correspond au « 1er niveau », selon la classification des diffuseurs, et inclut des chaînes et des GSS) représentent 60 à 75 % du chiffre d’affaires des éditeurs.

Les libraires représentent environ 15 000 emplois.

On distingue principalement au niveau des circuits de vente :

Voici les lieux d’achats :

lieux achat du livre

Et voici donc l’évolution de la part des différents lieux d’achat du livre, en fonction des ventes réalisées, qui nous intéressera pour la suite de notre étude :

lieux achat du livre

lieux achat du livre

lieux achat du livre

lieux achat du livre

[Exemple : "Grandes surfaces généralistes" = Carrefour, "Grandes surfaces culturelles"= FNAC, "Courtage" : vente en porte à porte]

Voici l’évolution 2003-2012 :

lieux achat du livre

On note la forte croissante des ventes par Internet, qui se sont faites au détriment principal des Clubs et du courtage.

Il est enfin intéressant de souligner les différences entre les grands circuits de vente :

Internet offre évidemment un large choix au niveau des références (83 % de toutes les références possibles y ont été vendues).

Voici le palmarès des ventes des deux circuits :

Plus largement :

Il est surtout intéressant de voir que 73 % des ventes sur Internet concernent des ventes qui ne dépassent pas 1 000 exemplaires (vieilles éditions en général) : contrairement à une idée reçue, les ventes sur Internet de diminuent pas le nombre de références vendues, elles les augmentent fortement ! C’est une source de diversité et non pas d’uniformisation – quiconque a un peu surfé sur Amazon connait la capacité diabolique du site à vous conseiller des livres qui vous intéressent bigrement…

II. Le Prix du livre

Les coûts du livre se décomposent ainsi au niveau de la chaîne de valeur :

prix du livre

prix du livre

Ainsi, quand le livre sort de presse, les opérations de vente vont faire doubler son coût – auteur, éditeur et imprimeur touchant moins de la moitié du prix de vente.

L’évolution récente des prix a été la suivante :

prix moyen du livre

On constate enfin sur le prix moyen la différence de positionnement des hypermarchés :

prix moyen du livre

III. Le Prix Unique

Depuis l’invention de l’imprimerie, les éditeurs ont gardé la main sur la fixation du prix du livre.

La Fnac a bouleversé la pratique historique des “prix conseillés” en 1972, annonçant qu’elle allait proposer des réductions de 20 % sur ce prix, suivie par le groupe Leclerc qui proposait alors des rabais de 40 %.

Après une brève expérience de libéralisation totale du prix du livre à la toute fin des années 1970, la loi Lang sur le prix unique du livre a été voté le 10 août 1981.

Son principe est simple :

Cette loi a clairement permis de préserver un vaste réseau de librairies – c’est pourquoi elle a largement été copiée dans le monde.

C’est donc un joli succès, mais tout n’est pas rose, et l’actualité nous incite à réfléchir plus avant à cette thématique…

Nous analyserons prochainement le projet de loi en cours de discussion au Parlement sur ce sujet…

chaine du livre

Source: http://www.les-crises.fr/le-prix-du-livre/


8011 Le marché du livre

Wednesday 16 July 2014 at 01:14

Aujourd’hui, zoom sur le marché du livre – qui est, pour l’Unesco, une « publication non périodique imprimée comptant au moins 49 pages et offerte au public ». [Je vous passe la définition du livre par les services fiscaux des années 1970 : « un livre est un ensemble imprimé, illustré ou non, publié sous un titre, ayant pour objet la reproduction d’une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture », qui fait depuis 2005 15 lignes]

I. Historique long

Pour l’histoire du livre, je vous renvoie vers Wikipédia.

Mais ce graphique résume fort bien la révolution issue de l’invention de l’imprimerie, avec une diffusion des savoirs sans commune mesure avec les époques précédentes en Europe :

marché du livre

Pour une meilleure vision, le même en échelle logarithmique (attention à l’interprétation, elle n’est pas du tout linéaire entre les graduations)

marché du livre

Voici la part de la France – autour d’un tiers en général :

marché du livre

II. Le marché français du livre

Le livre est de loin le principal produit culturel :

marché du livre

Voici l’évolution de la production commercialisée de nouveaux livres dans les 40 dernières années :

marché du livre

La production de nouveaux livres est passée de 5 000 titres par an à 15 000 entre 1810 et 1910.

Elle a stagné ensuite jusqu’en 1980, ou elle a doublé en 15 ans, avant de doubler de nouveau les 15 années suivantes ! Ceci s’explique principalement par la baisse du coût global de fabrication, issu des progrès techniques.

Voici la répartition des nouveautés :

marché du livre

Voici l’évolution des ventes :
marché du livre

[NB : c'est volontairement que je commence le graphique à l'ordonnée 0, sinon on fausse l'impression générale en zoomant - ce qui est une erreur ou une manipulation classique dans beaucoup de médias... Voici le zoom récent]

marché du livre

Globalement, le marché ne se porte pas trop mal : bien sûr, il a baissé de 5 à 10 % depuis la crise, mais un peu moins de 450 millions de livres ont néanmoins été vendus en 2012. On observe une nette hausse depuis les 300 millions vendus annuellement au début des années 1990, même ramenée par habitant :

marché du livre

La production ayant été de 630 millions d’exemplaires (60 % de nouveautés et 40 % de réimpressions), le taux moyen d’invendus est de près de 25 %.

