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[Analyse] La France doit-elle s’inquiéter des “pratiques inqualifiables” d’Amazon ?

Friday 15 August 2014 at 05:02

Les billets du jour semblent décousus, mais pas du tout.

Ils visent vraiment à souligner comment les médias “fabriquent le méchant”, souvent à tort ou de manière très exagérée.

Donc après le méchant Russe, le méchant Turc, voici le méchant Marchand en ligne américain…

Analyse donc d’un billet du Nouvel Obs – et c’est loin d’être le pire…

Tandis qu’Amazon fait la guerre à Hachette aux Etats-Unis, et qu’Aurélie Filippetti dénonce une “atteinte à la diversité littéraire”, quelques raisons de dédramatiser.

Aux États-Unis, Amazon et Hachette Books sont en conflit au sujet des livres numériques. Amazon veut imposer à tous les livres numériques un prix unique de 9,99$, alors que la filiale américaine de l’éditeur propose des tarifs compris entre 12,99$ et 19,99$.

Salauds d’Amazon, diviser le prix des livres électroniques par 2 !!!

Pour obliger Hachette à réduire ses marges, Amazon a recours depuis le mois de juin à des méthodes qualifiées par certains de «déloyales» contre les ouvrages édités chez Hachette: allongement des délais de livraison, refus d’effectuer les rabais ou d’enregistrer les précommandes. Ce week-end, 909 auteurs ont attaqué Amazon en publiant une lettre ouverte à Amazon dans le «New York Times».

Mardi 12 août, Aurélie Filippetti a salué leur coup de gueule. La ministre de la Culture a confié au «Monde» : “Cet épisode est une nouvelle révélation des pratiques inqualifiables et anticoncurrentielles d’Amazon. C’est un abus de position dominante et une atteinte inacceptable contre l’accès aux livres. Amazon porte atteinte à la diversité littéraire et éditoriale.”

Je vois mal le problème particulier. La pression entre l’acheteur et le fournisseur professionnels, c’est bien aussi vieux que le commerce, non ?

Et en particulier, c’est bien une des bases de la grande distribution au sens large, non ?

Mais SURTOUT, si le raisonnement peut tenir pour la grande distribution (si Carrefour déréférence une marque, tous les acheteurs proches d’un Carrefour en seront évidement privés – il ne vont pas aller chez Auchan à 40 km plus loin pour un paquet de pâtes – et cela arrive, lire ici par exemple), c’est juste du DÉLIRE de parler de ça pour Internet !!! Mais quelle que soit la part de marché d’Amazon, s’il manque un produit chez eux (ce qui est mauvais pour leur image) que vous désirez, ben vous cliquez et allez chez Fnac.com ou Décitre ou le site d’un libraire !!!

Bref, Amazon essaie de diviser le prix des livres par 2, et c’est une “pratique inqualifiable” – heureusement que la ministre défend le livre. Ministre des bobos germanopratins serait mieux adapté quand même…

Dernier point : il est honteux d’accuser Amazon pour la diversité culturelle, alors que c’est un outil qui l’a relancé. En effet, vu sa taille Amazon vend plein de fonds de catalogues d’éditeurs, qui, sans lui, auraient été pilonnés. C’est pour ça que j’ai déjà rencontré plusieurs éditeurs très contents d’Amazon…

Alors, la France doit-elle s’inquiéter de l’irrésistible ascension d’Amazon ? Sa «diversité littéraire et éditoriale» est-elle menacée ?

Mais quelqu’un a-t-il déjà vu un papier dans un média avec “ la France doit-elle s’inquiéter de l’irrésistible ascension de Carrefour ?” juste pour savoir ? Ou non, mieux :  ” la France doit-elle s’inquiéter de l’irrésistible ascension de Hachette ?” ? Oups, je suis bête, non bien sûr, sinon, il n’y a plus de pub vendue… (Amazon n’a pas encore compris qu’il fallait acheter les médias chez nous…)

1. Amazon pourrait-il imposer ses tarifs en France ?

Théoriquement, non, car le prix des livres est protégé par deux lois. La fameuse «loi Lang», ou «loi sur le prix unique du livre», promulguée le 10 août 1981. Elle impose que le prix soit déterminé par l’éditeur, et respecté par tous les détaillants – traditionnels ou en ligne -, quelle que soit la période de l’année. Le détaillant a droit à un rabais limité à 5% du prix.

On explique souvent que cette loi a évité à la librairie indépendante de se faire avaler par les grandes surfaces. Elle a même fait des émules : 13 pays européens, ainsi que le Japon, la Corée du Sud et le Mexique l’ont adoptée. Très récemment, Israël aussi.

16 pays sur la Planète – impressionnant… Donc 15 pays de l’UE ne l’ont pas adoptée, pas plus que les USA, l’Australie, etc.

Chez nous, la «loi sur le prix du livre numérique» du 26 mai 2011 a étendu le principe au numérique. De la même façon, c’est à l’éditeur qu’elle donne le pouvoir de fixer son prix de vente «pour tout type d’offre à l’unité ou groupée». Cette loi s’impose à tous les revendeurs, où qu’ils soient, dès lors qu’ils proposent des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France.

2. Amazon peut-il contourner la loi ?

Depuis longtemps, Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, essaye de faire tomber la loi Lang en France. Il s’est entretenu avec plusieurs parlementaires sur le sujet. On le soupçonne fréquemment de dépêcher des lobbyistes bruxellois auprès de la Commission européenne.

Jusqu’en juillet dernier, Amazon arrivait à faire pression sur le prix des livres en proposant à la fois un rabais de 5% (comme la loi l’autorise) et la gratuité des frais de livraison. Si cette pratique arrangeait bien les acheteurs, on ne pouvait pas en dire autant pour les libraires.

C’est bien de choisir son camp. À un moment, j’ai cru qu’ils défendaient le livre, je suis tarte quand même…

Pour les aider à contrer les conditions de vente imbattables de leur rival virtuel, le gouvernement a adopté le 8 juillet 2014 la «loi encadrant les conditions de la vente à distance des livres», dite loi «anti-Amazon». Ce texte, déposé à l’origine par l’UMP, interdit aux sites de vente en ligne de cumuler le rabais de 5% et la livraison offerte. Fin de l’histoire ?

Certainement pas. Amazon a immédiatement trouvé la parade: désormais, il facture ses frais de port à… 1 centime d’euro. Celle-là, Aurélie Filippetti ne l’avait pas vu venir. Elle a toutefois expliqué au «Monde»: “Nous n’avions jamais dit que cette loi allait tout régler. C’était un combat politique. Nous savions qu’ils allaient chercher à la contourner. Nous avons agi par la loi pour que cette entreprise ne puisse pas utiliser l’argument commercial de la gratuité des frais de port. Ce sont des banderilles que nous continuerons à planter dans le flanc d’Amazon.”

Ah. Bah oui, ça ne se fait pas quand on est journaliste d’écrire  que 900 parlementaires ont voté à l’unanimité un texte qui a simplement augmenté de 5 % les prix des livres en ligne ! (bah oui, c’est pour aider le livre, vous comprenez…) Mais si on le dit clairement, les lecteurs du site risquent de ne pas être contents…

Mais le géant américain a plus d’un tour dans son sac. Pour offrir des prix de ventes avantageux, il peut jouer avec les livres dits «d’occasion comme neufs». Sur le site, on s’aperçoit par exemple que le roman de Maylis de Kerangal, «Réparer les vivants», qui coûte normalement 18,90€, est proposé sur Amazon à 13€ en «occasion comme neuf». En ajoutant les 2,99€ de frais de port, il revient donc à 15,99€: une affaire bien plus intéressante que les 5% de remise autorisés.

Oh c’est du lourd, la journaliste découvre le principe des ventes d’occasion !!!

Eh oui, c’est moins cher que du neuf, bravo ! Mais juste, tout livre d’occasion a d’abord été vendu NEUF avant !!!! Et là, ce n’est pas Amazon qui le vend, c’est un particulier… Mais bon, c’est pas grave (je lui dis que sur leboncoin, il y a une offre à 2 €, état “tout pourrave car tombé dans la baignoire” ?)

3. Combien pèse Amazon sur le marché du livre français ?

Le cybermarchand est le troisième libraire français, après la Fnac et les centres Leclerc.

Ah, “centre Leclerc”, ça compte pour “libraire” maintenant ?

