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Revue de presse Surveillance & Renseignement de juin-juillet 2015 (2/2)

Sunday 2 August 2015 at 01:43

[Partie 2] Pour célébrer la surprenante décision de notre bon François de refuser d’accorder l’asile politique à Julian Assange… un point sur la loi sur le renseignement en France, la surveillance en général ici et ailleurs, et l’information, billet d’abord intitulé “Libertés et Démocratie” ce qui sonnait un peu comme l’antinomique “Plan de sauvegarde de l’emploi”…

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-surveillance-renseignement-de-juin-juillet-2015-22/


Pierre Laurent, la Grèce et les mensonges

Sunday 2 August 2015 at 00:57

PAR  · 25 JUILLET 2015

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, vient de donner le samedi 25 juillet une interview à Marianne[1]. Il justifie sa position au sujet de la Grèce et son soutien à la capitulation consentie par Alexis Tsipras. C’est son droit. Mais, pour se faire, il prend un certain nombre de libertés avec les faits. Et cela est beaucoup plus condamnable. Cette interview est une excellente illustration des illusions d’une partie de la « Gauche Radicale », illusions sur l’Euro et sur l’Europe, dont il semble désormais que le Parti de Gauche commence à se dégager[2].

Un petit florilège des citations de Pierre Laurent permet de voir qu’il entretient de sérieuses illusions, et même qu’il adopte un point de vue « européiste » qui n’est pas éloigné de celui du Parti dit « socialiste ». Mais, il faut aussi savoir que les prises de position de Pierre Laurent sont aujourd’hui fortement critiquées dans de larges fractions de la base comme de l’appareil du PCF. Ces prises de position reflètent bien plus les errances d’un homme et d’un groupe de direction du PCF qu’une position largement défendue au sein du Parti.

 Une analyse tendancieuse du 13 juillet

Tout d’abord, quand il entend justifier la capitulation de Tsipras, Pierre Laurent dit au journaliste la chose suivante :

« Ils ont enfermé la Grèce et ses dirigeants dans une alternative qui était soit le Grexit — souhaité par les Allemands de manière ouverte, Wolfgang Schaüble, le ministre des Finances allemand, a plaidé jusqu’au dernier moment auprès des Grecs pour une sortie ordonnée —, soit le plan d’austérité qui a finalement été imposé. Le choix qu’a fait Tsipras est un choix qui évite la banqueroute bancaire de son pays, une situation qui aurait été terrible pour les Grecs. Je crois qu’il n’avait pas d’autres alternatives »[3].

Si je suis d’accord qu’un effondrement des banques est une catastrophe, je signale à Pierre Laurent que ce que Tsipras a refusé c’est la proposition de Varoufakis de (1) réquisitionner les banques et (2) de réquisitionner la Banque de Grèce. Ce faisant, le gouvernement aurait eu accès aux réserves (sous contrôle de la BCE avant la réquisition) déposées à la Banque de Grèce mais aussi dans les banques commerciales. La réquisition est un mécanisme qui permet à tout gouvernement de la zone Euro de s’affranchir de la tutelle de la BCE. Dire, dans ces conditions, que le choix de Tsipras était entre la banqueroute et la capitulation est faux. La décision de Tsipras a été politique, et non économique. C’était un choix entre s’engager sur une voie, celle que proposait son Ministre des finances Yanis Varoufakis, voie pouvant le conduire à sortir de l’Euro, ou bien d’accepter l’austérité. Présenter cela comme une décision économique est un mensonge éhonté[4]. Les choses sont désormais publiques, et il est triste de voir Pierre Laurent s’enferrer dans le mensonge.

Pierre Laurent révolutionne la science économique

Commentant un possible Grexit, Pierre Laurent ajoute alors :

« Et une sortie de la zone euro laisserait n’importe quel pays qui la pratiquerait devant la même pression des marchés financiers, voire une pression décuplée et une dévaluation nationale plus grave encore ».

Il semble ici que Pierre Laurent, qui a pourtant fait des études d’économie à Paris 1, ignore qu’il existe des moyens réglementaires permettant à un pays de faire fortement baisser la pression exercée par les marchés financiers. Cela s’appelle le contrôle des capitaux. Non pas le « contrôle des capitaux » imposé par la BCE à la Grèce, et qui aboutit à empêcher les entreprises grecques de faire des opérations sur l’étranger via les comptes Target2 (et qui s’apparente en réalité à un contrôle des changes), mais les contrôles sur les mouvements de capitaux à court terme non liés à des opérations matérielles. Ces mouvements représentent entre 90% et 95% des flux de capitaux, et sont essentiellement des mouvements spéculatifs. Bien entendu, pour les mettre en œuvre, il faut recouvrer le contrôle sur la Banque Centrale. Ici, soit Pierre Laurent fait la preuve de sa méconnaissance des mécanismes économiques de base, soit il les connaît, et en ce cas il ment en toute connaissance de cause. Je laisse le lecteur libre de son choix.

 Pierre Laurent est un grand logicien

Pierre Laurent assène alors un argument qui lui apparaît imparable pour écarter une sortie de l’Euro. Cet argument, le voici :

« Il y a d’ailleurs des pays aujourd’hui qui, en dehors de la zone euro, sont également frappés par des politiques d’austérité. Car la pression des marchés s’exerce partout et sur tous les pays ».

On reste sidéré par ce que ce paragraphe implique comme méconnaissance des liens logiques qui relient plusieurs éléments. Bien sûr, il existe des pays qui ont des politiques d’austérité sans appartenir à l’Euro. Nul ne l’a nié. Mais, connaît-on un pays de la zone Euro qui n’applique pas une politique d’austérité ? En fait, on peut montrer que la zone Euro induit un cadre dépressif pour les économies qui y participent[5]. Donc, cet argument ignore ce qu’en logique on appelle des conditions nécessaires et des conditions suffisantes. La sortie de l’Euro est une condition nécessaire à une rupture avec une politique d’austérité, mais ne constitue nullement une condition suffisante. Par contre, par sa méconnaissance de la logique la plus élémentaire, Pierre Laurent nous montre qu’il est suffisant mais pas nécessaire.

 Pierre Laurent révolutionne la science économique (bis)

On revient à un argument en apparence plus économique avec la citation suivante, qui se révèle, à nouveau, tout à fait catastrophique :

« Oui, mais aujourd’hui, la différence est que tous les avoirs détenus par les Grecs sont en euros. Et le transfert de ces avoirs dans une monnaie nationale qui serait dévaluée par les marchés financiers conduirait, dans un premier temps, à un affaiblissement considérable du potentiel de ressources des Grecs. Alors que pour reconstruire leur pays, ils ont besoin d’un niveau d’investissement important ».

Notons tout d’abord que ce ne sont pas les « marchés financiers » qui transfèrent les avoirs qui sont détenus par les grecs. C’est en réalité le système bancaire, s’il s’agit d’avoirs détenus en Grèce. Pierre Laurent, à l’évidence soit ne connaît pas les règles de fonctionnement de l’économie, soit cherche à nous mener en bateau. Ces avoirs en Euros seront automatiquement re-dénominés en Drachmes. Mais cette redénomination touchera toutes les valeurs de l’économie grecque. Donc, le potentiel d’investissement sur la base de l’épargne (oui, cette chose que l’on apprend en fin de première année d’économie, l’égalité entre l’épargne et l’investissement) sera inchangé par rapport aux valeurs de l’économie grecque. Mais, une partie de ces avoirs ne sont pas détenus en Grèce. Donc, ils resteront en Euros (ou dans une autre monnaie, que ce soit le Dollar ou, peut être, le Mark allemand…). Si la Drachme est dévalué, disons de 25%, cela signifie que ces avoirs seront réévalués de 33%. Donc, le potentiel d’investissement, sur la base des avoirs grecs détenus à l’étranger, sera largement augmenté. Ce qui veut dire que les grecs ayant mis leurs avoirs à l’étranger pourraient les rapatrier avec un effet bien plus positif sur les investissements que si la Drachme n’avait pas été dévaluée. Notons encore que ceci s’applique aussi à l’ensemble des investisseurs étrangers. En fait, une sortie de l’Euro et une dévaluation de 25% de la Drachme constituent la condition pour qu’un flux d’investissement important en drachmes se reconstitue en Grèce.

Mais, il est peu probable que Pierre Laurent ignore à ce point les mécanismes de base de l’économie, ou alors il faut s’interroger sur les conséquences délétères sur le cerveau humain d’années de travail au journal l’Humanité. Il est bien plus probable que Pierre Laurent, ici encore, mente, et qu’il mente avec l’aplomb d’un arracheur de dents.

Quand Pierre Laurent joue au prestidigitateur 

Reprenons le cours du raisonnement. Pierre Laurent nous offre une magnifique perle avec la citation suivante :

« Puisque les solutions apportées par Tsipras étaient totalement viables et elles restent praticables dans la zone euro. Ce n’est pas la zone euro qui les empêche mais la décision politique prise par les dirigeants allemands et un certain nombre d’autres dirigeants européens de rendre impossible l’expérience politique de Syriza ».

Ici, Pierre Laurent fait mine de croire que les dirigeants allemands et européens ont été conduits uniquement par leur haine politique de Syriza. Que ces dirigeants n’aient pas apprécié Syriza est certain. Mais, quand bien même l’auraient-ils apprécié, accepter les solutions proposées par Tsipras impliquait, à relativement court terme, faire basculer la zone Euro vers ce que l’on appelle une « union de transfert ». Or, les montants nécessaires pour faire fonctionner la zone Euro sans les politiques d’austérité ont été évalués, et on trouvera l’une de ces évaluations d’ailleurs dans ce carnet. Pour faire court, il faudrait que l’Allemagne consacre entre 8% et 10% de son PIB tous les ans pendant environ dix ans à ces transferts. Il est clair que cela n’est pas possible, sauf à vouloir détruire l’économie allemande. La véritable cause du rejet des options de Syriza se trouve là. Affirmer que « les solutions apportées par Tsipras étaient totalement viables et elles restent praticables dans la zone euro » est un nouveau mensonge. Les solutions proposées par Tsipras impliquaient une refonte totale de la zone Euro, et cette refonte aboutissait à faire peser un poids excessif sur l’Allemagne. Telle est la vérité. Mais, cette vérité gêne Pierre Laurent, qui préfère la faire passer sous le tapis pour sauver l’illusion de la possibilité d’une zone Euro qui ne soit pas austéritaire. Pierre Laurent doit donc mentir quant aux conditions de viabilité de la zone Euro, mais, nous l’avons vu, il n’est pas à un mensonge près.

 Le dernier mensonge

Il ne reste donc à Pierre Laurent qu’un argument : le point Godwin ou la réduction du dilemme grec à un affrontement avec le Front National. Il suffit de regarder le paragraphe suivant pour s’en convaincre :

« Il y a aujourd’hui trois options en débat. L’option d’une Europe de l’ordre libérale, celle qui existe aujourd’hui. Il y a l’option d’une destruction de l’Europe et d’un retour à la compétition, voire au choc des nations dans la crise que traverse l’Europe, c’est l’option du Front national et des forces qui l’appuient. Et il y a l’option qui est la nôtre, celle de Tsipras, la mienne, celle que nous défendons, qui est l’option de la reconstruction d’une Europe de coopération, de solidarité, d’une Europe de souveraineté qui doit laisser plus de place aux pouvoirs de chaque nation de négocier démocratiquement son insertion dans cette Europe de solidarité. Nous parlons d’une Europe à géométrie choisie… ».

Passons sur le fait que proclamer que l’on vivrait mieux dans le monde des bisounours, la troisième option, na jamais fait avancer le débat. Mais, une sortie de la Grèce de l’Euro, et à terme, une dissolution de l’Euro, entraineraient-ils ce cataclysme que prévoit Pierre Laurent ? En fait, de nombreux économistes soutiennent aujourd’hui qu’une sortie de l’Euro était préférable, certains conservateurs comme Henkel[6], d’autres progressistes comme Kevin O’Rourke[7] ou Stefano Fassina[8], ancien ministre du PD en Italie, et parmi eux des assistants de Varoufakis[9]. C’est donc un nouveau mensonge de Pierre Laurent que de prétendre que l’option d’une sortie de l’Euro serait le fait du seul Front National. Un mensonge de plus dira-t-on. Espérons, en tous les cas, qu’il soit le dernier.

[1] Pierre Laurent : “Une sortie de la zone euro n’empêche pas la pression des marchés”, entretien avec Bruno Rieth, Marianne, 25 juillet 2015, http://www.marianne.net/pierre-laurent-sortie-zone-euro-n-empeche-pas-pression-marches-100235637.html

[2] Voir le blog de Guillaume Etievant, responsable économique du PG, le 24 juillet 2015, http://guillaumeetievant.com/2015/07/24/soyons-prets-a-sortir-de-leuro/

[3] Pierre Laurent : “Une sortie de la zone euro n’empêche pas la pression des marchés”, op.cit..

[4] Je renvoie à l’article de Jamie Galbraith, qui a travaillé avec Varoufakis publié dans Harper’s, http://harpers.org/blog/2015/07/greece-europe-and-the-united-states/ ainsi qu’aux explications données par Yannis Varoufakis lui-même sur son blog : http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/14/on-the-euro-summits-statement-on-greece-first-thoughts/

[5] Voir Bibow, J., et A. Terzi (eds.), Euroland and the World Economy—Global Player or Global Drag? Londres, Palgrave, 2007.

[6] http://www.conservativehome.com/platform/2015/07/hans-olaf-henkel-mep-greece-must-leave-the-eurozone-for-the-good-of-us-all.html

[7] http://www.socialeurope.eu/2015/07/moving-on-from-the-euro/

[8] http://www.stefanofassina.it/lavoroeliberta/2015/07/19/sono-daccordo-con-schouble-una-grexit-assistita-unica-soluzione/

[9] Munevar D., « Why I’ve Changed My Mind About Grexit », in SocialEurope, 23 juillet 2015, http://www.socialeurope.eu/2015/07/why-ive-changed-my-mind-about-grexit/

Source : http://russeurope.hypotheses.org

Source: http://www.les-crises.fr/pierre-laurent-la-grece-et-les-mensonges/


Que révèle le « livre noir » du Grexit ?

Sunday 2 August 2015 at 00:09

Un article d’un journal grec (europhile) qui parle des menaces reçues par le gouvernement grec…

Le 19/07/2015

Jean Claude Junker a décrit au premier ministre grec, peu avant l’ouverture de la réunion du sommet,tous les détails du grexit pour lui faire comprendre le contexte juridique et politique d’une telle décision.

