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Fuites : comment le milliardaire Georges Soros tire les ficelles US en Ukraine

Friday 28 August 2015 at 00:01

une lettre de Georges Soros au président Porochenko et au premier ministre Iatseniouk, daté du 23 décembre 2014, créé par Douglas York, assistant personnel de Georges Soros


                                                                     GEORGE SOROS23 décembre 2014

 

Son Excellence Petro Poroshenko

Président de l’Ukraine

Kiev

UKRAINE

 

Son Excellence Arseniy Yatsenyuk

Premier Ministre de l’Ukraine

Kiev

UKRAINE

 

M. le Président, M. le Premier ministre, Mes chers amis,

Je veux vous appeler à vous rassembler derrière les réformateurs au sein de votre gouvernement pour apporter votre soutien enthousiaste à une approche du type “big bang”. Ce qui signifie une approche où les contrôles administratifs seraient supprimés et où l’économie passerait au “prix de marché” rapidement plutôt que graduellement.

Comme vous le savez, je n’ai pas ménagé ma peine, lors du dîner du sommet européen du 18 décembre, pour susciter un soutien à une aide financière plus importante. Vous avez vu dans le communiqué final que je n’ai guère eu de succès, même si les présidents Tusk et Juncker ont été de bonne volonté. Le sentiment le plus répandu était que le gouvernement ukrainien manque de coordination et n’est pas vraiment décidé en faveur de réformes radicales. Hier matin, j’ai parlé à Christine Lagarde, qui a clairement soutenu mes arguments, et elle a exprimé une opinion similaire.

Voilà qui met en péril la “nouvelle” Ukraine qui s’oppose avec vigueur à la “vieille” Ukraine avec sa corruption endémique et son gouvernement impotent. Les gens sont prêts à s’accommoder d’un certain niveau de sacrifices pour une Ukraine nouvelle, mais il lui faut un soutien financier plus important que les 15 milliards de dollars actuellement envisagés pour contenir la baisse du niveau de vie à un niveau tolérable. Et pour justifier un soutien plus important, il faut que le gouvernement présente un budget convaincant avec des économies significatives. Le nombre de fonctionnaires doit être réduit de bien plus de 10% ; et Naftogaz doit être réorganisé avec un “big bang” qui remplace les subventions cachées fournies par Naftogaz par des aides directes pour les plus faibles. Comme Youri Vitrenko me l’a expliqué, cela pourrait fonctionner en assurant aux gens que leurs demandes d’aide seraient garanties la première année, qu’ils y aient droit ou pas (en utilisant la pression sociale pour décourager les demandes abusives) et en ne leur demandant pas de payer plus que l’année précédente. Cela donnerait une année aux autorités pour organiser une transition ordonnée des subventions cachées aux aides explicites. Voilà pourquoi je vous exhorte à adopter l’approche “big bang”.

Vous avez la chance d’avoir nommé trois “nouveaux Ukrainiens” ministres et plusieurs locaux qui s’investissent dans cette approche. Ils pourraient réorganiser leurs ministères, y réduire les effectifs à une fraction de leurs tailles actuelles tout en augmentant les salaires des fonctionnaires restants. Ce qui pourrait constituer un exemple à suivre pour les autres ministères. Les ministres qui ont entrepris des réformes radicales pourraient être tenus responsables en cas d’échec, mais on doit leur donner leur chance de réussite en les laissant choisir leurs adjoints.

Quand j’ai demandé au conseiller diplomatique du président Juncker ce qu’il avait en tête en évoquant le manque de progrès, étonnamment il a souligné les réformes constitutionnelles. De fait, l’Ukraine connaît un moment unique où le public s’intéresse passionnément aux problèmes constitutionnels et il ne faut pas laisser passer ce moment. La société civile doit être effectivement engagée dans ces discussions. Ce qui soulève la question du rôle du Conseil National de la Réforme que j’espère vous clarifierez entre vous deux.

Comme vous le savez, j’ai demandé à Andrès Velasco, un éminent économiste qui a très bien réussi comme ministre des finances du Chili de 2006 à 2010, de visiter Kiev où il a rencontré le Premier ministre ; le Président étant à Varsovie à ce moment-là. Velasco en est revenu avec une vision très sombre de la situation financière. La Banque Nationale d’Ukraine n’a pratiquement plus de réserves en devises. Ce qui signifie que la hryvnia n’a plus d’ancrage. En cas de panique et d’effondrement de la monnaie, comme il y en a eu en Russie, la Banque Nationale d’Ukraine ne pourrait pas stabiliser le taux de change, même temporairement comme l’a fait la Russie en injectant 90 milliards de dollars.

Votre première priorité doit être de reprendre le contrôle sur les marchés financiers – dépôts bancaires et taux de change. Sinon vous n’aurez aucun moyen de vous lancer dans des réformes plus profondes. Je crois que la situation pourrait être stabilisée en obtenant du Conseil Européen qu’il s’engage sur le principe d’accorder ce nouveau paquet de 15 milliards de dollars que le FMI exige pour libérer la prochaine tranche du paquet d’origine à la fin de janvier 2015. Sur la base de cet engagement, on pourrait demander à la Réserve Fédérale de prolonger pour trois mois son accord de swap de 15 milliards de dollars avec la Banque Nationale d’Ukraine. Ce qui rassurerait les marchés et éviterait la panique.

Je crois que le communiqué de Bruxelles et les commentaires des présidents Tusk et Juncker ont un effet apaisant pour les marchés. C’est à vous de décider si vous considérez le danger de panique financière suffisamment réel pour prendre des mesures préventives. Si c’est le cas, vous devriez appeler la Chancelière Merkel pour lui demander un engagement sur le principe du paquet de 15 milliards de dollars. Je suis prêt à appeler le secrétaire d’état au Trésor US, Jack Lew, pour essayer de connaître ses intentions sur cet accord de swap.

Je dois partir en Asie le 27 décembre et j’aimerais discuter avec vous de cette question par téléphone, ou mieux par Skype, avant de partir. Je vais devoir réduire l’intensité de mon implication en Ukraine pour les trois prochaines semaines. Je prévois de passer à Kiev après Davos. Mon adjoint Chris Canavan est prêt à venir plus tôt si nécessaire.

En vous renouvelant nos vœux de succès

 

un document d’assistance militaire à Kiev, non daté, rédigé par Yasin Yaqubie de l’International Crisis Group

 

Nous partageons la vision du Président Obama sur ce qui se joue en Ukraine, mais nous pensons que la situation nécessite que les États-Unis en fassent davantage. Le Président a dit la chose suivante à Tallinn :

Malgré cela, aujourd’hui même où nous nous retrouvons, nous savons que cette vision est menacée par l’agression russe contre l’Ukraine. C’est une attaque éhontée contre l’intégrité territoriale de l’Ukraine – une nation européenne souveraine et indépendante. Cette attaque remet en cause le plus fondamental des principes de notre système international : que l’on ne redessine pas les frontières aux canons des fusils ; que les nations ont le droit de décider de leur propre avenir. Elle ébranle un ordre international dans lequel les droits des peuples et nations sont respectés et dont ils ne peuvent tout simplement pas être privés par la force brute. Voilà ce qui se joue en Ukraine. Voilà pourquoi nous nous tenons aux côtés du peuple ukrainien aujourd’hui.

A la lumière de ces faits, il faut empêcher la Russie d’user de force militaire et de menaces militaires pour imposer davantage de changements en Ukraine. Nous apprécions qu’un cessez-le-feu soit en place. Malgré tout, nous demeurons sceptiques sur le maintien du cessez-le-feu sur le long terme par les Russes et leur marionnettes séparatistes, ou sur leur consentement à un règlement politique qui préserverait l’intégrité territoriale et politique de l’Ukraine.

Pour dissuader les Russes de reprendre le combat ou d’exiger que Kiev ne donne son accord à des conditions inacceptables, il faut plus que des sanctions et autres actions directes des États-Unis et de leurs alliés de l’OTAN. Il faut également former et équiper en matériel les forces militaires ukrainiennes, afin qu’elles puissent neutraliser les séparatistes soutenus et renforcés par des forces russes clandestines. Le Président Obama devrait maintenant faire clairement comprendre à Poutine la détermination des États-Unis à engager des actions dans ce sens. Cela encouragerait Poutine à prolonger le cessez-le-feu et à ne pas reprendre l’escalade car la Russie sait qu’elle ne peut surenchérir sur les États-Unis en matière de sophistication des armements.

Ainsi donc :

  • L’Ukraine devrait bénéficier d’une dotation militaire en armes létales, ce qui lui permettrait de résister à la puissance militaire écrasante de la Russie. Sinon Poutine atteindra ses objectifs par l’usage de la force armée.
  • Les États-Unis devraient doter l’Ukraine d’armes défensives aussi sophistiquées que les forces adverses. En termes de poker, les États-Unis doivent “suivre, non pas surenchérir”.
  • Les forces ukrainiennes devraient être entraînées hors de l’Ukraine, par exemple en Roumanie, ainsi les militaires américains ne seraient pas visibles et il n’y aurait pas de force de l’OTAN en Ukraine.

 

un projet de “stratégie globale à court et moyen terme pour la nouvelle Ukraine”, daté du 12 mars 2015, créé par Tamiko Bolton, troisième épouse de Georges Soros

 

Draft Non-Paper / v14

Stratégie globale à court et moyen terme pour la nouvelle Ukraine

Court terme : les trois à cinq prochains mois

Moyen terme : les trois à cinq prochaines années

I. Le point de départ

  1. Poutine préfère un effondrement financier et un conflit politique intérieur qui déstabiliserait toute l’Ukraine à une victoire militaire qui lui donnerait le contrôle d’une partie du pays. Cela est corroboré par le fait qu’il a, par deux fois, transformé une victoire militaire en un cessez-le-feu qui reconnaissait la réalité des faits sur le terrain sans le priver de son avantage d’initiative.
  2. Minsk 2 permet à Poutine d’être très proche du résultat qu’il souhaite. Maintenant, il se dirige vers une désescalade militaire en ayant la conviction qu’il a accompli sa mission et dans l’espoir qu’il pourra éviter un renouvellement des sanctions économiques qui prennent fin en juillet.
  3. La détérioration politique et financière de l’Ukraine fait de Poutine le vainqueur. Tant que l’Ukraine et ses alliés ne se seront pas mis d’accord sur une stratégie globale qui privera Poutine de son avantage d’initiative, toute poursuite ou accélération des choses sera vouée à l’échec. De la même manière que Poutine n’a pas obtenu la signature de Merkel et de Hollande avant de mettre en œuvre sa stratégie, on peut inverser les choses avec la stratégie décrite ci-dessous.

