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[Reprise] «Charlie», Dieudonné… : quelles limites à la liberté d’expression ?

Sunday 19 April 2015 at 01:43

Des couvertures du journal satirique Charlie Hebdo

Des couvertures du journal satirique “Charlie Hebdo”. | AFP/JACK GUEZ

« Pourquoi Dieudonné est-il attaqué alors que Charlie Hebdo peut faire des “unes” sur la religion » ? La question est revenue, lancinante, durant les dernières heures de notre suivi en direct de la tuerie à Charlie Hebdo et de ses conséquences. Elle correspond à une interrogation d’une partie de nos lecteurs : que recouvre la formule « liberté d’expression », et où s’arrête-t-elle ?

1. La liberté d’expression est encadrée

La liberté d’expression est un principe absolu en France et en Europe, consacré par plusieurs textes fondamentaux. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », énonce l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

Le même principe est rappelé dans la convention européenne des droits de l’homme :

« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. »

Cependant, elle précise :

« L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

La liberté d’expression n’est donc pas totale et illimitée, elle peut être encadrée par la loi. Les principales limites à la liberté d’expression en France relèvent de deux catégories : la diffamation et l’injure, d’une part ; les propos appelant à la haine, qui rassemblent notamment l’apologie de crimes contre l’humanité, les propos antisémites, racistes ou homophobes, d’autre part.

Les mêmes textes encadrent ce qui est écrit sur le Web, dans un journal ou un livre : l’auteur d’un propos homophobe peut être théoriquement condamné de la même manière pour des propos écrits dans un quotidien ou sur sa page Facebook. L’éditeur du livre ou le responsable du service Web utilisé est également considéré comme responsable. En pratique, les grandes plates-formes du Web, comme YouTube, Facebook, Tumblr ou Twitter, disposent d’un régime spécifique, introduit par la loi sur la confiance dans l’économie numérique : ils ne sont condamnés que s’ils ne suppriment pas un contenu signalé comme contraire à la loi dans un délai raisonnable.

Si l’apologie du terrorisme est désormais l’objet d’une loi spécifique, c’est la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, qui est le texte de référence sur la liberté d’expression. Son article 1 est très clair : « L’imprimerie et la librairie sont libres », on peut imprimer et éditer ce qu’on veut. Mais là encore, après le principe viennent les exceptions. La première est l’injure (« X est un connard »), puis viennent la diffamation ou la calomnie, c’est-à-dire le fait de porter atteinte à l’honneur d’une personne (diffamation, par exemple « X a une mauvaise haleine et ronfle »), ou d’imputer à quelqu’un des actions qu’il n’a pas commises, le tout dans le but de lui faire du tort (calomnie, par exemple « X a volé dans la caisse de l’entreprise »).

Les articles 23 et 24 de cette même loi expliquent que « seront punis comme complices d’une action qualifiée de crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », en font l’apologie, et liste les propos qui peuvent faire l’objet d’une condamnation :

« – les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

- les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal ;

- l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;

- l’apologie (…) des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi.

- [Jusqu'à janvier 2015] : Le fait d’inciter à des) actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l’apologie [désormais objet d'une loi spécifique].

- La provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers des personnes “en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée”, ou encore “leur orientation sexuelle ou leur handicap” ».

Dernier cas particulier : l’apologie du terrorisme, plus durement sanctionné depuis la loi de novembre 2014 sur la lutte contre le terrorisme. Le texte, mis en application ces derniers jours, prévoit que des propos d’apologie du terrorisme, jusqu’ici couverts par la loi de 1881 sur la presse, fassent l’objet d’une infraction spécifique : désormais ils seront condamnés en comparution immédiate, renforce les peines encourues, et considère comme un fait aggravant le fait que ces propos soient tenus sur Internet. La même loi introduisait également la possibilité d’un blocage administratif – c’est à dire sans validation a priori par un juge – des sites de propagande djihadiste, une mesure fortement dénoncée par les défenseurs de la liberté d’expression.

En résumé, la liberté d’expression ne permet pas d’appeler publiquement à la mort d’autrui, ni de faire l’apologie de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, ni d’appeler à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. On ne peut pas non plus user de la liberté d’expression pour appeler à la haine ou à la violence envers un sexe, une orientation sexuelle ou un handicap.

Le droit d’expression est sous un régime « répressif » : on peut réprimer les abus constatés, pas interdire par principe une expression avant qu’elle ait eu lieu. Mais si une personne, une association ou l’Etat estime qu’une personne a outrepassé sa liberté d’expression et tombe dans un des cas prévus dans la loi, elle peut poursuivre en justice. En clair, c’est aux juges qu’il revient d’apprécier ce qui relève de la liberté d’expression et de ce qu’elle ne peut justifier. Il n’y a donc pas de positionnement systématique, mais un avis de la justice au cas par cas.

2. La particularité des réseaux sociaux

Le droit français s’applique aux propos tenus par des Français sur Facebook ou Twitter. Mais ces services étant édités par des entreprises américaines, ils ont le plus souvent été conçus sur le modèle américain de la liberté d’expression, beaucoup plus libéral que le droit français. Aux Etats-Unis, le premier amendement de la Constitution, qui protège la liberté d’expression, est très large. De nombreux propos condamnés en France sont légaux aux Etats-Unis.

Les services américains rechignent donc traditionnellement à appliquer des modèles très restrictifs, mais se sont adaptés ces dernières années au droit français. Twitter a ainsi longtemps refusé de bloquer ou de censurer des mots-clés antisémites ou homophobes, avant de nouer un partenariat avec des associations pour tenter de mieux contrôler ces propos.

De son côté, Facebook applique une charte de modération plus restrictive, mais les propos qui y sont contraires ne sont supprimés que s’ils sont signalés par des internautes, et après examen par une équipe de modérateurs.

3. Le cas complexe de l’humour

La liberté d’expression ne permet donc pas de professer le racisme, qui est un délit, de même que l’antisémitisme. On ne peut donc pas imprimer en « une » d’un journal « il faut tuer untel » ou « mort à tel groupe ethnique », ni tenir ce genre de propos publiquement. Néanmoins, les cas de Dieudonné ou de Charlie Hebdo ont trait à un autre type de question, celle de l’humour et de ses limites.

La jurisprudence consacre en effet le droit à l’excès, à l’outrance et à la parodie lorsqu’il s’agit de fins humoristiques. Ainsi, en 1992, le tribunal de grande instance de Paris estimait que la liberté d’expression « autorise un auteur à forcer les traits et à altérer la personnalité de celui qu’elle représente », et qu’il existe un « droit à l’irrespect et à l’insolence », rappelle une étude de l’avocat Basile Ader.

Néammoins, là encore, il appartient souvent aux juges de décider ce qui relève de la liberté de caricature et du droit à la satire dans le cadre de la liberté d’expression. Un cas récent est assez éclairant : le fameux « casse-toi, pauv’ con ! ». Après que Nicolas Sarkozy a lancé cette formule à quelqu’un qui avait refusé de lui serrer la main, un homme avait, en 2008, accueilli l’ancien chef de l’Etat avec une pancarte portant la même expression.

Arrêté, il avait été condamné pour « offense au chef de l’Etat » (délit supprimé depuis). L’affaire était remontée jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. En mars 2013, celle-ci avait condamné la France, jugeant la sanction disproportionnée et estimant qu’elle avait « un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d’intérêt général ».

Plus proche des événements de la semaine précédente, en 2007, Charlie Hebdo devait répondre devant la justice des caricatures de Mahomet qu’il avait publiées dans ses éditions. A l’issue d’un procès très médiatisé, où des personnalités s’étaient relayées à la barre pour défendre Charlie Hebdo, le tribunal avait jugé que l’hebdomadaire avait le droit de publier ces dessins :

« Attendu que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions (…) ; attendu qu’ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal “Charlie Hebdo”, apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d’expression n’ont donc pas été dépassées (…) »

On peut donc user du registre de la satire et de la caricature, dans certaines limites. Dont l’une est de ne pas s’en prendre spécifiquement à un groupe donné de manière gratuite et répétitive.

Autre époque, autre procès : en 2005, Dieudonné fait scandale en apparaissant dans une émission de France 3 grimé en juif ultrareligieux. Il s’était alors lancé dans une diatribe aux relents antisémites. Poursuivi par plusieurs associations, il avait été relaxé en appel, le tribunal estimant qu’il restait dans le registre de l’humour.

En résumé, la loi n’interdit pas de se moquer d’une religion – la France est laïque, la notion de blasphème n’existe pas en droit – mais elle interdit en revanche d’appeler à la haine contre les croyants d’une religion, ou de faire l’apologie de crimes contre l’humanité – c’est notamment pour cette raison que Dieudonné a régulièrement été condamné, et Charlie Hebdo beaucoup moins.