Le tirage moyen est de l’ordre de 7 000 exemplaires, et il est en baisse régulière (puisque le nombre de nouveautés a quadruplé…).

Il y a eu environ 700 000 références différentes vendues au moins une fois en 2012. Pour information, il y a environ 130 millions de titres sur la planète selon Google.

À cela, s’ajoutent 300 millions de prêts en bibliothèques.

Voici la répartition des ventes :

marché du livre

et le détail pour les passionnés :

marché du livre

En terme de dynamique d’évolution :

Le palmarès 2012 des ventes a été le suivant :

marché du livre

marché du livre

Le marché du livre représente 4,5 Md€ :

marché du livre

Environ 430 M€ de droits d’auteurs sont reversés aux auteurs.

Voici l’historique long du Chiffre d’Affaires des éditeurs :
marché du livre

marché du livre

Environ 25 % des ventes sont des livres de poche, représentant 13 % du chiffre d’affaires des éditeurs.

Le livre numérique ne représente toujours que 2 % du chiffre d’affaires des éditeurs – environ 2 millions d’exemplaires ont été vendus en 2012.

Environ 17 % des ventes sont des traductions, des langues suivantes :

marché du livre

Et voici les pratiques des français :

marché du livre

marché du livre

marché du livre

“La diminution du nombre de forts et moyens lecteurs continue tandis que la part de faibles lecteurs augmente (53 % des Français déclarent « lire peu ou pas du tout de livres » en 2008). Par ailleurs, « chaque nouvelle génération arrive à l’âge adulte avec un niveau d’engagement inférieur à la précédente, si bien que l’érosion des lecteurs quotidiens de presse et des forts lecteurs de livres s’accompagne d’un vieillissement du lectorat ». Ainsi, entre autres exemples : en 1997, 83 % des 15-24 ans avaient lu au moins un livre dans les 12 derniers mois (dont 20 % de forts lecteurs) ; en 2008, ils ne sont plus que 78 % dans cette tranche d’âge (dont 15 % de forts lecteurs). (Source)

Dans le prochain billet, nous nous intéresserons au prix du livre

Sources : Syndicat National de l’Édition et Rapport Gaymard de 2009.

Source: http://www.les-crises.fr/le-marche-du-livre/


3e blog français en juin : merci à vous !

Wednesday 16 July 2014 at 00:01

Résultat incroyable du travail réalisé en juin : le site a été classé par e-buzzing comme le 3e blog français, toutes catégories confondues ! (Classement des blogs suivant le score calculé par Ebuzzing sur la base de nombreux paramètres (réseau de liens du blog à partir des autres blogs, partages de ses billets sur Facebook, Twitter, …))

Merci donc à vous – pour votre fidélité, votre soutien et votre aide !

Résultat bien entendu éphèmère (je ne peux garder un tel rythme bien, longtemps – et ce n’est pas très grave), mais cela fait quand même très plaisir – surtout en étant resté toute l’année 1er blog économique!

Bon été à toutes et à tous :)

Olivier Berruyer

Source: http://www.les-crises.fr/3e-blog-francais-en-juin-merci-a-vous/


[Exclusif] Le Manifeste du front populaire de libération de l’Ukraine

Tuesday 15 July 2014 at 03:18

Je vous propose aujourd’hui la traduction exclusive d’un document fort intéressant, Le Manifeste du front populaire de libération de l’Ukraine.

On peut discuter le fond, mais cela me semble important de le lire pour comprendre le point de vue des russophones. Et cela a un petit parfum de Commune 1870…

En introduction, je reprends la présentation de Karine Bechet-Golovko.

Présentation

Dans un premier temps, le mécontentement populaire, organisé et structuré, a donné Maïdan. Pour les droits sociaux, contre les oligarques et le pouvoir de la corruption qui détruit l’État. Avec le coup d’État à Kiev, les oligarques ont pris les régions, se sont appuyés sur des forces armées radicales, et certaines néo-nazies, pour assurer leur pouvoir par la force. Une autre voie n’était pas possible : il fallait asservir la population par la peur. Finalement, les radicaux sont sur-représentés à la rada et un autre oligarque a pris le pouvoir, grâce à l’élection présidentielle, dont la campagne fut téléguidée, préparée et financée de l’étranger. Maïdan a perdu, le peuple ukrainien est à nouveau dépossédé et pressuré. En réaction, le sud-est se soulève et prend les armes. D’une intervention “anti-terroriste”, Kiev a fini, par incompétence politique ou par volonté profonde, par provoquer une guerre civile qui permet un nettoyage ethnique. Dans ce contexte, Novorossia est reconstituée par référendum local, les armes grondent, les civils meurent sous les coups de l’armée ukrainienne ou sont évacués malgré l’absence de corridor humanitaire. Dans ce contexte difficile, les dirigeants de Novorossia tentent de se positionner politiquement. Non, ils ne sont pas séparatistes, ils veulent vivre en Ukraine mais dans une autre Ukraine. Non ils ne sont pas pro-russes, ils sont ethniquement russes, pour une Ukraine libre, réellement européenne comme elle l’a toujours été et non corrompue, ce qu’elle n’est pas. Le Manifeste du Front Populaire de Libération Ukrainien est adopté.

Le 7 juillet, à Yalta, des représentants de différentes régions d’Ukraine, de différentes forces politiques, de différentes organisations agissant en Ukraine, ont adopté un Manifeste qui, pour la première fois, pose la vision politique de ce mouvement de résistance armée.

