les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

[Les Décodeurs] L’Orwellisation du Journalisme 2/4 : La Police de la Pensée

Friday 31 March 2017 at 01:30

Suite de notre série finale sur les Décodeurs. Ce billet est assez complet pour prouver la gravité des faits. Afin d’alléger la lecture, j’ai mis quelques passages sous forme “d’annexes”, qu’on peut afficher et masquer en cliquant sur des boutons, façon “spoilers”.

L’Orwellisation du Journalisme

2/4 : La Police de la Pensée

    1. 12/2016 : Quand ta vie bascule à cause d’un tweet…
    2. 03/2017 : L’acharnement destructeur
    3. 12/2016 : la police de la pensée du Monde à la chasse aux « déviants »
    4. La pression sur l’employeur des déviants (!)

1ère partie : quand les Décodeurs ont “raison”

I. 12/2016 : Quand ta vie bascule à cause d’un tweet…

Le 7 décembre, en plein pic de pollution aux particules, mon collègue des Éconoclastes Nicolas Mie.lh.an (je ne mets pas son nom en clair pour éviter les indexations Google), a le malheur de faire ce tweet le 7 décembre :

Une simple carte en temps réel de la pollution en Europe, montrant la forte pollution habituelle en Europe centrale et orientale avec un commentaire de Nicolas sur les “centrales à charbon allemandes”.

Une semaine avant, au pic précédent, la France avait en effet été traversée par un nuage de pollution venu de l’Est – comme cela arrive très souvent, phénomène où ces centrales ont en effet un (petit) rôle.

Nicolas est très engagé dans la protection de la santé en Europe, et dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il travaille énormément sur ces sujets, vraiment énormément. À la rentrée 2016, je me rappelle d’un déjeuner “Éconoclastes” où, très impliqué, il m’avait longuement parlé du rapport du WWF sur les centrales à charbon en Europe – dont a parlé Le Monde en juillet 2016 :

pollution-02

En effet, environ 1 400 Français sont tués tous les ans par les émissions du charbon en provenance des pays voisins :

pollution air particules

C’est donc un vrai problème -sur lequel a même alerté Le Monde. Nicolas est parti en croisade sur ce sujet (comme il le fait aussi en dénonçant le diesel ou le souci de la fausse baisse de nos émissions de CO2…), d’où son tweet du 7 décembre pointant du doigt ce phénomène, qui a une réalité à Paris le 3 et 4 décembre 2016 (jaune pâle) :

pollution air pollution-pays

Mais, pas de bol n°1, la phrase est fausse les jours suivants, la pollution était surtout nationale (vert – mais on n’a eu ces données que plus tard – les passionnés liront ce billet) :

 

pollution air pollution-pays

Ensuite, pas de bol n°2, le tweet de Nicolas a été très fortement tweeté – 2 000 retweets.

Et surtout, pas de bol n°3, les Décodeurs du Monde sont arrivés pour faire la police.

Ils ont fait un article sur le sujet, qui s’en est suivi par une prise de tête entre deux “têtes de pioches” 🙂 , Nicolas (qui a répondu) et Samuel Laurent (qui a re-répondu), querelle dont Internet a le secret – et qui n’a pas grand intérêt à ce stade.

Au final, Nicolas a évidemment reconnu la réalité de la situation :

Le plus formidable dans tout ça, c’est que Nicolas s’est tapé – je n’invente rien – une dépêche AFP le citant, disant que son tweet était donc faux (mais il aurait été bien plus juste d’autres jours dans l’année – vous voyez le souci…), dépêche qui a donc été largement reprise dans des dizaines de grands sites. (L’ExpressSud-OuestLe Point, YahooOrange, Arrêt sur Images…) – citant à chaque fois Nicolas, et œuvrant donc à sa gloire numérique pour très longtemps (pas de droit à l’oubli a priori ici) pour un tweet faux (et sans grand intérêt – on est en lutte contre la pollution que “localement” et partout, il nous faut donc faire tous les efforts possibles à Paris). Viendra ensuite Google dans quelques mois, quand ses algorithmes décideront (ou pas) d’afficher tout ça en gros quand on cherchera son nom. Je rappelle au passage, vu l’importance de Google, qu’il est inadmissible de laisser une société privée vendeuse de pub gérer comme bon lui semble notre image numérique sans rendre de comptes. Bref, on voit les conséquences personnelles et professionnelles que tout ceci peut avoir – et dont ces “journalistes” se fichent royalement… Enfin, sauf quand ils ont un petit bobo à leur propre égo :

C’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité

II. 03/2017 : L’acharnement destructeur

Secundo, les Décodeurs font depuis lors preuve d’un incroyable acharnement envers les Éconoclastes – avec une certaine idée du Droit à l’erreur, qu’ils s’accordent pourtant très souvent.

Quand Marine Le Pen (toujours elle…) reparle du sujet en mars 2017, les Décodeurs du Monde en remettent en effet une couche :

libe

libe

Tiens, revenons sur Nicolas pour les “trois mois”. On aura aussi ça pour les “six mois”, pour l’anniversaire”, pour le centenaire du tweet ?

Comme si les Éconcolastes étaient une source de Marine le Pen, alors que je rappelle que ce sujet (réel!) de la pollution allemande est un marronnier très répandu qui revient sans cesse… (comme ici en 2014 et ici en 2015…)

Le traitement de leurs petits clones des Décodeurs de Libération avec Pauline Moullot est aussi éloquent de la paranoïa qui se répand :

libe

Il y a donc ceux qui prennent “le parti du fake” et ceux qui, évidemment à Libération, prennent “le parti de la Vérité”.

libe

Donc bien sûr, Marine le Pen s’occupe des débats entre Les Décodeurs et les Éconoclastes, qui sont, c’est évident, le centre d’attention du pays…

libe

Heu, non. Ce n’est vrai que le jour des 2 pics étudiés. Mais en moyenne, dès qu’on n’est plus le nez sur une route, le trafic automobile est une source très limitée (Source : Airparif). Et les pics ne sont pas très importants, ça attire les journalistes, mais le problème est quotidien…

sources-particules-fines-idf-3

libe

On remet le couvert pour Nicolas…

libe

Et c’est là que la paranoïa apparaît : “anti-fact-checking” ?? “blogueur contre fact-checkers” ? Mais je suis au moins autant fact-checkers que la plupart de ces jeunes journalistes parfois incultes et sans déontologie qui peuplent ces rubriques !

libe

Et zou ! Euh, est-ce à dire que “Marine Le Pen soutient les réseaux sociaux” et donc que quand on lit des articles sur Facebook, on est un nazi ?

Dernier mot sur le “Parti de la Vérité”de Libé ; en décembre, ils ont fait en tout et pour tout 2 articles sur Alep :

libe

Bref, deux articles sur des sujets qui contrarient la Propagande gouvernementale. Et RIEN sur la propagande dans les grands médias – que de grands journalistes ont pourtant dénoncée…

 

Du coup, mi-mars, les Décodeurs ont même rajouté la mention de la polémique sur la fiche Econoclastes du Décodex :

libe

“Et c’est pas fini”, le 15 mars, ils en reparlent en conférence publique (à 3’30) :

On notera toujours la même victimisation limite misérabiliste (“on a été très attaqués par les Éconoclastes” – façon “L’Allemagne a été très attaquée par le Luxembourg” quoi…)

samuel-laurent-4

Pourtant, il semble bien y avoir un acharnement contre les Éconoclastes…

En conclusion, on notera que cette méthode n’est pas limitée à ce sujet.

Au moment des élections américaines, Jacques Sapir a fait un tweet où il annonçait dans l’effervescence un résultat erroné dans un tweet du 13 novembre, comme le rapporte Libération (avec mention réglementaire du FN…) :

libe

Or, Sapir a évidemment corrigé dès le 15 novembre :
libe

libe

A priori, il semble que ces informations n’aient jamais été reprises sur le site de Sapir, Russeurope. Eh bien, pas de souci, cela figure désormais dans la fiche Décodex du site :

libe

Ce qui montre bien que le but est bien de s’en prendre aux personnes, et pas seulement aux sites.

Le point assez incroyable en l’espèce est que le responsable des Décodeurs a tweeté (et laisse sciemment en ligne – archive) un de leurs articles où ils annoncent que Clinton a obtenu 6 millions de voix de moins  en 2016 qu’Obama en 2012, ce qui est totalement faux, ils ont obtenu le même nombre…

decodex

Bref :

III. 12/2016 : la police de la pensée du Monde à la chasse aux « déviants »

3-1 Du pouvoir à l’Abus de pouvoir

Mais revenons au mois de décembre, pour observer l’attitude de Samuel Laurent, le “chef” des Décodeurs du Monde.