De notre correspondant à BRUXELLES. Au 13ème étage de l’immeuble Berlaymont à Bruxelles, à quelques mètres du bureau du président de la Commission Européenne, J. C. Junker, dans une pièce spéciale sécurisée, est gardé à l’intérieur d’un coffre-fort le plan de sortie de la Grèce de la zone euro. Un livre comportant de nombreuses pages a été rédigé il y a un peu moins d’un mois par 15 membres de la commission et répond aux questions de comment faire face à une telle sortie, y compris, aussi choquant que cela puisse paraître, à la possible sortie du pays de l’espace Schengen ; ainsi cela ne conduirait, pas seulement à la sortie de l’euro mais aussi à celle de l’U.E.

La Grèce a pu échapper la semaine passée au danger immédiat de sortie de la zone euro par l’ouverture de négociations pour un 3ème mémorandum, mais, comme a déclaré à « K », le président du Conseil, Donald Tusk, cet accord « ne constitue que le premier pas ».

Jusqu’à la réunion dramatique qui a suivi de 24 h le référendum, beaucoup avaient entendu parler du plan, mais rien n’était confirmé. Aux premières heures de mardi, après la fin de la réunion, depuis le podium du Conseil de l’Europe, le président de la Commission Européenne, visiblement en colère des agissements du premier ministre grec, dévoila à des dizaines de journalistes que le plan existe et qu’il est prêt.

Selon un officiel européen, à cette rencontre au sommet, la Commission Européenne avait déjà un document établi, un écrit de nombreuses pages dont M. Junker en personne a parlé au président grec, avec tous les détails du grexit, pour lui faire comprendre le cadre juridique et politique d’une telle décision.

Dans cet écrit de nombreuses pages, selon un officiel européen qui a pu voir son contenu, il y a les réponses détaillées à 200 questions qui se poseraient en cas de grexit.

Ces questions, explique le même officiel européen , sont interdépendantes, car la sortie de l’euro créerait une chaîne d’événements qui se dérouleraient dans un temps assez bref. Depuis le retour de l’économie à la drachme, au contrôle des changes qui seront faits aux frontière du pays pour arriver finalement à la sortie de la Grèce de l’espace Schengen.

Les auteurs

Ce plan, selon l’officiel européen, a été préparé dans des conditions de secret absolu . Une équipe spéciale de 15 personnes de la Commission, en contact direct avec la Grèce, a commencé à le préparer en étant aussi en contact direct avec une série de hauts responsables et de directeurs généraux de la Commission Européenne spécialisés dans des domaines spécifiques. La rédaction du plan avait commencé quand la date de l’échéance du programme (fin juin) approchait, pour que la Commission soit prête à toute éventualité . Quand a été annoncé le référendum, le vendredi 26 juin, le processus s’est accéléré. Le week-end du référendum, les travaux se sont intensifiés, si bien que deux jours plus tard, le mardi de le réunion, le plan avait sa forme définitive.

Suivant une source bien informée, ceux qui étaient impliqués dans la réalisation du plan « avaient le cœur serré », elle explique à « K » qu’ « ils étaient accablés » parce qu’ils ne pouvaient pas croire que les choses en étaient arrivées à ce stade. La plupart d’entre eux étaient impliqués dans le programme de sauvetage de la Grèce. Dans la Commission Européenne existait, jusqu’au dernier moment, l’espoir que l’on trouverait une solution. Les membres de cette équipe connaissaient mieux que quiconque les conséquences de la sortie de la Grèce de la zone euro et savaient le coût d’une telle décision. Un des membres qui connaissait de près la réalité grecque dans cette phase cruciale déclara au reste de l’équipe : « Si ce plan est appliqué, on entendra le bruit des chenilles des tanks dans les rues d’Athènes ! »

Cela ne tient qu’à un fil

Même si ce plan peut constituer maintenant un scénario éloigné, à peine quelques jours auparavant,le lundi  à 7 h du matin après 17 heures consécutives de négociations de la réunion au sommet, un haut responsable européen déclare à « K » que la sortie de la Grèce ne tenait qu’à un fil. Tsipras et Merkel demandent alors l’interruption des négociations. M. Tsipras demandait 24 h pour consulter le parlement grec et Mme Merkel demandait une autre réunion pour le mercredi, deux jours plus tard. « C’était comme s’ils cherchaient des excuses pour interrompre » dit le haut responsable en lien direct avec les événements de la réunion. «  C’était un moment très dangereux et très spontané, comme une réaction authentique à la fatigue et à l’irritation qu’ils ressentaient tous les deux », dit il à « K »,  il dit aussi que tous deux étaient sûrs d’être arrivés à un point où ne les séparaient plus que 2,5 milliards.

Donald Tusk, président du Conseil et médiateur entre les deux parties,dit à « K » que finalement le différend porte sur combien d’argent « virtuel » des privatisations irait aux investissements et combien au remboursement de la dette . La position de Mme Merkel était de consacrer 10 milliards aux investissements, celle de M. Tsipras était de 15 milliards. « Alors là je leur ai dit que s’ils terminent les négociations sans résultat, je suis prêt à dire publiquement que l’Europe est au bord du gouffre à cause de 2,5 milliards…

Source : www.kathimerini.gr, traduit pour Les-crises.fr

Source: http://www.les-crises.fr/que-revele-le-livre-noir-du-grexit/


Revue de presse Renseignement & Surveillance de juin-juillet 2015 (1/2)

Saturday 1 August 2015 at 01:59

Pour célébrer la surprenante décision de notre bon François de refuser d’accorder l’asile politique à Julian Assange… un point sur la loi sur le renseignement en France, la surveillance en général ici et ailleurs, et l’information, billet d’abord intitulé “Libertés et Démocratie” ce qui sonnait un peu comme l’antinomique “Plan de sauvegarde de l’emploi”… La publication aura lieu en deux parties vu la quantité d’articles. Merci à Didier pour ceux-ci.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-renseignement-surveillance-de-juin-juillet-2015-12/


Décoder le FMI : l’accord sur la Grèce condamné, sortie probable, par Paul Mason

Saturday 1 August 2015 at 00:01

Il est facile de se perdre dans les détails. J’ai passé une partie de la journée d’hier dans les couloirs étouffants du parlement grec où les différentes factions et tendances de Syriza, le parti de la gauche radicale, travaillaient sur leurs positions pour le vote d’aujourd’hui.

Non au plan de secours, dit la gauche. Abstention, déclarent d’autres. Voter oui tout en déclarant qu’il a été passé avec un pistolet sur la tempe, dit Alexis Tsipras dans un entretien télévisé en direct. Mais si l’on s’écarte des discussions, amères comme le café noir servi à la cantine du parlement, le tableau devient net : l’accord passera, Syriza le votera.

Prenons encore plus de recul et examinons les implications du rapport secret du FMI, divulgué hier, dans la dynamique de la dette grecque. Le FMI nous dit – après les semaines de désagrégation causée par le bank run incessant et le contrôle des capitaux – que l’accord d’austérité n’a aucun sens. La Grèce a besoin d’un effacement massif de sa dette ou d’un large transfert de l’argent des contribuables du reste de l’Europe. Elle a besoin d’un délai de grâce de 30 ans pendant lequel elle cessera de rembourser les prêts.

Néanmoins, tout l’accord établi dimanche soir a été basé sur ceci : pas un centime d’allègement de la dette. De vagues engagements à “reprofiler” la dette – repoussant les dates de paiement et baissant les taux d’intérêt – c’est tout ce qui a pu être obtenu d’Angela Merkel.

La conclusion est simple : le troisième accord de sauvetage dont le principe a été adopté dimanche soir est voué à l’échec. Premièrement, parce que le FMI ne peut le ratifier sans un allègement de la dette ; deuxièmement, parce que sans allègement il provoquera l’effondrement de l’économie grecque. Et cela même avant que vous preniez en compte la résistance collective à toutes ses spécificités, ou au manque absolu d’entrain des ministres de Syriza qui devront mettre cet accord à exécution.

Le rapport du FMI

Mais des deux bords de la classe politique grecque il y a une dissonance cognitive, et elle provient de la même chose : l’aveuglement devant ce que l’Euro est devenu.

Le centre et le centre droit grecs maintiendront Syriza au pouvoir dans l’immédiat, pour montrer qu’ils sont de bons Européens. Syriza votera un plan qu’elle désapprouve, et dont quiconque ayant lu ne serait-ce qu’un résumé du rapport du FMI comprend désormais qu’il est voué à l’échec. Là encore, pour donner des gages de bonne volonté européenne, ce qui, comme le soutient Alexis Tsipras, “nous évite le Grexit”.

Ce qu’implique le rapport du FMI, c’est que le Grexit est inévitable. Sans effacement de dette, le rapport entre la dette et le PIB atteindra 200%. Il faudra consacrer 15% du PIB aux seuls intérêts et paiements arrivant à échéance.

Nous voilà donc revenus au vieux problème poursuivant la Grèce depuis 2010. Oui, elle a une économie inefficace, étatique, qui a besoin d’être réformée ; oui, elle est marquée par des entraves à la liberté d’entreprendre, datant de Mathusalem et favorisant la corruption. Mais on ne modernise pas un pays comme la Grèce dans un contexte de pression à la baisse sur la croissance, inévitablement induite par les mesures d’austérité.

En disant cela – bien que provenant d’un document secret que les Européens voulaient supprimer – le FMI a montré qu’il pouvait apprendre. Il a abandonné le dogme prédisant une contraction du PIB de 4% due à l’austérité, et a tiré les conclusions de la chute de 25% du PIB qui s’est réellement produite.

Une des caractéristiques récurrentes de cette crise est le décalage entre la rapidité d’apprentissage des partis politiques et celle des peuples.

J’ai découvert, parmi des gens ordinaires, fervents partisans du Non au référendum, un large consensus sur l’idée que pour établir plus de justice sociale ou des alternatives à l’austérité la Grèce devrait quitter l’Euro. La plupart des gens à qui j’ai parlé veulent que cela soit effectué de façon contrôlée, avec l’assentiment du plus grand nombre et avec un mandat délivré par le peuple.

Ils ont réalisé que le refus sans appel d’Angela Merkel d’admettre un effacement de dette dans le cadre de l’Euro, en parallèle avec l’extrême insistance du FMI qu’il devrait avoir lieu, avait créé une impasse dont aucun gouvernement grec ne pourra sortir sans abandonner l’appartenance à l’Euro.

// VIDEO

Syriza – qui a toujours été une coalition de socio-démocrates de gauche, de marxistes de Nouvelle Gauche et d’un groupe communiste d’une gauche plus radicale – considère qu’il est difficile institutionnellement d’accepter cette logique.

Les opposants au Grexit argumentent qu’une fois la question de l’Euro “résolue”, ils pourront se concentrer sur une croisade interne contre la corruption, des méthodes policières insuffisantes et des dysfonctionnements de la justice et de l’état.

Ce que personne ne sait, c’est à quel point l’Euro-zone pourrait utiliser son pouvoir absolu sur la législation nationale si, par exemple, Syriza essayait de dépoussiérer le système judiciaire. Cela serait-il considéré comme une “politisation de l’état” ? Personne ne le sait – parce que la Commission Européenne et la BCE n’ont jamais eu à avoir de politiques sur de telles questions auparavant.

“Le troisième sauvetage sera un désastre”

Une autre question se pose : quel genre de parti Syriza va-t-il devenir maintenant ? Actuellement, il reste fondamentalement une expression du désir d’une large proportion des Grecs de rester dans l’Euro avec moins d’austérité.

Au cours des 5 dernières années, le schéma de l’électorat grec a été de porter au pouvoir des partis qui promettaient d’atténuer l’austérité tout en restant dans l’Euro. D’abord Papandreou, puis Nouvelle Démocratie – qui, lui aussi, on l’a presque oublié aujourd’hui, s’était opposé au mémorandum sur l’austérité – et maintenant Syriza. Le résultat de l’envoi des partis successifs dans le hachoir européen a été de les broyer. Le Pasok a été déchiqueté, Nouvelle Démocratie a été déchiquetée et il est possible que Syriza se fissure, ses membres soient vilipendés, dénoncés comme traîtres, etc.

Nous savons par les sondages d’opinion qu’environ 35% des Grecs souhaitent quitter l’Euro mais que 25% de ceux qui ont voté Non au référendum craignent probablement ce qu’a détaillé Alexis Tsipras hier soir : 250 milliards d’euros ont quitté le pays au cours des 5 dernières années et si la Grèce quittait l’Euro, ce “lobby de la drachme” pourra revenir en Grèce et racheter tout et tout le monde.

Mais revenons au rapport du FMI laissant entendre que le troisième accord de sauvetage sera un désastre, et à l’intransigeance d’Angela Merkel qui dit pas d’allègement de la dette dans la zone Euro. Plus je le regarde, rationnellement et sans affection, plus ces 250 milliards d’euros qui attendent hors de Grèce un Grexit semblent très judicieusement placés. Et vous la communauté des investisseurs, hautement logique et dépassionnée, tirez également la même conclusion.

Le niveau de souffrance économique et d’emprunts anormaux qui vont être infligés à la Grèce signifie qu’à un certain moment au cours des prochains 12 à 18 mois, il y a une possibilité que 20 à 30% de l’opinion publique centriste bascule en faveur d’une politique de sortie maîtrisée, ou peut-être temporaire de l’Euro-zone. La seule question est alors : quel parti offrira un discours convaincant pour la mener ?

Source : Paul Mason, le 15/07/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Des documents de la Troïka ayant fait l’objet d’une fuite montrent que la Grèce a besoin d’un énorme allègement de sa dette

Proposé par Raul Ilargi Meijer via The Automatic Earth blog,

C’est au moment où vous pensez que les choses ne peuvent pas devenir encore plus folles, qu’elles le deviennent toujours. Le Guardian rend compte de documents non-publiés de la Troïka qui montrent que la Grèce n’a que trop raison lorsqu’elle demande un allègement de sa dette. Que signer, pour le gouvernement Syriza, ce que la Troïka veut le forcer à signer, amènerait Tsipras et les siens à plonger leur pays dans les abysses d’un enfer financier.

