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Productrice de lait, je perds 300 euros/jour : Lactalis tient notre avenir entre ses mains, par Marie-Andrée Luherne

Wednesday 24 August 2016 at 01:25

Source : Le Nouvel Obs, Marie-Andrée Lutherne, 22-08-2016

LE PLUS. À partir de ce lundi 22 août, des syndicats d’agriculteurs appellent à occuper le siège du groupe Lactalis, à Laval. Ces derniers dénoncent la baisse des prix pratiquée par le leader du secteur, qui met en péril l’avenir des producteurs de lait français. Marie-Andrée Luherne, exploitante de 52 ans et secrétaire de la FDSEA dans le Morbihan, participe au mouvement. Elle témoigne.

Édité et parrainé par Rozenn Le Carboulec

Des agriculteurs devant le siège du groupe Lactalis, à Laval, le 22 août 2016 (R.GABALDA/AFP)

Des agriculteurs devant le siège du groupe Lactalis, à Laval, le 22 août 2016 (R.GABALDA/AFP)

Fille d’agriculteur, je produits du lait depuis 1983 prêt de Vannes, dans le Morbihan, et je participerai au blocage de Lactalis ce mardi toute la journée. Je ne pensais pas, en choisissant ce métier de passion il y a 30 ans, en arriver là où j’en suis aujourd’hui. Notre précarité – comme celle de milliers d’exploitants français – devient telle que ça ne peut plus durer.

Chaque jour, nous perdons 300 euros

Je travaille depuis plusieurs années en Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec), avec mon mari et deux de nos enfants. Exclusivement producteurs de lait, nous nous occupons d’une centaine de vaches et de 200 hectares de terrain pour l’alimentation des animaux. Et chaque jour, nous perdons de l’argent.

Nous livrons notre lait à Sodiaal, et non à Lactalis, mais nous subissons les mêmes effets de l’effondrement du marché. Nous sommes payés 27 centimes par litre de lait alors que son coût de production nous revient à 36 centimes. Résultat, nous savons qu’il nous manquera 300 euros en fin de journée pour rentrer dans nos frais. Je ne parle pas de bénéfices, mais simplement de notre chiffre d’affaires, pour nous permettre de payer les factures. Au total, ce sont 9.000 euros que nous perdons chaque mois.

Pour survivre, nous dépensons le moins possible, nous appelons moins le vétérinaire, nous étalons les prêts au maximum et décalons les factures, en espérant voir le bout du tunnel. C’est une gestion au jour le jour qui n’est pas tenable. C’est le monde à l’envers : nous payons pour travailler.

0,25 euros le litre de lait, un tarif suicidaire

Les prix ont commencé à baisser il y a un an et demi. L’hiver dernier, nous étions rémunérés 32 centimes par litre, ce qui restait insuffisant pour en vivre, mais tout de même un peu plus confortable. Depuis, les prix se sont écroulés.

Lactalis, lui, propose désormais 0,25 euros par litre de lait, c’est un véritable coup de massue pour toute la filière. Personne ne peut produire à ce tarif-là, c’est tout bonnement impossible.

Or Lactalis étant le leader sur le marché, nous craignons que les autres laiteries n’adoptent bientôt la même politique. Ce ne sera peut-être pas demain ni dans un mois, mais cette issue est une fatalité que nous ne pouvons envisager. C’est pourquoi le blocage du siège de l’industriel est non seulement symbolique, mais représente surtout un enjeu vital pour nous, producteurs.

Aujourd’hui, les entreprises nous donnent ce qu’elles veulent sans aucune négociation et sans prendre en compte notre prix de revient. Tout le monde n’est pas récompensé de la même manière pour la valeur de son travail.

Je travaille 60 heures par semaine

Nous avons l’impression que l’on nous mène la vie dure dans l’espoir que des agriculteurs mettent la clé sous la porte. C’est dur à vivre, dans la mesure où, dans notre situation, c’est toute la famille qui subit ces pressions et difficultés. Si l’exploitation tombe, nous perdons notre maison, notre terrain… C’est toute notre vie qui s’écroule.

Avec mon mari et nos enfants, nous nous soutenons mutuellement dans les tâches, et je travaille pourtant 60 heures par semaine. Je vous laisse imaginer la situation d’un agriculteur seul sur son exploitation…

Dans mon entourage, il y a beaucoup d’accidents et d’arrêts maladie, car les gens ont trop tiré sur la corde. Ils ne prennent pas de vacances ni de remplaçants, et doivent se séparer de leurs salariés quand ils ont la chance d’en avoir, faute de pouvoir les payer. Ici, il y a beaucoup de misère et de personnes en détresse. Quand on joue avec la vie des gens, ça lâche au bout d’un certain temps. C’est ça qui est révoltant.

L’État doit nous venir en aide

Mes enfants m’ont confié que, s’ils ne réussissaient pas à vivre de la production de lait, ils feront leur carrière ailleurs. Les entreprises ne regardent pas la réalité en face : un jour, elles n’auront plus de lait français, pourtant reconnu pour sa grande qualité car répondant à de nombreuses normes très strictes. Elles nous laissent mourir et s’en apercevront trop tard.

La concurrence avec nos voisins européens devient de plus en plus rude, dans la mesure où les règles sont différentes d’un pays à l’autre. Il est temps de les harmoniser.

Nous demandons à l’État de nous venir en aide pour mettre en place une revalorisation rapide des prix, qui tienne compte de nos coûts de production, et aux banques de jouer le jeu pour nous soutenir. Nous ne souhaitons pas faire fortune, sinon nous aurions fait un autre métier.

Les consommateurs peuvent nous aider

Mais à travers notre mobilisation, c’est également les acheteurs attachés aux petites exploitations familiales que nous voulons sensibiliser. Afin de permettre une consommation responsable, nous défendons la valorisation d’un étiquetage français, auquel Lactalis est opposé (ont-ils quelque chose à cacher ?).

Notre vocation est de nourrir la population avec du lait de qualité, et nous y sommes attachés. Mais encore faudrait-il pour cela que l’on soit en mesure de nourrir notre propre famille.

Source : Le Nouvel Obs, Marie-Andrée Lutherne, 22-08-2016

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Émouvante histoire, hélas commune.

Moi, il y a une chose que je ne comprends pas, depuis 20 ans (si des pros peuvent m’aider…) : mais pourquoi diable (à part à cause des intégristes de Bruxelles) ne pourrait-on pas imposer un prix minimum d’achat pour les agriculteurs (je ne parle pas que du lait, qui, je rappelle, n’est pas votre ami pour la vie, mais des principaux produits agricoles et d’élevage…), afin de s’assurer qu’ils puissent survivre ?

32 centimes de coût de revient pour le producteur, qui est pressuré par un client en monopsone pour vendre à 25 centimes, pour un produit vendu au final 86 centimes ! Le passage de 25 à 86 n’est pas forcément choquant, mais pourquoi diable ne pas partir de disons 35 centimes, quitte à arriver à 95 centimes – on n’en mourra pas, et cela relancera d’ailleurs la consommation des agriculteurs…

lait

Enfin bon, certains ont d’autres priorités :

valls-is

Mais bon, c’est vrai qu’il peut se le permettre après tout :
budget-2016

(pour ceux qui pensent qu’il n’y a que “3 %” de déficit…)

Source: http://www.les-crises.fr/productrice-de-lait-je-perds-300-eurosjour-lactalis-tient-notre-avenir-entre-ses-mains-par-marie-andree-luherne/


Miscellanées du Mercredi (Delamarche, Sapir, ScienceEtonnante)

Wednesday 24 August 2016 at 00:52

N.B. Bien entendu, il n’y aura pas UN article sur le “burkini” sur ce blog – c’est un site sérieux ici. Je laisse ça aux médias mainstream subventionnés.

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : “Draghi est un âne”, le “bullshit total” de la loi El Khomri : le best of de Delamarche

II. Jacques Sapir

La minute de Sapir: “La rentrée risque d’être plus agitée” – 23/08

Jacques Sapir VS Bruno Fine (1/2): Quelles leçons peut-on tirer de cette phase estivale ? – 23/08

Jacques Sapir VS Bruno Fine (2/2): Relèvement des taux directeurs: Les marchés hésitent en attendant la Fed – 23/08

III. ScienceEtonnante

Jeu de go et intelligence artificielle — À chaud ! #2

 


N.B. bon allez, une remarque au passage : vous imaginez ce que Daech va faire de cette “information” dans de propagande contre nous ? Mais il est vrai qu’on a de sérieuses références depuis mai 1940 et l’IndoChine pour mener des guerres… Fin du débat, qu’on n’ouvrira pas en commentaires, merci.

Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-scienceetonnante/


Du libéralisme au fascisme, le développement totalitaire de la civilisation, par Bernard Charbonneau

Tuesday 23 August 2016 at 02:45

Source : Le Partage, Bernard Charbonneau, 06-08-2016

drawing on paper by Laurie Lipton

drawing on paper by Laurie Lipton

Nous reproduisons ici un extrait de l’excellent livre “L’Etat” que Bernard Charbonneau acheva d’écrire en 1948. Il y décrit la plongée de la majeure partie de l’humanité, au fil des siècles et proportionnellement à la progression de l’Etat, dans un monde totalitaire. Nous considérons que la volonté de puissance donnant naissance à l’Etat s’inscrit dans le cadre plus vaste du processus de civilisation.

Voici le passage où nous sommes passés et où nous vivons encore : celui de la « Révolution du XXe siècle » ; celle qui nous fait pénétrer dans cet avenir que désigne si bien le qualificatif de totalitaire. J’emploie ce terme parce qu’il me paraît englober et préciser à la fois toutes les caractéristiques de ce grand changement. Je dis état totalitaire, et non état fasciste ou soviétique, parce que cet adjectif me paraît désigner l’essentiel : non des systèmes d’idées qui ne servent qu’à justifier après coup le fait accompli, mais le fait lui-même : à la fois l’esprit et la réalité sensible. Sur ce plan qui est celui où l’homme vit tous les jours, — dans la rue, dans la queue du guichet ou derrière les barbelés du camp — les régimes totalitaires sont identiques. Non pas malgré la violence, mais par la violence de leur lutte, car le combat qui se substitue à la volonté de justice ou de liberté pour porter dans tous les camps le même fruit.

Ce monde est totalitaire. Partout la même obsession de vaincre rassemble toutes les forces dans un pouvoir central servi par un parti, et cette centralisation sera partout mensongère, dissimulée par son contraire : un décor fédéraliste ou régional. Partout, se justifiant d’un bien absolu, et par l’ennemi intérieur et extérieur, une agressivité à base de peur mène la guerre à tout ce qui prétend exister par soi-même : à l’individu, au groupe, aux peuples voisins. Servie par une technique concentrée et proliférante, une volonté qui s’étend avec elle à tout, et qui elle aussi ne connaît d’autres bornes que celles des possibilités pratiques. Partout le chef et le parti, l’insigne et le slogan, la bureaucratie et la masse, la propagande. Partout les mythes qui exaltent une civilisation mécanisée : la Production, le Travail. Et ceux par lesquels l’homme se dissimule le prix qu’il doit la payer : le héros, l’aventure. Partout la même civilisation, — jusque dans le moindre détail, car il s’agit d’une identité concrète […] — jusqu’à la même cravate sombre sur la même chemise blanche. Le regard peut saisir du premier coup d’œil tout ce que ces régimes ont d’identique, mais ce qu’ils ont de différent échappe aux yeux : à peine une inflexion du bras, une idée … Si les doctrines, et les troupes, s’opposent, l’image de l’avenir, — cette vie que tous distinguent dans leurs rêves et que les propagandes s’efforcent de fixer —, est bien partout la même. Le même autostrade asphalté court à travers les mêmes jardins, sous les mêmes ciels nuageux les mêmes barrages se dressent ; la même fille blonde aux dents intactes et aux yeux vides.

Il est vrai que les partisans de ces divers régimes ont un bon moyen pour nier l’identité qui les confond. Lorsque vous leur montrez la similitude des mots d’ordre, ils invoquent la disparité des faits (par exemple, selon les communistes, les hitlériens peuvent user de slogans socialistes — en fait, par leur clientèle, ils ne sont pas socialistes). Mais si vous signalez l’identité des faits (par exemples, la police politique en Russie soviétique et dans le IIIème Reich), ils invoqueront alors la disparité des fins que ces mêmes moyens servent. Ils peuvent ainsi échapper indéfiniment.

Ce qui distingue au départ les différents régimes totalitaires est secondaire par rapport à ce qui les rend de plus en plus semblables, — mais nous ne songeons même pas à comparer, car ce qui les rend semblables, c’est ce que nous ne discutons même plus.

Non seulement les régimes fascistes et stalinien rentrent dans cette description, mais aussi les démocraties plus ou moins engagées dans la voie totalitaire ; elles dessinent toute une variété d’ébauches plus ou moins perfectionnées dont le régime hitlérien donne une image achevée. Pourquoi parler d’hitlérisme ou de communisme, ou peut-être même de travaillisme ? La perversion totalitaire n’est pas dans tel de nos ennemis, mais dans le monde où nous vivons. Il ne s’agit pas d’un concept politique propre à telle fraction de l’humanité moderne, mais d’un mal déterminé par des structures économiques et sociales qui lui sont communes, qui l’infectent à un niveau si profond que ses membres en sont à peine conscients : les responsables des tyrannies totalitaires sont des dupes plus que des criminels. Aussi nulle société actuelle ne peut se prétendre intacte, les Français en particulier se font des illusions lorsqu’ils affirment qu’un tel régime ne pourra jamais s’établir dans leur pays. Le totalitarisme n’est pas un concept, mais une infection qui pullulera aussi bien sur le conservatisme de droite que sur la révolution de gauche ; seulement, sur le premier terrain elle produira des formes fascistes et sur le second des formes communistes. La maladie est la même, bien que les cas soient différents. La politisation totalitaire sera brutale et fanatique chez des peuples vigoureux comme en Allemagne et en Russie, à la fois cocardière et corrompue dans de vieux pays comme l’Italie et la France modérée, mais stricte dans des sociétés moralisées comme l’Angleterre. Ce mal n’est pas un abcès affectant tel point de l’espace, mais l’infection généralisée de cet organisme de plus en plus solidaire qui a nom espèce humaine. Aussi, elle nous apparaît comme se manifestant parallèlement partout à la fois. En réalité elle est une ; comme est un notre monde et l’effort qui le dominera en bloc. […]

polie

Fascismes et communisme semblent surgir dans une convulsion qui déchire l’ancien ordre social ; par le sang répandu, l’éclat des principes et des héros, ils se placent d’emblée sur le plan de la tragédie, et ils s’y placent volontairement, car ils vivent des passions. Il n’y a donc pas à s’étonner si les partisans et les adversaires des mouvements totalitaires les considèrent avant tout comme une rupture avec le passé : une révolution, qu’elle soit odieuse ou libératrice. En douter serait aujourd’hui pour la plupart des hommes douter du sens même de la vie, car leur vie n’a de sens que par ce drame. Le piège du mai sera toujours double : avant, de nous apparaître comme une perversion étrangère à notre entendement, après, de s’imposer à nous comme la plus normale des choses. La tentation de l’esprit en face de la menace totalitaire ? qu’elle nous semble trop loin (en 1913 ou en 1928, peut-être même en 1948), car il n’y a rien d’aussi rare que l’imagination du réel… avant d’être si près (en 1940 ou en 1945 par exemple) qu’elle semble aller de soi. Si le mal familier d’hier nous avait paru moins normal, peut-être que la monstruosité d’aujourd’hui nous paraîtrait moins familière.

Au contraire, je crois pouvoir affirmer ici qu’il n’y a pas de discontinuité entre l’ère libérale et celle des tyrannies. Un mouvement aussi spontané et aussi général n’a pas surgi ex-nihilo des temps qui l’ont précédé. Le seul fait qu’ils se soient succédés prouve que le monde libéral a été le terrain sur lequel s’est développé le mouvement totalitaire ; le XXe siècle est l’héritier du XIXe. Ce qui aurait dû surprendre, ce n’est pas la conclusion inéluctable, mais l’incapacité des hommes à voir le sens de leur présent.

La contrainte totalitaire s’est développée à l’intérieur même de la société libérale. Certes, ce ne fut pas sur le plan des principes, mais sur celui des techniques et des mythes qui constituent la vie de tous les jours du commun des mortels. D’une part dans les moyens : l’administration, l’armée, la machine, le style de vie et les formes sociales qu’ils conditionnent. De l’autre dans les réactions anarchiques qu’ils provoquent chez un être humain travaillé par ces forces qu’il ne sait pas maîtriser : une mentalité collective qui, comme ces techniques, dépasse infiniment les limites d’une classe parce qu’elle est l’expression d’une réaction humaine à des conditions communes à presque toutes les classes. Le plus directement saisissable de la vie et de l’esprit de la civilisation moderne : voilà ce commun dénominateur que révèle brusquement la « révolution » totalitaire.

