les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

Revue de presse du 12/01/2017

Thursday 12 January 2017 at 01:00

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-12012017/


A propos des Dominants, par Robert Charvin

Thursday 12 January 2017 at 00:25

Source : Robert Charvin, 08-01-2016

hollande_sarkozy-locktofob-300x300-5885d

En France et en Europe, l’idéologie dominante est le confusionnisme : on n’admet pas la structuration de classe, assimilée à une obscénité intellectuelle archaïque. Bourdieu a été l’objet de toutes les agressions pour avoir tenté d’établir une « anthropologie globale » de la classe dirigeante ! Il est en effet des sujets qu’il convient de ne pas aborder !

Les dominants entendent s’octroyer à eux-mêmes le droit de s’auto-analyser… avec l’indulgence qui s’impose. A défaut, la connaissance de ce phénomène essentiel qui est le consentement inconscient que les individus accordent au monde qui s’impose sans bénéfice pour eux, risque de conduire à la critique de la domination !

L’air du temps conduit à s’apitoyer (sans faire grand chose pour autant) sur la pauvreté extrême. Une « classe moyenne » sans frontière engloberait la grande majorité de la population ; au mieux, on la subdivise en une « upper middle class » et une « lower middle class ». Elle est idéalisée : la « moyennisation » d’ensemble permettrait l’épanouissement de la démocratie, en dépit du constat que la démonstration contraire a été faite dans les années 1930-1940 avec le ralliement aux divers fascismes des classes moyennes. Malgré aussi l’appui qu’elles apportent dans les pays du Sud où elles sont apparues aux régimes autoritaires qui leur offrent quelques privilèges (dans la Tunisie de Ben Ali, dans l’Égypte de Moubarak et dans les diverses dictatures que l’Amérique du Sud a connu, au Chili, par exemple).

== Pour comprendre le fonctionnement et les contradiction de notre société, il est pourtant indispensable de savoir qui la dirige et qui en profite effectivement. L’approche de la classe dominante est prudente et discrète. Le simple fait de noter qu’elle est très restreinte et d’analyser ses composantes relève de la subversion ! Ce petit monde est constitué des milieux d’affaires, des hauts fonctionnaires et des politiciens des sommets de l’État et de quelques personnalités médiatisées de toutes disciplines. Ces dominants sont en osmose, proches d’une caste à la fois diverse et homogène. Cette petite communauté est opaque pour tout le reste de la population : on ne connaît pas ses revenus réels ; on n’imagine pas son mode de vie, on ignore les moyens qu’elle emploie pour se pérenniser. Vouloir la rendre transparente (ce qui est un désir rare, car on préfère ausculter avec moins de risque la pauvreté) est assimilé à une agression politique destructrice de l’ordre public et qualifié de populisme anti- élitiste ! Les relations public-privé, argent-pouvoir politique et médias, clés des « réussites » individuelles « doivent » échapper à la transparence et donc à tout contrôle. La corruption (de formes variées) qui y règne échappe souvent aux procédures judiciaires qui s’enlisent faute de détenir les clés probantes. Il est difficile d’en pénétrer la réalité profonde.

Ce petit « complexe politico-médiatico-affairiste » est en effet surarmé. Il a la maîtrise de l’argent, ce qui lui permet d’en acquérir toujours davantage (sauf accident) et d’acheter les hommes qui lui sont utiles ; il dirige les communications, ayant acquis les grands médias, ce qui lui permet de formater les esprits, de fabriquer les leaders, de fixer « l’ordre du jour » et le vocabulaire du débat politique et de faire pression sur leurs comparses au sein de leurs monde ; il produit le droit (sauf exception) et l’interprète à son gré, grâce à ses juristes de cour (les vrais « intellectuels de marché »), et malgré les juges qu’il ne cesse de dénoncer les qualifiant de « rouges », ce qu’ils sont pourtant si rarement !

Tout en ayant pris ses distances vis-à-vis du catholicisme, il conserve des relations solides avec les institutions religieuses. Si la foi est tiède (le laxisme dans le domaine du sexe et de tous les plaisirs est sans borne), le respect affiché vis-à-vis du Pape et de l’Église reste « utilisable », notamment en période de crise. La caste dirigeante veut conserver la capacité de se couvrir de quelques oripeaux de spiritualité.

== On s’étonne que le parcours de nombreuses personnalités soit un cheminement de gauche à droite et pratiquement jamais l’inverse ; on ne saisit pas pourquoi toute victoire progressiste soit rapidement suivie d’un échec et d’une régression générale (Front Populaire, Libération, 1981, etc.) ; on assimile difficilement le fait que toute pensée critique est ultra minoritaire, sauf en d’exceptionnelles périodes. On est surpris de la faiblesse des opposants à ce système pourtant oligarchique.

Le plus surprenant est ailleurs. Il est dans l’existence permanente, malgré tout, d’une action contestataire et d’une réflexion anti-système vivante, alors qu’il est même difficile de savoir quel est le véritable adversaire des droits et du bien-être de la grande majorité ! Cette survie, évidemment insatisfaisante, a toutefois d’autant plus de mérite que les forces de droite et celles de la « gauche » social-démocrate créent une confusion croissante, mêlant leur programme et leur pratique au point qu’ils deviennent indistincts. Ce « mixage » délibéré, résultat de leur échec respectif, vise à la fois à satisfaire le monde des affaires et de séduire le « petit peuple ». Le grand écart et la dissimulation du réel ainsi provoqués ne dérangent aucunement les « partis de gouvernement », même s’ils perdent en route de nombreux adhérents (dont souvent ils n’ont que faire). Le résultat est un brouillard profond jeté sur la vie sociale et politique, conduisant à un discrédit du politique, à un abstentionnisme massif et croissant et à l’extension d’un esprit néo-fasciste dans la population, comme en témoignent les succès du F.N. La progression du F.N dérange davantage la droite (qui tente de lui ressembler) que la social-démocratie. Obsédés d’élections, les socialistes espèrent faire du F.N le principal adversaire au détriment de la droite classique. Ils ne se privent pas cependant d’envisager la possibilité d’une coalition « droite-gauche », qui est d’ailleurs en voie de réalisation locale.

== Ce qui caractérise la pratique constante des dominants, c’est la concentration de tous leurs efforts sur la seule tactique. Qu’il s’agisse de rivalités personnelles, de concurrences claniques, de luttes de partis, les dominants n’ont pas pour arme une stratégie ou un système de valeurs, quoiqu’ils disent. Ils ont simplement la maîtrise de toutes les procédures concevables : leur seule fin, qui est de se pérenniser, se trouve dans le meilleur usage possible des manipulations de toutes natures. A tous les récits, à toutes les idéologies, aux croyances, ils opposent la tactique !

== Cette classe dirigeante parce que dominante, vivant sur une autre planète que celle du reste de la population, a une haute considération pour elle-même et un grand mépris pour ceux qui n’appartiennent pas à cette « élite » autoproclamée. Tous ses membres se sentent les « meilleurs » et se considèrent « irremplaçables » : l’autorité leur appartient naturellement. Ces « Importants », de premier choix, se sont convaincus, comme l’était hier la noblesse d’Ancien Régime, qu’ils sont seuls à pouvoir manier le gouvernail dans tous les domaines, particulièrement dans l’économie. Mais ce ne sont pas tous des héritiers. Nombreux sont des aventuriers du système, style Tapie, qui ont « réussi » à se rapprocher des grands groupes, de type Bolloré ou Bouygues. Le petit monde politique néo-conservateur ou social-démocrate regorge de ces petits « prodiges » dont les sommets de la caste dirigeante ont besoin. Les « mal-nés » qui ont pour seule conviction de profiter à fond du système et qui ont le sens du vent dominant, s’ils savent donner des gages, sont distingués au milieu de la masse des dominés de la « France d’en-bas ». La politique professionnelle est aujourd’hui l’équivalent du rôle que jouaient l’armée et l’Église pour les cadets sans terre de l’aristocratie d’autrefois ! L’origine « populaire » peut être même un atout : ils peuvent « plaire » plus facilement, même s’ils font tout pour s’éloigner du peuple dont ils sont issus ! Ils ont le choix pour leur carrière d’opter pour les différentes droites ou pour la fausse gauche (ce qui n’engage à rien), en restant prêts à se reconvertir si nécessaire pour adhérer à la mouvance la plus rentable. L’opportunisme est leur boussole : elle indique les « valeurs » à la mode qu’il faut promouvoir et surtout les intérêts qu’il ne faut pas égratigner ! Demain, des éléments « frontistes » et « patriotes », évidemment, pourront aussi servir, s’ils n’ont pas d’exigences anti-néo-libérales !

