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Thomas Piketty : ceux qui cherchent le Grexit « sont de dangereux apprentis-sorciers »

Tuesday 18 August 2015 at 01:55


Thomas Piketty : ceux qui cherchent le Grexit… par lemondefr

Source : Le Monde, le 2 juillet 2015.

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On se rappellera alors le fameux appel de ces non-moins fameux économistes, sorti en octobre 1997 – qui eux, PAR CHANCE, n’étaient pas de dangereux apprentis-sorciers… !!!!!!!!!!!!!!!

« L’Euro, une chance pour la France, une chance pour l’Europe », texte publié dans le supplément économique du quotidien « Le Monde » daté du 28 octobre 1997.

« L’avènement prochain de la monnaie européenne nous concerne tous : Français et citoyens de l’Union européenne. Et pourtant qu’en savons-nous exactement? L’Europe, trop souvent présentée comme une abstraction et comme une source de contraintes, va enfin se concrétiser dans notre vie de tous les jours d’ici moins de cinq cents jours.

En effet, dès le 4 janvier 1999, les épargnants se familiariseront avec la monnaie unique : les obligations, la cotation des actions, la valorisation des sicavs et des fonds communs de placement, notamment, seront exprimés en euros. Les prix commenceront à être libellés en euros. Les consommateurs, avant même l’introduction des pièces et des billets (janvier 2002), pourront régler leurs achats dans la nouvelle monnaie sous forme de chèques et de paiements par carte. Les entreprises, en particulier, celles qui ont une activité internationale, pourront basculer tout ou partie de leurs activités (facturation, trésorerie, règlements…) en euros.

L’Union européenne, les États membres et de nombreuses entreprises ont d’ores et déjà engagé les préparatifs pour l’introduction de l’euro. Celle-ci ne constitue pas une fin en soi. Elle cimentera le rapprochement des citoyens européens, auxquels elle offrira davantage de bien-être, de cohésion et de capacités d’action.

Sommes-nous pleinement conscient de la portée de cet évènement? Mesurons-nous les enjeux et les opportunités engendrés par la réalisation de l’Union économique et monétaire? Savons-nous que l’euro apportera :

1. Le complément logique du marché unique. L’Europe a assez souffert des fluctuations de change depuis vingt-cinq ans pour ne pas chercher à fixer irrévocablement les taux de conversion des monnaies des États membres. Ne pas le faire, c’est nous condamner à encourir le risque de crises spéculatives, et à en payer indéfiniment le prix, notamment sous la forme de taux d’intérêts plus élevés.

2. Une référence commune des prix dans les pays appartenant à la zone euro, ce qui développera la concurrence et stimulera les échanges. Elle assurera ainsi des prix attractifs et effectivement comparables pour les consommateurs, dont les choix seront facilités par une offre de services d’une qualité croissante.

3. Une gestion saine des finances publiques. Celle-ci est de toute façon indispensable. Mais coordonnée à l’échelle européenne, elle favorisera la croissance au sein d’un grand marché homogène, facilitera la modération des impôts et des taux d’intérêts bas. Elle bénéficiera aux investisseurs, aux consommateurs et aux entreprises qui pourront ainsi développer la recherche, l’activité et l’emploi.

4. L’élargissement des possibilités de financement des entreprises et de placement de notre épargne dans un marché financier européen de taille mondiale.

5. Une source de simplification et d’économie dans les transactions au sein de l’Union (disparition du risque de change, paiements transfrontaliers moins coûteux…).

6. Une monnaie reconnue qui concurrencera le dollar et le yen. L’euro donnera à l’Europe, première puissance commerciale mondiale, l’expression de sa véritable dimension économique. La Banque centrale européenne assurera la stabilité du pouvoir d’achat tant dans notre vie quotidienne que dans nos placements à l’étranger. L’euro sera ainsi le symbole concret de l’identité européenne et assurera à l’Union européenne une position centrale dans le concert international.

7. Dans une Europe unifiée par l’économie et la monnaie, les citoyens et les entreprises, disposant désormais d’une totale liberté de mouvement, pourront tisser des liens approfondis. Des solidarités nouvelles pourront alors naître dans les domaines sociaux, culturels et politiques. Ainsi se forgera une Europe plus harmonieuse et plus démocratique.

Tous ces attraits de l’euro sont encore trop mal connus des populations européennes. Or l’adoption réussie de la nouvelle monnaie exige la confiance de tous, ce qui nécessite l’émergence d’un enthousiasme fort, expression d’une adhésion partagée. Il n’est que temps de susciter cette prise de conscience et cette appropriation de l’euro à tous les niveaux. La publication rapide d’un schéma de passage à l’euro pour l’ensemble de la société française constitue, à cet égard, une urgence.

Depuis des siècles, l’Europe a recherché, par des voies souvent éphémères ou condamnables, une unité durable. Elle n’y est jamais totalement parvenue, car les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité n’ont jamais réussi à s’harmoniser durablement dans un cadre pacifique et démocratique.

Aujourd’hui, le traité de l’Union européenne, ratifié par le peuple français en 1992, offre désormais une base solide pour tous les États membres. A travers l’Union économique et monétaire, c’est la société européenne de demain que nous bâtissons ensemble pour nous mêmes et pour nos enfants. Une société fondée sur des valeurs humanistes et une culture à laquelle ont contribué tous les peuples de l’Union européenne. Ne laissons pas passer cette chance !

Des voix s’élèvent encore de temps à autres pour inciter au doute et au rejet. Serons nous prêts à temps? Une telle union sera-t-elle durable? L’euro n’est-il pas un facteur de chômage? Tous ces efforts ont-ils un sens?

Ces interrogations sont surtout la manifestation d’un manque de confiance en nous-mêmes et dans notre capacité à faire face aux défis du monde d’aujourd’hui. L’Europe ne retrouvera la voie de la prospérité et du plein emploi que par la mobilisation des énergies et le respect commun de règles de bon sens (saine gestion économique, maîtrise des budgets…). Les efforts consentis hier et aujourd’hui en ce sens feront demain la force de l’Union européenne et assureront durablement notre prospérité ainsi que notre rayonnement dans un monde de plus en plus interdépendant.

Au sein de l’Union, les pouvoirs publics français et allemands notamment déploient une détermination continue pour respecter les échéances de l’Union économique et monétaire.

Il est grand temps que les acteurs économiques et sociaux intensifient leurs travaux d’adaptation pour bénéficier des avantages de cette mutation sans précédent. C’est au prix d’un tel engagement que les citoyens, informés de ces enjeux et de ces attraits, participeront alors positivement à l’émergence de la monnaie européenne. L’euro touchera à bien des aspects de la vie sociale, par exemple le fonctionnement des entreprises, des associations, des administrations et le quotidien du particulier.Ses bienfaits seront d’autant plus effectifs que les préparations techniques auront été engagées et achevées le plus tôt possible. C’est en levant au plus vite les contraintes du basculement  que les banques et les entreprises pourront saisir les opportunités de croissance nouvelle ainsi offertes. Il s’agit d’une course contre la montre dont tous les acteurs doivent être pleinement conscients. C’est une chance mais aussi un devoir que de se préparer au plus vite.

L’euro sera l’un des piliers d’une cohésion nouvelle. C’est un acte de confiance dans l’avenir, un facteur d’espérance et d’optimisme, qui permettra à l’Europe de mieux affirmer sa destinée et d’entrer de plain-pied dans un XXIe siècle fondé sur la paix et la liberté ».

Signataires : Michel Albert, membre du Conseil de politique monétaire ; Edmond Alphandéry, président d’EDF ; Jacques Attali, conseiller d’État ; Robert Baconnier, président du directoire du Bureau Francis Lefebvre ; René Barberye, président du directoire du Centre national des Caisses d’épargne et de prévoyance ; Claude Bébéar, président d’AXA-UAP ; Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain ; Christian Blanc, ancien président d’Air France ; Christian de Boissieu, universitaire, économiste ; Jean Boissonnat, journaliste ; Philippe Bourguignon, président du Club méditerranée ; Monique Bourven, président-directeur général State Street Bank SA ; Hervé Carré, directeur des affaires monétaires à la Commission européenne ; Jérôme Clément, président de la Cinquième ; Bertrand Collomb, président de Lafarge ; Paul Coulbois, professeur émérite des universités ; Lucien Douroux, directeur général de la Caisse nationale du crédit agricole ; Jean-René Fourtou, président de Rhône-Poulenc ; Jean-Marie Gorse, président national du centre des jeunes dirigeants (CJD) ; Gilbert Hyvernat, directeur général de la Croix-Rouge française ; Jean Kahn, président de la Commission consultative européenne « racisme-xénophobie » ; Philippe Lagayette, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ; Pascal Lamy, directeur général du Crédit lyonnais ; Jacques de Larosière, président de la BERD ; Daniel Lebègue, vice-président de la BNP ; Robert Léon, gérant de Qualis SCA ; Edmond Malinvaud, professeur honoraire au Collège de France ; Gérard Mestrallet, président du directoire de Suez-Lyonnaise des eaux ; Jean Miot, président de l’AFP ; Thierry de Montbrial, membre de l’Institut ; Etienne Pflimlin, président du Crédit mutuel ; Jean-François Pons, directeur général adjoint à la Commission européenne ; René Ricol, président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (csoec) ; Jacques Rigaud, président de RTL ; Gérard Trémège, président de l’Assemblée des chambres de commerce et d’industrie.

Source : Pense-bête.

“On nous prendrait pas un peu pour des imbéciles ?”

Source: http://www.les-crises.fr/thomas-piketty-ceux-qui-cherchent-le-grexit-sont-de-dangereux-apprentis-sorciers/


Zone euro : que veut l’Allemagne ?

Tuesday 18 August 2015 at 00:01

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 10 août 2015.

Angela Merkel et Wolfgang Schäuble pourraient bien être d'accord sur l'avenir de l'Europe

Angela Merkel et Wolfgang Schäuble pourraient bien être d’accord sur l’avenir de l’Europe (Crédits : Reuters)

Au lendemain de l’accord grec, Berlin envoie des messages sans équivoque : l’Allemagne cherche un renforcement de la surveillance budgétaire en zone euro. Et la France ne devrait pas pouvoir s’y opposer. Elle pourrait cependant en être la première victime.

« Il ne peut pas être possible que la France ne maîtrise pas encore son déficit budgétaire ! Il existe une limite pour cela : 3 %. Si elle est dépassée, il doit y avoir des sanctions. » Cette déclaration du chef du groupe conservateur CDU/CSU au Bundestag Volker Kauder dimanche 9 août au journal Welt am Sonntag semble donner raison à Yanis Varoufakis qui, voici une semaine, affirmait que « la destination finale de la troïka est Paris. » Elle montre, en tout cas, que la dernière crise grecque semble avoir convaincu l’Allemagne d’accepter son rôle d’hegemôn, de puissance dirigeante de la zone euro. Et que la position allemande est beaucoup plus claire qu’il n’y paraît.

Qui est Volker Kauder ?

Volker Kauder n’est pas n’importe qui. Sa position est centrale : en tant que chef du groupe parlementaire, il doit faire accepter la position du gouvernement aux députés. Une tâche ardue qu’il mène avec zèle. Dans cette même interview, il menace du reste les 60 députés qui n’ont pas voté en faveur du plan de renflouement de la Grèce de sanctions, notamment leur exclusion des commissions parlementaires des affaires européennes et budgétaire. Des propos qui ont déclenché l’émoi au sein du parti. Il n’est donc pas un rebelle et un opposant à Angela Merkel, c’est au contraire un des éléments clé de son pouvoir. Mais c’est aussi un proche du ministre des Finances Wolfgang Schäuble, un « dur » qui, fin juin, avait lui aussi évoqué la possibilité d’une sortie de la Grèce de la zone euro. En réalité, Volker Kauder est la preuve de l’accord existant entre la Chancelière et son ministre.

« Jouer avec le Grexit », sans le risquer

Ceci doit amener à revoir la version communément acceptée de la fin de la crise grecque. Dans cette version, Wolfgang Schäuble est le « méchant » qui, le 11 juillet, propose à l’Eurogroupe un plan d’exclusion de la Grèce de la zone euro de 5 ans pour lui permettre de se restructurer. Angela Merkel est, au contraire, la « gentille. » Elle vient le 12 juillet pour écarter le plan Schäuble et maintenir la Grèce dans la zone euro. Mais il se pourrait bien que cette opposition ne soit que tactique. Un scénario qu’a compris le politologue et sondeur allemand Richard Hilmer dans une interview du 17 juillet dernier à Welt. Il y explique que la stratégie du gouvernement consiste à « jouer avec le Grexit. » « Angela Merkel se passe la balle avec Wolfgang Schäuble », poursuit-il, « Il frappe fort, elle montre de l’empathie. Et les deux profitent à la chancelière. »

Dès lors que le danger d’un « Grexit d’initiative grecque » a été écarté au lendemain du référendum le 6 juillet avec la démission de Yanis Varoufakis, Angela Merkel a su qu’elle pouvait faire céder entièrement Alexis Tsipras en le menaçant d’un « Grexit d’initiative allemande. » D’où la proposition Schäuble du 11 juillet. La panique qui a suivi à Athènes a permis à la Chancelière d’obtenir une capitulation hellénique. En se payant le luxe de paraître, aux yeux de certains, magnanime en acceptant certaines « concessions » (le maintien de la loi sur l’urgence humanitaire, la localisation du Fonds de privatisation en Grèce et non au Luxembourg) qui n’étaient en fait que des adoucissements des conditions du 11 juillet.

