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[Action] Le PS veut sanctionner le buzz mensonger par 135 000 € (ou la ruine pour tous !)

Friday 15 January 2016 at 02:35

Eh oui, il y a des priorités quand on est en guerre, pour notre “sécurité” – alors que je signale que Laurent Fabius court toujours…

Ils n’ont donc que ça à faire le socialistes “môdernes” : du pénal, du pénal, du pénal…

Ils veulent juste vous taxer de 135 000 € si vous diffusez un mail avec des informations fausses ces fadas…

Mais il va leur rester quoi à voter à la droite, en 2017 ?

EDIT 15/01 : le temps de sortir l’article, l’amendement en commission des lois a été retiré hier soir vu des réactions. Ceci étant, vu qu’il a existé, et que rien ne dit qu’il ne sera pas représenté durant la discussion publique, n’hésitez pas à écrire aux députés pour demander des comptes – cela freinera leurs ardeurs…

Source : Numerama, Guillaume Champeau, 13-01-2016

Les députés socialistes défendront ce mercredi un amendement pour alourdir les sanctions pénales contre la diffusion de fausses informations lorsqu’elles génèrent du buzz sur Internet, en particulier lorsqu’il s’agit de hoax à caractère politique.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour une République numérique d’Axelle Lemaire, l’ensemble des députés du groupe socialiste à l’Assemblée nationale ont signé un amendement n°CL387, qui vise à sanctionner plus durement les « hoax » (canulars) lorsqu’ils sont suffisamment bien élaborés pour avoir connu du succès sur les réseaux sociaux. Il sera examiné ce mercredi en commission des lois.

La loi sur la liberté de la presse de 1881 contient déjà un article 27, rarement mis en œuvre, qui condamne la diffusion de fausses informations, « lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ». La peine de 45 000 euros est portée à 135 000 euros lorsque cette publication, diffusion ou reproduction est « de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation ».

Condamner les fausses informations sur l’action politique

L’amendement des députés socialistes vise à compléter cette disposition pour préciser que seront aussi sanctionnées de 135 000 euros d’amende les diffusions de fausses nouvelles « lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi aura pris une dimension virale telle qu’elle en aggrave l’ampleur ».

On pourrait croire qu’il s’agit d’une réaction à la diffusion de fausses rumeurs lors des attentats du 13 novembre, qui avaient participé à alimenter la panique et à troubler le travail des policiers, mais l’exposé des motifs dévoile une autre ambition, plus politique à l’approche des élections présidentielle et législatives de 2017.

“Une menace pour le bon fonctionnement de notre démocratie”

« Nombreux sont les internautes qui sont victimes, qu’ils en soient conscients ou non, de canulars informatiques ou « hoax », sous la forme de courriels ou de lettres-chaînes. Ces canulars informatiques revêtent un caractère de particulière gravité lorsqu’ils visent à diffuser, à grande échelle, une information erronée sur le contenu d’une politique publique », dénoncent ainsi les députés Socialistes, sans livre d’exemple précis.

« L’internaute qui ne prend pas conscience de leur caractère mensonger est trompé dans son jugement là où, en tant que citoyen, il devrait toujours disposer d’une information fiable sur l’action de ses représentants. De plus, il peut également contribuer à diffuser – à son insu – des informations erronées, ce qui à grande échelle constitue une véritable menace pour le bon fonctionnement de notre démocratie ».

Aucune sanction n’est en revanche proposée pour la diffusion de fausses promesses électorales, qui ne sont pas perçues comme une menace pour la démocratie.

Source : Numerama, Guillaume Champeau, 13-01-2016

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On a TOUJOURS la même arnaque.

Ils avancent une raison qui semble “de bon sens” pour leurs actions (lutter contre une information sur le contenu d’une politique publique”)

Et puis on regarde la loi existante :

La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45 000 euros.

Les mêmes faits seront punis de 135 000 euros d’amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation.

et la loi projetée qui change le 2e alinéa en :

Les mêmes faits seront punis de 135 000 euros d’amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi aura pris une dimension virale telle qu’elle en aggrave l’ampleur ou lorsqu’elle sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation.

et on se rend compte que primo, ce n’est plus du tout limité “aux contenus d’une politique publique”, et secundo que c’est clair comme de l’eau de roche :

1/ comment la justice saura-t-elle si quelqu’un a créé (évidemment de mauvaise foi) le mail ou juste diffusé ? (on demande à la NSA le backup des mails du pays ?)

2/ pourquoi on traite pareillement le créateur et le simple diffuseur ?

3/ comment on juge alors “la mauvaise foi” ? Si le but est d’arrêter la diffusion virale, c’est tous les diffuseurs qu’il faut sanctionner, ce qui est délirant…

4/ c’est quoi “prendre une dimension virale” ? C’est à partir de combien ? On contrôle comment ? (on re-demande à la NSA le backup des mails du pays ?)

(Quand on ne sait pas rédiger des lois à ce niveau, il vaut mieux jouer à la pétanque…)

Et par ailleurs :

5/ on peut payer les 135 000 € en 4 fois sans frais ?

6/ ce torchon est sérieusement signé par TOUT le groupe PS ?

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Comme pour la non-transparence fiscale (où il y avait eu des retours intéressants), je vous propose donc, si cela vous choque, d’envoyer un mail aux députés socialistes, en commençant par ceux dont les noms sont cités dans l’amendement…

et voici la liste de tous les mails :

bleroux@assemblee-nationale.fr ; brunolerouxdepute@yahoo.fr  ; jmvillaume@assemblee-nationale.fr ; machapdelaine@assemblee-nationale.fr ; ppopelin@assemblee-nationale.fr ; broman@assemblee-nationale.fr ; ibruneau@assemblee-nationale.fr ; deputee@isabellebruneau.fr ; deputee@nathalieappere.fr ; nappere@assemblee-nationale.fr ; fdescampscrosnier@assemblee-nationale.fr ; jvalax@assemblee-nationale.fr ; blaclais@assemblee-nationale.fr ; ygoasdoue@assemblee-nationale.fr ; pcrozon@assemblee-nationale.fr ; p.crozon@orange.fr ; ayledain@assemblee-nationale.fr ; ayledain@gmail.com ; c.untermaier@orange.fr ; cuntermaier@assemblee-nationale.fr ; ccapdevielle@assemblee-nationale.fr ; dominiqueraimbourg@orange.fr ; draimbourg@assemblee-nationale.fr ; iaboubacar@assemblee-nationale.fr ; i.aboubacar@laposte.net ; rdosiere@assemblee-nationale.fr ; sdenaja@assemblee-nationale.fr ; gbui@assemblee-nationale.fr ; sletchimy@assemblee-nationale.fr ; spietrasanta@assemblee-nationale.fr ; marcel.rogemont@wanadoo.fr ; mrogemont@assemblee-nationale.fr ; ebinet@assemblee-nationale.fr ; e.binet@cg38.fr

N’hésitez donc pas à demander des comptes – poliment svp! Et des réponses aux 4 questions posées précédemment…

Le plus orwellien : ils osent appeller ça “Protection des internautes

Source: http://www.les-crises.fr/le-ps-veut-sanctionner-le-buzz-mensonger-par-135-000-e/


État d’urgence : 3 000 perquisitions, 1 mise en examen liée au terrorisme…

Friday 15 January 2016 at 01:35

On est bien protégé…

Source : 20 minutes, Laure Cometti, 12-01-2016

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et le président François Hollande avec un officier de police, le 31 décembre 2015 à Paris. – Michel Euler/AP/SIPA

L’heure du premier bilan. Deux mois après sa mise en place, les parlementaires débattront ce mercredi, sans vote, de l’état d’urgence déclenché après les attentats du 13 novembre. Selon la dernière synthèse de la commission des Lois, en charge du contrôle parlementaire des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, ce régime d’exception a permis aux forces de l’ordre d’effectuer plus de 3.000 perquisitions, mais seules 25 infractions liées au terrorisme ont été constatées.

25 infractions « en lien direct avec le terrorisme »

Cette approche uniquement quantitative n’est toutefois guère satisfaisante. Ainsi, sur les 500 armes découvertes lors des perquisitions (dont au moins 40 de guerre), près de 200 ont été saisies chez un seul individu.

Le président François Hollande a annoncé jeudi que l’état d’urgence avait par ailleurs permis de constater « 25 infractions en lien direct avec le terrorisme ». Un nombre qui paraît faible au regard des 464 infractions mises à jour par les forces de l’ordre lors des 3.021 perquisitions administratives effectuées entre le 13 novembre et le 7 janvier dernier.

Selon Le Monde, qui cite le parquet de Paris, seules quatre de ces 25 infractions auraient donné lieu à une enquête antiterroriste. Il s’agit de trois enquêtes préliminaires et d’une mise en examen visant un ressortissant tchétchène à Tours (Indre-et-Loire). Les 21 infractions restantes relèvent de l’apologie du terrorisme.

 

La loi de 1955 relative à l’état d’urgence a été remaniée après les attentats du 13 novembre. Le texte actuellement en vigueur jusqu’au 26 février autorise les perquisitions administratives et les assignations à résidence pour « toute personne (…) à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Une prérogative qui va au-delà de la seule lutte contre le terrorisme, ce qui explique le faible ratio entre le nombre de perquisitions et les enquêtes ouvertes.

C’est notamment pour évaluer l’efficacité de l’application de l’état d’urgence qu’une commission parlementaire a été chargée de contrôles ces mesures. Le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, présentera ses observations mercredi matin.

La répartition territoriale des perquisitions

La synthèse du contrôle parlementaire de l’état d’urgence fournit également des chiffres sur la répartition territoriale des perquisitions administratives et de leurs suites judiciaires. Au 5 janvier dernier, 26 % des perquisitons ont été effectuées dans les huit départements d’Île-de-France et en Eure-et-Loir, qui dépendent des Cours d’appel de Paris et Versailles, et 11 % en Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône et Var.

Source : 20 minutes, Laure Cometti, 12-01-2016

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Au fait, je l’avais loupée celle-ça… La suspension de certaines libertés et droits pour “protéger nos libertés”…

Source: http://www.les-crises.fr/etat-durgence-3-000-perquisitions-une-mise-en-examen-liee-au-terrorisme/


Poutine : la division de l’Europe subsiste, le mur s’est simplement déplacé vers l’Est

Thursday 14 January 2016 at 03:19

Il est bon face aux journalistes, le bougre…

Source : Russia Today France, 11-01-2016

Dans une interview accordée au quotidien allemand Bild, le président russe Vladimir Poutine a évoqués des sujets d’actualité, parmi lesquels le rôle de l’OTAN dans le monde, la crise ukrainienne et la situation économique de la Russie.

Bild : Monsieur le président, nous venons de marquer le 25ème anniversaire de la fin de la Guerre froide. L’année dernière, nous avons été témoin d’un grand nombre de guerres et de crises partout dans le monde, quelque chose qui ne s’est pas produit depuis des années. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Vladimir Poutine (V.P.) : Vous avez justement commencé par la question clé. Nous avons fait tout faux dès le départ. On n’est pas parvenus à résoudre la division de l’Europe : il y a 25 ans, le mur du Berlin est tombé mais la division de l’Europe n’a pas été surmontée, un mur invisible s’est simplement déplacé vers l’Est. Cela a créé une base pour des reproches mutuels, pour des malentendus et des crises à venir. Beaucoup de gens, y compris en République fédérale [d’Allemagne] critiquent mon discours bien connu de la Conférence sur la sécurité de Munich [OB : à lire ici]. Mais qu’est-ce qu’il y avait d’inhabituel dans ce que j’ai dit ?

Après la chute du mur de Berlin, on disait que l’OTAN n’allait pas s’élargir à l’Est. D’après mes souvenirs, le secrétaire général de l’OTAN de l’époque, le citoyen de la République fédérale Manfred Woerner l’a dit. A propos, certains politiciens allemands de cette époque ont tiré la sonnette d’alarme et ont proposé leurs solutions, par exemple, Egon Bahr.

Vous savez, avant de rencontrer les journalistes allemands, naturellement, j’ai pensé que de toute manière nous allions aborder le sujet que vous venez d’évoquer. Ainsi, j’ai pris des retranscriptions archivées des conversations de cette époque (1990) entre les dirigeants soviétiques et certains hommes politiques allemands, dont M. Bahr. Elles n’ont jamais été publiées.

Bild : Ce sont des interviews ?

V.P. : Non, ce sont des discussions de travail les hommes politiques allemands, Genscher, Kohl, Bahr et les dirigeants soviétiques (M. Gorbatchev, M. Falin qui était à l’époque me semble-t-il, à la tête du département international du Comité central du Parti communiste. Elles n’ont jamais été rendues publiques. Et vous, ainsi que vos lecteurs, serez les premiers à découvrir ces conversations de 1990.

L’Europe ne devait pas rejoindre l’OTAN

Regardez ce qu’a dit M. Bahr : «Si en réunifiant l’Allemagne, nous ne prenons pas des mesures décisives pour surmonter la division de l’Europe en deux blocs hostiles, la suite des événements peut prendre une tournure défavorable au point que l’URSS sera vouée à l’isolement international». Cela a été dit le 26 juin 1990.

Donc, M. Bahr a fait des propositions concrètes. Il parlait de la nécessité de la création d’une alliance nouvelle au centre de l’Europe. L’Europe ne devait pas rejoindre l’OTAN. Toute l’Europe centrale, avec ou sans l’Allemagne de l’Est, aurait dû constituer une alliance séparée, avec la participation à la fois de l’URSS et des Etats-Unis.

Et ensuite, il dit :«L’OTAN en tant qu’organisation, ou du moins ses structure militaires ne doivent pas s’élargir pour inclure l’Europe Centrale».

A cette époque-là, il était déjà le patriarche de la politique européenne, il avait sa propre vision de l’avenir de l’Europe et il disait à ses collègues soviétiques : «Si vous n’êtes pas d’accord avec ça, mais que vous êtes au contraire d’accord avec l’élargissement de l’OTAN et si l’URSS l’accepte, alors je ne viendrai plus à Moscou».

Vous voyez, c’était un homme très intelligent. Il avait vu le sens profond de cela. Il était convaincu qu’il fallait radicalement changer de format, abandonner l’époque de la Guerre froide. Mais, on n’a rien fait.

Bild : Est-il revenu à Moscou par la suite ?

V.P. : Je ne sais pas. Cette conversation a eu lieu le 27 février 1990. C’est l’enregistrement de la conversation entre M. Falin qui représentait l’Union soviétique et M. Bahr, ainsi que M. Voigt qui représentaient les politiciens allemands.

Les autres pays ont le droit […] d’agir d’une façon qu’ils jugent appropriée en termes de sécurité globale

Que s’est-il donc réellement passé ? Il s’est produit ce dont M. Bahr nous avait averti. Il avait prévenu que la structure militaire, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, ne devait pas s’étendre à l’Est. Que quelque chose de commun, qui unifie la totalité de l’Europe devait être créé. Rien de cela n’est arrivé ; ce contre quoi il nous avait mis en garde s’est réalisé : l’OTAN a commencé à se déplacer vers l’Est et s’est élargie.

On a entendu mille fois le mantra des hommes politiques américains et européens qui dit : «Chaque pays a le droit de choisir ses propres dispositions en matière de sécurité». Oui, on sait cela. C’est vrai. Mais, il est vrai aussi que les autres pays ont le droit de décider d’élargir, ou non, leur propre organisation, d’agir d’une façon qu’ils jugent appropriée en termes de sécurité globale. Les membres principaux de l’OTAN auraient pu dire :«Nous sommes heureux que vous désiriez nous rejoindre, mais nous n’allons pas élargir notre organisation, on voit l’avenir de l’Europe autrement».

A chaque fois qu’il devenait un obstacle, l’ONU était immédiatement qualifiée d’obsolète

Au cours des 20-25 dernières années, surtout après la chute de l’Union soviétique, lorsque le deuxième centre de gravité du monde a disparu, il y avait le désir de profiter pleinement de sa présence unique au sommet de la gloire, de la force et de la prospérité mondiales. Il n’y avait absolument pas de désir de se tourner soit vers le droit international ou vers la charte des Nations unies. A chaque fois qu’il devenait un obstacle, l’ONU était immédiatement qualifiée d’obsolète.

En dehors de l’élargissement de l’OTAN à l’Est, le système de défense anti-missile est devenu un problème en termes de sécurité. Tout cela est développé en Europe au prétexte de répondre à la menace nucléaire iranienne.

En 2009, l’actuel président des Etats-Unis Barack Obama a déclaré que si la menace nucléaire iranienne cessait d’exister, il n’y aurait pas de raison pour de mettre en place ce système de bouclier anti-missile ; cette raison aurait disparue. Cependant, l’accord avec l’Iran [sur son programme nucléaire] a été signé. On étudie à présent la levée des sanctions, tout est sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique ; les premières cargaisons d’uranium ont déjà été acheminées sur le territoire russe pour y être traitées, mais le développement du système de bouclier anti-missile se poursuit. Des accords bilatéraux ont été signés avec la Turquie, la Roumanie, la Pologne et l’Espagne. Les forces navales qui doivent opérer dans le cadre de la défense antimissile sont déployés en Espagne. Une zone de positionnement a déjà été créée en Roumanie et une autre sera créée en Pologne avant 2018 ; un radar est en train d’être installé en Turquie.

Nous nous sommes fortement opposés aux développement en cours, par exemple, en Irak, en Libye ou dans d’autres pays. Nous avons dit : «Ne faîtes pas cela, n’allez pas là-bas et ne faîtes pas d’erreur ». Personne ne nous a écoutés ! Au contraire, ils ont pensé que nous prenions une position anti-occidentale, une attitude hostile envers l’Occident. Et à présent, lorsque vous avez des centaines de milliers, déjà un millions de réfugiés, pensez-vous que notre position était anti-occidentale ou pro-occidentale ?

Bild : D’après ce que j’ai compris, vous avez fait un résumé des erreurs commises par l’Occident à l’égard de votre pays. Pensez-vous que la Russie de son côté a commis des erreurs au cours de ces 25 dernières années ?

V.P. : Oui, elle a fait des erreurs. Nous n’avons pas réussi à faire valoir nos intérêts nationaux, alors que nous aurions dû le faire dès le départ. Le monde entier aurait alors être plus équilibré.

En Allemagne, les médias se trouvent sous une forte influence étrangère

Bild : Ce que vous venez de dire, est-ce que cela signifie que depuis 1990-1991, après la chute de l’Union soviétique et toutes les années qui ont suivi, la Russie a échoué à affirmer clairement ses intérêts nationaux ?

V.P. : Absolument.

Bild : Nous savons que vous avez une attitude particulière à l’égard de l’Allemagne. Il y a dix ans, dans une interview que vous nous aviez accordée à l’occasion du 60ème anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale vous aviez déclaré : «La Russie et l’Allemagne n’ont jamais été aussi proche l’une de l’autre qu’à présent». A votre avis, que reste-t-il aujourd’hui de cette proximité ?

V.P. : Nos relations sont basées, principalement, sur l’attirance réciproque de nos peuples.

Bild : Donc, rien n’a changé à cet égard ?

V.P. : Je ne pense pas. Malgré toutes les tentatives (opérées par vous et vos collègues) de bouleverser nos relations en utilisant les mass médias et une rhétorique antirusse, je crois que vous n’êtes pas parvenu à le faire dans les proportions que vous souhaitiez. Bien sûr, je ne parle pas de vous en personne. Je me réfère aux médias en général, y compris les médias allemands. En Allemagne, les médias se trouvent sous une forte influence étrangère, d’abord et principalement celle qui vient de l’autre côté de l’Atlantique.

Vous avez dit que j’ai fait un résumé de tout ce que nous percevons comme des erreurs faites par l’Occident. C’était loin d’être exhaustif, je n’ai mentionné que quelques points parmi les plus importants. Après l’effondrement de l’Union soviétique, des processus tout aussi néfastes ont émergés à l’intérieur de la Russie elle-même. Ils comprenaient la chute de la production industrielle, l’effondrement du système social, le séparatisme et l’assaut le plus évident du terrorisme international.