L’aristocratie italienne, malgré son mépris pour les « chemises noires », a conclu un accord avec Mussolini ! Tout comme l’industrie lourde et l’essentiel de la bourgeoisie allemande se sont liées au nazisme hitlérien (après l’élimination du courant « national et socialiste » préoccupé réellement de social). Le patronat français n’était pas à Londres, durant les années 1940-1944, mais à Vichy : il ne s’est manifesté ni contre la Gestapo ni contre la Milice. Il faisait des affaires ! Rien n’exclut demain en France et ailleurs une « recomposition » politique, fédérant tous les courants encore divergents ayant pour trait commun de n’être pas contre le système, c’est-à-dire le capitalisme financier : les castes dirigeantes ont pour tradition de s’accommoder de tous les régimes pourvu qu’ils ne remettent pas en cause leurs privilèges et leur domination. Elles savent rendre la monnaie de la pièce !

== Les castes dominantes pour diriger ont aussi besoin d’ « experts » et d’ « intellectuels » qu’il s’agisse hier d’un « grand » comme Raymond Aron ou d’un « petit » style Zemour ! Aucun système ne peut en effet se passer de ces agents de légitimation.

La lecture de ce qui se produit dans la société ne peut être laissée à la spontanéité des consciences individuelles. Il convient de les « guider » vers les analyses ne remettant rien en cause, y compris en usant de la fausse monnaie intellectuelle sur le marché des idées ! C’est ainsi qu’il faut doctement expliquer que les Français ne sont ni racistes ni xénophobes, malgré les « apparences », à la différence de tous les autres peuples de la planète. Il faut persuader, par exemple encore, que la croissance permet de réduire le chômage quasi-mécaniquement et que la lourdeur du Code du Travail est un obstacle majeur à l’embauche, ce qui exige beaucoup de talent ! Il faut entretenir un « techno-optimisme » fondé sur la croyance que les nouvelles techniques règlent tous les problèmes, y compris sociaux, ce qui rend inutiles les révolutions. Il faut légitimer l’hostilité aux Russes qui sont mauvais par nature, communistes ou pas, incapables qu’ils sont de comprendre la bienfaisance de l’OTAN ! A la différence des États-Unis, champions du monde de la démocratie et de l’ingérence humanitaire, y compris en Irak, qu’il est convenable de toujours admirer, malgré Guantanamo et les trente mille crimes annuels (souvent racistes).

Nombre de journalistes, de juristes et surtout d’économistes (surtout ceux des organismes privés) se bousculent pour offrir une crédibilité au système moyennant leur médiatisation lorsqu’ils ont un peu de talent, donc un certain impact sur l’opinion.

La classe dirigeante n’a besoin en effet que d’une pensée « utile » à court terme, c’est-à-dire ajustée à la logique économique du système mais capable aussi de faire croire qu’il peut satisfaire tout le monde.

L’intellectuel de cour n’a qu’à se couler, en l’enrichissant, dans la pensée commune venant d’en-haut sans faire plus d’écart personnel qu’il n’en faut pour se démarquer des autres et manifester un « quant à soi », ayant la vertu de faire croire au pluralisme. Sa panoplie est standard dans le vide idéologique et l’infantilisme préfabriqués par les grands médias :

Il doit toujours se placer à l’intérieur du système, évalué comme indépassable. Il doit écarter toute recherche des causes aux problèmes qui se posent et se satisfaire d’une analyse descriptive des faits, car toute cause profonde révélée est subversive. Par exemple, l’approche de la pauvreté et du sous-développement doit éviter la recherche de leurs origines.

En tant qu’ « expert », il n’a pas besoin de penser si ce n’est à ce qu’il a intérêt à penser s’il veut rester « expert ». Il n’est chargé que d’expliciter à posteriori les décisions prises « en haut », quitte à renouveler son argumentaire, compte tenu de « l’usure » des explications précédentes. C’est d’ailleurs ce savoir-faire qu’on lui enseigne essentiellement à l’ENA, dans les écoles de commerce et les facultés de droit, chargées de la reproduction de la pensée unique.

Il doit être aussi « moralisateur » : à défaut de pouvoir invoquer la légalité et le droit « trop objectifs » (sauf le droit des affaires concocté par les intéressés eux-mêmes). L’intellectuel de service doit user à fond de « l’humanitarisme-mode ». Il permet de tout justifier, y compris la guerre (« juste », évidemment) et la politique de force, selon les opportunités. Cela offre de la « dignité » aux pratiques les plus « voyous » !

Il doit convaincre que la démocratie se résume à la désignation élective des dirigeants soigneusement pré-sélectionnés par « l’élite » et que toute autre interprétation de ce système politique est d’inspiration marxiste, ce qui est jugé évidemment totalement dépassé.

Enfin et surtout, il doit pratiquer le culte de l’Entreprise, « source de toutes les richesses », agent vertueux de la concurrence « libre et non faussée », au service de l’intérêt général, en particulier des salariés.

Le discours dominant est ainsi globalement affabulateur ; il n’a qu’une visée tactique : séduire, faire diversion, faire patienter, diviser, rassembler, selon les circonstances. Il n’aide pas à comprendre. Il manipule. Il y réussit. Grâce à ses capacités à rebondir sans cesse en sachant prendre le vent.

Dans l’histoire contemporaine, la « pensée » conservatrice a été anti-républicaine avant d’être éminemment républicaine ; elle a été belliciste avant d’être pacifiste et collaborationniste (avec les nazis) puis interventionniste aujourd’hui ; elle a été férocement antisémite avant de devenir pro-israélienne et anti-arabe ; elle a été colonialiste puis promotrice du droit des peuples (contre l’URSS) mais anti-souverainiste (avec l’Europe).

Les néo-conservateurs et la social-démocratie d’aujourd’hui font mieux encore. Ils révèrent les États-Unis (surtout les « Sarkozistes » et les « Hollandais »), comme puissances tutélaires, championnes du renseignement contre leurs alliés ; ils dénoncent Daech, mais pactisent avec ses financiers (argent et pétrole obligent !) et ses inspirateurs (Arabie Saoudite, Qatar) ; ils transfigurent l’Europe des affaires en un vaste projet de paix et de prospérité (malgré ses 20 millions de chômeurs). Dans l’ordre interne, ils applaudissent Charlie et dans le même temps, licencient des humoristes et les journalistes « dangereux » de leurs médias ; ils donnent toujours raison au Médef et toujours tort à la CGT. Ils dénoncent le FN mais lui font une publicité constante. Ils sont pour la démocratie et les libertés, mais tout autant pour un « État fort », comme l’écrit Juppée, capable de les réduire ! Grâce au terrorisme imbécile, ils peuvent instrumentaliser la peur pour leur seul profit !

En dépit du simplisme chaotique de ces positions, les victoires idéologiques s’accumulent. Les dominants subissent parfois des défaites (comme celle du référendum sur le projet de « Constitution » européenne de 2005), mais elles sont rares. Pour les néo-socialo-conservateurs, perdre la guerre contre les dominés est impensable. Tout le jeu est de « s’arranger » entre soi et tous les moyens sont bons !

Le « modèle » étasunien s’impose, qui combine conformisme et diversité, esprit libéral (à New-York) et autoritarisme raciste (au Texas), laxisme et rigorisme, obscurantisme (avec les sectes) et culte de l’innovation, etc.

Les dominants, à quelques cas particuliers près, en réalité, ne font pas de politique ; ils font des affaires et ils font carrière. Il peuvent être tout à la fois, parce que tout ce qui ne relève pas de leur petit monde leur est indifférent:ils peuvent faire dans le « démocratisme » ou dans la violence et la torture (comme durant la guerre d’Algérie). Indifféremment.

Neuilly et le « tout Paris », mobilisés par la course à l’argent, par l’auto-congratulation permanente et les « renvois d’ascenseur » nécessaires, sont loin de toute réalité concrète qui fait le quotidien du plus grand nombre. Comme l’écrit Tomaso de Lampedusa, ils sont prêts à tout, la liberté ou le fascisme, afin que « tout change pour que rien ne change » d’essentiel : leur propre fortune et leur place dans la société.

Ils mêlent dans la société tous les archaïsmes mâtinés de pseudo-modernité : ils font la promotion du « risque » qu’ils ne courent pas, de la peur dont ils ont les moyens de se protéger, du refuge identitaire, dont ils se moquent par esprit cosmopolite, du repli sur la vie privée et l’individualisme, dont ils sont les seuls à pouvoir réellement jouir.

== Nul ne sait l’heure et les modalités de « l’atterrissage » de cette « France d’en-haut ». La prise de conscience de l’échec global de cette oligarchie est une perspective très vraisemblable, tant leur système est à la fois absurde, inéquitable et intellectuellement pitoyable. Mais, disposant de tous les moyens face à ceux qui n’ont pratiquement rien, les dominants peuvent encore prospérer un temps indéterminé, mais en usant de plus en plus de la force brutale. Dans l’attente active que les peuples tournent la page en se mettant au clair sur leur propre volonté, Victor Hugo revient en mémoire : « l’Histoire a pour égout des temps comme les nôtres ».