Pour mémoire, voilà à quoi ressemble l’enfer…

Supposons que, d’une manière ou d’une autre, la Grèce réussisse à repousser l’échéance jusqu’à la fin de 2015. Alors, à coup sûr, elle sera sortie de l’auberge, n’est-ce pas ?Faux. Parce que pour le pays le plus dévasté d’Europe, c’est seulement à ce moment-là que le cauchemar de la dette commence vraiment.

Sont listés ci-dessous  tous les remboursements à venir de la dette grecque jusqu’en 2057, autrement connus sous le nom des cercles de l’enfer grec, le premier, le neuvième, plus tous ceux qui se trouvent entre les deux :

Ce qui est potentiellement encore plus étrange est que tous les députés allemands ont reçu ces documents, parce qu’un vote les concernant était supposé avoir lieu, mais aucun d’entre eux ne les a évoqués. C’est une bonne chose qu’il y en ait eu au moins un d’assez lucide pour les transmettre à la presse.

Ils avaient donc ces documents, et puis hier Merkel a dit d’arrêter les discussions jusqu’à après le référendum, et un silence total a suivi. La voilà redescendue sur terre, et de quelle manière ! Nous savons que la Troïka est composée de laquais du système bancaire – et cela le prouve une fois pour toutes – mais Merkel est pire. De plus, le Bundestag lui obéit au doigt et à l’œil. Elle a une haute idée de la démocratie, cette Allemagne.

Mais les documents faisaient aussi partie d’un package qui a été envoyé à la Grèce et aux autres. Et l’allègement de la dette n’était-il pas toujours sur la table ? Qu’est-ce qui m’échappe ici ? Comment Tsipras aurait-il pu signer ça ? Alors qu’il pouvait voir les propres chiffres de la Troïka, eux ont tout de même refusé de les prendre en compte et de les intégrer à l’accord ?!

L’article du Guardian a reçu un titre insignifiant, mais son contenu est assez clair.

FMI : les mesures d’austérité laisseraient toujours la Grèce avec une dette insoutenable

La Grèce ferait face à une dette insoutenable en 2030 même si elle acceptait la totalité des réformes des taxes et des dépenses exigées, d’après des documents non publiés réunis par ses trois créanciers principaux. Ces documents, rédigés par ce qu’on appelle la Troïka des prêteurs, vont dans le sens de l’argumentation grecque, à savoir : sans allègement substantiel des dettes, pas de restauration durable de l’économie.

Ils montrent que, même après 15 ans de croissance durable, le pays aurait à faire face à un niveau de dette que le FMI juge insoutenable. Les documents montrent que les estimations de référence du FMI – résultat le plus probable – sont que la dette grecque serait de 118% de son PIB en 2030, même si elle signait la totalité des réformes sur les taxes et les dépenses.

C’est beaucoup plus que les 110% que le FMI estime soutenables vu le profil de la dette grecque, un seuil assigné en 2012. Le niveau de la dette est actuellement à 175% et il est probable qu’il augmentera encore, le pays étant redescendu dans la récession. Le document reconnaît que selon le scénario de base, il faut des “concessions importantes” pour augmenter la probabilité pour la Grèce de se débarrasser durablement de ses problèmes de financement de la dette.

Même dans les scénarios les plus optimistes comprenant une croissance de 4% par an pour les cinq années à venir, le niveau de la dette grecque ne tombera qu’à 124% en 2022. Ce cas le plus optimiste anticipe aussi des recettes de 15 milliards d’euro à la suite de privatisations, donc cinq fois l’estimation dans le scénario le plus probable.

Mais dans tous les scénarios examinés par la Troïka, et présumant tous un troisième plan de sauvetage, la Grèce n’a aucune chance d’atteindre l’objectif d’une réduction de la dette “bien en dessous des 110% du PIB en 2012″, fixé par l’Euro-groupe en novembre 2012. Pour citer les créanciers : “Il est clair que les dérapages politiques et les incertitudes des derniers mois ont rendu les objectifs de 2012 impossibles à atteindre quel que soit le scénario.”

Ces projections émanent du rapport Analyse Préliminaire de la Soutenabilité de la Dette Grecque, un des six documents faisant partie d’un ensemble de matériaux composant la proposition “finale” envoyée à la Grèce par ses créanciers vendredi dernier. Ceux-ci, qu’a vus le Guardian, ont été obtenus par le Suddeutsche Zeitung après qu’ils aient été envoyés à tous les députés allemands en prévision du fait que l’accord devait être approuvé par le Parlement. Au Bundestag ce vote n’a jamais eu lieu car le premier ministre grec a rejeté les plans et appelé à un référendum sur la question d’accepter ou non les demandes des créanciers. Bien que les analyses soulignent le fait que la Grèce a déjà bénéficié d’un certain nombre de mesures de réduction de sa dette – l’allongement des échéances, les taux d’intérêts ramenés à un niveau semblable à ceux des pays moins endettés et l’annulation de100 milliards d’euros de dettes par les créanciers privés en 2012 – le document admet aussi que dans le cadre du scénario de base des “concessions significatives” amélioreraient la soutenabilité.

Mais bien que les prêteurs admettent que la Grèce ne puisse pas se développer sans un allègement de la dette, les documents n’apportent aucune lumière sur ce à quoi devrait ressembler un tel “package”, ni ne fournissent de détails sur un troisième plan de sauvetage en supposant qu’il en existe un. Ils ne promettent seulement qu’une analyse plus approfondie sur la soutenabilité de la dette le moment venu.

L’article en contient encore plus. Mais qui a besoin d’encore plus ?

Source : Zero Hedge, le 01/07/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/decoder-le-fmi-laccord-sur-la-grece-condamne-sortie-probable-par-paul-mason/


[Entraide] Programmeur Excel

Friday 31 July 2015 at 03:30

Je remonte l’appel à entraide Excel d’avant-hier.

Vous avez été plusieurs à répondre – merci, je vais vous écrire.

J’ai cependant un besoin plus précis : je cherche à automatiser la création d’un de ces fichiers Excel. J’aurais donc besoin de 1 ou 2 volontaires cet été pouvant aider, connaissant bien la programmation VBA, étant minutieux (c’est un projet pas très compliqué, mais un peu long) et motivé avec un peu de temps.

Merci de me contacter ici.

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-specialistes-dexcel-2015/


Grèce : La lutte continue, par Sebastian Budgen & Stathis Kouvelakis

Friday 31 July 2015 at 01:19

Un dernier compte-rendu de ce qui s’est produit pendant les dernières semaines en Grèce, et ce qui se passera ensuite pour Syriza et la gauche européenne.

Par Sebastian Budgen & Stathis Kouvelakis

A Athènes, les militants de la campagne du “Non” agitent leurs drapeaux après les premiers résultats du référendum. Yannis Kolesids / EPA

Le dernier accord entre le gouvernement Syriza et les créanciers a choqué de nombreuses personnes de la gauche qui avaient suivi les événements en Grèce. Il semble que cela marque la fin de tout un cycle politique.

Dans cet entretien avec Sebastian Budgen, rédacteur de Jacobin, Stathis Kouvelakis, un des chefs de file de la “Plateforme de Gauche” interne au parti, raconte la dernière séquence, dans quelles mesures les espoirs ont été confirmés ou déçus, et les prochaines étapes pour l’aile gauche radicale du parti.

Kouvelakis profite de cette opportunité pour tirer plus largement le bilan de la stratégie de la “Plateforme de Gauche”, si les choses auraient pu être faites différemment, et quelles sont les perspectives pour une recomposition plus générale de la gauche.

Quelles étaient les causes du référendum de juillet ? Beaucoup ont dit que c’était quelque chose venu de nulle part, un joker sorti de la manche d’Alexis Tsipras. Mais il y a quelque incertitude sur ses motivations – certains ont même spéculé qu’il pensait qu’il perdrait.

Je pense que le référendum était clairement une tentative de sortir du piège dans lequel le gouvernement tombait lors du processus de négociation.

Il était assez évident, en fait, que pendant l’engrenage de concessions faites par le gouvernement, Tsipras a réalisé que quoi qu’il ait pu proposer cela ne suffirait jamais à la Troïka. Lors de la dernière semaine de juin, il était clair que l’accord qui prenait plus ou moins forme ne passerait pas le test interne à Syriza ni celui de l’opinion publique.

Des messages ont été envoyés aux équipes dirigeantes et à Tsipras lui-même de l’intérieur du parti, d’au-delà de le “Plateforme de Gauche”, selon lesquels l’accord n’était pas acceptable. Pendant les derniers jours de la semaine, le changement dans l’opinion publique aussi a été significatif, avec des gens lassés par ce processus d’interminables négociations. On a compris que la Troïka cherchait seulement à humilier le gouvernement grec.

Tsipras, dont il a été dit qu’il est une sorte de politicien joueur, pensait le référendum – une idée qui n’était pas entièrement nouvelle et qui avait été évoquée avant lui par d’autres personnes du gouvernement dont Yanis Varoufakis – non comme une rupture avec le processus de négociation mais un mouvement tactique qui pourrait renforcer son plan de négociation.

Je peux l’affirmer avec certitude, car j’étais dans le secret des rapports détaillés de la réunion cruciale de la soirée du 26 juin, quand le référendum a été annoncé.

Deux choses doivent être dites à ce stade. La première est que Tsipras et la plupart des gens proches de lui pensaient que ça allait être une promenade de santé. Et cela avait été plutôt le cas avant la fermeture des banques. La tendance générale était que le référendum serait gagné largement, avec plus de 70%.

C’était assez réaliste, sans la fermeture des banques le référendum aurait été facilement gagné, mais le sens politique du Non en aurait été changé, car cela se serait passé sans cette ambiance de tension et de drame créée par la fermeture des banques et la réaction des Européens.

Ce qui s’est passé pendant la réunion gouvernementale c’est qu’un certain nombre de personnes – l’aile droite du gouvernement, menée par le vice-premier ministre Giannis Dragasakis – désapprouvait cette opération. Dragasakis est celui qui a géré l’ensemble de la négociation du côté grec. Tout le monde au sein de l’équipe de négociation, à l’exception du nouveau ministre des finances Euclid Tsakalotos, lui était dévoué et il a été le principal partisan parmi ceux du gouvernement qui voulaient vraiment se débarrasser de Varoufakis.

Cette faction pensait que le référendum était une proposition à haut risque, et elle comprenait, contrairement à Tsipras, que ce serait un mouvement de grande confrontation qui déclencherait une réaction très dure du côté européen – et il s’avère qu’elle a eu raison.

Ces personnes craignaient également la dynamique sous-jacente qui serait générée par cette initiative. D’autre part, le leader de la Plateforme de gauche et ministre de l’énergie et du redressement productif, Panagiotis Lafazanis, a dit que le référendum était la bonne décision, bien qu’arrivant trop tard, mais il a aussi averti que cela reviendrait à une déclaration de guerre, que la partie opposée couperait les lignes de liquidités et que nous devions nous attendre sous quelques jours à fermer les banques. La plupart des personnes présentes se sont contentées de rire à cet avis.

Je pense que ce manque de prise de conscience de ce qui allait arriver est absolument primordial pour comprendre la logique d’ensemble du chemin que le gouvernement a pris jusqu’ici. Il ne pouvait simplement pas croire que les européens réagiraient comme ils ont effectivement réagi. D’un certain côté, comme je l’ai dit, l’aile droite de Syriza était beaucoup plus lucide sur ce à quoi le gouvernement s’attaquait.

Cela explique aussi ce qui s’est passé à ce niveau pendant la semaine du référendum. Tsipras était mis sous extrême pression par Dragasakis et d’autres pour qu’il annule le référendum. Il ne l’a pas fait, bien sûr, mais il a fait savoir clairement que ses prochaines orientations se feraient avec l’accord de l’aile droite, et que cette mesure n’était pas une rupture avec la ligne qu’il avait toujours suivie jusqu’ici, mais était plutôt une sorte d’opération tactique dans cet esprit.

Etait-ce l’explication de la marche arrière du mercredi avant le vote ?

Exactement. Ce mercredi, certaines personnes ont même parlé d’un coup d’état interne à venir, et à Athènes couvaient des rumeurs selon lesquelles Tsipras s’apprêtait à annuler le référendum. Pendant son discours, il a confirmé le référendum mais a aussi fait savoir qu’il était conçu comme un outil de pression afin d’obtenir un meilleur accord et que cela n’était pas la fin des négociations mais seulement la continuité dans de prétendues meilleures conditions. Et il est resté fidèle à cette ligne durant la semaine entière.

Une chose que je n’ai pas comprise au sujet du processus, même sous l’angle des relations publiques, est qu’il a appelé à un référendum sur une série de mesures proposées qu’il a ensuite appelé à rejeter et malgré ça, à l’approche du référendum, il a fait un pas vers les créanciers ce qui a semblé être sur certains aspects pire que les mesures qu’il appelait à rejeter.

Tout ceci a donné l’impression d’un amateurisme total et de chaos.

J’ai essayé de reconstituer les intentions de Tispras essentiellement pour répondre à votre question au sujet de l’idée qu’il pensait perdre le référendum et pour essayer de comprendre le sens que le référendum avait pour lui. Mais ce qui est indéniable est que cela a déchaîné des forces qui sont allées au-delà de ses intentions. Tsipras et le gouvernement ont été clairement dépassés par la dynamique créée par le référendum.

Ils ont tenté par tous les moyens de remettre le diable dans sa boîte. Le moyen pour Tsipras de gérer la pression exercée par Dragasakis – et la raison pour laquelle mercredi était si crucial – était d’accepter leur ligne et d’envoyer cette fameuse lettre à l’Euro-groupe, et avant ça d’envoyer la lettre demandant un nouveau prêt. Ce qui a ouvert la voie à ce qui devait arriver la semaine suivant le référendum.

Mais d’un autre côté, afin de justifier le fait qu’il ne pouvait pas annuler le référendum sans se ridiculiser complètement, il devait avancer quelques raisons à cette initiative. Il devait parler du combat contre les mesures d’austérité prévues dans l’offre de Juncker, du chantage effectué par la troïka et de l’ultimatum qu’il avait reçu. Et bien sûr, la dynamique qui se développait depuis la base à ce moment s’est saisie de cette opportunité, l’a pris au mot, et s’est élancée pour engager le combat contre la troïka.

Voilà un parfait exemple d’une initiative prise d’en haut, du fait de contradictions internes, qui a eu pour conséquence de libérer des forces qui allaient bien au-delà des intentions du dirigeant concerné. C’est très important, parce qu’il faut aussi bien comprendre que l’une des principales difficultés que Tsipras va devoir affronter maintenant après la capitulation de l’accord d’hier, est la très douteuse légitimité de ce changement de position après le référendum.