Le terrorisme international était également utilisé comme un moyen de combattre la Russie

Bien évidemment, nous sommes responsables, nous devons blâmer personne d’autre que nous. Mais en même temps, c’était un fait évident à nos yeux, que le terrorisme international était également utilisé comme un moyen de combattre la Russie, alors que tout le monde fermait les yeux sur ce fait ou fournissait un soutien aux terroristes (je fais référence au soutien politique, informationnel, financier ou même armé, dans certains cas, fourni à ceux qui luttait contre l’Etat russe). Véritablement, nous avons réalisé à ce moment-là que les discussions et les intérêts géopolitiques étaient deux chose complétement différentes.

En ce qui concerne les relations russo-allemandes, en effet, elles ont atteint un niveau excellent en 2005, et auraient continuer à se développer avec succès par la suite. Le montant des échanges entre nos deux pays avait augmenté et dépassait 80 milliards de dollars.

En Allemagne, un très grand nombre d’emplois ont été créés grâce à la coopération russo-allemande. Ensemble, nous avons essayé d’empêcher des développements négatifs au Moyen-Orient, plus particulièrement en Irak.

Nous avons pris des mesures importantes pour approfondir notre coopération dans le domaine de l’énergie. De nombreux entrepreneurs allemands ont ouvert des entreprises en Russie et des milliers d’entreprises ont été créées. Les échanges entre nos citoyens se sont développés, de même que les contacts humanitaires. Le forum de dialogue public de Saint-Pétersbourg a également été créé à cette époque.

Nous surmonterons les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui

Comme je l’ai dit, le montant de échanges avoisinait 83-85 milliards de dollars et il s’est réduit de moitié dans les premiers mois de 2015. Je crois que pour l’année entière, il s’établira aux environ de 40 milliards, la moitié de ce qu’il représentait. Cependant, nous préservons nos relations, la chancelière et moi nous voyons régulièrement à différentes occasions. Je crois que je l’ai rencontrée sept fois et me suis entretenu au téléphone avec elle 20 fois en 2015. Nous célébrons réciproquement l’Année de la langue et de la littérature russe en Allemagne et l’Année de la langue et de la littérature allemande en Russie. Cette année doit être celle des échanges de jeunes. Cela veut dire que les relations se développent, grâce à Dieu, et j’espère qu’elles continueront à se développer. Nous surmonterons les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui.

Cependant, nos relations se poursuivent. Nous nous rencontrons régulièrement avec la chancelière lors des événements. Je crois qu’on s’est rencontrés sept fois l’année dernière, on a discuté 20 fois par téléphone avec elle. Nous organisons des années croisées de la littérature et de la langue allemande et respectivement, de la langue russe en Allemagne et en Russie. Cette année, on envisage d’organiser une année d’échanges entre des jeunes. Cela veut dire que les relations se développent, Dieu merci. J’espère qu’elles continueront à se développer. Nous surmonterons les difficultés auxquelles nous faisons face aujourd’hui.

Je n’ai jamais changé. D’abord, je me sens toujours jeune aujourd’hui

Bild : Si je vous ai bien compris, l’OTAN aurait dû dire à l’époque aux Etats de l’Europe de l’Est qu’elle ne les accepterait pas en tant que membre. Pensez-vous que l’OTAN aurait-pu survivre dans ce cas ?

V.P. : Bien sûr.

Bild : Mais cela a été établi dans la Charte de l’OTAN.

V.P. : Mais qui écrit cette charte ? Des gens. Est-ce que c’est écrit dans la Charte que l’OTAN doit accepter tous ceux qui veulent en faire partie ? Non. Il faut des  critères, des conditions. S’il y avait eu une volonté politique, s’ils l’avaient voulu, ils auraient pu faire quelque chose. Ils n’ont tout simplement pas voulu le faire. Ils ont voulu régner.

Alors ils se sont assis sur le trône. Et ensuite ? Ensuite, les crises dont nous discutons maintenant sont arrivées. S’ils avaient suivi les conseils de ce vieil allemand intelligent, Monsieur Egon Bahr, leur avait donné, ils auraient créé quelque chose de nouveau qui aurait unifié l’Europe et empêché ces crises. La situation aurait été différente, il y aurait eu d’autres problèmes. Peut-être qu’ils ne seraient pas aussi aigus, vous voyez ?

Bild : Il existe une théorie qu’il y a deux Poutines, le premier était jeune, avant 2007, il avait montré sa solidarité avec les Américains, Gerhard Schröder [l’ex-chancelier allemand] était son ami, et puis, à compter de 2007, un autre Poutine est apparu. En 2000, vous avez dit : «Il ne doit pas y avoir de confrontations en Europe, nous devons tout entreprendre pour les surmonter». Et à l’heure actuelle, nous sommes dans une confrontation de ce type.

J’ai une question directe à vous poser, quand est-ce qu’on aura l’ancien Poutine ?

V.P. : Je n’ai jamais changé. D’abord, je me sens toujours jeune aujourd’hui. J’étais et je reste l’ami de Gerhard Schröder. Rien n’a changé.

En ce qui concerne la façon à procéder face à des problèmes tels que la lutte contre le terrorisme, elle n’a pas changé non plus. Oui, à l’époque, le 11 septembre, j’étais le premier à téléphoner au président Bush et je lui ai exprimé ma solidarité. Nous étions prêts à tout faire pour lutter ensemble contre le terrorisme. Il n’y pas si longtemps, après les attentats terroristes ont eu lieu à Paris, j’ai appelé le président français de la même façon, avant de le rencontrer.

Si, à l’époque, ils avaient écouté Gerhard Schröder, Jacques Chirac et moi-même, on n’aurait probablement pas eu les attentats terroristes à Paris, parce qu’il n’y aurait pas eu un tel sursaut du terrorisme sur les territoire de l’Irak, de la Libye et d’autres pays du Moyen-Orient.

Nous n’avons pas fait la guerre, nous n’avons pas non plus occupé quiconque

Nous sommes face à des menaces communes et tous, nous désirons toujours que tous les pays, en Europe et dans le reste du monde, unissent leurs efforts pour lutter contre ces menaces et nous nous battons toujours pour cela. Les problèmes communs sont nombreux, il n’y a pas que le terrorisme ; il y a aussi la criminalité, le trafic d’humains, la protection de l’environnement et beaucoup d’autres défis. Mais cela ne signifie pas que nous devons à chaque fois être d’accord avec tout le monde, sur ces questions ou sur d’autres questions. Si quelqu’un n’est pas d’accord avec notre position, il pourrait trouver une meilleure option que de chaque fois nous présenter comme un ennemi. Ne vaudrait-il pas mieux nous écouter, réfléchir à ce que nous disons, se mettre d’accord sur quelque chose et chercher une solution commune ? C’est que j’ai dit lors du 70ème anniversaire de l’ONU à New York.

Bild : Je voudrais dire qu’aujourd’hui les défis de la lutte contre le terrorisme islamiste sont si aigus qu’ils pourraient réunir la Russie et l’Occident, mais le problème de la Crimée surgit. Est-ce que la Crimée vaut la peine de mettre en jeu la coopération avec l’Occident ?

V.P. : Que voulez-vous dire par le mot «la Crimée» ?

Bild : La redéfinition des frontières.

V.P. : Et pour moi, cela signifie 2,5 millions de personnes. Ce sont eux qui ont eu peur du coup ; soyons francs, ils ont eu peur du coup d’Etat en Ukraine. Et après le coup à Kiev – car ce n’était rien d’autre qu’un coup d’Etat, peu importe la façon dont les forces des nationalistes extrémistes, les forces qui sont arrivées au pouvoir à l’époque, et qui y sont restées, ont essayé de maquiller tout ça – ils ont commencé à menacer ouvertement la population, à menacer les Russes et les russophones habitant en Ukraine, et notamment en Crimée, parce que la concentration de Russes et de russophones y est plus élevée que dans d’autres parties de l’Ukraine.

Le Kosovo a déclaré son indépendance, et le monde entier l’a acceptée

Qu’est-ce-que nous avons fait ? Nous n’avons pas fait la guerre, nous n’avons pas non plus occupé quiconque, il n’y pas eu de fusillade, personne n’a été tué pendant les événements de Crimée. Pas une seule personne ! Nous n’avons utilisé les forces armées que pour empêcher plus de 20 000 militaires ukrainiens stationnés là-bas d’interférer la libre expression de la volonté des résidents de la Crimée. La population s’est rendue au référendum, a exprimé sa voix. Elle a choisi de faire partie de la Russie.

J’ai une question : qu’est-ce que c’est la démocratie ? La démocratie, c’est la volonté du peuple, les gens se sont prononcés pour la vie qu’ils voulaient mener. Pour moi, le territoire et les frontières ne sont pas aussi importants que le destin de la population.

Bild : Mais les frontières sont une composante de l’ordre politique européen. Vous aviez dit auparavant que c’est très important, notamment dans le cadre de l’élargissement de l’OTAN.

V.P. : Il est important de toujours respecter le droit international. Dans le cas de Crimée, le droit international n’a pas été violé. Conformément à la Charte des Nations Unis, chaque nation dispose du droit à l’autodétermination. En ce qui concerne le Kosovo, la Cour internationale de l’ONU a défini qu’on pouvait ignorer l’opinion du pouvoir central lorsqu’il était question de souveraineté. Si vous êtes un média sérieux, honnête avec vos lecteurs, retrouvez dans les archives la prise de position du représentant allemand auprès de la Cour internationale de justice et citez là. Prenez la lettre qui, je crois a été rédigée par le département d’Etat américain ou l’intervention du représentant britannique. Trouvez-les et lisez ce qui y est écrit. Le Kosovo a déclaré son indépendance, et le monde entier l’a acceptée. Savez-vous comment cela s’est passé dans les faits ?

Bild : Après la guerre ?

V.P. Non, par une décision du Parlement. Ils n’y même pas eu de référendum.

Que s’est-il passé en Crimée ? Premièrement, le Parlement criméen a été élu en 2010, à cette époque la Crimée faisait partie de l’Ukraine. Ce que je vais dire maintenant est extrêmement important. Le Parlement élu alors que la Crimée appartenait à l’Ukraine s’est réuni, a voté l’indépendance et organisé un référendum. Et lors de ce référendum, les citoyens ont voté pour la réunification avec la Russie. De plus, comme vous l’avez correctement signalé, les événements au Kosovo ont eu lieu après plusieurs années de guerre et une intervention de facto des pays de l’OTAN, après le bombardement de la Yougoslavie et des frappes de missile contre Belgrade.

Les Russes ressentent dans leur cœur et comprennent très bien avec leur esprit ce qu’il se passe

Maintenant je veux vous demander : si les Kosovars au Kosovo disposent du droit à l’autodétermination, pourquoi les habitants de la Crimée n’auraient-ils pas ce même droit ? Si nous voulons que les relations entre la Russie, nos alliés, nos voisins en Europe et dans le reste du monde se développent de manière positive et constructive, il faut qu’au moins une condition soit observée : nous devons nous respecter les uns les autres, respecter nos intérêts et obéir aux mêmes règles plutôt que de les changer constamment en fonction d’intérêts particuliers.

Vous m’avez demandé si j’étais, oui ou non un ami. Les relations entre Etats sont un peu différentes de celles qui existent entre les personnes : Je ne suis pas un ami, ni une fiancée ni un serviteur, je suis le président de la Fédération de Russie. Soit 146 millions de personnes qui ont leurs intérêts propres et je dois les protéger. Nous sommes prêts à le faire sans confrontation, nous sommes prêt à chercher des compromis, mais, bien sûr, sur la base du droit international qui doit être compris par tous de la même façon.

Bild : Si, comme vous le dites, il n’y a pas eu de violation du droit international en Crimée, alors comment pouvez-vous expliquer aux Russes qu’à cause de cela, l’Occident, à l’initiative d’Angela Merkel, imposé des sanctions contre la Russie et dont le peuple souffre actuellement ?

V.P. Vous savez, les Russes ressentent dans leur cœur et comprennent très bien avec leur esprit ce qu’il se passe. Napoléon a dit un jour que la justice était l’incarnation de Dieu sur la Terre. Dans ce sens, la réunification de la Crimée et de la Russie est une décision juste.

En ce qui concerne la réaction de nos partenaires occidentaux, je crois qu’elle était erronée et ne visait pas à soutenir l’Ukraine mais à limiter l’accroissement des capacités de la Russie. Je crois qu’il n’aurait pas fallu faire ça et c’est l’erreur principale ; au contraire, il faut utiliser les aptitudes de chacun pour atteindre une croissance mutuelle, répondre ensemble à nos problèmes communs.

Vous avez évoqué les sanctions. A mon avis, c’était une décision imprudent et préjudiciable. J’ai dit que le volume de nos échanges avec l’Allemagne était de l’ordre de 83-85 milliards de dollars et que la création de milliers d’emplois en Allemagne avait résulté de ce travail commun. Quelles sont les limites auxquelles nous sommes confrontés ? Ce n’est pas la pire situation que nous ayons traversée mais cela pénalise notre économie, sans aucun doute puisque cela restreint notre accès aux marchés financiers internationaux.

Le plus douloureux dans la situation actuelle, d’abord pour notre économie, ce sont les dommages causés par la chute des prix de nos biens d’exportation traditionnels. Mais l’une et l’autre conséquence ont des effets positifs. Lorsque les prix du pétrole sont hauts, il nous est très difficile de résister à dépenser les revenus du pétrole pour couvrir les dépenses courantes. Je crois que le déficit non-pétrolier s’est accru à un niveau très dangereux. Nous sommes à présent obligés de le réduire. Et c’est sain…

Bild : Quid du déficit budgétaire ?

V.P. Nous faisons une séparation. Il y a le déficit total et ensuite les revenus hors pétrole et gaz. Le déficit total est assez faible. Mais si on déduit les rentrées générées par les ventes de pétrole et de gaz, alors on obtient un déficit trop important. La baisse précisément de ces rentrées oblige à assainir l’économie. C’est le premier point.

Deuxièmement, on peut tout acheter avec des pétrodollars. Et lorsque les revenus qu’ils génèrent sont élevés, alors le développement n’est plus stimulé, surtout dans le domaine des hautes technologies. On constate actuellement un recul du PIB de 3,8%, une baisse de la production industrielle de 3,3%, une progression de l’inflation de 12,7%. C’est beaucoup, mais en même temps, la balance de notre commerce extérieur reste positive, et pour la première fois depuis de nombreuses années, on a connu une augmentation du volume des exportations de produits à haute valeur ajoutée. C’est une tendance très positive pour l’économie intérieure.

Le niveau de nos réserves reste très élevé, la Banque centrale dispose de réserves atteignant 340 milliards de dollars en or et en devises. Si je ne me trompe pas, ces dernières dépassent 300 milliards. Il y a encore deux fonds de réserve du gouvernement de la Fédération de Russie qui s’élèvent chacun à de 70 ou 80 milliards, 70 pour l’un et 80 pour l’autre. Nous considérons que nous nous dirigeons vers une stabilisation et une croissance économique. Nous avons pris toute une série de mesures, y compris ce qu’on appelle la «substitution aux importations», ce qui se traduit par des investissements dans le domaine des hautes technologies.

Bild : Vous avez fréquemment discuté de la question des sanctions, ainsi que de la Crimée, avec Angela Merkel. La comprenez-vous ? Lui faîtes-vous confiance ?

V.P. Je suis certain qu’elle est une personne très sincère. Elle doit travailler à l’intérieur d’un cadre précis mais je n’ai aucun doute sur la sincérité des efforts qu’elle déploie pour trouver des solutions, y compris concernant la situation dans le sud-est de l’Ukraine.

Vous avez parlé des sanctions. Tout le monde dit qu’il faut absolument mettre en œuvre les accords de Minsk et qu’ensuite, la question des sanctions sera réexaminée. Croyez-moi, cela commence à présent à ressembler au théâtre de l’absurde, car tout ce qui doit être fait d’essentiel au regard de la mise en œuvre des accords de Minsk est de la responsabilité des autorités ukrainiennes actuelles. Il est impossible de demander à Moscou de faire quelque chose que Kiev doit faire. Par exemple, la question essentielle, clé dans le processus de règlement est politique dans sa nature et une réforme constitutionnelle se trouve en son centre. C’est le point 11 des accords de Minsk. Il dit expressément qu’une réforme de la Constitution doit être menée à bien, mais Moscou ne peut prendre de telles décisions !

Comment peut-on demander à Moscou de faire ce qui doit découler de décisions de nos collègues à Kiev ?

Regardez, tout est prévu : l’Ukraine doit mener à bien une réforme constitutionnelle qui doit entrer en vigueur avant la fin de l’année 2015. L’année 2015 s’est terminée.

Bild : La réforme constitutionnelle doit être menée après l’arrêt de toutes les hostilités militaires. C’est ce que dit ce point ?

V.P. Non. Il ne dit pas cela

Regardez, je vous donne la version anglaise. Qu’est-ce qui est écrit ? Point 9, rétablissement du contrôle complet sur la frontière nationale par le gouvernement ukrainien, sur la base du droit ukrainienne basé sur la réforme constitutionnelle de fin 2015, pour autant que le point 11 ait été réalisé, ce qui implique une réforme constitutionnelle.

Donc, une réforme constitutionnelle et des processus politiques doivent être mis en œuvre en premier lieu, et puis après, sur la base de ces processus, la création d’une atmosphère de confiance et la finalisation de tous les processus, y compris, la fermeture de la frontière. Je crois que nos partenaires européens, la chancelière allemande et le président français, devraient examiner ces problèmes d’un peu plus près.

Bild : Vous pensez que ce n’est pas le cas ?

V.P. Je crois qu’ils ont beaucoup de problèmes qui leur sont propres. Mais, si on répondre à ce problème, alors il faut l’examiner. Par exemple, il est écrit ici que les modifications de la Constitution doivent se faire sur une base permanente.

Le gouvernement ukrainien a promulgué une loi sur le statut spécial de ces territoires, une loi qui avait été adoptée précédemment, avec des provisions transitoires. Cette loi qu’ils ont introduite dans la Constitution n’a été adoptée que pour une durée de trois ans. Deux années se sont déjà écoulées. Lorsque nous nous sommes rencontrés à Paris, la chancelière allemande comme le président français étaient d’avis que cette loi devait être modifiée et incluse dans la Constitution de manière permanente. Et le président français et la chancelière allemande l’ont confirmé. Mais, la version actuelle de la Constitution n’a pas été approuvée et la loi n’est pas devenue permanente.

Comment peut-on demander à Moscou de faire ce qui doit découler de décisions de nos collègues à Kiev ?

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Résumé de la 2e partie (version intégrale en anglais ici)

«Nous soutenons l’armée de Bachar el-Assad de même que l’opposition armée», a souligné le dirigeant russe dans une grande interview au quotidien allemand Bild. «Certains d’entre eux l’ont admis publiquement, d’autres préfèrent le taire, mais le travail est en cours».

D’après le président, «des centaines, des milliers de combattants armés luttent contre Daesh». «Nous coordonnons nos opérations avec eux et soutenons leurs offensives par des frappes aériennes dans plusieurs secteurs de la ligne de front», a dit Vladimir Poutine.

Les médias occidentaux ont plusieurs fois critiqué la Russie en affirmant que ses avions ne soutiendraient que les forces d’Assad en Syrie et se concentreraient leurs attaques contre l’opposition syrienne plutôt que contre Daesh.

«Ils répandent des mensonges», a répondu Vladimir Poutine, répondant à une question concernant ces accusations. Malgré l’existence de preuves démontrant ce qui se passe au sol, ceux qui critiquent la Russie «préfèrent l’ignorer».

«Les vidéos confirmant cette version sont apparues même avant que nos pilotes aient commencé leur opération antiterroriste. Cela peut être confirmé», a noté le dirigeant.