4. « Charlie », habitué des procès

Il faut rappeler que Charlie Hebdo et son ancêtre Hara-Kiri ont déjà subi les foudres de la censure. Le 16 novembre 1970, à la suite de la mort du général de Gaulle, Hara-Kiri titre : « Bal tragique à Colombey : 1 mort », une double référence à la ville du Général et à un incendie qui avait fait 146 morts dans une discothèque la semaine précédente. Quelques jours plus tard, l’hebdomadaire est interdit par le ministère de l’intérieur, officiellement à l’issue d’une procédure qui durait depuis quelque temps. C’est ainsi que naîtra Charlie Hebdo, avec la même équipe aux commandes.

L’hebdomadaire satirique était régulièrement devant la justice à la suite à des plaintes quant à ses « unes » ou ses dessins : environ 50 procès entre 1992 et 2014, soit deux par an environ. Dont certains perdus.

5. Dieudonné, humour ou militantisme ?

Dans le cas de Dieudonné, la justice a été appelée à plusieurs reprises à trancher. Et elle n’a pas systématiquement donné tort à l’humoriste. Ainsi a-t-il été condamné à plusieurs reprises pour « diffamation, injure et provocation à la haine raciale » (novembre 2007, novembre 2012), ou pour « contestation de crimes contre l’humanité, diffamation raciale, provocation à la haine raciale et injure publique » (février 2014).

Lorsqu’en 2009 il fait venir le négationniste Robert Faurisson sur scène pour un sketch où il lui faisait remettre un prix par un homme déguisé en détenu de camp de concentration, il est condamné pour « injures antisémites ». Mais dans d’autres cas, il a été relaxé : en 2004 d’une accusation d’apologie de terrorisme, en 2007 pour un sketch intitulé « Isra-Heil ». En 2012, la justice a refusé d’interdire un film du comique, malgré une plainte de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra).

En plaidant pour l’interdiction de ses spectacles fin 2013, le gouvernement Ayrault avait cependant franchi une barrière symbolique, en interdisant a priori une expression publique. Néanmoins, le Conseil d’Etat, saisi après l’annulation d’une décision d’interdiction à Nantes, lui avait finalement donné raison, considérant que « la mise en place de forces de police ne [pouvait] suffire à prévenir des atteintes à l’ordre public de la nature de celles, en cause en l’espèce, qui consistent à provoquer à la haine et la discrimination raciales ». « On se trompe en pensant qu’on va régler la question à partir d’interdictions strictement juridiques », estimait alors la Ligue des droits de l’homme.

Source : Le Monde, le 14/01/2015

Source: http://www.les-crises.fr/quelles-limites-a-la-liberte-dexpression/


[Reprise] “Anti-Charlie” : Une valbonnaise de 10 ans convoquée par la gendarmerie à Cagnes

Sunday 19 April 2015 at 01:32

« Anti-Charlie » : convoquée à 10 ans par les - 28236921.jpg

Une fillette de 10 ans, scolarisée à l’école de Garbejaïre, a été convoquée à la gendarmerie , accompagnée de ses parents et d’un pédopsychiatre. (P. Clementé)

Pour avoir « soutenu » les auteurs de l’attentat dans un devoir, une élève de CM2 a été entendue, à la demande du parquet, par la gendarmerie de Cagnes.

Est-ce la répétition de l’affaire niçoise du petit Medhi ? Un autre enfant des Alpes-Maritimes, dont les propos ont été jugés « inquiétants », a été entendu il y a deux semaines, à la demande du parquet, par les gendarmes de la brigade de prévention de la délinquance juvénile à Cagnes.

La raison ? Une phrase écrite à la fin d’un devoir en classe de CM2 : «Je suis d’accord avec les terroristes d’avoir tué les journalistes, car ils se sont moqués de notre religion.»

Une rédaction qui a mené la fillette du banc de l’école primaire de Garbejaïre au bureau de la gendarmerie. De la feuille de classe au procès-verbal. À seulement 10 ans.

«C’est toujours inquiétant quand on a ce genre de propos», estime Georges Gutierrez, le procureur de la République de Grasse.

Au point que la justice s’en mêle ? «Tout le monde est sur le qui-vive. Elle peut reproduire un discours entendu chez elle. On a essayé de comprendre pourquoi elle a écrit tout ça…»

Et le procureur d’expliquer la procédure : «Les enseignants voient un comportement qu’ils estiment anormal, ils le signalent à leur hiérarchie. Et cette dernière prévient le parquet…»

Sauf que là, ce ne fut pas le cas. Si la directrice a bien prévenu ses supérieurs, c’est une employée municipale qui a alerté les gendarmes. «En son nom propre», précise le procureur. Déclenchant ainsi la convocation de l’enfant.

«Je ne suis pas persuadé que la réaction du personnel communal a été des plus heureuses,reconnaît le maire, Marc Daunis. Il y a des étapes à respecter.»

«Ce n’est pas explicable»

La fillette, «en compagnie de ses parents et d’un pédopsychiatre», a donc été entendue par les gendarmes. «Le travail mené par le procureur a été respectueux de l’enfant,assure Marc Daunis. Il a veillé à ce que le contexte ne soit pas traumatisant.»

Au sein de l’école, une réponse éducative a aussi été apportée.

«Il y a tout un travail de fond qui a été mis en place», souligne le maire. «Nous avons traité cet incident de manière pédagogique», renchérit le rectorat.Sans fournir plus de détails.Juste en affirmant : «L’élève a compris. Elle n’avait ensuite plus le même message.»

Un message qu’elle n’a pas su expliquer aux enquêteurs. «On ne sait pas pourquoi elle a écrit ça,confie Georges Gutierrez. Ce n’est pas explicable. Elle a été peut-être impressionnée par le contexte, qui l’a un peu perturbée. Ou elle est peut-être influençable – mais elle n’a pas subi de pression.»

Quoi qu’il en soit, l’enquête est désormais close. Classée sans suite. «Ce n’est pas une famille à problèmes. Nous n’avons rien vu d’anormal », confie le procureur, qui souffle :«C’est un non-événement…»

Un non-événement qui a quand même conduit une nouvelle fois un enfant dans des locaux de gendarmerie.

Source : Nice Matin

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-anti-charlie-une-valbonnaise-de-10-ans-convoquee-par-la-gendarmerie-a-cagnes/


[Reprise] Ylies 6 ans, traité comme un terroriste

Sunday 19 April 2015 at 01:32

Dans cette affaire pour le moins emblématique, Ylies 6 ans, de confession musulmane, est malmené de manière odieuse par son école. Les autorités s’en prennent à sa mère, et tentent de les faire taire tous les deux.

Pour mieux comprendre les rouages infernaux de l’islamophobie ambiante dans lesquels ont été pris ce garçonnet et sa mère, revenons sur le contexte et le déroulé chronologique des faits.

Contexte: La maman est convertie à l’islam, mariée à une personne d’origine maghrébine. Son nom de famille ainsi que le prénom de son fils sont donc identifiables comme étant “musulmans”. Dans cette petite ville de l’Eure, où les personnes de confession musulmane sont peu nombreuses, elle a bien senti le regard et l’attitude des gens changer dès lors qu’elle a décidé de porter le foulard.

Chronologie des faits:

15 janvier, 9h20 du matin. La mère reçoit un appel du directeur de l’école, qui lui pose une série de questions étranges et surtout inappropriées. “Est-ce que vous avez des revendications contre mon école?”, “avez-vous de la colère ou de l’agressivité à mon égard ou à l’égard de l’école?”, question qu’il posera à trois reprises. Prenant soin de ne jamais mentionner les attentats, le directeur lui demande quel est son “ressenti”. Puis, il lui demande carrément s’il doit faire un signalement auprès de l’inspection académique concernant son fils et elle-même.

Choquée et abasourdie par cette conversation téléphonique, la maman se rend alors au commissariat pour rapporter les propos inquiétants tenus par le directeur de l’école de son fils. Elle est auditionnée et lesdits propos sont recueillis par les gendarmes.

Dès lors, le comportement du corps enseignant et du directeur change, pour devenir extrêmement hostile et agressif à son égard. Une succession d’événements surviennent.

20-22 janvier: Le petit garçon de 6 ans rapporte à sa maman qu’il a été puni plusieurs fois et que le directeur l’a saisi par le bras (au niveau du poignet) de manière violente et agressive. La maman emmène le petit chez le médecin qui délivre une interruption scolaire de deux jours. Ylies ne veut plus aller à l’école et montre des signes d’angoisse importants, comme l’apparition d’un eczéma.

23 janvier: La maman dépose plainte au commissariat pour violences à l’encontre de son enfant.

27 janvier: Elle reçoit, dans le cahier de correspondance de Ylies, un courrier étrange de l’inspection académique qui signale que le garçonnet se jette par terre et se cogne, volontairement, la tête contre les murs… Etrange en effet que ce courrier survienne à peine 4 jours après le dépôt de plainte de la mère qui signalait justement des violences physiques à l’encontre de son enfant.