Habituellement, les combattants dans le Donbass sont considérés comme pro-russes, car contre le pouvoir à Kiev, comme si le seul fait de s’opposer au coup d’État faisaient d’eux des séparatistes pro-russes. Habituellement, ils sont montrés comme des marionnettes à la solde de Moscou qui tire les ficelles dans la région pour déstabiliser l’Ukraine, voire “annexer” les territoires contestataires, pour reprendre une expression qui plait aux médias occidentaux.

Or, ce Manifeste a pour but non seulement d’expliquer les buts politiques de la démarche des résistants, mais également de casser certaines images un peu trop confortables et trop éloignées de leur réalité.

On remarquera que l’internet russe le diffuse pour l’instant sans réels commentaires. On le trouve même sur le site des Echos de Moscou, ce qui est à la fois intéressant et surprenant. Il semble s’agir d’un acte important pour la compréhension de l’évolution politique de la situation en Ukraine, mais un acte que pour l’instant aucun média internet ne prend le risque de vraiment analyser. Un virage politique est pris ici, mais l’on ne sait pas encore ni sur quoi il va déboucher, ni s’il pourra arriver à son terme.

En ce qui concerne le texte lui-même, je ne vais pas le traduire, mais en donner les points qui me semblent les plus importants. Il montre ici l’échec de la révolution du Maïdan, car celle-ci a débouché sur la prise de pouvoir des oligarques, aidés par le bras armé des groupes extrémistes, constitués et de fanatiques et de contractuels. Il s’agit donc de revenir aux débuts de la contestation: un pouvoir qui appartienne au peuple, fonctionnant sur le mode de la représentation par des délégués, par l’intermédiaire d’élections et de référendums, contre la corruption, le pouvoir des oligarques, des bandits et contre l’intervention des forces étrangères.

Le but est l’établissement en Ukraine d’un régime social (par opposition au néolibéralisme prôné actuellement comme parangon des valeurs européennes), orienté vers l’individu, mais également un État libéral qui permette de créer son entreprise sans risque d’être attaqué par les bandits et les fonctionnaires corrompus, un État fédéral ou confédéral – comme les régions en décideront elles-mêmes. Bref, un État qui permette le respect de chacun, qui permette de reconstruire le lien social entre tous les habitants de l’Ukraine, qui, rappelons-le, sont ethniquement très diversifiés (russes, roumains, bulgares, polonais, etc). Pour restaurer le Vivre ensemble. C’est idéaliste? C’est un idéal, comme tout projet politique.

Si la population de l’Est s’est soulevée en premier, c’est parce qu’elle est doublement attaquée, rappelle le Manifeste: comme les autres, elle est attaquée sur le plan social et économique (réduction des salaires, des pensions, augmentation des prix, réduction des aides sociales, déstructuration de la médecine etc, sous le joug du FMI ou de l’Union européenne, pour obtenir des aides financières, sans lesquelles l’Ukraine ne peut plus vivre). Mais cette population est également attaquée dans ses fondements culturels, avec l’interdiction d’enseigner la langue russe, de tourner des films en russe, etc. Cette double attaque, et fondamentale car contre le “banditisme néolibéral” caché sous des couleurs européennes, et culturelle pour l’identité russe, a provoqué la révolte du Donbass.

Mais comme cette révolte n’a pas été écoutée, comme la volonté du nouveau pouvoir néolibéral extrémiste de Kiev a été d’empêcher toute contestation politico-juridique par la destitution immédiate de la Cour constitutionnelle, l’intimidation contre les députés et les demandes d’interdiction des partis politiques de réduire par les armes toute contestation, les habitants de la région ont pris les armes. Pour eux, le recours à la force est nécessaire pour se défendre, c’est un moyen de lutte pour arriver au résultat espéré, la libération de l’Ukraine.

Quant au soutien de Moscou, ils estiment que leur combat, principalement, dérange les élites russes, qui auraient préféré rapidement négocier avec Kiev la fin des hostilités, trouver un compromis et continuer leur business. Mais comme la population révoltée ne baisse pas les bras, comme une grande partie de la population russe les soutient, les élites russes sont obligées, au minimum, de faire semblant de soutenir le combat mené et de ne pas complètement le lâcher.

Bref, dans l’ensemble, nous sommes face à la seconde phase révolutionnaire ukrainienne. Sur le plan institutionnel, le modèle politique présenté est très simpliste, c’est un modèle populaire/révolutionnaire intermédiaire, fondé sur les représentants et les assemblées, mais permettant de sortir de cette gabegie sanglante et de construire ensemble des institutions qui correspondent à la volonté des habitants du pays.

Le premier Maïdan fut objectivement un échec, aucune des demandes des premiers manifestants ne fut satisfaites, bien au contraire. Aujourd’hui, en fait, ces demandes premières sont reprises par les combattants de l’Est.

Je serai vraiment curieuse de voir si nos élites bienpensantes, nos chercheurs et sociologues, qui se sont tellement attachés aux revendications du premier Maïdan, vont mettre autant de vigueur pour soutenir ce mouvement populaire-là. Car, pour eux la question est simple: ils sont contre la corruption, les oligarques, l’extrémisme, pour le respect de l’autre, le combat pour le vivre ensemble, ou bien cela dépend-il de qui formule ces revendications ?

