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Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Merkel)

Wednesday 13 May 2015 at 00:06

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche : Présidence de la Fed: “Janet Yellen est une idiote !”- 11/05

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (1/2): Hausse des taux obligataires: “Pour l’instant, ça ne se traduit pas dans les chiffres” – 11/05

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (2/2): Économie:” Aujourd’hui on vient d’avoir la preuve que les américains sont en récession” – 11/05

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : “Les banques centrales jouent aux apprentis-sorciers !” – 06/05

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (1/2): Hausse des taux obligataires: se dirige-t-on vers un krach ? – 06/05

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (2/2): Le risque politique lié aux élections stresse les marchés – 06/05

Bilan Hebdo: Philippe Béchade et Jean-Louis Cussac – 08/05

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : “Nous sommes à l’aube d’une nouvelle crise dans la zone euro” – 12/05

Les points sur les “i” : Jacques Sapir: Hausse des taux obligataires, “un des premiers effets du QE de la BCE ” – 12/05

IV. Merkel

Une députée allemande qui ose enfin dire la vérité sur Angela Merkel et sa politique pro-américaine

Dans un discours prononcé le 26 novembre 2014 au Bundestag, Mme Wagenknecht (Députée socialiste allemande) a vivement critiqué la politique pro-américaine menée par Angela Merkel.


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-13-05-2015/


[Si, si...] Emmanuel Macron en flagrant délit d’apologie du thatchérisme…

Tuesday 12 May 2015 at 00:01

Franchement, il m’épate, mais il m’épate…. !

Sérieusement, qu’il y ait encore des gens qui se considèrent comme non libéraux pour voter PS, c’est à désespérer de l’humanité…

Emmanuel macron est intervenu dans une émission de la BBC consacrée à la France, où il a confié ses regrets que notre pays n’ait pas suivi l’exemple des réformes années Thatcher. [...]

Florilège :

« Quand on compare [la France] avec le Royaume-Uni dans les années 80, la grande différence est que nous n’avons pas assuré [les réformes] à l’époque. Les Français se rendent compte que les autres ont décidé de changer et que nous sommes les seuls à ne pas réformer notre propre système. »

« Je pense que les gens pensent que nous avons besoin de réformes. Nous voulons faire des réformes, alors nous allons faire des réformes. »

« Les Français sont totalement en ligne avec notre volonté de réformer le pays. Et quand ils ne sont pas contents, c’est parce que nous ne le réformons pas assez. »

« Les Français sont extrêmement attachés à leur modèle social. Si nous voulons qu’il soit durable dans cette mondialisation, nous devons gagner, nous devons nous réadapter. »

« Si vous réformez, si vous expliquez, si vous êtes décidé, si vous êtes leader, il n’y a pas de place pour le Front national. Notre erreur est de ne pas avoir assez expliqué que la mondialisation peut être une opportunité si elle est bien gérée. »

« On ne commence jamais un match de football en pensant qu’on va perdre. »


Emmanuel Macron, les réformes et le thatchérisme par regards_TV

La vidéo en question (vous pouvez mettre les sous-titres en cliquant sur CC puis FR)

Source : Jérôme Latta ; à lire en entier sur Regards, le 25 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/emmanuel-macron-en-flagrant-delit-dapologie-du-thatcherisme/


La vision d’un des créateurs de l’euro : nostalgie de la “dureté de vivre” et châtiments du ciel…

Tuesday 12 May 2015 at 00:00

Reprise d’un article du blog de Coralie Delaume

Le billet ci-dessous a pour but d’inaugurer une petite série de papiers relatifs à l’histoire de la construction européenne et à ses acteurs. Nous le devons à Frédéric Farah, un économiste ami de L’arène nue, dont on peut lire une interview ici (en duo avec Thomas Porcher) au sujet du TAFTA. 

Ce papier se compose :
– de la traduction d’une tribune écrite par l’un des concepteurs de l’euro, Tomaso Padoa Schioppa dans le journal italien Corriere della Sera en 2003. Certaines formules y sont saisissantes et révèlent assez bien les arrières pensées qu’eurent en leur temps les inventeurs de la monnaie unique. Des pensées de type religieux (glorification de la dureté de la vie et des châtiments du destin dans un but purificateur ou rédempteur) et répressives. C’est pourquoi il était intéressant de  traduire et de publier ce texte.
– d’un rapide rappel du contexte dans lequel a été écrite la tribune (nous sommes en 2003, la France et l’Allemagne viennent de s’affranchir des règles fixées dans le Pacte de stabilité et de croissance).
– d’un portrait du bonhomme (Padoa Schioppa).

Ce rappel historique a, au passage, le mérite de rappeler que l’Allemagne ne fut pas toujours – loin de là – le pays budgétairement vertueux que l’on nous présente….

Contexte entourant la tribune de Padoa Schioppa

L’année de l’écriture de l’article est importante dans la construction européenne puisque c’est la première crise sévère que traverse le pacte de stabilité et de croissance de 1997 qui prévoyait de limiter les déficits à 3% et la dette à 60% du PIB.

En 2002 la commission européenne a proposé de prescrire à l’Allemagne et au Portugal un avertissement préventif pour risque de déficit budgétaire excessif, le Conseil suite à l’intense lobbying de l’Allemagne auprès de ses partenaires, repousse cette proposition.

Comme la dégradation des finances publiques s’est poursuivie, la Commission engage une procédure de déficit excessif à l’encontre de l’Allemagne le 21 janvier 2003 et de la France , le 3 juin 2003. Le conseil ECOfin malgré l’absence de mesures significatives en matière de réduction de déficits décide le 25 novembre 2003 de suspendre les procédures engagées vis-à-vis de l’Allemagne et de la France qui en étaient au stade de la prise de sanctions pour violations durables du pacte.

Une crise se déclenche alors au sein du Conseil opposant la France et l’Allemagne d’un côté et les petits pays dits plus vertueux, entre le conseil et la Banque Centrale qui a maintenu en représailles une politique monétaire peu accommodante et enfin entre le Conseil et la Commission. La Cour de justice est saisi qui en 2004 annule la suspension de procédure tout en indiquant que le Conseil dispose d’un pouvoir d’appréciation des propositions de la Commission.

En 2005 le pacte originel est modifié pour tenir compte des circonstances économiques, comme une grave récession économique. Le gouvernement de l’Europe par la règle a été un échec, la crise de 2008- 2009 l’a illustré avec force. Pourtant l’union européenne persiste actuellement dans cette voie….

 

Tribune de Tomaso Padoa Schioppa, Corriere della Sera, 26/08/2003

Des mesures structurelles difficiles mais obligatoires : retour à la réalité pour Berlin et Paris

« Les gouvernements de la France et de l’Allemagne semblent avoir choisi désormais sans réserve la voie de ce que le jargon économique nomme les réformes structurelles. Non ne savons pas s’ils iront jusqu’au bout. Mais si nous plaçons ce choix en perspective, nous pouvons en comprendre la signification historique et prendre le risque d’une prévision.

Il y a seulement six ans la France et l’Allemagne s’inscrivaient avec force dans le noyau des pays en règle sur tout : inflation et équilibre budgétaire, directives européennes et stabilité politique.

En réalité les graines de la difficulté étaient déjà en train de mûrir. L’Allemagne avait gagné depuis des années même des décennies, combinant la qualité de ses produits industriels (qui achète une Mercedes ne s’occupe pas du prix), avec une forte stabilité des prix. Les périodiques réévaluations du mark récompensaient cette combinaison et y contribuaient, parce que ce sont elles qui contrôlaient l’augmentation des prix.

La France quant à elle après la dévaluation de 1983, avait décidé avec une ferme détermination de faire comme « le meilleur de l’Allemagne » c’est à dire un très sévère contrôle des salaires année après année pour plus de compétitivité, favorisant ainsi la croissance.

Mais le succès de l’élan français contribua à affaiblir la position gagnante de l’Allemagne. En 1992-1993 refusant la dévaluation par rapport au mark, la France s’est interdit ainsi de retourner à un vieux mal (note du traducteur les dévaluations).

Dans la dernière décennie les deux parcours sont devenus impraticables.

Avant tout pour l’Allemagne, obérée par les coûts de la réunification allemande et de la perte de l’avantage du premier de la classe. Mais aussi pour la France qui vit s’épuiser les marges de la désinflation compétitive.

Quand la course de l’économie américaine cessa de faire croître tout le monde les défauts de chacun devinrent évidents et le besoin d’y remédier devint urgent.

La France et Allemagne se retrouvèrent avec un chômage et des déficits publics pesants ; de maitres sévères de la stabilité ils devinrent des élèves qui ne firent pas leur travail à la maison.

Ils ne restaient plus que les réformes structurelles : celles que Luigi Einaudi nommaient ses prêches inutiles : laisser fonctionner le marché en limitant l’intervention publique au strict respect des lois économiques et des critères de la compassion publique.

Dans l’Europe continentale un programme complet de réformes structurelles doit aujourd’hui prendre place dans le champ des retraites, de la santé, du marché du travail de l’école et dans bien d’autres.

Mais elles doivent être guidées par un unique principe : réduire le niveau des protections qui au cours du 20eme siècle ont progressivement éloigné l’individu du contact direct avec la dureté de vivre, avec les revers de fortune, avec la sanction ou la récompense de ses défauts et qualités.

Cent ou cent cinquante ans plus tôt le travail était une nécessité ; la bonne santé un don de Dieu, la prise en charge des personnes âgés, une action relavant de la piété familiale, la promotion de carrière une reconnaissance du mérite, le diplôme et l’apprentissage le résultat d’un métier et un investissement coûteux.

La confrontation de l’homme avec la difficulté de la vie était ressentie depuis les temps antiques, comme la preuve de l’habilité et de la chance.

Cette confrontation appartient désormais au domaine de la solidarité des individus envers l’individu besogneux et ici réside la grandeur du modèle européen.

Mais celui-ci a dégénéré dans un ensemble de droits, qu’un individu paresseux sans devoirs ni mérite revendique auprès de l’État.

L’Allemagne et France sont des pays à la structure étatique forte, conscients d’eux même et soutenus par classe dirigeante attentive à l’intérêt général. Dans les deux cas, le modèle de société, le même pour l’Italie, a besoin de courageuses et différentes transformations et dans certains cas plus grandes que celles qui échoient à l’Italie. Les difficultés seront très importantes. Mais il n’est pas difficile de penser que une fois la voie engagée, ces deux pays ne sachent la parcourir avec détermination. »

____

Au sujet de Tommaso Padoa Schioppa

Le sourire engageant de Padoa Schioppa

Tommaso Padoa Schioppa (1940-2010) est un nom peu connu du grand public mais il est une figure centrale de la construction européenne. De formation, c’est un économiste issu de l’université Bocconi de Milan dont les orientations libérales, sont assez connues. L’ex président du conseil et ex Commissaire à la concurrence Mario Monti a été lui aussi diplômé de cette prestigieuse institution.

Padoa Schioppa a été ministre de l’économie et des finances du gouvernement de Romano Prodi de 2006 à 2008 et membre du directoire de la Banque centrale européenne. Entre autres fonctions, il a été membre du FMI et nommé au conseil d’administration de FIAT Industrial. Une fonction qu’il n’a pas eu le temps d’exercer. Il peut être considéré comme le père fondateur de la monnaie unique. Certains l’ont qualifié de «  force d’impulsion intellectuelle » de l’euro.

