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Revue de presse internationale du 20/12/2015

Sunday 20 December 2015 at 02:28

Vous êtes suffisamment compétent en anglais, allemand, espagnol, italien ou autres ? Participez à la constitution des revues de presse internationales en postulant via le formulaire de contact du blog, nous avons besoin de votre aide ! Cette semaine encore des articles aux thèmes variés et quelques-uns en traduction, ainsi qu’une vidéo sous-titrée. Merci à nos contributeurs :) .

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-20122015/


Etat d’urgence : un grenoblois dénoncé pour un drapeau pirate à sa fenêtre

Saturday 19 December 2015 at 03:36

Source : Alexis Kraland, 24-11-2015

L’affaire a fait du bruit sur les réseaux sociaux : un grenoblois a vu la police lui demander d’enlever un drapeau pirate mis à sa fenêtre. Selon les policiers, il a été dénoncé.

le drapeau en question

Pourquoi as-tu mis un drapeau pirate à ta fenêtre ? Combien de temps a-t-il tenu ? Sais-tu comment il a été reçu ?

Etant un poil anarchiste (sans non plus être impliqué dans quelconque mouvement), jamais inscris sur les listes électorales, jamais eu une quelconque confiance dans le système politique français (et mondial). J’ai trouvé ça drôle de faire un peu de provocation face à cette montée de “réappropriation du drapeau” comme ils appellent ça. Sauf que même sous le couvert de ne pas faire du nationalisme, j’ai quand même du mal avec le patriotisme ambiant qui me semble nauséabond.

 Ma compagne est d’origine libanaise, et les problèmes de radicalisation et de guerres nous touchent peut-être plus que la plupart des gens. Alors c’est triste que ça arrive jusqu’à chez nous mais ça fait depuis 60 ans que le monde laisse couler…

Donc c’était à la fois :

- un hommage aux victimes, mais pas sous les couleurs de la France, sous les couleurs du noir et blanc pirates qui me convient mieux.

- un bon troll en plein centre ville de Grenoble au dessus du marché de Noël (place Grenette).

Je l’ai mis vers 13h et la police a débarqué vers 15h15, à priori c’est des gens qui se sont plaints (peut-être un malvoyant qui confond un drapeau de pirate et le drapeau de l’Etat Islamique.

Comment la police est-elle intervenue ?

Ils ont sonné directement chez moi à plusieurs reprises, je pense qu’ils doivent avoir des pass pour entrer dans les immeubles, j’ai pensé au facteur pour les calendriers… On était en train de faire la sieste avec ma compagne et ma fille de tout juste 2 semaines, ça a été un peu un choc quand j’ai vu 3 uniformes de la police nationale. 

Ils m’ont d’abord demandé de confirmer à quel étage j’étais et combien de fenêtres donnaient sur la place avant de me demander si c’était moi qui avait mis ce drapeau de pirate. Ils m’ont ensuite demandé assez poliment de l’enlever que “ça ne passait pas bien étant donné la journée et que des gens s’étaient plaint”, j’ai alors essayé de prendre ça à la rigolade en disant “c’est comme ça qu’on défend la liberté d’expression ?”, bref ils ont continué d’insister et je ne me sentais pas bien à l’aise pour défendre mon droit à laisser ce drapeau…

 J’ai donc accepté de l’enlever, ils ont pris ma carte d’identité et mon numéro de téléphone (aussi bien je suis sur écoute maintenant). Il n’y avait pas de menaces mais face à trois policiers je n’ai pas trop essayé de m’opposer, j’ai finalement conclu la conversation en lançant un “très bien je vais l’enlever, vive l’Etat totalitaire”.

C’est à ce moment là que je suis allé au balcon et que j’ai vu deux autres patrouilles en bas de l’immeuble (du coup ça faisait 7 au total), j’ai enlevé mon drapeau  en criant “tout ça pour moi !?” et j’ai mis un ballon rose (ma première fille fête ses 5 ans demain alors j’en avais tout un tas de gonflés) en disant “ça va, ça !?”.

 Que tires-tu de cette expérience ?

 Je pense que si c’était à refaire j’irai jusqu’au bout. Que l’ignorance de la police leur fait faire vraiment n’importe quoi, on arrive à un abus de pouvoir inconscient par les forces de l’ordre. La peur des gens me fait craindre la montée du nationalisme décomplexé.

 Qu’aimerais-tu éventuellement ajouter ?

 Il y a moins d’un an après les attentats de Charlie, on proclamait haut et fort qu’on était le pays de la liberté d’expression et que l’humour était total, je me rends compte aujourd’hui qu’on est dans un état policier et que ce n’est plus l’humour total.

Source: http://www.les-crises.fr/etat-durgence-un-grenoblois-denonce-pour-un-drapeau-pirate-a-sa-fenetre/


Revue de presse du 19/12/2015

Saturday 19 December 2015 at 02:42

Pour rejoindre la revue et nous aider à collecter des articles, rendez-vous sur la page contact du blog ! Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-19122015/


[L'Obs] Khodorkovski, Pougatchev… Poutine doit des milliards aux oligarques, par Jean-Baptiste Naudet

Saturday 19 December 2015 at 01:45

Un journal de gôôôôôche qui défend les oligarques devenus milliardaire lors de la giga-phase de cirruption des années 1990. Chapeau.

Mais j’ai surtout repris l’article pour l’obsession pathologique visant à ne pas voir qu’il y a un légère différence entre “Poutine” et “La Russie’

Source : Le Nouvel Obs, Jean-Baptiste Naudet,  18-12-2015

Khodorkovski, Pougatchev… Poutine doit des milliards aux oligarques

A Moscou, le tsar Poutine fait et défait les fortunes. Mais certains oligarques déchus ne se laissent pas faire. Réfugiés à l’étranger, ils exigent – et parfois obtiennent – des dizaines de milliards de réparation.

Bientôt ruiné par l’effondrement du prix du pétrole et les sanctions internationales, Vladimir Poutine va-t-il devoir encore passer à la caisse ? Déjà condamnée, en juin 2014, à payer une indemnité record de plus de 50 milliards de dollars (47 milliards d’euros) dans l’affaire Ioukos, la compagnie pétrolière du milliardaire Mikhaïl Khodorkovski, la Russie va-t-elle maintenant devoir aussi indemniser Sergueï Pougatchev, un autre de ses oligarques tombé en disgrâce ?

Ancien très proche ami de Poutine mais devenu critique du régime, Sergueï Pougatchev, 52 ans, réclame devant la cour arbitrale internationale de La Haye, 12 milliards de dollars (11 milliards d’euros) à la Russie qu’il accuse de l’avoir “dépouillé” de ses biens.

Sergueï Pougatchev, ex-sénateur de la région de Touva, dans le sud de la Sibérie, avait bâti un empire en Russie. En 1992, il avait fondé la Mejprombank, devenu au début des années 2000 l’une des principales banques du pays. Il développe jusqu’en 2010 le groupe OPK qui regroupe notamment plusieurs chantiers navals et une entreprise d’exploitation de charbon à coke (EPC).  Il a aussi investit en France, notamment dans l’immobilier de luxe. En 2007, il prend le contrôle de la marque française d’épicerie fine Hédiardet, en 2009, il permet à son fils, Alexandre, de prendre la direction du quotidien “France Soir”. Mais les Pougatchev échouent à redresser ces deux emprises à la dérive.

“Pas d’arguments pour me contrer”

“J’ai tous les documents qui prouvent que l’Etat russe a illégalement exproprié mes avoirs en Russie”, explique à “l’Obs”, tranquillement mais sous bonne garde, dans sa magnifique villa de Nice, Serguei Pougatchev, l’oligarque francophile (il a même la nationalité française depuis 2009). Se sentant menacé en Grande-Bretagne où il avait trouvé un engin explosif sous sa voiture, il s’est réfugié en France en juillet.

Malgré les tentatives d’intimidation, voire de meurtre, Sergueï Pougatchev, 52 ans, n’abandonne pas. Il est sur de son droit. “L’oligarque orthodoxe” – il est très croyant – est recherché par la justice russe pour “escroquerie et détournement de fonds”, accusé de “banqueroute frauduleuse” dans la faillite de sa banque, la Mejprombank, en 2010. Ses avoirs à l’étranger ont été gelés.

“La Russie n’a pas d’arguments pour me contrer”, estime, sûr de lui, le milliardaire russe. Il sait cependant que Moscou fera tout pour ne pas le payer en cas de condamnation. Alors “nous essayons de prendre des mesures préventives, de faire geler des avoirs russes partout dans le monde pour avoir la garantie d’être payé”, explique-t-il.

La Russie n’a pas honoré son amende de 50 milliards de dollars dans l’affaire Ioukos. Et les avocats de Ioukos tentent de faire saisir des biens russes en dédommagement. Vladimir Poutine a donné le ton, en juin, lorsque la décision de La Haye avait contraint plusieurs Etats, dont la France et la Belgique, à saisir des biens russes. “Nous allons défendre nos intérêts. Notre position est claire : nous ne reconnaissons pas ce tribunal” de la Haye, avait tonné le président russe.

L’oligarque s’amuse :

Les Russes sont très préoccupés alors ils ont fait passer une loi qui protège leurs avoirs à l’étranger, une loi que tout le monde appelle à Moscou la ‘loi Pougatchev’.”

Bétonnage juridique

Cette nouvelle loi, qui entrera en vigueur en janvier 2016, stipule que “l’immunité judiciaire d’un Etat étranger et de ses actifs peut être restreinte sur le principe de la réciprocité”. Il s’agit donc, pour Moscou, de répondre à d’éventuelles saisies des actifs de la Fédération de Russie à l’étranger. Mais il n’y a pas d’automaticité. La justice devra se prononcer au cas par cas.

Régulièrement condamnée à Strasbourg, la Russie entend aussi s’affranchir des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’organe judiciaire du Conseil de l’Europe. La Douma, la chambre basse du Parlement russe, vient de voter une loi qui place ainsi la Cour constitutionnelle de Russie au-dessus de la CEDH, une juridiction internationale destinée à assurer le respect des engagements souscrits par les Etats signataires de la Convention européenne des droits de l’homme et ratifiée par la Russie en 1998. Car, en plus de la sanction de la Cour de la Haye, la CEDH avait condamné, en 2014, la Russie à verser 1,9 milliard d’euros aux ex-actionnaires du groupe pétrolier Ioukos.

Lire la suite sur : Le Nouvel Obs, Jean-Baptiste Naudet,  18-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/lobs-khodorkovski-pougatchev-poutine-doit-des-milliards-aux-oligarques-par-jean-baptiste-naudet/


Une loi veut supprimer l’égalité de temps de parole des candidats à la présidentielle

Friday 18 December 2015 at 02:18

Ah, la Démocratie, quand on l’a chevillée au corps…

Source : Le Figaro, Eugènie Bastié, 16-12-2015

Une proposition de loi sera discutée à l’Assemblée cette après-midi qui prévoit notamment la fin de l’égalité stricte du temps de parole des candidats, qui passerait de cinq à deux semaines. Une « honte », dénonce Nicolas Dupont-Aignan.

Une proposition de loi déposée par Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas sur la «modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle» sera discutée cette après-midi à l’Assemblée nationale. Cette loi fait plusieurs propositions qui devraient changer sensiblement cette élection majeure, et surtout en limiter l’accès aux petits candidats.

• Vers une complexification de l’accès aux parrainages?

Pour mettre fin au «harcèlement des maires»- selon les mots de Jean-Jacques Urvoas – «les présentations – communément appelées «parrainages» - devront désormais être transmises au Conseil constitutionnel par leur auteur, par voie postale.». Auparavant, les candidats pouvaient aller chercher eux-mêmes les parrainages. Avec ce nouveau système, les petits candidats craignent que la récolte des signatures soit rendue plus difficile.

Autre proposition: la publicité intégrale de la liste des «parrains» de chaque candidat à l’élection présidentielle. Aujourd’hui, cette liste n’est rendue publique que dans la limite de 500 signatures. Ce qui créait une forme d’injustice: les «petits candidats», qui récoltaient à peine plus de 500 parrainages, devaient publier quasiment tous leurs soutiens, tandis que les «gros» étaient soumis à un tirage au sort.

• La fin de l’égalité stricte de temps de parole

Au cœur de la proposition, cette mesure veut mettre fin «aux règles baroques» (Urvoas) qui régissent le temps de parole des candidats à l’élection présidentielle. Selon la règle en vigueur, tous les candidats, de Nicolas Sarkozy à Jacques Cheminade, doivent avoir le même temps de parole médiatique cinq semaines avant l’élection. «Quand Jacques Cheminade fait 0,25 % des voix au moment du vote décisif (de l’élection présidentielle de 2012, Ndlr), il ne me paraît pas anormal qu’il n’ait pas exactement le même traitement» a argumenté Jean-Jacques Urvoas lors de la réunion de la commission des lois le 9 décembre dernier.

En février 2012, neuf directeurs de rédaction de chaînes de radio et de télévision avaient adressé une lettre ouverte au président du Conseil constitutionnel pour demander que la période de stricte égalité du temps de parole soit réduite à deux semaines. Cette proposition avait été reprise par la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin en 2012.

La règle d’égalité stricte sera donc remplacée par un «principe d’équité», fondée sur «la représentativité de chaque candidat» et sa «contribution à l’animation du débat électoral». La règle d’égalité stricte sera réservée aux deux dernières semaines avant l’élection.

• Le financement de la campagne passera de un an à six mois

La loi prévoit également de «ramener d’un an à six mois la période pendant laquelle les candidats à l’élection présidentielle doivent faire figurer leurs recettes et leurs dépenses électorales dans leur compte de campagne». Une mesure qui devrait avantager les gros candidats, qui bénéficieront de structures partisanes conséquentes pouvant prendre en charge la campagne avant cette période de six mois. En réalité, cette proposition pourrait permettre de doubler les budgets de campagnes des gros candidats.