, RussiePolitics

Le Manifeste

Quel est le but de notre lutte ?
La construction sur le territoire de l’Ukraine d’une république populaire équitable, sociale, sans les oligarques et la corruption de la bureaucratie.

Qui sont nos ennemis ?
Les élites dirigeantes libéral-fascistes – l’union criminelle des oligarques, des bureaucrates, des forces de sécurité, et du crime organisé, servant les intérêts des États étrangers.

Qui sont nos alliés ?
Tous les gens de bonne volonté qui reconnaissent les idéaux de justice sociale et qui sont prêts à se battre pour eux, pas ceux qui ont accepté l’état libéral-fasciste sur le territoire de l’Ukraine, indépendamment de leur citoyenneté et de la nationalité.

Qu’est-ce que la république sociale populaire pour laquelle nous nous battons ?
La république sociale populaire, c’est une forme d’organisation politique de la société, dans laquelle :

Quelles sont les méthodes de notre lutte ?
Pour atteindre l’objectif fixé (la création sur le territoire de l’Ukraine de la république sociale populaire), nous sommes prêts à appliquer des méthodes de lutte violentes ou pacifiques. Nous considérons qu’un peuple armé est seul capable de protéger sa liberté, mais la violence n’est qu’un moyen forcé (de derniers recours) pour atteindre un objectif politique.

Ce qui se passe sur le territoire de l’Ukraine ?
Sur le territoire de l’Ukraine se produit un soulèvement de libération populaire contre le pouvoir libéral-fasciste, qui tente à l’aide de la terreur et de la propagande d’affermir dans notre pays un capitalisme libéral-fasciste et criminel.

Qu’est-ce que l’Ukraine ?
L’Ukraine est un territoire entre l’Union Européenne et la Russie avec des traditions chrétiennes (principalement orthodoxes), peuplée par des peuples divers (Ukrainiens, Russes, Biélorusses, Moldaves, Bulgares, Hongrois, Roumains, Polonais, Juifs, Arméniens, Grecs, Tartares, Ruthènes, Houtsoules, etc.) et qui a des siècles de tradition populaire d’autonomie politique et de lutte pour la liberté populaire.

Ce qui se passe au Sud-Est de l’Ukraine (Novorossia) ?
Dans le Sud-Est (Novorossia) se produit un soulèvement populaire contre le parti libéral-fasciste au pouvoir, établie à Kiev avec l’argent et l’appui de patrons occidentaux. Dans cette rébellion prennent participation tous les peuples : les Ukrainiens, les Russes, les Grecs, les Arméniens, les Juifs, les Hongrois, les Roumains et ainsi de suite.

Est-ce une guerre entre les Russes et les Ukrainiens dans le Sud-Est (Novorossia)?
Ce n’est pas la guerre entre les Russes et les Ukrainiens, comme le dit la propagande libérale-fasciste, c’est une insurrection des peuples opprimés contre l’ennemi criminel commun – le parti libéral-fasciste capitaliste.
Des deux côtés du front combattent des Russes et des Ukrainiens (ainsi que d’autres peuples).
Du côté des «autorités de Kiev», des mercenaires et des oppresseurs dupés par la propagande se battent pour les intérêts du grand capital criminel et de la bureaucratie malfaisante, alors que du côté du Sud-Est (Novorossia), les insurgés défendent les intérêts du peuple et son avenir libre, équitable et démocratique.

Les intérêts des russes et des ukrainiens sont ils différents dans les événements qui se déroulent en Ukraine ?
Les Russes et les Ukrainiens sont unis par les mêmes intérêts socio-politiques – la libération de l’Ukraine du pouvoir du capital criminel, de la bureaucratie criminelle, des services de force criminels, et du crime organisé.

Pourquoi la révolte dans le Sud-Est (Novorossia) se passe sous des slogans russes ?
Parce que la population russe et russophone d’Ukraine s’est trouvée dans la double oppression socio-économique (tout comme la population ukrainophone), mais aussi culturel et politique.
L’oppression Socio-économique, c’est la corruption, le régime d’illégalité, le pouvoir du crime, l’impossibilité de mener une entreprise normalement et d’avoir une vie normale, des salaires de misère, d’être dépendant des «maîtres de la vie» – c’est la norme de l’existence de chaque citoyen travailleur de l’Ukraine.
L’interdiction de la langue russe dans les régions où 90 % et plus de la population, pense et parle en russe (c’est environ la moitié du territoire de l’Ukraine), l’interdiction de l’enseignement de la langue russe dans les écoles, l’interdiction de la publicité et du cinéma russe, l’interdiction d’utiliser le russe dans le domaine juridique et dans la pratique administrative et beaucoup d’autres interdictions et exigences absurdes et ségrégationnistes – c’est une humiliation de plus de la population russophone de l’Ukraine par le pouvoir criminel libéral-fasciste.
C’est pourquoi les Russes et russophones se sont soulevés en premier.
Et c’est le tour de tous les peuples opprimés de l’Ukraine !

Pourquoi la Russie aide le Sud-Est de l’Ukraine (Novorossia)?
Une grande partie de l’élite russe a peur de la protestation socio-politique populaire. Elle se ferait un plaisir de trouver un accord avec le pouvoir de Kiev et de mettre fin à la guerre dans le Sud-Est (Novorossia). Mais la fureur du soulèvement populaire contre le capitalisme oligarcho-bureaucratique libéral-fasciste ne le permet pas. Les peuples de la Russie soutiennent la juste lutte du Sud-Est de l’Ukraine (Novorossia). Et cela oblige toute l’élite de la Russie (russe d’origine, mais pas d’opinion) de maintenir ou de faire semblant, souvent à l’encontre de ses intérêts stratégiques, qu’elle soutient la rébellion du Sud-Est de l’Ukraine.

