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Revue de presse du 11/01/2015

Sunday 11 January 2015 at 01:38

Cette semaine, nous irons de la Chine jusque dans les cabines à UV australiennes… et nous commençons plusieurs sujets suivis qui devraient s’étaler sur quelques semaines. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-11-01-2015/


Charlie Hebdo pas raciste ? Si vous le dites… par Olivier Cyran

Saturday 10 January 2015 at 05:00

Primo, condamnons sans équivoque la barbarie de ce crime indéfendable.

Secundo, honorons la mémoire des victimes et pensons à leurs proches

Tertio, à l’heure où on veut nous obliger à hurler “Je suis Charlie”, n’oublions pas ce que c’est non plus et ce qu’on veut nous faire endosser… D’où cette mise au point utile d’un des anciens de Charlie Hebdo, écrite il y a 1 an.

Désolé, je voulais attendre 1 mois plein avant de remettre ceci sur le tapis, mais le fil des événements, ainsi que l’expérience du 11 septembre me pousse à contrecoeur à traiter de ces sujets plus tôt.

Non, “Charlie Hebdo” n’est pas raciste !, par Charb

Tribune dans Le Monde du 20/11/2013 de Charb (Directeur de publication “Charlie Hebdo”) et Fabrice Nicolino (Journaliste)

>Toute la rédaction de Charlie Hebdo se joint aux auteurs de cette tribune.

Charlie, notre Charlie Hebdo a mal aux tripes et au coeur. Car voilà qu’une incroyable calomnie circule dans des cercles de plus en plus larges, qui nous est rapportée chaque jour. Charlie Hebdo serait devenu une feuille raciste.

Un jour, un chauffeur de taxi arabe exige de l’un des collaborateurs du journal, reconnu par lui, qu’il descende aussitôt, au motif de dessins moquant la religion musulmane. Un autre jour, un interlocuteur nous refuse un entretien pour la raison qu’il “ne parle pas à un journal de gros racistes”. Et, quand le crapuleux Minute s’en prend de la manière que l’on sait à Christiane Taubira, il se trouve des imbéciles, jusque dans les télévisions, pour accoler des couvertures de notre journal à celles de ce torchon raciste.

PROCÈS EN SORCELLERIE

Mais où est passée la conscience morale, si toutes les vilenies deviennent à ce point ordinaires ? Nous avons presque honte de rappeler que l’antiracisme et la passion de l’égalité entre tous les humains sont et resteront le pacte fondateur de Charlie Hebdo.

Bien entendu, le procès en sorcellerie que tant d’esprits faibles nous font ne peut être mené qu’en secret, loin de la lumière, en l’absence de toute défense. Car la lecture de notre journal est la preuve définitive de ce que nous affirmons ici. Ceux qui osent dire le contraire ne nous lisent pas, et se contentent de se délecter d’une abominable rumeur.

Pour les autres, qui respectent encore des valeurs élémentaires, voici en quelques phrases notre histoire. Créé après l’interdiction d’Hara Kiri hebdo par le ridicule pouvoir gaulliste de 1970, Charlie Hebdo est fils de Mai 68, de la liberté, de l’insolence, et de personnalités aussi clairement situées que Cavanna, Cabu, Wolinski, Reiser, Gébé, Delfeil de Ton…

Qui oserait leur faire un procès rétrospectif ? Le Charlie Hebdo des années 1970 aura aidé à former l’esprit critique d’une génération. En se moquant certes des pouvoirs et des puissants. En riant, et parfois à gorge déployée, des malheurs du monde, mais toujours, toujours, toujours en défendant la personne humaine et les valeurs universelles qui lui sont associées.

L’un des drames des calomniateurs, c’est que Cavanna, Cabu, Wolinski sont toujours là, fidèles au poste chaque semaine, sans avoir jamais renié une once de leur passé. Contrairement à tant d’autres, qui ont eu le temps, en quarante années, de changer plusieurs fois de costume social, l’équipe de Charlie continue sur la même route.

Nous rions, nous critiquons, nous rêvons encore des mêmes choses. Ce n’est pas trahir un secret : l’équipe actuelle se partage entre tenants de la gauche, de l’extrême gauche, de l’anarchie et de l’écologie. Tous ne votent pas, mais tous ont sablé le champagne quand Nicolas Sarkozy a été battu en mai 2012.

NOUS AVONS CHOISI NOTRE CAMP

Aucun d’entre nous ne songerait à défendre la droite, que nous combattrons jusqu’au bout. Quant aux fascismes, quant au fascisme, nous considérons évidemment cette engeance comme un ennemi définitif, qui ne s’est d’ailleurs jamais privé de nous traîner devant les tribunaux.

Ouvrez donc ce journal ! Jean-Yves Camus y suit avec la rigueur qu’on lui connaît l’activité des extrêmes droites. Laurent Léger dévoile les turpitudes des réseaux si étendus de la corruption. Bernard Maris décortique l’économie et le capitalisme comme aucun autre. Patrick Pelloux raconte avec douceur les horreurs des urgences hospitalières. Gérard Biard ferraille contre le sexisme et la pub. Zineb el Rhazoui critique – oui, et de belle manière – les insupportables manifestations de certain islamisme. Fabrice Nicolino regarde le monde en écologiste radical, mais humaniste. Sigolène Vinson détaille le quotidien absurde de tant de tribunaux. Luce Lapin défend avec une opiniâtreté sans borne les animaux, ces grands absents du débat. Antonio Fischetti raconte la science, les sciences avec drôlerie et impertinence. Philippe Lançon proclame chaque semaine la victoire de la littérature sur la télé. Et puis tous les autres ! Quant aux dessinateurs, qui ne connaît leur trait ?

De Charb à Riss, de Luz à Willem, de Riad Sattouf à Tignous, en passant par Honoré, Catherine et bien sûr Wolin et Cabu, ils font rire chaque semaine ceux qui n’ont pas renoncé à être libres.

Où seraient cachés les supposés racistes ? Nous n’avons pas peur d’avouer que nous sommes des militants antiracistes de toujours. Sans nécessairement avoir une carte, nous avons choisi dans ce domaine notre camp, et n’en changerons évidemment jamais. Si par extraordinaire – mais cela n’arrivera pas – un mot ou un dessin racistes venaient à être publiés dans notre hebdomadaire, nous le quitterions à l’instant, et avec fracas. Encore heureux !

Reste dans ces conditions à comprendre pourquoi. Pourquoi cette idée folle se répand-elle comme une maladie contagieuse ? Nous serions islamophobes, disent nos diffamateurs. Ce qui, dans la novlangue qui est la leur, signifie racisme. Où l’on voit combien la régression a gagné tant d’esprits.

NOUS CONTINUERONS, BIEN SÛR

Il y a quarante ans, conspuerexécrer, conchier même les religions était un parcours obligé. Qui entendait critiquer la marche du monde ne pouvait manquer de mettre en cause les si grands pouvoirs des principaux clergés. Mais à suivre certains, il est vrai de plus en plus nombreux, il faudrait aujourd’hui se taire.

Passe encore que Charlie consacre tant de ses dessins de couverture aux papistes. Mais la religion musulmane, drapeau imposé à d’innombrables peuples de la planète, jusqu’en Indonésie, devrait, elle, être épargnée. Pourquoi diable ? Quel est le rapport, autre qu’idéologique, essentialiste au fond, entre le fait d’être arabe par exemple et l’appartenance à l’islam ?

Nous refusons de nous cacher derrière notre petit doigt, et nous continuerons, bien sûr. Même si c’est moins facile qu’en 1970, nous continuerons à rire des curés, des rabbins et des imams, que cela plaise ou non. Nous sommes minoritaires ? Peut-être, mais fiers de nos traditions en tout cas. Et que ceux qui prétendent et prétendront demain que Charlie est raciste aient au moins le courage de le dire à voix haute, et sous leur nom. Nous saurons quoi leur répondre.

Charlie Hebdo pas raciste ? Si vous le dites… par Olivier Cyran

Tribune d’an ancien de Charlie Hebdo du 5/12/2013

Il y a travaillé de 1992 à 2001, avant de claquer la porte, échaudé par « la conduite despotique et l’affairisme ascensionnel » d’un certain Philippe Val. Depuis, Olivier Cyran observe de loin, hors les murs, l’évolution de Charlie Hebdo et sa grandissante obsession pour l’islam. Il revient sur cette longue dérive à l’occasion d’une tribune récemment publiée dans Le Monde, signée Charb et Fabrice Nicolino.

Cher Charb, cher Fabrice Nicolino,

« Et que ceux qui prétendent et prétendront demain que “Charlie” est raciste aient au moins le courage de le dire à voix haute, et sous leur nom. Nous saurons quoi leur répondre. » En lisant cette rodomontade à la fin de votre tribune dans Le Monde1, façon « viens nous le dire en face si t’es un homme », j’ai senti monter comme une envie de rejoindre mon poste de combat dans la cour de récré. La sommation ne m’était pourtant pas destinée. Quelles bonnes âmes vous espérez convaincre, d’ailleurs, mystère. Cela fait belle lurette que quantité de gens disent à « voix haute » et « sous leur nom » ce qu’ils pensent de votre journal et du fonds de sauce qui s’en écoule, sans que personne chez vous ne se soit soucié de leur répondre ou d’agiter ses petits poings.

Ainsi donc Le Monde vous a charitablement ouvert son rayon blanchisserie, pour un repassage express de votre honneur tout chiffonné. À vous entendre, il y avait urgence : même plus moyen de sortir dans Paris sans qu’un chauffeur de taxi vous traite de racistes et vous abandonne les bras ballants sur le bord du trottoir. On comprend la vexation, mais pourquoi ce besoin d’aller vous refaire une beauté dans un autre journal que le vôtre ?Charlie Hebdo, son site internet et sa maison d’édition ne vous offrent donc pas un espace d’expression à la hauteur ? Vous invoquez le glorieux héritage du « Charlie » des années 1960 et 70, quand c’était la censure du pouvoir politique et non la hantise du discrédit qui donnait du fil à retordre au journal. Mais je doute qu’à l’époque un Cavanna ou un Choron eussent quémandé l’aide de la presse en redingote pour se façonner une respectabilité.

S’il m’est arrivé à moi aussi, par le passé, de griffonner quelques lignes fumasses en réaction à tel ou tel de vos exploits, je ne me suis jamais appesanti sur le sujet. Sans doute n’avais-je ni la patience ni le cœur assez bien accroché pour suivre semaine après semaine la navrante mutation qui s’est opérée dans votre équipe après le tournant du 11 septembre 2001. Je ne faisais déjà plus partie de Charlie Hebdo quand les avions suicide ont percuté votre ligne éditoriale, mais la névrose islamophobe qui s’est peu à peu emparée de vos pages à compter de ce jour-là m’affectait person

nellement, car elle salopait le souvenir des bons moments que j’avais passés dans ce journal au cours des années 1990. Le rire dévastateur du « Charlie » que j’avais aimé sonnait désormais à mes oreilles comme le rire de l’imbécile heureux qui se déboutonne au comptoir du commerce, ou du cochon qui se roule dans sa merde. Pour autant je n’ai jamais qualifié votre journal de raciste. Mais puisque aujourd’hui vous proclamez haut et fort votre antiracisme inoxydable et sans reproches, le moment est peut-être venu de considérer sérieusement la question.

Raciste, Charlie Hebdo ne l’était assurément pas du temps où j’y ai travaillé. En tout cas, l’idée qu’un jour le canard s’exposerait à pareil soupçon ne m’a jamais effleuré. Il y a avait bien quelques franchouillardises et les éditos de Philippe Val, sujets à une fixette inquiétante et s’aggravant au fil des ans sur le « monde arabo-musulman », considéré comme un océan de barbarie menaçant de submerger à tout instant cet îlot de haute culture et de raffinement démocratique qu’était pour lui Israël. Mais les délires du taulier restaient confinés à sa page 3 et ne débordaient que rarement sur le cœur du journal qui, dans ces années-là, me semblait-il, battait d’un sang plutôt bien oxygéné.

À peine avais-je pris mes cliques et mes claques, lassé par la conduite despotique et l’affairisme ascensionnel du patron, que les tours jumelles s’effondrèrent et que Caroline Fourest débarqua dans votre rédaction. Cette double catastrophe mit en branle un processus de reformatage idéologique qui allait faire fuir vos anciens lecteurs et vous en attirer d’autres, plus propres sur eux, et plus sensibles à la « war on terror » version Rires & Chansons qu’à l’anarchie douce d’un Gébé. Petit à petit, la dénonciation en vrac des « barbus », des femmes voilées et de leurs complices imaginaires s’imposa comme un axe central de votre production journalistique et satirique. Des « enquêtes » se mirent à fleurir qui accréditaient les rumeurs les plus extravagantes, comme la prétendue infiltration de la Ligue des droits de l’homme (LDH) ou du Forum social européen (FSE) par une horde de salafistes assoiffés de sang2. Le nouveau tropisme en vigueur imposa d’abjurer le tempérament indocile qui structurait le journal jusqu’alors et de nouer des alliances avec les figures les plus corrompues de la jet-set intellectuelle, telles que Bernard-Henri Lévy ou Antoine Sfeir, cosignataires dans Charlie Hebdo d’un guignolesque « Manifeste des douze contre le nouveau totalitarisme islamique 3 ». Quiconque ne se reconnaissait pas dans une lecture du monde opposant les civilisés (européens) aux obscurantistes (musulmans) se voyait illico presto renvoyé dans les cordes des « idiots utiles » ou des « islamo-gauchistes ».

À Charlie Hebdo, il a toujours été de bon ton de railler les « gros cons » qui aiment le foot et regardent TF1. Pente glissante. La conviction d’être d’une essence supérieure, habilitée à regarder de très haut le commun des mortels, constitue le plus sûr moyen de saboter ses propres défenses intellectuelles et de les laisser bailler au moindre courant d’air. Les vôtres, pourtant arrimées à une bonne éducation, à des revenus confortables et à l’entre-soi gratifiant de la « bande à Charlie », ont dégringolé à une vitesse ahurissante. Je me souviens de cette pleine page de Caroline Fourest parue le 11 juin 2008. Elle y racontait son amicale rencontre avec le dessinateur néerlandais Gregorius Nekschot, qui s’était attiré quelques ennuis pour avoir représenté ses concitoyens musulmans sous un jour particulièrement drolatique.

Qu’on en juge : un imam habillé en Père Noël en train d’enculer une chèvre, avec pour légende : « Il faut savoir partager les traditions ».

Ou un Arabe affalé sur un pouf et perdu dans ses pensées : « Le Coran ne dit pas s’il faut faire quelque chose pour avoir trente ans de chômage et d’allocs ».

Ou encore ce « monument à l’esclavage du contribuable autochtone blanc » : un Néerlandais, chaînes au pied, portant sur son dos un Noir, bras croisés et tétine à la bouche.

Racisme fétide ? Allons donc, liberté d’expression ! Certes, concède Fourest, l’humour un peu corsé de son ami « ne voyage pas toujours bien », mais il doit être compris « dans un contexte néerlandais ultratolérant, voire angélique, envers l’intégrisme ». La faute à qui si les musulmans prêtent le flanc à des gags difficilement exportables ? Aux musulmans eux-mêmes et à leurs alliés trop angéliques, ça va de soi. Comme l’enseigne Nekschot aux lecteurs de Charlie Hebdo, « les musulmans doivent comprendre que l’humour fait partie de nos traditions depuis des siècles ».

Personne chez vous n’a claqué sa démission après cette page insuffisamment remarquée, qui après tout ne faisait que consacrer le processus entamé six ou sept ans plus tôt. Vos sortes de tolérances vous regardent. Mais quand je lis dans votre tribune du Monde : « Nous avons presque honte de rappeler que l’antiracisme et la passion de l’égalité entre tous les humains sont et resteront le pacte fondateur de Charlie Hebdo », la seule information que je retiens, c’est que votre équipe ne serait donc pas totalement inaccessible à la honte. Vraiment ?

Après le départ en 2009 de Val et de Fourest, appelés à de plus hautes destinées, l’un à la tête d’une radio publique, l’autre sur les podiums de l’antiracisme gouvernemental, on se demandait si vous continueriez à faire du Val sans lui et de la Fourest sans elle. Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous êtes restés fidèles à la ligne. Imprégnés jusqu’au trognon, faut croire.

