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[Salauds de Russes !] Et maintenant, la Russie s’en prend aux paradis fiscaux !

Monday 11 July 2016 at 00:02

Et voilà, après l’Ukraine, les avions malaisiens, le foot, les gentils terroristes en Syrie, l’athlétisme, les avions russes (?), voilà que ces salauds de Russes osent s’attaquer (un peu) aux paradis fiscaux…

En effet, si vous avez lu ce billet dédié, la France a courageusement dressé la liste exhaustive des paradis fiscaux de la planète :

Et voilà que ces salauds de Russes osent faire la même chose, et, scandale, leur liste est très différente.

Précisions qu’il s’agit d’une pré-liste que le fisc russe a diffusé  et comprenant tous les territoires qui n’échangent pas correctement leurs informations avec lui – ce qui est en pratique la définition d’un paradis fiscal (ou plus justement d’un paradis juridique – le problème pour une structure mafieuse n’est pas de payer des impôts, mais de devoir justifier la source de l’argent…). Les sommes en transit de ces pays seront lourdement taxées en Russie.

Voilà la liste des 137 pays  (Source ici et ici) :

A vous de juger…

P.S. : “l’Europe” y est presque : 20 pays, et ça crise…

P.J. L’analyse de PWC :

 (Source)

Source: http://www.les-crises.fr/et-maintenant-la-russie-sen-prend-aux-paradis-fiscaux/


0420 Les paradis fiscaux

Monday 11 July 2016 at 00:01

Petit billet introductif aujourd’hui…

Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ?

Un paradis fiscal est un territoire (pays, île, cité) qui a une fiscalité, c’est-à-dire un niveau d’imposition, très faible, voire inexistant, par rapport aux autres pays développés. Il n’existe pas de définition précise, le niveau de fiscalité étant apprécié différemment selon les pays.

Dans un sens restreint, le paradis fiscal désigne un territoire où la fiscalité est faible. Mais souvent, le paradis fiscal est aussi un paradis bancaire, c’est-à-dire un territoire où le secret bancaire protège les clients de toute juridiction. Dans certains pays, l’administration fiscale n’a pas accès aux données bancaires et ne peut donc vérifier les déclarations des contribuables.

La distinction n’est pas toujours bien faite entre paradis fiscaux et paradis bancaires, certains territoires cumulant les deux. Mais ce cumul n’est pas systématique. Par exemple, la Suisse est un paradis bancaire, le secret bancaire permet aux clients d’échapper à l’administration fiscale. D’un point de vue fiscal, la Suisse comporte plusieurs systèmes dérogatoires avantageux, mais la fiscalité est loin d’y être inexistante.

Dans la presse, on fait rarement la distinction entre les deux types de paradis si bien que le terme de “paradis fiscal” recouvre aujourd’hui celui de paradis bancaire.

L’OCDE a précisé quelques critères pour définir un paradis fiscal comme :

L’existence des paradis fiscaux soulève plusieurs types de questions distinctes :

Qui a recours aux paradis fiscaux ?

Essentiellement les fonds spéculatifs, les grandes entreprises, qui y installent leur filiales (Google en possède par exemple une aux Bermudes) et les riches particuliers. L’intérêt pour eux est d’échapper à une fiscalité plus lourde dans leurs pays d’origine. En France, le phénomène n’est pas mineur : en avril 2009, peu après l’affaire HSBC, la France a mis en place une “cellule de régularisation” pour les évadés fiscaux. Un dispositif qui a permis de rapatrier 7,3 milliards d’euros d’actifs, avec un bénéfice estimé pour le fisc à 1,3 milliards d’euros.

Par ailleurs, les paradis fiscaux abritent une part non quantifiable d’actifs destinés au blanchiment de l’argent sale issu de la corruption ou encore du trafic de drogue.

Quelle part de l’économie mondiale représentent-ils ?/h2>

Selon le Fonds monétaire international, 50 % des transactions internationales transitent par des paradis fiscaux. Ces derniers hébergeraient 4 000 banques, les deux tiers des hedge funds et 2 millions de sociétés-écran. Environ 7 000 milliards de dollars d’actifs dormiraient sur ces comptes, soit plus de trois fois le PIB de la France. Economiste à l’Ecole d’économie de Paris, Gabriel Zucman estime que le montant des avoirs de particuliers détenus dans les paradis fiscaux s’élève à 8 % des ressources financières mondiales (lire son étude).

En 2008, le quotidien La Tribune estimait que les actifs gérés par les paradis fiscaux atteignaient les 10 000 milliards de dollars.

Quels sont-ils ?

Officiellement, les principaux pays développés veulent lutter contre les paradis fiscaux, notamment dans le cadre de la lutte anti-terroriste, contre le crime organisé, ou contre l’évasion fiscale extrêmement coûteuse pour les finances publiques.

Mais dans le même temps, les pays occidentaux acceptent, voire maintiennent, des paradis fiscaux à proximité de leur territoire pour capter des flux financiers et plus ou moins contrôler l’évasion fiscale. Tous les pays occidentaux ont leurs propres paradis fiscaux : Monaco pour la France, les îles Anglo-Normandes pour le Royaume-Uni, les Bahamas pour les Etats-Unis, le Liechtenstein pour les pays germaniques, Macao pour la Chine. Cette ambiguïté est apparue de manière flagrante lors du sommet du G20 d’avril 2009 à Londres.

Le “label” paradis fiscal n’a rien d’officiel et varie selon les institutions qui les répertorient. L’OCDE s’est à cette occasion essayé à classer les paradis fiscaux selon trois listes :

Les pays occidentaux ont alors établi des listes de paradis fiscaux en réclamant une meilleure coopération de la part de ces pays pour lutter, notamment, contre le blanchiment d’argent. Dans le même temps, les pays occidentaux ont voulu “protéger” leurs paradis fiscaux. Par exemple, après négociations, la Chine a obtenu que Macao et Hong-Kong ne figurent pas dans la liste des paradis fiscaux alors que ces deux dépendances chinoises en ont toutes les caractéristiques. En échange, les Etats-Unis ont obtenu le classement des Bahamas dans la liste grise au lieu de la liste noire.

Le 2 avril 2009, le monde fut ainsi ébahi de découvrir que, selon les critères retenus, les pires trous noirs financiers de la planète étaient le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay, tandis que de véritables paradis fiscaux, comme Jersey ou l’île de Man étaient blanchis. Les grandes nations s’étaient aussi arrangées pour que leurs propres jardins secrets (la city de Londres, l’Etat américain du Delaware ou Hong-Kong pour la Chine) ne soient pas mis en évidence.

Quant aux pays placés sur la liste grise (îles Caïmans, Luxembourg, Belgique, Liechtenstein, Suisse, Singapour, îles vierges britanniques, Autriche…), ils protestèrent vivement (voir cette interview du Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker), mais l’affront fut de courte durée. Il ne leur fut pas très difficile de se refaire une réputation, tant les critères choisis étaient faibles.

En effet, voici la liste de 2009 (blanche, grise puis noire) :

liste paradis fiscaux

Pour ne pas figurer sur la liste noire, un pays doit simplement signifier à l’OCDE son engagement à respecter “le standard fiscal agréé internationalement”, qu’elle a elle-même mis au point. Cette norme prévoit que le pays accepte de fournir à un autre Etat qui le demande des informations sur un contribuable. Soit un échange basé sur une demande motivée et argumentée, qui ne permet de combattre que les cas les plus graves de fraude. Pour obtenir l’information à l’étranger, le fisc doit effet pouvoir étayer ses accusations, alors qu’il ne dispose que de peu d’élements concrets face à des montages complexes. Cet échange sur demande constitue donc un progrès par rapport à l’opacité totale, mais il n’autorise pas une vérification rapide et systématique comme dans le cas d’un échange automatique d’informations. Le standard automatique est défendu par les organisations de justice fiscale depuis longtemps. Depuis peu, l’OCDE elle-même a commencé à le promouvoir plus activement.

Pour sortir de la liste grise, un pays doit non seulement accepter le principe de l’échange sur demande, mais l’avoir mis en oeuvre “substantiellement”. Ici, l’OCDE se satisfait qu’un pays ait transposé ce principe dans 12 conventions bilatérales. Peu lui importe que ce soit avec la Groenland et le Botswana ou avec des pays économiquement significatifs. Une condition tellement facile à remplir que tous les pays visés ont rejoint la liste blanche les uns après les autres en quelques mois. Dans la dernière version du rapport de progrès, les listes noire et grise sont désormais presque vides. En effet, voici la liste de 2012 :

liste paradis fiscaux

Tout le monde sait bien, pourtant, que les paradis fiscaux n’ont pas disparu…

La France a réagi, et publie désormais sa propre liste. Tremblez paradis fiscaux !!!!!!!!!! Euh, mais pas trop non plus… Voici donc la liste officielle des pays officiellement reconnus comme paradis fiscaux par la France en 2015 :

Sans commentaire…

La liste des paradis fiscaux du Tax Justice Netwok

L’ONG Tax Justice Network a consisté un indice de secret financier (FSI), consultable ici (si ça vous intéresse, il y a un pdf détaillé analysant chaque pays, ici la France).