Pourquoi les États-UNIS et de l’UE aident le régime de Kiev ?
L’objectif principal des États-Unis, c’est l’affrontement avec la Russie, son principal concurrent géopolitique. Les États-Unis doivent soit créer un État ukrainien anti-russe avec des bases de l’OTAN aux frontières de la Russie, soit semer le chaos, en déstabilisant la région.
L’UE a besoin de marchés supplémentaires pour écouler ses marchandises et des sources de matières premières bon marché.

Qu’est-ce qui soutient la lutte du Sud-Est de l’Ukraine (Novorossia) ?
La lutte des peuples d’Ukraine, dont le Sud-Est (Novorossia) est la base de support, est soutenu et développée par la volonté inébranlable des peuples d’Ukraine de se libérer de la domination des élites libéral-fascistes au pouvoir et par la prise de conscience progressive de leurs intérêts socio-politiques et des objectifs de la lutte.

Est-ce que la lutte dans le Sud-Est (Novorossia) soutient le séparatisme ?
Non, le territoire de la lutte est l’ensemble du territoire de l’Ukraine. Les rebelles du Sud-Est (Novorossia) tendent la main à leurs frères et sœurs dans toutes les régions de l’Ukraine avec l’appel : «Levez-vous contre l’ennemi commun!»
Nous allons créer une nouveau pouvoir populaire libre et socialement responsable sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine et de la Novorossia.

Que se passera-t’il après la victoire de la révolution de libération populaire et la naufrage du régime libéral-fasciste ?
La formation d’un nouvel état sur le territoire de l’Ukraine, dans lequel le pouvoir appartiendra au peuple, non pas en paroles, mais en actes.
La population de chaque région va déterminer l’avenir de sa région par la voie d’un référendum (comme forme suprême de la démocratie) et choisira soit de rester dans le cadre d’un état uni fédéral (ou confédéral), soit de devenir indépendante.

Comment se construira le pouvoir politique après la victoire de la révolution de libération populaire ?
Le pouvoir politique sera fondée sur le principe de la représentation populaire directe (démocratie) – du bas vers le haut.
Les organes de la Démocratie vont se former, en commençant par les Conseils régionaux et le Conseil Suprême, selon le principe de la représentation des délégués des territoires ; des délégués des organisations des travailleurs, des corporations professionnelles et des syndicats ; des délégués de organisations politiques, religieuses et communautaires.
Les pilier de la Démocratie populaire seront les conseils locaux.
Ils délègueront des représentants dans les conseils régionaux.
L’organe suprême de la représentation populaire (Conseil Suprême) se composera de délégués des conseils régionaux.
Le Conseil suprême choisira le gouvernement, responsable devant le peuple en la personne de ses représentants.
Nous préconisons l’éligibilité des juges et des chefs des structures des forces de l’ordre sur le terrain (localement).

Quels seront les droits de régions à la suite de la victoire de la révolution de libération populaire ?
Chaque région aura le droit de disposer de sa Constitution ou d’un autre document fondamental pour garantir aux peuples résidant sur son territoire leurs principaux droits politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux.
Chaque région sera en droit de choisir, outre les langues nationales, les langues régionales pour le développement culturel, politique, juridique ou administratif.
Chaque région aura le droit de former son budget sur la base de l’imposition des personnes physiques ou juridiques exerçant des activités sur son territoire.
Chaque région sera en droit d’avoir une activité autonome dans le commerce extérieur.

Quelles seront les responsabilités des régions à la suite de la victoire de la révolution de libération populaire ?
Chaque région sera obligée d’acquitter une partie de ses impôts dans le fond anti-crise commun (pour les circonstances de catastrophe naturelle ou autres cataclysmes).
Chaque région sera obligé d’acquitter une partie de ses impôts pour les besoins généraux de l’État national – la défense, le dépenses de l’appareil d’état commun, la construction de structures d’importance nationale.
Chaque région devra obéir aux principes nationaux communs des rapports réciproques du travail et du capital, des libertés civiles et politiques.
Chaque région doit maintenir l’ordre et protéger les droits et les libertés des citoyens, dans le cadre de la législation nationale.

Ce sont les principes de base et les objectifs de notre combat.
Chaque honnête citoyen et patriote doit les accepter et les soutenir.

Nous comptons sur la solidarité internationale et le soutien de tous ceux pour qui les idéaux d’égalité, de démocratie et de justice sociale ne se traduisent pas qu’en paroles mais en faits.

Ensemble – nous vaincrons !

Approuvé par la résistance de la conférence de Yalta 07/07/2014

Traduit par Philippe Deville pour www.les-crises.fr

Source : Msk, et RabKor

Edit : institutions ukrainiennes signataires :

Centre de coordination et de soutien de la Fédération ukrainienne – Центр координации и поддержки украинской федерации
Union des citoyens ukrainiens – Союз украинских граждан
Parti “Borotba” – Партия «Боротьба»
Garde Slave (Zaporozhye) – Славянская гвардия (Запорожье)
Union populaire (Kharkiv) – Народный союз (Харьков)
Garde de Lugansk – Луганская гвардия

(Source)

Source: http://www.les-crises.fr/manifeste-fpl-ukraine/


Léonarda contre Hollande, le match retour

Tuesday 15 July 2014 at 00:23

Je suis tombé sur ça, et c’est tellement éloquent, que je ne résiste pas au plaisir de reprendre.