Mais, au contraire, «ces fausses preuves» de frappes russes présumées sur les civils «continuent de circuler», a ajouté Vladimir Poutine.

«Si l’on considère que des “oléoducs“ qui consistent en milliers de camions citernes sont des cibles civiles, on pourrait avoir l’impression que nos pilotes visent ces objets, mais tout le monde les bombarde, y compris les Américains, les Français et les autres», selon le président russe.

En abordant les objectifs de la Russie dans ce conflit, Poutine a répété que le premier but de Moscou était d’éviter le vide du pouvoir en Syrie, qui pourrait aboutir à la dévastation de ce pays, comme cela est arrivé en Libye après la mort de Kadhafi.

«Je peux vous dire exactement ce que nous ne voulons pas : la répétition du scénario libyen ou irakien en Syrie», a martelé le chef de l’Etat russe pour qui la Syrie doit opérer une restructuration de son gouvernement sur la base d’une nouvelle constitution.

«C’est la seule façon d’arriver à la stabilité, à la sécurité et de créer des conditions pour la croissance économique et la prospérité future, de sorte que les Syriens puissent vivre dans leurs propres maisons au lieu de fuir vers l’Europe», a ajouté le dirigeant russe.

Sur les tensions entre la Russie et l’OTAN : «Si nous ne sommes pas les bienvenus, cela ne nous dérange pas»

L’interview du chef de l’Etat russe a également porté sur les perspectives de la reprise de la coopération entre la Russie, le G8 et l’OTAN. Les deux groupes ont coupé leurs contacts avec Moscou depuis la crise en Ukraine.

«Ce n’est pas la Russie qui a interrompu la coopération à travers le format G8 ou le conseil Russie-OTAN. Nous sommes prêts à coopérer avec tout le monde s’il y a un problème qui nécessite une discussion», a fait remarquer Vladimir Poutine. Néanmoins, la Russie n’aspire pas à revenir au sein de ces organisations par tous les moyens, a souligné le président.

«Si nous ne sommes pas des partenaires bienvenus, cela ne nous dérange pas», a-t-il déclaré.

Les relations entre Moscou et l’Alliance se sont détériorées depuis l’incident avec le SU-24 russe abattu par la Turquie, dont le pilote a été tué par des rebelles soutenus par Ankara. Immédiatement après l’attaque, Ankara a convoqué une réunion d’urgence des membres de l’OTAN.

«Au lieu d’essayer de nous fournir une explication pour le crime de guerre qu’ils ont commis, pour avoir abattu notre avion de combat qui visait des terroristes, le gouvernement turc s’est précipité chez l’OTAN pour y chercher sa protection, ce qui est bizarre et, de mon point de vue, humiliant pour la Turquie», a estimé le dirigeant russe.

Vladimir Poutine a exprimé l’espoir que de tels incidents ne provoqueront pas «d’hostilités de grande envergure», en soulignant que la Russie entend «défendre sa sécurité par tous les moyens qu’elle possède» au cas où celle-ci était menacée.

Sur les ambitions de la Russie : «Nous ne prétendons pas au rôle de superpuissance»

Vladimir Poutine a également commenté la position de la Russie sur la scène internationale, en notant que son opinion était différente de celle du président américain Barack Obama qui l’a qualifiée de «pouvoir régional». Le président russe a cependant ajouté que son pays n’aspire pas à devenir une «superpuissance».

«Nous ne prétendons pas au rôle de superpuissance. Ce rôle est extrêmement coûteux et dénué de sens», a précisé le président russe, rappelant que la Russie était la «sixième économie mondiale».

Auparavant, concernant le sommet nucléaire à La Haye en mars 2015, Barack Obama avait estimé que la Russie était «un pouvoir régional qui menace certains de ses voisins».

Tout en admettant que chacun peut avoir sa propre opinion, Vladimir Poutine a remarqué que la remarque de son homologue américain était assez vague.

«En affirmant que la Russie est un pouvoir régional, il faut d’abord définir de quelle région il s’agit», a déclaré le dirigeant russe, en notant que le vaste territoire de la Russie s’étend de l’Europe à la Chine et au Japon, jusqu’à ses frontières maritimes avec les Etats-Unis et le Canada «à travers l’océan Arctique».

«Je crois que des spéculations concernant d’autres pays, des tentatives d’en parler irrévérencieusement sont en fait des tentatives de prouver par contraste son propre exceptionnalisme», a estimé le président russe.

Source : Russia Today France, 11-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-la-division-de-leurope-subsiste-le-mur-sest-simplement-deplace-vers-lest/


[2007] Vladimir Poutine : “Nous sommes témoins d’un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international”

Thursday 14 January 2016 at 00:01

Intervention de Vladimir Poutine, président de la fédération de Russie, le 10 février 2007, lors de la 43ème Conférence de Munich sur la politique de sécurité. Il dénonce la volonté américaine de gouvernance unilatérale du monde comme illégitime et immorale. Ce discours de Munich a marqué un basculement de la politique extérieure russe.

En résumé

On disait par avance du discours de Vladimir Poutine à la 43e conférence sur la sécurité de Munich qu’il serait “programmatique”. Le fait même que le président russe ait, pour la première fois, pris part à cette réunion dont on dit qu’elle est le “Davos de la sécurité” (et qui a lieu depuis 1962) ne pouvait passer inaperçu. Les attentes n’ont pas été vaines : le chef de l’Etat russe, qui a commencé par promettre d’éviter les “formules diplomatiques aux angles arrondis mais vides”, a exposé franchement, carrément par endroits, la position de Moscou sur des questions comme le programme nucléaire de l’Iran, l’élargissement de l’OTAN et la réforme de l’ONU. Et, bien que Vladimir Poutine ait spécialement noté que la Russie et les Etats-Unis ne seraient jamais ennemis, sa franchise ne peut qu’être considérée comme une sorte de réponse au récent “aveu sincère” du chef du Pentagone, Robert Gates, qui a publiquement rangé la Russie parmi les voyous et les ennemis de l’Amérique.

Pour commencer, le président de la Russie a constaté l’état de crise dans lequel se trouve le système des relations juridiques internationales : “Personne ne se sent plus en sécurité, a-t-il estimé, personne ne peut se réfugier derrière le droit international comme derrière une muraille de pierre”.

La raison en est que le droit revêt de moins en moins d’importance dans les relations internationales, que la force est employée au mépris de la Charte de l’ONU. “Il ne faut pas remplacer l’ONU, ni l’OTAN, ni l’Union européenne, a souligné Vladimir Poutine… Quand l’ONU unira réellement les forces de la communauté internationale, … quand nous cesserons de négliger le droit international, la situation pourra évoluer.” L’élargissement de l’OTAN, a-t-il dit, “n’a aucun rapport… avec la garantie de la sécurité en Europe”. Au contraire, il abaisse “le niveau de la confiance mutuelle” “Et nous avons le droit légitime de poser ouvertement la question : qui est visé par cette élargissement ?” Aux dires du président, le rapprochement des infrastructures militaires de l’OTAN des frontières de la Russie n’est nullement lié “à la riposte aux menaces globales”, à celle du terrorisme en premier lieu. Comme il l’a rappelé, après la dissolution du Traité de Varsovie, le secrétaire général de l’OTAN avait donné des garanties de sécurité à l’URSS, déclarant que les troupes de l’Alliance ne seraient pas déployées hors de la RFA. “Où sont ces garanties ?”, a demandé Vladimir Poutine. Il a mentionné également que, dans les années 80, l’URSS et les Etats-Unis avaient signé un traité sur l’élimination de toute une classe de missiles de moyenne et de plus courte portée (traité FNI signé le 8 décembre 1987. – La Russie a accusé les Etats-Unis de violer ce traité en utilisant des missiles Hera pour tester leur système ABM – NdlR). “Aucun caractère universel n’a été conféré à ce document” et c’est pourquoi, aujourd’hui, “toute une série de pays – la RDPC, la République de Corée, l’Inde, l’Iran, le Pakistan et Israël – possèdent ce type de missiles.”

Vladimir Poutine a également évoqué le sort du traité russo-américain sur la réduction des potentiels offensifs stratégiques (ce document n’a pas été nommément cité mais le sous-entendu était clair). Selon lui, la Russie a l’intention de remplir scrupuleusement ses engagements et de réduire, d’ici à 2012, le nombre de ses charges nucléaires à 1 700 (au lieu de 2 200). “J’espère, a-t-il dit, que nos partenaires agiront également dans la transparence et ne mettront pas de côté, à tout hasard, pour les mauvais jours, les quelque deux cents charges nucléaires excédentaires. Si le nouveau ministre américain de la Défense annonce, aujourd’hui, que les Etats-Unis ne vont pas planquer les charges excédentaires ni dans les arsenaux, ni sous l’oreiller, ni sous une couverture, je vous propose de vous lever et de l’applaudir debout. Ce serait très important.” Ce n’est pas un hasard si le président Poutine a parlé de “couverture” : en vertu de la nouvelle politique nucléaire des Etats-Unis (2002), le nombre des charges sera réduit non par destruction, mais en recyclant des vecteurs stratégiques pour des missions non nucléaires. En d’autres termes, la possibilité demeure de déployer à nouveau les charges “réduites”.

Vladimir Poutine a mentionné encore un autre problème lié, lui aussi, à la politique des Etats-Unis, le problème de la militarisation de l’Espace. Les conséquences de cette militarisation peuvent, dit-il, ne pas être “moindres que celles du début de l’ère nucléaire”. Comme il l’a annoncé, la Russie a préparé un projet de traité international sur la prévention du déploiement d’armes dans l’espace, qui sera prochainement “adressé aux partenaires en qualité de proposition officielle”. La question est de savoir si cette proposition retiendra l’attention des “partenaires” : Washington a jusque là bloqué tous les efforts déployés en vue de parvenir à un accord international sur la démilitarisation de l’Espace. D’ailleurs, le projet de budget des Etats-Unis pour 2008, que le Congrès est en train d’examiner, prévoit d’accroître de 25 % le financement du programme militaro-spatial, qui passerait de 4,8 milliards de dollars cette année à 6 milliards en 2008.

Le président Poutine a aussi évoqué indirectement le traité de 1972 sur la limitation des systèmes ABM, aujourd’hui défunt. Selon lui, la Russie est prête à donner “une réponse asymétrique” au déploiement d’une ABM en Europe de l’Est. Après avoir annoncé que “nous avons une arme qui peut la (l’ABM) surpasser”, il a précisé que cette réponse de la Russie n’était en aucune façon dirigée contre les Etats-Unis dans la mesure, il est vrai, où ce “système ABM n’est pas dirigé contre nous”. (Il convient de rappeler que les Etats-Unis sont sortis du traité ABM en 2002 et qu’il s’agit aujourd’hui, pour eux, de déployer des missiles intercepteurs en Pologne et en République tchèque. Même si Washington affirme que cette mesure vise à conjurer une probable menace émanant de pays voyous, il ne fait aucun doute, pour les experts, que l’implantation de bases ABM dans ces pays est une mesure purement anti-russe.) D’ailleurs, de l’avis du chef de l’Etat, la création d’un système ABM constitue une menace non seulement pour la Russie mais encore pour le monde entier : “nous nous plaçons dans l’hypothèse où, à un certain moment, la menace pouvant émaner de nos forces nucléaires sera totalement neutralisée. Cela signifie que l’équilibre sera rompu et que l’une des parties aura le sentiment de sa pleine sécurité ce qui, par conséquent, lui déliera les mains dans des conflits non seulement locaux mais aussi, peut-être, globaux.”

Vladimir Poutine n’a pas éludé la question de la prolifération des technologies nucléaires qui inquiète aujourd’hui le monde entier. Soulignant que “l’attrait que présente, pour toute une série de pays, la possession d’armes de destruction massive” est nourri pas la domination du facteur “force” qui s’est imposé dans les relations internationales, le chef de l’Etat a appelé à une solution raisonnable du problème nucléaire iranien. Selon lui, “si la communauté internationale n’élabore pas une solution raisonnable pour résoudre ce conflit, le monde continuera d’être secoué par des crises semblables, déstabilisantes.” Rappelons que la Russie avait proposé, il y a quelque temps, d’ouvrir des centres internationaux pour l’enrichissement de l’uranium. Les Etats-Unis ont eux aussi avancé une proposition analogue.

Pour ce qui est du programme de missiles de l’Iran, Vladimir Poutine a affirmé que la Russie n’avait pas fourni de technologies balistiques à l’Iran mais que, par contre, “d’autres pays (d’Europe et d’Asie) s’y étaient montrés très actifs. Il a rappelé que, dans les années 90, la Russie avait cessé, à la demande des Etats-Unis, de former les spécialistes iraniens qui étudiaient ces technologies, alors que des partenaires étrangers, notamment en Europe, n’avaient pas réagi de façon similaire. “Qui plus est, a ajouté le chef de l’Etat, aujourd’hui encore du matériel de guerre et des équipements spéciaux en provenance des Etats-Unis lui sont fournis (à l’Iran). Des pièces de rechange pour les avions F-14 sont toujours livrées”, en dépit des enquêtes effectuées aux Etats-Unis.

Quant à la coopération militaro-technologique entre la Russie et l’Iran, elle est “minimale”, affirme Vladimir Poutine : “La Russie a fourni bien moins d’armes que les Etats-Unis et d’autres pays”. Elle a livré à Téhéran des missiles sol-air de moyenne portée (30-50 kilomètres), a précisé le président. “Nous l’avons fait, a-t-il encore indiqué, pour que l’Iran ne se sente pas acculé, qu’il n’ait pas le sentiment d’être dans un environnement hostile, pour qu’il comprenne qu’une communication est possible, qu’il a des amis à qui il peut faire confiance.” Vladimir Poutine a également fourni certains éclaircissements concernant la politique énergétique de son pays qui est souvent examinée, ces derniers temps, dans le cadre des discussions sur la sécurité. Premièrement, il a une nouvelle fois déclaré que le Charte énergétique “ne satisfait pas vraiment” Moscou, qui n’a donc pas l’intention de la ratifier. Deuxièmement, il a répété que “les tarifs de l’énergie doivent être fixés par le marché et non faire l’objet de spéculations politiques, de pressions économiques ou de chantage”. Enfin, a-t-il indiqué, la Russie est ouverte à la coopération dans le secteur de l’énergie et des entreprises étrangères participent aux grands projets énergétiques du pays. “Selon diverses estimations, a-t-il noté, jusqu’à 26 % du pétrole extrait en Russie… revient à des capitaux étrangers. Citez-moi donc des exemples d’une présence aussi importante du monde russe des affaires dans les secteurs économiques clefs des Etats occidentaux. Ces exemples n’existent pas.”

Après avoir donné un exemple visible de “la stabilité et (de) l’ouverture” de l’économie russe, le président Poutine est passé à la politique intérieure, vu que, aujourd’hui, de nombreux pays voient dans le niveau de démocratie atteint par tel ou tel pays un prétexte à intervenir dans ces affaires intérieures (ce qui constitue déjà une question de sécurité, objet de la conférence de Munich). Après avoir rejeté les assertions sur “l’unilatéralité du gouvernement russe”, il a relevé que la Russie cherchait à établir un système pluraliste et que les modifications de la législation électorale allaient dans ce sens.

Dans le même temps, la pluralité interne est étroitement liée à la pluri-polarité dans l’arène internationale. “Les démocraties ne cessent de donner des leçons à la Russie, a déclaré Vladimir Poutine. Mais, on ne sait trop pourquoi, les donneurs de leçons ne sont pas eux-mêmes très pressés d’apprendre.” C’est encore cette idée que l’on perçoit lorsqu’il affirme que la Russie aimerait bien travailler avec “des partenaires responsables et indépendants” à “l’édification d’une organisation du monde juste et démocratique, garantissant la sécurité et l’épanouissement de tous et non des seuls élus.” “La Russie a une histoire de plus de mille ans, a résumé Vladimir Poutine. Et elle a pratiquement toujours usé du privilège de mener une politique extérieure indépendante. Nous n’avons toujours pas, aujourd’hui encore, l’intention de modifier cette tradition.”

En vidéo

Retranscription (traduit par RIA Novosti)

(Texte intégral, traduction RIA Novosti)

Madame la chancelière fédérale, Monsieur Teltschik, Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie pour cette invitation à participer à une conférence aussi représentative, qui a réuni hommes politiques, militaires, entrepreneurs et experts de plus de 40 pays du monde.

Le format de conférence me permet d’éviter les formules de politesse superflues et de recourir aux clichés diplomatiques aussi agréables à entendre que vides de sens. Le format de la conférence me permet de dire ce que je pense des problèmes de la sécurité internationale et, si mes jugements vous semblent inutilement polémiques ou même imprécis, je vous demande de ne pas m’en vouloir. Ce n’est qu’une conférence et j’espère que dans deux ou trois minutes Monsieur Teltschik n’allumera pas la « lampe rouge ».

On sait que les problèmes de la sécurité internationale sont bien plus larges que ceux de la stabilité militaro-politique. Ces problèmes concernent la stabilité de l’économie mondiale, la lutte contre la pauvreté, la sécurité économique et le développement du dialogue entre les civilisations.

Le caractère universel et indivisible de la sécurité est reflété dans son principe de base : « la sécurité de chacun signifie la sécurité de tous ». Franklin Roosevelt avait déclaré au début de la Seconde Guerre mondiale : « Où que la paix soit rompue, c’est le monde entier qui est menacé ».

Ces paroles restent valables aujourd’hui. D’ailleurs, le sujet de notre conférence en témoigne : « Les crises globales impliquent une responsabilité globale ».

Il y a vingt ans, le monde était divisé sur le plan économique et idéologique et sa sécurité était assurée par les potentiels stratégiques immenses des deux superpuissances.

La confrontation globale reléguait les problèmes économiques et sociaux urgents à la périphérie des relations internationales et de l’agenda mondial. De même que n’importe quelle guerre, la guerre froide nous a laissé, pour ainsi dire, des « obus non explosés ». Je pense aux stéréotypes idéologiques, aux doubles standards et autres clichés hérités de la mentalité des blocs.

Le monde unipolaire proposé après la guerre froide ne s’est pas non plus réalisé.

Certes, l’histoire de l’humanité a connu des périodes d’unipolarité et d’aspiration à la domination mondiale. L’histoire de l’humanité en a vu de toutes sortes.

Qu’est ce qu’un monde unipolaire ? Malgré toutes les tentatives d’embellir ce terme, il ne signifie en pratique qu’une seule chose : c’est un seul centre de pouvoir, un seul centre de force et un seul centre de décision.

C’est le monde d’un unique maître, d’un unique souverain. En fin de compte, cela est fatal à tous ceux qui se trouvent au sein de ce système aussi bien qu’au souverain lui-même, qui se détruira de l’intérieur.

Bien entendu, cela n’a rien à voir avec la démocratie, car la démocratie, c’est, comme on le sait, le pouvoir de la majorité qui prend en considération les intérêts et les opinions de la minorité.

A propos, on donne constamment des leçons de démocratie à la Russie. Mais ceux qui le font ne veulent pas, on ne sait pourquoi, eux-mêmes apprendre.

J’estime que le modèle unipolaire n’est pas seulement inadmissible pour le monde contemporain, mais qu’il est même tout à fait impossible. Non seulement parce que, dans les conditions d’un leader unique, le monde contemporain (je tiens à le souligner : contemporain) manquera de ressources militaro-politiques et économiques. Mais, et c’est encore plus important, ce modèle est inefficace, car il ne peut en aucun cas reposer sur la base morale et éthique de la civilisation contemporaine.

Cependant, tout ce qui se produit actuellement dans le monde – et nous ne faisons que commencer à discuter à ce sujet – est la conséquence des tentatives pour implanter cette conception dans les affaires mondiales : la conception du monde unipolaire.

Quel en est le résultat ?