Aujourd’hui, les mouches qu’un Tignous n’omet jamais de faire tourner autour de la tête de ses « barbus » se collent plus que jamais à votre imaginaire dès que vous « riez » des musulmans. Dans une vidéo postée fin 2011 sur le site de Charlie Hebdo, on te voyait, Charb, imiter l’appel du muezzin sous les hoquets hilares de tes petits camarades. Tordant, le numéro de la psalmodie coranique à l’heure du bouclage, Michel Leeb n’aurait pas fait mieux. Dans quelle marinade collective faut-il macérer pour en arriver là ? Dans quelles crevasses psychologiques puisez-vous matière à « rire » d’un dessin représentant des femmes voilées qui exhibent leurs fesses pendant qu’elles font leur prière à la « mère Mecquerelle » ? Minable vanne même pas honteuse, embarrassante d’imbécilité avant même que d’être révélatrice d’un état d’esprit, d’une vision du monde.

C’est ce dessin de Catherine qui me vient à l’esprit, mais je pourrais en citer tant d’autres parmi les épanchements de gaudriole islamophobe que vous autres, fabricants d’humour gonflé aux vents du temps, dégazez à longueur de semaines. Ce dessin-là accompagnait une pseudo-enquête sur les « djihadistes du sexe » en Syrie 4. Un « scoop » dont on apprenait peu de temps après – il est vrai qu’on s’en doutait un peu à la lecture – que c’était un tissu d’âneries bidonné à des fins de propagande 5. À noter que vous n’avez même pas retiré cette daube de votre site web : apparemment, certains sujets se prêtent mieux que d’autres au relâchement. Quand on rigole avec la femme voilée, on peut bien se laisser aller, s’autoriser un peu de confusion entre info croustillante en papier mâché et poilade de salle de garde.

Mais je ne vous écris pas pour vous parler de bon goût, plutôt de ce pays que vous avez contribué à rendre plus insalubre. Un pays qui désormais interdit à une femme de travailler dans une crèche au motif que le bout de tissu qu’elle porte sur la tête traumatiserait les bambins. Où une élève de troisième coiffée d’un bandana jugé trop large se fait exclure de son collège avec la bénédiction d’un maire UMP, du ministre socialiste de l’Éducation nationale et de la presse écumante 6. Où l’on peine à trouver un comptoir de bistrot ou une table de fins lettrés sans qu’à un moment ne se déverse le genre de blagues qui, à « Charlie », vous font péter les boyaux le jour du bouclage. Où l’on considère comme une avant-garde de la cinquième colonne toute femme qui se couvre les cheveux, au point qu’on lui interdit de participer à une sortie scolaire ou de faire du bénévolat aux Restos du cœur 7.

Je sais qu’à vos yeux ces vigoureuses dispositions sont cruciales pour la survie de la république et de la laïcité. Récemment, vous avez jugé utile de publier une interview de votre avocat, Richard Malka, le valeureux défenseur de Clearstream, de DSK et de l’esprit des Lumières. « Le voile, c’est l’anéantissement, l’ensevelissement du triptyque républicain “Liberté, Égalité, Fraternité” 8 », pérorait votre bavard comme à un concours d’éloquence pour vendeurs d’aspirateurs9. Faudrait déjà qu’il nous explique en quoi ce fameux triptyque a une existence concrète et au bénéfice de qui, mais passons. Ce qu’il enfonce dans la tête de vos lecteurs, pourtant déjà abondamment instruits en la matière, c’est que quelques centimètres carrés de coton éventuellement mêlé de polyester menacent de répandre la peste sur notre beau pays. Que ce voile est si dangereusement infecté qu’il ne serait pas sage de prêter attention à l’individu qui le porte.

Je dois préciser à ce stade que, personnellement, je n’ai aucun « problème » avec le bonnet de ma tante ou les dreadlocks de mon cousin, et que je n’en ai pas davantage avec le voile de ma voisine. Si cette dernière me confiait qu’elle le porte contre son gré, j’aurais certainement le réflexe de l’encourager à trouver les moyens de vivre comme elle l’entend. Je réagirais de même si on l’obligeait à porter des bas résille ou le kilt écossais. En dehors d’un tel scénario, qu’une femme décide ou non de porter telle ou telle liquette ne me regarde pas. Que ce soit pour des motifs personnels, religieux, esthétiques ou autres, c’est son affaire. Étonnante, cette manie qu’ont les gens dans ce pays de projeter leurs fantasmes sur un carré d’étoffe, qui l’aliénation de la femme, qui la peur de l’invasion islamique, qui la défense du droit masculin à la drague capillaire, etc. Peu m’importent le voile, les talons hauts ou même le t-shirt Camaïeu made in Bangladesh, du moment que la personne dessous, dessus ou dedans mérite le respect. Où en sommes-nous rendus pour qu’il faille réhabiliter un principe aussi évident ? Essayez-le, vous verrez : c’est le meilleur préventif contre l’ulcère à l’estomac et la sauce blanche dans la tête.

Le pilonnage obsessionnel des musulmans auquel votre hebdomadaire se livre depuis une grosse dizaine d’années a des effets tout à fait concrets. Il a puissamment contribué à répandre dans l’opinion « de gauche » l’idée que l’islam est un « problème » majeur de la société française. Que rabaisser les musulmans n’est plus un privilège de l’extrême droite, mais un droit à l’impertinence sanctifié par la laïcité, la république, le « vivre ensemble ». Et même, ne soyons pas pingres sur les alibis, par le droit des femmes – étant largement admis aujourd’hui que l’exclusion d’une gamine voilée relève non d’une discrimination stupide, mais d’un féminisme de bon aloi consistant à s’acharner sur celle que l’on prétend libérer. Drapés dans ces nobles intentions qui flattent leur ignorance et les exonèrent de tout scrupule, voilà que des gens qui nous étaient proches et que l’on croyait sains d’esprit se mettent brusquement à débonder des crétineries racistes. À chacun sa référence : La journée de la jupe, Elisabeth Badinter, Alain Finkielkraut, Caroline Fourest, Pascal Bruckner, Manuel Valls, Marine Le Pen ou combien d’autres, il y en a pour tous les goûts et toutes les « sensibilités ». Mais il est rare que Charlie Hebdo ne soit pas cité à l’appui de la règle d’or qui autorise à dégueuler sur les musulmans. Et comme vos disciples ont bien retenu la leçon, ils ne manquent jamais de se récrier quand on les chope en flag’ : mais enfin, on a bien le droit de se moquer des religions ! Pas d’amalgame entre la critique légitime de l’islam et le racisme anti-arabe !

C’est évidemment ce même sillon que vous labourez dans votre tribune du Monde. « Passe encore, vous lamentez-vous, que Charlie consacre tant de ses dessins de couverture aux papistes. Mais la religion musulmane, drapeau imposé à d’innombrables peuples de la planète, jusqu’en Indonésie, devrait, elle, être épargnée. Pourquoi diable ? Quel est le rapport, autre qu’idéologique, essentialiste au fond, entre le fait d’être arabe par exemple et l’appartenance à l’islam ? »

Je veux bien tâcher d’éclairer vos lanternes sur ce point, mais permettez-moi d’abord d’apprécier la vicieuse petite incise dans laquelle vous resservez en loucedé le vieux plat sur l’islam-religion-conquérante qui fait rien qu’à croquer la planète. L’islamisation de l’archipel indonésien a commencé au XIIIe siècle, quand des princes de Sumatra se sont convertis à la religion des marchands perses et indiens qui faisaient bombance dans leurs ports – non sous la contrainte, mais par désir d’intégrer un réseau commercial prospère. Plus tard, au XVIIIe siècle, ce sont les colons hollandais, chrétiens irréprochables, qui se sont arrangés pour imposer l’islam à Java, en vue de soustraire sa population à l’influence séditieuse des Balinais hindouistes. On est loin de l’imagerie du farouche bédouin réduisant à sa merci des peuples exotiques, à laquelle se résume apparemment votre connaissance du monde musulman.

Mais revenons à la question du « rapport » entre Arabes et musulmans, racisme et islamophobie. La démarcation que vous tracez avec une belle assurance entre les deux catégories est-elle vraiment si claire dans vos esprits ? À lire le début de votre tribune, il est permis d’en douter. L’édifiante anecdote du « chauffeur de taxi arabe », qui refuse de conduire à bon port un collaborateur du journal « au motif de dessins moquant la religion musulmane », révèle à cet égard une certaine confusion. En quoi la qualité d’« arabe » prêtée au chauffeur – qui d’après vous ne saurait donc être simplement français – nous renseigne-t-elle sur l’affront subi par votre infortuné collègue ? Croyez-vous qu’il faille être « arabe » pour froncer le nez devant vos beaufitudes de fin de banquet ? Moi qui ne suis ni arabe ni chauffeur de taxi, pas sûr que je dépannerais votre collaborateur d’un ticket de métro. J’espère néanmoins qu’il aura surmonté son choc des civilisations en se dégotant un chauffeur blanc qui l’accepte sur sa banquette arrière.

Vous avez raison, arabe et musulman, ce n’est pas la même chose. Mais vous savez quoi ? Musulman et musulman, ce n’est pas pareil non plus. Sachez qu’il y en a de toutes sortes, riches ou pauvres, petits ou grands, sympathiques ou revêches, généreux ou rapiats, désireux d’un monde meilleur, réactionnaires ou même, oui, intégristes. Or, dans Charlie Hebdo, rien ne ressemble davantage à un musulman qu’un autre musulman. Toujours représenté sous les traits d’un faible d’esprit, d’un fanatique, d’un terroriste, d’un assisté. La musulmane ? Toujours une pauvre cloche réductible à son foulard, et qui n’a d’autre fonction sociale que d’émoustiller la libido de vos humoristes.

Parlant de cela, il y aurait beaucoup à dire sur la composante graveleuse de votre inspiration. L’euphorie avec laquelle Charlie Hebdo a acclamé les militantes topless des Femen suggère que le graillon islamophobe s’agrège parfaitement aux éclaboussures de testostérone.

L’ode de Bernard Maris à Amina Sboui, une Femen tunisienne qui avait posé torse nu sur Internet, offre un bon échantillon de la mayonnaise hormonale qui colle à vos pages : « Montre tes seins, Amina, montre ton sexe à tous les crétins barbus habitués des sites pornos, à tous les cochons du désert qui prêchent la morale à domicile et se payent des escorts dans les palaces étrangers, et rêvent de te voir lapidée après t’avoir outragée… Ton corps nu est d’une pureté absolue en face des djellabas et des niqabs répugnants 10. » Allo, docteur ?

Vous avez le toupet d’accuser vos détracteurs d’« essentialisme », et sans doute les bulbes congestionnés qui vous vénèrent applaudiront-ils l’acrobatie. Mais on n’est pas au cirque. L’essentialisme, vous vous y vautrez chaque semaine ou presque en racialisant le musulman sous les traits d’une créature constamment grotesque ou hideuse. Ce qui définit la vision dominante du « racialisé », « c’est qu’il est tout entier contenu dans ce qui le racialise ; sa culture, sa religion, sa couleur de peau. Il serait comme incapable de s’en sortir, incapable de voir plus loin que son taux de mélanine ou le tissu qu’il porte sur la tête, observe sur son blog Valérie CG, une féministe pas très intéressante puisqu’elle ne vous a pas montré ses seins. Musulman devient une sorte de nouvelle couleur de peau dont il est impossible de se détacher 11. »

Cette remarque judicieuse se rapportait aux élucubrations de la « pédopsychiatre » Caroline Eliacheff, qui, dans le magazine Elle, venait de justifier ainsi le licenciement d’une puéricultrice voilée par la crèche Baby-Loup : « On peut s’interroger sur les conséquences pour un nourrisson de ne voir que le visage de face, une tête amputée des oreilles, des cheveux et du cou 12. » Le voile est une arme de destruction massive, il ensevelit la république aussi sûrement qu’il ampute des organes vitaux. Inutile de préciser que Caroline Eliacheff, tout comme vous, « lutte contre le racisme », c’est en tout cas ce qu’elle déclare dans son interview. Pour professer des inepties, et justifier le renvoi brutal d’une employée reconnue comme compétente et que personne n’a vu appeler les petits chéris au djihad, on n’est jamais aussi confortablement juché qu’au plus haut sommet des vertus civilisées.

Mais votre trône surplombe un marécage. Toi, Charb, pour lequel j’ai jadis éprouvé de l’estime, et toi, Fabrice, dont j’appréciais la rigueur intellectuelle 13, je vous tiens, vous et vos collègues, pour coresponsables du pourrissement ambiant. Après le 11-Septembre,Charlie Hebdo a été parmi les premiers, dans la presse dite de gauche, à enfourcher le cheval du péril islamique. Ne vous privez donc pas de ramasser votre part du crottin au moment où le nombre d’actes islamophobes bat des records : + 11,3 % sur les neuf premiers mois de 2013 par rapport à la même période de 2012, selon l’Observatoire national de l’islamophobie. Lequel s’inquiète d’un « nouveau phénomène » de violence, marqué par au moins quatorze agressions de femmes voilées depuis le début de l’année.

Rassurez-vous, je ne dis pas que la lecture de Charlie Hebdo déclenche mécaniquement l’envie de badigeonner une mosquée avec du sang de porc ou d’arracher son voile à une cliente de supermarché, comme cela se produit ici et là. Vous avez désigné les cibles, mais vous ne voulez pas qu’un pauvre type s’attaque à elles pour de vrai, car vous êtes contre la violence et contre le racisme. Vos lecteurs aussi, très certainement. Ils n’ont aucun préjugé contre les musulmans, c’est juste qu’ils s’esclaffent de bon cœur sur ce dessin de Charb où l’on voit un Arabe à grosse moustache en arrêt devant une prostituée, tandis qu’un prédicateur à barbe le sermonne : « Mon frère ! Tu vas pas payer 40 euros une passe alors que pour le même prix tu peux acheter une épouse ! »

Dans les années trente, le même gag avec des juifs à la place des musulmans aurait fait un tabac, sauf qu’à l’époque son auteur n’aurait sans doute pas eu l’idée de venir brandir un brevet d’antiracisme. Le dessin en question illustrait un article démasquant les sombres desseins d’un petit groupe de salafistes à Bruxelles. Le sous-titre résumait bien l’idée : « Les frites seront-elles bientôt toutes halal en Belgique ? Quelques barbus s’y activent, et combattent la démocratie qui leur permet d’exister 14. » Quoi ? Islamisation des frites, démocratie en danger ? Dans sa tête, le lecteur commence déjà à graisser son fusil de chasse. Dans sa tête seulement, car c’est un antiraciste. À moins qu’il n’aille se déverser au bas de quelque site internet évoquant vos faits d’armes, à la manière de « lulupipistrelle », auteur de ce commentaire sur Agoravox : « Les caricatures de leur prophète ulcèrent les musulmans ? Et alors, moi j’ai envie de baffer toutes les bonnes femmes voilées que je croise, et je ne parlent [sic] pas des barbus… mais je me domine…15 »

Bien sûr que Charlie Hebdo ne se limite pas à cela, qu’on y écrit et dessine sur bien d’autres sujets. On veut bien croire que nombre de lecteurs vous achètent par attachement à la cause des animaux, ou pour Cavanna, ou pour Nicolino, ou pour les dessins drôles, ou pour congratuler Bernard Maris après sa nomination au conseil général de la Banque de France, autre repaire de joyeux drilles. Mais je doute qu’il y en ait beaucoup qui ne trouvent leur petit plaisir sale dans le ressassement de vos obsessions islamophobes – sans quoi le journal leur tomberait des mains. Il en est même, vous ne pouvez l’ignorer, qui l’achètent principalement pour ça : pour voir ce que « Charlie » va encore leur mettre dans les dents cette semaine. Faut avouer, c’est une bonne affaire. Depuis l’épisode des caricatures danoises et votre héroïque montée des marches en costumes de pingouins au festival de Cannes, bras dessus bras dessous avec Philippe Val, Daniel Leconte et BHL (mais hélas sans Carla Bruni, pourtant annoncée), le « muslim bashing » ripoliné en « défense intransigeante de la liberté d’expression » est devenu votre tête de gondole, que vous prenez soin de réapprovisionner régulièrement. Vous pouvez toujours certifier que les sans-papiers sont vos amis ou critiquer Manuel Valls pour ses rafles de Roms, c’est l’islamophobie votre marronnier, votre ligne de front.