Le rôle du « Janus allemand »

Ce « Janus allemand » a permis de dégager un accord très positif pour le gouvernement allemand qui pouvait ainsi paraître à la fois ferme et déterminé à sauver l’euro. Il permettait aussi à l’Allemagne de satisfaire une de ses principales hantises historiques : apparaître comme une puissance dominatrice. Entretenir une fiction de division donnait une impression de fragilité qui ne convient guère à une telle puissance. Surtout, elle permettait de maintenir, pour les gouvernements de gauche du sud de l’Europe, l’idée que l’Allemagne d’Angela Merkel est différente de celle de Wolfgang Schäuble, et donc bien plus chargée « positivement. » Ceci permet d’affirmer : Wolfgang Schäuble ne représente pas le gouvernement allemand, comme l’a fait la semaine dernière Michel Sapin, son homologue français. Au nord, au contraire, les gouvernements finlandais ou néerlandais pouvaient se satisfaire de la force de Wolfgang Schäuble. Chacun pouvait donc se trouver en accord avec l’Allemagne, réduisant à néant les accusations de domination.

Pourtant, nul n’aura manqué de le remarquer, ni Volker Kauder, ni Wolfgang Schäuble, n’ont contesté cet accord. Le ministre des Finances a certes continué à défendre son projet de Grexit « temporaire », mais il n’en a pas pour autant quitté son poste, bien au contraire. Il a défendu, avec l’aide de Volker Kauder, devant le Bundestag, l’accord et a demandé aux députés de le voter. Bref, Wolfgang Schäuble a bel et bien défendu l’accord. Pour une raison simple : il est le préalable à l’organisation de la zone euro qu’il désire.

Obtenir une neutralisation politique des budgets

Cet accord confirme en effet la prééminence de la « règle » en matière économique sur la politique. Alexis Tsipras, fort de son mandat électoral, voulait « réorienter la zone euro », puis, plus modestement (et sans doute de façon plus réaliste), réorienter la gestion économique de la Grèce. L’accord du 13 juillet a soldé l’échec de ces deux tentatives. La conclusion en est tirée par Volker Kauder dans l’interview déjà citée : « nous pouvons parler politiquement de beaucoup de choses en Europe, mais les règles de stabilité doivent être traitées, selon les lois, en dehors du champ du politique. » Autrement dit, comme l’affirmait Wolfgang Schäuble, cité par Yanis Varoufakis : « il n’est pas possible qu’une élection remette tout en cause. »

L’accord grec permet donc d’exclure de facto du champ du politique le domaine budgétaire. On comprend ainsi mieux pourquoi l’Allemagne – par la voix de son vice-ministre des Finances, Jens Spahn, défend un « accord global » plutôt qu’un accord permettant un financement-pont pour rembourser la BCE le 20 août. Il s’agit de s’assurer que l’objectif de « neutralisation politique » de la Grèce soit atteint. Et pour cela, il ne faut laisser aucune marge de manœuvre à Athènes. Il convient aussi – et c’est un des points sur lequel Berlin insiste beaucoup – de maintenir une surveillance constante.

Angela Merkel convaincue par les objectifs de Wolfgang Schäuble

Et ceci n’a pas été obtenu contre Angela Merkel, mais avec son soutien et sa participation. La chancelière écrit, autant que Wolfgang Schäuble et Volker Kauder, cette nouvelle page de l’histoire de l’Europe. Angela Merkel n’a sans doute jamais cru à la théorie de son ministre des Finances qu’un Grexit renforcerait l’unité de la zone euro. Mais elle a vu dans l’utilisation du Grexit une opportunité de renforcer les règles d’inspiration allemande qui régissent cette zone euro. Car, en tant que membre de la CDU, elle partage cette ambition avec l’ensemble de son parti (et également avec l’immense majorité des Sociaux-démocrates). Angela Merkel est favorable à cette exclusion du politique du domaine budgétaire. C’est elle qui a imposé en 2009 en échange du plan de relance une « règle d’or budgétaire » très stricte. En 2010, elle a renoncé à ses promesses électorales de baisse d’impôts. Et depuis, elle soutient la politique de Wolfgang Schäuble de retour à l’équilibre budgétaire, malgré les besoins criants d’investissement fédéraux, notamment dans les infrastructures.

La Grèce, insuffisant exemple

En réalité, la chancelière est convaincue, comme son ministre des Finances, que l’application stricte des règles budgétaires est la seule façon de maintenir la cohérence de la zone euro. Or, Angela Merkel veut maintenir cette cohérence. Si donc l’Allemagne doit apporter sa garantie à un nouveau plan pour Athènes, il faut que ce plan permette de renforcer cet objectif au niveau de la zone euro. L’enjeu est donc moins grec qu’européen. Et, précisément, c’est ici que se situe un écueil : utiliser la Grèce comme exemple pourrait ne pas suffire. Car la Grèce est un cas particulier. Le pays n’a pas accès au marché financier, il est surendetté, il a une économie affaiblie et un système bancaire en lambeaux. Faire pression sur lui est aisé. Mais est-ce suffisant pour en faire un « modèle », notamment vis-à-vis de pays plus solides, mais peu respectueux des « règles » comme la France et l’Italie, voire même pour l’Espagne ? Pas réellement. L’accord du 13 juillet va donc être complété par un autre dispositif.

Maintenir le risque de Grexit

En préalable, Berlin continue à faire vivre le risque de Grexit. On l’a vu : à peine séchée l’encre de l’accord du 13 juillet, Wolfgang Schäuble a répété qu’il jugeait le Grexit préférable. Depuis, des parlementaires conservateurs expriment leurs doutes sur la possibilité de s’entendre avec Athènes, comme ce lundi 10 août, Ralph Brinkhaus, adjoint de Volker Kauder au Bundestag. Ceci permet de maintenir une pression non seulement sur le gouvernement grec dont on s’assure ainsi la soumission aux demandes des créanciers, mais aussi sur l’ensemble des gouvernements de la zone euro, à commencer par ceux des deux pays qui redoutaient le plus le Grexit, la France et l’Italie. L’épée de Damoclès du plan Schäuble du 11 juillet demeurant au-dessus des têtes, chacun va s’efforcer de donner des gages à l’Allemagne, notamment dans le cadre de la future réforme de la zone euro. Les atermoiements allemands dans le cadre des discussions avec la Grèce ont aussi pour vocation d’entretenir ce risque.

La proposition Hollande

L’objectif final de l’Allemagne est donc la fameuse réforme de la zone euro. Wolfgang Schäuble la veut depuis longtemps et l’on se souvient qu’il avait déjà proposé un plan dans les années 1990 à ce sujet. Là encore, stratégiquement, Berlin a joué très finement. Traumatisé par le week-end de négociations et par le plan Schäuble, François Hollande a, le 14 juillet, proposé un « gouvernement de la zone euro » avec « un budget et un parlement. » L’Allemagne n’a pas manqué de s’engouffrer dans la brèche : un tel projet est évidemment présenté comme un sacrifice pour le pays. Un « budget de la zone euro » ne serait-il pas le premier pas vers une « union des transferts » ? Un gouvernement de la zone euro et un parlement de la zone euro ne seraient-ils pas un abandon de la souveraineté allemande en matière financière ? Il faut donc des compensations.

Émoi feint en Allemagne

En réalité, l’émoi allemand est en grande partie feint. Le poids de l’Allemagne et de ses alliés les plus sûrs et les plus proches (Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Finlande, pays baltes, Slovaquie, Slovénie et, dans une moindre mesure, l’Autriche, le Portugal et l’Espagne) est tel qu’un projet de ce type ne saurait remettre en cause la capacité de Berlin à déterminer les choix qui seront faits dans la zone euro. De plus, on ignore le montant du futur budget de la zone euro, ainsi que son usage. Une chose est certaine : les décisions de la cour de Karlsruhe depuis 2009 interdisent aux gouvernements fédéraux d’exécuter des transferts sans l’accord du Bundestag. Dans le cas du Mécanisme européen de Stabilité (MES), il avait fallu accepter de donner un veto au représentant allemand pour toute décision, lequel devait s’exprimer après un vote du parlement. Il y a donc fort à parier que le futur budget de la zone euro fonctionne selon le même mode.

Obtenir un ministre des Finances européen qui surveille les budgets

Mais Berlin doit entretenir le mythe du « sacrifice » que représenterait pour la République fédérale cet « approfondissement » de la zone euro. Pour obtenir le renforcement de la neutralisation politique des politiques budgétaires nationales. Pour cela, il faudra sans doute passer encore, comme en 2011 et 2012 avec les directives Two Pack et Six Pack, par un renforcement de la surveillance et de la punition. C’est l’objet de la phrase de Volker Kauder au Welt am Sonntag le 9 août. La tolérance pour des déficits excessifs doit cesser. Il devrait donc y avoir un durcissement dans l’acceptation des « écarts. » Et pour s’assurer que la surveillance soit parfaite, il faut un contrôle plus « indépendant » que celui de la Commission, jugée à Berlin trop à l’écoute des différents pays, trop laxiste, en un mot trop « politique. » L’idée serait donc de transmettre cette surveillance à un « ministre des Finances » de la zone euro, une vieille idée de Wolfgang Schäuble. Une idée qui a sans doute la faveur de la BCE qui a joué un rôle important dans l’appui à la menace de Berlin de Grexit en envisageant ouvertement et pour la première fois la possibilité d’une exclusion de la zone euro par la bouche de deux des membres de son directoire, Benoît Coeuré et Vitor Constancio.

La France prise au piège

Bref, pour obtenir le feu vert de Berlin, pour empêcher l’Allemagne de continuer à jouer avec le risque de Grexit, Paris va devoir faire d’immenses concessions et accepter une surveillance plus stricte et plus dure de son budget. Angela Merkel et Wolfgang Schäuble savent que s’ils parviennent à faire céder sur ce point la France, pays le plus réticent à la « neutralisation » de la politique budgétaire, ils auront atteint leur objectif. Mais, comment le gouvernement français pourrait-il à présent refuser un « approfondissement » de la zone euro qu’il a proposé et dont il semble désormais devoir être la première victime ? Lorsque l’on se souvient que, dans le cas grec, l’alignement de la France avec la ligne d’Angela Merkel a été parfait, on ne peut que s’interroger sur la pertinence stratégique de la tactique suivie par Paris. En tout cas, cette faiblesse est parfaitement perçue à Berlin, comme n’a pas manqué de le souligner Volker Kauder.

Source: http://www.les-crises.fr/zone-euro-que-veut-lallemagne/


« L’Europe de Jean Monnet est morte », par Michel Pinton

Monday 17 August 2015 at 00:52

Source : Michel Pinton, ancien député au Parlement européen, pour le Cercle Aristote, le 4 août 2015.

Jean Monnet

L’Europe de Jean Monnet est morte. Elle est passée de vie à trépas dans la nuit du 12 au 13 juillet 2015. Je le répète, puisque personne ne semble le savoir : l’Europe de Jean Monnet n’est plus qu’un cadavre.

Il est donc fini, le temps où les fédéralistes européens pouvaient affirmer que, grâce aux principes posés par leur maître, nos nations ne cessaient de progresser vers « une union de plus en plus étroite ». Fini le processus qui devait « créer un espace européen de paix, de démocratie et de prospérité ». Finie l’ambition de « promouvoir le bien-être de tous les peuples » de l’Europe. Il n’en reste que des mots vides de toute réalité.

Comment une œuvre qu’on proclamait impérissable, a-t-elle pu disparaître aussi soudainement ? La réponse est simple : l’organisme dont la tête est à Bruxelles a été empoisonné. Et le plus étonnant, c’est que « l’Union européenne » s’est administrée elle-même le poison mortel. Il s’appelle l’euro.

A vrai dire, ceux qui auscultaient attentivement la santé de l’Union, la savaient malade depuis longtemps, précisément depuis qu’elle avait commencé d’introduire l’euro dans ses aliments. Mais personne, moi compris, n’avait prévu une fin aussi bizarre, aussi caricaturale, que celle qui s’est produite la semaine passée. Pour en saisir le caractère paradoxal, je propose au lecteur d’examiner ce qu’a été l’existence de l’Union depuis qu’elle s’est adonnée aux plaisirs délétères de la monnaie unique.

L’euro a son origine dans le traité de Maastricht (1992). Son père s’appelle François Mitterrand. Dans l’esprit du Président français de l’époque, la nouvelle monnaie était un instrument de politique étrangère : elle devait attacher l’Allemagne tout juste réunifiée à la France :elle enserrerait le géant germanique dans des liens juridiques et financiers si étroits qu’il ne pourrait plus jamais les défaire.

La crainte inavouée de Mitterrand – celle d’une Allemagne cherchant son destin dans un jeu de bascule entre la Russie et l’Amérique- était mal fondée et sa parade peu crédible : on ne ligote pas un grand peuple par le papier d’un traité ni par des procédures monétaires. Mais elle méritait un débat politique. Il n’eut jamais lieu. L’idée de monnaie unique fut immédiatement reprise par les disciples de Jean Monnet et détournée de son but. Ils en firent une fin en soi. Ils l’entourèrent d’un culte intransigeant. Sa venue serait, selon eux, un acte historique qui marquerait l’entrée de l’Europe dans une ère de paix, de démocratie et de prospérité, dresserait un bouclier impénétrable contre les assauts du reste du monde et attacherait définitivement nos vieilles nations les unes aux autres dans une unité fraternelle. Ils proclamèrent que l’Europe ne reviendrait jamais sur un pas en avant aussi décisif et que le traité de Maastricht n’avait donc pas besoin de clauses de dissolution. Parmi les nombreux prophètes de cet accomplissement de l’histoire européenne, citons Michel Rocard : « Maastricht constitue (sic) les trois clés de l’avenir :il ouvre d’abord sur plus de prospérité et plus d’emploi, ensuite sur plus de sécurité et enfin sur plus de démocratie en Europe ». Je ne veux pas fatiguer le lecteur en lui infligeant les propos non moins grandiloquents tenus en 1992 par nos dirigeants actuels, Sarkozy et Juppé, Fabius et Sapin par exemple. Il reste à indiquer que c’est par ce genre de promesses que nos responsables politiques arrachèrent au peuple français un consentement réticent à l’euro (51% des suffrages).