Selon «Xerfi», il devrait même devenir «premier du livre tous formats avant 2017». Ce qui est déjà certain, c’est qu’Amazon a révolutionné notre manière d’acheter des livres.

Toutefois, en France, Amazon ne vend que 8% des livres, ce qui n’est rien comparé à ses résultats américains: là-bas, il assure la distribution de 65% des livres numériques et d’environ 35% des livres traditionnels. 2013 a d’ailleurs marqué un tournant chez les Américains, puisque l’achat de livres en ligne (imprimés ou numériques) a dépassé pour la première fois l’achat de livres dans un lieu physique.

Bon déjà, intermède mathématique, 8 % par rapport à 35 %, ce n’est pas “rien”, c’est presque le quart…

Ensuite, la journaliste n’est sans doute jamais allée aux USA (peut-être n’a-t-elle même jamais passé le périphérique, et croit que la Province, niveau librairie, c’est comme Saint Germain des Près), mais, intermède démographique, je rappelle que la densité de population aux USA est de 31 hbt/km²  contre 112 hbt au km² en France – ce qui n’est pas “rien”, mais est à peine le quart… (tiens, tiens…). Et donc, quand tu es fin fond de l’Utah, heureusement qu’il y a Amazon, car le libraire les plus proche est 800 km… Et que sans libraire en ligne, ben il n’y aura pas de vente de livres (comme dans la moitié de la France)

Le 18 juillet, Amazon a dévoilé son nouveau service, censé révolutionner le secteur: Kindle Unlimited, surnommé le «Netflix du livre». Pour 9,99$ par mois, l’utilisateur peut lire tous les ouvrages qu’il souhaite, sur Kindle uniquement, bien sûr.

Purée, ce sont quand même des ordures ces gens-là…

Son succès dépendra du catalogue disponible. Pour le moment, le «Big Five» des éditeurs américains (Haper Collin, MacMillan, Penguin, Simon & Schuster, et… Hachette) a refusé de s’y associer. Kindle Unlimited n’est disponible qu’aux États-Unis. Son arrivée en France n’a pas été annoncée.

4. Le livre numérique s’impose-t-il en France?

Selon le Syndicat national de l’édition, le numérique représentait en France 4,1% des ventes de livres en 2013 (soit 105 millions d’euros de chiffre d’affaires). Dans un communiqué de presse datant du 26 juin 2014, le syndicat expliquait : “À catalogue égal, nous pouvons estimer que pour les livres grand public publiés à la fois sous forme numérique et imprimée, la part du numérique représente 5 à 7%.”

Et 5 à 7%, c’est peu, quand on sait qu’aux États-Unis, le marché des e-books représente 30 % des ventes parmi les livres grand public (soit quelque 5 milliards de dollars).

20 % ce n’est pas “peu”, quand on voit la rapidité de la croissance et le retard temporel entre les pays – qui resteront cependant différents…

5. Amazon domine-t-il le marché des liseuses ?

Pour lire numérique, les Américains privilégient la liseuse Kindle d’Amazon, qui a fait littéralement décoller les ventes d’e-books (jusque-là minimes) lors de sa première commercialisation, en 2007. Amazon refuse toutefois de communiquer sur ses chiffres de vente. Le site n’a fait qu’une seule exception, en décembre 2011, lors de la sortie du Kindle Fire : il annonçait avoir vendu ce mois-ci 1 million de Kindle, tous types confondus, par semaine.

«Écrivez, on s’occupe du reste», un documentaire consacré à Amazon diffusé sur Arte le 16 avril dernier, dévoilait des chiffres significatifs : “À l’échelle mondiale, Amazon est indéniablement le leader du livre numérique. Mais en France, le Kindle a un rival de taille: la liseuse Kobo, vendue par la Fnac. En 2012, son fondateur, Michael Serbinis, se félicitait d’avoir dépassé Amazon, tant par le nombre de liseuses que par le nombre d’e-books vendus. Preuve que chez nous, la firme de Seattle n’est peut-être pas indétrônable.

Non, la question ce n’est pas “Amazon est-il indétrônable”, c’est, “Mais comment diable la Fnac, au vu de son image et de son implantation, a-t-elle pu être aussi mauvaise pour se faire tailler des croupières par un concurrent sans guère d’avantage compétitif par rapport à elle, dans un marché de prix unique du livre ????”. Une des réponses est “entreprise sombrant dans le financiarisme avec ses reventes permanentes” vs “entreprise avec un PDG brillant bâtissant à long terme”.

Chloé Thibaud

Une journaliste qui ira loin ! :)

Source : Nouvel Obs

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Extrait du papier du Monde :

“Pour Amazon et Hachette, les enjeux ne sont pas comparables. L’e-commerce est une activité bénéficiaire pour Amazon, mais elle ne représente qu’une partie minoritaire de son chiffre d’affaires. Si Amazon recule sur le prix des livres électroniques, l’impact dans ses comptes sera donc faible, d’autant plus qu’elle détient 60 % de parts de marché aux Etats-Unis. Le préjudice pour Hachette serait vraisemblablement beaucoup plus important.”

Ben, pourquoi ne pas donner les chiffres ?

“Hachette Livre”, année 2013  : 2,07 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur le livre, résultat opérationnel courant (Résop) de 223 millions d’euros – soit près de 11 % de bénéfice !

Amazon, 2e trimestre 2014 : 19,34 milliards de dollars, une perte nette de 126 millions de dollars – soit -0,7 % de pertes…

Lequel est le méchant ?

“Cherchant un moyen de faire baisser les prix sur le marché français, Amazon a tenté de faire passer les frais de livraison à 0 euro. La Fnac l’a imitée. Ce dumping n’a pas été vu d’un bon œil par le Parlement, qui a voté au printemps une loi dite « anti-Amazon » pour interdire le cumul de la gratuité des frais de port et le rabais de 5 %. Réponse des intéressés ? Faire passer les frais de port de 0 à… 1 centime d’euro « sur les commandes contenant des livres ». Et la Fnac de lui emboîter le pas.”

J’ai déjà expliqué qu’il n’y avait aucun dumping (vente à perte, je le rappelle), alors que, livraison comprise, Amazon fait facilement 25 % de marge nette sur les livres… Ce n’est juste pas le même modèle. Quand vous achetez un livre en librairie, vous avez eu AUSSI une livraison gratuite du livre, mais à la librairie, et pas chez vous…

“Le but de ce texte, aussitôt promulgué, aussitôt contourné, était de protéger un secteur malmené depuis quelques mois, en figeant les prix. ”

Hein ??? Contourné par le méchant Amazon ? Là encore, le Monde ne vous dira pas clairement : tiens la loi c’est + 5 % sur le prix du livre en ligne…

“Un détail, et pas des moindres, Amazon est régulièrement pointé du doigt pour ses pratiques fiscales : la société paierait en effet un impôt largement inférieur à ce qu’elle devrait verser au vu de son chiffre d’affaires réalisé sur le territoire. Cet argument est repris par les pourfendeurs de la firme américaine, qui estiment qu’elle bénéficie de fait d’un avantage concurrentiel injustifié.”

Euh, quel impôt Amazon est censé payer ? Si c’est l’impôt sur les bénéfices, comme il est en perte, il n’y a pas une grosse évasion…

On en a déjà parlé sur ce blog :

Alors oui, Amazon  économise peut-être 5 ou 10 M€ d’impôt. Mais Microsoft et “Saint” Apple, c’est 300 M€ chacune, Google 150 M€.  C’est qui le méchant ? “Bizarre”, on ne parle jamais de cette énorme évasion d’Apple quand ils sortent un iphone…

“De grands libraires américains pâtissent aussi de la concurrence d’Amazon. Barnes & Noble a ainsi vu son chiffre d’affaires chuter de 10 % en deux ans, victime de l’essor du commerce en ligne et du développement des livres numériques, dans un pays où lire sur tablette est devenu banal.”

 Ben oui, désolé, ils vont aller rejoindre les maréchaux-ferrants et les vendeurs de bougies…

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Quelques infos pertinentes sur Les Echos

“Amazon a publié sur son site un communiqué qui réclame une baisse du prix des e-books, à 9,99 dollars au lieu de 14,99 ou 19,99 dollars. Selon ses calculs, ce tarif permettrait de vendre 1,74 fois plus d’exemplaires. Au final, les revenus du secteur augmenteraient alors de 16 % et les auteurs élargiraient leur audience de 74 %. Amazon veut, aussi, des changements dans la répartition des revenus, demandant 30 % des recettes.”