Dans la foulée, elle apprend une chose ahurissante. L’école de son fils a organisé un “spectacle” avec les petits de CP, qui consistait à reproduire l’attaque contre Charlie Hebdo. Et le directeur a désigné son fils de 6 ans pour jouer le rôle d’un des tueurs…

La mère comprend alors avec horreur que son enfant est devenu l’élément exécutoire de l’école suite aux attentats, à tel point qu’on se sert de lui pour représenter les tueurs.

Elle diffuse son histoire sur Internet, les réseaux sociaux relaient l’information. Les langues se délient. Les enfants commencent à raconter à leurs parents que le directeur se montre parfois agressif à l’encontre du petit garçon, qu’il l’a bien désigné d’office pour jouer le rôle d’un des frères Kouachi et l’a tiré par le bras. Dans le même temps, le directeur cherche des éléments à charge de la maman, en appelant directement les parents d’élèves pour les questionner sur cette dernière.

Le CCIF, saisit par la mère d’Ylies, a en sa possession le procès-verbal de plainte et les différents échanges avec les autorités, ainsi que des témoignages de parents d’élèves. Éléments qui illustrent le comportement violent et abusif du directeur de l’école à l’encontre du garçonnet, et qui illustrent également le comportement des autorités après que la maman les ait alertées.

En effet, le 23 janvier, elle reçoit une convocation de la mairie de sa commune, qui l’invite à venir se présenter pour une “conciliation”, en présence de la mairesse, du directeur de l’école, du corps enseignant, de l’inspection d’académie et de la brigade de gendarmerie. Demandant des explications sur le motif de cette convocation auprès de la mairesse elle-même, celle-ci lui répond qu’elle doit venir car elle est “mise en cause”! Quand la maman avertit qu’elle viendra accompagnée d’un avocat, on lui refuse catégoriquement, la mairesse lui disant que dans ce cas, “ce n’est même pas la peine de venir, madame”.

De victime, la maman est devenue coupable. De la même manière que dans l’affaire de Ahmed 8 ans, dès lors que les victimes d’islamophobie commencent à parler et à dénoncer des dysfonctionnements de la part des services publics (ici, l’école), la machine se met en marche pour tenter de les faire taire et d’étouffer l’affaire. Le système asservit leurs pensées, puis leurs droits, en se basant sur le principe de la menace : on s’en prend à ton enfant, puis à toi, tout en laissant planer une menace sur ta famille, ton honneur, ta réputation.

Mais pour tout mensonge d’un élu, d’un ministre, ou d’un représentant de l’Etat, le CCIF rétablira une vérité. Le gouvernement s’est engagé, à plusieurs reprises, à ne pas faire d’amalgame ni de stigmatisation. François Hollande a officiellement appelé à lutter contre l’islamophobie. Alors au-delà de vaines paroles, nous exigeons des actes fermes et exemplaires pour lutter contre cette violence physique et symbolique qui s’abat sur les citoyens de confession musulmane, dès leur plus jeune âge. Le directeur de l’école va t-il être auditionné aussi vite que le petit Ahmed de Nice, le petit Ayman de Villers-Cotteret ou la petite de 10 ans à Valbonne ?

Source : CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France)

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-ylies-6-ans-traite-comme-un-terroriste/


Revue de presse du 18/04/2015

Saturday 18 April 2015 at 04:54

La revue de presse du samedi ! Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-18-04-2015/


[Reprise] Quatre jeunes Azuréens “anti-Charlie” invités à visiter le camp d’Auschwitz

Saturday 18 April 2015 at 01:43

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C’est la dernière initiative du conseil général des Alpes-Maritimes à l’adresse des scolaires ayant perturbé la minute de silence au lendemain des attentats de début janvier ou manifesté de la solidarité envers les tueurs des journalistes de Charlie Hebdo.

Signalés pour de telles attitudes, quatre jeunes Azuréens, une fille et trois garçons, viennent de participer au voyage de la mémoire organisé le 10 février par le département. Installés en dernière minute dans l’avion affrété pour la Pologne, ils ont visité en compagnie d’autres collégiens le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. “Ils nous ont été proposés par l’Éducation nationale”, précise Eric Ciotti, président du conseil général et la commission d’enquête parlementaire sur les filières djihadistes.

Initiative profitable

“Ils étaient bien sûr volontaires, il ne peut être question en la circonstance de punition. Il s’agissait simplement de leur faire entamer un travail pédagogique, de les aider à mesurer la gravité de leurs propos ou de leurs comportements antérieurs.” L’expérience se serait révélée profitable. “À l’origine de l’incident le plus sérieux, la jeune fille a pris la mesure de ce qu’on souhaitait lui montrer”, avance une accompagnante. “Lors de la minute de silence, cette élève de quatrième avait crié” Allah Akbar “”.

L’initiative devrait être renouvelée lors du dernier voyage 2015 de la mémoire, prévu le 12 mai.

Pourquoi ne pas l’étendre à d’autres départements ou collectivités organisant des visites d’Auschwitz ? En ce sens, Eric Ciotti a écrit hier à la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud Belkacem. “Ce pourrait être”, lui suggère-t-il, “une alternative à des sanctions disciplinaires”. “Pour ces perturbateurs, parfois en danger dans leur milieu familial, ce serait dans tous les cas l’occasion de toucher du doigt l’absurdité des résultats d’un génocide, de voir où mène l’embrigadement massif des consciences.”

Source : Nice Matin

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-quatre-jeunes-azureens-anti-charlie-invites-a-visiter-le-camp-dauschwitz/


Un parent porte plainte après audition de son fils de 9 ans pour apologie du terrorisme

Saturday 18 April 2015 at 00:11

Le procureur de la République, Jean-Baptiste Bladier.

Après Nice, Villers-Cotterêts. Un enfant de neuf ans a été entendu dans l’Aisne par la gendarmerie le 15 janvier car un témoin affirmait qu’il avait crié «Allah akbar» pendant une minute de silence en hommage à Charlie Hebdo. Mais ici, c’est apparemment faux, et son père a décidé de porter plainte pour diffamation.

Les soupçons pesant sur l’enfant «sont sur le plan de la matérialité des faits totalement infondés», a affirmé à l’AFP le procureur de Soissons, Jean-Baptiste Bladier, vendredi soir. «On est dans une cantine municipale qui accueille plusieurs écoles, pendant la minute de silence il n’y a aucun témoin qui entend ce garçon de neuf ans venir dire “Allah akbar, vive le Coran”. C’est un autre enfant qui vient (le) dire après coup à sa mère qui est l’une des employées de la cantine, qui le dit à la personne qui encadre la cantine, un signalement est rédigé, (…) on prévient la brigade de gendarmerie», a détaillé le procureur.

Dénonciation calomnieuse et diffamation

L’enfant avait été entendu le 15 janvier par la gendarmerie de Villers-Cotterêts, en présence de son père, dans le cadre d’une enquête pour apologie du terrorisme.

Mécontent, le père dépose plainte le 23 janvier pour dénonciation calomnieuse et diffamation, a ajouté le procureur, qui a souhaité que les conclusions de l’enquête servent pour l’avenir à «éviter de s’emballer inutilement».

Source : 20 Minutes avec l’AFP

Source: http://www.les-crises.fr/un-parent-porte-plainte-apres-audition-de-son-fils-de-9-ans-pour-apologie-du-terrorisme/


[Reprise] Le «Bouc émissaire », par René Girard

Saturday 18 April 2015 at 00:01

Le mécanisme sacrificiel

Introduction

Tout le monde sait grosso modo ce qu’est un « bouc émissaire » : c’est une personne sur laquelle on fait retomber les torts des autres. Le bouc émissaire (synonyme approximatif : souffre-douleur) est un individu innocent sur lequel va s’acharner un groupe social pour s’exonérer de sa propre faute ou masquer son échec. Souvent faible ou dans l’incapacité de se rebeller, la victime endosse sans protester la responsabilité collective qu’on lui impute, acceptant comme on dit de « porter le chapeau ». Il y dans l’Histoire des boucs émissaires célèbres. Dreyfus par exemple a joué ce rôle dans l’Affaire à laquelle il a été mêlé de force : on a fait rejaillir sur sa seule personne toute la haine qu’on éprouvait pour le peuple juif : c’était le « coupable idéal »… Ainsi le bouc émissaire est une « victime expiatoire », une personne qui paye pour toutes les autres : l’injustice étant à la base de cette élection/désignation, on ne souhaite à personne d’être pris pour le bouc émissaire d’un groupe social, quel qu’il soit (peuple, ethnie, entreprise, école, équipe, famille, secte).