De manière pour moi très attendue, un tel service de “vérification des faits” par le plus grand journal français ne pouvait qu’aboutir à sa transformation insidieuse en une sorte de Ministère de la Vérité qui prétend dire le Vrai. Et là encore, pour moi, de manière totalement prévisible, un tel Pouvoir – en plus clairement laissé sans cadrage ni même contrôle élémentaire par la Direction du Monde – ne peut que suivre une pente très naturelle le conduisant à se doter au plus vite d’une Police de la pensée. Et toute autorité prétendant dire le Vrai ne peut accepter de voir son autorité remise en question, dans le cas où des personnes persistent volontairement dans l’erreur ? Un tel Pouvoir constitué est donc toujours tenté d’abuser de ses prérogatives.

Or, on a vu que Nicolas a été retweeté par de très grands noms du journalisme français, chez BFM ou aux Échos. Et c’est là que cela devient TRÈS intéressant.

Que les Décodeurs aient indiqué la réalité des faits (“la pollution du 7 janvier ne venait pas d’Allemagne”), c’est très bien.

Qu’ils aient indiqué et ciblé à ce point nominativement Nicolas, je trouve cela vraiment problématique pour les raisons précédemment évoquées. Cela tient au fait que les Décodeurs ont gardé leur mentalité et amateurisme d’origine de petits blogueurs sympas (ils n’étaient pas au Monde au départ). On avait alors affaire à quelques petits jeunes animant un petit blog sans prétention.

Mais ils ont désormais le colossal – et donc destructeur – poids médiatique du Monde. Ils ont désormais entre leurs mains un enjeu qui dépasse la simple vérification des faits : ils jouent avec la réputation des gens, leur carrière et donc leur vie. Jeter leur dignité en pâture à des millions de lecteurs n’est pas sans conséquence : il est donc grand temps qu’ils prennent conscience de cette responsabilité et qu’ils gagnent en maturité dans leur activité professionnelle.

3-2 Les amateurs « déviants »

Une bonne façon d’entrer en matière est d’observer la régulière chasse aux déviants. Voici quelques exemples d’interventions plus ou moins musclées pour faire effacer des tweets faux :

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

Il faut noter qu’un élément a déstabilisé les Décodeurs : le remue-ménage suite à l’élection de Trump que les médias n’ont pu “empêcher” malgré tous leurs efforts (sic.), ce qu’a pointé Frédéric Lordon dans une  forte critique à leur encontre dans un billet du Diplo du 22 novembre 2016 qui les a atteints :

“Mais voilà, les Décodeurs recodent sans le savoir, c’est-à-dire, comme toujours les inconscients, de la pire des manières. Ils recodent la politique dans le code de la post-politique, le code de la « réalité », et les désintoxiqueurs intoxiquent — exactement comme le « décryptage », cette autre abysse de la pensée journalistique, puisque « décrypter » selon ses ineptes catégories, c’est le plus souvent voiler du plus épais brouillard.

Le fact-checking qui, épouvanté, demandera dans un cri de protestation si c’est donc qu’« on préfère le mensonge à la vérité », est sans doute ici hors d’état de saisir l’argument qui n’a rien à voir avec l’exigence élémentaire d’établir correctement des faits, mais plutôt avec l’accablant symptôme, après Trump, d’une auto-justification des médias presque entièrement repliée sur le devoir fact-checkeur accompli. Trump a menti, nous avons vérifié, nous sommes irréprochables. Malheureusement non. C’est qu’un Trump puisse débouler dans le paysage dont vous êtes coupables. Vous êtes coupables de ce qu’un Trump n’advient que lorsque les organes de la post-politique ont cru pouvoir tenir trop longtemps le couvercle sur la marmite politique.” [Frédéric Lordon]

Comme quoi Lordon avait vu juste bien avant moi…

3-3 Les journalistes « déviants »

Alors on a vu ci-dessus comment agit la Police de la Pensée quand un simple particulier est dans l’erreur sur Twitter – ça ne rigole pas du tout…

On imagine donc sans peine ce qui va arriver si, cette fois, ce sont de grands journalistes qui dévient. Car Stéphane Soumier, Jean-Marc Vittori et Dominique Seux ont retweeté Nicolas le 12 décembre :

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

De nouveau, l’hôpital qui se moque de la charité…

Et le 13, aucune correction n’avait eu lieu – les tweets étant d’ailleurs perdus dans la Timeline de ces comptes..

Dès 6h00 passées, les Décodeurs peuvent intervenir (à 6h37 – observez la fréquence avec les heures) :

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

 

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

samuel-laurent

Je remets :

samuel-laurent

30 minutes plus tard, aucune réaction (il a des matinées sympa, le gars…) : 1ère sommation :

samuel-laurent

2e sommation 16 minutes plus tard :

samuel-laurent

Dominique Seux dépose alors les armes et se rend alors sans opposer de résistance – savourez les réponses :

samuel-laurent

samuel-laurent

Le conciliant Vittori répond en demandant une trêve :

samuel-laurent

 

samuel-laurent

En passant – une relation de Samuel Laurent, Adrien Saumier (tiens, tiens… on en reparlera), apparaît alors dans la conversation :

samuel-laurent

Magnifique retour de Samuel Laurent, qui poursuit sa leçon de journalisme à Jean-Marc Vittori (quel calme, il doit être bouddhiste…) :

samuel-laurent

Laurent Mimouni, de BFM, n’étant pas du genre à se laisser impressionner par si peu, n’appréciera pas trop à la longue :

samuel-laurent

mais ils ne s’apprécient pas trop il faut dire :

samuel-laurent

samuel-laurent

(N.B. il fait référence au cigare de Mimouni sur sa photo de profil…)

Après cette séquence, Samuel Laurent a rédigé un long papier le 13 décembre, comme d’habitude victimaire et moralisateur, que je ne vais même pas commenter : Comment meurent les faits : autopsie de la propagation d’une intox

Ce qui lui a valu une très ferme – et juste sur le fond – réponse de Stéphane Soumier sur son blog le 15 décembre, évidemment excédé (cf. article @si) :

Note à un factchecker, tigre de papier

soummier-1  soummier-2

Cliquer pour agrandir

Afficher le texte

S’embrouiller avec Samuel Laurent est un jeu risqué. D’abord parce qu’on a autre chose à faire. Lui les internets c’est son métier, et donc on s’expose à un tir de barrage qu’on a du mal à contrôler.

Mais justement. C’est bien pour dire que je n’ai pas l’intention de céder à cette forme d’intimidation numérique, que je prends le temps d’écrire cette courte bafouille

Ensuite parce qu’on ne suit pas non plus ce qu’il fait de manière obsessionnelle. On en revient au premier point. Et démonter ce qu’il fait prend du temps.

Je l’ai fait une fois dans le détail sur la matière que je maîtrise, le papier est là, mal écrit, brouillon (toujours le premier point…) mais bon l’essentiel y est : Samuel Laurent manipule des chiffres qu’il ne maîtrise pas, son équipe se donne une prétention scientifique sans en avoir ni le temps ni les moyens, il use d’arguments d’autorité qui lui font décider que tel critère est pertinent au regard de tel autre.

Il y a peu, j’éprouvais encore une forme de tendresse, tant ce garçon avait besoin d’amour. Ça crevait les yeux. Mais voilà qu’il est devenu très agressif. Toujours le point 1, les règles des internets changent vite, et nous qui ne faisons qu’y passer ne le percevons pas forcément. Jusqu’à peu, ce qui se passait sur twitter restait sur twitter, il faut croire que ce n’est plus le cas, et Trump valide massivement ces changements, dont acte, stop à la déconnade, il s’agit de tenir son rang. Directeur de la rédaction de BFM business je suis, directeur de la rédaction de BFM business je serai donc dorénavant sur Twitter

Mais là je suis chez moi, et donc, cher lecteur, je vais être grossier. Je m’en excuse, et je vais bien isoler le passage pour que tu puisses le sauter allègrement sans avoir à subir ce règlement de compte. Donc…

__________________________________________________________________________

Samuel Laurent, je lis que tu me dénies le droit de diriger une rédaction parce que j’ai eu le malheur de me marrer deux secondes avec tes nuages ? Mais vas te faire voir, pauvre tanche ! Tu as senti l’odeur d’un trou d’obus une fois dans ta vie ? Tu as goûté les larmes d’un gars dont on vient d’abattre le fils ? Tu as mordu l’acier d’un flingue brandi par un pauvre type aux yeux perdus ? Tu as senti tes tripes se vider parce que des émeutiers de banlieue t’avaient repéré ? Je l’espère pour toi. Tu sais alors qu’à ce moment, on n’a plus de leçon à recevoir de personne quand il s’agit de savoir ce qu’est une information, une vraie, et le prix qu’elle peut coûter

Fin du paragraphe.

__________________________________________________________________________

Revenons à nos moutons du fact-checking : mon cher Samuel, va dans une bibliothèque, va lire Deleuze, Foucault, va comprendre qu’une information est une collection de mots d’ordre. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que le choix de ton sujet est un biais (pollution, centrales, nucléaire. Pas de nucléaire ? mais bien sûr que si, c’est le sous-jacent de toute cette histoire sans importance) que le choix de tes experts est un biais, que la façon dont tu rédiges est un biais, et que ces biais marquent l’ordre social que tu défends. Et oui, j’en défends un autre.

