Marc Ferro vient de mourir. Il avait 96 ans. Avec lui disparaît un immense historien, aux intérêts multiples. Son œuvre couvre l’histoire de la révolution russe et de nombreux livres l’attestent[1], l’histoire du cinéma (et le rôle d cinéma dans l’histoire), mais aussi la politique française avec un Pétain qui est certainement la biographie la plus achevée du héros devenu baderne et finissant tyran, et des ouvrages sur la décolonisation. Marc Ferro avait codirigé la revue centrale de la scène historique française, les Annales ESC, pendant plus de 15 ans avec Emmanuel Le Roy Ladurie et Jacques Le Goff.
Il fut aussi le directeur du Journal of Contemporary History, l’une des plus grandes revues du monde anglo-saxon. Il était l’égal, par l’œuvre comme par l’influence, des autres immenses historiens comme Jacques Le Goff, qui préfaça les mélanges constitués dans la grande tradition historique pour son 70ème anniversaire, Georges Duby, et comme ceux qui furent ses maîtres, on pense à Fernand Braudel mais aussi à Pierre Renouvin. Il était parfaitement représentatif de la grande tradition historique française du XXe siècle dont Marc Bloch fut l’initiateur et le meilleur représentant.
Si son rôle dans la constitution de l’histoire de l’image en véritable discipline est connu, avec la série « l’Histoire en une minute » et ses courts-métrages de la série « Images de l’Histoire », on ne doit pas oublier son observation des manuels scolaires, dont il rendit compte dans une interview publiée en 1981 dans le revue Historiens et Géographes, la revue de l’APHG, ou encore son Comment on raconte l’histoire aux enfant à travers le monde entier (1983). Car historien, Marc Ferro l’était pleinement.
Il était un historien conscient de ses responsabilités, lui qui avait était résistant durant la seconde guerre mondiale, réchappant des terribles combats du Vercors par miracle, et avait vu sa mère déportée et assassinée par les Nazi à Auschwitz. Il fut aussi un militant de la décolonisation, ce qui s’exprimait dans la Fraternité algérienne dont il avait été un des membres fondateurs. Il fut donc un historie engagé, militant contre les tentatives pour réécrire, falsifier et dénaturer l’histoire, mais aussi plus largement dans la société française où il avait rejoint le courant animé par Jean-Pierre Chevènement.
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