II. La stratégie

Les Ukrainiens et leurs alliés doivent s’accorder sur les principes suivants :

  1. En l’absence d’un soutien suffisant de ses alliés, la nouvelle Ukraine ne fait pas le poids face à la Russie de Poutine.
  2. Dans leur propre intérêt collectif, les alliés de l’Ukraine doivent permettre à la nouvelle Ukraine, non seulement de survivre, mais aussi de prospérer ; et pourvu qu’ils puissent être d’accord sur une manière de fournir un soutien approprié sans s’impliquer dans un conflit militaire direct, ils devraient être capables de l’emporter sur la Russie de Poutine.
  3. Alors qu’il serait préférable d’avoir en la Russie un partenaire plutôt qu’un ennemi, c’est une situation impossible tant que Poutine poursuivra sa politique actuelle.
  4. Il en coûtera bien plus, en particulier pour l’Europe, de se défendre contre la menace que le régime d’un Poutine victorieux posera en cas d’effondrement de l’Ukraine, que de fournir un soutien conséquent à la nouvelle Ukraine tant qu’elle existe.
  5. Garder la nouvelle Ukraine en vie et l’aider à réussir doit avoir la priorité sur les sanctions contre la Russie. Les sanctions doivent être maintenues et renforcées si nécessaire tant que Poutine persiste dans ses attaques militaires manifestes sur le sol ukrainien ; mais elles touchent non seulement les Russes mais aussi les Européens et l’économie mondiale. Elles renforcent également le discours de Poutine selon lequel les problèmes de la Russie sont de l’entière responsabilité de l’hostilité implacable de “l’Ouest”. Cela l’aide à garder le soutien du peuple russe et à renforcer son pouvoir. En revanche, une démocratie qui fonctionnerait en Ukraine en réussissant à réformer l’économie, alors même que le pays subit les agressions russes, transformerait le discours de Poutine en un mensonge qu’aucune propagande ne pourrait dissimuler. De plus en plus de Russes voudraient suivre l’exemple de l’Ukraine.
  6. Ainsi donc, les alliés de l’Ukraine doivent considérer l’Ukraine comme une priorité de la défense, et pas comme une autre Grèce. Ils devraient annoncer qu’ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour aider la nouvelle Ukraine, à l’exception de l’implication dans un nouveau conflit direct, ou de la violation des accords de Minsk.

III. Le court terme : les trois prochains mois

A. Ce que l’Ukraine doit apporter

  1. Rétablir la capacité militaire de l’Ukraine, sans violer les accords de Minsk.
  2. Rétablir un semblant de stabilité monétaire et un système bancaire fonctionnel.
  3. Maintenir l’unité entre les différentes branches du gouvernement.
  4. Préserver la viabilité des institutions et l’indépendance de la Banque Nationale d’Ukraine (BNU)
  5. Fournir la preuve solide que le gouvernement sait où se situent les fuites budgétaires, et qu’il sait comment les résorber.
  6. Elaborer et mettre en place un programme de réformes politiques et économiques convaincant, à même d’attirer à la fois les donateurs et les investisseurs.
  7. Produire un dossier qui puisse impressionner lors de la conférence des investisseurs et des donateurs dans trois mois, dans une fourchette de deux mois.

B. Ce que les alliés doivent apporter

  1. Aider l’armée ukrainienne à rétablir sa capacité de combat, sans violer les Accords de Minsk. Les alliés doivent imiter Poutine dans sa pratique du déni afin de lui ôter l’avantage de l’initiative.
  2. L’Europe doit parvenir à un nouvel accord-cadre qui permettra à la Commission Européenne de verser jusqu’à un milliard d’euros par an à l’Ukraine, dont seuls 9% seraient à la charge de son budget [NdT : cf. infra, B l'union européenne, 1., explications sur le MFA], et aussi de l’utiliser pour d’autres soutiens que celui de la balance des paiements. Ceci demande une décision politique de la Chancelière Merkel et du Président Hollande, en tant que signataires de l’accord de Minsk, et la dépense d’un considérable capital politique pour surmonter les obstacles légaux et parvenir à l’unanimité.
  3. Être prêts à remettre tout ou partie de ces fonds si le programme de réformes de l’Ukraine le justifie. Afin de prendre sa revanche sur Poutine, l’Ukraine doit se transformer de générateur de risque politique en destination attractive pour l’investissement. Cela nécessitera des MEDC (Mécanisme élargi de crédit ou EFF Extended Funds Facility) plus importants et la réassurance à des taux attractifs des assurances contre le risque politique.

IV. État des lieux

A. Ukraine

  1. Le général Wesley Clark, le général polonais Skrzypczak et quelques spécialistes sous les auspices de l’OTAN conseilleront le président Porochenko sur la façon de rétablir les capacités de combat de l’Ukraine sans violer l’accord de Minsk.
  2. Le programme MEDC (Mécanisme élargi de crédits) du FMI, qui n’en porte pas la faute, arriva trop tard. La Banque Nationale Ukrainienne (BNU) commença à épuiser ses réserves fin 2014 et la devise n’était soutenue que par l’espoir. Mais la dégradation de la situation militaire a sapé la confiance et la devise décrocha fin février, passant de 16 à 33 [NdT : Hryvnia ukrainiens pour 1 euro] en quelques jours. Le paroxysme fut atteint le 25 février lorsque la BNU mit en place un contrôle des importations, élevant les taux d’intérêt à 30%. Depuis, les pressions soutenues du président ont ramené le taux de conversion près du niveau de 21,7, niveau sur lequel le budget 2015 est basé. Mais les progrès sont extrêmement fragiles. L’effondrement temporaire a ébranlé la confiance du public et fragilisé le bilan des banques et des entreprises possédant de fortes dettes en devises. Cela a aussi ruiné les estimations sur lesquelles se basent les programmes du FMI. Il est impossible pour l’Ukraine de réaliser 15,4 milliards de dollars d’économie par une restructuration de sa dette. Le Mécanisme Élargi de Crédit est insuffisant avant même d’être mis en place. Les états membres de l’UE n’ont montré aucun empressement à envisager une aide bilatérale supplémentaire du fait de leurs propres contraintes budgétaires (c’est pourquoi les dirigeants ukrainiens hésitent tellement à proposer la stratégie dessinée plus haut). La nouvelle Ukraine est littéralement au bord de l’effondrement.
  3. Après bientôt une année de préparatifs, tous les ingrédients d’un programme de réformes radical sont disponibles ; il suffit simplement de les réunir. La trame d’une union des différentes branches du gouvernement s’est dessinée. Le National Reform Council (Conseil National de la Réforme NRC) réunit l’administration présidentielle, le conseil des ministres, la Rada centrale [NdT : équivalent du parlement] et ses comités, et la société civile. Il a été constitué par décret présidentiel, ce qui a naturellement causé des frictions entre le Président et le Premier ministre. Yatsenyouk considéra le NRC comme une ingérence anticonstitutionnelle de Porochenko dans la politique économique. Les résultats du gouverneur de la BNU ont été une autre source de frictions. Yatsenyouk et Porochenko sont les dirigeants de partis politiques différents et les élections locales de cet automne se profilent.
  4. Néanmoins, le NRC est opérationnel. Il fonctionne plutôt bien dans la définition des priorités législatives, et le Président et le Premier ministre ont travaillé ensemble pour soumettre des projets de loi à la Rada. Un désaccord persistait concernant la mise en œuvre et le fonctionnement du PMO (Bureau de gestion des projets), mais il a été résolu le 5 mars. En bref, le conflit entre Porochenko et Yatsenyouk a été grandement exagéré en Ukraine comme à l’étranger.
  5. L’International Renaissance Foundation [NdT : littéralement "Fondation Internationale Renaissance"], branche ukrainienne des fondations Soros, était jusqu’à présent le seul soutien financier du NRC et elle sera l’un des principaux soutiens du PMO qui a en charge dès maintenant le financement du NRC et la mise en œuvre de divers projets de réforme. La structure du PMO mérite d’être évoquée parce qu’il est assez nouveau, et parce qu’il n’est pas encore légalement établi, bien qu’une petite équipe y ait travaillé ces deux derniers mois. Il fonctionnera sous le contrôle d’un comité tripartite composé de Dmytro Chymkiv représentant le président, d’Aivaras Abromavičius, ministre de l’économie, représentant le conseil et d’Hanna Hopko ou de quelqu’un d’autre pour représenter la Rada. Le ministre Abromavičius aura aussi à sa charge la coordination des financeurs et l’organisation sous trois mois d’une conférence des financeurs et investisseurs. Tout semble donc s’assembler parfaitement. Il y a un contraste flagrant entre la réalité extérieure dégradante et le processus continu des réformes intérieures.
  6. La pièce maîtresse des réformes économiques sera la réorganisation de Naftogaz et l’introduction d’une “tarification de marché” pour toutes les formes d’énergie, remplaçant les aides dissimulées par des aides visibles aux ménages nécessiteux. Le PMO a engagé le cabinet McKinsey Consulting afin d’assister Naftogaz et les autres parties concernées dans la préparation d’un plan qui sera présenté à la conférence des financeurs.
  7. Les réformes institutionnelles doivent comprendre trois éléments essentiels : premièrement, mettre en place des agences anticorruption, telles que le National Anti-Corruption Bureau (Bureau National Anti-corruption) et la National Agency for Prevention of Corruption (Agence Nationale pour la Prévention de la Corruption), et finaliser la législation anticorruption en conformité avec les standards internationaux. Deuxièmement, mettre en œuvre la première étape de la réforme judiciaire, comprenant l’installation du Haut Conseil de Justice et initiant les procédures de renouvellement des juges. Troisièmement, initier le programme des réformes constitutionnelles avec la décentralisation comme but premier. Le processus a été ralenti par l’insistance mise par la Rada fraîchement élue sur les procédures justes et la totale transparence.
  8. La caractéristique distinctive de la nouvelle Ukraine est que, alors que les oligarques sont influents dans les partis politiques, les ministres et autres responsables sont choisis non pas sur la base de leur adhésion à un parti, mais sur leur intégrité personnelle et leurs qualifications professionnelles. Cette caractéristique doit être préservée. De plus, le budget est un tonneau percé. L’origine des fuites est bien connue – Naftogaz et le système bancaire ; le gouvernement doit colmater ces fuites afin d’inciter les financeurs à verser de l’argent dans le tonneau. Il est essentiel que le gouvernement fasse une démonstration claire durant les trois mois à venir, afin de changer l’image dominante et répandue d’une Ukraine comme un pays totalement corrompu.