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Ici :

“Pour y parvenir, le groupe Internet de Jeff Bezos n’hésite pas à impliquer directement les auteurs. La fin justifie les moyens ?  Amazon.com Inc propose que les auteurs rattachés à la branche américaine de la maison d’édition Hachette (propriété du groupe Lagardère) conservent la totalité des recettes des ventes de livres électroniques écoulées sur son site marchand.

Des sauvages inhumains…

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Le papier des Inrocks, qui ont ressorti Malet, dont j’avais déjà parlé ici, qui a dit « Les travailleurs chez Amazon ont des conditions de travail dignes du XIXe siècle », en renvoyant aussi vers cette critique très drôle : Drame : un journaliste découvre le monde du travail

Si on ne peut que déplorer les conditions de travail (il me semble quand même qu’il n’y a pas d’enfants et que les gens ne bossent pas 60 heures par semaine comme au XIXe siècle), j’attends de voir des enquêtes montrant qu’elles sont significativement différentes de celles de la grande distribution). Ce que je trouve choquant – outre ces conditions – c’est le coté Tartuffe des belles âmes vomissant Amazon et allant faire leurs courses chez Auchan sans se poser de questions (“mais c’est de l’exploitation françaiiiiise Moooonsieur !!!”)… Mais bon, quel journal fera de la pub à un livre dénonçant les conditions de travail chez Carrefour ou les pratiques commerciales d’Hachette ?

En tous cas, c’est là où on peut en vouloir à la Fnac, non seulement de n’avoir pas été innovante, mais SURTOUT de ne même pas être capable de COPIER le site internet d’Amazon… (passez 5 minutes sur le site des 2, vous verrez…)

“Ce qu’il faut avant tout rappeler c’est qu’Amazon a une culture d’entreprise particulière et un but ultime : être en mesure de tout vendre et de tout livrer, en une journée, n’importe où sur la planète. Cela afin de faire d’Amazon la passerelle unique pour toute consommation marchande. Qu’il s’agisse de livres, de lessive, ou d’un motoculteur. Amazon n’opère pas comme un commerçant traditionnel. L’idéologie de Jeff Bezos est libertarienne, anarcho-capitaliste. J’ai découvert lors de mon immersion que cette multinationale cultive une attitude violente, basée sur le rapport de force, que ce soit avec ses travailleurs, ses concurrents, ou, comme c’est le cas désormais avec Hachette, avec ses fournisseurs. Ce qui est frappant dans ce conflit l’opposant à Hachette, c’est le type de moyens utilisés : Amazon a notamment communiqué l’adresse électronique personnelle d’un cadre d’Hachette en poussant les consommateurs à lui adresser leurs plaintes. Ce sont des méthodes archaïques. Amazon les emploie car l’entreprise ambitionne d’être le numéro 1 en tout.”

Il a bien fait d’enquêter…

“Quand Amazon freine la circulation de produits Hachette, l’entreprise s’érige comme capable de décider de ce qu’est un bon ou un mauvais prix, se comportant comme une autorité morale qui décide de ce que devrait être le prix d’un livre. C’est quelque chose de très dangereux. C’est au boulanger à fixer le prix de son pain en fonction du cours du blé et de son approche du métier. C’est la même chose pour le monde de l’édition. Quand une multinationale prétend agir pour le bien de l’humanité, il s’agit selon moi d’être méfiant.”

Je ne savais pas que Panzani imposait ses prix à Carrefour…

“En apparence Amazon prétend “démocratiser” l’édition en permettant à n’importe quel auteur de proposer son ebook à la vente sur sa plateforme. Pourquoi pas ? Mais en réalité le projet d’Amazon va plus loin, il est de tuer l’édition traditionnelle pour se substituer à elle, de vendre à partir de ses tablettes des films, des livres, de la musique directement téléchargeables. Amazon devenant alors éditeur, producteur, diffuseur et vendeur. Dans ce scénario digne d’un roman d’anticipation mais qui se fait plus vrai chaque jour un peu plus, Amazon pourrait se retrouver en situation de monopole au sein de l’industrie culturelle.”

“En réalité l’entreprise gagne sans cesse des parts de marché : pour vendre un article, que ce soit un livre, un article de sport ou des condiments pour grillades, Amazon mobilise 14 fois moins de main-d’œuvre que dans un commerce traditionnel, et pour le même chiffre d’affaires. Amazon est comme un poisson carnassier qui mange les autres petits poissons du lac, un à un. ”

“Tous les biographes de Jeff Bezos le racontent, et les hagiographes le racontent aussi : il ne s’est pas lancé dans le commerce du livre par amour des ouvrages. Il souhaitait seulement optimiser les possibilités d’Internet en choisissant la marchandise idéale : il s’avère que le livre est “la marchandise” qui a le plus grand nombre d’exemplaires uniques, il l’a donc choisie dans un pur objectif de profit. Je l’ai bien vu lors de mon immersion en équipe de nuit dans l’entrepôt de Montélimar : le livre est traité comme une marchandise à part entière, disposé sur les étagères parmi tous les autres articles que vend Amazon, un classique de la littérature pouvant cotoyer un slip en coton et un ours en peluche.”

Des barbares quoi…

“Amazon détruit plus d’emplois qu’il n’en crée : les commerces de proximité sont aussi la réalité urbanistique d’un territoire. Imagine-t-on vivre dans un monde orwellien où l’accès à la consommation se ferait essentiellement via le e-commerce ? ”

Comme la grande distribution, quoi…

“À propos des formes de résistance à Amazon, elles sont de plus en plus nombreuses.”

Les résistances à la connerie des médias sont en revanche limitées…

“J’espère qu’à la suite de la mobilisation littéraire américaine les auteurs européens prendront eux aussi conscience qu’Amazon représente une réelle menace pour la diversité éditoriale, et non seulement pour les grands groupes comme Hachette.”

Bizarre, je n’ai jamais acheté autant de livre que depuis que je suis client d’Amazon… Ils ont un marketing très efficace pour vous présenter des livres satisfaisant les désirs et gouts très efficace. C’est sans comparaison avec un librairie (dans mon cas personnel)  - et je ne classe pas Leclerc dedans… Je rappelle qu’environ 20 % des acheteurs (les plus gros, plus de 10 livres par an) représentent 60% des ventes…

D’ailleurs voici le Top 10 des ventes de 2013 :

Donc en fait, il y a un “impératif culturel” qui fait que je dois payer plus cher mes livres pour que la filière physique puisse vendre des BD, des livres de cul et des romans à la noix ? OK, je n’avais pas compris…

“La loi dite “anti-Amazon” a eu l’utilité d’un sabre de bois pour attaquer un mastodonte. J’espère que ce n’était qu’une première étape dans le plan d’action du gouvernement français. S’il y a un plan…”

LOL.

Bon, je rappelle que je ne suis pas spécialement pro-Amazon (pas plus que pro-Russe), et que j’ai défendu l’idée d’abroger cette loi stupide, et de taxer Amazon pour redistribuer l’argent aux libraires indépendants…

Enfin, je ne veux pas atténuer les conditions de travail déplorables chez Amazon. Mais je ne pense pas qu’elles soient différentes de la moyenne du secteur, bien au contraire, et que c’est bien un système général à dénoncer, et pas une entreprise bouc-émissaire (dont les pratiques doivent évidemment être surveillées de près). Petits exemples pour finir :

P.S. je rappelle ceci :

Quand on achète un livre dans une librairie, au prix éditeur de 20 €, on paie 3 choses :

  1. le livre (9 €) – payant l’auteur (2 €), l’éditeur, l’imprimeur et la TVA
  2. la diffusion et la livraison du livre dans la librairie (4 €)
  3. le libraire (7 €) – payant le local et les salaires

prix du livre

 

Source: http://www.les-crises.fr/la-france-doit-elle-s-inquieter-des-pratiques-inqualifiables-d-amazon/


Elu président, Erdogan annonce une “nouvelle ère”, nie toute dérive autoritaire

Friday 15 August 2014 at 02:08

Un petit point rapide sur la Turquie. Pas pour parler du fond – je n’ai pas étudié la question, je n’ai lu que nos médias, donc je sais que je ne suis pas correctement informé. Mais ce que je trouve intéressant, c’est de porter un regard sur la façon dont nos médias relatent le sujet.