Janvier 2016

Robert Charvin

Source : Robert Charvin, 08-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/a-propos-des-dominants-par-robert-charvin/


Miscellanées du Mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 11 January 2017 at 02:30

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (1/2): Quelles perspectives sur les marchés financiers pour cette nouvelle année ? – 02/01

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (2/2): Quelles tendances lourdes pourraient impacter la conjoncture économique cette année ? – 02/01

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (1/2): Pourquoi le yuan fait-il des montagnes russes face au dollar ? – 09/01

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (2/2): Que peut-on dire des Etats-Unis aujourd’hui ? – 09/01

II. Philippe Béchade

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (1/2): L’année 2017 peut-elle être qualifiée de paisible pour les marchés financiers ? – 04/01

Philippe Béchade VS Bernard Aybran (2/2): L’entrée en fonctions de Donald Trump va-t-elle favoriser la relance budgétaire ? – 04/01

III. Jacques Sapir

Jacques Sapir VS Jean-François Robin (1/2): 2017 sera-t-elle réellement une année paisible ? – 03/01

Jacques Sapir VS Jean-François Robin (2/2): Comment le taux d’inflation va-t-il évoluer cette année ? – 03/01

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): Faut-il déprécier le yuan ? – 10/01

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Donald Trump fait-il son effet sur l’économie américaine ? – 10/01

IV. ScienceEtonnante

Risques, décisions et incertitudes — Crétin de cerveau #5

V. DataGueule

La crise ou le trésor des entreprises perdues #DATAGUEULE 26


 

 

Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-scienceetonnante-datagueule-4/


Colonisation : La coupure historique de la résolution 2334, par Richard Labévière

Tuesday 10 January 2017 at 03:17

Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière, 02-01-2017

Mieux vaut tard que jamais… En s’abstenant le 23 décembre dernier, donc en renonçant à faire usage de leur droit de véto de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, les Etats-Unis ont permis l’adoption de la résolution 2334 qui condamne clairement la colonisation israélienne des territoires occupés palestiniens.

Plus de 35 ans après la résolution 465 de mars 1980, qui dénonçait – déjà – l’extension des colonies israéliennes, jugées illégales, la résolution qui vient d’être adoptée affirme que l’établissement de colonies israéliennes dans les territoires occupés « constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la mise en œuvre de la solution à deux États et à l’instauration d’une paix totale, juste et durable ». La résolution 2334 demande en conséquence à Tel-Aviv de « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est et de respecter toutes ses obligations légales dans ce domaine ».

La résolution appelle « tous les États à faire la distinction, dans leurs relations, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ». Après avoir appelé à l’adoption de mesures immédiates pour « empêcher tous les actes de violence contre les civils, y compris les actes de terrorisme et les actes de provocation et destruction », le texte juge urgentes « l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques internationaux et régionaux » sur la base notamment « des Résolutions pertinentes des Nations unies, des termes de référence de la conférence de Madrid et de la feuille de route du Quartet1 ».

En conclusion, le document souligne les efforts en cours « pour faire progresser l’Initiative de paix arabe, l’initiative de la France en vue de réunir une conférence de paix internationale, les récents efforts du Quartet ainsi que ceux de l’Égypte et de la Fédération de Russie ». L’histoire des blocages récurrents du Conseil de sécurité n’est plus à faire, mais cette dernière résolution nous rappelle d’abord qu’indépendamment de toutes ses inerties et ses imperfections, l’ONU demeure indispensable et, pour reprendre les mots du regretté Stéphane Hessel, « un monde sans ONU serait bien pire qu’il n’est en réalité… » L’organisation internationale, qui n’est pas un gouvernement mondial, conserve plusieurs supériorités indispensables : son universalité et sa mémoire. Celle-ci nous rappelle, en l’occurrence et textes à l’appui, que la colonisation israélienne est une vieille histoire et qu’Israël a continuellement violé le droit international dès les lendemains de sa création en 1948, notamment quant au statut de Jérusalem et à la colonisation de la partie Est de la ville sainte.

Par-delà les frontières de 1967, la politique de colonisation s’est poursuivie sans relâche, le nombre de colons étant dorénavant estimé à environ 430 000 en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupée. Un projet de loi actuellement à l’étude à la Knesset prévoit de régulariser une cinquantaine « d’avant-postes », des colonies sauvages qu’Israël entérine mais qui demeurent illégales au regard des Nations unies et des milliers de logements construits dans les colonies en Cisjordanie. Devant le Conseil de sécurité le 16 décembre dernier, Ban Ki-moon, le secrétaire général sortant de l’ONU avait demandé à Israël de renoncer à ce projet.

La résolution 2334 est la 226e résolution adoptée par le Conseil de sécurité portant sur le conflit israélo-palestinien depuis la création de l’ONU en 1945. C’est encore sans compter les centaines de résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies à la majorité des États membres, ainsi que par la Commission des droits de l’homme de l’ONU (aujourd’hui devenu « Conseil des droits de l’homme ») installée à Genève.

Plus récemment en 2011, Washington avait empêché l’adoption d’une résolution similaire au Conseil de sécurité, arguant qu’un tel texte pouvait donner prétexte aux Israéliens comme aux Palestiniens de ne pas s’engager dans des négociations sérieuses… Bien qu’ayant commencé son premier mandat en conseillant à Tel-Aviv de geler les colonisations pour permettre la relance de négociations de paix avec les Palestiniens, Barack Obama s’était vite ravisé face à la violence de la réaction des lobbies pro-israéliens hyperpuissants aux Etats-Unis. Ainsi, pendant huit ans, le président Obama s’est contenté de timides réprimandes, tout en continuant de soutenir inconditionnellement Tel-Aviv à l’ONU, ainsi qu’en mettant à disposition des forces armées israéliennes les matériels militaires les plus sophistiqués, l’aide civilo-militaire annuelle de Washington dépassant les quatre milliards de dollars.

Certes, Barack Obama a moyennement apprécié que le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou se rende à Washington en mars 2015 pour appeler le Congrès à torpiller ses efforts en vue de l’accord sur le nucléaire iranien. Il n’a jamais vraiment non plus affiché une grande chaleur à l’encontre du dirigeant israélien, montrant même quelque agacement face à ses rigidités idéologiques, ses marques réitérées d’ingratitudes, ses prétentions politiques unilatérales, sinon une arrogance ayant fini par indisposer toute l’équipe de la Maison blanche.

Dans un discours de soixante-dix minutes, prononcé à Washington le 28 décembre dernier – et spécialement consacré au conflit israélo-palestinien -, le secrétaire d’Etat John Kerry a assené le coup de grâce et apporté une compréhension encore plus claire de cet ultime sursaut de lucidité de l’administration Obama : « nous ne pouvons pas – en toute bonne conscience – ne rien faire et ne rien dire alors que nous voyons l’espoir de paix s’évanouir ». De bonnes sources, prochetmoyen-orient.ch peut confirmer que Barack Obama a inspiré son secrétaire d’Etat pour ce discours réquisitoire destiné à prendre date face à la conscience universelle, le gouvernement américain sortant ne voulant pas demeurer dans l’Histoire comme ayant cautionné un système d’Apartheid source de violences, d’épurations ethniques et de nouvelles menaces terroristes.

Dans tous les cas de figure, la résolution 2334, comme le discours de John Kerry, prennent valeur de « coupure historique », au sens profondément althussérien du terme, en ce sens que désormais plus rien ne sera jamais comme avant… du moins sur le plan des perceptions, de l’analyse et des efforts diplomatiques engagés depuis plus de soixante ans pour régler la question palestinienne. Cette coupure historique, sinon épistémologique met d’abord crûment en lumière une réalité connue mais rarement prise en compte dans ses justes mesures : le poids et l’influence des lobbies pro-israéliens aux Etats-Unis ont transformé, dès le départ, cette crise internationale majeure en une question de politique intérieure américaine.

Cette anomalie sauvage a imposé les Etats-Unis comme médiateur « naturel » et principal d’une question palestinienne au cœur de laquelle Washington n’a cessé d’être juge et partie prenante. Des médiations brésilienne, norvégienne, suisse ou papou auraient été essentiellement plus impartiales, sinon plus efficaces que les agitations récurrentes des administrations américaines successives cherchant inlassablement à avantager leur allié historique !

Le deuxième effet de cette coupure épistémologique remet un peu de raison dans l’histoire en ce qu’elle remet sur la table de la communauté internationale ce que tout le monde sait depuis des décennies : l’illégalité, l’injustice, la violence de la continuation des colonies israéliennes dans les territoires occupés palestiniens. Le vote de la résolution 2334 a été entériné par des Etats qu’on n’attendait pas : Venezuela, Malaisie, Nouvelle-Zélande et Sénégal, affirmant enfin eux-aussi que la force ne peut supplanter infiniment le droit international. Même le très pro-américain président de l’Ukraine a condamné la colonisation israélienne, voyant ainsi annuler par le gouvernement Netanyahou la visite qu’il devait prochainement effectuer à Tel-Aviv.