Il croise les informations sur l’opacité du territoire mais aussi sur son poids international.

Voici donc la liste des pays selon leur Indice de Secret Financier du TJN :

Voici ici ceux dont le score de secret est supérieur à 60, et qu’on peut véritablement qualifier de paradis fiscaux :

Le même sur 2 colonnes :

Le Top 10 des paradis fiscaux Forbes

Le magazine Forbes a également dressé sa liste en 2010 :

liste paradis fiscaux forbes

Le Top 10 Forbes des paradis fiscaux est ainsi le suivant :

  1. Delaware (États-Unis)
  2. Luxembourg
  3. Suisse
  4. Îles Caïmans
  5. La City de Londres
  6. Irlande
  7. Bermudes
  8. Singapour
  9. Belgique
  10. Hong Kong

 

En conclusion, la lutte contre les paradis fiscaux est loin d’être gagnée, voire même engagée… Elle butte souvent sur les problèmes diplomatiques consistant à montrer du doigts certains pays, en particuliers européens…

Mais les autres ont encore de beaux jours devant eux. Ainsi, dans son rapport sur les paradis fiscaux, le CCFD note que “les îles Vierges britanniques (qui comptent 830 000 sociétés pour 24 491 habitants en 2010), les îles Caïmans, le Luxembourg, l’île Maurice et les Pays-Bas ne représentent que 1 % du PIB mondial et 0,27 % de la population de la planète alors qu’à eux cinq, ces pays pèsent 1,7 fois plus que les Etats-Unis et trois fois plus que le Japon, l’Allemagne et la France réunis en matière d’investissements à l’étranger”.

NB. Sources de ce billet : wikipedia, le monde, politique.net, nouvelle donne.

Je vous conseille particulièrement de visiter le site du CCFD Terre-solidaire qui a beaucoup creusé ce sujet.

Et de lire le rapport sénatorial de 2012 consacré à l’évasion fiscale, consultable ici – et sa synthèse est là.

Nous analyserons dans un prochain billet l’évolution des dépôts bancaires dans les paradis fiscaux.

liste paradis fiscaux

Source: http://www.les-crises.fr/les-paradis-fiscaux/


Le référendum n’est pas le climax de la souveraineté populaire, par Jean Quatremer

Sunday 10 July 2016 at 02:00

Quand un “journaliste” s’essaie à la pensée…

Source : Libération, Jean Quatremer, 06-07-2016

10climax

Le Brexit montre une nouvelle fois à quel point le référendum est à la démocratie ce que les œufs de lump sont au caviar, un vague succédané et non le summum de la souveraineté populaire qu’il est devenu depuis une vingtaine d’années sous l’impulsion de partis que l’on dit à tort «populistes», alors qu’ils sont xénophobes, nationalistes, autoritaires, à l’image du FN. Eux ont compris l’usage qu’ils peuvent en faire dans leur marche vers le pouvoir, puisqu’ils peuvent emporter une décision irréversible en étant politiquement minoritaires. Référendum après référendum, on ne peut que constater les dommages qu’ils causent à la démocratie représentative, car ils procèdent de l’idée que les représentants du peuple, pourtant démocratiquement élus, sont illégitimes pour engager leur pays, car incompétents, manipulateurs, soumis aux puissances de l’argent et bien sûr indifférents aux citoyens.

Le référendum, c’est l’exact contraire de la démocratie, qui n’est pas la dictature brutale de la majorité sur la minorité, mais un mécanisme complexe de pouvoirs-contrepouvoirs destinés à éviter les décisions prises à l’emporte-pièce, sur la base de mensonges ou pour des motivations qui n’ont rien à voir avec le sujet, et les réponses simplistes à des questions complexes, comme celle de l’appartenance à l’UE. Contrairement à un vote du Parlement, qui peut être renversé par une autre majorité, le référendum est devenu LA parole du peuple et sa remise en cause, extrêmement difficile, comme l’a montré l’adoption du traité de Lisbonne en 2007 à la suite du «non» français de 2005 qui est toujours contesté. Le drame est que quasiment personne, dans les partis de gouvernement, n’ose plus remettre en cause la légitimité de cet instrument par crainte d’apparaître comme «méprisant»et «élitiste».

Certes, on brandit en permanence le modèle suisse. Or, chacun a ses traditions dans ce domaine. En France, le référendum a toujours été un instrument plébiscitaire : on vote pour ou contre le pouvoir en place. En Allemagne, les nazis l’ont utilisé de la même façon et c’est pour cela qu’il est devenu tabou. Surtout, il laisse des blessures difficilement cicatrisables, puisqu’il aboutit à une opposition binaire sur des questions infiniment complexes, loin de tout compromis, qui est la base de la démocratie parlementaire : en Belgique, par exemple, le dernier référendum, celui de 1950 sur la question royale, a conduit le pays au bord de la guerre civile. Au Royaume-Uni, le référendum sur le Brexit laisse le pays profondément divisé, au point que son existence est menacée.

Comme le disait Alexander Hamilton, l’un des pères de la Constitution américaine, en 1788, «les principes républicains n’exigent point qu’on se laisse emporter au moindre vent des passions populaires ni qu’on se hâte d’obéir à toutes les impulsions momentanées que la multitude peut recevoir par la main artificieuse des hommes qui flattent ses préjugés pour trahir ses intérêts. Le peuple ne veut, le plus ordinairement, qu’arriver au bien public, cela est vrai ; mais il se trompe souvent en le cherchant […]. Lorsque les vrais intérêts du peuple sont contraires à ses désirs, le devoir de tous ceux qu’il a préposés à la garde de ses intérêts est de combattre l’erreur dont il est momentanément la victime afin de lui donner le temps de se reconnaître et d’envisager les choses de sang-froid. Et il est arrivé plus d’une fois qu’un peuple, sauvé ainsi des fatales conséquences de ses propres erreurs, s’est plu à élever des monuments de reconnaissance aux hommes qui avaient eu le magnanime courage de s’exposer à lui déplaire pour le servir.» Si l’on avait consulté les Britanniques sur la poursuite de la guerre en 1940 ou les Français sur la réconciliation avec l’Allemagne en 1950, quelle aurait été la réponse ?

Même le législateur veille à se protéger de ses propres pulsions pour les décisions les plus importantes. Pour modifier une Constitution, des conditions très strictes de quorum et de majorité qualifiée sont fixées : dans certains pays, comme en Grèce, le nouveau texte doit même être voté par deux législatures successives. Dans le cas britannique, les «Brexiters» ne représentent que 36 % du corps électoral (52 % de 70 %), alors que leur décision aura des conséquences irréversibles. Et, souligne l’ex-Premier ministre belge Guy Verhofstadt, dans une démocratie représentative, on sait qui est responsable d’une décision et on peut lui demander des comptes, alors que dans un référendum, personne n’est responsable. Si l’on veut malgré tout maintenir des référendums, pourquoi, comme le propose Kenneth Rogoff, prof d’économie et de sciences politiques à Harvard (1), outre un quorum, ne pas exiger une majorité qualifiée (60 % ou 65 %) ou, au moins, une majorité simple du corps électoral sur des questions qui engagent l’avenir du pays, voire un second vote un an plus tard pour confirmer qu’il ne s’agissait pas d’une simple photographie de l’opinion ? La démocratie représentative a ses garde-fous. La démocratie directe, si elle veut garder le nom de démocratie, doit aussi avoir les siens.

(1) Les Echos du 30 juin.

Source : Libération, Jean Quatremer, 06-07-2016

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Dans le même registre : Daniel Cohn-Bendit : “Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison”

Source: http://www.les-crises.fr/le-referendum-nest-pas-le-climax-de-la-souverainete-populaire-par-jean-quatremer/


Post-référendum, oligarchie triste – par Frédéric Lordon

Sunday 10 July 2016 at 01:30

Source : Le Monde Diplomatique, Frédéric Lordon, 06-07-2016

true democracy cc enki22

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Les Britanniques, dit-on, ont accoutumé, contemplant la mer depuis la côte de Douvres les jours de brouillard, de dire avec cet humour qui n’appartient qu’à eux que « le continent est isolé ». Mais c’est de l’humour. C’est avec le plus grand sérieux au contraire que le commentariat européiste s’est exclamé qu’après le Brexit, « le Royaume-Uni est isolé ». Il faut tenir l’indigence de ce genre d’argument pour un indicateur robuste des extrémités politiques et rhétoriques où se trouve rendue la « défense de l’Europe », qui n’a plus que ça en stock — ça et « la guerre » — pour tenter de s’opposer à la vague sur le point de tout emporter. Faute d’avoir pu convaincre positivement les populations de l’évidence de ses bienfaits, le néolibéralisme, succursale européenne en tête, n’a donc plus que la ressource d’osciller entre l’imaginaire du camp (remparts, miradors, barbelés) et celui du rutabaga pour retenir les populations de lui régler son compte.