Analyse de l’article du Nouvel Obs.

Recep Tayyip Erdogan a été élu dès le premier tour, après une campagne au ton très agressif. “Nous sommes désormais confrontés à un pouvoir oppresseur”, dénonce (sic.) ses opposants.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003, a été élu dimanche président de la Turquie pour un mandat de cinq ans qu’il a promis sous le signe de la réconciliation et de l’unité, en niant toute dérive autoritaire.

Donc on reste vigilant et on verra, on est d’accord ?

Comme le suggéraient les sondages, l’homme fort du pays a largement devancé ses deux adversaires dès le premier tour de ce scrutin disputé pour la première fois au suffrage universel direct, avec 52% de suffrages.

Eh bien 52 % au premier tout, ce n’est pas trop mal quand même…

Candidat commun de l’opposition social-démocrate et nationaliste, Ekmeleddin Ihsanoglu, un historien réputé de 70 ans qui a dirigé l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a réuni plus de 38% des suffrages, alors que celui de la minorité kurde, Selahattin Demirtas, en a rassemblé près de 10%.

“Je serai le président de 77 millions de Turcs”

Même si elle est loin du raz-de-marée prédit par les sondages, cette victoire constitue un succès pour Recep Tayyip Erdogan, qui rejoint ainsi le père fondateur de la République laïque, Mustafa Kemal Atatürk, dans le club des dirigeants les plus emblématiques du pays.

Ah, c’est presque un échec donc ?

Après une campagne au ton très agressif où il a multiplié les attaques contre ses rivaux, le nouveau chef de l’Etat s’est voulu apaisant en annonçant une “nouvelle ère”, loin des “disputes du passé” qui ont agité ses onze ans de règne.

“Je serai le président de 77 millions de Turcs, et pas uniquement de ceux qui ont voté pour moi”, a-t-il assuré devant des milliers de fidèles réunis sous le balcon du quartier général de son parti à Ankara. “Je prie tous ceux qui me qualifient de dictateur et d’autocrate de revoir leur position”, a-t-il lancé à ceux qui l’accusent de vouloir restreindre les libertés ou d’islamiser le pays.

Comme Recep Tayyip Erdogan a toutefois confirmé son intention de conserver les rênes de la Turquie au poste de président, dont il veut considérablement renforcer les prérogatives au prix d’une réforme de la Constitution.

“Le président élu et le gouvernement élu oeuvreront main dans la main”, a-t-il souligné après avoir glissé, en famille, son bulletin dans l’urne à Istanbul.

Dès les résultats définitifs connus, le Premier ministre s’est aussi symboliquement rendu à la mosquée Eyüp Sultan d’Istanbul pour prier, comme le faisaient les sultans avant de monter sur le trône de l’Empire ottoman, ont rapporté les télévisions turques.

“Je suis fier de dire que je suis turc”

Sans surprise, Recep Tayyip Erdogan a facilement pris le dessus sur ses deux rivaux, au terme d’une campagne qu’il a écrasée de son charisme, de la puissance financière de son Parti de la justice et du développement (AKP) et de son emprise sur les médias du pays.

Toute ressemblance avec un pays occidental serait fortuite ?

Ekmeleddin Ihsanoglu et Selahattin Demirtas ont tous les deux pris acte de leur défaite mais dénoncé une compétition “injuste” ou “inéquitable”.

Sitôt les résultats connus, des milliers de partisans ont envahi les rues des grandes villes pour célébrer, à grands coups de klaxon, la victoire de leur héros.

L’oppression, quoi…

“On est trop content ! Vraiment, on l’adore, on l’aime car tout ce qu’il a fait, c’est bien”, a exulté Yigit Cöskün dans les rues d’Istanbul. “A présent, nous sommes un pays reconnu par tous les leaders internationaux. [...] Je suis fier de dire que je suis turc”, a renchéri, drapeau turc en main, Türgüt Gübahar.

Scandale de corruption

Paradoxalement, le triomphe attendu de Recep Tayyip Erdogan intervient au terme d’une année politique très difficile pour son camp.

En juin 2013, des millions de Turcs ont dénoncé dans les rues sa dérive autoritaire et islamiste. La sévère répression de cette révolte a sérieusement écorné l’image du régime.

L’hiver dernier, c’est un scandale de corruption sans précédent qui a éclaboussé le pouvoir. Recep Tayyip Erdogan a dénoncé un “complot” de son ex-allié islamiste Fethullah Gülen, avant de purger la police et de museler les réseaux sociaux et la justice.

C’est vrai qu’en France, la corruption des élus, on connait pas…

Mais, même contesté comme jamais, Recep Tayyip Erdogan a remporté les élections locales de mars et reste très populaire dans un pays qu’il a débarrassé de la tutelle de l’armée et dont la majorité religieuse et conservatrice a profité de la forte croissance économique sous son règne.

L’armée est certes garante de la laïcité, mais peut être aussi que le peuple préfère la Démocratie ?

Ah, sinon, quelle est la règle pour savoir dans quels pays ont qualifie des dirigeants légitimement élus de “tsars”, “sultans”, “règne”, “maitre du….” ? Jamais entendu parler du “Maître de la Maison Blanche” ni du “règne de Merkel”

Malgré le ton modéré du premier discours du président élu, l’opposition a dénoncé la volonté de Recep Tayyip Erdogan de présidentialiser le système politique turc et agité le spectre d’une dérive vers un régime autocratique.

J’adore toujours quand, comme en Ukraine, des Français accusent un président de vouloir présidentialiser le régime, sachant qu’on doit être le pire régime démocratique présidentiel au monde…

Mais bref, conclusion : les Turcs sont des imbéciles, qui ne votent pas pour le bon candidat… Comme les Palestiniens ou les Russes, quoi…

“Nous sommes désormais confrontés à un pouvoir oppresseur qui n’est plus contrôlé par la Constitution mais essaie d’imposer son propre régime arbitraire”, a ainsi lancé le porte-parole du Parti républicain du peuple (CHP), Haliç Koç.

“Pour de nombreuses raisons, la principale difficulté pour Erdogan n’est pas de remporter la présidentielle, mais ce qui va suivre”, a pronostiqué l’universitaire Ziya Meral, de l’université britannique de Cambridge.

Source : Nouvel Obs.

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En bonus, encore du GRAND Canard enchainé (numéro du 13/08/2014) :

Devenu parano et mystique, il dénonce sans fin, depuis, le « complot de l’étranger » , voit des « traîtres » partout, a fait suspendre « Twitter » et « Facebook » pendant la campagne des municipales et, tout récemment, a voulu interdire aux femmes de sourire en public, tout en traitant une journaliste de « femme effrontée »…

Mégalo, il souhaite remodeler le visage d’Istanbul comme celui de la République turque : doubler le Bosphore par un canal, bâtir un troisième grand pont et, enfin, ériger dans son ancien quartier, sur la rive asiatique, la plus grande mosquée du monde,  visible de toute la ville.

Allah lui serait-il monté à ‘la tête ?

C’est quand même étonnant que 52 % des Turcs aient voté pour un type “parano et  mystique”, non ? Il avait peut être fait aussi des choses bien, non ?

Ah non, “c’est le méchant”, j’avais oublié… Comme à chaque fois qu’un dirigeant essaie d’exalter (de bonne ou mauvaise façon) tout esprit patriotique ou de fierté nationale… (et non, je n’ai aucune sympathie pour des islamistes…)

Et sinon, je me demande ce qui peut bien se passer dans le cerveau d’un “journaliste” pour écrire qu’un Président  ”a voulu interdire aux femmes de sourire en public”, sans se poser plus de question (façon “les pro-russes crèvent les yeux des prisonniers”). Je rappelle que c’est le vice Premier ministre Bülent Arinç, “qui avait déjà multiplié ces derniers temps les condamnations des séries et programmes télévisés invitant selon lui à l’addiction sexuelle, estime que la femme turque doit rester « décente », et donc ne « pas rire à gorge déployée devant tout le monde » ; elle doit aussi veiller à sa chasteté de manière à demeurer « bonne à marier », une question pour lui de « droiture morale ».” (RFI).