Vous me direz que vous n’êtes pas les seuls. Votre positionnement sur ce terrain est en effet assez largement partagé par vos confrères de la presse écrite, de L’Express à Valeurs Actuelles en passant par Le PointMarianneLe Nouvel Observateur ou Le Figaro, pour s’en tenir aux plus enthousiastes. Et je ne parle même pas des télés et des radios. Le marché médiatique de l’islam « sans-gêne », « qui fait peur » et « qui dérange » rapporte gros, même s’il est quelque peu saturé. Toutefois, au sein de cette saine et fraternelle concurrence, votre canard parvient à se distinguer par des produits qui n’ont leur équivalent nulle part ailleurs, et qui vous permettent d’occuper un segment non négligeable de l’opinion islamophobe décomplexée de gauche.

Vous connaissant, je m’interroge cependant : c’est quoi, au juste, votre problème avec les musulmans de ce pays ? Dans votre texte du Monde, vous invoquez la salutaire remise en cause des « si grands pouvoirs des principaux clergés », mais sans préciser en quoi l’islam – qui n’a pas de clergé, mais on ne peut pas tout savoir, hein – exerce en France un « si grand pouvoir ». Hors de la version hardcore qu’en donnent quelques furieux, la religion musulmane ne me paraît pas revêtir chez nous des formes extraordinairement intrusives ou belliqueuses. Sur le plan politique, son influence est nulle : six millions de musulmans dans le pays, zéro représentant à l’Assemblée nationale. Pour un parlementaire, il est plus prudent de plaider la cause des avocats d’affaires et de voter des lois d’invisibilité pour les femmes voilées que de s’inquiéter de l’explosion des violences islamophobes. Pas un seul musulman non plus chez les propriétaires de médias, les directeurs d’information, les poids lourds du patronat, les grands banquiers, les gros éditeurs, les chefferies syndicales. Dans les partis politiques, de gauche comme de droite, seuls les musulmans qui savent réciter par cœur les œuvres complètes de Caroline Fourest ont une petite chance d’accéder à un strapontin.

Je n’ignore pas, Charb, que tu as reçu des menaces de mort et qu’il y a peut-être des dingues quelque part qui en veulent à ta peau. Cela me désole. Malgré tout ce que je vous reproche, à toi et aux autres, je ne me réjouis pas de t’imaginer avec deux flics collés en permanence à tes semelles et qui coûtent un bras à votre république chérie. Je crains aussi que tes molosses ne déteignent sur toi comme Val a déteint sur toute l’équipe. Mais si vraiment vous tremblez à l’idée que les musulmans de France se métamorphosent en serial killers de la guerre sainte, peut-être trouverez-vous un brin d’apaisement en voyant la manière placide dont les intéressés réagissent aux attaques réelles ou symboliques qui sont leur lot quotidien. Quand une mosquée est recouverte de tags racistes, croyez-vous que ses responsables ou les fidèles du coin se répandent en cris de vengeance ou en promesses de mettre l’Élysée à feu et à sang ? Non, à chaque fois ils déclarent s’en remettre tout simplement à la « justice de leur pays ». Parmi ceux que je connais, l’écume médiatique de vos prouesses ne fait qu’ajouter une petite couche supplémentaire à leur lassitude. Pas sûr que j’aurais la même patience.

Bunkérisés derrière vos zygomatiques, vous revendiquez le droit sacré de « rire » pareillement des imams, des curés et des rabbins. Pourquoi pas, si encore vous appliquiez vraiment ce principe. On oublie l’épisode Siné ou il faut vous faire un dessin ? Un constat avéré d’islamophobie, et c’est l’éclat de rire. Une mensongère accusation d’antisémitisme, et c’est la porte. Cette affaire remonte aux années Val, mais la pleutre approbation que votre patron d’alors a recueilli auprès de « toute la bande », et plus particulièrement auprès de toi, Charb, démontre que le deux poids deux mesures en vigueur à cette époque n’était pas le fait d’un seul homme. La même règle a perduré. À ce jour, me dit-on, le numéro spécial « Charia Hebdo » ne s’est toujours pas dédoublé en un « Talmud Hebdo ». Croyez bien que je ne le regrette pas.

Vous vous réclamez de la tradition anticléricale, mais en feignant d’ignorer en quoi elle se différencie fondamentalement de l’islamophobie : la première s’est construite au cours d’une lutte dure, longue et acharnée contre un clergé catholique effectivement redoutable de puissance, qui avait – et a encore – ses journaux, ses députés, ses lobbies, ses salons et son immense patrimoine immobilier ; la seconde s’attaque aux membres d’une confession minoritaire dépourvue de toute espèce d’influence sur les sphères de pouvoir. Elle consiste à détourner l’attention des intérêts bien nourris qui gouvernent ce pays pour exciter la meute contre des citoyens qui déjà ne sont pas à la fête, si l’on veut bien prendre la peine de considérer que, pour la plupart d’entre eux, colonisation, immigration et discrimination ne leur ont pas assigné la place la plus reluisante dans la société française. Est-ce trop demander à une équipe qui, selon vos termes, « se partage entre tenants de la gauche, de l’extrême gauche, de l’anarchie et de l’écologie », que de prendre un tantinet en compte l’histoire du pays et sa réalité sociale ?

J’aime bien les bouffeurs de curés, j’ai grandi avec et ils m’ont inculqué quelques solides défenses contre les contes de fées et les abus de pouvoir. C’est en partie cet héritage-là qui me fait dresser les poils devant l’arrogante paresse intellectuelle du bouffeur de musulmans. La posture antireligieuse lui offre un moyen commode de se prélasser dans son ignorance, de faire passer pour insolents ses petits réflexes de contraction mentale. Elle donne du lustre à un manque béant d’imagination et à un conformisme corrodé par les yeux doux de l’extrême droite16.

« Encoder le racisme pour le rendre imperceptible, donc socialement acceptable », c’est ainsi que Thomas Deltombe définit la fonction de l’islamophobie, décrite aussi comme une « machine à raffiner le racisme brut »17. Les deux formules vous vont comme un gant. Ne montez donc pas sur vos grands chevaux quand vos détracteurs usent de mots durs contre vous. Ces derniers jours, vous avez hurlé au scandale parce qu’un rappeur pas très futé réclamait un « autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo » au détour d’un titre collectif inséré dans la BO du film La Marche. Comme si votre journal n’était qu’amour et poésie, vous avez fait savoir à la terre entière que vous étiez « effarés » par tant de « violence ». Pourtant, vous ne vous êtes pas offusqués lorsque le rappeur tunisien Weld El 15 a assimilé les policiers de son pays à des « chiens bons à égorger comme des moutons ». Au contraire, vous l’avez interviewé avec tous les égards dus à un « combattant de la liberté d’expression18 ». Les violences verbales de Weld El 15 trouvent grâce à vos yeux parce qu’elles visent un régime à dominante islamiste qui veut le renvoyer en prison. Mais quand la métaphore canine se retourne contre vous, ce n’est plus du tout la même chanson. Envolée, la liberté d’expression : ralliement à la rengaine néoconservatrice sur le rap comme « appel à la haine » et « chant religieux communautariste »19.

La machine à raffiner le racisme brut n’est pas seulement lucrative, elle est aussi extrêmement susceptible.

Bien à vous,
Olivier Cyran 

Source : Article11.info


1 « Non, Charlie Hebdo n’est pas raciste ! », Le Monde, 20 novembre 2013.

2 Fiammetta Venner, « Forum social européen : un autre jihad est possible », Charlie Hebdo, 29 septembre 2004. A lire ICI.

3 Publié le 1er mars 2006 dans Charlie Hebdo en partenariat avec L’Express, RTL, RMC, Europe 1 et France Info.

4 Zineb El Rhazoui, « Sexe and the Syrie »,Charlie Hebdo, 25 septembre 2013.

5 Ignace Leverrier, « Vous allez être déçus : le “djihad du sexe” en Syrie n’a jamais existé », 29 septembre 2013.

6 Pour un décorticage de cette affaire hallucinante, lire Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed,Islamophobie, comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », La Découverte, 2013.

7 « Pas de femmes voilées aux Restos du cœur »,www.islamophobie.net, 6 décembre 2012.

8 Les majuscules sont fournies par la rédaction deCharlie Hebdo.

9 « Affaire Baby-Loup : la laïcité à la barre », interview de Richard Malka par Gérard Biard, Charlie Hebdo, 6 novembre 2013.

10 Bernard Maris, « Cette jeunesse irresponsable », Charlie Hebdo, 20 juin 2013. Quelqu’un peut-il expliquer à l’éditorialiste de « Charlie » que la djellaba n’est pas un attribut « musulman » mais un vêtement « arabe ? Un mois après cet article, et à la grande déception de son auteur, Amina Sboui claquait la porte des Femen en expliquant qu’elle ne souhaitait pas que son nom « soit associé à une organisation islamophobe ».

11 « L’islam, ce nouveau déterminisme selon Eliacheff et Elle », www.crepegeorgette.com, 22 novembre 2013.

12 « Le conflit sur le voile touche aussi les enfants », Elle, 13 novembre 2013.

13 - Je suis surpris que tu accrédites par ta signature la piteuse opération de ravalement de façade de tes employeurs. Je ne doute pas de la sincérité de ton ralliement, mais je vois dans celle-ci un mauvais signe.

14 Zineb El Rhazoui, « Les salafistes ont leur roi des Belges », Charlie Hebdo, 13 septembre 2013.

15 Commentaires de l’article « La dernière provocation de “Charlie Hebdo” contre les musulmans »,www.agoravox.fr, 19 septembre 2012.

16 Parmi vos sympathiques soutiens : Bruno Mégret, « Désislamiser la France », discours à l’université d’été du MNR, 27 août 2005 ; Ivan Rioufol, « Pourquoi “Charlie Hebdo” sauve l’honneur », Le Figaro, 19 septembre 2012 ; Benoît Rayski, « Tombouctou-sur-Seine : et si on tranchait les mains des dessinateurs de “Charlie Hebdo” ? », atlantico.fr, 28 novembre 2013.

17 Lire Alain Gresh, « L’islamophobie, “Le Monde” et une (petite) censure, Nouvelles d’Orient, 5 novembre 2013.

18 Zineb El Rhazoui, « Tunisie : l’islamisme menacé par du rap et des tétons », Charlie Hebdo, 19 juillet 2013.

19 Lire Sébastien Fontenelle, «  Un intéressant cas de foutage de gueule », Bakchich.info, 26 novembre 2013.

P.S. En Bonus :

Source: http://www.les-crises.fr/charlie-hebdo-pas-raciste-si-vous-le-dites-par-olivier-cyran/


Terrorisme, l’arme des puissants, par Noam Chomsky [2001]

Saturday 10 January 2015 at 03:06

Reprise d’un billet de 2001 de Noam Chomsky…

Pourquoi, s’interrogeait le président Bush, des gens« peuvent nous détester », alors que « nous sommes si bons » ? Les dirigeants américains n’ont pas toujours conscience des effets à moyen et à long terme de leur détermination à toujours l’emporter contre n’importe quel adversaire. Et leurs exploits d’hier peuvent se payer demain d’un prix très lourd. M. Ben Laden fut le produit de la victoire des Etats-Unis contre les Soviétiques en Afghanistan ; quel sera le coût de leur nouveau triomphe dans ce pays ?

Il nous faut partir de deux postulats. D’abord que les événements du 11 septembre 2001 constituent une atrocité épouvantable, probablement la perte de vies humaines instantanée la plus importante de l’histoire, guerres mises à part. Le second postulat est que notre objectif devrait être de réduire le risque de récidive de tels attentats, que nous en soyons les victimes ou que ce soit quelqu’un d’autre qui les subisse. Si vous n’acceptez pas ces deux points de départ, ce qui va suivre ne vous concerne pas. Si vous les acceptez, bien d’autres questions surgissent.

Commençons par la situation en Afghanistan. Il y aurait en Afghanistan plusieurs millions de personnes menacées de famine. C’était déjà vrai avant les attentats ; elles survivaient grâce à l’aide internationale. Le 16 septembre, les Etats-Unis exigèrent pourtant du Pakistan l’arrêt des convois de camions qui acheminaient de la nourriture et d’autres produits de première nécessité à la population afghane. Cette décision n’a guère provoqué de réaction en Occident. Le retrait de certains personnels humanitaires a rendu l’assistance plus problématique encore. Une semaine après le début des bombardements, les Nations unies estimaient que l’approche de l’hiver rendrait impossibles les acheminements, déjà ramenés à la portion congrue par les raids de l’aviation américaine.

Quand des organisations humanitaires civiles ou religieuses et le rapporteur de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont demandé un arrêt des bombardements, cette information n’a même pas été rapportée par le New York Times ; le Boston Globe y a consacré une ligne, mais dans le corps d’un article traitant d’autre chose, la situation au Cachemire. En octobre dernier, la civilisation occidentale s’était ainsi résignée au risque de voir mourir des centaines de milliers d’Afghans. Au même moment, le chef de ladite civilisation faisait savoir qu’il ne daignerait répondre ni aux propositions afghanes de négociation sur la question de la livraison de M. Oussama Ben Laden ni à l’exigence d’une preuve permettant de fonder une éventuelle décision d’extradition. Seule serait acceptée une capitulation sans condition.

Mais revenons au 11 septembre. Nul crime, rien, ne fut plus meurtrier dans l’histoire – ou alors sur une durée plus longue. Au demeurant, les armes ont, cette fois, visé une cible inhabituelle : les Etats-Unis. L’analogie souvent évoquée avec Pearl Harbor est inappropriée. En 1941, l’armée nippone a bombardé des bases militaires dans deux colonies dont les Etats-Unis s’étaient emparés dans des conditions peu recommandables ; les Japonais ne se sont pas attaqués au territoire américain lui-même.

Depuis près de deux cents ans, nous, Américains, nous avons expulsé ou exterminé des populations indigènes, c’est-à-dire des millions de personnes, conquis la moitié du Mexique, saccagé les régions des Caraïbes et d’Amérique centrale, envahi Haïti et les Philippines – tuant 100 000 Philippins à cette occasion. Puis, après la seconde guerre mondiale, nous avons étendu notre emprise sur le monde de la manière qu’on connaît. Mais, presque toujours, c’était nous qui tuions, et le combat se déroulait en dehors de notre territoire national.

Or on le constate dès qu’on est interrogé, par exemple, sur l’Armée républicaine irlandaise (IRA) et le terrorisme : les questions des journalistes sont fort différentes selon qu’ils exercent sur une rive ou l’autre de la mer d’Irlande. En général, la planète apparaît sous un autre jour selon qu’on tient depuis longtemps le fouet ou selon qu’on en a subi les coups pendant des siècles. Peut-être est-ce pour cela au fond que le reste du monde, tout en se montrant uniformément horrifié par le sort des victimes du 11 septembre, n’a pas réagi de la même manière que nous aux attentats de New York et de Washington.

Pour comprendre les événements du 11 septembre, il faut distinguer d’une part les exécutants du crime, d’autre part le réservoir de compréhension dont ce crime a bénéficié, y compris chez ceux qui s’y opposaient. Les exécutants ? En supposant qu’il s’agisse du réseau Ben Laden, nul n’en sait davantage sur la genèse de ce groupe fondamentaliste que la CIA et ses associés : ils l’ont encouragé à sa naissance. M. Zbigniew Brzezinski, directeur pour la sécurité nationale de l’administration Carter, s’est félicité du « piège » tendu aux Soviétiques dès 1978 et consistant, au moyen d’attaques des moudjahidins (organisés, armés et entraînés par la CIA) contre le régime de Kaboul, à attirer ces Soviétiques sur le territoire afghan à la fin de l’année suivante (1).