Ce « post fact era » dont les jeunes urbains progressistes nous rebattent aujourd’hui les oreilles, n’est rien d’autre qu’un ordre social qui se transforme et je t’assure que dans l’ensemble des « mensonges » de Trump factcheckés par tes confrères américains, j’ai vu moi bien souvent des faits qui témoignaient simplement d’un autre angle de vue

Un bon élève de terminale devrait savoir ça, d’où les #culottescourtes

Tu as sans doute raison sur tes particules, mais ton premier papier était justement truffé de biais de présentation, et ton contradicteur les mettait en lumière. Ce qui, je l’avoue, m’a fait marrer. Un pauvre tweet et deux échanges de conversation ? ça fait léger, non, pour déclencher le tir de barrage que tu m’as infligé ?

Tu as forcément suivi la polémique autour du livre de Cahuc, elle dit tout des doutes permanents que l’on peut avoir sur les chiffres. Que les plus éminents experts s’affrontent, non pas sur les chiffres eux-mêmes, mais déjà sur la pertinence de leur utilisation, sur le fait qu’ils suffisent, ou pas, à valider une thèse politique, tout cela ne te fais pas réfléchir sur ta théorisation à l’emporte-pièce du « journalisme non spéculatif » ?

Trump a été élu camarade. Et plus le mainstream journalistique redressait ses erreurs, plus il gagnait en popularité. C’est la faute à Facebook ! c’est la faute à Google ! ben voyons. Et l’orgueil de jeunes urbains progressistes qui ont décidé le vrai du faux, ça n’a joué aucun rôle ?

Je crois que si. Alors je continuerai, moi, à tenter simplement de raconter ce qui se passe. A savoir qu’une information est le produit de ce qui nous produit, à s’efforcer de corriger cela par la rigueur, le travail et l’honnêteté. C’est déjà un beau boulot. Il vaut largement le tien. La vérité est une autre affaire.

Fin de l’affaire – éloquente pour la suite…

On notera enfin que la journée du 13 décembre aura bien été chargée en Tweets pour Samuel Laurent – dur labeur que “journaliste” au Monde désormais :

samuel-laurent

Bref :

samuel-laurent-4

IV. La pression sur l’employeur des déviants (!)

Très brève partie. Mais très importante. Parce que quand le déviant résiste, il faut passer en force – et là, tous les moyens semblent bon à la police du Monde (Source) :

samuel-laurent

Déontologique, hmmm ?

Et cela se confirme, quand attaqué par Sapir, Samuel Laurent annonce qu’il va saisir l’EHESS, son employeur :

Bref, une certaine idée du “journalisme”…

Ainsi se termine cette première partie, fondée essentiellement sur un cas où ils avaient raison (le tweet de départ était factuellement erroné ce jour-là).

Il va donc être très intéressant de voir ce qu’il se passe quand ils ont tort – mais nous prendrons avant du recul dans le prochain billet…

P.S. merci de rester courtois dans vos commentaires ; sinon ils seront tronqués ou supprimés…

Source: http://www.les-crises.fr/les-decodeurs-l-orwellisation-du-journalisme-1-la-police-de-la-pensee/


Revue de presse du 31/03/2017

Friday 31 March 2017 at 00:59

Merci aux contributeurs de cette revue. Pour rejoindre l’équipe des revues, postulez via le formulaire de contact du blog !

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-31032017/


[Les Décodeurs] L’Orwellisation du Journalisme 1/4 : Les Débuts

Thursday 30 March 2017 at 02:16

Après les attaques répétées et très préjudiciables que les Décodeurs ont menées à mon encontre, j’ai proposé sur ce blog beaucoup de billets afin de me défendre, certes, mais aussi d’offrir une analyse de fond sur ce qu’implique ce nouveau type de “journalisme” (le fact-checking) dans l’exercice de la liberté d’expression de chacun. Vu le nombre de billets publiés sur ce sujet, je vous propose ici une analyse finale, histoire de clore la série et de remettre définitivement l’affaire à la Justice. Les grands lassés peuvent donc passer ces derniers articles ; quant aux autres, je vous souhaite une bonne lecture – il y aura du lourd… 🙂

L’Orwellisation du Journalisme

1/4 : Les Débuts

      1. L’origine des Décodeurs
      2. Une équipe à la ligne éditoriale peu claire
      3. Biais, légitimité et maîtrise des sujets
      4. À force de passer du coq à l’âne, on ne conclut rien – ou pire…
      5. L’Hanounisation » du journalisme
      6. La pression sur les Politiques
      7. Je n’ai pas d’opinions hyper marquées ou affichées”
      8. Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte”

I. L’origine des Décodeurs

En 2009, Nabil Wakim alors responsable de la rubrique politique du site Web du Monde lance un blog collaboratif s’inspirant du fact-checking existant aux États-Unis (Source) – sauf que là-bas, ils sont chargés de vérifier avant publication tous les faits évoqués dans les articles des journalistes de leur propre journal.

Il expose ainsi sa vision du “blog qui enquête avec les internautes”: “A quoi sert ce blog ? Enquêtons ensemble sur la parole publique ! Ce blog se propose de passer au crible les propos des hommes et femmes politiques, chefs d’entreprise, syndicalistes, éditorialistes pour y démêler le vrai du faux. Et de traquer citations tronquées, promesses non tenues, chiffres inexacts, mauvaise foi évidente ou utilisation abusive de données. Chaque note du blog évolue au fil des informations recueillies par le journaliste et les internautes. […] Rapport indépendants, étude de chercheurs, documents doivent être utilisés avec rigueur et bonne foi.” (Source)

En un peu plus de quatre ans, près de 200 articles ont été écrits sur ce blog. Mais le 10 mars 2014, le site du journal le Monde intègre pleinement Les Décodeurs à son site, qui bénéficie désormais d’une équipe dédiée pluridisciplinaire d’une dizaine de personnes.

II. Une équipe à la ligne éditoriale peu claire

Intégrée au journal Le Monde, l’équipe change de braquet ; elle a ainsi écrit plusieurs centaines d’articles en 3 ans – 3 600 sont dans la liste des articles, mais un certain nombre n’émanent pas des Décodeurs mais de journalistes du Monde.

La promesse vendue est la suivante : “Les décodeurs du Monde.fr vérifient déclarations, assertions et rumeurs en tous genres ; ils mettent l’information en forme et la remettent dans son contexte; ils répondent à vos questions.” Certes, mais c’est en gros la définition d’une partie du métier de journaliste ça…

 

Ce qui interpelle en fait est l’absence d’une ligne éditoriale claire. On va voir qu’ils passent du coq à l’âne, au gré de leurs envies et opinions – comme le feraient des blogueurs. Et comme ils abordent une pléthore de sujets, ils n’ont semble-t-il pas toutes les compétences en interne pour bien les appréhender, et commettent donc occasionnellement des erreurs ou ont des interprétations superficielles.

Afin de mieux saisir ce propos, voici quelques articles tirés de leur premier mois d’activité, avril 2014, après les régionales et la nomination de Manuel Valls comme Premier ministre.

Si le sujet vous intéresse, cliquez ici :

Voir le détail

Ici, ils rappellent ce qu’est un secrétaire d’État :

Ici ils tentent d’expliquer les raisons de la fusion des régions. (le service politique du Monde ne marche plus ?)

Ici, la carrière Jean-Pierre Jouyet en un graphique :

Ici, ils s’essaient encore à de la prospective politique :

Ici ils font une carte des tremblements de terre… (intéressante au demeurant, mais ce n’est pas le sujet) :

Ici, ils s’intéressent à l’assiduité de M. Harlem Désir :

Ici, enfin, un fact-cheking sur une rumeur sortie d’on ne sait où (qui ferait “le tour du web…”) :

Là, ils commentent le succès du livre de Piketty aux États-Unis :

Puis ici, ils parlent de… la cigarette électronique – et de sa dangerosité (avec 3 graphiques, dont vous apprécierez la clarté pour un sujet de santé publique…)

Puis ils passent aux patrons américains défendant le mariage homosexuel :

ce qui est en lien avec cet article où ils estiment que Copé qui a condamné Boutin n’en fait pas assez dans la condamnation des propos homophobes :

On trouve aussi ceci :

Et cela :

Ensuite, ils “traitent” évidemment de l’Ukraine, mais se contentent de quatre cinq cartes – c’est vrai qu’il y avait peu de “fact-checking” à faire à l’époque sur ce sujet…

On citera aussi ce sujet essentiel à traiter au printemps 2014 :

III. Biais, légitimité et maîtrise des sujets

Arrive aussi un moment où l’équipe ne semble peut-être pas disposer de toutes les compétences requises en interne, mais essaye néanmoins de trancher en quelques lignes des débats extrêmement complexes – qui divisent par exemple les économistes, comme ici les baisses de charges :