C’est évidemment  nul, d’un autre âge, mais enfin on est loin d’une loi pour interdire aux femmes de rire en public… Mais comme d’habitude, nos suprémacistes blancs bien pensants sont là pour expliquer au reste du monde comment penser et vivre – façon sociétés primitives… Ce qui ne peut que bien se terminer…

Notez aussi qu’un journal turc pourrait titrer “Quand les députés français appellent à exterminer le Roms”, ce serait d’une grande honnêteté intellectuelle…

P.S. d’ailleurs, (même si je soutiens les revendications kurdes, par cohérence intellectuelle) les Turcs doivent apprécier ça – encore de la haute diplomatie :

Source: http://www.les-crises.fr/elu-president-erdogan-annonce-une-nouvelle-ere-nie-toute-derive-autoritaire/


La fabrication de l’ennemi : le cas russe, par Pierre Conesa (en 2009)

Friday 15 August 2014 at 01:57

Tribune dans Libération de Pierre Conesa, ancien haut-fonctionnaire, le 31 décembre 2009 (à l’occasion de la crise en Géorgie…)

TRIBUNE

On est en droit de s’interroger sur l’image que véhiculent certaines analyses sur la Russie. Le crime organisé italien cause de graves dommages environnementaux avec le trafic d’ordures par la Camorra napolitaine, ou de morts en Europe avec la N’dranghetta calabraise. Mais, nous dit-on, ce sont les mafias russes qui sont les plus dangereuses ! Le journaliste Roberto Saviano, auteur de Gomorra, est menacé de mort mais il ne vient à personne l’idée d’accuser le gouvernement italien. Par contre, l’assassinat de journalistes russes comme Anna Politkovskaïa ou d’humanitaires comme Natalia Estemirova, tuée le 15 juillet en Tchétchénie, est attribué à l’action du Kremlin.

On insiste avec raison sur le passé d’ex-officier (médiocre) du KGB de Vladimir Poutine, mais pas sur le fait que le président Bush père fut directeur de la CIA. Succédant à Donald Rumsfeld, Hillary Clinton va appeler Moscou à respecter les droits de l’homme, mais c’est bien Washington qui emprisonne à Guantánamo depuis maintenant sept ans des prisonniers auxquels on refuse les droits judiciaires minimum. On réagit avec vigueur à l’invasion des forces russes sur le territoire souverain de la Géorgie en exigeant un calendrier de retrait, mais on formule le souhait poli qu’Israël stoppe la colonisation des territoires, occupés depuis 42 ans. On en arrive même à reprocher à la Russie de vouloir faire payer le gaz livré à l’Ukraine au prix du marché et non plus au tarif préférentiel. Claude Mandil, dans son rapport d’avril 2009 au Premier ministre sur «Sécurité énergétique et Union Européenne» remarquait qu’il y avait quelque contradiction à diaboliser la Russie sur la crise ukrainienne, et en même temps à chercher à en faire un partenaire de la sécurité énergétique de l’Union.

La schizophrénie a toujours fait partie de la géopolitique, qui reste un habillage «rationnel» des rapports de force internationaux. Dans le cas de la Russie, on atteint des excès. Il ne s’agit pas de délivrer un brevet de démocratie au régime en place au Kremlin, qui a encore de gros efforts à faire, en particulier sur la Tchétchénie avec la politique sanglante de Kadirov ! Mais la critique serait plus efficace si elle utilisait avec mesure la comparaison. La Russie est-elle un pays si différent que toutes les affaires y sont jugées avec d’autres critères qu’ailleurs ? Est-ce parce que nombre de chroniqueurs de questions internationales ont eu un passé communiste, resté comme une tache indélébile, que la critique doit être systématique ? Est-ce parce que la France connaît, avec dix ans de retard, la vogue du néo-conservatisme qui avait comme priorité stratégique première, avant les attentats du 11 Septembre, le roll back de l’ancienne URSS ?

En énonçant, en 1991, sa célèbre phrase «Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi !», Gueorgui Arbatov, conseiller diplomatique de Gorbatchev, mettait la filière de production stratégique face à un risque de chômage technique, un peu comme les spécialistes de l’héraldique avec la Révolution française. «L’ennemi soviétique avait toutes les qualités d’un “bon” ennemi : solide, constant, cohérent, écrivait le général de la Maisonneuve. Militairement, il nous était semblable, construit sur le plus pur modèle “clausewitzien”, inquiétant certes, mais connu et prévisible. Sa disparition entame notre cohésion et rend vaine notre puissance.» La Chine avait joué le rôle d’ennemi de substitution sous l’administration Bush, mais le président Obama veut normaliser avec Pékin… On ne peut plus compter sur personne !

Dernier ouvrage paru: “Les Mécaniques du chaos: bushisme, prolifération et terrorisme” (Editions de l’Aube)

Pierre Conesa, ancien haut-fonctionnaire

Source : Libération

Source: http://www.les-crises.fr/la-fabrication-de-lennemi-le-cas-russe-par-pierre-conesa-en-2009/


Charte des commentaires du blog www.les-crises.fr

Friday 15 August 2014 at 00:26

Petit rappel… Afin de répondre à des problèmes de plus en plus fréquents au niveau des commentaires (écarts, surnombres, trolling), je vous rappelle la charte du blog, qui s’est accompagnée d’un renforcement de la modération.

Charte des commentaires du blog www.les-crises.fr

Ce blog a pour objet de fournir un maximum d’informations sur les crises actuelles, que nous traversons (crise économique, crise sociale…) ou que nous allons bientôt traverser (crise pétrolière, crise climatique…). Pour plus de détails : la table des matières.

Pour rappel, les blogs sont assimilés à des publications de presse en ligne, ils doivent donc respecter une double obligation :

Ce blog a fait le choix de donner la possibilité aux lecteurs de laisser des commentaires, afin d’enrichir le débat, et d’augmenter l’intérêt pour tous les lecteurs. Cependant, pour atteindre ce but, les commentaires doivent donc être assez généraux pour intéresser le plus grand nombre. Et ne pas proliférer, sous peine de décourager la lecture (qui a le temps de lire 200 commentaires ?) et de poser de lourds problèmes pour leur modération, qui est pourtant le gage de la qualité de ce blog.

Seront ainsi systématiquement supprimés, sans avertissement ni justification (par manque de temps), 4 types de commentaires :

  1. en premier lieu, et bien évidemment, ceux qui sont susceptibles d’être condamnés par la loi ;
  2. ceux dont le ton ne correspond pas à la convivialité et au respect mutuel des débats que ce blog souhaite générer – sont en particulier visés ici les commentaires à tonalité méprisante pour un autre commentateur ou l’éditeur du blog. Le savoir-vivre et la politesse sont indispensables ; l’humour ne visant pas à dénigrer l’autre n’est pas interdit ;
  3. ceux qui n’apportent presque rien à la collectivité, que ce soit en raison de leur brièveté (« +1 ; d’accord, j’approuve »), parce qu’ils sont inintelligibles, bourrés de fautes d’orthographe ou parce qu’ils correspondent à des dialogues entre commentateurs sans grand intérêt pour les autres lecteurs. Pour mémoire, après avoir posté un commentaire, il vous est possible durant les 5 minutes suivantes de le modifier ;
  4. ceux ayant pour principal but une démarche publicitaire ou prosélyte pour tel parti ou groupement ;

 

Seront également susceptibles d’être supprimés, sans avertissement ni justification (par manque de temps), les 5 types de commentaires suivants :

  1. ceux ne visant pas à faire partager une thèse, une position, une information, une objection ou une question aux autres lecteurs, mais se contentant de pures et simples affirmations non étayées. Sont aussi visés ici ceux qui dépassent une longueur raisonnable… ;
  2. ceux faisant des liens vers des sites ou articles douteux ou qui n’auront pu être validés par manque de temps ;
  3. ceux ayant pour but de rouvrir en permanence des sujets déjà évoqués sur le blog – en particulier en lien avec la création monétaire ou le réchauffement climatique, qui reviennent presque tous les jours en commentaire alors qu’ils ont déjà été discutés ou qu’ils ne peuvent l’être en 10 lignes de commentaires ;
  4. ceux étant à l’évidence du trolling, visant à dénaturer les échanges du blog ; ou étant émis en trop grand nombre ; ou étant émis par des identifiants différents avec la même adresse IP  ;
  5. ceux qui ne seront manifestement pas en lien avec le billet commenté, et dont nous jugerons souverainement qu’ils sont de nature à tirer la discussion dans des directions qui feront perdre aux échanges leur densité (sujet trop long, déjà traité, trop vague, déjà trop de commentaires, etc.). Nous ne sommes pas dupes, certains groupes rémunèrent en effet des trolleurs justement dans ce but. Nous resterons donc maîtres chez nous sur ce blog, sans aucun état d’âme – par respect pour la confiance des milliers de lecteurs quotidiens venant sur ce blog…

Précisons que la modération assumant « l’arbitraire » du refus d’un commentaire, il sera donc inutile de revenir à la charge pour demander pourquoi (nous manquons de bras, désolé).