B. L’Union européenne

  1. Puisque les états membres n’ont pas les ressources financières suffisantes, il faut trouver une façon de se servir de la note AAA attribuée aux crédits de l’Union européenne elle-même. La recherche s’est concentrée sur un instrument financier bien connu, le dispositif MFA (Macro-Financial Assistance). Le MFA a une caractéristique inhabituelle : seuls 9% des fonds alloués sont à la charge du budget de l’Union européenne ; l’Union emprunte le reste sur les marchés, en profitant de sa note AAA. Ceci en fait un instrument très populaire. L’Union européenne s’en est servi pour apporter sa contribution au premier paquet de secours du FMI et aussi pour sa contribution au MEDC. Ils avaient eu de grandes difficultés à réunir 2,5 milliards d’euros pour le MEDC parce leurs engagements dépassaient déjà leur budget pour 2015.
  2. La Commission européenne entreprendra en 2016 une révision à mi-mandat du budget de l’Union européenne dans l’intention d’attribuer 1% de son budget ou un milliard d’euros à l’Ukraine.
  3. Si la somme entière était acheminée par le moyen du MFA, 11 milliards d’euros seraient rendus disponibles annuellement pour l’Ukraine à partir de 2017. Malheureusement ce n’est pas possible, parce que l’accord cadre qui fixe la taille du fonds de garantie du MFA a expiré à la fin de 2009. Depuis lors le Parlement et le Conseil ont pris des mesures législatives relatives à des opérations MFA particulières selon la procédure législative ordinaire (co-décision), avec pour conséquence la lenteur du processus de prise de décision. La Commission a essayé d’introduire un nouveau cadre réglementaire en 2011 pour rationaliser la manière dont les décisions sont prises, mais il a été retiré en 2013 parce que les co-législateurs ne pouvaient pas s’entendre. Depuis lors, l’Union européenne travaille dans un brouillard légal quand elle étend son assistance à des états non membres de l’Union.
  4. Pour augmenter le fonds de garantie, le Commission européenne doit introduire un nouveau cadre réglementaire du MFA et obtenir sa validation par le Conseil. Malheureusement, cela requiert une approbation unanime. Les dirigeants doivent arriver à un accord politique et utiliser un capital politique considérable pour obtenir l’unanimité. Une fois ceci réalisé, l’allocation à l’Ukraine de un milliard d’euros pris sur le budget européen pourra se faire sous la forme d’un budget complémentaire qui ne demande qu’une majorité qualifiée et pourrait entrer en application en 2016.
  5. Une dotation annuelle d’un milliard d’euros à l’Ukraine, dont 9% seulement à la charge du budget, pourraient permettre de dégager 11 milliards d’euros par an. Ce qui serait plus que suffisant pour fournir une assurance contre le risque politique exhaustive ; en complément des aides budgétaires et autres soutiens à l’Ukraine. Cette assurance serait vendue via des institutions nationales et internationales reconnues, telles que Euler Hermes en Allemagne, OPIC aux États-Unis et MIGA à la Banque Mondiale ; mais ces institutions seraient remboursées par l’UE, via le MFA, pour rendre cette assurance commercialement attractive. L’utilisation du MFA dans un but autre que le soutien à la balance des paiements, et dans l’objectif d’établir une assurance contre le risque politique commercialement attractive présente un certain nombre d’obstacles juridiques, qui devront être surmontés dans les trois à cinq prochains mois.
  6. Plus le volume disponible sera important, moins les probabilités d’en appeler au fonds de garantie seront élevées. Mais on ne peut pas demander à l’Union européenne de supporter le risque additionnel sans que l’Ukraine ait montré sa détermination et sa capacité à remplir les conditions citées plus haut. Les réformateurs ukrainiens soutiennent avec vigueur les principes de conditionnalité et de responsabilité.
  7. Une fois cette assurance disponible, je suis prêt à investir jusqu’à un milliard de dollars dans des affaires ukrainiennes. Il est probable que cela attirera l’attention de la communauté des investisseurs. Comme je l’ai déclaré plus haut, l’Ukraine doit devenir une zone d’investissement attractive. Ces investissements seront à but lucratif, mais je m’engagerai à en reverser les profits à mes fondations. Ce qui devrait dissiper les soupçons selon lesquels je ne prône cette politique que dans un but de profit personnel.
  8. Si possible, la présence à la fois du régime d’assurances et de mon fonds d’investissement devrait être annoncée à la conférence des financeurs. Ce serait une surprise pour le monde des affaires et changerait pour le mieux les perspectives de l’économie ukrainienne.

V. Un scénario gagnant

  1. Poutine sera probablement impressionné par une déclaration de style “quoi qu’il en coûte”. La principale entrave en ce qui le concerne était qu’il ne pouvait se permettre de laisser tomber les nationalistes russes, parce qu’ils s’en retourneraient au pays et l’accuseraient de les avoir trahis ; mais il s’est défaussé de cette charge lors des seconds accords de Minsk. En conséquence, il est probable qu’il s’abstienne de toute escalade militaire jusqu’en juillet, dans l’espoir que l’on laisse les sanctions économiques s’éteindre.
  2. D’ici juillet, l’Ukraine aura présenté un programme de réformes convaincant, et les alliés l’auront récompensée en mettant sur pied une nouvelle rallonge budgétaire, et en annonçant leur intention d’introduire un régime d’assurance contre le risque politique. La réforme constitutionnelle restera probablement au point mort, étant donné que les séparatistes insisteront sur une constitution fédérale, et que Kiev y renâclera.
  3. Les alliés conditionneront alors la levée des sanctions à l’acceptation par la Russie de la mise en dépôt par l’Ukraine des 3 milliards de dollars dans un dispositif destiné à garantir le régime d’assurance contre le risque politique. Si un événement couvert par l’assurance se produit au cours de ces cinq années, alors les parties lésées seront indemnisées par ce dispositif. Si aucun évènement couvert ne s’est produit, alors les Russes récupéreront leur argent, mais au bout de cinq ans seulement.
  4. Dans le même temps, les alliés proposeront des mesures permettant de sauver la face, sans reconnaître toutefois l’annexion illégale de la Crimée et d’une partie de l’Ukraine orientale.
  5. Puisqu’il est hautement probable qu’une ré-escalade militaire déboucherait sur la résistance militaire de l’Ukraine et une forte opposition interne en Russie, Poutine pourrait bien accepter ces propositions lui permettant de sauver la face. Le rapport de forces sera inversé, et l’Ukraine deviendrait une zone d’investissement attractive.

 

George Soros

Défenseur autoproclamé de la nouvelle Ukraine

12 mars 2015

Source : Politis, le 02/06/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/fuites-comment-le-milliardaire-georges-soros-tire-les-ficelles-us-en-ukraine/


[Consommation] Ne vous laissez pas embobiner par les cuisinistes !

Thursday 27 August 2015 at 03:41

Allez, une fois n’est pas coutume, et comme c’est l’été, je vais partager avec vous une expérience vécue – qui s’intègre assez bien dans les dérives commerciales du système économique actuel.

Ayant donc acheté une cuisine équipée en mai dernier, j’ai réalisé une très longue étude de marché et échangé avec des amis sur leur propre expérience.

Et j’ai vraiment été stupéfait de certaines pratiques que j’ai vues, visant à manipuler les clients pour qu’ils se ruinent sans négocier.

Bien entendu, à côté de ce “pire”, j’ai aussi vu des professionnels sérieux et honnêtes, avec de beaux produits.

Mais comme on parle de sommes oscillant parfois entre 3 000 et 10 000 €, voire plus, avec des gens s’endettant inutilement, j’ai souhaité réaliser un petit billet dédié.

Je partage donc avec vous cet ancien article de 2007 – et il faut croire qu’en huit ans, les pire pratiques existent toujours…

Téléchargez le document
Bref, en conclusion :
  1. renseignez vous bien sur le positionnement de chaque marque. A titre totalement subjectif et discutable, je vous propose celui-ci (sachant qu’il peut y avoir plusieurs gammes dans une marque, comparez…) :
  1. comparez bien entre plusieurs cuisinistes dans votre gamme de prix en réalisant plusieurs devis ; demandez aussi éventuellement à un menuisier local ;
  2. méfiez-vous des fortes réductions et autres promo-d’enfer-exceptionnelles-juste-pour-vous-mais-signez-de-suite
  3. ne signez rien très rapidement ; vérifiez surtout la santé financière de la structure.
  4. méfiez-vous du tir au pigeons dans les foires (genre Foire de Paris)
2 liens pour vous aider pour terminer : CommentChoisirSaCuisine, CotéMaison
P.S. Si vous êtes concerné, et que vous prospectez du moyen / moyen-haut, dans la région parisienne vers Montigny les Cormeilles / Herblay / Franconville, écrivez-moi, je vous signalerai les cuisinistes escrocs que j’ai rencontrés :)

Source: http://www.les-crises.fr/ne-vous-laissez-pas-embobiner-par-les-cuisinistes/


Europe : quels économistes s’expriment dans Le Monde (suite) ? Toujours les banquiers !, par Acrimed

Thursday 27 August 2015 at 00:12

Acrimed a approfondi sa précédente étude (mai 2015) portant sur les économistes et/ou experts invités par Le Monde pour aborder la question européenne. Et la réplique est encore plus forte.

Le mois dernier, nous avions publié un article sur les économistes choisis par Le Monde pour aborder la question européenne. Notre postulat était le suivant : les sujets concernant l’euro et la politique monétaire de l’Union Européenne sont aujourd’hui au cœur de l’actualité et marquent un réel clivage politique entre – faisons simple – partisans et opposants de l’orientation actuelle de la zone euro (remise en cause ou non de certains fondements des Traités de Maastricht et de Lisbonne), et, dans ce débat, Le Monde a choisi son camp (ce qui est entièrement son droit, évidemment).

Notre article démontrait que sur trois mois (janvier-février-mars 2015) le quotidien vespéral (des marchés) avait donné la parole 75 fois à des économistes sur ces sujets. Le résultat était en effet sans appel : 71% des économistes invités par Le Monde pour traiter de la politique économique de la zone euro étaient membres des banques, de grandes entreprises ou de la BCE. Quand d’autres économistes étaient conviés sur ce sujet, on constatait qu’ils étaient pour l’essentiel favorables à la doxa libérale (12%). Et, en définitive, seules 5% des apparitions d’économistes représentaient des points de vue critiques de l’orientation actuelle de la politique de l’Union Européenne.

Notre article a fait réagir Mathilde Damgé du Monde. Sur son compte Twitter, elle anathématise notre méthode : « articles et tribunes mélangés, recherche exclusive sur la pol eur. [politique européenne] et le terme “économiste” et pas de recherche sur le web… »

Puis, dans la foulée de notre publication, le blog Captain Economicsa publié un papier pour savoir « quels économistes s’expriment le plus dans Le Monde ». Certes, l’échantillon est plus copieux (9 000 articles de la rubrique économie du Monde publiés durant l’année 2014) et l’article ne s’intéresse pas qu’à la seule question de l’Europe, mais la méthodologie choisie comporte un biais colossal (que concède volontiers le Captain’) : seule la partie payante (visible) des articles est prise en compte. Ravie, la journaliste Mathilde Damgé a salué un « boulot, intéressant et circonstancié, qui permet d’aller un peu plus loin ». En effet, les résultats soulignent que les économistes les plus souvent invités par Le Monde ne sont pas des banquiers, mais Thomas Piketty (auteur d’un best-seller ultra-médiatisé) ou Jean Tirole (« prix Nobel » d’économie [1]), ce qui occulte pour les malvoyants le fait que la doxa libérale se porte bien : les hétérodoxes ont rarement la parole…

Revenons à la critique de Mathilde Damgé qui n’en est pas vraiment une (« articles et tribunes mélangés, recherche exclusive sur la pol eur. et le terme “économiste” et pas de recherche sur le web… ») puisque d’emblée elle feint de ne pas connaître notre protocole de recherche et ne considère pas comme légitime que nous nous attachions au traitement de la politique européenne par Le Monde [2]. Le seul biais de notre étude – que nous reconnaissions sans problème – était l’usage du terme « économiste » par Le Monde pour définir un individu invité à s’exprimer dans le quotidien. Du coup, nous avons affiné notre recherche et étendu notre champ d’investigation sur la période du 1er janvier au 30 avril 2015. En nous servant de la base initiale qui a servi pour faire l’article précédent, nous avons ajouté d’autres termes appropriés à la question européenne (en plus de « BCE », « euro », « zone euro », « UE », « Draghi », « Mario », nous avons ajouté « Union monétaire »), puis nous avons ajouté les occurrences suivantes à notre recherche : « professeur d’économie », « conseil d’analyse économique », « économistes » (au pluriel)…

On arrive donc à une somme de 121 invitations d’économistes et/ou experts dans le quotidien pour aborder la politique monétaire de la zone euro sur quatre mois.