=> En quoi ces secteurs vont-ils forcément embaucher, vu qu’il faut compenser ces baisses, ce qui peut décourager la demande et donc décourager l’embauche ? Ça fait 20 ans qu’on fait ça, ça ne semble pas super efficace…

Mais pour éclairer le lecteur, vous constatez qu’ils interrogent un ultralibéral, David Thesmar, et, pour que le pluralisme soit respecté, ils interrogent aussi… un autre ultralibéral, Pierre Cahuc. “L’information”, quoi…

Idem sur le TTIP – trop facile :

On note qu’ils en sont presque à définir une politique :

Le lourd problème de la reprise en main d’Internet par les États (et par les médias mainstream ?) ? Six cartes suffisent :

Alstom ? No problemo :

Conséquences macroéconomiques du gel des rémunérations des fonctionnaires ? Pas de souci :

Et l’économie du Nigéria, trop facile aussi :

Je précise enfin – et je vous laisse le vérifier, les billets sont là – que le vrai “fact-checking” est assez largement minoritaire dans ces articles, alors qu’ils se qualifient ainsi…

IV. À force de passer du coq à l’âne, on ne conclut rien – ou pire…

Ici, Samuel Laurent veut traiter du problème du lien entre les baisses de charges et l’augmentation des dividendes, pour fact-checker le Parti communiste :

Il soulève bien la forte corrélation entre les deux sujets, évidente :

Il rappelle ensuite un point important : corrélation n’est pas causalité

Puis fourni un graphique :

Il se trompe hélas au passage en indiquant “qu’on ne peut établir de corrélation”, alors qu’elle est évidente, c’est la causalité qui ne l’est pas.

Mais au final, on n’en sait absolument pas plus, vu qu’évidemment l’équipe n’a pas de compétences universitaires sur ce sujet très complexe.

Bref, comme souvent, un “p’tet ben que oui, p’tet ben que non”, relativisme qu’on peut finalement appliquer à tout…

 

On peut citer un autre point plus anecdotique, qui montre bien toute la subjectivité de faits, avec 2 visions du Monde ( et ) le même jour sur le chômage :

Cliquez pour agrandir

 

Autre sujet : “la France est-elle le plus gros emprunteur de la Zone euro ?”  On peine à comprendre l’intérêt de la question (si on n’est pas le 1er, on est forcément le 2e ou le 3e…) – mais passons.

Réponse des Décodeurs : “Non, l’Italie est devant nous !”

On se demande quand même comment le Président de la Commission des Finances connaîtrait moins bien la situation que les Décodeurs…

La réponse est simple : ce n’est pas le cas !

L’explication est simple, elle est dans l’article : la journaliste attribue son carton rouge en citant les émissions de dette “à moyen et long termes”.

Or, il est évident que si Carrez dit que nous sommes “le premier emprunteur de la zone euro”, il faut simplement regarder l’ensemble des sommes empruntées par la France en 2014, et ce à long, moyen ET COURT termes. Voici les chiffres donnés par l’Agence France Trésor pour 2014 :

203 milliards émis à moyen et long termes. Et :

8 *51 = 408 milliards empruntés à moins d’un an. Soit 611 milliards émis  par la France en 2014.

Et l’Italie alors ? (il faut le dénicher ça quand même… 😉 )

donc 463 milliards émis par l’Italie en 2014….

La France est donc largement devant l’Italie en termes d’émissions, en raison de ses fortes émissions à court-terme…

V. « L’Hanounisation » du journalisme

Mais il y a pire. C’est finalement “l’Hanounisation du journalisme” qui est à l’œuvre – et qui ne touche bien entendu pas que les Décodeurs, mais une bonne partie de la presse. Mais la “Buzzfeedisation” du Monde.fr reste quand même impressionnante vu l’image de ce journal.

Une vraie question de fond :

Un vrai respect de la politique :

C’est drôle – mais on est chez BuzzFeed ou au Monde là ? (pas facile quand les journalistes passent de l’un à l’autre, j’avoue)

Idem une semaine avant :

De l’investigation :

profonde investigation donc :

Enfin : un autre vrai fact-checking sur le site internet du Secrétariat d’État au commerce extérieur :

Celui-ci classe en effet la France comme 2e industrie mondiale du jeu vidéo, alors que nous devons être 3e ou 4e

Après, on pourrait dire que ceci est peut-être dû au fait que l’équipe démarrait en avril 2014. Mais en fait, on voit très bien que ces défauts ont au contraire tendance à s’amplifier, plutôt qu’à se réduire.

Il n’y a qu’à voir cet article de 2016 :

ou celui-ci de 2017 – la moindre rumeur (qu’ils propagent du coup) semblant les affoler :

ou encore celui-ci, tout récent, très intéressant à analyser sur la forme – mais bien plus sur le fond, où le journaliste se transforme en une forme de propagandiste, pour défendre une vision politique, qui relève de l’opinion, mais en rien des faits tant vénérés par eux :

 

Je citerai enfin ces deux récents articles. Un premier article de fin novembre 2016, “qui défrise” en effet (en pleine bataille d’Alep – période calme au niveau de besoin en “fact-checking”…) :

Les journalistes du Monde trouvant ça bien, donc…

Un autre article date de début mars 2017, et traite d’une rumeur à laquelle il était urgent de tordre le cou :

On notera l’explication de Samuel Laurent à ce choix, qui en arrive à impressionner les gens sensés :

Ainsi, les Décodeurs semblent penser qu’il leur faut traiter le sujet parce que la vidéo a été vue 1,7 million de fois. Or, rien ne dit, bien au contraire, que les gens qui la regardent la croient, j’imagine volontiers que la plupart regardent ça pour rigoler ou par curiosité si des sites en ont parlé. C’est amusant comme les Décodeurs semblent prendre l’effet Streisand à la légère, en ne se demandant pas s’ils ne font pas une publicité énorme à ce genre de débilité – ce qui augmentera le nombre de vues, à commencer par leurs lecteurs…)

Ah, et au passage, la vidéo date de… juillet 2013 – c’est sûr qu’elle a eu le temps de faire des vues, mais qu’il était urgent d’en parler sur le site du Monde :

 

 

Ainsi, ce “Fact-journalism” est en fait surtout un “Fast-journalism” – qui est à la profession ce que le fast-food est à la nourriture. Moderne et sympa de prime abord, vite servi, vite mangé, mais vite oublié, apportant peu…

La cerise sur le gâteau, par Samuel Laurent….

VI. La pression sur les Politiques

Sans trop développer, il faut aussi souligner la pression qu’exerce désormais ce genre de “journalisme” sur les dirigeants politiques – que pour une fois je ne vais pas attaquer. 🙂

Mettons-nous dans la peau d’un Politique (oui, cela demande un effort, je sais).

Quand vous êtes à la télé, bien sûr, il faut contrôler fermement tout ce que vous dites : au moindre dérapage, à la moindre mauvaise blague, vous êtes cuit.

En grand meeting ? Pareil, quelqu’un vous filme forcément. En petite conférence ? Idem. Sur un marché ? Idem. Vous n’êtes plus sûr que même dans une réunion non publique on ne vous enregistre pas à votre insu. Sympa.

Quand dans une campagne électorale, vous annoncez des choses importantes, il est bien que des journalistes vérifient tout ça, évidemment.

Mais maintenant, jusqu’où cela doit-il aller ? Je m’explique. Revenons sur l’article sur Carrez :

Mais quel est le but ? (si cela avait été vrai, bien entendu…) Faire passer Carrez pour un incompétent car la France aurait été 2e émetteur de dette et pas 1er ?

Ici (Source) un très bel exemple, des Décodeurs de Libération, sur une déclaration de Montebourg :

Mouais. Là encore, Montebourg a raison, mais se trompe entre 2030 et 2050. Le voici donc jeté aux loups de Twitter – de quoi faire le délice de ses opposants.

Bien entendu, cette méthode sera aussi appliquée, à un moment où à un autre, aux opposants de Montebourg, et donc à tout le personnel politique.

Au final qu’aura-t-on avec ce “fact-checking” débridé ? Des candidats qui n’oseront plus rien dire du tout, et un personnel politique discrédité. Et puis si tout le monde est “nul”, on comprend que les gens hésiteront moins à voter pour le plus “nul”…

Notez aussi que l’acharnement de la presse vise souvent à masquer ses propres manquements. Observons les papiers assassins contre François Fillon : ils sont, certes, souvent mérités, mais pourquoi en est-on là ? Si ce n’est parce que la presse n’a pas fait son boulot d’enquête tant durant les fonctions de Premier ministre de M.Fillon que lorsqu’il a annoncé sa candidature. Et quand on voit le niveau des “enquêtes” qu’ils font sur le patrimoine de M. Macron, cela ne s’arrange pas.