Les actions unilatérales, souvent illégitimes, n’ont réglé aucun problème. Bien plus, elles ont entraîné de nouvelles tragédies humaines et de nouveaux foyers de tension. Jugez par vous-mêmes : les guerres, les conflits locaux et régionaux n’ont pas diminué. Monsieur Teltschik l’a mentionné d’une manière très délicate. Les victimes de ces conflits ne sont pas moins nombreuses, au contraire, elles sont bien plus nombreuses qu’auparavant.

Nous sommes en présence de l’emploi hypertrophié, sans aucune entrave, de la force – militaire – dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de conflits successifs. Par conséquent, aucun des conflits ne peut être réglé dans son ensemble. Et leur règlement politique devient également impossible.

Nous sommes témoins d’un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international. Bien plus, certaines normes et, en fait, presque tout le système du droit d’un seul État, avant tout, bien entendu, des États-Unis, a débordé de ses frontières nationales dans tous les domaines : dans l’économie, la politique et dans la sphère humanitaire, et est imposé à d’autres États. A qui cela peut-il convenir ?

Dans les affaires internationales, on se heurte de plus en plus souvent au désir de régler tel ou tel problème en s’inspirant de ce qu’on appelle l’opportunité politique, fondée sur la conjoncture politique.

Évidemment, cela est très dangereux, personne ne se sent plus en sécurité, je tiens à le souligner, parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international. Évidemment, cette politique est le catalyseur de la course aux armements.

La domination du facteur force alimente inévitablement l’aspiration de certains pays à détenir des armes de destruction massive. Qui plus est, on a vu apparaître des menaces foncièrement nouvelles qui étaient connues auparavant, mais qui acquièrent aujourd’hui un caractère global, par exemple, le terrorisme.

Je suis certain qu’en ce moment crucial il faut repenser sérieusement l’architecture globale de la sécurité.

Il faut rechercher un équilibre raisonnable des intérêts de tous les acteurs du dialogue international. D’autant plus que le « paysage international » change très rapidement et substantiellement en raison du développement dynamique de toute une série d’États et de régions.

Mme la chancelière fédérale l’a déjà mentionné. Ainsi, le PIB commun de l’Inde et de la Chine en parité de pouvoir d’achat dépasse déjà celui des États-Unis. Le PIB des États du groupe BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine – évalué selon le même principe dépasse le PIB de l’Union européenne tout entière. Selon les experts, ce fossé va s’élargir dans un avenir prévisible.

Il ne fait pas de doute que le potentiel économique des nouveaux centres de la croissance mondiale sera inévitablement converti en influence politique, et la multipolarité se renforcera.

Le rôle de la diplomatie multilatérale s’accroît considérablement dans ce contexte. L’ouverture, la transparence et la prévisibilité en politique n’ont pas d’alternative raisonnable et l’emploi de la force doit effectivement être une ultime mesure, de même que la peine de mort dans les systèmes judiciaires de certains États.

Aujourd’hui, au contraire, nous observons une situation où des pays dans lesquels la peine de mort est interdite même à l’égard des assassins et d’autres dangereux criminels participent allégrement à des opérations militaires qu’il est difficile de considérer comme légitimes et qui provoquent la mort de centaines, voire de milliers de civils !

Une question se pose en même temps : devons-nous rester impassibles face à divers conflits intérieurs dans certains pays, aux actions des régimes autoritaires, des tyrans, à la prolifération des armes de destructions massive ? C’est le fond de la question posée à la chancelière fédérale par Monsieur Lieberman, notre vénérable collègue. Ai-je bien compris votre question (dit-il en s’adressant à Joseph Lieberman) ? Bien entendu, c’est une question importante ! Pouvons-nous assister impassiblement à ce qui se produit ? J’essaierai de répondre à votre question. Bien entendu, nous ne devons pas rester impassibles. Bien sûr que non.

Mais avons-nous les moyens de faire face à ces menaces ? Oui, nous les avons. Il suffit de se rappeler l’histoire récente. Le passage à la démocratie n’a-t-il pas été pacifique dans notre pays ? Le régime soviétique a subi une transformation pacifique, malgré la grande quantité d’armes, y compris nucléaires, dont il disposait ! Pourquoi donc faut-il bombarder et pilonner aujourd’hui à tout bout de champ ? Manquerions-nous de culture politique, de respect pour les valeurs démocratiques et le droit, en l’absence d’une menace d’extermination réciproque ?

Je suis certain que la Charte des Nations unies est l’unique mécanisme d’adoption de décisions sur l’emploi de la force en tant que dernier recours. Dans cet ordre d’idées, ou bien je n’ai pas compris ce qui vient d’être déclaré par notre collègue ministre italien de la Défense, ou bien il ne s’est pas exprimé clairement. En tout cas, j’ai entendu ce qui suit : l’usage de la force ne peut être légitime que si cette décision a été prise par l’OTAN, l’Union européenne ou l’ONU. S’il l’estime effectivement, alors nos points de vue sont différents. Ou bien j’ai mal entendu. L’usage de la force n’est légitime que sur la base d’un mandat des Nations unies. Il ne faut pas substituer l’OTAN et l’Union européenne à l’Organisation des Nations unies. Lorsque l’ONU réunira réellement les forces de la communauté internationale qui pourront réagir efficacement aux événements dans certains pays, lorsque nous nous débarrasserons du mépris du droit international, la situation pourra changer. Sinon, elle restera dans l’impasse et les lourdes erreurs se multiplieront. Il faut oeuvrer pour que le droit international soit universel aussi bien dans sa compréhension que dans l’application de ses normes.

Il ne faut pas oublier qu’en politique, le mode d’action démocratique suppose nécessairement une discussion et une élaboration minutieuse des décisions.

Mesdames et messieurs !

Le risque potentiel de déstabilisation des relations internationales tient également à l’absence évidente de progrès dans le domaine du désarmement.

La Russie se prononce pour la reprise du dialogue à ce sujet.

Il est très important d’appliquer les normes juridiques internationales en matière de désarmement, tout en poursuivant la réduction des armements nucléaires.

Nous avons convenu avec les États-Unis de ramener nos charges nucléaires équipant les vecteurs stratégiques à 1700 – 2 200 unités d’ici au 31 décembre 2012. La Russie a l’intention de respecter strictement ses engagements. Nous espérons que nos partenaires agiront en toute transparence, eux aussi, et ne garderont pas sous le coude quelques centaines de charges nucléaires pour les « mauvais jours ». Donc, si le nouveau ministre américain de la Défense annonce que les Etats-Unis se garderont de mettre leurs charges excédentaires en stock, ni de les dissimuler « sous un coussin » ou « sous une couverture », je vous demanderai de vous lever pour applaudir ses paroles. Ce serait une déclaration très importante.

La Russie respecte strictement le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et le régime multilatéral de contrôle de la technologie des missiles, et elle a l’intention de les respecter à l’avenir également. Les principes à la base de ces documents revêtent un caractère universel.

A cette occasion, je tiens à rappeler que dans les années 1980, l’URSS et les États-Unis ont signé un Traité sur l’élimination des missiles à moyenne et plus courte portée sans toutefois conférer de caractère universel à ce document.

A l’heure actuelle, toute une série de pays possèdent des missiles de cette classe : la République populaire démocratique de Corée, la République de Corée, l’Inde, l’Iran, le Pakistan, l’Etat d’Israël. De nombreux autres pays sont en train de concevoir ces systèmes et envisagent d’en doter leurs forces armées. Or, seuls les États-Unis d’Amérique et la Russie restent fidèles à leur engagement de ne pas construire ces armes.

Il est clair que dans ces conditions nous sommes obligés de veiller à assurer notre sécurité.

En même temps, il faut empêcher l’apparition de nouveaux types d’armes de pointe susceptibles de déstabiliser la situation. Je ne parle pas des mesures visant à prévenir la confrontation dans de nouveaux milieux, surtout dans l’Espace. On sait que les « guerres des étoles » ne relèvent plus de la fiction, mais de la réalité. Dès le milieu des années 1980, nos partenaires américains ont réussi à intercepter un de leurs satellites.

Selon la Russie, la militarisation de l’Espace est susceptible d’avoir des conséquences imprévisibles pour la communauté mondiale, conséquences qui ne seraient pas moins graves que l’avènement de l’ère nucléaire. C’est pour cela que nous avons maintes fois lancé des initiatives visant à prévenir le déploiement d’armes dans l’Espace.

Aujourd’hui, je tiens à vous dire que nous avons préparé un projet de Traité sur le non-déploiement d’armes dans l’Espace. D’ici peu, nous l’enverrons à nos partenaires en qualité de proposition officielle. Je propose de travailler ensemble sur ce document.

En ce qui concerne les projets prévoyant le déploiement en Europe d’éléments du système de défense antimissiles, ils ne manquent pas non plus de nous inquiéter. Qui a besoin d’une nouvelle relance – inévitable en l’occurrence – de la course aux armements ? Je doute fort que ce soient les Européens.

Aucun des pays dits « à problèmes » ne possède de missiles ayant une portée de l’ordre de 5000 à 8000 kilomètres et susceptibles de menacer l’Europe. Mieux, dans un avenir prévisible, leur apparition dans ces pays n’est pas envisageable. Je dirais même plus : une tentative de lancer un missile nord-coréen, par exemple, vers les États-Unis via l’Europe serait contraire aux lois de la balistique.

Profitant de mon séjour en Allemagne, je tiens à évoquer la crise que traverse le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe.

Signé en 1999, ce Traité était adapté à une nouvelle réalité géopolitique : le démantèlement du bloc de Varsovie. Sept ans se sont écoulés depuis, mais il n’a été ratifié que par quatre pays, dont la Fédération de Russie.

Les pays de l’OTAN ont ouvertement déclaré qu’ils ne ratifieraient pas le Traité, dont les dispositions relatives aux limitations dans la zone des « flancs » (déploiement sur les « flancs » d’un certain nombre de forces armées) tant que la Russie ne procéderait pas au retrait de ses bases de la Géorgie et de la Moldavie. Le retrait de nos troupes de la Géorgie est en cours et ce, à un rythme accéléré. Tout le monde sait que nous avons déjà réglé ces problèmes avec nos collègues géorgiens. Quant à la Moldavie, on y trouve pour le moment une formation de 1 500 militaires chargés de maintenir la paix et de protéger les entrepôts de munitions qui y subsistent depuis l’époque soviétique. Nous discutons en permanence de cette question avec Monsieur Solana : il connaît bien notre position. Nous sommes prêts à aller plus loin dans cette direction.

Mais que se passe-t-il pendant ce temps-là ? Eh bien, on voit apparaître en Bulgarie et en Roumanie des « bases américaines légères avancées » de 5000 militaires chacune. Il se trouve que l’OTAN rapproche ses forces avancées de nos frontières, tandis que nous – qui respectons strictement le Traité – ne réagissons pas à ces démarches.

Il est évident, je pense, que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance, ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est un facteur représentant une provocation sérieuse et abaissant le niveau de la confiance mutuelle. Nous sommes légitimement en droit de demander ouvertement contre qui cet élargissement est opéré. Que sont devenues les assurances données par nos partenaires occidentaux après la dissolution du Pacte de Varsovie ? Où sont ces assurances ? On l’a oublié. Néanmoins, je me permettrai de rappeler aux personnes présentes dans cette salle ce qui a été dit. Je tiens à citer des paroles tirées du discours de M. Werner, alors Secrétaire général de l’OTAN, prononcé à Bruxelles le 17 mais 1990 : « Que nous soyons prêts à ne pas déployer les troupes de l’OTAN à l’extérieur du territoire de la RFA, cela donne à l’Union soviétique des garanties sûres de sécurité ». Où sont aujourd’hui ces garanties ?

Les blocs de béton et les pierres du Mur de Berlin sont depuis longtemps des souvenirs. Mais il ne faut pas oublier que sa chute est devenue possible notamment grâce au choix historique de notre peuple – le peuple de Russie – en faveur de la démocratie et de la liberté, de l’ouverture et du partenariat sincère avec tous les membres de la grande famille européenne.

Or, maintenant, on s’efforce de nous imposer de nouvelles lignes de démarcation et de nouveaux murs. Même s’ils sont virtuels, ils ne manquent pas de diviser, de compartimenter notre continent. Faudra-t-il à nouveau des années et des décennies, une succession de plusieurs générations de responsables politiques pour démanteler ces murs ?

Mesdames, Messieurs !

Nous préconisons le renforcement du régime de non-prolifération. L’actuelle base juridique internationale permet de mettre au point des technologies de production de combustible nucléaire pour l’utiliser ensuite à des fins pacifiques. Et bon nombre d’Etats veulent, à juste titre, développer leur propre nucléaire civil en tant que base de leur indépendance énergétique. En même temps, nous comprenons que ces technologies peuvent se transformer rapidement en know-how pour la production de matériaux nucléaires militaires.

Cela suscite une grave tension internationale. La situation autour du programme nucléaire iranien en est un exemple éclatant. Si la communauté internationale n’élabore pas de solution raisonnable à ce conflit d’intérêts, le monde sera ébranlé, à l’avenir également, par ce genre de crises déstabilisatrices, car l’Iran n’est pas l’unique pays du seuil, et nous ne le savons que trop, nous et vous. Aussi, nous serons en permanence confrontés à la menace de prolifération des armes de destruction massive (ADM).

L’année dernière, la Russie a proposé de créer des centres d’enrichissement d’uranium multinationaux. Nous acceptons que de tels centres se créent non seulement en Russie, mais aussi dans d’autres pays où le nucléaire civil se développe sur une base légale. Les Etats cherchant à développer leur nucléaire civil pourraient recevoir du combustible, en participant directement au travail de ces centres, évidemment, sous le contrôle rigoureux de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Or, les dernières initiatives du président des Etats-Unis, George W. Bush, sont à l’unisson de cette initiative russe. Je pense que la Russie et les États-Unis sont objectivement et également intéressés au durcissement du régime de non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Et ce sont justement nos deux pays, leaders pour leur potentiel nucléaire et balistique, qui doivent, eux aussi, devenir leaders de la mise au point de nouvelles mesures plus rigoureuses en matière de non-prolifération. La Russie est prête à effectuer un tel travail. Nous menons des consultations avec nos amis américains.

Somme toute, il doit y être question de la mise en place de tout un système de leviers politiques et de stimulants économiques qui n’incitent pas les États à créer leurs propres capacités en matière de cycle du combustible nucléaire, mais leur permettent de développer leur nucléaire civil, en renforçant ainsi leur potentiel énergétique.

A cette occasion, je tiens à parler plus en détail de la coopération énergétique internationale. Mme la chancelière fédérale en a parlé, elle aussi, bien que brièvement. Dans la sphère énergétique, la Russie s’oriente vers l’élaboration de principes de marché et de conditions transparentes qui soient les mêmes pour tous. Il est évident que le prix des hydrocarbures doit être établi par le marché et ne doit pas faire l’objet de spéculations politiques ni de pressions ou de chantages économiques.

Nous sommes ouverts à la coopération. Des compagnies étrangères participent à nos plus grands projets économiques. Selon différentes évaluations, jusqu’à 26 % de l’extraction de pétrole en Russie reviennent – réfléchissez bien à ce chiffre – jusqu’à 26 % de l’extraction de pétrole en Russie reviennent au capital étranger. Essayez donc de me citer un exemple de présence aussi large du business russe dans les branches clés de l’économie des États d’Occident. Il n’y en a pas !

Je tiens aussi à rappeler la proportion d’investissements arrivant en Russie et partant de Russie vers d’autres pays du monde. Ce rapport est à peu près de quinze pour un. Voilà un exemple éclatant de l’ouverture et de la stabilité de l’économie russe.

La sécurité économique est une sphère où tous doivent s’en tenir à des principes uniques. Nous sommes prêts à une concurrence loyale.

L’économie russe a de plus en plus de possibilités pour cela. Cette dynamique est objectivement évaluée par des experts et nos partenaires étrangers. Récemment, par exemple, la Russie a été mieux notée au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : notre pays est passé notamment du groupe à risque 4 au groupe 3. Profitant de l’occasion, ici, aujourd’hui à Munich, je voudrais remercier tout particulièrement nos collègues allemands de leur concours à l’adoption de la décision évoquée.

Continuons. Comme vous le savez, le processus d’adhésion de la Russie à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) est entré dans sa phase finale. Je rappellerai qu’au cours des négociations longues et difficiles, nous avons plus d’une fois entendu des paroles sur la liberté d’expression, la liberté de commerce et des possibilités égales, mais seulement quand il s’agissait du marché russe.

Et encore un thème très important qui influe directement sur la sécurité globale. On parle beaucoup aujourd’hui de la lutte contre la pauvreté. Mais qu’est-ce qui se produit en réalité ? D’une part, des ressources financières – et souvent importantes – sont allouées à des programmes d’assistance aux pays les plus pauvres. Quoi qu’il en soit, et beaucoup le savent ici également, il n’est pas rare que les compagnies des pays donateurs eux-mêmes « les utilisent ». D’autre part, l’agriculture dans les pays industrialisés est toujours subventionnée, alors que l’accès des hautes technologies est limité pour d’autres.

Appelons donc les choses par leurs noms : il s’avère qu’une main distribue les « aides caritatives », alors que l’autre entretient l’arriération économique, mais récolte aussi des bénéfices. La tension sociale surgissant dans de telles régions dépressives se traduit inévitablement par la croissance du radicalisme et de l’extrémisme, tout en alimentant le terrorisme et les conflits locaux. Et si tout cela se produit de surcroît, par exemple, au Proche-Orient dans le contexte d’une vision aggravée du monde extérieur, en tant que monde injuste, une déstabilisation globale risque de se produire.

Il va sans dire que les principales puissances mondiales doivent voir cette menace et organiser, par conséquent, un système plus démocratique et plus équitable de rapports économiques qui donne à tous une chance et une possibilité de développement.

Intervenant à une conférence sur la sécurité, on ne peut pas, non plus, Mesdames et Messieurs, passer sous silence l’activité de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L’OSCE a été créée pour examiner tous les aspects, je tiens à le souligner, tous les aspects de la sécurité, qu’il s’agisse des aspects politico-militaires, économiques ou humanitaires et ce, dans leurs rapports réciproques.

Mais que voyons-nous aujourd’hui en réalité ? Nous voyons que cet équilibre est manifestement perturbé. On essaie de transformer l’OSCE en instrument vulgaire au service des intérêts politiques extérieurs d’un seul pays ou d’un groupe de pays à l’égard d’autres États. Et c’est pour cette tâche, que l’on a aussi « monté de toutes pièces » l’appareil bureaucratique de l’OSCE qui n’est nullement lié aux États fondateurs. On a « monté de toutes pièces » pour cette tâche également les procédures d’adoption des décisions et d’utilisation des fameuses « organisations non gouvernementales (ONG) ». Formellement, il s’agit effectivement d’organisations indépendantes, mais financées rationnellement et, par conséquent, contrôlées.

Conformément aux documents fondateurs, dans la sphère humanitaire, l’OSCE est appelée à accorder aux pays membres, à leur demande, un concours en matière de respect des normes internationales dans le domaine des droits de l’homme. C’est une importante mission. Nous la soutenons. Mais cela ne signifie pas qu’on peut s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres pays et encore moins tenter de leur dicter la manière dont ils doivent vivre et se développer.

Il est parfaitement évident qu’une telle ingérence ne contribue pas du tout à la maturation d’États authentiquement démocratiques. Par contre, elle les rend dépendants, avec comme conséquence l’instabilité sur les plans économique et politique.

Nous espérons que l’OSCE se guidera sur ses tâches immédiates et organisera ses relations avec des États souverains sur la base du respect, de la confiance et de la transparence.

Mesdames, Messieurs !

En conclusion, je voudrais retenir ceci. Nous entendons très souvent – et je les entends personnellement – les appels de nos partenaires, y compris nos partenaires européens, exhortant la Russie à jouer un rôle de plus en plus actif dans les affaires internationales.

Je me permettrai à cette occasion une petite remarque. Nous n’avons pas besoin d’être éperonnés ou stimulés. La Russie a une histoire millénaire, et pratiquement elle a toujours eu le privilège de pratiquer une politique extérieure indépendante.