Ce n’est qu’après 1990 et l’installation de bases américaines permanentes en Arabie saoudite, sur une terre sacrée pour l’islam, que ces combattants se sont retournés contre les Etats-Unis.

Appui à des régimes brutaux

Si l’on veut maintenant expliquer le réservoir de sympathie dont disposent les réseaux Ben Laden, y compris au sein des couches dirigeantes des pays du Sud, il faut partir de la colère que provoque le soutien des Etats-Unis à toutes sortes de régimes autoritaires ou dictatoriaux, il faut se souvenir de la politique américaine qui a détruit la société irakienne tout en consolidant le régime de M. Saddam Hussein, il faut ne pas oublier le soutien de Washington à l’occupation israélienne de territoires palestiniens depuis 1967.

Au moment où les éditoriaux du New York Times suggèrent qu’« ils » nous détestent parce que nous défendons le capitalisme, la démocratie, les droits individuels, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le Wall Street Journal, mieux informé, explique après avoir interrogé des banquiers et des cadres supérieurs non occidentaux qu’ils« nous » détestent parce que nous avons entravé la démocratie et le développement économique. Et appuyé des régimes brutaux, voire terroristes.

Dans les cercles dirigeants de l’Occident, la guerre contre le terrorisme a été présentée à l’égal d’une « lutte menée contre un cancer disséminé par des barbares ». Mais ces mots et cette priorité ne datent pas d’aujourd’hui. Il y a vingt ans, le président Ronald Reagan et son secrétaire d’Etat, M. Alexander Haig, les énonçaient déjà. Et, pour mener ce combat contre les adversaires dépravés de la civilisation, le gouvernement américain mit alors en place un réseau terroriste international d’une ampleur sans précédent. Si ce réseau entreprit des atrocités sans nombre d’un bout à l’autre de la planète, il réserva l’essentiel de ses efforts à l’Amérique latine.

Un cas, celui du Nicaragua, n’est pas discutable : il a en effet été tranché par la Cour internationale de justice de La Haye et par les Nations unies. Interrogez-vous pour savoir combien de fois ce précédent indiscutable d’une action terroriste à laquelle un Etat de droit a voulu répondre avec les moyens du droit a été évoqué par les commentateurs dominants. Il s’agissait pourtant d’un précédent encore plus extrême que les attentats du 11 septembre : la guerre de l’administration Reagan contre le Nicaragua provoqua 57 000 victimes, dont 29 000 morts, et la ruine d’un pays, peut-être de manière irréversible (lire « Occasion perdue au Nicaragua » et « “Contras” et “compas”, une même amertume).

A l’époque, le Nicaragua avait réagi. Non pas en faisant exploser des bombes à Washington, mais en saisissant la Cour de justice internationale. Elle trancha, le 27 juin 1986, dans le sens des autorités de Managua, condamnant l’« emploi illégal de la force » par les Etats-Unis (qui avaient miné les ports du Nicaragua) et mandant Washington de mettre fin au crime, sans oublier de payer des dommages et intérêts importants. Les Etats-Unis répliquèrent qu’ils ne se plieraient pas au jugement et qu’ils ne reconnaîtraient plus la juridiction de la Cour.

Le Nicaragua demanda alors au Conseil de sécurité des Nations unies l’adoption d’une résolution réclamant que tous les Etats respectent le droit international. Nul n’était cité en particulier, mais chacun avait compris. Les Etats-Unis opposèrent leur veto à cette résolution. A ce jour, ils sont ainsi le seul Etat qui ait été à la fois condamné par la Cour de justice internationale et qui se soit opposé à une résolution réclamant… le respect du droit international. Puis le Nicaragua se tourna vers l’Assemblée générale des Nations unies. La résolution qu’il proposa ne rencontra que trois oppositions : les Etats-Unis, Israël et El Salvador. L’année suivante, le Nicaragua réclama le vote de la même résolution. Cette fois, seul Israël soutint la cause de l’administration Reagan. A ce stade, le Nicaragua ne disposait plus d’aucun moyen de droit. Tous avaient échoué dans un monde régi par la force. Ce précédent ne fait aucun doute. Combien de fois en avons-nous parlé à l’université, dans les journaux ?

Cette histoire révèle plusieurs choses. D’abord, que le terrorisme, cela marche. La violence aussi. Ensuite, qu’on a tort de penser que le terrorisme serait l’instrument des faibles. Comme la plupart des armes meurtrières, le terrorisme est surtout l’arme des puissants. Quand on prétend le contraire, c’est uniquement parce que les puissants contrôlent également les appareils idéologiques et culturels qui permettent que leur terreur passe pour autre chose que de la terreur.

L’un des moyens les plus courants dont ils disposent pour parvenir à un tel résultat est de faire disparaître la mémoire des événements dérangeants ; ainsi plus personne ne s’en souvient. Au demeurant, le pouvoir de la propagande et des doctrines américaines est tel qu’il s’impose y compris à ses victimes. Allez en Argentine et vous devrez rappeler ce que je viens d’évoquer : « Ah, oui, mais nous avions oublié ! »

Le Nicaragua, Haïti et le Guatemala sont les trois pays les plus pauvres d’Amérique latine. Ils comptent aussi au nombre de ceux dans lesquels les Etats-Unis sont intervenus militairement. La coïncidence n’est pas forcément accidentelle. Or tout cela eut lieu dans un climat idéologique marqué par les proclamations enthousiastes des intellectuels occidentaux. Il y a quelques années, l’autocongratulation faisait fureur : fin de l’histoire, nouvel ordre mondial, Etat de droit, ingérence humanitaire, etc. C’était monnaie courante alors même que nous laissions se commettre un chapelet de tueries. Pis, nous y contribuions de façon active. Mais qui en parlait ? L’un des exploits de la civilisation occidentale, c’est peut-être de rendre possible ce genre d’inconséquences dans une société libre. Un Etat totalitaire ne dispose pas de ce don-là.

Qu’est-ce que le terrorisme ? Dans les manuels militaires américains, on définit comme terreur l’utilisation calculée, à des fins politiques ou religieuses, de la violence, de la menace de violence, de l’intimidation, de la coercition ou de la peur. Le problème d’une telle définition, c’est qu’elle recouvre assez exactement ce que les Etats-Unis ont appelé la guerre de basse intensité, en revendiquant ce genre de pratique. D’ailleurs, en décembre 1987, quand l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution contre le terrorisme, un pays s’est abstenu, le Honduras, et deux autres s’y sont opposés, les Etats-Unis et Israël. Pourquoi l’ont-ils fait ? En raison d’un paragraphe de la résolution qui indiquait qu’il ne s’agissait pas de remettre en cause le droit des peuples à lutter contre un régime colonialiste ou contre une occupation militaire.

Or, à l’époque, l’Afrique du Sud était alliée des Etats-Unis. Outre des attaques contre ses voisins (Namibie, Angola, etc.), lesquelles ont provoqué la mort de centaines de milliers de personnes et occasionné des destructions estimées à 60 milliards de dollars, le régime d’apartheid de Pretoria affrontait à l’intérieur une force qualifiée de« terroriste », l’African National Congress (ANC). Quant à Israël, il occupait illégalement certains territoires palestiniens depuis 1967, d’autres au Liban depuis 1978, guerroyant dans le sud de ce pays contre une force qualifiée par lui et par les Etats-Unis de « terroriste », le Hezbollah. Dans les analyses habituelles du terrorisme, ce genre d’information ou de rappel n’est pas courant. Pour que les analyses et les articles de presse soient jugés respectables, il vaut mieux en effet qu’ils se situent du bon côté, c’est-à-dire celui des bras les mieux armés.

Dans les années 1990, c’est en Colombie que les pires atteintes aux droits humains ont été observées. Ce pays a été le principal destinataire de l’aide militaire américaine, à l’exception d’Israël et de l’Egypte, qui constituent des cas à part. Jusqu’en 1999, derrière ces pays, la première place revenait à la Turquie, à qui les Etats-Unis ont livré une quantité croissante d’armes depuis 1984. Pourquoi à partir de cette année-là ? Non pas que ce pays membre de l’OTAN devait faire face à l’Union soviétique, déjà en voie de désintégration à l’époque, mais afin qu’il puisse conduire la guerre terroriste qu’il venait d’entreprendre contre les Kurdes.

En 1997, l’aide militaire américaine à la Turquie a dépassé celle que ce pays avait obtenue pendant la totalité de la période 1950-1983, celle de la guerre froide. Résultats des opérations militaires : 2 à 3 millions de réfugiés, des dizaines de milliers de victimes, 350 villes et villages détruits. A mesure que la répression s’intensifiait, les Etats-Unis continuaient de fournir près de 80 % des armes employées par les militaires turcs, accélérant même le rythme de leurs livraisons. La tendance fut renversée en 1999. La terreur militaire, naturellement qualifiée de« contre-terreur » par les autorités d’Ankara, avait alors atteint ses objectifs. C’est presque toujours le cas quand la terreur est employée par ses principaux utilisateurs, les puissances en place.

Avec la Turquie, les Etats-Unis n’eurent pas affaire à une ingrate. Washington lui avait livré des F-16 pour bombarder sa propre population, Ankara les utilisa en 1999 pour bombarder la Serbie. Puis, quelques jours après le 11 septembre dernier, le premier ministre turc, M. Bülent Ecevit, faisait savoir que son pays participerait avec enthousiasme à la coalition américaine contre le réseau Ben Laden. Il expliqua à cette occasion que la Turquie avait contracté une dette de gratitude à l’égard des Etats-Unis, laquelle remontait à sa propre « guerre antiterroriste » et au soutien inégalé que Washington y avait alors apporté.

Réduire le niveau de terreur

Certes, d’autres pays avaient soutenu la guerre d’Ankara contre les Kurdes, mais aucun avec autant de zèle et d’efficacité que les Etats-Unis. Ce soutien bénéficia du silence ou – le mot est peut-être plus juste – de la servilité des classes éduquées américaines. Car elles n’ignoraient pas ce qui se passait. Les Etats-Unis sont un pays libre après tout ; les rapports des organisations humanitaires sur la situation au Kurdistan appartenaient au domaine public. A l’époque, nous avons donc choisi de contribuer aux atrocités.

L’actuelle coalition contre le terrorisme comporte d’autres recrues de choix. Le Christian Science Monitor, sans doute l’un des meilleurs journaux pour ce qui concerne le traitement de l’actualité internationale, a ainsi confié que certains peuples qui n’aimaient guère les Etats-Unis commençaient à les respecter davantage, particulièrement heureux de les voir conduire une guerre contre le terrorisme. Le journaliste, pourtant spécialiste de l’Afrique, citait comme principal exemple de ce retournement le cas de l’Algérie. Il devait donc savoir que l’Algérie conduit une guerre terroriste contre son propre peuple. La Russie, qui mène une guerre terroriste en Tchétchénie, et la Chine, auteur d’atrocités contre ceux qu’elle qualifie de sécessionnistes musulmans, ont également rallié la cause américaine.

Soit, mais que faire dans la situation présente ? Un radical aussi extrémiste que le pape suggère qu’on recherche les coupables du crime du 11 septembre, puis qu’on les juge. Mais les Etats-Unis ne souhaitent pas avoir recours aux formes judiciaires normales, ils préfèrent ne présenter aucune preuve et ils s’opposent à l’existence d’une juridiction internationale. Mieux, quand Haïti réclame l’extradition de M. Emmanuel Constant, jugé responsable de la mort de milliers de personnes après le coup d’Etat qui a renversé le président Jean-Bertrand Aristide, le 30 septembre 1991, et présente des preuves de sa culpabilité, la demande n’a aucun effet à Washington. Elle n’est même pas l’objet d’un débat quelconque.

Lutter contre le terrorisme impose de réduire le niveau de la terreur, pas de l’accroître. Quand l’IRA commet un attentat à Londres, les Britanniques ne détruisent ni Boston, ville dans laquelle l’IRA compte de nombreux soutiens, ni Belfast. Ils cherchent les coupables, puis ils les jugent. Un moyen de réduire le niveau de terreur serait de cesser d’y contribuer soi-même. Puis de réfléchir aux orientations politiques qui ont créé un réservoir de soutien dont ont ensuite profité les commanditaires de l’attentat. Ces dernières semaines, la prise de conscience par l’opinion américaine de toutes sortes de réalités internationales, dont seules les élites soupçonnaient auparavant l’existence, constitue peut-être un pas dans cette direction.

Noam Chomsky, décembre 2001. Traduction : Le Monde Diplomatique

Source: http://www.les-crises.fr/terrorisme-larme-des-puissants-par-noam-chomsky-2001/


Les États-Unis sont un État terroriste de premier plan, par Noam Chomsky

Saturday 10 January 2015 at 01:05

Je le ressors en hommage à la liberté d’expression…

Par Noam Chomsky - 21 octobre 2014 

« ICH » – « TeleSur » – Un sondage international a révélé que les États-Unis arrivaient largement en tête de « la plus grande menace actuelle pour la paix dans le monde », loin devant le Pakistan classé second, aucun autre pays ne pouvant rivaliser.

Imaginez que la une de la Pravda fasse état d’une étude du KGB passant en revue les principales opérations terroristes conduites par le Kremlin à travers le monde, dans le but de déterminer les facteurs ayant conduit à leur succès ou à leur échec, et finalement concluant que, malheureusement, les succès ont été si rares qu’il convient de quelque peu repenser leur politique. Supposez que l’article se poursuive par une citation où Poutine déclare qu’il a demandé au KGB de mener ces recherches afin de trouver des exemples de « financement et de fournitures d’armes à une insurrection dans un pays, qui aient finalement porté leurs fruits. Et ils n’ont pas pu trouver grand-chose. » De sorte qu’il soit devenu réticent à poursuivre de tels efforts.

Si, scénario presque inimaginable, un tel article devait paraître, les cris scandalisés et les hurlements d’indignation s’élèveraient jusqu’au ciel, et la Russie serait sévèrement condamnée – ou pire – non seulement pour ce violent dossier terroriste ouvertement reconnu, mais aussi pour les réactions de ses dirigeants et de sa classe politique : parfaite indifférence, sauf pour la question de l’efficacité du terrorisme d’État russe et des possibilités d’amélioration de ses méthodes.

Il est en effet bien difficile d’imaginer qu’un tel article puisse voir le jour, sauf que c’est ce qui vient d’arriver – ou presque.

Le 14 octobre, le principal article du New York Times faisait état d’une étude de la CIA passant en revue les principales opérations terroristes conduites par la Maison Blanche à travers le monde, dans le but de déterminer les facteurs ayant conduit à leur succès ou à leur échec, et finalement concluant que, malheureusement, les succès ont été si rares qu’il convient de quelque peu repenser leur politique. L’article continuait par une citation où Obama déclare qu’il a demandé à la CIA de mener ces recherches afin de trouver des exemples de « financement et de fournitures d’armes à une insurrection dans un pays, qui aient finalement porté leurs fruits. Et ils n’ont pas pu trouver grand-chose. » De sorte qu’il est devenu réticent à poursuivre de tels efforts.

Il n’y eut pas de cris scandalisés, pas d’indignation, rien.

La conclusion semble tout à fait claire. Dans la culture politique occidentale, il est admis comme étant entièrement naturel et approprié que le chef de file du Monde Libre soit un état terroriste scélérat et proclame ouvertement sa position éminente dans de tels crimes ; et il n’est rien que de naturel et d’approprié dans le fait que le lauréat du prix Nobel de la paix et spécialiste libéral du droit constitutionnel [NdT : Obama a enseigné le droit constitutionnel à l'université de Chicago] détenteur des rênes du pouvoir soit seulement préoccupé de savoir comment conduire de telles actions plus efficacement.

Un examen attentif établit ces conclusions de manière très solide.

Cet article débute en citant des opérations américaines « de l’Angola au Nicaragua à Cuba ». Complétons donc un peu les omissions.