La perte de l’Albanie avait déjà été douloureusement vécue par le discours raisonné du néolibéralisme, heureusement il restait la Corée du Nord. L’espoir renaît pour de bon : il y a maintenant aussi le Royaume-Uni. Certes qui ne mesure pas encore tout à fait sa responsabilité historique : incarner le pire pour nous convaincre de continuer à désirer le meilleur. Mais ne devrait pas tarder à prendre conscience de son devenir-juche (1). On lui annonce une vague d’hyperinflation, puisque la livre est déjà « aux tréfonds » — peu importe qu’elle soit encore, contre l’euro, très au-dessus de son niveau ne serait-ce que de 2011 ; peu importe également que l’Islande qui n’a aucune base industrielle et a vu en 2008 sa monnaie dévaluée de 70 % n’ait connu qu’une inflation de 12 % les deux premières années, ramenée à 5 % dès la troisième (1,6 % l’an dernier). On lui annonce surtout la quasi-cessation de ses exportations puisque, brouillard ou pas, le Royaume-Uni « est isolé », et que (c’est connu également) tout pays n’appartenant pas à l’Union européenne (UE) devient aussitôt royaume-ermite.

Décompensations « démocratiques »

Mais il ne faut pas bouder son plaisir. Les moments de décompensation de l’oligarchie offrent toujours de délicieux spectacles, et rien ne les déclenche comme un référendum européen — tous régulièrement perdus, c’est peut-être ça l’explication… On s’épargnera pour cette fois les charmes un peu fastidieux de la recension — Dieu sait que la cuvée est excellente, mais depuis Maastricht l’argument européiste n’est pour l’essentiel qu’un bêtisier continué. Notons rapidement cependant les particularités du cru 2016, avec en particulier cette fabuleuse pétition de re-vote, dont on connaît un peu mieux maintenant les arrière-plans douteux, mais sur laquelle l’éditocratie s’est aussitôt jetée comme sur la plus légitime des propositions. Mais ce flot d’énormités n’atteint vraiment au sublime qu’au moment où il se fait philosophie critique du référendum (et il faut voir la tête des « philosophes »…) — du référendum en son principe bien sûr, rien à voir avec les déculottées à répétition, on réfléchirait avec la même passion si le Remain l’avait emporté à 60 %. Dans un document pour l’Histoire, Pierre Moscovici explique que « le référendum sur l’Europe divise, blesse, brûle » (2). Et c’est vrai : mon lapin socialiste, ne mets pas tes doigts dans l’urne, tu risques de te faire pincer très fort.

Il n’y a dans tout ça rien que de très connu, mais le spectacle des choses étant toujours cent fois plus éloquent que leur simple idée, la contemplation de la scène post-Brexit continue de faire forte impression. Car il est avéré une nouvelle fois que les dominants, au sens le plus élargi du terme, non pas seulement ceux qui détiennent les leviers effectifs des pouvoirs, mais ceux que leurs origines ou leurs positions sociales ont dotés pour tout mettre à leur portée — l’accès à la culture, l’apprentissage des langues, la possibilité de voyager, les bénéfices moraux du cosmopolitisme —, les dominants, donc, ne comprennent pas qu’on puisse trouver à redire à ce monde qui leur est si aimable, et trouvent d’un parfait naturel qu’on tienne aussitôt pour nulles et non avenues les expressions électorales qui ne ratifient pas les leurs. Disons les choses de manière un peu plus synthétique : tous ces bons amis de la démocratie se torchent le cul avec la démocratie.

Rien changer pour que rien ne change

Il y a pire cependant que le racisme social déboutonné : la surdité politique définitive qui s’en suit, c’est-à-dire la fermeture complète de tous les degrés de liberté du système, tendanciellement incapable d’accommoder les tensions internes qu’il ne cesse pourtant de recréer lui-même. Le néolibéralisme met le feu sous la cocotte, mais après en avoir soigneusement vissé le couvercle. Et les physiciens amateurs s’étonnent de prendre de temps en temps une soupape dans l’œil (ils n’ont encore rien vu, c’est le fait-tout lui-même qui va bientôt leur sauter au visage).

En réalité c’est la politique qui vérifie cette propriété attribuée à tort à l’économie : le primat de l’offre. Ça n’est évidemment pas là une donnée d’essence mais le résultat d’un certain état des structures : les structures de la représentation coupée des représentés, les structures de la dépossession. Dans un tel état de coupure, le primat de l’offre en effet s’établit presque tautologiquement puisque, par construction, la sphère de gouvernement séparée devient totalement auto-centrée et, rendue capable par les institutions de gouverner sans se préoccuper de rien d’autre qu’elle-même, devient par le fait ignorante de toute demande « extérieure ».

Malheureusement les énergies colériques se cherchent des débouchés, à toute force même, et lorsque l’oligopole des partis de gouvernement ne lui en propose aucun, elle prend le premier venu, fut-ce le pire. Il faut bien reconnaître en l’occurrence que le Brexit n’est pas joli à voir. On ne peut alors manquer d’être frappé par l’identité de réaction que suscitent les désastres électoraux variés produits à répétition par cette configuration politique : tout comme les poussées du FN, les référendums européens produisent immanquablement les mêmes « unes » géologiques — « séisme », « tremblement de terre » —, les mêmes solennels appels à « tout changer », et les mêmes avertissements que « rien ne peut plus continuer comme avant ». Moyennant quoi tout continue à l’identique. Pour une raison très simple, et très profonde, qui voue d’ailleurs toute cette époque à mal finir : mettre un terme aux avancées de l’extrême droite et aux référendums enragés supposerait de rompre avec les politiques de démolition sociale qui nourrissent les extrêmes-droites et les référendums enragés. Mais ces politiques sont celles mêmes du néolibéralisme !

Et voilà l’impossible équation en laquelle ce système est maintenant enfermé : enrayer ce qui va le détruire ne passe plus que par se nier lui-même, et se maintenir lui-même le condamne à alimenter ce qui va le détruire. De fait, ceux qui ont accaparé les moyens de changer quoi que ce soit, et proclament leur détermination à tout changer, persistent en réalité dans le désir de ne rien changer. C’est que les horizons temporels se sont considérablement raccourcis et que le temps encore passé au manche, tant que les contradictions peuvent être repoussées devant soi, est toujours bon à prendre. Dans l’intervalle, il ne manque pas d’éditorialistes décérébrés pour assurer la pantomime du « tout changer » mais dans la version Lampedusa du pauvre : ne rien changer pour que rien ne change…

La fin de l’histoire est ajournée

Dans une conjonction paradoxale de plus grande dureté idéologique et de plus grande lucidité (ou de moins grand aveuglement), The Economist, dont tout le numéro post-Brexit transpire littéralement la peur, voit venir la menace d’ajournement de la « fin de l’histoire » (3) — ce grand arrêt définitif qui devait consacrer pour l’éternité le règne du capitalisme libéral et de la démocratie. Et il n’est pas question là des soubresauts de la convergence des retardataires, mais du cœur de l’empire, là où la chose était normalement acquise. Il apparaît qu’elle ne l’est pas tant que ça, et quitter le confort de la « fin de l’histoire », surtout quand on lui avait cru le bon goût de s’achever au mieux des intérêts légitimes des possédants, est un traumatisme dont The Economist mesure avec angoisse toute la portée.

Moins épais que ses homologues français, lui est au moins capable de dresser un tableau clinique assez exact des colères de l’époque, et même d’aller jusqu’à leur accorder leur bien-fondé. Mais (et mutatis mutandis, on croirait relire ses articles de 2008-2009, quand c’est la crise financière qui menaçait de tout emporter), s’il est capable d’aller bien plus loin dans l’analyse, c’est, comme toujours, la conséquence qui lui fait défaut in extremis. Pour le coup elle lui restera inaccessible. C’est que lui aussi devrait convenir que le problème réside dans cela-même qu’il a choisi de défendre : « l’ordre international libéral ». Faute d’accéder à cette conclusion — et pour cause : elle lui serait une auto-négation… —, il ne reste à The Economist que les habituels dérivatifs de raccroc : « pour que la croissance se convertisse en hausse des salaires, les libéraux doivent mener un combat sans relâche contre les intérêts établis, exposer à la concurrence les entreprises installées, et briser les pratiques restrictives ». Disons immédiatement à tous ces gens qu’il n’est pas certain que les lois Macron — puisque c’est en gros de cela qu’il s’agit — suffisent à ré-arrêter l’histoire. Il se pourrait même, plus probablement, qu’elles lui fassent prendre un peu plus de vitesse encore.

C’est une chose cependant que l’histoire reprenne de la vitesse, et c’en est une autre de savoir dans quelle direction elle va s’engager. La réussite historique de l’extrême droite sur ces deux dernières décennies, c’est d’être parvenue à s’insérer dans l’offre politique, d’y figurer comme une option bien répertoriée. Et, mieux encore, de s’y être établie comme monopoleur de la différence. Peu importe que cette différence, racisme ouvert mis à part, soit en réalité frauduleuse : la collusion de l’extrême droite et du capital est un fait confirmé par l’histoire ; l’inconsistance des vues économiques du FN le voue à finir en l’attracteur par défaut du néolibéralisme, éventuellement sous une version néo-corporatiste à usage des patrons de PME ; la sortie de l’euro n’était qu’un engouement opportuniste qui achèvera de s’évaporer dès que quelques grands protecteurs financiers le convaincront de revenir au sérieux.