Les institutions de Bruxelles, enthousiasmées par un projet qui allait leur donner un pouvoir accru, le prirent alors en mains. La Commission prépara de nouvelles directives et le Parlement européen multiplia les « résolutions ». « Les Etats membres doivent réunir au plus vite les conditions de création d’une union monétaire » proclama ce dernier. Il rappela à ceux qui avaient des doutes, que « les effets bénéfiques de l’union monétaire sur la croissance économique et sur l’emploi seraient substantielles pour tous les Etats membres ». Je peux attester que les rédacteurs de cette affirmation extravagante étaient sincères.

L’enthousiasme bruxellois était si grand et les certitudes des disciples de Jean Monnet si enracinées, que les timides objections qui leur étaient présentées, furent balayées comme des incongruités. J’ai participé à des commissions parlementaires qui auditionnaient des spécialistes de la monnaie. La démonstration négative de l’un cachait, disaient les partisans de Maastricht, la jalousie des milieux financiers anglo-saxons ; les avertissements d’un autre, son nationalisme dépassé ; les réserves d’un troisième, son ignorance foncière. La principale critique qui était faite à l’euro, peut être résumée en deux phrases : il allait placer des nations dont les vies économiques et sociales différaient profondément, sous les décisions uniformes d’un pouvoir monétaire centralisé. Il en résulterait inévitablement des distorsions lesquelles aboutiraient à des tensions insupportables. La Commission européenne, agacée, comprit qu’il ne suffisait pas de déconsidérer les détracteurs de l’euro. Elle leur opposa une autre théorie « scientifique » : la monnaie unique, publia-t-elle, loin de créer des distorsions entre pays européens, sera au contraire un facteur irrésistible de « convergence » économique et sociale. Grâce à elle, la Grèce et l’Allemagne, la France et le Danemark, le Portugal et la Finlande atteindront rapidement le même niveau de vie, le même taux d’emploi, la même prospérité. L’Europe allait s’unifier par le haut.

C’est sur toutes ces prévisions et promesses que le projet de l’euro fut mis en oeuvre. Il me paraît indispensable de les rappeler parce que la validité d’une politique se juge par comparaison entre les intentions et les résultats.

Les institutions de Bruxelles, emportées par leur élan, décrétèrent que l’adoption de l’euro était obligatoire pour tous les Etats membres de l’Union. Quatre d’entre eux regimbèrent : la Grande Bretagne, la Suède, le Danemark et la Grèce. La première était trop puissante pour que la Commission pût la faire plier. Elle obtint la dérogation qu’elle demandait (opt-out). La seconde, après avoir longtemps traîné les pieds, finit par s’abriter derrière le résultat négatif d’un référendum populaire (2003) pour ne pas donner son adhésion. Le Danemark se contenta d’un compromis : il conserva sa monnaie nationale mais l’accrocha irrévocablement à l’euro. La Grèce était trop faible pour se voir accorder un traitement particulier. Sommée d’adhérer « dans les meilleurs délais et ce, dans son propre intérêt », elle s’inclina. Elle passa sous les fourches caudines des « 4 critères » auxquels tout candidat à la monnaie unique devait satisfaire. Elle le fit avec tant de bonne grâce que le Conseil européen tint à « féliciter la Grèce pour les résultats qu’elle a obtenus grâce à une politique économique et financière saine » (3 mai 2000). Je rappelle ces faits pour réfuter la légende, trop répandue aujourd’hui, d’une Grèce si désireuse d’entrer dans la zone euro qu’elle en a forcé la porte en truquant ses comptes publics.

Que se passa-t-il alors ? L’inévitable. Ni la pensée de Jean Monnet, ni les décisions de la Banque centrale européenne, ni la surveillance tatillonne de la Commission ne purent empêcher que la Grèce demeurât une nation des Balkans, dont la prospérité dépend beaucoup plus de ses relations avec ses voisins que de ses liens avec le lointain Bruxelles. Son premier client est la Turquie et son premier fournisseur, la Russie. L’Allemagne est son seul partenaire européen de quelque importance. Encore faut-il préciser qu’elle ne vend à Athènes que certains produits industriels et ne lui achète à peu près rien. L’euro convient donc mal à la Grèce ; il l’isole de son milieu naturel. Le gouvernement grec ne tarda pas à prendre conscience du malaise économique qui en résultait. Mais, à la manière des faibles, il n’osa pas affronter une réalité trop dure. Il choisit de biaiser. C’est alors qu’il commença de manipuler les « 4 critères » de conformité aux règles de la zone euro. On dit aujourd’hui que les institutions européennes ont découvert avec stupeur, en 2010, les tricheries grecques. C’est faux. Dès 2005, la Commission de Bruxelles se plaignait de l’obscurité et de l’approximation des comptes publics hellènes. Mais, sur le moment, personne n’y a attaché de l’importance.

Il y avait une raison à l’indifférence des disciples de Jean Monnet. Pendant les sept années qui suivirent l’introduction de l’euro (2000-2008), la réalisation de leur rêve les avait plongés dans un état d’euphorie tel qu’ils écartèrent toutes les nouvelles qui contrariaient leurs prédictions. Une vague de dépenses effrénées s’étendit sur l’Europe. Aux observateurs qui gardaient la tête froide, la croissance économique qui s’ensuivit semblait trop artificielle pour durer. Mais, à Bruxelles et à Francfort, on choisit d’y voir une manifestation éclatante de la prospérité annoncée.

Soudain, en 2009, une violente tempête financière secoua la zone euro. Alors l’impensable se produisit. La terre promise, qui semblait presque atteinte, s’évanouit comme un mirage. Les peuples européens, stupéfaits, découvrirent un paysage tout autre que celui décrit par les disciples de Jean Monnet. Il était sombre et sans perspectives. Au lieu de prospérité partagée, un appauvrissement qui frappait inégalement les peuples ; à la place d’une croissance régulière de l’emploi, un chômage massif, particulièrement cruel aux jeunes ; et plus encore que ces faits désastreux, la « convergence » s’était évaporée. Une nation et une seule s’enrichissait de l’affaiblissement de toutes les autres. C’était l’Allemagne. Le dogme central de l’euro, si hautement proclamé par la Commission de Bruxelles et repris par la Banque centrale européenne, était faux. Aucune des prophéties avancées par les adeptes de la monnaie unique n’a été plus brutalement démentie par les évènements que celle là.

La Grèce, si éloignée de Bruxelles, si isolée, fut évidemment la victime la plus pitoyable de la chute de l’utopie. Nulle part dans l’Union européenne, le chômage ne devint plus étendu, l’activité plus ralentie, la divergence avec la puissante Allemagne plus béante. Il est naturel que les appels au secours les plus désespérés soient venus d’elle.

On aurait pu penser que les disciples de Jean Monnet, remis de leur ivresse, prendraient les mesures réalistes qui s’imposaient, dût leur doctrine en souffrir. Ils préférèrent s’accrocher à leur rêve. « L’euro, c’est l’Europe et l’Europe, c’est l’euro » affirmèrent d’une même voix Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Le remède qu’ils employèrent pour guérir la Grèce, consista à renforcer l’application des « 4 critères ». Il ne pouvait faire aucun bien au patient. De fait, son état empira. Exténué de souffrances, il est revenu, il y a six mois, implorer un ultime secours.

La réponse des institutions européennes – le Conseil, la Commission, le Parlement, la Banque centrale – ne pouvait plus être dilatoire. La gravité des évènements ne le permettait pas. Elle a été donnée le 12 juillet. Elle a consisté à réaffirmer, de la façon la plus nette, la nécessité pour la Grèce et tous les autres Etats membres, de respecter rigoureusement les règles qui font la spécificité de la zone euro. Apparemment, la victoire des disciples de Jean Monnet est totale et définitive. « La zone euro est sauvée » jubilait François Hollande le 13 juillet. Pourquoi, alors, dis-je qu’au contraire, leur Europe est morte cette nuit là ? Parce que les dirigeants de l’Union ont avoué par un silence on ne peut plus parlant, qu’ils ne savaient pas comment tenir les promesses qui ont conditionné la naissance de la monnaie unique. Ils sentent au fond d’eux-mêmes, que le contrat est rompu. Mais ils n’arrivent à se détacher de l’utopie. Alors ils se réfugient dans le monde abstrait des « 4 critères » pour éviter d’avoir à répondre d’une réalité qui est en tous points le contraire de ce qui était annoncé. Ils en viennent, par un retournement dialectique étonnant, à expliquer que la fraternité des peuples européens est ébranlée non pas par les méfaits de l’euro mais par l’impéritie des Grecs. Pour qu’aucun reniement des engagements passés ne nous soit épargné, ils transforment même le « plus de démocratie » du traité de Maastricht en tutelle brutale sur le gouvernement d’Athènes. Ce dernier est tenu de soumettre tous ses « projets législatifs » à ses créditeurs étrangers avant même de les présenter à son Parlement. Je n’arrive pas à comprendre comment un Chef d’Etat français a osé contresigner cette clause. A-t-il perdu le souvenir honteux de Vichy ?

C’est par leurs clameurs de triomphe que nos dirigeants reconnaissent l’échec historique de l’Europe de Jean Monnet. Elle n’est plus qu’un poids mort que nous portons à grand peine. Je ne sais combien de temps nos dirigeants réussiront à nous faire croire que le 13 juillet a été non pas la nuit de son décès mais au contraire le jour de sa santé retrouvée. L’illusion ne saurait durer bien longtemps.

Source: http://www.les-crises.fr/leurope-de-jean-monnet-est-morte-par-michel-pinton/


La Chine entre dans la guerre des monnaies

Monday 17 August 2015 at 00:01

Amusant ça quand même : les marchés tanguent car la méchante Chine a baissé sa monnaie de -4 %…

C’est pas comme si l’euro avait fait -20 % hein…

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 11 août 2015.

La Chine cherche à importer de la croissance, aux dépens des autres économies émergentes et avancées.

La Chine cherche à importer de la croissance, aux dépens des autres économies émergentes et avancées. (Crédits : reuters.com)

Le cours pivot du yuan face au dollar a été abaissé de 2 %. Une dévaluation présentée comme technique par Pékin, mais qui traduit le manque d’alternative du pays pour relancer sa croissance.

La Chine a donc décidé de dévaluer le yuan ce 11 août de près de 2 % face au dollar des Etats-Unis. Le mouvement n’est pas anodin. C’est tout simplement la plus forte évolution quotidienne du renminbi (RMB, « monnaie du peuple », nom officiel de la monnaie chinoise) depuis 1994.

Le régime de change du yuan

Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut comprendre le régime de change du yuan. Entre 1994 et 2005, la Chine a adopté un système de taux de change fixe face au dollar étasunien, un « ancrage » (« peg » en anglais). La Banque centrale chinoise, la Banque populaire de Chine (connu sous son acronyme anglais de PBoC), assurait le taux officiel via un strict contrôle des changes. Lorsque le développement chinois s’est accéléré, au début des années 2000, ce système s’est révélé inadapté. Il a fallu s’ouvrir davantage pour attirer les investisseurs étrangers. En 2005, la Chine a donc décidé d’adopter le « flottement contrôlé » de sa monnaie. Désormais, le yuan peut évoluer dans une fourchette par rapport à un « cours central » défini lui-même sur un « panier » de grandes devises. Ce système a été suspendu pendant la crise entre 2008 et 2010. Mais en 2014, la fourchette de variation a été élargie de 1 % à 2 % quotidiens.

Ajustement technique ?

L’ambition de Pékin est de faire du renminbi une devise internationale, de transaction, mais aussi de réserve. L’ambition est économique, mais aussi clairement géopolitique. Il s’agit de faire de l’ombre au maître dollar. Pour cela, la Chine a engagé une libéralisation progressive de l’accès au yuan. Et la dévaluation de ce 11 août est présentée comme un moyen de renforcer ce mouvement. En effet, cette nouvelle fixation du cours du yuan a pour but de permettre, à partir de ce jour, de favoriser un prix « dépendant de l’offre et de la demande et des mouvements des grandes monnaies. » Comme le cours central était de plus en plus éloigné du cours de marché, en raison de l’affaiblissement de l’économie chinoise et de la perspective d’une remontée des taux de la Fed, la PBoC ramène ce cours à sa valeur de marché pour permettre au nouveau système de bien fonctionner. C’est donc, officiellement, une mesure « exceptionnelle » visant à favoriser une nouvelle étape vers une évolution guidée par le marché du yuan.

Entrer dans le panier des DTS du FMI

La Chine peut espérer que ce mouvement favorise une de ses obsessions : faire entrer le yuan dans le très restreint club des monnaies formant la « monnaie » du FMI, les droits de tirage spéciaux (DTS, en anglais SDR). Ce serait faire du « billet rouge » une monnaie de référence mondiale. Aujourd’hui, le cours du DTS est déterminé par quatre monnaies seulement : l’euro, le dollar des Etats-Unis, la livre sterling et le yen japonais. L’institution de Washington a promis de réviser le panier des DTS en septembre 2016. Pour entrer dans ce club fermé, il faut avoir une place importante dans les transactions internationales et être « librement utilisable. » La réforme pourrait donc aider, si cet ajustement est effectivement « unique. » Mais une autre réalité, bien moins réjouissante, pourrait se dissimuler derrière cet « ajustement » du renminbi.

Marasme économique

La réalité, c’est que l’économie chinoise est en plein marasme. Certes, les chiffres officiels font encore rêver la planète entière avec une croissance de 7 % visée, mais beaucoup ne prennent guère au sérieux le niveau de cette croissance et préfèrent s’en tenir à la tendance. Laquelle est clairement à la baisse. Et le front des exportations est particulièrement inquiétant. En juillet, les exportations ont reculé de 8,3 % sur un an contre une baisse de 1,5 % attendue par les analystes. Dans un pays encore largement dépendant des exports, ce chiffre est plus qu’inquiétant. D’autant que le pays subit encore une baisse notable du crédit, du moins en ce qui concerne les crédits aux entreprises non-financières et aux particuliers. A cela s’ajoute la tourmente boursière qui a fait perdre à la Bourse de Shanghai près d’un tiers de sa valeur en trois mois.