Elle n’a qu’une origine : sous le régime des droits de l’homme la civilisation de la masse, de la machine et de l’Etat. Analyser les causes, et souvent les formes, du régime totalitaire reviendrait à la décrire ; il ne saurait être question d’aller jusqu’au bout de cette analyse, car il ne s’agit pas de définir quelques principes, mais de peindre l’infini des travaux et des jours d’une vie : la nôtre.

Pourquoi les principes de liberté les plus purs ont-ils abouti aux tyrannies les plus complètes de l’histoire ? Parce que la liberté des libéraux n’a pas été l’esprit vivant qui aurait pu former le monde moderne, mais la formule qui a servi à exorciser la seule force qui pouvait s’imposer à lui. Réduisant la liberté à la liberté de pensée, le libéralisme a déchaîné à travers l’idolâtrie du bonheur individuel une passion de l’utile et de la puissance collective qui elle a vraiment façonné le monde actuel.

Cette liberté n’était pas une vérité sacrée ; elle n’était pas le devoir que l’homme doit accomplir contre le monde et contre lui-même, le plus terrible de tous : le choix dans la solitude, mais une commodité que pouvait garantir la loi : l’esprit critique, la liberté… de pensée. Ce que l’individu libéral appelait liberté, ce n’était plus une passion conquérante s’exprimant par l’action, mais une délectation passive, purement intérieure, que la contrainte de l’Etat lui paraissait devoir protéger des heurts avec le monde extérieur. Alors, la liberté a cessé d’être le commandement qui s’impose aux conditions par les personnes ; à travers les hommes elle a cessé de former la réalité à son image. Comme toute pensée qui dégénère, la liberté des libéraux est devenue un idéalisme. Définissant la liberté de l’individu en dehors de toute condition concrète, sauf l’unité — et à ce compte il y aura toujours des individus libres —, le libéralisme la laisse écraser par les conditions — non seulement par les conditions économiques, mais par toutes les autres. Par cette somme de toutes les déterminations qui a nom Etat moderne.

Le réalisme de la tyrannie totalitaire est la conclusion nécessaire de l’idéalisme libéral. Si la liberté n’est pas une vérité sacrée et si elle ne commande pas au réel, tout est permis : dans leur inexistence tous les principes se valent et ils n’ont rien à voir avec l’action qui est du seul domaine des techniques. Et voici opposés la valeur à la réalité, l’esprit à la pratique ; et voici commencée cette querelle du « dégagement » et de « l’engagement » caractéristique d’une société fascistisée qui a complètement oublié que penser c’est vivre et qu’adorer c’est obéir. La liberté des libéraux annonce le nihilisme spirituel et justifie le fanatisme pratique des régimes totalitaires.

« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Mais si rien en ce bas-monde n’est à Dieu, au nom de quoi rejeter les prétentions de César ? Au nom de quoi imposer des bornes aux évidences de l’organisation matérielle ? Pourquoi n’ordonnerait-elle pas la vie et la mort elles-mêmes ? Le droit pour les parents d’élever leurs enfants selon leur vérité, le droit pour l’individu de choisir son métier et de vivre dans le pays qu’il a élu, ne peuvent être que par la foi dans une orthodoxie qui attribue aux personnes une valeur suprême : l’avance de l’Etat mesure exactement le recul de cette foi. La vérité ne fixe pas seulement une direction à l’Etat, elle lui fixe les limites de son domaine. Car son émancipation et son expansion totale ne sont que les deux aspects d’un même phénomène. Si une civilisation n’a pas de principe vécu, rien ne peut y arrêter la prolifération de l’Etat. En opposant la liberté à la Vérité et en la chassant du monde, le XIXe siècle n’a délivré l’individu de l’autorité des Eglises que pour le livrer à la pire des tyrannies : à celle de la force qui n’a pas d’autres normes qu’elle-même ; au poids de la nécessité.

Le même rapport direct unit l’individualisme libéral aux disciplines massives de l’Etat totalitaire. De même que le libéralisme oppose — exactement comme l’Etat totalitaire — l’esprit à la réalité et la liberté à la vérité, il oppose exactement comme l’Etat totalitaire — l’individu à la société ; et il les détruit ainsi pour deux. Comme l’individu libéral n’a rien en propre, il n’existe qu’en s’opposant aux autres : par ses intérêts, par sa critique individuelle. Il n’a pas assez d’existence personnelle pour s’élever sans disparaitre jusqu’à un intérêt et une vérité communes ; dans cette situation l’individu ne peut être que ce qui détruit l’ordre et l’ordre ce qui détruit l’individu. Lorsque la société individualiste n’est pas un pur concept, elle n’est qu’un pandémonium d’opinions et d’appétits individuels. Un tel désordre est évidemment impossible ; d’autant plus que si l’individu libéral est déjà isolé, le vieil être social subsiste suffisamment en lui pour lui rendre cet isolement pesant. Alors le désir de l’ordre dans la rue s’ajoute à la nostalgie d’une communauté pour pousser au rétablissement d’une discipline sociale.

Or l’individu ne peut plus la concevoir qu’en termes de contraintes politiques. Tout en vivant de ce qui en subsiste, le libéralisme discrédite et détruit la société spontanée ; et il n’a rien fait pour former dans l’individu la personne capable d’élever sa liberté au rang de principe social : celui-ci n’est pas plus capable de concevoir que d’exercer une loi qui naisse directement de lui-même. Cette masse d’atomes isolés appelle d’implacables disciplines d’Etat […] ; quant à l’individu moyen prêt à céder à tout ce qui menace son confort individuel, il est l’élément indispensable aux entreprises les plus abstraites de la dictature. Si le désordre individualiste appelle l’Etat totalitaire, l’Etat totalitaire suppose l’individu.

La liberté individuelle a-t-elle été vraiment le principe de la société libérale ? A voir les faits on pourrait se demander si cette affirmation formelle de l’autonomie individuelle n’a pas eu pour fonction de justifier auprès des hommes une évolution qui tendait à la détruire.

Le libéralisme a cru que le progrès de la liberté était lié à la volonté d’un bonheur qu’il ramenait à l’amélioration des conditions matérielles par le progrès technique. Mais un bonheur réduit au bien-être n’est pas une force de liberté ; le luxe a corrompu l’aristocratie des républiques antiques, le confort autant que la misère risque de corrompre les masses de la démocratie moderne. Le souci exclusif de leur bien-être enferme les individus dans un égoïsme qui livre les affaires publiques à une minorité d’ambitieux. L’obsession des intérêts matériels, voici la perte de la démocratie et l’état d’esprit que cultive la dictature. Le culte bourgeois du confort et de l’argent a préparé les masses à accepter l’Etat totalitaire.

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La liberté est en contradiction avec le bonheur. La liberté authentique n’est pas satisfaction, mais risque, effort et non jouissance ; à l’extrême elle est l’angoisse de celui qui tient entre ses mains son salut et sa perte : la moins confortable des situations. Celui qui veut avant tout le bonheur doit sacrifier avant tout sa liberté, car la servitude le décharge du plus lourd des fardeaux : sa responsabilité ; — le conformisme est la première condition du confort. Le libéralisme répète à l’individu qu’être libre, c’est être heureux ; comme toute servitude apporte un semblant de paix, il finira par croire qu’être serf c’est être libre.

Si la liberté est parfois favorable à une amélioration du standard de vie, par contre elle est en contradiction absolue avec une condition fondamentale du bonheur : la sécurité. C’est cette notion mortelle à la liberté qui va envahir la démocratie moderne et justifier l’Etat. Car si la civilisation libérale a amélioré les conditions d’existence, malgré la multiplication des assurances elle n’a pas apporté la sécurité. L’individu moderne vit sous la menace constante d’être dépouillé par les crises ou les guerres. Mais peut- être plus que l’insécurité matérielle, l’insécurité morale le ronge ; malgré le mur que construisent devant l’homme des divertissements toujours plus perfectionnés, le libéralisme le laisse devant l’angoisse fondamentale de la liberté sans le préparer à l’assumer. Aussi la volonté d’être heureux mène les individus à rechercher, autant que la contrainte qui les dispensera du choix, l’orthodoxie qui les déchargera de penser. Assoiffé d’explications finales autant que de disciplines, l’individu libéral est prêt à accepter le régime qui se donnera pour but de sacrifier toute sa liberté à tout son bonheur.

Pour être total le bonheur ne doit pas se réduire à une simple amélioration du confort individuel, il doit devenir un mythe qui synthétise l’égoïsme et la peur de la solitude. Il n’est plus dans des satisfactions objectives qui laisseraient planer au-dessus d’elles la menace de l’inquiétude, il est dans l’action : dans le perpétuel développement des conditions collectives. En attendant un bien-être qu’il situe dans l’avenir, l’individu trouve son équilibre dans l’accomplissement de sa tâche à l’intérieur du corps social ; il sert, et la société l’honore et le paye parce qu’il sert. La morale, et plus spécialement la morale professionnelle façonne à l’intérieur des sociétés capitalistes le rouage des régimes totalitaires : l’homme défini par sa fonction.

Autant que le bonheur individuel l’utilité collective est le principe des sociétés libérales. Mais entre la liberté et l’utile la contradiction est cette fois absolue : la liberté ne sert pas, elle est libre. Une liberté subordonnée peut aider à une amélioration du rendement, elle dépendra avant tout du plan et de l’obéissance au plan ; du point de vue de l’efficacité la liberté ne peut être qu’une source de trouble, une perte d’énergie. En définissant le progrès par le développement matériel la société bourgeoise a préparé l’humanité à admettre la contrainte totalitaire. Le capitalisme libéral a entreprit, dans le domaine économique et social, une immense mobilisation des énergies dont les « plans » totalitaires ne sont que l’aboutissement politique : trop souvent, ce que nous prenons pour l’esprit de liberté, c’est le refus de mobiliser prématurément au nom d’une orthodoxie politique ce qui le sera plus tard au nom du rendement.

C’est dans l’économie libérale que s’est élaboré le plus efficacement le monde totalitaire. Dès le début du XIXe siècle, la centralisation politique s’est renforcée d’une organisation économique qui tendait à concentrer la puissance en un seul point d’où dépendait tout le reste. Ainsi s’est formée une humanité habituée à subir, et à subir sans comprendre, pour laquelle le mot de liberté s’est vidé progressivement de tout contenu. Si nous considérons la tendance de la technique actuelle à réserver la connaissance à une minorité de spécialistes comme elle réserve la puissance à quelques patrons ou directeurs, sa tendance à s’étendre méthodiquement à tout, sans autre principe que celui de l’efficacité pratique, alors nous pouvons bien affirmer qu’en dehors de toute volonté politique consciente le monde libéral tendait bien à devenir un monde totalitaire, où la démocratie sociale devenait aussi absurde que la démocratie politique.

La démocratie tend au partage de la vérité et de la puissance entre tous les citoyens, la technique tend au monopole de la vérité autant qu’à celui du pouvoir. Nous payons chaque perfectionnement d’une complication et d’une contrainte, — le tout est de savoir si ce perfectionnement vaut ce prix. Comme le rouage s’ajoute au rouage, l’explication s’ajoute à l’explication, et dans la mesure où l’organisation englobe de nouveaux domaines, elle multiplie les interférences. Ainsi, le sens commun à tous les hommes ne suffit plus, l’individu ne peut plus réaliser la condition de base de toute démocratie : une connaissance élémentaire de ses intérêts matériels, car ceux- ci dépendent d’une foule d’éléments qu’il ne peut plus atteindre directement. Pour juger sérieusement de son salaire, il lui faut désormais connaitre le mécanisme de la monnaie, le système fiscal, l’économie française et sa situation dans l’économie européenne : une culture politique et juridique du niveau de la licence en droit. Dans ces conditions le citoyen ordinaire n’essaye même plus de comprendre, il se jette sur l’explication qui lui prépare la propagande ; atrophiant son aptitude à s’expliquer, la complexité du monde actuel le livre au simplisme du slogan. Plus les techniques deviennent hermétiques et rigoureuses, plus leur vulgarisation devient vulgaire : l’image ou l’incantation qui s’adresse aux nerfs de la foule compense la formule mathématique qui s’adresse à l’intellect du technicien.

Submergé par la multiplicité des faits où l’économie complique la politique et la politique l’économie, l’individu se détourne d’un pouvoir qui n’a plus de sens pour lui ; sa condition étant d’être dépassé, sa réaction est de s’abandonner. Dans la nation, dans l’armée, dans le parti, et dans un syndicalisme bureaucratisé, il n’est plus qu’un rouage habitué à subir l’impulsion d’un état-major d’administrateurs. Le sens commun, — et son représentant le Parlement — n’a plus d’autorité ; dans une société technicisée, ce sont les bureaux qui gouvernent. Le Parlement n’est que le mensonge (poussé à l’extrême dans le cas des Parlements hitlérien et soviétique) qui permet aux hommes d’esquiver le problème posé par la fin du bon sens.

Partout où pénètre la technique recule la liberté, car à la différence de la pensée libérale, ses vérités sont sans appel et leur exécution automatique. La technique comme la loi impose à tous la même discipline, et partout où elle s’établit, s’établit la loi qui peut seule rendre ses applications possibles : la discipline totalitaire dans ce qu’elle a d’apparemment légitime ne fait qu’exprimer en clair la discipline industrielle. Ainsi sous le couvert du libéralisme, l’évolution économique réalise dans la vie quotidienne des individus la condition fondamentale du régime totalitaire : la démission de l’homme, qu’il s’agisse de l’indifférence atone du plus grand nombre à des déterminations qui les dépassent, ou de la participation frénétique de quelques-uns.

La civilisation libérale réalise le fondement social de tout régime totalitaire : la masse prolétarisée. L’ère libérale glorifie l’individu ; mais l’individu moderne n’est seul que dans l’isoloir, partout ailleurs : au régiment, à l’usine et dans la ville, il est pris dans la masse comme une goutte d’eau dans la mer. La concentration industrielle accumule les multitudes et le pouvoir niveleur de la technique façonne l’élément de la masse indifférenciée : l’individu, que rien ne distingue de l’individu, ni une forme, ni une pensée, ni un pouvoir propres. La société libérale a reconnu aux individus leur droit au vote, mais n’a pas reconnu leur droit à l’existence. Par le capitalisme elle a dépossédé la plupart des hommes de la propriété de leurs outils, par la guerre elle les a dépossédés de leurs corps, par la presse et la propagande de leur esprit même. Qu’il porte le bleu de l’ouvrier ou le veston râpé du retraité, l’individu moderne est un être auquel rien n’appartient personnellement, pas plus la terre que la vérité. Il n’y a plus d’hommes, mais ce poids inerte qui croule soudain : les masses des villes, les masses de la guerre, en attendant les masses des manifestations totalitaires. Force aveugle, la masse fonce dans l’histoire, — mais elle ne dévalera jamais que plus bas.

Que la prolétarisation des classes moyennes aboutisse au fascisme, et celle de la classe ouvrière au communisme, le même désespoir engendre la même démence : l’impuissance individuelle mène au culte de la puissance collective. Quand l’individu se tourne vers lui-même, il ne trouve qu’incertitude, vide et débilité ; mais quand il considère le monde qui le domine il voit triompher la force. Tout le dissuade de chercher l’autorité autant que le pouvoir en lui-même pour le tourner vers la puissance collective. Tandis que se dressent toujours plus haut des buildings, dans la fissure de la rue passe l’individu, perdu dans la foule, mais suivi par les contraintes de l’argent et de la loi comme par son ombre ; et sur lui s’effondrent guerres et révolutions qu’il ne peut que suivre. Alors, écrasé, il compense ses complexes d’infériorité individuelle par ses complexes de supériorité collective : celle de sa nation, de son parti ou de sa classe. La révolte de l’individu alimente ainsi les forces qui l’anéantissent.

C’est enfin, comme nous n’avons pas cessé de le voir, le développement de l’Etat qui a conduit à l’Etat totalitaire ; il ne fait que conclure une évolution qui tendait à substituer partout la loi à la nature et à l’initiative individuelle. Les démocraties modernes ont prétendu libérer l’individu de l’arbitraire du Prince ; mais à leur insu une force irrésistible les poussait à étendre le champ de son activité. La nature est imparfaite, et bien plus encore l’homme ; tandis que l’initiative individuelle, au prix des plus grands efforts, n’aboutit qu’à des résultats fragmentaires qui choquent l’esprit d’efficacité autant que la raison, la loi, du premier coup, obtient un résultat universel. […] Les médecins exigeront de l’Etat qu’il impose l’hygiène et les moralistes la vertu ; avec chaque catégorie sociale chaque règne apportera sa pierre à l’édifice, au hasard de ses préjugés. […] La loi ne se contente plus de sanctionner quelques crimes, c’est la masse des individus qu’elle contraint au bien dans leurs actes les plus quotidiens. La contrainte proliférante de la loi détruit la démocratie de l’intérieur, apportant le Bien aux hommes tout en atrophiant leur faculté à le faire. Et quelle perfection vaudrait de lui sacrifier la capacité de poursuivre ?