• L’harmonisation des horaires de fermeture des bureaux de vote

Problème récurrent lors des élections: la divergence des horaires de fermeture entre les bureaux de vote conduit à ce qu’une partie de la population aille voter au moment où les résultats ont déjà filtré. Pour remédier à cela, la loi proposera de «mettre fin à l’étalement des horaires de fermeture des bureaux de vote entre 18, 19 et 20 heures.», et de fixer l’horaire à 19h pour tous.

Nicolas Dupont-Aignan et Jacques Cheminade révoltés

Sans surprise, les «petits» candidats à l’élection présidentielle sont révoltés par cette proposition de loi. «Une loi scélérate» pour Dupont-Aignan. Joint par Le Figaro, le président de Debout la France, crédité de 4 à 7 points dans un récent sondage pour la présidentielle, dénonce une «fossilisation de la vie politique française.».

«Au lendemain du choc des régionales, nous assistons à une opération socialiste visant à institutionnaliser le tripartisme. Ils veulent rééditer le scénario des régionales en 2017», déplore-t-il.

Le maire de Yerres a d’ailleurs déposé un amendement proposant de supprimer la proposition de publication intégrale des parrainages. «Publier l’intégralité des noms des maires parrains risque de les dissuader de parrainer un candidat si celui-ci n’est pas dans la ligne du parti majoritaire des Elus de son département», argue-t-il.

Quant à Jacques Cheminade, il déplore dans le JDD une tentative d’«empêcher l’oxygénation de la vie politique française. À l’heure où l’on a besoin de renouvellement, on décide de fermer le jeu de la démocratie.  Avec cette proposition de loi, on prend un marteau-piqueur pour écraser un moustique», conclut-il, amer.

Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde est lui aussi vent debout contre la fin de l’égalité stricte du temps de parole. «L’Elysée et le gouvernement se cachent derrière le Parlement pour verrouiller 2017». Il dénonce un «mauvais coup porté à la démocratie, visant à installer le tripartisme PS/LR/FN dans le paysage politique». «Cinq semaines tous les cinq ans, on a une égalité stricte entre tous les courants politiques, on peut offrir un vrai choix aux Français. C’est déjà trop pour eux», peste-t-il.

En 2013, le Front national s’était dit farouchement opposé à la remise en cause de l’égalité stricte des temps de parole à la présidentielle, dénonçant «une menace grave pour la pluralité des opinions et le bon fonctionnement de notre démocratie.» Aujourd’hui, il n’a pour le moment pas bronché contre cette proposition de loi.

Source : Le Figaro, Eugènie Bastié, 16-12-2015

Source: http://www.les-crises.fr/une-loi-veut-supprimer-legalite-de-temps-de-parole-des-candidats-a-la-presidentielle/


Ca se passe comme ça un conseil des ministres en Ukraine…

Friday 18 December 2015 at 01:10

Sans commentaire – “étrangement” pas trop vu dans nos médias… (pas de place à cause de Star Wars j’imagine…)

Le ministre de l’intérieur est Arseni Avakov, oligarque et corrompu notoire.

Le gouverneur de la région d’Odessa, invité, est Mikheil Saakachvili, ancien Président de la Géorgie, qui a sympathiquement ouvert le feu en 2008 sur des troupes russes…

Le sujet : eh bien, évidemment, privatiser des entreprises publiques – y’a bon millions ! (si on devenait milliardaire par le travail honnête dans ce coin, ça se saurait…)

Ca tourne ! :

C’est à ces gens que l’UE et le FMI ont prété des (nos) milliards…

Source: http://www.les-crises.fr/ca-se-passe-comme-ca-un-conseil-des-ministres-en-ukraine/


Union européenne : ceux qui ont écrasé les Grecs ont frayé la voie au FN, par David Pestieau

Thursday 17 December 2015 at 02:40

Il y a à redire, mais cela ouvrira un peu le débat… :)

Source : PTB, David Pestieau, 11-12- 2015

Photo Sylke Ibach / Flickr

Pour comprendre les causes profondes de la percée du Front national, nous devons toucher aux politiques appliquées par les partis traditionnels en France et en Europe. Nous devons aussi voir pourquoi l’Union européenne est responsable de la montée du FN et comment la remise en cause fondamentale de la politique de l’UE est aussi la seule manière de contrer le FN.

C’était il y a un an, à la veille du Nouvel An, avant les attentats et la crise des réfugiés. Le célèbre économiste Thomas Piketty signait une tribune « 2015 : quels chocs pour faire bouger l’Europe ? » [1] où il écrivait : « Le plus triste, dans la crise européenne, est l’entêtement des dirigeants en place à présenter leur politique comme la seule possible, et la crainte que leur inspire toute secousse politique susceptible d’altérer cet heureux équilibre. (…) Alors, quels chocs pourraient permettre de faire bouger les lignes en 2015 ? Il y a, en gros, trois possibilités : une nouvelle crise financière ; un choc politique venant de la gauche ; ou bien un choc politique venant de la droite. Les dirigeants européens actuels devraient avoir l’intelligence de reconnaître que la deuxième possibilité est de loin la meilleure : les mouvements politiques qui prospèrent aujourd’hui à la gauche de la gauche, comme Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce, sont fondamentalement internationalistes et proeuropéens. Plutôt que de les rejeter, il faudrait au contraire travailler avec eux pour formuler les contours d’une refondation démocratique de l’UE. Faute de quoi, on risque fort de se retrouver avec un choc autrement plus inquiétant, venu de la droite : compte tenu du mode de scrutin, il est tout à fait possible que le FN emporte des régions lors des régionales de décembre 2015. »

Un diktat grec résonnait comme un avertissement aux autres peuples d’Europe : « ne sortez pas des clous, sinon nous allons vous écraser ».

Un an plus tard, nous connaissons le résultat. L’expérience grecque anti-austérité de gauche a été écrasée avec le diktat du 13 juillet, malgré que le peuple s’était exprimé totalement dans un sens contraire, à la fois lors des élections du 25 janvier et du référendum du 6 juillet. Elle a montré que, dans cette Union européenne, sous la garde de la main de fer de Merkel et des kilos de pactes et de traités qui instituent la politique d’austérité, il n’y a aucune latitude pour plier, ou même adapter prudemment, l’obsession de l’austérité. La volonté des peuples de pouvoir avoir une politique sociale et qui s’attaque aux plus riches pour sortir de la crise a été simplement interdite par l’establishment européen.

De Juncker à Merkel, de Dijsselbloem à Hollande, l’unité a été scellée pour prolonger le calvaire grec en imposant un troisième mémorandum encore plus étouffant. Un diktat qui résonnait aussi comme un gigantesque avertissement aux autres peuples d’Europe : « ne sortez pas des clous, sinon nous allons vous écraser ».

Et, en dépit de leurs cris effarouchés d’aujourd’hui sur la montée du Front national en France, tous ces dirigeants sont responsables du choc venu de la droite annoncé par Piketty. Car, en bouchant la voie de l’alternative à gauche, ils ont créé les conditions pour que les gens cherchent à l’extrême droite une solution à leur désespoir. Pire : la politique de l’Union européenne a créé les conditions pour le renouveau du Front national, ce parti fasciste du 21e siècle.

21 avril 2002 – décembre 2015 : qu’ont-ils fait en 13 ans contre l’austérité ?

La vague d’austérité, de précarisation de l’emploi et de privatisations a déferlé en France comme ailleurs en Europe.

Il y a 13 ans, le 21 avril 2002, la France avait déjà vécu un choc : Jean-Marie Le Pen se qualifiait au second tour des élections présidentielles, écartant le candidat du PS Lionel Jospin. Dans les jours qui ont suivi, des centaines de milliers de jeunes sont descendus dans les rues pour faire barrage à l’extrême droite, dans ce qui a été appelé le « nécessaire grand front républicain ». Et le président de droite Chirac a été élu avec un score de 82 %. Beaucoup de promesses ont été faites. On allait lutter contre le chômage, les banlieues pourraient sortir de leur misère, on allait s’attaquer à la « fracture sociale »… Mais rien de tout ça n’est venu. La vague d’austérité, de précarisation de l’emploi (le fameux CPE) et de privatisations a déferlé en France comme ailleurs en Europe, soutenue par toutes les grandes familles traditionnelles européennes, libérales, sociales-démocrates et conservatrices.

En 2007, Sarkozy s’est hissé au pouvoir en reprenant une grande partie du discours du FN. L’identité nationale, la France garante des valeurs chrétiennes, le nettoyage des banlieues au karcher ont été les leitmotivs de Sarkozy qui s’est vanté, au soir de sa victoire, d’avoir réduit Le Pen père à 8 %. En « oubliant » qu’il avait amplifié, élargi et banalisé le discours du FN, qu’il a contribué à lui faire gagner la bataille des idées, qu’il a œuvré à la « lepénisation des esprits ».

Mais la démagogie de Sarkozy – le « moralisateur du capitalisme » de 2008 – s’est écrasée sur la réalité sociale. À l’issue de son mandat, en 2012, le chômage était passé de 8 à 9,4 %, bien plus encore chez les jeunes. Et ce, en ayant retardé l’âge de départ en retraite, supprimé des centaines de milliers d’emplois dans la fonction publique, travaillé main dans la main avec Angela Merkel pour faire aboutir le traité d’austérité européen TSCG… Le tout, en diminuant les impôts sur les plus riches. Ce qui lui a valu son surnom de « président des riches ».

Hollande : la « dernière chance » qui déçoit

Puis est venu Hollande. Pour faire échec à la montée du Front de gauche en 2012, sa rhétorique a viré toujours plus à gauche. Hollande a été jusqu’à promettre dans sa campagne électorale la révision du Pacte de stabilité. Avec son discours « mon ennemi, c’est la finance », une « dernière chance » a été donnée par beaucoup d’électeurs à la sociale-démocratie pour montrer qu’elle ferait les choses autrement que la droite.

Une droite qui court après l’extrême droite et une sociale-démocratie qui mène une politique de droite, tous les ingrédients sont là pour créer la confusion politique.

Or Hollande n’a pas touché à une virgule du Pacte de stabilité et a appliqué les programmes d’austérité européens, reprenant à Sarkozy son rôle dans le duo avec Merkel. Fin 2014, le Premier ministre Manuel Valls confirmait l’objectif de 50 milliards d’euros d’économies à réaliser « en trois ans ». « Tous les acteurs publics sont concernés, » a-t-il déclaré. De cette manière, Hollande continuait la politique antisociale de Nicolas Sarkozy, tout en continuant à transférer de nouveaux cadeaux fiscaux aux plus grandes entreprises.

Hollande a même fait rentrer au gouvernement, comme ministre de l’Économie, un haut représentant de la finance (celle qu’il prétendait pourtant combattre) : Emmanuel Macron, ex-banquier d’affaires chez Rothschild & cie. Celui-ci a fait passer la fameuse loi Macron, qui prévoit d’élargir le travail du dimanche, le travail de nuit, facilite les licenciements, affaiblit considérablement les syndicats, prépare la privatisation des transports… La loi s’est aussi attaquée aux petits indépendants (grandes surfaces ouvertes le dimanche, fin des protections pour les taxis, coiffeurs…). Ceux du CAC-40 (les 40 plus grandes sociétés de la Bourse de Paris) et le MEDEF (la FEB française) ont applaudi des deux mains les mesures du gouvernement Valls. Résultat : le chômage a passé la barre des 10 %[2]  et les inégalités ont continué à exploser. Il y a ainsi eu plus de 700 000 chômeurs supplémentaires en trois ans.

Entre une droite qui court après l’extrême droite et une sociale-démocratie qui se dit de gauche, mais mène une politique de droite, tous les ingrédients sont là pour créer une confusion politique totale. D’abord par une désaffection politique majeure des classes populaires : 50 % n’ont pas voté le 6 décembre, dont 59 % des ouvriers, 65 % des moins de 25 ans et 66 % des inactifs. Ensuite, le FN apparaît, pour beaucoup de ceux qui vont quand même voter, comme la seule alternative qui brise le consensus austéritaire des deux grands partis traditionnels. Cependant, l’analyse doit être plus profonde si on veut aller à la racine des causes du succès du FN.

Le mépris du peuple et la démocratie bafouée

Autre date clé de l’histoire politique française : le 29 mai 2005. Ce soir-là, les résultats du référendum sur la Constitution européenne s’affichent sur les écrans de télévision : 55 % des Français rejettent un traité qui coule dans le marbre l’austérité néo-libérale. Pourtant, la presque totalité des grands partis traditionnels et une grande partie des médias ont milité pour le « oui ». Les commentaires d’après référendum affichent le mépris d’une élite politique envers un peuple qui « n’a pas compris ». Cela ne provoque aucune remise en cause de la politique de l’Union européenne (la Constitution étant aussi rejetée aux Pays-Bas quatre jours plus tard). Au contraire, deux ans plus tard, le texte à peine modifié revient sous le nom de « Traité de Lisbonne » et est adopté sans débat ni référendum. Une gifle aux millions de Français qui avaient fait entendre leur voix en 2005.

L’adoption de la Constitution européenne: une gifle aux millions de Français qui avaient fait entendre leur voix en 2005.

Le cas français n’est d’ailleurs pas unique en Europe. Ainsi, en Irlande, le gouvernement va même faire revoter le peuple trois fois jusqu’au moment où il répond « correctement » à la question posée.

Et en Grèce, le référendum convoqué le 6 juillet dernier sur les mesures imposées par la Troika européenne est sans appel : 61 % des Grecs votent contre. Pourtant, bien que, selon la Constitution grecque, le résultat d’un référendum ait la même valeur qu’une loi adoptée par le Parlement, le Parlement grec se voit obligé, le mercredi 15 juillet, d’accepter l’essentiel de ces mesures sous la menace du diktat de l’Union européenne de Merkel, Hollande et consorts.