Comme le souligne l’historien Perry Anderson dans son ouvrage « le nouveau vieux monde » «  le rôle croissant de l’Italie, qui s’impose comme une troisième force dans les affaires de la Communauté (années 1980), est un trait caractéristique de ces années là. Le rapport sur l’Union économique et monétaire de 1989, qui a jeté les bases de ce qui allait devenir le traité de Maastricht, a été rédigé par un Italien, Tommaso Padoa Schioppa, le plus fervent partisan d’une monnaie unique, et c’est à l’initiative d’une autre italien Andreotti qu’est ajoutée à la dernière minute au traité la limite de 1999….. ».

Pour retracer la généalogie économique de cette monnaie unique, il faut faire retour sur l’apport de Padoa Schioppa à la naissance de la monnaie unique. Il publie un rapport important en 1987 «  efficacité, stabilité, et équité, une stratégie pour l’évolution du système économique de la Communauté européenne » en s’appuyant sur la théorie de l’économiste Mundell (impossibilité d’avoir dans le même temps change fixe, libre circulation des capitaux et indépendance des politiques monétaires et libre échange). Pour lui, l’Union monétaire n’est pas une option mais une obligation car dans un espace financier européen, le marché unique provoque un accroissement des flux de devises donc la pression sur la monnaie des pays déficitaires. Selon lui, l’absence d’une monnaie unique va réduire dans le cadre du marché unique les marges de manœuvre des pays déficitaires. Lorsqu’on connait la suite on mesure encore plus l’échec du projet.

Un choix s’impose alors : si on veut préserver des politiques monétaires autonomes et le système monétaire européen alors il faut abandonner le marché unique.

Mais si le grand marché est conservé, la solution à la volatilité des changes est la renonciation à la souveraineté monétaire donc admettre la nécessité d’une monnaie et d’une banque centrale uniques. C’est la solution de notre économiste italien.

En avril 1989 le comité Delors suit les recommandations de Padoa Schioppa et propose un plan menant à une Union économique et monétaire. Tommaso Padoa Schioppa travaille alors à la conception de la banque centrale européenne dont il devient l’un des premiers membres du comité exécutif. Il y restera de 1998 à 2005.

Jacques Delors en 2011 affirme à son sujet «  la pensée et l’action telle est la réflexion première qui me vient à l’esprit lorsque j’évoque Tommaso Padoa Schioppa. La pensée est assise sur une culture exceptionnelle allant de l’histoire à l’économie sans oublier la science politique et donc l’art de gouverner et les exigences démocratiques ».

C’est dire l’importance du personnage dans la naissance de la monnaie unique. L’article écrit dans le « Corriere della Sera » révèle de manière assez nette une orientation profonde celle de la déconstruction de l’Etat social sous les coups de butoir des réformes structurelles. Ce programme est porté par le traité de Maastricht mais aussi par la stratégie de Lisbonne de mars 2000. La crise à l’œuvre depuis 2009 donne une fenêtre d’opportunité pour l’application brutale de ces réformes et pour le dire avec les mots de l’auteur et de «réduire le niveau des protections qui au cours du 20eme siècle ont progressivement éloigné l’individu du contact direct avec la dureté de vivre, avec les revers de fortune, avec la sanction ou la récompense de ses défauts et qualités. »

Voilà le projet contenu dans l’euro et la Grèce devient l’avant-poste de ce qui doit devenir la norme pour le futur. En somme la Grèce est le laboratoire de l’Europe de demain pour ne pas dire d’aujourd’hui.

Source : Frédéric FarahL’Arène Nue, le 6 mai 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/nostalgie-de-la-durete-de-vivre-et-chatiments-du-ciel/


[Il est Charlie...] Le monde rêvé d’Eric Ciotti…

Monday 11 May 2015 at 01:15

“La manifestation a été tout sauf antimusulmane. Au contraire, elle était fraternelle. Son message était clair : «On fait tous partie (même si c’est en partie faux) de la même communauté nationale, qui est républicaine» et «ce sont les valeurs républicaines qui nous tiennent ensemble», et non pas telle ou telle opinion politique, telle ou telle croyance. C’est la république qui est le cœur de l’affaire.” [Laurent Joffrin, Libération, 06/05/2015]

« Il faut traquer les imams radicaux », Eric Ciotti, député UMP des Alpes-Maritimes (13/01/2015)

Nice (Alpes-Maritimes), samedi. Pour Eric Ciotti (au centre), « Tout le monde a bien pris conscience qu’il y aurait un avant et un après-7 janvier 2015. »

Nice (Alpes-Maritimes), samedi. Pour Eric Ciotti (au centre), « Tout le monde a bien pris conscience qu’il y aurait un avant et un après-7 janvier 2015. » (Photopqr/Nice-Matin/Laurent Carre.)

Le député Niçois Eric Ciotti, secrétaire national chargé des questions de sécurité à l’UMP, est partisan de la ligne ferme.

Quelles leçons tirez-vous des grandes manifestations de ce week-end ?

ERIC CIOTTI. La mobilisation a été formidable.

Impressionnante par sa force et sa dignité. Dans toutes les rues de France, et notamment à Paris, nous avons assisté à la révolte d’une nation qui refusera toujours de céder au terrorisme. Il y avait de l’émotion, de la douleur, mais aussi une forme de colère et de volonté. Tout le monde a bien pris conscience qu’il y aurait un avant et un après-7 janvier 2015. On ne pourra vraiment plus jamais raisonner de la même façon.

Que proposez-vous ?
D’une façon générale, je pense que nous pouvons parvenir à un consensus politique sur au moins deux questions : l’augmentation des moyens humains et budgétaires pour nos dispositifs de protection et l’augmentation des moyens de la Défense nationale concernant les opérations extérieures. Pour le reste, ce sera peut-être un peu plus compliqué, et les clivages reprendront probablement le dessus. Personnellement, je suis favorable au principe de rétention de sûreté pour les terroristes et à l’installation de centres de rétention qui accueilleraient les personnes à risques.

Cela concernerait qui ?
Soit des individus qui ont déjà purgé leurs peines mais présentent toujours une extrême dangerosité. Soit des gens à qui on ne peut rien reprocher sur le plan pénal mais dont on connaît les engagements radicaux et la menace potentielle qu’ils représentent. Soit encore des combattants qui ont fait le jihad et rentrent de pays étrangers comme l’Irak et la Syrie. La décision de placement serait prise par le parquet antiterroriste et les préfets. On pourrait s’inspirer du modèle que l’on applique aux malades psychiatriques lorsque l’on juge qu’ils sont dangereux pour la société.

Vous présidez une commission d’enquête parlementaire sur les filières jihadistes. Comment contrer ce phénomène ?
La loi sur le renseignement doit afin aboutir pour donner plus de latitude aux services. Il faut notamment que les dispositifs d’interception (données téléphoniques, fichiers informatiques) soient élargis. Nous devrons également aborder la question de l’organisation du culte musulman et la création d’un organe de contrôle des imams de France. Il faut traquer les radicaux, ceux qui incitent au jihad. Pêle-mêle, il faudra aussi se pencher sur la radicalisation en prison et la question de l’aménagement des peines. On a trop longtemps opposé, de manière un peu naïve, liberté individuelle et sécurité. J’estime que la seconde est garante de la première. Notre pays a été attaqué. On lui a déclaré la guerre. Nous n’avons pas d’autres solutions que de la gagner. Mais, pour cela, il faut s’en donner les moyens.

Source : Le Parisien, le 13 janvier 2015.


“Salut les terriens” sur Canal + : Éric Ciotti ignoble sur l’islam et l’immigration, 10/05/2015

Je rappelle qu’Eric Ciotti est député UMP, Président du conseil départemental des Alpes-Maritimes et, cerise sur le gâteau, secrétaire national de l’UMP aux questions de sécurité….

LE PLUS. Invité de Thierry Ardisson sur Canal Plus, le député des Alpes Maritimes est parvenu à être plus islamophobe encore que son collègue Christian Estrosi. Une performance ignoble de bout en bout estime notre chroniqueur Thierry de Cabarrus. Décryptage.

Éric Ciotti, invité sur le plateau de "Salut les Terriens" le samedi 9 mai 2015. (Capture d'écran Canal Plus)

Éric Ciotti, invité sur le plateau de “Salut les Terriens” le samedi 9 mai 2015. (Capture d’écran Canal Plus)

Il y a chez Éric Ciotti quelque chose d’ignoble, qui consiste à dire les pires horreurs avec l’accent chantant niçois et une sérénité aussi lisse que son crâne chauve.

Ainsi, samedi 9 mai dans l’émission “Salut les terriens” (à 8 min 18, partie 2) , a-t-il déroulé une série de mesures iniques destinées à montrer aux électeurs qu’en matière de lutte contre l’islam, l’immigration et la délinquance, l’UMP n’avait rien à envier à Marion Maréchal-Le Pen, la candidate du FN pour les régionales en Paca.

Ratisser le plus large possible

Sans aucun doute, Éric Ciotti est parvenu à nous convaincre que son patron, Nicolas Sarkozy, était prêt à tout pour ratisser le plus large possible. Y compris à encourager le député des Alpes Maritimes à dire n’importe quoi pourvu qu’il fasse peur et qu’il recueille le maximum d’électeurs d’extrême droite dans l’escarcelle de l’UMP.

On pouvait se demander, en écoutant Éric Ciotti multiplier les appels à l’islamophobie et au repli sur soi, ce qu’il pouvait y avoir de commun entre un Alain Juppé qui se veut humaniste et ce partisan outrancier de “l’autorité” (du nom du livre qu’il venait présenter à “SLT”), à part le sigle UMP.

Et l’on se prenait à penser que décidément, le futur nom du parti, “Les Républicains”, ne s’appliquait pas à tout le monde de la même façon.

Le rejet de l’islam, “valeur” de l’UMP

Prenez par exemple la phrase la plus dégueulasse (la “troisième guerre mondiale” déclenchée par “l’islamofascisme contre ‘la civilisation judéo-chrétienne’”) prononcée par Christian Estrosi qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas son copain : eh bien non seulement il la reprend à son compte sans ciller, mais il la justifie.

En gros, dit-il (pas de finesse là dedans), l’UMP doit dénoncer en vrac le communautarisme, l’immigration et l’insécurité au nom de la défense de la civilisation judéo-chrétienne pervertie par l’étranger musulman, car ce rejet de l’islam et de la communauté qui s’en réclame, ce sont les “valeurs” de l’UMP.

Et après avoir balancé son paquet bien odorant, voilà qu’Éric Ciotti s’autorise un gros clin d’œil en disant clairement que tout ça, c’est de la stratégie électorale, et qu’il ne faut pas “laisser le monopole des idées” (sic) au Front national.

Il propose des prisons payantes

Il faut s’accrocher, car ce samedi soir, ça pue vraiment chez Thierry Ardisson. Et ce n’est pas fini.  Le secrétaire général adjoint de l’UMP en charge de la sécurité est là pour dérouler son programme ultra droitier en matière d’autorité. Alors, nous voilà servis avec son service citoyen pour les délinquants, son service national obligatoire pour tous les jeunes, son dépistage de la drogue au lycée, sans oublier ses prisons payantes (17 euros par nuit !) et payées par les détenus eux-mêmes.

À chaque proposition plus délirante que la précédente, Éric Ciotti dégaine un sourire modeste destiné à faire passer la pilule chez le téléspectateur sidéré. Mais l’on n’a pas encore tout entendu, car dans le domaine de la proposition bête et méchante, il a de la ressource, l’invité politique de “SLT”.