Où trouver de la croissance ?

La PBoC intervient activement depuis novembre pour relancer l’activité : elle a baissé son taux directeur de 5,6 % à 4,85 %, mais rien n’y fait. La Chine est en réalité prise en tenaille entre des injonctions contradictoires. Il lui faut de l’investissement et de la dette pour soutenir sa croissance, mais de nombreux secteurs comme la métallurgie, le secteur minier ou le secteur solaire sont déjà en surcapacité et, souvent, surendettés. Le même phénomène se produit avec les gouvernements locaux, avides consommateurs de grands projets sans réel intérêt économique et désormais croulant sous les dettes. Par ailleurs, pour favoriser le rééquilibrage de l’économie vers la consommation, l’inflation faible est une bonne nouvelle, mais elle pénalise l’activité industrielle et l’investissement, tout en rendant le poids de la dette plus lourd. Les prix à la production ont reculé en juillet de 5,4 %.

Bref, la solution la plus simple est de relancer l’économie par les exportations afin d’importer de la croissance qui permettra de créer un socle « sain » pour l’investissement tout en réduisant le poids de la dette par la reprise de l’inflation. Or, ceci était impossible avec un cours central du yuan particulièrement élevé par rapport aux grandes monnaies émergentes comme le real brésilien, la roupie indienne ou le rand sud-africain, mais aussi par rapport aux monnaies asiatiques comme le won coréen et les dollars de Singapour et Taiwan.

Le risque pris par la PBoC

On comprend donc mieux le mouvement de ce 11 août qui, comme le notent les équipes de RBS, « illustre les défis croissants de la Chine. » Car l’argument de la libéralisation ne tient pas réellement. Si la Chine n’avait pas bougé pendant si longtemps sur le front de sa monnaie, alors que l’on savait déjà que la Chine ralentissait et que la Fed pensait relever ses taux, c’est précisément parce qu’il voulait instiller dans l’esprit des investisseurs l’idée que le yuan était une monnaie stable et fiable. Le mouvement de dépréciation autoritaire de la monnaie chinoise remet précisément en cause ces efforts, même si la rhétorique officielle peut se montrer rassurante.

La Chine se lance dans la guerre des monnaies

En réalité, la Chine se jette à son tour dans la guerre des monnaies et répond à la Banque du Japon, à la BCE et à la dépréciation rapide de plusieurs monnaies émergentes. Compte tenu de la place de la Chine dans l’économie mondiale, cette dévaluation accompagnée d’une évolution plus conforme à la situation du marché tend à favoriser une dépréciation continue de la monnaie. Les investisseurs sont, du reste, prévenus : si la situation ne s’améliore pas, la BPoC pourra toujours « ajuster » à nouveau le niveau du yuan. Car cette dévaluation de 2 % ne règle pas la question du fort taux de change réel du pays. Le marché va sans doute anticiper cette volonté chinoise d’avoir une monnaie faible, ce qui est précisément le but de la manœuvre.

Impact sur les matières premières

Les conséquences de cette offensive chinoise sur l’économie mondiale risquent d’être importantes. Et négatives, dans l’ensemble. Cette dévaluation du yuan va d’abord peser sur les cours des matières premières libellées en dollars, déjà déprimés par le ralentissement chinois et la surcapacité dans l’empire du milieu. Les économies qui dépendent de ces matières premières vont en subir le choc direct. Ce sera notamment le cas de l’Australie, du Canada, des pays du Moyen-Orient et du Brésil. Ce dernier cas est particulièrement préoccupant, car la récession brésilienne emporte l’ensemble des économies d’Amérique latine, même les plus solides comme l’Uruguay, par exemple.

Affaiblissement des marchés émergents

De plus, un peu plus compétitive, la Chine pourrait prendre des parts de marché à ses concurrents directs, émergents principalement. Bref, l’Asie émergente risque aussi de souffrir de cette décision qui, comme toute dévaluation, favorisera la production interne plutôt que la production extérieure. Il y a fort à parier que plusieurs pays réagissent en cherchant à déprécier à leur tour leur monnaie. Cette course risque, au final, d’affaiblir l’ensemble de la zone émergente, seule vraie ressource de croissance jusqu’en 2012 pour les économies avancées, particulièrement pour la zone euro dont la seule stratégie à long terme consiste dans l’amélioration de la compétitivité externe. Par ricochet, les croissance européennes et américaines risquent donc de pâtir de cette décision.

Défi pour la zone euro

Du reste, pour la zone euro, cette dévaluation est un défi. Elle va accentuer la pression déflationniste, ce qui devrait fortement déplaire à une BCE qui tente de redonner de l’air inflationniste à l’économie de la région. Il va donc falloir maintenir, voire intensifier la politique de rachats d’actif pour faire encore baisser l’euro. La zone euro est donc à son tour contrainte de s’engager plus avant dans la guerre des monnaies.

Le plus inquiétant est sans doute que ce mouvement ne règlera pas entièrement les maux structurels (endettement, inégalités, faiblesse de la consommation des ménages, surcapacités) dont souffre l’économie chinoise. En réalité, tant que la Chine dépendra de sa demande extérieure pour sa croissance, elle ne sera pas un élément de stabilité pour la croissance mondiale.

Il y a donc fort à parier qu’il n’y aura pas de relance chinoise venant compenser les effets de la dévaluation sur le commerce mondial. Une fois terminé le rattrapage actuel de la demande intérieure de la zone euro, compter sur un moteur chinois et émergent sera décidément bien délicat.

Source: http://www.les-crises.fr/la-chine-entre-dans-la-guerre-des-monnaies/


Snowden : Wikileaks attaque l’Arabie Saoudite et le TTIP

Sunday 16 August 2015 at 03:58

Snowden, ce “traître à la démocratie” selon Philippe Val

Lors d’une rencontre avec “Les Amis du CRIF”, l’ancien patron de Charlie Hebdo et actuel dirigeant de France Inter a fustigé Edward Snowden, estimant que le lanceur d’alerte était un “traître à la démocratie”. Une saillie à rapprocher d’un édito de 2001, dans lequel Val s’énervait contre Internet et la prétendue impunité qu’il offrait.

On peut avoir dirigé Charlie Hebdo en se prétendant adversaire des élites et du politiquement correct, et voir d’un très mauvais oeil que la population soit correctement informée du fait que tous les citoyens sont désormais traités comme des terroristes en puissance qu’il convient de surveiller étroitement.

Patron très contesté (sur le départ) de France Inter, Philippe Val était la semaine dernière invité de l’association Les Amis du CRIF, pour y mener une discussions sur le thème « Peut-on critiquer les journalistes ? ». La réunion ne semble pas avoir été filmée mais comme le note Rue89, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) en a publié une synthèse.

Celle-ci ne manque pas d’humour involontaire. Le CRIF commence à en effet par dire que Philippe Val a rappelé devant plus de 200 personnes que “les lois sur la presse de 1881 avaient été décisives pour la démocratie française car elles ont permis de dire la réalité au citoyen, sans avoir nécessairement l’aval des dirigeants, comme c’était le cas précédemment“. Puis il attribue à Philippe Val une série d’explications sur les raisons de la crise de la presse, dont celle-ci, inattendue : “le fait que le prix Pulitzer ait été attribué aux journalistes qui ont révélé l’affaire Snowden est le symbole de la crise de la presse car Snowden est un traître à la démocratie“.

Rien que ça. Ainsi, quand Edward Snowden dit la réalité aux citoyens sur les programmes de surveillance qui les concernent au premier chef, sans avoir évidemment l’aval des dirigeants de la NSA ou du gouvernement américain, c’est être un “traître à la démocratie”. Et l’on croit deviner que les journalistes qui ont reçu le Prix Pulitzer pour avoir osé publier les documents de Snowden seraient complices de haute trahison.

Accordons tout de même à Philippe Val une certaine cohérence dans la volonté de pouvoir surveiller qui fait quoi sur Internet. Voici en effet ce qu’il déclarait dès 2001, dans un éditorial à Charlie Hebdo :

A part ceux qui ne l’utilisent (Internet) que pour bander, gagner en bourse et échanger du courrier électronique, qui est prêt à dépenser de l’argent à fonds perdus pour avoir son petit site personnel ? Des tarés, des maniaques, des fanatiques, des mégalomanes, des paranoïaques, des nazis, des délateurs, qui trouvent là un moyen de diffuser mondialement leurs délires, leurs haines, ou leurs obsessionsInternet, c’est la Kommandantur du monde ultra-libéral. C’est là où, sans preuve, anonymement, sous pseudonyme, on diffame, on fait naître des rumeurs, on dénonce sans aucun contrôle et en toute impunité. Vivre sous l’Occupation devait être un cauchemar. On pouvait se faire arrêter à tout moment sur dénonciation d’un voisin qui avait envoyé une lettre anonyme à la Gestapo. Internet offre à tous les collabos de la planète la jouissance impunie de faire payer aux autres leur impuissance et leur médiocrité. C’est la réalité inespérée d’un rêve pour toutes les dictatures de l’avenir.

Internet reste une jungle dans laquelle la vérité peut être loin derrière le mensonge. La circulation des informations n’est pas toujours maîtrisée. On retrouve le pire d’internet dans des « vrais » journaux“, aurait aussi ajouté Philippe Val, lors de la rencontre du CRIF.

Source : Guillaume Champeau, pour Numerama, le 12 mai 2015.

Révélations de Wikileaks : « Il faut accorder l’asile à Julian Assange » selon Jean-Pierre Mignard

Révélations de Wikileaks : « Il faut accorder l’asile à Julian Assange » selon Jean-Pierre Mignard

Après les révélations fracassantes sur l’espionnage des Présidents français par les Etats-Unis, l’avocat Jean-Pierre Mignard, un proche de François Hollande, demande que la France accorde l’asile à Julian Assange, fondateur de Wikileaks, et à Edward Snowden, qui a révélé le programme de surveillance de masse de la NSA américaine. Le premier a trouvé refuge à l’ambassade d’Equateur à Londres et le second est en Russie, à Moscou, où il a obtenu un asile provisoire. « Ils se sont battus pour notre liberté, ils ont révélé des faits graves », fait valoir à publicsenat.fr Jean-Pierre Mignard. Sur les pratiques du renseignement français, il souligne qu’« il serait bien que le gouvernement vérifie bien que tout ce qui se fait ne se fait pas dans son dos ». Entretien.

Après les révélations de Wikileaks, Libération et Mediapart sur l’espionnage de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande par les Etats-Unis, quelle réponse la France doit-elle apporter ?
La France doit apporter une réponse de nature diplomatique et ferme. La blessure est d’autant plus importante et les faits inacceptables qu’ils viennent des Etats-Unis, allié historique de notre pays. La réponse doit d’abord se situer sur ce terrain.

Ensuite nous devons reconnaître que Julian Assange et Edward Snowden nous ont rendu un service considérable. Et l’information, à l’origine de laquelle ils sont, permet pour nous de prendre conscience de cette énormité. Il faut accorder l’asile à Julian Assange et Edward Snowden. Et beaucoup d’Etat européens devraient faire la même chose. Quiconque aura combattu pour la liberté obtiendra l’asile sur le territoire de la République. Ce sont les textes fondamentaux de la Révolution française. La convention de Genève en dispose aussi ainsi. Ils se sont battus pour notre liberté, ils ont révélé des faits graves dont nous étions dans l’ignorance. Ou si nous les suspections, ils sont encore plus lourds de conséquence qu’imaginé. C’est contre un système d’espionnage généralisé qu’ils ont rendu ces informations publiques.

Quel serait le message envoyé en accordant l’asile à Julian Assange et Edward Snowden ?
Ce serait une grande et belle réponse. Ce serait un geste solennel. C’est aussi une manière de dire à nos amis américains que tout n’est pas permis. Et de dire à l’opinion américaine « ça suffit ». Il y a beaucoup de vrais démocrates aux Etats-Unis et beaucoup d’Américains ne sont pas fiers du tout de ce type de comportement. Peut-être que le Président Obama devrait cette fois taper du poing sur table et dire « ça suffit ».

Vous êtes un proche de François Hollande. Avez-vous eu l’occasion de lui transmettre votre idée de leur accorder l’asile ?
Non, mais si j’ai l’occasion de lui dire, je lui dirai. Et je le fais par votre intermédiaire. Nous devons être très nombreux à le dire, de droite, de gauche, du centre et de nulle part. Grace à eux, nous avons un conseil de défense qui se tient ce matin et des mesures de protection vont être prises.

Ces révélations arrivent au moment où le Parlement s’apprête à adopter définitivement aujourd’hui le projet de loi sur le renseignement. Une disposition de la loi permet à un agent des services de renseignement de devenir lanceur d’alerte. Or lors de l’adoption du texte, hier au Sénat, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a déposé et fait adopter un amendement qui amoindrit cette mesure… (lire notre article sur le sujet)
Nous avons eu trop d’utilisation du secret-défense pour que la protection des lanceurs d’alerte ne soit pas là. Il rend public un fait délictuel dommageable. Si le secret-défense interdit qu’il y ait des lanceurs d’alerte, ça veut dire que tout est possible. Je pense que c’est une préoccupation  qui n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme. Je suis en désaccord avec cet amendement. On pourrait accroitre les sanctions pénales pour les faux lanceurs d’alerte dans le domaine du secret-défense, mais les excepter de toute protection dans le cadre du secret-défense, je souhaite que cela ne passe pas.

La difficulté pour la France ne réside-t-elle pas dans le fait qu’elle-même pratique l’espionnage de ses alliés, avec peut-être moins de moyens et avec une ampleur moindre, mais avec le même objectif ?
Moins un Etat proteste contre ces écoutes illicites, plus il avoue implicitement qu’il recourt aux mêmes procédés. Je souhaite que les protestations soient à la hauteur des obligations que nous nous fixons à nous-mêmes.