Le refus d’un commentaire n’a évidemment rien à voir avec une « censure » : chacun est libre de créer son propre blog pour y faire valoir ses idées ; mais la liberté de pouvoir exprimer ses idées ne peut valoir droit absolu de raconter tout et n’importe quoi partout… (ou alors je suis moi même odieusement “censuré” car TF1 ne m’invite pas au 20h00 tous les mois…)

Enfin, la transgression répétée de ces règles entraînera un bannissement temporaire puis définitif.

Sauf cas particulier pour certains billets, notre objectif est désormais de limiter le volume des commentaires à une centaine maximum par billet.

Source: http://www.les-crises.fr/charte-des-commentaires/


[Pour bien finir la journée...] 99 ballons

Thursday 14 August 2014 at 21:08

Je n’avais jamais étudié les paroles de cette jolie chanson – j’avais seulement dansé le rock dessus… (merci de me l’avoir signalé en ce jour)

Wikipédia :

99 Luftballons (littéralement 99 ballons de baudruche) est une chanson engagée du groupe pop rock allemand Nena, interprétée par la chanteuse éponyme, numéro 1 des ventes en Allemagne de l’Ouest en 1983.

Historique et explication de la chanson

La musique a été composée par Uwe Fahrenkrog-Petersen, le pianiste du groupe Nena, tandis que le guitariste Carlo Karges a écrit les paroles de la version originale en allemand. La version anglaise de la chanson, intitulée 99 Red Balloons, a été écrite par Kevin McAlea qui a conféré au texte un ton plus satirique que l’original.

La chanson est sortie en pleine période d’intensification de la course aux armements dans le cadre de la Guerre froide. La terreur s’équilibre entre les États-Unis et l’Union soviétique qui essaient chacun de montrer leur supériorité sur l’autre.

Tout d’abord, en novembre 1983, l’Union soviétique interprète l’exercice annuel de conditionnement à une guerre nucléaire de l’OTAN comme une réelle préparation à une guerre nucléaire. Elle active ainsi en réponse ses propres armements. Quelques mois après, en janvier 1984, les Américains déploient les missiles Pershing II en Allemagne de l’Ouest, répondant ainsi à la demande formulée en 1979 par le gouvernement SPD de Helmut Schmidt, inquiet de l’absence de réaction de l’OTAN devant le déploiement des missiles nucléaires SS-20 soviétiques, capables d’annihiler les principaux points stratégiques de l’Europe de l’Ouest en une seule frappe. Cette position est contestée par les mouvements pacifistes, dont le mot d’ordre à l’époque est « plutôt rouge que mort » (« Lieber rot als tod »).

C’est dans ce sentiment de révolte et d’exaspération que Nena va créer 99 Luftballons. Les paroles sont très engagées contre la Guerre froide et rappellent les récents événements précédemment évoqués. Le thème général est l’histoire de 99 ballons qui flottent dans le ciel et qui sont identifiés par les forces militaires comme une attaque. Ainsi toute l’armée et tous les armements sont mobilisés pour neutraliser les ballons et provoquent une gigantesque explosion destructrice qui dévaste la planète. Dans sa chanson, Nena se moque des dirigeants de l’époque qui étaient constamment sur le point de déclencher une guerre mondiale et de la quantité faramineuse des armements avec lesquels on aurait pu détruire un nombre incalculable de fois la planète. La chanson reflète également le climat de tension et de terreur de cette période tout comme celle du chanteur anglais Sting avec son titre Russians (1985).

Nena restera dans le haut du chart britannique pendant trois semaines à partir du 28 février 1984 avec 99 Red Balloons.

Hast Du etwas Zeit für mich
Si tu as un peu de temps pour moi
Dann singe ich ein Lied für Dich
Alors je chanterai une chanson pour toi
Von neun-und-neunzig Luftballons
Sur 99 ballons de baudruche
Auf ihrem Weg zum Horizont
En route vers l’horizon
Denkst Du vielleicht grad’ an mich
Peut-être qu’en ce moment tu penses justement à moi
Dann singe ich ein Lied für Dich
Alors je chante une chanson pour toi
Von neun-und-neunzig Luftballons
Sur 99 ballons
Und dass sowas von sowas kommt
Et tout ce qui s´ensuit

Neun-und-neunzig Luftballons
99 ballons
Auf ihrem Weg zum Horizont
En route vers l’horizon
Hielt man fuer UFOs aus dem All
On les a pris pour des OVNIS de l’espace
Darum schickte ein General
Alors un général leur
‘ne Fliegerstaffel hinterher
a envoyé une escadrille
Alarm zu geben, wenn’s so war
Donner l’alarme alors que
Dabei war’n da am Horizon
Ce n’étaient que 99 ballons
Nur neun-und-neunzig Luftballons
Sur l’horizon

Neun-und-neunzig Düsenjäger
99 pilotes de chasse
Jeder war ein grosser Krieger
Chacun d’eux un grand guerrier
Hielten sich für Captain Kirk
Se prenaient pour le capitaine Kirk
Das gab ein grosses Feuerwerk
Il y eut un grand feu d’artifice
Die Nachbarn haben nichts gerafft
Les voisins n’ont rien pigé
Und fühlten sich gleich angemacht
Et se sont tout de suite sentis agressés
Dabei schoss man am Horizon
Alors on s’est mis à tirer vers l’horizon
Auf neun-und-neunzig Luftballons
Sur 99 ballons

Neun-und-neunzig Kriegsminister
99 ministres de la guerre
Streichholz und Benzinkanister
Allumette et bidons d’essence
Hielten sich für schlaue Leute
Ils se croyaient malins
Witterten schon fette Beute
Sentaient déjà les bons pillages
Riefen Krieg und wollten Macht
Criaient à la guerrre et voulaient le pouvoir
Mann, wer hätte das gedacht
Bon sang, qui aurait pu croire
Dass es einmal soweit kommt
Que ça irait si loin
Wegen neun und neunzig Luftballons
A cause de 99 ballons ?

Neun-und-neunzig Luftballons
A cause de 99 ballons
Neun-und-neunzig Luftballons
99 ballons !

Neun-und-neunzig Jahre Krieg
99 années de guerre
Liessen keinen Platz fuer Sieger
N’ont rien laissé au vainqueur 
Kriegsminister gibt’s nicht mehr
Il n’y a plus de ministres de la guerre
Und auch keine Duesenflieger
Et plus de pilotes de chasse non plus
Heute ziehe ich meine Runden
Aujourd’hui je traîne mes guêtres 
Seh’ die Welt in Truemmern liegen
Je vois le monde en ruines
Hab’ ‘nen Luftballon gefunden
J’ai trouvé un ballon
Denk’ an Dich und lass’ ihn fliegen
Je pense à toi et je le laisse s’envoler

==========================

La version en anglais :

You and I in a little toy shop
Toi et moi dans une boutique de jouets
Buy a bag of balloons with the money we’ve got
Achetons un sac de ballons avec notre argent 
Set them free at the break of dawn
Les libérant dès l’aube
‘Til one by one, they were gone
Un par un, ils sont partis

Back at base, bugs in the software
De retour à la base, des problèmes dans le logiciel
Flash the message, Something’s out there
Un message clignote, quelque chose vient de décoller là-bas

Floating in the summer sky
Volant dans le ciel d’été
99 red balloons go by
99 ballons rouges s’en vont

99 red balloons floating in the summer sky
99 ballons rouges volent dans le ciel d’été
Panic bells, it’s red alert
Sonneries d’alarmes, c’est l’alerte rouge
There’s something here from somewhere else
Il y a une chose venant d’ailleurs
The war machine springs to life
Les machines de guerre reprennent vie
Opens up one eager eye
Ouvrant un oeil avide
Focusing it on the sky
Au millieu du ciel
As 99 red balloons go by
Comme 99 ballons rouges qui s’en vont