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Les facilités de la loi font oublier que, quelle que soit son origine, elle est en contradiction avec la liberté : son principe est l’obligation. Ce qu’elle définit, il est désormais interdit à l’homme de l’inventer ; ce qu’elle ordonne, il lui est interdit de le choisir. Peu à peu l’individu perd le sens de l’initiative et prend l’habitude d’attendre l’impulsion de la loi. S’il lui reste quelque esprit d’indépendance, il le dépense à critiquer l’inertie des pouvoirs publics. Veut-il ouvrir une école, fonder un orchestre, il demandera la subvention et l’autorisation de l’Etat ; — d’ailleurs comment pourrait-il faire autrement ? S’il n’y avait pas d’Etat, il n’y aurait, semble-t-il, ni travaux publics ni charité. L’action sur et par l’Etat résume en elle toutes les formes de l’action, la liberté de voter pour les partis toutes les libertés concrètes.

L’individu moderne perd le sens de l’être ; il ne s’intéresse plus au sujet, mais à l’objet. L’Etat lui paraît le moyen d’obtenir aux moindres frais ce résultat objectif- Pourquoi alors ne pas étendre à tout cette méthode ? Si par aliénation nous entendons le fait d’être à la fois dépossède et possédé. — d’abdiquer sa vie entre les mains d’un autre qui vous la vole pour l’en recevoir —, alors l’histoire actuelle n’est qu’un irrésistible processus d’aliénation où l’individu moderne transfère sa pensée et son action à l’Etat. A la fin seuls existent les Sports, les Beaux-Arts, la Propagande ; l’être humain n’est plus qu’une survivance encombrante dans l’énorme appareil dont il fut le prétexte. L’Etat totalitaire n’est pas autre chose qu’une concrétisation de la démission totale de l’homme.

Le sens de la vie individuelle étant défini par des conditions extérieures, et l’individu existant de moins en moins par lui-même, les tâches de l’Etat s’avèrent illimitées. Le Bien s’identifiant à l’utile et à la puissance, l’intensité de la vie se confond avec celle de la bataille politique : l’Etat succède à l’homme. A l’origine du régime totalitaire toutes les formes de la politisation, et surtout le fait que les individus ne s’interrogent même plus sur les problèmes qu’elle pose. […]

Cette liberté qui n’est plus dans le geste quotidien ne vit plus dans l’esprit quotidien ; elle peut survivre quelque temps dans le vocabulaire, elle n’est plus la puissance affective qui commande les mouvements des masses. Derrière la phraséologie libérale se forme spontanément une mentalité collective que l’on pourrait appeler pré-fasciste ou mieux pré-totalitaire, qui détruit la liberté de l’intérieur pour n’en laisser que des concepts vides.

Cet état d’esprit, comme la réalité qu’il traduit, n’est pas dans les articles des constitutions, mais dans la vie : dans la rue ou au comptoir ; il ne se manifeste pas dans les gros livres, mais dans les lieux communs des conversations banales. Celui qui veut la saisir l’atteindra dans la presse non-politique et dans le cinéma des pays sans propagande : dans Gringoire plutôt que dans Nietzsche et dans Ce Soir plutôt que dans Karl Marx. Toujours le plus bas possible, — encore mieux dans l’image que dans le texte. Cette mentalité n’exprime pas telle tendance, mais le monde actuel dans son ensemble. Ce n’est pas telle vague qui forme le rocher, mais l’usure de la mer ; ce n’est pas tel journal qui forme la mentalité pré-totalitaire, mais le journal, — et plus tard ce ne sera pas telle propagande, mais la Propagande qui pourra l’exploiter. Cette mentalité n’est pas celle de tel individu, elle appartient à une société : l’homme intelligent y succombera aussi bien que l’imbécile, seulement ce sera pour s’être jugé au-dessus d’elle, car ses constructions systématiques ne feront qu’organiser les lieux communs enracinés dans son subconscient. Et elle n’est pas le propre de tel parti ou de telle classe sociale ; mentalité moyenne, elle se réalise le plus parfaitement dans les classes moyennes. Cependant l’ouvrier de chez Renault et l’employé de banque, parce qu’ils vont voir les mêmes films, subiront l’empreinte des mêmes images. Ainsi en plein triomphe du libéralisme, débordant largement les limites du fascisme conscient, s’est constituée une mythologie pré-fasciste qui a été la base psychologique du fascisme dans les masses.

Bernard Charbonneau

Source : Le Partage, Bernard Charbonneau, 06-08-2016

Source: http://www.les-crises.fr/du-liberalisme-au-fascisme-le-developpement-totalitaire-de-la-civilisation-par-bernard-charbonneau/


Comment le scandale des emails d’Hillary Clinton a pris racine, par Robert O’Harrow Jr.

Tuesday 23 August 2016 at 02:15

23Source : The Washington Post, le 27/03/2016

Hillary Clinton, qui à l'époque était sélectionnée pour être secrétaire d'État, regarde son BlackBerry dans un ascenseur du Capitole des États-Unis au District en janvier 2009. (Chip Somodevilla/Getty Images)

Hillary Clinton, qui à l’époque était sélectionnée pour être secrétaire d’État, regarde son BlackBerry dans un ascenseur du Capitole des États-Unis au District en janvier 2009. (Chip Somodevilla/Getty Images)

Les problèmes d’emails d’Hillary Clinton remontent à ses premiers jours en tant que secrétaire d’État. Elle insista pour utiliser son BlackBerry personnel pour l’ensemble de ses communications par emails, mais elle n’était pas autorisée à apporter l’appareil dans ses bureaux du septième étage, un espace sécurisé connu comme le Mahogany Row (le passage acajou).

Pour Clinton, c’était contrariant. En tant que poids lourd de la politique et chef du corps diplomatique de la nation, elle avait besoin de gérer un déluge d’emails pour rester connectée à ses collègues, amis et soutiens. Elle détestait avoir à mettre son BlackBerry dans un coffre avant d’entrer dans son propre bureau.

Ses assistants et de hauts fonctionnaires ont fait pression pour trouver un moyen de lui permettre d’utiliser son appareil dans la zone sécurisée. Mais leurs efforts ont perturbé le bureau de la sécurité diplomatique, inquiet que des services de renseignements étrangers puissent pirater son BlackBerry et le transformer en instrument d’écoute.

Le 17 février 2009, moins d’un mois après sa titularisation, les ennuis ont commencé. Le département de la sécurité, les spécialistes en technologie et renseignement, ainsi que cinq représentants de l’Agence de sécurité nationale, se sont réunis dans une salle de conférence du Mahogany Row. Ils expliquèrent les risques à Cheryl Mills, la chef de cabinet de Clinton, en cherchant des « options de compromis » qui pourraient s’accorder aux souhaits de Clinton.

« Le problème est de l’ordre du confort personnel, » écrivit après coup l’un des participants à cette réunion, Donald Reid, le coordinateur principal du département pour la sécurité, dans un email qui décrivait le cercle intime des conseillers de Clinton comme des « accros (au BlackBerry) ».

Clinton utilisait son BlackBerry pendant que le groupe tentait toujours de trouver une solution. Mais il existait une autre vulnérabilité dans les communications encore inconnue du personnel du service technologie et sécurité diplomatique : le BlackBerry de Clinton était relié à un serveur email privé dans le sous-sol de sa maison familiale, à environ 400 kilomètres au nord de Chappaqua, dans l’État de New York, comme l’ont montré les documents et interviews.

Les officiels n’ont rien fait pour protéger le serveur contre les intrusions et les espions, car ils semblaient ne pas être au courant.

Le département d’État a publié 52 000 pages d’emails d’Hillary Clinton dans le cadre d’un processus ordonné par le tribunal. Voici ce que nous avons appris des emails rendus publics. (Monica Akhtar/The Washington Post)

La faille du serveur de Clinton est une des questions clés sans réponse au cœur du scandale qui a sapé sa campagne à la nomination au sein du Parti démocrate pour les présidentielles.

Depuis que l’existence du compte email privé de Clinton a été révélée il y a un an dans un reportage du New York Times – suivi d’un reportage de l’Associated Press révélant l’existence du serveur – le sujet a été une source intarissable pour les journaux télévisés. Des groupes privés ont lancé des poursuites sur le fondement du Freedom of Information Act (Loi sur l’accès à l’information). Des comités de députés et les bureaux de l’Inspection générale au sein du département d’État et du monde du renseignement ont entrepris des enquêtes, qui ont transmis l’affaire au FBI en juillet à « des fins de contre-renseignement » après avoir établi que le serveur transmettait des données classifiées.

Le FBI essaie maintenant de déterminer si un crime a été commis dans la possession des données classifiées. Il recherche également si le serveur a été piraté.

Des dizaines d’agents du FBI ont été déployés pour remonter les pistes, selon un élu briefé par le directeur du FBI James B. Comey. Le FBI a accéléré l’enquête, car les autorités veulent éviter la possibilité qu’une action soit annoncée à une date trop proche des élections.

Le Washington Post a analysé des centaines de documents et interviewé plus d’une dizaine de représentants bien informés du gouvernement pour comprendre les décisions et les implications des actes de Clinton. Le scandale qui en a résulté tourne autour des questions d’informations classifiées, de la protection des documents du gouvernement et de la sécurité de ses communications par email.

Dès les premiers jours, les documents et interviews ont montré que les assistants et hauts responsables de Clinton redoublaient d’efforts pour répondre au souhait de Clinton d’utiliser son compte email privé.

Durant tout ce temps, les documents et interviews ont montré qu’ils n’ont pas prêté suffisamment attention aux lois et réglementations régentant les données classifiées et la préservation des documents gouvernementaux. Ils ont également négligé les alertes répétées concernant la sécurité du BlackBerry, alors que Clinton et ses assistants les plus proches prenaient d’évidents risques en utilisant le serveur de la cave.

Les hauts responsables qui aidèrent Clinton dans sa demande au sujet de son BlackBerry ont affirmé qu’ils ne connaissaient pas les détails du serveur au sous-sol, selon le département d’État, bien qu’ils aient reçu des emails de son compte privé. Un email écrit par un haut responsable mentionne le serveur.

Le scandale a opposé ceux qui disent que Clinton cherchait innocemment à trouver le moyen le plus facile de communiquer et ceux qui disent qu’elle se plaçait au-dessus des lois dans une volonté de contrôler ses échanges. Elle et son équipe de campagne ont été accusées d’être peu compréhensibles avec des déclarations contradictoires et changeantes qui minimisaient les conséquences de ses actes.

Clinton, 68 ans, a refusé d’être interviewée. Elle a dit à plusieurs reprises que son usage du serveur privé n’avait que peu d’importance et qu’il n’y avait aucune preuve d’intrusion.

Lors d’une conférence de presse en mars dernier, elle dit : “J’avais opté dans un esprit pratique pour l’usage de mon compte email personnel, ce qui était autorisé par le département d’État, parce que je pensais qu’il serait plus simple de ne transporter qu’un appareil pour mon travail et pour mes emails personnels plutôt que deux.”

Durant un débat du Parti démocrate le 9 mars, elle reconnut son erreur de jugement mais maintint qu’elle était autorisée à utiliser son propre serveur : “Ce n’était pas le meilleur choix. J’ai fait une erreur. Ce n’était pas défendu. Ce n’était en aucune façon interdit.”

Le déroulement de l’histoire du serveur du sous-sol de Clinton a indigné les défenseurs de la transparence gouvernementale et consterné aussi bien ses soutiens politiques que ses adversaires. Le juge Emmet G. Sullivan de la Cour du district de Washington D.C., qui préside une des poursuites du FOIA (Freedom of Information Act), a exprimé sa perplexité au sujet de l’affaire. Il fait remarquer que Clinton met le département d’État dans une position où il doit lui demander de lui retourner des milliers de documents gouvernementaux – ses emails.

“Est-ce que j’ai manqué quelque chose ?” demandait Sullivan durant une audience le 23 février. “Comment cela est-il même possible ?”

Hillary Clinton se préparait à utiliser son serveur personnel après que le président Obama l’a choisi comme sa secrétaire d’État en novembre 2008. Le système était déjà installé. Il avait été mis en place pour l’ancien président Bill Clinton, qui l’utilisait pour son usage personnel et pour la fondation Clinton.

Le 13 janvier 2009, un assistant de longue date de Bill Clinton a enregistré l’adresse email pour Hillary Clinton, clintonemail.com, ce qui lui permettrait d’envoyer et de recevoir des emails via le serveur.

Huit jours plus tard, elle prête serment en tant que secrétaire d’État. Parmi l’ensemble des défis auxquels elle a fait face, il y avait celui d’intégrer les emails dans les habitudes du département d’État. Parce que Clinton n’utilisait pas d’ordinateur de bureau, elle faisait usage de son BlackBerry personnel, qu’elle avait commencé à utiliser trois ans plus tôt.

Durant des années, des employés du gouvernement avaient utilisé des comptes officiels et privés.

Le nouveau président faisait de grandes promesses quant à la transparence du gouvernement qui avaient une influence sur les choix en matière de communication de Clinton. Dans des mémos à ses chefs d’agence, Obama disait que son administration promouvrait la responsabilité via l’ouverture au public d’un large éventail d’informations, comme faisant partie d’un “profond engagement national à garantir un gouvernement ouvert.” Cela incluait les emails professionnels.

Un an plus tôt, durant sa campagne présidentielle, Clinton avait dit que si elle était élue, “nous adopterons une ouverture de principe, ainsi que les demandes du Freedom of Information Act et demanderons aux agences de répondre rapidement aux demandes d’information.”

Mais dès ses premiers jours, les principaux conseillers de Clinton étaient déjà en train d’essayer de l’aider à circonscrire ses propos grandiloquents, selon une succession d’emails internes du département d’État révélés par Judicial Watch, une organisation à but non lucratif conservatrice qui poursuit le gouvernement sur le fondement des emails de Clinton.

Cheryl Mills, qui a occupé le poste de directrice de cabinet d'Hillary Clinton, s'est demandée si le département d'État pouvait fournir un appareil chiffré tel que celui de la National Security Agency qu'utilise le président Obama. (Filippo Monteforte/AFP/Getty Images)

Cheryl Mills, qui a occupé le poste de directrice de cabinet d’Hillary Clinton, s’est demandée si le département d’État pouvait fournir un appareil chiffré tel que celui de la National Security Agency qu’utilise le président Obama. (Filippo Monteforte/AFP/Getty Images)

Mills, la chef de cabinet de Clinton, conduisait l’initiative. Elle fut rejointe par la conseillère de Clinton Huma Abedin, le secrétaire adjoint Patrick Kennedy et Lewis Lukens, un haut fonctionnaire de carrière qui servait de chef des opérations logistiques. Leur objectif premier était de soutenir au mieux Clinton.

Mills se demandait si le département pourrait lui procurer un appareil crypté comme celui de la NSA qu’utilisait Obama.

“Si c’est possible, comment lui en obtenir un ?” écrivait Mills au groupe le samedi 24 janvier au soir.

Lukens répondait le soir même, disant qu’il pourrait aider à installer “un ordinateur personnel dans le bureau de la secrétaire, connecté à internet (mais pas à travers notre système) pour lui permettre de consulter ses emails depuis son bureau.”

Kennedy écrivait qu’un “réseau PC autonome” était une “très bonne idée”.

Abedin et Mills n’ont pas souhaité faire de commentaires pour cet article, selon le porte-parole de Clinton, Brian Fallon. Lukens n’a également pas souhaité s’exprimer, selon le département d’État.

En tant que secrétaire adjoint pour la gestion, Kennedy occupe un rôle central dans la saga des emails de Clinton. Le département a reconnu que Kennedy, dans le cadre de ses fonctions normales, a aidé Clinton avec son BlackBerry. Mais dans sa déclaration, le département a dit : “Le secrétaire adjoint Kennedy maintient qu’il n’était pas au courant de l’existence du serveur. Sur un sujet tout autre, le secrétaire adjoint Kennedy était au courant qu’à la suite de son entrée en fonction, le cabinet de Clinton souhaitait mettre en place un ordinateur au sein du département pour qu’elle puisse envoyer des emails à sa famille durant son temps de travail.

“Comme nous l’avons déjà clairement spécifié – aucun ordinateur n’a en réalité été installé. De plus, le sous-secrétaire Kennedy n’avait pas vraiment connaissance de la gestion de Clinton de ses emails notamment quant à la fréquence d’utilisation des emails par Clinton, alors secrétaire.”

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Dans les faits, Clinton n’aura pas de BlackBerry gouvernemental, d’ordinateur personnel ou de compte emails. Une demande à la NSA pour un appareil sécurisé a été d’entrée de jeu rejetée : “En l’état actuel ce n’est pas facile d’utilisation, en raison de l’absence d’infrastructure, et c’est très coûteux,” écrivait Reid, le responsable de la sécurité, dans un email du 13 février, ajoutant “chaque fois que nous demandons ‘Quelle est la solution pour POTUS [Président des États-Unis] ?’ on nous envoie promener.”