P.S. tout commentaire xénophobe sera comme toujours censuré.

Le père de Leonarda : «Attention, j’arrive en France !»

Leonarda se trouve actuellement avec sa mère et trois de ses frères en Croatie, pays membre de l’Union européenne. Munis de passeports croates, les Dibrani pourraient revenir prochainement en France.

«Attention, j’arrive en France!». Resat Dibrani, le père de Leonarda, est encore plus déchaîné qu’à l’ordinaire. La lycéenne rom expulsée de France l’an dernier, explique-t-il au Figaro, se trouve actuellement, avec sa mère et trois de ses frères, en Croatie, pays membre de l’Union européenne. Munis de titres de voyages fournis par l’ambassade de Croatie à Pristina, Leonarda, sa mère Xhemila et trois de ses frères séjournent depuis jeudi chez le frère de Resat Dibrani, à Sisak, à 60 km au sud-est de Zagreb. «Lundi, ils auront les passeports, jubile le père. Et dans une semaine, quinze jours, on partira, toute la famille ensemble! Comme ça, ma femme – enceinte de huit mois et demi – accouchera à l’hôpital de Pontarlier, là où est née Medina (la fille cadette des Dibrani, Ndlr)».

Mme Dibrani et cinq de ses six enfants détenaient des passeports croates dont la validité avait expiré. De surcroît, selon l’AFP, Mme Dibrani possède un certificat de citoyenneté croate dit «domovnica» délivré le 17 janvier 1973 à Vinkovci (est de la Croatie), sous son nom de jeune fille, Braimi. Fin mai, la famille avait demandé à l’ambassade de Croatie au Kosovo de nouveaux passeports croates.

«On va leur montrer à Hollande et à Valls qui est le chef!»

Quant à Resat Dibrani, qui possède un passeport kosovar, il est encore à Mitrovica avec sa plus jeune fille Medina, 2 ans, et Maria, 17 ans, qui possède un passeport croate mais est restée s’occuper de sa petite sœur. La famille va désormais s’atteler à obtenir un passeport croate pour la plus jeune des Dibrani et, d’un autre côté, à légaliser le mariage entre Resat et Xhemila, ce qui permettrait au père de famille d’obtenir lui aussi le précieux document. «On ne change pas de nationalité: on est croates! Les enfants sont nés en Italie, s’égosille le père de Leonarda. On va leur montrer à Hollande et à Valls qui est le chef! On va leur dire en face! Ils ne me croyaient pas quand on disait qu’on était européens. Ils nous ont renvoyés au Kosovo comme des animaux, avec de faux papiers. Ah, le préfet du Doubs, il va être bien dans la merde!»

Et les Dibrani, poursuit le père, ne s’arrêteront pas là… «Il faut que toute l’Europe sache ce qu’a fait la France, tonne-t-il. Nous allons aller à la Cour de Strasbourg (la Cour européenne des droits de l’homme, Ndlr), pour demander des dommages et intérêts. La France, maintenant, on va la faire payer!»

Source : Le Figaro

Bercoff : «Léonarda à l’Élysée»

Magnifique Europe, magique Schengen, c’est la lutte finale, accueillons et demain, le regroupement familial fera le genre humain. On croyait en avoir fini avec le feuilleton Dibrani qui fit, il n’y a guère, les délices des écrans et des gazettes. L’on se rappelle la séquence poétique où le président de la République expliquait que Léonarda pouvait rentrer seule sans sa famille, pendant que, sur l’autre moitié de l’écran, l’héroïne kosovare affirmait qu’il n’en était pas question, gagnant ainsi, l’espace d’une nouvelle chute dans les sondages, ses galons de chef de l’opposition anti-Hollande. Eu égard à la crise de l’UMP, il paraît difficile que la jeune Dibrani en prenne la tête, encore que son efficacité médiatique n’est plus à démontrer.

Mais voici que commence le second round: le père de Léonarda, Resat Dibrani, contre-attaque en expliquant que les quatre-cinquièmes de sa famille sont Croates, que lui-même va obtenir cette nationalité en épousant la mère de ses enfants, et qu’ainsi toute sa tribu pourra rentrer triomphalement en France, puisque la Croatie fait partie de l’Union Européenne. Et le glorieux géniteur n’y va pas de main morte: «On va leur montrer, à Hollande et à Valls, qui est le chef. La France, on va la faire payer. Nous irons jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme».

Les Dibrani sont exemplaires: ils ont compris les règles du jeu. Ils y vont franco de port, défiant un président de la République et un chef de gouvernement qui, du temps où il était ministre de l’Intérieur, s’était vivement opposé à leur retour. Dilemme cornélien. Ruses de la raison. Le fondement du pouvoir entre deux chaises: respecter les sacro-saintes règles européennes d’un côté, se faire respecter de l’autre. Est mis en lumière le piège qui semble se refermer sur les socialistes, qui doivent obéir à l’Europe et qui, dans le même temps, essayent de limiter au maximum les arrivées massives en douce France. Double peine pour l’Elysée-Matignon: de la main droite, on démantèle les camps de Roms, on expulse à Calais et ailleurs ; de la main gauche, on clame sa générosité et sa solidarité avec les damnés de la terre. Schizophrénie utile quand on est dans l’opposition, irritante, voire ruineuse quand on tient le gouvernail.