Avec la crainte de nous répéter et de faire « gazouiller » plus vite que son ombre Mathilde Damgé, les résultats sont du même acabit que ceux de l’article précédent :

Alors oui, il n’est question « que » de la politique européenne, mais c’est ce sujet majeur qui donne le « la » des politiques nationales et qui détermine et structure les clivages les plus marquants aujourd’hui (euro ou non, rapport à la Grèce et à l’Espagne, indépendance de la BCE, politique d’austérité ou pas, etc…). Force est de constater que sur ce sujet, Le Monde délimite avec constance et intransigeance le périmètre des discussions, sélectionne avec vigilance les participants et par suite contribue à ne pas mettre en question ladite politique européenne.

Annexe : Liste des économistes invités

Notes

[1] En réalité le prix Nobel d’économie n’existe pas : « La particularité du « prix Nobel d’économie » tient d’abord au détournement de capital symbolique qui le fonde : il a été créé à l’initiative d’une Banque centrale, la Sveriges Riksbank (“banque royale de Suède”), et il est doté par elle (et non par la Fondation Nobel) d’un montant annuel d’environ 1,2 million d’euros en 2001. » (Frédéric Lebaron, « Le “Nobel” d’économie : une politique »,Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 141-142, mars 2002. pp. 62-65.)

[2] Notons au passage qu’il faut être bien naïf et/ou prétentieux pour croire qu’une enquête qui a demandé des dizaines d’heures de travail puisse être invalidée en 140 signes.

Source : Mathias Reymond et Denis Souchon, pour Acrimed, le 29 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/europe-quels-economistes-sexpriment-dans-le-monde-suite-toujours-les-banquiers-par-acrimed/


[Propagande] Sanctions contre la Russie: même pas mal ?

Thursday 27 August 2015 at 00:01

Article Mainstream de l’Expansion, toujours amusant…

Quelqu’un a fait le portrait d’Obama avec des cartouches ?

L'artiste ukrainienne Dariya Marchenko a fait le portrait de Vladimir Poutine avec des balles retrouvées sur le front.

L’artiste ukrainienne Dariya Marchenko a fait le portrait de Vladimir Poutine avec des balles retrouvées sur le front.

La Russie fait respecter son embargo sur les produits des pays qui l’ont sanctionné pour son rôle dans la crise ukrainienne. Malgré la chute du rouble, l’impact des sanctions internationales sur son économie semble limité.

A quoi servent les sanctions européennes contre la Russie de Vladimir Poutine pour son rôle dans la crise ukrainienne? Ce vendredi, un an jour pour jour après la mise en place de la mesure, Moscou a lancé ses tracteurs sur des meules de fromage provenant des pays qui l’ont puni, histoire de bien montrer que rien ne lui manque. Les navires Mistral que la France devait lui vendre? Remboursés. “Le dossier est clos”, affirme l’Elysée, comme si les deux partenaires venaient de conclure une bonne affaire. Depuis le début des sanctions, la question est lancinante. Qui souffre le plus?

“Le PIB, c’est secondaire en Russie”

L’Europe a interdit la vente à la Russie de matériel militaire ou destiné à l’industrie pétrolière. En ajoutant l’embargo russe, elle pourrait perdre 1,9 million d’emplois et 80 milliards de PIB du fait de la baisse de ses exportations, d’après une étude de l’institut autrichien Wifo reprise par Le Figaro. Pour la France, cela représente 0,5% du PIB et 150 000 emplois. Dans un rapport confidentiel, la Commission européenne s’est montrée plus optimiste, tablant sur de nouveaux débouchés. Les pommes françaises se vendent désormais au Vietnam et les Américains croquent nos poires, racontent Les Echos.

Et en Russie? La croissance a piqué du nez à – 1,9% en 2015, mais la tendance à la baisse était enclenchée depuis 2012. Le simple fait d’entrer en guerre, estime la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe, a eu des effets négatifs sur l’économie russe. “Il est très difficile d’évaluer l’effet des sanctions en point de PIB”, explique à L’Express Jean-Joseph Boillot, conseiller du Club du CEPII et spécialiste des grandes économies émergentes. “A court terme, il doit être relativement faible par rapport à celui de la baisse des hydrocarbures. A moyen terme, c’est un prétexte qui va servir à Poutine pour réorienter l’économie russe”.

Depuis 2008, la Russie a une doctrine de sécurité alimentaire qui vise à atteindre l’autosuffisance en 2020. Les sanctions sont l’occasion de la relancer. “Le PIB, c’est secondaire en Russie”, affirme Jean-Joseph Boillot. “Ce qui compte avant tout pour le régime de Poutine, c’est la fierté nationale. Le KGB a totalement pris en main l’économie russe”. A 67 euros en juillet, le rouble semble avoir enrayé sa chute. Il en valait 45 avant la crise.

Des sanctions à double tranchant

Les sanctions pourraient se retourner contre les intérêts de l’Europe, selon Jean-Joseph Boillot. “Depuis les sanctions, la Chine a intensifié son offensive sur la Russie. Le projet de route de la soie vers l’occident, dont l’Inde et la Russie sont partenaires, se développe.” Avec ce chantier ferroviaire et routier doté de 40 milliards de dollars par les Chinois, l’économie russe se tourne vers l’est, prenant soin de tisser des liens avec l’Inde pour résister à l’influence de Pékin. “C’est vers l’industrie aéronautique russe que se tourne l’Inde après avoir renoncé à son méga-contrat d’achat de 126 Rafale français“, remarque Jean-Joseph Boillot: “l’Inde soutient la Russie contre l’occident dans le conflit actuel”.

Dans une étude sur les sanctions de l’Union européenne parue en mai dernier dans la revue catalane Per la Pau(Pour la paix), les auteurs notent que “leur l’efficacité ne peut être que modeste, parce qu’elles peuvent être contournées avec l’aide de nouveaux acteurs”. Mais il ne faut pas attendre de miracle rapide pour l’économie russe, dont l’Union européenne reste encore le premier partenaire commercial. “C’est à une échéance de cinq ans que sa réorientation portera ses fruits”, estime Jean-Joseph Boillot.

Source : Laurent Martinet, pour L’Expansion/L’Express, le 7 Août 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/propagande-sanctions-contre-la-russie-meme-pas-mal/


[Reprise] Grèce : en démissionnant, Alexis Tsipras se soumet à l’Europe. Et assure ses arrières

Wednesday 26 August 2015 at 00:06

Source : Michel Calapodis, pour Le Plus de L’Obs, le 21 août 2015.

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a annoncé sa démission ce jeudi 20 août. Il en a profité pour proposer la tenue d’élections législatives anticipées, prévues le 20 septembre. Quelle est la stratégie d’Alexis Tsipras ? Et quelles vont être les conséquences de cette décision ? Pour Michel Calapodis, docteur en études néo-helléniques, l’ex-Premier ministre grec renforce son pouvoir.

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a annoncé sa démission jeudi 20 août 2015 (L.GOULIAMAKI/AFP).

La démission d’Alexis Tsipras n’est pas une surprise. Pour des raisons politiques, mais aussi économiques, cette décision était attendue.

Tsipras a minimisé les risques

Sur le plan politique, Alexis Tspiras a extrêmement bien joué, même s’il était contraint de prendre cette décision. C’est un fin tacticien, car il a choisi le bon moment pour démissionner. Il devait trouver une nouvelle majorité et a profité du soutien du peuple grec pour arriver à ses fins. En démissionnant, l’ex-Premier ministre grec a minimisé les risques, car non seulement l’opposition n’a pas de programme fondamentalement alternatif à proposer, mais en plus, elle est en pleine reconstruction. De plus, l’aile gauche de Syriza qui le rejette – car il ne représente plus l’homme du “non” – et qui souhaite reprendre le flambeau du mouvement “anti-mémorandum”, aura bien du mal à convaincre le peuple grec qu’avec elle, les temps seront moins durs.

Il a doublé tout le monde

Alexis Tsipras prend donc de la vitesse et parvient à doubler tout le monde. Il a de fortes chances d’être à la tête d’un gouvernement de coalition, le 20 septembre prochain. À travers cette stratégie, Alexis Tspiras sert ses propres intérêts, mais envoie aussi un message de soumission à l’Europe. Finalement, les prochaines élections permettront de trouver des solutions contre la crise, mais ne résoudront pas le problème grec, structurel et plus global.

Un “ethnocide économique”

Sur le plan économique, cette décision va permettre à Alexis Tsipras d’appliquer les mesures contre lesquelles le peuple grec avait voté. Ainsi, il va devenir la courroie de transmission à l’application du programme européen. D’ailleurs, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker affirmait :

“Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens”

En agissant ainsi, Alexis Tsipras lui donne raison. Sur le fond, tout ceci ne va rien changer. Le gouvernement va simplement pouvoir appliquer le programme du troisième mémorandum, qui, comme les deux précédents, va “assassiner” le peuple grec. On pourrait d’ailleurs parler d’un “ethnocide économique“.

Philipe Seguin disait : “La droite et la gauche sont deux détaillants qui ont le même grossiste, l’Europe”. C’est exactement le cas ici.

Le peuple grec est fatigué

En démissionnant, Alexis Tsipras va devenir un représentant de cet establishment politique grec, qui depuis une quarantaine d’années gère le pays de manière inconsidérée. S’il a toujours le soutien de son peuple, c’est parce que ce dernier, fatigué et anesthésié, se résout à accepter son programme, même s’il ne le considère pas comme viable. Il ne faut pas oublier que le quotidien des Grecs a été bouleversé et qu’ils se retrouvent aujourd’hui face à deux contraintes. La première, c’est celle de la vie quotidienne, devenue compliquée. Que ce soit pour retirer de l’argentou pour faire tourner leurs commerces, ils sont soumis à des limitations drastiques et cantonnés à faire des heures de queue. Ils essayent de survivre comme ils le peuvent. La deuxième, c’est celles des élections, qui n’ont rien résolu jusqu’à présent. Comme le programme d’Alexis Tspiras n’a pas été appliqué et qu’ils n’ont pas d’autres solutions à proposer, ils s’en remettent aux mains de l’Europe.

Les problèmes de la Grèce ne seront pas résolus

Finalement, en démissionnant, Alexis Tsipras renforce son pouvoir. Il va trouver une majorité qui va lui permettre d’être réélu et d’appliquer son programme. Comme en 2010 et 2012, la Grèce recevra ensuite des aides pour rembourser ses dettes et l’on n’entendra – provisoirement – plus parler du pays, jusqu’à ce que l’on se rende compte que les questions centrales de la dette et du modèle de développement économique de la Grèce n’ont pas été résolues.

Propos recueillis par Anaïs Chabalier.

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-grece-en-demissionnant-alexis-tsipras-se-soumet-a-leurope-et-assure-ses-arrieres/


L’Ukraine voit fusionner nazis et islamistes, par Robert Parry

Wednesday 26 August 2015 at 00:06

Source : Consortium News, le 07/07/2015

7 juillet 2015

Exclusif : Le régime post-coup d’état en Ukraine fusionne à présent des escadrons d’assaut néo-nazis avec des militants islamistes – appelés « frères » de l’ultra violent État Islamique – déchaînant un infernal « escadron de la mort » voué à tuer les populations russophones dans l’est de l’Ukraine, sur la frontière russe, d’après Robert Parry.

Par Robert Parry

Dans un récit étonnamment optimiste, Le New York Times relate le ralliement de militants islamistes aux bataillons d’extrême droite et néo-nazis d’Ukraine pour combattre les rebelles russophones dans l’est de l’Ukraine. Il ne semble pas qu’une alliance entre extrémistes violents ne soit trop méprisable pour être fêtée, du moment qu’elle tue des Ruskoffs.