Clinton continuera d’utiliser son BlackBerry pour pratiquement toutes ses communications officielles, mais pas à Mahogany Row.

Sa première communication connue avec le BlackBerry via le serveur du sous-sol date du 28 janvier 2009, lorsque Clinton a échangé des notes avec le général David H. Petraeus, alors chef du Centre de commandement américain, selon la porte-parole du département d’État. Il n’a pas été communiqué.

Certains connaissaient les détails derrière l’adresse clintonemail.com. Mais les informations concernant son choix d’utiliser son propre BlackBerry se sont rapidement répandues parmi les spécialistes du département sécurité diplomatique et “contre-mesures de renseignement”.

Leurs craintes se concentraient sur le septième étage, qui une décennie plus tôt avait été la cible d’espions russes qui s’étaient arrangés pour installer un appareil d’écoute à l’intérieur d’une moulure décorative non loin du Mahogany Row. Plus proche de nous, dans une série de cyber-attaques largement médiatisées, des hackers avaient pénétré dans les ordinateurs du département, ainsi que dans ceux d’autres agences fédérales et de plusieurs grandes sociétés.

Les documents et entretiens montrent que la possibilité que le BlackBerry de Clinton puisse être compromis et utilisé pour écouter illicitement angoissait les responsables de la sécurité du département d’État.

Après la réunion du 17 février avec Mills, les responsables de la sécurité ont rédigé un mémo sur les risques. Et parmi eux, ils exprimaient des inquiétudes sur le fait que d’autres employés du département voudraient suivre le “mauvais exemple” et chercheraient à utiliser des BlackBerry non sécurisés.

Les documents montrent qu’alors qu’ils travaillaient sur le mémo, ils étaient au courant d’un discours tenu par Joel F. Brenner, alors chef du contre-renseignement au bureau du directeur du renseignement national, le 24 février dans un hôtel de Vienne.

“Votre téléphone ou BlackBerry pourrait avoir été marqué, suivi, surveillé et exploité entre le moment où vous êtes descendue de l’avion et celui où vous avez rejoint la station de taxis à l’aéroport,” a dit Brenner. “Et lorsque vous avez échangé des emails depuis chez vous, les virus ont pu migrer vers le serveur de votre domicile. Ce n’est pas hypothétique.”

A ce moment-là, Clinton venait juste de revenir d’un voyage officiel en Chine et ailleurs en Asie. Elle avait embarqué pour une autre incursion au Moyen-Orient et en Europe. Elle avait emporté son BlackBerry.

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Début mars, Eric Boswell, le secrétaire adjoint pour la sécurité diplomatique, avait transmis un mémo sur la thématique “Usage des BlackBerry dans Mahogany Row”.

“Notre analyse confirme notre conviction que les vulnérabilités et risques associés à l’usage de BlackBerry dans Mahogany Row excèdent considérablement le confort qu’ils peuvent procurer,” disait le mémo.

Il insistait : “Tout BlackBerry non classifié est hautement vulnérable, quelle qu’en soit la configuration, à une surveillance secrète et distante des conversations, à l’extraction des emails et à l’exploitation des calendriers.”

Neuf jours plus tard, selon un email envoyé par un responsable principal de la sécurité diplomatique, Clinton disait à Boswell qu’elle avait lu son mémo et “avait compris”. Son attention a été attirée sur la phrase qui indique que (la Sécurité diplomatique) dispose d’indices de cette vulnérabilité lors de son récent voyage en Asie,” dit le courriel.

Mais Clinton continua à utiliser son BlackBerry privé – et le serveur de son sous-sol.

Le serveur n’avait rien de remarquable, le genre de système souvent utilisé par les petits commerces, selon les personnes qui connaissaient son installation à la fin de son mandat. Il consistait en deux systèmes d’ordinateurs serveurs. Les deux étaient équipés de logiciels antivirus. Ils étaient connectés par câble au fournisseur d’accès internet local. Un pare-feu était utilisé comme protection contre les intrusions.

Peu de personnes auraient pu en être informées, mais le système d’emails fonctionna durant les deux premiers mois sans le cryptage standard généralement utilisé sur internet pour protéger les communications, selon une analyse indépendante que Venafi Inc. (une société de cyber-sécurité spécialisée dans la procédure de cryptage) a pris l’initiative de publier sur son site internet après que le scandale a éclaté.

Selon l’analyse de Venafi, ce n’est pas avant le 29 mars 2009 – soit deux mois après que Clinton a commencé à l’utiliser – que le serveur a reçu un “certificat digital” pour protéger les communications sur internet grâce au cryptage.

On ne sait pas si le système possédait un autre système pour crypter le trafic d’emails pendant cette période. Sans cryptage – un procédé qui brouille les communications pour tous ceux qui ne possèdent pas la bonne clé – emails, pièces jointes et mots de passe sont transmis en clair.

“Cela signifie que tout le monde pouvait y avoir accès. Tout le monde,” affirmait à The Post Kevin Bocek, vice-président du département d’analyse des renseignements de sécurité et des menaces sur internet de Venafi.

Le système avait d’autres caractéristiques qui le rendaient vulnérable à des hackers talentueux, notamment un logiciel qui permettait aux utilisateurs de se connecter directement depuis le réseau internet.

Quatre spécialistes en sécurité informatique interviewés par The Post ont affirmé qu’un tel système pouvait être raisonnablement sécurisé mais que cela aurait nécessité un suivi constant par des personnes chargées de vérifier les irrégularités dans les connections au serveur.

“Pour des données aussi sensibles… nous aurions besoin au minimum d’une petite équipe pour la surveillance et le renforcement du système,” affirmait Jason Fossen, un spécialiste en sécurité informatique à l’Institut SANS, qui fournit une formation en cyber-sécurité partout dans le monde.

L’homme qui selon Clinton assurait l’entretien et la surveillance de son serveur était Bryan Pagliano, qui avait travaillé comme directeur de la technologie pour son comité d’action politique et pour sa campagne présidentielle. A-t-il reçu de l’aide ? Cela reste douteux. Pagliano a aussi fourni des services informatiques à la famille Clinton. En 2008, il a reçu plus de 5000 $ pour ce travail, selon des déclarations de situation financière qu’il a déposées au gouvernement.

En mai 2009, avec l’aide de Kennedy, Pagliano a trouvé un emploi comme employé politique dans la division informatique du département d’État, selon des documents et des entretiens. C’était un arrangement inhabituel.

Au même moment, Pagliano a apparemment donné son accord pour maintenir le serveur du sous-sol. Des responsables de la division informatique ont dit aux enquêteurs qu’ils ne pouvaient pas se rappeler avoir précédemment engagé du personnel politique. Trois superviseurs de Pagliano ont aussi dit aux enquêteurs qu’ils ne savaient vraiment pas que Clinton utilisait le serveur du sous-sol ou que Pagliano travaillait au noir dessus.

Par l’intermédiaire d’un avocat, Pagliano a décliné la demande d’interview du Post. Il a aussi refusé une demande du Comité de magistrature du Sénat, de celui de la Sécurité du territoire et de celui des affaires gouvernementales, pour discuter de son rôle. Le 1er septembre 2015, son avocat a dit aux Comités qu’il invoquerait le 5e amendement s’il y avait une tentative de le forcer à faire une déclaration. Le département de la Justice lui a plus tard accordé l’immunité en échange de sa coopération, selon des articles du New York Times et du Post.

Dans une déclaration, le bureau de campagne de Clinton a dit que le serveur était protégé mais a refusé de fournir des détails techniques. Les représentants de Clinton ont dit que les journaux des serveurs donnés aux autorités ne montraient pas de trace de piratage.

« La sécurité et l’intégrité des communications électroniques de sa famille a été prise au sérieux dès le début quand il a été configuré pour l’équipe du président Clinton, » disait la déclaration. « En bref, des protections robustes ont été mises en place ainsi que des améliorations supplémentaires et des techniques employées à mesure qu’elles devenaient accessibles, dont le consulting et le recrutement d’experts tiers. »

La déclaration ajoutait qu’« il n’a pas de preuve qu’il y ait jamais eu une brèche. »

La représentante républicaine Susan Brooks (Indiana) parle devant des piles d'emails d'Hillary Clinton sur la Libye, lors d'une audition devant la Commission spéciale sur Benghazi au Capitole le 22 octobre. (Chip Somodevilla/Getty Images)

La représentante républicaine Susan Brooks (Indiana) parle devant des piles d’emails d’Hillary Clinton sur la Libye, lors d’une audition devant la Commission spéciale sur Benghazi au Capitole le 22 octobre. (Chip Somodevilla/Getty Images)

Le nombre d’emails circulant dans le système au sous-sol a augmenté rapidement lorsqu’Hillary Clinton a plongé dans les détails de son travail de globetrotteuse. Il y en a eu 62 320 en tout, une moyenne de 296 par semaine, près de 1300 par mois, selon les chiffres rapportés par Clinton au département d’État. Environ la moitié d’entre eux étaient liés au travail.

Son correspondant le plus fréquent était Mills, son directeur de cabinet, qui a envoyé des milliers de notes. Ensuite vient Abedin, directeur de cabinet adjoint, et Jacob Sullivan, également directeur de cabinet adjoint, selon un décompte du Post.

Clinton utilisait comme adresse hdr22@clintonemail.com rendant immédiatement visible le fait que les emails ne provenaient pas d’une adresse gouvernementale ni n’y était destinés.

La plupart étaient des emails de routine, dont ceux envoyés à des amis. Certains nécessitaient la coordination d’efforts pour apporter de l’aide à Haïti en provenance du département d’État et de la fondation Clinton de son mari basée à New York. Les emails montrent des notes mélangeant des affaires gouvernementales et familiales.

D’autres concernaient des affaires classifiées. Le département d’État et les représentants de la communauté du renseignement ont déterminé que 2093 conversations par email contenaient des informations classifiées. La plupart des emails classifiés étaient étiquetés « confidentiel », le plus bas niveau de classification. Une analyse du Post a plus tard trouvé que Clinton elle-même avait créé 104 emails dont le contenu était classifié.

Avant que le serveur ne reçoive un certificat numérique indiquant l’utilisation d’un chiffrement standard, Clinton et ses assistants ont échangé des notes concernant la Corée du Nord, le Mexique, l’Afghanistan, les conseillers militaires, les opérations de la CIA et un briefing pour Obama.

Le conseiller de Clinton Philippe Reines lui a écrit une note à propos du président d’Afghanistan Hamid Karzai. Reines a commencé sa note en rappelant à Clinton que « l’ami proche [de Reines] Jeremy Bash est maintenant le directeur de cabinet [du directeur de la CIA Leon E.] Panetta. » Le reste de la note a été rédigé avant son renvoi, expliquant que le sujet sensible concernait la sécurité nationale.

Dimanche 29 mars 2009, quelques heures seulement avant que le chiffrement standard du serveur ne démarre, Sullivan a envoyé le brouillon d’un rapport confidentiel à Clinton qu’elle devait rendre à Obama. « Ci-joint une ébauche du rapport de votre voyage au Mexique au président des États-Unis, » a écrit Sullivan.

Dans le monde sous haute pression de la diplomatie, le partage de tels contenus était une pratique discrète mais courante pendant de nombreuses années. Les décideurs qui gèrent les problèmes en continu ont besoin d’un flux ininterrompu d’information tranchée pour prendre des décisions rapidement.

Tous les contenus classifiés n’ont pas une sensibilité équivalente. Une grande partie comporte des discussions sur des pays étrangers ou des dirigeants, pas des sources de renseignements ou des méthodes. Travailler avec du contenu classifié peut être fastidieux et, dans le cas de classification basse, ennuyeux.

Le 10 février 2010, dans un échange avec Sullivan, Clinton a laissé échapper sa frustration un jour où elle a voulu lire une déclaration sur José Miguel Insulza, alors secrétaire général de l’Organisation des États américains. Sullivan a écrit qu’il ne pouvait pas lui envoyer immédiatement parce que le département devait le mettre sur le réseau classifié.

« C’est une déclaration publique ! Envoyez-la, » a riposté Clinton quelques instants plus tard.

« Faites-moi confiance, je partage votre exaspération, » a écrit Sullivan. « Mais jusqu’à ce que les opérations ne le convertissent sur le système d’email déclassifié, je n’ai pas de moyen physique de l’envoyer par email. Je ne peux même pas y accéder. »

Plus tôt le 17 juin 2011, Clinton s’est montrée impatiente en attendant les « points de discussion » sur un sujet sensible qui devaient être remis via une ligne sécurisée.

« Ils ont dit qu’ils avaient des problèmes pour envoyer un fax sécurisé. Ils y travaillent, » a écrit Sullivan à sa patronne.

Clinton lui a dit de prendre un raccourci.

« S’ils n’en sont pas capables, convertissez en non-article sans intitulé d’identification et envoyez en non-sécurisé, » a-t-elle dit.

Fallon, le porte-parole de Clinton, a dit qu’elle n’essayait pas de contourner le système de classification.

« Ce qu’elle demandait, c’est que toutes les informations qui pouvaient être transmises sur le système déclassifié soient transmises, » a-t-il dit. « Il est faux de sous-entendre qu’elle sollicitait autre chose. Le département d’État a examiné le sujet et a confirmé qu’aucun contenu classifié n’avait été envoyé à travers un fax ou email non-sécurisé. »

La sécurité est restée une préoccupation constante. Le 28 juin 2011, en réponse à des rapports que les comptes Gmail d’employés du gouvernement avaient été visés par des « adversaires en ligne », une note a été envoyée au nom de Clinton préconisant aux employés du département d’« éviter de gérer des affaires officielles du département depuis vos comptes email personnels. »

Mais elle a elle-même ignoré l’avertissement et a continué à utiliser son BlackBerry et le serveur du sous-sol.

Le président Trey Gowdy (républicain - Caroline du Sud) et des membres de la Commission spéciale sur Benghazi prennent la parole au sujet de la découverte des emails personnels de l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton durant une conférence de presse au Capitole des États-Unis en mars 2015. (Gabriella Demczuk/Getty Images)

Le président Trey Gowdy (républicain – Caroline du Sud) et des membres de la Commission spéciale sur Benghazi prennent la parole au sujet de la découverte des emails personnels de l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton durant une conférence de presse au Capitole des États-Unis en mars 2015. (Gabriella Demczuk/Getty Images)

En décembre 2012, près de la fin du mandat de Clinton, une association à but non lucratif appelée Citoyens pour la responsabilité et l’éthique à Washington, ou CREW, a formulé une demande de droit à l’information à propos des archives de ses emails. CREW a reçu une réponse en mai 2013 : « Aucune archive relative à votre demande n’a pu être localisée. »

D’autres demandes des archives de Clinton ont eu le même destin, jusqu’à ce que le département d’État reçoive une demande de la nouvellement formée Commission spéciale sur Benghazi en juillet 2014. La commission voulait les emails de Clinton, entre autre pour voir ce qu’elle et d’autres savaient sur l’attaque mortelle en Libye et la réponse du gouvernement des États-Unis.

Les responsables du bureau des affaires du Congrès du département ont trouvé certains emails de Clinton et ont vu qu’elle utilisait le domaine privé, pas le système du département.

Le secrétaire d’État John F. Kerry s’est résolu à rassembler les emails de Clinton et à les fournir au Congrès dès que possible. Les responsables du département ont contacté Clinton et les bureaux de trois anciens secrétaires, Madeleine K. Albright, Condoleezza Rice et Colin L. Powell, en demandant s’ils avaient des emails ou d’autres archives fédérales en leur possession.

Albright et Rice ont dit qu’elles n’utilisaient pas les emails au département d’État. Powell, secrétaire d’État de 2001 à 2005, avait un compte email privé chez America Online, mais il n’a pas gardé de copies de ses emails. L’inspecteur général du département d’État a trouvé que le compte personnel d’emails de Powell avait reçu deux emails du cabinet qui contenaient « des informations classifiées portant sur la sécurité nationale aux niveaux secrets ou confidentiels. »

L’avocat de Clinton, David Kendall, a plus tard dit au département d’État que son « utilisation d’email personnel était équivalente aux pratiques des autres secrétaires d’État, » citant Powell en particulier, selon une lettre qu’elle a écrite en août.

Mais la situation de Powell différait aussi de celle de Clinton de plusieurs façons importantes. Powell avait une ligne téléphonique installée dans son bureau uniquement pour le relier à son compte privé, qu’il utilisait généralement pour des communications personnelles ou non-classifiées. À l’époque, il incitait le département à intégrer l’ère d’Internet et voulait montrer l’exemple.

« Je réalisais un petit test quand je visitais une ambassade : je plongeais dans le premier bureau ouvert que je trouvais (parfois c’était le bureau de l’ambassadeur). Si l’ordinateur était allumé, j’essayais de me connecter à mon compte d’email privé, » a écrit Powell dans It Worked for Me: In Life and Leadership. « Si j’y arrivais, ils avaient réussi. »

Powell a réalisé potentiellement toutes ses communications classifiées par papier ou sur un ordinateur du département d’État installé sur son bureau et réservé aux informations classifiées, selon des entretiens. Clinton n’a jamais eu un tel bureau ou un compte classifié d’email, selon le département d’État.