Enfin, la coupure historique de la résolution 2334 signe la déconfiture de l’idéologie néo-conservatrice américaine et de ses surgeons européens, notamment français (Basbous, Encel, Tertrais, Levallois, etc.). Selon les morbides prédictions de l’historien Bernard Lewis, celle-ci prétendait vouloir gommer, sinon nier la centralité du conflit israélo-palestinien dans l’arc de crises proche et moyen-orientales, en recommandant de ne plus parler ni de la Palestine, ni du monde arabe, ni des Arabes, mais de simples tribus auxquelles il fallait impérativement imposer la démocratie (version occidentale) par les armes !

C’est au nom de cette abomination que furent déclenchées la deuxième guerre d’Irak du printemps 2003 et la guerre de Libye du printemps 2011 avec les résultats que l’on connaît. La « démocratie » en Irak devait produire un effet dominos de contagion dans toute la région et, ainsi, « digérer » une question palestinienne devenue périphérique et simple enjeu de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Infatigable porteuse de ce machin baptisé « Grand-Moyen-Orient », la secrétaire d’Etat Condoleeza Rice allait même jusqu’à comparer Yasser Arafat avec… Oussama Ben Laden ! Tout récemment encore, Richard Perle2 affirmait aux voisins de sa résidence provençale de Gordes que la plus grande erreur d’Obama était l’accord sur le nucléaire iranien et que l’objectif des Palestiniens était de fonder un Etat… islamique !

Même un peu tard, la résolution 2334 neutralise ce genre de balivernes, comme celles du ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman qui vient d’appeler les Français juifs à quitter leur pays pour Israël afin qu’ils puissent « rester juifs ». Il a même comparé l’initiative diplomatique française sur le Proche-Orient de « nouvelle affaire Dreyfus », ajoutant qu’« il est temps de dire aux Français juifs, ce n’est pas votre pays, ce n’est pas votre terre. Quittez la France et venez en Israël. Avec toutes les difficultés que cela implique, si vous voulez rester juif et être sûr que vos enfants et petits-enfants restent juifs, faites votre aliyah en Israël ».

Près de 5 000 Français juifs ont immigré en Israël en 2016, soit une baisse de plus de 30% par rapport à l’an dernier. En 2014 et 2015, un record avait été atteint avec 7 200 et 7 800 immigrants en provenance de France. Le ministre israélien n’a pas hésité à comparer l’initiative diplomatique française à l’affaire Dreyfus, lorsqu’un officier israélite de l’armée française avait été accusé à tort d’intelligence avec l’ennemi à la fin du XIXe siècle, avant d’être innocenté. « Il n’y a qu’une seule différence entre ce qu’ils préparent à Paris et l’affaire Dreyfus, c’est que la dernière fois il n’y avait qu’un juif sur le banc des accusés alors que maintenant, [il s’agit de] toute la population israélienne », a indiqué le ministre de la Défense. « Ceci n’est qu’un procès dirigé contre l’Etat d’Israël. C’est un sommet dont l’unique objectif est d’affaiblir la sécurité d’Israël », a-t-il conclu.

La France organisera le 15 janvier une nouvelle conférence internationale sur le Proche-Orient, avec quelque 70 pays, mais sans les parties concernées, pour réitérer le soutien de la communauté internationale à la solution à deux Etats, israélien et palestinien. Dans la dynamique de la coupure historique de la résolution 2334, on ne peut que soutenir l’initiative de notre ami – le politologue John Whitbeck – s’adressant au Conseil national américain de sécurité pour que l’administration Obama sortante transforme l’essai en reconnaissant l’existence pleine et entière d’un Etat palestinien avant le 20 janvier prochain.

En attendant, bonne lecture, bonne et heureuse année en vous souhaitant les meilleures choses pour les temps qui viennent. Nous en aurons grand besoin…

Richard Labévière
2 janvier 2017

1 Le Quartet pour le Moyen-Orient ou plus simplement Quartet, est un groupe formé de quatre États et d’organisations nationales et internationales décidé à réaliser une médiation dans le processus de paix israélo-palestinien. Le Quartet est composé des États-Unis d’Amérique, de la Russie, de l’Union européenne et des Nations unies. Le groupe fut nommé en 2002, en réponse à l’escalade du conflit au Moyen-Orient.
2 Richard Norman Perle, né le 16 septembre 1941 à New York, a été conseiller politique auprès du secrétaire à la défense sous l’administration de Ronald Reagan et membre de la commission de la politique de défense de 1987 à 2004. Il est membre du Parti démocrate. Richard Perle est surtout connu pour son idéologie néo-conservatrice et par sa défense de la guerre d’Irak en 2003 pour défaire le dirigeant irakien Saddam Hussein. Il est également membre de l’American Enterprise Institute, de la direction du groupe Bilderberg, ainsi que présent dans le Projet pour un nouveau siècle américain (Project for the New American Century – PNAC) et fut un des cosignataires de la lettre du 26 janvier 1998 envoyée au président Bill Clinton, l’enjoignant de désarmer par la force Saddam Hussein. Perle est également considéré comme un proche du parti conservateur israélien, le Likoud.

Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière, 02-01-2017

1662568452-1728x800_c

Source: http://www.les-crises.fr/colonisation-la-coupure-historique-de-la-resolution-2334-par-richard-labeviere/


Les délires des médias occidentaux, par James W Carden

Tuesday 10 January 2017 at 02:45

Source : Consortium News, le 23/11/2016

Le 23 novembre 2016

Exclusif : Les médias d’information traditionnels américains souvent se considèrent eux-mêmes comme la référence mondiale incontournable, un temple pour les informations sérieuses et la diversité des opinions en comparaison avec la propagande russe massive, mais la réalité est bien différente, nous dit James W Carden.

Par James W Carden

Dans une vaste et indispensable étude portant sur les émissions politiques russes, le docteur Gilbert Doctorow, lui-même un invité fréquent de ce genre d’émissions, observe la chose suivante :

“Les accusations – selon lesquelles les médias russes sont uniquement un outil au service de la propagande étatique dirigé d’une part vers la population du pays pour que les russes continuent à filer droit, et d’autre part vers le public étranger pour semer le trouble parmi les voisins de la Russie et au sein de l’Union Européenne – sont prises pour argent comptant alors que quasiment aucune preuve n’a été apportée. Quiconque ose remettre en question ce “mode de pensée” est immédiatement taxé de “pantin de Poutine”, voire pire.”

L'animatrice de MSNBC, Rachel Maddow.

L’animatrice de MSNBC, Rachel Maddow.

Le docteur Doctorow a lancé une importante discussion à la suite d’un nouveau rapport alarmant sur les médias, publié cette fois par un groupe néo-conservateur britannique baptisé (bizarrement) du nom d’un sénateur démocrate de l’État de Washington mort depuis longtemps (Henry “Scoop” Jackson), qui cherche à étouffer le débat sur la politique russe en Occident, en traitant d'”idiots utiles de Poutine” ceux qui s’opposent à la sagesse répandue consistant à dénigrer Poutine.

Par conséquent, l’expérience de Doctorow avec les médias russes a une double utilité : combattre les idées fausses intentionnellement répandues en Occident à propos du paysage médiatique russe, mais aussi servir de point de comparaison utile avec les médias américains et leur couverture de la Russie.

Si on prend l’exemple de la chaine d’actualité câblée MSNBC prétendument libérale, on trouve paradoxalement que la position de “droite dure” néo-conservatrice vis-à-vis de la Russie se retrouve pratiquement sans opposition. A propos de la Russie, en comparaison avec sa principale rivale la chaine d’actualité de centre-gauche CNN, qui, à son crédit, laisse parfois de la place aux opinions minoritaires visant à apaiser le débat, MSNBC laisse à peu près autant de place pour les opinions contraires que ne l’aurait fait la Pravda à l’époque soviétique – en fait, peut-être même moins.

Le nouveau maccarthysme

Il se trouve qu’il y eu la même différence quant à la façon dont les deux chaînes ont couvert les élections présidentielles américaines. Tandis que CNN cherchait à apporter un équilibre des plus nécessaires à sa couverture médiatique, quoique de la façon la plus inepte possible – en recrutant des agents de presse rémunérés par chacune des deux équipes de campagne pour apparaître aux côtés des vrais journalistes, MSNBC (comme sa rivale républicaine Fox News) n’a même pas cherché à faire semblant d’être objective et a plutôt servi comme un porte-parole de la campagne désastreuse de Clinton.

Le sénateur Joseph McCarthy, représentant le Wisconsin, qui a dirigé les auditions connues sous le nom de

Le sénateur Joseph McCarthy, représentant le Wisconsin, qui a dirigé les auditions connues sous le nom de “Peur Rouge” dans les années 1950.

En tant que tel, la chaîne “libérale” s’est retrouvée à l’avant-garde du nouveau maccarthysme qui a balayé la campagne de 2016, mais qui, en fait, était une composante du débat américain sur la politique russe depuis au moins le début de la crise ukrainienne fin 2013 – voire plus tôt.