Nous n’avons pas l’intention aujourd’hui non plus de faillir à cette tradition. En même temps, nous voyons que le monde a changé et nous évaluons avec réalisme nos propres possibilités et notre propre potentiel. Et évidemment nous voudrions aussi avoir affaire à des partenaires sérieux et tout aussi indépendants avec lesquels nous pourrions travailler à l’édification d’un monde plus démocratique et plus équitable, tout en y garantissant la sécurité et la prospérité non seulement des élites, mais de tous.

Je vous remercie de votre attention.

Source : Ria Novosti.

Source: http://www.les-crises.fr/2007-vladimir-poutine-nous-sommes-temoins-dun-mepris-de-plus-en-plus-grand-des-principes-fondamentaux-du-droit-international/


Le ministre allemand de développement : “8 à 10 millions de réfugiés sont en route”

Wednesday 13 January 2016 at 02:13

Il fallait s’y attendre, notez…

Bientôt un Land de Syrie en Allemagne ? :)

Je suis curieux de voir comment les grands médias vont reprendre ça…

Source : Express Be, Mylène Vandecasteele, 11-01-2016

JOHN MACDOUGALL / AFP

“Seulement 10% des réfugiés en provenance de Syrie et de l’Irak ont atteint l’Europe jusqu’à présent, et 8 à 10 millions d’entre eux sont encore sur le chemin.”

 Cette déclaration, c’est celle du ministre allemand du Développement, Gerd Müller (CSU) auprès du journal Bild am Sonntag.

“Les plus grands mouvements sont encore à venir. La population de l’Afrique va doubler dans les prochaines décennies. Dans le Sahara, un million de personnes ont déjà trouvé la mort lors de tentatives de fuite”.

Selon Muller (à gauche sur la photo), la Commission européenne a largement perdu de son autorité:

La protection des frontières extérieures ne marche pas. Schengen s’est effondré. Il n’y a pas eu de répartition équitable des réfugiés”.

Olivier Berruyer : euh, si c’est parfaitement équitable, les immigrés ont été répartis en proportion inverse du chômage, donc 90 % en Allemagne, c’est bien… À nous de veiller qu’ils y soient bien traités maintenant…

Le ministre a également expliqué que la digitalisation de la société avait joué un rôle important, car tout le monde sait maintenant à quel point les pays occidentaux sont riches, et tout le monde veut y aller.

Muller a appelé à un plan Marshall de 10 milliards d’euros que les pays européens payeraient à l’Irak, la Syrie et la Libye. “Tous les Etats doivent payer, en particulier ceux qui ne reçoivent pas de réfugiés”, a-t-il ajouté.

A la question de savoir s’il fallait limiter le nombre de réfugiés que l’Allemagne peut gérer, Müller a répondu comme suit:

Nous avons besoin d’une réduction. Si nous en prenons un million, comme l’année dernière, nous ne pourrons plus gérer correctement leur intégration en même temps.”

Müller a également critiqué certains politiciens dont il estime qu’ils traitent le sujet de l’immigration avec des platitudes telles que “l’accueil chaleureux des réfugiés”:

Ce romantisme social, ces beaux discours, sont difficiles à supporter pour quelqu’un qui a de l’expérience dans le domaine”.

Source : Express Be, Mylène Vandecasteele, 11-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/8-a-10-millions-de-refugies-sont-en-route-par-mylene-vandecasteele/


Antiracisme et féminisme, des valeurs incompatibles ? par John Laughland

Wednesday 13 January 2016 at 01:11

Étonnante cette histoire quand même…

Je suis toujours méfiant quand une personne ou un groupe  se comporte d’une façon contraire à ses intérêts (ici, s’intégrer).

Mais il faut toujours rester prudent, la bêtise crasse est souvent l’explication réelle…

[Libé] Cologne : «En 200 mètres, on m’a tripotée 100 fois»

Source : Nathalie Versieux, pour Libération, le 10 janvier 2016.

Lors de la manifestation contre le sexisme et le racisme, à Cologne, samedi. Photo Oliver Berg. DPA. Corbis

Après les centaines d’agressions sexuelles commises contre des femmes lors de la nuit de la Saint-Sylvestre et la mise en cause de réfugiés, Angela Merkel durcit son discours, à deux mois d’élections régionales.

Le parvis de la cathédrale et les abords de la gare de Cologne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) sont de nouveau noirs de monde, comme pendant la soirée de la Saint-Sylvestre. Mais, ce samedi, ce sont les manifestants qui ont pris d’assaut le cœur de cette ville des bords du Rhin. Parmi eux, de nombreuses femmes et jeunes filles venues protester contre les centaines d’agressions sexuelles commises lors de la nuit du réveillon.«Les forces de l’ordre étaient totalement dépassées, incapables de protéger les jeunes femmes livrées aux attouchements d’hommes en rut, qu’elles soient accompagnées de leur petit ami ou non, raconte Clara, une jeune fille blonde de 28 ans, venue manifester sur le parvis de la cathédrale, à l’appel de divers mouvements féministes. Personne n’a jamais vu une chose pareilleLes hommes se jetaient sur les femmes comme si nous avions été du bétail. J’ai dû marcher 200 mètres le long du quai à la descente du train. Je crois qu’on m’a tripotée 100 fois, qu’on m’a mis 100 fois la main aux fesses ou sur les seins.»

Le scandale continue de provoquer un vif émoi dans tout le pays. Ce sont désormais plus de 500 femmes qui ont porté plainte à Cologne, dans 40 % des cas pour agression sexuelle. Toutes ont décrit avoir été «encerclées par de petits groupes d’hommes d’apparence arabe ou maghrébine» à leur descente des trains régionaux entre minuit et 4 heures du matin, alors qu’elles se rendaient dans le centre-ville pour y assister aux festivités. Attouchements, insultes à caractère sexuel ou sexiste… De nombreuses victimes se sont également fait voler leur téléphone portable ou leur sac à main. Des faits similaires se sont produits la même soirée à Hambourg, Stuttgart, Francfort mais aussi à Zurich (Suisse), Salzbourg (Autriche) et en Finlande. Pour le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, il ne fait pas de doute que les agressions étaient «planifiées».«Personne ne me fera croire que, lorsqu’une telle horde se retrouve pour commettre de tels crimes, cela n’a pas été coordonné, poursuit le ministre dans les colonnes du Bild-Zeitung. Il semble bien qu’on ait cherché là une date précise et la perspective de vastes rassemblements»pour commettre ces actes.

«Tout le monde pleure ici…»

La nuit de la Saint-Sylvestre, 1 000 à 2 000 hommes, pour la plupart jeunes et enivrés, se sont donc retrouvés aux alentours de la gare de Cologne, selon la police. Trente-deux suspects ont à ce jour été identifiés à partir de matériel vidéo. Dont 22 demandeurs d’asile. «La plupart des suspects sont des réfugiés ou des étrangers en situation irrégulière», a révélé samedi la police allemande. Selon le quotidien conservateur Die Welt - information non confirmée à ce jour par les enquêteurs -, la majorité des personnes contrôlées le 31 décembre sur le parvis de la gare de Cologne pour différents types de délits étaient des Syriens.

La police de Cologne a par ailleurs retrouvé une partie des téléphones volés dans des foyers de demandeurs d’asile de la région ou à proximité. Dans les poches de deux jeunes, un Marocain et un Tunisien vivant en foyer d’accueil et interpellés le 31 décembre, les enquêteurs ont par ailleurs retrouvé une liste d’insultes à caractère sexuel ou sexiste, traduites de l’arabe. Accusé d’avoir cherché à étouffer une affaire sensible, le président de la police de Cologne a présenté vendredi sa démission. Il doit répondre lundi aux questions que lui poseront les députés du parlement régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Totalement impréparées à une situation inédite, en sous-effectifs, les forces de l’ordre ont été incapables de faire face.

«En arrivant à la gare de Cologne, j’ai été frappée par le nombre incroyable de femmes ou de très jeunes filles en pleurs sur le quai. Je me suis dit : “La nouvelle année commence bien ! Tout le monde pleure ici…” Puis, je me suis aperçue qu’autour de moi on ne parlait qu’arabe. La gare avait comme été prise d’assaut par des groupes d’hommes étrangers», témoigne une jeune femme qui veut rester anonyme. Doro, elle, raconte les insultes entendues ce soir-là par sa fille de 17 ans. «Les hommes se collaient aux filles en disant “ficki ficki” [abréviation de "baiser baiser", ndlr] ». Traumatisée, Clara n’ira pas cette année au carnaval de la ville, temps fort de la vie régionale, début février. Comme elle, 37 % des Allemandes ont rapporté dans un sondage réalisé la semaine dernière par la chaîne de télévision publique ARD vouloir à l’avenir «éviter tout mouvement de foule».

Près de la gare, 1 700 manifestants d’extrême droite, dont plusieurs centaines de hooligans connus des forces de l’ordre, tentent ce samedi de récupérer l’émoi. Ils sont venus protester contre la politique de portes ouvertes aux réfugiés syriens décrétée par Angela Merkel début septembre, répondant à l’appel de Pegida, ce mouvement anti-islam qui avait connu son heure de gloire voici un an en mobilisant jusqu’à 15 000 personnes «contre l’islamisation de l’Occident» à Dresde, en ex-RDA.

Face à eux, 1 200 manifestants antifascistes ont répondu à l’appel de différentes organisations de gauche et d’extrême gauche, qui refuse la«récupération» des agressions du nouvel an par Pegida. Un important cordon de 2 000 policiers sépare manifestants et contre-manifestants, avant de disperser le mouvement à coup de canons à eau et de gaz lacrymogènes, lorsque les militants de Pegida se mettent à jeter des pétards, des pierres et des bouteilles sur la presse et les forces de l’ordre.Des «Merkel, dehors !» ont été scandés. «L’Allemagne a survécu à la guerre, à la peste et au choléra, survivra-t-elle à Angela Merkel ?»clame une pancarte agitée au milieu des drapeaux noir, rouge et or brandis samedi dans les rangs de l’extrême droite. Peu de femmes défilent dans le cortège de Pegida. «C’est comme si ces fachos défendaient un “cheptel” qui leur reviendrait face à la “concurrence” nouvelle que représentent les demandeurs d’asile», s’indigne Martha, une sexagénaire venue participer à la contre-manifestation. «Ces hommes ne s’intéressent pas à la situation des femmes ! Moi, je dis non aux violences sexuelles, qu’elles soient le fait d’Allemands, d’étrangers ou de réfugiés !» renchérit-elle.

Le rôle de l’alcool

Les ONG qui gèrent les centres d’accueil cherchent depuis des mois à attirer l’attention sur les violences sexuelles latentes dans les foyers : agressions de femmes voyageant seules, nécessité de créer des structures pour femmes et jeunes filles ayant perdu leur famille dans leur fuite…«Le problème, c’est l’image des femmes qu’ont de nombreux migrants venus du Moyen-Orient, estime Heinz Buschkowsky, ancien maire social-démocrate de Neukölln, un quartier multiculturel de Berlin. Pour beaucoup d’entre eux, une femme sortant le soir n’est rien d’autre qu’une prostituée. Bien des hommes qui ont grandi dans une société patriarcale n’ont pas de honte à tripoter les femmes. Il faudra plus que des cours d’intégration pour changer cette image des femmes !» L’alcool a sans doute aussi joué un rôle. Bien des migrants n’y sont pas habitués.

Incrédules, des réfugiés assistent samedi aux manifestations de Cologne, tentant de faire le tri entre extrême droite et extrême gauche. Franck, un solide Congolais, et son copain Ali, iranien, installés en Allemagne depuis cinq ans ont voulu montrer leur soutien aux femmes de Cologne.«Depuis les agressions, nous venons après le travail lorsque nous avons le temps, pour voir si tout se passe bien ici», expliquent les deux amis.«Les Allemands vont maintenant nous détester», soupire Ali, qui s’était réjoui de l’élan de solidarité à l’arrivée des premiers trains de Syriens, à la fin de l’été, à Munich.

Jamais Angela Merkel n’a autant été sous pression que «depuis Cologne», comme on appelle désormais les événements dans le pays. D’heure en heure, son discours semble se durcir. Jeudi, elle évoquait la nécessité de «revoir» le fonctionnement des expulsions. Samedi, elle se disait favorable au renvoi de tout réfugié ayant commis crime ou délit«même s’il a été condamné avec sursis». Ces expulsions sont aujourd’hui possibles au-delà de trois ans de prison ferme. La chancelière devra affronter mi-mars les électeurs de trois Länder à l’occasion d’importantes élections régionales et semble ne plus guère se soucier du respect de la convention de Genève et de la convention européenne des droits de l’homme interdisant l’expulsion de réfugiés menacés dans leur pays d’origine. Quant à son vice-chancelier social-démocrate, Sigmar Gabriel, il a annoncé vouloir «couper l’aide au développement» aux pays qui, comme le Maroc, refusent de reprendre les expulsés.

L’homme tué à Barbès hébergé dans un foyer de la Ruhr

L’homme abattu, jeudi, en attaquant le commissariat de la Goutte d’or dans le XVIIIe arrondissement de Paris vivait, selon la police, «dans un foyer de demandeurs d’asile» à Recklinghausen, ville de la Ruhr (ouest de l’Allemagne). Son identification est toujours en cours mais il a été reconnu par ses proches comme un Tunisien nommé Tarek Belgacem. Une profession de foi en faveur de l’organisation Etat islamique (EI) a été retrouvée sur lui, de même qu’une puce allemande pour téléphone portable. L’hebdomadaire Welt am Sonntag affirme que l’homme s’était fait enregistrer en Allemagne sous quatre identités différentes et en donnant des nationalités variables, syrienne, marocaine ou encore géorgienne. Il avait déposé sa demande d’asile sous le nom de Walid Salihi, selon le journal, et était connu pour ses sympathies jihadistes.

Source : Nathalie Versieux, pour Libération, le 10 janvier 2016.


La nuit de Cologne, ou le crash des civilisations, par Philippe Grasset

Source : Philippe Grasset, pour De Defensa, le 7 janvier 2016.

“Effectivement crash et pas clash des civilisations” dans cette nuit folle et révélatrice du Jour de l’An à Cologne, en Allemagne (avec des incidents similaires mais de moindre ampleur à Hambourg et à Stuttgart). La raison est que ces deux pseudo-“civilisations” (ce qu’il reste de l’occidentale et de la musulmane), en fait locataires contraints de la contre-civilisation globalisée qui domine et règle tout aujourd’hui au nom du Système, ont montré par une démonstration proche de l’absurde l’impasse où menaient les consignes déstructurantes et dissolvantes, se fondant sur le déni des identités (l’identité pris comme un des principes ontologiques structurants), ce déni étant dans ce cas le moyen opérationnel fondamental de la déstructuration et de la dissolution ; elles ont montré également, lors du même événement, la contradiction des “valeurs” imposées (ici, antiracisme et féminisme) lorsqu’elles étaient portées devant leur destin naturel, et la massivité des confrontations auxquelles leur cohabitation forcée les conduit, avec exacerbation des réflexes de rejet qui s’ensuit.

On connaît les circonstances de l’étrange réveillon festif et public de Cologne, dont John Laughland nous donne un rapide rappel dans un article pour RT du 6 janvier 2016 (« Afflux migratoire en Allemagne : antiracisme et féminisme, des valeurs incompatibles ? ») que nous reproduisons ci-dessous. Le principal intérêt pour nous, dans cet article, est justement d’observer cette contradiction que signale Laughland entre les “valeurs civilisationnelles” prônées, sinon imposées par la terreur du système de la communication, par la contre-civilisation constituée en fait à partir du destin transmuté, inverti, anéanti par la modernité, de la civilisation occidentale, – c’est-à-dire, pour nous, décisivement par le “déchaînement de la Matière” engendrant la création de son vecteur opérationnel qu’est ce que nous nommons Système.

Le cas allemand est d’une extrême limpidité : des violences diverses, essentiellement d’ordre sexuel ou assimilées, exercées par des groupes sinon un groupe d’hommes d’une importance totalement inhabituelle et extraordinaire (dirait-on “une horde”, comme un temps des Barbares et de l’Empire, sans risquer d’être convoqué par un tribunal du Système ?) ; près d’un millier à Cologne semble-t-il, et “de type arabe ou nord-africain”, à osé précisé le chef de la police de Cologne, frisant le délit de “discrimination faciale”, autre audace risquée. Étaient-ils ivres et venaient-ils du tsunamides réfugiés-migrants de la vague de l’année dernière (plus d’un million en Allemagne) ? La première question est accessoire, la seconde induit la réponse, parce que pour tout le monde c’est bien le cas, on dira par instinct, par intuition, par réflexe, par préjugé, par bon sens, etc. Comme l’écrit ZeroHedge.com le 6 janvier, « il est trop tard pour une tentative de limiter les dégâts [“damage control”], parce qu’il s’agit d’un cas évident [l’action de réfugiés] de “culpabilité assurée à moins que l’innocence soit irréfutablement prouvée”… »

Que ce soit des réfugiés-migrants du tsunami-2015 ou pas importe peu, tous les esprits, même les plumes-Système desspeechwriters des hommes (et des femmes, ô combien) de la bande à Merkel, sont consciemment ou inconsciemment convaincus que c’est le cas. L’incident devient alors un symbole puissant contre lequel aucune dialectique n’est possible, avec des réminiscences extraordinaires dues à l’ampleur du groupe d’attaquants (réminiscence des razzias que les pirates barbaresques basés essentiellement à Alger effectuaient parfois, aux XVIème-XIXème siècle, contre des villages côtiers des pays méditerranéens de l’Europe, notamment dans le Sud de l’Italie et en Sicile). Cette pseudo-démonstration massive de l’incompatibilité des mœurs des deux groupes impliqués dans les conditions que leur enjoint la postmodernité est désormais entré dans le dossier de la chose, comme une pièce majeure ; les tatillons de la justice des choses, les “attention-à-l’amalgame” auront beau faire, ils ont perdu d’avance parce que c’est la psychologie elle-même qui a absorbé le verdict posé sans appel, avec inutilité de s’embarrasser d’un procès. Même les cas judiciaires qui viendront après ne pourront atténuer ce verdict, et ils n’auront au contraire comme effet que de rappeler l’importance considérable tant symbolique qu’opérationnelle de l’événement de la nuit 2015-2016 du Nouvel An.

Effectivement, on débouche sur l’opposition de “valeurs centrales” de cette contre-civilisation, antiracisme et féminisme. Les évènements du 31 décembre-1er janvier ont été suivis de manifestations de femmes allemandes qui ont pris aussitôt l’allure de réactions féministes. Qu’importe, là aussi, la réalité de la chose de l’organisation de ces manifestations publiques, il reste que sont actées ainsi les oppositions jusqu’à l’incompatibilité de ces “valeurs”. (La même chose peut être dite pour l’homosexualité, comme on l’a vu récemment, avec toutes les ambiguïtés historiques s’attachant à ce groupe qui fonde une des autres “valeurs” sociétales essentielles.) Tout cela se fait sur le terrain fertile d’un monde politique allemande chauffé à blanc à propos de cette grande affaire des réfugiés-migrants de 2015 où Merkel a pris malencontreusement, – c’est notre opinion pour son statut et son destin politiques, – la tête en proclamant une vertu allemande exceptionnelle qui fit croire, à l’époque de l’été-automne 2015, que l’Allemagne était vertueuse et non pas une sorte de Troisième Reich postmodernisée comme on est ripoliné et blanchis à la façon des $milliards des super-riches et des banksters de Wall Street, comme le clamèrent les Grecs ces dernières années et surtout dans la première partie de 2015. (Il nous paraît raisonnable que cet aspect de la réhabilitation de la bonne réputation de l’Allemagne après l’épisode grec fort autoritaire a joué un rôle dans l’adoption de Merkel de l’option “chevalière blanche de la postmodernité”.)