Le 5 décembre 2014, les avocats de Clinton ont fourni 12 boîtes de dossiers remplies d’imprimés contenant plus de 30 000 emails. Clinton détenait près de 32 000 emails évalués à caractère personnel.

Le département a commencé à publier les emails en mai dernier, en commençant avec quelque 296 emails demandés par la Commission Benghazi. En analysant ces emails, des responsables du renseignement ont réalisé que certains contenaient des documents classifiés.

Clinton et son bureau de campagne ont formulé des réponses variées aux questions sur la classification. Au début, elle a nié en bloc que son serveur n’en avait jamais détenu. « Il n’y a pas de contenu classifié, » a-t-elle dit à une conférence de presse du 10 mars 2015.

Son bureau de campagne a plus tard publié une déclaration disant qu’elle ne pouvait pas savoir si du contenu était classifié, parce qu’il n’était pas étiqueté comme tel. « Aucune information dans les emails n’était marquée classifiée à l’époque où elle les a reçus ou envoyés, » disait la déclaration.

Clinton a aussi sous-entendu que nombre de ses emails étaient classifiés par formalité uniquement parce qu’on les destinait à être publiés sous une demande de droit à l’information. Son bureau de campagne a dit qu’une grande partie du contenu classifié, dans des emails envoyés à plus de 300 individus, provenait d’articles de presse et d’autres sources publiques.

« Ce dont vous parlez, c’est de classification rétroactive, » a-t-elle dit durant un récent débat. « Et je pense que ce que nous avons là, c’est un cas typique de sur-classification. » Sa déclaration semble en conflit avec un rapport au Congrès l’an dernier réalisé par des inspecteurs généraux du département d’État et du groupe d’agences d’espionnage connu sous le nom de communauté du renseignement. Ils ont fait leur rapport après la découverte de quatre emails contenant des informations classifiées, parmi un échantillon de 40 à avoir transité par son serveur.

« Ces emails n’étaient pas classifiés rétroactivement par le département d’État, » a dit le rapport. « Au contraire, ces emails contenaient des informations classifiées quand ils ont été générés et, selon des responsables du renseignement à la classification, ces informations restent classifiées aujourd’hui. Ces informations classifiées n’auraient jamais dû être transmises via un système personnel non-classifié. »

L’un de ces quatre emails a depuis été déclassifié et rendu public par le département d’État. Le département a remis en question la classification d’un autre de ces emails.

Vingt-deux emails découverts plus tard ont mérité une classification si haute qu’ils ont été gardés dans leur intégralité pour ne pas être rendus publics. “Ils sont en soi sensibles et évidemment classifiés,” a dit au Post Chris Stewart, représentant républicain (Utah) et membre de la Commission spéciale permanente de la Maison-Blanche sur le renseignement. « Ces informations auraient dû être maintenues dans les serveurs les plus sécurisés, classifiés et top-secrets. »

Fallon a fait remarquer qu’aucun de ces emails ne provenait de Clinton, quelque chose qu’il a dit que la sénatrice démocrate Dianne Feinstein (Californie), vice-présidente de la Commission spéciale du sénat sur le renseignement, avait remarqué. « Nous désapprouvons la décision de retenir l’intégralité de ces emails, » a-t-il dit.

Sous le titre 18, section 1924 de la loi fédérale, c’est un délit punissable par des amendes et de l’emprisonnement lorsqu’un employé fédéral retire des informations classifiées en connaissance de cause « sans autorité et avec l’intention de conserver de tels documents ou contenu dans un endroit non autorisé. »

D’anciennes affaires, conformément à la loi, ont nécessité la preuve d’une intention de mal manipuler des informations classifiées, une sérieuse embûche dans l’affaire Clinton. Le serveur du sous-sol a aussi exposé Clinton au risque de violer les lois et la réglementation visant à protéger et préserver les archives du gouvernement.

Dans une déclaration, le bureau de campagne de Clinton a dit qu’elle avait reçu « des conseils à propos du besoin de préserver les archives fédérales » et a suivi ces règles. « C’était dans ses pratiques d’envoyer des emails aux employés du gouvernement à leur adresse en “.gov”. De cette façon, les emails de travail étaient immédiatement saisis et préservés dans les systèmes d’archivage du gouvernement, » a dit la déclaration.

Fallon a dit que « plus de 90% » de plus de 30 000 e-mails en lien avec le travail « étaient originaires ou à destination de comptes d’emails gouvernementaux. »

Le Post s’est entretenu avec des spécialistes qui ont dit que ses pratiques n’étaient pas satisfaisantes vis-à-vis des exigences des lois et des régulations. Certaines de ces obligations ont été précisées quelques mois avant que Clinton n’entre en fonction dans le National Archives and Records Administration Bulletin de mai 2008, qui disait que tous les systèmes d’emails étaient censés « permettre une récupération facile et rapide » des archives.

Les emails de travail de la secrétaire d’État sont censés être conservés de manière permanente. De plus, les règles exigeaient aussi que les archives permanentes soient aussi envoyées au Centre de service des archives du département « à la fin du mandat de la secrétaire ou plus tôt si nécessaire » pour conservation.

Sous le titre 18, section 2071, c’est un délit de prendre des archives fédérales sans autorisation, quelque chose qui est parfois appelé « aliénation » d’archives. La loi est rarement appliquée, mais une condamnation peut être assortie d’une amende ou d’emprisonnement.

Jason R. Baron, un ancien directeur des contentieux à l’Administration des archives et registres nationaux, a dit l’an dernier à la Commission judiciaire du sénat qu’il pensait que le serveur de Clinton transgressait les règles. Dans une note à la commission, Baron écrivait que « la configuration et la maintenance d’un réseau privé d’email à seule fin de s’occuper d’affaires officielles par email, doublées d’un échec à retourner à temps les archives des emails aux autorités gouvernementales, représentent des actes parfaitement incompatibles avec les lois fédérales des archives. »

Le 19 mai 2015, en réponse à une action en justice pour droit à l’information de la part de l’organisation médiatique Vice News, le juge de district des États-Unis Rudolph Contreras a ordonné que tous les emails soient publiés par étapes, avec des censures.

L’un des emails importants a été envoyé en août 2011. Stephen Mull, alors secrétaire exécutif du département, a envoyé un email à Abedin, Mills et Kennedy pour fournir à Clinton un BlackBerry produit pour le gouvernement et relié à un serveur gouvernemental.

« Nous travaillons à fournir à la secrétaire selon sa demande un BlackBerry produit par le département pour remplacer son appareil personnel qui a un défaut de fonctionnement (peut-être parce que son serveur personnel d’email est déconnecté). Nous préparerons deux versions qu’elle pourra utiliser, l’une avec un compte d’email opérationnel du département d’État (qui masquera son identité, mais qui sera aussi sujet à des demandes de droit à l’information). »

Huma Abedin, une assistante principale de Hillary Clinton, réagit à un témoignage lors d'une audition d'octobre devant la Commission spéciale de la Maison-Blanche sur Benghazi. (Melina Mara/The Washington Post)

Huma Abedin, une assistante principale de Hillary Clinton, réagit à un témoignage lors d’une audition d’octobre devant la Commission spéciale de la Maison-Blanche sur Benghazi. (Melina Mara/The Washington Post)

Abedin a répondu fermement.

« Steve, parlons du BlackBerry de l’État. Ça n’a pas beaucoup de sens. »

Fallon a dit que l’email montrait que l’équipe de la secrétaire s’était « opposée à l’idée que son identité soit masquée. »

Le mois dernier, dans une audition à propos d’une action en justice de Judicial Watch, le juge de district Sullivan a cité cet email comme une partie de la raison pour laquelle il avait ordonné au département d’État de produire des archives en rapport avec les échecs initiaux des recherches pour le droit à l’information dans les archives de Clinton.

Au cours d’une audience publique, Sullivan a dit que des questions légitimes avaient été soulevées sur le fait que l’équipe de Clinton avait ou pas essayé de l’aider à contourner le droit à l’information.

« Nous parlons d’une représentante au niveau ministériel qui a été accueillie par le gouvernement pour des raisons inconnues du public. Et je pense qu’il est juste de le dire : pour des raisons jusqu’ici inconnues du public. Et tout ce que la population peut faire, ce sont des suppositions », a-t-il dit, ajoutant : « Tout tourne autour du droit de la population à savoir. »

Alice Crites a contribué à cet article.

Source : The Washington Post, le 27/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/comment-le-scandale-des-emails-dhillary-clinton-a-pris-racine-par-robert-oharrow-jr/


Nouvelles tensions entre l’Allemagne et la Turquie

Tuesday 23 August 2016 at 01:50

Source : 7 sur 7, 17/08/16

Archives © epa.

La fuite d’un document confidentiel allemand évoquant les liens entre le pouvoir turc et des groupes islamistes a entraîné de nouvelles tensions entre Berlin et Ankara, la Turquie réclamant des explications mercredi tandis que les autorités allemandes ont admis une erreur.

La chaîne de télévision publique allemande ARD avait diffusé mardi des extraits d’une réponse classée “confidentielle” à une question de parlementaires. Dans celle-ci, le ministère allemand de l’Intérieur qualifiait la Turquie de “plateforme pour des groupes islamistes au Proche et Moyen-Orient” en raison de son soutien “aux frères musulmans en Egypte, au Hamas et à des groupes armés islamistes en Syrie” dont les noms n’ont pas été cités.

Ankara demande des explications

Le ministère turc des Affaires étrangères a dans un communiqué réclamé mercredi “des explications aux autorités allemandes” et dénoncé une politique de “deux poids deux mesures provenant de certains cercles politiques” en Allemagne.

Excuses confuses

Le porte-parole du ministère allemand de l’Intérieur, Johannes Dimroth, a au cours d’une conférence de presse régulière mercredi pris ses distances avec le document, soulignant que son ministère n’avait “pas d’expertise” sur le sujet et que la réponse avait été rédigée “par erreur” sans la participation du ministère des Affaires étrangères. “Nous sommes fermement convaincus que la Turquie (…) est le partenaire le plus important en ce qui concerne la lutte contre le soi-disant Etat islamique”, a-t-il souligné. La porte-parole de la diplomatie allemande, Sawsan Chebli, a quant à elle souligné que son ministère “n’était pas en accord” avec le contenu cité par ARD.

Erdogan

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a, encore en juin, reçu Khaled Mechaal, le chef du Hamas, une organisation “terroriste” selon l’UE et les Etats-Unis. Il a aussi affiché de manière répétée son soutien à la confrérie des Frères musulmans de l’ex-président égyptien Mohamed Morsi, destitué par l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Sissi en 2013.

Relations ambiguës avec l’EI

La Turquie a par ailleurs été accusée par le passé d’entretenir des relations ambigües avec le groupe Etat islamique et de s’être montrée trop solidaire avec des mouvements djihadistes dans le but de renverser le régime syrien de Bachar al-Assad et de contrer les ambitions des Kurdes.Tensions régulières

Les relations germano-turques n’ont cessé de se tendre ces dernières semaines en raison de l’adoption par le Parlement allemand d’une résolution reconnaissant le génocide arménien et de menaces turques de suspendre un accord crucial limitant l’afflux de migrants en Europe.

Rififi diplomatique

Dernière dispute en date, la Turquie a convoqué début août le chargé d’affaires allemand au lendemain d’une manifestation de Turcs à Cologne pour laquelle le président Erdogan s’était vu interdire de s’exprimer par vidéo.

Source : 7 sur 7, 17/08/16

Source: http://www.les-crises.fr/nouvelles-tensions-entre-lallemagne-et-la-turquie/


Hiroshima : un crime qui paie encore, mais gare au jugement de l’histoire, par Diana Johnstone

Monday 22 August 2016 at 02:59

Pour mémoire, source Wikipédia :

(si quelqu’un peut le traduire en français en commentaire, merci)

Dwight D. Eisenhower écrivit dans ses mémoires The White House Years :

En 1945, le Ministre de la Guerre Henry L. Stimson me rendit visite à mon quartier général en Allemagne et m’informa que notre gouvernement se préparait à larguer une bombe atomique sur le Japon. J’étais un de ceux qui pensaient qu’il existait nombre de raisons pertinentes de s’interroger sur la sagesse d’une telle action. Pendant qu’il m’énumérait les éléments d’information pertinents, je fus envahi par un sentiment d’abattement et je lui exprimais donc mes sérieux doutes : premièrement que, sur la base de ma conviction que le Japon était déjà battu, larguer la bombe était complètement inutile ; et deuxièmement que j’estimais que notre pays devait éviter de scandaliser l’opinion mondiale par l’utilisation d’une arme dont, l’emploi, pensais-je, n’était plus obligatoire pour sauver des vies américaines.[82]

D’autres officiers des États-Unis s’opposaient à la nécessité de ces bombardements, comme le Général d’Armée Douglas MacArthur,[83][84] , L’Amiral William D. Leahy (Le Chef du Cabinet du Président), le Général de Brigade Carter Clarke (l’officier du renseignement militaire qui préparait les télégrammes japonais interceptés pour les officiers américains), l’Amiral Chester W. Nimitz (Commandant en Chef de la Flotte du Pacifique), l’Amiral William Halsey, Jr. (Commandant en Chef de la Flotte du Pacifique), l’Amiral William Halsey, Jr. (Commandant de la Troisième Flotte américaine), et même l’homme chargé de toutes les opérations stratégiques aériennes contre les îles japonaises le Major Général Curtis LeMay :

Les Japonais avaient, en fait, déjà demandé la paix. D’un point de vue purement militaire, la bombe atomique n’a pas joué un rôle décisif dans la défaite du Japon.”  [Amiral Chester W. Nimitz, Commandant en Chef de la Flotte du Pacifique [75]]

L’emploi [des bombes atomiques] à Hiroshima et à Nagasaki n’a été d’aucune aide matérielle dans notre guerre contre le Japon. Les Japonais étaient déjà battus et prêts à se rendre à cause du blocus maritime mis en place et du succès des bombardements utilisant des armes conventionnelles. […] Les possibilités mortelles de la guerre nucléaire dans l’avenir sont effrayantes. Mon opinion personnelle était que, en étant les premiers à l’utiliser, nous avions adopté un niveau éthique identique à celui des barbares du Moyen-âge. On ne m’avait pas appris à faire la guerre de cette manière et les guerres ne peuvent pas être gagnées en tuant des femmes et des enfants.” [Amiral William D. Leahy, Chef de Cabinet du Président Truman, 1950, [85]]

“La bombe atomique n’a absolument rien à voir avec la fin de la guerre.” [Général-Major Curtis LeMay, XXI Bomber Command, septembre 1945, [86]]

“La première bombe atomique était une expérimentation inutile. […] Ce fut une erreur de l’avoir larguée. […] [Ses scientifiques] avaient ce jouet et voulaient l’essayer et donc ils la larguèrent…” [Amiral William Halsey, Jr., 1964, [86]]

Stephen Peter Rosen de l’université d’Harvard estime qu’un blocus sous-marin aurait été suffisant pour obliger le Japon à se rendre.[87]

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Source : Le Grand Soir, Diana Johnstone, 06-08-2016

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Lors de sa visite à Hiroshima en mai dernier, Obama n’a pas, comme certains l’avaient vainement espéré, présenté des excuses pour le bombardement atomique de la ville, le 6 août 1945. Au lieu de cela, il a prononcé un discours ronflant lénifiant contre la guerre. Il l’a fait au moment même où il poursuivait sa guerre de drones contre des ennemis sans défense dans des pays lointains et approuvait des plans pour dépenser mille milliards de dollars pour une mise à niveau de l’arsenal nucléaire américain.

Des excuses auraient été aussi inutiles que son discours. Des paroles creuses ne changent rien. Mais voici une chose que Obama aurait pu dire qui aurait eu un véritable impact : la vérité.

Il aurait pu dire :

« Les bombes atomiques n’ont pas été larguées sur Hiroshima et Nagasaki “pour sauver des vies en mettant fin à la guerre”. Ce fut un mensonge officiel. Les bombes ont été larguées pour observer leurs effets et pour montrer au monde que les États-Unis possédaient une puissance destructrice illimitée. »

Mais il n’y avait aucune chance qu’Obama prononce de telles phrases. Officiellement, le bombardement « a sauvé des vies » et cela donc en « valait le coût » (comme dira Madeleine Albright quant au demi-million d’enfants irakiens morts à cause des sanctions U.S.). Comme les villages vietnamiens que nous avons détruits pour les sauver, comme les innombrables enfants irakiens qui sont morts à la suite des sanctions américaines, les centaines de milliers de femmes et d’enfants agonisants dans deux villes japonaises figurent encore au débit des comptes que les États-Unis ont à rendre à l’humanité, une dette toujours impayée et impunie.