Rien n’est joué. Mais si les Dibrani réussissent à revenir légalement dans le Doubs, Hollande se devra de les accueillir à l’Elysée. Il convient en effet, devant pareil exploit, que l’ordre des choses permet aujourd’hui, de se montrer beau joueur.

Droit européen : Leonarda peut-elle vraiment revenir en France ?

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Reviendra, reviendra pas ? Alors que la famille Dibrani multiplie les provocations, certaine de son retour prochain en France, Henri Labayle nous explique pourquoi ce retour est légal, et comment l’Etat pourrait s’y opposer.

Henri Labayle est professeur agrégé des facultés de droit françaises, en poste à la faculté de Bayonne, à l’université de Pau. Il dirige le CDRE, laboratoire de recherches spécialisé en matière européenne et notamment en matière de droits fondamentaux, d’immigration et de sécurité intérieure. Il est également membre du réseau Odysseus et directeur du GDR «Droit de l’espace de liberté, sécurité, justice».

FigaroVox. – Le père de Leonarda a déclaré au figaro.fr que sa famille et lui sont à deux doigts de revenir en France. Un retour de Leonarda et de sa famille est-il possible? Par quel procédé?

Henri LABAYLE.- C’est le «buzz» du printemps, puisque, quelques jours avant les élections européennes, M. Resat Dibrani avait affirmé que sa famille sollicitait des passeports croates auprès de l’ambassade de Croatie à Pristina. Ils les auraient apparemment obtenus, sachant que, d’ores et déjà, une partie de la famille (la mère et cinq des six enfants) disposait de tels documents, dont la durée de validité avait simplement expiré.

Leur stratégie est d’une simplicité biblique: elle consiste à se placer sous le statut d’un citoyen européen pour bénéficier de l’une de ses principales conséquences, le droit à circuler librement dans l’Union. Il semblerait d’ailleurs que les intéressés envisageaient également une démarche similaire en direction de la Serbie. Devenus croates, les membres de la famille Dibrani seraient de ce fait des citoyens de l’Union susceptibles de circuler librement dans l’espace européen y compris en France, puisque la Croatie fait partie de l’Union depuis le 1er juillet 2013. Hier kosovars, ils ne pouvaient pénétrer librement en France; demain croates, ils sont parfaitement en droit d’exercer cette prérogative…

En fait comme en droit, les choses sont un peu plus complexes. Il faut distinguer ce qui relève de la libre circulation et ce qui relève du droit au séjour d’un citoyen européen.

Pour ce qui est de la première, elle peut être exercée pendant une période ne dépassant pas trois mois sans aucune formalité particulière, à la simple condition de disposer de documents d’identité valides. Ce serait ici le cas.

Pour ce qui est du séjour, outre le fait que les ressortissants croates ne sont pas admis à accéder librement au marché du travail français jusqu’en 2015, la législation de l’Union, et plus précisément la directive 2004/38, cherche à «éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour». Concrètement, cela signifie que les personnes économiquement non actives comme le serait la famille Dibrani n’ont le droit de séjourner dans un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois que s’ils disposent, pour eux et pour les membres de leurs familles, d’une assurance maladie complète et de ressources financières suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil. Au vu du dossier, on peut aisément conclure que le séjour sera compliqué à obtenir…

C’est donc bien d’un retour de la famille Dibrani en France au titre de la libre circulation qu’il serait question. A ce stade, il paraît parfaitement légitime. Disposant de documents d’identité en règle, les Dibrani peuvent revendiquer l’exercice de cette liberté fondamentale. Soyons bien clairs pour ne donner prise à aucune déformation politique: durant ces trois premiers mois, le droit de l’Union n’oblige pas l’État membre d’accueil à accorder une assistance sociale aux citoyens de l’UE qui ne sont pas économiquement actifs. Il suffit de lire l’article 24 de la directive 2004/38 pour s’en convaincre.

L’Etat français peut-il légalement empêcher ce retour? Par quels moyens?

A priori, et dans un cas normal, je suis tenté de vous répondre immédiatement non, car ce droit est un élément central du statut de la citoyenneté européenne, auquel la Cour de justice accorde une protection particulière. Pourtant, vu le cas d’espèce, la détermination des autorités françaises à s’y opposer me semble fondée.

Cette construction européenne d’ensemble repose évidemment sur la bonne foi de ses destinataires. La maladresse ostentatoire avec laquelle les Dibrani s’en prennent aux autorités françaises risque en réalité de se retourner contre eux puisqu’ils revendiquent ouvertement leur volonté de contourner l’éloignement dont ils avaient été l’objet en instrumentalisant leur nouvelle nationalité.

Les États membres peuvent en effet adopter, de façon proportionnée, les mesures nécessaires pour refuser tout droit conféré par la directive 2004/38 «en cas d’abus de droit ou de fraude». On vise ici généralement les mariages de complaisance, mais les questions de nationalité peuvent parfaitement s’inscrire dans cette logique.