Il veut supprimer les aides sociales

Ainsi, pour juguler l’immigration, nous dit-il avec un cynisme serein, il suffit tout bonnement à la France d’abandonner son modèle social beaucoup trop généreux :

“Il faut que le modèle soit moins attractif parce qu’aujourd’hui, ceux qui viennent dans notre pays pour des raisons économiques ne peuvent plus trouver un travail, pour l’essentiel, et ils ne peuvent pas y trouver un logement. Donc c’est une illusion que de laisser croire à des personnes qui sont déjà en immense difficulté que sur le continent européen, on va leur apporter plus. Donc, il faut que le modèle social soit moins attractif…”

Voilà qui vient compléter la proposition ahurissante de Laurent Wauquiez qui, lui, vise les assistés de souche et qui veut, lui aussi, détruire le modèle social français.

Et comme si Éric Ciotti n’était pas lui même convaincu par ses propres arguments (“il faut aider ces pays à se développer, à croître, à créer des emplois” pour stopper l’immigration en amont), voilà qu’il propose une solution encore plus radicale : couler les bateaux des passeurs en envoyant une force militaire pour les détruire, rien que ça !

La laïcité, cache sexe de l’islamophobie

En matière de religion, de sécurité, d’immigration, Éric Ciotti vomit ses solutions les unes après les autres avec une componction et une sincérité allumée digne d’un prêcheur en chaire des années 1950 promettant à ses ouailles les feux de l’enfer.

Sauf qu’on est en 2015 et que ce discours manichéen fondé sur la peur doit être dénoncé sans relâche, pour ce qu’il offre de nourriture au racisme, à l’islamophobie et au bout du compte, au Front national.

Dans sa logorrhée effrayante, Ciotti cite en vrac le voile, la burqa, nos modes de vie, notre culture, notre identité, notre civilisation menacés, mais aussi l’impunité des délinquants, le laxisme de Christiane Taubira et la laïcité, ce cache sexe très pratique pour l’islamophobie d’aujourd’hui.

Décidément, samedi 9 mai, Éric Ciotti, l’évangéliste austère de l’UMP a bien fait son boulot de propagandiste toxique au service de son dieu Sarkozy. Et longtemps après son départ, demeure dans son sillage un fumet méphitique sur le plateau de “Salut les terriens”.

Source : Thierry de Cabarrus, pour L’Obs/Le Plus, le 10 mai 2015.


Parce que le “Charlie” Eric Ciotti, c’est encore mieux en tweets…

 

 

 

Ben tu m’étonnes, c’est surtout qu’au FN 06, ils n’ont jamais pu trouver des candidats encore plus extrémistes que les potes à Ciotti…

Mais bon, les républicains (ah flute, il va falloir l’appeler comme ça bientôt) veillent…

Bravo les djeunses, vous irez loin !

Rappelons la forte mobilisation lors de la manifestation du 11 janvier à Nice (patrie de l’anti-islamophobie bien connue…)

où notre gnome providentiel figurait bien entendu en 1ère place :

à tel point qu’en ce 10 mai, 4 mois après, la photo de la manif orne toujours son compte twitter :

et qu’il jour donc au chien de garde de Charlie :

le rappeur avait dit :

Vous étiez Charlie au moment des attentats ?

Non. J’étais ni Charlie ni pas Charlie. Je comprends l’indignation des gens après l’attentat, je comprends aussi l’indignation de certains musulmans qui se sont sentis insultés par un journal, même si je ne cautionne pas un tel attentat. Mais « Charlie Hebdo » a pris des risques. Quand tu t’attaques à une religion, tu sais que des extrémistes peuvent réagir ainsi.

La liberté d’expression signifie quelque chose pour vous ?
Oui, mais il y a une différence entre la liberté d’expression et l’insulte. Tu peux me critiquer, critiquer mon disque. Mais si tu me dis : « T’es qu’une merde », attends-toi à te prendre une tarte. Et là, ils ont dit : « Le Coran c’est de la merde. »

[...] “Quand on joue avec le feu, on se brûle”, rappelle la star du rap français. [...] Dans la vie, il faut assumer ses choix. Si tu habites en Australie au bord d’une plage infestée de requins blancs [...] que tu le sais et que tu continues à te baigner tous les jours, le jour où tu te fais croquer par un requin blanc, il faut assumer.” [...] “Ils savent à qui ils ont affaire, les mecs. Ils s’attaquent à l’islam, ils savent très bien qu’il y a un courant extrémiste, ils savent très bien comment les mecs fonctionnent, ils ont pris le risque de continuer à les attaquer”, poursuit-il, reprenant à son compte les arguments des anti-Charlie.

Et le rappeur d’ajouter : J’étais étonné que ça ne soit pas passé avant, parce que ce n’est pas la première fois qu’ils avaient fait des représentations du prophète.”

Ciotti a donc bondi : ”Ces propos sont intolérables, indignes, honteux, a continué le député des Alpes-Maritimes, (…) J’attends que le Parquet de Paris engage des poursuites contre ce triste personnage.”

Un bel esprit Charlie…

Du coup il a défendu Valls contre Todd :

(quoi que, c’était peut-être pour défendre Pétain, notez, je ne sais pas…)

On retrouve les mêmes mots que Jean Quatremer… (ah, ces passionnés de la liberté d’expression)…

À suivre, donc !

P.S. : je vous rappelle que le Eric Ciotti existe aussi en version maire dans le 06 :

Source: http://www.les-crises.fr/le-monde-reve-d-eric-ciotti/


Chez les gendarmes à 9 ans pour une querelle d’école…

Monday 11 May 2015 at 00:50

J’aime de plus en plus mon pays, on sent qu’il glisse sur une jolie pente…

Florence et Patrick Moreau sont indignés par le sort qui a été réservé à leur fils Jordan, aujourd'hui traumatisé par son audition chez les gendarmes./Photo DDM, Michel Viala

Florence et Patrick Moreau sont indignés par le sort qui a été réservé à leur fils Jordan, aujourd’hui traumatisé par son audition chez les gendarmes./Photo DDM, Michel Viala

Jordan a été entendu, mardi après-midi, à la gendarmerie de Saint-Lys, parce qu’il avait tiré les cheveux d’une camarade de classe dont il était amoureux. Ses parents sont consternés…

En pleurs et tellement traumatisé qu’il ne veut plus revenir à l’école… Le petit Jordan, 9 ans, vit un véritable cauchemar dont ses parents ont beaucoup de mal à lui expliquer les ressorts.

«Il a eu droit au même traitement qu’un criminel pour une banale histoire de gamins et de cour d’école», s’indigne son père, Patrick Moreau, qui n’en revient toujours pas du sort que l’on a réservé à son fils. Mardi après-midi, Jordan a été convoqué avec sa famille à la gendarmerie de Saint-Lys pour répondre d’une plainte déposée par la mère d’une de ses camarades de classe. «Je pensais que c’était une affaire classée, confie Patrick Moreau. Il y a une quinzaine de jours, l’école nous avait téléphoné pour nous faire part de l’incident en nous disant qu’il y avait eu un petit souci et nous avions réprimandé Jordan pour son comportement». Son comportement ? Une réaction violente dans la cour de l’école contre «son amoureuse» de CM1. Trois gifles et des cheveux tirés.

«Il n’avait jamais fait ça, raconte son père. Apparemment, sa petite copine lui a dit qu’elle avait quelqu’un d’autre et qu’elle ne voulait plus de lui et Jordan a mal réagi. C’est une querelle comme on en voit souvent dans les cours de récréation. Un coup je t’aime, un coup je t’aime plus». Mais la mère de la victime ne l’a pas entendu de cette oreille. Et Jordan a été interrogé pendant une demi-heure par un gendarme. «On a vu qu’il était très mal à l’aise, mais il ne faisait que son boulot,

Ses collègues de juillet 1942 aussi je pense… Mais bon, c’est le boulot, hein…

constate Florence Moreau, la mère de Jordan, entendue elle aussi après son fils. Il nous a dit qu’un article de loi était sorti et que la gendarmerie était tenue de prendre toutes les plaintes qui lui étaient soumises. Au final, on a perdu deux heures pour régler une histoire de tirage de cheveux, c’est aberrant».

Jordan est sorti de cette audition en pleurant, impressionné par les conséquences de son geste. «C’est vraiment n’importe quoi, peste Patrick moreau, il n’y a même pas eu de blessures et l’école, qui est vraiment bien, avait eu, je crois, la réaction nécessaire et suffisante». Côté gendarmerie, on se borne à préciser que la plainte a été instruite conformément à la loi et que toutes les parties, directrice de l’établissement comprise, ont été entendues. «On nous a dit qu’il fallait maintenant attendre la décision du procureur pour savoir s’il donnait suite à la plainte ou pas, s’inquiète Patrick Moreau. La décision ne s’est pas fait attendre. Hier soir, le parquet des mineurs de Toulouse a décidé de classer l’affaire. Mais Patrick Moreau, qui a pris les conseils d’un avocat, s’interroge sur les leçons à tirer de cette histoire. Faut-il déclencher une telle machinerie judiciaire pour un accrochage qui se serait réglé en d’autres temps en famille ? La réponse est sans doute dans la question.

En janvier, un enfant entendu pour apologie du terrorisme

Dans un tout autre registre, au lendemain des attentats du mois de janvier, à Paris, une autre affaire concernant un enfant en milieu scolaire avait fait polémique, après l’audition par les policiers d’un élève de 8 ans. Dans son école de Nice Ouest, le petit garçon avait refusé de participer à la minute de silence pour les victimes. Interrogé par un enseignant sur son attitude, il aurait alors répondu : «Je ne suis pas Charlie, je suis avec les terroristes». C’est l’enseignant qui avait déposé plainte, provoquant un bel imbroglio. Le comité contre l’islamophobie en France (CCIF), association qui lutte contre les actes et les propos antimusulmans, avait ensuite affirmé que directeur de l’école avait interpellé l’enfant, qui jouait dans le bac à sable, en lui disant : «Arrête de creuser dans le sable, tu n’y trouveras pas de mitraillette pour tous nous tuer.» Des propos confirmés par l’avocat de la famille du garçon qui avait ensuite manifesté ses regrets. Peut-on incriminer de si jeunes enfants ? La loi prévoit qu’un mineur de moins de 10 ans peut rendre des comptes devant la justice s’il est doté de discernement. C’est-à-dire qu’il est capable de comprendre les conséquences de ses actes.

Il ne peut pas être mis en garde à vue. La police ou la gendarmerie peut l’interroger avec ses parents, mais il doit pouvoir quitter les locaux si lui-même ou ses parents le désirent. Le mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en détention provisoire, en revanche, il peut être placé en foyer d’accueil.

Repères – Le chiffre : 10

Un mineur de moins de 10 ans ne peut être placé en garde à vue. Il peut être entendu avec ses parents, mais doit pouvoir quitter les locaux de police quand il le souhaite.

«Il a eu droit au même traitement qu’un criminel pour une banale histoire de gamins et de cour d’école»

Patrick Moreau, agriculteur, père de Jordan

Source : Gilles Souillès, pour La Dépêche, le 17 avril 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/chez-les-gendarmes-a-9-ans-pour-une-querelle-decole/


Sur Arte, Jean Quatremer psychanalyse la Grèce

Sunday 10 May 2015 at 01:06

Mardi 20 janvier, Arte rediffusait le documentaire coréalisé par Jean Quatremer, « Grèce, année zéro ». S’agissait-il, à l’approche des élections législatives en Grèce, de fournir aux téléspectateurs français l’occasion d’approfondir les enjeux autour de la situation critique du pays et des élections du 24 janvier ? Difficile de l’imaginer, avec ce film de 52 minutes qui enfile les clichés sur la Grèce et la nécessité de « la réforme », en se concentrant presque exclusivement sur la fraude et la corruption. De ces maux bien réels, le documentaire propose une explication culturelle ou historique (ou encore une « psychanalyse », selon les mots de Quatremer lui-même), au détriment d’une mise en perspective économique et politique de la crise et des « remèdes » possibles.