Laughland s’attarde effectivement au cas personnel de Merkel, pour lui faire porter, notamment à cause de caractères personnels, une lourde responsabilité dans cette décision catastrophique des “frontières ouvertes” qui a permis cet afflux déstabilisant en Allemagne. On avancera aussi que certaines rumeurs donnent aussi une autre explication, un peu plus vacharde mais pas moins crédible, qui peut d’ailleurs se marier aux précédentes. Il y aurait eu une sorte d’ukase du patronat allemand pour laisser entrer cette main d’œuvre “à bon marché”, réflexe extrêmement capitaliste habillé du rutilant manteau de l’antiracisme et du multiculturalisme réduit à l’unité magmatique du sans-identité (nous passons des “sans-papier” pour les exclus au “sans-identité” pour tous promis à devenir des sortes de non-êtres) ; l’ukase était assorti de la menace en cas de non-exécution, pour lui donner tout son poids, d’une reprise unilatérale des patrons allemands de contacts économiques importants avec la Russie, contre les sanctions européennes en place, pouvant et devant provoquer une violente crise politique qui aurait mis Merkel dans un très mauvais cas européen (et transatlantique bien sûr, avec les amis de Washington toujours à l’écoute et aux écoutes).

Inutile de trop s’attarder aux responsabilités intermédiaires. Celles de Merkel sont évidentes parce que cette chancelière, cette Bismarck postmoderne de papier mâché dans la complète inversion, est prête à n’importe quelle orientation dont elle jugerait qu’elle serait de son avantage politique. Cela dit, on a fait “à l’allemande”, c’est-à-dire massif et discipliné, et l’opération “frontières ouvertes” au tsunami des réfugiés l’a été de cette façon, frontières grandes ouvertes avec la dimension de déferlement ordonnée et acceptée dans la discipline. Le résultat est excellent parce qu’il permet d’exposer en termes d’une extrême brutalité les catastrophes engendrées par l’opérationnalisation effective des “valeurs” inverties de la contre-civilisation. L’incompatibilité de l’immigration massive avec la stabilité des sociétés d’accueil impliquées ne peut plus être dissimulée derrière la relative rareté et les caractères spécifiques des incidents que cela engendre en temps normal. A la massivité du tsunami initial provoqué évidemment par la catastrophique politique d’agression hors de ses terres du bloc-BAO accompagnées d’une contrainte “civilisationnelle” pour imposer une civilisation imposteuse comme on la connaît, avec des manigances intermédiaires diverses (l’Antéchrist-Erdogan, la CIA, les banques, les Saoud, etc.), répond la massivité de tels incidents. L’ensemble donnant une démonstration massive de l’impossibilité massive d’imposer les “valeurs” de la contre-civilisation dominante. Nous sommes bien dans des effets de masse…

On ignore si tout cela a été plus ou moins organisé comme on en rappelle l’hypothèse, et cette question vaut aussi pour les incidents de Cologne & Cie eux-mêmes, mais on ne peut imaginer meilleure méthode pour mettre en évidence les effets dévastateurs de la Grande Crise avec tous ses composants. (Ce qui fait s’interroger sur les intentions diverses et souvent contradictoires des “organisateurs” s’il y en a.) On dit bien crash des civilisations, et nullement clash, parce que les deux civilisations impliquées, – si l’on peut parler encore de civilisations à ce degré de dévastations que les unes et les autres s’infligent réciproquement ou elles-mêmes à elles-mêmes, – sont en train de montrer l’inéluctable effondrement de leur pauvres restes, dont la vertueuse démocratie, tant qu’elles seront sous l’empire, d’une façon ou l’autre, de cette contre-civilisation engendrée par le Système. La déstructuration et la dissolution touchent toutes les entités, toutes les nations, tous les groupes, toutes les restes de pseudo-civilisations, toujours dans le but de l’entropisation par néantisation.

L’autre résultat excellent qu’on observe est qu’au plus tout cela s’accomplit dans la dimension massive, au plus la béance de la contre-civilisation et du Système apparaît au grand jour, et par conséquent accélérant le processus d’autodestruction à mesure de ces spasmes de surpuissance qu’on observe, – et le tsunami des réfugiés-migrants manipulé ou pas par X et Y est bien entendu l’un de ces spasmes, comme l’est la fête du Nouvel An 2016 version-apocalyptique dans plusieurs villes allemandes. Mais l’on sait bien que ces deux tendances, surpuissance et autodestruction, sont inéluctablement liées, dans l’entraînement de l’une (autodestruction) par l’autre (surpuissance).

Voici donc le texte de John Laughland, sur RT-français du 6 janvier 2016. Pour des raisons techniques, nous avons réduit le titre initial (« Afflux migratoire en Allemagne : antiracisme et féminisme, des valeurs incompatibles ? »).

dedefensa.org

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Olivier Berruyer : Finalement, à la 2e lecture, j’ai décidé de publier ce billet. C’est une vision certes, très conservatrice, à laquelle je n’adhère pas totalement, mais enfin, elle remue un peu le cerveau, et est donc utile pour exercer son esprit critique…

En tout cas, ça contribue à remuer l’opinion publique.

Lire aussi ici : Cologne : où sont passées les féministes ?, par Mathieu Bock-Côté

Antiracisme et féminisme, des valeurs incompatibles ? par John Laughland

John Laughland est un journaliste conservateur britannique

Les agressions sexuelles de Cologne, qui ont choqué la population allemande, ont soulevé des questions touchant à la fois à la récente crise migratoire et à un conflit entre les valeurs européennes modernes.

«Monsieur Bonhomme et les incendiaires» la pièce de théâtre par l’auteur suisse, Max Frisch, est un grand classique des années 1950 qui raconte comment un marchand de province suffisant, hypocrite et lâche accueille dans sa propre maison un locataire dont tout montre qu’il est terroriste. Le nouveau résidant se comporte de manière arrogante et dominatrice à l’égard de son logeur et de ses domestiques. Même si Monsieur Bonhomme («Biedermann» en allemand, «petit-bourgeois») est parfaitement au courant d’une série d’attentats pyromanes dans sa ville, et même quand il découvre que son locataire a fait installer des tonneaux de dynamite dans le grenier, il refuse d’accepter la vérité qui pourtant lui saute aux yeux : un tel aveu lui ferait perdre la face. Sa volonté de persister dans le déni de la réalité est si forte qu’à la fin de la pièce il accepte de prêter des allumettes à son locataire pyromane, qui s’en sert pour incendier la maison.

Cette pièce a souvent été interprétée comme une parabole de la montée du nazisme. Aujourd’hui, avec la vague migratoire qui déferle sur l’Allemagne, elle semble plus adaptée à la façon dont la classe politique allemande réagit aux provocations de plus en plus explicites de la part des nouveaux venus. Pendant le réveillon de Nouvel An sur la place de la cathédrale à Cologne, une foule d’un millier de jeunes hommes, d’origine nord-africaine ou arabe selon la police, a commis au moins une vingtaine de délits sexuels contre des femmes, dont au moins un viol. La police de Cologne avait pourtant annoncé le lendemain matin que la soirée s’était déroulée en toute tranquillité. Depuis que les victimes ont commencé à porter plainte, pourtant, les journaux parlent maintenant d’«attaques massives» contre les femmes et d’une vague criminelle «sans limites».

C’est précisément en matière de politique sexuelle que le clash des civilisations entre l’islam et l’Europe sera la plus virulent.

Le scénario d’agressions sexuelles contre femmes allemandes de la part d’immigrés musulmans est un cauchemar pour la classe politique allemande. Il fait sauter aux yeux l’incompatibilité criante entre deux totems du politiquement correct, l’antiracisme et le féminisme. L’impression que la police aurait essayé d’occulter les faits ne peut que renforcer la colère des Allemands, déjà frustrés par la fatuité d’une chancelière qui a proposé la réponse lapidaire, «Nous y arriverons», à la question de savoir comment l’Allemagne pourra accueillir des centaines de milliers de migrants en un an. Ils sont frustrés aussi par la légèreté avec laquelle en 2010 l’ancien président de la République fédérale a déclaré que «L’islam fait partie de l’Allemagne», tout comme par la campagne de diabolisation déclenchée l’an dernier contre le mouvement populaire anti-immigration, Pegida, à Dresde et dans d’autres grandes villes de la Saxe qui, malgré tout, continue à se maintenir.

Les Allemands ne font pourtant que réagir à la multiplication par 90 des chiffres d’immigration en cinq ans : en effet, l’immigration nette an Allemagne est passé de 11 000 en 2008 à 500 000 en 2014. Elle atteindra sans doute 1 million en 2015, car pendant au moins six mois 10 000 migrants par jour sont arrivés sur le territoire allemand, soit potentiellement 3 650 000 en un an. Face à cet événement social de première envergure, la chancelière allemande a réagi avec une déclaration  de simple impuissance. Le 7 octobre elle a déclaré, «Je n’ai pas le pouvoir, et personne n’en a, de déterminer combien de gens viennent ici».  Les tout derniers propos de la maire de Cologne, qui a conseillé à ses citadines de ne pas trop s’approcher d’étrangers, comme si les victimes du réveillon avait été fautives, ne feront qu’aggraver cette colère déjà plus que latente.

En réalité, toutefois avec une maladresse singulière, la maire a touché ici au fond du problème. C’est précisément en matière de politique sexuelle que le clash des civilisations entre l’islam et l’Europe sera le plus virulent. Les attentats terroristes resteront sans doute des événements exceptionnels ; les rapports homme-femme, eux, relèvent de la vie quotidienne.  Or, l’Europe en général, et surtout l’Allemagne, cultivent depuis des décennies une féminisation à outrance de leur culture politique et sociale. L’Union européenne se définit aujourd’hui exclusivement en termes de vertus soi-disant féminines : la paix, la non-violence, l’abandon d’une politique de puissance, la fin de toute hiérarchie en politique, le consensus, l’homosexualité. Il n’y a plus de place pour les vertus soi-disant masculines telles que l’honneur, le courage ou le patriotisme.  Un président américain qui verse des larmes en public sur le sort d’enfants abattus par les armes à feu n’en est que le pendant outre-atlantique de cette même tendance. Le concept de paternité politique, exprimé par les mots tels que patrie ou patriotisme, a été banni par le discours post- et antinational de la construction européenne.

Mme Merkel incarne parfaitement cette tendance dans son être. Femme mariée qui a choisi de ne jamais avoir d’enfants, sa popularité est due tant à sa médiocrité personnelle (dans la mesure où elle ne fait peur à personne, l’électeur moyen peut se reconnaître en elle) qu’à son surnom, «Mutti» («maman») qui exprime son profil politique de mère rassurante du pays. Sa réaction démesurée contre la Russie pendant la crise en Ukraine s’explique en grande partie par cette crainte sexualo-idéologique devant un éventuel retour d’une politique de puissance, masculine donc, sur la scène européenne, dont l’extrême virilité des grandes parades militaires russes, comme celle qui a célébré le 70ème anniversaire de la victoire de 1945 le 9 mai dernier, ou les photos machistes du président en fonction, seraient l’expression symbolique. Le fait que la maire de la ville de Cologne soit aussi une femme, un peu dans la même moule que Mme Merkel, ne fait que souligner cette féminisation profonde de la sphère politique allemande et européenne.

Face à cela, la vague migratoire, qui est composée massivement de jeunes hommes issus de sociétés profondément patriarcales où la femme est soumise et voilée, ne peut qu’attiser les flammes d’un conflit civilisationnel. Ces jeunes hommes se sont expatriés : ils ont quitté leur patrie et se retrouvent en quelque sorte orphelins dans une nouvelle aire politico-sociale féminisée. Pire encore : les éléments les plus dangereux pour la sécurité européenne ne viennent pas principalement de cette récente vague migratoire, aussi grave soit-elle pour le long terme, mais de jeunes gens issus de l’immigration mais nés en Europe. Une des raisons psychologiques pour la surreprésentation du terrorisme au sein de jeunes musulmans originaires des grandes villes de l’Europe occidentale, c’est précisément leur manque d’une vraie paternité politique que les différentes politiques molles dites d’intégration n’ont absolument pas réussi à gommer. L’éloignement de ces jeunes gens de leur vraie patrie n’a fait qu’augmenter au fil des générations, et leur incapacité de se reconnaître dans leur pays adoptif ne fait qu’aggraver une frustration profonde de leur masculinité. Leur patrie de substitution, l’umma de l’islam radical, n’en est que le dérapage inévitable. En outre, l’émasculation tant de la politique que de la société en Europe, et notamment de son système scolaire, ne fait que nourrir une haine chez ces jeunes gens pour les gens qui les ont accueillis – et surtout pour les Européennes non voilées qu’ils méprisent comme des dépravées.

Ce mépris de la lâcheté, celle-ci ne faisant qu’aggraver celui-là, est le message principal de l’ouvrage de Max Frisch. Cette lâcheté, Mme Merkel l’a exprimée en toute limpidité quand elle a répondu, le 9 novembre dernier, à un journaliste qui lui demandait si on pouvait fermer les frontières allemandes pour empêcher aux migrants d’entrer sur le territoire. «Non, a-t-elle dit. On aurait à ce moment-là des images que personne ne pourrait souhaiter».  De simples images, donc, ou plutôt la peur de celles-ci, dictent la politique du pays le plus puissant d’Europe.

Source: http://www.les-crises.fr/antiracisme-et-feminisme-des-valeurs-incompatibles-par-john-laughland/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, USA)

Wednesday 13 January 2016 at 00:01

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : “Le crétin regarde le doigt quand le sage montre la lune” – 11/01

Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi (1/2): Le ralentissement de l’économie chinoise continue-t-il d’inquiéter les marchés ? – 11/01

Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi (2/2): Le risque chinois est-il en train d’occulter les difficultés économiques aux Etats-Unis ? – 11/01

II. Jacques Sapir

La minute de Sapir : Attention à l’éléphant au milieu de la pièce que personne ne voit – 12/01

Jacques Sapir VS Arnaud de Langautier (1/2): La crise boursière en Chine et la baisse du pétrole sont-elles à l’origine de la détérioration de l’état des marchés ? – 12/01

Jacques Sapir VS Arnaud de Langautier (2/2): Quels facteurs pourraient de nouveau booster les marchés ? – 12/01

III. Satire USA

RT ’2035′ promo: Retired Obama, John Kerry, & ft President Snowden


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

Ils osent tout à Charlie, c’est à ça qu’on les reconnait…

C’est amusant, on dirait qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils sont des extrémistes de la “religion de l’athéisme”

Mais bon, hélas, il est vrai que les meilleurs nous ont quittés…

 

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-usa/


En 2016, l’État doit combattre réellement le terrorisme, par Maxime Chaix

Tuesday 12 January 2016 at 01:05

Source : Maxime Chaix, pour maximechaix.info, le 10 janvier 2016.

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En novembre 2015, moins d’un an après les attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’Hyper Cacher, la France était à nouveau frappée par le terrorisme. Il est donc légitime de s’interroger sur les réponses de nos gouvernants : sont-elles adaptées pour contrer ce fléau jihadiste et limiter son essor ? Affirmons-le d’emblée : les États occidentaux ne peuvent combattre le terrorisme en bombardant des pays majoritairement musulmans (Irak, Afghanistan, Libye, Syrie…), en protégeant les parrains étatiques des islamistes (Arabie saoudite, Qatar, Turquie…), et en soutenant secrètement des milices jihadistes pour renverser des dirigeants jugés hostiles (Mouammar Kadhafi, Bachar el-Assad…). Ce fut le principal message de mon article publié au lendemain des attentats du 13-Novembre. Depuis le blog Les-Crises.fr, cette analyse avait été diffusée sur les réseaux sociaux par des dizaines de milliers de citoyens indignés par ces politiques étrangères aussi dangereuses que schizophrènes. Ce diagnostic étant posé, il est impératif de proposer des remèdes pour combattre réellement le terrorisme, qui menace notre paix sociale et notre sécurité nationale. En effet, il est évident que les solutions mises en oeuvre par nos dirigeants ne sont pas les bonnes, en ce qu’elle ne remettent pas en cause le statu quo qui nous a précipités dans cette impasse. Par conséquent, dans un contexte d’instabilité globale et de tensions exacerbées, il est impératif :

1) que l’État interrompe le processus de constitutionnalisation de l’état d’urgence dans lequel il s’est engagé. Il s’agit d’une grâve dérive qui menace nos libertés fondamentaleset qui n’empêchera pas de nouveaux attentats, mais qui est particulièrement inquiétante au regard des précédents historiques européens. En effet, comme l’a récemment souligné dans Le Monde le philosophe italien Giorgio Agamben, « [o]n ne comprend pas l’enjeu véritable de la prolongation de l’état d’urgence [jusqu’à la fin février] en France, si on ne le situe pas dans le contexte d’une transformation radicale du modèle étatique qui nous est familier. Il faut avant tout démentir le propos des femmes et hommes politiques irresponsables, selon lesquels l’état d’urgence serait un bouclier pour la démocratie. Les historiens savent parfaitement que c’est le contraire qui est vrai. L’état d’urgence est justement le dispositif par lequel les pouvoirs totalitaires se sont installés en Europe. Ainsi, dans les années qui ont précédé la prise du pouvoir par Hitler, les gouvernements sociaux-démocrates de Weimar avaient eu si souvent recours à l’état d’urgence (état d’exception, comme on le nomme en allemand), qu’on a pu dire que l’Allemagne avait déjà cessé, avant 1933, d’être une démocratie parlementaire. Or le premier acte d’Hitler, après sa nomination, a été de proclamer un état d’urgence, qui n’a jamais été révoqué. Lorsqu’on s’étonne des crimes qui ont pu être commis impunément en Allemagne par les nazis, on oublie que ces actes étaient parfaitement légaux, car le pays était soumis à l’état d’exception et que les libertés individuelles étaient suspendues. On ne voit pas pourquoi un pareil scénario ne pourrait pas se répéter en France  : on imagine sans difficulté un gouvernement d’extrême droite se servir à ses fins d’un état d’urgence auquel les gouvernements socialistes ont désormais habitué les citoyens. Dans un pays qui vit dans un état d’urgence prolongé, et dans lequel les opérations de police se substituent progressivement au pouvoir judiciaire, il faut s’attendre à une dégradation rapide et irréversible des institutions publiques. » Ce parallèle historique dérangeant doit nous alerter, nous faire réfléchir et nous mobiliser dans la défense pacifique de nos libertés publiques et de nos droits fondamentaux ;

2) que l’État cesse de surveiller massivement et arbitrairement sa propre population – une politique démocracide, nocive et contre-productive. En effet, la légalisation et l’extension incontrôlée d’une surveillance de masse extrajudiciaire est avant tout favorable à des intérêts privés et étrangers, mais totalement inefficace pour empêcher des attentats – du moins selon la NSA elle-mêmele FBI ou l’ancien responsable du contre-terrorisme à la DGSE. Pour citer à nouveau Giorgio Agamben, « [l]a sécurité dont il est question aujourd’hui ne vise pas à prévenir les actes de terrorisme (…), mais à établir une nouvelle relation avec les hommes, qui est celle d’un contrôle généralisé et sans limites – d’où l’insistance particulière sur les dispositifs qui permettent le contrôle total des données informatiques et communicationnelles des citoyens, y compris le prélèvement intégral du contenu des ordinateurs. Le risque, le premier que nous relevons, est la dérive vers la création d’une relation systémique entre terrorisme et État de sécurité : si l’État a besoin de la peur pour se légitimer, il faut alors, à la limite, produire la terreur ou, au moins, ne pas empêcher qu’elle se produise. On voit ainsi les pays poursuivre une politique étrangère qui alimente le terrorisme qu’on doit combattre à l’intérieur et entretenir des relations cordiales et même vendre des armes à des États dont on sait qu’ils financent les organisations terroristes. » Dans ce contexte, comment pouvons-nous accepter que nos libertés publiques soient inutilement sacrifiées, alors que des réseaux jihadistes pourtant hostiles sont clandestinement soutenus par des puissances occidentales et leurs alliés pour renverser des gouvernements étrangers ;