Nous devons comprendre qu’il est complètement illusoire de prétendre que le référendum n’a pas eu lieu. Il a eu lieu, et il est clair à la fois pour l’opinion publique internationale et pour la société grecque que Tsipras trahit un mandat populaire.

Donc, le grand débat qui est – Tsipras est-il un genre de génie tactique machiavélique, ou bien plutôt un joueur invétéré dépassé par les événements – vous êtes dans le second camp ?

Eh bien, je suis définitivement dans le second camp, à condition de clarifier le point suivant : en réalité, Tsipras et son équipe dirigeante ont constamment suivi la même ligne depuis le début. Ils pensaient qu’en combinant une approche “réaliste” des négociations, et une certaine fermeté rhétorique, ils obtiendraient des concessions des Européens.

Cependant, ils étaient de plus en plus coincés par cette ligne, et quand ils ont réalisé le piège, ils n’avaient aucune stratégie alternative. Ils ont constamment refusé tout autre stratégie, et ont de plus rendu pratiquement impossible l’émergence d’une autre approche quand il en était encore temps.

Maintenant, dans l’entretien qu’il a donné il y a quelques jours au New Statesman, Varoufakis dit qu’une petite équipe de collaborateurs a travaillé durant la semaine du référendum sur un projet alternatif qui incluait un contrôle étatique des banques, l’émission d’IOU, et la déconnexion de la banque centrale grecque de la BCE à Francfort, et donc sur une forme de sortie progressive. Mais ce projet est clairement arrivé trop tard, et a été rejeté par pratiquement tout le reste de l’équipe économique du gouvernement, ce qui signifie principalement Dragasakis. Et Tsipras, bien sûr, a validé la décision.

Ainsi, il nous faut souligner la continuité de la ligne de Tsipras. C’est également la raison pour laquelle je pense que le mot “trahison” n’est pas adéquat, si on veut comprendre ce qui se produit. Bien sûr, on peut objectivement dire que cela a été une trahison du mandat populaire, que le peuple se sent légitimement trahi.

Cependant, la notion de trahison signifie habituellement qu’à un moment donné on prend la décision consciente de renier ses propres engagements. Je crois en réalité que Tsipras a cru honnêtement qu’il pouvait obtenir une issue positive en mettant en avant une approche centrée sur les négociations et en faisant preuve de bonne volonté, et c’est aussi la raison pour laquelle il a toujours dit ne pas avoir d’autre plan.

Il pensait qu’en se présentant comme un “européen” loyal, exempt de tout “agenda secret”, il obtiendrait une quelconque récompense. D’un autre côté, il a montré pendant des mois une capacité à résister à la pression croissante et fait quelques coups imprévisibles tels que le référendum ou le voyage à Moscou.

Il pensait que c’était le bon dosage pour aborder le problème, et il s’avère que si vous suivez fidèlement cette ligne, vous vous retrouvez dans une position telle qu’il ne vous reste plus que les mauvais choix.

Et les racines de cette stratégie : dans quelle mesure est-ce de l’aveuglement idéologique, et dans quelle mesure est-ce de l’ignorance pure ? Beaucoup de personnes sont perplexes du fait qu’il s’agit d’un gouvernement formé d’un grand nombre d’intellectuels, de personnes qui ont passé toute leur vie à étudier les politiques économiques capitalistes contemporaines, tant théoriques qu’expérimentales, des personnes qui sont des activistes politiques.

Comment justifier ce qui semble être de la naïveté quant à leurs opposants politiques ? Est-ce de l’idéologie profondément ancrée, ou bien simplement un manque d’expérience de la “haute politique” ?

Je pense qu’il faut distinguer deux éléments au sein du gouvernement. Le premier est la frange la plus à droite du gouvernement, menée par deux des principaux économistes, principalement Dragasakis, mais également Giorgos Stathakis. Et ensuite le leadership central, Tsipras et son entourage.

Le premier groupe a une ligne constante depuis le début – il n’y a absolument aucune naïveté de leur part. Ils savaient pertinemment que les Européens n’accepteraient jamais une rupture avec le mémorandum.

C’est la raison pour laquelle Dragasakis a fait dès le début tout ce qu’il a pu pour ne pas modifier la logique de l’approche globale. Il a clairement saboté toutes les tentatives de Syriza d’avoir son propre programme économique, fût-il inclus dans le cadre qui avait été approuvé par la majorité du parti. Il pensait que la seule chose qu’il pouvait obtenir était une version améliorée du cadre du mémorandum. Il voulait avoir les mains libres pour négocier l’accord avec les Européens, sans pour autant être sous le feu des projecteurs ; il est parvenu à contrôler l’équipe de négociations, surtout une fois Varoufakis mis sur la touche.

À l’été 2013, il a donné une interview très intéressante qui a fait beaucoup de bruit. Il ne proposait pas une version adoucie du programme de Syriza, mais en réalité un programme différent qui était une amélioration légère de l’accord existant que Nouvelle Démocratie avait signé.

Il y a ensuite l’autre approche, celle de Tsipras, qui était effectivement ancrée dans l’idéologie de l’européisme de gauche. Je pense que la meilleure illustration en est Euclid Tsakalotos, une personne qui se considère comme un dévoué marxiste, une personne qui provient de la tradition communiste européenne, nous étions dans la même organisation pendant des années. Sa citation la plus représentative, qui trahit tant son idéologie que la perspective donnée au gouvernement par la présence de tous ces érudits est ce qu’il a dit dans une interview au site français Mediapart en avril.

Interrogé sur ce qui l’avait le plus frappé depuis qu’il était au gouvernement, il a répondu qu’il était un universitaire, son travail était d’enseigner l’économie à l’université, donc quand il s’est rendu à Bruxelles, il s’était préparé très sérieusement, il avait préparé toute une série d’arguments, et s’attendait à une contre-argumentation tout aussi exactement élaborée. Mais à la place de cela, il avait dû faire face à des personnes qui récitaient sans cesse des règles, des procédures et ainsi de suite.

Tsakalotos s’est dit très déçu du faible niveau de la discussion. Dans son interview au New Statesman, Varoufakis relate des choses très similaires de sa propre expérience, même si son style est plus agressif que celui de Tsakalotos.

Partant de là, il est tout à fait clair que ces personnes s’attendaient à ce que la confrontation avec l’UE soit semblable à un congrès académique où vous vous rendez avec un bel article et vous vous attendez à la présentation d’une sorte de beau contre-article.

Je pense que cela nous renseigne sur ce qu’est la Gauche aujourd’hui. La Gauche est pleine de personnes bien intentionnées mais qui sont totalement incapables en matière de politique réelle. Mais cela nous renseigne également sur le type de dévastation mentale provoquée par la croyance quasi-religieuse en l’européisme. Cela signifie que, jusqu’à la fin, ces personnes ont cru qu’elles pouvaient obtenir quelque chose de la Troïka ; elles pensaient qu’entre “partenaires” elles trouveraient une sorte de compromis, qu’elles partageaient certaines valeurs fondamentales telles que le respect des mandats démocratiques ou la possibilité d’une discussion rationnelle fondée sur des arguments économiques.

Toute l’approche de la posture plus agressive de Varoufakis revient en fait au même, mais emballée dans le langage de la théorie des jeux. Il disait qu’il fallait jouer la partie jusqu’à la toute, toute, toute fin, et, qu’ensuite, ils battraient en retraite, parce que les dégâts qu’ils auraient à endurer s’ils ne l’avaient pas fait auraient été trop grands pour eux.

Mais ce qui s’est en réalité produit était plus proche d’un combat entre deux personnes, où l’une risque d’avoir la douleur de perdre un orteil, et l’autre ses deux jambes.

Il est donc vrai qu’il y a eu un manque de réalisme élémentaire, et cela est directement relié au problème principal auquel la gauche doit faire face aujourd’hui : notre propre incapacité.

Et cet européisme que vous décrivez dans la frange centrale du leadership de Syriza, quelle est sa nature idéologique ? Parce qu’ils ne sont ni des libéraux ni même des fédéralistes – ce sont les personnes qui se qualifient la plupart du temps de marxistes ? Y a-t-il une influence de Habermas ou Étienne Balibar ?

Je pense que, dans ce cas, Balibar est sans doute plus approprié que Habermas. Une fois encore, je pense qu’il faut prendre Tsakalotos au mot. Il a donné une interview à Paul Mason le lendemain même de l’envoi des contre-propositions extrêmement humiliantes du Président de la Commission Européenne Jean-Claude Junker.

Quand Mason l’a interrogé sur l’euro, Tsakalotos répondit qu’une sortie serait une catastrophe absolue et que l’Europe revivrait les années 30, avec un retour de la compétition entre les monnaies nationales, et la hausse de divers nationalismes et fascismes.

Ainsi, pour ces personnes, le choix est le suivant : soit être “Européen”, et accepter le cadre existant, ce qui, d’une certaine façon, représente objectivement un pas en avant par rapport à la vieille réalité des états-nations ; ou bien être “anti-européen”, ce qui équivaut à une rechute vers le nationalisme, un pas réactionnaire et régressif.

C’est l’un des moyens faibles qui sert à la légitimation de l’Union Européenne – ce n’est peut être pas idéal, mais c’est mieux que tout le reste sur la table.

Je pense que dans ce cas, on peut clairement voir laquelle des idéologies est au travail. Bien que vous n’adhériez pas totalement au projet, et que vous ayez de sérieux doutes quant à l’orientation néolibérale et la structure verticale des institutions européennes, vous adoptez néanmoins ses codes et ne pouvez imaginer mieux en dehors de ce cadre.

C’est là la signification des dénonciations d’un Grexit qui serait un genre de retour aux années 30, ou une sorte d’apocalypse. C’est le symptôme du propre enfermement des dirigeants dans l’idéologie de la Gauche européiste.

La fin du capitalisme est-elle plus simple à imaginer que la fin de l’Union Européenne, ou même de l’euro ?

Tout à fait, je l’ai écrit il y a quelques années.

Et pourtant, cette espèce de mollesse envers l’Union Européenne ne correspond pas aux propres idées de Nicos Poulantzas, bien que certains intellectuels utilisent Poulantzas pour défendre la position gouvernementale.

Effectivement, Poulantzas a écrit sur l’intégration européenne dans la première partie de son livre sur les classes sociales dans le capitalisme contemporain, il y analyse les processus d’internationalisation du capital, et il considérait clairement la communauté économique européenne comme l’exemple d’une forme impérialiste d’internationalisation du capital européen dans le cadre de ce qu’il regardait comme étant la nouvelle structure d’hégémonie des États-Unis dans l’après-guerre.

Parlons une nouvelle fois du référendum lui-même. Le référendum est survenu dans un contexte de crise de liquidité, de fermeture des banques, de réactions hystériques des médias, et d’autres partis faisant pression en faveur du “Oui”. Mais alors, quelque chose s’est produit qui a déclenché une contre-réaction à une échelle considérable de la part des Grecs ordinaires.

Etaient-ils poussés par la fierté nationale, était-ce principalement une question de classe sociale ou est-ce que, selon les spéculations de Paul Mason et d’autres, la mémoire de la guerre civile a joué un rôle ? Quelles sont les raisons déterminantes de ce “Non” ?

De tous les facteurs que vous avez mentionnés, le moins pertinent est celui de la guerre civile. Nous devons constater que le “Non” domine même dans des zones du pays traditionnellement à droite telles que la Laconie, près de Sparte, Messinia ou d’autres zones en Grèce centrale où la droite domine. Le “Non” est majoritaire dans toutes les régions de Grèce.

La dimension de classe était clairement la plus importante des trois que vous avez mentionnées et que je vais analyser par ordre d’importance. Même les commentateurs conventionnels reconnaissent que c’était le scrutin le plus socialement clivé de l’histoire de la Grèce. Dans les quartiers ouvriers on obtient plus de 70 pour cent pour le “Non”, et dans les quartiers riches, plus de 70 pour cent pour le “Oui”.

La réaction hystérique des forces dominantes et la situation dramatique provoquée par la fermeture des banques, la limitation des retraits, etc. ont créé au sein des classes populaires une simple assimilation au camp du “Oui” de tout ce qu’elles détestaient. Le fait que le camp du “Oui” ait mobilisé pour leur campagne tous ces politiciens, experts, dirigeants d’entreprises et célébrités médiatiques détestés, n’a fait qu’exacerber cette réaction de classe.

Le deuxième élément qui est tout autant impressionnant est la radicalisation de la jeunesse. C’est la première fois depuis la crise que la jeunesse dans son ensemble fait une déclaration unifiée. Quatre-vingt-cinq pour cent des 18 à 24 ans ont voté « Non », ce qui montre que cette génération, qui a été totalement sacrifiée par le mémorandum, est très consciente de l’avenir qui se prépare et a une attitude claire vis-à-vis de l’Europe.

Dans le quotidien français Le Monde, un article demande comment ces jeunes, qui ont grandi avec l’euro, les programmes Erasmus et l’Union Européenne en sont venus à se retourner contre elle, et la réponse de toutes les personnes interrogées était simple : nous avons vu ce qu’est l’Europe, et l’Europe, c’est l’austérité, l’Europe, c’est le chantage envers les gouvernements démocratiques, l’Europe, c’est la destruction de notre avenir.

Ceci explique les manifestations massives et combatives de cette semaine, culminant particulièrement avec les rassemblements de ce vendredi 3 juillet à Athènes et autres grandes villes en Grèce

Et le troisième aspect est certainement celui de la fierté nationale. Cela explique pourquoi en dehors des grands centres urbains où les limites entre les différentes classes sociales sont plus floues, dans la Grèce rurale et les petites villes, même là, le « Non » a été majoritaire. C’était un « Non » à la Troïka, un « Non » à Juncker. On a vu que même pour ceux qui sont sceptiques vis-à-vis du gouvernement et ne s’identifient pas à Syriza ou Tsipras, il s’agissait clairement d’une tentative d’humilier un gouvernement élu et maintenir le pays sous le règne de la Troïka.

Vous vous êtes rendu sur plusieurs lieux de travail pour faire campagne pour le « Non ». Pouvez-vous nous en parler un peu et nous dire quel accueil vous avez reçu ?