99 Decision Street, 99 ministers meet
99 rue de la décision, 99 ministres se rencontrent
To worry, worry, super-scurry
Et s’inquiètent, s’inquiètent, et détalent
Call out the troops now in a hurry
Appellant les troupes en vitesse
This is what we’ve waited for
C’est ce que nous avons attendu
This is it boys, this is war
C’est le moment les gars, c’est la guerre
The president is on the line
Le président est pendu au téléphone
As 99 red balloons go by.
Comme 99 ballons rouges qui s’en vont

99 Knights of the air
99 chevaliers des airs
Ride super-high-tech jet fighters
Aux rênes de super avions à réaction
Everyone’s a superhero.
Chacun est un super héros
Everyone’s a Captain Kirk.
Chacun  est un capitaine Kirk
With orders to identify.
Avec des ordres d’identification
To clarify and classify.
Pour cibler et calibrer,
Scramble in the summer sky.
Se précipitant dans le ciel d’été
As 99 red balloons go by.
Comme 99 ballons rouges qui s’en vont

99 dreams I have had.
99 rêves que j’ai fais
In every one a red balloon.
Dans chacun d’eux un ballon rouge
It’s all over and I’m standing pretty.
C’est complètement fini et je regarde
In this dust that was a city.
Dans cette poussière qui était une ville
If I could find a souvenier.
Si je pouvais trouver un souvenir
Just to prove the world was here.
Juste pour prouver que le monde était ici

And here is a red balloon
Et voici un ballon rouge
I think of you and let it go.
Je pense à toi et je le laisse s’envoler

Et en bonus, comme indiqué, la version enregistrée pour Arte en 2009, avec un peu de français :

P.S. n’hésitez pas à améliorer la traduction en allant ici

P.P.S. à la demande générale, Sting, Les Russes (Russians), 1985 :

Paroles et musique de STING
(Musique d’après Prokofiev)

In Europe and America
En Europe et en Amérique
There’s a growing feeling of hysteria
Il y a un sentiment croissant d’hystérie
Conditioned to respond to all the threats
Conditionné pour répondre à toutes les menaces
In the rhetorical speeches of the Soviets
Dans les discours rhétoriques des Soviétiques

Mister Krushchev said, We will bury you
Monsieur Kroutchev a dit, nous vous enterrerons
I don’t subscribe to his point of view
Je ne souscris pas à son point de vue
It’d be such an ignorant thing to do
Ce serait une chose si ignorante à faire
If the Russians love their children too
Si les Russes aiment leurs enfants aussi

How can I save my little boy
Comment est-ce que je peux sauver mon petit garçon
From Oppenheimer’s deadly toy ?
Du jouet mortel d’Oppenheimer ?
There is no monopoly of common sense
Il n’y a aucun monopole du bon sens
On either side of the political fence
De chaque côté de la barrière politique

We share the same biology
Nous partageons la même biologie
Regardless of ideology
Indépendamment de l’idéologie
Believe me when I say to you
Croyez moi quand je vous dis
I hope the Russians love their children too
J’espère que les Russes aiment aussi leurs enfants

There is no historical precedent
Il n’y a aucun précédent historique
To put the words in the mouth of the president ?
Pour mettre les mots dans la bouche du président ?
There’s no such thing as a winnable war,
Il n’existe aucune guerre gagnable,
It’s a lie we don’t believe anymore
C’est un mensonge que nous ne croirons plus

Mister Reagan says, we will protect you
Monsieur Reagan dit, nous vous protégerons
I don’t subscribe to his point of view
Je n’adhère pas à son point de vue
Believe me when I say to you
Croyez-moi quand je vous dis
I hope the Russians love their children too
J’espère que les Russes aiment aussi leurs enfants

We share the same biology
Nous partageons la même biologie
Regardless of ideology
Indépendamment de l’idéologie
What might save us, me and you,
Ce qui pourrait nous sauver, moi et vous,
Is if the Russians love their children too
Est le fait que les Russes aiment aussi leurs enfants


Source: http://www.les-crises.fr/pour-bien-finir-la-journee-99-ballons/


Able Archer 83 : l’exercice militaire qui a bien failli déclencher la Troisième Guerre mondiale

Thursday 14 August 2014 at 04:00

Très intéressant article de Foreign Policy, traduit par Slate, sur cet épisode peu connu, 20 ans après la crise de 1962

On le sait désormais grâce à des documents de la CIA et du KGB notamment: l’hystérie de la Guerre froide a atteint son sommet entre le 7 et le 11 novembre 1983.

Selon un document déclassifié de l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA), intitulé «American Cryptology During the Cold War», la «période 1982-1984 fut la période la plus dangereuse de la confrontation américano-soviétique depuis la crise des missiles de Cuba». Ce document secret raconte que «l’hystérie de la Guerre froide a atteint son sommet» à l’automne 1983, au cours d’un exercice de tir de missiles nucléaires de l’Otan baptisé Able Archer 83 qui, selon un rapport de renseignement de la CIA, a vu «des unités aériennes soviétiques stationnées en Allemagne de l’Est et en Pologne placées en état d’alerte maximum ainsi que le déploiement de forces de frappe nucléaires».

Malgré les conséquences éventuelles qu’aurait pu avoir cette escalade nucléaire imprévue, l’histoire de l’incident Able Archer 83 est resté pour une large part inconnu du grand public. Cette pénurie de sources a même poussé certains critiques –non sans raison– à décrire la peur d’une escalade en 1983 comme «une chambre d’écho de recherches inadéquates et d’analyses erronées» un «processus d’auto-intoxication» fondé sur «des éléments disparates».

Afin de tenter de remplir cette chambre d’écho, les archives de la Sécurité nationale ont commencé à mettre en ligne, en trois parties, la plus importante collection de documents concernant cet incident disponibles sur Internet. Ces documents ont été obtenus grâce au Freedom of Information Act (FOIA, loi sur la liberté d’information) et sont issus de la CIA, de la NSA, du Département de la défense et du Département d’Etat, des archives américaines mais également d’anciens documents déclassifiés du Politburo et du KGB, d’entretiens avec d’anciens généraux soviétiques et d’autres documents issus d’anciens Etats communistes.

Les dossiers mis en ligne contiennent un document particulièrement éclairant: le rapport de la 7e division aérienne américaine à l’issue d’Able Archer 83.

Exercise Able Archer 83 After Action Report 1 December 1983 by JDStuster

Ce rapport est le premier document officiel à décrire dans le détail le scénario de l’exercice Able Archer 83, qui prévoyait un glissement progressif d’opérations conventionnelles vers des opérations nucléaires. Il révèle en fait que les sources secondaires dont se sont inspirés les récits contemporains d’Able Archer 83 se sont même trompés sur les dates exactes de l’exercice (du 7 au 11 novembre 1983).

Ce rapport contient également d’autres détails éclairants sur l’exercice Able Archer 83 qui suggèrent que certains de ses éléments étaient clairement plus provocateurs que les exercices précédents. De tels changements auraient ainsi été mal compris par les organismes de renseignement soviétiques, alors sur le qui-vive, car préoccupés par la «décapitation» des missiles «Pershing II» qui devaient être déployés en Europe etpoussèrent le Secrétaire général soviétique en place, Iouri Andropov à ordonner la plus importante opération de renseignement jamais effectuée en temps de paix: l’Opération RYAN. Leur mission? S’assurer de ne pas être en face d’une situation de Raketno-Yadernoye Napadenie, le nom de code d’une attaque nucléaire occidentale préventive, que les Soviétiques redoutaient tant.

Parmi les indices que quelque chose se préparait: le transfert, en silence radio complet, de 19.000 soldats américains vers l’Europe (cela s’était déjà produit lors de l’exercice conventionnel précédent et de plus grande ampleur, Autumn Forge 83), le déplacement du QG de l’Otan du «Quartier-Général Permanent vers le Quartier Général de Guerre Alternative», la mise en œuvre de nouvelles «procédure de mise à feu des armes nucléaires» dont des consultations avec des cellules à Washington et à Londres et «des questions politiques sensibles» posées par la désignation des nombreuses sorties de bombardiers B-52 comme autant de «frappes nucléaires».

Selon le scénario de l’exercice Able Archer 83, qui prévoyait une Troisième Guerre mondiale débutant en Europe centrale, le conflit entre les deux superpuissances était censé commencer avec, en toile de fond, «un changement à la tête de l’Union soviétique en février 1983»«une agitation grandissante en Europe de l’Est», et pour finir, l’invasion par le Pacte de Varsovie (baptisé «Pacte Orange» au cours de l’exercice) de la Yougoslavie après qu’elle aurait demandé l’aide économique et militaire de l’Occident.