« Cela en valait le coût »

La décision de détruire Hiroshima et Nagasaki fut une décision politique et non militaire. Les objectifs ne furent pas militaires, les effets ne furent pas militaires. Les attaques furent menées contre la volonté de tous les grands chefs militaires. L’Amiral William Leahy, chef d’État-major interarmées à l’époque, écrit dans ses mémoires que « l’utilisation de cette arme barbare à Hiroshima et Nagasaki n’était d’aucune aide matérielle dans notre guerre contre le Japon. Les Japonais étaient déjà vaincus et prêts à se rendre … » Le général Eisenhower, le général MacArthur, et même le général Hap Arnold, commandant de la Force aérienne, se sont opposés à l’usage de cette arme. Le Japon était déjà dévasté par des bombes incendiaires, faisait face à une famine généralisée à cause du blocus naval des États-Unis, se retrouvait démoralisé par la reddition de son allié allemand, et craignait une attaque russe imminente. En réalité, la guerre était terminée. Tous les hauts dirigeants américains savaient que le Japon était vaincu et cherchait à se rendre.

La décision d’utiliser les bombes atomiques fut une décision purement politique prise presque uniquement par deux politiciens : Le Président novice, joueur de poker, et son mentor, le secrétaire d’État James F. Byrnes [1]

Le président Harry S. Truman était en réunion avec Churchill et Staline dans la banlieue berlinoise de Potsdam lorsqu’il apprit l’information secrète que l’essai atomique dans le Nouveau-Mexique avait été un succès. Les observateurs se souviennent que Truman devint « un autre homme », rendu euphorique par la possession d’un tel pouvoir. Alors que d’autres hommes moins superficiels furent ébranlés devant les implications d’une telle force destructrice, pour Truman et son et secrétaire d’Etat intriguant, James Byrnes, le message était : « Maintenant, on peut tout se permettre »

Sur les bases de cette présomption, ils se sont empressé d’agir – d’abord dans leurs relations avec Moscou.

En réponse aux appels répétés des Etats-Unis, Staline a promis d’entrer en guerre en Asie trois mois après la défaite de l’Allemagne nazie, qui eut lieu au début de mai 1945. Il était bien connu que les forces d’occupation japonaises en Chine et en Mandchourie ne pouvaient résister à l’Armée rouge. Il était entendu que deux choses pouvaient entraîner la reddition immédiate du Japon : l’entrée de la Russie dans la guerre et l’assurance des Etats-Unis que la famille royale ne serait pas traitée comme des criminels de guerre.

Ces deux événements se sont produits dans les jours qui ont suivi le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki.

Mais les deux ont été éclipsés par la bombe atomique.

Et c’était bien l’objectif recherché.

Car ainsi, le crédit de la fin de la guerre fut attribué aux bombes atomiques américaines.

Mais ce n’est pas tout.

La possession confirmée d’une telle arme donna à Truman et Byrnes un tel sentiment de puissance qu’ils pouvaient abandonner les promesses antérieures faites aux Russes et tenter d’intimider Moscou en Europe. En ce sens, les bombes sur Hiroshima et Nagasaki ont non seulement tué sans raison des centaines de milliers de civils mais ont également déclenché la guerre froide.

Hiroshima et la guerre froide

Une observation très importante sur les effets de la bombe atomique est attribuée au général Dwight D. Eisenhower. Comme son fils l’a raconté, il était profondément abattu en apprenant à la dernière heure que le bombe serait utilisée. Peu après Hiroshima, Eisenhower aurait dit en privé :

« Avant l’utilisation de la bombe, j’aurais dit oui, je suis sûr que nous pouvons préserver la paix avec la Russie. Maintenant, je ne sais pas. Jusqu’à présent, je vous aurais dit que nous trois, la Grande-Bretagne avec sa puissante flotte, l’Amérique avec la plus puissante force aérienne, et la Russie avec la plus grande force terrestre sur le continent, à nous trois nous aurions pu garantir la paix du monde pendant une longue, très longue période à venir. Mais maintenant, je ne sais pas. Partout les gens ont peur et sont secoués. Tout le monde se sent en insécurité à nouveau ». [2]

En tant que commandant suprême des Forces alliées en Europe, Eisenhower avait appris qu’il était possible de travailler avec les Russes. Les systèmes économiques et politiques intérieurs des États-Unis et de l’URSS étaient totalement différents, mais sur la scène internationale, ils pouvaient coopérer. En tant qu’alliés, leurs différences étaient principalement dues à la méfiance et pouvaient être réglés.

L’Union soviétique victorieuse avait été dévastée par la guerre : les villes en ruines, une vingtaine de millions de morts. Les Russes voulaient de l’aide pour reconstruire. Auparavant, sous Roosevelt, il avait été convenu que l’Union soviétique obtiendrait des réparations de l’Allemagne, ainsi que des crédits des États-Unis. Tout à coup, il n’en était plus question. Lorsque la nouvelle de l’essai au Nouveau-Mexique est tombée, Truman s’écria : « Maintenant, les Russes vont marcher droit. » Parce qu’ils se sentaient tout à coup tout-puissants, Truman et Byrnes décidèrent de faire preuve de fermeté devant les Russes.

Staline apprit maintenant que la Russie ne pourrait obtenir des réparations que sur la partie orientale de l’Allemagne, en grande partie agricole, qui se trouvait sous occupation de l’Armée rouge. Ce fut la première étape de la division de l’Allemagne, à laquelle Moscou en fait s’est opposée.

Puisque plusieurs des pays d’Europe de l’Est s’étaient alliés à l’Allemagne nazie, et comptaient de puissants éléments anti-russes, la seule condition de Staline pour ces pays (alors occupés par l’Armée rouge) était que leurs gouvernements ne devaient pas être activement hostiles à l’URSS. Pour cette raison, Moscou favorisait la formule de « démocraties populaires », c’est-à-dire des coalitions excluant les partis d’extrême droite.

Se sentant tout-puissants, les Etats-Unis haussèrent le niveau de leurs exigences en demandant des « élections libres » dans l’espoir d’installer des gouvernements anti-communistes. Ce qui se retourna contre eux. Au lieu de céder à la menace atomique implicite, l’Union soviétique s’est durcie. Au lieu de desserrer le contrôle politique de l’Europe de l’Est, Moscou imposa des régimes communistes – et accéléra son propre programme de bombe atomique. La course aux armements nucléaires était lancée.

« Le beurre et l’argent du beurre »

John J. McCloy, qualifié par son biographe Kai Bird comme le « président informel de l’establishment américain », déclara à l’époque au Secrétaire de guerre Henry Stimson que : « nous devons avoir le beurre et l’argent du beurre ; nous devons être libres d’agir en vertu du présent accord régional en Amérique du Sud, et en même temps intervenir rapidement en Europe ; que nous ne devons céder aucun de ces atouts… » [3] Stimson répondit : « Je pense que oui, sans hésitation. »

En bref, les États-Unis devaient conserver leur sphère d’influence sur tout le continent américain, revendiquée par la doctrine Monroe, tout en privant la Russie de sa propre zone tampon.

Il est nécessaire de reconnaître la distinction nette entre politique intérieure et politique étrangère. La nature du régime intérieur soviétique a peut-être été aussi affreux qu’on le décrit, mais en matière de politique étrangère, Staline respectait scrupuleusement les accords passés avec les alliés occidentaux – l’abandon, par exemple, des communistes grecs lorsqu’ils étaient écrasés par les Anglo-Americans après la guerre. Ce furent les États-Unis qui ont renié les accords passés à Yalta, qui ont par la suite été stigmatisés comme autant de concessions faites à « l’agression communiste ». Staline n’avait absolument aucun désir de promouvoir la révolution communiste en Europe occidentale, encore moins d’envahir ces pays. En fait, son abandon du projet de promotion de la révolution mondiale est précisément la base de la campagne contre le « stalinisme » par les Trotskystes – y compris des Trotskystes dont la dévotion à la révolution mondiale s’est maintenant transformée en une promotion des guerres de « changement de régime » des États-Unis.

Il y a une doctrine dominante en Occident selon laquelle les dictatures font la guerre et les démocraties font la paix. Rien ne démontre cette théorie. Des dictatures (prenez l’Espagne de Franco) peuvent être conservatrices et autocentrées. Les principales puissances impérialistes, la Grande-Bretagne et la France, étaient des démocraties. L’Amérique démocratique est loin d’être pacifique.

Tandis que l’Union soviétique développait son propre arsenal nucléaire, les États-Unis furent incapables d’interférer efficacement en Europe de l’Est et se retournèrent vers des ennemis plus faibles, en renversant les gouvernements en Iran et au Guatemala, en s’enlisant au Vietnam, selon la théorie qu’ils n’étaient que des agents de l’ennemi communiste soviétique. Mais depuis que l’Union soviétique s’est effondrée, abandonnant la zone tampon de la Russie en Europe de l’Est, on voit une résurgence de la confiance qui submergea Truman : l’euphorie du pouvoir sans limites. Sinon, pourquoi le Pentagone lancerait-il un programme de mille milliards de dollars pour renouveler l’arsenal nucléaire des Etats-Unis, tout en positionnant des troupes et des armes offensives aussi près que possible de la frontière russe ?

Dans son livre The President Is Calling (Le Président Appelle) de 1974 sur ses relations avec son frère Dwight, Milton Eisenhower a écrit : « Notre emploi de cette nouvelle force à Hiroshima et Nagasaki fut une provocation suprême à d’autres nations, en particulier l’Union Soviétique. » Et il a ajouté, « Certes, ce qui est arrivé à Hiroshima et Nagasaki restera à jamais sur la conscience du peuple américain. »

Hélas, à ce jour, tout prouve le contraire. La conscience critique a été marginalisée. Les mensonges officiels systématiques sur la « nécessité de sauver des vies américaines », persistent, tandis que la puissance de la bombe a créé un sentiment durable de’ « exceptionnalisme » vertueux chez les dirigeants du pays. Il n’y a que nous les Américains qui puissions faire ce que les autres ne peuvent pas faire, parce que nous sommes « libres » et « démocratiques » et les autres – si nous choisissons de les désigner ainsi – ne le sont pas. D’autres pays, parce que non « démocratiques », peuvent être détruits afin d’être libérés. Ou juste détruits. C’est cela au fond, « l’exceptionnalisme » qui, à Washington, se substitue à la « conscience du peuple américain » qui n’a pas été suscitée par Hiroshima, mais étouffée.

La Conscience en Sommeil

En tant qu’invité à Hiroshima, Obama a pontifié habilement :

« Les guerres de l’ère moderne nous enseignent cette vérité. Hiroshima enseigne cette vérité. Les progrès technologiques sans progrès équivalents dans les institutions humaines peuvent nous condamner. La révolution scientifique qui a conduit à la division d’un atome nécessite une révolution morale. »

Eh bien oui, mais une telle révolution morale n’a pas eu lieu.

« … La mémoire du matin du 6 août 1945, ne doit jamais s’effacer. Cette mémoire permet de combattre la complaisance. Elle alimente notre imagination morale. Il nous permet de changer. »

« Changer » est une spécialité d’Obama. Mais il n’a rien fait pour changer notre politique sur les armes nucléaires, sauf pour la renforcer. Aucune trace d’ « imagination morale » imaginant la dévastation vers laquelle cette politique nous mène. Pas d’idées imaginatives pour réaliser le désarmement nucléaire. Juste des promesses de ne pas laisser les méchants s’emparer de telles armes, parce qu’elles sont à nous.

« Et depuis ce jour fatidique, » a poursuivi Obama, « nous avons fait des choix qui nous donnent espoir. Les États-Unis et le Japon ont forgé non seulement une alliance, mais une amitié qui a gagné beaucoup plus pour notre peuple que nous n’aurions jamais pu obtenir par la guerre. »

Comme c’est sinistre. En fait, ce fut précisément par la guerre que les États-Unis ont forgé cette alliance et cette amitié – que les États-Unis essaient maintenant de militariser dans son « pivot asiatique ». Cela signifie que nous pouvons rayer de la carte avec des armes nucléaires deux villes d’un pays et finir avec « non seulement une alliance, mais une amitié ». Alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas se faire encore plus de ce genre d’ « amis », par exemple en Iran, pays à propos duquel Hillary Clinton a exprimé sa volonté de l’« éradiquer » si les circonstances le nécessitent.

« Voilà un avenir que nous pouvons choisir », a déclaré Obama, « un avenir dans lequel Hiroshima et Nagasaki sont connues non pas comme l’aube de la guerre atomique, mais comme le début de notre propre éveil moral. »

Mais jusqu’à présent, Hiroshima et Nagasaki sont très loin de marquer le « début de notre propre éveil moral ». Au contraire. L’illusion de posséder un pouvoir sans limites ôte toute nécessité d’auto-examen critique, toute nécessité de faire un véritable effort pour comprendre ceux qui ne sont pas comme nous et qui ne veulent pas être comme nous, mais pourraient partager la planète en paix si nous les laissions tranquilles.

Puisque nous sommes tout-puissants, nous devons être une force du bien. En réalité, nous ne sommes ni l’un ni l’autre. Mais nous semblons incapables de reconnaître les limites de notre « exceptionnalisme ».

Les bombes sur Hiroshima et Nagasaki ont plongé les dirigeants des États-Unis dans un sommeil moral dont ils ne sont pas près de se réveiller.

Diana Johnstone

Traduction “des bombes atomiques ? Pas de problème, il y en a pour tout le monde” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

Notes.

[1] Tout cela est connu des experts. Les preuves documentaires ont tous été présentées par Gar Alperovitz dans les 800 pages de son livre de 1995, The Decision to Use the Atom Bomb (la décision d’utiliser la bombe atomique). Cependant, les mensonges officiels survivent à une réfutation documentée.

[2] Alperovitz pp 352-3.

[3] p.254 Ibid.

Source : Le Grand Soir, Diana Johnstone, 06-08-2016

hiroshima-fr

Source: http://www.les-crises.fr/hiroshima-un-crime-qui-paie-encore-mais-gare-au-jugement-de-lhistoire-par-diana-johnstone/


Alep : la propagande « Droits de l’homme » prépare le terrain pour une escalade militaire, par Bill Van Auken

Monday 22 August 2016 at 01:59

Aujourd’hui, l’analyse géopolitique des trotskistes américains…

Source : World Socialist Web Site, Bill Van Auken, 20-08-2016

Les images et vidéos montrant un garçon de cinq ans d’Alep, Omran Daqneesh, sont rapidement devenues omniprésentes dans les médias aux États-Unis et en Europe de l’ouest, après avoir été distribuées par un groupe aligné sur les « rebelles » islamistes soutenus par la CIA en Syrie.

On voit le garçonnet un peu hébété, assis dans le siège orange d’une nouvelle ambulance bien équipée, le visage couvert de poussière et taché par ce qui semble être du sang séché provenant selon les médias d’une entaille au cuir chevelu. Une vidéo le montre attendant, sans qu’on s’occupe de lui, pendant que des photographes et vidéastes enregistrent son image pour la diffuser dans le monde entier. De toute évidence, les responsables ont senti que le garçon, avec une mèche de cheveux couvrant son front et un t-shirt de bande dessinée, fournissait une image commercialisable.

CNN a proclamé l’enfant « visage de la guerre civile en Syrie » ; sa présentatrice a fondu en larmes de façon théâtrale en racontant son histoire. Le New York Times le qualifia de « symbole de la souffrance d’Alep », tandis que USA Today publiait une brève note disant, « Ce garçon syrien s’appelle Omran. Allez-vous faites attention maintenant ? »

Plus direct dans son approche, le Daily Telegraph britannique titrait un article « Pour l’amour des enfants d’Alep, nous devons de nouveau essayer d’imposer une zone d’exclusion aérienne en Syrie. »

Parmi les articles les plus obscènes il en y avait un, c’était prévisible, de Nicholas Kristof du New York Times, qui mélangeait le sort des enfants syriens et la mort de son chien familial. Il invoquait ensuite une déclaration du secrétaire d’État John Kerry selon laquelle l’État islamique (EI) était en train d’effectuer un génocide, comme justification pour que les États-Unis lancent des missiles de croisière contre le gouvernement syrien qui se bat contre l’EI. Cette tentative d’abolir toute pensée rationnelle au nom des Droits de l’homme est stupéfiante.

Nous assistons là à une campagne de propagande de guerre soigneusement orchestrée, destinée à faire appel aux sentiments humanitaires de la population pour l’embrigader dans une nouvelle escalade de violence impérialiste au Moyen-Orient. Si l’incident avec Omran a été mis en scène par les « rebelles » et ceux qui les gèrent à la CIA, ou si Washington et les médias exploitent cyniquement la souffrance réelle d’un enfant innocent, n’est pas encore avéré.