 

Enfin, au-delà du fact-checking, les choses vont bien plus loin, et on voit que la politique investit parfois ces démarches prétendument “journalistiques”, comme dans cet exemple (Source) : 

Les “ambiguïtés” sont simplement liées au fait qu’avec les médias actuels, un candidat a 1 à 2 minutes pour exprimer ses idées, et qu’il doit donc caricaturer – plus que s’il pouvait parler de la Syrie pendant 15 minutes… Et au final, il se fait allumer. Pourtant, il suffit de l’interroger pour que les ambiguïtés disparaissent – mais l’interview, c’est tellement XXe siècle… Parfois, ça vire un peu à l’acharnement aussi, vous noterez (Source) :

 

(Source)

(Source)

Enfin, on rappellera aussi leur traitement très “politique” du graphique sur l’euro qui a beaucoup fait parler (on lira ces billets sur ce blog ici, ici et ) :
decodeurs

VII. “Je n’ai pas d’opinions hyper marquées ou affichées”

Le 10 février, Samuel Laurent, créateur du Décodex était chez Arrêt sur Images, avec Ruffin.

Elle est consultable ici (vous pouvez la voir en prenant un abonnement à 1 € pour le mois, pour tester tout le site).

On notera le “Encore faudrait-il que j’aie des opinions marquées ou affichées”. Pourtant, elles s’affichent régulièrement et publiquement – comme vu dans ce billet répondant à leur insinuations sur Alep (“Venons en aux faits qu’ils disaient…)

Si on ne comprend pas à quoi ça sert, on ne peut prétendre juger ce blog…

On note aussi qu’ils ont un vrai problème avec certains dirigeants politiques :

hopital

quelqu’un qui fait comme Ruquier, hmmm ? Et il passe dans tous les médias en ce moment…

hopital

hopital

hopital

hopital

et moins avec d’autres (mais attention, c’est objectif là)…

Notez aussi son avis sur Wikileaks :

Tout ceci est résumé dans le mail qu’il m’a envoyé, et qui justifie sa mauvaise opinion (je vous renvoie à ce billet dédié).

 

On soulignera enfin un dernier point (que je ne développe pas plus) chez les fact-checkers, qui en dit long : la faible autocritique et la rapide position victimaire (“On est les gentils, on ne fait que vérifier, sans nous il n’y aura plus de faits et ce sera la dictature”). Pourtant, si le journalisme était bien réalisé de façon neutre, il n’y a aucune raison qu’il suscite des critiques chez des gens raisonnables…

VIII. “Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte”

Pour conclure, nous montrerons une constante chez les Décodeurs qui nous aura beaucoup étonné ces deux mois : la non-correction des erreurs signalées (ou leur évacuation discrète sans les reconnaître). Ce qui est totalement méconnaître l’article 6 de la Charte de Munich des devoirs des journalistes.

On signalera ainsi (et malgré nos démonstrations) :

      1. le fait qu’ils n’aient pas corrigé leur billet du 09/11/16 totalement erroné sur les résultats de l’élection américaine tout comme leur tweet ;
      2. le fait qu’ils signalent dans ce billet du 15/12/16 que j’aurais inspiré l’idée de l’analyse des tweets sur Alep, alors que c’était un simple fact-checking de ma part, neutre ;
      3. le fait qu’ils signalent dans ce billet du 15/12/16 que M. Kuzmanovic aurait été inspiré par mon blog, alors qu’il a démenti et démontré qu’il l’avait été par les grands médias mainstream ;
      4. le fait qu’ils aient pris comme source Bruno Zeni pour le classement du blog dans le Décodex, sans correction quand j’ai démonté son fake. Ce qui a été confirmé par Arrêt sur Images et par le fait qu’ils l’ont retiré du Décodex sans explications ni excuses ;
      5. le fait que Le Monde laisse en ligne les billets diffamatoires de Bruno Zéni malgré mes demandes et preuves ;
      6. le fait qu’ils laissent leurs commentaires déplaisants du 9/02/17 envers ce blog, qui n’est pas russophile, mais simplement intègre (et je ne parle pas de la diffamation du 17/02/17 qui a fini par être planquée) ;
      7. le fait qu’ils indiquent des billets que j’aurais supprimés du blog alors qu’ils n’ont jamais existé ou qu’ils sont en ligne sous un autre nom ;
      8. le fait que j’aurais cherché à “camoufler” des billets “gênants”, ce qui est grotesque (ils sont lus par des dizaines de milliers de personnes) ;
      9. le fait qu’ils indiquent dans ce billet du 20/03/17 des propos sur Fabius que je n’ai pas tenus, ayant fidèlement cité Le Monde
      10. le fait qu’ils n’aient pas corrigé dans leur billet du 21/03/17 les erreurs pourtant pointées ici… Ce qui semble montrer l’aspect militant de leur démarche.

samuel-laurent-4

Mais cela renvoie à une certaine idée de la cohérence :

Mais tout ceci reste en fait des péchés véniels par rapport à la suite des évènements…

 

Source: http://www.les-crises.fr/les-decodeurs-l-orwellisation-du-journalisme-les-debuts/


Quel avenir pour les humains connectés ? par François Leclerc

Thursday 30 March 2017 at 01:50

Source : Paul Jorion, François Leclerc, 23-03-2017

A quoi cela sert-il d’y aller par quatre chemins ? Annonçons-le, nous prenons celui d’être dépossédés de nos données, de perdre le droit à toute vie privée dont nous avons déjà un avant-goût ! Au sein du monde des objets connectés qui nous est annoncé, notre destin est d’être scrutés sous toutes les coutures.

Nos activités, nos gestes, nos choix et nos goûts, ainsi même que nos idées et convictions, rien ne va échapper à la détection plus ou moins bien intentionnée de ceux qui recueilleront nos données via la multitude d’objets connectés que nous allons utiliser, dont la liste s’allonge de jour en jour sous les prétextes les plus divers. Pour vivre heureux, nous n’allons plus pouvoir vivre cachés ! Avec le même effet que si nous étions tous munis d’un bracelet électronique !

Concepteur du Web, Tim Berners-Lee a observé que « le Web s’est à tel point rapproché du monde réel que les deux sont désormais liés ». Les moyens d’opérer via son intermédiaire une récolte massive de données nous concernant sont progressivement mis en place. Les objets vont être qualifiés d’intelligents au nom de leurs nouvelles performances et des services qu’ils vont rendre, avec en contrepartie l’abandon de tout anonymat. Dans un monde où la propriété est reine, celle de nos données nous est refusée.

Même s’il ne faut pas croire les discours des spécialistes marketing éblouis par ces nouveaux marchés – les données sont pour eux l’or noir de l’Internet – leurs estimations donnent le tournis : des milliards d’objets devraient être connectés dans les années à venir. Il nous sera promis une multitude de services allégeant notre asservissement aux choses, mais cela le renforcera dans la pratique. De nouveaux marchés de masse ne visant plus le simple renouvellement des parcs qu’équipements existants vont être ouverts, et c’est tout ce qui leur importe. Avec comme effet de faire de nous des humains connectés de plein exercice ! A moins que nous soyons court-circuités grâce aux « contrats intelligents » de blockchains, les objets connectés régulant d’eux-mêmes leurs échanges, entre eux ou avec le monde extérieur, en utilisant des protocoles de communication qui sont en cours de développement. Les spécialistes soulignent que plus ils seront connectés entre eux, plus les risques de piratage seront grands.

Qu’importe si l’on ne sait pas encore parfaitement utiliser les masses de données récupérées : les futurs outils logiciels permettant de les traiter sont à l’étude, utilisant la sémantique pour analyser les messages, ou des modèles stochastiques pour décrypter les comportements, en vue de les anticiper. Notre sort va être confié à des algorithmes, omniprésents et opaques, au verdict sans appel.

Les experts en marketing prétendent que les consommateurs seront satisfaits de céder leur données personnelles en échange d’offres personnalisées, tout comme les citoyens acceptent déjà de renoncer à leur vie privée pour garantir leur sécurité, pourrait-on ajouter. Mais ces discours sont fallacieux car ils sous-entendent un arbitrage librement consenti et mutuellement avantageux.

Est-il encore possible d’empêcher cette mutation ? Régulièrement, des enquêtes et sondages témoignent certes de substantielles réticences, auxquels répondent immédiatement des argumentaires faisant valoir les bienfaits de la collecte des données personnelles, la santé étant un domaine de prédilection.

Pourtant, la résignation ne finira-t-elle pas par l’emporter ? N’avons-nous pas déjà perdu le contrôle sur nos données ? Leur protection est loin de progresser à la vitesse avec laquelle se répand leur collecte, tout les prétextes étant bons, et parfois même en le dissimulant. Les portes du paradis des hackers vont s’ouvrir devant eux, accentuant notre vulnérabilité aux comportements délictueux. Au Japon, un hacker a mis en évidence que des données étaient recueillies par des poupées connectées munies de microphones…

Le monde qui se présente n’est pas porteur de ces seules menaces. Le déploiement d’un formidable outil de contrôle social est annoncé qui détectera les comportements hors normes porteurs de révolte. C’est en Chine que l’on en trouve un projet très élaboré. Et, d’une manière générale, la fragilité de nos sociétés va aller en grandissant, comme en témoigne la montée en puissance de la guerre électronique, dont le champ de bataille ignore les frontières et qui n’a pas besoin d’être déclarée pour être menée.

