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Actu’Ukraine 31/03

Tuesday 31 March 2015 at 02:30

 Actu’Ukraine semaine du 23 au 29 mars 2015

Petits arrangements entre amis… ou rififi à Kiev !


Focus de la semaine : Kolomoïski 

• Petit retour en arrière pour comprendre… Igor Kolomoïski (ou Ihor Kolomoyskyy) est un oligarque ukrainien à la triple nationalité (ukrainien, chypriote et israélien) dont la fortune est estimée par Forbes à 1,35 milliard USD (forbes.com). Il est le troisième milliardaire ukrainien (1415eme mondial) derrière  Victor Pinchuk  (1,5 milliard USD, 1250eme mondial forbes.com) et  Rinat Akhmetov (6,7 milliards USD 201eme mondial forbes.com). Il contrôle(rait) les deux sociétés d’état du secteur pétrolier : UkrNafta (extraction) (ukrnafta.com) et UkrTransnafta (gazoducs et oléoducs)(ukrtransnafta.com),  ainsi que la première banque commerciale du pays PrivatBank (privatbank.ua, wikipedia) qui représente à elle seule 15% du système bancaire ukrainien.

Carte des actifs de Urknafta (ukrnafta.com)

Carte des actifs de Ukrtransnafta

Carte des implantations de Privatbank (privatbank.ua)

 

Présentation de Igor Kolomoïski sur Forbes (forbes). With partner and fellow billionaire Henadiy Boholyubov, Ihor Kolomoyskyy controls Privat group, a banking and industrial conglomerate. He’s stepped up his political game by sponsoring a volunteer battalion fighting against Russian separatists making incursions into the Dnipropetrovsk region where he became governor last spring. To be sure, self-interest plays a part – a large portion of his industrial assets are located in Ukraine’s eastern regions and he wants to keep order and control. Kolomoyskyy has been buying up assets and companies owned by him have been suing the Ukrainian government to make sure they get favorable treatment. With Boholyubov, he is fighting a lawsuit brought by fellow Ukrainian billionaire, Victor Pinchuk, in London for more than $2 billion in damages for unfulfilled pledges on mining investments. Both are generous donors to Jewish causes. 

Présentation de Igor Kolomoïski par Jacques Sapir (russeurope).  Kolomoisky était jusqu’à cette date (le 26 mars) le gouverneur de la région de  Dnepropetrovsk et, à tous les égards, un des grands barons de cette  Ukraine semi-féodale qui a émergé depuis les événements de la place  Maïdan. Igor Kolomoisky est un homme très riche. Il a un passeport  chypriote (et un passeport israélien), est résident suisse, tout cela  sans avoir renoncé à sa nationalité ukrainienne. Il détient notamment  PrivatBank, la première banque d’Ukraine, et la chaîne de télévision  1+1. Il possède aussi 43% des parts de la compagnie nationale de pétrole  et de gaz UkrNafta et de sa filiale UkrTransNafta,  qui gère plusieurs oléoducs. Dans les faits, il contrôle une large part  de la circulation des carburants en Ukraine. Sa position stratégique  s’est affirmée depuis le début de la crise. Il a consacré une partie de  sa fortune, évaluée entre deux et trois milliards de dollars, à la mise  sur pied de bataillons de volontaires. Aujourd’hui, ce sont 10  bataillons de la Garde Nationale qui sont directement financés par Igor  Kolomoisky. Ces bataillons sont largement présents dans le sud de  l’Ukraine, autour de Mariupol. Cette initiative s’est révélée cruciale  alors que l’armée gouvernementale ne pouvait faire face seule aux  séparatistes dans l’Est du pays. Le mécène a donc endossé un rôle  politique en devenant gouverneur de Dnipropetrovsk, une province  stratégique car voisine de celle de Donetsk. En l’espace de quelques  mois, il s’est ainsi imposé comme un « rempart » contre la rébellion des  provinces de l’Est de l’Ukraine, et il a passé pour ce faire des  alliances étrange avec le groupe fascisant « Secteur Droit ».

Ces bataillons de la Garde Nationale constituent cependant une  « armée privée », dont même la logistique ainsi que l’armement échappent  au contrôle réel de l’armée régulière. On peut comprendre que le  Président nouvellement élu, M. Poroshenko, en ait pris ombrage et ait  cherché à réduire le pouvoir de M. Kolomoiski. C’est dans ce cadre qu’il  faut comprendre les événements qui se sont produits ces derniers jours.  Ils s’apparentent au scénario du roi cherchant à réduire le pouvoir  d’un grand féodal. L’histoire de France est remplie de l’écho de ces  conflits. Mais, ils se sont achevés il y a maintenant près de trois  siècles. Le fait qu’ils se produisent aujourd’hui en Ukraine est un  indicateur indiscutable du fait que ce pays n’est pas encore un État au  sens moderne du terme.

 

Igor Kolomoïski est (était) très influent politiquement dans le gouvernement actuel. Il est gouverneur de l’oblast (région) de Dnipropetrovsk (wikipedia) voisine de la région de Donetsk. Dnipropetrovsk est considérée comme la plus grande région industrielle d’Ukraine et sa  capitale du même nom, située à 500km au sud-est de Kiev, est la quatrième grande ville du pays. Il a été nommé à ce poste en mars 2014 pour “mettre fin aux pulsions séparatistes dans cette région industrielle clé“, ce qu’il a parfaitement réussi à faire jusqu’à dire que “Poutine s’est cassé les dents sur Dnipropetrovsk” (fortruss) !

Région de Dnipropetrovsk (wikimedia)

De plus, il  « sponsorise »  (en clair « finance ») plusieurs « bataillons de volontaires » (en clair « armée privée composée d’hypernationalistes/nazis »). Selon l’enquête menée en septembre 2014  (colonel cassad), il sponsoriserait seul les bataillons Aydar (versé récemment dans l’armée régulière),  Dnepr-2, Donbass, Chernigov et le bataillon 43… et co-sponsorise avec Arsen Avakov (ministre de l’intérieur) Azov (qui tient la ville de Marioupol et mène les combats à Shirokino) et Dniepr-1.

A qui ira la  loyauté de ces bataillons en cas d’affrontements au sein du gouvernement, difficile à dire… Cependant, Igor Kolomoïski dispose, sur le papier du moins, d’une vraie armée privée (geab.eu)…

Au niveau politique, après avoir « aidé » ou financé plusieurs leaders (Dmytro Iaroch, et Arseni Iatseniouk en particulier), il semble vouloir à présent voler de ses propres ailes en créant, début mars 2015, un nouveau parti (d’opposition) nommé “Renaissance’ (ria novosti).

Début mars également, il raconte “beaucoup de choses” à la commission du parlement sur les privatisations (kyiv post) dont il a lui-même bénéficié… et évoque les suicides douteux de  Mikhaïl Tchetchetov et  de Valentina Semeniouk-Sansonenko (qui avaient tous les deux dirigé le  Fonds des biens d’état, de 2003 à  2005 pour le premier, de 2006 à 2008  pour la seconde) (les crises.fr).

En représailles, un projet de loi est introduit le 12 mars 2015 au parlement pour nationaliser Privatbank (dnr-news)… Puis, le parlement vote une loi modifiant l’organisation des conseils d’administration des entreprises publiques afin de réduire le contrôle exercé par les actionnaires minoritaires. Ceci permet au gouvernement d’évincer le directeur en place de Ukrtransnafta et donc de reprendre le contrôle de cette entreprise à Kolomoïski. L’oligarque se fâche tout rouge devant les caméras (discours obscène envers le journaliste de radio “Svoboda” : youtube). Vzgliad fait une longue synthèse des événements lors de la “descente” de Kolomoïski dans les bureaux d’Ukrtransnafta : vzgliad). La police place les bureaux de Uktransnafta sous protection (unian, dnr-news) et  Porochenko inflige un blâme à Kolomoïski “pour violation des règles d’éthique professionnelle” et comportement qui le déshonore en tant que fonctionnaire d’Etat (ria novosti, dnr-news). De plus, des renforts de gardes nationaux sont envoyés dans la région de Dnepropetrovsk (dont Kolomoïski est gouverneur) pour “prévenir des émeutes”. Les journaux ukrainiens se demandent alors si Kolomoïski va conserver encore longtemps son poste de gouverneur…

Vindicatif, Kolomoïski fait bloquer tous les comptes de Porochenko dans la banque Privatbank pour un montant de 50 millions USD (vzgliad).  Enfin dimanche 22 mars, il se serait barricadé avec plusieurs dizaines d’hommes armés dans les bureaux de UrkNafta à Kiev (sputnik news, zn.ua).

 

• Analyses tout azimuts de la situation

Interview de l’ambassadeur US en Ukraine (22 mars youtube)

Analyse d’Oleg Tsarev  : “In Ukraine, Oligarchs’ War of Words May Turn Into War of Bullets and Bombs” (22 mars sputnik news).

Analyse de Vzgliad : “Порошенко готовится разоружить Коломойского” (“Porochenko se prépare à désarmer Kolomoïski”) (23 mars vzgliad). A  la fin l’article remarque qu’il ne s’agit pas seulement d’un conflit  entre Porochenko et Kolomoïski. Firtach et les Etats-Unis sont également  impliqués.

Analyse du New York Times : “Dispute Between Poroshenko and Billionaire Governor Threaten Ukraine Alliance” (24 mars new york times)

Analyse de Strapol : “Ukraine, la guerre oligarchique” par Xavier Moreau (24 mars youtube)

Analyse de Robert Parry : ” Ukraine’s Oligarchs Turn on Each Other” (24 mars consortium news)

Analyse de Regnum : “Второй фронт против Порошенко” (“Un second front pour Porochenko”) (24 mars regnum)

Analyse de Carnegie : “Ukraine: The Kingdom of the Oligarchs”  (carnegie)

Analyse de la Pravda :  “Шість днів Коломойського. Як президент позбавив олігарха влади” (“Six jours de Kolomoiski, ou comment le president a privé un oligarque de pouvoir”) (26 mars pravda.com.ua)

Analyse de Jacques Sapir :  “Ukraine : la guerre des oligarques” (26 mars russeurope)

 

• Les événements de la semaine…

Lundi : remise au pas des bataillons de volontaires. Nalivaytchenko,  le chef de SBU, accuse l’entourage de Kolomoïski de la création de groupe criminel (le bataillon de volontaires Dnepr-1) qui est soupçonné, entre autres, dans le  meurtre d’un officier du SBU près de la ville de Volnovakha dans la partie de l’Oblast de Donetsk sous contrôle ukrainien (wikipedia, pravda.com.ua). Selon TASS, d’importants bataillons de volontaires auraient quitté la ligne de front et se seraient diriger en masse sur Kiev (tass.ru). D’autres éléments armés se seraient assurés le contrôle de la raffinerie d’Odessa (fortruss). Plus tôt dans la journée, Porochenko avait déclaré qu’ “aucun gouverneur (de région) ne serait dorénavant autorisé à posséder des armées privées” (ce qui est une attaque directe sur Kolomoïski qui avait déclaré jeudi dernier que, sur son ordre, 2000 hommes en armes pourraient se rassembler à Kiev) et que les bataillons de volontaires (comprendre “les armées privées”) devraient être “intégrés verticalement” dans l’armée régulière ukrainienne (new york times).

Interview de Kolomoïski non sous-titrée (youtube)

Mardi : Histoire de rajouter un peu d’huile sur le feu…  Zakharchenko, le leader de la république de Donetsk, suggère à Kolomoïski de créer la “république de Dnipropetrovsk (fortruss) répondant à l’appel de l’oligarque à “fédéraliser financièrement” l’Ukraine (politnavigator via fortruss) et à reconnaître le pouvoir de facto des républiques de Donetsk et Lougansk (ria novosti).

Cela ne va pas plaire aux USA… Un ange (ou un démon) passe…

Tentative de rattrapage ! L’adjoint de Kolomoïski, Guennadi Korban, déclare que “la région de Dniepropetrovsk ne se prépare pas à faire sécession de l’Ukraine” (http://www.vz.ru/news/2015/3/24/736061.print.html )… Trop peu, trop tard… En tout cas raté…

Des choses doivent se passer en coulisses parce que la Vetche (assemblée populaire traditionnelle) (wikipedia) convoquée par plusieurs députés de la Rada fidèles à Kolomoïski (vzgliad) à Dnipropetrovsk pour le mercredi 26 est repoussée à samedi 28 (dnr-news, dnr-news) peut-être pour se muer en une sorte de meeting politique (fortruss)…

De son côté, le gouvernement a décidé de retirer les fonds d’Oukrtransneft de la banque de Kolomoïski (vzgliad). Juste ou cas où…

Mercredi  :  Grosse journée ! Lancement d’une purge des “banderistes”, limogeage/démission (ou les deux à la fois) de Kolomïski du poste de gouverneur de Dnipropetrovsk et limogeage/arrestation de deux ministres.  

Porochenko fait un lapsus révélateur dans un discours sur l’assassinat de l’agent du SBU lors de l’anniversaire de la création du SBU. Voulant dire “bandits  cyniques”, il dit “bandéristes cyniques”. les bandéristes étant le nom des Ultra-nationalistes ukrainiens (du nom de Bandera, leur héros et maître à penser). Donc, Porochenko met la mort de l’agent sur le dos des ultra-nationalistes, donc des bataillons de volontaires, donc des oligarques qui les financent, donc de Kolomoïski (fortruss, youtube )… Ce qui ne l’empêche pas de proposer, jeudi 26 mars, à un des plus puissants de ces Bandéristes en question, Dimitri Yarosh, le leader de Secteur Droit (Praviy Sektor), un poste au ministère de la  Défense… sans doute en compensation de la mise sous tutelle de l’armée du corps de volontaires de Praviy Sektor (l”intégration verticale” du lundi ) (offguardian, fortruss).

Dans le même discours, Porochenko annonce le début d’une “opération de sécurité à grande échelle en Ukraine avec la participation de toutes les structures d’Etat” et ajoute que trouver le meurtrier de l’agent du SBU est une “question d’honneur.” (dnr-news)… Comme par hasard, cela concerne la région de Kolomoïski que le chef du SBU appelle à “nettoyer” . De plus, il dit avoir en sa  possession des documents liés au récent assassinat d’un fonctionnaire du  SBU qui permettrait de lever l’immunité parlementaire de plusieurs  députés de cette région (vzgliad).

mais pas que… le SBU préparerait aussi une opération de “nettoyage” dans la région d’Odessa (dnr-news).

Le chef du SBU, Nalivaitchenko,  appelle à “nettoyer la région de Dniepropetrovsk” (la région de Kolomoïski). Il dit avoir en sa possession des documents liés au récent assassinat d’un fonctionnaire du SBU qui permettrait de lever l’immunité parlementaire de plusieurs députés de cette région (vzgliad).

Dans la foulée, Porochenko limoge Igor Kolomoïski de son poste de gouverneur de la région de Dnipropetrovsk. Dans un communiqué publié sur le site de la  présidence,  Porochenko explique que Kolomoïski a lui-même offert de quitter ses fonctions de gouverneur lors d’une réunion mardi soir, au  terme de  plusieurs jours de bras de fer (fortruss, washington post, sputnik news, rt, cdn.rt.com/, russia-insider., russia-insider, tass.ru, colonel cassad, kyiv post). Porochenko nomme à sa place Valentin Reznitchenko. C’est un ingénieur de 43 ans qui a occupé divers postes de responsabilité dans les médias ukrainiens  depuis 1996.  Il avait été nommé auparavant à la tête de l’administration de Zaporojie, il y a tout juste un mois.  Selon Serguei Lechtchenko, Kolomoïski a été renvoyé de son poste de  gouverneur de Dniepropetrovsk après un coup de fil du Vice-Président Joe Biden à Yatseniouk (vzgliad).

Enfin, deux ministres proches de Kolomoïski sont arrêtés en direct à la TV lors d’une réunion ministérielle (voir l’actu plus bas le mercredi 25 mars). Il semble que les Américains ont mis également leur grain de sel dans cette histoire puisque le ministre de  l’intérieur  Avakov déclare  publiquement dans un entretien à la  chaine de télévision ukrainienne  “5″, que le FBI a “aidé” dans  l’enquête qui a mené à l’arrestation des ministres  pour corruption (rusvesna.su).

Jeudi : De l’eau dans le gaz ukrainien !  Le Journal Vzgliad reprend un article d’Agora Vox indiquant que les Etats-Unis veulent prendre le contrôle des gazoducs traversant l’Ukraine vers l’Europe ,ce qui constitue l’arrière fond du conflit Kolomoloïski Porochenko (vzgliad). L’actuel “compromis” entre Porochenko et Kolomoïski pourrait être l’étincelle qui mettra le feu à toute l’Ukraine (vzgliad, new york times, fortruss). Ce qui renvoit à l’interview de Sahra Wagenknecht (Die Linke) qui voit la main des intérêts économiques US dans la crise en Ukraine (sputnik news).

D’un autre côté, une sorte d’accord a dû être conclu entre les deux hommes parce que  Kolomoïski et Porochenko ont l’air totalement réconciliés (du moins en facade)… Kolomoïski dans une interview au journal “Sevodnia” déclare : “Porochenko et moi avons des relations excellentes. Il est très patient. A sa place, j’aurais mis fin à mon poste de gouverneur après trois mois” (vzgliad). Kolomoïski a également déclaré sur la chaîne de TV “1 plus 1″ qu’il ne reviendrait pas à la politique et qu’il continuera à faire du business “pour le bien de l’Ukraine”. Il a ajouté qu’il s’occuperait peut-être “d’activités sociales” (vzgliad).

Porochenko et Kolomoïski donnent une conférence de presse commune (unian, unian). Porochenko remercie Kolomoiski “pour le travail accompli, notant sa contribution au pays à un moment difficile pour notre nation” et a également déclaré que “Les entreprises privées ne doivent gérer que leurs propres actifs, l’Etat doit contrôler l’Etat”… A ce stade, la défaite de Kolomoïski semble totale et est actée dans les médias (colonel cassad).

interview de Kolomoïski non sous-titrée (youtube). Remarquez le bracelet…

Vendredi : Paix réelle ou juste une pause dans l’affrontement ? La Banque centrale d’Ukraine renfloue la banque de Kolomoïski ; elle lui  accorde un crédit de 34 millions de dollars sur deux ans (vzgliad). Sympa Porochenko ! Au delà ce n’est que rumeurs et supputations. Kolomoïski appelerait à un nouveau Maidan samedi lors de la Vetche (russia-insider). Kolomoïski et Porochenko ne se seraient entendus sur rien.  ils font juste une pause et se préparent à de nouvelles batailles (vesti-ukr). Enfin,  après Kolomoïski, Porochenko préparerait une attaque sur les actifs énergétiques d’Akhmetov (vesti-ukr). Bref… personne ne sait vraiment ce qui va se passer et retient son souffle !

Samedi : La vetche de Dnipropetrovsk muée en meeting politique… mué en flop.  Kolomoïski y a reçu l’hommage d’Anton Gerachenko qui, devant les participants du meeting (ex Vetche) pour l’unité de l’Ukraine à Dnipropetrovsk a déclaré: “Si en mars (2014) Dnipropetrovsk n’avait pas résisté, d’autres régions du sud et de l’est seraient tombées comme des dominos”.

Il a ajouté que c’est justement ce qu’escomptait le président de la Russie, Vladimir Poutine, mais les habitants de Dnipropetrovsk et Igor Kolomoïski ont empêché cette issue. “S’il n’y avait pas eu cette détermination, nous aurions peut-être perdu l’Ukraine” (unian, colonel cassad). Dis autrement : “Travail accompli, maintenant retourne jouer avec dans ton tas de sable,ou plutôt ton tas de neige en Suisse”.

Les photos du meeting samedi à Dnepropetrovsk (pauluskp.livejournal). A première vue, pas grand monde ! La montagne accouche-t’elle d’une souris? A noter que Kolomoiski n’a pas fait son apparition , il avait juste la video avec son discours projeté devant la foule, les rumeurs courent qu’il serait parti en Suisse.

Dimanche : Une grosse médaille pour Kolomoïski ! Pour finir cette semaine un peu lourde sur une note comique,  Kolomoïski et son second viennent d’être  décorés de la médaille “Pour le dévouement et l’amour portés à  l’Ukraine” (the kiev times). Assez cocasse, Kolomoïski étant surtout animé par un dévouement et un  amour pour son argent. Pour ce qui est du dispensateur de la dite  médaille, le patriarche de l’Eglise orthodoxe de Kiev Philarète, il  convient de se remémorer le discours (publié antérieurement dans  lescrises.fr) dans lequel il disait que Poutine était l’envoyé de Satan.  Mais il a encore fait mieux récemment en exprimant un petit  “arrangement” avec la foi chrétienne et l’un de ses commandements: il a  déclaré que les Ukrainiens ne violent pas le commandement très important  “tu ne tueras point” quand ils tuent des civils pacifiques en  “défendant leur terre, au Donbass (ridus). Philarète est un authentique “homme de paix”

Et le mot de la fin pour Libération (une fois n’est pas coutume…) Dans le Libération du 24 mars, un certain Volodymyr Omelchenko, qualifié  d’’ “expert en politique énergétique au centre Razumkov à Kiev” déclare  : “Pour de véritables actions contre les oligarques, il faudrait  déjà  que  le Président ne soit pas lui-même un oligarque” (liberation).

 

• Les bataillons de volontaires, enjeu collatéral de l’affrontement Kolomoïski Porochenko…

Kolomoïski aurait apparemment reconnu sa défaite dans l’épreuve de force avec Porochenko. Certains disent que les USA ont clairement choisi leur camp… Effet collatéral, les bataillons de volontaires, financés par Kolomoïski et d’autres oligarques n’ont plus la faveur du gouvernement. Ils sont sans doute jugés trop proches des oligarches en question et pas assez contrôlés par l’appareil de l’état. Du coup, c’est une bonne occasion de faire le point sur ces bataillons et la remise au pas qu’ils subissent actuellement… avec la campagne de presse qui va avec (vox).

D’abord, combien sont-ils (infographie du 16 mars 2015  uacrisis.org traduction fortruss) ?

Selon Fortruss (fortruss), le nombre de volontaires serait relativement limité, environ 10 000 (sur environ 40 millions d’habitants),  mais d’autres sources donnent des chiffres plus importants. De toute façon, ils ne sont pas assez pour gagner la guerre, mais assez pour peser localement sur le front ou dans une région…

- Certains font partie de la garde nationale (et dépendent donc du ministère de l’intérieur) :  Azov, Kulchinskogo et Donbass.

- D’autres servent de forces de police (et dépendent aussi du ministère de l’intérieur) :  Kiev-1, Dnepr-1, Storm, Golden Gates, Peacekeper (Mirotvorets), Artemovsk, Saint Maria, Svityaz et 25 autres bataillons.

- D’autres ont le titre de bataillons territorial de défense (et dépendent du ministère de la Défense) : Kievan Rus, Chernigov-1, Batkivshina (Fatherland), Krivbas, Dnepr-2 et 38 autres bataillons.

- Certains sont intégrés aux forces armées (ministère de la Défense) : Phoenix (3rd battalion of the 79th air-mobile brigade), UNSO (54th recon-subversive battalion of the 30th mechanised brigade) et récemment Aidar.

- Enfin, certains “coordonnent” leurs activités avec les deux ministères (en clair, ils font ce qu’ils veulent…) : Le corps de volontaires de Secteur Droit (Praviy Sektor) et le bataillon OUN (Organisation of Ukrainian Nationalists)

Une étude incomplète réalisée en septembre 2014 donne les noms de certains des sponsors/financeurs (colonel cassad).