En Angola, les États-Unis se joignirent à l’Afrique du Sud pour apporter un soutien décisif à l’armée terroriste de l’UNITA de Jonas Savimbi et continuèrent à le faire après que Savimbi eut été franchement battu dans une élection libre surveillée avec soin, et même après que l’Afrique du Sud eut retiré son soutien à ce « monstre dont le désir de pouvoir avait conduit son peuple à une misère épouvantable », selon les mots de l’ambassadeur britannique en Angola Marrack Goulding, appuyé par le chef de la station de la CIA du tout proche Kinshassa qui avertissait que « ce n’était pas une bonne idée » de soutenir le monstre « à cause de l’ampleur des crimes de Savimbi. Il était terriblement brutal. »

Malgré des opérations terroristes étendues et meurtrières soutenues par les États-Unis en Angola, l’armée cubaine repoussa les agresseurs sud-africains hors du pays, les contraignit à quitter la Namibie occupée illégalement, et ouvrit la voie à des élections angolaises suite auxquelles Savimbi, malgré sa défaite, « rejeta en bloc l’avis partagé par 800 observateurs étrangers selon lequel le scrutin… était pour l’essentiel libre et juste » (New York Times), et continua sa guerre terroriste avec le soutien des États-Unis.

Les réussites cubaines dans la libération de l’Afrique et la fin de l’Apartheid furent saluées par Nelson Mandela quand il fut finalement libéré de prison. Un de ses premiers actes fut de déclarer : « Pendant toutes mes années en prison, Cuba a été une inspiration et Fidel Castro un puissant soutien … [les victoires cubaines] ont détruit le mythe de l’invincibilité de l’oppresseur blanc [et] ont inspiré les masses combattantes de l’Afrique du Sud … un tournant pour la libération de notre continent – et de mon peuple – du fléau de l’apartheid. … Quel autre pays peut faire état d’un désintéressement plus grand que celui que Cuba a montré dans ses relations avec l’Afrique ? »

Le chef terroriste Henry Kissinger, au contraire, était « hors de lui » face à l’insubordination de la « demi-portion » Castro qui devrait être « fracassé, » comme rapporté par William Leogrande et Peter Kornbluh dans leur livre Back Channel to Cuba (le Canal de communication officieux vers Cuba), s’appuyant sur des documents récemment déclassifiés.

En ce qui concerne le Nicaragua, inutile de nous étendre sur la guerre terroriste de Reagan, qui se poursuivit bien après que la Cour internationale de justice eut ordonné à Washington de cesser « l’usage illégal de la force » – ce qui est, de fait, du terrorisme international – et de payer des indemnités substantielles, et qu’une résolution du conseil de sécurité des Nations Unies qui appelait tous les pays (signifiant : les États-Unis) à respecter les lois internationales – ne fut bloquée par le droit de véto de Washington.

Il faut savoir, cependant, que la guerre terroriste de Reagan contre le Nicaragua – poursuivie par Bush 1er, Bush « l’homme d’État » – ne fut pas aussi destructrice que le terrorisme d’État qu’il a soutenu avec enthousiasme au Salvador et au Guatemala. Le Nicaragua avait l’avantage d’avoir une armée pour affronter les forces terroristes dirigées par les États-Unis, alors que dans les États voisins, les terroristes agressant les populations étaient les forces de sécurité armées et entraînées par Washington.

Dans quelques semaines nous commémorerons l’apogée des guerres terroristes de Washington en Amérique latine : le meurtre de six intellectuels latino-américains de premier plan, des prêtres jésuites, par une unité terroriste d’élite de l’armée salvadorienne, le bataillon Atlacatl, armé et entraîné par Washington, agissant sous les ordres explicites du Haut Commandement, avec un long palmarès de massacres des victimes habituelles.

Ce crime choquant du 16 novembre 1989 à l’université jésuite de San Salvador fut le point d’orgue de l’immense épidémie de terreur qui s’étendit à tout le continent après que John F. Kennedy eut fait passer la mission des militaires d’Amérique latine de « défense de l’hémisphère » – un vestige périmé de la seconde guerre mondiale – à « sécurité intérieure », ce qui signifiait guerre contre leur propre population. Les conséquences sont décrites succinctement par Charles Maechling, qui dirigea le programme de contre-insurrection et de défense intérieure des États-Unis de 1961 à 1966. Il décrivit la décision de Kennedy en 1962 comme une transition de « la tolérance face à la rapacité et à la cruauté des militaires latino-américains » à « une complicité directe » de leurs crimes, et à un soutien par les États-Unis des « méthodes des escadrons d’extermination d’Heinrich Himmler ».

Tout cela a été oublié, ce n’est pas la « bonne catégorie de faits ».

À Cuba, les opérations terroristes de Washington furent lancées dans toute leur rage par le président Kennedy afin de punir les Cubains d’avoir repoussé l’invasion américaine de la Baie des Cochons. Comme décrit par l’historien Piero Gleijeses, JFK « demanda à son frère, le procureur général Robert Kennedy, de diriger le groupe inter-agence qui supervisa l’opération Mongoose (Mangouste), un programme d’opérations paramilitaires, de guerre économique et de sabotage qu’il lança à la fin de l’année 1961 pour faire connaître à Fidel Castro les “terreurs de la Terre” et, plus prosaïquement, pour le renverser. »

L’expression « terreurs de la Terre » est tirée d’une citation de l’associé de Kennedy et historien Arthur Schlesinger dans sa biographie quasi officielle de Robert Kennedy, qui était en charge de mener la guerre terroriste. RFK informa la CIA que le problème cubain était « la priorité principale du gouvernement des États-Unis – tout le reste [était] secondaire – et qu’il ne fallait épargner ni le temps, ni les efforts, ni les effectifs » pour renverser le régime de Castro et jeter les « terreurs de la Terre » sur Cuba.

La guerre terroriste lancée par les frères Kennedy n’était pas une mince affaire. Elle impliqua 400 Américains, 2000 Cubains, une flotte privée de hors-bord et un budget annuel de 50 millions de dollars géré par une filiale de la CIA à Miami, fonctionnant en violation du Neutrality Act et, probablement, de la loi interdisant les opérations de la CIA sur le sol américain. Les opérations incluaient la pose de bombes dans des hôtels et des installations industrielles, l’envoi par le fond de bateaux de pêche, l’empoisonnement de récoltes et du bétail, la contamination du sucre exporté, etc. Certaines de ces opérations n’étaient pas explicitement autorisées par la CIA mais menées par les forces terroristes qu’elle finançait et soutenait, une distinction sans aucune différence dans le cas d’ennemis officiels.

Les opérations terroristes Mangouste furent menées par le Général Edward Lansdale, qui avait une expérience amplement suffisante de la conduite d’opérations de terrorisme américaines aux Philippines et au Viêt-Nam. Son programme pour l’Opération Mangouste militait pour « la révolte ouverte et le renversement du régime communiste » en octobre 1962, ce qui, pour « le succès final, nécessiterait une intervention militaire US décisive » après le travail de sape du terrorisme et de la subversion.

Octobre 1962 est, bien sûr, un moment très important de l’histoire moderne. Ce fut au cours de ce mois que Nikita Khrouchtchev fit parvenir des missiles à Cuba, déclenchant la crise des missiles qui est passée sinistrement près de la guerre nucléaire terminale. Les études académiques reconnaissent maintenant que la position de Khrouchtchev était en partie motivée par la prépondérance énorme des forces américaines après que Kennedy eut répondu à ses appels de réduction d’armes offensives en augmentant radicalement l’avantage des États-Unis, et en partie par la préoccupation concernant une possible invasion américaine de Cuba. Des années plus tard, le ministre de la Défense Nationale de Kennedy, Robert McNamara, a reconnu que les craintes de Cuba et de la Russie concernant une attaque avaient été justifiées. « Si j’avais été à la place des Cubains ou des Soviétiques, j’aurais également pensé ainsi », a observé McNamara lors d’une conférence internationale majeure sur le 40e anniversaire de la crise des missiles.

L’analyste politique Raymond Garthoff, hautement considéré, qui a de nombreuses années d’expérience directe des services de renseignement américains, rapporte que dans les semaines ayant précédé l’éclatement de la crise d’octobre, un groupe terroriste cubain opérant depuis la Floride avec l’accord du gouvernement américain avait mené « une audacieuse attaque par vedette rapide en mitraillant un hôtel cubain au bord de la mer près de La Havane où on savait que des techniciens militaires soviétiques se rassemblaient, tuant des Russes et des Cubains ». Et peu de temps après, continue-t-il, les forces terroristes attaquèrent des cargos britanniques et cubains et menèrent un nouveau raid sur Cuba, parmi d’autres, suite à l’intensification des actions décidée début octobre. À un moment tendu de la crise des missiles toujours non résolue, le 8 novembre, une équipe terroriste envoyée depuis les États-Unis fit sauter une installation industrielle cubaine après que les opérations Mangouste eurent été officiellement suspendues. Fidel Castro allégua que 400 travailleurs avaient été tués dans cette opération, guidée par « des photographies prises par des avions espions. » Les tentatives d’assassinat sur Castro et d’autres attaques terroristes continuèrent immédiatement après la fin de la crise, et s’intensifièrent de nouveau dans les années suivantes.

Il y a eu quelques mentions d’une partie plutôt mineure de la guerre de la terreur, les nombreuses tentatives d’assassinat de Castro, généralement écartées comme des manigances puériles de la CIA. En dehors de cela, rien de ce qui s’est passé n’a suscité beaucoup d’intérêt ou de commentaires. La première enquête sérieuse en langue anglaise de l’impact sur les Cubains a été publiée en 2010 par le chercheur canadien Keith Bolender, dans son Voices From The Other Side: An Oral History Of Terrorism Against Cuba (Voix de l’Autre Côté : une histoire orale du Terrorisme contre Cuba), une étude de grande valeur en grande partie ignorée.

Les trois exemples mis en évidence dans le rapport du New York Times sur le terrorisme américain sont uniquement la partie visible de l’iceberg. Néanmoins, il est utile d’avoir cet aveu important de la consécration de Washington aux opérations terroristes meurtrières et destructrices et de l’insignifiance de tout ceci pour la classe politique, qui accepte comme normal et approprié que les États-Unis soient une superpuissance terroriste, non soumise à la loi et aux règles de la civilisation.

Curieusement, le monde pourrait ne pas être d’accord. Un sondage international publié il y a un an par le Réseau Indépendant Mondial/Association Internationale Gallup (WIN/GIA) a fait le constat que les États-Unis sont classés loin en tête en tant que « plus grande menace à la paix mondiale aujourd’hui », loin devant le second, le Pakistan (sans aucun doute gonflé par le vote indien), aucun autre pays ne pouvant rivaliser.

Heureusement, ces informations insignifiantes ont été épargnées aux Américains.

Noam Chomsky est professeur (émérite) de l’Institut de Linguistique du MIT (Massachusetts Institute of Technology).

Source : Information Clearing House, le 21/10/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Soldats américains à Panama en 1989

Source: http://www.les-crises.fr/les-etats-unis-sont-un-etat-terroriste-de-premier-plan/


[Mission accomplished] Bien joué à tous !

Friday 9 January 2015 at 16:59

Pour tout vous dire, je mûris ce billet depuis mercredi, je me demandais juste combien de temps il mettrait à dire ça…

Je commence à en avoir marre que les terroristes gagnent – vu que ce genre de loi, c’est leur but…

 

Ben si, en 48 heures même, couillons

 

Et ce alors que l’encre de la 14e loi liberticide contre le terrorisme en 20 ans n’est même pas sèche…

Valls se rapproche enfin de son modèle :

En vidéo (20/09/2001) – cela nous fera une avance sur la prochaine séance au Parlement :

Moi, je pense qu’il va bientôt bombarder l’Irak…

(EDIT : Ah flûte, on me signale dans l’oreillette qu’il l’a déjà fait en fait depuis plusieurs mois, en fait)

Bref :

La peine de mort (inutile dans tous les cas) demandée pour des kamikazes rêvant de leurs 70 vierges : toute l’intelligence du Front national dans “cette proposition” humaniste

Tiens, dans la série des gros couillons (désolé, je n’ai pas le courage d’éplucher les tweets à l’UMP) :

(quand je pense qu’on me demande parfois pourquoi je ne soutiens pas ces clowns dangereux…)

 

Mon pauvre Cabu, si tu avais su tout ce qu’on ferait en ton nom…

Enfin, tous ne pensaient pas comme toi, comme je l’ai dénoncé ici l’année dernière :

« Le fait que le prix Pulitzer ait été attribué aux journalistes qui ont révélé l’affaire Snowden est le symbole de la crise de la presse car Snowden est un traître à la démocratie. » [Philippe Val, 05/2014]

EDIT : une info pas inintéressante sur les barbares :

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Hommage à Charb (putain, tu vas nous manquer):

Alors en conclusion, je vais pour ma part combattre le terrorisme ce week end :

  1. je ne vais pas me laisser terroriser, surtout par 3 dingues (purée, mais ils ne sont que 3 en trains de terroriser le pays !!! Ils vous nous en envoyer 50 quand ils vont voir l’efficacité de leur action dans les médias)
  2. je ne vais évident RIEN changer à mes habitudes (moi, les seuls moment où j’ai peur, c’est quand je croise 5 militaires dans les couloirs du RER (inutiles) ce qui donne soudainement une impression pour le coup de vraie guerre)
  3. je  ne vais évidemment pas écouter les médias délirer et entrer dans le jeu des terroristes (regardez comme votre vie est moins stressante quand vous n’écoutez plus les informations en ce moment), mais relire un bon livre de Chomsky sur le 11 septembre (rassurez-vous, vous allez aussi en bouffer sur ce blog)

Bon week end !

P.S. Si un dessinateur à envie de déféquer sur Mahomet ce week end, je lui demande amicalement de plutôt jouer au foot, cela évitera qu’in fine, un État policier autoritaire soit mis en place en France de mon vivant… Merci d’avance.

Source: http://www.les-crises.fr/mission-accomplished-bien-joue-a-tous/


Les leçons d’un massacre, par Jacques Sapir

Friday 9 January 2015 at 16:05

Intéressant texte de Jacques Sapir

Le massacre commis par les assassins au siège de Charlie Hebdo a choqué, bouleversé, indigné. Mais il nous interpelle aussi. Il est de la tache de la police de complètement éclaircir les complicités dont les auteurs de ce crime atroce ont pu bénéficier. Ce sera l’objet de l’enquête et, il faut l’espérer, du procès à venir pour ces assassins. Mais, d’ores et déjà, deux problèmes émergent : celui de la Nation, et donc de la souveraineté, et celui de la laïcité.

L’échec de l’intégration est d’abord le refus de la Nation

Ce que révèle les dérives sectaires, certes très minoritaires, mais qui existent néanmoins dans une partie de la jeunesse française, c’est le sentiment d’anomie quant à l’identité. Une partie des jeunes, issus de l’immigration, ne peuvent pas s’intégrer car ils ne savent pas  à quoi s’intégrer. Une expression importante, et oh combien juste, de Mai 1968 était que l’on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance. De même, on ne s’intègre pas à un PIB. Ces jeunes qui parfois manifestent de manière bruyante leur attachement au pays d’origine de leurs parents savent qu’en réalité ils sont rejetés par les sociétés d’Afrique du Nord. Ils ne se sentent pas Français, car on n’ose plus parler de la France. Pourtant, que les choses aillent mal, et l’on y revient immédiatement. Dans son allocution du 7 janvier, le Président de la République n’a fait nulle part mention de l’Europe. C’est un oubli des plus révélateurs.

Mais, ces jeunes savent bien qu’ils sont nés quelque part et que leur histoire personnelle est irréversible. Ce sentiment peut conduire à des réactions très diverses. Certains peuvent trouver en eux-mêmes les ressources pour chercher malgré tout à s’intégrer. On s’incline ici devant Ahmed Merabet, 42 ans, enfant de l’immigration, policier de la brigade VTT du commissariat du XIème, lâchement assassiné de sang froid par les tueurs qui ont frappé Charlie Hebdo ; de même on s’incline devant Franck Brinsolaro, policier du service de la protection, qui avait en charge la protection de Charb. Il en va aussi, mais on en a moins parlé et il faut le regretter, de nombreux soldats français morts dans les opérations extérieures. Par exemple au Mali, comme le sergent-chef Thomas Dupuy, ou encore en Afghanistan ; ces hommes témoignaient de cet attachement à la France terre d’adoption devenue patrie et pour laquelle ils sont morts. Oui, l’intégration fonctionne, mais elle ne touche désormais qu’une partie de ceux qu’elles devraient toucher. Il est à craindre, si l’on n’y prend garde que ce processus ne s’amplifie

L’illusion du religieux, la prégnance du narcissisme.