Tout cela témoigne de l’autoritarisme d’une Union européenne qui écarte les votes démocratiques qui ne l’arrangent pas, qui prend des décisions essentielles au sein d’organes non élus, comme la Banque centrale européenne ou l’Eurogroupe. La colère latente gronde dans toute l’Europe contre cette Union européenne de l’entre-soi, où la Table ronde des Industriels (regroupant les grandes multinationales) et Business Europe décident en réalité des axes essentiels de la politique. Et, en France, contre les privilégiés du CAC-40, comme les milliardaires Liliane Bettencourt et Bernard Arnault.

Comment ne pas s’étonner, devant cette hypocrisie, qu’une partie de la population ne suive pas les appels à défendre les Hollande et Sarkozy de ce monde et tombe dans les griffes d’une Marine Le Pen qui prétend, elle, incarner le peuple ?

Comme l’écrit The Guardian ce 9 décembre : « La dynamique commune (en Europe) apparaît comme l’interaction de l’insécurité financière et du détachement des élites gouvernementales de leur population. De Paris à Varsovie, les politiciens du centre technocratique professionnel sont perçus comme une caste à part avec ses privilèges, isolée de l’anxiété provoquée dans leur électorat par les turbulences économiques et les changements démographiques. »[3]

La concurrence de l’Union européenne entre les travailleurs, substrat du poison raciste

Deux autres éléments essentiels de la politique de l’Union européenne alimentent le substrat du Front national : la concurrence entre travailleurs érigée en principe cardinal et la politique de guerre et de conquête des grandes puissances européennes.

En dépit des déclarations, l’Union européenne n’est pas dans son essence un projet coopératif entre les peuples. Au contraire : les politiques économiques des traités européens visent à mettre en concurrence les pays de l’Union entre eux dans une spirale vers le bas. Des tableaux socio-économiques comparatifs sont établis pour inciter voire obliger les États à s’en prendre aux « coûts salariaux » trop élevés (avec, du coup, une baisse du pouvoir d’achat), contre « les rigidités du marché du travail » (lisez ultra-flexibilisation et précarisation du travail), contre « l’intervention des États et le non-respect des principes de concurrence » (lisez libéralisation et privatisation des services publics). Durant des mois, les Allemands ont été montés contre « les Grecs paresseux » qui « profitent de l’Union ». Les Belges, Français et Néerlandais ont eux été sommés de rattraper la locomotive allemande en bloquant leurs salaires et en introduisant leurs « mini-jobs ».

D’autre part, avec la directive sur les travailleurs détachés de l’Union européenne, les travailleurs de la construction et du transport routier ici ont vu des travailleurs polonais, roumains et bulgares venir travailler sur les chantiers pour des salaires de misère, sans aucune obligation de leurs patrons de verser des salaires et d’accorder des protections sociales et des conditions de travail égales à celles des travailleurs résidents ici.

En posant le tabou qu’on ne peut pas toucher au 1 % le plus riche et en organisant la concurrence, l’Union européenne alimente le substrat sur lequel le poison du racisme et de la division peut se propager.

Immigration et réfugiés : toujours plus de guerres et de murs

La politique étrangère de grandes puissances européennes comme la France est aussi à remettre en cause. Elle crée toutes les conditions pour alimenter le racisme.

D’une part, les guerres menées par les États-Unis, mais aussi par la France, provoquent « à retardement » la venue de centaines de milliers de réfugiés en Europe (voir notre article « Les réfugiés syriens, irakiens ou afghans sont le miroir à retardement de nos guerres »). Mais l’immigration est aussi provoquée par d’autres décisions de l’Union européenne, comme, par exemple, les politiques climatiques décidées à la COP21 à Paris.

Le refus obstiné d’avoir un programme réellement ambitieux pour le climat, le refus d’adopter comme objectif une limite maximale d’1,5°C pour le réchauffement et celui de ne pas financer à hauteur suffisante les programmes de soutien au Sud (surtout en matière de transfert de technologies) pour réaliser la transition aux énergies renouvelables est aussi à la base de la venue de dizaines de milliers de réfugiés climatiques aujourd’hui, et surtout demain.

D’autre part, l’Union européenne construit des murs toujours plus hauts autour, mais aussi à l’intérieur de l’Europe, comme en Hongrie, Slovénie et même en Autriche, validant en réalité les programmes de l’extrême droite qui désignent l’immigré comme l’ennemi intérieur. Au lieu d’intégrer les populations qui fuient les conséquences des politiques de « nos » gouvernements dans leur pays, les réfugiés sont mis en quarantaine de la société. Dans des camps fermés, voire même dans une « jungle » comme à Calais, où les autorités françaises laissent pourrir une situation inhumaine, au lieu d’offrir un accueil décent à ceux qui fuient une misère indescriptible. Ainsi sont créées les conditions pour des tensions grandissantes avec les habitants voisins.

La politique actuelle de l’Union européenne crée toutes les conditions pour le nationalisme

Comme nous l’avions écrit dans Comment osent-ils ? La crise, l’euro et le grand hold-up (de Peter Mertens), la continuation de la politique actuelle de l’Union européenne ne peut mener qu’à l’autoritarisme (comme on l’a vu en Grèce) ou au nationalisme (comme on le voit aujourd’hui en France). Et nous assistons aujourd’hui aux deux.

On ne peut combattre le nationalisme du Front national de Le Pen en défendant l’autoritarisme de l’Union européenne

Aussi, on ne peut combattre le nationalisme du Front national de Le Pen en défendant l’autoritarisme de l’Union européenne et en ne s’en prenant pas aux racines de sa politique.

Car, si l’on interdit, comme l’Union européenne le fait, des politiques qui touchent les privilèges des plus riches, il ne reste qu’à s’en prendre aux plus faibles. Il n’y a pas de troisième voie. S’il n’y a jamais d’argent pour des nouveaux logements publics, on crée la base pour que ceux d’en bas se battent entre eux pour ceux qui existent. Si l’on coupe dans les budgets de l’enseignement, des services publics et de la vie associative, on crée toutes les conditions pour le repli sur soi et les tensions d’aujourd’hui et de demain.

Remettre en cause la politique antisociale, antidémocratique et guerrière de l’Union européenne est une condition indispensable pour la reconquête des classes populaires.

Une autre est évidemment de dévoiler la nature profonde du Front national derrière sa démagogie sociale. Et on ne peut le faire que si on rejette réellement le néo-libéralisme, qui se cache aussi dans le programme FN.

Le FN : remplacer l’austérité made in Union européenne par une austérité made in France

Car, en effet, le FN reprend en paroles des termes propres aux traditions de gauche. Il critique la mainmise des multinationales sur l’économie, les taxes qui étranglent citoyens et petits entrepreneurs, l’Europe qui impose l’austérité à la France…

Plutôt que de pointer le manque d’emploi, de logement, de places en crèche, etc., le FN veut en priver une partie de la population, et donc justifier la pénurie

Mais, si l’on examine les mesures proposées dans le programme du FN, autant le vague domine le volet social, autant il est précis quand il s’agit de l’immigration. Pour tout ce qui concerne l’emploi et la réindustrialisation de la France, il n’y a que des formules, aucune proposition concrète (et même, il veut réduire le nombre de fonctionnaires, ce qui est loin d’être une mesure créatrice d’emploi).

Par contre, le thème omniprésent est ce que le FN appelle la « priorité nationale ». Celle-ci implique que les citoyens de nationalité française auraient plus droit que les autres à la sécurité sociale et aux services publics, ainsi qu’à l’emploi. Le piège est que, contrairement à l’image que cela veut renvoyer, cette mesure est avant tout une manière de favoriser l’austérité : plutôt que de pointer le manque d’emploi, de logement, de places en crèche, etc., le FN veut en priver une partie de la population, et donc justifier la pénurie. C’est d’autant plus le cas que le FN est très dur vis-à-vis des chômeurs et allocataires sociaux, et compte s’en prendre durement à ceux-ci, Français ou non. D’une part, il fait donc semblant de protéger les « pauvres » français contre les autres, mais, d’autre part, il compte bien traiter tous les défavorisés comme des « parasites » – à l’instar d’un Bart De Wever. Ainsi, dans plusieurs villes dirigées par le FN, les tarifs de cantine scolaire ont explosé pour les familles précaires et les subventions ont diminué – quand elles n’ont pas disparu – pour les associations d’aide aux personnes les plus pauvres.

L’immigré comme cible est un moyen d’épargner les banquiers et grands patrons qui ont profité de la crise pour s’enrichir. Le FN reprend ainsi de nombreuses propositions propres à la droite ultralibérale : on parle d’« alléger le coût du travail », de diminuer le pouvoir des syndicats, de réduire le nombre de logements sociaux, d’offrir des cadeaux fiscaux aux entrepreneurs, etc. Et, quand il semble vouloir s’en prendre aux grandes entreprises, « les 50 plus fortes capitalisations boursières, fleurons des entreprises françaises, devront affecter 15 % de leur résultat net en réserve spéciale de réindustrialisation », c’est en réalité pour la forme, car le programme stipule bien que ce sera « sans incidence sur leur rentabilité » et que les sommes seront « restituées » au terme d’une période de 5 ans.

Malgré des déclarations qui semblent anti-système, le programme du FN est une version nationaliste du libéralisme. Le discours sur « la France d’abord » vise à rallier les travailleurs et petits indépendants français derrière un programme qui servira le 1 %… français.

C’est d’ailleurs dans cette optique que des responsables FN ont mené récemment une opération de séduction vis-à-vis du monde patronal. Ainsi, Christophe Boudot, tête de liste FN en Auvergne-Rhône Alpes, s’est félicité d’une rencontre avec Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, et a déclaré fièrement que « le FN est l’ami de l’entreprise ».

En ce qui concerne la fiscalité, l’ISF, l’impôt sur la fortune, doit passer à la trappe pour le parti de Marine Le Pen qui veut le « fusionner » avec la taxe foncière. Pas étonnant quand on sait que la famille Le Pen est elle-même soumise à l’ISF. La famille tient sa fortune de l’héritage du magnat du béton Hubert Lambert, que Jean-Marie Le Pen a touché en 1985. Les membres de la famille continuent de bénéficier de ce patrimoine à travers de sociétés civiles immobilières. Comme l’a écrit Jean-Marie Le Pen dans la brochure « Droite et démocratie économique » : « Mieux vaut hériter de bons chromosomes conduisant à la richesse, plutôt que de faibles chromosomes qui vous font perdre le magot légué. »

Finalement, le FN ne peut se présenter comme anti-système que parce qu’il trompe sur la nature du système. Il pointe du doigt les immigrés, l’Europe et les pays étrangers. Mais c’est bien l’élite économique française qui a contribué à la construction de cette Europe, ce sont les grands patrons français qui exercent un lobbying acharné pour des traités ultralibéraux qui précarisent les travailleurs, menacent la sécurité sociale et donnent tout le pouvoir aux multinationales. Mais le 1 % des plus riches Français, c’est le grand absent des discours du FN, ce 1 % qui s’enrichit notamment par l’exploitation des travailleurs sans-papiers, dont certaines entreprises bien françaises, comme le géant de la construction Vinci.

C’est là que se situe la grande ligne de fracture : entre une élite économique qui s’enrichit toujours plus et la majorité de la population qui craint toujours plus pour son avenir. Et, dans cette situation, le FN n’offre qu’un discours qui divise les gens. Et propose en réalité, à la place d’une austérité made in Union européenne, une austérité made in France.

Contre l’Europe de la concurrence et de l’inégalité et contre le FN

Nous savons qu’en ces temps de crise, des gens peuvent devenir de plus en plus aigris. Beaucoup voient que le monde ne tourne pas rond, ce qui peut produire le meilleur, dans la recherche d’alternatives, ou le pire, avec des solutions nationalistes et simplistes.

La gauche authentique doit pouvoir transformer positivement cette colère.

La gauche authentique doit pouvoir transformer positivement cette colère. Pas en cherchant un consensus avec ceux, dans l’Union européenne, qui ont frayé la voie au FN, mais, au contraire, en osant désigner les responsables de la crise sociale dans laquelle l’Union européenne s’enfonce depuis sept ans : le 1 % le plus riche. Celui des Arnault, Bettencourt et Albert Frère de ce monde.

La gauche ne doit pas s’unir pour se mettre à la remorque de politiques de droite, comme le fait le PS d’Hollande et Valls, mais bien pour avoir une vraie politique de gauche, qui combatte pied à pied la politique actuelle de l’Union européenne.

« La concurrence et la chasse au profit sur le libre marché sont la base de l’Union européenne. Elles sont gravées dans les textes de base de l’Union. Elles pourrissent et étouffent tout, écrivions Peter Mertens et moi-même en 2011 dans Comment osent-ils ?. Nous ne devons pas rhabiller de neuf cette construction de la concurrence ni donner une nouvelle couche de peinture aux déséquilibres. Nous avons besoin d’autres fondations. La coopération et la solidarité doivent remplacer la concurrence et l’inégalité. Cela suppose une tout autre Europe. »

Ces mots nous semblent plus actuels que jamais. Dans cette Union européenne, il n’y a pas place pour une politique basée sur la coopération, la solidarité, les investissements équilibrés et le développement régional. Si une Europe répondant aux besoins des gens doit grandir, elle ne peut le faire qu’en remettant en cause les fondements de l’Union européenne. Autrement, soit l’Union s’enfoncera dans l’autoritarisme croissant, soit toute l’Union éclatera et les tensions nationalistes du début du 20e siècle referont leur entrée dans ce jeune 21e siècle.

Comme l’écrivait Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Faisons en sorte, ensemble, que les monstres soient arrêtés à temps pour aider à construire un nouveau monde.

Source : PTB, David Pestieau, 11-12- 2015

Source: http://www.les-crises.fr/union-europeenne-ceux-qui-ont-ecrase-les-grecs-ont-fraye-la-voie-au-fn-par-david-pestieau/


Les liens secrets de la Grande-Bretagne avec les gouvernements, les entreprises cachées derrière les ventes de pétrole de l’ÉI, par Nafeez Ahmed

Thursday 17 December 2015 at 00:50

Source : Insurge Intelligence, le 31/07/2015

Dans leur hâte d’accéder à la richesse que constituent le pétrole et le gaz du Kurdistan, les États-Unis et la Grande-Bretagne ferment les yeux sur la complicité avec la contrebande de pétrole de “l’État Islamique”

Selon des sources politiques haut-placées de la région, des alliés clés dans la guerre dirigée par les États-Unis et la Grande-Bretagne contre l’État Islamique (ÉI) financent secrètement le mouvement terroriste. Des compagnies pétrolières américaines et britanniques sont lourdement investies dans le triangle géopolitique trouble qui soutient les ventes clandestines de pétrole de l’ÉI.