Ces bataillons, dont le gouvernement doute certainement de la loyauté dans un contexte d’affrontement entre oligarques, sont cette semaine le sujet de plusieurs accusations, opérations de police et de remises au pas. Le gouvernement parle “d’intégration verticale” dans les forces armées (voir plus haut “événements de la semaine – Lundi”), ce qui veut dire la transformation des bataillons en unités militaires régulières répondant aux seuls ordres de l’état major. Le meurtre d’un agent du SBU leur est imputé. Quand un bus saute sur une mine au Donbass, mardi, ce ne sont pas les  novorusses qui sont montrés du doigt, mais les volontaires de Praviy Sektor (fortruss)! Enfin, dans le secteur de Marioupol, l’armée demande aux  “formations non régulières” d’intégrer l’armée ou de quitter les lignes de front autour de  Marioupol (ce qui concerne en premier lieu le corps des volontaires de  Praviy Sektor) (colonel cassad, podrobnosti.ua, unian, unian). Secteur Droit n’entend pas obéir et parle même de “trahison” (kyiv post, vzgliad). “Les unités concernées ne quitteront pas leurs positions et n’obéiront qu’aux ordres de  leur chef, Dmitri Yarosch”, a déclaré sur la chaîne “112.ua” le chef du centre  d’information de Praviy Sektor, Artem Skoropadski (112.ua). Il est même prévu de faire venir une unité en renfort a déclaré Oleg  Sushinskiy, qui est un autre officier de “Secteur Droit”  sur place (rusvesna).

Un Expert du journal Vzgliad estime que Kiev n’aura pas les moyens d’imposer son ultimatum, contrairement au cas du  bataillon “Aidar” qui a récemment accepté d’intégrer les forces de l’armée régulière . Les choses seront plus difficiles avec “Secteur droit”  qui pose ses conditions pour une éventuelle intégration dans les forces armées, à savoir garder leur structure actuelle ainsi que leur chef  Dmitri Yaroch. Les dernières violations du cessez le feu dans le Donbass sont généralement attribuées à “Secteur Droit”.  “Secteur Droit” ne figure pas officiellement dans la liste des bataillons de  volontaires financés par Kolomoïski mais il est estimé qu’il y contribue. Le leader de “Secteur Droit”, Dmitri Yarosch, est lié à Kolomoïski. “Secteur droit” a sans doute aussi d’autres sponsors. Le chef du SBU, Nalivaitchenko, a protégé “Secteur droit” à ses débuts et les  liens de Nalivaitchenko avec la CIA sont connus (sputnik news). “Secteur droit “a  fait des sessions d’entraînement en Pologne et en Lituanie, ce qui  confirmerait des liens avec la CIA. L’expert  interrogé par Vzgliad estime également que Kolomoïski continuera à financer ces  bataillons de volontaires parce qu’il pourrait avoir rapidement besoin  d’eux, “se trouvant sur une voie qui peut le conduire soit vers la  prison, soit vers la tombe”. “Secteur droit” compterait actuellement plus de 10.000 hommes (vzgliad).

Dmitri Yarosh et “Praviy Sektor” semblent avoir le dessus sur Porochenko. Tout d’abord, les bataillons de volontaires se permettent de déclencher une attaque sur Shirokino samedi alors qu’ls devraient se retirer (un baroud d’honneur ?) (fortruss, colonel cassad). Puis Yarosh devrait être nommé “conseiller du chef de l’état-major général des Forces armées d’Ukraine” (lb.ua). Il donne d’ors et déjà la couleur en disant qu’il faut dissoudre l’état-major général actuel et réduire le nombre d’officiers supérieurs… Petit détail amusant, il prend exemple sur la création de l’armée rouge par Trosky pour imager la méthode qu’il préconise… En somme, des purges staliniennes pour les officiers et une création d’une toute nouvelle armée. Une armée “rouge-noir” ?…

Et pour finir sur Dmitri Yarosh, deux déclarations de cette semaine à méditer…

Il s’ennuie comme député (ukrhome.net): “Ce est (un député – Ed.) -. Absolument pas mon truc je le savais avant même les élections et ne voulait pas courir Ce était une décision collective de la direction SS plus les gars, même provenant de différents camps politiques (national-étatique) -.., Eux aussi, a déclaré Dmitry aller, parce que ce est là que vous apporter des avantages et tout ça. Mais je suis bien conscient que pas tout dans ce système de coordonnées, le clan oligarchique, qui est resté en Ukraine, peut être résolu par BP. Bien sûr, je me amuse à certaines attentes, il y aura toujours des gens qui vont avoir une masse critique pour le changement dans le pays, à la réforme dans les différentes sphères de la vie publique, “

Et une autre sur sa méthode pour régler la question du Donbass (vzgliad). Vzgliad reprend une déclaration de Yaroch sur le Donbass publiée dans le journal ukrainien “Obozrevatel’ : “Il faut d’abord “neutraliser les provocateurs” et ensuite pratiquer une politique d’”ukrainisation caressante”… Il ne dit pas avec quoi il entend “caresser” la population…

 

Lundi 23 mars 2015  

• La semaine commence fort avec un test de lancement de missile nucléaire (non armé) US de Californie vers Guam (youtube)

• Continuons avec les USA et leur convoi de blindés en Europe de l’Est. Il devrait passer par la République Tchèque, mais l’opposition de la population est apparemment si importante que le gouvernement a déclaré qu’il ferait protéger les soldats américains… par des soldats tchèques ! Dixit Sputnik News : “ The initiative has already sparked public outrage in the country prompting the Czech military to announce that it will protect the US military convoy » (sputnik news).

• Le SBU arrêtent 16 officiers de police du SBU et de l’armée accusés de crimes divers dans la partie du Donbass sous contrôle ukrainien (unian)

 • Poisson d’avril avant l’heure ? L’Ukraine veut arrêter d’acheter du gaz russe à partir du 1er avril ! (unian, russia-insider)

• Un conseiller du ministre de l’intérieur ukrainien demande aux USA de faire entrer un de leurs porte-avions en Mer Noire et de bombarder le Donbass (fortruss)… Avec la Crimée en plein exercice militaire (sputnik news) dont des bombardiers armés de missiles anti-navire,  c’est vraiment une très bonne idée !

• Retour sur la semaine dernière. Ca chauffe à Schuster, une émission de débat avec la participation d’un député un ultra-nationaliste Oleg Liashko (Parti Radical). Des  choses qui fâchent apparaissent au grand jour… Dans cette émission, les téléspectateurs ont appris que l’armée  ukrainienne kidnappe des gens, commet des vols et se livre à l’extorsion de fonds.  Par exemple, pour quitter la zone de conflit, il est demandé de 500 à 1000 dollars par personne… La tête et le silence des invités sont  révélateurs (youtube)…

 

Mardi 24 mars 2015  

• Les USA répondent aux Russes dans le point quotidien du Département d’Etat. Marie Harf , porte-parole du Département d’Etat US  répond à la déclaration de Sergeï Lavrov du 16 mars (les crises). Rien de neuf, c’est toujours  la même rengaine : « nous on est les gentils, les russes sont les méchants… ». (video : state.gov, transcript : state.gov)

Transcript de la partie sur l’Ukraine : 

On Ukraine, we continue to see an increasing disparity between what Russia and the separatists say and what they do. This disparity threatens the Minsk agreements and stability in the region. Russia and the separatists claim to be honoring the ceasefire, but in reality they are violating it on a regular basis and are encroaching further beyond the ceasefire line, including recent attacks on an important bridgehead in northern Luhansk. Yesterday Russia-backed separatists also launched an attack on the village of Pisky, where OSCE monitors were inspecting a checkpoint. We condemn this attack, which ended up – injured up to seven Ukrainian troops and placed the OSCE monitors in danger. We commend the OSCE for continued monitoring, even at the risk of personal harm, and we reiterate our call for unfettered access for OSCE monitors. Russia and the separatists it backs will face increasing costs if they do not implement their Minsk commitments. Finally, we take note of yesterday’s so-called International Russian Conservative Forum meeting and look forward to the day when groups from across the political spectrum may once again gather and speak freely in Russia. As always, we will judge Russia and the separatists by the actions, not their words.

And last, in the category of some good news because we don’t often get a lot of this in the briefing room: The World Wildlife Fund is currently hosting the prime minister of Bhutan to promote their collaboration on a joint initiative called Bhutan for Life, which will raise financing to support setting aside more than 50 percent of Bhutan’s territory to preserve forests and wildlife. We welcome the innovative initiative and applaud Bhutan’s commitment to sustainable economic development and environmental preservation.

• Et la chambre des représentants des USA vote une résolution pour demander à Obama de permettre la fourniture d’armes « létales » à l’Ukraine (H.RES. 162 : Calling on the President to provide Ukraine with military assistance to defend its sovereignty and territorial integrity) (c-span, texte complet : congress.gov ou house.gov) … Pas de panique, c’est juste une requête et il y a sur le sujet une opposition radicale entre le Président des USA (qui a quand même son mot à dire) et le corps législatif. Donc c’est une tempête dans un verre d’eau qui est surtout un événement intra USA (ron paul institute, bigstory.ap.org, belsat.eu, dw.de, majorityleader.gov, defensenews.com). Pour preuve, les russes restent calmes tass, rt, sputnik news, the moscow times). D’ailleurs, Obama en personne leur envoie un message très clair en refusant de rencontrer le secrétaire général de l’OTAN de passage au Canada et aux USA (russia-insider, sputnik news).

De manière tout à fait fortuite, un rapport vient de sortir aux USA sur la “perte” d’environ 500 millions USD d’armes dans  ce qu’il convient d’appeler une “déroute américaine” au Yémen (zerohedge).

De plus, des indiscrétions fort à propos font état du financement de la fondation Clinton par la fondation Pinchuk (zerohedge) et une offensive en règle est lancée sur Nuland et son mari Robert Kagan  affublés du sobriquet de « la famille de la guerre perpétuelle » (ron paul institute, russia-insider).

Les débats de cette résolution 40 minutes entre 50 mn et 1h25mn30  (c-span)

Morceaux choisis : 

David Scott (01:19:39) :  IF WE DON’T ACT HERE, THERE WILL BE A DEVASTATION ON THE EUROPEAN CONTINENT THE LIKES THAT WE HAVE NOT SEEN SINCE WORLD WAR II. WE DON’T NEED TO REPEAT THAT. LET US RISE TO THIS OCCASION. LET US DO THE RIGHT THING. LET US BE THAT SHINING LIGHT ON THE HILL THAT SHOWS THE WAY OUT OF THIS DARKNESS. THERE’S SOMETIMES IN LIFE YOU’VE JUST GOT TO STAND UP TO THE BULLY. THE UNITED STATES MUST STAND UP TO PUTIN AND LET HIM KNOW THAT THERE’S A LIGHT IN THIS WORLD AND THE UNITED STATES IS GOING TO SHOW THE WAY. AND THE BEST WAY TO DO THAT TODAY IS TO PASS THIS RESOLUTION AND LET’S SEND UKRAINE THE MILITARY HELP THAT THEY NEED TO PROTECT THEMSELVES AND THE LEGACY OF THIS FINE COUNTRY.

Eliot Engel (01:21:09): WE ARE THE UNITED STATES OF AMERICA, WE’RE A BEACON OF FREEDOM TO THE WORLD, AND IF WE DON’T ACT NOW, WHO WILL? AGAIN, LET ME REITERATE, THE PEOPLE OF UKRAINE ARE NOT LOOKING FOR AMERICAN TROOPS. THEY’RE NOT LOOKING FOR AMERICAN BOOTS ON THE GROUND. THERE IS NO SLIPPERY SLOPE HERE. THEY ARE JUST LOOKING FOR THE WEAPONS TO DEFEND THEMSELVES. THEY DON’T HAVE THOSE WEAPONS. WE DO. IF WE CARE ABOUT FREEDOM AND WE CARE ABOUT FIGHTING AGGRESSION, WE NEED TO GIVE PEOPLE OF UKRAINE THE RIGHT AND THE MEANS TO DEFEND THEMSELVES.

Le vote de cette résolution en 10 minutes entre 29mn et 39mn (span) :  348 pour, 48 contre et 37 abstentions

• Vue de Shirokino, côté ukrainien (bataillon Azov) (youtube)

• Les forces ukrainiennes tirent sur des observateurs de l’OSCE à Shirokino (russia-insider, youtube). Le president de l’OSCE Dačić demande aux belligérants de respecter le cessez-le-feu dans le sud-est de l’Ukraine (http://www.osce.org/cio/146141 ). Le chef de la mission de l’OSCE, Alexander Hug, s’est rendu  sur place le 25 et le 26 mars. Il a écrit “what we saw today in   #Shyrokyne was catastrophic. Not one building our team saw was  untouched  by live fire or shrapnel damage” (ce que nous avons vu  aujourd’hui à  Shirokino est catastrophique. Pas un seul bâtiment, que  notre équipe a  vu, n’a été épargné par le feu ou par les éclats d’obus) (facebook, unian). Vendredi, les  Ukrainiens accusent les novorusses de tirer sur les observateurs de  l’OSCE dans le même secteur, ce que dément l’OSCE (unian).

Les forces ukrainiennes sur place sont des éléments de la Garde nationale (“Azov”, “Donbass”,…) et des volontaires de “Secteur Droit” (Praviy Sektor). Un officier de “Secteur Droit” sur place, Artem Lutsak surnommé “le docteur”, à indiqué que les combats ont lieu douze heures par  jour (rusvesna.su).

• Les accrochages continuent à Peski, un peu à l’ouest de l’aéroport de Donetsk  (centre-est de l’Ukraine) (youtube)

• Ballets de drones au dessus de  Peski.  Un drone novorusse montre des blindés ukrainiens qui seraient des armements lourds  en violation des accords de Minsk 2 (youtube). Ce type de drone a été utilisé plusieurs fois des deux côtés. Il s’agit de jouets assez courant, fabriqués en Chine.  Ils  sont petits, environ 50x50cm. Ils donnent d’assez bonnes images.  Leur   point faible est qu’ils utilisent les ondes radio des amateurs de modélisme. Mais en cas de brouillage, certains modèles reviennent  automatiquement à leur point de départ. Les novorusses ont d’ailleurs réussi à faire tomber un exemplaire ukrainien en utilisant un dispositif de brouillage des ondes radio. Ce drone était parti du côté ukrainien. Le film contenu dans la carte mémoire a pu  être  extrait. Au début, il survole des tanks ukrainiens garés dans une  cour,  ce qui est une information précieuse pour les novorusses (youtube, news-front.info)

• Un bus de civils saute sur une mine ukrainienne. Vers  20h30, la roue arrière d’un bus a roulé sur une mine anti-char. Le bus  transportait 26 passagers sur la route entre Atermovsk et Gorlovka. Quatre personnes (toutes des femmes) sont mortes et onze personnes ont été  blessés, dont  quatre grièvement et 7 personnes sont disparues. Le chauffeur du bus avait choisi de passer dans un champ pour contourner un point de contrôle situé dans une zone contrôlée par Kiev (colonel cassad). Les Novorusses excluent une provocation de la part des ukrainiens et  parlent d’accident. Les ukrainiens, eux, rendent les bataillons de  volontaires de Secteur Droit responsables de ce drame (russia-insider.com)! Ce qui semble  clair c’est que les désignations des  responsables/coupables ont plus à voir avec le  sens du vent qu’une  quelconque recherche de vérité…

Cet incident rappelle celui du bus qui roulait près de Volnovakha, le 13 janvier 2015, dans lequel 12 personnes étaient mortes et 17 avaient été blessées, pour lequel il subsiste des incertitudes. L’OSCE, après avoir étudié les cinq cratères proches du bus, avait  finalement déclaré qu’ils avaient été causés par des roquettes venant du nord/nord-est (osce), mais sans pouvoir déterminer la distance. La ligne de front se trouvait à une vingtaine de kilomètres de là, ce qui semble un peu loin, mais pas assez pour exclure l’hypothèse d’un tir des séparatistes.

Mercredi 25 mars 2015

• Les oligarques sont aussi dangeureux que l’aggression russe !  Ces propos tenus par le président du parlement Ukrainien résument bien l’atmosphère en Ukraine (dnr-news).

• Combo Limogeage/arrestation médiatisée de hauts responsables du gouvernement pour corruption  (rt, youtube, unian, energynews, colonel cassad)

Le ministre  des Situations  d’urgence Sergueï Botchkovski et  son vice-ministre Vassili Stoïetski ont  été interpellés pendant une  séance du Cabinet des ministres retransmise à la télé et aussitôt limogés ( et tous leurs échelons n-1 dans la foulée). Il est question d’avoir accordé des marchés de fourniture d’essence et d’huile de moteur à des compagnies pétrolières proposant des prix “beaucoup plus élevés” que ceux des autres concurrents. La différence servant en partie à “remercier” les décideurs pour leur choix… Yatseniouk, le premier ministre,  a autorisé le Parquet à mener des enquêtes anti-corruption  contre des membres de son cabinet. Ces enquêtes visent en particulier  les responsables de l’inspection financière (unian). Yatseniouk se fend d’une tirade ” Lorsque le pays est en guerre, tous les kopecks comptent. Or ils  volent les gens et le pays. Cela arrivera à tous ceux  qui enfreignent  la loi et se moquent de l’Etat ukrainien. “. Et c’est un ex Goldman Sachs qui dit ça ! Soit il a eu une révélation divine, soit il prend les ukrainiens pour des poires… Cela sent plutôt la bonne purge façon stalinienne avec tout le décorum (voir la vidéo plus haut…). D’ailleurs les opérations de “nettoyage” menées par le SBU se multiplient en Ukraine (voir le focus sur Kolomoïski) … Incidemment, et comme par coincidence, les personnes arrêtées semblent être liées à Kolomoïski, donc on serait bien dans une purge politique…

Quelques jours plus tard, un politologue ukrainien, Andreï  Zolotarev, suggère que ce geste est une tentative de la part de Yatseniouk de montrer à l’opinion que le gouvernement lutte effectivement contre la corruption, objectif qui faisait partie des  points mis en avant lors des événements de Maïdan… mais jamais mis en oeuvre… et aussi de sauver son poste qu’il doit en grande partie à Kolomoïski (ridus à 18h58, communication reprenant un article de TASS)… Mais cela ne suffira peut-être pas… Il y a des rumeurs de remaniement ministériel à Kiev avec éjection de premier ministre (vzgliad)…

Mais la cour annule les actes d’arrestation pour “manque de preuves” le 27 mars (kyiv post, unian) alors que la purge dans le ministère se poursuit (unian)… Puis les deux ministres sont de nouveau considérés comme arrêtés, mais libérables sous caution de 1,18 million de hryvnias, puis juste 1 million tout rond… (unian, unian)…

• Réception des premiers Humvees livrés par les USA. Porochenko est allé à l’aéroport Borispol/Borispil (Kiev) pour réceptionner des véhicules blindés américains débarqués d’une avion cargo de l’Air Force (kp.ru, fortruss, youtube, colonel cassad, lb.ua). Deux remarques intéressantes… Les véhicules sont couleur sable, donc viennent de pays “chauds” (recyclage des stocks d’Afghanistan ?) et Porochenko porte une arme de poing, ce qui est apparemment de plus en plus le cas pour lui… Un signe sans doute de la tension dans le camp ukrainien entre Porochenko et Kolomoïski. Porochenko a aussi annoncé que des instructeurs militaires des Etats-Unis débuteront une formation à Yarovsk, près de Lviv.

• Petit souci budgétaire…  L’augmentation des effectifs de l’armée (168 000 au début de 2014, 250 000 prévu en 2015) votée quelques semaines plus tôt a un petit souci d’intendance… Le ministère de la Défense a annoncé qu’il manquerait 677 millions de hryvnas (27 millions EUR) ne serait-ce que pour nourrir tout ce petit monde. Oups !  En 2014, le budget de défense était déjà  le plus élevé depuis les 10 dernières années (équivalent de 1,8 % de PIB). En 2015 le budget défense représente maintenant presque 5% de PIB, mais personne n’a apparemment pensé que la chair à canon ça mange aussi (vesti-ukr)…

• les-crises.fr avait raison !  Reuters fait un long article pour parler du déploiement du bataillon Azov à Marioupol et on pourrait le croire issu du blog Les Crises tant tout y est (reuters)… Rune de loup, lien avec les partis nazis, la seule entorse est une tentative de réécriture de l’histoire : selon cet article, c’est la Russie ET l’Occident qui s’inquiètent de ce type de présence sur le terrain, comme si l’Occident n’avait pas initialement soutenu sans réserve ces sympathiques et idéalistes jeunes hommes (et femmes, comme le rappellait obligemment Elle)… En haut lieu, il est clair que l’on a décidé de diaboliser/se débarrasser des bataillons financés par des oligarques (dont Kolomoïski, voir le focus de la semaine…) qui forment des armées privées, mal ou peu contrôlées par l’état. Ukraine à part et plus sérieusement, ce type de revirement des médias à 180°, sans explication sur ce changement de cap, ressemble fort à celui sur la composition à forte dominante d’islamistes radicaux de l’opposition au gouvernement Assad, après deux années de déni surréaliste. C’est le moment où l’on peut et doit se poser des questions sur la qualité de nos médias et l’intégrité journalistique de ceux qui écrivent ces articles… Et faire le bilan de qui a incontestablement désinformé la population et ne s’en excuse pas, espérant sans doute que personne ne le remarque…

De sympathiques et idéalistes personnes (dfedbees.livejournal)!

• Les banques ukrainiennes refusent les billets de banque provenant de la zone contrôlée par les novorusses. en 2014, les banques avaient reçu l’ordre de Kiev de marquer ou de détruire les billets pour éviter que les “terroristes” puissent les utiliser. par manque de temps, il était possible de juste les asperger d’huile ménagère pour les marquer. Du coup, tout billet tant soit peu taché est refusé par les banques ukrainiennes.  (dnr-news).

• Un peu de romantisme dans ce monde de brutes… Le mariage du fils de Rihnat Akhmetov, Damir, avec la fille du “roi du sucre” serbe (vesti-ukr). Du lourd en somme !

 

Jeudi 26 mars 2015

• La Russie s’inquiète à nouveau des mouvements de troupes de l’OTAN à ses frontières. Constatant les déploiements de tanks et d’avions de l’OTAN dans l’Europe de l’Est, de la Mer Baltique à la Mer Noire, le porte-parole du ministère des affaires étrangères russes réagit comme aux provocations précédentes par un avertissement sobre mais clair : “Nous  recommanderions à Washington, qui s’est servi de la crise en Ukraine  pour faire jouer ses muscles, de penser sérieusement aux conséquences de  ses actions qui détériorent la sécurité de l’espace euro-atlantique” (rt, tass.ru, vzgliad). Impossible pour un russe de ne pas faire le paralléle avec les préparatifs de l’invasion allemande de la seconde guerre mondiale ‘Barbarossa’ (russia-insider)… Ce à quoi le secrétaire de l’OTAN répond : “Ce n’est pas l’OTAN qui avance vers l’est, mais l’est qui veut rejoindre l’OTAN” (unian).

• La Lettonie, via son président, se démarque de la position hystéro parano russophobe de la Présidente de la Lituanie (vzgliad). En résumé, le président letton qu’il est “totalement en désaccord avec la présidente lituanienne sur le fait que la Russie est un pays aggresseur” et qu’il préfère “ne pas chercher pas des ennemis, mais des solutions”… La Lituanie n’apprécie pas du tout la nouvelle position lettone (sputnik news)…

• Discours de Poutine devant le Service de Sécurité Fédérale (kremlin). Il y a, à mon sens, deux informations à retenir. Tout d’abord, Poutine fait état de la volonté des USA de violer les traités sur les armes nucléaires en déployant de manière accélérée des systèmes anti-missiles ballistiques (ABM) en Europe (en Pologne) et dans le Pacifique. Ensuite, le discours contient des éléments sur le paysage Web en Russie avec 74 millions d’attaques bloquées sur les sites officiels, 25 000 “ressources internet” à caractère illégal identifiées et 1500 sites “extrémistes” bloqués. Ceci est à remettre dans le contexte de la Russie (2 guerres en Tchétchénie, des attentats réguliers dans les républiques du Caucase, un nombre important de combattants dans les rangs des radicaux islamistes en Syrie et Irak, la crise avec l’Ukraine, une augmentation de 15% en 2014 des crimes “extrémistes” mais une baisse de 260% des actes terroristes…) et même si les chiffres des fermetures de sites sont énormes, ils ne sauraient justifier par une comparaison hâtive le récent durcissement des lois anti-terroristes en France.