D’autres se tournent vers la religion et peuvent finir dans le fanatisme. Mais, derrière l’apparence d’une montée de la religiosité, c’est en réalité à une montée des affirmations identitaires et narcissiques que l’on assiste. Les crispations autour des tabous alimentaires et vestimentaires, sur les signes extérieurs (comme la question du voile chez les musulmans) ont avant tout pour but d’identifier brutalement une communauté, de la séparer du reste de la population et de l’enfermer sur des références mythifiées pour le plus grand profit de quelques uns. Ces pratiques, en produisant des mouvements de réactions, font en réalité progresser la division des individus entre eux au lieu d’y mettre fin. Dans la quête de la pureté, et toute religion distingue le « pur » de « l’impur », il ne peut y avoir de mouvement collectif, si ce n’est de petites communautés en proie aux réactions violentes d’autres communautés. C’est d’ailleurs la le piège qui nous est tendu par les meurtriers, comme l’a bien souligné Robert Badinter au journal de FR2 le mercredi 7 janvier. Il est frappant que Marine le Pen, dans sa courte déclaration (toujours sur Fr2) ait dit en substance la même chose.

Par ce retour au religieux, on croit ainsi se protéger de l’anomie. En réalité, on s’y précipite tête baissée. Il faut ici faire le constat de l’échec d’une intégration pour une partie des populations immigrantes car ces dernières n’ont pas eu de références qu’elles pouvaient assimiler. L’intégration est un processus d’assimilation des règles et des coutumes, qui est en partie conscient (on fait l’effort d’apprendre la langue et l’histoire de la société dans laquelle on veut s’intégrer) mais qui est aussi en partie inconscient. Pour que ce mécanisme inconscient puisse se mettre en place, encore faut-il qu’il y ait un référent. La disparition ou l’effacement de ce dernier au nom d’un « multiculturalisme » qui ne désigne en fait que la tolérance à des pratiques très différentes, est un obstacle rédhibitoire à l’intégration. De fait, de même que pour échanger il faut instituer des objets que l’on n’échange pas, pour intégrer et aboutir à un principe de tolérance des individus il faut définir des limites très claires, des points sur lesquels il n’est pas question de transiger. Ici encore, on découvre les dégâts produits par un relativisme outrancier qui se pare des atours des sciences sociales pour mieux en subvertir les enseignements.

La trahison des élites et la perte de souveraineté.

Il faut en suite souligner l’immense responsabilités des élites politiques, de l’UMP comme du PS, qui abandonnent la France à petit pas, soit parce qu’ils ne croient plus en notre pays (mais comment fait alors la Corée du Sud ?), soit par intérêt bête et méchant, la volonté de vivre la vie des élites mondialisées. Ce qu’oublient tous ces politiques qui ont cédé aux sirènes de la pipolisation c’est que pour plus de 95% de la population française, la vie réelle se passe dans le cadre des frontières de ce pays que l’on nomme France. Pour ceux qui ne croient plus en la France, on aurait pu s’attendre à la tentative au moins de construire une Europe véritablement fédérale, sur le modèle de l’Allemagne ou des Etats-Unis. C’est un projet que l’on peut comprendre. Mais ce projet a échoué. Il aurait fallu le proposer quand le mur de Berlin est tombé. A la place, on a voulu perpétuer le méthode traditionnelle de la construction européenne, celle des « petits pas ». Nous en payons aujourd’hui le prix, avec une France qui n’est plus tout à fait un pays puisque l’on a abandonné nombre de prérogatives régaliennes, de la monnaie au budget, aux institutions européennes, et une Europe qui ne sera jamais un pays comme on le constate tous les jours, et en particulier dans la réduction du budget européen, qui se trouve aujourd’hui être inférieur à 1,3% du PIB. Le système confédéral qui en résulte, et qui en résulte par défaut, produit la crise tant économique que politique que l’Europe traverse. Cette crise qui a dévasté la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie et qui demain, si nous n’y prenons garde, dévastera la France.

La Cour Constitutionnelle allemande à bien vu le problème, elle qui a rappelé dans un de ses arrêts de 2009 qu’il n’y avait pas de peuple européen, et que seuls les différents pays étaient le cadre de la démocratie. De cette entre-deux où nous végétons nait l’anomie. De l’anomie naissent des monstres. Tous les responsables politiques français qui n’ont pas voulu entendre ce qu’avait dit clairement notre peuple il y a dix ans de cela, lors du rejet du projet de Constitution européenne par référendum, en sont responsables. Ils sont donc profondément disqualifiés pour appeler aujourd’hui à l’unité nationale.

L’Europe fédérale étant impossible, et avec elle le mythe d’une « Europe sociale », antienne du PS et d’une partie de la gauche et aujourd’hui désormais pleinement déconsidérée il faut donc rapidement revenir en arrière et redonner à la France les instruments de sa souveraineté. Cela passe par la monnaie, bien entendu avec la dissolution de la zone Euro, mais aussi par les différentes règles contraignantes quant au budget. Il est souhaitable que ceci se fasse à l’échelle européenne. Mais ce qui est souhaitable n’est pourtant pas toujours possible. Il est nécessaire que cela soit fait de toute manière, que nos partenaires le veuillent ou non.

Sociétés hétérogènes, sociétés denses.

Mais, construire une Nation, ou la reconstruire, impose de réfléchir à ce qui peut faire lien entre des individus différents ayant des croyances différentes. Quelle peut être la nature de ce ciment ? On pense qu’aujourd’hui, en ces temps que l’on veut « mondialisés », que l’économique est supposée l’emporter sur le politique. Les relations « de marché », se substitueraient donc aux relations faisant la trame de la société. Cette dernière ne serait donc que la résultante d’une somme de « contrats », entre deux ou plusieurs personnes, et pourrait donc s’appréhender à travers chaque contrat particulier. Ceci implique une dépersonnalisation de l’action et le rôle des normes qui en découle, dépersonnalisation qui repose sur des principes voisins de ceux de l’économie monétaire parfaite décrite par G. Simmel[1]. Mais Simmel lui-même était conscient qu’une société dont le ciment ne serait pas un ensemble d’institutions combinées et inter-agissantes, qui ne sauraient alors être séparées les unes des autres dans l’analyse, ne pourrait aboutir qu’à l’anomie[2]. Nous vivons en réalité dans des sociétés à forte densité économique, mais aussi sociale. Disons tout de suite que cette définition de la densité n’est pas celle du géographe ou du démographe, même si elle leur emprunte naturellement certains aspects. Les sociétés modernes ont en effet pour caractéristiques d’être dense, non seulement humainement (sens géographique et démographique) mais aussi en raison des interactions de plus en plus développés et de plus en plus puissantes entre les acteurs. Ces interactions découlent de ce que l’on peut appeler le « progrès des forces productives » pour reprendre une formule de Marx. Ce sont les effets d’externalité toujours plus importants qu’induisent les moyens matériels mis en œuvre depuis le XIXème siècle. Nous devons à Durkheim la paternité de la notion de densité sociale. Dans son ouvrage Les règles de la méthode sociologique il établit la notion de densité dynamique et de densité matérielle de la société[3]. cette densité dynamique correspond aux nombres de relations qui existent entre les unités d’une société donnée:

La densité dynamique peut se définir, à volume égal, en fonction du nombre des individus qui sont effectivement en relations non pas seulement commerciales mais morales; c’est-à-dire, qui non seulement échangent des services ou se font concurrence, mais vivent d’une vie commune[4]. La densité matérielle correspond quant à elle à la densité démographique, mais aussi au développement des voies de communication et de transmission. Pour Durkheim, ces deux densités sont nécessairement liées: “Quant à la densité matérielle (…) elle marche d’ordinaire du même pas que la densité dynamique et en général peut servir à la mesurer[5].

L’hétérogénéité des agents dans une société qui est matériellement dense induit alors une hétérogénéité et une multiplicité des formes d’interactions. La complexité qui en résulte ne peut être traitée que par des ensembles d’institutions et de formes organisationnelles. Ces ensembles institutionnels et ces formes organisationnelles doivent être complémentaires, soit dans les règles qu’elles produisent soit dans les effets que ces règles engendrent. Cette double complémentarité fait obstacle à toute tentative de reproduire la logique de l’atomisme à l’échelle des institutions. Il faut dès lors prendre en compte la nécessité de l’action collective[6]. On retrouve ici l’apport de la philosophie pragmatique de Dewey[7]. Le rapport à l’institutionnalisme ouvre donc la question de son rapport au holisme méthodologique[8].

La laïcité, compagne obligée de la souveraineté.

Mais, reconnaître l’importance d’un point de vue analytiquement holiste, pose alors la question de savoir sur quelle base va-t-o construire les règles et les institutions, bref les formes collectives, dont on a besoin. Il y a la nostalgie d’un âge mythique où était affirmée la trilogie « Un Roi, une Loi, une Foi ». Cette nostalgie s’exprime tant chez les fondamentalistes musulmans que chez les identitaires. Mais, cet idéal mythique a été fracassé un fois pour toute par l’hétérogénéité des croyances qui s’est imposée comme un fait majeur avec la Réforme. Les guerres qui ont résulté ont été parmi les plus atroces et les plus inexpiables que l’Europe a connues. La seule solution résidait dans le découplage entre la vie publique et la vie privée, et le cantonnement de la religion à cette dernière. Ceci a été reconnu et théorisé à la fin des Guerres de Religion par Jean Bodin dans une œuvre posthume, l’Heptaplomeres[9], compagnon secret des Six livres de la République. Son contenu ne fait que prolonger celui des Six livres. De quoi s’agit-il donc ? Bodin imagine que sept personnages, qui tous pratiquent la médecine[10] et qui professent tous une foi différente, sont réunis dans un château. Chacun son tour, ils vont chercher à convaincre les six autres. Naturellement, c’est à chaque fois un échec, et pour une raison simple : la foi n’est pas affaire de raison. Quand le septième de ces personnages a parlé se pose alors une question redoutable : que vont-ils faire ?

La réponse est éclairante à deux titres. La première est qu’ils décident de ne plus parler entre eux de religion, autrement dit celle-ci est exclue du débat public et devient une « affaire privée », même si, par courtoisie, ils s’engagent tous à aller aux célébrations des uns et des autres. La seconde est qu’ils décident d’œuvrer en commun « pour les bien des hommes ». Une autre fin aurait été possible. Ils auraient pu décider de se séparer et de travailler séparément chacun dans leur communauté. Il y a là la seconde « invention » de Bodin. On insiste, à juste titre, sur la première qui est la distinction entre une sphère publique et une sphère privée. Elle est essentielle. Mais, elle ne doit pas masquer la seconde, qui n’est pas moins importante. L’invention de la sphère privée, et du cantonnement de la foi à cette dernière, ne prend sens que parce que des personnes de fois différentes se doivent de cohabiter ensemble. Que Jean Bodin insiste sur l’action en commun de personnes aux convictions religieuses différentes est très important. Cela veut dire qu’il y a des choses communes, des Res Publica, qui sont plus importantes que les religions. Cela signifie aussi que ce que nous appellerions dans notre langage la « laïcité » est une des conditions de l’existence des sociétés à composition hétérogènes[11]. En retranchant de l’espace public les questions de foi on permet au contraire au débat de se constituer et de s’approfondir sur d’autres sujets. En ce sens, Bodin pose le problème de l’articulation de l’individualisme avec la vie sociale, problème qui est au cœur du monde moderne.

Souveraineté et laïcité

Il nous faut aujourd’hui réagir. Non pas en exigeant un durcissement des peines et de l’arsenal répressif. Cela peut être nécessaire, mais il faut savoir que l’on reste, là, dans le domaine essentiellement symbolique. On fait de la gesticulation politique. La réaction doit être plus profonde et, en un sens, plus radicale. Face à la montée de l’anomie et de ses monstres il faut reconstruire d’urgence les conditions d’exercice de la souveraineté du peuple dans le cadre de la Nation. Mais, pour cela, il est impératif d’avoir une attitude ferme en ce qui concerne la laïcité, qui est la garantie fondamentale de nos libertés. Oui, nous devons nous rassembler et retrouver les fondements de la Res Publica. Mais nos dirigeants élus ou anciens élus sont les derniers à pouvoir le faire

Les assassins ne paraissent forts que parce que nous sommes faibles, et oublieux des principes dont nous sommes porteurs. Nous les avons laissé monter sur nos épaules. Redressons nous et ils joncheront la terre !


[1] Simmel G., Philosophy of Money, Routledge, Londres, 1978; publié originellement sous le titrePhilosophie des Geldes, 1900

[2] Deutschmann C., “Money as a Social Construction: on the Actuality of Marx and Simmel”, Thesis Eleven, n°47, novembre 1996, pp. 1-20

[3] E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Presses Universitaires de France, coll. Quadrige, Paris, 1999 (première édition, P.U.F., Paris, 1937).

[4] Id., pp. 112-113.

[5] Id. pp. 113.

[6] D. Truman, The Governmental Process , A. Knopf, New York, 1958.

[7] J. Dewey, John Dewey: Philosophy, Psychology and Social Practice , édité par J. Ratner, Putnam’s Sons, New York, 1963.

[8] M-C. Villeval,, “Une théorie économique des institutions?”, in Boyer et Saillard, edits, Théorie de la régulation. État des savoirs, La Découverte, Paris, 1995, pp.479-489.

[9] Bodin J., Colloque entre sept sçavants qui sont de différents sentiments des secrets cachés des choses relevées, traduction anonyme du Colloquium Heptaplomeres de Jean Bodin, texte présenté et établi par François Berriot, avec la collaboration de K. Davies, J. Larmat et J. Roger, Genève, Droz, 1984, LXVIII-591.

[10] Ce qui n’est pas sans importance car la médecine, sous l’impulsion de personnes comme Ambroise Paré, et par la pratique de la dissection des cadavres, est devenue la science du corps humain, et a commencé la démarche qui en fera un savoir scientifique.

[11] On trouvera un commentaire éclairant de sa contribution aux idées de tolérance et de laïcité dans: J. Lecler, Histoire de la Tolérance au siècle de la réforme, Aubier Montaigne, Paris, 1955, 2 vol; vol. 2; pp. 153-159

 

Source: http://www.les-crises.fr/les-lecons-dun-massacre-par-jacques-sapir/


(Et si on luttait vraiment contre le terrorisme ?) Une tentative israélo-palestinienne de mettre fin au conflit : l’Initiative de Genève (2003)

Friday 9 January 2015 at 01:45

Un peu d’histoire, pour essayer de traiter le problème à la racine, en résolvant un des foyers alimentant le terrorisme…

P.S. si quelqu’un a 1 ou 2 ans d’archives de Charlie Hebdo, cela m’intéresserait… Merci !

L’Initiative de Genève est un projet de paix alternatif pour la résolution du conflit israélo-palestinien. Il s’agit d’une alternative à la ‘‘Feuille de route’’ (Road Map) adoptée le 30 avril 2003 par un Quatuor diplomatique composé de l’ONU, de l’Union Européenne, des États-Unis et de la Russie.

[Source : http://www.medea.be/fr/themes/conflit-israelo-arabe/accord-de-geneve-2003/]

Les principaux artisans de l’Initiative de Genève furent l’ancien ministre travailliste israélien Yossi Beilin et l’ancien ministre palestinien Yasser Abd Rabbo, sous l’impulsion du docteur en sciences politiques suisse Alexis Keller. L’accord fut signé le 1er décembre 2003 à Genève. Il est le résultat de plus de deux années de négociations israélo-palestiniennes, soutenues par le gouvernement suisse. Ce document se fonde sur les résolutions des Nations unies, la conférence de Madrid (1991), les accords d’Oslo (1993) ainsi que les avancées diplomatiques qui suivirent. Mais il s’inspire tout particulièrement des négociations de Camp David (juillet 2000) et de Taba (janvier 2001) pour définir les bases sur lesquelles un Etat palestinien indépendant sera créé aux côtés de l’Etat d’Israël. Cependant, cet accord ne mentionne en aucun cas la défense des droits minorités chrétiennes, arméniennes ou bédouines de la région.