Selon l’article d’Andrew E. Kramer, il y a maintenant trois bataillons islamistes « déployés dans les zones les plus disputées », comme celle entourant la ville portuaire de Marioupol. Un des bataillons est dirigé par l’ancien seigneur de guerre tchétchène connu sous le nom du « Musulman », rapporte Kramer, qui ajoute :

L’insigne du bataillon d’Azov, comportant le symbole néo-nazi du Wolfsangel [le "crochet à loups", NdT].

« Le Tchétchène dirige le groupe Cheikh Mansour, baptisé ainsi d’après une figure de la résistance tchétchène au XVIIIe siècle. Ce groupe est commandé par la milice ukrainienne nationaliste Pravy Sektor [Secteur Droit, NdT]. … Pravy Sektor … fondé l’année précédente à l’occasion des manifestations de rues à Kiev, à partir d’une demi-douzaine de groupuscules nationalistes ukrainiens tels que le Marteau Blanc, ou encore le Trident de Stepan Bandera.

Un autre groupe, celui d’Azov, est ouvertement néo-nazi, et utilise le symbole du “crochet à loups“, lié à la SS. Sans aborder le sujet du symbole nazi, le Tchétchène a déclaré qu’il s’entendait bien avec les nationalistes, car, tout comme lui, ils aimaient leur patrie et détestaient les Russes. »

Aussi fortuite que semble la révélation par Kramer du rôle de premier plan des néo-nazis et des suprémacistes blancs combattant pour le régime de Kiev soutenu par les États-Unis, son article constitue une anomalie au regard du Times et du reste des médias mainstream américains, lesquels renvoient habituellement toute mention de cette tache nazie à de la “propagande russe”.

Lors du coup d’état de février 2014 qui chassa le président élu Victor Ianoukovitch, le défunt fasciste Stepan Bandera fut l’une des figures célébrées par les manifestants pro-Maïdan. Pendant la seconde guerre mondiale, Bandera fut à la tête de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN-B), une milice radicale qui entendait faire de l’Ukraine un état racialement pur. Coordonnant ses efforts à l’occasion avec la SS, l’OUN-B participa à l’expulsion et à l’extermination de dizaines de milliers de Juifs et de Polonais.

Bien que la majorité des manifestants pro-Maïdan de 2013-2014 ait été essentiellement poussée par la colère envers la corruption politicienne et par leur désir de rejoindre l’Union Européenne, les néo-nazis en constituaient une part importante et ont été le fer de lance de la plupart des violences envers les policiers. Des groupes d’assaut de Pravy Sektor ainsi que du parti Svoboda ont pris le contrôle de bâtiments gouvernementaux, et les ont ornés de symboles nazis ainsi que du drapeau de bataille Confédéré, emblème universel des suprémacistes blancs.

C’est ensuite au moment où les manifestations prenaient un tour sanglant, entre le 20 et le 22 février, que les néo-nazis ont fait irruption en première ligne. Leurs milices surentraînées, organisées en brigades de cent hommes, les « sotins » ou « centaines », ont mené les attaques décisives contre la police qui ont forcé Ianoukovitch et plusieurs membres de son gouvernement à fuir pour sauver leur vie.

Dans les jours qui ont suivi le coup d’état, alors que les milices néo-nazies contrôlaient de facto le gouvernement, les diplomates européens et américains se sont fébrilement précipités pour aider le parlement malmené à donner au régime un semblant de respectabilité, bien que quatre ministères, y compris celui de l’intérieur, aient été donnés en récompense à l’extrême-droite, en reconnaissance du rôle crucial qu’elle avait joué dans le départ de Ianoukovitch.

Dès ce moment, la quasi-totalité des médias d’information américains se sont mis des œillères sur le rôle des néo-nazis, ce qui était d’autant mieux pour vendre au public américain le coup d’état sous l’aspect d’une histoire édifiante de « combattants de la liberté » animés d’un esprit de réforme, faisant face à « l’agression russe ». Les médias américains ont soigneusement contourné la réalité néo-nazie en censurant les éléments significatifs, comme le parcours du chef de la sécurité intérieure, Andreï Parubeï, qui avait fondé le Parti National-Socialiste d’Ukraine en 1991, qui mêlait nationalisme radical ukrainien et symboles néo-nazis. Parubeï était à la tête des « forces d’auto-défense » de Maïdan.

Les barbares sont aux portes

Par moments, la censure des médias mainstream sur les chemises brunes en était presque comique. En février dernier, presque un an après le coup d’état, un article du New York Times, consacré aux défenseurs gouvernementaux de Marioupol, saluait le rôle de premier plan du bataillon d’Azov, mais réussissait le tour de force d’éviter toute évocation de ses accointances néo-nazies, pourtant bien connues.

Cet article de Rick Lyman présentait la situation à Marioupol comme si l’avance des rebelles pro-russes représentait une invasion barbare, tandis que les habitants auraient été bravement défendus par les forces de la civilisation, le bataillon Azov. Dans un contexte aussi exaltant, on a probablement pensé qu’il aurait été malvenu de faire mention des svastikas et des symboles SS.

 

 

 

Symboles nazis sur les casques portés par les membres du bataillon ukrainien Azov. (Filmés par une équipe norvégienne et montrés à la télévision allemande)

À présent, le régime de Kiev a ajouté à ces « forces de la civilisation » – résistant aux barbares Ruskoffs – des militants islamistes liés au terrorisme. En septembre dernier, Marcin Mamon, reporter pour l’Intercept, a pu joindre une formation d’avant-garde de ces combattants islamistes en Ukraine, par l’intermédiaire « d’un contact en Turquie avec l’État Islamique [qui] m’a affirmé que ses “frères” se trouvaient en Ukraine, et que je pouvais leur faire confiance ».

L’article du New York Times évite soigneusement de creuser dans la direction des liens de ces combattants islamistes avec le terrorisme. Mais Kramer admet explicitement la vérité nazie à propos des combattants [du groupe] Azov. Il relève également que les conseillers américains en Ukraine « se sont vu explicitement interdire de donner aucune instruction militaire aux membres du groupe Azov ».

Alors que les conseillers américains ont pour ordre de garder leurs distances avec les néo-nazis, le régime de Kiev ne fait pas grand mystère de son approbation du rôle militaire essentiel tenu par ces extrémistes – qu’il s’agisse de néo-nazis, de suprémacistes blancs ou de militants islamistes. On estime ces extrémistes très agressifs et très effectifs dans le massacre de russophones.

Le régime n’a montré que peu d’intérêt pour des rapports venus de tous les secteurs mentionnant des opérations « d’escadrons de la mort » ciblant les suspects de sympathies pro-russes dans les villes contrôlées par le gouvernement. Mais de telles violations des Droits de l’Homme ne devraient pas surprendre, compte tenu de la tradition nazie de ces unités et des liens de ces militants islamistes avec des mouvements terroristes ultra violents du Moyen-Orient.

Mais le Times parle de cette mixture fatale de néo-nazis et d’extrémistes islamistes comme d’une bonne chose. Après tout, ils ciblent les opposants au régime des « blancs bonnets » de Kiev, tandis que les rebelles russophones et le gouvernement russe sont les « bonnets noirs ».

Pour illustrer cette orientation, Kramer a écrit : « Même pour des Ukrainiens endurcis par plus d’un an de guerre contre les séparatistes soutenus par la Russie, l’apparition de ces combattants islamistes, Tchétchènes pour la plupart, dans les villes situées près de la ligne de front tombe comme une surprise – et pour nombre d’Ukrainiens, comme une bonne surprise. [...] Pressentant un assaut dans les mois à venir, les Ukrainiens sont ravis de toute l’aide qu’ils pourront recevoir. »

Ainsi donc, le message sous-jacent semble être : « Il est temps que le peuple américain et l’opinion publique européenne intensifient leur soutien militaire et financier à un régime ukrainien, celui qui a lâché sur les russophones une force composée de nazis, de suprémacistes blancs et de militants islamistes (considérés comme des “frères” par l’État Islamique). »

[Pour plus de détails sur le bataillon Azov, voir « La Maison-Blanche reconnaît le rôle des nazis en Ukraine » sur Consortiumnews.com.]

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/lukraine-voit-fusionner-nazis-et-islamistes-par-robert-parry/


Le terrorisme, c’est ça… (suite)

Tuesday 25 August 2015 at 15:32

Un type armé d’un fusil qui veut tirer sur des innocents, c’est un criminel dangereux.

Mais cela ne suffit nullement à terroriser une population.

Pour le faire, il vous faut ça (Une de L’Obs 25/08/215, 5e jour après l’attaque déjouée) :

Eh oui, étymologiquement, ce sont bien les médias les vrais “terroristes”…

Si on laisse ces traitements médiatiques survenir régulièrement, transformant nos grands médias en sous-Nouveau Détective, les chefs terroristes du Moyen-orient (si ce n’est pas juste l’oeuvre d’un fou) vont vite comprendre qu’ils mettront un pays occidental à genoux avec seulement une centaine de volontaires déterminés, intervenant régulièrement de la sorte…

Bref, comme le disaient les Guignols (RIP), “Vous regardez trop la télévision !”

P.S. Rappelons aussi un fait évident : le meilleure façon de lutter contre le terrorisme et de protéger les Français, c’est aussi de se comporter en État de droit respectueux de nos libertés mais aussi des autres pays et arrêtant d’y mettre son nez en permanence…

P.P.S : issu de vos commentaires, une bonne référence :)

« Bien entendu, le peuple ne veut pas de guerre.

Pourquoi est-ce qu’un pauvre gueux dans une ferme voudrait risquer sa vie dans une guerre dont il ne peut espérer au mieux qu’il en reviendra entier ? Naturellement, le commun de la population ne veut pas de guerre ; ni en Russie, ni en Angleterre, ni en Amérique, ni, en ce qui nous concerne, en Allemagne. C’est bien entendu.

Mais, après tout, ce sont les dirigeants d’un pays qui en déterminent les lignes d’action, et ce n’est jamais qu’une question simple que d’entraîner le peuple, que ce soit dans une démocratie, une dictature fasciste, un Parlement, ou une dictature communiste. [...] Le peuple peut toujours être converti à la cause des dirigeants.

Cela est facile. Tout ce qu’il suffit de faire, c’est de leur dire qu’ils sont attaqués et dénoncer les pacifistes pour leur manque de patriotisme qui expose le pays au danger. Cela marche de la même manière dans tous les pays ».

Par : Herman Goering - Procès de Nuremberg - Nuremberg Diary, Gustave Gilbert, éd. Da Capo Press, 1995 (Reprint Edition) (ISBN 978-0306806612), p. 278

 

Source: http://www.les-crises.fr/le-terrorisme-cest-ca-suite/


Marie-France Garaud sur France Culture

Tuesday 25 August 2015 at 00:06

Source : France Culture, le 20 août 2015.

L’interview se déroule de 33:58 à 57:15 et de 1:17:30 à 1:32:21.