Mais ne peut-il pas y avoir un double langage ? Dénoncer mais pratiquer…
Quand le chef de l’Etat dit on se l’interdit, je veux le croire. La question ensuite est de savoir à quel niveau ces opérations sont-elles décidées. J’étais avocat du journal Le Monde dans l’affaire des écoutes illicites de l’Elysée. Là, c’était décidé au plus haut niveau. Il serait bien que le gouvernement vérifie bien que tout ce qui se fait ne se fait pas dans son dos.

Pensez-vous qu’il y ait une forme d’autonomie des services ?
De toujours, de tout temps et partout, les services, les polices, dès lors qu’elles disposent de pouvoirs, ont toujours tendance à s’en donner plus qu’on ne leur a accordé. Prenons des précautions.

Source : François Vignal, pour Public Sénat, le 26 juin 2015.

Wikileaks attaque l’Arabie Saoudite et sa politique de corruption des médias

Julian Assange cofondateur Wikileaks

Julian Assange, cofondateur de Wikileaks, lors d’une conférence de presse à l’ambassade d’Equateur à Londres, le 18 août 2014.

En publiant 61.229 nouveaux câbles et memos diplomatiques saoudiens, révélant des demandes de financement de plusieurs hommes politiques ou patrons de presse libanais, le site lanceur d’alerte Wikileaks confirme une réalité déjà de notoriété publique. La publication de ces informations menée en partenariat avec un journal pro-Hezbollah, révèle plutôt les difficultés du métier de journaliste.
En sous-titre de sa page d’accueil, le site lanceur d’alerte de Julian Assange arbore fièrement une citation de l’hebdomadaire américain Time magazineaffirmant: «Wikileaks… pourrait devenir un outil journalistique aussi important que le Freedom of information act.» Une loi de liberté de l’information votée en 1966, en pleine guerre du Vietnam, pour garantir au public un accès aux documents de toute l’administration américaine même la plus sensible.

En rendant publics des milliers de télégrammes échangés entre le ministère saoudien des Affaires étrangères et ses ambassades dans le monde ainsi qu’avec les ministères de l’Intérieur et du Renseignement, Wikileaks s’attaque une nouvelle fois de front au royaume Wahhabite.

Julian Assange, cofondateur du site qui prévoit de publier encore quelque 500.000 documents, explique«Saudi Cables a mis en lumière une dictature qui devient de plus en plus imprévisible. Cette année, elle n’a pas seulement célébré sa centième décapitation, elle est aussi devenue une menace pour ses voisins ainsi que pour elle-même.»

Acheter le silence des journalistes

Outre les rapports de complaisances politico-financières entretenus avec Riyad par des personnalités politiques libanaises, Amine Gemayel ou Boutros Harb, par exemple, les télégrammes révèlent aussi ceux avec la presse libanaise et arabe en général pour acheter leur silence. L’ambassadeur d’Arabie Saoudite y révèle par exemple une course entre l’Iran et l’Arabie Saoudite pour contrôler la chaîne de Pierre Daher LBCI.

Lors d’un premier scoop mondial, en novembre 2010, Wikileaks s’en était déjà pris à l’Arabie Saoudite en révélant, entre autres, un télégramme selon lequel le roi Abdallah demandait à Washington de «couper la tête du serpent», à savoir«attaquer et détruire le programme nucléaire de l’Iran.»

Un journal pro-iranien partenaire de l’opération

La mise en garde des autorités saoudiennes contre la diffusion de documents«qui pourraient être des faux» ne suffira sans doute pas comme démenti aux révélations de Wikileaks. En revanche, le site de Julian Assange n’a pas hésité à mettre en exergue de l’enquête son partenaire libanais de l’opération : le quotidien Al-Akhbar, proche du Hezbollah libanais, soutenu lui-même par la République Islamique d’Iran.

Une illustration parfaite des difficultés que rencontrent les journalistes arabes dans l’exercice de leur fonction.

Source : Alain Chemali, pour Géopolis/FranceTVInfo, le 24 juin 2015.

Julian Assange et Yanis Varoufakis s’attaquent au traité TAFTA

Julian Assange et Yanis Varoufakis, ancien ministre des finances grec, s’associent pour contribuer au financement de la prime de 100 000 dollars offerte à toute personne qui dévoilera le contenu de l’accord de libre-échange transatlantique(TTIP ou « Tafta »), négocié dans l’opacité la plus totale entre la Commission européenne et les États-Unis.

wikileaks_assange_varoufakis_100000_récompense_traité_tafta

C’était une première pour Wikileaks, la pratique a-t-elle vocation à se répéter ?. Après le traité transpacifique en juin, c’est au tour du traité transatlantique de se retrouver dans la ligne de mire de Wikileaks. Ils souhaitent ainsi faire voler en éclat le secret qui entoure aussi bien les négociations menées dans la plus grande opacité que le contenu du futur traité « tafta ».

Mardi 11 aout, Wikileaks a donc annoncé le lancement d’une campagne de financement visant à rassembler la somme de 100 000 dollars constituant la récompense pour tout lanceur d’alerte qui fournira au site de Julian Assange une copie du TTIP. L’ancien ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, s’est rallié à la campagne pour faire la lumière sur ce traité qui touchera directement les millions de citoyens européens, totalement exclus des pourparlers, à l’inverse des multinationales. Il fait désormais partie des premiers contributeurs, avec Gleen Greenwald, Daniel Ellsberg, journaliste à l’origine des Pentagon papers ou la créatrice de mode Vivienne Westwood.


« La transparence a besoin d’un coup de main dans la zone euro, mais aussi dans les négociations commerciales qui l’affectent »

Quelques heures après son lancement, un peu plus de 21 000 dollars ont ainsi été levés, sans que le détail des contributions n’ait été communiqué.

« Le secret du TTIP menace le futur de la démocratie européenne. Certains intérêts en profitent et s’en donnent à cœur joie, comme on l’a vu lors du récent siège financier contre le peuple grec. Le TTIP influe sur les vies de tous les Européens et entraîne l’Europe dans un conflit de long terme avec l’Asie. Il est temps de mettre fin au secret », estime ainsi Julian Assange dans un communiqué publié sur Wikileaks.

Concernant la première récompense offerte pour le TTIP, la somme est proche d’être intégralement collectée.

Source : le journal du Geek, 11/08/2015

Source: http://www.les-crises.fr/snowden-wikileaks-attaque-larabie-saoudite-et-le-ttip/


Le futur que Google 
nous prépare

Sunday 16 August 2015 at 00:51

Source : Pierrick Marissal, pour L’Humanité, le 29 juillet 2015.

Hégémonique et tentaculaire, la firme californienne est une entreprise au pouvoir quasi souverain. Mais derrière le prédateur économique 
se cache aussi un projet de société ultra-individualiste, basé sur la méritocratie et la science, pour gouverner l’humanité de demain.

C’est devenu un réflexe. Derrière son écran d’ordinateur, à la moindre question, on clique sur Google. Une traduction ? Google. Le plan d’une ville ? Google. La dernière actualité ? Google. Chaque mois, le célèbre moteur de recherche répond à quelque 100 milliards de requêtes. Plus de 90 % des humains ayant accès à Internet utilisent aujourd’hui ses services : de la messagerie électronique aux vidéos Youtube… En l’espace d’une décennie, la firme californienne, fondée en 1998 dans un garage de la Silicon Valley par Larry Page et Sergueï Brin, a vampirisé l’univers numérique et organisé un empire tentaculaire. Mais l’entreprise à la rentabilité florissante ne veut pas se contenter de compter les milliards de dollars. Les dirigeants de Google nourrissent une autre ambition quasi messianique : changer le monde. Et il faut les prendre au sérieux. « On ne peut pas comprendre Google si on le considère uniquement par ses intérêts financiers, son ambition est politique, explique le sociologue Dominique Cardon, professeur à l’université Paris-Est. Penser que Google n’est motivé que par des raisons économiques, c’est le considérer comme une vieille structure capitaliste rentière européenne. Alors qu’ils ont un modèle de société, entrepreneurial, mais aussi scientifique, créatif et politique. »

Eric Schmidt, le PDG de Google, ne se présente pas comme dirigeant d’entreprise. Il ne parle pas business, mais révolution et vision du monde. Son avant-dernier livre, The New Digital Age, se conclut ainsi : « Notre ambition est de créer le meilleur des mondes. » Et Google ne se contente pas de paraphraser Aldous Huxley. Il se donne aussi les moyens de sa puissance. Avec, tout d’abord, une assise économique phénoménale. Un trésor de guerre de près de 60 milliards de dollars, placés bien au chaud aux Bermudes, et des ressources abyssales issues de son quasi-monopole de la publicité sur Internet avec ses régies Adword et Adsense. Mais ce n’est là qu’une partie de son activité. L’entreprise est perpétuellement dans une logique de création et de conquête. Grossir toujours. Alors Google crée et détruit à coups d’innovation technologique. Ces dernières années, l’entreprise a investi massivement dans la santé, la robotique, l’intelligence artificielle, la culture et même l’automobile…

Écarter l’État et ses règles 
comme la solidarité et la justice…

Son influence est telle qu’elle en devient une force politique. En février 2013, Eric Schmidt est reçu à l’Élysée par François Hollande avec les honneurs d’un chef d’État. Lors de la conférence de presse, les deux hommes sont côte à côte, d’égal à égal. Pourtant son statut d’entreprise souveraine s’est organisé contre les États, considérés par les dirigeants de Google comme des structures du passé, nocives puisqu’elles freinent la créativité des individus. « L’État est une machine à protéger tandis que la technologie est fondamentalement perturbatrice », aime à expliquer Eric Schmidt. « Ce sont des libertariens, souligne Dominique Cardon. Ils sont persuadés qu’un individu peut changer le monde si on le laisse pleinement et librement exprimer ses capacités et sa créativité, et surtout en écartant l’État et ses règles comme la solidarité et la justice… Ils veulent transformer le monde en exacerbant l’égoïsme matérialiste. »

Le projet politique de Google est centré sur la méritocratie, le culte absolu de l’excellence. « Une vision du monde, qui se retrouve dans leur manière d’organiser le travail », note Yann Le Pollotec, chargé de la révolution numérique au PCF. Dans le jargon de l’entreprise, il faut recruter les meilleurs, appelés « chevaliers » (knights), véritable puissance créatrice de Google, qui doivent avoir toute la liberté possible. Et il y a « les manants » (knaves), les médiocres, qui sont dans le ressentiment et qu’il faut écarter pour ne pas contrarier l’excellence des autres. Cela crée une structure où les employés sont tellement en compétition que l’on n’a plus besoin de management. Les patrons de Google l’ont écrit et théorisé dans leur livre How Google Works, aujourd’hui enseigné dans toutes les écoles de management, où ils expliquent que le plus important est le recrutement.

« L’une des bibles des libertariens américains, explique Dominique Cardon, est l’ouvrage d’Ayn Rand Atlas Shrugged. Dans ce roman philosophique, les riches, qui sont fortunés parce qu’ils sont les plus scientifiques et les plus créatifs, jamais parce qu’ils sont héritiers, en ont assez de l’État et de la solidarité et font sécession. Ils partent créer une ville close, dans le désert, alors que la société, privée de ses brillants chefs d’entreprise, se décompose. Sortir des règles et des contraintes, de la solidarité et de la redistribution, de la justice, de l’État, pour laisser libre cours à la créativité de l’individu, voilà ce que veut Google. » Dans cette pensée libertarienne, on n’a pas le droit de ne pas être excellent, de ne pas vouloir changer le monde.

Pourtant, chez les libertariens et chez Google en particulier, domine la croyance que l’humain est fondamentalement imparfait. Trop déterminés par les impulsions et les passions, les hommes ne sont pas objectifs. Il faut ainsi compter sur la science et la technologie pour les améliorer. Par le transhumanisme d’un côté (lire interview) et la volonté de combattre la mort, mais aussi en faisant mieux que l’humain, grâce à la technologie. « Quel que soit le problème rencontré, que ce soit un grand challenge pour l’humanité ou un problème très personnel, il y a une idée, une technologie qui attend d’être découverte pour le résoudre », assurait au Time Magazine Ray Kurzweil, l’ingénieur en chef de Google. Le principe de la Google Car, voiture automatisée qui circule déjà aux États-Unis, est, par exemple, de remplacer le principal facteur de risque d’accidents de voiture – le conducteur – par une machine, supposée bien plus fiable. Éric Schmidt le confirme : « Votre voiture doit se conduire toute seule, il est impensable de laisser des humains conduire. C’est un “bug” que les voitures aient été inventées avant les ordinateurs. »

« Il y a un messianisme scientiste chez Google, poursuit Dominique Cardon. Ils sont scientistes, comme on l’était au XIXe siècle. » Pour eux, le monde est connaissable mathématiquement, dans chacun de ses atomes. Google espère progressivement découvrir les lois mathématiques qui régissent nos comportements, nos amours, nos joies, notre subjectivité… L’ambition de l’algorithme de Google est, d’approximation en approximation et grâce aux probabilités, de dépasser les humains, en faisant émerger du réel des lois mathématiques. « Et ce qui est étonnant pour un sociologue comme moi qui travaille sur les comportements en ligne, c’est que, souvent, statistiquement, cela fonctionne ! » ajoute Dominique Cardon.