Le Gouvernement Régional Kurde (GRK) en Irak et le renseignement militaire turc ont tous deux apporté leur concours à la contrebande de pétrole de l’ÉI et ont même, selon des officiels kurdes, irakiens et turcs, fourni des armes au groupe terroriste.

Une compagnie pétrolière britannique en particulier, Genel Energy, a passé un contrat avec le GRK pour fournir du pétrole à une grande société kurde accusée de faciliter les ventes de pétrole par l’ÉI à la Turquie. Cette société kurde a des liens étroits avec le gouvernement kurde irakien.

Genel opère au GRK avec le soutien du gouvernement britannique, et est également lié à un groupe parlementaire britannique qui a des liens anciens avec les industries pétrolières britanniques et kurdes.

Les relations entre, d’une part, les sociétés pétrolières britanniques et kurdes et, d’autre part, des personnalités politiques britanniques importantes, soulèvent des questions sur les conflits d’intérêts — surtout dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme » qui est censée viser, et non financer, l’« État Islamique ».

Les Kurdes, les Turcs et les aveugles

L’une des principales sources de revenus de l’ÉI est la contrebande de pétrole. L’État Islamique contrôle approximativement 60% du pétrole syrien, ainsi que sept des plus grands sites de production de pétrole en Irak.

En se servant d’un réseau soigneusement entretenu d’agents et d’intermédiaires dans la région kurde de l’Irak aussi bien qu’en Turquie, l’ÉI a réussi à produire la quantité phénoménale de 45 000 barils par jour de pétrole, leur permettant d’engranger 3 millions de dollars par jour en espèces en pratiquant des prix bien au-dessous du marché.

Mais l’ampleur du montant des transactions et l’impunité de ce réseau de contrebande ont amené des politiciens locaux à se demander si certains personnages officiels du GRK et de Turquie ne fermaient pas les yeux sur ces opérations.

Des personnalités irakiennes, kurdes et turques ont accusé aussi bien le GRK que l’État turc de délibérément autoriser un certain nombre de ces opérations de contrebande.

La tension monte entre le GRK et le gouvernement central à Bagdad au sujet du contrôle de la production et des revenus des champs pétroliers de la région kurde. Les dirigeants kurdes d’Irak voient dans le pétrole de leur région un moyen d’accroître leur autonomie, voire d’accéder à l’indépendance, tandis que le gouvernement irakien cherche à assurer son contrôle souverain sur toutes les ventes en provenance de ses champs pétroliers, incluant ceux du GRK.

Ces tensions ont atteint un sommet lorsque le GRK a commencé à vendre unilatéralement du pétrole et à l’exporter en Turquie en contournant Bagdad.

Complicité

Le GRK et les autorités turques démentent avec véhémence avoir quelque rôle que ce soit dans la facilitation des ventes de pétrole par l’ÉI. Les deux gouvernements ont pris des mesures pour réprimer ces opérations de contrebande, et tant les États-Unis que la Grande-Bretagne travaillent en liaison étroite avec la GRK pour établir les routes empruntées par la contrebande de l’ÉI.

Malgré l’arrestation d’intermédiaires kurdes impliqués dans le marché noir de l’ÉI, des preuves continuent d’affluer montrant que ces mesures sont complètement décousues et ne parviennent pas à enrayer la corruption à haut niveau.

Selon une source de haut niveau du parti islamique Dawa majoritaire au gouvernement irakien, les autorités irakiennes et américaines ont recueilli des renseignements importants prouvant que des membres du GRK ont fermé les yeux sur les ventes de pétrole au marché noir par l’ÉI.

La source, qui a un accès direct à des personnalités de haut niveau du gouvernement irakien, affirme que le GRK a tout d’abord vu l’invasion de l’Irak par l’ÉI comme une occasion de consolider le contrôle kurde sur le territoire contesté, surtout sur la région riche en pétrole de Kirkuk. Cependant, les Kurdes n’avaient pas prévu que la présence de l’ÉI deviendrait aussi puissante.

Au début de l’invasion, l’année dernière, il a dit :

« Des éléments du GRK et de la milice peshmerga ont directement facilité la contrebande secrète de pétrole à travers la région kurde. Les Américains le savaient, et ils ont partagé ces renseignements avec le gouvernement irakien à Bagdad. »

Cette question a engendré des tensions entre le GRK et Bagdad et facilité les efforts de Hussein al-Chahrestani, alors vice-premier ministre irakien de l’énergie, à réprimer les exportations de pétrole indépendantes des Kurdes

Son successeur, le nouveau ministre du pétrole Adel Abdul-Mehdi, a été mis à ce poste à l’occasion d’un remaniement ministériel en septembre de l’année dernière sous la pression diplomatique américaine. Selon la source, contrairement à al-Chahrestani, Abdul-Mehdi a une approche beaucoup plus conciliante de la question du pétrole kurde, ce qui justement arrange les intérêts des investisseurs américains et britanniques dans le GRK. « Ceci signifie que Bagdad est devenu beaucoup plus coulant sur les preuves de la contrebande de pétrole par l’ÉI à travers le GRK. »

La source a confirmé que sous la pression croissante des États-Unis, « les autorités du GRK ont pris de sérieuses mesures pour freiner la contrebande illégale au profit de l’ÉI, mais que la contrebande continue, bien qu’à un niveau plus faible, avec le soutien de dirigeants du GRK qui tirent profit de ces ventes. »

Selon la source irakienne, la Turquie aussi joue un rôle crucial dans ces opérations de contrebande de l’ÉI. En tant que point d’arrivée d’une large quantité de ce pétrole parvenant au marché mondial, les autorités turques ont, dans la pratique quotidienne, fermé les yeux sur ce marché noir mené par l’ÉI. “Les Turcs ont des relations acrimonieuses avec les Américains,” affirme-t-il, tout en confirmant que les services de renseignement américains sont bien au courant du rôle de la Turquie :

« Les services de renseignement américains surveillent de près toutes ces opérations de contrebande. Quelques-uns de ces renseignements nous sont parvenus. Les Américains savent ce qui se passe. Mais Erdogan et Obama n’ont guère d’atomes crochus. En fait, Erdogan fait ce qu’il veut, et les Américains doivent faire avec. »

Ces allégations ont été confirmées par des turcs proches du gouvernement ou parlementaires. En particulier, une source ayant de nombreuses relations au sein du milieu politique turc, y compris l’entourage du Premier ministre, a affirmé que le soutien de la Turquie aux rebelles islamistes opposés au régime de Bachar el Assad en Syrie avait commencé longtemps avant l’émergence de l’ÉI, et qu’il était décisif dans l’ascension fulgurante du groupe.

La Turquie, qui est depuis longtemps membre de l’OTAN, fait partie de la coalition menée par les États-Unis pour combattre l’ÉI et a pris une part essentielle à l’entraînement des rebelles “modérés”, entraînement supervisé par les services de renseignement occidentaux.

La source a ajouté : « La Turquie joue un double jeu dans sa stratégie syrienne. »

« Depuis le début, la Turquie a financé les groupes islamistes en Syrie, y compris l’ÉI, et elle continue à le faire. L’ampleur de la contrebande de l’ÉI à travers la frontière turco-syrienne est énorme, et en grande partie facilitée par la bénédiction d’Erdogan et de Davitoglu, qui voient dans les islamistes le moyen d’étendre la mainmise de la Turquie sur la région. »

Recep Tyyip Erdogan est président de la Turquie ; et Ahmet Davitoglu en est le Premier ministre. Interrogée sur la contradiction entre ces faits et les récentes opérations destinées à tenter d’arrêter cette contrebande en visant les bastions de l’ÉI de l’autre côté de la frontière, la source a dit que c’était trop peu, trop tard.

“Ces actions sont conformes à la stratégie d’expansion d’Erdogan, a-t-il dit, nous n’essayons pas de détruire l’infrastructure de l’ÉI, nous l’attaquons sélectivement.”

Un réseau d’ombre en pleine lumière

La route de la contrebande pétrolière l’ÉI — qui passe par le GRK et aboutit au port de Ceyhan en Turquie — a récemment été étudiée par deux universitaires de Greenwich.

Le document de George Kiourktsoglou, conférencier en sécurité maritime et ancien stratège de la Royal Dutch Shell, et du Dr Alec Coutroubis, directeur par intérim de la faculté de science et d’ingénierie, visait à identifier les schémas suspects de ce commerce illicite de pétrole.

Leur étude extraordinaire, publiée en mars par la Maritime Security Review, examine en détail la route utilisée par l’ÉI, fondée sur une « chaîne de plaques tournantes commerciales » qui passe par les localités de Sanliura, Urfa, Slirt, Batman, Osmanya, Gaziantep, Simak Adana, Kahramarmaras, Adyaman et Mardin. “La chaîne se termine dans la province d’Adana (sud-est de la Turquie), où se trouve le grand port pétrolier de Ceyhan.”

En comparant les pics des tarifs d’affrètement au départ de Ceyhan avec la chronologie des activités de l’ÉI, l’analyse de l’université de Greenwich a identifié une corrélation significative entre les deux. Chaque fois que l’ÉI combat “à proximité d’une zone comportant des équipements pétroliers, les exportations par Ceyhan augmentent rapidement. Ceci peut être attribué à une augmentation due à la contrebande de pétrole en vue de générer rapidement des recettes supplémentaires.”

Bien que les preuves ne soient pas déterminantes à ce stade, les auteurs ont écrit : “Il y a de fortes probabilités qu’une chaîne d’approvisionnement illicite exporte du pétrole de l’ÉI à partir de Ceyhan” vers le marché global. “Depuis le lancement de l’aventure pétrolière de l’ÉI en septembre 2014, les taux d’affrètement à partir de Ceyhan se sont beaucoup rapprochés de ceux du reste du Moyen-Orient”

Bien qu’ils ne puissent être catégoriques, une recherche approfondie incluant des interviews de sources bien informées tend à démontrer que “ceci est le résultat d’une demande accrue de brut de contrebande à très bon marché, disponible au chargement” à partir du port turc.

Kiourktsoglu et Coutroubis appellent à une “recherche complémentaire” sur les entreprises criminelles de l’ÉI qui “puisse potentiellement définir sa place dans l’économie globale.” Les universitaires ont auparavant exposé ces éléments devant une délégation de parlementaires de la commission des Affaires étrangères sur la sécurité maritime au large de la Somalie.

Leur étude met en évidence les failles de l’approche militaire des États-Unis concernant les opérations pétrolières de l’ÉI. Bien qu’ils saluent la manière dont les États-Unis., la Turquie et les raids aériens des pays du Golfe ont “réduit les recettes pétrolières” de l’ÉI en détruisant plusieurs « installations industrielles », cela n’a pas été assez loin. Ils rapportent que :

« … dans la zone bombardée, les puits n’ont pas encore été ciblés par les É-U ou par l’aviation des alliés, un fait qui peut certainement être attribué à la politique “toxique” de l’époque au Moyen-Orient. »

En dépit des grands convois transportant le pétrole de l’ÉI à travers les zones de Syrie, de l’Irak et de Turquie contrôlées par les gouvernements, « les raids des alliés des États-Unis ne ciblent pas les camions et les citernes de crainte de provoquer une réaction violente de la part des populations locales. » En fin de compte, « les opérations de transport sont faites avec efficacité et ont lieu la plupart du temps en plein jour. »

Le dossier public

Le dossier public contient des preuves qui corroborent les affirmations des sources irakiennes et turques en démontrant une corruption endémique en amont comme en aval de la route de contrebande de l’ÉI.

Des observateurs bien informés à l’intérieur et en dehors de la Turquie ont accusé le gouvernement turc de fermer les yeux sur la contrebande de pétrole à travers la frontière syro-turque dans sa détermination à faire tomber le régime d’Assad.

Des dépositions de procureurs et de témoins, dans les tribunaux turcs, ont révélé qu’à la fin 2013 et en 2014, le renseignement militaire turc avait fourni des armes à l’intérieur de zones syriennes sous contrôle rebelle islamiste, contribuant ainsi directement à la montée de l’ÉI.

Le député d’opposition turc Ali Ediboglu a déclaré l’an dernier que du pétrole de l’ÉI avait été introduit en contrebande en Turquie, pour une valeur de 800 millions de dollars. Il a également dit que plus d’un millier de ressortissants turcs aidaient les combattants étrangers à rejoindre l’ÉI en Syrie et en Irak en passant par le territoire turc. Ces deux phénomènes, a-t-il affirmé, se déroulent au vu et au su du renseignement militaire turc, et avec sa participation.

En juillet 2014, des responsables irakiens ont révélé que, lorsque l’ÉI avait commencé à vendre du pétrole extrait de la province septentrionale de Salahouddine, « les peshmergas kurdes en ont arrêté la vente au début, mais ont plus tard permis aux pétroliers de transférer et de vendre du pétrole. »

Trois mois plus tard, un document du ministère de l’Intérieur du GRK divulgué par le média kurde Rudaw a montré qu’un ancien député de l’opposition, Bourhane Rachid, avait accusé les institutions du GRK de faciliter le flux des fonds et des armes aux militants de l’ÉI en Irak.

« Un parti politique kurde à Erbil a fourni armes et munitions aux militants de l’ÉI en échange de pétrole, » a affirmé Rachid. Le document a révélé que le procureur en chef du GRK avait secrètement préparé un procès contre Rachid à la suite des accusations qu’il avait formulées.