Cette expression, employée le plus souvent au sens figuré, trouve sa source dans un rite de la religion hébraïque : dans la Bible (Lévitique) on peut lire que le prêtre d’Israël posait ses deux mains sur la tête d’un bouc. De cette manière, on pensait que tous les péchés commis par les juifs étaient transmis à l’animal. Celui-ci était ensuite chassé dans le désert d’Azazel (= traduit fautivement par « émissaire ») pour tenir les péchés à distance. Ce bouc n’avait rien fait de mal, il était choisi au hasard pour porter le blâme de tous afin que ces derniers soient dégagés de toute accusation. On voit par là que le sens figuré est relativement proche du sens religieux d’origine, axés tous deux sur l’idée d’expiation par l’ostracisation d’un individu jouant en quelque sorte le rôle de « fusible » (bête ou homme).

Avec René Girard (né en 1923), le bouc émissaire, cesse d’être une simple expression pour devenir un concept à part entière. La théorie du Bouc Émissaire est un système interprétatif global, une théorie unitaire visant à expliquer le fonctionnement et le développement des sociétés humaines. La réflexion de René Girard s’origine dans un étonnement, qui prend la forme de deux questions successives.

  1. D’où naît la violence dans les sociétés humaines, quel en est le ressort fondamental ?
  2. D’où vient que cette violence ne les dévaste pas ? Comment parviennent-elles à se développer malgré elle ?

Autrement dit : quel mécanisme mystérieux permet aux sociétés humaines archaïques, enclines à l’autodestruction, de se développer quand même (la logique voudrait en effet qu’elles aient disparu depuis longtemps). À cette question, René Girard apporte une réponse univoque, martelée depuis des décennies dans plusieurs de ses livres, notamment La Violence et le Sacré, et Des Choses cachées depuis la fondation du Monde : le mécanisme du bouc émissaire…

Le désir mimétique

La théorie du bouc émissaire est adossée à une autre théorie qui lui sert de support : à l’origine de toute violence, explique René Girard, il y a le « désir mimétique », c’est-à-dire le désir d’imiter ce que l’Autre désire, de posséder ce que possède autrui, non que cette chose soit précieuse en soi, ou intéressante, mais le fait même qu’elle soit possédée par un autre la rend désirable, irrésistible, au point de déclencher des pulsions violentes pour son appropriation. La théorie mimétique du désir postule en effet que tout désir est une imitation (mimésis) du désir de l’autre. Girard prend ici le contre-pied de la croyance romantique selon laquelle le désir serait singulier, unique, imitable. Le sujet désirant a l’illusion que son désir est motivé par l’objet de son désir (une belle femme, un objet rare) mais en réalité son désir est suscité, fondamentalement, par un modèle (présent ou absent) qu’il jalouse, envie. Contrairement à une idée reçue, nous ne savons pas ce que nous désirons, nous ne savons pas sur quoi, sur quel objet (quelle femme, quelle nourriture, quel territoire) porter notre désir – ce n’est qu’après coup, rétrospectivement, que nous donnons un sens à notre choix en le faisant passer pour un choix voulu (« je t’ai choisi(e) entre mille ») alors qu’il n’en est rien – mais dès l’instant qu’un Autre a fixé son attention sur un objet, aussi quelconque soit-il, alors cet objet (que nul ne regardait jusqu’alors) devient un objet de convoitise qui efface tous les autres !

En clair, le désir n’est pas direct, mais indirect (ou médié), entre le sujet et l’objet : il fonctionne de manière triangulaire en ce sens qu’il passe par un modèle (ou médiateur). L’exemple que donne Girard pour illustrer sa théorie est celui des enfants qui se disputent des jouets en quantité suffisante. Cet exemple montre de manière édifiante qu’on ne désire pas une chose pour ce qu’elle est (sa valeur propre) mais pour ce qu’elle représente aux yeux de l’autre (un objet de désir). Les cas de « désir mimétique » sont nombreux dans la littérature. Don Quichotte, par exemple, ne désire pas être un chevalier, il ne fait qu’imiter Amadis de Gaulle, et tous les autres chevaliers qu’il a lus dans les livres. La médiation est ici littéraire. Don Quichotte est une victime d’autant plus spectaculaire du désir mimétique qu’il désire – c’est la source du comique cervantésien – une chose absurde : être chevaleresque dans un monde déféodalisé. Dans l’univers publicitaire qui est le nôtre, le mécanisme mimétique fonctionne aussi à plein. Les consommateurs ne désirent pas une marchandise parce qu’elle est utile, nécessaire ou aimable, mais parce qu’elle est convoitée, ou supposée l’être, par un tiers (star de cinéma, ami ou groupe d’amis). Le consumérisme moderne est un désir « selon l’autre », quand bien même il nous donne l’illusion de faire un choix personnel, voire unique. La mode et la publicité jouent à plein sur le désir mimétique, raison pour laquelle elles connaissent du succès, alors que ce succès ne repose objectivement sur aucune base rationnelle (beauté, robustesse, originalité de l’objet).

Du désir mimétique à la violence généralisée

Le désir mimétique serait bien innocent s’il ne débouchait sur des conflits en chaîne, et à terme sur la violence généralisée. Que se passe-t-il en effet quand deux individus (ou plus) désirent la même chose ? Ils se battent, voire s’entretuent, pour l’obtenir. Pour René Girard, le désir mimétique, en mettant en concurrence le sujet désirant et son modèle fait naître une rivalité meurtrière. L’objet désiré n’étant généralement pas partageable (pensons au jugement de Salomon : peut-on partager en deux un bébé que deux femmes revendiquent comme le leur ?), le modèle devient nécessairement un obstacle pour le sujet désirant, autrement dit une figure à abattre. C’est ici que la thématique du désir, via le mécanisme de la rivalité, rejoint celle de la violence… Son recours étant, on l’aura compris, le seul moyen de satisfaire le désir mimétique.

Prenons un exemple. Shakespeare écrit dans ses Sonnets : « Tu l’aimes, toi, car tu sais que je l’aime. » On voit bien ici que l’amour qu’éprouve le destinataire du poème (« tu ») est motivé avant tout (« car ») par l’amour qu’éprouve Shakespeare et non par l’objet lui-même de cet amour. Tu l’aimes « toi », insiste le poète, de manière mimétique, alors que moi je l’aime de manière authentique. Nous sommes bien dans le cas de figure du jouet sans valeur que se disputent deux enfants, dont l’issue est bien connue : chamaillerie, cris, crêpage de chignon, et… intervention des adultes, pour séparer les belligérants. Mais que se passe-t-il quand, dans la même situation de rivalité, deux adultes se disputent un objet ? Sans l’intervention providentielle d’un tiers situé au-dessus de la mêlée (Dieu ?), les adultes vont jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’élimination du rival, obstacle insupportable à la réalisation de leur désir. Les faits divers et les romans (pensons au Rouge et le Noir de Stendhal : Julien Sorel y désire triangulairement Madame de Rénal) sont remplis de crimes passionnels, motivés à l’origine par un désir mimétique, quoique ces motivations, comme l’explique René Girard, soient toujours dissimulées par le criminel derrière l’idée fallacieuse que son désir est légitime, car premier :

Seul l’être qui nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d’abord lui-même en raison de l’admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-même, cette admiration éperdue, il ne veut plus voir qu’un obstacle dans son médiateur. Le rôle secondaire de ce médiateur passe donc au premier plan et dissimule le rôle primordial de modèle religieusement imité. Dans la querelle qui l’oppose à son rival, le sujet intervertit l’ordre logique et chronologique des désirs afin de dissimuler son imitation. Il affirme que son propre désir est antérieur à celui de son rival ; ce n’est donc jamais lui, à l’entendre, qui est responsable de la rivalité : c’est le médiateur.

Pour masquer sa brutalité, le sujet mimétique n’hésite pas à ruser avec son désir, c’est-à-dire à faire passer le modèle pour l’imitateur…