Les ressassements de « l’UE démocratique »

Et la gauche ? Si en l’état actuel de ses institutions la politique est sous le primat de l’offre, il s’agirait maintenant qu’elle aussi soit capable d’y installer une option eurocritique qui puisse se proposer comme solution d’expression raisonnée et progressiste — en fait la seule — de la colère. Mais que veut dire exactement « eurocritique », et qui y est prêt vraiment ? À l’analyse, eurocritique ne peut pas dire autre chose que décidé à envisager la sortie — quitte à en faire d’abord le levier d’un rapport de force, mais à l’envisager pour de bon. C’est peu dire qu’il reste du chemin à faire car, baffe après baffe, Brexit après Oχi (4), il est toute une fraction de la gauche qui ne désarme pas de l’illusion alter-européiste. Avec une obstination qui va devenir admirable à force de désespoir, Clémentine Autain et Roger Martelli répètent que « l’Europe, on la change ou elle meurt » (5). En la considérant de manière purement littérale, on pourrait presque accorder la formule — à la différence, comme toujours, de la conséquence et de l’inconséquence : car en réalité il n’y a pas le moindre doute quant à la manière dont cette fausse alternative va se trouver tranchée.

Au milieu d’arguments toujours les mêmes et dont aucun ne quitte jamais le registre du vœu pieux, ni jamais ne répond aux objections substantielles, on trouve celui-ci qui, par un effet de pertinence involontaire, met dans le cœur du problème : « Le combat pour la transformation sociale n’est pas plus facile en France qu’en Europe ». Eh bien précisément si, il l’est ! Et pour des raisons qui relèvent presque de la logique  : il est plus facile de passer une seule épreuve de validation que deux enchaînées. A plus forte raison quand la seconde est plus défavorable encore que la première. Ce qui est étonnant d’ailleurs, c’est qu’on puisse continuer de dire des choses pareilles un an exactement après l’écrasement de Syriza — qui aura si éloquemment prouvé combien il était plus facile de transformer l’Europe que la Grèce, ou l’Europe avec la Grèce…

Réserves cc groume

Réserves
cc groume

Supposons donc, pour l’expérience de pensée, que nous soit échue la bénédiction d’un gouvernement authentiquement de gauche. Que peut-il mettre en œuvre qui ne se heurte aussitôt à la contrainte des traités ? Rien. Quelles solutions lui reste-t-il alors ? Trois.

 Plier, comme Tsipras — et fin de l’histoire.

 Entreprendre hardiment la bataille de la transformation de l’intérieur. Mais avec quels soutiens ? La désynchronisation des conjonctures politiques nationales nous offrira ce qu’elle peut en cette matière, c’est-à-dire pas grand-chose — comme l’a vécu la Grèce. L’alter-européisme nous prie dans ce cas d’attendre le grand alignement des planètes progressistes pour qu’advienne la nouvelle Europe — pourvu que le premier gouvernement de gauche soit encore en place au moment où la cavalerie des autres le rejoindra…

 Désobéir. Mais il faut n’avoir rien appris des expériences de Chypre et de la Grèce pour imaginer le noyau libéral des institutions et des Etats-membres laisser faire sans réagir. Comme on le sait désormais, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui a les moyens de mettre un pays à genoux en quelques jours, en mettant sous embargo son système bancaire. Sans doute y regarderait-elle à deux fois, considérant la possibilité de dommages collatéraux cataclysmiques. Elle n’en a pas moins tous les instruments permettant de régler finement l’asphyxie pour trouver son optimum punitif : tuer la croissance par étranglement du crédit sans pour autant mettre les banques à terre. Ceci pour ne rien dire de toutes les procédures de représailles inscrites dans les traités mêmes.

« Libxit » et « Gerxit »

En tout cas il faut avoir la croyance chevillée au corps pour imaginer que l’épreuve de force qui s’ouvrirait alors pourrait trouver une résolution autre que la reddition complète de l’une des parties quand les enjeux du différend sont aussi fondamentaux. De la partie dissidente progressiste très vraisemblablement, et pour les raisons qui viennent d’être indiquées : sur qui un gouvernement de gauche, radicalement ostracisé au milieu du Conseil, pourrait-il donc compter comme renfort ? Et dans le cas miraculeux qui le verrait entouré de quelques alliés, suffisamment nombreux pour que l’hypothèse d’un changement réel et profond commence à sérieusement prendre corps, qu’adviendrait-il à coup sûr, sinon l’auto-éjection du noyau libéral (« Libxit »), Allemagne en tête (« Gerxit) ?

N’apprenant décidément rien des leçons de l’histoire, même quand elles sont récentes, l’alter-européisme rechute lourdement dans l’hypothèse implicite qui a déjà fait la déconfiture de Tspiras : « l’Europe est finalement un club de démocraties, et on peut toujours s’entendre entre bonnes volontés démocrates ». C’est n’avoir toujours pas compris que la démocratie et le néolibéralisme, spécialement dans la variante ordolibérale allemande (6), n’ont rien à voir. C’est refuser, après pourtant trois décennies de grand spectacle, d’acter que le néolibéralisme est fondamentalement une entreprise de « dé-démocratisation » (Wendy Brown), de neutralisation de l’encombrant démos, et qu’il peut même, comme l’atteste avec éclat le gouvernement Hollande-Valls, se montrer parfaitement compatible avec les formes d’un autoritarisme bien trempé. Dans l’hypothèse (déjà fantaisiste) où il se trouverait mis en minorité, le noyau dur libéral n’en tirerait vraisemblablement pas la conclusion que la démocratie, qui est la loi de la majorité, a parlé. Il prendrait ses cliques et ses claques pour laisser les « communistes » à leurs affaires et s’en irait reconsolider la « fin de l’histoire » de son côté.

Mais c’est une réalité qu’aucun des avocats de l’« autre Europe » ne veut envisager, surtout pas les promoteurs du « parlement de l’euro » qui persistent dans le formalisme des constructions institutionnelles séparées de leurs conditions de possibilité politique. On peut bien continuer de rêver un parlement de l’euro constitué comme prorata des parlements nationaux (7), et habilité à discuter des questions budgétaires et financières, mais encore faut-il se demander pourquoi l’Allemagne a mis tant d’efforts à ce que les principales orientations des politiques économiques nationales soient sanctuarisées dans les textes à valeur quasi-constitutionnelle des traités, c’est-à-dire, précisément, soustraites à toute instance de délibération parlementaire ordinaire ! Répéter indéfiniment une illusion ne suffit pas à en faire un candidat à la réalité, spécialement celle que l’Allemagne accepterait de remettre ses choses les plus chères — les principes organisateurs de la monnaie, des budgets et des dettes — à une incontrôlable loi de la majorité qui lui ferait courir le risque de se retrouver un jour du mauvais côté.

Il y a malheureusement tout lieu de penser que ceux-là qui se présentent comme les hérauts de la reconstruction démocratique de l’Europe ont fini par intégrer sans même s’en rendre compte les normes ambiantes de la dé-démocratisation, au point d’avoir abandonné en chemin les prérogatives élémentaires d’une démocratie parlementaire minimale : le droit de discuter de tout. Ou alors il va falloir qu’ils nous expliquent comment ils comptent convaincre l’Allemagne de revenir sur son ultimatum originel et de réintégrer le cénacle du parlementarisme ordinaire — celui qui a le droit de délibérer à sa guise des déficits, des dettes, de l’inflation, ou du régime de la circulation des capitaux.

En tout cas on n’en voit pas un remettre par exemple en cause le statut d’indépendance de la BCE, ni seulement proposer une redéfinition de ses missions — et pour cause : il faudrait être vraiment passé dans un univers parallèle pour imaginer faire avaler pareille idée à l’Allemagne. Mais, tragique révision inconsciente à la baisse des ambitions « transformatrices », c’est déjà comme un aveu implicite que le b-a-ba de la démocratie monétaire est hors de portée, et la mesure en creux des renoncements qui annoncent une redémocratisation tout en faux-semblants. On peut donc si l’on veut se complaire à imaginer une Europe transformée (réellement) mais alors il faudra l’imaginer sans l’Allemagne (au moins). Au fait, resterait-il alors quoi que ce soit qui se puisse appeler « Union européenne » après que le bloc allemand l’ait abandonnée ?

L’internationalisme réel du « Lexit »

Reprenons : si l’alternative est que « l’Europe, on la change ou elle meurt », alors elle meurt. Car ça n’est pas une parodie de démocratie au rabais qui la maintiendra en vie bien longtemps. La question alors se déplace : elle n’est plus celle de la chimère « Union européenne démocratique » supposément obtenue par mutation de l’Union actuelle, mais celle du meilleur moyen de mettre un terme à l’irrémédiable despotisme néolibéral européen.

Au point d’incapacité à se transformer où elle en est, l’Union européenne n’a plus que le choix des modalités de sa disparition : dans l’acharnement et la déflagration terminale ou par un processus ordonné de déconstruction. Ordonné, c’est-à-dire mutuellement agréé, une sorte d’accord de dissolution coopérative, à froid — au demeurant s’il y a bien un point de convergence qui risque d’émerger de plus en plus, c’est celui de l’intérêt bien compris de tous à arrêter les frais.