Le procès, qui n’a apparemment pas abouti, était une tentative évidente de réduire les critiques au silence. En janvier cependant, une commission d’enquête dirigée par les ministres du GRK de l’Intérieur et des Ressources naturelles avait largement confirmé les affirmations de Rachid.

Des milieux parlementaires kurdes ayant pris connaissance du rapport final du comité, resté secret à ce jour, ont confié à Rudaw que le rapport confirmait :

« … un certain nombre de fonctionnaires du Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK) et des peshmergas ont été impliqués dans le commerce illégal. »

Six mois plus tard, les identités des fonctionnaires visés par l’enquête ne sont toujours pas divulguées et personne n’a été inculpé, jugé ou condamné. Le bureau du GRK au Royaume-Uni n’a pas souhaité répondre à notre demande de commentaire.

Le Groupe Nokan

Cependant, quelques mois après les conclusions du comité, des preuves ont émergé de l’implication du Groupe Nokan, une importante société kurde en lien étroit avec le GRK, dans les ventes de pétrole de l’ÉI.

Dans une lettre au Groupe Nokan, Mark D. Wallace — ancien ambassadeur américain aux Nations Unies sous la présidence de George W. Bush et chef de la direction du Counter Extremism Project, une ONG  basée à New York — a jugé fiables « des rapports selon lesquels certaines formations kurdes facilitent le commerce de pétrole de l’ÉI… »

« Plus précisément, certaines sociétés kurdes seraient engagées pour transporter du carburant raffiné à partir de la raffinerie de Baïji contrôlée par l’ÉI, au nord de Tikrit, en Irak, en vue de sa livraison à travers la région kurde par les autorités de la province de Soulaymaniyah, au Kurdistan irakien, au nord-est de l’Irak. »

Meer Soma, une « filiale » du Groupe Nokan, possède ou exploite des camions qui « sont utilisés pour transporter des produits pétroliers traités à partir des raffineries contrôlées par l’ÉI jusqu’à des organismes kurdes à l’intérieur ou aux environs de Kirkouk, » a écrit l’ambassadeur Wallace dans la lettre datée du 20 mars 2015.

Wallace a observé que, selon la presse kurde, Meer Soma figure parmi plusieurs sociétés-écran contrôlées par Nokan et opérant pour le compte du groupe dans le but d’éviter toute association publique avec la société mère.

Photographie jointe à la lettre de l’ambassadeur Wallace adressée au Groupe Nokan, et reprise par plusieurs comptes-rendus des médias

Selon un rapport de 2012 de l’agence de renseignements d’affaires MarcoPolis basée à Paris, le Groupe Nokan compte parmi les sociétés les plus importantes de la province et « a des intérêts » dans Meer Soma.

En 2014, année de la publication en ligne de photographies montrant des pétroliers de Meer Soma acheminant du pétrole de l’ÉI vers des raffineries kurdes, le site internet de la filiale de Nokan a été supprimé.

Le courrier de l’ambassadeur Wallace n’a pas suscité grand chose sinon le silence. Wallace n’a reçu aucune réponse du groupe Nokan. Le groupe Nokan n’était pas disponible pour fournir le moindre commentaire.

Des copies de ce courrier ont été envoyées aux commissions parlementaires concernées, ainsi qu’à John E. Smith, directeur par intérim du Bureau du ministère des Finances américain pour le contrôle des actifs à l’étranger. Le trésor américain n’a pas donné suite aux demandes d’information concernant les mesures prises pour enquêter sur ces affirmations.

Même un porte-parole du Counter Extremism Project, au nom duquel le courrier fut envoyé, a refusé de faire le moindre commentaire lorsqu’il lui a été demandé de clarifier le suivi effectué par les autorités américaines.

La corruption, Nokan, et le GRK

Le groupe Nokan est un consortium d’entreprises possédées et contrôlées par le parti kurde irakien Union Patriotique du Kurdistan (UPK), qui est un des membres de la coalition majoritaire du GRK aux côtés du PDK.

Le Kurdistan Tribune rapporte que Nokan est dirigé depuis le siège de l’UPK dans la région de Soulaymani. Le journal estime qu’en comptabilisant ses 23 filiales, la valorisation du groupe Nokan approche les 4 à 5 milliards de dollars, soit plusieurs fois sa valeur déclarée.

Le quotidien La Tribune pointe le fait que le business modèle de l’UPK est représentatif du secteur privé dans tout le GRK – gangréné par la corruption et le népotisme, principalement pour enrichir les élites politiques et leurs alliés. “Le modèle économique du Kurdistan fait du marché un monopole au bénéfice de quelques-uns et crée un environnement empoisonné pour les PME,” observe le journal.

Un long article dans The Nation indique que le système clientéliste du GRK exclut et spolie la majorité de la population : “La plupart des entreprises profitables, comme celles qui contrôlent les projets de construction, sont possédées par un Barzani ou un Talabani”, les chefs des deux partis au pouvoir du GRK.

“Mais au-delà les nouveaux faubourgs rutilants, les hôtels cinq étoiles et les voitures tape-à-l’œil se trouve une ville ancienne dans laquelle, disent les critiques, la corruption reste un problème et les limites entre le gouvernement et le privé souffrent d’être troubles,” note le Financial Times.

Jusqu’à l’année dernière, le chef de l’UPK Jalal Talabani présidait l’Irak. Son fils, Qubad Talabani, est aujourd’hui premier ministre adjoint du GRK. Auparavant, celui-ci servait comme représentant du GRK aux États-Unis. Dans le cadre de ses deux fonctions, Qubad a joué un rôle clé dans le développement des relations commerciales avec l’Occident, notamment le secteur pétrolier.

L’autre fils de Jalal Talabani, Pavel, supervise le bataillon anti-terroriste du GRK à Sulaymani, qui est dirigé par un membre de l’UPK, Lahur Sheikh Jangi.

La belle-sœur de l’aîné Talabani, Shanaz Ibrahim Ahmed, est la représentante de l’UPK au Royaume-Uni en charge des relations avec les médias, ainsi que des finances du groupe Nokan.

Qubad Talabani, premier ministre adjoint en titre, doit prononcer un discours à la Kurdistan-Iraq Oil & Gas Conference qui doit se tenir à Londres ce novembre. Cette conférence, organisée par la société britannique CWC Group en partenariat avec le gouvernement d’union UPK-PDK, est sponsorisée par un grand nombre de sociétés du secteur énergétique y compris Exxon Mobil, Chevron, DNO, Gulf Keystone Petroleum et le Qaiwan Group.

Le Qaiwan Group, parmi les sponsors de platine de la conférence londonienne, est sous contrat du ministère de l’énergie du GRK pour construire et opérer les extensions prévues de la raffinerie pétrolière de Bazian dans le cadre d’un Accord d’Achat d’Energie (Power Purchase Agreement).

L’actuelle “phase 3″ de l’extension, qui doit être achevée d’ici 2018, a pour objectif de porter la capacité de la raffinerie de 34 000 à 80 000 barils par jour.

La raffinerie de Bazian est cependant possédée et contrôlée par WZA Petroleum, une autre filiale du groupe Nokan de l’UPK, dominée par la famille Talabani.

Parrwen Babakir est la présidente de WZA Petroleum et, à ce titre, également la propriétaire principale de la raffinerie de Bazian. Babakir est aussi présidente du groupe Nokan et chargée du portefeuille exploitation-production de l’UPK. Elle avait été auparavant nommée ministre de l’industrie du district de Sulaymani par Talabani de 2003 à 2007. Elle n’a pas répondu aux questions concernant le concours présumé du groupe Nokan aux ventes de pétrole de l’ÉI.

Tandis que les officiels du gouvernement du GRK et leurs proches profitent directement des contrats énergétiques lucratifs négociés par le GRK, ces mêmes officiels – qui sont responsables de la lutte anti-terroriste dans la province de Sulaymani – supervisent le groupe Nokan, qui est impliqué dans la contrebande pétrolière de l’ÉI.

La filière britannique

Une entreprise britannique du secteur de l’énergie avec de forts soutiens de l’establishment politique du Royaume-Uni contrôle le champ pétrolier alimentant la raffinerie de Bazian détenue par le groupe Nokan.

La raffinerie, détenue par le groupe Nokan dont les camions ont été vus transportant le pétrole de Daech au travers de la province du Kurdistan irakien, est fournie par le champ Taq Taq du GRK. Le champ pétrolier produit un total de 100 000 barils par jour, la plupart étant expédiés aux raffineries locales. La firme turco-britannique Genel possède une participation de 45% dans le champ pétrolier Taq Taq.

Genel Energy a été formé via une fusion de 2,1 milliards de dollars entre la firme britannique, Vallares Plc, et une compagnie turque, Genel Enerji. La firme est dirigée par Tony Hayward, un ancien président-directeur général de British Petroleum (BP).

Interrogé au sujet de la position de Genel sur sa collaboration avec des institutions impliquées dans le financement du terrorisme de Daech, Andrew Benbow, porte-parole de la compagnie anglo-turque, a répondu : « Toutes ces questions sont à poser au GRK plutôt qu’à nous. »

Selon le rapport final du Comité spécial des Affaires étrangères de la Chambre des communes dans l’enquête sur la politique du gouvernement britannique à l’égard du GRK, publié en janvier 2015, Genel est le seul investisseur britannique majeur dans la province.

Le rapport a noté que la région du Kurdistan détient environ 45 milliards de barils de pétrole — niveau du même ordre que la Libye et le Nigéria — et un “complément” de 311 milliards de m³ de gaz, plaçant ce champ autour de la dixième ou douzième place des réserves mondiales. Le GRK vise à exporter jusqu’à 2 millions de barils par jour d’ici 2020, une perspective d’un énorme intérêt pour les sociétés occidentales, y compris, selon le rapport, “Exxon, Chevron, Repsol, Total, le géant local KAR, et la compagnie britannico-turc, Genel Energy.”

Juste un mois auparavant, le ministre de l’Énergie de David Cameron à l’époque, Matthew Hancock, déclarait à la 4e conférence d’Erbil sur le pétrole et le gaz du Kurdistan irakien que l’Irak “a un rôle majeur à jouer dans la future demande mondiale de pétrole.” Faisant remarquer qu’”est prévu un pic de production en 2020″ de la production américaine de pétrole, il a dit que par conséquent : “Le monde devrait devenir de plus en plus dépendant des réserves irakiennes.”

La production de pétrole irakien va tripler à plus de 8 millions de barils par jour en 2040, il a ajouté : “Les réserves du Kurdistan vont jouer un rôle significatif dans cette augmentation. Cette région est non seulement perçue comme l’une des plus grandes réserves inexploitées de pétrole dans le monde, mais a également un potentiel substantiel pour le gaz.

Genel Energy est positionné pour tirer un profit maximal de l’augmentation de la production kurde, via un choc pétrolier ou tout autre évènement inattendu. Mehmet Sepil, le président de Genel, a dit à la conférence de 2014 que sa société entend jouer un rôle majeur dans l’exploitation des 311 milliards de m³ de gaz de la province kurde.

Une année plus tôt, le groupe parlementaire de tous les partis (GPTP) chargé de la région kurde d’Irak a publié un rapport à partir de sa mission exploratoire de la province, recommandant que le Comité spécial des Affaires étrangères entreprenne cette enquête.

Dans le cadre de la mission exploratoire, le député conservateur Nadhim Zahawi, qui est coprésident du GPTP sur le Kurdistan, visitait la région pétrolière de Taq Taq qui était dirigée par Genel Energy en novembre 2013.

Zahawi détenait des actions de Genel Energy, selon le registre d’intérêts de la Chambre des Communes, ce qui montre qu’il a déclaré sa relation avec Genel en juin 2013. Selon Zahawi, il a vendu ses parts de Genel Energy le 30 avril 2014.

Plus tard en 2013, Zahawi a été désigné par David Cameron au Conseil de Direction du Premier ministre, avec la responsabilité particulière des affaires et de l’économie, un poste qu’il détient toujours.

En juin 2014, Zahawi a été désigné comme membre du Comité spécial des Affaires étrangères, et a joué un rôle clé dans son enquête sur la politique du gouvernement.

“Ce sont évidemment de très sérieuses affirmations dont je n’étais pas au courant auparavant et qui n’ont pas été soumises à l’enquête du Comité spécial,” a déclaré Zahawi au sujet de la lettre de l’ambassadeur Wallace concernant le groupe Nokan. Il expliqua que le comité examinerait les sources de financement de l’État Islamique dans une enquête ultérieure.

Zahawi a également nié être au courant de l’enquête interne du GRK concernant le soutien au terrorisme de l’État Islamique, mais également des affirmations au sujet de la relation entre Genel et Nokan. “En tant qu’ancien actionnaire,” a-t-il expliqué, “je ne connaissais pas plus le détail de leurs opérations qu’un autre actionnaire ou tout membre du public. Je suggérerais que vous soumettiez vos preuves et questions à Genel directement.”

Le GPTP sur le Kurdistan est intimement lié au PUK et au KDP, qui dirigent tous deux les intérêts pétroliers du gouvernement et de l’Occident dans la province. Gary Kent, qui est le directeur des Amis Travaillistes de l’Irak, est payé directement par la Gulf Keystone Petroleum — qui est massivement investie dans les actifs pétroliers du GRK — pour fournir des services de secrétariat au GPTP.

Le GRK et sa branche britannique fournissent également des “services administratifs” au GPTP, ce qui inclut des “dîners pour les parlementaires,” des réceptions annuelles et des délégations du groupe de financement à la province.

Décrivant les découvertes du GPTP sur le Kurdistan en janvier 2014, le vice-président du GPTP Robert Halfon — qui est maintenant ministre (sans portefeuille) du nouveau cabinet de David Cameron et député président du Parti Conservateur — a déclaré à la Chambre des Communes :

“Dans l’ensemble du Kurdistan, les affaires sont florissantes… et les gens sont désireux d’investissement britannique et étranger. La privatisation continue rapidement et de vastes complexes immobiliers sont en construction. D’importantes réserves de gaz et de pétrole qui, de façon inhabituelle dans ces régions, sont utilisées pour l’intérêt du pays ne sont pas détournées par la corruption. Comme je l’ai mentionné lors d’une motion d’urgence [déposée par Zahawi et d'autres]… le GRK peut devenir un important allié pour garantir la future sécurité énergétique du Royaume-Uni.”