Cette violence serait soutenable socialement (maintien de la paix civile), si elle demeurait le propre de quelques individus isolés. Or, ce qui la rend éminemment dangereuse, nous dit Girard, c’est qu’elle est contagieuse. Le désir mimétique se propage à la société tout entière, par effet « boule de neige » : si deux individus désirent la même chose il y en aura bientôt un troisième, un quatrième, et ainsi de suite. Rapidement – à la vitesse d’une traînée de poudre – , le conflit mimétique se transforme en antagonisme généralisé. Un fait divers récent illustre exemplairement cette propagation du désir mimétique, avec son corollaire agonistique de la « guerre de tous contre tous » (Hobbes). « Gaz lacrymogènes, bagarres, échauffourées violentes, arrestations musclées, lit-on dans Le Monde.fr du 25 décembre 2012, telle était l’ambiance apocalyptique dans laquelle plusieurs magasins américains ont ouvert pour la sortie des dernières paires de baskets Nike créées pour l’ancien basketteur Mickael Jordan : […] des milliers de personnes se sont ainsi rassemblées très tôt ce vendredi, parfois dès deux heures du matin, pour figurer parmi les chanceux se procurant les 150 paires seulement disponibles ; […], la même scène s’est déroulée un peu partout aux États-Unis, conduisant notamment à plusieurs arrestations à Atlanta, des personnes légèrement blessées, à la suite de piétinements à l’entrée du magasin ou encore une mère abandonnant ses deux enfants de 2 et 5 ans dans la voiture en pleine nuit. Dans la banlieue de Seattle, Avant l’ouverture, la foule avait déjà enfoncé deux portes. Des bagarres ont commencé à éclater, des bousculades, certaines personnes essayaient de couper la file d’attente. Les officiers ont utilisé du gaz incapacitant pour interrompre certaines bagarres. » Aucune de ces personnes n’avait besoin, à strictement parler, de ces chaussures, pourtant toutes se sont battues, presque au risque de leur vie, pour se les approprier. Telle est l’implacable loi du désir mimétique lorsqu’elle s’applique à grande échelle : son escalade conduit à la destruction sociale généralisée. Pire, la violence engendre la violence, dans une chaîne infinie, sous l’empire du mécanisme de la vengeance. « Chaque fois qu’elle surgit en un point quelconque d’une communauté elle tend à s’étendre et à gagner l’ensemble du corps social. » (La Violence et le Sacré). De crimes en représailles (regardons comment les bandes de la Mafia s’autodétruisent), la vengeance menace la société d’éclatement. La loi du Talion, (« œil pour œil, dent pour dent »), qui répond à la violence par une violence égale, et non supérieure, limite certes son risque d’extension et d’escalade, mais ne l’arrête pas. La spirale de la violence est en principe, dans les sociétés primitive où n’existe pas la Justice, incoercible. Le cycle de la violence réciproque est littéralement infernal : elle l’était dans la Grèce antique (voir les Atrides) elle l’est encore dans certains pays où dominent la loi du Talion ou l’usage de la Vengeance (au Mexique dans les Cartels de la drogue, dans la Mafia corse, ou sicilienne).

Le bouc émissaire, rempart contre la violence

Et pourtant, force est de constater que la société a survécu à cette loi effroyable, que les peuples de la terre ont surmonté tant bien que mal le phénomène. Pourquoi ? se demande Girard. Comment se fait-il que le désir mimétique, dont la puissance de nuisance est universellement prouvée (voir Mensonge romantique et Vérité romanesque) ne nous ait pas dévasté totalement ? Comment les sociétés sont-elles parvenues à trouver un antidote à ce poison ? C’est ici qu’intervient la deuxième intuition de Girard, consistant à relier l’apparition du sacré avec le problème de la violence (d’où le titre de son livre majeur : La Violence et le Sacré). L’anthropologue observe en effet, à partir d’une lecture attentive des mythes ancestraux (de toutes origines), que ces mythes nous racontent la même histoire, à savoir la conjuration, ou plutôt la neutralisation de la violence (cette épée de Damoclès qui plane sur l’Humanité) par le sacrifice d’une victime, appelée « bouc émissaire ».

Là encore, pour résoudre l’énigme, Girard renverse une idée unanimement reçue dans la communauté scientifique et a fortiori dans le grand public, le préjugé selon lequel le sacrifice « religieux » (égorger un animal ou un être humain) serait destiné à calmer la colère des Dieux (chez les Grecs), ou à tester la foi des croyants (on pense au sacrifice d’Isaac par Abraham interrompu in extremis par un ange descendu du Ciel). Aux yeux du philosophe, le sacrifice n’est pas une affaire religieuse mais une affaire humaine. Si les hommes vont jusqu’à tuer l’un de leurs semblables, ce n’est pas pour faire plaisir aux dieux, mais pour mettre fin à l’hémorragie de violence qui frappe le groupe, et partant le menace d’extinction. En proie à une violence meurtrière, la société primitive se choisit spontanément, instinctuel ement, une victime, qui jouera le rôle à la fois de pansement et de paratonnerre. De pansement, parce qu’elle va recueillir en sa seule personne toute l’agressivité diffuse et soigner le mal ; de paratonnerre parce qu’elle sera remobilisée, sous forme symbolique, chaque fois que la communauté replongera dans la violence. Ainsi se met en place, selon Girard, le rite du bouc émissaire, dont la vertu première est de transformer le « tous contre tous » en « tous contre un ». Le bouc émissaire humain n’est pas tiré au hasard ; c’est un personnage que ses qualités victimaires prédisposent à occuper la fonction de bouc émissaire. Afin d’expulser cette violence intestine, le bouc émissaire doit en effet correspondre à certains critères. Premièrement, il faut que la victime soit à la fois assez distante du groupe pour pouvoir être sacrifiée sans que chacun se sente visé par cette brutalité et en même temps assez proche pour qu’un lien cathartique puisse s’établir (on ne peut expulser que le mal qui est en nous…). Aussi, le véritable bouc émissaire de la tradition hébraïque est à la fois différent par sa qualité d’animal et semblable par son caractère domestiqué. Deuxièmement, il faut que le groupe ignore que la victime est innocente sous peine de neutraliser les effets du processus. Troisièmement, le bouc émissaire présente souvent des qualités extrêmes : richesse ou pauvreté, beauté ou laideur, vice ou vertu, force ou faiblesse. Enfin, la victime doit être en partie consentante afin de transformer le délire de persécution en vérité consensuelle. Dans les mythes, c’est souvent un prisonnier de guerre, un esclave, un enfant informe, un mendiant…

Le sacrifice du bouc émissaire permet donc à la fois de libérer l’agressivité collective (exutoire) et de ressouder la communauté autour de la paix retrouvée (pacte) Dans l’optique girardienne, le rite sacrificiel est donc une violence ponctuelle et légale dont la fonction est d’opérer une catharsis des pulsions mauvaises sur une victime indifférente à la communauté parce que marginale. Ainsi, se produit, aux dépens d’un être innocent, une sorte de solidarité dans le crime, qu’on retrouve dans les scènes de lynchage dans l’Histoire (pogrome, lapidations, etc.) ou dans la fiction (La Nuit du Chasseur1, M. le Maudit2). Le bouc émissaire permet par ailleurs d’expliquer l’émergence du Sacré, car, par un retournement paradoxal, la victime se voit divinisée pour avoir ramené la paix. La victime gît devant le groupe, apparaissant tout à la fois comme la responsable de la crise et l’auteur de ce miracle de la sérénité retrouvée. Elle devient sacrée, c’est-à-dire porteuse du pouvoir prodigieux de déchaîner la crise comme de ramener la paix. En reliant le mécanisme du bouc émissaire à celui du rite sacrificiel, René Girard rend compte ni plus ni moins que de la genèse du religieux archaïque.

Le problème de ce mécanisme régulateur de la violence est cependant son caractère temporaire. En effet, la violence endémique générée par le désir se fait, tôt ou tard, ressentir. Pour contenir la violence, et l’empêcher de ressurgir, il faut trouver un nouveau bouc émissaire. Solution au coût (humain) exorbitant, à laquelle les premières sociétés ont remédié en substituant progressivement des simulacres au victimes humaines : ainsi seraient nés les rites des religions primitives vivantes : le sacrifice d’un animal permet d’apaiser symboliquement les pulsions agressives, par ce subterfuge (l’animal est substitué à la « cible » humain), les membres de la communauté sont préservés, la paix est maintenue à ce prix. À chaque crise mimétique, la société répond par des sacrifices symboliques, fortement ritualisés, censés rétablir magiquement l’ordre. C’est ce qui fait dire à René Girard, dans une formule fulgurante : « Le sacré, c’est la violence. » Le sacré est en effet indissociable de la violence, en ce sens qu’il naît de lui, tout du moins de la volonté des hommes de l’éradiquer.

Relecture du mythe d’Œdipe

Cette approche révolutionnaire du rite religieux – révolutionnaire parce qu’elle fait découler le sacré du profane – ouvre sur une réinterprétation du fameux mythe d’Œdipe3. Là encore, le philosophe prend le contre-pied de tout le monde. Rappelons en deux mots l’histoire : un oracle prédit au roi de Thèbes, Laïos, que s’il a un fils, celui-ci tuera son père et épousera sa mère, Jocaste. Quand Œdipe naît, Laïos l’abandonne. Mais des bergers le recueillent et le portent au roi de Corinthe, Polybe, qui l’élève. Adulte, Œdipe consulte l’oracle de Delphes qui lui conseille de ne pas retourner dans son pays s’il ne veut pas tuer son père et épouser sa mère. Il se dirige donc vers la Béotie, mais à un carrefour, il tue un vieillard, qui se révèle être son père. Plus tard, pour avoir débarrassé la ville de Thèbes du Sphinx (en résolvant l’énigme), on le fait roi, de sorte qu’il épouse sa mère, Jocaste, à son insu. Une peste s’abat sur la ville. La Pythie annonce que la maladie persistera tant que le meurtrier de Laïos ne se sera pas dénoncé. Œdipe mène l’enquête lui-même et découvre, horrifié, qu’il est le coupable. Pour se punir de son aveuglement, Œdipe se crève les yeux ; on le chasse de Thèbes.