Il y a de très nombreux exemples, mais le cas le plus frappant de cette hystérie néo-maccarthyste, que MSNBC a tenté de dissimuler derrière sa préoccupation légitime de sécurité nationale, fut la diatribe que Rachel Maddow a déchainée en juin devant son public, en commençant son émission par un monologue consacré à l’idée selon laquelle Donal Trump serait de mèche avec Vladimir Poutine.

Maddow, dans son style caractéristique, l’air de dire “je suis plus maligne que vous”, a informé les lecteurs que l'”admiration” entre Poutine et Trump était vraiment réciproque. Maddow raconte : “Ce que je veux dire, non mais regardez ce titre, “Poutine fait l’éloge de Trump. C’est une personne brillante et talentueuse.” “Poutine fait l’éloge du brillant et talentueux Trump.” “Vladimir Poutine fait l’éloge de l’exceptionnel et talentueux Trump.” Il y a eu quelques polémiques sur la manière de traduire avec exactitude la remarque de Poutine, mais Poutine prend soin de flatter Donald Trump en public, exactement de la manière dont Donald Trump aime être flatté, et c’est apparemment suffisant pour Donald Trump, c’est tout ce qu’il a besoin d’entendre, c’est tout ce qu’il a besoin de savoir pour lui dire à son tour, à quel point Vladimir Poutine est grand.”

“Poutine aime Trump, il doit être intelligent, il doit être grand. C’est donc un contexte très, très inhabituel, d’avoir un candidat à la présidentiel républicain qui est très, très sensible à la flatterie. C’est la chose au monde qui marche le mieux sur lui. Si vous le complimentez, il ne l’oubliera jamais et c’est tout ce qu’il a besoin de savoir sur vous.”

Maddow a continué sur le même ton encore pendant un bon moment (c’est-à-dire avec peu de contenu factuel, mais beaucoup de “très, très” et les yeux qui roulent). Mais son idée principale, en réalité, n’était guère plus que le rabâchage des éléments de langage du comité national démocrate. Sans surprise pour personne, les accusations de Maddow ont été reprises quasiment mot pour mot dans les communiqués de presse de la campagne de Clinton, accusant Trump de n’être rien de moins qu’un partisan caché de la Russie.

La diatribe de Maddow – vide de preuve, mais lourde d’insinuations – prononcée en juin, a pris une importance supplémentaire car elle en était le messager. Après que le risible et prétentieux journaliste sportif Keith Olbermann eut quitté la chaîne en 2011, Maddow a pris la relève comme intellectuelle de service de la chaîne. Donc, ses paroles ont du poids vis-à-vis de ses spectateurs, un poids que n’ont pas les paroles de Mika Brzezinki [une autre présentatrice de MSNBC, NdT], par exemple.

Cependant, à ma connaissance, Maddow n’a à aucun moment invité quelqu’un qui réfuterait les accusations – toujours sans fondement – selon lesquelles le gouvernement russe aurait interféré sur l’élection américaine ou selon lesquelles Donald Trump serait, d’après les mots de l’ancien fonctionnaire de la CIA Mike Morell, un “agent du Kremlin malgré lui” – peu importe si le président du comité des relations extérieures du sénat Bob Corker a reconnu pas plus tard que le 15 novembre qu’il n’avait “aucune preuve” de l’ingérence de Moscou sur l’élection américaine.

Bien que l’on ne sache pas clairement si la voix de Joy Reid de MSNBC soit considérée comme aussi “sérieuse” que celle de Maddow, il est en revanche indiscutable qu’elle s’est révélée comme l’une des plus ferventes adeptes du nouveau maccarthysme.

Plusieurs jours avant l’élection, Reid a invité le plus en plus perturbé Kurt Eichanwald de Newsweek et l’ancien officier naval Malcom Nance qui a – à plusieurs reprises et sans preuve – prétendu que les emails de Podesta révélés par Wikileaks étaient faux. [John Podesta, ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche et président de la campagne de Clinton en 2016, se serait fait piraté sa boite mail (contenant des e-mails professionnels) par des hackers russes. Wikileaks aurait ensuite publié une grande partie de ces e-mails, NdT]

Reid a demandé pourquoi les russes soutiennent-ils Trump. Comme si cette affirmation était incontestable. Eh bien, Eichenwald a répondu, “Ils détestent Hillary Clinton…” D’accord. Ensuite Reid a continué en se demandant pourquoi le FBI minimisait la soi-disant profonde inquiétude des services de renseignement selon laquelle la Russie était en train d’interférer sur l’élection.

Dénigrement anti-Poutine

Quelques jours plus tard, juste après l’élection, Reid a de nouveau réuni une assemblée comprenant Nance, l’adversaire convaincue de Poutine Nina Khrushcheva et Charles Pierce du magazine Esquire, pour réaffirmer le message que MSNBC avait soutenu depuis l’été, à savoir que le gouvernement russe avait mis la main sur l’élection américaine. Pierce, en particulier, était apoplectique.

Le président russe Vladimir Poutine. (photo du gouvernement russe)

Le président russe Vladimir Poutine. (photo du gouvernement russe)

Le fait que Pierce soit présent à l’émission de Reid était tout à fait logique. Tout au long de la campagne, Pierce s’est efforcé d’établir un lien direct entre Poutine et la campagne de Trump. Un échantillon de ses articles aide à en faire le récit. Le 24 juillet, Pierce publia “Le programme partagé par Donald Trump et Vladimir Poutine devrait alarmer quiconque se préoccupe de la démocratie”, où Pierce supposait que “Trump semble de plus en plus dépendant de l’argent de la Russie ou des anciennes républiques socialistes, au sein de sa sphère d’influence de plus en plus active.”

Dans son édition du 9 septembre, Pierce protesta : “Ce n’est pas “une chasse aux rouges” que de se préoccuper de l’ingérence russe sur notre élection.” Pierce, peut-être poussé à la folie par l’éditorial de The Nation intitulé “Contre le nouveau maccarthysme”, avait l’air d’être habité par le fantôme de James Jesus Angleton [ancien “chasseur d’espions”, patron du contre-espionnage de la CIA de 1954 à 1974 NdT], en demandant “Devrions-nous croire que Donald Trump est vraiment allé à RT [la chaîne d’information internationale lancée par l’État russe, NdT] par accident ? Personne dans son équipe ne savait que la chaîne américaine du gouvernement russe reprenait les enregistrements de Larry King ?”

A peu près un mois avant l’élection, le 11 octobre, Pierce informa les lecteurs du magnifique magazine Esquire, que “Vladimir Poutine était déterminé à voir Trump dans le bureau ovale.” Pire encore, selon Pierce, “Il y a peu de doutes désormais que Poutine – rusé comme un singe – tire les ficelles de l’élection présidentielle américaine, et que Trump en est le principal bénéficiaire.”

Tous les exemples précédents tendent à démontrer que le pluralisme tant vanté des médias américains n’est rien de moins qu’une fiction quand il s’agit d’aborder la Russie. La diversité des voix de gauche et de droite du spectre politique que Doctorow a rencontré à Moscou indique que la perception largement répandue selon laquelle la culture politique de Moscou est monolithique comparé à celle de Washington est au moins contestable.

James W Carden fait partie des rédacteurs de The Nation et est rédacteur en chef de The American Committee for East-West Accord’s eastwestaccord.com. Il a précédemment été conseiller en Russie dans la délégation spéciale pour les questions inter-gouvernementales mondiales du département d’État américain.

Source : Consortium News, le 23/11/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant

Source: http://www.les-crises.fr/les-delires-des-medias-occidentaux-par-james-w-carden/


Le curieux cheminement du Parti Baas irakien : Du parangon de la laïcité à l’ossature militaire de Da’ech, par René Naba

Monday 9 January 2017 at 02:23

Source : René Naba, 31-12-2016

baas

Curieux cheminement que celui des baasistes irakiens qui passeront sans coup férir, de parangon de la laïcité à l’une des composantes majeures de l’Etat Islamique, en fait son ossature militaire. Plutôt que d’opposer un front idéologique commun avec leurs frères baasistes syriens, ils ont rallié leur ancien bourreau saoudien, la caution arabe et musulmane de l’invasion américaine de l’Irak, abandonnant à son sort le pouvoir syrien, qui fut leur plus ferme soutien dans la guérilla antiaméricaine en Irak, s’attirant à ce titre les foudres de Washington par la «Syrian Accountability Act», en 2002.

Fruit de la copulation ancillaire entre Al Qaida et d’anciens dirigeants baasistes happés par la tentation d’un alignement sectaire, le commandement de l’ISIS, dont l’acronyme en arabe est Da’ech, est exclusivement irakien.