Une question se pose d’emblée : pourquoi confier à Jean Quatremerla réalisation d’un documentaire sur la crise grecque ? On gage que les producteurs d’Arte ont été séduits par l’acuité de son expertise sur la Grèce, qui laisse apparaître certaines de ses qualités : son européisme convaincu, sa répulsion pour les extrêmes-qui-se-touchent, ou encore sa grande connaissance du pays, où il passe régulièrement ses vacances (1).

C’est peut-être à l’occasion d’un séjour dans les Cyclades que le correspondant de Libération a rencontré l’historien gréco-suisse Nicolas Bloudanis, originaire de l’île de Patmos, qui joue dès le commencement du documentaire le rôle de « guide » dans la Grèce en crise. Un choix qui n’a rien d’anodin ; interviewé en 2011 par Quatremer dans les colonnes de Libération, l’historien donnait un avis tranché sur la situation en Grèce : il en appelait alors à« privatiser les entreprises publiques » et « réduire drastiquement la taille de la fonction publique » (2).

Au-delà de ces recommandations originales, Nicolas Bloudanis partage avec Quatremer, une vision « culturelle » de la crise grecque, selon laquelle les problèmes des Grecs – réduits pratiquement à la fraude fiscale et à la corruption – trouvent leur explication dans une certaine « mentalité ». On reviendra sur cette question centrale dans le documentaire ; plus importante même que celle posée dans le sous-titre de l’émission – et qui annonce néanmoins la couleur : « Comment l’amer remède imposé par l’Europe à la crise de la dette apporte aussi à la Grèce une chance inédite de construire un État de droit. » Une version grecque de « Vive la crise », en quelque sorte (3)…

D’une manière générale, le documentaire est fidèle à l’œuvre du correspondant à Bruxelles de Libération, dont la critique acerbe des vicissitudes grecques n’a d’égal que la bienveillance, voire la révérence à l’égard des institutions européennes. Il est difficile de résumer le propos d’un film qui, sur le mode des « choses vues et entendues » et du commentaire ponctuel, s’abstient de tout discours construit et argumenté ; mais à bien écouter, on y reconnaît une petite musique que l’on pourrait décomposer en quatre motifs principaux.
Une petite musique familière

L’austérité est un mal nécessaire. – « Le pays doit profondément changer, il n’a pas le choix » : le ton est donné dès l’ouverture du documentaire, qui évoque rapidement les mesures de rigueur, inéluctables : « À partir de la faillite, le gouvernement n’avait qu’une seule possibilité : prendre l’argent là où il était […] c’est-à-dire chez les fonctionnaires chez les retraités, il pouvait leur retirer une partie de leur revenu, ce qui a provoqué énormément de mécontentement », explique Bloudanis, pragmatique (4). La seule possibilité, vraiment ?

Le narrateur reconnaît en tout cas une « situation terriblement angoissante pour le peuple grec, qui frôle la dépression collective. »Mais se reprend, philosophe : « Le prix à payer pour vivre dans une société libérale peut parfois paraître très élevé. » Un doux euphémisme qui prêterait à sourire, si la situation en Grèce n’était pas si tragique. La pauvreté a doublé entre 2010 et 2012 et le chômage a triplé depuis les débuts de la crise, et cela n’a rien d’une impression. Et si c’est le « prix à payer pour vivre dans une société libérale », que faut-il en conclure ? L’austérité ou le goulag ?

Les Grecs fraudeurs l’ont tout de même bien mérité. – Le documentaire se poursuit en évoquant la question de la fraude fiscale et de la corruption en Grèce. Bien sûr ces deux phénomènes existent, mais ils sont loin de constituer les seules causes de la crise grecque. Or non seulement le documentaire se focalise sur la corruption et la fraude, mais il tend à les généraliser à l’ensemble de la population grecque, évoquant par exemple « la fraude fiscale » comme une pratique uniforme – un « sport national ». La voix-off rappelle par ailleurs que « si chaque citoyen avait payé son dû, [la Grèce] n’aurait tout simplement pas eu besoin d’emprunter ».

Le choix des interlocuteurs, remarquablement monocorde, pose lui aussi question. Qu’il s’agisse du ministre conservateur « chargé de réformer la pléthorique administration grecque », du secrétaire général pour les recettes fiscales, du représentant de la Commission en Grèce, d’un ancien ministre des finances du PASOK, ou encore d’un représentant de la Troïka, tous s’accordent sur la nécessité des « réformes ». Et qui de mieux pour évoquer la corruption et les changements nécessaires que d’authentiques membres du sérail, comme l’ancien ministre des Finances Giorgios Papakonstantinou ? Ou Kyriakos Mitsotakis, issu des grandes familles grecques qui se partagent le pouvoir en Grèce depuis des décennies ? Ou encore Evangelos Venizelos, qui a fait partie, depuis 1993, de presque tous les gouvernements ?

Seules exceptions : Giorgos Stathakis, député de Syriza et Tryphon Alexiadis, vice-président du syndicat des agents du fisc, « proche de la gauche radicale », dont les interventions sont souvent en décalage vis-à-vis des autres témoignages – notamment parce qu’elles émettent un point de vue critique sur « les réformes » ou soulignent l’importance de distinguer les classes possédantes du reste de la population, en matière d’évasion fiscale notamment. Mais le commentaire fait la sourde oreille, ne relève pas ces désaccords et retourne à sa marotte : la fraude expliquée par l’histoire et la culture grecques.

Le populisme, c’est mal. – Non seulement les voix discordantes qui s’expriment dans le documentaire de Quatremer sont rares… mais elles sont d’emblée mises dans le même sac : le populisme. La voix-off pose le décor : « La réforme de l’État, tout le monde s’accorde à la trouver nécessaire dans un système qui a fait faillite. Mais elle n’en est pas moins douloureuse […]. Alors, comme partout dans le monde, la tentation du populisme, de droite ou de gauche, est grande. »

Le premier est représenté par Kostas Moneos, un chauffeur de taxi qui annonce qu’il votera Aube Dorée, par révolte face à la paupérisation généralisée et parce qu’il ne croit plus dans les partis politiques traditionnels. Le second, par le député Giorgos Stathakis de Syriza, formation dont on apprend, en guise de présentation, qu’elle « a longtemps promis que tout pourrait redevenir comme avant », mais que son « discours se nuance » à l’approche des élections. S’ensuit une courte intervention de Stathakis sur la nécessité de lutter contre la fraude fiscale des plus riches.

Ainsi, résume le narrateur, « face au rejet de la classe politique, les Grecs préfèrent voter soit pour Syriza, parti de gauche radicale, soit pour Aube Dorée, un parti néo-nazi. » Heureusement, « un tout nouveau parti créé par un ancien journaliste, Stavros Theodorakis, tente d’éviter cette course dans les extrêmes. » Il s’agit de To Potami, parti pro-européen dont le programme se résume… à« poursuivre les réformes, mais avec des hommes nouveaux qui n’ont jamais été impliqués dans les affaires ». Original.

Heureusement, il y a l’Europe. – Car le véritable rempart face aux « extrêmes », c’est bien l’Europe. Même si son action n’est pas toujours bien perçue. Le représentant de la Commission en Grèce Pavos Karvounis se désole : « On dit que c’est l’Union européenne qui a mis la Grèce à genoux. » Certes, il y a des « sacrifices » ; mais ce n’est pas l’Union européenne qu’il faut blâmer : « La leçon à tirer, c’est que les Grecs se sont plantés. » Et de poursuivre : « Il faudrait médiatiser une image positive de l’Europe, car elle seule a été aux côtés de la Grèce pour l’aider. » À ses côtés, certes… Mais pour l’aider, vraiment ? Cela au moins pourrait faire débat – mais pas dans le documentaire de Jean Quatremer !

Car la suggestion de Pavos Karvounis, « médiatiser une image positive de l’Europe », n’est manifestement pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Et l’on chercherait en vain dans le commentaire en voix-off la moindre évaluation critique des « réformes » imposées par l’Europe en Grèce. Pour notre part, nous n’avons relevé qu’une phrase critique à l’égard des institutions européennes. C’est à la 42e minute : « Un pays n’est pas une entreprise et la Troïka (5) semble l’avoir oublié. » À l’inverse des religieux et des armateurs qui, eux,« l’ont parfaitement compris » et savent en jouer à leur avantage. Trop naïve, la Troïka ?

Une crise « culturelle »

« Grèce, année zéro » développe une petite musique, donc, plutôt qu’un discours construit. Les points de vue exprimés, qui reprennent presque exclusivement le discours officiel sur la situation grecque, sont rarement assumés par le narrateur. Le seul problème que le documentaire accepte de prendre de front, au point de constituer une sorte de fil rouge, est celui des origines culturelles de la fraude et de la corruption.

Dans l’interview précédant le documentaire, le correspondant à Bruxelles de Libération s’en explique d’ailleurs très clairement : « Je voulais montrer aussi que si la Grèce a dérapé, c’est parce qu’il y a des raisons qui sont liées à l’État grec lui-même, à l’histoire grecque, à la culture grecque. Ca ne veut pas dire que les Grecs sont des voleurs […] ». Disons que c’est une façon moins brutale et pseudo-savante de le dire. Et disons surtout que faire un documentaire pour l’expliquer contribue à présenter « les Grecs » dans leur ensemble et sans distinction comme responsables de la crise, tout en dédouanant les autres acteurs.

Cette vision culturaliste n’est pas nouvelle chez Quatremer qui applaudissait déjà en 2012 les propos douteux du philosophe Stelios Ramfos : « Les Grecs ne sont pas du tout rationnels. Ils ne raisonnent pas comme les Européens de l’Ouest. […] Notre structure mentale est restée d’une certaine manière atrophiée, focalisée sur les problèmes du moment.(6) » Dans « Grèce, année zéro », Nicolas Bloudanis lui emboîte le pas : « Le Grec moderne réfléchit exactement comme réfléchissait celui du XIXe siècle, dans le sens où il attend de l’État qu’il assure son avenir […] et c’est ce qui explique son désarroi total face à la crise et aux réformes que cette crise oblige l’État grec à faire. » Bien simplet qui croyait que le désarroi des Grecs était avant tout la conséquence de l’effondrement de l’économie, des salaires, de la protection sociale et des services publics… puisqu’il s’agit, au fond, d’une question de mentalité !