Généralement, les exégètes adoptent spontanément le point de vue du narrateur (Sophocle), en rendant Œdipe responsable de la calamité qui s’abat sur la ville. C’est, nous explique-t-on, parce qu’il a tué son père et couché avec sa mère que la peste décime les thébains, aussi n’est-ce que justice que le coupable, une fois découvert, soit banni de la communauté. Faux, écrit Girard, car Œdipe n’est en réalité qu’un bouc émissaire, un homme auquel on fait endosser, sans raison valable, la responsabilité de l’épidémie qui frappe la cité. La peste n’a aucun lien de cause à effet avec les « crimes » de son roi, crimes qui, du reste, d’après Girard, ne sont que des bruits son fondement : en somme, Œdipe est victime d’une mystification : des rumeurs courent sur son compte (le parricide, l’inceste) mais ce ne sont que des affabulations, des prétextes pour exposer le roi à la vindicte populaire. Ce que raconte le mythe d’Œdipe n’est donc pas la punition d’un coupable, mais au contraire la persécution d’un innocent, l’histoire scandaleuse d’un lynchage collectif. Bref, au lieu d’en faire un Monstre qui se repend, Girard en fait un Martyr à qui l’on ment. Comme tous les boucs émissaires, Œdipe se soumet en effet au verdict de la foule. René Girard en déduit, au plan général, que l’adhésion de l’accusé au processus qui l’élimine (ex : pression policière pour obtenir des aveux) n’est en aucun cas le signe, et encore moins la preuve de sa culpabilité. Au lieu de se révolter contre cette accusation sans fondement, Œdipe l’accepte docilement ; ce faisant, il renforce le mécanisme du bouc émissaire, qui a certes l’avantage de stopper le cycle de la violence, mais l’inconvénient d’alimenter l’injustice par le sacrifice d’un innocent. Si l’on regarde les choses d’un point de vue pragmatique, ce système est d’une grande efficacité ; au point de vue moral, en revanche, il est scandaleux. Le mécanisme du bouc émissaire est en effet basé sur un mensonge collectif (ou déni de réalité), qui est reconduit d’autant plus aisément qu’il arrange la communauté. Tout le monde a intérêt à entretenir le mythe de la résolution surnaturelle et irrationnelle de la violence par la désignation arbitraire d’une victime émissaire. On ne voit pas, dans ces conditions, pour quelles raisons ce phénomène ne durerait pas éternellement… Heureusement, il se trouve quelqu’un pour dénoncer ce mensonge, et ce quelqu’un, d’après Girard, c’est Jésus Christ !

L’Évangile : la vérité sur le bouc émissaire

René Girard considère le Nouveau Testament comme un événement capital de l’histoire de l’Humanité, non pas parce qu’il marque la naissance d’une nouvelle religion (le Christianisme) mais parce qu’il met fin au scandale de la culpabilité du bouc émissaire. Jusqu’alors toutes les victimes émissaires acceptaient de se sacrifier au nom de leurs fautes ou de leurs défauts (tares). Mais voici que le Christ met un coup d’arrêt à cette logique, en jetant une lumière crue sur le mécanisme mystificateur du bouc émissaire. Non que le Sauveur refuse d’assumer son rôle de bouc émissaire, au contraire, il se laisse torturer sans protester et crucifier comme s’il était coupable, mais à la différence des autres victimes émissaires, il clame haut et fort son innocence. Jésus se présente ouvertement comme l’agneau de Dieu qu’on sacrifie sur l’autel de la violence collective (il prend sur lui « tous les péchés du monde »), sauf que sa démarche a un tout autre sens que celle des boucs émissaires classiques qui subissaient leur sort, dans la mesure où elle est annoncée comme l’ultime sacrifice, après lequel devrait régner l’ordre et la paix. En dévoilant le mécanisme caché (depuis la fondation du monde) du bouc émissaire, à savoir que la victime est sacrifiée non par ce qu’elle est coupable (alibi grossier), mais parce qu’il faut un coupable, l’Évangile rend impossible son recours ultérieur. Désormais, la société devra trouver d’autres remèdes pour exorciser la violence (en l’occurrence elle s’appuiera sur le message évangélique de la non- violence). Si le Nouveau Testament marque un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité, c’est que la gestion de la violence, à partir de cette date, prend un aspect tout différent. L’une des conséquences inattendues de cette révélation du « pot aux roses » du bouc émissaire, c’est que le monde, privé de sa solution préférée, devient, selon Girard, de plus en plus violent, et cela bien que les formes de civilisations ne cessent d’évoluer pour contenir, dans les deux sens du terme, cette violence.

René Girard se montre en effet très pessimiste sur l’évolution de l’Humanité, à partir du moment où elle se prive de la possibilité d’user de la carte victimaire. L’efficacité du bouc émissaire reposait en effet sur la méconnaissance/ignorance du phénomène de la part de ses usagers : les peuples ancestraux croyaient sincèrement qu’il suf isait de sacrifier une victime, ou d’accomplir un rite symbolique équivalent, pour régler les conflits. À partir du moment où les peuples ont perdu cette foi, ils doivent inventer des solutions alternatives, soit recourir à l’Évangile et sa morale naïve de la non violence (l’amour du Prochain), soit se tourner vers la Justice et son droit compliqué (proportionnalité des peines au crime commis). Or, nous dit René Girard, il n’est pas sûr que les communautés puissent se passer de la fonction régulatrice du bouc émissaire : force est d’observer que les sociétés modernes, dans les périodes de forte crise mimétique, y ont recours, tout se passant comme si elles avaient oublié qu’elle était un procédé barbare et irrationnel. Dans l’entre deux guerres par exemple, l’Allemagne, frappée par une crise économique grave, est animées de tensions sociales extrêmes et de débordements de violence qui mènent le pays au bord de la guerre civile. Or cette violence intestine va se trouver spontanément redirigée vers des boucs émissaires tels que les homosexuels, les communistes, les Tsiganes et vers les Juifs. La propagande – ce travail de sape de la connaissance, cet apprentissage de l’ignorance – se chargera pour sa part de conforter la population allemande dans l’idée que les Juifs ne peuvent pas, par définition, être innocents, ouvrant grand la porte à la tragédie de la Shoah. En dehors de ces cas exceptionnels, le fait que nos sociétés ne soient plus protégées par le mécanisme victimaire constitue paradoxalement un danger majeur, car, sauf à convertir la population entière à l’amour chrétien (idée illusoire), il n’existe désormais plus aucun frein à la violence. Dans son dernier ouvrage, Achever Clausewitz (2007), Henri Girard va jusqu’à nous promettre l’apocalypse. On aimerait que l’avenir lui donne tort, mais l’explosion de violence à laquelle on assiste sur toute la planète semble hélas aller dans sons sens.

Conclusion

La théorie du bouc émissaire serait-elle trop belle pour être vraie ? Le fait est qu’elle est séduisante, et même fascinante, en ce qu’elle fournit une clé de compréhension simple et efficace pour des problèmes fort complexes. Avec Girard, tout devient lumineux : la question du désir (réglée via le principe du mimétisme), la question de la violence (résolue par l’intervention du mécanisme victimaire), la question enfin de l’apparition du sacré (expliquée par les pouvoirs miraculeux attribués à la Victime). Il n’a évidemment pas manqué de spécialistes de chacune des disciplines dont Girard s’est emparé sans prévenir pour contester les thèses du philosophe : jusqu’à ces dernières années sa pensée était très discutée, voire contestée par ses confrères, mais peu à peu elle s’est imposée ; elle fait désormais partie du paysage intellectuel. Le désir mimétique, la théorie du bouc émissaire, sont cités dans les travaux d’anthropologie4.

Le système girardien présente néanmoins, sinon des failles, quelques zones d’ombre. Le principal reproche qu’on pourrait lui faire, c’est de ne pas laisser de place à la singularité, à la différence, à la complexité. Soucieux avant tout de faire triompher sa théorie, Girard généralise sans nuance, parfois à outrance. N’existe-t-il pas des sacrifices qui n’entrent pas dans la logique du bouc émissaire (les sacrifices d’offrandes) ? Ne peut-on pas trouver des peuplades qui usent du bouc émissaire sans sacraliser ce dernier (ex : les aborigènes d’Australie qui ignorent les dieux). La théorie est aussi fragile à la base, en ce sens qu’elle s’appuie sur une conception du désir qui écarte toute dimension pulsionnelle (vouloir instinctivement une chose pour elle-même). Le désir, pour Girard, n’est que mimétique, c’est-à-dire un processus cérébral. Or, peut-on faire l’économie de la libido dans les rapports humains ? Ne peut- on pas penser que la difficulté d’assouvir son désir est autant sinon plus génératrice de violence que la rivalité mimétique ? Enfin n’est-ce pas accorder une importance exagérée au message évangélique que d’en faire le seul et unique texte à dire la Vérité sur le mécanisme victimaire ?