Un algorithme au pouvoir
 très inquiétant

Cet algorithme du moteur de recherche de Google, nommé Page Rank, organise, filtre et hiérarchise notre accès au savoir et à l’information. Bien plus efficacement que ne le feraient des humains, Page Rank tend à indexer tout le savoir. La hiérarchie des résultats est purement méritocratique, si on excepte les résultats publicitaires. L’algorithme, selon de nombreux facteurs pas tous connus, choisit les meilleurs sites, puis, dans une proportion de 20 % environ, les personnalise selon le profil de la personne qui a fait la recherche. « L’hégémonie mondiale de Google tient avant tout à cette ressource très spécifique au Web, qui est le moteur de recherche, explique Dominique Cardon. C’est une utilité fondamentale du réseau, ordonnée, conduite par une entreprise privée. Son pouvoir est très inquiétant. »

L’algorithme est à la fois au service des utilisateurs, notamment parce qu’il est produit, amélioré et enrichi par les internautes, mais il reste aussi au service de la stratégie commerciale de Google. Il est très rare qu’un point de vue hétérodoxe soit mis en avant dans les résultats de recherche de Google. Les logiques dominantes gardent la main et participent au contrôle social. Eric Schmidt, lors d’une interview accordée au Wall Street Journal, a même avoué une ambition totalitaire : « Je pense que la plupart des gens ne veulent pas simplement que Google réponde à leurs questions. Ils veulent que Google leur dise quoi faire ensuite. »

Pour Pierre Mounier, chercheur en humanités numériques et auteur d’Homo Numericus, Google se nourrit de nos vies, de nos actions, des contenus que l’on produit pour les monétiser… En ce sens, Google nous appartient. Pour lui, il faudrait que l’on commence à considérer Google, et en particulier son moteur de recherche, comme un bien commun de l’humanité. Pierre Mounier propose que ce soit l’Unesco qui hérite de la gouvernance de ce moteur de recherche, principale source d’accès au savoir et à l’information. « Le patrimoine mondial est l’héritage du passé, dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir », explique l’Unesco dans sa convention de 1972. Ce patrimoine appartient à tous, et sa définition correspond parfaitement, selon Pierre Mounier, au moteur de Google et au cyberespace qu’il indexe. L’idée séduit Yann Le Pollotec : « Google marchandise une certaine forme de communisme, monétise du bien commun, en profitant du fait que le moteur de recherche en est la principale porte d’entrée. » Il serait peut-être temps de remettre la main sur cette porte d’entrée.

Source: http://www.les-crises.fr/le-futur-que-google-%e2%80%a8nous-prepare/


[Histoire] Quelques images du passé particulièrement poignantes…

Saturday 15 August 2015 at 02:04

Source Nathan Weber, www.demotivateur.fr

L’histoire de l’Humanité est pleine de moments absolument incroyables. Certains sont tragiques, d’autres sont magnifiques, d’autres tout simplement drôles. Il y a des instants glaçants, et d’autres qui sont au contraire porteurs d’espoir…

Ces 29 images se suffisent à elles seules, car elles sont tellement chargées d’histoire et d’émotion qu’elles peuvent raconter plus de choses que bien des livres. Voici des clichés uniques pris par des photographes, oubliés dans les méandres du temps, qu’il est grand temps de dépoussiérer !

1. Le moine enflammé, 1963.

Le matin du 11 juin 1963, ce moine bouddhiste s’est immolé par le feu afin de protester contre l’oppression que le régime de Ngo Dinh Diem exerçait à l’encontre des bouddhistes. En état de méditation, il est resté impassible jusqu’à finalement mourir.

2. Un garde royal s’évanouit au passage de la reine, 1970

 Un garde royal perd connaissance alors même que la reine Elizabeth II passe à ses côtés lors d’un défilé, 1970.

3. “Dessine ta maison”, 1948

 Dans un centre pour enfants perturbés, on leur demandait aux enfants de faire un dessin pour représenter leur maison. Cette petite fille a grandi dans un camp de concentration Nazi.

4. École de la Cavalerie Italienne, 1906

 La descente de talus, l’une des nombreuses épreuves techniques que l’apprenti cavalier et son cheval doivent passer.

5. L’appel de la prière au sein de l’armée Nazie, 1943

 Des soldats musulmans de la 13ème division de la Waffen-SS prient ensemble dans un camp d’entraînement en Allemagne. Hitler considérait les musulmans comme proches des juifs, et avait prévu de les anéantir eux-aussi à terme… Si certains ont servi (comme les autres jeunes allemands) dans les rangs de l’armée Nazie, nombreux sont ceux qui sont venus en aide aux juifs, notamment en France et au Maghreb.

6. Les restes de la guerre, 1916

Les carcasses vides des obus d’un bombardement allié s’échouent sur une plage allemande.

7. Tests de solidité des premiers casques pour le football américain, 1912

 Un homme se jette tête la première contre une palissade afin de déterminer la résistance aux chocs du prototype.

8. Soldat faisant le mur, 1961

 La photo représente le soldat Hans Conrad Schumann en train de sauter les barbelés séparant la RDA de la RFA, le 15 Août 1961. À l’âge de 19 ans, il s’est enfui de l’Allemagne de l’Est.

9. Femme combattante de l’IRA, Irlande, 1970 
10. Les enfants ne comprenant pas la haine, 1992
Un petit enfant et un CRS noir se rencontrent, lors d’une manifestation du Ku Klux Klan en 1992.
11. Crânes de bisons, 1870
 Les ossements de bisons étaient traités et fermentés afin de fabriquer du fertilisant. De nos jours, quelques bisons des plaines survivent encore aux États-Unis, la plupart dans des zoos ou des élevages.
12. Soldat nourrissant des ours polaires depuis son tank, 1950 (photo colorisée) 
13. Recherche d’emploi, 1930, en pleine crise américaine

 La pancarte dit : “Je suis spécialisé dans 3 domaines différents, je parle 3 langues, j’ai combattu pendant 3 ans, j’ai 3 enfants et je suis sans emploi depuis 3 mois. Mais je veux juste UN SEUL travail.”

14. Femmes boxeuses sur un toit, 1938
15. Le jour où la Suède a changé son sens de circulation de la gauche vers la droite, 1967
16. Racisme, 1964

 Le gérant d’un hôtel balance de l’acide dans sa piscine, parce que des personnes de couleur s’y trouvent.

 17. Soldats réalisant un hommage au Président américain Woodrow Wilson, 1918
ERRATUM : Une précédente version de cet article affirmait que le visage était celui du ommandant Mathew C. Smith (qui a en réalité coordonné cet hommage). Merci à nos lecteurs vigilants de nous l’avoir signalé.
18. Tête à tête, 1965
 Le leader du Parti Nazi Américain, George Lincoln Rockwell, se retrouve face à face avec Martin Luther King Jr.
19. Les images de la honte, 1945

 Voila la réaction des soldats allemands lorsqu’ils ont été mis face aux images de l’horreur des camps de concentrations nazis, en 1945. On imagine que certains ne savaient même pas ce qui se passait là-bas, et que d’autres ne le savaient que trop bien…

20. La dernière exécution publique par la guillotine en France, 1939
21. Berlin à la fin de la Seconde Guerre, en 1945

 Voici à quoi ressemblait la place Brandenburg et ses alentours en 1945, après les bombardements subis au cours de la guerre.

22. La belle endormie, 1947

Voici à quoi ressemblait Berlin juste après la Seconde Guerre Mondiale !

Ces fascinantes vidéos en couleur nous montrent la situation de la ville lors de l’été 1945, directement après la Seconde Guerre Mondiale et la capitulation de l’Allemagne. Voici la vie quotidienne
des Berlinois après des années de guerre.

Les images nous dévoilent une ville détruite, le Reichstag, la porte de Brandebourg, l’hôtel Adlon, le bunker du Führer, l’avenue Unter den Linden, les femmes des ruines à l’œuvre dans les rues, et les trams à nouveau en fonctionnement.

Un assemblage d’images d’archive production par Kronos Media

Evelyn McHale s’est suicidée en sautant du haut de l’Empire State Building en 1947. Personne ne sait trop comment, mais elle a réussi à rester belle jusqu’au bout, et semble simplement endormie…

23. Portrait d’un gardien de hockey (Terry Sawchuck), 1966

 Voici à quoi pouvait ressembler le visage d’un gardien de hockey, avant que l’on invente les casques grillagés et les protections pour ce sport… Oui, il fallait vraiment être passionné à l’époque !

24. Le sourire de la Mort, 1945

Harold Agnew porte, en souriant, la charge de plutonium de la bombe de Nagasaki “Fat Man”, peu avant qu’elle ne soit lancée…

25. Blessé de guerre, 1944 

Des soldats pratiquent les gestes de premiers soins sur un chien blessé lors des affrontements sur la péninsule d’Orote (Guam), en 1944.

26. Les soldats d’un bataillon de Māori font leur “haka” en Égypte avant de partir au combat, 1941 

 Le soldats de ce bataillon Māori appartenant aux troupes Néo-Zélandaises font leur célèbre danse de guerre, le “haka”. Cette danse a été popularisée par l’équipe nationale de rugby à XV de Nouvelle-Zélande (Les All Blacks), mais il s’agit à l’origine d’une danse d’intimidation, qui permet aussi de se donner du courage avant de se battre.

27. Test du premier gilet pare-balle, 1923
28. Le bureau d’Albert Einstein, photographié un jour après sa mort dans l’état où il l’avait laissé.
29. Un gros coup de chance, 1918
Le soldat “Lucky”, qui porte décidément bien son surnom, montre en riant son casque endommagé.

Source: http://www.les-crises.fr/uelques-images-du-passe-etonnantes/


Grèce : Après l’accord du 11 août 2015, par Jacques Sapir

Saturday 15 August 2015 at 00:51

Contre-feux

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 11 août 2015.

L’accord auquel la Grèce et ses créanciers semblent être arrivé aujourd’hui, mardi 11 août, après de longues négociations est un mauvais accord. Les 85 milliards qui sont prévus dans cet accord sont, aujourd’hui, largement insuffisant. Il ne pouvait en être autrement. Car ce texte est la conclusion logique du diktat imposé le 13 juillet 2015 par les créanciers à la Grèce. Et, ce diktat n’a pas été conçu dans l’objectif d’apporter un réel secours à la Grèce, même au prix d’énormes sacrifices, mais uniquement pour humilier et déconsidérer politiquement son gouvernement. Ce diktat est le produit d’une vengeance politique et n’a aucune rationalité économique.

Les doutes sont d’ores et déjà présent sur cet accord qui doit être ratifié d’ici le 20 août. Il a été longuement dénoncé dans diverses colonnes[1]. Il va accroître l’austérité dans un pays dont l’économie est en chute libre depuis les manœuvres de la Banque Centrale Européenne à partir du 26 juin dernier. L’accroissement des prélèvements fiscaux est un non-sens dans une économie en récession. Il faudrait, au contraire, injecter massivement de l’argent dans l’économie pour faire repartir la production. Tout le monde le sait[2], que ce soit le gouvernement grec ou ses créanciers. Pourtant ces derniers persévèrent dans l’erreur. Pourquoi ?

La responsabilité de l’Allemagne

On pointe souvent la responsabilité de l’Allemagne. De fait, ce pays entend lier cet accord à une stricte conditionnalité et ceci alors que les conditions mises aux précédents plans d’aides qui ont été signés depuis 2010 ont abouti à une chute de 25% du PIB et à une explosion du chômage. De même, l’Allemagne entend imposer une importante réforme des retraites à Athènes, alors que ces mêmes retraites jouent le rôle d’amortisseur à la crise dans un pays où les transferts intergénérationnels remplacent des allocations chômage désormais très faibles. Cela reviendra à appauvrir un peu plus la population, et à provoquer plus de récession. Enfin, l’Allemagne veut encore imposer de larges privatisations. Il est clair que ces dernières permettraient aux entreprises allemandes, qui sont loin d’être blanc-bleu sur la Grèce (la filiale grec de Siemens est au cœur d’un immense scandale fiscal) de continuer une liste d’achat à bon marché. On le voit, l’incompétence semble donner la main au cynisme.

La responsabilité de l’Allemagne est évidente. En fait, le seul espoir – si la Grèce doit rester dans la zone Euro – serait d’annuler une large part, de 33% à 50%, de la dette grecque. Mais, de cela, le gouvernement allemand ne veut rien savoir et ceci au moment où il apparaît qu’il a tiré de larges profits de la crise grecque comme le reconnaît un institut d’expertise allemand[3]. Il y a cependant dans l’obstination meurtrière du gouvernement allemand envers le peuple grec quelque chose qui va bien au-delà d’un attachement aux « règles » d’une gestion très conservatrice ou des intérêts particuliers. En fait, le gouvernement allemand entend punir le peuple grec pour avoir porté au pouvoir un parti de gauche radicale. Il y a ici une volonté clairement politique et non économique. Mais, le gouvernement allemand veut aussi faire de la Grèce un exemple afin de montrer, en regardant en direction de l’Italie et de la France comme le note l’ex-Ministre des finance Yanis Varoufakis[4], qui est le chef dans l’Union européenne. Et cela est des plus inquiétant.

Les déclarations de Romano Prodi

Dans ce contexte, les déclarations de M. Romano Prodi dénonçant dans un journal conservateur de la Vénétie, Il Messagero, ce qu’il appelle le « blitz allemand » doivent être regardées avec attention[5], mais aussi avec une certaine méfiance. Quant Romano Prodi, dont il faut rappeler qu’il fut président de la Commission européenne et Premier-ministre de l’Italie, dénonce le comportement du gouvernement allemand en considérant que ce dernier met en cause le fonctionnement même de la zone Euro, il y a peu à redire. Mais, ce comportement critiquable n’est nullement analysé dans ce qu’il révèle. Certes, le gouvernement allemand, dans la forme comme dans le fond, est en train de détruire la zone Euro. Mais, s’il le fait c’est qu’il n’a guère le choix. En effet, agir différemment reviendrait à accepter ce que propose implicitement Romano Prodi, soit une organisation fédérale de la zone Euro. Or ceci n’est pas possible pour l’Allemagne. Si l’on veut que la zone Euro ne soit pas ce carcan qu’elle est aujourd’hui qui allie la dépression économique à des règles austéritaires, il faudrait en effet que les pays du Nord de la zone Euro transfèrent entre 280 et 320 milliards d’euros par an, et cela sur une période d’au moins dix ans, vers les pays d’Europe du Sud. L’Allemagne contribuerait à cette somme sans doute à hauteur d’au-moins 80%. Cela veut dire qu’elle devrait transférer de 8% à 12% de son PIB, selon les hypothèses et les estimations, tous les ans. Il faut dire ici que ceci n’est pas possible. Tous ceux qui entonnent le grand lamento du fédéralisme dans la zone Euro avec des sanglots dans la voix ou avec des poses martiales n’ont pas fait leurs comptes ou bien ne savent pas compter. On peut, et on doit, critiquer la position allemande vis-à-vis de la Grèce parce qu’elle participe d’une vendetta politique contre un gouvernement légalement et légitimement élu. Mais exiger d’un pays qu’il transfère volontairement une telle proportion de sa richesse produite tous les ans n’est pas réaliste.