Cela a bien sûr été une expérience unique. Il y avait une grande disparité de situations – l’atmosphère était dure au sein des chemins de fer, une compagnie qui a été déjà largement démantelée et dont ce qui subsiste sera privatisé. Les travailleurs savaient que le gouvernement avait déjà accepté la privatisation des chemins de fer. Cela était même inclus dans la première liste de réformes annoncées par Varoufakis après l’accord du 20 février.

Mais malgré les contextes variés, dans tous ces lieux, la discussion tournait autour de deux questions : pourquoi le gouvernement a-t-il fait si peu jusqu’à présent, pourquoi a-t-il été si timide ? Et aussi qu’allez-vous faire après la victoire du “Non” ?

Il était tout à fait clair pour ces personnes que le “Non” allait l’emporter car la campagne du “Oui” était invisible sur les lieux de travail, et parmi la classe ouvrière d’une manière générale, de sorte qu’il n’y avait aucun doute sur le résultat à venir. Mais il y avait une très grande anxiété concernant ce qui se produirait après la victoire.

Ainsi, les questions étaient : Quels sont vos plans ? Qu’allez-vous faire ? Pourquoi parlez-vous encore de négociations alors que depuis cinq mois et demi nous avons vu cette approche échouer clairement ?

J’étais dans une situation très embarrassante, parce qu’en tant que porte-parole de Syriza et membre du comité central, je ne pouvais pas apporter de réponses convaincantes à tout cela.

Le “Non”, bien sûr, l’a massivement emporté. Avez-vous été surpris par l’ampleur de cette victoire ?

Oui, je ne m’attendais pas à ce que le “Non” atteigne le seuil des soixante pour cent. Il faut dire que parmi les cadres dirigeants de Syriza, seul Lafazanis avait prédit un tel résultat et très peu au sein de la Plateforme de Gauche étaient d’accord avec lui. La plupart s’attendaient à un score comme cinquante-cinq pour cent.

La première conséquence immédiate de cette victoire massive du “Non” a été d’accroître la désintégration des partis de l’opposition.

Le soir même du vote, ces gens étaient complètement vaincus. C’était de loin la plus grave défaite des partisans de l’austérité depuis le début de la crise. C’était bien plus clair et bien plus profond que les élections de janvier, parce même en regroupant et mobilisant toutes leurs forces ils avaient malgré tout essuyé une défaite dévastatrice. Il n’y a pas une seule circonscription en Grèce qu’ils aient gagnée.

Le leader de Nouvelle Démocratie et ancien Premier ministre Antonis Samaras a démissionné immédiatement. Ensuite, à peine quelques heures plus tard, tout ce camp avait ressuscité et avait été légitimé par Tsipras lui-même lorsqu’il a convoqué le “conseil des leaders politiques” sous les auspices du président de la république, un supporter déclaré du “Oui”, qui avait été nommé par la majorité de Syriza au parlement en février.

A cette réunion une chose extraordinaire s’est produite : le chef de ceux qui avaient gagné a accepté toutes les conditions de ceux qui avaient perdu. Cela, il faut le dire, est un évènement unique dans l’histoire politique. Je ne pense pas qu’on ait déjà vu ça avant.

Peut-être le gouvernement a-t-il été surpris par la force du “Non”, et le comportement de classe qu’ils ont dû comprendre par ailleurs, mais en a conclu que cela ne faisait que confirmer ses plans initiaux ? Rien n’indiquait que quelque chose de plus profond était à l’œuvre ?

Je ne peux pas vraiment me prononcer sur la manière dont ils ont interprété le référendum, parce que tout le monde a été très absorbé par les prétendues négociations, qui ne relèvent que de la plaisanterie évidemment. Je pense que la meilleure formule pour qualifier ces négociations est celle rapportée par le correspondant du Guardian à Bruxelles, Ian Traynor, qui a écrit qu’un responsable de l’UE les avaient appelées un “exercice de torture psychologique”.

Ce qui est clair, en revanche, c’est que le gouvernement a immédiatement pris ces initiatives pour désactiver la dynamique qui était en train d’émerger à la suite du référendum. Et c’est pour cette raison que quelques heures après l’annonce du dernier recours, a été convoquée cette réunion de tous les chefs de parti, qui a fixé une ligne politique complètement différente de celle exprimée par le “Non”.

Le contenu de cette nouvelle ligne était que, quoi qu’il arrive – c’était déjà en route évidemment dans des mesures inspirées par Dragasakis la semaine précédente – la Grèce devait rester dans la zone euro. Et le point le plus ancré de la déclaration commune approuvée par tous les chefs de parti – à l’exception du Parti Communiste Grec (KKE), qui a refusé de signer, et des Nazis, qui n’ont pas été invités à la réunion – était que ce référendum n’était pas un mandat pour une sortie de la zone mais un mandat pour négocier un meilleur accord. Donc dès ce moment le désastre était en marche.

Y a-t-il des indices que les positions des gens sur la question de la zone euro changeaient pendant le temps du référendum ?

Bien sûr qu’elles changeaient. L’argument qui a été constamment ressassé par les médias, par les dirigeants politiques du camp du “Oui”, mais aussi par tous les dirigeants européens qui ont manifestement interféré sur le référendum de la plus flagrante des façons pendant cette semaine, était que voter “Non” était voter contre l’euro. Donc il est totalement irrationnel de prétendre que les gens qui ont voté “Non” n’étaient pas de ceux qui prenaient le moins le risque d’une possible sortie de l’euro quand c’est le moyen pour eux de dire “Non” à plus de mesures d’austérité.

Il faut préciser que ce qui s’est produit au cours de cette semaine a été un processus de radicalisation de l’opinion publique. Vous pouviez le sentir et l’entendre dans les rues, les lieux de travail, tous les types d’espaces publics. Partout, les gens ne parlaient que du référendum, si bien qu’il était très facile de percevoir le sentiment populaire.

Je ne prétends pas qu’il était homogène. Les gens faisaient valoir que voter “Non” donnerait vraiment au gouvernement une carte de plus pour les négociations. Je ne dis pas que cela n’est pas vrai. Mais nous devons aussi comprendre que le caractère massif du “Non” dans le pays signifie que les gens, plus particulièrement dans les classes laborieuses, dans la jeunesse, et dans les classes moyennes appauvries, ont eu le sentiment qu’ils n’avaient plus rien à perdre, qu’ils pouvaient prendre des risques et livrer bataille.

L’esprit combatif des rassemblements du vendredi fut un autre signe de cela. J’ai été très impressionné. Personnellement, je n’ai rien vu de tel en Grèce depuis les années 1970.

Parlons du vote du 11 juillet au parlement concernant les propositions envoyées par le gouvernement grec à l’Euro-groupe. Il est devenu clair à ce moment que le gouvernement avait accepté la perspective d’un nouveau plan d’austérité.

Ces propositions ont finalement été approuvées par 251 députés sur 300, avec le soutien massif des partis pro-austérité.

L’une des conditions posées par les créanciers était que les propositions du gouvernement grec devaient être approuvées par le Parlement, sachant que cela n’avait aucun sens. Ce n’est même pas constitutionnel à proprement parler, parce que le parlement ne peut se prononcer que sur des lois ou des accords internationaux et intergouvernementaux, il ne peut pas voter un simple document servant de base à des négociations et qui peut être modifié n’importe quand au cours des négociations.

Mais cela a été un acte symbolique qui a donné carte blanche au gouvernement pour négocier sur des bases dramatiquement affaiblies. Les propositions du gouvernement étaient seulement une version allégée du plan Juncker qui avait été rejeté par le référendum. Donc, en fait, ce que le gouvernement demandait était l’approbation de sa volte-face au cours de la semaine.

Mais le tableau au sein du groupe parlementaire de Syriza semble plus complexe. Donc évoquons les dissensions dans les rangs de Syriza et la position adoptée par la Plateforme de Gauche.

La position de la Plateforme de Gauche fut significativement débattue en interne, notamment au sein de la principale composante de la plateforme, le courant de Gauche mené par Panagiotis Lafazanis. L’opinion majoritaire était que nous devions exprimer un vote différencié, ce qui supposait que certains devaient voter “présent” pendant le vote lui-même, ce qui correspondait pratiquement à un vote “Non”, mais avec peut-être cependant une portée symbolique moindre.

Pourquoi est-ce la même chose qu’un vote “Non” ?

Parce que ça ne change rien à la majorité requise nécessaire à une proposition pour passer. De toute façon, vous avez besoin de 151 votes pour la faire passer.

Une autre partie du groupe devait voter en faveur de ces propositions tout en faisant simultanément une déclaration stipulant deux choses : la première, c’est qu’ils étaient solidaires de ceux qui rejetaient ces propositions, ceux qui avaient voté “présent” en l’espèce mais qui n’acceptent pas cet accord ; la deuxième c’est qu’ils ne voteraient pas un accord contenant des mesures d’austérité.

Et peut-être que le second point est encore plus important que le premier (nous y reviendrons certainement dans un instant). La raison en est que la pratique constitutionnelle grecque est la suivante : pour chaque loi qu’il veut faire adopter, le gouvernement doit montrer qu’il a une majorité venant de ses propres rangs, du parti lui-même ou de la coalition, ce qui est le cas si nous tenons compte de l’ANEL, le parti des Grecs indépendants. Et, en fait, le gouvernement a perdu le contrôle de sa propre majorité.

Bien que ce ne soit pas obligatoire, il est de coutume dans l’histoire constitutionnelle grecque que lorsqu’un gouvernement perd sa majorité, c’est le fameux “dedilomeni” comme on l’appelle (majorité déclarée), il faut organiser de nouvelles élections. C’est pourquoi les discussions sur de nouvelles élections ont immédiatement débuté. Les nouvelles élections ont déjà été annoncées, la question maintenant est juste de savoir quand elles auront lieu.

Donc, nous constatons que cette ligne, avec laquelle je suis personnellement en désaccord, je fais partie de ceux qui privilégiaient un vote homogène “Non” ou “Présent”, a échoué car avec sept députés de la Plateforme qui ont voté “Présent” tout comme plusieurs députés de Syriza (Notamment Zoe Konstantopoulou, le président du Parlement, et Rachel Makri, une ex-députée ANEL qui est très proche de nous à présent), le gouvernement avait déjà perdu sa majorité.

Cependant, l’essentiel est là : tous les députés de la Plateforme de Gauche rejetteront le nouveau mémorandum au prochain vote, cela a déjà été annoncé. A ceci je dois ajouter que les deux députés de la Plateforme qui ne sont pas membres du courant de gauche mais proches du réseau rouge (DEA et les autres), la composante trotskiste de la Plateforme, ont voté “Non” et ils furent les deux seuls députés de Syriza à voter “Non” au nouvel accord.

Donc ce que vous êtes en train de dire c’est que la Plateforme de Gauche a adopté cette position compliquée, du moins compliquée vue de l’extérieur des salles de l’Assemblée nationale, parce qu’elle a sous-estimé le degré d’impopularité que la proposition de Tsipras allait avoir ? Elle a sous-estimé à quel point les gens extérieurs aux rangs de la Plateforme monteraient au créneau et s’y opposeraient ?

Ils se prenaient en quelque sorte pour “le dernier des Mohicans”. Ils pensaient que s’ils votaient “Non”, ils entraîneraient la chute du gouvernement et provoqueraient de nouvelles élections – même s’il y avait en fait une crise plus large qui touchait, par exemple, le Président du Parlement, et ils n’ont pas intégré cela dans leurs calculs ? Qu’ils étaient portés par un sens de la légitimité ?

Je dirais qu’il s’agissait en effet essentiellement de légitimisme, il s’agissait de montrer que leur intention n’était pas de renverser le gouvernement mais d’exprimer leur désaccord, d’envoyer un avertissement sur le fait qu’il s’apprêtait à franchir la dernière ligne rouge. Il s’agissait donc de dénoncer l’illégitimité du revirement de Tsipras sans toutefois, à ce stade, opter pour une rupture claire et nette avec celui-ci.

Je dois ajouter que les deux plus importants ministres et personnalités de la Plateforme, Lafazanis lui-même et le ministre adjoint aux affaires sociales, Dimitris Stratoulis [qui a perdu son poste au gouvernement le 17 juillet, NdT] ont voté “Non” pour mettre les choses au clair. Lafazanis a également fait une déclaration précisant qu’il s’agissait de la position de la Plateforme, et qu’ils n’essayaient pas pour autant de renverser le gouvernement.

Mais pensez vous que les couches fraîchement radicalisées de la classe laborieuse grecque qui venait de remporter le référendum ont compris ce qui était en train de se passer ?

Ils ont bien compris que le gouvernement avait perdu le contrôle de sa propre majorité. Les médias ont fait le travail pour nous, en se focalisant sur Lafazanis, en rapportant qui avait voté “non”, “présent”, “absent”, etc. Je dois également ajouter que parmi les absents il y avait les quatre députés du courant maoïste (KOE) ainsi que Yanis Varoufakis lui-même, alors censé avoir des “obligations familiales”. Donc les médias ont travaillé pour nous, et chacun s’est rendu compte qu’il y avait une rupture au sein du groupe parlementaire de Syriza.

Immédiatement, les éléments les plus à droite de Syriza ont exigé que ceux qui étaient en désaccord d’une manière ou d’une autre démissionnent immédiatement de leurs mandats, y compris de leurs sièges parlementaires. Donc il est clairement apparu que Syriza était partagé, même si évidemment leur tactique restait obscure.

Le vote le plus crucial et le plus symbolique va avoir lieu maintenant. Le vote de la semaine dernière était un vote sur les propositions pour la négociation. Le prochain vote, celui qui déterminera l’avenir de Syriza et du pays, sera un vote sur l’accord signé dimanche. Et selon les informations que j’ai le vote sera absolument clair, et il se fera dans la mémoire populaire un véritable parallèle avec les fameux votes de mai 2010 et février 2012, quand tout le monde observait chaque individu, chaque député, pour voir comment ils allaient voter à cette occasion.

Que pensez-vous de l’argument avancé par des personnes comme Alex Callinicos, avec qui vous avez débattu il y a quelques jours, qui est qu’à ce moment la Plateforme de Gauche bénéficiait de la légitimité octroyée par le référendum et qu’elle a d’une manière ou d’une autre gâché cette opportunité ?

Je pense qu’il est trop tôt pour dire si nous l’avons gâchée ou non. Les choses ne se décident pas en un seul instant, pas à ce moment-là du moins. C’est un processus en train de se dérouler, et je pense que le vrai choc dans la société au sens large va venir avec le nouvel accord qui a été signé.