En janvier 2015, alors que le Comité spécial des Affaires étrangères publiait son rapport d’enquête, Zahawi était de retour au GRK en tant que membre d’une délégation commerciale officielle du Royaume-Uni, dirigée par le maire de Londres Boris Johnson, récemment nommé au sein du cabinet politique du Premier ministre.

Fracturer l’Irak pour le pétrole

Bien que le GRK ait lancé une enquête sur le financement du terrorisme de Daech par des responsables kurdes alors que l’enquête du parlement britannique était toujours en cours, le rapport d’enquête ne le mentionne pas, et il ne reconnait pas non plus que l’enquête du GRK avait confirmé les affirmations publiées près d’un mois plus tôt.

Le comité parlementaire n’a pas constaté de telles affirmations, et de telles informations n’ont jamais été soumises à l’enquête, a dit Zahawi.

Le rapport parlementaire britannique de 2015 justifie avec insistance les appels à cimenter les liens britanniques-GRK en raison du rôle du GRK comme “partenaire fiable dans la lutte contre le terrorisme.”

Alors que le rapport du parlement s’efforce de souligner la position officielle du gouvernement britannique qui privilégie un Irak unifié, il penche également fortement en faveur d’une solution fédérale qui octroie au GRK une autonomie considérable, basée sur son habileté à exploiter les ressources pétrolière et gazière de la province.

Soulignant la recommandation du ministre britannique des Affaires étrangères de décentralisation maximale comme étant le meilleur modèle possible pour une gouvernance démocratique en Irak, le rapport recommande que le gouvernement britannique soit préparé aux “possibles conséquences d’un éclatement de l’Irak.”

“Une augmentation de l’autonomie du GRK, voire son indépendance, est rationnelle en soi, étant donné son potentiel économique et sa capacité démontrable d’autonomie effective, et est compréhensible en soi, étant donné son histoire récente.” Alors que l’avancement vers l’indépendance n’est pas imminent, “c’est une possibilité à moyen terme, dépendante en grande partie de la stratégie d’exportation d’énergie de la région Kurdistan, ce à quoi le gouvernement britannique devrait être préparé.”

Dans son rapport sur la visite de Zahawi dans les champs pétroliers exploités par Genel Energy, The Independent a observé qu’il n’y avait “aucune suggestion d’une quelconque irrégularité dans les relations avec le GPTP Kurdistan.”

Mais indépendamment des règles parlementaires, le rôle éhonté du GPTP pour favoriser les intérêts pétroliers et gaziers britanniques dans la région n’est guère un secret.

“Nous avons apporté les rapports détaillés de nos délégations auprès des ministres britanniques et d’autres groupes pour promouvoir le message que le Kurdistan est ouvert aux affaires et pour dynamiser les relations britanniques dans le commerce, la culture et d’autres domaines,” a déclaré le GPTP sur son site web.

“Cela a aidé à changer l’approche de la Grande-Bretagne par rapport au Kurdistan… Les rapports du groupe ont aidé à dépasser cette hypothèse erronée et ont persuadé le gouvernement britannique d’envoyer des missions officielles à la foire commerciale d’Erbil – un plus grand nombre d’entreprises britanniques est attendu à la foire du mois prochain.”

Comme de nombreux autres intérêts impliqués, le Bureau des Affaires étrangères de Grande-Bretagne (FCO) a échoué à répondre lorsqu’il était questionné au sujet de la relation qu’a le gouvernement britannique avec les autorités régionales et les firmes impliquées dans la facilitation des ventes de pétrole au marché noir par l’État Islamique.

Le PDG de Genel Energy, Tony Hayward, s’est exprimé pour prendre la défense de la décision du GRK qui demande aux entreprises d’exporter par camion le pétrole brut du champ de Taq Taq en Turquie. La firme anglo-turque reçoit des paiements pour ces exportations directement du GRK, plutôt que du gouvernement de Bagdad, qui les considère comme illégales.

Jusqu’à sa démission plus tôt cette année, l’ancienne députée travailliste Meg Munn était présidente du GPTP sur le Kurdistan aux côtés de Zahawi. Ancienne ministre des Affaires étrangères sous Tony Blair, elle est vice-présidente de la Fondation Westminster pour la Démocratie (FWD), un “organisme exécutif public non ministériel” financé par les Affaires étrangères qui fait la promotion des institutions parlementaires à l’étranger.

Le FWD est sous contrat depuis de nombreuses années avec les Affaires étrangères et le Département Pour le Développement International britannique (DPDI) pour augmenter les mécanismes formels de démocratie en Irak et au sein du GRK.

Toutefois, une analyse indépendante du travail de l’organisation, commandée par le FCO en 2010, concluait que ses propres dossiers internes “fournissent peu de preuves que l’organisation a un impact significatif et durable à long terme.” L’analyse concluait au contraire :

“… l’objet du soutien du parti – strictement défini – n’est pas de présenter des améliorations démontrables du fonctionnement de la démocratie… [mais] permet aux parties prenantes de se livrer à des activités, ce qui serait impossible pour le FCO d’entreprendre.”

Cela concerne des activités politiques “conçues pour aider leurs homologues idéologiques dans d’autres pays” et qui facilitent “l’accès aux partis des démocraties en développement et leur influence,” soutenant ainsi les “objectifs diplomatiques du gouvernement de Grande-Bretagne.”

Donc, la fonction finale du FWD est de promouvoir les intérêts du gouvernement britannique. Sa constitution stipule que les quatorze membres de son Conseil des Gouverneurs doivent être nommés par le ministre britannique des Affaires étrangères, dont huit d’entre eux sont nommés par le parlement. Un rapport annuel du FWD avoue ceci :

“Le FWD offre au FCO et au HMG [Le Gouvernement de Sa Majesté]… une focalisation sur le travail politique que le FCO ou le Gouvernement ne pourraient pas ou ne souhaiteraient pas entreprendre directement… là où le soutien du gouvernement britannique pourrait être interprété comme une interférence étrangère.”

Malgré sa propre description comme “rassembleur neutre” entre les demandes d’unité nationale et de fédéralisation, l’entièreté du programme national en Irak du FWD est dirigé depuis la capitale du GRK, Erbil.

Dans le Kurdistan irakien, cela signifiait pour le FWD, selon le rapport de 2011 du GPTP, promouvoir “une économie de marché démocratique” sûre pour la pénétration de capitaux étrangers : “Le menu inclut un État plus petit mais plus intelligent, une société civile active, un système médiatique libre et professionnel, et plus d’entreprises privées.”

“Le Kurdistan exploite ses richesses pétrolières et gazières de manière louable et en avance sur le planning par le biais d’une utilisation judicieuse du secteur privé,” s’enthousiasmait le rapport du GPTP sous la surveillance de Zahawi et Munn.

“La sécurité énergétique européenne viendra de la capacité d’acheminer le gaz par le projet de couloir énergétique sud sur un siècle. Cela mérite la reconnaissance et le soutien du Royaume-Uni.”

L’ardeur avec laquelle les compagnies pétrolières américaines et britanniques exploitent les ressources des Kurdes irakiens soulève, cependant, des questions urgentes, à savoir si le soutien des gouvernements US-UK à l’égard des liens entre GRK et le pétrole turc ne joue pas en défaveur de la guerre contre l’ÉI, et si cela n’alimente pas le groupe terroriste.

Les Britanniques pas plus que les Américains ne veulent apparemment répondre à ces questions.

Source : Insurge Intelligence, le 31/07/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-liens-secrets-de-la-grande-bretagne-avec-les-gouvernements-les-entreprises-cachees-derriere-les-ventes-de-petrole-de-lei-par-nafeez-ahmed/


De l’Ukraine, du Syrak et de quelques autres choses

Wednesday 16 December 2015 at 04:43

Source : Chroniques du Grand Jeu, 11-12-2015

Ben Erdogan semble condamné à réparer chaque bourde antérieure par une aventure encore plus folle. C’est sans doute dans ce contexte qu’il faut voir son escapade nord-irakienne. L’incident du Sukhoi lui a semble-t-il définitivement fermé les portes de la Syrie et créé les conditions propices à l’émergence de ce qu’il craignait le plus : un Kurdistan autonome sous direction PYD le long de la frontière turque. Passant de Charybde en Scylla et jouant sa dernière carte, il se rabat sur l’Irak, surfant sur la profonde division du Kurdistan et les liens très lâches entre cette province et Bagdad.

L’idée finale est-elle de favoriser, après la chute du califat, la création d’un “sunnistan” sous égide turque ? Le sultan pense-t-il sérieusement que l’Iran et la Russie laisseront faire ? Il y a quelque chose de profondément suicidaire chez lui, qui se coupe tour à tour de ses seuls fournisseurs possibles en énergie (Russie, Irak, Iran).

En tout cas, sa folle équipée offre l’Irak sur un plateau à Poutine, à la grande rage des Américains, obligés de soutenir publiquement quoique à demi-mot leur encombrant allié otanien tout en désapprouvant en privé cette nouvelle frasque (est-ce un hasard si, pour la première fois, Washington a reconnu que le pétrole daéchique prenait la direction de la Turquie ?). Le Parlement irakien prévoit maintenant de revoir et peut-être d’annuler l’accord de sécurité entre l’Irak et les Etats-Unis. On devine aisément par qui les Américains seraient alors remplacés en Irak :

En attendant, c’est le statu quo. La Turquie semble quand même avoir pris conscience de cette nouvelle impasse et commence à mettre les petits plats dans les grands. Faut dire que de l’autre côté, ça rigole pas, Ankara recommandant même à ses ressortissants de quitter l’Irak !

En Syrie même, où la coopération franco-russe atteint d’ailleurs de nouveaux niveaux, Poutine a lancé un cinglant avertissement : “Toute menace envers les forces russes doit être immédiatement détruite”. Le sultan sera obligé de raisonner ses F16 récalcitrants. Déjà qu’il est occupé à emprisonner des enfants qui arrachent ses affiches de campagne… (oui, oui, bonnes gens, c’est ce même Erdogan que l’UE courtise et à qui elle offre 3 milliards)

De Turquie en Ukraine, il n’y a qu’un pas – est-ce d’ailleurs un hasard si les dirigeants de ces deux républiques bananières s’entendent soudain très bien ? A Kiev, les députés de la Rada s’amusentcomme des petits fous (le lancer de nain putschiste deviendra-t-il nouvelle discipline olympique ?) :

L’Italie a fait preuve d’audace en bloquant l’extension des sanctions européennes contre la Russie. On imagine les eurocrates et autres hommes de paille de Washington se précipiter sur les vols à destination de Rome pour “amicalement” convaincre nos amis transalpins de changer leur position. Le summum de l’hypocrisie a été atteint il y a quelques jours par le Département d’Etat US, critiquant presque dans la même minute les sanctions russes contre la Turquie et justifiant les sanctions occidentales contre la Russie.

Le FMI vient d’entrer à son tour dans la Guerre froide 2.0 en changeant les conditions d’attribution de son aide pour venir au secours des putschistes installés par la CIA à Kiev et leur permettre de ne pas rembourser leur dette à la Russie. Nous avions déjà vu à quel point les institutions financières internationales mises en place au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale visaient à assurer l’hégémonie du dollar. A défaut d’aider directement l’Ukraine (voir cette étonnante histoire de livraisons de matériel US périmé et inutilisable), l’empire continue d’utiliser tous les moyens à sa disposition, et notamment sa mainmise sur les institutions financières, pour mener sa guerre hybride contre Moscou.

On comprend dans ces conditions la croisade dédollarisatrice mondiale lancée par la Russie, la Chine et quelques autres. De la kyrielle de banques parallèles qui en sont nées – BAAI chinoise, Banque des BRICS, Fonds route de la Soie – une nouvelle pourrait bientôt être créée : un organisme financier propre à l’Organisation de Coopération de Shanghai !

Et puisque nous évoquons le monde multipolaire concurrent de l’Occident américanisé, un mot tout de même sur l’élection de Macri en Argentine. Candidat de la droite libérale, traditionnellement proche des Etats-Unis en Amérique latine, le nouveau président pourrait faire sortir son pays du grand mouvement dans lequel l’avait engagé les Kirchner (alliance avec la Russie et la Chine, future entrée dans les BRICS, dédollarisation…). Macri prétend vouloir maintenir des liens privilégiés avec Moscou. Wait and see

Cela n’empêche certes pas la Russie de signer contrats sur contrats dans le domaine militaire (derniers en date : Mexique et Inde) ni la Chine de faire feu de tout bois. Pékin ouvre sa première basemilitaire en Afrique, continue sa course folle aux armements révolutionnaires et prévoit de lancer en collaboration étroite avec la Russie 100 satellites dont la finalité n’est pas tout à fait claire…

 Source : Chroniques du Grand Jeu, 11-12-2015

Ca continue de plus belle…

Source : Chroniques du Grand Jeu, 8-12- 2015

Nous avons évoqué hier trois incendies – Irak vs Turquie, Russie vs Turquie, Etats-Unis vs Damas – qui, s’ils se ne sont pas éteints, pourraient bien faire s’embraser le Moyen-Orient. Or, loin de se calmer, le feu repart de plus belle.

Jusqu’où ira donc la république bananière d’Erdogan ? Ankara refuse en effet de retirer ses troupes d’Irak comme le lui intime pourtant Bagdad. La situation est ubuesque et Davotuglu, le premier ministre turc, ne craint pas le ridicule quand il affirme que les autorités irakiennes ont autorisé le déploiement – ce dont elles n’ont apparemment pas le souvenir. Encore plus absurdes sont ses récriminations sur les… “provocations” irakiennes !