Le monde des objets connectés fait partie de ces catastrophes annoncées vers lesquelles nous nous précipitons.

Source : Paul Jorion, François Leclerc, 23-03-2017

---

Source: http://www.les-crises.fr/quel-avenir-pour-les-humains-connectes-par-francois-leclerc/


[GEAB] Dislocation statistique globale : la démultiplication des outils de mesure de la réalité économique

Thursday 30 March 2017 at 01:42

Source : Global Europe Anticipation Bulletin, du Laboratoire Européen d’Anticipation Politique, Février 2017.

Dans la crise systémique globale que nous traversons, notre équipe parle depuis quelques années déjà de « brouillard statistique » pour qualifier l’incapacité des outils actuels à mesurer l’économie réelle, voire la manipulation de ceux-ci afin de faire correspondre les résultats au discours politique (ou l’inverse). Si l’on met de côté cette tentation de manipulation, ce « brouillard statistique » provient également du fait que l’économie évolue profondément et que les indicateurs d’hier (PIB, chômage, etc.) ne sont plus pertinents dans le monde d’aujourd’hui. Après quelques vaines velléités de transformation de ces indicateurs depuis plus d’une décennie, nous voyons à nouveau naître de nouvelles initiatives que nous anticipons durables cette fois-ci, et qui occasionneront à court terme une certaine confusion avant de s’harmoniser d’ici 2025 sous l’impulsion d’instances internationales comme le G20.

Des limites des deux indicateurs vedettes

Les débats ou les propositions des campagnes électorales le montrent suffisamment : seuls semblent compter le taux de croissance du PIB d’une part, et le taux de chômage d’autre part. Ce n’est guère étonnant dans un système où le travail, tout comme l’accroissement des « richesses », tiennent une place centrale. Ces deux indicateurs ont aiguillé les politiques pendant de longues décennies avec des résultats qui peuvent être jugés satisfaisants sous de nombreux aspects. Néanmoins, si chaque point de croissance est de plus en plus difficile à aller chercher et le taux de chômage reste constamment si haut, c’est qu’il y a une raison. La société se transforme radicalement et ces deux indicateurs, qui ne reflètent pas ces évolutions, commencent à devenir obsolètes. Nous allons voir que leurs limitations ont plusieurs causes : statistique d’une part, politique ou idéologique d’autre part ; mais surtout, plus fondamentalement, ces indicateurs eux-mêmes, par construction, ne mesurent pas le développement harmonieux d’une société1

Ces deux mesures sont tellement emblématiques qu’elles font évidemment l’objet d’une pression politique intense et sont constamment l’objet de comparaisons internationales. Et là surgissent les premiers problèmes… Comment comparer des économies fonctionnant en devises différentes, dont les taux de change ne cessent de bouger violemment2 ? Nous avons déjà vu les effets pervers liés à l’utilisation d’un étalon unique, le dollar : nous en avons ici une nouvelle illustration. Ainsi, les États-Unis sont de loin le premier pays pour le PIB nominal exprimé en dollar, tandis qu’ils sont derrière la Chine en parité de pouvoir d’achat (PPA).


Figure 1 – Pays classés par PIB en parité de pouvoir d’achat, 2014. Source : The Conversation.

Autre exemple, quel sens a la comparaison de la croissance du PIB aux États-Unis, pays dont la population croît de 0,7 % par an3 , à celle de la zone euro où la population croît de seulement 0,3 % par an4 ? Ou encore, pourquoi comparer les revenus par habitant entre un pays où des services essentiels comme l’éducation ou la santé sont onéreux, à un autre où ils sont gratuits ?

En ce qui concerne le taux de chômage, les comparaisons sont plus délicates encore, car les méthodes de calcul diffèrent entre pays. Nous citons régulièrement le site ShadowStats pour son calcul alternatif du taux de chômage US, sans doute plus fidèle à la « réalité » (du moins celle ressentie par la majorité des Américains) : celui-ci donne une image singulièrement différente du marché du travail US…


Figure 2 – Taux de chômage aux États-Unis. Rouge : officiel / Gris : U6 / Bleu : ShadowStats. Source : ShadowStats.
Dans le cas du taux de chômage, ces statistiques ne mesurent pas ce qu’elles prétendent mesurer (ou plutôt ce que l’on entend communément par « chômage ») et sont donc trompeuses. Il en est de même pour le PIB qui n’est qu’un piètre reflet de la « richesse » d’une nation. C’est d’autant plus dommageable lorsqu’elles servent de guide à une politique économique, par exemple la modération salariale en Allemagne, au détriment de ses partenaires européens, ou encore le dumping fiscal irlandais pour attirer les multinationales…

Abonnez-vous pour lire la suite dans le bulletin GEAB 112

---
  1. Nous ne résistons pas à la tentation de partager avec vous la citation bien connue sur le PIB de Robert Kennedy en 1968 : « It measures everything, in short, except that which makes life worthwhile » (« [Le PIB] mesure tout, sauf ce qui rend la vie digne d’être vécue »).
  2. Pour rappel, un dollar US valait 0,62 euro fin 2008, et 0,94 maintenant… soit une variation de 50 % !
  3. Source : Wikipedia
  4. Source : Trading Economics

Source: https://www.les-crises.fr/geab-dislocation-statistique-globale-la-demultiplication-des-outils-de-mesure-de-la-realite-economique/


La tentation monarchique d’Emmanuel Macron, par Frédéric Says (France Culture)

Wednesday 29 March 2017 at 01:10

Source : France Culture, Frédéric Says, 23.03.2017

Le candidat d’En Marche assume sa “verticalité”.

“Vue du château de Chambord, le Régent Philippe II duc d’Orléans donne ses ordres pour la chasse”. Peinture de Pierre Denis Martin, 1722.• Crédits : Josse / Leemage – AFP

“Quel président voulez-vous être ?” La première question des débats télévisés est si générale, si large qu’elle semble avoir été conçue uniquement pour permettre aux candidats de s’échauffer la voix (et aux techniciens de régler leurs micros).

Mais au-delà des réponses stéréotypées, façonnées pour tenir en une minute trente, il convient de se concentrer sur des petits faits de campagne clairsemés. Pris bout à bout, ils permettent bien davantage d’éclairer cette interrogation.

Quel président voulez-vous être ? Chez Emmanuel Macron, cette série de faits clairsemés illustre une vision volontiers centralisatrice, voire une inclination quelque peu monarchique.

Passons vite sur la démarche d’avoir fait broder son parti de ses initiales, EM, passons sur les phénomènes de cour, logiques devant une ascension si spectaculaire, et concentrons-nous sur ses propositions.

Hier, devant l’Association des maires de France, le favori de la présidentielle a réitéré l’une de ses propositions-phares : la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Emmanuel Macron prive ainsi les collectivités locales de la maîtrise d’une partie de leur budget. Il s’est bien sûr engagé à ce que l’État compense le manque à gagner, mais cette reprise en main budgétaire face aux communes revient à une forme de re-centralisation. Car le gouvernement pourra toujours refuser, sous prétexte d’économies, de rembourser les collectivités à 100% (ce ne serait pas la première fois).
Une logique similaire prévaut pour une autre proposition d’Emmanuel Macron : la renationalisation de l’Assurance-chômage. Fini la gestion des partenaires sociaux, c’est l’État qui dirige.

Ajoutons à cela une mesure symbolique, certes, mais signifiante. Emmanuel Macron veut recréer les chasses présidentielles, cette lointaine tradition royale qui renvoie à François 1er. Selon le candidat d’En Marche, ces chasses présidentielles, supprimées en 2010, “fascinent partout” dans le monde et participent de “l’attractivité” de la France.

L’histoire ne dit pas si l’on verra le gouvernement En Marche, à cheval, débusquer le gibier dans la brume du domaine de Chambord. (Arrivés à ce stade du billet politique, vous comprenez enfin le choix de l’illustration)…

Pour caractériser cette éventuelle présidence Macron, il faut aussi observer la manière dont il conduit sa campagne…

Là encore, cela en dit plus long qu’un débat télévisé. L’organigramme est saisissant : contrairement aux autres prétendants, le candidat de En marche n’a pas de directeur de campagne. Le directeur de campagne, c’est lui. Par ailleurs, qui pourrait aujourd’hui citer le nom de l’un de ses porte-paroles ? Au-delà du cénacle journalistique, pas grand-monde… Candidat, directeur de campagne et porte-parole, Emmanuel Macron fait tout. Par son organisation, il nous dit : « la campagne, en l’état, c’est moi ».

Pas de jurys citoyens, nulle démocratie participative dans la bouche du favori de l’élection. « J’assume la verticalité », confesse-t-il d’ailleurs à propos de son mouvement. Ainsi, récemment, En Marche a annoncé que ses candidats aux législatives seraient désignés après la présidentielle. Autrement dit, encore davantage que dans les autres partis, ces candidats n’auront pas le temps de faire leur propre campagne et procéderont entièrement de la figure d’Emmanuel Macron.