3) que l’État cesse sans délai d’appuyer secrètement des factions extrémistes en Syrie, qui finissent par attaquer les populations occidentales et qui déstabilisent un nombre grandissant de pays. Diplomate au Quai d’Orsay jusqu’à son limogeage en décembre 2012, Laurent Bigot a récemment déclaré que « [l]e principe même de la diplomatie est de parler avec tout le monde, ce qui ne signifie pas, bien entendu, soutenir tout le monde.Bachar el-Assad est un tyran, mais ce n’est pas une raison pour soutenir le Front al-Nosra, équipé de missiles français notamment. Notre réponse à la barbarie, c’est soutenir une autre barbarie ? » En décembre dernier, le député (LR) et ancien juge antiterroriste Alain Marsaud m’avait affirmé qu’« il n’est pas sérieusement contesté qu’à un moment ou un autre l’État français a facilité les actions d’al-Nosra qui, je vous le rappelle, est une filiale d’al-Qaïda [en Syrie]. J’ai eu l’occasion de montrer à l’Assemblée Nationale des photos de combattants d’al-Nosra en possession de fusils d’assaut français. Il n’y avait bien évidemment aucune volonté du gouvernement français de voir mis en évidence une telle collaboration avec un groupe terroriste. Ainsi fut rejetée toute idée d’enquête parlementaire. »

L’abandon définitif de ces politiques secrètes aussi dangereuses que scandaleuses doit être décidé non seulement en France, mais également chez nos alliés occidentaux, tels que les États-Unis et la Grande-Bretagne. Et puisqu’ils sont les principaux financeurs du jihadisme, nos « alliés » du Golfe et de Turquie doivent eux aussi stopper ces politiques profondes de soutien clandestin au terrorisme. L’Union européenne autant que les États-Unis disposent de moyens de pression diplomatiques, juridiques, économiques, médiatiques voire militaires pour les contraindre de changer d’attitude à l’égard du jihadisme international. Ces moyens de pression m’ont été confirmés par plusieurs experts, dont un journaliste d’investigation particulièrement bien informé sur ces questions ;

4) que l’État priorise le renseignement humain et les actions judiciaires et policières pour combattre efficacement le fléau jihadiste. La « guerre contre le terrorisme » lancée par l’administration Bush à l’automne 2001 continuera d’enrichir une minorité de multinationales et leurs actionnaires, aux États-Unis comme en France. Néanmoins, cette militarisation obsessionnelle de la lutte antiterroriste ne pourra qu’amplifier le désordre mondial et la haine anti-occidentale. Les trois ouvrages de Peter Dale Scott traduits en français, dont le dernier vient d’être recensé par l’IRIS, le démontrent indiscutablement. Récemment, un expert du prestigieux Council on Foreign Relations a souligné que « [l]e problème avec cette politique de type “tuez-les-tous avec des frappes aériennes” est qu’elle ne fonctionne pas. Les officiels du Pentagone affirment qu’au moins 25 000 combattants de l’État Islamique ont été tués (…) En 2014, l’Agence Centrale de Renseignement (CIA) estima que l’État Islamique comptait dans ses rangs entre 20 000 et 31 000 combattants. Or, mercredi dernier, le colonel Warren a répété cette estimation de 30 000 miliciens. Voici un calcul qui résume cette campagne anti-Daech : 30 000 – 25 000 = 30 000. »

Comme l’a récemment déclaré l’ancien haut-fonctionnaire Pierre Conesa, « [o]n ne combat pas le terrorisme avec des moyens militaires. Un attentat est précisément destiné à provoquer une riposte. Cela ne veut pas dire que l’on ne doit pas répliquer, mais il faut y aller avec un calendrier de retrait. Il faut dire aux pays du Golfe : “La guerre sunnites contre chiites, on ne peut rien y faire. Le massacre des Kurdes, on peut tempérer, mais c’est à vous de régler le problème. Quant à la question d’Assad contre tous les autres, c’est votre problème.” Il faut arrêter de se voir comme des chevaliers blancs qui vont remettre de l’ordre dans une région. On peut accepter d’être facilitateur politique, mais en aucun cas belligérant. On a commencé par être anti-Iraniens, puis anti-Assad et maintenant on est anti-Daech pour défendre l’Arabie saoudite… Soyons sérieux ! Notre diplomatie est ridicule. » Le gouvernement français doit en tirer les conclusions qui s’imposent ;

5) que l’État réévalue ses alliances avec les principaux soutiens étatiques du fléau jihadiste, qui pourraient nous entraîner automatiquement dans de nouvelles guerres au Moyen-Orient. Selon le professeur Jean-François Bayart, « [à] partir des années 1970 ont été signés toute une série d’accords de défense entre la France et les Emirats arabes unis, puis le Qatar et dans une moindre mesure le Koweït, auxquels s’ajoute en outre un partenariat très développé avec l’Arabie saoudite de même qu’avec le Pakistan. Le propos des Français était avant tout commercial. Nous sommes alors dans le contexte des chocs pétroliers et d’un grave déficit de la balance commerciale de la France. Le premier objectif concernait ce que l’on appelle “les grands marchés”, dont l’exportation française est très tributaire, à l’inverse par exemple de l’Allemagne dont les exportations reposent davantage sur un tissu de petites et moyennes entreprises beaucoup plus dense et performant. Dans ces accords de défense, [il existe] certaines clauses secrètes et différées dans le temps. Ces clauses étaient “très engageantes” comme on dit dans le vocabulaire militaire français, c’est-à-dire qu’elles impliquent l’automaticité. Très concrètement, si demain il y a un conflit entre l’Iran et le Qatar, ces accords de défense stipulent l’intervention militaire automatique de la France. »

D’aucuns pourraient alors justifier ces politiques par des intérêts économiques majeurs, qui lient notamment l’Arabie saoudite et la France. Or, comme l’a récemment souligné l’expert en questions militaires Jean-Dominique Merchet, « la France se retrouve prise au piège de son alliance avec l’Arabie saoudite. Ce choix stratégique de première importance, jamais vraiment débattu, s’est renforcé depuis l’arrivée de François Hollande à l’Élysée. Cette entente serait, dit-on, le prix à payer pour de mirifiques contrats. Pourquoi pas ? Sauf que ces promesses sont bien souvent comme [des] mirages dans le désert. Les exportations françaises vers l’Arabie saoudite restent dix fois moins importantes que celles vers… la Belgique ! Que l’Élysée, au nom du réalisme (socialiste ?), passe les droits de l’homme par pertes et profits est une chose. Mais son tropisme anti-iranien et pro-sunnite conduit lentement notre pays à l’impuissance diplomatique. Dans le conflit entre Téhéran et Riyad, la France est perçue comme l’adversaire de l’un et l’obligé de l’autre. Autant dire, hors-jeu. » Il est donc urgent que le gouvernement français abandonne ses sanctions économiques contre des États luttant réellement contre le terrorisme salafiste, tels que l’Iran et la Russie. Il faudrait alors se rapprocher de ces pays, notamment au plan commercial. Ce processusa été lancé avec l’Iran, et les perspectives d’une intervention militaire désastreuse contre ce pays s’éloignent durablement. Comme l’avait écrit Montesquieu, « [l]’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. » Cette solution, bien qu’imparfaite, est nettement préférable au pillage brutal des nations à travers la « stratégie du choc », comme on a pu l’observer en Irak ou en Libye ;

6) que l’État instaure un état d’urgence économique et social tout en interrompant l’état d’urgence sécuritaire qui détruit notre démocratie de l’intérieur, et dont le bilan est si maigre en termes d’efficacité antiterroriste que François Hollande s’est senti obligé d’engonfler les chiffres. Essentiellement, il faut mobiliser les ressources de l’État dans des plans de relance ambitieux, afin de favoriser l’emploi et de limiter ainsi les risques de radicalisation individuelle ou collective. Le « pacte d’urgence » qu’avait annoncé l’État français est un signe positif en ce sens, mais il sera loin d’être suffisant si l’on maintient des mesures d’austérité détruisant notre avenir au nom du dogme budgétaire des « 3 % », qui est « né sur un coin de table, sans aucune réflexion théorique ». Un état d’urgence socioéconomique – dont François Hollande a lui-même reconnu l’utilité dans ses voeux –, doit être financé par la collectivité, mais aussi en luttant contre l’optimisation et l’évasion fiscales des entreprises et des individus qui fuient la solidarité nationale. Ces pratiques menacent la stabilité de notre société, car elles engendrent un manque à gagner annuel de plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les caisses de l’État. Parmi les solutions audacieuses pour lutter contre ces comportements malveillants, le député PS Yann Galut a suggéré « à son groupe de déposer une proposition de loi pour déchoir de la nationalité française les contribuables qui fuient leurs obligations fiscales. Faisant référence au départ de Gérard Depardieu qui rejoint, selon lui, Bernard Arnault et Johnny Hallyday “dans cette triste liste”, ces people “soustraient à la juste contribution leurs patrimoines astronomiques au mépris de la solidarité nationale”. (…) “Notre pays, dans l’effort historique auquel il soumet toutes les forces de la nation, ne peut tolérer un tel abandon de citoyenneté” (…). » À défaut d’adopter une mesure aussi radicale, le gouvernement devrait prendre exemple sur les États-Unis, qui assujettissent à l’impôt leurs expatriés.

Une autre solution innovante pour remédier aux déficits budgétaires chroniques de l’État a été proposée par le professeur de finance Marc Chesney : « Il s’agirait, comme le propose le financier zurichois Felix Bolliger, de taxer tous les paiements électroniques, comme les factures de restaurant… et pas seulement les achats d’actions ou d’obligations. En Suisse ces paiements sont de l’ordre de 100  000 milliards de francs par an. C’est énorme. Il s’agit d’environ 160 fois le PIB du pays. Il suffirait de prendre 0,2% sur chaque transaction pour obtenir 200 milliards, soit davantage que l’ensemble des impôts perçus en suisse, qui est de l’ordre de 170 milliards. Une telle taxe, si elle était introduite, pourrait théoriquement remplacer tous les impôts actuels et permettrait de simplifier le système fiscal. Cela pourrait délester l’économie d’activités qui lui sont néfastes comme le trading à haute fréquence. » Indépendamment de ces solutions, l’État ne peut poursuivre une politique austéritaire qui aggrave nos problèmes économiques et qui encourage la radicalisation de la population, alors que les multinationales du CAC 40 sont jugées « trop généreuses » à l’égard de leurs actionnaires et que l’exil fiscal est toléré. Le gouvernement ne pourra lutter contre l’extrémisme et le terrorisme en menant des politiques qui appauvrissent la majorité des citoyens ;

7) que l’État combatte par voie législative, règlementaire et judiciaire la surmédiatisation des actes de Daech et d’autres groupes ou individus terroristes, afin de mettre un terme au climat d’hystérie collective qui est imposé à la population française. Récemment, un instituteur a simulé une agression par un membre imaginaire de Daech, ce qui a engendré un emballement médiatique immédiat. Cet épisode regrettable doit nous faire réfléchir sur le rôle des médias dans ce climat de tension permanente, qui est préjudiciable à l’ensemble de la société, et qui encourage le passage à l’acte de déséquilibrés cherchant à médiatiser leur folie meurtrière. Comme l’a récemment soulignéle site TheIntercept.com, « [d]ans une interview à NPR (…) cette semaine, le Président Obama se plaint que les médias soient hyper-saturés par la couverture du terrorisme. “Si vous avez regardé la télévision ce dernier mois, tout ce que vous avez vu, tout ce que vous avez entendu concernait ces gars avec des cagoules ou des drapeaux noirs qui vont potentiellement venir vous attaquer”, a déclaré Obama. Les remarques du Président ont été rapidement condamnées par la presse de droite, mais les faits confirment ses déclarations. The Intercept a analysé la couverture de différents sujets par les chaînes d’information (…) et a constaté que le terrorisme est le principal sujet traité dans l’actualité. »

Dans ce même ordre d’idée, le géopoliticien Gérard Chaliand a déclaré que l’« [o]n ne montre pas en boucle, à la télévision, les images des cadavres et les familles, cousin après cousin, pour dire que les victimes étaient formidables. On dit qu’un bus a sauté et qu’il y a quinze morts ; point final. L’autre jour, je suis passé à la pharmacie et la pharmacienne me disait que les clients défilent, depuis le 13 novembre, pour prendre des calmants. Les gens se demandent ce qui va se passer ; ils ont peur. Les médias nous pourrissent la vie avec leur audimat. Ils rendent service à Daech ; ils font leur propagande : si je relaie six fois un crime de guerre de l’ennemi, je lui rends cinq fois service. C’est la société du spectacle. C’est minable. » Il semble donc indispensable de se questionner sur le rôle des médias dans la diffusion irréfléchie de la propagande de Daech, et de prendre des mesures concrètes pour limiter cette couverture médiatique nocive et disproportionnée ;

8) que l’État durcisse parallèlement sa législation pour combattre tout discours incitant à la haine des minorités ethniques, sexuelles ou religieuses, des migrants et des personnes vulnérables en général. Je songe notamment aux propos révoltants de Marine Le Pen, qui a promis d’« éradiquer l’immigration bactérienne ». Je pense également aux déclarations scandaleuses de Georges Bensoussan, qui avait affirmé sur France Culture que « dans les familles arabes en France, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de sa mère ». De tels propos s’apparentent à des incitations à la haine, qui alimentent les tensions intercommunautaires et qui n’ont pas leur place dans le débat public. Comme l’a expliqué Gilles Kepel, la montée du jihadisme et celle du FN sont « deux phénomènes qui se ressemblent », et qui selon moi s’auto-alimentent du fait de leur surmédiatisation. Or, Monsieur Kepel a manifestement oublié que certains « pompiers pyromanes », qui ont été critiqués par le géopoliticien Pascal Boniface, jouent également un rôle actif dans la dégradation continuelle du débat public. Dans ce contexte de tensions exacerbées, je préconise une forme d’« état d’urgence médiatique » temporaire et encadré par le CSA, qui doit notamment imposer la mise en priorité des informations enrichissantes, positives et apaisantes dans les médias.

Un an après les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, force est de constater que la liberté d’expression, lorsque l’on en abuse à outrance, est une source majeure d’aggravation des problèmes que nous subissons collectivement. Ainsi, la violence psychologique engendrée par la surexposition médiatique de discours haineux et d’actes de terrorisme doit être combattue en priorité, car ce processus amplifie les risques de guerre civile. En France, le droit à la liberté d’expression est garanti par l’article 11 de la déclaration de 1789, mais il est encadré par la loi. En effet, cet article prévoit que « [l]a libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Cet article est le fondement denombreuses dispositions législatives et juridiques qui encadrent cette liberté, dont lesdiscours haineux ou les vidéos de propagande terroristes constituent des abus flagrants. Ces dérives doivent être plus strictement encadrées et limitées, car leur surmédiatisation place les citoyens dans un état de tension permanente. Ce phénomène menace le vivre-ensemble et la paix sociale, donc il est temps que les pouvoirs publics en prennent conscience ;

9) que l’État interdise le salafisme, qui est incompatible avec les fondements de la République et qui constitue le terreau du jihadisme violent. Il s’agit d’une question de sécurité nationale qui doit être considérée comme prioritaire. Comme le préconise l’ancien haut-fonctionnaire Pierre Conesa, « [i]l faut fermer les sites salafistes sans craindre de stigmatiser la communauté musulmane. Quand un boucher assassine sa femme, on ne s’interroge pas pour savoir si on stigmatise tous les bouchers ? Eh bien là, c’est pareil. Ces sites expliquent que l’on peut frapper sa femme ou que l’on devient un chien en écoutant de la musique, il n’y a même pas de question à se poser. C’est comme cela que l’on arrêtera le discours de la victimisation. Parallèlement, il faut adopter les mesures pour normaliser les relations avec la communauté musulmane et encourager, par exemple, la formation des imams et l’étude. » Mais comme Pierre Conesa l’a souligné dans une autre interview, il est impératif de « “désigner la cible”, car “c’est le seul moyen de faire comprendre que la composante musulmane de la société française n’est pas concernée dans sa totalité par ces comportements”. La cible, pour ce spécialiste des questions stratégiques internationales, a un nom : le salafisme. “Le salafisme est une idéologie propagée par l’Arabie saoudite dans les années 1980-90 pour lutter contre les Frères musulmans, qui avaient fait l’erreur de soutenir Saddam Hussein pendant la guerre du Golfe. Le salafisme, abondé par l’argent de l’Arabie saoudite, a propagé partout des mosquées avec des imams salafistes, y compris en Algérie, et nos amis algériens l’ont payé”. » Lutter sans relâche contre le salafisme en prenant soin de ne pas alimenter les amalgames et l’islamophobie est donc indispensable pour combattre efficacement le terrorisme ;

10) que l’État maintienne l’éducation dans ses priorités budgétaires. Néanmoins, il faut plus que jamais promouvoir une compréhension du monde qui fait défaut dans notre jeunesse, ce qui favorise la radicalisation et l’essor des « théories du complot ». Or, selon l’enseignant Bernard Girard, « [a]lors que les préconisations du socle [commun] faisaient de l’histoire un outil de formation proprement “humaniste” – car l’humanisme, ce n’est pas simplement un point du programme obligatoire à étudier avant la fin de l’année – on en revient aujourd’hui à un triste récit moralisateur, (…) à visée exclusivement identitaire, une sorte d’histoire sainte, en réalité une négation de l’histoire, dont l’objectif est de former des croyants, des fidèles mais sûrement pas des citoyens éclairés. En quelque sorte, une fabrique de l’obscurantisme. » Dans un article plus récent, il fustigeait un enseignement historique « recadré sur le pré carré national et l’histoire purement institutionnelle. (…) [A]rrivé à 15 ans, un jeune n’est donc pas censé savoir que le monde existe. » Un collectif de spécialistes, dont fait notamment partie l’historien Benjamin Stora, défend lui aussi un enseignement de l’Histoire moins romancé : « À cet élitisme conservateur s’ajoutent les peurs identitaires de ceux qui fustigent le dévoiement des programmes d’histoire. Car ce qu’ils redoutent est l’ensevelissement de l’identité française sous la repentance postcoloniale, l’ouverture à l’islam et le culte des pages les plus sombres de notre histoire… Outre qu’elles sont souvent infondées, comme on l’a vu, ces attaques traduisent une étrange conception de l’enseignement de l’histoire. Que recherche-t-on à travers lui ? Le développement de l’enthousiasme patriotique ou l’éducation d’un citoyen capable de s’orienter à la lumière des enseignements du passé ? Dans le premier cas, les programmes d’histoire devraient s’efforcer – et pourraient se contenter – de raconter une belle histoire. Dans le second cas, ils ont vocation à s’approcher de la vérité et à dissiper les fantasmes. C’est, selon nous, cette seconde version qui doit être privilégiée dans l’intérêt de tous. »

Au-delà de cette question de l’enseignement de l’Histoire, ce collectif souligne que l’« on n’accepte toujours pas de prendre en considération les pertes d’opportunité des élèves en difficulté, ou même des élèves moyens. Ce qu’il faudrait valoriser, c’est justement tout ce qui permet de combattre l’échec scolaire. » L’éducation doit donc rester une priorité du gouvernement, et la lutte contre l’échec scolaire doit être repensée et intensifiée. Pour prévenir au plus tôt la radicalisation des jeunes, il faut susciter le développement de l’esprit critique et d’une curiosité intellectuelle permanente. Les risques de basculement vers l’extrémisme en seraient nettement réduits. En effet, toute personne éduquée, lorsqu’elle se retrouve face à des fondamentalistes, est culturellement mieux armée pour résister à leurs manipulations. Alors que la guerre et les politiques sécuritaires sont mises en avant pour répondre au terrorisme, l’éducation doit être une priorité pour combattre efficacement ce fléau.