Reste que, en dépit de son caractère totalisant (une seule explication pour tout !) cette théorie est particulièrement bienvenue aujourd’hui pour expliquer ce qui nous arrive, à savoir la prolifération du désir consumériste, la résurgence de la violence en contexte civilisationnel, le processus de désignation du coupable (l’immigré, l’étranger, etc.), la recherche effrénée de spiritualité. La pensée de Girard n’a pas perdu de son efficacité car, contrairement aux apparences, ce qu’il y a de primitif en chaque homme n’est pas éradiqué et peut ressurgir à tout moment, surtout en temps de crise. Grâce à cette pensée originale, nous sommes donc en mesure de mieux comprendre conjointement la nature biaisée de notre désir, les causes profondes de notre violence, et notre aspiration instinctive au sacré.

Bibliographie

Notes

1 La Nuit du chasseur (titre original : The Night of the Hunter) est un film américain réalisé par Charles Laughton en 1955. Le pasteur Harry Powell, le méchant persécuteur d’enfants, est lynché par les « bons » américains.

2 M le maudit (M – Eine Stadt sucht einen Mörder) est un film allemand réalisé par Fritz Lang, sorti en 1931. Un meurtrier d’enfant jette les habitants d’une grande ville allemande dans la terreur et l’hystérie si bien que la police et même la pègre, tous alliés contre lui, se mettent toutes les deux à sa poursuite.

3 Œdipe roi (en grec ancien Οἰδίπoυς τύραννoς / Oidípous Týrannos, en latin Œdipus Rex) est une tragédie grecque de Sophocle, entre 430 et 415 avant J.-C.

4 La consécration du philosophe a eu lieu récemment, en 2005, avec son élection à l’Académie.

René Girard

René Girard

Source : Le « Bouc émissaire ».

Pour aller plus loin : Violence mimétique et géopolitique d’après une lecture systémique de René Girard, par Gérard Donnadieu.

Source: http://www.les-crises.fr/le-bouc-emissaire-par-rene-girard/


[IMPORTANT] Le centre Simon Wiesenthal condamne fermement les décisions prises par le parlement ukrainien d’assimiler le Nazisme et le Communisme et de reconnaître les collaborateurs nazis locaux comme des « combattants de la liberté »

Friday 17 April 2015 at 13:41

Je vous avoue que c’est le genre d’information qui remotive – on se sent moins seul, et du bon coté de la barrière…

Mentions spéciale à nos médias pour la reprise de cette information, que vous avez donc probablement déjà vue sur TF1, France culture, Libération…

Le communiqué du centre Simon Wiesenthal du 12/04/2015

Le centre Simon Wiesenthal condamne fermement les décisions prises par le parlement ukrainien d’assimiler le Nazisme et le Communisme et de reconnaître les collaborateurs nazis locaux comme des « combattants de la liberté »

12 avril 2015 (Source)

Jérusalem – Le centre Simon Wiesenthal a durement critiqué ce jour les deux décisions prises la semaine dernière par le Parlement ukrainien (Verkhova Rada) d’assimiler les crimes du Nazisme et du Communisme en interdisant les deux régimes et de reconnaître les collaborateurs nazis locaux comme des « combattants de la liberté », leur permettant ainsi de bénéficier d’avantages particuliers.

Dans une déclaration réalisée ce jour par son Directeur pour l’Europe orientale, l’historien de l’Holocauste Efraim Zuroff, le Centre a qualifié ces décisions de distorsion scandaleuse de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste.

Selon Zuroff :

« Le vote d’une interdiction du nazisme et du communisme consiste à mettre à égalité le régime le plus génocidaire de l’histoire humaine avec le régime qui a libéré Auschwitz et contribué à mettre fin au règne de la terreur du Troisième Reich.

Dans le même esprit, la décision d’honorer les collaborateurs nazis locaux et de les gratifier d’aides spéciales transforme les hommes de main d’Hitler en héros, en dépit de leur participation active et zélée au meurtre de masse de Juifs innocents.

Ces tentatives de réécrire l’Histoire, qui sont répandues à travers les pays anciennement communistes d’Europe de l’Est, ne pourront jamais effacer les crimes commis par les collaborateurs nazis de ces pays, et ne font que prouver qu’ils ne disposent clairement pas des valeurs occidentales qu’ils prétendent avoir adoptées lors de leur transition vers la démocratie. »

Pour plus d’information : Dr. Efraim Zuroff 972.50.721.4156 Twitter: @EZuroff, rejoignez le Centre sur Facebook, www.facebook.com/simonwiesenthalcenter, ou suivez @simonwiesenthal pour des mises à jour envoyées directement sur votre compte Twitter.

Le Centre Simon Wiesenthal est une des plus vastes organsiations juives internationales de défense des Droits de l’Homme avec plus 400 000 familles membres aux États-Unis. C’est une ONG reconnue par des agences telles que les Nations Unies, l’UNESCO, l’OSCE, l’OEA, le Conseil de l’Europe et le Latin American Parliament (Parlatino).

La référence

Je vous renvoie à l’étude de ces collaborateurs ukrainiens réalisée sur le blog l’été 2014 (je me doutais bien que ça ressortirait cette histoire…) :

http://www.les-crises.fr/le-sort-des-juifs-en-galicie-1/

https://www.les-crises.fr/le-sort-des-juifs-en-galicie-2/

https://www.les-crises.fr/u3-6-l-upa-en-action-et-les-massacres-de-la-volhynie/

En mai 1941, lors d’une réunion à Cracovie la direction de l’OUN-B (l’organisation des nationalistes ukrainiens) indiqua que « Les Juifs en URSS constituent le soutien le plus fidèle du régime bolchevique, et l’avant-garde de l’impérialisme moscovite en Ukraine. Le gouvernement moscovito-bolchévique exploite les sentiments anti-juifs des masses ukrainiennes pour détourner leur attention de la véritable cause de leur malheur et de les canaliser dans un moment de frustration dans les pogroms contre les Juifs. L’OUN combats les Juifs en tant que pilier du régime moscovito-bolchévique et, simultanément, il rend les masses conscientes du fait que l’ennemi principal est Moscou. »

Lors de cette réunion, l’OUN a adopté le programme « Lutte et l’action de l’OUN pendant la guerre » qui décrit le plan d’action lors du début de l’invasion nazie de l’URSS. Dans la section G de ce document – « Directives pour les premiers jours de l’organisation du nouvel État ukrainien », est dressée la liste des activités à mener durant l’été 1941. Dans le paragraphe « Politique envers les minorités » l’OUN-B ordonne :

« Les Moscovites, les Polonais et les Juifs nous sont hostiles et doivent être exterminés dans cette lutte, en en particulier ceux qui résisteraient à notre régime : il faut les reconduire dans leurs terres, surtout : détruire leur intelligentsia qui pourrait être dans des positions de pouvoir. […] Les soi-disant paysans polonais doivent être assimilés, et il faut détruire leurs leaders. […] Les Juifs doivent être isolés, relevés de leurs fonctions gouvernementales pour empêcher le sabotage, et ceux qui sont jugés nécessaires ne pourront travailler qu’avec un surveillant. […]L’assimilation des Juifs n’est pas possible. »

Le 25 juin 1941, Stetsko – le futur « chef de l’État », donc -, dans un rapport à Bandera, écrivait déjà :

«Nous créons une milice qui aidera à éliminer les Juifs et à protéger la population. ».

Déclaration de I. Stetsko, nationaliste ukrainien désigné comme président de l’éphémère “Ukraine libérée” en juillet 1941 :

« Bien que je considère que c’est Moscou, qui en fait tient l’Ukraine en captivité, et non pas les Juifs, comme l’ennemi principal et décisif, je considère tout de même pleinement le rôle indéniablement nuisible et hostile des Juifs, qui aident Moscou à asservir Ukraine. Je soutiens donc la destruction des Juifs et la pertinence de l’apport des méthodes allemandes d’extermination des Juifs en Ukraine, plutôt que de tenter de les assimiler. » (aout 1941…)

À droite, un nouveau “héros” ukrainien, emmenant des Juifs à l’abattage en 1941…

Un ghetto de 120 000 Juifs est créé à Lviv fin 1941. Il sera entièrement liquidé en deux ans dans le camp d’extermination de Belzec. Au retour des Soviétiques en juillet 1944, il ne restait environ que 800 Juifs survivants – dont le célèbre chasseur de nazis Simon Wiesenthal – dont on comprend la vigilance du centre en Ukraine…

Simon Wiesenthal

La nouvelle loi 2558

Vous notez que notre presse n’a pas repris l’information sur la loi 2558, votée par 254 députés sur 450, à l’initiative du député Youri Choukhevytch, fils du chef de l’UPA Roman Choukhevytch (qui avait déjà organisé plsuieurs assassinats politiques avant la guerre, comme celui du ministre de l’Intérieur polonais, Bronisław Pieracki).