Un tel processus ordonné pourrait d’ailleurs revêtir différentes formes. Celle du simple retour aux échelons nationaux, n’excluant nullement de maintenir (puis d’approfondir) les coopérations à géométrie variable déjà en place (industrielles, scientifiques, etc.) mais hors de toute intégration formelle. Ou celle d’une proposition ouverte de reconstruction « européenne » — « européenne » avec guillemets puisque, bien sûr, son périmètre ne saurait être celui ni de la défunte UE ni de son eurozone, dès lors qu’elle inviterait les États qui le voudraient — et certains ne le veulent pas — à se retrouver autour d’un principe d’organisation démocratique réelle des domaines d’intégration (dont il est au demeurant probable qu’ils ne puissent aller jusqu’à la constitution d’une communauté politique complète). C’est dans ce genre de directions en tout cas que le « Lexit » (Left Exit) trouve son sens, pour qui voudra bien au moins se donner la peine d’observer que le mot « Lexit » même n’est formé à partir de la contraction d’aucun nom de pays, et atteste par là sa conformité à un internationalisme bien compris.

Par un paradoxe cruel, il apparaît de plus en plus que, sous couleur de vertu, l’alter-européisme œuvre en fait involontairement pour le pire. Non pas par le projet en soi d’une « autre Union européenne », mais par le refus de principe d’envisager la moindre forme de rupture, qui le voue à l’inexistence dans le spectre déjà difficilement accessible de l’offre politique, notamment quand le ressentiment populaire à l’endroit de l’UE a légitimement franchi ses points critiques, peut-être ses points de non-retour. Les projets de « transformation démocratique » de l’Europe, à la façon du DiEM25 de Varoufakis, qui se propose de perdre dix nouvelles années à poursuivre une chimère, ouvrent des boulevards aux extrêmes droites européennes qui ne doivent pas en revenir d’avancer ainsi sans rencontrer la moindre résistance (lire « DiEM perdidi »). Le stéréotype de « la nature politique qui a horreur du vide » a beau être usé jusqu’à la corde, il continue de dire quelque chose de vrai. Les extrêmes droites, qui n’en demandent pas tant, demeurent seules à capter le discours de l’eurocritique et surtout à en imposer la forme.

Un comble de l’aberration politique, et presque logique, aura conduit certains à gauche à poser que, puisque le Brexit menaçait de prendre la forme d’une sortie par la droite, il était urgent de faire taire le « Lexit » (8) qui ne pouvait, « dans ces conditions », qu’alimenter son contraire — soit le syllogisme même de la défaite : puisque la sortie est sortie par la droite, tout discours de sortie nourrit immanquablement la sortie par la droite… Ou l’art de se donner raison pour le pire : à force d’interdire toute pensée de la sortie par la gauche, et de laisser prospérer sans la moindre opposition le discours de la sortie par la droite, il se pourrait bien, en effet — en tout cas on aura tout fait pour — que, si sortie il y a… elle se fasse par la droite.

Source : Le Monde Diplomatique, Frédéric Lordon, 06-07-2016

Source: http://www.les-crises.fr/limpossible-equation-du-brexit-post-referendum-oligarchie-triste-par-frederic-lordon/


« Les Européens votent mal », par Christophe Bouillaud

Sunday 10 July 2016 at 01:01

Source : Christophe Bouillaud, 26-06-2016

Les réactions au vote populaire validant le « Brexit » de la part de certains commentateurs, politiciens et autres éditorialistes se sont avérées pour le moins affligeantes . Elles m’ont paru en fait encore plus affligeantes pour qu’elles disent de l’état de nos démocraties que je ne l’aurais imaginé : un florilège d’insultes contre les partisans du « Brexit, » allié à un concours Lépine européen pour trouver les voies et moyens de saborder, que ce soit « à l’irlandaise » ou autrement, ce vote opposé à l’intégration européenne (le mieux dans le genre étant à ce jour l’idée vraiment lumineuse de ce député travailliste suggérant tout simplement que « Westminster » ne tienne pas compte de ce vote! simple et efficace en effet).  Tout cela forme au total une longue et pénible démonstration du fait que certains membres des classes supérieures par l’éducation, la naissance, le succès économique, le statut, etc., dont des universitaires qui eurent quelque renom du temps de mes études (du genre le très déclinant Olivier Duhamel), n’accepteront jamais avec sincérité que le plus grand nombre puisse avoir une place légitime dans le système politique des « démocraties ». La vérité d’une société se révèle à ce genre de moments où chacun se lâche, mais je dois dire que, bien que je sache ce profond refus de la senior pars de prendre en compte  les avis de lamajor pars et que je l’enseigne même parfois, j’en reste tout de même pantois. On retrouve en effet en ce début d’été 2016 les mêmes réflexions qu’au lendemain des votes français et néerlandais du printemps 2005. Certains ne semblent pas vouloir apprendre de leurs erreurs.

Il est vrai que le vote britannique est vraiment parfait pour déblatérer sur la bêtise supposée du peuple qui n’a encore une fois rien compris à rien. D’évidence, d’après toutes les données disponible (sondages ou répartition géographique des voix), plus on se trouve être vieux, peu éduqué, pauvre, éloigné géographiquement ou économiquement du « Londres cosmopolite/muticulturel » ou de « la City », plus on aura voté probablement pour le « Brexit » – à l’exception de l’Écosse et de l’Irlande du Nord. Et, bien sûr pour certains, ce n’est pas du tout légitime, c’est de la pure déraison. De toute façon, comme l’a écrit à la veille du vote britannique, mon très estimé collègue Yves Bertoncini, à la tête du think tank Notre Europe, les référendums nationaux sur les sujets européens devraient être évités. (Lisez, lisez, bonnes gens, le texte de Bertoncini, et vous croirez!)

Ah ces vieux Britanniques, si photogéniques par ailleurs dans leur débine folklorique à la Martin Parr, qui votent pour partir, et décident du destin des jeunes Eurocitizens, eux par contre si beaux, si polyglottes et si bien sapés, aqua e sapone comme on dit en italien, les privant d’Europe! de voyages, de travail, de tout avenir en somme! les condamnant par la force d’un vote populaire à vivre en une sorte de Corée du Nord insulaire (comme si par ailleurs les jeunes Suisses, ces parias, vivaient dans un ghetto alpin au cœur de l’Europe depuis 1992). C’est sûr les vieux (plus de…80, 70, 60, 50, 40, 30, 20 ans?… on est toujours le « vieux » de quelqu’un!) devraient la boucler. Cet argument de la pondération de la valeur d’une voix par la longueur probable de la durée de la vie restante de celui qui l’exprime suppose que les électeurs n’exprimeraient en général qu’un vote égotropique (moi d’abord, et périsse Rome s’il le faut!) et non pas sociotropique (ma vision de la bonne société d’abord, dussé-je d’ailleurs en souffrir). Or, d’évidence, les vieux comme les jeunes d’ailleurs peuvent aussi voter justement pour autrui, et surtout pour l’image qu’ils se font de l’avenir de leur pays.

Par ailleurs, si l’on adopte une vision utilitariste du vote, pourquoi l’opinion d’un vieux compterait-elle moins que celle d’un jeune? Parce qu’il lui reste moins à vivre? A ce compte-là, il va falloir faire voter aussi les bébés et autres rejetons mineurs, voire même les êtres non encore nés que nos décisions présentes impactent. C’est peut-être possible, mais il reste que le  principe « un homme, une voix » correspond aussi au fait que chaque être humain parce qu’il est supposé rationnel a droit au chapitre tant qu’il peut s’y exprimer.  Enfin, mais c’est sans doute là un argument totalement inaudible dans nos sociétés, et si les vieux électeurs avaient tendance à avoir quelques expériences sur quoi méditer? sur quoi fonder leur décision? En effet, après tout, pourquoi refuser le fait que les « vieux électeurs » ont tout de même par définition (tout au moins s’ils ne sont pas en phase finale d’une maladie neurodégénérative quelconque…) accumulé des expériences, bonnes ou mauvaises? C’est en fait assez drolatique de voir les partisans de l’Europe actuelle dont le discours de légitimation politique repose largement sur le rappel d’une mauvaise expérience passée, les deux guerres mondiales (« L’Europe, c’est la paix. »), donc sur un fait d’expérience mémorisé, refuser le fait que certains vieux Européens de l’ouest  puissent s’être fait leur propre opinion sur l’Union européenne telle qu’elle fonctionne depuis disons les années 1980, pendant cette ère néo-libérale qui a cassé les perspectives de vie de millions de gens et par rapport à laquelle (en mettant les choses au mieux) l’Union européenne n’a pas fait différence: « l’Europe sociale »promise aux électeurs dès les premières élections européennes de 1979 se fait pour le moins attendre, encore plus que Godot. Tout le monde aura en effet remarqué que ce sont les régions parmi les moins riches de l’Angleterre (en gros les régions désindustrialisées…) qui ont voté pour le « Brexit », et inversement. Peut-on reprocher aux gens de se plaindre du sort que leur a réservé jusqu’ici l’évolution économique dont l’intégration européenne représente tout de même un aspect essentiel? C’est là un vote rétrospectif classique, qu’effectivement les jeunes ont plus de mal à exprimer par définition. Ces vieux ont voté contre le statu quo (« Remain ») peut-être parce qu’ils avaient eu tout le loisir de constater que le statu quo avait emmené leur univers dans le mur. Faire des constats n’est pas (encore) interdit que je sache, et reste un acte de pensée plutôt rationnel.