Je continuerai de développer ces axes de réflexion, étant convaincu que nous subissons de trop nombreuses urgences socioéconomiques, et que celles-ci suscitent différentes formes de radicalisation. Nos gouvernants le reconnaissent mais, au lieu d’agir pour améliorer le sort de leurs administrés, ils maintiennent un état de guerre perpétuelle et ils affaiblissent notre état de droit après chaque attentat. Des solutions plus innovantes, audacieuses et durables doivent être mises en oeuvre. Et il est clair que les discours martiaux et démagogiques de l’Exécutif – pourtant accompagnés d’un faible engagement militaire –, sont des politiques aussi dangereuses qu’inutiles. « Dangereuses », car l’État expose la France à un péril terroriste encore plus grand en répondant à la violence de Daech par une surenchère militariste aux effets limités sur le terrain. « Inutiles », car lutter contre le terrorisme en bombardant des pays lointains dans lesquels nous n’avons aucune légitimité pour intervenir ne fera qu’attiser la haine anti-occidentale, et non tarir les sources de financement du jihadisme. Comme l’a récemment souligné le spécialiste Richard Labévière,

« Pour lutter efficacement contre les dollars de la terreur, inutile de bombarder Raqqa, Mossoul ou Alep. Il faudrait plutôt cibler Genève, Zurich, Lugano, la City, Monaco, les îles anglo-normandes, les Bahamas, les Vierges ou les Caïmans… pas forcément avec des Rafale mais à coup de commissions rogatoires. La difficulté majeure est qu’une fois celles-ci établies en bonne et due forme, les structures financières visées auront changé de forme, de conseil d’administration et de villégiature. Le manque de coopération et de détermination internationales est évident et, malheureusement, la dernière résolution des Nations unies en la matière risque bien de s’avérer aussi inefficace que les textes précédents adoptés, à l’époque, pour lutter contre le financement d’Al-Qaïda… »

J’ajouterais enfin que, pour combattre réellement le terrorisme, il est tout aussi vain et contre-productif de transformer notre démocratie certes imparfaite en un État sécuritaire néolibéral sans cesse plus inégalitaire et autoritaire. Néanmoins, je vais continuer de réfléchir à des solutions, et ne pas me contenter de critiquer ce dangereux triptyque qui nous est imposé par nos gouvernants : état de guerre perpétuelleÉtat profond normaliséétat d’urgence permanent.

Ainsi, je vous encourage à diffuser cet article aux médias, à vos élus et à votre entourage, tout en demandant des comptes à vos députés afin de mettre un terme aux politiques profondes exposées sur mon site, puisqu’elles déstabilisent le monde et menacent nos démocraties. Dans ce contexte difficile, et sachant que d’autres attentats nous menacent, restons unis derrière ce triptyque essentiel : Liberté, Égalité, Fraternité.

Source : Maxime Chaix, pour maximechaix.info, le 10 janvier 2016.

Source: http://www.les-crises.fr/en-2016-letat-doit-combattre-reellement-le-terrorisme-par-maxime-chaix/


Etat d’urgence : des juges administratifs appellent à la prudence

Tuesday 12 January 2016 at 00:50

Saluons au passage le courage de ces juges…

Triste époque.

Source : Mediapart, le 29 décembre 2015.

Aux premières loges pour observer la manière dont l’état d’urgence est mis en oeuvre et contrôlé, un collectif d’une dizaine de juges administratifs s’émeut des atteintes que ces mesures portent aux libertés publiques et aux droits fondamentaux. Soumis au devoir de réserve, ils sont contraints de s’exprimer ici anonymement.

Nous, juges administratifs, tenus au devoir de réserve, ne prenons que très rarement la parole publiquement. Si nous franchissons ce pas, aujourd’hui et exceptionnellement, alors que le projet de loi de révision constitutionnelle visant à inscrire l’état d’urgence dans la Constitution vient d’être adopté en Conseil des ministres, c’est parce que nous avons pu mesurer les dangers pour les fondements même de notre Etat de droit de décisions prises dans l’émotion des attentats du 13 novembre.

La loi du 20 novembre 2015 prolongeant l’état d’urgence a considérablement élargi la portée des dispositions de la loi du 3 avril 1955. Cela a été abondamment souligné et commenté.

Au-delà des mesures exceptionnelles qu’il permet de prendre, une des conséquences de l’état d’urgence est le transfert de compétences de l’autorité judiciaire dans un cadre répressif vers l’administration à titre préventif. C’est la raison pour laquelle le juge administratif peut être saisi, a posteriori, par les personnes concernées.

Notre tâche devrait être alors de veiller à la proportionnalité de ces mesures, à l’équilibre entre ordre public et libertés publiques. Mais ce rôle ne doit pas faire naître de trop grandes attentes : le juge administratif n’est, avec le juge judiciaire, le garant de l’Etat de droit que pour autant que les lois l’y autorisent.

Lorsque la loi, comme c’est le cas de celle portant application de l’état d’urgence, instaure un état d’exception dont la nature est d’éclipser des pans entiers de l’ordre constitutionnel normal et permet de déroger à nos principaux engagements internationaux, en particulier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le pouvoir du juge est limité : il doit seulement vérifier si les mesures exceptionnelles autorisées par l’état d’urgence pouvaient être prises à l’encontre des personnes concernées.

Ce pouvoir, les sept ordonnances rendues le 11 décembre 2015 par le Conseil d’État ne l’ont pas, à notre sens, suffisamment renforcé. En théorie, le Conseil d’Etat a reconnu au juge administratif, notamment dans le cadre des procédures d’urgence, le pouvoir de contrôler les décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence ; il lui a aussi permis de prendre toute mesure utile pour assurer la sauvegarde de la liberté fondamentale à laquelle le ministre de l’intérieur ou le préfet auraient porté atteinte. Mais, en pratique, son contrôle est demeuré assez circonscrit.

Ces affaires sont connues. Des militants écologistes avaient été assignés à résidence car l’administration craignait qu’ils ne projettent des actions constitutives de troubles à l’ordre public durant la tenue de la COP 21. Le Conseil d’État, sans aller jusqu’à contrôler si l’administration ne prenait par là que des mesures nécessaires, adaptées et strictement proportionnées au but poursuivi, a estimé que de telles mesures pouvaient être prises à l’encontre de  personnes dont les actions hypothétiques étaient pourtant sans rapport avec les actes terroristes, dès lors qu’un lien, même indirect, pouvait être établi : la mobilisation des forces de l’ordre pour canaliser le militantisme écologique radical risquait de les détourner de la lutte contre le terrorisme.

Or dans la juridiction administrative, les positions du Conseil d’État « font jurisprudence ». Si, dans quelques affaires jugées ces derniers jours, on perçoit une volonté des juges administratifs « de base » des tribunaux administratifs de jouer pleinement leur rôle, rien n’indique, en l’absence d’infléchissement de la position du Conseil d’État, que ces ordonnances soient elles-mêmes destinées à « faire jurisprudence » à leur tour.

C’est ainsi qu’imperceptiblement, l’équilibre entre ordre public et libertés publiques se déplace. Et nous nous retrouvons, juges administratifs, dotés d’une responsabilité accrue sans avoir véritablement les moyens de l’assumer.

C’est pourquoi il nous paraît extrêmement dangereux de constitutionnaliser hâtivement l’état d’urgence, sans avoir préalablement tiré pleinement les leçons de cette première expérience, en termes de dangers pour les libertés comme d’efficacité pour la sécurité.

Notre Constitution ne fait pas qu’organiser les pouvoirs au sein de la République française. Elle définit également les limites de ces pouvoirs et protège les libertés fondamentales.

Les temps sont troublés et tout indique que les menaces à l’ordre public seront durables. Nous tous, juges et citoyens, avons une responsabilité collective entre deux choix : la tentation sécuritaire et l’état d’urgence permanent d’un côté, et un État de droit fort du respect des libertés fondamentales de l’autre. Le risque est réel que nous inscrivions de manière durable et difficilement réversible la réponse que nous aurons choisie sans en mesurer véritablement les conséquences.

Cela mérite en tous cas un débat large et organisé, avec le recul nécessaire, qui dépasse l’enceinte du seul Parlement et associe toutes les parties dont le rôle est de veiller à la protection des libertés publiques et des droits fondamentaux. Dans ce débat, nous, juges administratifs, qui devrons appliquer aux requêtes qui nous seront soumises le cadre juridique ainsi tracé, souhaitons faire entendre notre voix et témoigner de notre expérience.

Imaginons un instant que des forces autoritaires viennent à accéder aux fonctions suprêmes. Voulons-nous vraiment laisser en leurs mains un tel outil, avec, pour seule borne, un juge administratif aux pouvoirs restreints ?

N.B : Nous sommes une dizaine de juges administratifs à avoir souhaité nous exprimer par le biais d’une tribune. Anonymement, car nous sortons de notre devoir de réserve et risquons par là des sanctions disciplinaires. Les propos tenus dans cette tribune n’engagent que leurs auteurs qui ne représentent pas la totalité des juges administratifs. Cette initiative a suscité des débats parmi nos collègues, mais nous avons estimé que l’absolue nécessité d’un large débat sur la pérennisation de l’état d’urgence justifiait cette sortie de notre habituelle réserve.

Source : Mediapart, le 29 décembre 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/etat-durgence-des-juges-administratifs-appellent-a-la-prudence/


Catalogne : les indépendantistes finalement en ordre de bataille

Tuesday 12 January 2016 at 00:01

Ca mijote tranquillement…

Pour mémoire, la République catalane a été proclamée à quatre occasions : au xviie siècle, par Pau Claris, au xixe siècle par Baldomer Lostau et au xxe siècle par Francesc Macià, en 1931, puis par Lluís Companys, en 1934.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 11 janvier 2016.

Le nouveau président catalan, Carles Puigdemont, est un indépendantiste convaincu.

Le nouveau président catalan, Carles Puigdemont, est un indépendantiste convaincu. (Crédits : Reuters)

L’élection d’un nouveau président catalan après trois mois de discussions permet de relancer le processus de sécession. Cette issue inattendue est le fruit d’un choix qui fait de l’indépendance une priorité absolue pour la majorité issue du 27 septembre.

La politique catalane est une des rares en Europe à pouvoir produire de tels coups de théâtre. Voici une semaine, ceux qui croyaient que les deux partis de la majorité indépendantiste catalane – composée de la liste d’union Junts Pel Sí et du parti de la gauche radicale CUP – finiraient par trouver un accord étaient très minoritaires. La CUP venait de refuser d’investir Artur Mas comme président de la Generalitat – le gouvernement autonome catalan – et ce dernier annonçait fièrement qu’il tenait prêt le décret de convocation de nouvelles élections. Et pourtant, ce lundi 11 janvier, un accord a bel et bien été trouvé et, dimanche, un nouveau président de la Generalitat – Carles Puigdemont, maire de Girone – a été élu avec 70 voix sur 135, dont huit de la CUP.

L’attachement au « processus »

Comment un tel retournement de situation a-t-elle été possible ? Par deux voies, fortement complémentaires. La première, qui est saluée ce matin par la presse indépendantiste catalane, c’est la force du processus de sécession avec l’Espagne. Les partis ont refusé de laisser passer une chance historique pour l’indépendance. Le 9 novembre dernier, les deux groupes avaient voté ensemble une déclaration qui ouvrait ce processus en plaçant la décision du parlement catalan au-dessus de celui des institutions espagnoles. Cette déclaration a été « annulée » par le tribunal constitutionnel espagnol. Le dépassement de cette annulation constituera le premier acte « souverain » de la Catalogne. Mais pour cela, il fallait un gouvernement investi. Et ceci valait bien sans doute quelques sacrifices, tant du côté d’Artur Mas que de la CUP.

De nouvelles élections à haut risque

D’autant – et c’est la deuxième raison de cet accord – que la perspective de nouvelles élections avaient toutes les raisons d’inquiéter les deux groupes indépendantistes. Au regard de trois mois de querelles internes portant non sur le fond, mais sur le nom du président catalan, le camp de la sécession avait évidemment perdu en crédibilité. Il donnait l’impression d’un désintérêt pour la cause de l’indépendance et de son sacrifice à des querelles personnelles. Il risquait de sortir d’un nouveau scrutin un parlement ingouvernable qui aurait repoussé sine die le processus. Artur Mas pouvait jouer les fiers-à-bras, son parti vient de subir un désastre électoral inédit lors des élections générales espagnoles du 20 décembre et la gauche républicaine d’ERC ne semblait guère prête à renouveler l’expérience de Junts Pel Sí dans ces conditions. Bref, un nouveau scrutin ne garantissait pas son retour à la tête de la Catalogne. Quant à la CUP, elle sortait de ces trois mois divisée et certains évoquaient même sa fusion avec la liste de Podemos. Bref, les élections étaient à éviter tant pour des raisons idéologiques que pour des raisons politiques pour les deux groupes.

La CUP matée

L’accord trouvé (dont on trouvera ici une traduction) laissera cependant des traces. Artur Mas a fait payer cher son retrait à la CUP qui a accepté des conditions humiliantes, à plus d’un titre. D’abord, le parti « anticapitaliste » devra « donner » deux députés à Junts Pel Sí. Deux députés qui participeront aux réunions des 62 élus du groupe, mais qui devront accepter la discipline parlementaire dudit groupe. Un « transfert » étonnant et franchement humiliant pour un parti qui a toujours défendu sa responsabilité devant les militants et les électeurs. C’est d’ailleurs parce que la CUP a demandé maintes fois l’avis de ses sympathisants au cours du mois de décembre que la situation s’est retrouvée bloquée. Et c’est pour cela que Junts Pel Sí a cherché à « neutraliser » la CUP en l’engageant, par ailleurs, à ne pas mêler ses voix aux partis hostiles au processus. Bref, la CUP est désormais placée sous une certaine forme de tutelle. Et Junts Pel Sí dispose désormais avec ce phénomène de 64 sièges, soit la majorité relative puisque l’ensemble des partis non-indépendantistes ne disposent que de 63 sièges.

Maigre consolation pour la CUP

Artur Mas n’est donc pas parti sans offrir à son camp une victoire qu’il n’avait pu obtenir dans les urnes. C’est un coup politique remarquable. La CUP, de son côté, a peu de lots de consolation. Certes, elle a prouvé, comme l’a souligné sa députée Anna Gabriel, que « le processus peut vivre sans Artur Mas. » Certes, le nouveau président a insisté sur la formation d’un « pays plus juste », mais tout ceci est une maigre consolation car la CUP a perdu l’essentiel de son influence sur le futur gouvernement catalan. Et elle n’a pas réglé ses problèmes internes pour autant. Nul ne sait comment les électeurs et militants réagiront à cette décision, mais deux députés de la CUP se sont déjà abstenus lors du vote d’investiture de Carles Puigdemont, preuve qu’une partie de la gauche radicale est peu à l’aise avec cette décision.

Qui est Carles Puigdemont ?

La question est désormais de savoir ce que Carles Puigdemont, devenu 130ème président de la Generalitat, fera de cette nouvelle majorité renforcée. L’homme n’a pas été mis en avant par Artur Mas par hasard. Ancien journaliste, il est membre du parti de centre-droit CDC, celui de son prédécesseur, ce qui tend à confirmer la suprématie de ce parti sur le mouvement indépendantiste. Mais il semble épargné par les affaires de corruption qui touchent ce parti et Artur Mas. Sa caractéristique première est un indépendantisme jugé radical par beaucoup. A la différence d’Artur Mas, converti au sécessionnisme au début des années 2010, Carles Puigdemont est un indépendantiste de toujours. Il est clairement homme à pousser l’agenda voté par le parlement catalan le 9 novembre.

Choix de paradigmes

Sa nomination traduit un choix fait par les élus du parlement catalan : les divergences sur l’axe gauche-droite doivent se taire au profit du paradigme indépendantisme-unionisme. La soumission de la CUP permet de mettre à jour que cette ligne de fracture est celle qui organise aujourd’hui la vie politique catalane. Il aura fallu trois mois de palabres et d’hésitation pour y parvenir. Logiquement, le nouveau parlement catalan va donc devoir tirer la leçon de cette situation dont il est issu en refusant la décision du tribunal constitutionnel espagnol du 2 décembre qui annulait la motion du 9 novembre. Ceci devrait engager concrètement ce qui, faute de gouvernement à Barcelone, n’était qu’une bataille larvée et théorique avec Madrid. L’alternative de Carles Puigdemont, comme le souligne un chroniqueur du journal catalan en ligne El Mon, sera d’être le dernier président de la Generalitat ou… d’échouer. La clarification des priorités vers l’indépendance conduit le nouveau gouvernement à créer une république catalane ou à déclarer l’échec des partis indépendantistes. Il n’y aura donc pas de “voie moyenne.”

La question du gouvernement espagnol

Carles Puigdemont bénéficie, de plus, d’une situation favorable : à Madrid siège un gouvernement intérimaire. La situation politique issue du 20 décembre a débouché sur un blocage qui pourrait conduire à de nouvelles élections. Avec la formation de ce gouvernement, l’option d’une alliance à gauche, qui a besoin du soutien des indépendantistes catalans, semble impossible désormais : une grande partie du PSOE socialiste s’y opposerait.  Pour autant, tout acte du gouvernement catalan pour briser avec la légalité espagnole, comme la formation de « structures d’Etat » ou la mise en place d’une commission officielle pour rédiger la constitution d’une « république catalane » pourrait  avoir des conséquences en Espagne. Notamment, la formation d’un gouvernement espagnol centré sur la « défense de l’unité de l’Espagne »,comme le souhaite la présidente andalouse socialiste Susana Díaz, et qui regrouperait le Parti populaire de Mariano Rajoy et le parti centriste mais très unioniste Ciudadanos, avec l’appui plus ou moins direct du PSOE. Le roi Philippe VI, qui a refusé de recevoir la présidente du parlement catalan ce lundi, semble traduire l’état d’esprit “d’urgence” à Madrid.

Utiliser le choc entre les gouvernements catalan et espagnol

Les indépendantistes catalans ont, en réalité, stratégiquement, tout à gagner à ce face-à-face avec les unionistes espagnols afin de convaincre les indécis à rejoindre leur camp en Catalogne. Car un des principaux problèmes de Carles Puigdemont reste que, lors des élections catalanes du 27 septembre, les partis sécessionnistes ont obtenu 47,8 % des suffrages seulement. Et si cela est certes plus que les 39,5 % des trois partis unionistes, c’est insuffisant pour gagner un référendum sur l’indépendance. Il faut donc convaincre les 11 % qui ont voté pour Podemos et l’union chrétienne démocrate que la coexistence avec l’Espagne est impossible. Or, un gouvernement unioniste à Madrid ayant pour ambition de « mater » les indépendantistes pourrait provoquer cet effet. Ce serait la certitude de l’utilisation de l’article 155 de la Constitution qui permet la suspension de l’autonomie catalane.

Convaincre la gauche

Le gouvernement de Carles Puigdemont va donc sans doute avancer vite dans son agenda sécessionniste en l’agrémentant de mesures sociales. Car, en Catalogne, l’indépendance se joue à gauche. La liste En Comú Podem, portée par Podemos avec l’appui de la gauche unie et de la maire de Barcelone Ada Colau, a obtenu 24,74 % des voix aux élections du 20 décembre. C’est au sein de leurs électeurs que se trouveront ceux qui, en cas de référendum, feront pencher la balance vers le oui ou le non. Le nouveau gouvernement devrait donc chercher à prouver qu’une république catalane est plus juste socialement, moins corrompue et moins austéritaire que le Royaume d’Espagne. Carles Puigdemont ne devra donc pas oublier la logique droite-gauche dans sa course à l’indépendance, malgré l’abaissement de la CUP. Une chose est, en tout cas, certaine : le vrai bras de fer entre Madrid et Barcelone a vraiment commencé ce dimanche 10 janvier.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 11 janvier 2016.

Source: http://www.les-crises.fr/catalogne-les-independantistes-finalement-en-ordre-de-bataille/