Résumons : la Turquie envoie des troupes dans un pays souverain sans sa permission, prétend contre toute vraisemblance que ce pays l’a autorisé à le faire et ose parler de “provocation” quand le pays envahi se plaint. Erdogan ou le foutage de g…. en 3D. Au XIXème siècle, la Turquie était souvent appelée “l’homme malade de l’Europe” du fait de sa faiblesse. Le sultan a réussi en ce début de XXIème à faire de son pays le malade mental de l’Eurasie. Que pense l’OTAN de la pomme pourrie dans son panier ?

En plus de la menace porter l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU qui devrait se concrétiser ces prochaines heures, Bagdad envisage maintenant des sanctions contre la Turquie. Quant aux milices chiites irakiennes parrainées par l’Iran, qui avaient déjà de sérieux griefs envers Ankara accusée avec raison de soutenir Daech, elles appellent maintenant à cibler tout intérêt turc en Irak (pour ce genre de milice, “cibler” veut dire “éliminer”).

Bien sûr, Ankara a d’excellentes raisons stratégiques : avoir une tête de pont près des champs pétroliers du nord de l’Irak et au coeur des voies de communication de ses ennemis de toujours (PKK et YPG), avoir son mot à dire lorsque l’EI perdra Mossoul et que le nord de l’Irak sera recomposé. Mais le sultan en herbe, tout à son rêve néo-ottoman, se rend-il compte de l’isolement de plus en plus sinistre de son pays, désormais en froid avec tous ses voisins ?

Et puisqu’on en parle, l’inénarrable Davotuglu remplit parfaitement son rôle de bouffon du pacha et s’en prend maintenant verbalement à la Russie qu’il menace de contre-sanctions, oubliant sans doute que c’est la Turquie qui a abattu un avion russe et non l’inverse – on ne voit d’ailleurs pas très bien quelles sanctions Ankara serait susceptible de mettre en oeuvre -, et, fait nouveau, à l’Iran.

Sur le front, cela n’empêche en tout cas pas l’armée irakienne de continuer son avancée : une partie de Ramadi a été reprise à Daech. Le fait a son importance car Ramadi est sur les arrière de Fallujah, ville symbole de l’Etat Islamique en passe d’être encerclée, comme Mossoul au nord.

Sur le théâtre d’opération syrien, les Sukhois continuent leurs mortelles (pour les terroristes modérés) escapades : 600 cibles en trois jours ainsi que les fameux missiles Klibr lancés à partir d’un sous-marin . L’armée syrienne progresse lentement mais sûrement sur à peu près tous les fronts. Mais un nouveau bombardement attribué aux Américains provoque une levée de boucliers. Un jour après avoir tué 3 soldats du régime à Deir Ez Zor et en avoir accusé de manière ridicule la Russie, l’oncle Sam frappe encore, tuant des dizaines de civils. Encore quelques bombardements comme ça et Poutine aura le prétexte tout trouvé pour déployer ses S400 sur tout le territoire syrien. D’ailleurs, deux nouvelles bases russes sont sur le point d’être achevées, se rapprochant dangereusement et de Daech et des avions américains.

Source : Chroniques du Grand Jeu, 8-12- 2015

Source: http://www.les-crises.fr/de-lukraine-du-syrak-et-de-quelques-autres-choses/


Comment la CIA fabrique des informations contre le gouvernement du Venezuela (La Jornada)

Wednesday 16 December 2015 at 00:16

Suite à la victoire de l’opposition libérale aux législatives du Venezuela (tssss, ces dictateurs, pas efficaces quand même…), un petit rappel.

Source : Le Grand Soir, José Manuel Martín Medem, 11-12-2015

Quand Felipe Gonzalez dit que le Venezuela vit sous un régime tyrannique, personne ne demande à l’ancien chef du gouvernement espagnol qu’il expose ses arguments qui soutiendraient un mensonge aussi éhonté. Et lui de rajouter que le Chili de Pinochet respectait plus les droits de l’homme que le Venezuela de Maduro. Par contre quiconque voudrait lui répondre se verrait obligé d’apporter milles et une preuve, lesquelles n’auraient de toute façon aucun effet contre la mauvaise foi. Le Venezuela n’est pas une démocratie jusqu’à ce que l’on démontre le contraire, c’est une tyrannie bien que cette accusation ne tienne que… “parce que tout le monde le sait“.

Pour Fernando Casado, parler de “tyrannie au Venezuela” est un parfait exemple de sound bites, des messages courts qui résument des idées complexes et dont le but est d’être injectés l’opinion publique internationale. Spécialiste en droit et communication, Casado vient de publier à Madrid un livre (1) qui reprend ses conclusions après cinq années de recherches sur le rôle des informations contre le gouvernement du Venezuela dans les médias les plus influents d’Espagne et d’Amérique latine.

Il explique le système de triangulation mis en place pour tergiverser l’information et se base sur ses interviews de plusieurs journalistes reconnus travaillant pour de grands médias, qui reconnaissent l’influence que joue la ligne éditoriale antigouvernementale dans leurs articles.

La triangulation consiste à semer des informations de la CIA dans la presse madrilène, provenant toujours de “sources confidentielles”, pour ensuite les reproduire à Miami et par le biais du Groupe de Journaux d’Amérique. Ces informations sont ensuite rediffusées à Caracas par le journal El Nacional,comme s’il s’agissait de la parole divine.

Il est important de souligner ici qu’il ne s’agit pas de l’opinion de Casado ou de la mienne, mais de l’expérience vécue et racontée par des journalistes qui travaillent pour les médias impliqués. Le Groupe de Journaux d’Amérique est constitué de O Globo (Brésil), El Mercurio (Chili), La Nación(Argentine), El Tiempo (Colombie), El Comercio (Equateur et Pérou), El Universal (Mexique), El País(Uruguay) et El Nacional (Venezuela). Des journaux comme El Nuevo Herald (Miami), El Espectador(Colombie) et ABCEl Mundo et El País (Madrid) sont sur la même longeur d’onde.

Les faits que révèlent les journalistes interviewés par Casado lèvent le voile sur un supposé journalisme de qualité qui laisse en fait fort à désirer. Angelica Lagos, éditrice de la rubrique internationale du journal El Espectador, parle d’une “construction dévastatrice pour l’image du Venezuela”. Maye Primera et Clodovaldo Hernández, tous deux collaborateurs d’El País à Caracas, parlent d’un “effort pour créer une opinion publique défavorable” et d’ “une pression insupportable pour raconter les choses comme eux voulaient les voir”. Miguel Angel Bastenier : “Nous savons tous qui est notre propriétaire ; l’immense majorité de ceux qui se trouvent à l’intérieur du système ne sortent pas de ce cadre”. Angel Expósito, directeur du journal ABC : « Nous avons accès à des informations de la CIA ».

La CIA sème des infos dans la presse à Madrid

Le 6 janvier, la DEA et la CIA ont offert un petit cadeau au journal madrilène ABC. Ils ont exfiltré de Caracas le déserteur Leasmy Salazar -présenté comme un officier membre des gardes du corps d’Hugo Chavez et de Diosdado Cabello, le président de l’Assemblée Nationale- ils l’ont emmené à Madrid afin qu’il se fasse interviewer par Emili J. Blasco, correspondant à Washington du journal. Salazar lui a relaté en exclusivité les chefs d’accusation qu’il allait négocier avec le procureur aux Etats-Unis : “le Venezuela est un narco-état construit par Hugo Chavez et aujourd’hui dirigé par Diosdado Cabello”. Je n’invente pas cette histoire. Blasco la raconte lui-même dans le livre (2) qu’il a écrit à partir des révélations de Salazar, mis à sa disposition par la DEA et la CIA. Expósito [le directeur du journal ABC] a admis à Casado que l’information “provenait de la CIA” et Blasco confirme dans son ouvrage qu’il a eu accès à des rapports des services secrets. Le correspondant d’ABC est devenu la référence de base pour tous les médias qui sont disposés à utiliser l’information des services secrets des Etats-Unis préalablement blanchie par ABC.

Le livre de Blasco assure aussi que le Venezuela a mis en place un système de fraude électorale permanent grâce à l’intervention d’assesseurs cubains. Ses seules preuves sont les “accusations de témoins protégés par la Justice américaine” et des révélations de “figures du chavisme qui ont établi des contacts avec les autorités américaines mais qui préfèrent attendre encore avant de prendre la fuite”.

Le Wall Street Journal a participé à la légitimation de l’intervention de la CIA dans les médias, en l’auréolant de son prestige de Mecque du journalisme international. Pourtant, il est intéressant de lire avec attention les articles au sujet du Venezuela. En effet, le WSJ reconnaît que toute l’information utilisée provient de fonctionnaires du gouvernement des Etats-Unis et de ses services secrets. Le journal reconnaît aussi que les Etats-Unis tentent depuis dix ans de monter des affaires judiciaires liées au narcotrafic contre le gouvernement du Venezuela sans y parvenir faute de preuves indiscutables, et qu’une opération en cours consiste en provoquer des désertions de fonctionnaires et de militaires afin de leur donner le statut de témoins en échange de compensations comme un titre de séjour aux Etats-Unis. “Les services secrets américains –reconnaît le WSJ- ont accéléré le processus de recrutement de déserteurs qui offrent des informations utiles”. Des agents de ces services ont expliqué au journal que des exilés vénézuéliens les aident à contacter des fonctionnaires gouvernementaux afin de leur proposer qu’ils deviennent des déserteurs et partent se réfugier aux Etats-Unis.

« Tout le monde sait que »

Un second livre (3) récemment publié a lui aussi alimenté les accusations de supposée complicité entre Cuba et le Venezuela. Son auteur est un vénézuélien, Gustavo Azócar, conseiller électoral de l’opposition, et ses sources proviennent aussi d’informations récoltées par le journal espagnol ABC. Il réitère les accusations de Blasco, utilise les mêmes “rapports des services secrets” et a souvent recours au “tout le monde sait que“, assurant ainsi que les militaires cubains contrôlent l’Université des Forces Armées dans le cadre de la formation des officiers vénézuéliens pour réprimer les protestations populaires qui auront lieu suite à la fraude électorale lors des prochaines législatives du 6 décembre.*

The Guardian (et qui oserait prétendre qu’il s’agit d’un journal chaviste et bolivarien ?) a envoyé au Venezuela l’économiste américain Mark Weisbrot afin qu’il informe au sujet des mobilisations de l’opposition. Après deux semaines d’observation sur place, il a publié une chronique intitulée La vérité sur le Venezuela : une révolte des riches**, dans laquelle il explique que la vérité n’a pas grand-chose à voir avec celle décrite par les médias qui ont le plus d’influence auprès de l’opinion publique internationale. Weisbrot en arrive à la conclusion suivante : une stratégie insurrectionnelle de l’extrême droite vénézuélienne est en cours, avec le soutien des Etats-Unis.

José Manuel Martín Medem

L’auteur a été correspondant de RTVE au Mexique, en Colombie et à Cuba. Membre de la Commission Exécutive du Syndicat des Journalistes de Madrid (SPM).

Source : Le Grand Soir, José Manuel Martín Medem, 11-12-2015

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Texte de 2014..

La vérité sur le Venezuela : une révolte des classes aisées, pas une « campagne de terreur » (The Guardian)

Source : Le Grand Soir, Mark WEISBROT, 26-03- 2014

La rhétorique de John Kerry est déconnectée de la réalité sur le terrain, où la vie continue – même sur les barricades.

Une manifestante pose pour la photo, sur la place Altamira à Caracas. Photo : Jorge Silva / Reuters

Les images forgent la réalité et octroient un pouvoir à télévision et aux vidéos et même aux photos qui peuvent s’enfoncer profondément dans la conscience des gens sans même qu’ils s’en rendent compte. Moi aussi j’ai pensé que j’étais à l’abri de ces représentations répétitives du Venezuela comme un état défaillant pris dans les affres d’une révolte populaire. Mais je ne m’attendais pas à ce que j’ai vu à Caracas ce mois-ci : combien peu de la vie quotidienne semble être affectée par les manifestations et combien la normalité prévalait dans la grande majorité de la ville. Moi aussi, j’avais été happé par les images des médias.

De grands médias ont déjà indiqué que les pauvres du Venezuela n’ont pas rejoint les protestations de l’opposition de droite, mais c’est un euphémisme : ce ne sont pas seulement les pauvres qui s’abstiennent – à Caracas, c’est pratiquement tout le monde à l’exception de quelques zones riches comme Altamira, où de petits groupes de manifestants se livrent à des batailles nocturnes avec les forces de sécurité, jetant des pierres et des bombes incendiaires et fuyant les gaz lacrymogènes.

En marchant dans le quartier de la classe ouvrière de Sabana Grande au centre de la ville, il n’y avait aucun signe que le Venezuela est en proie à une « crise » qui nécessite une intervention de l’Organisation des États américains (OEA), et peu importe ce que John Kerry vous raconte. Le métro fonctionnait normalement aussi, même si je n’ai pas pu descendre à la gare d’Alta Mira, où les rebelles avaient établi leur base d’opérations avant leur expulsion cette semaine.

J’ai eu mon premier aperçu des barricades à Los Palos Grandes, une zone de revenus supérieurs où les manifestants ont le soutien populaire, et où les voisins s’en prennent à ceux qui tentent de démonter les barricades – une opération risquée (au moins quatre personnes ont apparemment été abattues en tentant de le faire). Mais même ici, sur les barricades, la vie est à peu près normale, à part quelques embouteillages. Le week-end, le Parque del Este était plein de familles et de coureurs en sueur dans la chaleur étouffante – avant Chávez, on m’a raconté qu’il fallait payer pour y entrer, et les résidents ici étaient déçus quand les moins bien lotis ont été autorisés à entrer gratuitement. Le soir, les restaurants sont toujours pleins.