En revanche, la presse israélienne l’a fait, comme le Jerusalem Post ici

On apprend ici et ici (merci la BBC) que  :

Vous aurez compris que la condamnation du nazisme, si elle est toujours bonne à prendre, est le paravent de l’objectif réel de l’interdiction du communisme. J’attends de voir comment ils vont faire pour appliquer cette loi dans les bataillons armés fascistes…

Bref, ENFIN, une vraie loi de réconciliation nationale qui va souder le pays !

politique ukraine

Vous lirez ici les exploits de l’UPA, tel (ici sur Wikipédia) le massacre de 60 000 civils Polonais en 1943

Victimes polonaises de l’UPA à Lipniki

Victimes polonaises de l’UPA

Donc pour finir, merci au nouveau parlement “pro-occidental” (élu en octobre 2014 pour mémoire, sous les vivas de not’ bonn’ presse) !

Et on finit par Libération :

et :

RIP Ukraine…

Source: http://www.les-crises.fr/centre-simon-wiesenthal-nazisme-communisme-ukraine/


[Attention] Bernard Cazeneuve qualifie de “terroriste” la cyberattaque contre TV5 Monde

Friday 17 April 2015 at 13:07

Ils sont forts quand même…

Alors comme ça, un délit condamnable visant à couper une chaine quelques heures est désormais du TERRORISME.

Et donc, approuver ceci, même sur le ton de l’humour, dans un esprit de “bonne leçon aux merdias” (ce que nous ne faisons nullement sur le blog www.les-crises.fr, je précise), c’est donc de l’apologie du terrorisme, prison toutçatoutça alors…

Question au ministre : dans ce cas, une grève du personnel de France Inter ou des NMPP, ça qualifie aussi comme “terroriste” alors  ?

Hmmm, je commence à mieux voir la forme qu’aura le prochain régime autoritaire… Merci aux fauxcialistes en tous cas pour bien préparer le terrain ! - ce ne sera pas la première fois

P.S. amusant ce papier de Arrêts sur Images, ou on voit que ces crétins de TV5 ont mis à l’antenne en arrière-plan de leur locaux le mot de passe hautement sécurisé de leur compte Youtube : lemotdepassedeyoutube !

Source: http://www.les-crises.fr/attention-bernard-cazeneuve-qualifie-de-terroriste-la-cyberattaque-contre-tv5-monde/


Le défi Tsípras, par Jean-Michel Naulot

Friday 17 April 2015 at 05:25

Le silence qui entoure les négociations entre la troïka – car c’est bien d’elle qu’il s’agit – et le gouvernement grec ne laisse rien présager de bon. Il rappelle ces quelques jours qui ont précédé la faillite de Lehman Brothers où le gouvernement américain et les autorités monétaires décidèrent de ne pas secourir la banque d’affaires pour «faire un exemple». Dans les jours qui suivirent, quelques banquiers se félicitèrent de voir tomber un concurrent. Ils regrettèrent vite leurs propos en apercevant l’onde de choc terrible qui arrivait, avec une crise de liquidités sans précédent. Cette fois, l’onde de choc pourrait être non pas financière mais politique. A moins que la raison ne finisse par l’emporter sur un bras de fer destructeur pour l’Europe tout entière.

D’où vient donc la tranquille assurance des dirigeants de l’Eurogroupe, alors même que la situation financière de la Grèce se détériore de jour en jour avec la fuite des capitaux ? De la certitude que la Grèce n’a pas le choix et qu’elle ne peut qu’accepter les réformes. Les dirigeants européens ont le sentiment qu’avec une dette publique financée à 80% par les Etats, le FMI et la BCE, le rapport de force est en leur faveur. De plus, ils savent qu’en cas de sortie de l’euro sans restructuration de la dette, celle-ci bondirait immédiatement puisque, lorsque la dette est financée par des prêts intergouvernementaux, ce n’est pas le droit des titres qui s’applique mais le droit des Etats prêteurs. Avant les élections, Angela Merkel avait tenu à faire passer le message : pour les Grecs, ce sera à prendre ou à laisser, soit l’acceptation des réformes dans la continuité de la politique précédente, soit la sortie de l’euro. Jean-Claude Juncker avait ajouté après les élections :«Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités.» La Grèce ne pouvait que supporter le prix des fautes commises.

On a un peu oublié que tout au long de l’hiver 2010, Angela Merkel s’était déjà opposé à toute aide à la Grèce, même minime. Jusqu’à ce fameux week-end de mai 2010 où elle prit conscience que si elle n’aidait pas la Grèce, les banques françaises et allemandes se retrouveraient en grande difficulté. Celles-ci détenaient en effet une vingtaine de milliards d’euros de dette grecque et leur exposition au risque approchait la centaine de milliards ! Le système financier menaçait de s’effondrer. Les aides débloquées par les Etats européens et le FMI permirent de faire face à un vrai risque systémique en substituant les contribuables aux banques et aux investisseurs. Aujourd’hui, Angela Merkel fait logiquement l’analyse que ce risque systémique n’existe plus puisque les banques ne sont plus en première ligne. Mais elle sous-estime le risque politique qui, lui, s’est accru.

Aléxis Tsípras sait en effet que les prêts gigantesques de la zone euro à la Grèce sont une arme politique redoutable entre ses mains, la seule qu’il lui reste. Demain, s’il décidait de rompre sur le programme de réformes, et s’il était dans l’impossibilité de faire face aux échéances financières, dans quelle situation se retrouveraient les dirigeants européens ? Comment pourraient-ils expliquer à leurs électeurs et surtout à leurs contribuables qu’ils viennent de perdre plus de 300 milliards d’euros en l’espace de cinq ans (195 milliards au titre des prêts intergouvernementaux ; 27 milliards au titre des achats de dette souveraine par la BCE ; 91 milliards au titre de l’Eurosystème Target2 garanti par les Banques centrales nationales, donc par les Etats, un montant qui a doublé depuis trois mois), soit au total plus de vingt fois le montant des aides accordées à l’Argentine au début des années 2000 ? Et, comment expliquer qu’après cinq ans de réformes imposées par la troïka, ils laissent la Grèce avec un produit national en baisse de 25%, un taux de chômage de 26% (51% chez les jeunes), une dette qui a progressé de 120% à 175% du PIB et une pauvreté honteuse dans une zone euro pourtant censée faire converger les politiques (plus de 80% de la population au chômage sans indemnité) ?

Face à Aléxis Tsípras, Angela Merkel se retrouve dans la position de l’ambassadeur d’Union soviétique venu voir De Gaulle en pleine crise de Cuba. A l’ambassadeur qui le menaçait d’une guerre nucléaire si les Occidentaux ne renonçaient pas à leurs missiles, De Gaulle avait répondu : «Eh bien, Monsieur l’ambassadeur, nous mourrons ensemble !» Compte tenu de l’opinion publique allemande à l’égard de la Grèce, Angela Merkel pourrait jouer son avenir politique sur un défaut de paiement de la Grèce. Derrière la fermeté de la chancelière, il y a une grande fragilité que l’on se garde bien d’évoquer.

Pour surmonter ce dilemme – une crise démocratique grave en Grèce en faisant respecter les «règles» ou bien une crise politique grave au sein de la zone euro en provoquant le défaut de paiement – il existe une solution qu’un homme d’Etat de 89 ans vient d’évoquer : la «friendly exit». Prenant acte de l’impasse dans laquelle la troïka et la Grèce sont arrivées, Valéry Giscard d’Estaing a proposé d’organiser une sortie amicale de la Grèce de la zone euro. On peut en dessiner les contours : rétablissement de la drachme, conservation de l’euro pour les échanges extérieurs (cohabitation de deux monnaies comme ce fut le cas au sein de l’ensemble de la zone euro de 1999 à 2002), annulation partielle de la dette, maintien de la Grèce dans l’UE.

Aléxis Tsípras impressionne par sa capacité de résistance et sa force de caractère. Jusqu’où ira-t-il ? Dans Les chênes qu’on abat… De Gaulle confiait à Malraux : «Au fond, vous savez, mon seul rival international, c’est Tintin ! Nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands.» A la politique hégémonique des deux superpuissances, De Gaulle opposait la détermination, l’habileté, parfois la ruse. Face à des dirigeants pour le moins intransigeants et financièrement tout-puissants, Alexis Tsípras fera-t-il usage de qualités semblables ? Il rendrait un grand service à tous ces peuples qui, d’élection en élection, ne savent plus comment se faire entendre du côté de Bruxelles.

Jean-Michel Naulot, tribune dans Libération, 15/04/2015

 

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/le-defi-tsipras-par-jean-michel-naulot/