Les autorités françaises vont donc vraisemblablement avancer que la nouvelle identité de la famille Dibrani prête à caution. Acquise de façon assez curieuse après qu’ils ont déjà invoqué une nationalité italienne lors du premier éloignement, elle pourrait être révélatrice d’un «abus de droit», plutôt que d’une fraude, comme M. Fabius l’a évoqué, si ces passeports ont été justement acquis. L’«abus de droit» est parfaitement connu du droit de l’Union. Il consiste en un comportement artificiel, adopté dans le seul but d’obtenir le droit de circuler et de séjourner librement en vertu du droit de l’Union, malgré un éventuel respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’UE.

Dans ces conditions, soit les autorités françaises s’opposeront à l’entrée de la famille sur le territoire soit elles procèderont à un éloignement.

Cette atteinte grave au droit fondamental à la libre circulation est évidemment susceptible d’être plaidable par les Dibrani, sans garantie absolue de succès, loin de là de mon point de vue. La Commission elle-même, d’ordinaire très pointilleuse sur ces questions, reconnaissait ainsi récemment que «dans les cas où le droit à la libre circulation est exercé de manière abusive ou obtenu de manière frauduleuse, les personnes pourront être considérées comme une menace grave pour l’ordre public, justifiant un éloignement et, dans certains cas, une interdiction de réadmission, en fonction de la gravité de l’infraction».

La publicité que se donne le père de Leonarda Dibrani, ajoutée à la sensibilité extrême des Etats membres concernant le «tourisme social» dans l’Union, me conduit à penser que la fermeté prévaudra, y compris dans le prétoire.

Existe-t-il d’autres cas de fraude à la nationalité dans l’Union européenne?

Hélas oui, et l’on a déjà cité les mariages de complaisance qui sont utilisés ici comme en matière d’immigration normale, même si cela est très réduit. La Commission a réalisé une étude, à laquelle la France n’a pas daigné répondre, qui démontre que le phénomène existe même s’il est résiduel.

Plus surprenant, un certain nombre d’Etats à la recherche de subsides ont même imaginé séduire des investisseurs au moyen de titres de séjour ou vendre des passeports entraînant possession de la citoyenneté européenne. Malte s’est ainsi attiré justement les foudres de la Commission et du Parlement européen pour avoir mis la barre à 650.000 euros (http://www.gdr-elsj.eu/2014/01/27/elsj/les-programmes-nationaux-de-vente-de-passeports-la-citoyennete-europeenne-a-lencan/). Que cet Etat membre ait reculé en fin de compte ne change rien à la réalité prévalant dans près d’une dizaine d’Etats, qui offrent des «visas gold» sous forme de titre de séjours aux investisseurs fortunés ou créateurs d’emplois.

Le cas Leonarda est-il révélateur d’un mauvais fonctionnement de l’Union européenne et plus généralement de failles du droit européen?

Sincèrement, je ne le pense pas. Il faut relativiser les choses en assumant le fait que toute règle de droit provoque malheureusement des comportements de transgression, en Europe comme ailleurs, même si le pragmatisme de ma remarque n’est guère politiquement correct. Aller passer un diplôme médical ou paramédical en Belgique pour contourner la difficulté ou le numerus clausus français relève-t-il d’une inspiration fondamentalement différente de la chasse au passeport de complaisance? Cela mérite débat …

L’exposition médiatique franco-française de l’affaire alliée à son caractère délibérément provocateur explique son retentissement. Quelques remarques de bon sens et constats chiffrés l’éclairent.

D’abord, c’est un fait mesuré par Eurostat, l’Office européen des statistiques, la libre circulation des citoyens de l’Union est beaucoup moins importante que l’immigration ordinaire, moins de 3% de la population de l’Union. Elle est très majoritairement le fait de personnes exerçant une activité professionnelle, et, pour ce qui est des citoyens européens non actifs, les 600.000 étudiants séjournant dans un autre Etat que le leur occupent une place importante, sans parler des retraités.

Dans la plupart des cas, les citoyens européens sont des contributeurs nets au régime de protection sociale du pays d’accueil, c’est-à-dire qu’ils paient davantage de taxes et de cotisations de sécurité sociale qu’ils ne reçoivent de prestations.

Ensuite, la vieille histoire de la poutre et de la paille se vérifie ici une fois encore. Se pencher sur les fraudes et abus divers suscités en matière sociale par les propres citoyens de chaque Etat confirme que la fraude n’a rien de propre au droit européen. L’accusation est ici réelle mais elle ne doit pas faire de l’Europe un bouc émissaire tant elle est circonscrite, tout simplement en raison du faible nombre de personnes concernées. Ce qui ne rend en rien excusables les comportements révélés dans l’affaire Dibrani, qui sont dévastateurs auprès des opinions publiques nationales.

Enfin, et là la réflexion est plus sensible, le lien entre ces pratiques et les élargissements successifs de l’Union est révélateur. La Croatie choisie par M. Dibrani est entrée il y a quelques mois dans l’Union. Qui se souvient de l’esquisse d’un débat public à ce propos? Par ailleurs, la facilité avec laquelle les législations nationales peuvent octroyer des nationalités de complaisance est revendiquée par ces Etats et fondée sur les traités qu’ils ont négociés…

Aussi, comment se plaindre dans le même temps d’un «trop d’Europe» et en fustiger les insuffisances?

Source : Le Figaro

P.S. Voilà ce qui arrive quand on ne fait plus de référendums pour élargir l’UE…

Source: http://www.les-crises.fr/leonarda-contre-hollande-le-match-retour/