Source: http://www.les-crises.fr/marie-france-garaud-sur-france-culture/


Référendum en Grèce : les éditocrates et la démocratie en 140 signes, par Acrimed

Tuesday 25 August 2015 at 00:01

Sitôt l’annonce faite par Alexis Tsipras, Premier ministre grec, de l’organisation dimanche 5 juillet d’un référendum sur le plan d’austérité « proposé » par l’ex-troïka, les éditocrates eurobéats se sont déchaînés sur Twitter. Et, en amoureux de la Grèce, ils n’ont pas manqué de rendre de vibrants hommages à la démocratie, sans jamais, au grand jamais, céder à la facilité, au raccourci ou à l’invective.
Démonstration avec les tweets de trois d’entre eux (Jean-Michel Aphatie, Arnaud Leparmentier et Jean Quatremer), exemples exemplaires de la tendance de certains « grands » journalistes à abandonner toute volonté d’informer avec rigueur et à oublier tout sens de la mesure lorsque les choses ne se passent pas comme ils l’auraient souhaité [1].

À tout seigneur tout honneur, difficile de ne pas débuter cette « revue de tweets » par ce grand connaisseur de la Grèce, où il est allé plusieurs fois en vacances, qu’est Jean Quatremer :

Tout en nuance, le journaliste de Libération prodigue donc ses conseils à « l’Eurogroupe » pour mettre en difficulté – encore un peu plus – Alexis Tsipras. Le moins que l’on puisse dire est que celui qui prétend informer sur les « coulisses de Bruxelles » [2] ne cache pas son jeu : il a choisi son camp. Ce qui l’autorise à porter des jugements pleins de finesse sur l’adversaire :

À l’instar de Jean-Michel Aphatie qui, entre deux rendez-vous pour ses transferts de l’intersaison et après avoir découvert la situation en Grèce « dans les JT » (il était temps), s’est immédiatement fait une opinion :

Il faut dire que Jean-Michel Aphatie avait mis la main à la poche pour aider les Grecs, comme il le faisait remarquer le 20 juin, alors que les négociations étaient dans l’impasse :

Et comme il l’a confirmé après l’annonce du référendum :

Arnaud Leparmentier, vice-pape du Monde, a tenu pour sa part à exprimer immédiatement son souhait de voir les Grecs sortir des difficultés :

Avant de reprendre, en la retweetant, « l’idée » du député européen des Républicains Alain Lamassoure, lui aussi loin de toute caricature :

Une « idée » originale, puisqu’elle a aussi été émise par… Jean Quatremer :

Un Jean Quatremer qui, non content d’être devenu spécialiste en référendum, s’est improvisé constitutionnaliste :

Expertise immédiatement saluée par Arnaud Leparmentier, qui a retweeté… Jean Quatremer :

Tandis que Jean-Michel Aphatie retweetait, de son côté, les questions pertinentes… d’Arnaud Leparmentier :

Et qu’Arnaud Leparmentier, en bon camarade, retweetait les analyses nuancées de… Jean-Michel Aphatie :

Ainsi que les traits d’humour (?) de… Jean Quatremer :

Reprenons. Jean Quatremer (retweeté par Arnaud Leparmentier), Arnaud Leparmentier (retweeté par Jean-Michel Aphatie), et Jean-Michel Aphatie (…) sont d’accord : haro sur le gouvernement grec et sur son projet de référendum ! Et, au cas où les adeptes de Twitter n’auraient pas bien compris le message, ils n’ont pas hésité à le répéter… ad nauseam ?

Etc.

Une belle unanimité et un goût partagé pour la nuance qui leur ont attiré quelques critiques, auxquelles ils ont toutefois su répondre sans perdre leur sens de la mesure et leur force de conviction :

« Zut ». On ne saurait mieux dire.

Julien Salingue

Post-scriptum (30 juin, 16h) : Après avoir pris connaissance de cet article, l’ineffable Jean Quatremer s’est évidemment fendu d’un tweet. Un tweet immédiatement repris par… Arnaud Leparmentier.

Notes

[1] Sauf mention contraire, l’ensemble des tweets récoltés ont été publiés entre le 27 juin et le 29 juin.

[2] C’est le nom du blog de Jean Quatremer, hébergé par Libération.

Source : Julien Salingue, pour Acrimed, le 30 juin 2015.


Curée médiatique contre le référendum « irresponsable » d’Alexis Tsipras

Dans la soirée du 26 juin, Alexis Tsipras annonçait son intention d’organiser un référendum sur le plan d’austérité proposé par les créanciers de la Grèce en échange de leur soutien financier. Consulter le peuple grec sur les réformes « indispensables » qui lui sont imposées ? « Irresponsable » répond en chœur la fine fleur de l’éditocratie française, dont les tweets rageurs préfiguraient les points de vue… tout en nuances.

En 2011 déjà, l’annonce d’un référendum, finalement abandonné, sur le « plan de sauvetage » européen avait provoqué une levée de boucliers médiatique. De cette fronde contre le « dangereux coup de poker grec »Le Monde prenait déjà la tête : « Ce n’est pas ainsi que l’Europe doit fonctionner » assurait le quotidien, qui anticipait non sans cynisme un résultat défavorable : « Imagine-t-on d’ailleurs un peuple acceptant, unanime, une purge aussi violente que celle proposée ? [1] Ce lundi, deux jours après l’annonce d’Alexis Tsipras, l’éditocratie française a remis le couvert.

Le Monde sonne la charge

Ainsi, selon l’éditorial du Monde, la tenue d’un référendum serait un« piètre chantage », voire un aveu de « faiblesse politique » de la part d’Alexis Tsipras qui refuserait « d’endosser l’échec des négociations ». Un échec dont les « Européens », c’est-à-dire les dirigeants européens, ne seraient en aucun cas responsables. Stricts mais bienveillants, ceux-ci seraient, à l’instar d’Angela Merkel, conscients de leur « responsabilité historique ». Et même prêts à se montrer souples si le mauvais élève grec acceptait de « moderniser l’État » et « collecter l’impôt ». Peu importe si l’intransigeance des créanciers portait davantage sur les mesures d’austérité, telle que la diminution des pensions. C’est Tsipras qui doit « faire preuve, enfin, de responsabilité »… c’est-à-dire à suivre les instructions des éditorialistes du Monde et « changer de posture ». De toute évidence, l’éditorialiste anonyme du Monde, à l’image de nombre de ses confrères, a choisi d’ignorer le point de vue grec sur le déroulé des événements, et notamment le récit du ministre de l’Économie Yanis Varoufakis, pourtant publié sur divers sites.

Une nouveauté : pour les lecteurs qui souhaiteraient s’épargner la lecture de l’éditorial du Monde, une version sous forme de dessin pour les enfants est disponible en « Une » :

Plusieurs dessinateurs du quotidien ont même été mis à contribution, comme en témoigne ce chef d’œuvre de Xavier Gorce, également publié le 30 juin :

Le même Xavier Gorce qui est revenu à la charge dans l’édition du 1er juillet :

Comme nous l’avions déjà noté, il suffit souvent, pour donner la mesure du caractère résolument caricatural des partis pris de l’éditorial du Monde, de lire… Le Monde. Ainsi, en cherchant un peu dans le dossier consacré à la Grèce, on trouve les articles de la correspondante Adea Guillot et de l’envoyée spéciale Annick Cojean, qui détonnent en donnant la parole aux Grecs [2]… Même si le choix des citations mises en exergue par un secrétariat de rédaction facétieux s’avère, lui, plus « orienté ». Qu’on en juge : « Ce référendum est une mascarade, un coup d’État constitutionnel »(Antonis Samaras, chef de l’opposition) ; « On frôle la limite de ce que prévoit la Constitution mais sans la violer ouvertement » (un constitutionnaliste) ; « J’ai peur du précipice et du retour à la drachme » (un jeune Grec) ; « Je déteste l’extrémisme, or ce vote nous pousse dans nos derniers retranchements » (un vendeur).

Libération à l’unisson ?

Dans l’éditorial de Libération (29 juin), Marc Semo reconnaît quant à lui qu’il est « légitime, sur le principe » d’en appeler au peuple. Mais sous conditions. Lorsque l’ancien Premier ministre Papandreou propose un référendum pour s’assurer « que les sacrifices imposés par le maintien dans la monnaie unique [soient]pleinement assumés par ses concitoyens », c’est un gage apprécié de« culture sociale-démocrate scandinave ». Lorsque Tsipras propose un référendum sur les propositions des créanciers de la Grèce et appelle à les rejeter, ce sont des « propos irresponsables ». Comprenne qui pourra.

En fait, Marc Semo reproche à Tsipras de n’avoir pas tenu un référendum sur la sortie de l’euro, mais sur le plan de rigueur imposé par les créanciers. Et de dissimuler aux Grecs que le « non » aux propositions des créanciers serait synonyme d’un « oui » à une sortie de l’euro, et donc de conséquences catastrophiques. Des reproches que partagent… Antonis Samaras, leader de l’opposition grecque. Pourtant une autre issue est possible : les créanciers pourraient tenir compte du rejet de leurs propositions par la population grecque, et mettre de l’eau dans leur vin… Mais cela ne semble pas effleurer l’esprit de Marc Semo pour qui les gouvernements européens, « tout aussi légitimes » que le gouvernement grec, n’ont fait que « rappeler les règles de la zone euro » et « essaient d’éviter le pire ». Qu’ils en soient remerciés.

D’après notre éditorialiste, une majorité de Grecs seraient d’ailleurs favorables au plan européen. Le chef du service étranger deLibération n’a visiblement pas pris soin de consulter ses correspondants sur place à Athènes : aucun sondage n’a été publié sur le référendum, d’après Pavlos Kapanais qui travaille entre autres pour… Libération.

Notons tout de même que le reportage sur place de Maria Malagardis fait, en page opposée, un contrepoint factuel à la charge de l’éditorialiste de Libération.

Jean-Marie Colombani (et quelques autres) au meilleur de leur forme

Commentaires à l’emporte-pièce depuis le fauteuil confortable d’une rédaction parisienne, informations bancales et autres partis pris droitiers sont le lot commun des éditocrates. Mais en la matière, les éditorialistes du Monde et de Libération ne font pas le poids face à Jean-Marie Colombani. Dans une tribune publiée dans Slate, il dénonce « l’imposture Tsipras » ainsi que Syriza, un parti « anti-européen »« national-populiste », qui aurait « conduit le pays dans l’impasse ». Il est vrai que la situation du pays était excellente avant les élections de janvier 2015.

Le mot « référendum » évoque-t-il de mauvais souvenir à Jean-Marie Colombani ? Furieux, il dénonce la consultation des Grecs qui serait en fait… « une prise en otage » des Grecs. Les dirigeants européens, quant à eux, « ne peuvent pas abandonner les Grecs à leur triste gouvernement ». Après Arnaud Leparmentier, c’est au tour de Jean-Marie Colombani de signer un nouvel appel à renverser le gouvernement grec. Les Grecs ont voté et soutiennent Syriza ; mais, c’est bien connu, les éditocrates savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui. Et Colombani de le prouver dans une conclusion pleine de lucidité : « Les Grecs méritent mieux que Tsipras et ses alliés. Comme ils n’avaient pas hier mérité les colonels. »

Un article publié sur le site de Marianne revient sur les réactions de la presse à l’annonce du référendum. On retrouve une apologie – prévisible – des « réformes » dans Le Figaro :

Les masques sont donc tombés en Grèce, mais aussi en Irlande, au Portugal, en Espagne. Tous, à l’exception d’Athènes ont choisi de se réformer au pas de charge pour tenter de conserver la monnaie européenne. Les efforts et le courage ont payé. La seule question est désormais de savoir si la Grèce peut gagner sa place dans la zone euro.