Exemples isolés ou stratégie théorisée, Frédéric ?

Il ne faut pas y voir, me semble-t-il, des annonces de circonstances ou de coups de communication improvisés. Tout cela s’inscrit au contraire dans une réflexion historique et politique très construite. Emmanuel Macron en avait tracé les lignes dans un entretien fort intéressant accordé à l’hebdomadaire “Le 1”, en juillet 2015. Que dit-il ? A la question de savoir si “la démocratie est forcément déceptive”, Emmanuel Macron répond ceci :

“Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au coeur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu.”

Le discours du candidat En Marche est limpide. Il vise à concilier, sous l’habit du président, les “deux corps du Roi”, théorisés par Kantorowicz.

Derrière le discours d’Emmanuel Macron, peut-être faut-il déceler aussi un raisonnement plus stratégique. Depuis quinze ans, sur fond de lassitude démocratique, chaque président est élu par contraste avec son prédécesseur : la fin de mandat de Jacques Chirac fut jugée ronronnante, alors Nicolas Sarkozy se présenta en “candidat de la réforme et de la rupture”. Le mandat de Nicolas Sarkozy fut jugé vibrionnant et bling bling, alors François Hollande se présenta en “candidat normal”. Le mandat de François Hollande est marqué par le manque d’incarnation, alors Emmanuel Macron se fait fort de la restaurer.

Source : France Culture, Frédéric Says, 23.03.2017

---

Source: https://www.les-crises.fr/la-tentation-monarchique-demmanuel-macron-par-frederic-says-france-culture/


Cabinet noir ? Par François-Bernard Huyghe

Wednesday 29 March 2017 at 00:45

Source : François-Bernard Huyghe, 25-03-2017

Cabinet noir” est devenu en quelques jours un mantra. L’auteur de ces lignes (pas plus d’ailleurs ques ceux de “Bienvenue place Beauveau” qui disent ne pouvoir ni le prouver ni l’infirmer et que nous n’avons pas lus) n’a aucun moyen d’en démontrer l’existence.

Du moins si l’on entend qu’un groupe de très hauts fonctionnaires se réunissent formellemen sous l’égide du Président pour faire des coups tordus contre des adversaires politiques. Nous serions fort étonnés qu’il y ait une structure spécifique avec un nom, une liste de membres, des réunions où l’on dise “et maintenant ouvrons la sécance du cabinet noir” , pourquoi pas des cagoules et des mots de passe comme dans Tintin. En revanche, il n’est pas difficile imaginer une “fonction cabinet noir” ; elle consisterait en une stratégie de remontée de l’information compromettante au plus haut niveau et de déclenchement de campagnes médiatiques ou judiciaires (fuites, suggestions, conversations informelles avec des journalistes ou des magistrats) afin que des affaires tombent au bon moment pour embarasser l’adversaire.
L’argument des “partisans” du cabinet noir repose sur la vraisemblance : vous n’allez pas me faire croire que tout cela est le fruit du hasard, que cette simultanéité est spontanée, qu’il n’y a aucune intentionnalité derrière, que tous ces documents confidentiels dont certains couverts par le secret de l’instruction tombent du ciel dans la corbeille de journalistes militants, que des fonctionnaires, des juges membres d’un certain syndicat, etc..

Les contre-arguments sont soit 1) d’ordre moral et paralysants (vous savez bien que la justice est totalement indépendante (grâce à nous) et vous offensez la République en les soupçonnant, comment oser questionner notre probité ?

Soit 2) des arguments portant sur l’intention des premiers : vous vous trumpisez, vous êtes des complotistes, vous essayez de détourner l’attention de vos fautes véritables en parlant de conspirations imaginaires et d’abus d’autorité inimaginables

Aucun de ces arguments – vraisemblance ou “dignité” – ne porte sur le fond, sur la preuve de faits bruts. Ce qui est normal pour une activité par nature clandestine et sensée ne pas laisser de traces (on imagine mal un verbatim du cabinet noir rangé dans un tiroir de l’Élysée en attendant son prochain occupant).

Si, donc, rien n’est avéré (au moment où nous écrivons le livre n’est même pas en librairie), on peut raisonner par rapport à des exemples historiques :

– “cabinet noir” est d’abord, sous l’ancien régime, le surnom des services qui ouvrent systématiquement (sans doute depuis Richelieu) les lettres qui passaient par les postes royales. C’est notamment le fameux avec le fameux “secret du roi” de Louis XV, où les extraits de correspondances révélatrices sont recopiées et où éventuellement des spécialistes décryptent les messages secrets qu’elles contiendraeint. Nous sommes dans la surveillance pure, sensée disparaître avec la proclamation du principe d’inviolabilité de la correspondance par la Révolution

– Sous la V° République, plusieurs fois, l’opposition accusera le pouvoir soit de la surveiller de façon illégale soit, de surcroît, de monter des machinations pour détruire la réputation de tel ou tel adversaire. Il est avéré (du moins, des décisions de justice ou des inculpations l’attestent) qu’il y a eu, sous Mitterand, des “écoutes de l’Élysée” et une “cellule” qui surveillait des gêneurs comme Jean Edern Hallier ou Edwy Plenel. À l’époque Mitterrand, on sait comment fonctionait le sytème : abus du système des écoutes dites “administratives” (système qui a été réformé depuis), utilisation de policiers, relais médiatiques, etc. Mais cela nous le savons par un jugement du Tribunal de correctionnel de 2005, c’est-à-dire plus de vingt ans après les faits.

– Sous Chirac, on parlera d’un “cabinet noir” dirigé par P. Massoni et Y. Bertand et la DCRG : ils auraient monté des “coups” contre Pasqua, Jospin ou Sarkozy. En 2011, François Hollande déclarait : “Il y aurait à l’Élysée au côté même du président de la République, une cellule qui, avec la police, avec la justice, ferait pression pour que des affaires soient lancées et d’autres étouffées”. Sarkozy n’échappera pas à l’accusation, comme ministre de l’Intérieur puis comme président : anciens des RG qui surveilleraient des journalistes dont ceux de Médiapart, réquisitions illégales auprès d’opérateurs téléphoniques (affaires des “fadettes”)… Sous le présent quinquenat, la façon dont N. Sarkozy a été compromis dans treize affaires, écouté, y compris sous son pseudonume de Bismuth, crée de nouveaux soupçons : tout cela se produit-il spontanément ? Le Tracfin est-il employé comme relais ? Le syndicat de la magistrature ? Tous les arguments que l’on retrouvera dans la rhétorique de Fillon (le fait que des révélations soient orchestrées n’enlevant rien sur le fond au fait que les révélations soient vraies, comme dans le cas des mails fuités du parti démocrate américain).

Savoir s’il existe ou a existé des groupes informels remplissant la fonction cabinet noir, voilà ce dont nous n’avons aucune compétence pour trancher et qui demande des enquêtes de fond.

En revanche, il y a une bonne probabilité que – indépendamment de la moralité ou du respect des principes républicains par la droite ou la gauche – la tentation en soit forte.

La première est que l’aspect surveillance/dissimulation est techniquement de plus en plus facile (voire l’accumulation des révélations sur la surveillance par la NSA, la Cia, le FBI etc qui ne cesse depuis des années : pourquoi cela ne se produirait-il jamais en France). Que des services d’État puisse accumuler les moyens de suveiller, c’est évident. Et que des fonctionnaires qui se trouveraient en présence de pièces compromettantes sur tel ou tel homme politique connu, n’ouvrent jamais le parapluie, ne transmettent jamais à leur hiérarchie ou que les sujets hypers sensibles soient cloisonnés : voilà ce qu’un enfant de huit ans aurait du mal à croire.

Mais après la dissimulation, la stimulation : déclencher des mécanismes de mise en cause, judiciaire et/ou médiatique, pour compromettre (un “kompromat” disent les Russes) si l’on bénéficie de relais idéologiques auprès de fonctionnaires acquis à votre cause ou auprès d’une presse qui, sans vous adorer positivement, est toute prête à faire un scoop en lynchant votre adversaire qu’elle n’aime guère.
Tout savoir sur l’adversaire et jouer des relais d’influence des deux ressorts de nos sociétés post-politiques – règne du droit, indignation médiatique – : pas besoin d’être un esprit machiavélique pour songer à des recettes aussi en accord avec les tendances du temps.

Source : François-Bernard Huyghe, 25-03-2017

---

Source: https://www.les-crises.fr/cabinet-noir-par-francois-bernard-huyghe/


[Bien sûr…] Et maintenant l’Éducation Nationale recommande le Décodex !