L’histoire permet en tout cas de prendre de la hauteur. Le commentaire nous rappelle que « dans l’Antiquité, la Grèce était constitué de cités-Etats, tour à tour sous le joug de différentes occupations étrangères », et Nicolas Bloudanis remet doctement en perspective la crise actuelle : « La faillite d’aujourd’hui est donc la troisième que connaît la Grèce dans son histoire. La première a eu lieu en 1893 ; la deuxième a eu lieu en 1932, mais on ne peut pas la considérer comme traditionnelle parce qu’elle faisait partie alors de la crise mondiale ; et aujourd’hui à partir de 2009, c’est une troisième faillite, qui est tout à fait classique à la Grèce. »Résumons : une tradition nationale de la faillite, fondée sur deux exemples, les crises de 1893 et de 2009. À condition bien sûr de considérer, comme notre expert, que ces crises n’ont absolument rien à voir avec de quelconques crises mondiales (7)…

« Extrémisme, fraude et corruption ne sont pourtant pas inscrits dans l’ADN grec », nous rassure le commentaire, « mais trouvent leur origine dans l’histoire tourmentée de ce pays ». Ce que confirme Margaritis Schinas, directeur résidant chargé de la liaison avec la Troïka, qui évoque quant à lui non pas l’ADN grec, mais – nuance ! – « des pathologies décennales, voire séculaires » que la crise oblige à dépasser : « Historiquement, il existe une mentalité dans la Grèce moderne qui est un résidu de la période ottomane : pour les Grecs, l’État, ce n’est pas nous […] Ce n’est donc pas grave si on le vole un peu. » Et à la fin du documentaire (voir annexe), le vice Premier-ministre grec, Evangelos Venizelos, conclura ainsi : « Il faut poursuivre cet effort. Nous avons déjà atteint de nombreux objectifs […] Mais, nous devons faire face aux mentalités corporatistes, au populisme, à la théorie de la facilité. » Encore et toujours, la « mentalité »…

La vision de la crise grecque comme crise culturelle fonctionne comme une puissante justification du « calvaire » subi par les Grecs et de l’intervention des institutions européennes : il s’agirait en fait de l’ajustement douloureux mais nécessaire d’une société minée par la fraude et la corruption, inscrites dans la culture et l’histoire grecques. Quatremer se défend d’avoir une vision raciste, en précisant que ces maux ne sont pas « dans l’ADN des Grecs » (ce que personne de sensé ne pourrait soutenir). Mais il développe néanmoins une vision culturaliste qui, sous ses atours scientifiques, demeure très ambiguë (8). Et permet de renvoyer la crise grecque… à un mal grec.

PS : Comme on pouvait s’en douter, Jean Quatremer s’est rapidement réjoui de la victoire de Syriza lors des élections législatives du 25 janvier. En témoigne par exemple ce Tweet, d’une bonne foi à toute épreuve. Question de « mentalité » ?

Annexe : la conclusion de « Grèce, année zéro »

Nous avons retranscrit ici les dernières minutes de « Grèce, année zéro ». Celles-ci sont emblématiques de l’importance donnée aux intervenants « issus du sérail », qui, après avoir célébré les réformes qu’ils sont chargés de conduire, concluent le propos sur la situation de la Grèce et ses perspectives. L’avertissement final, qui semble destiné aux téléspectateurs français, est lui aussi significatif : nous allons payer, « tous ensemble » et sans plus de distinction, pour les maux de la Grèce. Les Grecs auront payé pour leurs péchés, et nous paierons pour notre « cécité » : « Grèce, année zéro », ou le degré zéro de l’analyse politique.

Kostas Moneos, chauffeur de taxi et électeur d’Aube dorée : « Mes espoirs reposent sur les Européens par sur nous. Ils veulent aider la Grèce, ils ne veulent pas la voir détruite. La faillite de la Grèce n’est dans l’intérêt de personne, ni de l’UE ni des grands Etats européens, autrement ils nous auraient déjà mis en faillite… Mon espoir est là. Je n’espère rien des hommes politiques grecs. »

Pavos Karvounis, représentant de la Commission en Grèce : « Beaucoup de temps risque de s’écouler avant que la Grèce ne ressemble à l’Etat français ou à l’Etat allemand. Ici, la société fait des progrès, mais ils se font très lentement. Par ailleurs, je pense que la crise accélère l’adaptation, et depuis peu, nous allons plus vite vers un modèle occidental. La crise comporte beaucoup de points négatifs, mais également beaucoup de points positifs ; elle nous pousse plus rapidement à adhérer à une gouvernance européenne qui n’existait pas en Grèce avant la crise bien que nous soyons membres de l’Union depuis plus de trente ans »

Giorgios Papakonstantinou, ministre des finances de 2009 à 2011 (PASOK) : « Sur le plan budgétaire, nous sommes au bout d’un long marathon. Mais sur le plan structurel, et sur celui des mentalités dans notre pays, nous ne sommes qu’au début. Cela va prendre des générations pour changer. »

Evangelos Venizelos, vice Premier-ministre et ministre des affaires étrangères (PASOK) : « Il faut poursuivre cet effort. Nous avons déjà atteint de nombreux objectifs. Nous avons assaini nos finances publiques en enregistrant un excédent primaire et un déficit budgétaire contrôlable. Nous avons réussi à nous conformer aux règles budgétaires, ce qu’aucun pays dans l’histoire n’a réussi. Et dans le même temps, nous avons procédé à des changements structurels et institutionnels très importants. Nous avons un marché du travail différent, un système de sécurité sociale différent que nous essayons de rendre viable. Nous avons une administration que nous essayons de moderniser. Mais, nous devons faire face aux mentalités corporatistes, au populisme, à la théorie de la facilité. Les nombreuses subventions distribuées par l’Etat sont des habitudes profondément ancrées dans les structures de la société ; non seulement en Grèce, mais aussi dans d’autres pays. »

Nicolas Bloudanis, historien : « Tout ce qu’on vient de voir, tous ces dysfonctionnements, les grecs ne les ont jamais réellement cachés, et l’Europe avait le moyen de savoir. Alors, pourquoi est-ce qu’on a laissé entrer la Grèce dans l’Euro sans exiger au préalable les réformes nécessaires ? »

Voix-off : « Reste que la Grèce n’est pas seule responsable du chaos actuel. Les autres Etats européens, en l’acceptant dans l’Union et dans l’Euro, ont été bien aveugles. Et maintenant, ce qui est sûr, c’est qu’il faudra payer tous ensemble la facture de cette cécité. »

Source : Frédéric Lemaire et Olivier Poche, pour Acrimed, le 28 janvier 2015.

Notes

(1) Lire Notes de voyage d’un touriste en Grèce

(2) http://www.liberation.fr/economie/2…

(3) « Vive la crise » est une émission lancée en 1984 sur Antenne 2. Son objectif affiché était de convaincre les téléspectateurs que la crise était une « opportunité » pour une révolution libérale de la société française. Pour plus d’information, lire ce commentaire d’une émission de Là-bas si j’y suis.

(4) Idée reprise et développée – de quelle savoureuse manière ! – à la fin du documentaire, par Pavos Karvounis, représentant de la Commission en Grèce : « Au début de la crise, l’État grec n’a pris de l’argent qu’à ceux qui semblaient en avoir : les retraités et les salariés. Il n’en a pas collecté auprès des médecins, des avocats, des très riches. Cela a été fait seulement dans un second temps, lorsque nous avons compris que ça n’allait plus, que la classe moyenne s’est retrouvée totalement démunie. »

(5) La Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne, qui supervise la mise en œuvre des plans de rigueur.

(6) http://bruxelles.blogs.liberation.f…

(7) Pour la crise de 2009, difficile de ne pas faire le lien entre la crise grecque et la crise financière mondiale. Quant à celle de 1893, lire la page wikipedia qui lui est consacrée.

(8) À ce sujet, lire « Culture et culturalisme » sur le site LMSI.

Source: http://www.les-crises.fr/sur-arte-jean-quatremer-psychanalyse-la-grece/


Poutine, l’Ukraine et le révisionnisme historique, par BHL

Sunday 10 May 2015 at 00:45

Poutine, l’Ukraine et le révisionnisme historique, par Bernard-Henri Lévy (Conférence prononcée, le 16 avril 2015, à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences-Po), lors du colloque International « La Seconde Guerre mondiale dans le discours politique russe »)

colloque-russie-bernard-henri-levy

« Sa guerre d’agression contre l’Ukraine, Poutine la livre avec des missiles sol-air Buk, avec des chars et des chiens de guerre dont certains viennent de Russie, avec des camions bâchés et sans plaques d’immatriculation.
Mais il la livre aussi avec des mots, des slogans, des bouts de mémoire trafiqués,un travail (grossier ou subtil, ça dépend…) sur l’histoire récente ou ancienne de son pays et de l’Ukraine ; et, de cette guerre dans l’Histoire, de ces jeux sur les mots et sur la langue, de ces actes de piraterie langagiers ou mémoriels, j’avoue n’avoir pas connu d’équivalent depuis très longtemps – et je voudrais tenter d’en distinguer et détailler, devant vous, quelques-unes des figures les plus marquantes.

Il y a, d’abord, la réévaluation du passé – et, en particulier, du passé le plus criminel.
Un seul exemple.
La figure de Staline.
Dans les premières années du poutinisme, il y avait une sorte de nostalgie honteuse, non dite, du stalinisme.
Là, ce n’est plus honteux. C’est dit. C’est pensé et clairement articulé. Et c’est toute une réévaluation du rôle historique du Petit Père des peuples à laquelle on est en train d’assister.
Je ne parle pas des statues réinstallées à Gori.
Ni des portraits que l’on commence de revoir à Iakutsk et dans les villes reculées de l’extrême-orient russe.
Je pense aux manuels scolaires qui seront mis en circulation à la prochaine rentrée scolaire et où l’on insiste sur le patriotisme de Staline, sur son côté grand dirigeant et, en particulier, grand chef de guerre – et où, s’il est question du Goulag, c’est à la double condition a) de rester dans le flou des chiffres ; b) de le rendre indissociable des progrès industriels réalisés dans les mêmes années et qui ont permis à l’URSS d’accéder au rang de super puissance.

Il y a, au titre de la même réévaluation– mais, si j’ose dire, dans l’autre sens – une série d’opérations de défiguration de l’Histoire dont je ne prendrai, de nouveau, qu’un exemple.
La Perestroïka, vous le savez, avait permis qu’éclosent, ici ou là, un certain nombre de lieux de mémoire témoignant des crimes du stalinisme.
Eh bien, voyez ce qui est en train de se passer avec le site de Perm-36, dans l’Oural.
Ce fut un camp de concentration terrible par lequel sont passés, entre autres, Chalamov et Boukovski.
Et les débris de ce camp, de ce Perm-36, avaient été transformés, et cela était très beau, en un musée – le seul du genre – pour les victimes du goulag.
Or ce musée vient d’être fermé à la suite d’une sombre histoire de désaccord entre les autorités locales et l’ONG qui le gérait.
Et il est question, à l’heure où je vous parle, soit de le laisser fermé (ce qui serait une terrible régression) ; soit de lui maintenir son statut de musée, mais en prenant le point de vue, désormais, des gardiens du camp (cela paraît fou, mais c’est pourtant vrai…) ; soit, enfin, de prendre prétexte du fait que nombre de nationalistes baltes et ukrainiens ont eu des sympathies hitlériennes pour le « réorienter » en direction des « moyens mis en œuvre » par la glorieuse Union Soviétique pour se protéger (sic) « de la cinquième colonne et des nazis ukrainiens ».
Dans tous les cas, une belle saloperie.

Troisième opération qui me frappe beaucoup lorsque je lis les textes des historiens mais aussi lorsque j’écoute les déclarations des plus hauts dirigeants russes d’aujourd’hui : les trafics de mots, les jeux sur les mots et le climat d’hystérisation sémantique dont Moscou est devenu le théâtre.
Un seul exemple, là encore. Ou plutôt deux. Mais ils sont significatifs !
Le mal que se donnent ces gens, à Moscou donc, pour nous expliquer qu’« Ukraine », en russe, veut simplement dire « frontière », ou « territoire frontalier », ou « marche ».
Je ne parle pas le russe.
Et je n’ai donc pas la moindre idée de l’exactitude, ou non, de cette thèse.
Mais je sais que c’est un argument utilisé pour dénier à l’Ukraine réelle sa légitimité de nation et, donc, son indépendance ; et je sais aussi qu’avec le même genre d’argument il y a bien des pays que l’on effacerait de la carte – à commencer par les Etats-Unis d’Amérique qui, eux, n’ont carrément pas de nom (a-t-on idée de s’appeler « Etats-Unis » ?) et qui, lorsqu’ils en ont quand même un, choisissent de s’appeler « l’Amérique » qui n’est pas davantage un nom de pays puisque c’est celui d’un cartographe (Amerigo Vespucci…).
Et puis – deuxième exemple – les gens (souvent les mêmes) qui se donnent une peine folle pour nous expliquer que l’origine de la Russie c’est la « Rus de Kiev », ce vaste territoire qui, au IXe siècle, englobait la Biélorussie, le nord de la Russie et le nord de l’Ukraine et dont le nom signifierait, là encore, que Kiev est le berceau de la Russie.
Je crois que cela n’a pas grand sens, là non plus.
J’ai lu, je ne sais où, que « Rus » était le nom, à l’époque, d’une compagnie commerciale scandinave.
Mais peu importe.
Ce qui importe c’est qu’on se sert de cette analogie, de cette assonance, de cette homonymie sémantique entre « Rus » et « Russie » pour dire que la Russie a son berceau à Kiev et pour dénier à l’Ukraine, de nouveau, la possibilité d’un destin séparé de celui de la Russie.
La sémantique au secours de la politique.
La guerre des mots au service de celle des armes et des tanks.
C’est la troisième méthode.
Et elle ne vaut guère mieux que les deux autres.