Romano Prodi n’est pas un imbécile

Or, Romano Prodi n’est certainement pas un imbécile, et ceux qui se souviennent de son intervention en Russie, au Club Valdaï de 2013 savent qu’il est d’une rare intelligence, et de plus il sait compter. Pourquoi, alors, s’obstine-t-il dans cette voie, et pourquoi appelle-t-il à un axe entre Rome et Paris pour rééquilibrer le rapport de force ? Pourtant, Romano Prodi sait très bien que ce n’est pas dans le gouvernement français que l’on peut trouver un partenaire résolu pour affronter Berlin[6]. Depuis septembre 2012, et le vote sur le TSCG, il est clair que François Hollande n’a aucune envie et aucune intention d’aller au conflit avec Madame Merkel. Son inaction, ou plus précisément son inaction, en témoigne tous les jours.

Alors, il nous faut bien admettre que Romano Prodi fait en réalité de la politique, et qui plus est de la politique intérieure italienne. Il sait que la question de l’Euro est aujourd’hui directement et ouvertement posée en Italie, que ce soit objectivement dans les résultats économiques qui se dégradent ou que ce soit subjectivement dans la multiplication des prises de position Euro-critiques de la gauche (avec l’appel de Stefano Fassina) à la droite et à la Ligue du Nord. Il faut comprendre sa position comme un contre-feu face à un changement, lent mais profond, de l’opinion publique et de l’opinion des politiques sur la question de l’Euro. Mais, pour que ce contre-feu soit efficace, il lui faut bien dire des vérités. D’où, l’analyse, qui n’est pas fausse, sur les conséquences de l’attitude allemande sur la Grèce. Mais, en même temps, on voit que cette analyse n’est volontairement pas poussée à ses conclusions logiques.

Contre-feux

On voit donc le jeu de Romano Prodi. Mais, celui de Wolfgang Schäuble n’est pas différent. Le Ministre des finances allemand a compris le risque pour son pays qu’à partir de la crise grecque se mette en place un puissant mouvement vers le fédéralisme au sein de la zone Euro, avec toutes ses implications. Et, de cela, il ne veut, et sur ce point il est en accord parfait tant avec la Chancelière qu’avec le dirigeant du SPD, Sygmar Gabriel, sous aucun prétexte. Ainsi, qu’il s’agisse de Romano Prodi ou de Wolfgang Schäuble, les deux hommes, les deux dirigeants politiques, en sont réduits à allumer des contre-feux. Mais, ce qui est aujourd’hui nouveau, c’est que leurs actions ne peuvent plus être coordonnées. Elles vont se heurter l’une l’autre, et de cette désarticulation stratégique découle une désarticulation politique du projet de l’Euro.

Romano Prodi cherche à éviter ou à ralentir la constitution de ce front des forces anti-euro, front qui monte dans l’opinion comme dans les milieux politiques tant en Italie qu’en Europe. Wolfgang Schäuble, lui, tient à éviter que l’on entre dans une logique d’union de transfert qui serait mortelle pour l’Allemagne. Ainsi, l’un et l’autre affectent de parler de l’Euro et de l’Europe mais, en réalité, pensent dans le cadre national. Quelle meilleur preuve faut-il de la mort de l’Euro, mais aussi de l’échec d’une certaine idée de l’Union européenne ?

[1] Voir Godin R., « Grèce : pourquoi le nouveau plan d’aide est déjà un échec » in La Tribune, 4 août 2015, http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-pourquoi-le-nouveau-plan-d-aide-est-deja-un-echec-496415.html ou Robin J-P, « Pourquoi le Grexit est plus que jamais d’actualité » in FigaroVox, 4 août 2015, http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/08/04/31001-20150804ARTFIG00200-pourquoi-le-grexit-est-plus-que-jamais-d-actualite.php

[2] Même un journal qui nous a habitué à des propos très conservateurs sur ce point l’admet. Voir : http://www.lesechos.fr/monde/europe/021256452465-le-3e-plan-grec-pas-meilleur-que-les-precedents-1143735.php#xtor=RSS-52

[3] « Greek Debt Disaster: Even If Greece Defaults, German Taxpayers Will Come Out Forward, Says German Assume Tank » in Observer, http://www.observerchronicle.com/politics/greek-debt-crisis-even-if-Greece-defauts-German-taxpayers-will-come-out-ahead-says-german-think-tank/58504/

[4] Voir la transcription de sa téléconférence à l’OMFIF ou Official Monetary and Financial Institutions Forum http://www.omfif.org/media/1122791/omfif-telephone-conversation-between-yanis-varoufakis-norman-lamont-and-david-marsh-16-july-2015.pdf

[5] Prodi R., « L’Europa fermi l’inaccettabile blitz tedesco », Il Mesaggero, 8 août 2015, http://www.ilmessaggero.it/PRIMOPIANO/ESTERI/europa_fermi_inaccettabile_blitz_tedesco/notizie/1507018.shtml

[6] Godin R., « Grèce : y a-t-il un vrai désaccord entre Paris et Berlin ? », in La Tribune, 3 août 2015, http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-y-a-t-il-un-vrai-desaccord-entre-paris-et-berlin-496193.html


Grèce : le retour à la réalité des créanciers ?

Source : Romaric Godin, pour LaTribune, le 11 août 2015.

Le troisième mémorandum semble plus modéré que les deux précédents.

Le troisième mémorandum semble plus modéré que les deux précédents. (Crédits : © Yannis Behrakis / Reuters)

L’accord sur le troisième mémorandum offre des conditions modérées au gouvernement grec. Les créanciers ont abandonné leurs objectifs budgétaires intenables, mais le risque d’un échec demeure.

Il ne faut certes pas s’y tromper, ce troisième mémorandum qui sera signé entre la Grèce et ses créanciers sera un défi pour son économie difficile à surmonter. Mais le gouvernement d’Alexis Tsipras pourra se vanter d’avoir obtenu des avancées concrètes dans ce mois de négociations qui a suivi la « capitulation » du 13 juillet. Il semble qu’après avoir exhorté avec hauteur les Grecs à « revenir à la réalité » pendant des mois, les créanciers aient, eux-mêmes, été contraints de se réveiller et de prendre conscience que leurs exigences étaient insoutenables et conduisaient la Grèce dans une nouvelle spirale infernale.

Cadre budgétaire assoupli

Les termes de ce troisième mémorandum semblent donc plus raisonnables que ceux des deux précédents. Selon Reuters, le cadre budgétaire fixé est, du moins pour ce qui concerne 2015 et 2016, conforme à la réalité. La Grèce s’engage à ne pas dépasser un déficit primaire (hors service de la dette) de 0,25 % du PIB en 2015 et à dégager un excédent primaire de 0,5 % du PIB en 2016.

Là encore, il ne faut pas s’y tromper : il ne s’agit pas de dégager des marges de manœuvre budgétaire pour le gouvernement hellénique, mais d’adapter les objectifs à l’effondrement de l’économie. Pour 2015, le PIB grec devrait se comprimer de 2,1 % à 2,3 %. Reste qu’après les mesures votées en juillet, notamment les hausses de TVA et les baisses des pensions et des salaires par une augmentation des cotisations retraites, aucune mesure d’austérité supplémentaire ne sera demandée au cours des deux prochaines années. Et c’est un point important pour le premier ministre grec.

Stopper la spirale austérité-récession

Ces objectifs adaptés, permettront en théorie d’éviter de plonger la Grèce dans une nouvelle course aux mesures d’austérité pour atteindre des objectifs irréalistes comme en 2010-2015.

L’expérience européenne montre que la meilleure méthode, pour une économie comme la Grèce, de retrouver la croissance, c’est de stopper l’austérité aveugle. C’est surtout cela que prouvent les exemples portugais et espagnols. La Grèce va donc pouvoir reprendre une bouffée d’air dont elle a bien besoin.

Compte tenu de la situation, les objectifs imposés par l’Eurogroupe d’un excédent primaire de 1% du PIB cette année et de 2% en 2016 n’avaient aucun sens et auraient conduit le pays dans la même logique qu’en 2010-2013, lorsque l’on demandait de « nouveaux efforts » récessifs au gouvernement grec pour atteindre des objectifs fondés sur des prévisions de croissance irréalistes.

Il faut saluer ce fait, assez peu courant ces dernières années : le « quartet » des institutions (Commission, BCE, FMI et MES) a cherché à éviter cette spirale récessive.

Des objectifs encore élevés pour 2017 et 2018

Certes, les objectifs d’excédents primaires sur 2017 et 2018 : 1,75% du PIB et 3,5% du PIB ont été relevés. Ils semblent encore fort irréalistes, mais, en réalité, ces objectifs ressemblent davantage à une opération de communication permettant aux créanciers de ne pas perdre la face. Leur perspective est encore lointaine et, en fonction de l’évolution de la croissance, il sera toujours temps de les réviser à des niveaux appropriés. En tout cas, le couperet de nouvelles mesures d’austérité semble repoussé à un horizon plus lointain et à des temps meilleurs. Là encore, du moins, en théorie.

Une liste de 35 « réformes » difficile à accepter

La liste des 35 mesures prioritaires réclamées par les institutions, selon le journal grec Kathimerini, pose, elle, un vrai problème. L’essentiel de ces mesures est contraire au programme du gouvernement, et ceci pose ouvertement la question de la valeur et du respect de la démocratie grecque. Le gouvernement devra ainsi revenir sur la loi votée le 2 juillet dernier sur le contrat de travail, ce qui prouve le caractère tutélaire du mémorandum sur la Grèce. D’autres sont inquiétantes (préparer des économies de 0,5% du PIB du système de protection sociale). la plupart représentent les recettes habituelles des créanciers en termes de libéralisations et de privatisations (dérégulation du marché du gaz en 2018, suppression des subventions pour les agriculteurs et ouverture du marché des médicaments), qui sont autant de pilules amères pour Athènes. D’autres, enfin, moins nombreuses, peuvent très bien être acceptées par Syriza (amélioration des recettes fiscales, réduction de la bureaucratie, suppression de certaines professions réglementées).

Cette liste sera difficile à faire accepter par la gauche de Syriza, mais Alexis Tsipras pourra insister sur son caractère non austéritaire a priori. D’autant que le gouvernement a obtenu que le forfait hospitalier de 5 euros ne soit pas rétabli.

La recapitalisation bancaire accélérée, sans contribution des déposants

Les banques grecques devront rapidement être renflouées à hauteur de 10 milliards d’euros pour éviter toute contribution des déposants, comme cela est prévu par l’union bancaire à partir de janvier 2016. C’est un élément important qui ne pénalisera pas les consommateurs et favorisera le retour des dépôts dans les banques, même si la questions des créances douteuses n’est pas encore réglée.

Quant au fonds de privatisation appelé Taiped, il a été convenu qu’il n’y aura pas de ventes d’actifs rapides et à moindre coût. C’est là aussi un élément que réclamait le gouvernement grec.

Une victoire tardive d’Alexis Tsipras ?

Reste que cet accord peut apparaître comme une victoire tardive d’Alexis Tsipras. Il ne manquera, du reste, pas de l’avancer comme un argument lorsque le texte passera devant la Vouli, le parlement grec, jeudi. D’ores et déjà, le ministère des Finances souligne que les mesures demandées sont les mêmes que le 25 juin, lorsque les créanciers proposait un financement de 5 mois de 7 milliards d’euros. Cette fois, ce sera 85 milliards d’euros sur trois ans.

Certes, les concessions qu’a dû accepter le gouvernement sont considérables, tant en matières de réformes qu’en matière de mesures récessives votées en juillet. Mais le Premier ministre pourra proclamer que la politique d’austérité s’est achevée avec les textes votés en juillet et que ceci est le fruit de la capacité de négociation de son gouvernement. Il pourra prétendre avoir obtenu le meilleur accord possible avec les créanciers, ce qui, après tout, était son objectif le 25 janvier dernier lorsque les électeurs grecs lui ont confié le pouvoir.

De nouvelles élections ?

Avec un tel accord, qui améliore singulièrement celui du 13 juillet, Alexis Tsipras semble ne rien avoir à craindre. Si la plateforme de gauche, l’opposition interne à Syriza, décide de rejeter le texte, il pourra en appeler à de nouvelles élections, qui seraient organisées, selon la presse grecque, les 13 ou 20 septembre prochains. L’aspect rassurant du troisième mémorandum et l’absence d’une opposition organisée et proposant des alternatives lui assurera sans doute une large majorité. A moins que l’opposition à l’euro, qui monte, ne se cristallise autour de la plateforme de gauche désormais indépendante.

Ce scrutin lui permettrait aussi d’exclure son opposition de gauche des listes de Syriza. Aussi, désormais, la situation de cette opposition est difficile : elle est menacée de disparaître de la Vouli si elle maintient une position d’opposition au gouvernement.

Mise à nu de l’irréalisme des créanciers durant les négociations

Du côté des créanciers, ce « retour à la réalité » est assez douloureux. Il prouve que les demandes de l’Eurogroupe, notamment en termes budgétaires, durant l’essentiel des négociations étaient irréalistes. Il prouve aussi que la volonté de « faire un exemple » en châtiant Syriza de sa témérité de vouloir secouer le dogme de l’austérité a mené non seulement la Grèce, mais leur propre logique dans le mur. La décision de la BCE d’utiliser le système bancaire comme un moyen de pression sur le gouvernement grec a conduit l’économie hellénique au chaos. Et ce chaos n’a pas conduit, comme les créanciers l’espéraient sans doute, à un changement de majorité, mais a conduit à mettre en avant la caducité de leurs exigences.