Tuesday 28 March 2017 at 01:45

Pays en perdition…

Le 8 février dernier, j’ai alerté sur la volonté du Monde d’investir les écoles :

J’ai bien vu que j’ai eu un succès d’estime.  🙁

Vous savez, en général, il y a des principes assez simples (genre : “on ne doit pas aller en prison pour des opinions non violentes”, “un journaliste n’a rien à faire dans une école, c’est aux enseignants à enseigner”, etc.). Ou on les respecte, ou on ne le respecte pas. Après, il y a toujours des situations limites, où on voudra inciter à briser le principe “pour la bonne cause”. Mais très souvent, quand la digue est brisée, on ne peut plus arrêter le mouvement.

Hier, j’ai ainsi reçu ce mail d’un lecteur :

Bonjour M. Berruyer,

Je viens d’un seul coup de me rendre compte à quel point vous avez 1000 fois raisons sur cet affaire de Decodex, et qu’il est du devoir de tous de ne rien laisser passer. Mon fils est en 5e, et en tant que parent d’élève je m’informe de ce qui s’y passe comme tous les autres parents via Liberscol [NdR : le “cartable électronique” du collège auquel ont accès les parents]. Et voilà ce que le collège vient d’envoyer à tous les parents :

http://www.clemi.fr/fileadmin/user_upload/espace_familles/guide_emi_la_famille_tout_ecran.pdf

S’il vous plaît ne zappez pas et allez à la page 22 de ce document, vous y lirez un chapitre tenez-vous bien de Mr Samuel Laurent. Je suis plus qu’en colère et je vais faire un scandale dès demain au collège de mon fils. Ce qu’il se passe est gravissime, et je vous soutient à 100% dans votre action en justice contre ces gens, il ne faut plus rien laisser passer. Y aura-t’il une 2e collecte ? Je veux participer. Ne lachez rien. Bien à vous,

Voici ce qu’on y trouve :

On notera au passage que le Clémi est récidiviste, car dans le “dossier pédagogique 2017 de la Semaine de la presse et des médias dans l’école” qui vient d’avoir lieu, on trouve des recommandations pour le blog Conspiracy Watch de Rudy Reichstadt dont a vu les méthodes… (nous en reparlerons) :

Ainsi, je voudrais donc savoir si quelques personnes ont envie de se bouger un peu, pour m’aider à remonter ce sujet aux associations de parents d’élèves, au Ministère et aux élus du Clémi ? Me contacter ici.

En attendant vous pouvez réagir, en contactant le Clémi (Par mail, Twitter @LeCLEMI, Facebook), pour vous plaindre en indiquant entre autres qu’il ne revient pas au Clémi de faire de la publicité pour des entreprises privées (comme Le Monde), et encore moins pour des outils biaisés et très contestables comme le Décodex.

Sinon, ce n’est pas grave, c’est Samuel Laurent qui va éduquer vos enfants… 🙂

Je vous laisse en tout cas imaginer où ce mouvement en sera dans 2 ou 3 ans à ce rythme sans réaction – ils ont bien dit qu’ils étaient “en guerre“…

P.S. Le lecteur m’a réécrit ce soir :

Bonjour Olivier,
J’ai exprimé ce matin tout mon ressenti au directeur du collège de mon fils en lui faisant remarquer :
1 – qu’une information se devait d’être neutre et non partisane
2 – que j’étais adulte et responsable et que je n’avais nullement envie d’être « guidé » (Surtout par Samuel Laurent)
3 – qu’un collège relevant de l’Éducation Nationale censé défendre la langue française diffuse un document truffé d’anglicismes (digital native, real life, fact-checking etc.), même s’ils sont devenus à tort ou à raison langage courant sur le Net, me paraissait contraire à la loi du 4 août 1994 et à notre constitution.
Je l’ai senti gêné, et sans que je lui demande il a purement et simplement retiré ce document du Liberscol du collège. Fin de l’épisode. (Pour l’instant)

Lors de la publication de vos premiers articles sur le Decodex j’avoue très honnêtement avoir fait partie des personnes qui trouvaient que vous en faisiez trop. Cet épisode m’a ouvert les yeux et votre réaction était je le reconnais saine. Cette histoire va beaucoup plus loin qu’on ne le pense.
Cordialement,

Comme quoi, la mobilisation, ça paye… 🙂  Mais combien d’autres collèges où cela continue ?

Précision : il n’y a aucune allusion ethnique dans mon propos – je cherchais juste un dessin d’évangélisateur. Les journalistes risquent bien de commencer plutôt par Louis le Grand que par Bobigny…

Source: http://www.les-crises.fr/bien-sur-et-maintenant-leducation-nationale-recommande-le-decodex/


Trusts : Invalidation de l’amende proportionnelle de 12,5% par le Conseil constitutionnel, par Nicolas Marguerat, Avocat

Tuesday 28 March 2017 at 00:50

En passant, toujours dans notre série “Le Conseil Constitutionnel 2.0”

Source : Village de la Justice, Nicolas Marguerat, 23-03-2017

Dans sa décision 2016-554 du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel avait annulé l’alinéa 2 de l’article 1736 du Code général des impôts qui prévoyait une amende proportionnelle de 5% pour non-déclaration des comptes détenus à l’étranger dès lors que le montant global desdits comptes était supérieur à 50.000 euros.

Dans une nouvelle décision 2017-618 du 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions de l’article 1736, IV bis du Code général des impôts (applicables jusqu’au 31 décembre 2016) qui prévoyaient une amende proportionnelle de 5% ou de 12,5% pour défaut de déclaration des trusts constitués à l’étranger.

L’amende proportionnelle de 5% a été applicable du 29 juillet 2011 au 8 décembre 2013 dès lors que ce montant était supérieur à l’amende forfaitaire de 10.000 euros (c’est-à-dire en pratique lorsque la valeur du trust excédait 200.000 euros) et celle de 12,5 % du 8 décembre 2013 au 31 décembre 2016 dès lors que ce montant était supérieur à l’amende forfaitaire de 20.000 euros (c’est-à-dire en pratique lorsque la valeur du trust excédait 160.000 euros) pour les infractions relatives aux déclarations devant être souscrites durant ces périodes.

Le Conseil d’État avait transmis au Conseil constitutionnel le 26 décembre 2016 une question prioritaire de constitutionnalité en interrogeant le Conseil sur le fait de savoir si les dispositions de l’article 1736, IV bis du Code général des impôts prévoyant, d’une part, l’amende proportionnelle (de 5% ou 12,5%) portaient atteinte en particulier au principe de proportionnalité des peines et, d’autre part, l’amende forfaitaire (de 10.000 euros ou 20.000 euros) portaient également atteinte aux principes d’égalité devant la loi et d’individualisation des peines.

L’inconstitutionnalité de l’amende proportionnelle était attendue puisque le Conseil constitutionnel avait déjà sanctionné l’alinéa 2 de l’article 1736 du Code général des impôts sur la base des mêmes arguments dans sa décision du 22 juillet 2016…

Le Conseil constitutionnel avait estimé dans ladite décision de ce qu’en sanctionnant le manquement à une obligation déclarative une amende calculée par application d’un pourcentage du solde du compte bancaire non déclaré méconnaissait le principe de proportionnalité des peines.

Le Conseil constitutionnel avait décidé, au visa de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, que « l’amende de 5%, qui réprime l’absence de déclaration annuelle des comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l’étranger, est fixée en pourcentage du solde de ces comptes dès lors que le total de ces soldes excède 50 000 euros au 31 décembre de l’année. Cette amende est encourue même dans l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’ont pas été soustraites frauduleusement à l’impôt. En prévoyant une amende proportionnelle pour un simple manquement à une obligation déclarative, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu réprimer. Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, les dispositions contestées, qui méconnaissent le principe de proportionnalité des peines, doivent être déclarées contraires à la Constitution. »

Le Conseil constitutionnel avait par contre validé le principe de l’amende forfaitaire.

Bis repetita placent !

Dans sa décision du 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel censure donc l’amende proportionnelle (de 5% applicable jusqu’au 8 décembre 2013 et de 12,5 % applicable jusqu’au 31 décembre 2016) en ce que celle-ci méconnait le principe de proportionnalité des peines.

En effet, le Conseil constitutionnel retient […]

Lire la suite sur : Village de la Justice, Nicolas Marguerat, 23-03-2017

---

Source: http://www.les-crises.fr/trusts-invalidation-de-lamende-proportionnelle-de-125-par-le-conseil-constitutionnel-par-nicolas-marguerat-avocat/


[Vidéo] La dette en héritage. 100% Econoclastes n°02

Tuesday 28 March 2017 at 00:31

J’ai participé au tournage du prochain 100 % Éconoclastes, qui sera probablement diffusé lundi. En attendant, je vous recommande cette émission, si vous ne l’avez pas vue au début du mois…

Source : Youtube, Les Econoclastes, 06-03-2017

La dette en héritage. 100% Econoclastes n°02
Avec Philippe Béchade, Pierre Sabatier, Olivier Delamarche, Olivier Berruyer, Benjamin Louvet et Jean-Pierre Corbel.

Source : Youtube, Les Econoclastes, 06-03-2017

Source: http://www.les-crises.fr/video-la-dette-en-heritage-100-econoclastes-n02/