Intégralité du discours (kremlin)

PRESIDENT OF RUSSIA VLADIMIR PUTIN:

Good afternoon, colleagues. 
We  always attach great importance to the work of the key power agencies  pertaining to national security. Today, within the framework of this  expanded board meeting we will summarise the results of Federal Security  Service operations in 2014 and set priority goals for the future. 
I  would like to begin by saying that, as you all know, the past year was  not an easy one. The world situation has exacerbated. We witnessed  growing tensions in the Middle East and a number of other areas of the  world, while a state coup provoked civil war in Ukraine.
Russia  is making significant efforts to reconcile the parties and normalise  the situation. We have already received and continue receiving  thousands, even hundreds of thousands of refugees and are doing all we  can to prevent a humanitarian catastrophe.
However,  our position, our independent policy and even attempts to help those in  need, including in Ukraine and some other areas, are causing outright  irritation on the part of those we traditionally call our colleagues and  partners.
They  are using their entire arsenal of means for the so-called deterrence of  Russia: from attempts at political isolation and economic pressure to  large-scale information war and special services operations. As it was  recently stated quite openly: those who disagree will have their arms  twisted periodically. However, this does not work with Russia; it never  has and never will.
Meanwhile,  NATO is developing its rapid deployment forces and building up its  infrastructure near our borders. Attempts are being made to violate the  existing nuclear parity, European and Asia-Pacific segments of the ABM  system are being created at an increased pace.
I  would like to remind you that the unilateral withdrawal by the United  States from the Anti-Ballistic Missile Treaty has toppled the very  foundation of the modern international security system. Completely new  systems are being developed capable of dealing a ‘lightning global blow’  and conducting operations in outer space.
However,  it is obvious that nobody has ever managed to intimidate this country  or put pressure on it, and nobody ever will. We have always had and  always will have a proper response to all internal and external threats  to national security.
Another  point I would like to make is that the situation cannot remain like  this forever. It will change, for the better I hope, including the  situation around this country. However, it will not change for the  better if we succumb and yield at every step. It will only change for  the better if we become stronger.
Today  I would like to thank you and your colleagues for your precise and  coordinated work last year, for your immaculate implementation of the  tasks and the courage you have demonstrated, for the reliable protection  of Russia’s security and national interests.
 
 Colleagues,
Your  overall workload and responsibility will obviously grow this year. You  are facing the challenge of enhancing efficiency in all areas of your  activity. Combatting terrorism remains your most important task. A few  positive trends have emerged in this area in the past few years.
There  were 2.6 times fewer terrorist-related crimes in 2014 than in 2013.  While if we look at the previous 5 years, their overall number went down  9-fold.
Such  results have clearly been made possible through the concerted actions  of the FSB, security and law enforcement agencies, coordinated by the  National Anti-Terrorism Committee. We must reinforce the positive  dynamics and consistently squeeze out the underground criminal groups.
This  is not easy; the militants are fighting back and making attacks similar  to the one that took place in Grozny last year. Statistical analysis  shows that they still posses a significant amount of arms.
You are also aware of the fact that citizens of Russia and other CIS  states are being trained at the so-called hot-spots, including within  groups of the Islamic State on the territory of Syria and other  countries. Later they may be used against us, against Russia and its  neighbours.
It  is therefore vitally important to take additional measures to destroy  the terrorists’ international ties and resource bases and block their  entry to and exit from Russia. They should not be able to move between  regions or penetrate the new regions of the Russian Federation – Crimea  and Sevastopol.
Your  direct mission is to provide the highest possible level of  anti-terrorist protection for the international events to be held in  Russia this year. This is, first and foremost, celebrations of the 70th anniversary of the Great Victory and the BRICS and SCO summits in Ufa.
In  addition, we must step up measures aimed at preventing terrorism,  radicalism and extremism, primarily among young people, migrants and  underprivileged groups and more actively involve influential public and  religious organisations in these efforts.
At  the Interior Ministry board meeting in early March, I noted that last  year the number of extremist crimes unfortunately went up by almost 15  percent. Obviously, we need to increase coordination between special  services and law enforcement agencies in this area and use all the  latest methods and equipment, including cutting edge information  technology.
Counter-intelligence  agencies worked efficiently and steadily last year. Their special  operations resulted in the suspension of activity of 52 officers and 290  agents of foreign special services.
Today  it is especially important to improve the protection of data that  pertains to national secrets and to prevent information leaks regarding  the development of our military organisation, mobilisation plans and  defence and industrial technologies.
Western  special services continue their attempts at using public,  non-governmental and politicised organisations to pursue their own  objectives, primarily to discredit the authorities and destabilise the  internal situation in Russia. They are already planning their actions  for the upcoming election campaigns of 2016-2018.
As  I have said on numerous occasions, and will repeat again: we are ready  for dialogue with the opposition, we will continue our partnership with  the civic society in the broadest sense of the word. We always listen to  constructive criticism of the authorities’ actions or the lack of such  actions at any level.
Such  dialogue and partnership are always useful, they are vital for any  country, including ours. However, it is pointless entering into a  discussion with those who are operating on orders from the outside in  the interests of some other country rather than their own.
Therefore,  we will continue paying attention to non-governmental organisations  that have foreign funding sources; we will compare their stated goals  with their actual activities and terminate any violations.
 
 Colleagues,
Ensuring  economic stability and combatting corruption remain among your priority  areas. I would like to ask you to pay special attention to cases of  misuse and embezzlement of budget funds, including those allocated for  the state defence order.
You  should cooperate closely with the Accounts Chamber, the Federal  Financial Monitoring Service and other oversight agencies. You should be  more active in revealing and thwarting shady deals on the Russian stock  and currency markets that may lead to sharp exchange rate fluctuations  and destabilise the financial system of the entire nation.
We  must continue our efforts to support Russian companies abroad and to  protect their interests. Economic competition is tough, as you know. Not  all the competitors of Russian companies are willing to work honestly.
Common  principles of trade, cooperation and investment are being violated. We  see attempts to compromise the business reputation of Russian companies  in any way possible. You have to respond to this without delay and  competently, within your authority.
Serious  tasks are facing the FSB Border Service. The border infrastructure  needs to be improved along the entire perimeter of our borders, while  traditionally complicated segments in the North Caucasus, Central Asia  and the Russian Arctic shelf need to be strengthened.
The  Russian-Ukrainian border requires our special attention, of course. The  situation there is complicated: thousand of people are trying to escape  from the extended armed conflict in southeast Ukraine and are crossing  over to Russian territory, sometimes even without their basic documents.
It  is important to continue ensuring the unhindered passage of refugees  and movement of vehicles with humanitarian cargo. At the same time, we  need to reveal those who voluntarily took part in punitive actions  against peaceful residents, who are trying to cover their tracks or are  planning crimes on the territory of the Russian Federation.
Next.  The protection of national information resources should remain under  special control. The number of cyberattacks on official websites and  information systems of Russian authorities is not diminishing; about 74  million such attacks were curtailed last year alone.
Moreover,  over 25,000 internet resources have been identified that carry illegal  publications. More than 1,500 extremist websites have been shut down. We  must continue efforts to rid the Russian cyberspace of illegal,  criminal materials, more actively use modern technologies for this  purpose and take part in creating an international information security  system.
We  are not speaking of limiting online freedom, far from it. We are  speaking of ensuring safety, law and order, while strictly complying  with appropriate Russian and international norms and standards, without  preventing people from communicating online and posting legitimate,  valid and correct information.
 
 Colleagues,
In  the past years, we have done much to improve material and technical  support of the Federal Security Service. Salaries, pensions and social  benefits for acting and retired personnel have grown significantly.
We  have practically resolved the issue of permanent housing. In 2014  alone, 65 designated apartment buildings were commissioned (5,200  apartments). We are simultaneously working to increase the stock of  service housing.
The  state will continue providing the best service conditions for you,  taking care of the families of those who were killed in the line of  duty. We will certainly do everything necessary to ensure that all FSB  units are equipped with the latest in armaments, technology and special  gear.
At  the same time, just like all the other agencies, you are facing the  task of more rationally using state funding and other resources. You  have to show maximum responsibility and concentration in resolving all  the tasks facing you.
In conclusion, I would like to wish you success and new, visible results in your service that the country needs so much.
 Thank you for your attention.

 

• Un nouveau convoi d’aide humanitaire russe arrive à Donetsk et à  Lougansk. Il est composé de 140 véhicules transportant 1600 tonnes de produits dont des médicaments, de la nourriture et majoritairement des graines pour les semis du printemps (orge, maïs et tournesol).  C’est le 22eme convoi d’aide provenant de la Russie depuis août 2014 pour un total de 27 000 tonnes de produits à ce jour. A noter que, pour la première fois, ce convoi inclut des véhicules de la Croix Rouge (provenant de la branche de Moscou) (rusvesna.su).

• Mobilisation forcée d’étudiants à Kiev et démotivation de l’armée.  Un étudiant de l’Institut polytechnique de Kiev raconte que les recruteurs de l’armée sont venus directement dans leur internat pour prendre 60 d’entre eux, et leur faire passer la visite médicale qui précède leur enrôlement (rusvesna.su). Par  ailleurs, il a déjà été rapporté que les recruteurs ont fait ces sortes de “rafles” dans des usines et des bureaux, ce qui est plus  facile  pour eux que d’attendre que des volontaires se présentent dans  les  casernes, ou d’aller sonner aux portes des habitations…

Ces méthodes d’enrôlement sont à rapprocher de statistiques faites sur les mobilisés de janvier 2015. Il est question d’une augmentation des pertes hors combat par manque de discipline (sputnik news), de la faible proportion des personnes répondant à l’appel (entre 20et 30%), de la volonté d’un tiers des mobilisés de se rendre à la première occasion et de la désillusion face aux promesses non tenues du gouvernement. Ainsi, le 17 mars, 500 soldats ont bloqué une rue de Kiev pour demander le respect des engagements du gouvernement à leur donner des terres (sputnik news).

• Des nouvelles de Vita Zavirukha, une des héroines du reportage d’Elle. La jeune femme de 22 ans (qui fait apparemment toujours partie du bataillon “Aïdar”) s’amuse à tirer au RPG7 sur le village de Shirokino où se produisent certains des affrontements les plus intenses depuis la mise en place du cessez-le-feu, le 15 février 2015. Elle  demande à son ami de la filmer (fortruss, youtube). Qu’est ce que l’on s’amuse… C’est so girly 2.0 de balancer une roquette sur des maisons de sous-hommes…

L’égérie de Elle sans maquillage mais avec son accessoire de mode (une roquette ou est écrit “mort aux chrétiens orthodoxes”)

 

Certains des chrétiens orthodoxes / sous-hommes en question (avec en prime des volontaires français) (youtube.com)

• Et, pour faire bonne mesure, deux témoignages de jeunes femmes se battant côté novorusse (youtube, youtube)

 

Vendredi 27 mars 2015  

• Moodys abbaisse la note de l’Ukraine de “Caa3″ à “Ca” assortie d’une perspective négative (challenges, pravda.com.ua). Cela correspond, traduit en français, à  “En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”, juste un cran avant le défaut de paiement (note “C”) (wikipedia)…

Les notes de l’Ukraine des trois agences de notation US sont les suivantes countryeconomy) :

Moody’s : Ca (“En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”) avec perspective négative

Fitch (fitchratings, fitchratings) : CC (équivalent Ca de Moody’s)

Standard & Poor’s (standardandpoors) : CCC- avec perspective négative (équivalent Moody’s Caa3 “En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”)

et la chinoise Dagong (wikipedia, dagongcredit) : CCC (entre “risque élevé” et “En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”)

Porochenko a donc du souci à se faire !  Cette décision, datant du 25 mars, pourrait avoir une influence négative sur les paiements du FMI (ridus.ru), d’autant que les notes de Dagong, Fitch et S&P datent de quelques mois et pourraient être également révisées bientôt. A l’évidence, si le FMI se faisait prier, cela serait très néfaste pour l’Ukraine.  L’ancien chef de la Banque nationale d’Ukraine, Serhiy Arbuzov, a  déclaré qu’en 2013, la dette publique était égale à 40,3% du PIB. Elle  est passée à 71.5%. Le principal problème n’est pas tellement le montant  de la dette que celui des intérêts à payer car le taux moyen se situe à  8% par an. Pour comparaison, la dette de la France s’approche des 100%  du PIB mais a un taux moyen de 2%…

De plus, les banques ne se portent pas bien. En deux mois, leurs pertes se chiffrent à 74,5 milliards de hryvnias (unian) et une cinquantaine d’entre elles risquent de faire faillite cette année (fortruss)…  Trois ont d’ailleurs été déclarée en faillite le même jour, le 26 mars (novorossia). Ce qui fait écrire à Georges Soros que “l’UE commet une erreur en n’accordant pas d’aide financière suffisante à l’Ukraine” (tass.ru).“Il faut que l’Europe soutienne l’Ukraine et fasse tout ce qu’elle peut pour cela. En premier lieu, il faut prendre la décision politique affirmant qu’il est important d’apporter de l’aide à l’Ukraine et que l’Europe fera tout son possible pour aider l’Ukraine, à condition qu’elle ne viole pas le cessez-le-feu et qu’elle ne se lance pas tout droit dans l’affrontement militaire”, a-t-il également déclaré lors d’une interview accordée à la BBC. Le fait qu’il détienne de la dette ukrainienne n’a bien sûr rien à voir dans ses inquiétudes. Une idée folle comme ça… s’il effaçait la dette qu’il détient ! Qu’il paye le premier, ce brave homme, spéculateur à ses heures… Il s’en émeut aussi à l’oral (youtube).

• Restructuration de la dette ukrainienne. Comme par hasard, cette semaine, il est question de “restructurer” la dette. Dans ce cadre, la  ministre des Finances ukrainien, Nathalie Jaresko, montre la volonté de son gouvernement d’’éradiquer, ou à tout le moins de commencer à  sanctionner les cas de détournement de fonds et de corruption de plus en plus visibles (sauf pour les médias occidentaux). Les USA, par la voix du vice-président américain Joe  Biden, aurait exigé, lors d’’une conversation téléphonique “franche et  directe”, un geste fort contre cette corruption de moins en moins rampante (Alexis Nemiroff, 25 mars 2015, realpolitik.tv). L’ambassadeur en Ukraine, Geoffrey Pyatt, s’en est aussi mêlé eti a adressé à Kolomoïsky le tweet suivant : “Les lois de la  jungle font partie du passé, Monsieur Kolomoïsky” (letemps.ch). Porochenko, lui, assure que “une ére de justice devrait commencer en Ukraine” (unian).

Dans une interview donnée aux Echos (les echos), le  ministre de l’’Economie, Ivaras Abromavicius (” jeune  ministre d’origine lituanienne, naturalisé fin 2014″, selon Le Monde du  27 mars (le monde) confirme  ces discussions : “Le gouvernement ukrainien a choisi Lazard comme  banque-conseil pour la restructuration de sa dette, qui se traite  actuellement à 50 cents pour 1 dollar.” Il en profite pour mettre en avant l’’arrestation des deux dirigeants du Service des Situations d’’Urgence (!) en plein Conseil des ministres et la “démission” d’’Igor  Kolomoïski comme des  signes forts de cette volonté.

Et  comme il ne manque pas d’’humour (noir), il annonce qu’’il va augmenter  le tarif du gaz – dans un pays en pleine récession et avec de plus en  plus de pauvres – pour réduire la dépendance de l’Ukraine vis-à-vis du  gaz russe car “les gens en consommeront moins” (à moins de s’endetter comme l’état) et veut encourager les économies d’’énergie !  En conclusion, il déclare sans rire, quant aux  investisseurs recherchés, qu’il est “préférable d’’éviter les oligarques  ukrainiens”. Le président/oligarque Porochenko  appréciera.

• Assassinat d’un commandant de la milice de Donetsk.  Le commandant du bataillon “Mirazh” (illusion) et député de la DNR, Roman Voznik a été assassiné en plein Donetsk.  Lui et son garde du corps ont été mitraillés à bord de leur voiture, entre 23 h et 23 h. 30 jeudi soir. Voznik avait pris part au mouvement de protestation depuis le tout début, il avait été sur les barricades. Après le référendum et la formation de la république, il était devenu député de la DNR. Par la suite, il avait été nommé député de Novorussie. (ridus.ru  à 12 h 03, novorossia). Ce soir, Denis Pouchiline, le porte-parole politique de la DNR, a déclaré que ce meurtre serait à imputer à un groupe de saboteurs venus de Kiev. Le parallèle doit être fait avec la tentative d’assassinat, quelques jours plus tôt d’un autre commandant emblématique de la milice novorusse : Givi, le libérateur de l’aéroport de Donetsk (youtube, version non sous-titrée youtube).

• Le ministre de l’Intérieur Avakov regrette de ne pas avoir fait “exploser les protestataires” au tout début des troubles au Donbass. “il  fallait faire sauter les bâtiments administatifs occupés par les protestataires dans le sud-est de l’Ukraine au début du conflit dans le Donbass : l’administration de la région de Donetsk et le siège du Service de sécurité à Lougansk… Une cinquantaine de terroristes auraient été tués,  mais on aurait évité 5000 morts dans la région” estime Avakov (sputnik news, vzgliad).

On remarquera que Kiev a essayé de “rattraper son erreur” par la suite, en faisant bombarder le centre de Lougansk début juin 2014 par un avion armé de bombes à sous-munitions, ce qui a été l’un des premiers bombardements dont les victimes ont été exclusivement des civils (youtube).

• La Crimée accuse l’OSCE de partialité. “L’Occident n’arrive toujours pas à  digérer la réunification de la Crimée avec la Russie et continue à  présenter de manière tendancieuse les processus en cours sur la  péninsule” estime le chef de la république de Crimée, Sergueï Aksenov qui poursuit : “Lors des rencontres avec les représentants de  l’OSCE, ces derniers ont attentivement  écouté notre avis sur les événements en cours dans la république, mais  de retour chez eux, ils ont donné une information complètement fausse  sur ces rencontres. Nous lisons avec un grand étonnement les  commentaires de différents journalistes occidentaux et nous nous  demandons : quand les faits décrits se sont-ils produits?” (sputnik news)

Reportage RT d’un cinéaste américain, Miguel Francis Santiago : “La Crimée pour les nuls”  (youtube)

• Depuis l’été 2014, le gouvernement ukrainien ne paie plus les retraites des habitants  de la Novorussie. De plus, depuis le 1er décembre 2014, toutes les  autres prestations sociales ne sont plus payées. Les retraités de  Novorussie, environ 1 million de personnes, doivent donc déménager dans la partie ukrainienne s’ils  veulent toucher leur retraite donc le montant moyen est de 1600 UAH,  soit 62 euros par mois. De plus, le paiment se fait avec un retard qui  peut aller de plusieurs semaines à quelques mois. La location d’un  studio s’élève à environ 2500 UAH par mois, soit 100 euros par mois. “Le  12 mars, le FMI a exigé que l’Ukraine paie les retraites des novorussiens, mais ce n’est toujours pas le cas” ,  déclare Konstantin Dolgov, co-président du Front populaire de la  Novorussie. Des procès sont en cours à Kiev à ce sujet (novorossia). La république de Donetsk (DNR), après la mise en place d’allocations pour les femmes enceintes, commencera à verser des pensions de retraite en roubles dès avril (russia-insider)

• De toutes les façons, l’argent manque ! La Caisse de Retraite est déficitaire. Le  ministre de travail et de la politique sociale , Pavel Rozenko, a  annoncé que la situation est “catastrophique”. Pour lui, les fonds disponibles ne sont pas suffisant pour payer toutes les retraites (avec ou sans les novorusses ?). Sans l’aide de l’état, la Caisse de Retraite pourrait carrément disparaître : “80 billion UAH  is a subsidy to the  Pension fund of Ukraine, which will not even  suffice for the payment of  all pensions. I want to say that this is a  catastrophic situation for  any country, when the Pension fund does not  have enough money not even  to raise pensions, but in order to timely  and fully pay the minimum,  which we have today in our country. The  Pension fund today is bankrupt  and without the help of the state, it  would cease to exist…” (politnavigator.net/ via fortruss).

Lors d’une interview du premier ministre, Yatsenuk à Assosiated Press, celui ci déclare : “La Russie veut detruire l’Ukraine en tant que l’état independant et prepare une nouvelle offensive à l’est” (bigstory.ap.org). Rien de nouveau, mais “l’idée nationale” de l’aggresion exterieure permettra peut-être de mieux faire passer la pilule des mesures d’austérité: hausses des tarifs, gélee des salaires des fonctionnaires. A noter le très intéressant commentaire à cet interview de Yatsenuk sur le site Pravda.com.ua (pravda.com.ua), site mainstream ukrainien : “Poutine n’a pas besoin de detruire l’Etat de l’Ukraine de ses propres mains car Yatsenuk et son l’équipe le font très bien eux-mêmes”.  A rapprocher des rumeurs sur le départ de Yatseniouk de son poste de premier ministre (voir plus haut le focus de la semaine et plus bas l’actu du samedi 28).

• La république de Donetsk arrête de rendre les corps des soldats ukrainiens tant que l’Ukraine ne rendra pas corps des soldats novorusses (novorossia).

 

Samedi 28 mars 2015

• Revalorisation des salaires/purge politique des procureurs. Ce matin Unian déclare que les traitements des procureurs ukrainiens pourraient être revalorisés de 30% à 40%. Le ministre de la justice Sakvarelidze (produit d’importation géorgien comme chacun le sait), a déclaré que les traitements sont une composante importante. “Nous faisons tout ce que nous pouvons pour que, au prix de la réduction du nombre de collaborateurs des parquets, se mette en route une augmentation de 30 à 40% des traitements versés aux procureurs. Pour que naissent, parmi les anciens et les nouveaux collaborateurs des parquets, l’espoir, la stimulation et l’enthousiasme” a promis Sakvarelidze (unn.com.ua).  Est-ce juste un effet d’annonce pour dire “Vous voyez, en augmentant ainsi les traitements des magistrats, ils seront moins tentés de procéder à des petits arrangements lucratifs”? Ou est-ce le début d’un travail sérieux contre la corruption, ou encore une purge déguisée des éléments “non lustrés” (voir mercredi l’histoire du juge qui refuse les arrestations des deux ministres) ?

Toujours dans ce domaine (lutte anti-corruption) on apprend ce matin qu’Oleg Liashko, chef du Parti radical, et Youri Tshizhmar, un député de sa fraction, ont déposé devant la Rada le projet de loi N° 2845, selon lequel n’importe quelle personnalité de haut rang, ayant démissionné ou ayant été limogée, n’aurait pas le droit de quitter le pays durant une période de trois mois, le temps que le bureau anti-corruption se soit assuré qu’elle ne trempe pas dans des affaires de corruption. C’est Youri Tshizhmar qui l’a publié sur sa page facebook (facebook).

• Bientôt le départ de Yatseniouk? Une bonne nouvelle pour les Ukrainiens (et pour nous aussi) : des politologues ukrainiens estiment que Yatseniouk  pourrait bien se retrouver bientôt jeté aux orties, pour n’avoir entamé aucune des réformes promises (ridus.ru qui cite un article de ria novosti ): “La popularité des politiciens ukrainiens qui occupent des postes dans le “cabinet des ministres” – selon l’expression en cours dans ce pays – a fortement baissé, et nombre d’entre eux pourraient perdre bientôt leur fonction, comme le montrent les données recueillies par le centre d’études économiques et politiques Razoumovka. Seulement 12% des Ukrainiens soutiendraient actuellement les actions du président Porochenko.” (voir à ce propos le sondage paru dans la précédente Actu’Ukraine ).