L’abandon de l’objectif politique

Ce 11 août marque donc une victoire importante pour Syriza et Alexis Tsipras. D’abord, l’abandon par les créanciers de la logique de la « consolidation fiscale source de croissance » qui avait conduit à minimiser les multiplicateurs budgétaires et à faire entrer les pays périphériques dans des spirales infernales. Et s’ils ont renoncé à pousser plus avant leurs exigences, c’est aussi parce qu’ils ont renoncé à leur objectif politique de changer la majorité politique en Grèce. Ils ont compris qu’en cherchant à s’imposer contre la démocratie grecque, ils risquaient, à plus ou moins long terme de conduire la Grèce à sortir de l’euro. Déjà, un récent sondage réalisé après l’accord du 13 juillet signalait un moindre attachement à la monnaie unique. Cet accord prouve donc que, malgré les rodomontades de Wolfgang Schäuble, les créanciers craignent bel et bien le Grexit. En tout cas, ce mardi, ils ont fait clairement le choix de tenter de l’éviter.

Pas de succès sans investissement, ni restructuration de la dette

Y parviendront-ils ? Ces conditions modérées sont une avancée, mais il convient de demeurer prudent. Rien ne dit que ce sera suffisant pour redresser un pays doublement atteint par l’austérité des années 2010-2014 et par la politique suicidaire de la BCE durant le premier semestre 2015. Les objectifs budgétaires sont de simples adaptations. ils peuvent, malgré leur caractère réduit, devenir des pièges si la croissance demeure plus faible que prévu. Si tel est le cas, les créanciers devront adapter à nouveau leurs demandes plutôt que de demander de nouvelles coupes. Mais le gouvernement d’Alexis Tsipras n’est pas encore entièrement libéré de ce piège.

Par ailleurs, la refonte du système bancaire sera un premier élément clé de cette reprise. Mais, ce troisième mémorandum ne sera un succès qu’à deux conditions. D’abord, la prise en compte de la situation réelle de l’économie grecque et donc du besoin de reconstruction. D’où la nécessité d’un vrai et ambitieux programme d’investissement européen. Ensuite, la reconnaissance que, sans restructuration d’envergure de la dette grecque, ce nouveau plan, qui n’est que la poursuite de la cavalerie financière de 2010, sera un échec en faisant peser dans les décennies à venir un fardeau intenable sur l’économie hellénique. C’est le dernier retour à la réalité que les créanciers doivent accepter. Les négociations sur ce point en novembre s’annoncent donc essentielles.

Reste un problème : le financement de ce plan de 85 milliards d’euros n’est pas bouclé. Le MES ne devrait apporter que 50 milliards d’euros. Le FMI n’apportera sans doute pas les 32 milliards d’euros restants. Si on compte sur le plan de privatisations pour combler ce financement, on entrerait dans une logique de vente rapide à prix bradés des actifs de l’Etat qui serait contre-productif.

Le mystère allemand

Mais, en novembre, comme aujourd’hui, un obstacle de taille s’élève devant la Grèce et Alexis Tsipras : celui de l’Allemagne. Le gouvernement fédéral allemand acceptera-t-il ces conditions modérées et ce retour à la réalité qui est une défaite idéologique pour son ministre des Finances ? Rien n’est moins sûr. Or, cet accord du 11 août ne sera valide que lorsque le directoire du MES l’aura validé. Dans ce directoire, l’Allemagne dispose d’un veto de fait et son représentant ne prend sa décision qu’après le vote du Bundestag. Berlin pourrait donc être tentée de faire monter les enchères et de « négocier » cet accord contre un renforcement de la surveillance budgétaire dans la zone euro, par exemple, qui est désormais un objectif clairement affiché par le camp Schäuble. Du reste, la commission européenne affirmait ce mardi que l’accord n’était que “technique” et qu’il n’y avait pas d’accord “polittique”. Les conséquences de l’affaire grecque pour l’Europe ne sont donc pas terminées.

Source: http://www.les-crises.fr/grece-apres-laccord-du-11-aout-2015/


[Entraide] Modération, Histoire, Wiki

Friday 14 August 2015 at 05:03

Bonjour – plusieurs appels à l’entraide aujourd’hui (j’en rappelle certains…)

Modération

On a bien besoin de volontaires pour la modération !

Wiki

Si vous êtes un roi de la programmation pour améliorer un wiki…

Info : Excel

Vous avez été plusieurs à répondre pour la dernière demande pour Excel. J’en ai pris note, je reviendrai bientôt vers vous…

Entraide Histoire (rappel)

Nous aurions besoin d’un peu d’aide pour des petites recherches sur Internet + rédaction de courtes synthèses, en lien avec l’Histoire et la Propagande de guerre.

Nous cherchons des personnes ayant la curiosité pour l(Histoire, de la rigueur, se débrouillant en recherches internet – voire en plus avec de bonnes qualités de rédaction (même si on peut segmenter le travail).

Rien de très compliqué non plus – ça restera de niveau Licence / Master… Profil Historien, Sciences Po, Journaliste, etc. bienvenu…

Et rien de très long non plus, la participation peut être unique sur un seul sujet si vous souhaitez…

Contact

Contactez-moi ici en indiquant en objet le sujet sur lequel vous vous proposez…

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-moderation-ikea-histoire-wiki/


[Mainstream] “La Russie, l’autre défaut de paiement”

Friday 14 August 2015 at 00:40

Encore un bel article de propagande de la presse Mainstream, pour finir la semaine…

Moi, je trouve ça drôle… Surtout en connaissant ça :

Grooooooooooooo problème la Russie lol

La chute des cours des hydrocarbures, l’effondrement du rouble et les sanctions occidentales pourraient pousser la Russie à faire défaut d’ici 2017.

Vladimir Poutine Pavel Golovkin/AP/Sipa

Vladimir Poutine Pavel Golovkin/AP/Sipa

L’affaire aura été totalement éclipsée par le feuilleton de la dette grecque. Pourtant, alors que les dirigeants européens s’écharpaient sur les modalités d’un futur plan de sauvetage de la Grèce, se profilait en Russie la perspective d’un défaut de paiement plus désastreux encore.

Le 4 juin, l’agence de notation américaine Standard & Poor’s évoquait dans un rapport le risque de faillite des régions russes. Un risque d’autant plus crédible qu’il s’est déjà concrétisé : d’après ce document, “au moins une région russe” a fait défaut au cours du premier trimestre 2015. Il s’agit de la région de Novgorod, la plus ancienne cité de Russie, dont les monuments sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Tout un symbole.

Les faits remontent à janvier 2015. Endettée auprès de la banque publique russe VTB, la région de Novgorod cherche à se refinancer afin de faire face à l’échéance de l’emprunt. Une offre publique d’emprunt est diffusée, sans succès. En dépit d’une promesse de remboursement à hauteur de 23,63% de taux d’intérêt, aucune banque ne répond à l’offre. La région de Novgorod se retrouve techniquement en défaut. En urgence, le ministère russe des Finances vole au secours de la région et lui transfère 320 millions de roubles (4,5 millions d’euros). De quoi faire patienter VTB. Fin mars, la banque accepte de refinancer la région.

Fin de l’histoire ? Ce serait le cas si Novgorod était un cas isolé. D’après une étude de la Haute école d’économie de Moscou publiée en mai, 20 des 85 régions qui composent la Fédération de Russie seraient déjà techniquement “dans une situation de défaut de paiement”.

2014, l’année noire

Le surendettement des régions russes est en grande partie dû à une série d’ambitieuses mesures prises en mai 2012 au moment du retour à la présidence de Vladimir Poutine. Au programme : hausse des salaires, retour d’une forte natalité, création de 25 millions d’emplois d’ici 2020, ou encore amélioration du système de santé publique. Bien que la tâche soit censée être partagée avec l’État fédéral, ce sont les régions russes qui se retrouvent à financer l’essentiel de ces “réformes de mai”.

Le pire restait à venir. En 2014, l’effondrement du prix des hydrocarbures, les sanctions occidentales votées après l’annexion de la Crimée et la chute du rouble ont laminé les revenus des régions, alors que les dépenses continuent de croître. D’après Karen Vartapetov, directrice adjointe de Standard and Poor’s Russie, citée par le “Moscow Times”, les régions russes seraient 25% plus endettées en 2015 qu’elles ne l’étaient en 2014.

La hausse des taux d’intérêts complique encore cette situation. En décembre 2014, la chute dramatique du rouble pousse la Banque centrale russe à catapulter son taux directeur à 17%. Le marché interbancaire se retrouve paralysé et la dépendance des régions envers les banques tourne au cauchemar. Seulement deux mois plus tard, la région de Novgorod fait défaut.

Cette situation intenable n’est pourtant pas en voie d’amélioration, avec un soutien budgétaire des régions par l’État fédéral de plus en plus ténu. En 2015, le budget d’aide aux régions est en baisse de 15% par rapport à 2014. Les gouvernements régionaux n’ont donc d’autre choix que de tronçonner leurs budgets, y compris pour l’éducation, la santé, les infrastructures et le logement.

“La plus grande récession des vingt dernières années”

La Banque mondiale se veut optimiste face à la crise que traverse actuellement la Russie. D’après l’organisation internationale, le PIB russe devrait connaître une contraction d’environ 3% en 2015, puis se stabiliser dès 2016. D’autres, comme les analystes de l’agence Bloomberg, prédisent cependant “la plus grande récession que la Russie ait connu ces vingt dernières années”. Standard and Poor’s a récemment affirmé que la dette régionale pourrait provoquer un défaut russe d’ici deux à trois ans seulement.

Les raisons de ce marasme sont multiples et étroitement liées. La chute du prix du baril de pétrole, passé de 110 dollars début 2014 à 60 dollars à la fin de l’année a lourdement amputé le budget fédéral, dont 50% des revenus provient de l’exportation de matières premières, et des hydrocarbures en premier lieu. C’est là la cause principale de l’importante dépréciation du rouble. Conséquence directe : pour la seule année 2014, la fuite des capitaux s’élèverait à 120 milliards de dollars, soit presque 10% du PIB russe.

La hausse brutale des taux d’intérêts et des mesures directes de soutien au rouble sont parvenues à limiter son envolée. La Banque Centrale a, depuis, graduellement abaissé son taux d’intérêt directeur pour favoriser la reprise des investissements, mais cette diminution provoque une forte hausse de l’inflation, qui a déjà presque doublé de 2013 à 2014.

Pour l’heure, un éventuel défaut russe est un horizon lointain. Dans une interview au journal russe “RBK”, Alexeï Koudrine, ministre des Finances russe de 2000 à 2011, affirme qu’une telle éventualité reste “fort peu probable”. En Russie, un “defolt’” – le terme anglais est passé dans le langage courant – est politiquement inenvisageable pour un pouvoir bâti sur une promesse de stabilité, en rupture avec le climat délétère des années 90, faites d’ivrognerie présidentielle et de faillite fédérale (en 1998).

L’heure des choix

La menace est pourtant bien comprise par les dirigeants russes. Le 21 juillet, le Premier ministre Dmitri Medvedev a déclaré faire de la dette des régions russes une affaire personnelle, et a promis un soutien accru de la part du gouvernement fédéral, d’un montant de 310 milliards de roubles (4,7 milliards d’euros). Un effort nécessaire, mais qui risque de s’avérer insuffisant.

Et pour cause : outre une mauvaise conjoncture économique, la crise que traverse actuellement la Russie est également structurelle. Elle révèle le poids prépondérant d’un secteur public monopolistique dans l’économie (55% du PIB), le manque d’innovation qui en découle, et la vulnérabilité globale d’une économie de rente aux fluctuations des prix des hydrocarbures et à la baisse de la demande gazière européenne, manque à gagner que les exportations vers la Chine ne remplaceront pas avant plusieurs années. Alexeï Koudrine en est persuadé, la crise en Russie “sera relativement longue, mais la stagnation qui suivra peut durer encore plus longtemps”.

Cette sinistre perspective pourrait-elle pousser la Russie à revoir à la baisse ses ambitions sur la scène internationale ? Cyrille Bret, haut fonctionnaire, maître de conférence à Sciences Po et directeur du site de géopolitique Eurasia Prospective, n’en est pas convaincu. “La ‘pause’ dans les hostilités en Ukraine depuis mars est moins d’ordre économique que tactique, car la Russie espère encore des concessions de la part de l’Ukraine”, déclare-t-il. D’après lui, cette crise économique ne devrait pas avoir d’impact sur la politique étrangère de la Russie dans l’immédiat. “À long terme en revanche, il est certain que la Russie aura du mal à accomplir certains projets, comme son ambitieux plan de réarmement”, poursuit Cyrille Bret.

Le plus inquiétant reste certainement l’attentisme russe dans cette affaire. La remontée des cours des hydrocarbures semble être le seul horizon des décideurs de Russie, qui n’ont pas formulé de plan de relance et se contentent du sauvetage occasionnel d’entités au bord du défaut de paiement. “Des réformes structurelles sont nécessaires pour sortir de l’économie de rente”, affirme Cyrille Bret. “Il s’agit de réformes des circuits de financement, des régimes juridiques, de l’organisation juridictionnelle et des infrastructures matérielles et immatérielles”. Nulle trace de ce volontarisme à l’heure actuelle.

De leur côté, les régions russes continuent de réduire les budgets sociaux. Les orientations prises par Moscou semblent inchangées, tout au plus “mises en pause”. Elles font pourtant de plus en plus penser à une interminable fuite en avant.

Source : Pierre Sautreuil, pour L’Obs, le 4 Août 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/mainstream-la-russie-lautre-defaut-de-paiement/