Le Figaro qui, à la « une » de son édition du 30 juin, publie un éditorial titré « Faux semblants », où l’on peut lire que « le référendum que propose aux Grecs Alexis Tsipras a tout d’un leurre », que « l’appel au peuple de Tsipras n’est qu’un “coup” politique camouflé sous le masque de la démocratie directe » et dans lequel est évoqué « le vide abyssal du projet politique de Tsipras ». Tout en finesse.

Pas en reste, le JDD titre quant à lui son article d’analyse « Alexis Tsipras, maître chanteur » [3]. Tout en nuances, à l’instar des jugements portés sur la décision d’en appeler au vote du peuple grec :

Alexis Tsipras a choisi de suivre un chemin dangereux pour son pays et de mettre le couteau sous la gorge des leaders européens.

Il faut dire que la « une » du journal annonçait la couleur…

Dans Les Échos, c’est Dominique Seux qui se fait remarquer en s’insurgeant contre « le coup de poker de trop d’Alexis Tsipras », évoquant un « chantage grossier » de la part des autorités grecques et dénonçant leur « comportement irresponsable et provocateur ». Et de conclure : « Athènes doit revenir à la table des négociations ». Sinon ?

Dans L’Opinion, Luc de Barochez dénonce, avec force accents colombaniens, « l’incompétence, de l’irresponsabilité voire de la malhonnêteté de Syriza ». Selon lui, « le référendum convoqué par Alexis Tsipras dévoie la démocratie ». Conclusion : « Face à des maîtres chanteurs, seule la fermeté paye ». Notons que là encore, la « une » du quotidien se distingue par son sens de la mesure :

***
Nous aurions pu poursuivre ce petit tour des réactions de la presse à l’annonce du référendum grec par la « une » du Monde du 1er juillet, qui oppose « Tsipras » et « les Européens » :

… ou encore avec le double éditorial Joffrin – Quatremer dans l’édition de Libération du mardi 30 juin (sur lequel nous aurons l’occasion de revenir).

… voire avec Les Échos, où l’on a pu lire des tribunes dans lesquelles Tsipras est qualifié de « braqueur de banque ». Au risque de lasser le lecteur…

Mais cette « revue de presse » n’est pas seulement une accumulation de prises de position fort éloignées du devoir d’informer, voire même outrancières : elle dessine une cohérence dans les partis pris de l’éditocratie française, qui de nouveau se range du côté des institutions européennes (rebaptisées une fois de plus « l’Europe » ou « les Européens ») et joue le rôle de chien de garde de l’eurocratie contre les empêcheurs d’austériser en rond. Voilà qui n’est pas sans rappeler le traitement médiatique d’un certain référendum organisé en 2005duquel aucune leçon ne semble avoir été tirée.

Dès lors, doit-on conclure que « la presse » est contre la Grèce ? Ce serait tentant, mais inexact : tout d’abord ce serait oublier la presse alternative, et toute une partie de la presse qui n’a pas participé à la curée contre le gouvernement grec, voire qui l’a dénoncée. Et même au sein de la presse dominante, des voix discordantes existent : il n’est pas rare qu’au sein même de « grands quotidiens », les reportages des envoyés spéciaux, ou des correspondants sur le terrain, contredisent les arguties libérales déversées à flot constant par nos éditocrates. De salutaires résistances à l’unanimisme éditorial eurobéat, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir… mais qui ne sont malheureusement pas un contrepoids suffisant au bruit médiatique qui nous est imposé depuis quelques jours par ceux qui pensent que lorsque le peuple n’est pas d’accord avec une politique, il faut changer de peuple.

Frédéric Lemaire et Julien Salingue

Post-scriptum (1er juillet, 12h30) : Interpellé sur Twitter à propos de l’un des dessins que nous avons reproduits ci-dessus, Xavier Gorce, dessinateur au Monde, s’est fendu d’une réponse… qui se passe de commentaires :

Notes

[1] « Consulter le peuple grec ? Les gardiens autoproclamés de la démocratie s’insurgent  ».

[2] « Les Grecs divisés sur le référendum du 5 juillet » ; « Reprendre notre destin en main est plus important que conserver l’euro ».

[3] Sur la couverture de l’annonce du référendum par le JDD, voir aussi « Tsipras est un voyou communiste ».

Source : Frédéric Lemaire et Julien Salingue, pour Acrimed, le 1er juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/referendum-en-grece-les-editocrates-et-la-democratie-en-140-signes-par-acrimed/


L’énigme de la Superpuissance, par Tom Engelhardt

Monday 24 August 2015 at 00:16

Source : Tom Dispatch, le 02/07/2015

L’émergence et le déclin d’à peu près tout

L’ascension et le déclin des grandes puissances et de leurs domaines impériaux a été un élément central de l’Histoire pendant des siècles. Il a été le cadre raisonnable, dont la justesse a été maintes fois confirmée, pour la réflexion sur le destin de la planète. Il n’est donc guère surprenant qu’en présence d’un pays autrefois régulièrement qualifié par des expressions comme « seule superpuissance », « la dernière superpuissance », ou même « l’hyperpuissance » mondiale et qui, curieusement, n’est plus désormais désigné par rien du tout, que la question du « déclin » doive émerger. Est-ce oui ou non la situation des États-Unis ? Se peut-il, ou pas, qu’ils soient maintenant sur la pente descendante de leur impériale grandeur ?

Prenez un train lent – c’est-à-dire n’importe quel train – n’importe où en Amérique, ce que j’ai fait récemment dans le nord-est, et prenez ensuite un train à grande vitesse à n’importe quel autre endroit de la Planète, ce que j’ai fait également, et il ne vous sera pas difficile d’imaginer les États-Unis en déclin. La plus grande puissance de l’Histoire, la « puissance unipolaire » ne peut pas construire un seul kilomètre de réseau ferroviaire à grande vitesse ? Vraiment ? Et son Congrès est désormais embourbé dans une controverse pour savoir si des fonds budgétaires peuvent être levés pour maintenir les autoroutes américaines plus ou moins libres de nids de poule.

Parfois, je m’imagine en train de parler à mes parents décédés depuis longtemps car je sais combien de tels faits auraient stupéfié deux personnes ayant traversé la période de la Grande Dépression, la seconde guerre mondiale, et une période d’après-guerre de confiance volontariste où la renversante richesse et le pouvoir de ce pays étaient indiscutables. Et si je pouvais leur dire que les infrastructures essentielles d’une nation encore aussi riche, les ponts, les canalisations, les routes et le reste, sont désormais largement sous-financées et dans un état grandissant de délabrement, et commencent à tomber en ruine ? Ils en seraient incontestablement choqués.

Et que penseraient-ils en apprenant qu’avec une Union soviétique dans les poubelles de l’histoire depuis un quart du siècle, les États-Unis, seuls à triompher, ont été incapables d’appliquer efficacement leur écrasante puissance militaire et économique ? Je suis sûr qu’ils seraient restés sans voix en découvrant que, depuis que l’Union soviétique s’est désintégrée, les États-Unis ont été continuellement en guerre avec un autre pays (trois conflits et une lutte sans fin) ; et que je leur parlais là, aussi incroyable que cela puisse paraître, de l’Irak ; et que la mission là-bas n’a jamais été même le plus faiblement accomplie. Comment peut-on imaginer quelque chose d’aussi invraisemblable ? Et qu’auraient-ils pensé si j’avais mentionné que les autres grands conflits de l’ère post-guerre froide ont été contre l’Afghanistan (deux guerres séparées par une pause d’une décennie) et contre le relativement petit groupe d’acteurs non étatiques que l’on appelle maintenant des terroristes ? Et comment auraient-ils réagi en découvrant les résultats : échec en Irak, échec en Afghanistan et prolifération des groupes terroristes dans la plus grande partie du Moyen-Orient (y compris l’établissement d’un véritable califat terroriste) et dans de plus en plus d’endroits en Afrique ?

Ils auraient, je crois, conclu que les États-Unis avaient passé le faîte et étaient entrés dans la sorte de déclin qui, tôt ou tard, a été le sort de toutes les grandes puissances. Et si je leur dis que, dans ce nouveau siècle, il n’y a pas eu une seule action de cette armée, que les présidents des États-Unis appellent maintenant « la plus belle force de combat qu’ait jamais connue le monde », qui n’ait été autre chose qu’un lamentable échec ? Ou que les présidents, les candidats à la présidence et les politiciens de Washington sont tenus d’insister sur quelque chose que personne n’aurait eu besoin de dire, de leur temps : que les États-Unis sont à la fois une nation « exceptionnelle » et « indispensable » ? Ou que ces mêmes politiciens doivent continuellement remercier nos troupes (comme doit le faire aussi la population) pour… bon… jamais pour un succès, mais pour le seul fait d’être là et se faire mutiler, physiquement ou mentalement, ou mourir pendant que nous vaquions à nos affaires ? Ou que l’on doive toujours parler de « héros » en évoquant nos soldats ?

De leur temps, quand il était entendu qu’il y avait obligation à servir dans une armée citoyenne, rien de tout ceci n’aurait eu beaucoup de sens, et l’attitude défensive qui consiste à insister sans discontinuer sur la grandeur américaine aurait crevé les yeux. Aujourd’hui, sa présence répétitive est la marque d’une période de doute. Sommes-nous vraiment si « exceptionnels » ? Le pays est-il véritablement « indispensable » au reste du monde et si oui, en quoi exactement ? Ces troupes sont-elles vraiment nos héros et si oui, qu’ont-elles fait au juste pour que nous en soyons si diablement fiers ?

Renvoyons mes parents ébahis à leur tombe, réunissons tous ces faits, et vous avez l’ébauche d’une description d’une grande puissance sans égal en déclin. C’est une vue classique, mais une vue qui présente un problème.

Une puissance divine à détruire

Qui aujourd’hui se souvient des publicités des années 50 de ma jeunesse pour, si je me rappelle bien, des cours de dessin, et qui posaient toujours la question : « qu’est-ce qui ne va pas dans cette image ? » (Vous étiez censés remarquer les vaches à cinq pattes flottant parmi les nuages). Donc, qu’est-ce qui ne va pas dans cette image des évidents signes de déclin ? La plus grande puissance de l’histoire, avec ses centaines de garnisons dispersées sur toute la planète, ne parvient pas à appliquer efficacement sa puissance où que ce soit qu’elle envoie son armée, ou à rappeler à l’ordre par un ensemble complet de menaces, sanctions et autres, des pays comme l’Iran et la faible Russie post-soviétique, ou à éliminer au Moyen-Orient un mouvement-état terroriste modérément armé ?

Tout d’abord, regardez autour de vous et dites-moi que les États-Unis n’ont pas toujours l’air d’être une puissance unipolaire ? Je veux dire, où exactement sont ses rivales ? Depuis le quinzième ou le seizième siècle, lorsque les premiers bateaux en bois armés de canons se sont échappés de leurs eaux tranquilles et ont commencé à engloutir le monde, il y a toujours eu de grandes puissances rivales, trois, quatre ou cinq ou plus. Et aujourd’hui ? Les trois autres candidats du moment seraient censés être l’Union Européenne (UE), la Russie, et la Chine.