Ajoutons à cela que l’argument des jeunes qui ont voté majoritairement pour le « Remain »  et qui représentent donc seuls l’avenir s’avère largement à double tranchant, puisque ce sont aussi les (très) jeunes qui ont omis en majorité d’aller voter, dans un contexte où, par ailleurs, la mobilisation électorale a été forte (preuve que les Britanniques en général ont été dûment mobilisés par les forces des deux camps).  Que pensent  donc ces jeunes qui ne sont pas allées voter en masse? Sont-ils tous pour le « Remain »? Sont-ils indifférents? Ou horresco referens pour le Brexit? Est-ce que, par le plus grand des hasards, on ne retrouverait pas aussi chez les jeunes le clivage entre les plus éduqués et les autres, les riches et les pauvres, les urbains et les ruraux? En tout cas, si les jeunes ne sont pas allés voter en masse, c’est aussi que leur intégration politique reste bien imparfaite (ou différente, comme disent les optimistes face à ce constat), et, de cela aussi, les partis favorables au « Remain », aux moyens d’action sur les politiques publiques et de mobilisation importants, sont bien plus comptables  que la piétaille de l’UKIP et de toute l’extrême-droite britannique. Et, probablement, la vigueur du (probable) sentiment proeuropéen des jeunots n’atteignait pas, tout au moins à la veille du vote, l’ardeur de celui, eurosceptique ou europhobe, de leurs aïeux. Bref, où est la passion, pourtant digne de respect dans un univers démocratique, dans ce cas-là? On pourrait aussi bien dire que tous ces jeunots abstentionnistes sont des mous du genou qui ne tiennent pas tant que cela à l’Union européenne et à quoi ce soit d’autre que leur nombril (avec piercing of course), bien moins couillus que ces votants de vieillards ardents qui en ont vu d’autre.

Et, puis, tous ces gens peu éduqués et même pauvres qui ont voté contre l’Europe! Quelle honte, et en plus, ils sont souvent racistes (… contre des Polonais et Roumains de race… euh grise? jaune pâle? noir délavé? albinoïde?), xénophobes (ok, cela c’est logique! même s’ils disent, ces hypocrites, aimer les autres habitants du Commonwealth parlant leur langue et partageant quelques lubies culturelles), et influencés par des politiciens démagogues (sans doute…) et  des tabloïds racontant des bobards (pas plus que les experts de tout poil annonçant dans le reste des médias les sept plaies d’Égypte aux Britanniques en cas de vote « Leave »).  Certes, certes, tout cela n’est sans doute pas (complètement) faux, mais comment ne pas voir que l’on retrouve là le discours pour le moins classique depuis qu’il fut question de « démocratie » en Europe de l’Ouest au début du XIXème siècle, le discours du « cens » et des « capacités »? La démocratie oui, mon bon Monsieur, je suis pour, c’est moderne, mais uniquement si on réserve le vote à une élite restreinte d’électeurs qui comprennent quels sont les enjeux et les procédure à suivre, qui ont de par leur argent ou par leur profession honorable le sens de l’intérêt général. Nous revoilà donc en 1815…. Eh oui, le suffrage universel, quelle plaie! Et puis, voyez vous, l’Europe, c’est certes très compliqué, mais très utile pour nos affaires avec le Continent, je comprends bien que vous préféreriez y comprendre quelque chose en ramenant les pouvoirs à Westminster, mais enfin à quoi cela vous servirait-il de savoir qui vous gouverne si vous êtes bien gouverné? Hein, à quoi cela vous sert-il? Vous n’auriez quand même pas lu de la philosophie libérale classique tout de même? Vous un inculte raciste, xénophobe, probablement pédophile et alcoolique par ailleurs, vous lire du J. Locke ou du J. S. Mill? On l’aura lu pour vous, et on vous aura convaincu que le peuple britannique doit être souverain, quelle blague! Soyons sérieux, revenons à Platon: seule l’Idée européenne que nous seuls comprenons doit nous guider.

Et puis tous ces provinciaux, qui votent contre la métropole! Quels sombres ploucs! Que le partage géographique des votes entre le « Brexit » et le « Bremain » décrive largement les contours de la « métropolisation » de l’économie britannique autour de Londres et de « la City » devrait au contraire amener à une sérieuse réflexion sur les conséquences politiques de ces mécanismes en cours de polarisation. De manière logique, il y a  d’ailleurs des furieux qui ont proposé une pétition en ligne pour que Londres fasse sécession du reste de l’Angleterre. C’est là vraiment la caricature de la « révolte des élites » que prévoyait un auteur comme Christopher Lash il y a des décennies maintenant. On observe apparemment la même distribution régionale des signatures pour la pétition en ligne pour l’organisation d’un second référendum. La gentry londonienne est en fureur contre ces manants de nordistes, qui ont osé se plaindre de leur sort.

Il faut par ailleurs avoir un moment de réflexion sur le cas écossais, qui permet à un Daniel Cohn-Bendit de refuser l’évidence d’un vote fondé sur un désarroi socio-économique des classes populaires. Par nationalisme, fondamentalement anti-Londres en faitanti-Parti conservateur,  les électeurs écossais ont effectivement voté majoritairement pour le « Remain » (quoi qu’avec une participation électorale basse par rapport au reste du pays) parce que, pour eux, Bruxelles apparait  tout de même plus sociale que Londres. Cette double considération ne les éloigne pas tant que cela du coup de la logique sociopolitique de leurs équivalents anglais. En effet, ce vote proeuropéen et anti-Londres des Écossais n’est-il pas aussi la conséquence du fait que leur condition sociale est meilleure en moyenne qu’au nord de l’Angleterre? La poussée nationaliste qui commence dans les années 1970 (avec l’exploitation du pétrole de la Mer du Nord) a permis de fait aux Écossais de préserver dans cette partie du pays l’existence d’un contrat social bien plus favorable aux classes populaires et moyennes que dans le reste du Royaume-Uni. Que tous les Britanniques qui ont subi les coupes claires dans les services publics liés aux politiques des gouvernements Cameron successifs se rebiffent ne devrait pas surprendre outre mesure. Ils se rebiffent simplement de façon politiquement différenciée en raison de l’offre localement disponible d’opposition. Quoi de plus rationnel en fait?  Si le Labour avait été aussi à gauche que le SNP et surtout avait réussi à protéger les classes populaires anglaises lors de la grande crise débutée en 2008, peut-être le résultat aurait été bien différent lors de ce référendum. Les terres anglaises du Old Labour auraient alors cru à la promesse de « l’Europe sociale », pour l’expérimenter déjà.

Et, puis attention, Messieurs qui seront de ce train-là les futurs « Émigrés de Coblence », qui ne veulent rien voir, rien comprendre, rien apprendre (et surtout rien expliquer que par un prurit populiste de la populace!), ce n’est pas là qu’une affaire britannique seulement. Ces tendances – où les peu éduqués, les travailleurs manuels, les pauvres, les provinciaux votent mal – se retrouvent dans tous les votes européens récents. Le récent vote autrichien, qui a failli porter à la présidence de l’Autriche un politicien d’extrême-droite, ressemble ainsi beaucoup du point de vue socio-économique  au vote britannique, dont la ressemblance avec le vote français de 2005 ne peut par ailleurs que sauter aux yeux. C’est à chaque fois le gros des classes populaires et une bonne partie des classes moyennes qui bascule, sous la direction de membres des classes supérieures, dans le vote contre les candidats ou l’option préférée des anciens partis de gouvernement.  Cette situation, dont prend désormais acte même un journal comme le Monde,  exaspère certains porte-parole se disant européistes, qu’ils soient de droite ou de gauche. Jean Quatremer, le journaliste bretteur de Libération, me semble de loin le meilleur dans le genre. Sa proposition de rendre le Brexit le plus pénible possible aux Britanniques pour faire peur à tous les autres électorats qui seraient tentés de voter de même semble être dans l’air dans les milieux dirigeants qu’il fréquente. J’hésite encore à comparer cette attitude avec la  haine de classe  des Versaillais contre les Communards en 1871, ou à la « théorie des dominos »  du côté ouest ou à  la « Doctrine Brejnev » les chars en moins du côté est en vigueur pendant la Guerre Froide. Quoi qu’il en soit, ce genre de délire, qui représente la pire stratégie possible pour regagner les esprits et les cœurs, devrait faire réfléchir sur le sens même que prend le terme « européiste ». En effet, punir le Royaume-Uni pour son mauvais vote,  ou même trouver un moyen d’obliger les Britanniques à manger leur chapeau et à revenir sur leur décision démocratique tels des Irlandais ou des Danois en leur temps, est-ce vraiment faire preuve de confraternité européenne? Et puis, pourquoi diable les 48% d’électeurs du « Remain » devraient-ils souffrir du choix des 52% restants? A ce compte-là, quand organise-t-on depuis Bruxelles un blocus de la Suisse pour les obliger à adhérer à l’Union européenne?