Autour du noyau central se sont greffés des membres des tribus sunnites d‘Irak lésés par la disparition de Saddam Hussein, de concert avec des Frères Musulmans irakiens, des Nachkabandistes, une secte minoritaire du sunnisme dont se réclame Izzat Ibrahim Ad Doury, ancien vice-président du Conseil de la révolution irakienne et successeur de Saddam Hussein à la tête de la guérilla anti américaine en Irakien.
Une structure hétéroclite, scellée par une alliance contre nature entre ce même Izzat Ad Doury, surnommé «le rouquin» pour sa pigmentation, et son ancien bourreau, le Prince saoudien Bandar Ben Sultan, un des artisans de la destruction de l’Irak et des assises du pouvoir baasiste sunnite dans ce pays. Une allaince scellée, paradoxalement, en vue de restaurer le primat sunnite à Bagdad, dans l’ancienne capitale abbasside.

Une démarche qui révèle la fragilité des convictions idéologiques des dirigeants arabes. Une insulte à la mémoire des nombreux morts d’Irak et du Monde arabe. Moussa Koussa, l’ancien chef des services secrets libyens, a opéré la même mutation au service du Prince saoudien pour la zone Maghreb-Sahel.

La proclamation du califat et ses conséquences stratégiques.

La proclamation du califat sur l’ancien territoire des deux premiers empires arabes (Omeyyade-Syrie et Abbasside-Irak), dimanche 29 juin 2014, premier jour du mois sacré du Ramadan, au-delà de sa portée symbolique dans l’ordre religieux et politico-historique, a bouleversé radicalement les données de l’échiquier régional sans qu’il ait été possible de savoir, trois ans après son lancement, si la proclamation de ce 5eme califat représentait l’aube d’une nouvelle renaissance pan islamique, une nostalgie d’une grandeur révolue ou plus simplement une pathologie passéiste ?

Quoiqu’il en soit, l’instauration de ce 5eme califat de l’histoire musulmane, dans la foulée de l’irruption des djihadistes sunnites sur la scène irakienne et syrienne a, en tout état de cause, accéléré la désagrégation de la zone dessinée par l’accord Sykes-Picot.

Ce bouleversement symbolique dans la hiérarchie sunnite sur fond d’exacerbation du caractère sectaire de la rivalité sunnite-chiite a modifié sensiblement les termes du conflit en ce que la surenchère intégriste des islamistes sunnites a opéré un retournement de situation en plaçant en porte à faux leurs bailleurs de fonds, principalement l’Arabie saoudite, victime collatérale de ce débordement rigoriste. «Un Emirat Islamique du Nadjd», la province d’origine de la dynastie wahhabite, a été instauré le 29 mai 2015 dans la foulée du 2eme attentat contre une mosquée chiite en Arabie, dans la continuité de l’«Emirat Sunnite du Koweït» proclamé a la première année du Califat.

Par ses répercussions sur le Liban et la Jordanie, la Tunisie et le Koweït, quatre pays alliés du camp atlantiste, ainsi qu’en Libye, sur le flanc méridional de l’Europe, l’alliance si bénéfique à ce jour s’est révélée encombrante pour les pays occidentaux et difficile la poursuite de la coopération islamo-atlantiste en ce que la rengaine chère au duo socialiste Hollande Fabius -«La faute à Bachar»- ne saurait indéfiniment constituer une excuse absolutoire aux turpitudes des pays occidentaux et des pétromonarchies dont la plus grande réside précisément dans cette alliance contre nature entre deux blocs antinomiques.

De par sa configuration géo stratégique, l’Irak, désormais à l’épicentre du conflit, est propulsé ainsi, involontairement et paradoxalement, en sentinelle des pétromonarchies. Limitrophe de la Turquie et de l’Iran, les deux puissances musulmanes non arabes, le premier sunnite, le second chiite, il borde en outre la Syrie et la Jordanie, ainsi que le Koweït et surtout l’Arabie saoudite, qui pâtit déjà au niveau de l’opinion internationale de son parrainage de Da’ech, d’une manière générale de l’’instrumentalisation de la religion musulmane à des fins politiques et de ses retombées djihadistes en Europe, comme ce fut le cas avec les dérapages terroristes de Mohamad Merah, de Hédi Nammouche, du carnage de Charlie Hebdo, des attentats de Paris Bataclan 13 novembre 2015 et des attentats de Buxelles, Mars 2016.

Les barbares aux portes des vieilles civilisations

L’Etat Islamique relève d’un commandement irakien qui a fait ses preuves en Irak contre les Américains, alors que Jabhat al-Nosra est une structure panislamique sous la houlette d’Al Qaida, sunnite, particulièrement active en Syrie.

Trois des grandes capitales de la conquête arabe des premiers temps de l’Islam échappent au contrôle des sunnites: Jérusalem, sous occupation israélienne, Damas, sous contrôle alaouite et Bagdad, sous contrôle kurdo-chiite.

A la sixième année de la guerre de la coalition islamo-atlantiste contre la Syrie, il paraît désormais urgent pour les wahhabites, de crainte d’être démasqués, de laver cette souillure infligée par leur politique d’alignement inconditionnel sur les Etats-Unis, le principal protecteur d’Israël, l’ennemi officiel du Monde arabe.

Les barbares sont aux portes des pays de vieilles civilisations, aux portes de Bagdad et d’Alep, un moment en plein centre de la cité antique de Palmyre (Tadmor), qu’ils ont saccagés. Les supplétifs pétromonachiques arabes, par leur veulerie, et les pays occidentaux, par leur morgue, en assument d’ores et dejà les conséquences de leurs incohérences.

Favoriser inconditionnellement l’instrumentalisation de la religion musulmane à des fins stratégiques, afin de provoquer l’implosion de l’Union soviétique, (Guerre d’Afghanistan décennie 1980) et de détourner le combat arabe de la Palestine vers l’Asie; cautionner par ailleurs la forme la plus rétrograde et la plus répressive de l’islam, le wahhabisme, soutenir, de surcroît, inconditionnellement le délire djihadiste, au-delà de toute mesure, sans la moindre retenue, pour assurer la pérennité des roitelets du Golfe sur les débris du Monde arabe.

Faire, enfin, de l’Arabie saoudite, ce royaume des ténèbres, l’allié privilégié de la grande démocratie américaine, et de la France, la Patrie des Droits de l’Homme; Instrumentaliser dans le même élan des binationaux pour une fonction supplétive à une politique de prédation économique du monde arabe, aboutit à de telles monstruosités. Elles signent dans le même temps la pathologie atlantiste en même temps que pétro-monarchique.

La Syrie de la décennie 2010 remplit une fonction analogue à celle de l’Afghanistan de la décennie 1980. Une guerre dont l’objet a été de dériver le combat pour la libération de la Palestine et de le déporter à 5 000 km du champ de bataille.

Un défouloir absolu du djihadisme erratique que les pétromonarchies préfèrent sacrifier sur le théâtre des opérations extérieures plutôt que de le réprimer sur le sol national, avec son cortège de représailles. Un dérivatif au combat pour la libération de la Palestine, la «grande oubliée du printemps arabe».

A contre-courant du flux de la mondialisation, la guerre de Syrie aura été la première opération de délocalisation sud nord d’une «révolution» en ce que ses meneurs auront été des arabes, porteurs de nationalité occidentale, salariés de l’ancienne administration coloniale. Des supplétifs, cupides, ivres de notoriété et de vanité.

Le surge de l’ISIS est apparu dans un tel contexte comme un coup de semonce aux Arabes, afin qu’ils cessent d’être des pantins désarticulés, complices de leur sujétion et de leur cupidité. Et pour les Occidentaux, un défi de civilisation lourd de périls.
Au-delà des Océans, pendant ce temps-là, dans la profonde Amérique, un artiste aux moeurs aussi rugueuses qu’un Texan de Dallas s’initie aux joies de l’aquarelle et de la peinture.

Au vu de cette hécatombe, beaucoup, en leur for intérieur, marmonnent que ce «born again» aurait mieux fait de ne pas renaître à la vie. Pour la survie de l’humanité.

Pour aller plus loin

Le Parti Baas : http://www.madaniya.info/2014/09/26/le-parti-baas-monstres-sacres-sacres-monstres/

Source : René Naba, 31-12-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-curieux-cheminement-du-parti-baas-irakien-du-parangon-de-la-laicite-a-lossature-militaire-de-daech-par-rene-naba/


Lawrence Lessig : “La segmentation du monde que provoque Internet est dévastatrice pour la démocratie”

Monday 9 January 2017 at 01:40

Source : France culture, Lawrence Lessig, 22-12-2016

Pour le professeur de droit à Harvard et penseur du net, il y a urgence à reconstruire des espaces communs de discussion.