Ce qui est indiscutable c’est que la feinte préoccupation au sujet de cet enfant est imposée au public avec des motifs politiques et géostratégiques très précis, non déclarés, qui n’ont rien à voir avec la protection d’enfants innocents. Des enfants sont morts par centaines de milliers au cours du dernier quart de siècle d’invasions, de bombardements et de guerres par procuration conduites par les Etats-Unis dans toute la région.

L’image d’Omran a été choisie parce qu’elle venait du secteur est d’Alep où environ un sixième de la population de la ville vit sous la domination des milices islamistes soutenues par les États-Unis. La plus importante d’entre elles est Fateh al-Sham, qui s’appelait le mois dernier encore Front al-Nosra et était l’affilié désigné d’Al-Qaïda en Syrie.

Les enfants syriens tués par « les canons de l’enfer » des milices d’Al-Qaïda, pilonnant aveuglément les quartiers ouest d’Alep contrôlés par le gouvernement, n’ont pas le même effet sur les glandes lacrymales des éditorialistes et « têtes parlantes » des médias. Ni d’ailleurs les images venant du Yémen, des enfants abattus par les frappes aériennes saoudiennes menées à l’aide de bombes fournies par les États-Unis et du soutien logistique indispensable du Pentagone. La vidéo horrifiante des « rebelles » syriens « modérés » soutenus par les États-Unis, sciant la tête d’un garçon palestinien d’une dizaine d’années, n’a pas non plus provoqué d’indignation significative.

Les forces motrices sous-jacentes de cette nouvelle campagne de propagande sont de deux ordres. D’abord et de façon immédiate, l’offensive des « rebelles » — armés et financés par les États-Unis et leurs alliés régionaux — visant à rompre le siège de l’est d’Alep par le gouvernement syrien et à intensifier la guerre contre la population civile dans l’ouest de la ville, s’est immobilisée, et l’armée syrienne, soutenue par l’aviation russe, refait des gains importants sur le terrain. D’où la nouvelle demande de cessez-le-feu immédiat.

Ensuite, il y a le développement d’une collaboration plus étroite entre Russie, Iran, Chine et Turquie qui a, par rapport aux cinq ans de guerre pour un changement de régime en Syrie, des conséquences d’une grande portée. La semaine dernière, l’Iran a permis à la Russie d’utiliser des bases iraniennes pour attaquer des cibles en Syrie et Pékin a annoncé une augmentation de l’aide militaire à Damas. Suite à la tentative de coup militaire du mois dernier soutenue par les États-Unis, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdo&;an a cherché à se rapprocher de Moscou et de Téhéran.

Washington est de plus en plus inquiet de cette alliance potentielle et la considère comme un obstacle à sa campagne militaire pour affirmer l’hégémonie américaine sur le Moyen-Orient et ses vastes réserves d’énergie. Il ne peut pas accepter un tel défi et va inévitablement préparer une réponse militaire. C’est à cette fin que la campagne de propagande « humanitaire » pour « sauver les enfants » de la Syrie — et sauver les forces Al-Qaïda mandatées par Washington par la même occasion — a été montée.

Les méthodes employées dans cette campagne sont pour le moins usées. Il y a vingt-cinq ans, la première guerre du Golfe contre l’Irak avait été préparée à l’aide d’un conte effrayant, raconté au Congrès américain, parlant de troupes irakiennes envahissant le Koweït, volant les incubateurs dans les hôpitaux et laissant mourir les bébés. On a appris par la suite que le prétendu témoin de cette atrocité, une femme présentée comme une infirmière, était la fille de l’ambassadeur du Koweït et un membre de la famille royale de l’émirat. Toute l’histoire était un canular de propagande.

Dans les années qui ont suivi, les États-Unis ont imposé des sanctions punitives à l’Irak, qui ont coûté la vie à un demi-million d’enfants irakiens. Madeleine Albright, alors ambassadrice américaine à l’ONU, a déclaré de façon tristement célèbre : « Le prix en valait la peine. » Des guerres américaines subséquentes en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie ont tué des centaines de milliers d’autres enfants.

Examinant ces 25 années de violence et de sang, le livre nouvellement publié de David North: « Un quart de siècle de guerre: la poursuite de l’hégémonie mondiale par les États-Unis, 1990-2016 » déclare :

« L’étendue des opérations militaires s’est continuellement élargie. On a commencé de nouvelles guerres tout en poursuivant les précédentes. On s’est servi cyniquement de l’invocation des Droits de l’homme pour faire la guerre à la Libye et renverser le régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Le même prétexte hypocrite a été utilisé pour organiser une guerre par procuration en Syrie. Les conséquences de ces crimes, en vies humaines et en souffrances, sont incalculables. »

« Il faut étudier le dernier quart de siècle de guerres menées par les États-Unis comme une chaîne d’événements interconnectés. La logique stratégique de la poursuite de l’hégémonie mondiale par les États-Unis se prolonge au-delà des opérations néocoloniales du Moyen-Orient et de l’ Afrique. Les guerres régionales en cours sont les éléments constitutifs d’une confrontation montante des États-Unis avec la Russie et la Chine, qui s’accélère rapidement. »

Le flot de propagande de guerre qui annonce une escalade imminente de l’intervention américaine en Syrie menace de précipiter une telle confrontation qui comporte le danger réel d’une guerre nucléaire mondiale.

(Article paru d’abord en anglais le 19 août 2016)

 Source : World Socialist Web Site, Bill Van Auken, 20-08-2016

Source: http://www.les-crises.fr/alep-la-propagande-droits-de-lhomme-prepare-le-terrain-pour-une-escalade-militaire-par-bill-van-auken/


[NOS Terroristes] Le photographe d’Osmane fréquentait les décapiteurs de l’enfant syrien… (Incroyable mais vrai)

Sunday 21 August 2016 at 06:10

Une sacrée histoire aujourd’hui, qui montre qu’on peut faire aussi de la grosse propagande avec une information vraie – mais qui en masque d’autres… (pas parfaite, car je n’ai trouvé PERSONNE hier parlant arabe pour m’aider, conséquence de très faibles réponses à mon dernier appel. Si quelqu’un peut s’y coller aujourd’hui…). N’hésitez pas à aller en parler en commentaire des médias mainstream…

Je comptais donc pointer le “2 poids 2 mesures” classique en Syrie, où le pauvre-petit-garçon-tout-mignon-blessé-par-les-méchants-assado-russes fait la Une des médias, “plein d’émotions” devant “le vrai visage de la guerre en Syrie”. Et cela fait la Une de tous les médias, comme on l’a vu ici :

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Vidéo largement diffusée par la Syrian american medical society, qui l’a transmise à Sophie Mc Neil de ABC news Liban :

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(Parce qu’au XXIe siècle, journaliste, militant, activiste, tout ça, c’est pareil – les journalistes des grands médias ayant une remarquable capacité à ne jamais se remettre en question et bien entendu à ne tirer aucune des leçons de l’Histoire, genre Irak ou Libye… Et vous notez : tout ça pour demander évidemment PLUS DE GUERRE ENCORE, pas moins – ils seraient pacifistes encore…)

avec propagande classique du Directeur de Human Right Watch en Syrie (mais qui a le mérite et la cohérence de faire au moins pareil au Yémen) :

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“Attaques délibérées d’Assad et de Poutine sur les enfants” – bien sûr… Le plus drôle est que le même s’était déjà ridiculisé l’année passée avec plusieurs tweets accusant l’armée syrienne issue d’une fausse photo et qu’il avait immédiatement récidivé (lire ici, ici et ici) – cela en dit long sur le professionnalisme et l’honnêteté intellectuelle…

Mais bon, après, ça permet de faire des trucs comme ça qui sortent de n’importe où :

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(et le total des “modérés” ? et des frappes américano-françaises ?)

Mais où n’a jamais les photos des enfants du côté gouvernemental tués par les “gentils terroristes modérés” que nous soutenons. Genre cet enfant du côté gouvernemental blessé le 4 aout par le Front al-Nosra (qui a encore fait du “bon boulot” apparemment) :

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Vous me direz, la police nous a aussi interdit de voir les images du drame de Nice :

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(mais Osmane n’a apparemment pas besoin de respect lui, il est arabe, et ça nous arrange, alors… Idée : interdire ce genre de photo en Une ? Ou dans certaines conditions ?)

Notez aussi que du coup, cela a permis de ne pas parler de la “petite” manifestation du jour au Yémen contre les frappes de l’ Arabie Saoudite :

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qui, raffinement, a osé bombarder durant la manifestation…

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Et je comptais bien sûr reprendre l’histoire de Abdullah Tayseer al-Issa, l’enfant décapité le mois dernier à Alep par des “rebelles modérés” – sachant qu’on peut raisonnablement avancer qu’il est plus grave d’être “décapité” que simplement “blessé”…

Notez, comme l’enfant n’est pas mort, ce n’est pas assez vendeur, donc on a maintenant un décompte pour toute la famille :

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Mais il y a bien mieux en fait, à propos de cette photo…

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I. Les suites de la décapitation d’Abdullah

Mais revenons d’abord sur la décapitation du pauvre Abdullah il y a tout juste un mois, le 19 juillet.

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Les barbares ont été facilement identifiés, car ce sont des commandants du groupe Harakat Nour al-Din al-Zenki:

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groupe de l’armée syrienne Libre longtemps classé “modéré” et aidé par les Américains…

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Sympas les “modérés”, quoi…

Du coup, devant l’effroi international, la brigade al-Zenki a publié coup sur coup le jour même deux communiqués, pour une fois en anglais :

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“In the name of Allah” (mazette !), elle désavoue le crime, et indique que les auteurs de l’assassinant ont été arrêtés et vont être traduits devant un comité judiciaire ah-hoc pour enquêter sur ce crime…

Ceci étant, je signale en passant, toujours dans l’idée du “2 poids 2 mesures”, que 4 jours plus tard, cette brigade a tiré des missiles dans un parc public d’Alep durant un pique-nique, faisant 10 morts et 44 photos blessés. Voici une photo du drame, qui n’a donc étrangement pas intéressé nos médias, bien qu’il y ait des enfants morts pourtant (attention, c’est très très moche, âmes sensibles s’abstenir – z’êtes prévenus. C’est ici.)

D’ailleurs, entre-temps, une autre vidéo est sortie du jour de la décapitation, où ils effrayent le pauvre enfant :

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L’enquête aura donc été sérieuse et très rapide, puisque dès le 6 aout, la brigade publie des vidéos des combats du jour :

Et devinez-quoi ? On y retrouve des têtes connues… :

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Le boucher (a priori. On voit mal avec son masque vert, mais la vidéo est en plus étrangement coupée juste au moment où il se rapproche, comme si la brigade n’avait pas voulu qu’on puisse l’identifier) :

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Avec même une photo de famille :

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Et on retrouve donc la  fine équipe des décapiteurs – sympa !

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Petite vidéo de synthèse :

Ce jour-là a d’ailleurs été prise cette photo du même Mohammad Ma’yuf :

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qui sera fièrement reprise par The Guardian le 8 aout, sans commentaire bien entendu si ce n’est de “combattants anti-régime d’Assad” :

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Mais revenons à Osmane…

II. Le Photographe d’Osmane : Mahmoud Raslan

Le photographe dont les médias diffusent l’œuvre est bien entendu crédité :

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Il s’agit de Mahmoud Rslan, un habitant d’Alep. On nous en fait même le dithyrambe classique dans ce cas là :

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En fait, il est souvent qualifié de journaliste-activiste.

On le voit ici prendre ladite photo, avec son tee-shirt bleu immanquable :

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III. Les étranges fréquentations du photographe

Mahmoud Raslan a un compte Facebook très actif.

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On le voit filmer plein de choses, et il est très bien accueilli par pas mal de combattants, avec qui il semble très ami…

Regardez cette vidéo par exemple.

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On voit assez vite vers qui il penche :

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On note au passage le petit matériel amateur des “rebelles” :

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Admirez le drapeau djihadiste sur le véhicule dans cette vidéo. (EDIT : il l’a supprimée…)

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Et là, on le voit toujours le 7 aout faire la fête avec plein d’amis AllahuAkbars “modérés” après la bataille :

Il est très content (bah, c’est toujours sympa de tuer de jeunes appelés du contingent syriens) :

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et j’aime même un soupçon (mais rien de plus, on voit très mal), car le type derrière lui ressemble bien au décapiteur (qui doit probablement se trouver dans l’assistance, c’est le même bataillon vu dans les vidéos du jour) :

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Bon, alors, vous la voyez arriver la chute ?

Eh bien le 6 aout, après les durs combats de la journée, notre photographe va voir des combattants revenus du front, et fait un inoubliable selfie :

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Il n’y a pas de truquage, le billet est même toujours en ligne… (euh non, il a été supprimé pendant la rédaction du billet…)

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Ça a beaucoup plus à pas mal de Syriens ça…

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Soulignons qu’un seul média mainstream a parlé de ça, le Parisien (et ce n’est clairement pas en une, je l’avais loupé de prime abord…)

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On notera dans l’article cette réaction de l’AFP qui en dit long sur le métier :

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Bref, ou est le problème d’oeuvrer à la propagande des décapiteurs, vu que l’information est VRAIE ? Eh bien qu’ils ne voient pas le problème, c’est bien tout le problème… C’est drôle, ils voyaient plus le problème quand c’était Merine Le Pen qui tweetait d’énormes horreurs…

rislan

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#MédiasHorsJeu ?

Finalement, Raslan a fini par réagir, en écrivant à la correspondant d’ABC News que, pas de bol, il passait juste par là et que, dingue, il ne connaissait pas l’implication de la brigade dans la décapitation (qui ne l’a pas  beaucoup marqué a priori ; et puis comme quoi, on peut être barbare sans que ça se voit quand on croise les gens)… :

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Vous notez qu’en plus il ment, disant que le garçon avait 19 ans (un fake, a priori, a circulé sur cette rumeur)…

Bref…

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Alors prions, pour que la paix revienne, et pour les trop nombreux morts, à commencer par le petit Abdullah, qui a eu le tort de mourir en n’appartenant pas au bon camp – le nôtre…

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Source: http://www.les-crises.fr/le-photographe-dosmane-frequentait-les-decapiteurs-de-lenfant-syrien/


[Propagande] Omran, 5 ans, “symbole de l’horreur du conflit syrien”

Sunday 21 August 2016 at 05:42

Au début, je comptais ne pas parler des sujets très importants pour notre avenir (genre JO ou Burkini) mais revenir une nouvelle fois sur le 2 poids 2 mesures, un grand classique…

Mais bon, c’est vrai qu’ils abusent les Russes avec leurs bombardements. Ils devraient faire comme nous…

rislan

Des bombardements PROPRES qui ne tuent que des méchants….

Mais je développe peu ici, vu qu’un article plus important suit

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et bine sûr :

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PHOTO. Omran, 5 ans, symbole de l’horreur du conflit syrien

Source : Le Nouvel Obs, 18-08-2016

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Omran Daqneesh, 5 ans.2

Les images de l’enfant ensanglanté ont déjà été partagées des milliers de fois sur les réseaux sociaux.

Le garçonnet, en sang et couvert de poussière, semble être le premier surpris d’être toujours en vie. L’image d’Omran Daqneesh, 5 ans, cruellement blessé lors d’un bombardement aérien visant un quartier rebelle à Alep, rappelle l’horreur du conflit en Syrie et le quotidien infernal des populations civiles au premier rang desquelles les jeunes enfants, nés avec la guerre il y a cinq ans.

Selon le “Guardian“, il fait partie du groupe de huit personnes blessées – dont quatre autres enfants – mercredi lors d’une frappe militaire du régime de Bachar al-Assad ou de ses alliés russes. En 24 heures, la vidéo qui montre le “sauvetage” du garçon par des secouristes syriens a été partagée des milliers de fois.

Symbole de l’horreur

Sur les images diffusées par l’Aleppo Media Center – un media anti-régime -, l’enfant est extirpé des décombres par des secouristes puis installé dans une ambulance au milieu des cris des sauveteurs et des habitants du quartier de Qaterji qui vient d’être frappé par les bombes.

Complètement abasourdi et sagement assis au fond du véhicule, sans pleurer, offert aux viseurs des caméras des activistes, il ne semble même pas s’être rendu compte qu’une large entaille barre son front et fixe quelques instants l’objectif qui s’attarde sur lui. C’est seulement au moment où il porte la main à son visage que l’enfant innocent découvre le sang qui le recouvre.

 Attention : certaines images de cette vidéo peuvent choquer

Il est ensuite rejoint par d’autres enfants, pas plus âgés que lui, qui viennent eux aussi d’être sauvés des immeubles soufflés par les explosions.

Selon le “Telegraph”, Omran a été transporté à l’hôpital M10 – situé à l’est d’Alep – puis soigné pour ses blessures à la tête. Dans la journée de mercredi, le correspondant du “Telegraph” a posté une photo montrant l’enfant avec un bandage. “Il s’appelle Omran Daqneesh, il a 5 ans. Le voici après après été pris en charge par des médecins extrêmement courageux […]. Cette photo, c’est le quotidien à Alep”, écrit le journaliste sur Twitter.