• Porochenko-Kolomoïski, le feuilleton (suite): Article intéressant dans le journal économique allemand “Wirtschaftswoche” (wiwo.de). Sous le titre: “Combats pour le pouvoir à Kiev”, ce journal écrit: “La population ne devrait pas voir beaucoup la couleur des 40 milliards de dollars d’aide accordés à l’Ukraine. Il est plus vraisemblable que l’essentiel passe dans des achats d’armement, et les oligarques cherchent à prendre le pouvoir.” Et plus loin: ” Depuis le week-end dernier, c’est la lutte pour le pouvoir, à Kiev. Et un putsch des oligarques contre le gouvernement n’est plus à exclure ” Vers la fin de l’article, le journaliste affirme qu’en prêtant de l’argent à l’Ukraine alors que le conflit n’est pas réglé, le FMI ne fait que saper l’accord de cessez-le-feu que Merkel et Hollande ont si péniblement arraché, cessez-le-feu qui tient tant bien que mal.

• Vicissitudes au sein des FAU: On lisait encore récemment, dans les commentaires de lecteurs d’un certain journal que les Russes étaient tous des brutes alcooliques. Et quand de bonnes  âmes donnaient des contre-exemples provenant d’Ukraine, elles expérimentaient la sacro-sainte liberté d’expression de notre beau pays… Elles se faisaient immédiatement traiter de “porte-parole de l’armée poutinienne” et étaient assimilées à des agents du KGB (qui, rappelons-le, n’existe plus depuis 1991) . Aujourd’hui, ce sont les ukrainiens eux-mêmes qui le disent… Première couche ! Le site ukrainien “Antikor” (antikor.com.ua), qui relate l’intervention d’Anatoli Matioss, le porte-parole du procureur général d’Ukraine, sur le plateau de la chaîne ukrainienne “Kanal 5″:  Le nombre des pertes au sein des FAU non dues aux opérations militaires a été multiplié par 50 par rapport à 2014 (cela paraît énorme…). Deux causes principales: l’alcoolisme et la détérioration de la discipline. Deuxième couche ! Le gouverneur militaire du région de Donetsk ( partie de l’Oblast de Donetsk sous contrôle de Kiev) vient de signer un ordre qui interdit aux commerçants de vendre les boissons alcoolisées aux militaires (zn.ua). Même chose à Zaporozhya, entre 22 h et 8 h 00 (ukrinform.ua).

Les responsables ont quand même mis un sacré moment avant de réagir contre ce fléau, car dès novembre 2014, le groupe de hackers “Cyber Berkuts” avait publié sur son site (cyber-berkut.net)  un texte trouvé dans l’ordinateur du procureur général Yarema, on y lisait entre autres ceci: “Le 22 octobre 2014, deux militaires d’une unité combattante – unité postale de campagne B0095 -, qui se trouvaient sous l’emprise de boissons alcoolisées, ont maltraité puis tué deux civils.”

“Le 18 octobre, aux environs de 21 heures, deux soldats de l’unité combattante PP V3217, se trouvant sous l’emprise de boissons alcoolisées, se sont mis à tirer au fusil automatique AK 74, à la suite de quoi 4 soldats ont été tués et 1 a reçu des blessures par balles.” 

On pourra certes objecter que ce groupe est un groupe de hackers, et s’adonne donc à une activité illégale. Toutefois, en temps de guerre – et même en temps de paix – toute activité de renseignement a forcément recours à des actions illégales. Il demeure néanmoins que, grâce aux Cyber Berkuts, on a eu très rapidement connaissance de données que les autorités ukrainiennes cachaient à leur opinion publique:

- les données sur le matériel “donné” aux séparatistes par les combattants ukrainiens eux-mêmes (en échange de leur libération après le premier “chaudron) (ridus.ru le 28/08/2014 à 10 h 55),

- les chiffres des pertes ukrainiennes dans le “chaudron” d’Ilovaïsk (ridus.ru à 12 h 38), en août également,

- la liste des matériels que les Ukrainiens ont demandé aux USA de leur envoyer, en novembre 2014 (cyber-berkut.org, cyber-berkut.org, cyber-berkut.org, cyber-berkut.org liste de matériel de guerre avec les quantités demandées).

• Il y a ceux qui trinquent et ceux qui bossent !  Pendant ce temps,  les républiques de Donetsk (DNR) et Lougansk (LNR) travaillent et réparent les dégâts provoqués par leurs adversaires: on se rappelle qu’aussitôt après avoir pris le contrôle de Debaltsevo, et avoir déminé la ville, ils ont réparé les moyens de communication (téléphonie) , qui avaient été délibérément détruits par les soldats ukrainiens.

En ce moment, ils réparent le pont autoroutier récemment démoli à l’explosif par les Ukrainiens  près de Stantsiya Louganska (https://www.youtube.com/watch?v=74q2kjwkkbY )

En DNR, la ligne ferroviaire passant par Debalstevo est réparée. Le premier train de passagers reliant les deux républiques DNR et LNR  a circulé aujourd’hui entre Yasinovata et Lougansk. Il est prévu entre 1 et 3 trains par semaine pour l’instant  (http://novorossia.today/transportation-ministry-of-the-dpr-passenger-train-is-launched-on-saturday-28th-march/, http://www.liveleak.com/view?i=8f5_1427547386, http://colonelcassad.livejournal.com/2113500.html )

En LNR, les sapeurs ont promis que tous les cimetières seraient déminés pour les fêtes de Pâques (Nota: les Pâques orthodoxes 2015 se dérouleront le dimanche 12 avril : icalendrier). Mais il n’y a pas que les cimetières, et les sapeurs ont fort à faire, entre les mines et les munitions non explosées (youtube).

• Vive la démocratie et la pensée unique ! Oleg Lyashko, le leader du parti radical et le député Yuri Tchijmar ont enregistré à la Rada Suprême le projet de loi N 2486 modifiant le code pénal (Проект Закону про внесення змін до Кримінального  кодексу України (щодо відповідальності за публічне заперечення факту  військової агресії країною, яка визнана Верховною Радою України  країною-агресором : rada.gov.ua). Ce projet  propose des poursuites pénales  en cas de désaveu en public de l’agression de l’Ukraine par un pays qui a été reconnu comme pays agresseur par le parlement ukrainien (devinez, qui est ce pays agresseur?). La peine peut atteindre jusqu’à 5 ans d’emprisonnement avec confiscation des biens personnels. Les députés considèrent que la “cinquième colonne”, soutenue par la Russie, “commence à relever la tête” et qu’elle impose à la société l’idée que “la Russie n’est pas un pays agresseur mais pays  partenaire dans le processus de paix” , cette idée destinée à nuire l’armée et attiser les conflits civils en Ukraine… On pourrait presque commencer à croire à l’existence des micro mondes parallèles vu que les députés ukrainiens vivent dans l’un d’eux ! (politnavigator.net).

• L’OTAN se couche. Après avoir été snobbé par Obama mardi, le secrétaire général de l’OTAN déclare aujourd’hui qu’il serait “faux” (pour lui) de spéculer sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN : “Some years ago, they [Ukraine] applied for membership, and I respected that. Then they decided to be a non-bloc country. Now they have started the process of reforming with the aim to apply for membership later on. If and when they apply, we will assess that application,” (unian)

Dimanche 29 mars 2015

• Ce qui s’est vraiment passé à Debaltsevo. C’est dimanche, l’occasion de prendre un peu de recul. Pour ce faire, trois longs articles, pas tous tout récents et d’origines distinctes  nous donnent des éclairages complémentaires sur la bataille cruciale de Debaltsevo. Ces  trois articles se recoupent sur les points suivants: les combats ont  été très durs pour les deux côtés,  il y a au moins des volontaires et de l’armement (“Voentorg”) d’origine  Russe, il y a une majorité sur le  terrain de combattants qui sont bien  de la région de Donetsk et Lougansk et l’armée Ukrainienne  reste une énorme menace pour la NAF. Si participation de l’armée Russe  il y a, elle aura été relativement discrète (même certains commandants ukrainiens ont admis ne pas avoir vu de troupes russes).

“The battle for Debalcevo. Results” (2 mars 2015) (colonel cassad). “Colonel Cassad” est un blog pro Russe d’un habitant de Crimée connu pour la qualité de ses infos de terrain et une indépendance d’esprit n’hésitant pas à révéler les vérités déplaisantes pour son camp. Dans cet article il fait un bilan de l’écart entre ce que dessinait les rapports de terrains pendant l’action et de ce que les retours après l’action ont révélé

En résumé, la victoire de la NAF a bien failli ne jamais arriver. Les premiers plans n’ont pas marché, l’armée Ukrainienne s’est battu considérablement mieux qu’en été, des erreurs inutiles et coûteuses ont été faites. En outre on comprend que la logique de Poroshenko durant Minsk II était loin d’être aussi délirante qu’elle avait pu le sembler. Il avait alors des raisons réelles de croire que son armée aurait finalement le dessus. Selon Cassad, il n’y aurait pas eu d’intervention Russe (contrairement à ce qui serait passé à l’été 2014)

“Bitter truth about Debaltsevo operation (both parts)” (24 mars 2015) (kenigtiger.livejournal via kazzura, youtube). Traduction réalisée par Kazzura (principal traducteur de l’information novorussienne) du témoignage d’un officer de la NAF extrêmement critique de l’état de son armée et de son commandement. Comme pour le “Colonel Cassad” ont peut noter une aptitude indépendante appréciable.

Ce témoignage indique l’écart énorme entre les dépêches de guerre et le terrain. Il détaille tout ce qui ne marche pas du tout comme pourraient le penser les internautes. Par exemple, il rappelle qu’un char sans radio (ou une vingtaine d’autres composants) est inutile ou dangereux, donc ne devrait pas être compté comme “opérationnel”, ce qui relativise les décomptes sur photo ou video… L’article est un bon remède à l’attitude de “la fleur au fusil” et  “la victoire en chantant”. En résumé, les nouvelles recrues ont été inutiles, mal utilisées, décimées, générant beaucoup de désertions, désobéissances, fuites devant le combat ; l’artillerie si souvent vantée des novorusses (NAF) ne mérite pas tant d’éloges, la logistique a pris l’eau de toute part, le commandement de la NAF serait dangereusement irréaliste et selon lui s’il ne se reprend pas il commettra bientôt des erreurs terribles . De son coté les forces ukrainiennes (UAF) s’est comportée pour lui de façon bien plus efficace qu’en été. Au final il juge que la NAF est mauvaise, qu’elle a gagné contre l’UAF (avec un ratio de perte à peu près conforme à celui de Cassad (c’est à dire un ratio tout de même assez bon de “1 pour 3″ dans les phases les plus dures pour la NAF) uniquement parce que les ukrainiens seraient encore plus mauvais que les novorusses… et que les deux se feraient balayer par n’importe quelle armée réellement professionnelle.

Ah, et il affirme qu’il y a bien eu une intervention militaire Russe… en été, mais pas en Hiver (à son vif regret). En été pour lui la résistance de la NAF était très limitée (mais bien plus compétente/efficace/professionnelle) sur le terrain. Il est intéressant aussi de noter que pour lui l’issue idéale est la réconciliation et qu’il l’exprime sans avoir à s’en défendre.

“Dorji, 20 ans, soldat russe blessé en Ukraine” (12 mars) (http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/03/12/le-recit-bouleversant-dun-soldat-russe-blesse-en-ukraine/ ) Et dans la série “penser contre son camp”, le troisième article, une fois n’est pas coutume,  vient… du blog “Big Browser” du site lemonde.fr. Cet article est certainement le “meilleur effort” du camp occidental pour prouver une implication de l’armée Russe sur le terrain et de prime abord il est très crédible. Le tankiste en question a été filmé, l’entretien vient de la presse Russe (Novaia Gazeta) et il a été “fact checké” par Belling Cat (https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2015/03/11/vreditel-sobaka/ ). Certes aucune de ses sources n’est neutre mais avant de rejeter ce qu’il dit, il faut admettre que ce qu’il dit de la situation est assez proche de l’article précédent (Bitter truth about Debaltsevo operation (both parts), avec notamment une mauvaise organisation des novorusses  et un mauvais comportement de beaucoup de ses recrues. Il montre aussi comment l’armée russe joue sur les mots pour pouvoir nier son application : elle amènerait selon lui directement les troupes à la frontière puis leur laisserait le choix d’aller intervenir sur le mode “Monsieur Phelps”. On n’est toutefois pas dans le simple volontariat puisque ces troupes utiliseraient néanmoins le matériel, la chaine de commande et le renseignement de l’armée Russe, dans une situation de fait hybride. Et on ne peut que faire le lien avec la distinction de “gardes” accordée à trois unités de l’armée russe récemment sans donner les raisons de cette décision…

• Pendant ce temps-là, à Odessa, on s’éclate: Déjà, dans la nuit du 24 au 25 mars, il y avait eu un jet de cocktails Molotov sur le siège du parti communiste (youtube).

Maintenant, c’est un local de de bénévoles apportant de l’aide aux forces de l’ATO ainsi qu’au bataillon “Azov”  qui a été visé par une bombe artisanale (youtube, dumskaya.net, sputnik news, colonel cassad).

Sans parler du meurtre du directeur d’un restaurant de prestige ‘Le passage” , situé dans la partie historique d’Odessa, Roman Kameniouk, poignardé dans le hall du restaurant. Selon les médias ukrainiens, le meurtrier aurait déjà été arrêté (pravda.com.ua). Aux dernières nouvelles, il s’agirait d’un récidiviste de 41 ans, qui a déjà fait 13 années de prison pour divers crimes, dont un meurtre (dumskaya.net) On peut donc supposer que son acte n’a rien à voir avec la situation politique, mais plutôt avec des luttes d’influence mafieuses…

Mais le fait est qu’à Odessa, cela bouge beaucoup. Et le mois de mai approche, avec le triste anniversaire de l’incendie criminel du 2 mai 2014…Il faut s’attendre à une recrudescence d’actes de ce genre, qui prouvent l’existence d’antagonismes forts et d’une résistance certaine au pouvoir de Kiev.

• Rumeur du dimanche : Washington sur le point de lâcher le président Ukrainien Piotr Porochenko?  Selon le quotidien allemand Deutsche Wirtschafts Nachrichten (deutsche-wirtschafts-nachrichten.de via sputnik news),  Washington serait sur le point de lâcher l’actuel président Ukrainien Porochenko au profit de l’oligarque chyprio- israélo-ukrainien / résident suisse Igor Kolomoïski.

Le journal allemand écrit: “Plusieurs jours se sont écoulés depuis le limogeage de l’oligarque Kolomoïski par le président Porochenko. Jusqu’à présent, il n’est pas clair si les Américains continuent de soutenir Porochenko ou bien s’ils commencent à prendre le parti de Kolomoïski” 

Le “limogeage” de l’ex-gouverneur de  Dniepropetrovsk pourrait s’avérer dangereux pour Porochenko tant que  Kolomoïski dispose d’une armée privée forte (que le gouvernement s’emploie à affaiblir) et  il pourrait déstabiliser  la partie centrale de l’Ukraine. Aux Etats-Unis,  les partisans de guerre avec la Russie, (John McCain,  Victoria “guerre éternelle” Nuland en tête) pourraient  donner  leurs préférences à Komoloïski qui leur semblerait un meilleur “partenaire” pour tout faire sauter…

• Rumeur du dimanche 2, le retour : Obama serait-il du côté des russes ? Un média ukrainien écrit aujourd’hui: “Le principe de l’envoi d’armes létales en Ukraine par les USA est acquis et il ne manque plus que la signature du président Obama” (rbc.ua). Seulement, même s’ils ont une envie folle d’aller conquérir Moscou, les Ukrainiens commencent à douter, ainsi Paroubiy: “S‘ils (les USA) nous donnent des armes létales, Poutine leur donnera encore plus d’armes létales. Et n’a-t-il pas déjà rendu opérationnelles des armes nucléaires? Tout ce que possède la Russie combat sur notre front”. Comment dire… S’il y avait 1 million de soldats russes, des centaines d’avions, des milliers de chars d’assaut et de pièces d’artillerie sans parler des armes nucléaires contre l’armée ukrainienne, je ne pense pas que la ligne de front serait là où elle est actuellement !

• Confirmation par Arseni Yatseniouk de la revalorisation des traitements des juges d’instruction (voir samedi 28 mars), dimanche 29 mars à 19 h 29 (unn.com.ua) : “Nous allons donner des salaires élevés à ces juges d’instruction qui instruisent des affaires particulièrement importantes. Le ministre (Avakov) a proposé 30.000 hryvnas par mois”.

• Après les ministres, les directeurs.  Arseni Yatseniouk a annoncé la mise au concours des postes de direction d’Ukrnafta, Ukrtransnafta et Ukrtratnafta ainsi que des autres compagnies d’Etat. Le gouvernement de Kiev souhaite en effet confier ces postes à des étrangers (interfax.com.ua).

• Nouvelle affaire de corruption médiatisée. Le directeur du Service principal du Parquet général d’Ukraine et chef de la division des enquêtes traitant les faits de corruption, Pavel Zhebrivski, a déclaré à l’antenne de Kanal 5 qu’au début du mois d’avril, il sera procédé à des vérifications concernant d’éventuels faits de corruption au sein du Cabinet des ministres et à la destitution de ses fonctions du chef de l’Inspection  des finances d’Ukraine, Nikolaï Gordienko (interfax.com.ua, lb.ua)

Quant au nouveau Procureur général d’Ukraine, Viktor Chokine, il a déclaré : “Для меня нет неприкасаемых, будет это президент страны, премьер-министр или другое должностное или государственное лицо”. (Pour moi, il n’y a pas d’intouchables, que ce soit le président du pays, le premier ministre ou haut fonctionnaire ou membre du gouvernement ) . Belle déclaration, réconfortante en tout cas, qu’il faudra impérativement traduire en actes. (segodnya.ua).

• Il y a comme un parfum de révolte en Ukraine.  Une cérémonie en l’honneur du 71 ème anniversaire de la libération de  Nikolaïev ne tourne pas comme c’était prévu: une foule de retraités qui brandissent des drapeaux soviétiques se met à crier des injures à l’égard du  représentant de l’armée ukrainienne pendant son discours ,  traitant  les militaires ukrainiens de “fascistes” et “assassins” (youtube)

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-31-03-2015/


Crash de l’A320 : l’hystérie médiatique

Tuesday 31 March 2015 at 01:35

Fascinant de voir ce délire médiatique autour de ce triste drame.

Cela illustre la dérive de plus en plus inquiétante de nos médias, accentuée par l’effet réseaux sociaux.

En l’espèce, je rappelle qu’il y a 80 000 vols par jour, soit près de 30 millions de vols par an. Et que là dessus, on a beau prendre toutes les précautions, le risque zéro ne sera jamais atteint, et il y aura bien un drame de ce type tous les 10 ou 20 ans…

Il est donc hallucinant de voir comment le n’importe quoi se répand à vitesse grand V sous la pression.

Aucune réflexion, aucun recul, il faut ABSOLUMENT essayer de décider quelque chose pour calmer l’ogre médiatique et “rassurer” les passagers terrorisés par le matraquage.

Exemple : des compagnies ont déjà décidé de demander d’avoir toujours 2 personnes dans le cockpit :
1/ le suicidaire devra donc modifier son plan de “A/ s’isoler B/ crasher l’avion” à “A/ tuer l’autre pilote B/ crasher l’avion” – révolutionnaire quoi…
2/ quand un pilote sort, un steward rentrera dans le cockpit. Donc A/ soit il finira égorgé, comme vu ci dessus B/ soit, nouveauté, comme les stewards sont loin d’avoir le suivi médical des pilotes, c’est peut-être le steward qui sera suicidaire, et tuera le pilote avant de crasher l’avion… Bref, on a en fait augmenté le risque.

Avec le 11/09, on a vu qu’il fallait protéger le cockpit des passagers, maintenant, il faut protéger les passagers des pilotes, et, euh, bon alors je propose que les avions roulent simplement sur l’autoroute sans décoller, il y aura moins de risque…

P.S. finalement, il va sans doute falloir arriver à boycotter les médias dans leur ensemble, ils nuisent grandement à la santé de nos sociétés…

Crash de l’A320 : hystérie médiatique autour de la nationalité


Un hélicoptère survole les lieux de l’accident de l’A320 à Seyne, le 24 mars 2015

Pour savoir si le crash de l’A320 dans les Alpes de ce mardi est d’origine accidentelle ou terroriste, de nombreux journalistes s’appuient sur une équation surprenante, qu’on pourrait résumer ainsi : dites-moi s’il y avait des musulmans dans l’avion, je vous dirai si c’est une attaque terroriste.

La méthode Elkabbach

Il est toutefois difficile de poser la question discrètement.

Mercredi sur Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach s’est donc essayé à l’exercice en tentant de formuler une question incompréhensible, mais « suffisamment précise » pour que le secrétaire d’Etat aux Transports accepte d’y répondre :

« Dans les noms que vous avez des passagers, y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils sont en mission suicidaire ?

– Il n’y a aucun nom de cette nature, pour répondre précisément à votre question. »


L’INTERVIEW D’ELKABBACH (À PARTIR DE 3’30)

Ce jeudi, on a appris que le copilote s’était enfermé dans le cockpit dix minutes avant que l’avion ne s’écrase contre une montagne. Suicide ? Attentat ?

Pour beaucoup de confrères, connaître sa nationalité paraissait de nouveau essentielle.

« C’est politiquement incorrect, mais… »

Et c’est un journaliste étranger qui a montré la voie ce jeudi en posant LA question (de manière très cash) au procureur de Marseille, Brice Robin (à la 15eminute) :

« Pouvez-vous donner le nom, la nationalité et l’origine ethnique du copilote ? »


CONFÉRENCE DE PRESSE AVEC LE PROCUREUR DE MARSEILLE

Et le procureur de répondre de façon encore plus directe :

« Il est de nationalité allemande, j’ignore son origine ethnique. [...] Et il n’est pas répertorié comme terroriste, si c’est ça que vous voulez dire. »

Cela n’a pourtant pas rassuré tous les journalistes présents dans la salle puisqu’une autre personne insiste quelques minutes plus tard (20’54), quitte à dévoiler clairement son amalgame :

« C’est politiquement incorrect, mais est-ce qu’on peut donner la religion du copilote ?
– Je vous ai donné sa nationalité, mais je ne connais pas sa religion. Le jour où je l’aurai, je la donnerai, mais je ne pense pas que ce soit de ce côté-là qu’il faille chercher [..] Il s’appelle Andreas Lubitz. »

Sur Twitter, l’obsession autour de la nationalité du copilote n’est en tout cas pas passée inaperçue.

Source : David Perrotin, pour Rue89, le 26 mars 2015.

 


“Le Petit Journal” chez BFM TV et iTELE lors du crash de l’A320 : révélateur

LE PLUS. Par le plus grand des hasards, les caméras du “Petit Journal” tournaient un reportage au coeur des rédactions d’iTELE et BFMTV quand l’annonce est tombée : un avion s’est écrasé dans les Alpes. S’enclenche alors la folle machine. Notre vidéo du jour est très révélatrice du fonctionnement des médias d’aujourd’hui.

"Le Petit Journal" était chez iTELE et BFMTV le jour où l'Airbus A320 s'est écrasé dans les Alpes. (Capture d'écran Canal Plus)
“Le Petit Journal” était chez iTELE et BFMTV le jour où l’Airbus A320 s’est écrasé dans les Alpes. (Capture d’écran Canal Plus)

Hasard surprenant : “Le Petit Journal” préparait justement un reportage sur les chaînes d’info en continu quand l’Airbus A320 s’est écrasé dans les Alpes. L’occasion de vivre de l’intérieur le traitement d’une grosse actualité dans ces médias si critiqués (et si regardés).

Qui fait le bandeau ? Qui décide de lancer l’édition spéciale ? Les chaînes se copient-elles ? Comment les journalistes vont-ils sur place ? Comment les infos passent-elles de la rédaction au plateau ? Comment se décident les titres ?