Lawrence Lessig, professeur de droit à Harvard, penseur d'Internet et initiateur de la licence Creative commons• Crédits : Chip Somodevilla - AFP

Lawrence Lessig, professeur de droit à Harvard, penseur d’Internet et initiateur de la licence Creative commons• Crédits : Chip Somodevilla – AFP

C’est avec une certaine inquiétude que Lawrence Lessig observe comment Internet est à la fois un outil fantastique et ce qui a renforcé la crise démocratique. Professeur de droit à Harvard, constitutionnaliste réputé, Lawrence Lessig est l’un des premiers penseurs du web. Dès les années 1990, il a réfléchi aux liens entre Internet et la démocratie. C’est à lui que l’on doit les licences “creative commons” (pour la mise à disposition d’oeuvres en ligne). Et la publication, en 2000, d’un texte devenu classique de la littérature numérique “Code is law” [“le code, c’est la loi”]. Il y expliquait qu’avec la numérisation de nos sociétés, le programme informatique était amené à faire loi. 16 ans, plus tard les algorithmes sont partout dans nos vies.

Lawrence Lessig, qui fut un temps candidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle américaine, regarde avec inquiétude la victoire de Trump et ce qui l’a rendue possible. Début décembre, nous l’avons rencontré, avec Libération, alors qu’il était invité par le Sénat à l’occasion du Sommet du partenariat pour un gouvernement ouvert.

Vous dites qu’il devient difficile de partager un récit commun qui permette de gouverner. Pourtant l’idéal initial d’Internet était précisément que les gens puissent davantage se parler et se comprendre. Que s’est-il passé ?

Nous ne réalisions pas qu’Internet allait aussi changer profondément la nature des communautés, la manière dont elles accèdent à l’information et la digèrent.
Nous sommes passés de plateformes communes pour avoir de l’information [comme la télévision], à des plateformes de plus en plus fragmentées. Et les algorithmes qui alimentent les gens en informations sur les plateformes comme Facebook, produisent de plus en plus un monde dans lequel chacun vit dans sa propre bulle d’information.
Or dans ce monde-là, l’idée même d’une action politique orientée vers l’intérêt général est presque impossible. Nous ne savons pas comment construire un espace dans lequel les gens pourraient discuter des mêmes questions politiques, à partir d’un cadre commun et d’une compréhension partagée des faits. Aujourd’hui, nous avons toutes les raisons de nous inquiéter de la manière dont Internet nourrit la polarisation et une moindre compréhension des problèmes communs, à cause des algorithmes et de l’architecture du réseau.

Quelles conséquences a cette polarisation ?

Nous vivions dans un monde physique où si on se promène dans la rue, on va être confronté à des gens différents, à des idées qu’on préférerait repousser. Mais dans le cyberespace, il est de plus en plus facile de segmenter les gens, de les cantonner à leur propre univers. Or se confronter à d’autres idées que les siennes, c’est l’essence de la démocratie. Laisser les gens vivre dans un monde où les seules idées et paroles qu’ils reçoivent sont celles qu’ils veulent, c’est détruire la base de l’engagement démocratique. C’est vraiment une évolution dévastatrice. Et nous ne savons pas comment surmonter cela. Comme c’est inédit, nous n’avons aucun principe légal ou précédent clair pour nous aider à comprendre comment faire .

Quelle est la responsabilité des réseaux sociaux ?

Facebook a déjà, par exemple, une politique qui interdit la propagation sur sa plateforme des messages de haine ou terroristes. Sur ce sujet comme sur la pédo-pornographie, il prend donc déjà la position d’un censeur. Et le vrai problème que cela pose, c’est que c’est un acteur privé. Quand Facebook ne veut pas que quelque chose soit publié, ils disent juste : “c’est notre plateforme, privée”. Mais l’idée d’une plateforme privée quand des millions de personnes sont dessus est assez folle. Nous devons réfléchir à cela : comment créer les standards et les valeurs qui devraient gouverner un monde possédé par des entreprises privées.

Face à cela, quels sont les moyens de la démocratie ? Quels chemins les gouvernements devraient-ils suivre ?

Nous sommes désormais soumis à de très nombreux souverains : non plus seulement à l’Etat et aux gouvernement fédéraux, mais aussi au règne de Facebook, Google, Twitter, Microsoft. Cela réclame de réfléchir sérieusement aux valeurs publiques que nous perdons quand nous abandonnons aux entreprises privées le contrôle du cyberespace. Face à cela, la démocratie a très peu d’outils.
La Cour suprême a dû étudier le cas des villes- entreprises. Par exemple, vous êtes propriétaire d’une mine et vous avez besoin que des mineurs travaillent dans votre ville. Vous en possédez toutes les maisons et tous les magasins, les rues, l’électricité… Du coup, vous faîtes venir les gens dans votre ville, vous leur louez un endroit où dormir, leur vendez à manger , contrôlez ce qu’ils peuvent faire : des règles précisent qu’ils ne peuvent pas critiquer la compagnie, ou s’unir dans un syndicat. Au sujet de ces villes-entreprises, la question que la Cour avait à juger était : y a-t-il des valeurs du premier amendement – sur la liberté d’expression- qui l’emportent sur celles de la propriété privée. Il s’est avéré qu’il y en a quelques unes mais pas beaucoup.
Et aujourd’hui, on n’a pas du tout le sentiment que les valeurs constitutionnelles vont s’imposer à la manière dont le cyberespace se développe.

Quel rôle joue le degré de culture numérique des politiques ?

Désormais aux Etats-Unis nous avons des avocats qui sont des développeurs, passés ensuite par la fac de droit . Quand vous discutez avec eux de la manière de protéger la vie privée et la sécurité, ils peuvent aussi parler des différentes architectures d’accès qui permettraient de le faire. C’est une conversation riche et informée. Mais le plus souvent, si vous avez la même conversation avec des gens de mon âge ou plus, ils ne savent même pas de quoi vous parlez. Pourtant, si vous êtes un décideur politique et que vous dites ‘je n’y connais rien à la Constitution’ ou ‘je ne comprends rien à son histoire ou ses règles’, on dira que vous n’êtes pas qualifié comme législateur. Le même type de réaction doit se développer à propos de la compréhension des choix que la technologie rend possibles. Les plus jeunes vont de plus en plus pousser cela, mais je crois que tout va trop vite pour que cela ait un effet significatif.

Depuis quelques mois vous êtes installé en Islande. Le pays a notamment expérimenté une nouvelle manière de réécrire sa Constitution. Qu’est-ce qui vous intéresse dans le processus politique à l’oeuvre là-bas ?

Les Islandais ont répondu à la crise financière de 2008 en lançant un projet incroyable de nouvelle Constitution «crowdsourcée»,[élaborée par les citoyens]. A la première étape, mille personnes sélectionnées par tirage au sort ont travaillé sur ce que devaient être les valeurs du texte. Ensuite, 25 personnes sélectionnées pour former une Assemblée ont passé quatre mois à écrire. C’est à peu près le temps qu’il a fallu aux Américains pour rédiger leur Constitution, mais la différence ici, c’est que chaque semaine ils ont posté leurs ébauches sur Facebook. Il y avait des retours et commentaires des personnes en Islande mais aussi à travers le monde entier. Cette dynamique a produit, au final, une très belle Constitution, approuvée par les deux tiers de la population.

De mon point de vue, on a là tous les éléments dont une démocratie citoyenne a besoin : un échantillon représentatif de la population qui donne des informations sur lesquelles délibérer ; des experts pour aider à mener un travail sérieux et qui n’étaient pas des “insiders”. Il y avait aussi une règle très intéressante : chaque décision devait être prise par consensus, sans vote. Il n’était donc pas possible de juste créer des camps : il fallait travailler avec les gens, obtenir de la compréhension, des compromis. Et le texte a été approuvé à une très large majorité – pas comme le Brexit où 52 % suffisent à ce que la Grande-Bretagne saute de la falaise.
Ce qui m’intéresse, c’est de réfléchir à la façon dont on pourrait reproduire ce type de processus dans d’autres démocraties à travers le monde.

De quelle manière ?

D’abord, il faut rester humble sur l’étendue que cela pourrait avoir. L’idée n’est pas que toutes les décisions gouvernementales soient prises de cette façon, mais seulement certaines : celles dont on estime qu’elles ne peuvent pas être prises par le gouvernement tout seul. Par exemple, le problème qui me préoccupe aux Etats-Unis, celui de la corruption profonde de la démocratie représentative, ce n’est pas le Congrès qui va le régler. Et je ne veux pas qu’il le fasse parce que je ne vois pas comment il pourrait proposer une solution qui ne reproduise pas le problème. Et si l’Islande arrive à faire adopter par son Parlement cette nouvelle Constitution crowdsourcée – ce qui n’est pas encore le cas- cette histoire deviendra un modèle, une inspiration pour d’autres. J’aimerais vraiment que ce qui s’est passé en Islande puisse se développer autour de cette question : comment rendre à nouveau la démocratie véritablement représentative ?