Mais voici la quatrième.
Le choix des éléments que l’on décide de mémoriser et de ceux que l’on préfère oublier – la façon que l’on a de procéder à une véritable écriture, ou réécriture, de l’Histoire.
Vous me direz que toutes les nations font cela et que c’est le principe même de la construction des grands récits qui établissent la généalogie et la légende des peuples.
C’est vrai.
Mais il y a des limites.
Or, si je prends l’affaire de Crimée par exemple, il est évident que les limites sont allègrement franchies.
On nous rappelle à tout bout de champ que la Crimée n’appartient à l’Ukraine que depuis le jour, en 1954, où Khroutchev lui en a fait cadeau – et c’est formellement exact.
Mais pourquoi les mêmes se taisent-ils sur son annexion par Catherine II à la fin du XVIIIe siècle ?
Pourquoi, si on veut vraiment jouer au petit jeu de savoir qui sont les occupants, sinon les plus naturels ou les plus légitimes, du moins les plus anciens de la région, faire silence sur le fait que, lors de son rattachement, en 1921, à l’Union soviétique, la péninsule de Crimée est majoritairement composée de Tatars ?
Et pourquoi ne pas dire que, si ce n’est plus le cas, si 90 et quelques % de sa population parle aujourd’hui russe et si un grand nombre (pas autant que l’a dit le referendum bidon organisé au lendemain de l’Anschluss de l’an dernier – mais un grand nombre, quand même…) de ces habitants n’est pas contre le rattachement à la Russie, c’est parce qu’un certain Joseph Staline a procédé, en 1944, à une élimination méthodique des dits Tatars ?
C’est une autre réécriture de l’histoire.
Et c’est une autre façon de légitimer auprès des gogos, ou des lâches, ou, tout simplement, de certains diplomates, la politique actuelle du Kremlin…

Et puis, à l’inverse, une autre opération encore, que j’appellerai une opération de désécriture.
C’est l’opération consistant à arrêter l’écriture de l’Histoire, à la stopper, à un point qui vous convient et qui sert vos desseins.
Là, l’exemple le plus frappant c’est la question de l’antisémitisme ukrainien.
Que l’Ukraine ait été un pays ravagé par l’antisémitisme, c’est une évidence.
Qu’elle ait été le terrain de ce que le père Patrick Desbois a appelé la « Shoah par balles », cela n’est pas niable.
Mais n’est pas niable non plus un processus qui reste à analyser ; que certains, du reste, ont commencé d’analyser ; et qui est un processus de travail sur soi-même, de deuil de sa propre Histoire – tout un travail sur cet antisémitisme national que le peuple ukrainien a commencé d’accomplir avec un courage, une lucidité historique, que je trouve, pour ma part, tout à fait exceptionnels.
Lorsque je pense au temps qu’il a fallu à mon pays, la France, pour regarder en face son propre passé criminel, lorsque je pense aux efforts qu’il en a couté à l’Europe pour revenir sur cette grande ombre qu’a été la révolution nazie sur l’ensemble du continent et pour la dissiper, je ne peux qu’être admiratif de la manière dont le virus antisémite a été désactivé en Ukraine.
Je ne dis pas qu’il a « disparu ».
Car je ne crois pas, hélas, que ce type de virus disparaisse jamais tout à fait.
Mais qu’il ait été désactivé, qu’il soit devenu un virus dormant, tapi dans les profondeurs de la société mais ne se manifestant plus guère et ne commettant plus ses ravages que très sporadiquement dans l’Ukraine d’aujourd’hui, cela, oui, je le pense.
Qu’est-ce qu’un virus « désactivé » ?
Comment opère ce processus de « désactivation » dont je parle ?
Cela reste à définir.
Et je vous avoue n’avoir, sur ce point, pas achevé ma réflexion.
Mais le fait est là.
Il se trouve que je connais un peu cette Ukraine contemporaine.
Je me suis plus d’une fois porté sur le Maïdan de Kiev où j’ai eu l’honneur, à deux reprises, de prendre la parole.
Et j’ai été très attentif, évidemment, aux traces que je pouvais voir, ou ne pas voir, de cette folie criminelle ancienne.
Or la réalité est bien celle que je dis.
Sur cette place de toutes les libertés qu’était le Maïdan de 2014, en ce lieu où la parole était absolument libre et où pouvaient s’exprimer toutes les folies, toutes les fantaisies, toutes les opinions les plus démentes, les plus farfelues et, si elles le voulaient, les plus criminelles, sur ces tréteaux en plein air où aucune « opinion » ne pouvait être censurée (et on en a vu des opinions absurdes ! des graffitis insensés ! et on en a entendu des paroles cinglées, ou aberrantes, sur cette scène de toutes les libertés, sur ce Hyde Park Corner à la mode ukrainienne, qu’était devenu le Maïdan !) il y a un délire dont nul n’a signalé la moindre occurrence, il y a une forme de folie politique qui n’a pas été une seule fois documentée et dont il faut donc croire qu’elle n’a pas eu droit de cité sur le Maïdan – et c’est la folie antisémite.
Alors, il ne faut pas perdre de vue Babi Yar, évidemment !
Mais ne pas prendre en considération ce travail remarquable que le peuple ukrainien a fait sur lui-même ce serait une autre malhonnêteté, ce serait une autre forme de ce trafic de mémoire, ce serait une autre version de la même réécriture de l’Histoire – ce serait une désécriture, oui, qui consisterait à figer l’enregistrement des traces dignes d’être mémorisées au moment qui arrange les scripteurs russes de l’Histoire ukrainienne.
Il faut s’y refuser.
Nous sommes réunis, ici, pour nous arc-bouter contre cette filouterie.

Mais vous avez encore une autre opération.
Il y a la réécriture, il y a la desécriture, il y a l’hystérie sémantique que j’évoquais à l’instant, il y a la réévaluation de certains épisodes, la défiguration de certains autres et des lieux de mémoire qui y sont attachés– mais il y a, aussi, le révisionnisme historique pur et simple.
Un exemple à nouveau.
Une affaire particulièrement sensible.
Et une affaire qui a connu un rebondissement récent, au moment du 70ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, avec les déclarations du ministre des affaires étrangères polonais, Grzegorz Schetyna, et la réaction de Vladimir Poutine à ces déclarations.
Très intéressante, cette passe d’armes entre, d’un côté, le président de toutes les Russies qui se veut l’héritier, donc, de Staline mais aussi du tsar Nicolas 1er – et, de l’autre, le ministre des affaires étrangères d’un pays où l’on a payé pour savoir, mieux qu’ailleurs, ce qu’Auschwitz, nazisme et libération du nazisme veulent dire.
Ce que chacun sait c’est qu’Auschwitz a été libéré, le 27 janvier 1945, par la centième Division de la soixantième Armée du « premier front ukrainien » ou, plus exactement, par un corps d’armée constitutif de ce qui s’appelait alors le « premier front ukrainien ».
Mais ça veut dire quoi, au juste, qu’Auschwitz a été libéré par le « premier front ukrainien » ?
Il est exact – et, sur ce point, la narration russe n’a pas tort – qu’à l’époque soviétique les « fronts » étaient nommés moins en fonction de l’origine des soldats qui les constituaient qu’en fonction de leur situation et de leur rôle stratégiques.
Le premier front biélorusse était celui qui se battait en Biélorussie.
Le premier front ukrainien était celui qui avait libéré une part de l’Ukraine du cauchemar nazi (auquel l’Ukraine a, par parenthèse, payé un tribut au moins aussi lourd que le reste de l’Union Soviétique et, en particulier, que la Russie).
Et c’est donc un fait, il est impossible de le nier, qu’Auschwitz a été libéré par un corps d’armée soviétique qui s’appelait ukrainien parce qu’il avait opéré en Ukraine et pas parce qu’il était composé uniquement d’Ukrainiens.
Mais ce qui est non moins exact, ce qui est non moins attesté et incontestable, et ce qui est méthodiquement désécrit, pourtant, dans les textes de propagande du Kremlin, ce qui est systématiquement raturé et recouvert par les palimpsestes frauduleux de ces révisions en série, c’est trois choses.
D’abord le fait que, sans doute parce qu’il venait de se battre en Ukraine, sans doute parce qu’il venait donc de « ramasser » sur son passage tout ce qu’il a pu de soldats mobilisables et, par la force des choses, souvent d’origine et nationalité ukrainiennes, ce corps d’armée, ce « front ukrainien », était composé, non pas certes en totalité, mais pour moitié, d’Ukrainiens : on comptait, de mémoire, dans ce « premier front ukrainien », un millier de biélorusses ; quelques centaines de tchétchènes ; quelques centaines, puisqu’ils étaient comptabilisés comme tels, de « juifs » ; et, approximativement, quarante mille russes et quarante mille ukrainiens, à peu près le même nombre autrement dit, en sorte que c’est est un fait, oui, que la libération du camp d’Auschwitz a été faite par une armée de cent mille hommes où les Ukrainiens étaient surreprésentés – 50% du bataillon, en somme, et c’est énorme ! ce n’est pas tout le bataillon, bien sûr, mais c’est quand même énorme ! et je ne crois pas que c’eût été le cas dans quelque autre corps d’armée soviétique que ce fût…
Autre fait. Deuxième réalité qui donne raison, que cela plaise ou non, au ministre polonais contre Poutine et ses autres contradicteurs du Kremlin. L’unité qui est entrée à Auschwitz, la première, la toute première à avoir découvert et vu, de ses yeux vu, l’enfer sur terre qu’était le plus vaste camp d’extermination construit par les nazis, était commandée par… un officier ukrainien ! Il s’appelait, je crois, Anatoly Shapiro. Et c’était un major, un juif ukrainien. Prenez la chose comme vous voudrez. Voyez y une coïncidence ou un signe. Un hasard ou une preuve. C’est surtout un fait historique. C’est cet officier juif ukrainien qui était à la tête de la colonne qui a pénétré à Auschwitz et qui l’a donc, si les mots ont un sens, libéré. C’est un fait. Et les faits, comme dirait l’autre, sont têtus.
Et puis, troisièmement, à la tête de la tête de cette unité, il y avait une unité de tanks. Et le premier tankiste de cette unité de tanks, le premier homme à soutenir, ou pas, le regard des squelettes vivants qui y étaient encore, le premier à avoir vu les tas de cadavres ou de chaussures dont les images ont fait ensuite le tour du monde, le premier à avoir découvert les visages hébétés derrière les barbelés, les silhouettes qui n’en croyaient plus leurs yeux et avaient perdu jusqu’au souvenir de ce que pouvait être l’espérance, le premier à avoir vu, et permis que soient vus par le reste du monde, les vestiges de cette barbarie absolue qu’avait été le nazisme, est encore un ukrainien, un tankiste ukrainien, qui s’appelait, je crois, Igor Pobirchenko.
Il peut y avoir, dans ces considérations, quelque chose qui semble dérisoire face à l’horreur dont il est question et à la scène dont il s’agit.
Mais c’est cela que voulait dire le ministre polonais quand il a rappelé que ce sont des Ukrainiens qui ont libéré Auschwitz et l’élémentaire probité historique oblige à dire qu’il avait raison : renvoyer l’Ukraine à son antisémitisme congénital, l’assigner, comme à une espèce de fatalité, à cette haine du Juif dont son histoire ne fut, hélas, pas avare et faire l’impasse sur cet autre aspect des choses, voilà, encore, un geste ignoble, voilà encore un mensonge intéressé, voilà encore un épisode de cette guerre des mémoires que livrent les historiens en civil du Kremlin et c’est pour cela, et c’est en ce sens, que je parle de révisionnisme historique.
Je me suis accroché, il y a quelques mois, à Prague, avec un historien russe sur cet épisode et j’ai été sidéré par sa volonté d’ignorance et sa capacité d’aveuglement.
En revanche, je me rappelle comment, lorsque le président Hollande a décidé, sur la suggestion de quelques-uns, d’inviter le futur président Porochenko en Normandie où il avait déjà invité Poutine, c’est à partir de cet argument qu’il l’a fait – c’est à partir de cette idée que la « grande guerre patriotique » comme on disait du temps de l’URSS, la libération d’Auschwitz, la victoire sur le nazisme, ne pouvaient pas devenir la propriété privée de tel ou tel ; c’est à partir de l’idée que cette mémoire, et cette gloire, ne pouvaient pas être l’objet de cette appropriation injuste et frauduleuse…
L’Ukraine était là dans les armées soviétiques.
Elle était là, et bien là, dans ce bataillon de l’armée rouge qui est entré dans le lieu ô combien symbolique qu’est Auschwitz.
Et c’est, aussi, pour cela que le Président Hollande a invité Petro Porochenko à participer de ce « Normandy Format » qui est resté, depuis, le cadre diplomatique des discussions entre lui, Hollande, mais aussi Angela Merkel et, naturellement, les présidents russes et ukrainiens.
Ces points d’Histoire ne sont pas seulement des points d’Histoire.
Ils peuvent avoir, ils ont, une importance colossale pour les débats, les combats, les arbitrages d’aujourd’hui…