A ce stade, tout ce que je peux dire est que la Plateforme de Gauche a décidé de reprendre en main le parti et de demander que se tienne un congrès du parti. Je pense qu’il est clair que ce virage à cent quatre-vingts degrés de Syriza n’est soutenu que par une minorité des membres du parti.

Bien sûr, nous savons tous que les manipulations bureaucratiques des procédures partisanes sont sans fin et démontrent une capacité d’innovation infinie. Cependant, il est très dur pour moi de voir comment la majorité des membres de Syriza a pu approuver ce qui a été fait. La direction principalement résistera férocement à l’appel d’un congrès. Nous verrons ce qui se produira, car les statuts nous permettent d’appeler à une réunion du comité central etc.

Mais, objectivement, le processus menant à la désintégration de Syriza a déjà commencé. Syriza tel que nous le connaissions est mort et des scissions sont absolument inévitables. La seule question qui se pose, c’est de savoir comment elles se produiront et quelles formes elles prendront.

Cependant il est également probable que la majorité gouvernementale soit drastiquement redessinée, pour se rapprocher d’une forme de gouvernement d’”union nationale” ou de “grande coalition”. L’entière logique de la situation indique cette direction.

Les quatre ministres de la Plateforme de Gauche quitteront le gouvernement cette semaine et le vote de demain au parlement sur l’accord démontrera l’existence d’une nouvelle majorité favorable à l’austérité, regroupant la plupart des députés de Syriza et tous les autres partis, à l’exception du KKE [parti communiste, NdT] et des Nazis. On s’attend à ce qu’au moins quarante députés de Syriza votent contre l’accord et ils pourraient être suivis d’un certain nombre de Grecs Indépendants. D’ores et déjà le leader de To Potami se conduit comme un futur ministre et la Droite débat assez ouvertement de la possibilité de se joindre au gouvernement, bien qu’aucune décision à ce sujet n’ait encore été prise.

Mais ce que vous décrivez c’est une Plateforme de Gauche agissant comme un bloc discipliné. Suggérez-vous qu’elle n’est pas fragmentée, que le vote n’était pas une manifestation de cela mais une manœuvre tactique ?

Il y a eu des défections individuelles, mais elles sont restées plutôt limitées, et nous avons réussi à préserver la cohérence de la Plateforme de Gauche. Clairement, je pense que ne pas avoir présenté notre plan alternatif avant était une erreur, mais un document a été soumis au groupe parlementaire durant la réunion plénière, et ce document a été adopté comme déclaration commune de la Plateforme de Gauche, par les deux composantes : le Courant de Gauche et le Réseau Rouge [Les deux courants internes de la Plateforme de Gauche, NdT]. Il est absolument crucial de maintenir la cohérence entre ces deux composantes. Mais il est encore plus crucial, en réalité, pour la gauche de Syriza d’agir de manière coordonnée.

Il y a toutes sortes d’initiatives lancées en dehors des rangs de la Plateforme de Gauche pour réagir à ce qui est en train de se passer. Nous savons déjà que la tendance que l’on a appelée les Cinquante-trois (l’aile gauche du parti) s’est désintégrée, et il va y avoir des réalignements majeurs de ce côté. La clef est pour nous d’agir comme les représentants légitimes du camp du “Non”, le camp opposé à l’austérité, qui est celui de la majorité de la société grecque et qui a objectivement été trahi dans ce qui est arrivé.

Et, constitutionnellement, est-ce que la direction est en position de purger le parti ?

Elle est certainement en position de purger le gouvernement, et c’est une bonne chose. Bien sûr, cela veut dire que les ministres de la Plateforme de Gauche vont bientôt être expulsés du gouvernement. En ce qui concerne le parti, nous verrons.

Mais existe-t-il des mécanismes qu’ils pourraient utiliser ?

Il est très difficile d’exclure quelqu’un du parti, mais nous attendons de voir comment ils manipulent les procédures au niveau du comité central.

Et on peut forcer quelqu’un à se démettre de son mandat, ou pas ?

Non, c’est complètement impossible. Les candidats de Syriza qui ont été élus députés ont adopté une sorte de charte, qui dit qu’ils doivent démissionner s’ils sont en désaccord avec les décisions de la majorité. Mais les décisions du gouvernement n’ont pas été approuvées par une instance du parti. Le comité central du parti, qui est son seul organe élu par le congrès, ne s’est pas réuni depuis des mois. Donc la légitimité de ces décisions à l’intérieur du parti, et bien sûr dans la société grecque, est tout simplement inexistante.

Mais, s’il y a de nouvelles élections, la direction du parti peut-elle exclure des gens ?

C’est clairement leur plan. Un tel scénario était même déjà discuté avant le référendum, au cours de la dernière phase du processus de négociation, lorsque l’impasse devenait de plus en plus évidente – des gens disaient alors que Tsipras devait convoquer de nouvelles élections et, entre les élections, exclure tous les candidats de la gauche de Syriza. Et je pense que c’est certainement le type de plan qu’ils ont en tête. Ce sera donc une lutte entre le fonctionnement et la légitimité du parti et les possibilités de manipulation du programme et du calendrier politiques, en particulier par la convocation de nouvelles élections.

Comment voyez-vous l’accord signé le week-end dernier entre le gouvernement grec et l’Euro-groupe ?

L’accord est, à tous les niveaux, dans la droite ligne de la thérapie du choc appliquée avec constance à la Grèce au cours des cinq dernières années. Il va même encore plus loin que tout ce sur quoi des votes ont eu lieu jusqu’à présent. Il inclut le plan d’austérité budgétaire qui a été systématiquement mis en avant par la troïka depuis des mois, comprenant des objectifs d’excédents primaires élevés, une augmentation des recettes par le biais de la TVA et de toutes les taxes exceptionnelles qui ont été créées ces dernières années, de nouvelles baisses des retraites, mais également des salaires du secteur public puisque la réforme sur l’échelle des salaires comprendra certainement des baisses de rémunération.

Il y aura aussi des changements institutionnels importants : le fisc deviendra complètement indépendant de la politique intérieure, devenant en fait un outil dans les mains de la troïka, et un nouveau conseil « indépendant » sera créé, pour contrôler la politique fiscale. Il sera habilité à introduire automatiquement des coupes budgétaires si les objectifs d’excédent primaire ne sont pas atteints.

Les éléments qui ont été ajoutés, et qui donnent une teinte particulièrement féroce à cet accord, sont les suivants : premièrement, il est clairement confirmé que la présence du FMI en Grèce est bien établie. Deuxièmement, les institutions de la troïka seront présentes de manière permanente à Athènes. Troisièmement, Syriza se voit interdire de mettre en œuvre deux de ses engagements majeurs, le rétablissement de la législation du travail – il y a eu quelques vagues références au code de bonnes pratiques européen, mais il était explicite que le gouvernement ne pourrait pas revenir à la législation d’avant – ainsi que, bien sûr, l’augmentation du salaire minimum.

Le programme de privatisations est porté à un niveau incroyable – il s’agit de 50 milliards d’euros de privatisations -, ce qui signifie qu’absolument tous les biens publics seront vendus. Non seulement cela, mais ils seront, dans leur totalité, transférés à une institution complètement indépendante de la Grèce. Il était question qu’elle soit basée au Luxembourg. Elle sera en fait basée à Athènes, mais elle sera entièrement soustraite à toute forme de contrôle politique. C’est typiquement ce qui s’est passé sous le régime de la Treuhand, qui a privatisé tous les biens de la RDA.

Et parmi toutes ces mesures, la plus forte est qu’à l’exception du projet de loi sur les mesures humanitaires – dont la portée est très réduite par rapport au programme de Syriza, c’est avant tout un geste symbolique -, le gouvernement devra abroger l’ensemble des quelques mesures de politique sociale et économique qu’il avait fait passer.

Et qu’en est-il de tous ces problèmes que les libéraux et les sociaux-démocrates utilisent pour donner des arguments politiquement corrects en faveur de l’austérité, à savoir le budget de la Défense et l’Église orthodoxe ?

Il n’y a rien à signaler du côté de l’Église. Une réduction importante du budget de la Défense est en effet proposée, et quelques vagues discussions ont eu lieu concernant la possibilité de rendre le paiement de la dette plus viable, tout en rejetant explicitement tout effacement ou annulation véritable de la dette.

Cela ne changera presque rien, puisque les intérêts de la dette grecque sont déjà plutôt bas, et les paiements annuels sont extrêmement étalés dans le temps ; il y a donc très peu à faire de ce côté-là pour alléger la charge de la dette. Et il ne faut pas oublier que l’accord est juste une première étape avant le mémorandum qui accompagnera un nouveau prêt de 86 milliards, qui bien sûr entraînera une nouvelle augmentation de la dette.

La clause, vague, concernant un réexamen des termes du paiement de la dette est donc un coup avant tout rhétorique qui permet simplement à Tsipras de dire qu’ils ont maintenant reconnu la nécessité de s’occuper du problème de la dette. C’est de la pure rhétorique, des paroles vides de sens.

Pensez-vous que c’était une erreur de la part du gouvernement et de la Gauche de ne pas en avoir fait plus concernant l’Église orthodoxe, l’armée, et le budget de la Défense, donnant par là même des arguments à l’autre camp ?

Honnêtement, la priorité n’est pas là. La dette grecque est essentiellement due au contexte économique général dans le pays d’une croissance insoutenable alimentée, pendant les années qui ont précédé, par des emprunts, et est due au fait que l’état grec n’a pas correctement taxé le capital et les classes moyennes et supérieures. Ceci est le cœur du problème. Ce n’est pas le mythe à propos de l’Église.

C’est difficile : taxer l’Église n’est pas quelque chose qui peut être fait du jour au lendemain, car les actifs en possession de l’Église sont extrêmement divers. La plupart d’entre eux sont sous forme d’entreprises, ou de revenus qu’elle retire de ses terrains, ou de biens immobiliers. Il y a donc un mythe à ce propos, alors qu’en fait, si l’on taxait correctement ce genre de revenus et de possessions, on taxerait aussi l’Église elle-même.

Cette idée comme quoi le gouvernement avait trop peur du coût politique d’adopter une ligne dure vis-à-vis de l’Église, que ce soit par rapport à l’ANEL [Grecs indépendants, NdT], ou plus généralement au sein du pays, ne tient donc pas ?

Il y a beaucoup de points sur lesquels on peut critiquer ce gouvernement, mais, honnêtement, penser qu’ils essaieraient de se décharger de leurs responsabilités sur l’ANEL, ça n’a pas de sens.

Je dirais même que les actions les plus choquantes dans le domaine de la défense et de la politique étrangère – par exemple, le maintien de l’accord militaire avec Israël, les exercices menés en Méditerranée avec les Israéliens – toutes ces décisions ont été prises par des personnes clefs de Syriza, comme Dragasakis. C’est assez révélateur que ce soit lui qui représentait le gouvernement grec lors de la réception organisée par l’ambassade d’Israël pour célébrer les vingt-cinq ans de la normalisation des relations diplomatiques entre la Grèce et Israël.

Et qu’en est-il de l’autre interprétation que l’on peut avoir de tout ça ? L’idée qui veut que Tsipras a remis du politique dans ces discussions techniques, qu’il a exposé l’autre camp pour ce qu’ils sont réellement : maintenant, dans l’opinion publique, Merkel et les autres sont présentés pour ce qu’ils sont vraiment, des monstres, etc.

Sans qu’il l’ait voulu, je pense que c’est le cas. Un camarade m’a envoyé un message disant qu’il est vrai que le gouvernement de Syriza a réussi à ce que l’UE soit bien plus haïe par le peuple grec que tout ce à quoi étaient parvenus Antarsya [Front de la Gauche Anticapitaliste Grecque, NdT] ou le KKE [Parti Communiste Grec, NdT] en vingt ans de rhétorique anti-UE !

Parlons à présent de ce qui va suivre. Il y aura cette semaine un vote sur le nouveau plan d’austérité, où vous êtes convaincu que la Plateforme de Gauche votera contre, un congrès d’urgence du parti pour essayer de regagner la majorité avec, potentiellement, des divisions et des expulsions. Et ensuite ? Une reconstruction de la Gauche avec des éléments d’Antarsya ?

Il est très tôt pour discuter de telles perspectives d’avenir.

Mais les relations entre la Plateforme de Gauche et Antarsya se sont-elles améliorées ?

Je pense que ce qui a été important est le fait que la plupart des sections d’Antarsya ont vraiment mené la bataille du référendum avec beaucoup d’entrain, et, dans de nombreux endroits, il y avait des comités locaux impliquant toutes les forces du Non, c’est-à-dire, en fait, Syriza et ces sections d’Antarsya. Je pense qu’il y a donc une possibilité politique qu’il faut examiner.

Cependant, je ne suis pas si optimiste concernant Antarsya parce que je crois que le ciment qui maintient ensemble cette coalition est toujours le gauchisme traditionnel. On peut d’ores et déjà voir que ce qu’ils disent de cette défaite est qu’ils ont été disculpés, que c’est l’échec de tous les réformismes de gauche, et que ce qu’il nous faut est un parti authentiquement révolutionnaire, et que, bien sûr, ils sont l’avant-garde qui constitue le cœur de ce parti et ils vont continuer comme cela. Je pense donc qu’il y aura quelques recompositions, mais je m’attends à ce qu’elles soient d’ampleur limitée.

Et, éventuellement, des mouvements sociaux aujourd’hui, avec des rumeurs de grève générale dans le secteur public ?

C’est le facteur le plus décisif pour l’instant inconnu. Quelle est la situation globale désormais ? Nous avons un nouveau mémorandum et nous avons une reconfiguration de la majorité parlementaire qui est derrière ce mémorandum. Il sera symboliquement validé par le vote à venir, où nous verrons la plupart des parlementaires de Syriza voter ensemble à nouveau avec les partis pro-austérité pour un nouveau mémorandum, et à nouveau, nous avons un écart entre la représentation politique de ce pays et le peuple. Cette contradiction nécessite donc d’être résolue.

Le champ est maintenant clairement ouvert pour les Nazis. Ils vont certainement tenter d’en faire le meilleur usage possible. Ils ont déjà voté contre la proposition grecque, ils voteront certainement contre le mémorandum, ils le traiteront certainement de nouvelle trahison. La grande question est de savoir quel sera le niveau de la mobilisation sociale contre le tsunami de mesures qui vont tomber sur les épaules des travailleurs et bien sûr l’urgence absolue de reconstituer une gauche combattant l’austérité. C’est bien sûr le défi principal.