Vous gardez donc quand même des raisons d’espérer ? Parce que votre discours est aujourd’hui très pessimiste…

Nous sommes encore en train de passer par une phase de dépression profonde. Je ne vais pas abandonner, il y a un combat à mener. Mais c’est un moment effrayant, pour les Etats-Unis comme pour le reste du monde. Je pense vraiment qu’il y a des structures qui pourraient produire une démocratie plus effective; la question n’est pas de savoir si on peut les concevoir mais si on peut imaginer un chemin pour en faire un élément central de nos démocraties. La seule manière de combattre l’autoritarisme, c’est de construire et de pratiquer une démocratie véritablement représentative. C’est tout l’enjeu aujourd’hui, mais je ne suis pas certain que nous y parviendrons.

Catherine Petillon

Source : France culture, Lawrence Lessig, 22-12-2016

Source: http://www.les-crises.fr/lawrence-lessig-la-segmentation-du-monde-que-provoque-internet-est-devastatrice-pour-la-democratie/


Un mois de folie…

Monday 9 January 2017 at 00:00

Je vous propose un billet fourre tout, avec plein de choses que j’ai vues passer en travaillant sur Zemmour…

Je commencerais par les seuls qui ont réagi au scandale Zemmour : les comiques !

Ce qui ne manque pas de sel, car du coup, il n’était guère possible pour le spectateur de comprendre vraiment de quoi il parlait, et sa violence – vu que les médias n’ont pas fait leur job…

Eric Zemmour – le message de soutien de Mathieu Madénian & Thomas VDB #AcTualiTy :

Les arbres sacrifiés pour Zemmour – La Drôle D’Humeur De Pierre-Emmanuel Barré

Mais où donc s’arrêtera Eric Zemmour ? – Le billet de Daniel Morin

Le sketch de Fary – On n’est pas couché, le prime 10 septembre 2016

Conclusion : Rassurer Finkielkraut par Tryo

Source: http://www.les-crises.fr/un-mois-de-folie/


Revue de presse du 07/01/2017

Sunday 8 January 2017 at 02:00

Une nouvelle année pour la revue, la quatrième il me semble. Merci à nos fidèles contributeurs. Lecteurs, nous avons besoin de renforts, postulez via le formulaire de contact de la revue, et ne croyez pas que d’autres le feront à votre place, dans le cas inverse nous n’aurions pas besoin de passer de tels appels…

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-07012017/


Grandes et petites questions sur nos temps difficiles, par Robert Charvin

Sunday 8 January 2017 at 01:30

Source : Robert Charvin, 06-10-2016

Discours de Pericles (Athène, Grèce)

Discours de Pericles (Athène, Grèce)

La démocratie « à l’occidentale », c’est quoi ? Le libre bavardage, l’absence d’obligations civiques si ce n’est celle de se débrouiller », des élections exigeant beaucoup d’argent et des sondages à haute dose.

Reprenons. Ce bavardage permanent sur tous les médias fait croire au pluralisme et n’engage à rien : il est soigneusement contenu dans des limites « convenables » pour le système et les avis contraires se neutralisent sans conséquence.

Le citoyen ne se voit rien demander (sauf ses impôts), ce qui lui faire croire qu’il est « libre » ; en contrepartie, il ne décide de rien et perçoit très peu (au mieux, quelques « minimas sociaux »). Il est surtout sujet, ce à quoi il s’habitue, par apolitisme, pour se consacrer à sa petite vie privée, privée surtout de l’Autre. Car il doit combattre sans scrupule tous les « autres » pour survivre : il est « ubérisé » !

Les « consultations » (le mot est bien ajusté) électorales, qui se succèdent et se ressemblent, institutionnalisent une alternance sans alternative en désignant des représentants très peu représentatifs, libérés de tout engagement vis-à-vis de leurs électeurs. Si les résultats sont inattendus et perturbateurs pour le système, ils sont neutralisés. Une masse de citoyens « amateurs » légitiment des professionnels de la vie politique, assistant la petite équipe d’oligarques ayant la maîtrise des grandes décisions économiques et financières. Malgré une abstention croissante, l’argent et les médias parviennent encore à persuader ces « amateurs » des « bonnes orientations » et des « meilleurs » candidats présélectionnés par les sondages et les financeurs de campagne !

Ainsi, ce que l’on appelle communément en Occident « la démocratie » est un ensemble de faux-semblants laissant la majorité des individus démunie. Jour après jour, on convainc le pseudo-citoyen qu’il n’y a pas d’autre choix : la solution « démocratique » serait la « moins pire ». Il échapperait ainsi au « totalitarisme », phénomène indéfini mais dont on diffuse régulièrement quelques images : les horreurs nazies et le goulag stalinien. En direction des citoyens les plus lucides et les moins formatés, se refusant aux distinctions basiques entre le Bien et le Mal, sont mandatés avec force publicité quelques intellectuels plus ou moins mercenaires chargés de s’indigner contre ce Mal au nom d’un humanisme salutaire !

Tous les arguments sont utilisés pour tuer toute espérance d’un autre monde que celui existant et pour enfermer les dangereux insatisfaits dans le « paradis » du possible que serait « la bien-heureuse démocratie à l’occidentale » !

Tous les jours sont répétées de soi-disant vérités d’évidence.

« L’égalité sociale tue l’esprit de compétition et anesthésie la société. Ceux d’en-haut sont donc les plus méritants ».

« Collectiviser la production des richesses, utopie communiste de mauvais aloi, même s’il s’agit d’autogestion ou de coopérative, détruit l’efficacité économique qui a besoin de chefs, c’est-à-dire de managers de haute volée, ainsi que d’actionnaires et de banquiers pour les financer ! ».

« L’information réelle des citoyens sur les réalisations locales ou sur les mesures nationales ou internationales rend la Cité ingouvernable. Il convient donc de ne laisser filtrer que ce qui est indispensable à la crédibilité du bien fondé des décisions déjà prises. Il faut faire admettre les clivages entre les Bons et les Méchants et user de la répétition pour convaincre. A défaut, se crée un climat anarchique et subversif ».

« L’enseignement a une finalité utilitariste qui doit être renforcée. Napoléon I, après avoir fait son expérience robespierriste, avait bien raison de retirer des programmes l’Histoire et la Philosophie ! Les employeurs ont besoin « d’employables » et non d’esprits critiques susceptibles de perturber l’ordre naturel des choses ! ».

etc. etc. etc.

Face à ces conceptions qu’imposent le monde des affaires et la médiocratie politique au pouvoir, n’y a-t-il rien de possible et aucun espoir ?

Quelques ébauches de réponses :

L’Histoire a toujours plus d’imagination que ceux qui la vivent : les Résistants des premières années quarante contre les fascismes concevaient-ils l’effondrement brutal dès 1944-1945 de l’empire nazi ? Les Amérindiens de Bolivie discriminés et humiliés depuis des siècles imaginaient-ils le pouvoir d’Evo Moralès ?

Il n’est pas impossible de détruire les illusions à la source de la servilité : le mot « liberté » est un mot creux si l’on ne prend pas conscience de tous les déterminismes et de toutes les limites dont il faut se libérer pour approcher de cette liberté ! Est-ce au-dessus de nos forces ?

On peut comprendre au seul spectacle du monde que les hommes vivent encore en pré-histoire et qu’il n’est nulle part de démocratie, car elle est une création continue, un projet toujours « à-venir », édifié par de vrais citoyens, « centres d’initiatives » toujours responsables mais encore minoritaires !

Dans l’attente d’une réflexion de fonds qui s’impose, il est urgent et plus aisé de répondre à quelques questions d’actualité, liées cependant aux précédentes.

* Peut-on rationnellement penser, comme on nous le répète, que certains États incarnent le Bien (les États-Unis ou la France, par exemple) et d’autres le Mal (la Chine ou la Russie, par exemple), ce qui serait une première dans l’Histoire !

* Sachant que les médias (sous la III° République, sous Vichy, sous de Gaulle, etc.) étaient pour la plupart soumis à toute époque à l’argent et au pouvoir, peut-on douter un instant qu’il en est toujours de même aujourd’hui, afin de nous intoxiquer ?

* Alors que depuis des siècles, aucun régime politique n’a effectivement admis le pouvoir du peuple, peut-on croire qu’aujourd’hui le miracle s’est produit ? Les élections présidentielles aux États-Unis ou en France sont-elles par exemple une confrontation entre des personnalités d’une qualité supérieure qui ont pleine légitimité pour décider de ce qui nous regarde ?

* L’antiterrorisme n’apparaît-il pas comme un formidable dérivatif pour cette pseudo-élite liée aux milieux d’affaires afin d’éviter le débat sur le chômage, les salaires, la relance économique, l’évasion fiscale, etc. sujets sur lesquels ils n’ont rien à dire ni rien à proposer.

Si le lecteur en ligne, privé de sudoku ou de mots fléchés, pouvait réagir et prendre les mesures adéquates, cela serait réjouissant !

Source : Robert Charvin, 06-10-2016

Source: http://www.les-crises.fr/grandes-et-petites-questions-sur-nos-temps-difficiles-par-robert-charvin/