Voyager permet plus qu’une simple vérification de la réalité, bien sûr, et j’ai visité Caracas principalement pour recueillir des données sur l’économie. Mais je suis revenu très sceptiques quant aux récits rapportés chaque jour dans les médias et selon lesquels les pénuries croissantes de produits alimentaires de base et des biens de consommation sont une motivation sérieuse pour les manifestations. Les gens qui sont les plus incommodés par ces pénuries sont, bien sûr, les pauvres et les classes ouvrières. Mais les habitants de Los Palos Grandes et Altamira, où j’ai vu de véritables manifestations, ont des serviteurs qui font la queue pour eux et ils ont les moyens et l’espace pour faire des stocks.

Ces gens-là ne souffrent pas – ils s’en sortent très bien. Leur revenu a augmenté à un rythme constant depuis que le gouvernement Chávez a pris le contrôle de l’industrie pétrolière, il y a dix ans. Ils bénéficient même d’une mesure coûteuse pour le gouvernement : n’importe qui avec une carte de crédit (ce qui exclut les pauvres et les millions de personnes qui travaillent ) a droit à 3000 $ par an à un taux de change subventionné. Ils peuvent ensuite vendre ces dollars à 6 fois le prix qu’ils ont payé, ce qui équivaut à une subvention annuelle de plusieurs milliards de dollars pour les privilégiés – mais ce sont eux qui fournissent la base et les troupes de la rébellion.

La nature de classe de cette lutte a toujours été évidente et incontournable, aujourd’hui plus que jamais. En passant devant la foule qui s’est présentée pour les cérémonies du 5 Mars pour marquer l’anniversaire de la mort de Chávez, c’était une marée humaine de Vénézuéliens de la classe ouvrière, des dizaines de milliers d’entre eux. Il n’y avait pas de vêtements de luxe ou de chaussures à $300. Quel contraste avec les masses mécontentes de Los Palos Grandes, avec leurs Jeeps Grand Cherokee à $40 000 affichant le slogan du moment : SOS VENEZUELA.

Quand il s’agit du Venezuela, John Kerry sait de quel côté de la guerre de classe il se situe. La semaine dernière, alors que je quittais la ville, le secrétaire d’État des États-Unis a redoublé de violence dans sa rhétorique contre le gouvernement, accusant le président Nicolás Maduro de mener une « campagne de terreur contre son propre peuple ». Kerry a également menacé d’invoquer la Charte démocratique interaméricaine de l’OEA contre le Venezuela, ainsi que des sanctions.

Brandissant la Charte démocratique contre le Venezuela est un peu comme menacer Vladimir Poutine avec un vote parrainé par l’ONU sur la sécession en Crimée. Peut-être que Kerry ne l’a pas remarqué, mais quelques jours avant ses menaces, l’OEA s’est saisi d’une résolution que Washington a présenté contre le Venezuela en l’a retourné contre lui, en déclarant « la solidarité » de l’organisme régional avec le gouvernement de Maduro. Vingt-neuf pays l’ont approuvé, seuls les gouvernements de droite de Panama et le Canada se sont rangés du côté des États-Unis.

L’article 21 de la Charte démocratique de l’OEA s’applique à l’ « interruption inconstitutionnelle de l’ordre démocratique d’un Etat membre » (comme le coup d’état militaire de 2009 au Honduras que Washington a contribué à légitimer, ou le coup d’État militaire de 2002 au Venezuela, appuyé encore plus par le gouvernement des Etats-Unis). Compte tenu de son récent vote, l’OEA serait plus susceptible d’invoquer la Charte démocratique contre le gouvernement américain pour ses meurtres sans procès de citoyens américains par drones que de condamner le Venezuela.

La rhétorique de Kerry sur la « campagne de terreur » est également déconnectée de la réalité, et de façon prévisible a provoqué une réaction équivalente du ministre des Affaires étrangères du Venezuela, qui a qualifié Kerry d’ « assassin ». Voici la vérité sur ces accusations de Kerry : depuis que les manifestations au Venezuela ont commencé, il semble que plus de gens ont été tués par des manifestants que par les forces de sécurité. Selon les décès signalés par le CEPR le mois dernier, en plus de ceux tués pour avoir tenté de démonter des barricades, environ sept ont apparemment été tués par des obstacles installés par les manifestants – dont un motard décapité par un fil tendu à travers la route – et cinq officiers de la Garde nationale ont été tués.

Quant à la violence de la répression, au moins trois personnes semblent avoir été tués par la Garde nationale ou d’autres forces de sécurité – dont deux manifestants et un militant pro-gouvernemental. Certains blâment le gouvernement pour trois meurtres supplémentaires par des civils armés ; dans un pays avec une moyenne de plus de 65 homicides par jour, il est tout à fait possible de ces gens aient agi de leur propre chef.

21 membres des forces de sécurité sont en état d’arrestation pour abus, y compris pour certains des meurtres. Il n’y a pas de « campagne de terreur ».

Dans le même temps, il est difficile de trouver une dénonciation sérieuse de la violence des principaux dirigeants de l’opposition. Les sondages indiquent que les protestations sont très impopulaires au Venezuela, même si elles font beaucoup mieux à l’étranger où elles sont présentées comme des « manifestations pacifiques » par des gens comme Kerry. Les sondages indiquent également que la majorité des Vénézuéliens voient ces perturbations pour ce qu’elles sont : une tentative de renverser le gouvernement élu.

La politique intérieure de la posture de Kerry est assez simple. D’une part, vous avez le lobby de la droite cubano-américaine en Floride et leurs alliés néo-conservateurs qui réclament à cors et à cris le renversement du gouvernement. A gauche de l’extrême droite, il n’y a… rien. Cette Maison Blanche se soucie très peu de l’Amérique latine, et il n’y a pas de conséquences électorales à faire en sorte que la plupart des gouvernements du continent soient un peu plus dégoûtés de Washington.

Peut-être que Kerry pense que l’économie vénézuélienne va s’effondrer et que cela entraînera quelques Vénézuéliens pas-si-riches dans les rues contre le gouvernement. Mais la situation économique se stabilise – l’inflation a diminué en Février, et le dollar sur le marché noir a fortement baissé à l’annonce que le gouvernement mettait en place un nouveau taux de change, basé sur le marché. Les obligations souveraines du Venezuela ont eu un rendement de 11,5% entre le 11 Février (veille des manifestations) et le 13 Mars, soit le rendement les plus élevé de l’indice du marché Bloomberg en dollars des pays émergents. Les pénuries seront probablement réduites dans les semaines et mois à venir.

Evidemment, c’est justement là le problème principal de l’opposition : la prochaine élection est prévue dans 18 mois, et à ce moment, il est probable que les pénuries économiques et l’inflation qui avaient tellement augmenté au cours des 15 derniers mois auront diminué. L’opposition perdra alors probablement les élections législatives, car elle a perdu toutes les élections de ces 15 dernières années. Et la stratégie insurrectionnelle actuelle n’aide pas sa cause et semble avoir divisé l’opposition et réuni les chavistes.

Le seul endroit où l’opposition semble recueillir un large soutien est Washington.

Mark Weisbrot

Traduction « de Kiev à Caracas, les mêmes stratégies ne produisent pas forcément les mêmes résultats » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source : Le Grand Soir, Mark WEISBROT, 26-03- 2014
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Pourquoi la victoire de la droite n’a-t-elle déclenché aucune liesse dans les rues ?

VENEZUELA : PAYSAGE AVANT LA BATAILLE

Thierry DERONNE – 10/12/2015

Avec l’élection de deux tiers de députés de droite vient de se répéter le scénario médiatique qui accompagna la défaite électorale des sandinistes au Nicaragua en 1990. Le pays semble rentrer dans l’ordre néo-libéral, on reconnaît que la « dictature » est une démocratie, on félicite les perdants pour leur reconnaissance immédiate des résultats.

Mais pourquoi Caracas, au lendemain du scrutin, était-elle si triste ? Pourquoi une telle victoire n’a-t-elle déclenché la moindre liesse dans le métro, dans les rues ? Comment comprendre la mobilisation de collectifs populaires, ou que les syndicats se déclarent en « état d’urgence », alors qu’il y a trois jours une partie de même cette base populaire ne s’est pas mobilisée en faveur des députés bolivariens ?

Dès l’élection de Chavez en décembre 1998, nombre d’institutions révolutionnaires se sont peuplées du « chiripero » – surnom donné à la masse d’employé(e) qui troquèrent en 24 heures la casquette du populisme des années 90 pour une chemise rouge (alors que souvent les révolutionnaires authentiques étaient écartés). L’angoissante guerre économique a rendu insupportables la corruption et la surdité de ce secteur de fonctionnaires face à l’exigence d’une protection forte, d’un État plus efficace, plus participatif, travaillant à écouter les citoyen(ne)s.

Parallèlement, le « changement » promis par la droite a été interprété comme la fin de la guerre économique : les rayons des magasins se rempliraient de nouveau, les files disparaîtraient avec le retour du secteur privé au pouvoir. Or les leaders de l’opposition ont d’ores et déjà annoncé qu’il ne sera pas possible de régler le « problème économique » à court terme et que la priorité sera d’appliquer un programme visant à « modifier » les lois et acquis sociaux. Fedecámaras, organisation des commerçants et des chefs d’entreprises du secteur privé, demande à l’assemblée nationale d’annuler la Loi du Travail (1).

En ligne de mire : les hausses de salaire, la protection des travailleurs contre les licenciements, les conditions trop favorables des congés de maternité, la réduction de la durée du travail, les samedis libres, le paiement des heures sup, les bons d’alimentation. Les syndicats annoncent déjà des mobilisations de rue, réclament la nationalisation de la banque. Menacée et traitée de « cloaque » par le leader de l’opposition Ramos Allup, la chaîne parlementaire ANTV vient d’être remise intégralement à ses travailleurs par le gouvernement, et le président Maduro décrètera une loi pour protéger les travailleurs du service public, en étendant l’interdiction de licenciement de 2016 à 2018.

La droite – elle ne s’en cache pas – veut revenir sur la plupart des acquis de la révolution (loi de contrôle des prix, loi des semences anti-OGM, loi de la réforme agraire, de protection des locataires, éducation gratuite, santé gratuite, construction de logements publics, pensions…), organiser avec les États-Unis la privatisation du pétrole et des autres ressources du pays, annuler les accords de coopération énergétique avec les pays plus pauvres des Caraïbes et de tout autre accord qui défie la vision unipolaire de Washington (PetroCaribe, ALBA, etc..), etc… Elle annonce aussi une « amnistie » pour les militants et le leader de “l’Aube Dorée” locale Leopoldo Lopez, organisateurs de violences meurtrières – celles de 2013 ont fait 43 morts, la plupart dans le camp bolivarien, et six membres des forces de l’ordre tués par balles. Ce sont eux que les médias internationaux appellent des “prisonniers d’opinion” au motif qu’ils appartiennent à l’extrême droite. Pour réaliser tout cela au plus vite, la droite cherchera, dans les mois qui viennent, à destituer le président bolivarien par un coup parlementaire comme celui subi par Fernando Lugo au Paraguay.

Faire la révolution n’est pas simple.

On voit la difficulté de construire une révolution socialiste sans démocratiser la propriété des médias, sans s’émanciper de cette prison culturelle de consommation massive, d’invisibilisation du travail, de fragmentation du monde, de passivité du spectateur. Le récent « rapport sur l’imaginaire et la consommation culturelle des vénézuéliens » réalisé par le ministère de la culture est en ce sens une excellente analyse politique. Il montre que la télévision reste le média préféré et que la majorité associe le Venezuela à l’image de Venevision ou Televen : « jolis paysages/jolies femmes ». Comment mettre en place une production communale à grande échelle, sans la corréler avec un imaginaire nouveau où la terre n’est plus la périphérie de la ville mais le centre et la source de la vie, de la souveraineté alimentaire ? Comment transformer des médias en espaces d’articulation et d’action populaire, de critique, de participation, si le paradigme anglo-saxon de la communication sociale (« vendre un message à un client-cible ») reste la norme ?

En conclusion

Une immense bataille commence, et deux issues sont possibles : soit un repli du camp bolivarien, avec répression des résistances sociales (l’histoire répressive (2) et les liens de la droite vénézuélienne avec le paramilitarisme colombien et la CIA sont bien documentés (3) ), vague de privatisations, retour à l’exploitation et à la misère des années 90, et silence des médias internationaux – comme lors du retour des néo-libéraux au Nicaragua de 1990 à 2006.

Soit les politiques de la droite serviront de fouet à la remobilisation populaire que Nicolas Maduro a appelée de ses vœux en provoquant la démission du gouvernement et en organisant une réunion avec les mouvements sociaux et le Parti Socialiste Uni (PSUV). Malgré l’usure de 16 ans de pouvoir et ces deux dernières années de guerre économique, la révolution bolivarienne conserve un socle remarquable de 42 % des suffrages. Même si les deux tiers des sièges parlementaires donnent à la droite une grande marge d’action, le chavisme dispose pour l’heure du gouvernement et de la présidence, de la majorité des régions et des mairies, et de l’appui d’un réseau citoyen – conseils communaux, communes, mouvements sociaux. Si le président réussit à repartir rapidement sur des bases nouvelles, sans diluer ses décisions dans une négociation interne entre groupes de pouvoir, si toutes ces énergies de transformation se reconnectent et agissent en profondeur, la leçon aura été salutaire.

Thierry Deronne, Caracas, 9 décembre 2015

Notes :

(1) Lire « La nouvelle loi du travail au Venezuela »,https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/04/nouvelle-loi-du-travai…

(2) Lire « la jeunesse d’aujourd’hui ne sait rien de ce qui s’est passé il y a trente ou quarante ans »https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/01/19/la-jeunesse-daujourdhu… et « comment la plupart des journalistes occidentaux ont cessé d’appuyer la démocratie en Amérique Latine »https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/03/16/comment-la-plupart-des…

(3) Lire « Venezuela : la presse française lâchée par sa source ? »https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/08/04/venezuela-la-presse-fr…

Source : Le Grand Soir 10/12/2015

Lire aussi par exemple https://venezuelainfos.wordpress.com/

Source: http://www.les-crises.fr/comment-la-cia-fabrique-des-informations-contre-le-gouvernement-du-venezuela-la-jornada/