Les caméras de Canal Plus ont pu capturer ces moments d’une grande intensité :

Des médias très réactifs

Alors que voit-on ?
D’abord une dépêche AFP qui tombe, implacable : “Un Airbus A320 s’est écrasé dans la région de Digne-les-Bains dans les Alpes-de-Haute-Provence.”
À ce moment-là, l’info n’est relayée que sur les bandeaux de BFMTV et iTELE. Et puis très vite, en coulisses, la rédaction se met en ébullition : recherche de témoins, d’experts, vérification des infos, recherche de renseignements supplémentaires… Les rédacteurs en chef passent de bureaux en bureaux. Tout va vite, très vite.
Au-delà de la pure information du téléspectateur, un autre objectif se dessine : être le premier. Il faut pouvoir nourrir le direct, obtenir des “exclus”. Car en fond, on regarde l’autre, la chaîne concurrente. Parfois, le scoop vient d’ailleurs, comme les premières images du lieu du crash, sur France 24… Et c’est la surprise.
Puis arrive l’envoi de journalistes sur place, qui partent “à l’aveugle”, pour être au plus près de l’info. Faut-il les faire marcher dans la montagne ?

Fascinant ou malaise ?

Régulièrement critiquées, les méthodes des chaînes d’info sont-elles vraiment scandaleuses ? La mort de 150 personnes ne mérite-t-elle pas de prendre un peu le temps d’avoir de vraies infos ? Ou bien, au contraire, n’ont-ils pas raison de traiter l’actu au plus près ? L’effervescence des journalistes est-elle dérangeante ou professionnelle ?

Observer le travail de ces rédactions, est-ce fascinant ou malaise ? Les avis sont partagés.

Source : Louise Pother, pour l’Obs, le 26 mars 2015.


Mention spéciale à cet article de l’Obs

Crash de l’A320 : les pieds de biche et les haches, secrets bien gardés des avions

On imagine guère que des haches et des pieds de biche se trouvent bien cachés dans la cabine ou le cockpit des avions, et pourtant… Le crash de l’Airbus A320 de la Germanwings dans les Alpes-de-Haute-Provence met en lumière la présence de ces outils dans certains appareils, au risque pour les compagnies de devoir revoir tous leurs protocoles de sécurité par crainte que des pirates de l’air aient pris bonne note de ces informations.

Oui oui, la journaliste a bien écrit ça… Ils ont changé l’image après, conscient de leur connerie j’imagine…

Sorti du cockpit pour “satisfaire un besoin naturel”, le commandant de bord s’est vu refuser l’accès à la cabine de pilotage par son copilote, qui semble en avoir entièrement verrouillé l’accès. Le commandant appelle à plusieurs reprises son second via l’interphone de la cabine, en vain. Puis cogne violemment la porte. ”Juste avant l’impact final, on entend des coups portés violemment comme pour enfoncer la porte”, expliquait le procureur de la République de Marseille, Brice Robin, lors de la conférence de presse qu’il donnée jeudi 26 mars.

“Il n’y a plus de hache dans la cabine”

Le journal allemand “Bild” affirme que le commandant de bord aurait fini par tenter de défoncer l’entrée à coups de hache, quelques instants avant le crash.

Faux, répond le président du Syndicat des pilotes de ligne (SNPL) Eric Derivry au micro de RMC et BFMTV. “Il n’y a plus de hache dans les cabines. La seule hache qui se trouve dans l’avion se trouve dans le cockpit. Depuis un certain nombre de menaces et de capacités d’utiliser des instruments pour prendre le contrôle de l’avion, il n’y a plus de hache dans la cabine. Les uniques outils disponibles dans la cabine sont des pieds de biche.”

“Pour des raisons de sûreté, sur toute la flotte Air France, la hache de bord a été retirée de la cabine et se trouve au poste de pilotage. Elle peut servir par exemple à retirer des garnitures en plastique pour trouver un feu qui pourrait être d’origine électrique. A l’arrière nous disposons d’un pied de biche”, ajoute Frédéric Girot, membre du personnel naviguant d’Air France et pilote privé, qui représente la CGT Air France pour la partie civile dans l’affaire du vol Air France 447 Rio-Paris.

De son côté, le vice-président du SNPL, Jean-Jacques Elbaz, confirme auprès de “l’Obs” la présence de haches dans les cockpits et non dans les cabines :

Les haches, dont le nombre est déterminé en fonction du nombre de passagers, se trouvent dans les cockpits. Leur principale fonction est de permettre de s’extirper de l’avion en cas de crash.”

Qu’en est-il des pieds de biche, présents dans les cabines ? ”Nous pouvons être amenés à intervenir sur des feux et sur toutes situations où il y a émanation de fumée”, rapporte Frédéric Girot. “C’est dans ces cas-là que le pied de biche peut être utilisé pour retirer des garnitures en plastique.” De son côté, ”le Monde” affirme qu’un pied de biche “aurait pu être utilisé pour rentrer dans le cockpit en défonçant les cloisons à côté de la porte d’entrée. Mais l’équipage n’a sans doute pas eu le temps de l’utiliser”.

Source : Margaret Oheneba, pour l’Obs, le 27 mars 2015.

P.S. bah oui, il y a des haches cachées dans l’avion ; on ne peut accéder au cockpit avec, mais ça aide en cas d’évacuation d’urgence…


Crash de l’A320 : l’hystérie médiatique suscite le malaise en Allemagne

Les spéculations sur le crash de l’Airbus de la Germanwings occupent tous les médias allemands. Jusqu’à l’écoeurement et l’autocritique.

De notre correspondante à Berlin, Pascale Hugues

C’est Thomas Enders, PDG d’Airbus, qui tire la sonnette d’alarme. Et ce n’est pas un hasard si ce patron très en vue choisit les colonnes de Bams, le Bild am Sonntag, l’édition du dimanche du premier tirage de la presse européenne, pour s’exprimer. Il veut que son message soit entendu. Il veut aussi défendre la réputation des pilotes de ligne “qui, comme avant, méritent notre confiance”. Thomas Enders ne peut plus supporter les commentaires des experts autoproclamés qui donnent leur avis à longueur de talk-shows.

Chaque jour depuis la catastrophe, la télévision allemande programme éditions spéciales et débats à n’en plus finir. Rarement un événement n’a suscité un tel déchaînement médiatique… et un appétit aussi vorace de la part des Allemands. Spécialistes en aéronautique, experts en sécurité, anciens pilotes de ligne, médecins agréés en médecine aéronautique, psychologues et psychiatres, ophtalmologues depuis qu’est tombée la nouvelle qu’Andreas Lubitz aurait eu des problèmes de vision se succèdent sur les plateaux de télé, à l’antenne des radios et sur la Toile pour tenter d’élucider les circonstances de la catastrophe de l’Airbus. “Ce que l’on devrait remettre en question, dit le patron d’Airbus en colère, ce sont les sottises que disent certains “experts” sur les plateaux des talk-shows. Ce ne sont parfois que de pures spéculations qui ne s’appuient sur aucun fait, des fantaisies et des mensonges. Souvent des absurdités qui dépassent toutes les bornes. C’est une insulte pour les victimes.”

Et Thomas Enders n’est pas le seul à s’insurger. Margot Kässmann, ancienne chef de l’Église évangélique, une autorité morale de poids en Allemagne toujours très présente dans les médias, essaie dans un éditorial de Bams de rappeler les Allemands à la raison et les incite au recueillement silencieux : “Je ne peux plus supporter les commentaires de tous ceux qui savent mieux que tout le monde après un accident. Durant la semaine qui vient de s’écouler, que n’a-t-on pas entendu de spéculations et d’interprétations, de critiques, de commentaires et de blogs ? On a tout entendu : que les compagnies aériennes bon marché sont coupables, que les avions étaient trop vieux, qu’il s’est agi d’une défaillance humaine. Et, pour terminer un choc supplémentaire, c’était un acte perpétré en toute conscience… Tout cela est irresponsable… Nous avons besoin de calme. Plus de photos. Plus d’éditions spéciales à la télévision. Plus de reproches. Plus de tentatives d’explications. Plus de réponses à tout.” Margot Kässmann prêche pour le recueillement : “Rester silencieux un moment et penser à ceux qui nous ont quittés.”

“Pourquoi est-ce que nous nous y mettons tous ?”

Le public, aussi, sature. “J’ai l’impression que l’expert en aéronautique de l’ARD est installé dans mon salon, se plaint un auditeur à la radio. Pardonnez-moi, mais je ne peux plus voir sa gueule !” Un journaliste allemand sur place dans les Alpes françaises dit avoir assisté à de véritables scènes de chasse pour arriver à photographier les parents des victimes, “transformés en gibier de choix”, commente-t-il sèchement. Plusieurs grands journaux allemands se livrent à une sévère autocrititique. L’envoyé spécial du journal Die Zeit raconte dans son reportage comment, dans le train qui l’amène à Montabaur, la petite ville où Andreas Lubitz a passé son enfance et où ses parents vivent toujours, il a presque honte de faire ce métier. Il raconte son errance à travers les rues de la petite vide, le ridicule de la situation : ceux – la famille, les amis, les proches – qui auraient quelque chose à dire sont barricadés chez eux et gardent le silence. Ceux qui ne connaissaient le pilote que de vue ou, pire encore, qui ne l’avaient même jamais aperçu sont pendus aux micros des reporters venus du monde entier.

“Pourquoi est-ce que nous nous y mettons tous ?” titre en grosses lettres rouges le très respectable FAZ, le Frankfurter Allgemeine Zeitung : “On a l’impression que les médias ont perdu la tête, dit-il, et on a envie de leur poser ces questions : Pourquoi embêtez-vous les voisins, la famille, les connaissances ? Pourquoi fouillez-vous les sites internet et les profils dans les médias sociaux ? Pourquoi publiez-vous des photos et des noms, des spéculations et des rumeurs ?” Une question que se posent même les deux rédacteurs en chef de Bild qui ont cru bon, sur Facebook, de justifier la couverture qu’ils font de cet événement tragique. Spiegel Online explique à ses lecteurs que si la rédaction a décidé de citer dans son intégralité le nom d’Andreas Lubitz, elle s’engage néanmoins à ne pas publier de photos de sa famille : “Cela n’est pas nécessaire, à moins que les personnes en question ne souhaitent ouvertement s’exprimer dans les médias. Nous respectons leur sphère privée.”

Source : Le Point, 29/03/2015

Source: http://www.les-crises.fr/crash-de-la320-lhysterie-mediatique/


Grèce : pourquoi le blocage semble indépassable, par Romaric Godin

Tuesday 31 March 2015 at 00:44

Petite piqûre de rappel sur la Grèce, avec cet article de ce grand journaliste qu’est Romaric Godin…

La troisième liste de réformes du gouvernement grec ne semble pas convenir aux Européens. La question de la nature des réformes et l’enjeu politique rendent un accord improbable.

Encore une fois, la Grèce a présenté ce week-end une liste de réformes au « groupe de Bruxelles » (nouveau nom trouvé à la troïka qui regroupe les représentants du FMI, de la Commission européenne et du FMI). Et encore une fois, la situation semble bloquée. Le jeu du chat et de la souris continue, pendant que la situation de l’économie grecque se détériore à vue d’œil.

La troisième liste de réformes grecques

Le vendredi 27 mars, Athènes a donc envoyé à Bruxelles une nouvelle – la troisième – liste de réformes. D’après ce qu’on en sait, les autorités grecques prévoient de dégager avec ces réformes 3 milliards d’euros et un excédent primaire de 1,5 % du PIB en 2015 – cet objectif a toujours été celui visé par Syriza. Le tout avec une croissance estimée à 1,4 % qui semble optimiste, mais rappelons que le 20 février, l’Eurogroupe avait promis de définir l’objectif d’excédent primaire « en relation avec les circonstances économiques. »

Que prévoit exactement cette « liste de réformes » qu’Alexis Tsipras avait promise à ses partenaires européens à l’issue du mini-sommet du 19 mars ? Il s’agirait d’abord largement d’améliorer les rentrées fiscales du pays, notamment par une modernisation de la collecte d’impôts, et sur le combat contre l’évasion fiscale. Le gouvernement grec entend aussi vendre des licences de jeux en ligne et de radiodiffusion (les licences de télévision n’ont jamais été officiellement attribuées) et prend en considération certaines privatisations. Un relèvement progressif de 42 % à 45 % du taux supérieur d’imposition sur le revenu (un des plus aisés à collecter, car prélevé à la source) est également au menu.

Globalement, cette liste ressemble aux deux précédentes envoyés les 23 février et 6 mars. Athènes serait cependant prête à relever certains taux de TVA sur les produits de luxe et sur les boissons alcoolisées pour satisfaire ses partenaires européens, mais on est loin du programme qui avait « fuité » dans la presse allemande lundi 23 mars et qui prévoyait un relèvement de la TVA sur les séjours dans les îles égéennes et un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Cette « fuite » apparaît désormais plus comme un message envoyé aux autorités grecques que comme une « information » issue de ces dernières.

Blocage entre Bruxelles et Athènes

Au regard de ce programme, il semble évident qu’Alexis Tsipras n’a pas cédé aux vœux des Européens. Il a repris et développé ses « réformes » précédentes. Déjà, ce lundi 30 mars, les informations qui transpiraient dans le Wall Street Journal laissaient entendre que le « groupe de Bruxelles » n’était guère satisfait de cette liste qui était jugée « incomplète et trop imprécise. » Du reste, il semble improbable qu’un accord soit trouvé cette semaine, notamment après l’Eurogroupe téléphonique prévue ce mercredi. On n’a donc en réalité guère avancé.

Pourquoi ? Là encore, les informations parues dans la presse financières anglo-saxonnes ne laissent aucun doute. Le refus de cette liste de réformes repose sur l’absence de deux réformes : celle des retraites et celle du marché du travail. Il semble désormais évident que le « groupe de Bruxelles » ne donnera son feu vert au financement grec que si et seulement si le gouvernement d’Athènes accepte de mettre en place ces deux réformes. On conçoit donc dans ces conditions la réalité de l’initiative théoriquement laissée au gouvernement grec pour réaliser sa liste de réformes.

Les deux raisons de la position des créanciers

Pourquoi les créanciers insistent-ils sur ces deux réformes ? Pour deux raisons. La première est financière. Les dirigeants européens et leurs administrations sont persuadés que ces «réformes structurelles » sont des leviers de croissance potentielle qui, en favorisant la compétitivité coût du pays, lui permettront de mieux rembourser ses dettes. Mais au-delà de cette position, il existe évidemment aussi une raison politique (car rappelons que c’est là le seul véritable objectif de ce groupe de créanciers). Mais il serait naïf de ne pas non plus y voir un but politique : en faisant accepter ces mesures par un gouvernement « de la gauche radicale », on fait évidemment perdre toute radicalité à ladite gauche, on fait plier Syriza et on le ramène dans la logique économique qui est celle de la zone euro : seules les « réformes » qui visent à réduire le coût du travail sont d’authentiques réformes. La victoire que visent les créanciers est aussi idéologique. Il s’agit de détruire toute alternative.

On voit donc mal les Européens céder sur ces principes. Du reste, leur attitude prouve qu’ils n’y sont pas prêts. Depuis le 20 février, ils rejettent systématiquement les propositions de réformes venant d’Athènes afin d’imposer – sous la pression d’une situation financière et bancaire de plus en plus tendue – « leurs » réformes. Alexis Tsipras peut-il alors céder ? En réalité, le contenu de cette troisième liste montre aussi que le gouvernement grec est arrivé au bout de ses concessions. Contrairement à ce qu’on pouvait attendre la semaine passée, il n’y a pas eu de reddition de l’exécutif hellénique. Il y a eu quelques concessions supplémentaires, par exemple, sur des mesures ciblées de TVA et sur les privatisations, mais l’essentiel, le rejet de la logique austéritaire est conservé.

La réhabilitation de la parole politique en Grèce

Surtout, là aussi, il semble peu probable qu’Athènes cède sur les deux « réformes » exigées par les Européens. D’abord, parce qu’elles seraient en contradiction totale avec les engagements de Syriza et ses alliés. Certes, les promesses, peut-on dire, sont faites pour être oubliées. Sauf que Syriza a déjà oublié plusieurs de ses promesses : le gouvernement a ainsi convenu qu’il fallait relever progressivement le salaire minimum. On peut imaginer qu’il puisse renoncer à la réévaluation des retraites. Mais ce que demandent les européens est différent : c’est un oubli total des engagements par l’adoption d’une politique opposée à celle visée par Syriza. Or, les Européens oublient ce que peut valoir le respect de la parole politique dans un pays où elle a tant été dévaluée. La popularité d’Alexis Tsipras tient à ce respect de ses engagements et c’est une popularité qui dépasse les seuls rangs de Syriza. Quiconque s’est rendu en Grèce pendant la campagne électorale a pu mesurer les attentes de ce point de vue. Trahir cette attente serait mettre en danger rien moins que la démocratie hellénique. Alexis Tsipras n’est pas prêt à prendre ce risque.

Le refus de la logique économique des créanciers

Mais ce refus se base aussi sur une logique économique qui dénote un fossé immense sur la vision économique. Pour le gouvernement grec, ces réformes désirées par les Européens sont des mesures austéritaires. Elles ne permettront pas le redressement du pays. Du reste, n’oublions pas que le gouvernement précédent, pourtant « pro-européen », n’en voulait pas. Du point de vue grec, en effet, ces réformes représentent un « toujours plus » difficilement acceptable dans un pays qui a perdu plus de 24 % de son PIB et pour une population qui a vu son patrimoine fondre d’un tiers. Sur le marché du travail, ce que veulent les Européens, c’est réduire encore la capacité de négociations collectives salariales des syndicats (on notera que l’on est, ici, assez loin de la fameuse « économie sociale de marché » présentée souvent pourtant comme un modèle pour l’Europe). Or, cette capacité a déjà été largement amputée depuis 2010 et les salaires ont beaucoup baissé en Grèce, sans que pour autant, ni la croissance, ni les exportations n’en profitent réellement.

Quant au système des retraites, demander de nouvelles coupes ou un allongement du report du départ à la retraite, c’est refuser de voir l’envers de la médaille, notamment le développement de la pauvreté dans le pays et l’importance qu’ont ces retraites pour soutenir le niveau de vie des plus jeunes. C’est aussi refuser de reconnaître que dans un pays où le taux de chômage est de 26 %, il n’y a pas de sens à reporter l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans (date totémique qui fait référence à la réforme allemande de 2007 qui prévoit, rappelons-le, l’application de cette réforme en… 2030 et qui a déjà été écornée par le gouvernement d’Angela Merkel qui a permis des départs à 63 ans).

Sacrifier le « court terme », encore une fois ?

Chacun sait que le problème du budget grec, c’est d’abord l’efficacité de la récolte des impôts – le gouvernement grec veut précisément s’y attaquer – et l’absence de vraie croissance dans le pays. Athènes demande que l’on enlève l’épée de Damoclès de ces « réformes » négatives pour l’emploi et la consommation au-dessus du pays afin, précisément, de favoriser la croissance. Face à lui, les Européens reprennent leur vieille chanson des « sacrifices d’aujourd’hui pour le bonheur futur. » Dans un pays dévasté depuis 5 ans par la crise et l’austérité, cette chanson n’est plus à la mode. Non seulement le « court terme » s’est mué en « long terme », mais il semble désormais vain de croire encore que la confiance des investisseurs renaîtra par ce type de « réformes. » Ce qu’il faut à la Grèce, c’est un soutien à sa demande intérieur et un plan de reconstruction industrielle. En théorie, l’intérêt des créanciers serait de participer à cette tâche. Mais la dimension politique de l’affaire leur ôte apparemment le sens de leurs intérêts.

La rupture inévitable ?

Bref, le blocage est total. Alexis Tsipras, par cette troisième liste de réformes a confirmé qu’il ne veut pas des deux « réformes » des retraites et du marché du travail que les Européens placent comme conditions absolues à leur soutien à la Grèce. Comme les créanciers ont tout intérêt à jouer la montre pour que le « nœud coulant » financier se resserre, un compromis est peu probable. La perspective d’une rupture semble désormais de plus en plus proche et il semble que chacun s’y prépare. Lors du défilé de la fête nationale du 25 mars, une femme a lancé un message d’encouragement à Yanis Varoufakis, le ministre hellénique des Finances. Ce dernier a répondu : « il faudra nous soutenir aussi après la rupture. » Faut-il y voir la preuve que cette rupture est acquise ? L’accord avec les créanciers semblent en tout cas désormais très difficile.

Source : Romaric Godin, La Tribune, 30/03/2015

“L’eruope, c’est la paix” : Une de Der Speigel, 21/03/2015, Lire ici par exemple…

Source: http://www.les-crises.fr/grece-pourquoi-le-blocage-semble-indepassable-par-romaric-godin/


“Avec leurs sanctions contre la Russie, les États-Unis ont enfreint le droit international”, par Valéry Giscard d’Estaing

Monday 30 March 2015 at 00:01

Oubliez le début sur le projet utopique Europa, et appréciez la pertinence de la vision internationale de cet homme de 89 ans…

Entretien avec Valéry Giscard d’Estaing (Président de la République française de 1974 à 1981)

La France, l’europe, le monde…

Cet entretien a été conduitpar Isabelle Lasserre (Rédactrice en chef adjointe au service étranger du Figaro)

Dans ce stimulant entretien exclusif, Valéry Giscard d’Estaing a accepté, pour Politique Internationale, de décrypter les turbulences qui agitent la planète. De la crise ukrainienne au conflit israélo-palestinien en passant par l’avancée de Daech en Irak et en Syrie, l’ancien président livre son interprétation des principaux dossiers du moment. Comme le lecteur s’apprête à le découvrir, celui qui est également le maître d’oeuvre de l’ambitieux projet Europa – la création, au sein de l’UE, d’un ensemble fort et fédératif qui permettra à l’Union de progresser sur la voie tracée il y a soixante ans par les Pères fondateurs (1) – n’a rien perdu de sa profondeur de vues, de sa force de conviction et de son humour.

Isabelle Lasserre – Monsieur le Président, quelles sont les principales raisons qui vous ont poussé à concevoir Europa ?

Valéry Giscard d’Estaing – Mon projet repose, d’abord, sur un constat. Dans le monde actuel, caractérisé par la montée des grands États, la France est une puissance moyenne, tant par sa population que par sa taille. Elle a une histoire ancienne très glorieuse qui lui a valu, par le passé, une influence mondiale et une culture toujours vivante. Mais, aujourd’hui, son économie est très affaiblie ; son produit intérieur brut stagne ; et elle est, par surcroît, en cours de désindustrialisation rapide. L’une des raisons principales à cela, en dehors du laxisme économique et financier de sa politique, tient au fait que la trajectoire qu’avaient dessinée les créateurs français de l’Europe, Jean Monnet et Robert Schuman, a été interrompue au début des années 1990. Le traité de Maastricht a été signé en 1992 entre douze États membres, dont les six États fondateurs. Or le système européen s’est brusquement élargi à seize nouveaux États membres, sur un laps de temps relativement court, sans que ses structures aient été adaptées pour accueillir les nouveaux entrants et sans que les objectifs poursuivis par l’Union leur aient été précisés. Lorsqu’il avait été suivi, entre 1950 et 1992, le chemin tracé par les pères de l’Europe avait permis d’obtenir de brillants résultats, en particulier la mise en place d’une monnaie commune. Aujourd’hui, il faut impérativement reprendre la bonne voie. C’est le sens du projet Europa qui permet aux pays qui veulent poursuivre l’intégration européenne d’en franchir de nouvelles étapes.