[Texte intégral en anglais : http://www.geneva-accord.org/mainmenu/english] [Traduction : http://www.lapaixmaintenant.org/Les-Accords-de-Geneve]

Une lettre de soutien à cet accord fut signée par 58 personnalités dont Mikhail Gorbatchev, ancien président du Soviet suprême ; Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU ; Martti Ahtisaari, ancien président finlandais et Prix Nobel de la Paix ; Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne ; Mary Robinson, ancien président d’Irlande et Sadako Ogata, ancien Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés. Ils ont été rejoints par bien des personnalités locales attachées à la paix :

Israéliens : l’ex-président travailliste Amram Mitzna, l’ex-président de la Knesset Avraham Burg, le général Amnon Lipkin-Shahak et les écrivains Amos Oz et David Grossman.

Palestiniens : les anciens ministres Nabil Kassis et Hisham Abdel Razek.

Lors de la cérémonie de signature ouverte par l’acteur américain Richard Dreyfus, de nombreuses personnalités furent présentes, dont Jimmy Carter, Felipe González, Mário Soares, Lech Wałęsa, Nelson Mandela, Bernard Kouchner et Simone Veil.

[Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_de_Gen%C3%A8ve]

L’Accord de Genève n’a cependant aucune valeur juridique dans la mesure où le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne n’ont pas participé à sa rédaction et ne l’ont jamais soutenu officiellement. 

Voici les grandes lignes de l’accord : (reprise de l’article du Monde Diplo)
[Source : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2003-10-23-geneve]

Objectif : l’accord final engage les deux parties à renoncer à toute nouvelle revendication. Il remplacera toutes les précédentes résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU).

L’Etat palestinien : il sera constitué aux côtés d’Israël, conformément aux frontières de 1967, avec certaines modifications.

Colonies : selon des négociateurs, Israël restituera 100 % de la bande de Gaza et 97,5 % de la Cisjordanie : il annexera les 2,5 % restant pour regrouper les blocs de colonies à Gush Etzion (sud de la Cisjordanie) et dans le périmètre de Jérusalem. En revanche, les colonies d’Ariel (nord), Efrat et Har Homa (sud) feront partie de l’Etat palestinien. En échange des secteurs de la Cisjordanie qui resteront sous son contrôle, Israël transfèrera à l’Etat palestinien des zones du Néguev adjacentes à la bande de Gaza.

Jérusalem : la ville sera la capitale de l’Etat d’Israël et de l’Etat palestinien. La souveraineté y sera partagée sur la base du principe proposé par le président américain William Clinton : est israélien tout ce qui est juif, est palestinien tout ce qui est arabe, musulman ou chrétien. L’Etat palestinien contrôlera donc la Vieille Ville, sauf le Quartier juif et le Mur des Lamentations. L’Esplanade des mosquées sera sous souveraineté palestinienne avec un libre accès, supervisé par une force internationale, pour toutes les autres confessions – mais les juifs ne seront pas autorisés à y prier. Les fouilles archéologiques ne seront pas non plus autorisées sur le site.

Réfugiés : sauf quelques dizaines de milliers autorisés à revenir en Israël, ils ne pourront exercer leur « droit au retour » – formule absente du texte de l’accord – que dans l’Etat de Palestine ou vivre dans d’autres Etats de la région.

Sécurité : les Palestiniens s’engageront à démanteler les infrastructures terroristes et à combattre le terrorisme comme l’incitation à la violence. L’État palestinien sera démilitarisé et les points de passage seront supervisés par une force internationale.

Plan de L’Initiative pour la Cisjordanie

Plan de l’Initiative pour Jérusalem

En attendant, rappel de la situation actuelle :

Extrait :

Article 1 – Objet de l’Accord définitif

  1. L’Accord définitif (ci-après « l’Accord ») met un terme à l’ère de conflit et inaugure une nouvelle ère basée sur la paix, la coopération, et les relations de bon voisinage entre les Parties.
  2. L’application de cet Accord règle toutes les revendications des Parties résultant des événements antérieurs à sa signature. Aucune revendication liée à des événements antérieurs à cet Accord ne pourra être soulevée par l’une ou l’autre Partie.

Réactions après l’annonce de la signature de l’accord :

Le 5 décembre 2003

, le secrétaire d’État américain Colin Powell rencontra les auteurs de l’Initiative de Genève.

Le chef du gouvernement israélien de l’époque, Ariel Sharon, qualifia cet accord d’ « espoir illusoire » : « De quel droit ces gens de gauche se permettent-ils de proposer des compromis qu’Israël n’a pas l’intention d’accepter et n’acceptera jamais ? »

L’ancien ministre israélien Ehoud Barak dénonça un document « illusoire » qu’il accuse de « mettre en danger l’Etat d’Israël ».

[Source : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2003-10-23-geneve]

Le Hamas et les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa considèrent cet accord comme une trahison. Cet accord place le renoncement au droit au retour des réfugiés comme contreparties de la cession de l’Esplanade des Mosquées de Jérusalem. Or, le droit au retour des réfugiés considéré par ces organisations comme un élément non négociable.

Mercredi 3 décembre 2003 : LIBAN : Plusieurs centaines de réfugiés palestiniens ont manifesté dans leurs camps pour protester contre l’Initiative de Genève qui privent les réfugiés de leur droit au retour. “Le Commandement de la révolution palestinienne” s’est dit, dans un communiqué, hostile à ce plan de paix non officiel qui « annule la résolution 194 de l’ONU garantissant le droit de 5 millions de réfugiés palestiniens au retour dans leurs foyers et blanchit Israël de sa responsabilité historique, juridique et morale de son crime d’usurpation de la terre de Palestine ».

Samedi 6 décembre 2003 : CISJORDANIE : Environ 4 000 Palestiniens hostiles à l’Initiative de Genève, qui prive les réfugiés palestiniens du droit au retour, ont brûlé vendredi à Naplouse des drapeaux suisses. Un chef local du Hamas, Adnane Asfour, a dénoncé « L’Initiative de Genève comme étant la chose la plus grave qui arrive à la cause palestinienne depuis la déclaration Balfour ».

[Source : http://www.fil-info-france.com/monde/initiative_de_geneve.htm]

L’Initiative de Genève a connu une nouvelle étape en 2009, avec la publication de 13 annexes, qui règlent dans les détails une solution à deux Etats, dont voici le résumé (en anglais) :

https://www.eda.admin.ch/content/dam/eda/fr/documents/topics/Summary.pdf

Le compromis déplaisant aux 2 parties, il doit donc être assez juste.

Alors si nos gouvernants ont VRAIMENT le souci de NOTRE sécurité, eh bien ils n’ont qu’à faire pression pour qu’il soit accepté par les 2 parties.

Mais avec de vraies pressions, efficaces.

Du genre, “revoyez quelques détails, mais si dans 3 mois il n’est pas signé, on rompt toute relation diplomatique, commerciale et informatique avec ceux qui ne signeront pas”.

Sans importations ni exportations, sans pétrole, sans Swift, ils vont vite accepter…

Sévère, mais juste…

Source: http://www.les-crises.fr/initiative-de-geneve/


[Je suis irakien] Et pendant ce temps là, en Irak…

Thursday 8 January 2015 at 12:05

12 morts injustifiables par balle hier à Paris – honorons la mémoire des victimes.

Je profite de ce point sur la violence aveugle pour mettre à jour notre suivi régulier des bilans en Irak “libéré”, depuis le 1/12/2014, via le site Iraq Body Count

Wednesday 7 January: 53 killed

Mosul: 12 executed.

Falluja: 17 Sahwa members executed; 2 killed by mortars.

Baghdad: 7 killed by IEDs; 1 body.

Shirqat: 5 family members executed.

Mahmudiya: 2 by IED.

Amiriyat Falluja: 4 by mortars.

Dhuluiya: 2 by IED.

Amara: 1 by gunfire.

Jan 1-7: 364 civilians killed.

Tuesday 6 January: 83 killed

Hamam al-Alil: 20 executed.

Karma: 23 executed.

Mosul: 4 executed.

Tikrit: 2 executed.

Al-Jubba: 10 by suicide bomber.

Baghdad: 5 by IEDs; 4 bodies.

Falluja: 4 by mortars.

Ameria: 3 by mortars.

Arab Jabour: 6 family members by gunfire.

Basra: 1 clergyman wounded on Jan 1 dies.

Tuz Khurmato: 1 policeman by AED.

Monday 5 January: 40 killed

Baghdad: 8 killed by IED, gunfire; 1 body.

Salahuddin: 8 executed.

Alam: 8 executed.

Falluja: 4 by shelling.

Baquba: 4 in clashes.

Taji: 2 bodies.

Mosul: 3 executed.

Muqdadiya: 2 by gunfire.

Sunday 4 January: 28 killed

Baghdad: 6 killed by IEDs; 2 bodies.

Amiriyat Falluja: 4 by shelling.

Sabaa al-Bour: 4 by shelling.

Mosul: 3 executed.

Muqdadiya: 3 by gunfire, shelling.

Taji: 1 by AED.

Madaen: 2 by gunfire.

Latifiya: 2 by IED.

Tuz: 1 by IED.

Saturday 3 January: 52 killed.

Baghdad: 7 killed by IEDs.

Karma: 15 executed.

Ishaqi: 12 killed in air strikes.

Tikrit: 7 by IED.

Nahrawan: 2 by IED.

Abu Ghraib: 1 body.

Qalat Sukar: 1 body.

Baquba: 1 policeman by gunfire; 1 killed in air strikes.

Mosul: 3 executed.

Anbar: 1 journalist executed.

Nasiriya: 1 body.

Friday 2 January: 42 killed

Falluja: 20 killed by shelling; 4 executed.

Baghdad: 4 by IEDs.

Tikrit: 7 by IED; 3 bodies.

Abu Ghraib: 1 by IED.

Tarmiya: 1 by IED.

Suleiman Bek: 1 by gunfire.

Mahmudiya: 1 by AED.

Thursday 1 January: 66 killed

Falluja: 15 executed; 4 killed by shelling.

Dijla river: 23 bodies.

Tikrit: 7 killed in clashes.

Baghdad: 6 by IEDs.

Muqdadiya: 2 by gunfire.

Tuz: 1 by gunfire; 3 bodies.

Mahmudiya: 2 by IED.

Basra: 3 clergymen by gunfire.

=================================================

Wednesday 31 December: 24 killed

Baghdad: 2 by IEDs; 3 bodies.

Diyala: 6 killed by gunfire.

Falluja: 3 by shelling.

Dhuluiya: 2 by IEDs.

Basra: 1 by gunfire; 1 body.

Mosul: 2 by gunfire.

Tarmiya: 1 by gunfire.

Kirkuk: 1 by gunfire.

Saidiya: 2 by IED.

DECEMBER TOTAL: 1 190 CIVILIANS KILLED

Tuesday 30 December: 37 killed

Baghdad: 4 by IEDs; 7 bodies.

Falluja: 9 by shelling.

Tuz Khurmato: 2 by IED.

Yathrib: 13 in clashes.

Dhuluiya: 2 by IED.

Monday 29 December: 36 killed

Taji: 21 by suicide bomber.

Baghdad: 5 by IED; 1 body.

Qayyara: 4 executed.

Yusufiya: 1 policeman by gunfire.

Ramadi: 1 by mortars.

Kirkuk: 2 by gunfire.

Hliwa: 1 by gunfire.

Over 1,100 killed in December.

Over 17 000 killed in 2014.

Sunday 28 December: 17 killed

Baghdad: 2 by IEDs; 2 bodies.

Mosul: 5 by IED; 2 doctors executed.

Muqdadiya: 3 by gunfire; 2 by mortars.

Baquba: 1 policeman by gunfire.

Saturday 27 December: 8 killed

Baghdad: 2 by IED.

Mahmudiya: 1 by IED.

Baquba: 2 by IED.

Tuz Khurmato: 1 by gunfire.

Balad: 1 by mortars.

Dhuluiya: 1 by mortars.

Friday 26 December: 20 killed

Baghdad: 7 by IEDs; 3 bodies.

Faw: 2 bodies.

Dhuluiya: 1 by gunfire.

Kirkuk: 2 bodies.

Mutassim: 2 children by shelling.

Babil: 1 body.

Baquba: 1 policeman by gunfire.

Muqdadiya: 1 policeman by shelling.

Thursday 25 December: 19 killed

Baghdad: 3 by IEDs, gunfire; 1 body.

Arab Jabour: 5 by mortars.

Yathrib: 3 in clashes.

Dhuluiya: 1 by gunfire.

Abu Ghraib: 3 by IED.

Latifiya: 3 Sahwa members by gunfire.

1,048 civilians killed so far in December

16,931 so far in 2014

Wednesday 24 December: 48 killed

Madaen: 35 by suicide bomber.

Baghdad: 1 by IED; 1 body.

Yusufiya: 4 by IED.

Falluja: 3 in clashes.

Mosul: 1 judge executed.

Balad: 1 child by mortars.

Tirkit: 1 woman by gunfire.

Kirkuk: 1 by gunfire.

Tuesday 23 December: 58 killed

Baghdad: 4 by IEDs; 4 bodies.

Yusufiya: 2 by car bomb.

Dhuluiya: 8 executed; 6 killed in clashes.

Falluja: 13 in clashes.

Tuz Khurmato: 1 by IED.

Babil: 20 found in mass graves.

 

Monday 22 December: 13 killed

Baghdad: 2 bodies.

Falluja: 4 in clashes.

Tarmiya: 2 by gunfire.

Yusufiya: 3 by IED.

Balad: 1 by mortars.

Tuz Khurmato: 1 woman by IED.

Sunday 21 December: 19 killed

Baghdad: 10 killed by IEDs; 1 body found.

Falluja: 5 family members by mortars.

Muqdadiya: 1 by mortars.

Baquba: 1 child tortured to death.

Hatmiya: 1 policeman by IED.

910 civilians killed so far in December

16,793 civilians killed so far this year.

 

Saturday 20 December: 137 killed

Baghdad: 6 by IEDs, mortars, stabbing.

Madaen: 4 by IED.

Taji: 3 by IED.

Babil: 20 bodies found in mass grave.

Hardan: 70 bodies found in mass grave.

Albu Ayfan: 21 by IEDs; 2 in clashes.

Mosul: 5 Yazidi women executed.

Baquba: 1 tribal leader by gunfire.

Falluja: 1 in clashes.

Muqdadiya: 2 by mortars.

Tikrit: 2 by IED.

891 civilians killed so far in December

16,774 civilians killed so far this year

 

Friday 19 December: 13 killed

Baghdad: 13 killed by IEDs and AEDs.

Thursday 18 December: 14 killed

Baghdad: 3 by IED, gunfire; 1 body.

Yusufiya: 3 by IED.

Falluja: 4 in clashes.

Taji: 1 by IED.

Mahmudiya: 2 by car bomb.

Wednesday 17 December: 21 killed

Baghdad: 4 by IEDs; 1 body.

Abu Ghraib: 4 by IED.

Mosul: 2 executed.

Hamrin Mountains: 1 by gunfire.

Dujail: 2 by gunfire.

Mahmudiya: 4 family members by gunfire.

Tuz: 1 by gunfire.

Nahrawan: 2 by gunfire.

Tuesday 16 December: 182 killed

Falluja: 150 women executed; 4 killed by mortars.

Baghdad: 7 by IEDs, gunfire; 3 bodies.

Ishaqi: 4 in clashes.

Mussayab: 1 body.

Qaim: 9 executed.

Yathrib: 3 executed.

Muqdadiya: 1 by mortars.

Monday 15 December: 38 killed

Baghdad: 5 by IEDs, gunfire; 2 bodies.

Alam: 17 executed.

Yusufiya: 7 family members, IEDs.

Muqdadiya: 4 executed.

Bani Saad: 2 bodies.

Hawija: 1 executed.

Sunday 14 December: 59 killed

Baghdadi: 21 executed.

Al Wafaa: 19 executed.

Baghdad: 7 by IEDs, gunfire; 2 bodies.

Mosul: 5 by IED.

Diyala: 1 Sahwa member executed.