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Sur les réseaux sociaux, l’image d’Omran est déjà en passe de devenir iconique et de nombreux activistes syriens font de l’enfant le nouveau symbole du conflit meurtrier. La mise en scène de l’enfant et les photomontages posent tout de même question.

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Alep, bataille cruciale du conflit syrien

Enjeu majeur de la guerre qui ravage la Syrie depuis plus de cinq ans, la ville d’Alep est divisée en quartiers rebelles à l’est et quartiers pro-régime à l’ouest. Les deux camps ont renforcé leurs effectifs en vue de la bataille qui leur permettrait de s’emparer définitivement de la totalité de l’ancienne capitale économique du pays.

Le 28 juillet dernier, près de la moitié des derniers praticiens syriens exerçant dans la partie rebelle d’Alep avaient fustigé “l’inaction” des Occidentaux face aux malheurs et atrocités que subit la population de cette grande ville divisée du nord de la Syrie. Dans une lettre adressée à la Maison-Blanche, 15 des 35 médecins encore présents dans les quartiers sous contrôle des insurgés lançaient un appel urgent décrivant la situation désespérée que connaîtraient les civils si le régime imposait un nouveau siège.

Actuellement, 250.000 personnes habitent dans les zones rebelles et 1,2 million dans les quartiers tenus par le gouvernement dans la ville d’Alep, la deuxième de Syrie et enjeu majeur d’un conflit qui a fait plus de 290.000 morts depuis son déclenchement en mars 2011.

L.B. avec AFP

Source : Le Nouvel Obs, 18-08-2016

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Et le lendemain, rebelote

Source : Le Nouvel Obs, 19-08-2016

SYRIE. La photo d’Omran, 5 ans, ébranle le monde

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La photo de ce petit garçon blessé dans un raid aérien à Alep a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Ce vendredi matin, elle fait la une de nombreux journaux dans le monde entier.

C’est une image puissante, qui symbolise à elle seule l’horreur du conflit syrien. Un petit garçon de 5 ans est assis au fond d’une ambulance, ses pieds ne touchent pas le sol. Recouvert de poussière grise et de sang séché, il touche sa tempe, comme s’il avait du mal à croire qu’il est toujours en vie. Son regard est perdu dans le vide, le visage sidéré et fatigué. Il ne pleure pas.

L’enfant, identifié comme Omran Daqneesh, a été extirpé des décombres après un bombardement dans le quartier de Qaterji, à Alep. Il est l’un des 12 mineurs de moins de 15 ans traité mercredi 17 août à l’hôpital M10 à l’est de la ville. Le petit garçon a été soigné pour ses blessures à la tête. Dans la journée de mercredi, le correspondant du “Telegraph” a posté une photo montrant l’enfant avec un bandage. Les sept membres de sa famille sont miraculeusement en vie. Seul le grand frère d’Omran a été gardé à l’hôpital pour être traité.

La vidéo d’origine a été diffusée par l’Aleppo Media Centre, un groupe d’activistes anti-Assad. Elle a été tournée par Mahmoud Raslan, qui documente la guerre dans la ville. Venu pour aider sur le site du bombardement, il a sorti Omran des gravats et n’a pas pris de photo tant que le garçon n’était pas en sécurité dans l’ambulance.

“Quand j’ai vu la photo, je savais qu’elle était très douloureuse et puissante”, explique-t-il au “Telegraph”. “Normalement, les petits garçons pleurent. Mais ce garçon était différent parce qu’il ne pleurait pas. Il était en état de choc. C’est ce qui rend l’image si frappante.”

Le tour des réseaux sociaux

Des images d’enfants morts ou blessés en Syrie sont partagées tous les jours sur les réseaux sociaux, certaines bien plus déchirantes que celle d’Omran. Des morceaux de corps tirés de décombres sont régulièrement photographiés, dans une guerre où les attaques viennent à la fois de frappes aériennes du gouvernement mais aussi de tirs de mortiers des rebelles. Omran, lui, n’est pas affreusement blessé. Mais son air de détresse fait mouche.

En quelques minutes après avoir été postées par des témoins et des journalistes, la photo et la vidéo du petit garçon sont montées en flèche sur les réseaux sociaux. Sophie McNeill, correspondante au Moyen-Orient pour ABC News, a été l’une des premières à relayer les imagesContactée par Metronews, elle raconte l’histoire :

“Comme tous les jours, les docteurs de la Syrian American Medical Society, basés à Alep, m’envoient des photos de leurs interventions. Hier soir, j’ai reçu les images très fortes de ce petit garçon. Quand je les ai vues, j’ai su qu’elles étaient incroyables, à cause du regard de cet enfant.”

Des unes du monde entier

Ce vendredi matin, l’image fait la une de nombreux journaux.

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Ici, celles du “Times”, d'”El Pais” et du “Guardian” :

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Et du “New York Times”, du “Financial Times” et du “South China Morning Post” :

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Une journaliste de CNN fond même en larmes en parlant du cas de Omran.

Un rappel de la photo d’Aylan

Le phénomène rappelle le cas d’Aylan, le petit Syrien qui s’était noyé en septembre dernier et dont le corps s’était échoué sur une plage turque. Comme Aylan, Omran attire à nouveau l’attention sur le fait que des milliers d’enfants sont blessés et tués depuis le début de cette guerre il y a cinq ans.

Le dessinateur soudanais Khalid Albaih fait le rapprochement dans un post Instagram.

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D’autres artistes partagent des dessins mettant en scène Omran sur Twitter.

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La communauté internationale accusée

Des Syriens ont aussi partagé des détournements de la photographie. Dans l’un d’entre eux, Omran est assis sur une chaise officielle, comme s’il représentait son pays aux yeux du monde. Un autre photomontage le place entre Barack Obama et son homologue russe Vladimir Poutine.

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Les États-Unis se sont joints jeudi à l’émotion mondiale. “Combien d’entre vous ont vu la vidéo, les photos de ce petit garçon?” a demandé soudainement aux journalistes qui assistent à son point presse quotidien le porte-parole du département d’État John Kirby.

“Ce petit garçon n’a jamais connu un seul jour dans sa vie sans guerre, mort, destruction, pauvreté dans son propre pays”, a tonné le porte-parole en rappelant que le conflit, qui a fait plus de 290.000 morts, avait débuté en mars 2011.

“Vous ne pouvez pas vous empêcher de regarder ça et de voir que c’est le vrai visage de ce qui se passe en Syrie.”

A. S.

Source : Le Nouvel Obs, 19-08-2016

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Soulignons des commentaires vigoureux – l’avantage de l’apprentissage à force de manipulations de ce genre (attention les jeunes, c’est le moment formation 🙂 ) :

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Mais je voudrais surtout m’arrêter sur ce dessin, que le “journaliste” a mis dans son article, évidemment sans chercher à le comprendre (un stagiaire encore, cet A.S., j’imagine…).

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Il y a l’enfant, certes, mais aussi ce loup derrière, et ce commentaire qui ne veut a priori rien dire “Les loups ne pleurent pas”.

Eh bien ce semble être une claire allusion aux “Loups gris”, parti néo-fasciste turc, qui a des miliciens qui combattent dans le Kurdistan et à Alep… – sympa…  (Source et Wikipédia)

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Les Belges ont même droit à un bonus :

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Quant à la réaction du Ministère des Affaires Étrangères américains, je préfère ne pas commenter pour rester poli – je ressors juste ce billet important du New York Times sur l’Opération Timber Sycamore

Source : Youtube

  1. Capture d'écran/L'Obs
  2. Capture d’écran/L’Obs

Source: http://www.les-crises.fr/propagande-omran-5-ans-symbole-de-lhorreur-du-conflit-syrien/


Des rebelles syriens “modérés” ont décapité un enfant

Sunday 21 August 2016 at 03:59

[Re-publication de cet article du 22 juillet 2016]

Étrangement, cela n’a pas trop fait la Une des médias (ils ont mis 4 heures pour faire de timides billets en fond de site)…

Bref, la barbarie à l’état pur…

J’en parle pour mieux montrer la propagande en cours depuis des mois sur les “rebelles modérés” en Syrie, dont nous avons parlé à de multiple reprises…

À comparer également au traitement médiatique de la mort du petit Aylan en septembre 2015…

RIP petit bonhomme

Source : Le Figaro, AFP, 20-07-2016

Une vidéo diffusée hier sur les réseaux sociaux montre des combattants rebelles décapitant un jeune garçon après l’avoir capturé près d’Alep, dans le nord de la Syrie. La vidéo montre le garçon étendu à l’arrière d’un camion et un combattant qui commence à le décapiter avec un petit couteau.

Un autre combattant crie: “Nous ne laisserons personne à Handarat”, localité située au nord d’Alep et où les rebelles et les forces du régime syrien s’affrontent.  Dans cette zone d’Handarat se situe un camp de réfugiés palestinien qui a été largement abandonné au cours des années.  L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée en Grande-Bretagne, a confirmé que la vidéo montrait des combattants rebelles.

Dans une vidéo antérieure, l’enfant était assis à l’arrière d’un camion avec des combattants qui l’accusaient d’être un membre des brigades Al-Qods, un groupe palestinien se battant au côté du régime du président syrien Bachar al-Assad.

Notez que la journaliste n’a pas écrit ”l’enfant était assis à l’arrière d’un camion avec des ”mercenaires islamistes” qui l’accusaient d’être un membre des brigades Al-Qods, un groupe palestinien se battant aux côtés de l’armée loyaliste sous l’autorité du gouvernement syrien”

Amnesty International a déclaré dans un rapport publié en juillet que des rebelles islamistes et djihadistes actifs en Syrie étaient coupables de crimes de guerre, les accusant d’être responsables “d’une effrayante vague d’enlèvements, de tortures et d’exécutions sommaires”.  L’organisation humanitaire a nommé dans ce rapport cinq groupes rebelles opérant dans le nord de la Syrie, parmi lesquels le groupe islamiste Noureddine Zinki.

Selon l’OSDH, les rebelles que l’on voit sur la vidéo montrant la décapitation d’un enfant sont des combattants de Noureddine Zinki. Le groupe rebelle a publié un communiqué dans lequel il affirme que cette décapitation est “une erreur individuelle qui ne représente pas la politique générale du groupe”. “Les personnes qui ont commis cette infraction ont été arrêtées et remises” à une commission d’enquête, ajoute Noureddine Zinki.

Tu m’étonnes – abrutis de combattants… qui ont filmé !

D’après Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH, “le jeune garçon n’a pas plus de 13 ans, il a été capturé mardi dans la région d’Handarat, mais les faits ont eu lieu dans une zone d’Alep tenue par les rebelles, le quartier Al-Machad pour être précis.” M. Abdel Rahmane n’a pas été en mesure de dire si le garçon était un Palestinien ni s’il était un enfant-soldat.

Source : Le Figaro, AFP, 20-07-2016

C’était bien un Syrien…

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Syrie. Des rebelles vont enquêter suite à la décapitation d’un enfant

Source : Ouest France, 20-07-2016

Suite à une vidéo montrant la décapitation d'un enfant, les rebelles syriens ont assuré mené une enquête interne. | Infographie Ouest France

Suite à une vidéo montrant la décapitation d’un enfant, les rebelles syriens ont assuré mené une enquête interne. | Infographie Ouest France

Un groupe rebelle soutenu par les États-Unis a annoncé mercredi mener une enquête après la diffusion d’une vidéo montrant la décapitation d’un jeune garçon par un homme identifié comme appartenant à son mouvement.

Les images d’un combattant découpant au couteau la tête du garçon atteignent le niveau d’atrocité de celles qu’a diffusées l’État islamique au cours des trois dernières années.

D’autres images montrent le garçon avant sa mort, à l’arrière d’un pick-up et des hommes l’accusant d’appartenir à un groupe de Palestiniens combattant au côté des forces de Bachar al Assad.

Enquête de Washington

« Voici un prisonnier de la Brigade Quds. Ils n’ont plus d’hommes, alors ils nous envoient des enfants », dit l’un des hommes. « Ce sont tes chiens, Bachar, les enfants de la brigade Quds », lance un autre homme.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ces hommes appartiennent au Mouvement Nouraldine al Zinki, un groupe rebelle qui a reçu des équipements américains, notamment des missiles TOW.

Un porte-parole du département d’État a dit que Washington enquêtait sur « ces informations répugnantes » et que ses livraisons d’équipements seraient suspendues si les faits étaient avérés.

Dans un communiqué, Nouraldine al Zinki a dénoncé une « atteinte aux droits de l’homme »ne représentant ni sa politique ni ses pratiques. Il dit avoir formé un comité chargé d’enquêter. « Tous ceux qui ont participé à cette violation ont été arrêtés et remis au comité pour les besoins de son enquête. »

Source : Ouest France, 20-07-2016

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“Moi, je suis tout simplement curieux: avez-vous vu et êtes-vous au courant du fait qu’un groupe soutenu par les Etats-Unis a décapité un enfant? “, a demandé sans détour Matthew Lee, journaliste de l’Associated Press (AP) connu pour ses questions parfois gênantes mais perspicaces, à Mark Toner.

“Non. Merci. Bien sûr. Nous l’avons vue, mais ne pouvons pas le confirmer. Il nous faut plus d’informations”, a balbutié M. Toner en réponse, ajoutant qu’autant qu’on ait compris ces annonces non confirmées, l’armée syrienne libre a mis en place une commission spéciale pour enquêter sur l’incident, que ceux qui y ont été éventuellement impliqués sont interpellés et qu’il s’agit apparemment du groupe Nour al-Din al-Zenki (“si je ne me trompe pas”)…

L’incertitude a fidèlement gagné M. Toner dans la suite.

“Est-ce que ça influera de telle ou telle façon sur le soutien que les États-Unis apportent à ce groupe ou à l’Armée syrienne libre?”, continuait d’interroger le journaliste, infatigable.

“Bien, nous sommes d’avis… Si, évidemment, ce que vous avez dit, ces informations selon lesquelles l’incident a eu lieu, sont confirmées, ainsi que le fait que le groupe est vraiment impliqué, je crois que nous pourrons… prendre une pause”, a déclaré — ou plutôt marmonné?— le porte-parole. (Source)

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Le meurtre a eu lieu à Mashhad, à environ 40 km. à l’Ouest d’Alep.

Il a également été dit qu’il avait apparemment reçu un traitement médical avant d’être saisi, en notant que l’une photographie montre une perfusion intraveineuse dans son bras.

Sa soeur, identifiée comme “Zoze Aisa”, a dit qu’elle était en colère et bouleversée que les gens dépeignent son frère Abdullah comme Palestinien.

Harakat Nour al-Din al-Zenki est parmi les groupes rebelles qui auraient reçu un soutien financier et militaire de différents pays , y compris la Turquie, le Qatar et d’autres pays du Golfe, selon le rapport d’Amnesty

Le groupe est également signalé comme ayant reçu le soutien d’un organisme de coordination connu sous le commandement d’opération du Nord (mieux connu sous son acronyme MOM turc), qui a été créé par les alliés des États-Unis dont la France, le Qatar, l’ Arabie Saoudite, Turquie, les Émirats Arabes Unis et le Royaume-Uni en 2014, selon Amnesty.

Mais le financement de Nurredin Zinki aurait été arrêté en septembre 2015 après avoir uni leurs forces avec deux groupes accusés d’enlèvement de deux travailleurs humanitaires italiens.

Son interrogatoire est visible ici.

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La vidéo de l’horreur est ici, si vous avez le cœur bien accroché, mais je vous la déconseille.

Voir aussi l’article du journal The Telegraph

P.S. Vous noterez que nos médias en ont parlé :

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Contrairement à ce que pensent certains, les médias cachent peu de choses, la propagande chez nous est bien plus subtile. Les médias en parlent, mais très peu, pas en une, et pas plus d’une journée, sans suivre le devenir du sujet, ou réagir entre eux.

Et en l’espèce, ils ne montrent pas les images, même floutées, ou, comme L’Obs, c’est mélangé avec autre chose.

Quand ils veulent, ils font mousser un sujet – vois Aylan en 2015 [EDIT : ou Omrane en 2016] : là, ils ont fait le boulot…

La question à se poser n’est jamais : “Les médias en ont-ils parlé ? ” (car c’est généralement le cas), mais : “Les médias ont il fait leur boulot, à savoir l’information a-t-elle bien atteint ma conscience ?” (bref, puis-je ne parler avec mon beau-frère le week-end prochain, car il sera au courant).

Sur les informations importantes, les médias doivent avoir une obligation de résultat, pas de moyen !

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Tiens grâce à Internet, on a identifié plusieurs des assassins – et ce sont des commandants du groupe en question : Muhammed Ma’yuf et Omar Salkhu…

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Un rebelle modéré posant devant un drapeau de Daech, tout va bien :

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Comment dit le focialiste déjà ? (Paris-Match le 2 juillet 2015)

Ben si.

 

Source: http://www.les-crises.fr/des-rebelles-syriens-moderes-ont-decapite-un-enfant/