I. L. – L’Europe manque de leaders charismatiques, de leaders d’envergure. Qui donc peut incarner ce projet Europa ?

V. G. E. – C’est bien le problème. De tels leaders n’existent pas de nos jours. Nous assistons à la fin d’une génération. Avec l’avènement de la société de consommation, les responsables politiques se sont détournés des grands objectifs pour se consacrer à la satisfaction des besoins individuels, à dimensions electorales. Les dirigeants d’exception ont disparu. Certes, on voit apparaître une nouvelle génération dans les élections locales, en Italie, en Pologne et même en France – une nouvelle génération qui produira en son temps des leaders d’envergure internationale. Mais, en attendant, nous pourrions quand même avancer. La carence est avant tout française dans la mesure où toutes les grandes initiatives européennes ont, jusque-là, été proposées par la France. L’Allemagne, elle, s’est plus rarement mobilisée pour fournir des idées. Voilà pourquoi la France devrait aujourd’hui proposer de réunir plus régulièrement le Conseil des chefs d’État de la zone euro et de le doter d’un indispensable secrétaire général, qui devrait être français. L’Europe possède la deuxième monnaie internationale – ce qui, dans un monde en crise, comme on le constate en ce moment avec les secousses du rouble, n’est pas sans importance. Or les plus hauts responsables des États de la zone euro ne se réunissent que rarement, deux fois par an tout au plus. La situation de la France est si faible aujourd’hui qu’elle n’ose plus avancer de propositions audacieuses. Elle traverse une crise de crédibilité. Il lui faut reprendre l’initiative.

I. L. – Ces dernières années, la France a-t-elle commis des erreurs en matière de politique européenne ?

V. G. E. – La principale erreur de la France, c’est de ne pas avoir réalisé les réformes indispensables, qui sont bien connues. L’autre est d’avoir refusé d’appliquer les accords qu’elle a signés et votés dans le domaine budgétaire. Nous refusons l’application du Pacte de stabilité et de croissance (2) et nous demandons des dérogations à nos partenaires pour pouvoir maintenir un déficit budgétaire excessif et accroître encore notre endettement, ce qui constitue pour nous une bombe à retardement dans la perspective confirmée de la hausse des taux d’intérêt américains en 2015 ! Si l’on met de côté la Grèce et l’Italie, la France est, dans ce domaine, le dernier pays du groupe de la zone euro. C’est une erreur grave : elle a affaibli notre crédibilité européenne, qui avait déjà été largement entamée par le non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne (3).

I. L. – David Cameron est-il l’homme qui fera sortir la Grande-Bretagne de l’Union européenne ? Pensez-vous qu’une telle tournure des événements serait une bonne ou une mauvaise chose ?

V. G. E. – Je souhaite vivement que la Grande-Bretagne reste dans l’Union européenne des 28 États membres. Elle agit correctement dans ce cadre, où elle a tout à fait sa place. Mais la Grande-Bretagne a peur d’être embarquée dans un système d’intégration dont elle ne veut pas et ne voudra jamais. L’Union à 28 est un espace commercial doté de très peu de compétences d’intégration et qui n’a rien à voir avec la zone euro. Il vaut mieux que la Grande-Bretagne demeure dans l’UE : pour elle, pour nous et pour tout le monde. Son histoire est très mêlée à celle de l’Union, elle appartient au groupe des trois ou quatre grands pays européens. Ses soldats ont combattu sur le sol de la France pendant les deux dernières guerres. Ce qu’elle demande, à savoir l’arrêt de la prolifération de textes émis par les institutions européennes et le respect strict des compétences de l’Union, n’a, en réalité, rien d’excessif ; je n’en regrette que davantage la réaction négative que ces requêtes suscitent chez ses partenaires européens ; je déplore, surtout, le fait qu’il n’y ait aucune négociation avec Londres. Le ministre français des Affaires étrangères serait bien inspiré de conduire des discussions avec la Grande-Bretagne, dont les demandes devraient être calmement étudiées par les Européens et faire si possible l’objet d’un accord. Certes, la situation est difficile et compliquée depuis la victoire du parti Ukip aux élections européennes (4) et le référendum sur l’indépendance en Écosse (5) – ce qui, comme vous le savez, a suscité un débat parmi les Gallois et les Anglais. Je crois que David Cameron n’en souhaite pas moins rester dans l’Union européenne, mais il ne pourra le faire que si le prix politique à payer pour cela n’est pas trop élevé.

I. L. – Quelles seraient les conséquences d’une sortie de la Grande-Bretagne ?

V. G. E. – À court terme, il n’y aurait pas tellement de conséquences. C’est sur le plan de la vocation de Londres, une capitale monétaire largement investie dans l’euro, que les choses changeraient. On assisterait à une érosion de la position de la Grande-Bretagne. Mais pour l’Europe continentale, il n’y aurait pas de conséquences majeures.

I. L. – Quel regard portez-vous sur l’annexion de la Crimée et la déstabilisation de l’est de l’Ukraine par la Russie ?

V. G. E. - Concernant le « retour » de la Crimée en Russie, très franchement je l’ai jugé conforme à l’Histoire. J’ai relu des livres décrivant l’histoire russe du XVIIIe siècle. La Crimée a été conquise sous le règne de Catherine II, avec l’action prédominante du prince Potemkine, lorsque la Russie descendait vers le sud en direction de la Turquie dans l’idée de reconquérir Constantinople. La conquête de la Crimée fut assez dure. Elle ne s’est pas faite au détriment de l’Ukraine, qui n’existait pas, mais d’un souverain local qui dépendait du pouvoir turc. Depuis, elle n’a été peuplée que par des Russes. Quand Nikita Khrouchtchev a voulu accroître le poids de l’URSS au sein des Nations unies qui venaient de naître, il a « inventé » l’Ukraine et la Biélorussie pour donner deux voix de plus à l’URSS, et il a attribué une autorité nouvelle à l’Ukraine sur la Crimée qui n’avait pas de précédent. À l’époque, déjà, je pensais que cette dépendance artificielle ne durerait pas. Les récents événements étaient prévisibles. D’ailleurs, le retour de la Crimée à la Russie a été largement approuvé par la population. Ce n’est que lorsque les problèmes se sont étendus à l’est de l’Ukraine qu’on s’en est inquiété…

I. L. – De nombreux analystes et responsables politiques plaident pour une plus grande « compréhension » à l’égard de Vladimir Poutine. Bien que vous ayez toujours été un partisan de la détente vis-à-vis de Moscou, à l’époque de la guerre froide comme aujourd’hui, acceptez-vous qu’on puisse ainsi violer le droit international et déstabiliser un pays ?

V. G. E. – Les règles conventionnelles adoptées lors de la paix de Westphalie en 1648 (6) posaient le principe du respect de la souveraineté nationale et des frontières. En vertu de ce principe, certains estiment que l’Ukraine doit absolument conserver la totalité du territoire qui était le sien au moment de son indépendance en 1991. Mais n’oublions pas que la décomposition de l’URSS s’est faite dans la débandade et a provoqué un émiettement des frontières ! La méthode de Vladimir Poutine aurait pu être différente. Mais, aujourd’hui, la question de la Crimée doit être laissée de côté. Celle de l’est ukrainien est, en revanche, plus difficile. N’oubliez pas que l’Ukraine a longtemps été russe, Kiev fut la capitale de la Russie. Lorsque, ministre des Finances, je suis allé en Union soviétique à la demande du général de Gaulle, j’ai été reçu par Khrouchtchev à Kiev…

Pour y voir vraiment clair, il faut se demander ce qui s’est réellement passé il y a un an dans la capitale ukrainienne. Quel rôle la CIA a-t-elle joué dans la révolution du Maïdan ? Quel est le sens de la politique systématiquement anti-russe menée par Barack Obama ? Pourquoi les États-Unis ont-ils voulu avancer leurs pions en Ukraine ? Existe-t-il un lobby ukrainien influent aux États-Unis ? Les Américains ont-ils voulu « compenser » leur faiblesse au Moyen-Orient en conduisant, sur le continent européen, une politique plus « dure » contre la Russie ?

I. L. – Pensez-vous vraiment que les États-Unis sont responsables de la crise ukrainienne ? N’est-ce pas plutôt la corruption de l’équipe au pouvoir qui a provoqué le ras-le-bol des Ukrainiens ?

V. G. E. – Les deux éléments sont à prendre en compte. Il est indéniable que le pouvoir ukrainien était insupportable et corrompu. Ce qui explique, au moins partiellement, que le président Ianoukovitch ait été contraint au départ. Mais la situation est restée confuse et il faut reconnaître que la transition ukrainienne a un aspect peu démocratique. Ce sont des clans dirigés par des oligarques qui mènent le jeu. Quant aux États-Unis, ils ont probablement soutenu et encouragé le mouvement insurrectionnel. Et, ensuite, ils ont pris la tête de la politique de sanctions visant la Russie - une politique qui a enfreint le droit international. Qui peut s’arroger le droit, en effet, de dresser une liste de citoyens à qui l’on applique des sanctions personnelles sans même les interroger, sans qu’ils aient la possibilité de se défendre et même d’avoir des avocats ? Cette affaire marque un tournant préoccupant. Concernant les sanctions économiques visant non des personnes mais l’État russe, comment ne pas considérer qu’elles font du tort aux deux protagonistes – Russie et Occident – en altérant leurs échanges commerciaux ? Cette montée des tensions va continuer de faire du mal à l’économie russe. Soit dit en passant, quel est le nom de l’expert qui avait prévu et annoncé la chute des cours du pétrole ? Aucun expert n’avait anticipé cet événement ! Quoi qu’il en soit, aujourd’hui l’économie russe est fragilisée en raison de la spéculation contre le rouble qui est à son cours le plus bas, par rapport au dollar, depuis 1998. Les Américains ont-ils intérêt à provoquer la chute de l’économie russe ? Pour l’Europe, les Russes sont des partenaires et des voisins. Dans le désordre international actuel, face à la flambée des violences au Moyen-Orient, devant l’incertitude provoquée par les élections de mi-mandat aux États-Unis, il serait irresponsable de souhaiter que l’économie russe s’effondre.

I. L. – Quelle solution proposeriez-vous pour tenter de résoudre la crise ?

V. G. E. – L’Ukraine telle qu’elle est n’est pas en état de fonctionner démocratiquement. Il faut donc qu’elle se réorganise. Je souhaite que la diplomatie française prenne le leadership européen de la recherche d’une solution politique en Ukraine. Cette solution pour l’Ukraine semble être celle d’une confédération multiethnique, sur le modèle suisse des cantons, avec une partie russophone, une partie proche de la pologne et une partie centrale. Un système à la fois fédéral et confédéral, sponsorisé par les Européens et soutenu par les Nations unies.

I. L. – Dans un tel scénario, qu’advient-il de la Crimée ? On la fait passer par pertes et profits ?

V. G. E. – Je n’aime pas cette expression ; mais la Crimée, conquise – je le répète – alors qu’elle était gérée par un souverain d’allégeance turque et non ukrainienne, et où les Alliés de la dernière guerre sont venus tenir la conférence de Yalta, a vocation à rester russe !

I. L. – Si vous étiez au pouvoir, que diriez-vous à Vladimir Poutine pour lui faire entendre raison ?

V. G. E. – La gestion de la crise par Vladimir Poutine n’a pas été judicieuse. Le président russe poursuit un rêve : rétablir l’influence qu’avait jadis l’Union soviétique. Mais ce rêve n’est pas réalisable car une partie de l’empire soviétique a été construite par la force. Et quand la force n’est plus ce qu’elle était, ces méthodes ne sont plus envisageables. La Pologne et les pays baltes ne risquent rien. La Russie ne va pas se lancer dans ce type d’aventure. Mais dans les endroits qui sont en désordre politique, c’est moins évident. Il aurait fallu recommander à Vladimir Poutine de ne pas jouer avec le feu, et essayer de rechercher avec lui des solutions raisonnables. Ce qui est sûr, c’est que l’Ukraine n’entrera pas dans le système européen : c’est impossible ! Elle n’a ni la maturité économique ni la pratique politique nécessaires. Sa place est entre deux espaces, la Russie et l’Union européenne, avec lesquels elle doit entretenir des rapports normaux. Quant à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, il n’en est, bien évidemment, pas question et la France a raison d’y être défavorable ! À présent, voulez-vous ma prophétie ? La voici : l’Ukraine risque la faillite financière. Elle demandera des aides. Qui les lui donnera ? Sans doute le FMI puisque l’Union européenne n’a pas le dispositif pour le faire.

I. L. – Sur la place Maïdan à Kiev, des Ukrainiens sont morts en défendant les valeurs européennes et en brandissant le drapeau de l’Union. Est-il possible de décevoir l’enthousiasme de ces hommes qui regardent vers nous avec autant de confiance ?

V. G. E. – Les aspirations européennes de Kiev étaient un songe. Comme ils n’entrevoyaient aucune perspective, il fallait bien que les Ukrainiens rêvent de quelque chose. Mais soyons réalistes : les Hongrois, qui sont dans l’Europe, n’en veulent plus (7), et l’Union, après sept ans, n’a pas réussi à régler de manière satisfaisante l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie… Pour des gens qui se sentent abandonnés, l’Union européenne est tentante. C’est une zone pacifique. Mais tout cela ne suffit pas à justifier une adhésion. En tant qu’ancienne partie de la Russie, l’Ukraine ne peut pas être dans l’Union européenne.

I. L. – Quel regard portez-vous sur Barack Obama ? On avait espéré qu’il serait un mélange de Roosevelt et de Kennedy ; finalement, il fait plutôt songer à Jimmy Carter… Quel bilan dressez-vous de sa politique étrangère ?

V. G. E. – Barack Obama est un homme humainement sympathique et chaleureux, et qui cherche à être utile. Il apporte la preuve que, surtout dans le monde actuel, l’exigence de compétences est un élément essentiel ! Prenez le président chinois actuel : il avait occupé quatre ou cinq postes d’envergure avant d’arriver là où il est…

Au début, Barack Obama était très déterminé. Il a voulu se démarquer de George W. Bush en décidant le retrait d’Irak. Mais il a commis des erreurs dans la façon dont il a géré ce retrait. Car il a voulu le compenser, aux yeux d’une partie de l’opinion américaine, par l’annonce d’un engagement supplémentaire en Afghanistan, ce qui était une cause perdue d’avance, comme l’ont expérimenté les Britanniques, puis les Soviétiques.

Quant aux comparaisons que vous effectuez, je dirais que, s’il est vrai qu’Obama ne ressemble pas à Roosevelt, il ne ressemble pas davantage à Jimmy Carter. En effet, il ne change pas d’avis, il renonce à certains projets. Mais il ne faut pas se montrer trop sévère vis-à-vis de Barack Obama, pour la raison suivante : à notre époque, l’élection se fait avant tout sur l’appréciation audiovisuelle bien davantage que sur les compétences requises pour la fonction…

I. L. – En Syrie, personne ne voit de porte de sortie à court ou moyen terme à cette guerre qui a déjà fait plus de 200 000 morts. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelle fut la première erreur commise, quand et par qui ? Qu’aurait-on dû faire ou ne pas faire à l’époque ? Que faire aujourd’hui ?

V. G. E. – Je n’ai aucune réponse à vos questions. Nous ne comprenons pas le phénomène, ces affrontements historiques, ces querelles de frontières, cet islam extrême. Au début, s’agissait-il d’un mécontentement populaire à caractère social vis-à-vis d’un pouvoir dictatorial? D’une révolte contre la brutalité du régime ? Il fallait, d’abord, essayer de voir si le système était réformable. Il l’était sans doute. C’est alors que, progressivement, nous avons assisté à la montée d’un islam fanatique qui n’a pas de rapport direct avec la situation politique et que nous ne nous expliquons pas. La rivalité entre chiites et sunnites remonte au VIIe siècle. Pourquoi ressort-elle avec une telle violence maintenant alors qu’elle était plus modérée dans l’Empire turc ? Pourquoi exerce-t-elle autant d’attrait sur des jeunesses lointaines ? C’est une réflexion très difficile à mener mais qu’on doit conduire au niveau européen.

I. L. – Le péril que font peser sur la planète ces djihadistes de Daech ne mérite-t-il pas que la coalition s’implique davantage pour en venir à bout ? Ne faudrait-il pas aller jusqu’à envoyer des troupes au sol ?

V. G. E. – Je suis totalement opposé à une telle intervention au sol. D’ailleurs, elle ne se fera pas. Ce n’est pas à la coalition occidentale mais aux pays arabo-musulmans de régler ce problème. La solution, à mes yeux, ne peut être que régionale. Naturellement, on peut effectuer des bombardements quand c’est nécessaire techniquement pour interdire une conquête. Ce qui est plus difficile, c’est de savoir quel avenir les intéressés veulent se donner…

L’Occident, cela va de soi, doit être hostile à Daech. Mais « être contre » ne veut pas dire « éradiquer ». Ne serait-ce que parce que c’est impossible. C’est à l’Iran et à l’Arabie saoudite d’agir !

I. L. – Comment jugez-vous le jeu trouble mené par le Qatar et l’Arabie saoudite dans la région ?

V. G. E. – Ils ont fait de grandes erreurs et en subiront vraisemblablement les conséquences dans leur propre pays.

I. L. – Pensez-vous que l’initiative du Sénat et de l’Assemblée nationale visant à reconnaître un État palestinien soit une bonne chose ?

V. G. E. – C’est leur responsabilité. Pour dire les choses franchement, je ne crois pas qu’une négociation directe israélo-palestinienne puisse aboutir à un accord : les exigences des deux parties sont trop substantiellement incompatibles. Un gouvernement israélien ne peut pas accepter les demandes auxquelles l’Autorité palestinienne, quant à elle, ne peut pas renoncer ! En fait, Israël a joué de cette proposition de négociation pour apaiser son allié américain. La diplomatie israélienne mise à 90 % sur le soutien de Washington… Je pense que la solution devra nécessairement passer par les Nations unies : un vote unanime du Conseil de sécurité, sans que les Américains n’utilisent leur droit de veto, actualisant la résolution fondatrice de l’État d’Israël.

I. L. – Un vote unanime proposant quel schéma ?

V. G. E. – Un retour aux frontières de 1967 ; Jérusalem comme capitale commune d’Israël et de l’État palestinien ; mais le contenu nouveau consistera en des garanties de sécurité énergiquement défendues par la communauté internationale et, au premier chef, par les États-Unis.

I. L. – Mais le Hamas refuse de reconnaître Israël !

V. G. E. – Je le répète : on imposera au Hamas la solution qui serait décidée par un vote unanime du Conseil de sécurité.

I. L. – En quelques mots, quels sont, depuis deux ans, les points forts et les points faibles de la diplomatie française ?

V. G. E. – La conduite de la diplomatie française par le ministre des Affaires étrangères est raisonnablement compétente, dans un gouvernement qui ne l’est guère. Elle représente et défend bien les intérêts de la France.

Deux remarques : il convient d’éviter les interventions isolées dans des conflits lointains, qui font apparaître la faiblesse de nos moyens ; et de mettre fin à l’absence de la France dans les postes clés de l’Union européenne (présidences du Parlement européen, de la Commission européenne, du Conseil européen et de la Banque centrale européenne), Union qu’elle a contribué à créer.

Deux tâches diplomatiques, que j’ai déjà évoquées, sont urgentes : proposer une démarche politique pour l’Ukraine, à égale distance de l’Union européenne et de la Russie, et s’opposer à son entrée dans l’Otan ; et contribuer à la recherche d’une solution permettant à la Grande-Bretagne de rester membre de l’UE.

I. L. – Qu’auriez-vous fait de différent, dans tous ces domaines, si vous aviez été au pouvoir ?

V. G. E. – J’aurais proposé aux États membres de la zone euro qui le souhaitent de franchir une étape importante de l’intégration européenne en allant vers une Union fiscale à l’échéance de 2030 ; et j’aurais proposé, aussi, la création d’un Trésor européen gérant la dette commune.

I. L. – Monsieur le Président, si vous deviez décerner le « Prix du courage politique », à qui l’attribueriez-vous aujourd’hui ?

V. G. E. – Des géants tels de Gaulle, Roosevelt et Churchill, il n’y en a plus. Ce sont les grands événements qui mettent en valeur les grands hommes. Des Kennedy, il nous en faudrait pour s’adresser à la jeunesse. Ne désespérons pas. Peut-être, un jour, les verrons-nous apparaître…

Source : Politique Internationale, mars 2015

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RT a pu obtenir un entretien exclusif avec l’ancien président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing, qui est intervenu lors de l’Assemblée générale de l’Association Dialogue Franco-Russe qui s’est tenue le 26 mars 2015.

L’ancien président de la France a abordé plusieurs questions d’actualité liées à la politique internationale, en particulier la situation en , la Crimée et la France.

RT : Que pourrez-vous dire sur la situation qui existe aujourd’hui sur les frontières de la Russie, en Ukraine ?

Valéry Giscard d’Estaing (VGE) : Je crois que d’abord il faut être très raisonable. Nous célébrons en commun les anniversaires des deux conflits mondiaux. Et il faut se rappeler qu’avant ces conflits mondiaux, il y a eu des situations qui ressemblaient un peu à la situation actuelle. C’est-à-dire des malentendus sur des sujets qu’on pouvait regler, qu’on aurait pu régler. Pensez, par exemple, au fameux accident de Sarajevo. Il n’y avait pas de raison qu’il enflamme . Donc nous devons être capable maintenant, lorsqu’il y a des problèmes, de les aborder avec ouverture d’esprit et exactitude. La situation en Ukraine est très difficile parce que l’Ukraine est un pays composite, dans lequel il y a des communautés humaines, historiques différentes. La question est de savoir comment ces communautés peuvent-elles finalement s’organiser pour vivre ensemble. La solution de la force n’est pas la bonne. Parce que ni d’un côté ni de l’autre, on exterminera ou éliminera les partenaires. Donc la solution, c’est de proposer un système d’organisation politique – il existe beaucoup de systèmes dans le monde – dans lequel ces deux communautés pourront vivre facilement. Et je pense qu’il faut attendre le moment ou on pourra ouvrir une vraie conférence sur l’organisation d’une confédération ukrainienne. Où est-ce que ça doit se passer, est-ce que ça doit se passer aux Nations Unies, est-ce que ça doit se passer en Europe autour des structures de l’Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe, je n’en sais rien. Mais je pense qu’il serait bien qu’en 2015, on ouvre une discussion sur l’avenir de l’organisation politique de l’Ukraine, avenir pacifique. Car l’Ukraine ne doit pas être une menace pour la Russie et ne doit pas être une menace pour l’Europe.

RT : La Crimée est souvent vue comme une menace de la Russie. Est-ce que c’est vraiment le cas?

VGE : Non. Je crois que pour la Crimée il faut être prudent, il faut regarder l’histoire. La  n’a pas été conquise par l’Ukraine au XVIIIème siècle.  Elle a été conquise par la Russie. En fait c’est l’impératrice Catherine II, c’est le fameux général Potemkine, qui ont ravi la Crimée non pas aux Ukrainiens, mais aux Turcs ou aux vassaux des Turcs. Et ensuite, la Crimée s’est developpée comme une province de Russie. La preuve, c’est que la dernière conférence de la dernière guerre s’est tenue à Yalta. Tous les dirigeants Occidentaux y sont venus. Et ils sont venus à l’invitation de la Russie, en Crimée. Donc je crois que pour la Crimée, la seule chose qu’il faudrait dire c’est que s’il y a des doutes sur le déroulement du referendum – puisqu’il a été quelque peu improvisé – et bien, dans un delai raisonnable de deux ou trois ans, il faudra faire un réferendum avec les garanties internationales classiques sur la question de savoir ce que souhaitent les habitants de la Crimée.

RT : Et si vous permettez une question concernant la France, puisque nous sommes dans ce pays merveilleux. Le premier tour des élections départementales le weekend dernier et le second à venir montrent peut-être une tendance? Les gens votent d’une nouvelle manière, est-ce que c’est vraiment une tendance?