Certes l’UE est une puissance économique, mais quoi qu’il en soit c’est un médiocre conglomérat d’états qui se contente de suivre servilement les États-Unis et une entité qui menace de craquer aux coutures. A l’heure actuelle la Russie est de plus en plus une source de graves préoccupations pour Washington, mais elle demeure une puissance bancale toujours à la recherche de sa grandeur et de ses anciennes frontières impériales. C’est un pays qui dépend presque autant que l’Arabie Saoudite de son industrie énergétique, et qui n’a rien à voir avec une probable future superpuissance. Quant à la Chine, c’est manifestement la puissance émergente du moment et c’est officiellement le numéro 1 de l’économie mondiale. Cependant, elle n’en reste pas moins par bien des aspects un pays pauvre dont les dirigeants craignent une implosion économique dans l’avenir (ce qui pourrait bien arriver). Comme les Russes, comme tous ceux qui aspirent à être une grande puissance, la Chine cherche à peser de tout son poids sur ses voisins – actuellement l’est et le sud des mers de Chine. Et tout comme Vladimir Poutine en Russie, les dirigeants chinois sont en effet en train de moderniser leur arsenal militaire. Mais dans les deux cas le désir profond est d’émerger comme une puissance régionale avec laquelle il faut compter, et pas comme une superpuissance ou un véritable rival des États-Unis.

Quoiqu’il arrive à la puissance américaine, il n’y a aucun rival éventuel pour en endosser la responsabilité. Et pourtant, sans adversaire à leur hauteur, les États-Unis se sont montrés curieusement incapables de mettre en pratique leur puissance unipolaire et une armée qui (sur le papier) soumette tout le monde à ses volontés. Ce n’était pas l’état normal des choses pour les grandes puissances régnantes du passé. Autrement dit, que les États-Unis soient en déclin ou pas, ce récit d’ascension et de chute semble avoir atteint, après un demi-millénaire, une sorte d’impasse silencieuse et problématique.

En quête d’une explication, examinons une histoire en rapport concernant la puissance militaire. Pourquoi, dans ce nouveau siècle, les États-Unis semblent-ils incapable de remporter une victoire ou de changer des régions essentielles en places qui pourraient au moins être contrôlées ? La puissance militaire est par définition destructrice, mais dans le passé de telles forces ont souvent préparé le terrain pour l’établissement de structures locales, régionales, ou même mondiales, aussi sinistres et oppressives qu’elles aient pu être. Que la force ait toujours été destinée à briser les choses n’empêche pas qu’elle ait parfois accompli d’autres objectifs. Pour l’heure il semble qu’elle ne sache rien faire d’autre que tout casser, sinon comment expliquer qu’au cours de ce siècle, l’unique superpuissance se soit spécialisée – en Irak, au Yémen, en Libye, en Afghanistan, et ailleurs – à briser et non bâtir des nations ?

Si pendant ces 500 dernières années les empires se sont élevés puis effondrés, l’armement quant à lui n’a fait que s’élever. Au cours de ces siècles où tant d’adversaires s’affrontaient, se taillaient des empires, menaient leurs guerres, et tôt ou tard tombaient, la puissance destructive de l’armement qu’ils utilisaient a augmenté exponentiellement : de l’arbalète au mousquet, du canon au revolver Colt, du fusil à répétition au canon Gatling, de la mitrailleuse au dreadnaught, de l’artillerie moderne au tank, du gaz toxique au Zeppelin, de l’avion à la bombe, du porte-avions au missile, avec en bout de ligne, « l’arme de la victoire » de la seconde guerre mondiale, la bombe nucléaire qui allait rendre les tenants des plus grands pouvoirs et même plus tard les petits chefs, semblables aux dieux.

Pour la première fois les représentants de l’humanité avaient entre leurs mains le pouvoir de tout détruire d’une manière que seuls quelque dieu ou divinités auraient pu imaginer. Nous pouvions maintenant créer notre propre fin du monde. Mais voici la mauvaise nouvelle : cet armement qui a apporté la puissance des dieux sur la Terre n’a, d’une certaine manière, offert aucun pouvoir pratique aux dirigeants nationaux. Dans le monde de l’après Hiroshima-Nagasaki, ces armes nucléaires se seront montrées inutilisables. Car une fois lâchées sur la planète il n’y aurait plus ni ascensions, ni chutes. (Nous savons aujourd’hui, que le moindre échange nucléaire entre deux non moindres petites puissances pourrait, à cause de l’hiver nucléaire engendré, être fatal à la planète).

Le développement de l’armement dans une période de guerre limitée

Dans un certain sens, la seconde guerre mondiale pourrait être considérée comme l’instant ultime pour les récits de propagande à la fois de l’empire et de l’armement. Elle aura été la dernière « grande » guerre dans laquelle des puissances dominantes pouvaient lancer tout l’arsenal dont elles disposaient, dans leur quête de la victoire finale et de la réorganisation finale de la planète. Il en est résulté une destruction inouïe de vastes zones du globe, la mort de dizaines de millions de gens, la réduction de grandes cités à l’état de gravats et d’innombrables personnes à l’état de réfugiés, la création d’une structure industrielle pour perpétrer un génocide, et enfin la construction de ces armes de destruction définitive, ainsi que les premiers missiles qui deviendraient un jour leurs vecteurs indispensables. Et de cette guerre ont émergé les derniers rivaux de l’époque moderne – dont le nombre s’est ensuite réduit à deux : les « superpuissances ».

Ce mot même de superpuissance portait quasiment en lui la fin de l’histoire. Il faut se le représenter comme le jalon d’une nouvelle ère, puisqu’on avait quitté le monde des « grandes puissances » pour aller vers quelque chose de presque indicible. Tout le monde le percevait. Nous entrions alors dans le règne de « la puissance au carré », ou de la force multipliée dans de telles proportions qu’elle atteignait à la « superpuissance » – comme celle qu’on entent dans le terme « surhumain ». Ce qui a effectivement fait de ces puissances des superpuissances était tout à fait évident : les arsenaux nucléaires des États-Unis et de l’Union soviétique, c’est-à-dire leur capacité potentielle de destruction qui était sans précédent et qui pouvait être définitive. Ce n’est pas par un pur hasard si les scientifiques qui ont conçu la bombe H en parlaient comme ébahis, en la qualifiant de « super bombe » ou simplement de « la super ».

L’inimaginable s’était produit. Il s’est avéré qu’il pouvait exister une pareille chose qu’un pouvoir trop grand. Ce qui a été nommé lors de la seconde guerre mondiale « guerre totale », la pleine utilisation de la puissance d’un grand état dans le but de la destruction d’autres états, n’était plus concevable. La Guerre Froide a mérité son nom pour une bonne raison. Un conflit ouvert entre les États-Unis et l’URSS ne pouvait pas éclater, tout comme était inconcevable que s’ouvre une nouvelle guerre mondiale – éventualité que la crise des missiles cubains nous a fait toucher du doigt. Leur puissance ne pouvait s’exprimer que « dans l’ombre », ou dans des conflits restreints aux « périphéries ». Les puissances se retrouvaient, de manière plutôt inattendue, pieds et poings liés.

Cela se refléta rapidement dans la terminologie militaire américaine. A la suite de la frustration de l’impasse coréenne (1950-1953), une guerre dans laquelle les États-Unis se sont retrouvés dans l’incapacité d’utiliser la plus puissante de leurs armes, Washington a adopté un nouveau langage pour le Vietnam. Ce conflit était destiné à rester une « guerre limitée ». Et cela signifiait une chose : l’arme atomique serait exclue.

Pour la première fois, il semblait que le monde se trouvait face à une sorte de surabondance de puissance. Il n’est pas déraisonnable de supposer que, dans les années qui suivirent la fin de l’impasse qu’était la Guerre Froide, la réalité a en quelque sorte fui le domaine nucléaire pour s’infiltrer dans les autres aspects de la guerre. Dans ce mouvement, la guerre entre grandes puissances se trouvait limitée de nouvelles manières, tout en étant en quelque sorte réduite à ses aspects destructeurs et à rien de plus. Il a semblé soudain qu’elle ne recelait plus d’autre possibilité – ou du moins c’est ce que suggère l’attitude de l’unique superpuissance de ces années-là.

On peut difficilement dire que le vingt-et-unième siècle ait vu la fin de la guerre et des conflits, mais quelque chose a supprimé l’efficacité normale de la guerre. Le développement des armes n’a pas cessé non plus, mais les armements de haute-technologie les plus récents se révèlent à notre époque curieusement inefficaces. Dans ce contexte, l’insistance actuelle à produire des « armes de haute précision », non plus le tapis de bombes des B52 mais une capacité de frappe « chirurgicale » au moyen de JDAM [Joint Direct Attack Munition, un système de guidage des bombes par GPS, NdT], devrait être pensé comme l’arrivée de la « guerre limitée » dans le domaine du développement des armements.

Le drone, parmi ces armes de précision, en est un exemple frappant. Malgré leur penchant à produire des « dommages collatéraux », il ne s’agit pas d’une arme de massacre indiscriminé du style de ceux de la seconde guerre mondiale. De fait, ils ont été utilisés avec une certaine efficacité pour lutter contre les dirigeants de groupes terroristes dans une espèce de jeu de la taupe en abattant les chefs ou lieutenants les uns après les autres [Le jeu de la taupe est un jeu d'arcade dont le but est de taper avec un marteau en plastique sur la tête de taupes au fur et à mesures qu'elles sortent des trous, NdT]. Pourtant, tous les groupes contre lesquels ils ont été utilisés n’ont fait que proliférer, gagnant en puissance (et en brutalité) au cours de ces mêmes années. Pour le dire autrement, cela s’est avéré un excellent outil pour étancher une soif de sang et de revanche, mais pas pour faire de la politique. En fait, si la guerre est de la politique par d’autres moyens (comme le prétendait Carl von Clausewitz), la vengeance ne l’est pas. Personne ne devrait donc s’étonner de ce que les drones n’aient pas mené une guerre efficace contre la terreur, mais plutôt une guerre qui semble encourager la terreur.

Il nous faut ici ajouter un point : cette surabondance de pouvoir mondial s’est également accrue exponentiellement d’une autre manière. Durant ces années, le pouvoir destructeur des dieux s’est abattu sur l’humanité une seconde fois, avec ce qui pouvait sembler la plus paisible des activités : la combustion d’énergies fossiles. Le changement climatique promet aujourd’hui une version ralentie de l’apocalypse nucléaire, en accroissant la pression sur les sociétés et en accélérant leur fragmentation, tout en introduisant de nouvelles formes de destruction dans nos vies.

Qu’est-ce que je comprends à tout cela ? Pas grand-chose. Je fais juste de mon mieux pour parler de ce qui est évident : que le pouvoir militaire ne semble plus agir comme il le faisait auparavant sur la planète Terre. Sous différentes menaces apocalyptiques, quelque chose semble s’être brisé, quelque chose semble se fragmenter, et avec cela les histoires qui nous étaient familières – les cadres familiers qui nous permettaient de penser à comment tournait le monde – perdent de leur efficacité.

Peut-être le déclin sera-t-il l’avenir de l’Amérique, mais sur une planète poussée aux extrêmes, ne comptez pas trop que cela se produise de la manière habituelle, par la naissance et le déclin des grandes puissances – ou même des superpuissances [L'auteur fait allusion au célèbre ouvrage de l'historien britannique des relations internationales Paul Kennedy, publié en 1989, intitulé Naissance et déclin des grandes puissances, NdT]. Il se passe quelque chose d’autre sur la planète Terre. Tenez-vous prêt.

Source : Tom Dispatch, le 02/07/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/lenigme-de-la-superpuissance-par-tom-engelhardt/