Avoir l’idée même d’humilier un peuple européen pour lui apprendre la politesse et faire tenir en rang les autres (« en frapper un pour en éduquer cent », comme disait l’extrême-gauche italienne des années 1970), quel « Père Fondateur de l’Europe » aurait eu une idée pareille? L’humiliation allemande à Versailles en 1919, le « diktat de Versailles », n’avait-il pas été identifié alors comme une des sources, sinon lasource, des malheurs ultérieurs de l’Europe? Quel autre sens aurait la réconciliation franco-allemande que d’éviter justement cela?  Nos braves « européistes » sont en fait de bien mauvais historiens de leur propre cause (il est vrai qu’ils viennent souvent d’un autre horizon que « le pardon des offenses » ou « les prolétaires n’ont pas de patrie »).  Or, sauf à réduire l’Union européenne à ses aspects économiques (qui, en plus, foirent actuellement lamentablement dans la zone Euro!), la confraternité européenne reste tout de même le seul but publiquement défendable de toute cette (més)aventure?

Il faut espérer que ces réactions « versaillaises » millésime 1871 se calment bientôt tant leur outrance, anti-démocratique  et à tout prendre anti-européenne, apparaitra évidente au fil des jours. Et que l’on commence à avoir des réactions plus « bismarckiennes », au sens de réactions en terme des politiques publiques qui prennent (enfin) en compte l’existence de cette majorité populaire qui a voté « Brexit » au Royaume-Uni ou de cette quasi-majorité qui a failli élire un leader d’extrême-droite en Autriche.  Malheureusement pour nous,  Bismarck était fort intelligent, très pragmatique, et assez stratège…   Y a-t-il aujourd’hui ce genre de leaders en Europe?  Il faudrait déjà pouvoir changer de leaders (A. Merkel, J.C. Juncker, F. Hollande, etc.) pour le vérifier. En effet,  une chose qui devrait affliger tout personne croyant aux mécanismes de responsabilisation des leaders qu’offre la démocratie représentative n’est autre que l’absence de prise de responsabilité par la plupart des responsables de  all this mess. Cameron a démissionné, c’est bien, c’est le minimum, mais ceux qui ont négocié le deal avec lui il y a quelques mois, est-ce qu’ils ne devraient pas eux aussi prendre acte de leur échec? L’Europe aurait besoin d’une bonne crise ministérielle façon IIIème République. Et nous n’aurons que des Conseils européens…

Source : Christophe Bouillaud, 26-06-2016

À propos

Source : Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud, professeur agrégé de science politique à l’Institut d’Études politiques de Grenoble depuis 1999, agrégé desciences sociales (1988), ancien élève de l’École normale supérieure (rue d’Ulm), est l’auteur sous son vrai nom du présent blog.

Ce blog existe depuis 2007. Comme son titre l’indique, il ne s’agit que de notations éparses au fil de l’actualité qui n’engagent bien sûr que leur auteur et aucunement l’institution pour lequel il travaille comme enseignant et chercheur.

Source : Christophe Bouillaud

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Source: http://www.les-crises.fr/les-europeens-votent-mal-par-christophe-bouillaud/


Revue de presse internationale du 10/07/2016

Sunday 10 July 2016 at 00:01

La revue internationale avec son lot d’articles en VF. Merci à nos contributeurs, que vous pourriez pourquoi pas rejoindre cet été via le formulaire de contact du blog ! Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-10072016/


Revue de presse du 09/07/2016

Saturday 9 July 2016 at 03:36

La revue de la semaine. Merci à nos contributeurs. Pour les rejoindre, nous avons toujours besoin d’aide, le formulaire de contact du blog se tient à votre disposition !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-09072016/


Virer les élites, par Dmitry Orlov

Saturday 9 July 2016 at 02:38

orlov

Compte tenu de ce qui se passe en ce moment avec le Brexit, il est difficile de ne pas écrire un petit quelque chose à ce propos, et je ne vais même pas essayer de résister à la tentation. Les marchés boursiers sont en chute libre, les banques sont sur la corde raide, l’or monte fortement et les financiers de la City à Londres et à Wall Street courent dans tous les sens avec leurs cheveux en feu. Mais au-delà de ces superficialités financières, ce qui se passe réellement, c’est que la lutte de classes est de retour comme une forme de vengeance au Royaume-Uni avec le référendum, une forme susceptible de se propager.

Dans ce référendum, les générations les plus âgées, qui savent à quelle classe elles appartiennent, ont voté pour virer leurs suzerains fourbes à Bruxelles et à Londres, tandis que les plus jeunes générations, aux cerveaux bien lavés par la propagande de l’UE, ne l’ont pas fait. Certains experts ont affirmé qu’il y a une sorte de fossé entre les générations, mais je pense que les générations plus âgées ont fait une chose intelligente, et que cela peut être expliqué de manière adéquate, par le fait que ses membres sont vraiment plus intelligents. Vous voyez, les imbéciles ont tendance à mourir jeunes, et le simple fait de survivre est un signe d’intelligence. Mais ce n’est qu’un à-côté mineur.

Le point principal est que les élites fourbes ont grand besoin d’être virées, à la fois en Europe et aux États-Unis. Il y a plusieurs problèmes avec elles, que je voudrais énumérer brièvement:

• Elles ont tendance à être néolibérales, et à épouser toutes les idées erronées qui viennent avec cette idéologie faillie. Les résultats sont évidents : les retraités volés, les jeunes privés d’un emploi enrichissant; des fabuleuses richesses pour une petite élite et l’austérité pour tout le monde; plus de tout pour l’Allemagne, moins de tout pour tout le monde. Un système financier qui est fondamentalement un système de Ponzi, qui va certainement sauter, et peut être de la façon dont je l’ai expliqué.

• Elles ont tendance à être sous l’emprise des néo-conservateurs à Washington et, avec eux, elles vacillent d’une catastrophe à l’autre. Les résultats sont encore évidents : une liste complète de pays détruits (Afghanistan, Irak, Libye, Yémen, Syrie, Ukraine), un flot de migrants de ces pays inondant l’Europe pour ce qui est la plus grande crise mondiale de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, et les provocations extrêmement dangereuses et tout à fait inutiles contre la Russie.

• Elles épousent une idéologie qui cherche à effacer toutes les distinctions ethniques et culturelles et qui force une rectitude politique repoussante pour tout le monde.

• Mais le plus gros problème avec ces élites transatlantiques est le suivant : elles ne peuvent pas être virées. Plus elles échouent, plus enkystées elles deviennent. De toute évidence, cela n’a rien à voir avec l’éducation, ou le mérite, ou la popularité; c’est tout simplement une question de classe. Les élites se considèrent comme des Übermenschen, vivant au-dessus des simples mortels. La démocratie est un jouet pour eux. La plupart du temps, ils ont été en mesure de manipuler la politique à leur avantage. Lorsque cela échoue, les petites gens doivent voter encore et encore jusqu’à ce qu’ils ne se trompent plus. Mais ce politiquement correct est maintenant en train d’échouer, des deux côtés de l’Atlantique, car il semblerait que les petites gens en aient finalement assez.

Le recours automatique est de commencer à insulter les petites gens, dans une tentative pour les intimider et obtenir leur soumission. S’ils ne veulent pas voir leur pays envahi par les migrants illégaux (noter qu’avoir eu votre pays détruit par l’OTAN ne vous qualifie pas pour l’asile politique), ils sont traités de racistes et de sectaires. S’ils ne parviennent pas à saisir quelques-uns des éléments les plus fins de la gouvernance bureaucratique de l’UE (parce que, franchement, qui voudrait perdre du temps à comprendre tout ce non-sens?), ils sont traités d’ignorants et d’égarés. Et, surtout, s’il y a un krach financier (qui semble inévitable dans tous les cas de figure, voir la pyramide de Ponzi ci-dessus), alors ils seront blâmés pour leurs mauvais choix dans les urnes.

Peut-être le plus important de tout : tous les efforts sont faits pour assimiler le patriotisme avec le nationalisme et le fascisme. Maintenant, cela demande une explication, car ces concepts sont parfaitement distincts :

• Le patriotisme est l’amour de sa terre et de son peuple indigène. C’est un produit naturel, résultat organique d’une éducation reçue au sein d’un certain groupe de gens qui ont aussi grandi là, et qui transmettent le long héritage culturel et linguistique qu’ils aiment et chérissent tous. Cela ne signifie pas que ceux qui ne sont pas de la famille, du voisinage ou de la région soient inférieurs, mais ils ne sont pas eux, et on les aime moins.

• Le nationalisme est un produit de synthèse généré en utilisant l’éducation publique, qui est centré autour de certains symboles creux : un drapeau, un hymne, quelques morceaux de papier jaunis, quelques mythes créateurs et ainsi de suite. Il est soutenu par certains rituels (défilés, discours, remise de médailles) qui composent un culte civique. Le but du nationalisme est de soutenir l’État-nation. Lorsque le nationalisme répond aux besoins de la terre et de sa population autochtone, le nationalisme et le patriotisme sont alignés; quand le nationalisme détruit ce lien, le nationalisme devient l’ennemi et les patriotes forment des mouvements partisans, se lèvent pour détruire l’État-nation.