VGE : Il y a un changement, pas seulement en France, mais dans la plupart des pays. C’est le cas aux , c’est le cas en Espagne, c’est le cas en France. Il y a de nouvelles formes d’expression politique. C’est probablemement dû au dévéloppement des nouveaux moyens de communication, notamment des moyens de communication des réseaux. L’opinion souhaite s’exprimer. Et donc il faut faire très attention: ces votes n’expriment pas l’adhésion à un programme. Ils expriment le désir d’exprimer quelque chose, ce qui est différent. Et donc il faut les prendre comme une contribution, et non pas comme une provocation.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

Source : RT, mars 2015

Source: http://www.les-crises.fr/vge-avec-leurs-sanctions-contre-la-russie-les-etats-unis-ont-enfreint-le-droit-international/


[Ils sont drôles quand même...] L’Obs – Front national : l’échec du “marinisme”

Monday 30 March 2015 at 00:00

“Une” de l’Obs ce soir…

C’est sûr que la branlée du PS c’est accessoire, l’essentiel reste de parler sans cesse du FN – c’est sûr qu’avec nos modes de scrutin non démocratiques, le danger que le FN rafle moult départements était gigantesque…

Seul (maigre car inutile) point positif : nombre de faucialistes sont au chômage ce soir…

Bon, une tous cas, cela me confirme dans le fait que mon amour propre et mon sens de l’éthique font que je ne pourrais jamais exercer certains métiers : vendeur de drogue, fabricant de cigarettes, homme politique sous la Ve, journaliste dans un média mainstream

Par Renaud Dély, L’Obs, 30/03/2015

L’incapacité du parti d’extrême droite à conquérir un département signe l’échec de la stratégie de la présidente du FN.

Caramba, encore raté ! Bien sûr, avec 25 % des voix, le Front national a remporté lors du premier tour de ces élections départementales son meilleur score à l’occasion d’un scrutin local.

Certes, il dispose désormais d’une soixantaine de sièges de conseillers généraux – sur plus de 2.000 cantons -, alors qu’il n’avait jusqu’ici qu’un sortant. Enfin, c’est vrai, le FN a progressé d’un tour à l’autre dans les cantons où il était encore présent, signe qu’il profite du renfort d’électeurs venus de la droite et, dans une moindre mesure, de la gauche.

Et pourtant, ce second tour des élections départementales est un échec pour le parti d’extrême droite. C’est surtout l’échec d’une stratégie, le “marinisme”, cette ligne concoctée par le tandem Marine le Pen – Florian Philippot qui prétend faire du FN la seule opposition au fameux “système UMPS”.

Echec aux portes du pouvoir

Le retour du clivage droite-gauche, qui fait de l’UMP, grande gagnante de ce scrutin, l’alternative naturelle au PS en 2017 est une fort mauvaise nouvelle pour la présidente du Front National. Et l’avènement du “tripartisme” claironné par le FN, et repris en choeur par nombre d’observateurs peu attentifs, est une illusion. La vie politique française continue d’être régie par un affrontement bipolaire droite-gauche.

Marine Le Pen le sait : elle ne pourra démontrer que le FN est susceptible de devenir un parti de gouvernement capable d’exercer des responsabilités nationales que s’il conquiert des positions de pouvoir au niveau local. Et s’il y fait la preuve de ses capacités de gestion.

Bien placé dans le Var, plus fort encore dans l’Aisne, et favori dans le Vaucluse qui semblait lui tendre les bras, le parti d’extrême échoue aux portes du pouvoir et ne décroche finalement aucun département. Son seul élu sortant, Laurent Lopez, est même battu à Brignoles (Var), ce qui confirme que le bilan du FN lorsqu’il est aux affaires n’est pas mieux jugé que celui des sortants qui portent d’autres étiquettes.

Parti “sans-ami”

Surtout, une fois encore, preuve est faite lors de ce tour final des départementales que, s’il demeure seul et sans allié, le FN ne peut quasiment jamais l’emporter en duel au mode de scrutin majoritaire. L’isolement confine le parti lepéniste à l’impuissance, et, à terme, à l’inutilité. Ce triste sort avait conduit le FN à exploser à la fin des années 90. Il ne manquera pas de réveiller les tensions internes dans les semaines à venir. Sans doute ceux qui ont rejoint récemment le parti d’extrême droite parce qu’ils piaffent de conquérir des mandats et d’exercer des responsabilités finiront ils par douter de la pertinence de leur choix.

C’est la raison pour laquelle il faut exhorter la droite républicaine à résister aux sirènes frontistes. Et à conforter le cordon sanitaire qui maintient le FN, seul, tout au bout de l’échiquier politique, bien calé à l’extrême droite. Comme on dit dans les cours de collège, le Front National est un “sans-ami”. Et tous les ados savent que ce statut n’a rien d’enviable…

Renaud Dély, L’Obs

Source: http://www.les-crises.fr/ils-sont-droles-quand-meme-lobs-front-national-lechec-du-marinisme/


[2 poids 2 mesures] Nouvelles frappes de l’Arabie saoudite au Yémen

Sunday 29 March 2015 at 05:20

Alors si je comprends bien :

  • il y avait un président légitime au Yémen
  • il a été chassé par une très large rébellion interne

Hmmmm, c’est moi ou ça me rappelle en gros la situation il y a 1 an dans un très grand pays dans l’Est de l’Europe ???

Mais là, le grand voisin explique tranquillement qu’il lance une coalition et bombarde “logiquement” ce pays pour mettre en déroute les rebelles – sans aval de l’ONU. Et c’est donc apparemment normal…

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A Sanaa, des rebelles Houthis manifestent contre les frappes aériennes menées par Riyad au Yémen, jeudi 26 mars.

L’Arabie saoudite poursuit son opération militaire au Yémen. Riyad a lancé de nouvelles frappes ce jeudi soir. C’est le deuxième jour d’un opération destinée à contrer l’avancée des rebelles chiites Houthis, qui contrôlent notamment la capitale Sanaa. Dix Etats soutiennent à des degrés divers cette opération, nommée « Tempête de fermeté ». Outre cinq pays du Golfe, ainsi que l’Egypte, la Jordanie et le Maroc - qui ont confirmé officiellement leur participation - et les Etats-Unis, le Pakistan et le Soudan pourraient également participer à cette initiative.

► Les forces en présence : L’Arabie saoudite a mobilisé 150 000 militaires et 100 avions de combat, tandis que les Emirats arabes unis ont engagé 30 avions de combat, Bahreïn et Koweït 15 appareils chacun et le Qatar 10 (source : al-Arabiya)

► Les pays mobilisés : les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (Oman excepté) + l’Egypte, la Jordanie, le Soudan, le Pakistan et le Maroc

L’opération militaire de la coalition menée par Riyad se poursuit ce soir, jeudi 26 mars, avec de nouvelles frappes aériennes qui ont visé la base militaire d’Al-Tarik, à proximité de Taëz, la troisième ville du pays, sur la route entre Sanaa et Aden, dans le Sud. Un porte-parole de la coalition a déclaré que les frappes allaient continuer jusqu’à ce que les « objectifs » soient atteints. Il a également précisé qu’il n’y avait pas de projet d’offensive terreste dans l’immédiat.

L’opération « Tempête de fermeté » a débuté par des frappes aériennes dans la nuit de mercredi à jeudi. Les bombardements ont visé des sites stratégiques tenus par la milice chiite des Houthis : une base aérienne, le palais présidentiel, le siège du bureau politique de la rébellion ainsi que l’aéroport international qui a été repris par les forces gouvernementales.

Les Houthis s’approchaient ces derniers jours d’Aden, la grande ville du Sud, et ils étaient en passe de contrôler le détroit de Bab el-Mandeb par où transitent des énormes quantités de pétrole par voie maritime à destination principalement de l’Occident. L’offensive étrangère au Yémen aurait fait au moins treize victimes, selon la Défense civile yéménite citée par l’AFP ce jeudi 26 mars au matin. Un quartier résidentiel de Sanaa a été notamment touché par les bombardements.

L’offensive annoncée des Etats-Unis

C’est lors d’une conférence de presse donnée à Washington que l’ambassadeur saoudien, Adel al-Jubeir, a annoncé l’offensive en cours au Yémen. Le fait est assez rare pour être souligné, pointe notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio.

« L’opération vise à défendre le gouvernement légitime » du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, a déclaré le diplomate.

Les opérations se limitent à des frappes aériennes, mais d’autres forces militaires sont mobilisées et la coalition, qui implique, selon lui, dix Etats, « fera tout ce qu’il faudra », a ajouté M. Adel al-Jubeir. « Nous avons une situation où vous avez une milice qui contrôle ou pourrait contrôler des missiles balistiques, des armes lourdes et une force aérienne », a fait valoir l’ambassadeur saoudien.


mashambulizi ya operesheni ” Dhoruba ilio imara” katika mji mkuu wa Yemen, Sanaa, yamewaua watu kadaa, Alhamisi Machi 26 mwaka 2015.

L’opération a débuté mercredi à 23h00 TU, a-t-il précisé. Selon certaines sources, des avions de guerre auraient lancé tôt dans la nuit de jeudi une attaque contre l’aéroport de Sanaa. Des témoins et des sources militaires indiquent également que les raids aériens saoudiens ont visé des sites sensibles tenus par la rébellion chiite dans la capitale, dont la base aérienne al-Daïlami, dans le nord de la capitale, ainsi qu’un campement des forces spéciales. Selon ces mêmes sources, un incendie se serait déclaré dans le palais présidentiel.

Selon la chaîne de télévision Al Arabiya citée par Reuters, l’Arabie saoudite contribue à hauteur de 100 avions de guerre et de 150 000 soldats à l’opération militaire au Yémen. L’offensive réunit aussi des avions de l’Egypte, du Maroc, de Jordanie, du Soudan, du Koweït, des Emirats arabes unis, du Qatar et de Bahreïn, précise la chaîne.

Soutien des Etats-Unis « en logistique et en renseignement »

Dans un communiqué conjoint, publié par l’agence officielle de presse saoudienne, cinq Etats du Golfe déclarent avoir « décidé de répondre à la demande de Son Excellence Abd-Rabbou Mansour Hadi, président du Yémen, de protection du Yémen et de son cher peuple de l’agression des milices houthis. »

Informée de l’opération, la Maison Blanche a fait savoir dans un communiqué que les Etats-Unis l’approuvaient et allaient fournir un soutien « en logistique et en renseignement ». « Bien que les forces américaines n’agissent pas en direct sur le plan militaire au Yémen pour soutenir cet effort, nous sommes en train de mettre sur pied une cellule de planification commune avec l’Arabe saoudite », peut-on lire dans le communiqué de la présidence. Des responsables américainscités par l’AFP, envisagent plus clairement de fournir à Riyad du ravitaillement en vol et des avions radars.

« Nous travaillons étroitement avec nos partenaires saoudiens », expliquait hier la porte parole du département d’Etat, ajoutant que Washington était en contact avec le président yéménite en fuite, rapporte notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio.Washington a évacué, le week-end dernier, tous ses personnels encore présents sur place, une centaine de diplomates et les hommes des forces spéciales qui se trouvaient toujours en territoire yéménite. L’Arabie saoudite, déclare l’ambassadeur aux Etats-Unis, s’est coordonnée avec Washington avant de lancer ces bombardements, et la Maison Blanche avait lancé des appels répétés à l’arrêt des combats ces derniers jours.

Des responsables américains avaient rapporté hier dans la journée que l’Arabie saoudite regroupait des troupes et du matériel militaire lourd, notamment de l’artillerie dans des zones situées près de sa frontière avec le Yémen.

Le Conseil de coopération du Golfe en soutien

YÉMEN : QUI SONT LES HOUTHIS ?


Yemen : qui sont les Houthis ? par rfi

Les pays du Conseil de coopération du Golfe, Oman excepté, soutiennent l’offensive, informe notre correspondante à Doha, Laxmi Lota. Le Qatar a signé le communiqué du Conseil de coopération du Golfe cette nuit : les pays du CCG ont décidé, peut-on lire, « de protéger le Yémen et son peuple face à l’agression de la milice [chiite] houthi ». On ne sait pas encore précisément de quelle manière le Qatar intervient. Les Emirats arabes unis ont, eux, envoyé 30 avions de combat.

L’option militaire a été prise « avec réticence », indiquait cette nuit l’ambassadeur saoudien à Washington. Le Qatar s’était dans un premier temps positionné en faveur du dialogue. Doha devait d’ailleurs accueillir la conférence de réconciliation inter-yéménite proposée par Riyad, mais aucune date n’avait été avancée pour cette réunion. Face à la dégradation continue de la situation au Yémen, les pays du Golfe ont finalement opté pour la force et la « fermeté ». Et pour ne pas être accusés d’ingérence, ils précisent dans leur communiqué que leurs appels au dialogue envers les chiites houthis sont restés sans réponse.

De son côté, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe ont décidé aujourd’hui même de mettre en place une force militaire conjointe, lors d’une réunion à Charm el-Cheikh en Egypte. L’objectif de cette force sera notamment de combattre les groupes terorristes. Le projet a donc été accéléré avec une intervention militaire arabe au Yémen, étant donné la nature de la situation dans le pays.

Mise en garde des Houthis contre une guerre dans la région

L’Egypte et la Jordanie ont confirmé officiellement ce jeudi matin leur participation à l’opération. L’Egypte devrait envoyer dans le Golfe d’Aden quatre navires de guerre pour protéger cette voie maritime stratégique. L’Egypte est un proche allié de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Ces pays ont déjà effectué des manoeuvres militaires communes.

Soutien actif de l’Egypte

Le communiqué de la diplomatie égyptienne indique qu’une coordination est en cours avec l’Arabie saoudite et les pays du Golfe en vue d’une participation de forces aériennes et navales à l’opération « Tempête de fermeté ». Il ajoute que l’Egypte est aussi disposée à participer avec des forces terrestres, « si cela s’avérait nécessaire », rapporte notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. Dans la capitale égyptienne, des sources indiquent qu’une vingtaine d’avions de combats égyptiens ont été dépêché en Arabie saoudite et que des bâtiments de la marine égyptienne sont en route pour le détroit de Bab el-Mandeb qui contrôle l’entrée sud de la mer Rouge. Un détroit vital pour l’Egypte puisque sa fermeture entraînerait automatiquement celle du canal de Suez, une des principales sources de revenus pour Le Caire. L’Egypte semble toutefois moins partisane d’un engagement de troupes au sol, même si elle dispose d’une force d’intervention rapide de 50 000 hommes. On n’a pas oublié, au Caire, l’intervention militaire égyptienne des années 1960 au Yémen. Une guerre qui avait été surnommée « le Vietnam de l’Egypte ».

Selon une dépêche publiée par l’agence officielle saoudienne SPA, le Maroc, le Pakistan et le Soudan se sont également portés volontaires pour participer à l’opération. Plus concrètement, le Bahreïn et le Maroc vont fournir des avions de combat.

La réaction des miliciens houthis a été immédiate. Dans un entretien accordé à la chaîne al-Jazeera, cité par l’agence Reuters, Mohammed al-Boukhaiti, membre du bureau politique des Houthis, a déclaré qu’une « agression » était « en cours au Yémen ». « Nous y ferons face vaillamment », a-t-il déclaré, mettant également en garde contre une guerre dans la région.

Le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, qui s’était réfugié à Aden après la chute de Sanaa, avait dû quitter sa résidence sous la pression des attaques des rebelles houthis. Hier, mercredi 25 mars, les milices chiites houthis, ainsi que des forces alliées à ces milices, ont accentué la pression sur Aden. Ils se seraient emparés de l’aéroport international de la ville dans l’après-midi. Le président yéménite, de son côté, a finalement quitté le pays pour rejoindre l’Arabie saoudite, où il est arrivé aujourd’hui, jeudi.

La chaîne de télévision al-Hadath, propriété de l’Arabie saoudite, a annoncé que les navires étrangers avaient été priés de ne pas approcher des ports yéménites.

Source : RFI, le 26 mars 2015.

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Au Yémen, le pari risqué de l’Arabie saoudite

LE MONDE |27.03.2015

Intervenir au Yémen, au risque de s’enliser dans un conflit impossible à remporter, ou ne rien faire, et alors perdre toute crédibilité dans sa zone d’influence immédiate ? Tel est le dilemme auquel a été confrontée l’Arabie saoudite ces dernières semaines, lorsque la rébellion houthiste, après avoir pris la capitale yéménite, Sanaa, à l’automne, a fondu sur Aden, la grande métropole du Sud, où s’était réfugié le président Abd Rabo Mansour Hadi, qui est arrivé dans la capitale saoudienne jeudi 26 mars.

C’est finalement la tentation de l’action qui l’a emporté à Riyad. Dans la nuit de mercredi à jeudi, des avions de chasse saoudiens ont mené des raids contre les positions de la rébellion chiite, avant de reprendre leurs opérations jeudi soir et vendredi matin. Dans la foulée, huit pays arabes (Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Bahreïn, Egypte, Jordanie, Maroc, Soudan), en plus du Pakistan, annonçaient leur participation à la coalition dirigée par le royaume saoudien.

La coalition, qui témoigne de la forte capacité de mobilisation diplomatique de l’Arabie saoudite, ressemble fort à une alliance sunnite dirigée contre l’Iran et son axe chiite, soupçonné de financer et d’encadrer la rébellion houthiste. La Turquie, autre grande puissance sunnite non arabe, a d’ailleurs appuyé la décision saoudienne sans s’y associer. Après le Liban, l’Irak, la bande de Gaza et la Syrie, le Yémen entre donc à son tour dans la tourmente de la grande guerre régionale entre puissances chiites et sunnites, pas tant motivée par des raisons religieuses que de suprématie géopolitique.

Coup d’état

Même si cette grille de lecture ne s’applique que partiellement au complexe kaléidoscope yéménite, c’est elle qui s’est imposée aux dirigeants saoudiens : face à ce qu’ils ont interprété, à tort ou à raison, comme une nouvelle avancée de l’Iran dans un pays qu’ils considèrent comme leur arrière-cour, l’absence de réaction valait capitulation. Il est vrai que les bruyantes rodomontades des dirigeants iraniens, qui ne cessent depuis quelques mois de se vanter d’avoir reconstitué « l’empire perse » et de contrôler désormais quatre pays arabes (le Liban, la Syrie, l’Irak et le Yémen), notamment à la faveur de la guerre contre les djihadistes sunnites de l’organisation Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie, où Téhéran est massivement présent militairement, n’ont pu que hérisser une monarchie saoudienne fragilisée.

Les enseignements du passé avaient pourtant de quoi faire hésiter les dirigeants saoudiens : à deux reprises, le Royaume s’est fourvoyé militairement au Yémen, dans les années 1960 en soutenant sans succès le camp monarchiste (qui était à l’époque d’obédience zaïdite, une branche minoritaire du chiisme) puis en 2009 en intervenant, déjà, contre la rébellion houthiste à l’appel du président déchu Ali Abdallah Saleh. A chaque fois sans succès. Si la décision de s’engager a quand même été prise, c’est que les dirigeants saoudiens ont jugé leur survie en jeu.

Il est vrai que l’arrivée au pouvoir d’un groupe chiite aidé par l’Iran au Yémen pourrait réveiller la question chiite au Bahreïn, où Riyad était intervenu militairement en 2011 pour écraser un soulèvement interprété comme confessionnel, voire à l’intérieur du royaume saoudien qui compte une minorité chiite non négligeable. Mais la récente succession à la tête de l’Arabie saoudite semble avoir également joué un rôle important dans la décision de Riyad, ainsi que les négociations en cours sur le programme nucléaire iranien, dans lequel les dirigeants saoudiens soupçonnent Washington de vouloir trop céder à Téhéran, son ennemi héréditaire.

Les négociations en cours sur le nucléaire iranien semblent avoir joué un rôle important dans la décision de Riyad.

Après avoir pris Sanaa à l’automne, les houthistes ont en effet parachevé leur coup d’Etat le 6 février, moins de deux semaines après la mort du roi Abdallah d’Arabie saoudite. Le nouveau roi Salman et surtout son fils, le jeune Mohamed Ben Salman Al-Saoud, 35 ans, nommé depuis ministre de la défense et gouverneur de Riyad, ont jugé qu’il en allait de leur crédibilité. Mais l’opération lancée en fanfare mercredi soir au Yémen a tout d’un piège, même si elle a permis de desserrer l’étau autour d’Aden. Le risque est grand, en effet, de dresser contre l’Arabie saoudite une partie de la population en cas de dommages civils trop élevés (les bombardements saoudiens ont fait 39 morts depuis mercredi, selon l’AFP, dont plusieurs civils) et de devoir engager des troupes au sol sur un terrain particulièrement mouvant et risqué. Riyad, qui a mobilisé 150 000 hommes, dit pour l’instant ne pas envisager un tel scénario.

L’Arabie saoudite ne dispose, en effet, pas d’allié fiable sur le terrain. Le président Hadi, réfugié aujourd’hui à Riyad, ne peut compter que sur une partie de l’armée. Les unités d’élite, dont la garde républicaine, restent en effet acquises à l’ex-président Ali Abdallah Saleh, qui avait renoncé au pouvoir fin 2011, poussé dehors par une médiation saoudienne après plusieurs mois de manifestations. Depuis, Saleh, qui avait combattu les houthistes sans pitié de 2003 à 2011, alors même qu’il est issu de la même communauté zaïdite, s’est retourné pour faire alliance avec eux.

Le camp sunnite est affaibli et fragmenté : la grande confédération tribale des Hached, affiliée aux Frères musulmans a aussi été lâchée par l’Arabie saoudite ; Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA), bien implanté dans l’est du pays, est en guerre ouverte contre la monarchie saoudienne et l’un de ses membres a tenté d’assassiner le vice-prince héritier, Mohamed Ben Nayef, par ailleurs ministre de l’intérieur, sans compter l’EI qui monte en puissance au Yémen et ne cache pas son projet de renverser la monarchie « impie » des Saoud.

« Printemps yéménite »

De fait, cela fait déjà un moment que l’Arabie saoudite a « perdu » le Yémen. Longtemps, le dossier yéménite a été géré, au sein de la famille royale, par le prince Sultan bin Abdelaziz Al-Saoud, ministre de la défense et prince héritier à partir de 2005. Pour contrebalancer l’influence d’Ali Abdallah Saleh, jugé peu fiable, Riyad s’appuyait sur Abdallah Al-Ahmar, le chef de la confédération tribale des Hached et président du Parlement. Mais cette politique du « diviser pour mieux régner » et de prébendes reposait en grande partie sur des liens personnels. La mort, en décembre 2007, d’Abdallah Al-Ahmar a privé le royaume d’un levier efficace. Et la maladie du prince Sultan a pesé ensuite sur la diplomatie saoudienne. C’est son fils Khaled qui prend, en 2009, la direction des opérations militaires saoudiennes contre les houthistes, avec de piètres résultats.

Dans les décombres d’un quartier résidentiel proche de l’aéroport de Sanaa, touché par une frappe saoudienne dans la nuit du 25 au 26 mars. KHALED ABDULLAH / REUTERS

La mort du prince Sultan, en octobre 2011, oblige alors le roi Abdallah à intervenir dans le « printemps yéménite » qui embrase le pays cette même année et qui agglomère houthistes, islamistes et chefs tribaux contre le président Saleh en place depuis 1978. Convaincu de l’isolement de ce dernier, le roi Abdallah se résigne à le sacrifier en novembre de la même année. Le suivi de la délicate transition yéménite (le président déchu a obtenu de pouvoir rester à Sanaa et ses proches dirigent encore les services de sécurité) subit un nouvel à-coup avec la mort subite du prince Nayef, en juin 2012, qui était chargé du dossier.

Soutien à Washington

Au Yémen, après le départ de M. Saleh, les forces concurrentes de l’opposition reprennent progressivement les combats. Un théâtre qui devient particulièrement compliqué pour les Saoudiens, qui se privent de surcroît d’un puissant relais lorsque le roi Abdallah décide de passer à l’offensive contre la confrérie des Frères musulmans particulièrement bien représentée dans le parti Al-Islah et chez la confédération tribale des Hached.

Les houthistes, qui ont rallié des tribus laissées pour compte, forment un groupe bien armé, bien encadré – notamment par des cadres du Hezbollah libanais, estiment des observateurs – et bien implanté dans le nord du pays, notamment la capitale. Mais la bataille en cours dépasse désormais largement le sort du Yémen.