Et puis, enfin, et je terminerai avec cela, il y a des opérations de pur négationnisme.
J’emploie le mot à dessein, et vous savez le poids qu’il a dans le vocabulaire politique français et dans nos discussions d’aujourd’hui.
Mais, là aussi, c’est un fait.
Et, même si les choses ne sont pas comparables, même si je suis de ceux qui pensent que la Shoah est un crime à nul autre pareil, sans précédent, sans succédant, il est de fait que, dans la façon dont les historiens et les responsables russes, depuis quelques années, traitent la question de l’Holodomor, se manifeste quelque chose qui s’apparente à un négationnisme.
L’Holodomor c’est cette tuerie par la faim, c’est ce massacre par la faim, du début des années 1930 qui a fait, au bas mot, cinq millions de morts en Ukraine.
Et cette tuerie, si elle a été niée, occultée, effacée du temps de l’Union soviétique, a quand même commencé d’émerger à la surface des mémoires avec la pérestroïka et les années qui ont suivi.
Or que voit-on aujourd’hui ?
Un processus de réoccultation, de réengloutissement depuis le début des temps poutiniens – et cela, de plusieurs manières.
Vous avez le trafic sur les mots : il suffit de dire que l’Holodomor n’est pas un « génocide » mais une « tragédie » pour que l’événement change de sens.
Vous avez la discutaillerie sur les faits : il suffit de dire que cette tragédie a existé certes, mais qu’elle n’a pas frappé l’Ukraine spécifiquement mais l’Union soviétique dans son ensemble – et c’est une deuxième façon de la nier.
Vous avez le doute porté sur le nombre des morts, voire sur les raisons et les circonstances de leur mort – et, de nouveau, le phénomène se voit enveloppé dans une brume d’incertitude qui est la forme même de ce que nous appelons le négationnisme.
Et sur tous ces points, le moins que l’on puisse dire est que Poutine s’affaire !
Ici, ce sont des commissions parlementaires ad hoc.
Là, la commission des affaires étrangères de la Douma votant une résolution afin de nier qu’il se soit agi d’un génocide.
Là, on légifére sur le fait que les morts ukrainiens n’ont été qu’une goutte d’eau dans l’océan d’une famine générale et monstrueuse embrassant toute l’Union soviétique.
Et là, enfin, vous avez une intense activité diplomatique, auprès des organisations internationales et, en particulier, les Nations unies – je recommande, si ce n’est déjà fait, aux historiens ici présents de compiler le paquet de déclarations, projets de résolutions, ou oppositions à des projets de résolutions, qui se sont multipliés, depuis 2003, de la part des ambassadeurs de Russie auprès des Nations unies, à New York, pour voir l’importance que cette affaire-là a pu prendre.
Et puis, ça passe par la mobilisation des plus grands esprits : je pense, en particulier, à mon chagrin lorsque j’ai entendu l’immense Alexandre Soljenitsyne enrôlé, dans l’une de ses dernières déclarations publiques, dans cette sale affaire – je pense à l’image navrante de l’auteur de L’Archipel du Goulag embrigadé dans cette petite troupe d’escrocs, de manipulateurs de mémoire, pour venir dire, lui aussi, que l’Holodomor était une fable, qu’il n’était rien d’autre qu’un totem autour duquel venait se constituer le sentiment national ukrainien ; il venait, ce jour-là, apporter son immense autorité à l’appui de l’opération de négationnisme russe.

Voilà ce que j’observe depuis un an et demi que je vais et viens en Ukraine.
Voilà la série d’opérations frauduleuses qui se jouent dans l’espace de cette mémoire en guerre, ou de cette Histoire en feu, que devient, chez les idéologues du Kremlin, la mémoire de l’Ukraine.
Poutine, historien en chef…
Les historiens russes, mercenaires au service d’une politique, embrigadés par une dictature d’un nouveau type…
Rarement m’a semblé aussi précisément vérifié le mot de Georges Orwell sur l’Histoire posée sur la table de nuit des tyrans, tel leur livre de chevet favori. »

Source : BHL, pour bernard-henri-levy.com, le 5 mai 2015.

Avec le son :

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-lukraine-et-le-revisionnisme-historique-par-bhl/


Revue de presse internationale du 10/05/2015

Sunday 10 May 2015 at 00:15

Cette semaine, plusieurs articles en traduction. La chasse à l’argent liquide semble ouverte, un avenir sombre promis aux USA et Royaume-Uni, alors que certains ont eu de l’humour lors des nominations d’experts à la commission des affaires fiscales européennes. Un grand merci à nos contributeurs et bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-du-10-05-2015/


9 mai 1945, par Jacques Sapir

Saturday 9 May 2015 at 05:01

Les commémorations du 70ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre Mondiale les 8 et 9 mai prochain ont une très forte charge symbolique. Elles nous invitent à regarder notre propre histoire, mais aussi ce que nous en faisons. La Première Guerre Mondiale, dont les commémorations du centenaire vont se poursuivre jusqu’en 2018 a marqué la fin du XIXème siècle. Elle contenait, ainsi que les autres guerres du début du siècle calendaire, des éléments que l’on va retrouver dans le second conflit mondial. Ainsi, les « camps de reconcentration », imaginés par Kitchener lors du second conflit Anglo-Boer[1] ou encore le génocide des arméniens, commis par les autorités ottomanes en 1915. Ceci est aussi vrai pour les formes de la guerre ; la « guerre des tranchées » a été imaginée lors du siège de Port-Arthur lors du conflit Russo-Japonais de 1904-1905. On doit donc reconnaître que le premier conflit mondial a signifié le basculement de l’Europe, et au-delà du monde, dans un nouvel univers fait de violence industrialisée, avec un effacement progressif de la distinction entre civils et militaires. Mais, le second conflit mondial a construit largement nos imaginaires et nos références politiques. Il n’est pas, il n’est plus, le « continuation de la politique par d’autres moyens » pour reprendre la formule de Clausewitz. La Seconde Guerre Mondiale est le premier conflit où l’idéologie à progressivement pris le dessus sur le calcul rationnel.

Causalités

Il n’est plus de bon ton, dans l’enseignement, d’évoquer la question des causes des conflits. On préfère se complaire dans une victimisation générale. Non que le point de vue du « soldat de base » ou du simple civil ne soit pas important. Mais, il ne doit pas obscurcir la question des responsabilités du conflit. Et pour comprendre cette question des responsabilités, il faut nécessairement enseigner les causes mais aussi le déroulement du conflit. A cet égard, les nouveaux programmes d’histoire en Collège et en Lycée sont largement fautifs.

On ne peut traiter de la Seconde Guerre Mondiale sans aborder la question des accords de Munich, et en particulier le fait que les franco-britanniques se séparèrent des russes pour traiter avec Hitler[2]. On peut discuter longuement si la France et la Grande-Bretagne avaient réellement besoin de ces accords. On sait aujourd’hui toute la dimension du bluff d’Hitler dont l’aviation n’est nullement prête, même si elle aligne des matériels plus modernes que ceux des britanniques et des français. Les manœuvres de début septembre 1938 se solderont d’ailleurs par un taux incroyable d’accidents. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’aide que l’Union soviétique était prête à apporter, en particulier par la livraison d’avions modernes (I-16) à la France. Enfin, l’armée tchécoslovaque était loin d’être négligeable. Il faut ici signaler que les chars tchèques équipaient deux divisions blindées allemande en mai 1940. Mais, l’importance de ces accords est qu’ils ont convaincu Staline, dont la paranoïa suspicieuse était déjà naturellement en éveil, que les français et les britanniques ne voulaient pas la guerre contre Hitler. En Grande-Bretagne, seul Winston Churchill eut des mots forts et prémonitoires sur la guerre à venir[3].

Il fut conforté dans cette pensée par l’accord entre l’Allemagne et la Pologne (qui profita de l’accord de Munich pour s’approprier un morceau de territoire tchécoslovaque) qui aboutit au dépeçage de la Tchécoslovaquie restante en mars 1939. Il faut ici souligner la stupidité du gouvernement polonais (et son aveuglement). Il s’allie avec l’Allemagne alors qu’il est le prochain sur la liste des victimes.

Cela éclaire le pacte Germano-Soviétique d’août 1939. De ce pacte, une partie est pleinement justifiée. Comprenant que les britanniques et les français ne sont pas fiables, Staline cherche à mettre l’URSS hors de danger. Une autre partie éclaire cependant les tendances impérialistes de Staline, celle où il négocie en secret avec Hitler l’annexion des Pays Baltes et d’une partie de la Pologne. En déduire cependant à une « alliance » entre Hitler et Staline est allé vite en besogne. Les troupes soviétiques qui entrent en Pologne le 17 septembre 1939 ont ordre, si les troupes allemandes ne respectent pas leur « zone d’occupation » de les « balayer ».

Staline face à Hitler.

En fait, Staline sait qu’une guerre avec l’Allemagne nazie est inévitable. Il espère simplement en retarder le déclenchement le plus longtemps possible. L’interruption du programme naval du 3ème plan quinquennal en septembre 1940, et le transfert de l’acier vers la construction de chars supplémentaires, est bien la preuve que Staline sait un affrontement inévitable. Mais, il commet l’erreur de prendre Hitler pour une personne rationnelle. Persuadé que l’Allemagne n’attaquera pas l’URSS tant que se poursuit la guerre contre la Grande-Bretagne, Staline, et avec lui la direction soviétique, se laisse surprendre par la décision d’Hitler de l’attaquer en juin 1941.