• Le fascisme est la fusion parfaite de l’État-nation et des entreprises, dans le cadre de laquelle la distinction entre les intérêts publics et privés s’effacent et les grandes entreprises en viennent à dicter la politique publique. Une expression presque parfaite du fascisme sont les récents accords commerciaux transatlantique et trans-pacifique négociés en secret par l’administration Obama, qui pour le moment, au grand soulagement de tout le monde, semblent être mort-nés.

Il devrait être évident que le fascisme doit être vaincu, et si nous devions choisir une seule très bonne raison de virer les élites transatlantiques, alors c’est celle de contrecarrer cette prise de pouvoir par les grandes entreprises. Mais cela ne s’arrête pas là, parce que le nationalisme et le patriotisme sont également en jeu. Le patriotisme est une valeur humaine naturelle, base sans laquelle tout ce que vous avez, c’est une population déracinée se déplaçant selon les possibilités offertes. Le nationalisme est une innovation relativement récente (les États-nations sont une invention du XVIIe siècle) et en tant que telle dangereuse, mais dans le cas de certains des États-nations les plus vieux et les plus efficaces, il fournit des avantages importants : une tradition culturelle chérie et ancrée à une langue nationale et à une littérature, la capacité de maintenir la paix et de repousser les agressions extérieures. Et puis il y a l’Union européenne, avec son drapeau représentant une constellation d’étoiles qui sont évidemment en orbite autour de quelque chose, quelque chose qui ne peut être qu’un trou noir, car il est invisible. Les États-Unis sont de la même manière une entité artificielle, synthèse d’une très récente déviance, avec leur drapeau représentant évidemment un plateau de biscuits en forme d’étoiles qui ne sont, pour la plupart, malheureusement, plus disponibles pour les petites gens, parce que les élites ont décidé qu’elles veulent tous les biscuits pour elles-mêmes.

Il est donc nécessaire de les virer. Si cela doit être fait en votant (par opposition à la baïonnette), alors l’objet du scrutin est d’élire quelqu’un qui est, d’abord et avant tout, capable de virer ces élites. Les Britanniques semblent avoir fait cela; c’est maintenant au tour des Américains. Une question intéressante qui est parfois posée (après que les gens ont fait des réclamations délirantes comme quoi Donald Trump est fou, misogyne, raciste, fasciste, mauvais homme d’affaires, généralement pas très agréable ou tout autre argument négatif) est de savoir s’il est qualifié pour gouverner. À mon avis, cette question se réduit à une autre, beaucoup plus simple: est-ce qu’il est qualifié pour virer des gens? Et la réponse est, oui, il est très certainement qualifié pour virer des gens. En effet, «Vous êtes viré!» est l’une de ses marques déposées. En fait, il vient récemment de virer son propre directeur de campagne. Hillary Clinton, d’autre part, dirige l’ensemble de la cohorte des personnes qui ont besoin d’être virées. Et voilà pourquoi je pense qu’il y a une bonne chance que les petites gens se lèvent enfin et votent pour quelqu’un qui va le faire.

Dmitry Orlov

Source : LSF, Dmitry Orlov, 28-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/virer-les-elites-par-dmitry-orlov/


[Vidéo] Frédéric LORDON “L’ euro, que faire ?” (+ Brexit) à Nuit debout

Saturday 9 July 2016 at 01:45

Source : Youtube, Frédéric Lordon, 26-06-2016

Frédéric Lordon, économiste et sociologue (directeur de recherche au CNRS, chercheur au Centre de Sociologie Européenne) est membre du collectif “Les économistes atterrés”. Il collabore régulièrement au journal Le monde diplomatique.
Dimanche 26 juin 2016 (119 mars selon le calendrier spécifique du mouvement Nuit debout) il est intervenu place de la République à Paris sur le thème “L’ Euro, que faire ?” en répondant aux nombreuses questions qui lui ont été posées par un auditoire attentif et motivé réuni à l’initiative des commissions Europe et Economie politique du mouvement Nuit debout.
Ce thème (défini et annoncé une semaine plus tôt) a pris une intensité particulière en ce dernier dimanche de juin, trois jours à peine après la victoire du “Leave” (51,9%) au référendum britannique à propos du “Brexit”.

Source : Youtube, Frédéric Lordon, 26-06-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/video-frederic-lordon-l-euro-que-faire-brexit-a-nuit-debout/


Bac 2016 : des correcteurs invités à signaler les “propos jihadistes” dans les copies des candidats

Friday 8 July 2016 at 01:15

De plus en plus fascinant…

Il fut un temps, pas si lointain, où ça aurait fait la Une, et où on aurait viré le ministre…

Ca montre aussi pourquoi il faut se battre contre ce genre de trucs : car ça commence par les propos “djihadistes” (et encore : la source indique : “face à une composition semblant légitimer « le califat » de l’organisation État islamique (EI). «Ca nous a mises très mal à l’aise, reconnaît-elle, sans qu’on opte pour un signalement.»”) , et ça fini par les propos “anti-Européens”.

Cela pose aussi des question complexes et profondes sur la liberté d’opinion…

Source : RTL, 06/07/2016

Selon “Le Monde”, des correcteurs de l’épreuve d’histoire du baccalauréat se sont émus d’avoir été invités par l’inspection générale à faire remonter les propos radicaux repérés dans les copies des candidats.

C’est une consigne qui passe mal. Selon le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU), l’inspection générale d’histoire-géographie (IGHG) a demandé aux correcteurs de l’épreuve d’histoire de l’édition 2016 du baccalauréat de “faire remonter les propos antisémites, racistes et jihadistes trouvés dans les copies” des candidats. Le syndicat majoritaire des professeurs du secondaire s’en est ému sur Twitter le 22 juin, rappelant dans la foulée que “les enseignants sont des fonctionnaires responsables et compétents qui n’ont pas besoin d’appel à la délation pour accomplir leur travail”, rapporte Le Monde ce mercredi 6 juillet.

Cette année, les candidats ont dû mobiliser leurs connaissances sur des sujets sensibles comme le Proche et le Moyen-Orient depuis la fin de la Seconde guerre mondiale (S), l’histoire et les mémoires de la Seconde guerre mondiale et de la guerre d’Algérie ou l’Affaire Dreyfus (ES et L). Contacté par le quotidien du soir, l’entourage de la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, dément cependant toute consigne écrite et fait valoir que des inspecteurs pédagogiques auraient “peut-être péché par excès de zèle, faisant preuve de maladresse dans leurs conseils” afin de faciliter la tâche des enseignants.

Briser l’anonymat du candidat

Plusieurs témoignages recueillis par Le Monde confirment pourtant l’existence d’une telle consigne. Une correctrice aguerrie affirme ainsi qu’il a été demandé aux enseignants lors d’une réunion de “scanner la portion des copies contenant les propos en question et de l’envoyer à l’inspecteur pédagogique régional avec le numéro d’anonymat du candidat”. Une consigne qui a donné lieu a “très peu de réactions parmi les collègues, assommés”, regrette-t-elle.

Une autre s’épanche sur le contenu d’un échange explicite avec un chargé de mission. “Quand j’ai demandé s’il s’agissait de détecter des jeunes en voie de radicalisation, sa réponse a été positive. Il nous a conseillé de revenir à la réunion suivante avec les copies pouvant poser problème”, raconte-t-elle.

Les correcteurs interrogés par le journaliste du Monde assurent que les propos radicaux sont rares dans les copies des candidats mais qu’ils peuvent être un peu plus présents en fonction des académies. “On peut être confrontés à un argumentaire xénophobe, un propos hostile aux juifs ou aux immigrés, mais aussi antiaméricains, anti-Europe”, explique une enseignante de l’académie de Créteil. Ces dérapages sont généralement sanctionnés par une note basse pour traitement hors-sujet.

La phrase du Monde pour être précis :

«C’est rare mais ça peut arriver : on peut être confronté à un argumentaire xénophobe, un propos hostile aux juifs ou aux immigrés, mais aussi antiaméricains, anti-Europe? Le correcteur fait comme il peut, en son âme et conscience.» En attribuant, le plus souvent, une note basse, voire très basse, justifiée par un traitement hors sujet.

=> c’est dommage, ils ont oublié de sanctionner les propos anti-russes ! (non, je déconne…)

“Ce n’est pas à nous d’alimenter les fichiers “S””

Tous prônent une réponse éducative avec l’élève, sa famille et le chef d’établissement pour faire face à ces situations lorsqu’elles surviennent en classe, avant d’aboutir à un signalement le cas échéant. Dans le cadre du bac, “c’est plus délicat” car “il est impossible d’instaurer un dialogue”, regrette une correctrice. Mais “ce n’est pas à nous d’alimenter les fichiers “S”, oppose une enseignante, qui assure que des consignes proches auraient aussi été adressées à des correcteurs de l’épreuve d’écriture personnelle au BTS.

Source : RTL, 06/07/2016

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Source: http://www.les-crises.fr/bac-2016-des-correcteurs-invites-a-signaler-les-propos-jihadistes-dans-les-copies-des-candidats/