La Turquie a salué l’initiative saoudienne. L’Iran a exigé pour sa part « une cessation immédiate de toutes les agressions militaires et frappes aériennes contre le Yémen et son peuple ». Son ministre des affaires étrangères, Mohammed Javad Zarif, présent à Lausanne dans le cadre des négociations sur le nucléaire qui doivent s’achever avant mardi 31 mars, a mis en garde de manière voilée les pays occidentaux contre un soutien à l’Arabie saoudite au Yémen (Washington a promis à Riyad une aide en ravitaillement, logistique et surveillance radar), tout en assurant que les événements en cours n’auraient aucune répercussion sur la question nucléaire.

Quant à l’Arabie saoudite, qui a fait de son intervention au Yémen le symbole de son « réveil » face à l’hégémonisme iranien, elle va pousser son projet de force militaire conjointe arabe au sommet de la Ligue arabe qui doit s’ouvrir samedi chez son principal allié, à Charm El-Cheikh, en Egypte. Un projet qui ressemble fort à une coalition anti-Téhéran.

Source : Le Monde.fr

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Carte : le Proche-Orient déchiré entre chiites et sunnites

Source: http://www.les-crises.fr/2-poids-2-mesures-nouvelles-frappes-de-larabie-saoudite-au-yemen/


“Comment devient-on rouge-brun ?”, par Daniel Schneidermann

Sunday 29 March 2015 at 00:19


Jean Quatremer

Vous savez quoi ? C’est fait. Je suis un « rouge brun ». C’est vrai, c’est Quatremer qui l’a dit. Il l’a dit dans un tweet, aussitôt après la chronique du matinaute de mercredi. Un tweet promptement repris par quelques confrères, comme Leparmentier, du Monde, ou l’ineffable Renaud Dély de L’Obs, le fan de Le Pen (Jean-Marie).

C’est ma semaine : l’autre jour, j’étais traité par Soral de « sioniste de gauche ». Je devrais arriver à en rire, comme d’habitude. A traiter ça de haut. S’agissant de Soral, je n’ai pas de mal. S’agissant de son symétrique Quatremer, je n’y arrive pas.

Rouge brun. Brun comme les chemises brunes. Il faut se souvenir de ce que les mots veulent dire, Quatremer, avant de tweeter. C’est la première fois qu’on me traite de nazi, ça fait drôle. Enfin non, ça ne fait pas drôle du tout. C’est juste ignoble. Mais on en est là. Un journaliste de Libération en est là. Je sais que je ne suis pas le premier. Que pour Quatremer, et le carré d’« excommunicateurs » de sa secte, quiconque critique l’UE est aussitôt soupçonné. Parmi bien d’autres, Todd ou Sapir en ont fait l’expérience, pour ne pas parler de Mélenchon. Mais c’est la première fois que je ressens, dans ma chair, l’infamie de ce marquage. Fin de la parenthèse personnelle.

« Toral »

Après le tweet, il revient dans l’affaire sur son blog [une note reprise par Rue89, ce vendredi en fin de matinée, ndlr]. Pas lui, mais un de ses internautes, dont il reproduit le post, anonyme évidemment, sous le pseudonyme de « Toral ».

Entretemps, il faut croire qu’il s’est un peu calmé. Ce brave garçon qui me traite de nazi explique qu’il expurge le texte de « Toral » d’une « attaque personnelle ». Monsieur est trop bon. Attaque qu’on peut encore néanmoins liredans le forum d’un autre billet, et où j’apprends que je « passe le plus clair de mon temps à cracher mon amertume et ma bile ». Oui, c’est dans les commentaires du blog de Quatremer. Le même qui bannit impitoyablement tous ceux qui critiquent son eurolâtrie.

A propos de la vente par l’Etat de 3,96% de Safran, je résume donc les arguments de « Toral », endossés par Quatremer. Oui, l’Etat français a peut-être vendu quelques bijoux de famille, mais c’étaient des petits bijoux. Dont il n’avait pas vraiment besoin. Qui ne rapportaient pas grand-chose. Et il les a vendus un bon prix. Fermez le ban.

Avec ma petite licence en droit…

Comme le rappelle obligeamment « Toral », je ne suis pas économiste. Pas davantage que le juriste Quatremer, d’ailleurs, ou même le littéraire François Lenglet, de France 2, dont je reprenais en l’occurrence l’analyse. Mais la différence, c’est que je ne fais pas semblant.

L’objet de la chronique de mercredi n’était d’ailleurs pas tant de dénoncer cette vente en tant que telle, mais de la relier à un autre phénomène passé inaperçu : la création de « sociétés de projet », chargées de louer frégates et avions à l’armée. Avec ma petite licence en droit, j’ai tout de même quelques convictions de base, dont celle-ci : je préfère voir un certain nombre d’entreprises stratégiques entre les mains de l’Etat, plutôt qu’entre celles du privé. C’est mon opinion de citoyen, chacun a le droit d’en avoir une autre.

Mais ce n’est pas ce qu’on me reproche – sans quoi Quatremer s’en serait pris à Lenglet. Ce qu’on me reproche, c’est d’avoir cité Florian Philippot, comme seul responsable politique français à avoir critiqué cette cession. Quel crime ! Citer Philippot ! Reconnaître qu’il existe dans ce pays un parti nommé le Front national !

Alors précisons les choses, puisque Quatremer en a visiblement besoin : si je relève que Philippot est le seul à avoir à ce jour réagi, j’en suis, en citoyen, désespéré. Comme je suis désespéré à chaque fois que sur un sujet ou un autre je me sens « exprimé » par le seul FN, sachant bien ce que nous ne cessons de répéter ici : que le FN n’est en aucune manière une solution à quoi que ce soit, qu’il est resté dans ses profondeurs un mouvement xénophobe et parfois raciste, que sa « dédiabolisation » est pour une large part une création médiatique (à laquelle il est d’ailleurs arrivé que participe Libé, notre journal commun avec Quatremer). Mais ce n’est pas une raison pour – en tant que journalistes – passer sous silence ce qu’ils disent, ni souligner qu’ils sont les seuls à le dire.

« Bruxelles n’a rien demandé de tel »

A la vérité, je me reconnais un tort, même si je doute que ça me « dérougebrunise » aux yeux de Quatremer. J’aurais dû rappeler qu’un autre responsable politique a régulièrement dénoncé les privatisations rampantes d’entreprises stratégiques, sur son blog : c’est Mélenchon. Pas cette fois-ci, mais lors des cessions précédentes (car l’Etat vend petit bijou par petit bijou). Il l’avait évoqué le 17 avril 2013. Il y est revenu, plusieurs fois, par exemple le 4 décembre dernier. Bref, il était présent sur le sujet, bien avant Philippot, comme me l’ont fait remarquer plusieurs abonnés, ici, dans nos forums. Dont acte.

Mais vous savez quelle est la meilleure phrase du billet de Quatremer ? C’est celle-ci, à propos de la vente de Safran : « Bruxelles n’a rien demandé de tel. » Oui, il écrit ça. Ce n’est pas la Commission européenne, qui exige que la France réduise son déficit. Comme ce n’est certainement pas la Troïka, qui a imposé à la Grèce l’austérité qui l’a enfoncée dans l’impasse.

Attention : ne me rappelez pas que la Grèce avait maquillé ses comptes, et que la France a ratifié le traité de Lisbonne. Je connais tous ces arguments, ils sont recevables, et on peut parfaitement débattre des responsabilités partagées, dans la situation actuelle, de l’UE, des Etats, et des peuples. Mais on ne débat pas avec quelqu’un qui vous traite de nazi. Le meilleur agent de l’europhobie en France, il ne faut pas le chercher très loin. Il s’appelle Jean Quatremer.

Source : Daniel Schneidermann, fondateur d’@rrêts sur images, sur son Blog Rue89, le 6 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/comment-devient-on-rouge-brun-par-daniel-schneidermann/


[Propagande] Annexion de la Crimée : Poutine était prêt à une confrontation nucléaire

Sunday 29 March 2015 at 00:13

Énorme, non ?

Tout ça parce que les Russes ont dit en gros que si on les attaquait, ils répondraient !

Absent depuis le 5 mars de la sphère publique, le président russe est apparu dimanche dans un documentaire. En docteur Folamour.

Alors que le président russe, Vladimir Poutine, n’est pas apparu en public depuis plus de dix jours, alimentant les rumeurs les plus folles, il a surgi dans un documentaire télévisé diffusé dimanche 15 mars et un confié un secret explosif : ses forces militaires étaient prêtes à une confrontation nucléaire lors de la crise en Crimée.

“Nous étions prêts à le faire”, à mettre en état d’alerte le dispositif nucléaire face “à la tournure la plus défavorable qu’auraient pu prendre les événements”, a déclaré le président russe dans ce documentaire diffusé sur la chaîne publique Rossia 1 à la veille des commémorations pour le première anniversaire du “retour” de la Crimée dans le giron russe.

L’armée russe aurait positionné en Crimée des batteries de missiles de défense côtière “Bastion”, des armes susceptibles de dissuader un navire de guerre américain qui était alors en mer Noire de s’immiscer, raconte Vladimir Poutine.

“On ignorait alors” si l’Occident allait intervenir militairement, poursuit-t-il. “C’est pourquoi j’ai été obligé de donner les instructions qu’il fallait à nos forces armées (…), de donner des ordres sur l’attitude de la Russie et de nos forces armées en toutes circonstances”, dit aussi Vladimir Poutine.

“Nous ne pouvions pas les abandonner”

“J’ai parlé avec mes collègues [occidentaux, NDLR] et je leur ai dit que c’était notre territoire historique, que des Russes habitaient là-bas, qu’ils étaient en danger et que nous ne pouvions pas les abandonner”, a poursuivi le président russe qui assure avoir sauvé la Crimée en déployant ses troupes pour empêcher un “effusion de sang”.

Martelant que la Russie n’avait pas eu l’intention d’annexer la Crimée avant la chute, en février 2014, du président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch, il a insisté :

C’était une position franche et ouverte. Et c’est pourquoi, je ne pense pas que quelqu’un ait eu envie de déclencher un conflit mondial.”

“Nous devions renforcer notre présence militaire en Crimée pour que le nombre de nos soldats permette de créer les conditions propices à l’organisation d’un référendum, un référendum sans effusion de sang”, a jugé Vladimir Poutine à propos du déploiement du GROu, la Direction du renseignement militaire de l’armée russe.

Il a toutefois assuré que le nombre des militaires russes envoyés sur cette péninsule n’avait pas dépassé celui de “20.000 personnes autorisées” par un traité avec l’Ukraine sur la base navale russe de Sébastopol, le port d’attache de la Flotte russe de la mer Noire en Crimée.

L’objectif final n’était pas la prise de la Crimée ou son annexion. L’objectif final, c’était de donner aux gens une possibilité d’exprimer leur opinion sur comment ils veulent vivre dans l’avenir.”

Un coup d’Etat en cours pour certains

Le tournage de ce documentaire de près de trois heures a pris huit mois, selon la chaîne, qui ne précise pas la date d’enregistrement de l’entretien avec le président russe. Le Kremlin, qui refuse de commenter la longue absence de Vladimir Poutine et multiplie les communiqués et la diffusion de photos du président russe sans que l’on puisse dater les événements présentés. De multiples informations contradictoires ont été relayées ces derniers jours : Vladimir Poutine a été papa, malade ou carrément mort.

Dimanche, le très sérieux quotidien israélien, Haaretz, rapporte qu’il aurait été victime d’un coup d’Etat. Citant un ancien ambassadeur israélien en Russie, Zvi Magen, le journal explique que de nombreux responsables pensent qu’il y a beaucoup de signes d’un changement de gouvernement ou du moins une tentative de changement de gouvernement.

Zvu Magen estime qu’une partie de l’armée ou encore de riches hommes d’affaires, qui peuvent emprunter les couloirs du Kremlin librement, seraient à l’origine d’une telle action d’envergure en raison des sanctions économiques qui les touchent au premier chef. “Je ne pense pas qu’il y ait de désaccords politiques autour de Vladimir Poutine. Seulement, ils veulent protéger leurs intérêts”, souligne l’ancien diplomate.

Vladimir Poutine doit rencontrer le président du Kirghizistan Almazbek Atambaïev, ce lundi 16 mars à Saint-Pétersbourg.

Source : L’Obs, le 16 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/propagande-annexion-de-la-crimee-poutine-etait-pret-a-une-confrontation-nucleaire/


GEAB – Médias, finances, système-pétrole, appareil militaro-industriel, QE : la guerre des narratifs

Sunday 29 March 2015 at 00:01

Je partage avec vous aujourd’hui un extrait du « GlobalEurope Anticipation Bulletin », qui est pour moi de loin une des meilleures sources d’information sur la Crise…

Bon, ce numéro est particulièrement “europtimiste” – ce que je ne partage pas -, mais cela donne un autre point de vue…

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Dans le chaos qui caractérise toute crise, les discours explicatifs se multiplient comme autant de tentatives d’imposer sa vision du monde, dont l’enjeu est la domination de celui-ci. La « béance[1] » chaotique ouverte par une crise est aussi un espace de guerre narrative dont les vainqueurs seront soit les plus forts (pour un temps court), soit les plus lucides (pour un temps long).

Pour le citoyen ou acteur lambda, la grande difficulté consiste à ne pas perdre la tête au milieu de ces innombrables storytellings. La mission que se donne le GEAB depuis janvier 2006 est précisément celle-ci : aider ses lecteurs à dépasser les évidences et les bruits dominants, et tenter de se rapprocher au plus près de la réalité des évolutions profondes. Ce travail est important à titre individuel dans les décisions que chacun doit continuer à faire dans un contexte instable. Mais c’est plus important encore sur le plan collectif, car le choix narratif est bien entendu un choix d’avenir. Or, entre la narration qui s’impose par la force et celle qui prévaut par la réalité, une société peut s’enfermer dans un système idéologique ou s’engager résolument dans un monde ouvert.

Au XXe siècle, les peuples qui ont basculé dans des systèmes idéologiques déconnectés de la réalité ont probablement eu peu le choix. Aujourd’hui, les sociétés ultra-connectées et multi-informées ont une vraie responsabilité du choix de leur avenir. C’est pourquoi le GEAB et l’anticipation politique, sans prétendre avoir toujours raison, proposent une grille de lecture des narrations tentant d’optimiser l’objectivité et aider ses lecteurs à conserver le plus possible de distance face aux événements, à distinguer entre information factuelle et opinion, entre information fallacieuse et information fiable, et à se donner les outils pour forger et avoir confiance en sa propre opinion.

Nous avons déjà évoqué le fait que 2015 serait caractérisé par un « chevauchement monstrueux » entre monde d’avant et monde d’après, où les deux mondes sont en apparence à égalité : l’un par la puissance des outils de pouvoir dont il disposait et qui sont encore opérationnels (médias, armées, finance…), l’autre par sa force intrinsèque.

En réalité, le monde d’avant est désormais éminemment affaibli et son résidu de domination n’est plus que le fruit de ses efforts surhumains à « faire parler » ses outils de puissance à sa place, effort dans lequel il s’épuise, tout autant que l’URSS s’était épuisé dans la course à l’armement.

Notre équipe a choisi de rendre publique la première partie de la section « Perspectives », consacrée aux outils de puissance en crise, sachant que la deuxième partie propose une analyse du QE européen et de la parité euro-dollar.

Quatre outils de puissance en crise

Observons un instant où en sont ces fameux outils du pouvoir du monde d’avant :

. des médias en plein questionnement sur leur objectivité, leur professionnalisme, leur valeur ajoutée, etc., avec l’affaire Charlie Hebdo en événement emblématique de cette profonde remise en question. Le contraste entre des chefs de rédaction aux méthodes ultra-autoritaires soudain fiers de se badger « Je suis Charlie » ne manque pas d’interroger des classes entières de journalistes, mais aussi les citoyens, sur la liberté d’expression. Un débat sain sur le travail réalisé par les médias occidentaux sur l’Ukraine, par exemple, apparaît timidement. La question se pose quant à la pertinence de médias pyramidaux bien trop petits (problème de plomberie) pour pouvoir retraiter correctement l’immense complexité de la réalité d’un monde multipolaire, multiculturel, multilinguistique, etc. La question aussi de la légitimité de cette auto-proclamation comme « quatrième pouvoir » qui ressemble de plus en plus à une « usurpation de pouvoir », celle des citoyens qu’ils avaient en effet comme mission implicite de représenter avant Internet. Mais celui-ci est là, et désormais, si les médias ont un rôle à jouer, ce n’est certainement pas celui d’un quelconque exercice de quatrième pouvoir, mais bien celui, originel et incontournable, de contribuer à la bonne information du vrai quatrième pouvoir : les gens. La couverture de la crise ukrainienne a révélé la mise sous tutelle des médias par des intérêts divers, mais aucunement citoyens. Les dégâts pour cette profession sont considérables, lui imposant de persister en une officialisation de son virage propagandiste ou de se réinventer. Mais dans les deux cas, les médias auront bien du mal à servir de manière crédible le système d’avant.

. un système financier dollaro-centré en pleine surchauffe[2], dopé par l’instabilité et les opportunités de spéculation, mais totalement déconnecté de ses missions premières de financement de l’économie. La réalité, c’est que les banques de détail continuent à licencier et à faire faillite[3] ; seules les banques d’investissement spéculatif prospèrent, mais d’une manière qui n’obtient plus l’adhésion de qui que ce soit. Les particuliers ont quitté le monde des actions boursières qui s’était ouvert à eux tel un pays de cocagne dans les années 1990[4]. Les États-souverains (en particuliers émergents, telle la Chine) ne savent plus quoi inventer pour se protéger des bulles qu’elles essaiment sur leur passage, provoquant toujours plus d’instabilité et perturbant toute planification économique stratégique[5]. L’économie réelle s’en éloigne aussi, qui n’en obtient plus les financements dont elle a besoin pour se développer et cherche désormais du côté de nouvelles formules, telles que le crowdfunding pour n’en citer qu’une[6].

. un « système-pétrole » en plein effondrement. La mainmise nord-américaine sur la suprême ressource énergétique du XXe siècle s’est effondrée sous le triple choc du découplage pétrole-dollar opéré par l’arrivée de l’euro en 2002 (suivi des efforts de certains pays producteurs de vendre leur pétrole en euros pour se dégager de la tutelle US), de la dislocation du système américano-centré de gouvernance du pétrole, l’Opep, induite à l’instigation des États-Unis eux-mêmes par les forages schisteux, enfin de la transition énergétique menée par l’Europe au premier plan, bientôt suivie par tous les émergents, aboutissant à l’effondrement des cours… et de ce qu’il restait de crédibilité au dollar.

. un appareil militaro-industriel occidental attaqué par les coupes budgétaires et les plans d’austérité. Et ce n’est pas parce que le ministre allemand des Finances, Schaüble, annonce qu’il va falloir réaugmenter les budgets militaires à l’horizon 2017 (!) que cela change quoi que ce soit au fait que les dépenses militaires allemandes ne font que baisser – encore cette année[7] – et que la Grèce de Tsipras ne manquera pas d’entreprendre de diminuer la monstrueuse ponction effectuée par l’armée sur les Grecs via le financement d’une armée totalement disproportionnée avec la « menace » turque[8]. On observe également les réductions du budget militaire britannique qui inquiètent les Américains[9], la Bulgarie vient pour sa part d’annuler tout budget militaire[10], etc. La réalité, c’est que l’Occident n’a plus les moyens de sa politique.

Les grincements stridents de ces outils émoussés

Alors, bien sûr, ces quatre piliers de la puissance du monde d’avant n’ont jamais crié aussi fort que maintenant. Et les grincements stridents de tous ces outils émoussés créent de vrais dangers :

. du côté des médias, tout en manifestant des vraies tentatives de réinvention, la tentation subsiste de s’idéologiser encore davantage, s’y autorisant même pour contrer la propagande, très officielle celle-ci, de la machine médiatique russe, par exemple[11].

. les banques, les marchés financiers, les statistiques, les montants des amendes et des profits, et surtout les hausses toujours plus improbables des cours de la bourse remplissent les pages des médias financiers et les esprits hypnotisés par le précipice qui sépare ces sommes astronomiques de la réalité économique. Mais la puissance que donnent ces chiffres faramineux autorise le système bancaire et financier à dicter pour quelque temps encore sa loi aux banques centrales et aux gouvernements.

. l’effondrement du pétrole rend plus centrales que jamais les puissances pétrolières aux abois et en plein impératif de réorganisation : Arabie Saoudite, au premier plan, qui tente de faire main basse sur la région via ses armées d’islamistes daeshiens répandant le wahhabisme sur le Moyen Orient[12].

. l’Otan, quant à elle, a tenté un coup d’État militaire sur l’Europe en 2014, tirant profit d’une gestion inepte des relations de voisinage de l’UE. Le fait est qu’il n’est pas facile de demander sa bourse à celui qui tient le pistolet… La stratégie de l’appareil militaro-industriel occidental est donc simple et parfaitement logique : capitaliser sur, voire créer des conflits pour se rendre indispensable et parvenir à maintenir/redresser ses budgets.

C’est ainsi que l’affaiblissement considérable des outils de pouvoir, qui restaient l’apanage d’un monde d’avant malade, fait courir encore un temps des risques importants à la planète, à savoir : risques de guerre (pétrole, Otan), risques d’enfermement idéologique d’un camp occidental sur lui-même (médias), risques d’effondrement économique (marchés financiers)…

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[1] Le mot « chaos » vient du grec «  khaos » qui signifie « béance, faille ». Source : Wikipedia

[2] Notre équipe s’est souvent demandée dans quelle mesure la sortie de route de l’étalon-dollar ne se ferait pas plutôt par le haut que par le bas. La surchauffe actuelle de la monnaie étasunienne, même si elle n’est pas définitive, semble consommer actuellement la transition du dollar US hors de son statut d’étalon mondial.

[3] Le grand nettoyage, en particulier aux États-Unis, s’est certes surtout produit au début de la crise (2008-2010), et le nombre réduit de survivants rend plus anecdotiques leurs difficultés. Cela dit, les banques souffrent toujours comme en témoigne cette liste de licenciements et faillites récentes : Boston BankDoral Bank Puerto Ricobanques hongroisesbanques polonaisesANZ Bank AustralieBank of AmericaJP Morgan, Royal Bank of Scotland, etc…08/01/2013)

[4] Sources : La Tribune, 08/01/2013; CNN, 27/12/2012

[5] Source : Ecns.cn, 02/03/2015

[6] Source : BusinessBecause, 18/02/2015

[7] Source : Deutsche Welle, 01/03/2015

[8] Source : The Guardian, 19/04/2012

[9] Source : Washington Post, 12/03/2015

[10] Source : Novinite, 24/02/2015

[11] Nos équipes ont constaté une hystérie sur la prétendue guerre médiatique entre l’Occident et la Russie, qui semble autoriser l’usage de discours propagandistes pour équilibrer les forces en présence. Un média comme Ukraine Today, par exemple, s’est créé dans le camp occidental ukrainien avec pour objectif officiel de faire de la contre-propagande (soit de la propagande, bien entendu). Il est intéressant de lire ce que dit la BBC sur ces questions (03/03/2015)

[12] Source : New Statesman, 27/11/2014

Source : GEAB (Global Europe Anticipation Bulletin), 2015.


Abonnement : pour ceux qui en ont les moyens, en particulier en entreprise, je ne peux que vous recommander l’abonnement à cette excellente revue de prospective sur la Crise, qui avait annoncé dès 2006 la crise actuelle.

Je rappelle que LEAP ne reçoit aucune subvention ni publique, ni privée, ni européenne, ni nationale et que ses ressources proviennent uniquement des abonnements au GEAB.

Source: http://www.les-crises.fr/geab-medias-finances-systeme-petrole-appareil-militaro-industriel-qe-la-guerre-des-narratifs/


Revue de presse du 28/03/2015

Saturday 28 March 2015 at 05:09

Cette semaine dans la revue, la Chine entre immobilier et matières premières, les rendements négatifs, quelques considérations sur l’idéologie en France, les marchés toujours aussi mesurés, et pour finir une revue dans la revue. Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-28-03-2015/