Kirkuk: 1 executed.

Tarmiya: 3 by IED.

Saturday 13 December: 30 killed

Haditha: 12 by suicide bomber.

Falluja: 3 by mortars.

Shirqat: 5 executed.

Tikrit: 2 executed.

Baghdad: 6 by IEDs.

Khansa: 2 by IED.

Friday 12 December: 41 killed

Ramadi: 15 family members in heavy clashes, 3 policemen.

Baiji: 8 executed.

Muqdadiya: 5 by suicide bomber, mortars.

Mkeshifah: 5 in booby-trapped house.

Karbala: 1 by mortars.

Mosul: 2 policemen executed.

Baquba: 1 policeman by gunfire.

Dhuluiyah: 1 by mortars.

Thursday 11 December: 18 killed

Tikrit: 5 bodies.

Falluja: 3 by heavy artillery fire.

Riyadh: 3 by IEDs.

Madaen: 2 by IED.

Baghdad: 1 by IED; 1 body.

Baquba: 1 by gunfire.

Diyala: 1 policeman by gunfire.

Ramadi: 1 child by shelling.

Wednesday 10 December: 34 killed

Baghdad: 9 killed by IEDs, stabbing.

Madaen: 3 by IED.

Garma: 3 in clashes.

Kirkuk: 1 body.

Baquba: 2 bodies.

Al-Maqalaa: 16 bodies of tribe members, executed.

Tuesday 9 December: 21 killed

Baghdad: 4 by mortars; 1 body.

Falluja: 8 in air strikes.

Dhuluiya: 5 in air strikes.

Tikrit: 2 by mortars.

Al-Wehda: 1 by gunfire.

Monday 8 December: 40 killed

Hawija: 19 executed.

Baghdad: 5 by IEDs.

Al-Mutasim: 4 in clashes.

Falluja: 4 by mortars.

Khalis: 2 by gunfire.

Diyala: 2 by gunfire.

Muqdadiya: 1 child by mortars.

Samarra: 1 by gunfire.

Yusufiya: 2 by IED.

Sunday 7 December: 27 killed

Baghdad: 7 by IEDs, gunfire; 1 body.

Balad: 12 executed.

Tarmiya: 4 by suicide car bomber.

Babil: 1 policeman by IED.

Tuz: 1 by IED.

Khanokh: 1 by gunfire.

Saturday 6 December: 30 killed

Baghdad: 10 by IEDs.

Hit: 16 bodies found.

Mosul: 4 bodies.

Friday 5 December:20 killed

Baghdad: 3 by IEDs; 4 bodies.

Djisat Albualla: 6 executed.

Madaen: 1 by IED.

Hit: 3 executed.

Baiji: 3 executed.

Thursday 4 December: 63 killed

Baghdad: 26 by car bombs, IEDs, gunfire.

Kirkuk: 18 by suicide bomber.

Falluja: 15 in air strikes.

Tikrit-Baiji road: 3 by IED.

Hawija: 1 flogged to death.

Wednesday 3 December: 47 killed

Baghdad: 8 by IEDs; 2 bodies.

Saqlawiya: 10 in air strikes.

Falluja: 7 by mortars.

Mosul: 3 musicians executed.

Tikrit: 6 killed.

Samarra-Dujail: 4 killed.

Akbai: 5 bodies found in mass grave.

Taji: 1 by IED.

Latifiya: 1 policeman by hand grenade.

Tuesday 2 December: 25 killed

Baghdad: 13 killed by IEDs, gunfire, mortars; 2 bodies.

Falluja: 5 by air strikes.

Tuz Khurmato: 5 by IED.

Monday 1 December: 31 killed

Baghdad: 5 by IEDs; 1 body.

Balad: 9 in clashes; 3 by mortars.

Falluja: 4 in clashes.

Tuz Khurmato: 4 by IED.

Mosul: 5 by IED.

P.S :  fascinant où ça mène la connerie – on la sent bien renforcée la liberté… :

Source: http://www.les-crises.fr/et-pendant-ce-temps-la-en-irak-01-2015/


Irak : Villepin dénonce une guerre “absurde et dangereuse”

Thursday 8 January 2015 at 03:39

Comme au niveau de la “liberté d’expression”, nos chers médias sont croyants mais hélas non pratiquants, il me semble que c’est la bon jour pour ressortir ce billet du 23/09/2014.

Parce que – à moins d’inventer le “vigipirate noir” où toute la population reste confinée chez elle – on n’empêchera jamais 3 hommes armés de tuer quelqu’un, le mieux est de les empêcher d’avoir envie de le faire…

Et donc de traiter les problèmes à la racine…

Le vendredi 12 septembre, Dominique de Villepin a remis son costume de diplomate pour alerter sur les dangers d’une intervention militaire d’ampleur au Moyen-Orient. Invité de BFMTV, l’homme du discours à l’ONU pour dire «non» à une intervention en Irak en 2003, estime que la décision de Barack Obama d’engager une grande coalition sur le terrain est «absurde et dangereuse». Il y voit une «troisième guerre d’Irak» qui aura pour conséquence de «multiplier» les foyers de terrorisme.

«Il serait temps que les pays occidentaux tirent les leçons de l’expérience. Depuis l’Afghanistan, nous avons multiplié les interventions militaires, pour quel résultat ? Il y avait en 2001 un foyer de terrorisme central? Un. Aujourd’hui? Une quinzaine», assure l’ancien premier ministre. «L’État islamique, c’est l’enfant monstrueux de l’inconstance et de l’arrogance de la politique occidentale», assène Dominique de Villepin.

François Hollande est arrivé en Irak ce vendredi, quelques heures après que Barack Obama a obtenu le soutien de dix pays arabes à la campagne lancée pour «éradiquer» les djihadistes de l’État islamique en Irak et jusqu’en Syrie. «Nous souhaitons, en plein accord avec les États-Unis, élargir cette démarche pour montrer que ce n’est pas qu’une opération militaire en Irak, mais c’est une opération plus large qui comprend toutes les dimensions nécessaires à une lutte qui prendra du temps», a indiqué l’entourage du chef de l’État.

Pour Dominique de Villepin, «on se précipite sous le coup de l’émotion et sous la pression de la politique intérieure». En France comme aux États-Unis. Et le diplomate met en garde sur ce que peut faire «un État faible avec la chose militaire». «On voit la situation politique de la France et on peut s’inquiéter de voir un président s’engager dans cette affaire avec la crise intérieure», poursuit-il. «Il est manifeste qu’il y a une compensation par l’intervention militaire à la situation de crise nationale.»

Source : Le Figaro,12/09/2014

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“L’annonce par le président Obama d’une grande coalition pour engager une troisième guerre d’Irak est une décision absurde et dangereuse, a fustigé Dominique de Villepin, alors que François Hollande est justement à Bagdad ce vendredi. Il serait temps que les pays occidentaux tirent les leçons de l’Afghanistan. Il y avait en 2001 un foyer central de terrorisme. Aujourd’hui, il y en a une quinzaine. Nous les avons multiplié”.

Aujourd’hui, aller faire la guerre dans cette région, c’est prendre le risque de fédérer contre nous“, a asséné Dominique de Villepin, déplorant une guerre précipitée par l’émotion, et qui s’interrogeant: “combien de terroristes allons-nous créer?

“La guerre dans le terrorisme et les crises identitaires, c’est mettre de l’huile sur le feu. A chaque fois qu’on fait une guerre, on doit en faire une autre pour réparer notre incompétence” à répondre à la menace terroriste, a-t-il encore déploré.

Dès lors, comment lutter contre le terrorisme? “La première chose à faire est de toujours respecter le droit international. Deuxièmement, cette région, il ne convient pas de la précipiter dans une nouvelle guerre mais de lui faire prendre ses responsabilités”, a estimé Dominique de Villepin.

Source : BFMTV.com

Alors, ce 22 septembre, merci M. Hollande !

Et en plus, ça marche, personne ne se dit que les gouvernements du Paraguay, d’Inde, d’Afrique du Sud, de Corée, du Vietnam, d’Indonésie ne voient pas l’urgence d’aller bombarder l’Irak… :

Le Français sont des veaux inconscients ?

Source: http://www.les-crises.fr/irak-villepin-denonce-une-guerre-absurde-et-dangereuse/


[Hommage] A Bernard Maris, par Jacques Sapir

Wednesday 7 January 2015 at 17:45

Je sors ce papier en hommage à Bernard Maris avec une pensée à tous les morts de ce jour.

Quel gâchis pour une stupide histoire de caricatures dont je vois mal ce qu’elles ont apporté à la “liberté d’expression” (voir ici, ici ou ici), alors que je vois bien ce qu’elles ont coûté – en merveilleux talents sacrifiés et en futures régressions sur nos libertés publiques -, à cause de crétins meurtriers évidement indéfendables… Je précise que j’étais déjà contre à l’époque, pour les raisons évoquées par Chappatte (ou résumées ici):

Fanatisme d’une époque de plus en plus trouble…

Déception aussi à propos des commentaires sur les sites web (merci de modérer les vôtres : pas d’insultes, pas de xénophobie, pas de complotisme délirant svp, on les supprimera sinon…) - comme s’il y avait des moyens d’empêcher 3 fous déterminer de tuer des gens avec une arme à feu, si ce n’est d’attaquer les problèmes à la racine, avec plus d’humanisme, de solidarité et de fraternité…

Et je ne parle même pas des recup’ du style :

(ah, les rois de la paix au Moyen-Orient… Quelques bombardements en plus peut-être ?)

ou des 30 minutes de publicité pour le terrorisme ce soir au 20 h, car de quoi rêvent les barbares sinon d’avoir 30 minutes dans les JT français pour y instiller la peur ?

Si nous ne gardons pas les pieds sur terre en ces moments, si on se laisse terroriser, si on sacrifie nos libertés fondamentales, on donnera raison à ces fous, qui continueront de plus belle…

“Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ” [Bossuet]

Les gens exigent la liberté d’expression pour compenser la liberté de pensée qu’ils préfèrent éviter.” [Sören Kierkegaard]

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.” [Benjamin Franklin]

Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.” [Martin Luther-King]

P.S. merci d’indiquer en commentaire les billets d’autres sites que vous jugerez intéressants (si possible avec une phrase de présentation/résumé)

Le dernier dessin de Charb

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L’attentat qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo, et provoqué la mort de deux policiers, nous remplit d’horreur et de dégoût. Certains de ces journalistes étaient connus de tous. La mort de Cabu laisse le Grand Duduche (et la fille du proviseur…) orphelin ; celle de Wolinski signe la fin des années de « l’après-1968 ». L’invention de Cactus-Man (l’homme aux épine rétractiles…), mais aussi  de Paulette et de bien d’autres personnages me reste en mémoire. Tout ceci est désormais comme carbonisé devant la sauvagerie de sang froid du fanatisme militant. En vérité je ne puis écrire que pour un, l’économiste Bernard Maris, que je connaissais bien et qui écrivait sous le pseudonyme d’« Oncle Bernard » des billets hilarants et décapants.

Bernard Maris avait 68 ans. Il était le fils de Républicains espagnols émigrés en France et un produit typique de cet “élitisme républicain” que certaines bonnes âmes tournent aujourd’hui en dérision. Après de brillantes études d’économie, et une thèse en 1975, il avait suivi le cursus honorum qui devait le mener au poste de professeur. Il avait alors enchaîné les postes, récolté le prix de « meilleur économiste » pour 1995 décerné par Le Nouvel Économiste, et publié des livres importants comme Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie ! (en 1998), ou Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles (en 1999). Il fut l’auteur du remarquable Antimanuel d’économie (publié chez Bréal en 2 volumes) et d’un ouvrage collectif important témoignant de son intérêt pour les sciences sociales, Gouverner par la peur, en 2007. On pouvait le suivre à la télévision ou sur France-Inter. Mais, Bernard Maris était aussi bien d’autres choses.

Il a été un grand directeur de collection chez Albin Michel. Je peux témoigner de l’effort qu’il a fourni pour que mon ouvrage Les trous noirs de la science économique se révèle comestible pour un lecteur français. Le livre correspondait au cours que je donnais à l’époque à la Vyshaya Shkola Ekonomiki (Haut Collège d’Économie), et il y fut d’ailleurs publié. Bernard me poussa à le réécrire totalement pour en faire mieux ressortir ce qu’il en présentait d’essentiel alors que d’autres éditeurs me soutenaient qu’un ouvrage de théorie et de méthodologie économique n’aurait pas de lecteurs en France. Son analyse fut la bonne et je considère qu’il est en bonne partie responsable de ce succès. Les relations que nous avions nouées à cette occasion ne se sont jamais distendues. Je peux témoigner de son attitude, à la fois ouverte, chaleureuse, mais aussi exigeante envers ses auteurs, et j’avoue être fier d’avoir été publié par un homme tel que lui. Nous avons discuté ensemble des journées entières et, de ces discussions, a surgi un autre livre Les économistes contre la démocratie qui fut publié en 2002. J’ai pu alors mesurer tout son écœurement devant le comportement de certains économistes à gages, dont la seule fonction est de fournir des justifications à qui les payent. Le projet d’un troisième livre, rédigé avec un de mes anciens étudiants russes sur la « transition » en Russie ne se fit pas. Mais il nous donna le plaisir de nous rencontrer à de multiples reprises dans les locaux de Charlie Hebdo, ces mêmes locaux où s’est déroulé l’attaque criminelle qui lui a coûté la vie ainsi qu’à neuf de ses confrères.

Bernard Maris, et ceci est moins connu, était aussi un romancier. Il publia Pertinentes questions morales et sexuelles dans le Dakota du Nord en 1995, où il laissait libre cours à sa passion pour l’anthropologie et surtout L’Enfant qui voulait être muet en 2003. Il fut aussi essayiste avec L’Homme dans la guerre. Maurice Genevoix face à Ernst Jünger, publié chez Grasset en 2013 et surtout Houellebecq économiste, publié chez Flammarion en 2014. Il fit aussi des excursions dans le cinéma, collaborant avec Jean-Luc Godard en particulier. L’étendue de ses connaissances, non seulement en économie mais aussi en histoire et, on l’a déjà dit, dans les diverses sciences sociales frappait tous ceux qui le lisaient. Bernard avait fait sienne la démarche d’Adam Smith qui considérait que l’économie était une science morale et impliquait des liens étroits avec les autres disciplines des sciences sociales. Rien ne lui était plus étranger que le fumeux concept d’« économie pure » mis à la mode par Léon Walras et dont s’inspire tout une tradition d’économistes qui brillent autant par la formalisation de leurs raisonnement que par l’irréalisme de leurs déductions. Il attendait avec impatience la constitution d’une section d’économie politique, séparée de l’économie qui était en passe de devenir la chasse gardée de prétendus mathématiciens.

Son engagement politique l’avait conduit des socialistes vers EELV, et à chacune de nos récentes rencontres, il ne cessait de fulminer contre le gouvernement et le président. Nommé en 2011 au Conseil Général de la Banque de France, alors qu’il avait déjà largement exprimé ses doutes quant à la survie de la zone Euro, il devait franchir le pas au début de 2014 et expliquer pour quelles raisons il était désormais favorable à unedissolution de la zone Euro et à un retour aux monnaies nationales. On s’en doute, nous avions parlé à maintes reprises de ce sujet et j’avais vu ses positions s’infléchir avec le temps parce qu’il comprenait dans quelle impasse l’Euro était en train d’enfermer tant la France que l’Europe. Je suis persuadé que ses positions quant à la crise grecque à venir auraient été importantes.

Bernard Maris était un homme délicieux, très digne dans le deuil intime qui l’avait frappé il y a deux ans, et un de ces collègues qui vous laissent à penser que vous avez eu raison de choisir l’économie. Son influence sur les jeunes générations d’étudiants aura été considérable. Il fut et reste un modèle d’économiste citoyen, comme Keynes qui était sa boussole et sa grande référence.

Il est mort à son bureau, tué par le fanatisme imbécile qu’il avait en horreur.

Il est mort, tué pas ce fanatisme qu’il méprisait et qu’il dénonçait régulièrement.

Il est mort à son poste de combat.

Respect, oncle Bernard !

Source: http://www.les-crises.fr/bernard-maris/