En janvier 1941 se tinrent deux « jeux de guerre » (Kriegspiel) au Kremlin, le premier du 2 au 6 janvier et le second du 7 au 14 janvier[4]. Le premier fut un jeu défensif dans lequel les forces soviétiques furent confiées au maréchal Pavlov et les forces allemandes (ou « bleues » dans la terminologie soviétique) au général G.K. Zhukov. Ce dernier encercla les forces soviétiques et déboucha vers l’Est rapidement. Les cartes de ce premier « jeu » sont intéressantes car elles se révèlent très proches de la manœuvre faite dans la réalité par les forces allemandes. Notons déjà que, si Staline avait réellement cru en la parole d’Hitler, on ne voit pas la nécessité de ce « jeu », tenu sur son ordre, et sous sa présence, au Kremlin. Le second « jeu» avait pour but de tester une contre-offensive et vit les adversaires de hier échanger leurs camps respectifs. Zhukov, à la tête désormais des forces soviétiques non seulement stoppa l’avancée allemande mais mena une contre-offensive qui devait le mener aux portes de la Roumanie et de la Hongrie.

Un troisième « jeux », qui nous est encore plus mal connu, se tint toujours au Kremlin au début de février 1941. Ce nouveau « jeu » testa une offensive allemande qui serait lancée depuis la région de Bobrouïsk vers Smolensk et l’important « pont de terre » entre la Dvina et le Dniepr qui commande l’accès à Moscou. Il implique donc que Staline s’était résolu à l’idée d’une pénétration en profondeur des armées allemandes sur le territoire de l’URSS. Dans ce « jeu », Zhukov appliqua une défense échelonnée pour épuiser d’abord le potentiel des divisions blindées allemandes, puis passa à une contre-offensive à partir des deux ailes. Ceci correspond au scénario qui sera appliqué à Koursk en juillet 1943. Ce « jeu » démontra la supériorité d’une bataille d’arrêt, suivie d’une contre-offensive, sur une offensive préemptive. Il démontre qu’à cette date on ne peut plus douter du sérieux avec lequel la possibilité d’une attaque allemande était envisagée.

Mais Staline reste persuadé que cette guerre n’éclater pas avant 1942 ou 1943. Ce en quoi il se trompe. Et, dans l’atmosphère de terreur et de suspicion qui règne au Kremlin, cela suffit à discréditer les informations qui remontent dès mars-avril 1941 sur les préparatifs allemands. Ajoutons que l’Armée Rouge était au milieu de ce que l’historien militaire américain David Glantz a appelé une « crise institutionnelle »[5], à laquelle s’ajoute la perte des transmissions avec les échelons avancés. Ce fut, en effet, l’une des principales raisons de la confusion qui régna dans les premiers jours de l’attaque à Moscou.

Ajoutons que Staline acquiesça aux demandes de Zhukov du mois d’avril et de mai 1941[6], à l’exception de la mise en alerte des districts frontaliers, qui fut jugée comme pouvant apparaître comme une « provocation » par les Allemands. La phrase par laquelle Vassilevski réveilla Zhukov au matin du 22 juin, « cela a commencé »[7], montre bien que les chefs de l’Armée savaient à quoi s’en tenir.

Les trois guerres d’Hitler.

Il faut aussi rappeler que dans ce conflit, et si l’on met de côté les affrontements de Chine et du Pacifique, trois guerres se sont superposées. Cette superposition donne aussi à ce conflit sa nature profonde.

La première des guerres est une guerre pour la domination européenne. Quand Hitler attaque la Pologne, puis se tourne contre la Grande-Bretagne et la France, il ne fait que reprendre à son compte les rêves de Guillaume II et de l’Allemagne impériale. Mais, en gestation dans cette guerre, contenu dans les atrocités encore limitées certes que l’armée allemande commet en Pologne, mais aussi dans le nord de la France ou des soldats britanniques et de l’infanterie coloniale française sont sommairement exécutés, se trouve la seconde guerre des nazis. Il faut donc ici rappeler que les violences et les crimes de l’armée allemande ne furent pas que le fait des troupes nazies, et qu’ils commencèrent très tôt dans le conflit.

Cette seconde guerre se déploie totalement lors de l’attaque contre l’Union Soviétique en 1941. C’est une guerre d’asservissement des populations slaves, et en particulier – mais non exclusivement – de la population russe. La France commémore avec horreur et tristesse la mémoire du massacre commis en juin 1944 par la Das Reich à Oradour-sur-Glane ; mais c’est par centaines que se comptent les villages martyrisés par l’armée allemande, et pas nécessairement les unités de la SS, en Biélorussie, en Russie et en Ukraine orientale. La sauvagerie de la soldatesque allemande envers la population, mais aussi de la population allemande envers les travailleurs, hommes et femmes, raflés et traités en esclave sur le territoire du Reichn’a pas connue de bornes. La violence de cette guerre arme le ressort d’une haine inexpiable qui s’abattra sur le peuple allemand en 1945.

La troisième guerre commence au même moment, mais va prendre une signification particulière au moment où les perspectives de victoire de l’Allemagne s’effondrent, c’est la guerre d’extermination contre les populations juives. La question de ce qui est connu sous le non de « Shoah par balles » montre que toute l’armée allemande collabore, à des rares exceptions, à ces massacres. Mais, la « Shoah par balles » met aussi en lumière la participation des supplétifs, essentiellement ukrainiens, dans ces massacres où périrent entre 1,3 millions de personnes. Cependant, c’est à la suite de la défaite subie devant Moscou que cette troisième guerre se radicalise avec la volonté avérée du régime nazi d’exterminer tous les juifs des territoires qu’il contrôle. Cette guerre va prendre un tournant obsessionnel comme en témoigne l’allocation de moyens de transport dont l’armée allemande avait pourtant désespérément besoin au programme d’extermination. A l’été 1944, alors que l’armée allemande bat en retraite sous le coups des offensives des l’armée rouge, que ce soit Bagration ou l’opération Iassy-Kichinev, le pouvoir nazi réquisitionne des centaines de trains, dépense des centaines de tonnes de carburant, pour conduire à la mort plus de 400 000 juifs hongrois. En cela, la guerre d’extermination et son symbole, les chambres à gaz, est tout sauf un détail.

Une guerre idéologique.

De fait, cette troisième guerre devient la « vrai » guerre pour Hitler et ses séides, la seule qu’ils espèrent gagner. Elle sert aussi au régime nazi à souder autour de lui la population allemande, et les alliés de circonstances qu’il a pu trouver, en raison de l’horreur des crimes commis. Si la guerre d’asservissement menée contre les populations slaves rendait peu probable une paix de compromis à l’Est, la guerre d’extermination, dont le principe fut connu des soviétiques dès le début de 1942 et des britanniques et des américains dès la mi-1942, eut pour effet de durcir jusqu’à l’inimaginable le conflit à l’Ouest. Du fait de ces deux guerres, l’Allemagne nazie ne pouvait que vaincre ou périr et, dès le début de 1943, Hitler lui même est convaincu qu’il ne peut plus triompher militairement.

Il ne lui reste plus qu’à organiser, sous des prétextes divers, le gigantesque bucher funéraire que fut la Bataille de Berlin. Aucune des actions militaires entreprises après Koursk ne fait sens militairement. On peut même s’interroger sur la réalité de la croyance des nazis dans les « armes secrètes » qui constituent certes un fort noyau de la propagande, mais dont l’efficacité militaire se révèle en réalité très faible. La réalité est que, ayant commis l’irréparable, le régime nazi a coupé les ponts avec le monde du calcul rationnel, de la logique clausewitzienne de la guerre. Cette dernière n’a plus de sens hors le sens idéologique du darwinisme social qui est consubstantiel à l’idéologie nazie.

La guerre d’asservissement et surtout la guerre d’extermination transforment la nature du second conflit mondial. Ce dernier n’est pas la répétition, en plus violente, de la guerre impérialiste de 1914. Quand les troupes soviétiques libèreront Maïdanek[8] à la fin du mois de juillet 1944, le monde – horrifié – aura les preuves du projet meurtrier de l’Allemagne nazi. On doit signaler qu’il faudra attendre plusieurs mois pour que la presse britannique et américaine reprenne de manière large ces informations. En fait, il faudra attendre que les troupes britanniques et américaines libèrent à leur tour des camps de concentration. Mais, la totalité des camps d’extermination fut libérée par les troupes soviétiques.

Le tribunal de Nuremberg prit acte de la spécificité du second conflit mondial. En créant la notion de « crimes contre l’humanité » et en déclarant leur nature imprescriptible, il a voulu signifier la différence fondamentale entre le premier et le second conflit mondial. Mais, la guerre froide empêcha cette logique d’être pleinement reconnue.

Commémoration et politique

La commémoration de la victoire sur le nazisme n’est donc pas celle d’une victoire d’un pays (ou d’un groupe de pays) sur un autre, parce que la Seconde Guerre mondiale n’est pas une guerre comme une autre. La dimension de la victoire est ici bien différente. Les guerres d’asservissement et d’extermination ont donné à cette victoire une portée universelle, celle d’une libération. C’est ce que cherche à nier le pouvoir de Kiev avec le projet de loi 2538-1 mettant sur un pied d’égalité les bourreaux et les victimes. Cela a suscité des protestations d’historiens du monde entier[9]. Cette victoire, compte tenu de sa signification, ne peut pas, et ne doit pas, être instrumentalisée à des fins politiciennes.

L’Union soviétique porta le fardeau le plus lourd, et eut à faire face, jusqu’en novembre 1943 à près de 70% des troupes hitlériennes. Il serait normal, il serait juste, que, au-delà des conflits qui peuvent opposer les dirigeants français et russes, le Président français, ou à tout le moins son Premier-ministre, se rende à Moscou pour le 9 mai. Il y va de l’honneur et de la crédibilité de la République.

[1] Farwell, Byron (1976). The Great Anglo-Boer War. New York: Harper and Row.

[2] Michel Winock, Nora Benkorich, La Trahison de Munich : Emmanuel Mounier et la grande débâcle des intellectuels, CNRS éditions, 2008.

[3] « They had to choose between war and dishonor. They chose dishonor; they will have war. » Hyde, Harlow A. (1988). Scraps of paper: the disarmament treaties between the world wars. page 307: Media Publishing & Marketing,

[4] B. Fulgate et L. Dvoretsky, Thunder on the Dnepr, Presidio Press, 1997, 2001.

[5] D. Glantz, Before Stalingrad: Barbarossa, Hitler’s Invasion of Russia 1941, Tempus, 2003.

[6] En particulier le rappel de 800 000 réservistes et le transfert de 4 armées des districts militaires de l’intérieur du pays vers les frontières occidentales. Voir Général S.P. Ivanov (ed.) Nachal’nyj Period Vojny, [La période initiale de la guerre] – Moscou,Voenizdat, 1974, chap.8

[7] En russe « Eto natchalo ».

[8] Jozef Karszalek, Maïdanek, histoire et réalité du camp d’extermination, Rowohlt, Hambourg, 1982

[9] http://krytyka.com/en/articles/open-letter-scholars-and-experts-ukraine-re-so-called-anti-communist-law

Source: http://www.les-crises.fr/9-mai-1945-par-jacques-sapir/


Revue de presse du 09/05/2015

Saturday 9 May 2015 at 04:46

La revue de presse de la semaine. Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-09-05-2015/