Nous savons que nous avons quelques éléments pour reconstruire la Gauche, que les lourdes responsabilités reposent sur les épaules de la gauche de Syriza, au sens large. Plus précisément, une responsabilité encore plus lourde repose sur les épaules de la Plateforme de Gauche, car c’est la partie la plus structurée, cohérente et lucide politiquement de ce bord. Ce sera donc le test des mois à venir.

Prenons un peu de recul pour observer le processus dans son ensemble, et la première interview que vous avez donnée à Jacobin : premièrement sur la vaste question de la Plateforme de Gauche qui travaille simultanément avec le gouvernement et au sein des mouvements sociaux, quel est votre bilan sur ce point ?

Tout d’abord, commençons par la situation générale. Ce que j’ai dit dans l’interview était qu’il n’y avait que deux possibilités pour la situation grecque, la confrontation ou la capitulation. Nous avons eu la capitulation, mais il y a aussi eu des moments de confrontation qui ont été très mal gérés par le gouvernement. Cela a été le réel test.

A l’évidence, la stratégie du « bon euro » et de « l’européisme de gauche » s’est effondrée, et de nombreuses personnes le réalisent désormais. Le processus du référendum l’a fait apparaître très clairement, et le test est parvenu à ses extrêmes limites. La leçon a été dure, mais nécessaire.

La seconde hypothèse que j’ai émise à l’époque était que l’on a besoin de succès politiques, y compris au niveau électoral, pour déclencher de nouveaux cycles de mobilisation. Je pense que cela s’est révélé vrai également, à deux moments cruciaux.

Le premier a correspondu aux trois premières semaines après l’élection, lorsque l’état d’esprit était très combatif, les gens étaient prêts à la confrontation et pleins d’entrain. Il s’est terminé avec l’accord du 20 février. Et, à partir de ce moment, il y a eu un relâchement vers un climat de passivité, d’anxiété et d’incertitude sur ce qui se passait. Le second a été le référendum, évidemment. Nous avons alors pu voir la manière dont une initiative politique qui amène une séquence de confrontation libère des forces, et agit comme catalyseur d’un processus de radicalisation dans l’ensemble de la société. C’est un enseignement que nous devons également en tirer.

Abordons maintenant la relation entre les mouvements sociaux et la Plateforme de Gauche. Eh bien, au vu des piètres résultats enregistrés par le gouvernement, on peut dire qu’il n’y a pas eu d’initiatives gouvernementales particulières qui auraient pu donner des raisons à la population de se mobiliser. Ces mesures n’ont en fait jamais été prises. Cette hypothèse, du moins à ce niveau, n’a donc jamais été testée. Et ce qui nous attend est quelque chose de beaucoup plus familier : une mobilisation contre la politique d’un gouvernement converti à l’austérité extrême.

D’une manière plus générale, Syriza n’a presque rien mis en œuvre de son programme électoral. Ce que les ministres de la Plateforme de Gauche ont pu faire de mieux a été de bloquer un certain nombre de processus, en particulier la privatisation du secteur de l’énergie qui avait été initiée précédemment. Ils ont gagné un peu de temps, mais c’est tout. Ce que l’on a aussi clairement vu dans cette période, c’est que le gouvernement, les dirigeants, sont devenus totalement autonomes vis-à-vis du parti. Ce processus avait déjà commencé – nous en avions parlé lors de notre dernière conversation – mais cela a maintenant atteint une sorte de point culminant.

Cela a également été accentué par le fait que tout ce processus de négociation a déclenché la passivité et l’anxiété parmi la population et les secteurs les plus combatifs de la société, les menant à l’épuisement. Avant le référendum, l’état d’esprit était clairement : « Nous ne pouvons plus accepter cette sorte de torture, à un moment, cela doit cesser. »

C’est quelque chose que personnellement je n’avais pas prévu. Je pensais que le rythme serait plus rapide. Je n’avais pas prévu que ce processus d’enfermement et de blocage durerait si longtemps, et limiterait autant notre capacité d’initiative.

C’est bien sûr le moment pour une inévitable autocritique, qui ne fait que débuter. Clairement, la Plateforme de Gauche aurait pu faire plus durant cette période pour mettre en avant des propositions alternatives. L’erreur est même très claire parce que le document alternatif existait, il y avait simplement une hésitation en interne au sujet du moment approprié pour le sortir.

Nous avons été neutralisés et submergés par la séquence sans fin de négociations et de moments difficiles et ce fut seulement quand il était déjà trop tard, lors de la réunion plénière du groupe parlementaire, qu’une version allégée de cette proposition a finalement été rendue publique et a commencé à circuler. Clairement, c’est une chose que nous aurions dû faire plus tôt.

Et que faites-vous des attaques sur les déclarations de Costas Lapavitsas [Économiste et député de Syriza, NdT] affirmant que la Grèce n’est pas prête pour un Grexit et qu’il n’y a dans un sens aucune issue ? Un des problèmes avec cette formulation c’est que, bien que cela soit vrai dans les faits – il n’y a pas eu de préparations pour un Grexit -, cela ne fait que renforcer cette opinion parce que les personnes qui veulent un Grexit ne seront jamais en mesure de le préparer.

Je pense que la déclaration de Costas a été mal interprétée. Tout d’abord, Costas est l’une des cinq personnes qui ont signé le document apporté par la Plateforme de Gauche et qui dit clairement qu’une alternative est possible même maintenant, immédiatement.

Ce sur quoi Costas voulait insister dans sa déclaration, derrière les portes de la salle du Parlement, est la chose suivante : que le Grexit doit être préparé concrètement et qu’il y a eu une décision politique de ne rien préparer du tout et ainsi d’empêcher matériellement toute possibilité de solution alternative d’émerger au moment le plus critique.

La stratégie systématiquement mise en avant par le gouvernement a été celle du type « brûler ses vaisseaux ». Et je pense que c’était plus particulièrement l’obsession de Giannis Dragasakis [Vice premier ministre, NdT]. Il a fait en sorte de rendre impossible toute prise de contrôle publique des banques. Il est en fait l’homme de confiance des banquiers et des grands groupes et il s’est assuré depuis la prise de pouvoir de Syriza que le cœur du système reste inchangé.

Et vous confirmez que des documents préparatifs à un Grexit ont été initialement mis sur la table et rejetés ?

Très vaguement. Dans les réunions gouvernementales restreintes, de ce que l’on appelle le Conseil gouvernemental, auxquelles ne prennent part que les dix ministres principaux, Varoufakis avait évoqué la nécessité au printemps d’envisager le Grexit comme une issue possible et de s’y préparer. Je crois qu’il y a eu quelques travaux sur une monnaie parallèle, mais tout cela est resté assez vague et mal préparé.

Maintenant, comme je l’ai déjà dit, dans son entretien avec le New Statesman, Varoufakis fait une présentation des évènements selon laquelle il a préparé un plan alternatif pendant la mise en place du référendum. Mais c’est également un aveu que tout cela est venu bien trop tard.

Que diriez-vous aujourd’hui – les questions du rythme et de la démoralisation mises à part – que vous n’aviez pas, ou seulement partiellement compris au début de ce processus, et que vous comprenez mieux maintenant ?

Je me suis repassé le film dans la tête un nombre incalculable de fois toutes ces années pour tenter de comprendre les moments de bifurcation. Et pour moi le moment décisif a été la période qui a suivi le pic des mobilisations populaires de l’automne 2011 et précédé la séquence électorale du printemps 2012.

Comme vous le savez sans doute, j’étais très impliqué avec Costas Lapavitsas et d’autres camarades, la Direction de la Plateforme de Gauche incluse, dans des initiatives pour constituer un projet commun de toute la Gauche anti-européiste.

Les discussions étaient relativement avancées, il y a même eu un document rédigé par Panagiotis Lafazanis [Ex-ministre du redressement productif depuis le 18 juillet, NdT] amendé par d’autres participants à ces discussions. L’idée était d’ouvrir un espace commun de discussions et d’actions entre la Plateforme de Gauche de Syriza, certains courants d’Antarsya et d’autres composantes du mouvement politique et social.

Cette initiative n’a jamais abouti parce qu’elle a été catégoriquement rejetée au stade final par la Direction de la principale composante d’Antarsya, NAR (Le Courant de la Nouvelle Gauche), ce qui a mis au jour leur incapacité à comprendre la dynamique de la situation et le besoin de changer d’une certaine manière la configuration des forces et le mode d’intervention de la Gauche.

Une fois cette possibilité abandonnée, la seule qui restait est celle qui s’est finalement produite. Les composantes de la Gauche radicale ont été mises au pied du mur et d’une certaine façon Syriza a été la seule d’entre elles à être capable de mettre cette dynamique à profit et de donner une expression politique au besoin d’alternative.

On pourrait dire après coup que certaines composantes de la Gauche grecque moins liées aux politiques de parti auraient pu prendre une initiative du type Podemos, ou peut-être de façon plus réaliste une initiative comme celle du CUP [Candidatura d'Unitat Popular, un mouvement indépendantiste catalan de la gauche radicale, NdT] avec, pourquoi pas, des composantes de l’extrême-gauche, mais plutôt celles du type « mouvementiste » [Mouvement des sans-terre, NdT].

Mais, une fois encore, aucune de ces composantes n’était prête à faire ça. Chacune était trop liée aux limitations des structures existantes et la seule tentative de redistribuer les cartes a échoué, dans le cas présent à cause du poids trop important du gauchisme traditionnel.

Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Oui, je voudrais ajouter une réflexion plus générale sur la signification de se voir conforté dans ses positions ou battu dans un combat politique. Je pense que pour un marxiste ce qui est nécessaire est une sorte de compréhension historique de ces termes. D’un côté, vous pouvez dire que ce que vous dites est valide puisque les évènements vous ont donné raison.

C’est l’éternelle approche du « je te l’avais bien dit ». Mais, si vous n’êtes pas en mesure de donner corps à votre positionnement, politiquement vous êtes battus. Parce que si vous êtes impuissant et que vous démontrez que vous êtes incapable de passer d’une position théorique à sa mise en pratique, alors politiquement vous n’avez pas obtenu gain de cause. C’est une première chose.

La seconde chose c’est que tout le monde n’a pas été battu de la même façon et au même degré. Je veux le souligner. Je pense qu’il était absolument crucial que cette bataille à l’intérieur du mouvement Syriza ait lieu.

Laissez-moi être clair à ce sujet. Quelle était l’autre option ? Une fois passé le test de ce moment décisif, le KKE et Antarsya ont montré tous les deux, de manière bien sûr très différente dans chaque parti, combien ils étaient hors sujet. Pour nous, la seule alternative aurait été de rompre plus tôt avec la Direction de Syriza. Cependant, étant donné la dynamique de la situation après la bifurcation décisive entre la fin 2011 et le printemps 2012, cela nous aurait immédiatement marginalisés.

Le seul résultat concret que je peux voir serait d’ajouter quelques groupes supplémentaires à la dizaine ou douzaine de groupes composant Antarsya, Antarsya passant alors de 0,7% à 1%. Cela voudrait dire que Syriza aurait été offert sur un plateau à Tsipras et la majorité, ou tout au moins aux forces situées en dehors de la Plateforme de Gauche.

Aujourd’hui dans la société grecque, il est clair que la seule opposition visible à l’action du gouvernement est, à gauche, le KKE. C’est indéniable mais ils sont complètement hors sujet politiquement. Nous n’avons pas parlé du rôle du KKE durant le référendum, mais c’était une caricature absolue de leur propre inconséquence. En fait, ils avaient appelé à torpiller le vote. Pour cela, ils avaient demandé aux électeurs d’utiliser les bulletins qu’ils avaient fait eux-mêmes, avec un « double Non » écrit dessus (Non à l’Union européenne et Non au gouvernement). Ces bulletins n’étaient bien entendu pas valables et l’opération a été un fiasco. Les dirigeants du Parti n’ont pas été suivis par leurs propres électeurs car seulement 1% des votants, peut-être même moins, ont finalement utilisé ces bulletins.

En dehors du KKE, il y a la Plateforme de Gauche. Les Grecs savent parfaitement, et les médias le répètent constamment, que Lafazanis et la Plateforme sont la principale épine dans le pied de Tsipras. On peut y ajouter Zoe Kostantopoulou. Je pense que c’est ce que nous avons gagné de cette situation. Nous avons une base pour débuter un nouveau cycle, une force qui a été à l’avant-garde de ce combat politique et qui a acquis une expérience sans précédent.

Tout le monde comprend que si nous ne parvenons pas à être à la hauteur du défi, la Gauche ne sera plus qu’un champ de ruines après ça.

Partant de cette perspective, qui est celle de la reconstruction de la Gauche anticapitaliste, sans prétendre que nous sommes la seule et unique force qui jouera un rôle, nous savons à quel point les enjeux sont immenses, ce qui nous donne une très grande responsabilité dans ce que nous allons faire maintenant.

Merci à Nantina Vgontzas pour les suggestions de questions.

Source : Jacobin, le 14/07/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

Source: http://www.les-crises.fr/grece-la-lutte-continue-par-sebastian-budgen-stathis-kouvelakis/


Pourquoi j’ai voté oui ce soir, par Yanis Varoufakis

Friday 31 July 2015 at 00:19

 

Dans la résolution de l’Eurogroupe du 20 février, nous étions arrivés à ce que le Mémorandum (MoU) ne soit mentionné nulle part.

En lieu et place du mémorandum, il y avait, comme préalables à l’évaluation réussie, la référence à une liste comportant nos réformes qui devaient être soumises trois jours plus tard et être immédiatement approuvées par les institutions.

En effet, notre liste, portant ma signature, a été déposée le 23 février. Dans le weekend entre le 20 et le 23 février, nous avons fiévreusement travaillé et nous étions, bien entendu, constamment en contact avec les représentants des institutions afin d’éviter tout blocage le lendemain, le 24 février, lors de la téléconférence au cours de laquelle l’Eurogroupe approuverait notre liste, sur proposition des institutions.

La liste finale que j’ai transmise aux institutions tard dans la nuit du 23 février (voir en anglais ici) contenait nos priorités (par exemple, lutte contre la crise humanitaire, retour des négociations collectives, changement de philosophie quant à l’exploitation des avoirs publics, pas de coupes dans les pensions auxiliaires, etc.) ainsi que certaines de leurs exigences.

Leurs exigences, concernant lesquelles j’avais plaidé en faveur de leur acceptation en échange de celle de nos priorités, incluaient les deux mesures que le Parlement est appelé à adopter ce soir[ndlr : le mercredi 22 juillet] : (a) Amendements du Code de procédure civile (CPC) et (b) Transposition de la directive 2014/59 de l’UE concernant « l’assainissement » des banques et des établissements de crédit (BRRD).

Je savais déjà que les amendements au Code de procédure civile regorgeaient de dangers concernant les droits humains des parties les plus faibles en cas de faillite d’entreprises ou de ménages. Par ailleurs, la meilleure des choses que l’on pourrait dire concernant la directive sur « l’assainissement » des banques était que, au fond, il s’agissait d’un grand coup d’épée dans l’eau (puisqu’elle garantissait au niveau juridique les dépôts garantis sans pour autant garantir le financement du fonds qui devait les… garantir). Toutefois, j’ai estimé que s’il s’agissait, dans le cadre d’un accord honnête, de préserver nos lignes rouges importantes (par exemple, des excédents primaires ne dépassant pas 1% ou, tout au plus, 1,5%, les pensions, les droits sociaux, une TVA faible), le Code de procédure civile et la directive BRRD ne représentaient pas de concessions majeures. C’est pourquoi j’avais inclus ces deux préalables dans notre liste.

Aujourd’hui, bien entendu, les choses sont totalement différentes.

Aujourd’hui, il n’existe plus de liste à nous concernant les réformes dans le cadre d’un accord honnête.

Aujourd’hui, il y a une liste dictée dans sa totalité par la troïka.

Aujourd’hui, nous sommes face aux récents échos d’un coup d’état humiliant au lieu d’un accord honnête.

En février, nous avons accordé le Code de procédure civile et la directive BRRD pour recevoir en retour des choses importantes. À présent, nous accordons le CPC et la BRRD pour « recevoir en retour » des mesures encore plus délétères, dans l’espace de quelques semaines.

En outre, dans le texte que j’avais transmis aux institutions en février, je m’engageais quant à « un nouveau Code de procédure civile » (to a new Civil Code) et non pas, bien entendu, quant au CPC qu’elles nous dicteraient. Cela ne m’aurait jamais traversé l’esprit que notre gouvernement accepterait la procédure d’urgence, refusant (sous les dictats de la troïka) que tous les amendements, abolissant ainsi, dans les faits, le Parlement( * ).

Mercredi dernier, je n’avais d’autre choix qu’un NON tonitruant. C’était mon propre « OXI » qui est venu s’ajouter au 61,5% de nos concitoyens à une capitulation fondée sur la logique de l’inexistence d’alternative (la fameuse « TINA » – there is no alternative), logique que je rejette depuis trente-cinq ans aux quatre continents où j’ai vécu. Aujourd’hui, ce soir, les deux mesures que j’avais moi-même proposées en février, arrivent au Parlement d’une manière que je n’aurais pas pu imaginer alors et qui ne nous fait pas honneur, en tant que gouvernement Syriza.

Mais, comme j’avais expliqué dans mon récent article au « Journal des Rédacteurs », intitulé Pourquoi j’ai voté ‘Non’, mon objectif est, en dépit de mon désaccord fondamental concernant nos manœuvres d’après le Référendum, de préserver l’unité de Syriza, de soutenir Alexis Tsipras et de soutenir Euclide Tsakalotos. Ainsi, aujourd’hui, je vote OUI à deux mesures que j’avais moi-même proposées bien que, dans des conditions et sous des termes radicalement différents.

Je suis malheureusement certain que mon vote n’aidera pas le gouvernement dans notre objectif commun. Et, ce, parce que l’accord de l’Euro Summit, dont font partie les deux mesures de ce soir, est conçu pour échouer. Néanmoins, je donne ce vote à mes camarades dans l’espoir qu’ils gagnent du temps de sorte que, ensemble, unis, nous planifions la nouvelle résistance au totalitarisme, à la misanthropie et à l’accélération et l’approfondissement de la crise fomentés.


* Ce matin, lors de la réunion de la Commission des affaires financières du Parlement à laquelle je participais, j’ai constaté que pas un seul parlementaire n’était d’accord avec le nouveau Code de procédure civile, ministre de la justice inclus. Il s’agissait d’un triste spectacle.

Source : thepressproject.gr

« VAROUFAKIS POURRAIT ÊTRE LE PROCHAIN PREMIER MINISTRE DE LA GRÈCE, IL FAUT DONC L’ANÉANTIR MAINTENANT »

Par Pitsirikos

En examinant la trajectoire du gouvernement de Tsipras après le référendum, je remarque qu’il n’a plus aucun éclat. Que s’est-il passé depuis le référendum ? Le Ministre de l’économie Yanis Varoufakis a démissionné. Et Alexis Tsipras a été obligé de faire un accord pour un Mémorandum. Finalement, tout le gouvernement se résumait à Varoufakis.

Que vous le trouviez sympathique ou pas, il n’était pas possible de ne pas reconnaître son éclat. Et sa connaissance. Son éclat est le produit de sa connaissance.

Que l’on soit d’accord ou pas avec lui, il faut reconnaître que Varoufakis est une étoile.

J’avoue lorsque j’ai appris la démission de Varoufakis, j’ai pensé que c’était un truc décidé entre Tsipras et lui.

Que vouliez-vous que je pense alors que le lendemain du NON qui gagne avec 61,3%, le premier ministre demande la démission de son ministre de l’économie ?

Je me mets à penser alors que Tsipras a fait le référendum en pensant que le OUI gagnerait et qu’il s’est juste fait avoir !

Et là tout est dévoilé. On voit la vérité sans maquillage. Et inexistante.

Ce n’est pas un hasard si Alexis Tsipras a essayé de diminuer la portée des paroles de Varoufakis lors de son interview à la télé (ERT) après l’accord pour le nouveau Mémorandum en disant qu’il est un bon économiste mais pas nécessairement un bon politique.

C’est donc Tsipras qui aurait du déchirer et abolir le Mémorandum et qui a fait un référendum où les citoyens se sont prononcés pour le NON à 61,3% et qui, par la suite, est allé signer l’accord pour le Mémorandum le plus sauvage, qui est un bon politique.

Ce n’est pas un bon politique, c’est un politicien qui s’agenouille.

Bien sûr Yanis Varoufakis a fait un erreur malgré lui :

En cachant, par sa présence, ces incroyables bonshommes aux têtes tristouilles, il a donné aux citoyens l’illusion que ce gouvernement était différent, bien meilleur, que ce qu’il voyait en réalité.

Maintenant, Yanis Varoufakis est l’objet d’attaques violentes de la part des médias des oligarques qui ont pris Tsipras en otage.

Varoufakis est présenté comme un adorateur de la drachme et un traître bien que tout le monde sache que la position de Varoufakis état le maintien dans la zone Euro.

En parallèle, Varoufakis est menacé d’être traîné aux tribunaux pour haute trahison car il a examiné, en tant que ministre de l’économie, un plan alternatif (un plan B).

Evidemment, ces accusations contre Varoufakis ne tiennent pas debout.

Ils essaient de le rendre responsable d’une part pour partager les responsabilités avec les politiciens qui ont conduit le pays à la banqueroute, afin de les blanchir, d’autre part pour faire peur à Tsipras qui sait mieux que quiconque que Varoufakis agissait en complète entente avec lui.

Il existe une troisième raison pour calomnier Varoufakis.

Varoufakis pourrait être le prochain premier ministre de la Grèce. Il en a les qualités. Au quintuple.

De sorte qu’il faut l’anéantir maintenant !

Du fait de l’attaque frontale que reçoit Yanis Varoufakis, nous comprenons qu’il est incontrôlable par les oligarques.

Zoï Kostantopoulou [la présidente du Parlement] reçoit une attaque similaire, de même que tous ceux qui ont voté contre le nouveau Mémorandum et mettent en danger la domination de Alexis Tsipras qui est maintenant dans les mains des oligarques. Il leur faut protéger celui qui est devenu « leur » Tsipras pour qu’ils puissent travailler tranquillement avec lui.

En Grèce il nous est difficile d’accepter que quelqu’un est meilleur ou plus intelligent que nous.

Moi ça ne me pose aucun problème.

Varoufakis est quelques crans au-dessus des autres politiques grecs et de la plupart des grecs.

Pourrons-nous le lui pardonner ?

(Et dire que je suis en désaccord avec la plupart des idées de Yanis Varoufakis).

Source : koutipandoras.gr

 

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-jai-vote-oui-ce-soir-par-yanis-varoufakis/


Miscellanées du vendredi (Delamarche, Béchade, Poutine)

Friday 31 July 2015 at 00:01

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: “On n’enrichit pas le monde en faisant marcher la planche à billets”

Olivier Delamarche VS Jean-François Robin (1/2): Le krach de la bourse chinoise est-il une menace pour les marchés ? – 27/07

Olivier Delamarche VS Jean-François Robin (2/2): Doit-on s’attendre à une remontée des taux américains ? – 27/07

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : La FED toujours maîtresse du jeu – 22/07

Philippe Béchade VS Régis Bégué: Le marché est-il en train de respirer actuellement ? (1/2) – 22/07

Philippe Béchade VS Régis Bégué: Focus sur les résultats d’entreprises américaines (2/2) – 22/07

Bilan Hebdo: Philippe Béchade et Jean-Louis Cussac – 24/07

II. Poutine

Vladimir Poutine: “L’Europe devrait se montrer plus indépendante des USA”


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-29-07-2015/


Pendant l’été, la propagande russophobe continue

Thursday 30 July 2015 at 04:27

En passant, un petit best of rapide de nos médias…

On commence par un grand classique de l’amitié entre les peuples : Mediapart

Bah oui, effondrement de l’État russe, bien sûr… (Il n’y avait pas cette chanson sur Radio Paris il y a 70 ans, d’ailleurs ?)

Ne payant pas pour lire de la boue, je n’ai pas lu la suite… Mais le début est suffisant…

Amusant “l’autocrate” russe, pour un président légitimement élu et soutenu par une (vaste) majorité de sa population – contrairement à notre motocrate…

Après, je n’ai pas la moindre idée de la véracité de ces accusations. Ce qui est intéressant, c’est :

1/ pourquoi ce matraquage permanent sur le président russe ? Ange ou démon, tous ces sujets regardent les Russes, et eux seuls.

2/ pourquoi on ne parle-t-on jamais de, euh, disons le président chinois ? Vous arrivez à citer son nom, comme ça ? Pourquoi ne le traite t on jamais”d’autocrate”, alors que c’est un dictateur communiste ? Et que règne la corruption dans son pays ? (83 milliardaires au Parlement chinois !) Et je ne parle même pas des autocrates du Qatar ou d’Arabie pour qui on privatise illégalement nos plages…

3/ en parlant de corruption – qui peut prendre plusieurs formes -, pourquoi n’a-t-on jamais d’article sur le fait que les Clinton gagnent 25 millions de dollars par an avec des “conférences” ? (Source : LA Times)

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Sinon, ce fabuleux article de Mediapart est donc coproduit de nouveau avec Correct!V, ce magnifique site (pour les rois du butinage : informations bienvenues) qui bosse avec le fameux BellingCat (il faut que je fasse un billet sur lui), ce “fantastique petit chômeur anglais qui depuis chez lui trouve la vérité grâce à Youtube et Facebook” :

Ben oui, pour la vérité sur un crash en Ukraine, vous demandez à un site allemand et à un chômeur anglais, no soucy ! Même plus besoin d’enquête, on vous dit qu’on connait LA vérité !

Bon, après, on évitera d’informer les Français que :

“Oui, dans l’esprit d’Eliot Higgins, seules les vidéos des ennemis US UK peuvent être trafiquées…”

(Charles Shoebridge : Retraité. Officier de l’armée britannique, détective de Scotland Yard, Officier du Renseignement de l’Anti-Terrorisme, avocat, écrivain)

“C’est formidable de recevoir Belling Cat au Foreign Office aujourd’hui pour parler de son travail fascinant sur la Syrie et l’Ukraine”

(Craig Morley, Stratège en communication zone Moyen-Orient Afrique du Nord au Foreign Office – Ministère des Affaires Étrangères du Royaume-Uni)

Mais ATTENTION, c’est juste car tout ce petit monde aime les belles enquêtes “indépendantes”…

(cependant, je vous confirme que jamais un officiel quelconque ne m’a proposé d’intervenir nulle part, mais c’est surement juste parce que je ne suis pas un chômeur anglais…)

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Bon, allez, je m’égare… La suite !

Eh oui, et si Poutine (notez bien la personnalisation, c’est évidemment fait exprès en propagande de guerre) envahissait un pays de l’OTAN, en voilà une belle question !

Moi je propose après “Et si Obama envahissait l’Irak”, tant qu’à fictionner…

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Ici, pour les Echos :

De retour de leur visite controversée en Crimée, plusieurs parlementaires français affirment avoir rencontré des habitants « heureux d’être revenus en Russie ».

D’après le groupe de parlementaires français qui revient d’une visite controversée en Crimée , les habitants là-bas sont « heureux d’être revenus en Russie » et « soulagés de ne pas connaître la guerre (…) que certains connaissent dans les régions de Lougansk et Donetsk », a notamment déclaré le député de droite Thierry Mariani, lors d’une conférence de presse à Moscou.

Eh oui : “plusieurs parlementaires français affirment avoir rencontré des habitants « heureux d’être revenus en Russie »”, c’est important de le dire comme ça, car cela semble tellement incroyable que des Russes préfèrent la Russie à l’Ukraine ! Les parlementaires ont dû mentir je pense…

ukrainiens crimée

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Mais la palme de l’abjection revient pour terminer à Jean-Baptiste Naudet de l’Obs, bien connu du blog, pour cet article torchon, qui dépasse je pense tout ce que j’ai vu à ce jour, et que je me contente de citer sans le reprendre, mais lisez-le, c’est ici...

 

Cela confirme un des points que j’avais avancé lors de notre débat sur les journalistes : les lecteurs devraient pouvoir porter plainte pour un tel article devant une autorité déontologique, pour obtenir une condamnation morale du journaliste.

À suivre !

Source: http://www.les-crises.fr/pendant-lete-la-propagande-russophobe-continue/