Alors, le 3 novembre, les forces du Pacte Orange franchissaient la frontière finnoise, envahissaient la Norvège le lendemain et s’aventuraient en Allemagne de l’Est («les forces orange effectuent des attaques aériennes tout le long de la frontière allemande») puis s’attaquaient au Royaume-Uni («les attaques contre les aérodromes du Royaume-Uni interrompent les opérations des bombardiers et détruisent quelques appareils»).

Ne parvenant pas à empêcher la poussée des forces conventionnelles soviétiques, les forces bleues (l’Otan) «demandent l’emploi limité de têtes nucléaires contre des cibles fixes prédéterminées» au matin du 8 novembre. Mais «l’usage d’armes nucléaires par les Bleus ne mettant pas un terme à l’agression des forces orange», le Commandant suprême des forces en Europe (Saceur) opte pour une généralisation des attaques nucléaires. Le feu vert est donné le 11 novembre, date de la fin de l’exercice. A ce moment-là, on considère en effet qu’il n’y a plus rien à détruire.

La publication récente du rapport post-opération d’Able Archer 83 n’est pas sans ironie. Au moment même où l’Otan était en train d’effectuer un exercice mettant en scène un glissement d’un conflit conventionnel vers un conflit nucléaire, en Union soviétique, on plaçait les forces nucléaires en alerte maximale, craignant une frappe nucléaire préventive de l’Otan. La guerre nucléaire a bien failli avoir lieu. Tout cela à cause d’un exercice trop réaliste

Nate Jones

Traduit par Antoine Bourguilleau pour Slate

Nate Jones est le coordinateur du  Freedom of Information Act au sein des archives de la Sécurité nationale. Pour consulter l’intégralité des documents, visitez www.nsarchive.org.La première partie traite du débat autour de l’importance –et pour certains de l’existence– d’une authentique peur de l’escalade en Union soviétique. La deuxième partie documente les exercices Automn Forge 83, Reforger 83 et Able Archer 83 à partir de documents de l’Otan et de l’US Air Force. La troisième partie analysera la compréhension mouvante de la communauté américaine du renseignement de cette question de la peur d’un conflit en 1983.

Foreign Policy

Vidéo : 1983 – AU BORD DE L’APOCALYPSE

En 1983, l’état-major de l’OTAN organise un exercice militaire à grande échelle, destiné à tester les procédures de communication. Surveillée de près par le régime soviétique, l’opération démarre le 2 novembre dans un contexte international extrêmement tendu. Auparavant, le président Reagan a relancé la course aux armements en installant les nouveaux missiles Pershing 3 en Europe. Malgré les mouvements pacifistes, il enfonce le clou de cette stratégie, portée par le fameux discours sur “l’empire du mal”, prononcé en mars 1983. Deux semaines plus tard, il lance le programme de la “guerre des étoiles”. Côté soviétique, Andropov a succédé à Brejnev. Cet espion de carrière, âgé et en mauvaise santé, ne veut surtout pas faire preuve de faiblesse à l’égard de l’Occident. La méfiance est à son paroxysme dans les deux camps. Jusqu’au moment où un satellite militaire russe détecte – par erreur – le lancement de plusieurs missiles…

1983 – AU BORD DE L’APOCALYPSE

Page Wikipedia sur Stanislav Petrov :

Stanislav Ievgrafovitch Petrov, né en 1939, est un officier en retraite de la Voyska PVO, la force de défense anti-aérienne de l’Armée soviétique.

Lors d’une alerte déclenchée par les satellites de surveillance soviétiques en septembre 1983, il aurait, comme il l’a rapporté, pris la décision d’informer sa hiérarchie qu’il pouvait s’agir d’une fausse alerte, et non d’un tir de missiles contre l’Union soviétique comme l’indiquait le système informatique d’alerte anti-missiles. Cette crise intervint à un moment d’extrême tension entre l’Union soviétique et les États-Unis, et aurait donc pu déclencher une riposte soviétique.

L’incident de septembre 1983

Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1983, Stanislav Petrov était l’officier de garde sur la base d’alerte stratégique de Serpoukhov-15, située dans le village de Kourilovo, dans l’oblast de Kalouga1 à une centaine de kilomètres au sud de Moscou. Cette base était chargée de recueillir les informations des satellites soviétiques surveillant d’éventuels tirs de missiles nucléaires contre l’Union soviétique. À minuit quinze, heure de Moscou, le système informatique d’alerte anti-missiles Krokus du SPRN (Sistemi Predouprejdienia o Raketnom Napadienii, système d’alerte en cas d’attaque par missile)2 indiqua un, puis quatre nouveaux tirs de missiles balistiques intercontinentaux Minuteman III en provenance de la Malmstrom Air Force Base, aux États-Unis. Ces tirs avaient été détectés par le satellite de surveillance Cosmos 1382, de type Oko.

Petrov ne disposa que de quelques instants pour analyser la situation. Devant le faible nombre de missiles détectés, il indiqua à ses supérieurs qu’il s’agissait selon lui d’une fausse alerte. Son avis fut suivi et permit ainsi d’éviter une riposte soviétique qui aurait pu être le point de commencement d’un conflit nucléaire ouvert.

Par la suite, un diagnostic des systèmes soviétiques mit en cause le logiciel embarqué par les satellites, qui aurait fait une interprétation erronée de la réflexion des rayons du Soleil sur les nuages, confondue avec le dégagement d’énergie au décollage de missiles.

Petrov soutient que les enquêteurs qui analysèrent la fausse alerte cherchèrent à faire de lui un bouc émissaire du dysfonctionnement du système ; mais il semble que les conséquences sur sa carrière ne furent finalement ni positives ni négatives. Selon Peter Pry, un ancien analyste à la CIA, cette alerte survint dans un contexte extrêmement tendu dans les relations entre les États-Unis et l’Union soviétique, car Andropov était alors obsédé par la crainte d’une attaque surprise déclenchée par l’Occident, ayant en outre mis sur pied l’opération d’espionnage RYAN.

Pour des raisons de secrets militaire et politique, l’incident ne fut rendu public qu’en 1998.

Les suites

Stanislav Petrov quitta son poste peu après l’incident en raison du stress provoqué par cette alerte et de l’enquête qui la suivit. Le 21 mai 2004, puis le 19 janvier 2006, il fut distingué pour ses actions par l’Association of World Citizens.

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Source: http://www.les-crises.fr/able-archer-83-lexercice-militaire-qui-a-bien-failli-declencher-la-troisieme-guerre-mondiale/


[27/10/1962] Crise de Cuba : le jour le plus dangereux de l’Histoire

Thursday 14 August 2014 at 03:00

Reprise d’un excellent article du NouvelObs, qui rappelle à quel point nous marchons souvent au bord du précipice… A méditer.

 

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Réunion de l’excom, le comité secret établi par Kennedy, au début de la crise de Cuba

On savait que le monde, le 27 octobre 1962 – point culminant de la crise des missiles de Cuba – avait échappé de justesse à l’apocalypse nucléaire. Cinquante ans après, les témoignages d’acteurs de la crise et les informations des archives américaines et soviétiques révèlent que des incidents demeurés inconnus ont failli provoquer la déflagration, à l’insu même de Kennedy et de Khrouchtchev. (Enquête publiée dans le Nouvel Observateur du 18 octobre)

 

Ce fut le jour « le plus dangereux de l’histoire de l’humanité », a dit, à l’époque, un conseiller de John Kennedy. Il ignorait à quel point il avait raison. Le samedi 27 octobre 1962, point culminant de la crise des missiles de Cuba, le monde est passé très près d’une guerre thermonucléaire qui aurait provoqué des dizaines de millions de morts et détruit la civilisation moderne. Bien plus près, en fait, que les acteurs du drame et les historiens de la guerre froide ne l’ont cru pendant des décennies.
On savait depuis longtemps que plusieurs événements auraient pu conduire, il y a tout juste cinquante ans, à un affrontement atomique que ne souhaitait aucun des deux chefs ennemis, ni Kennedy ni Khrouchtchev. Mais il a fallu attendre l’ouverture d’archives restées longtemps secrètes, le récit de témoins qui n’avaient pas encore parlé et les découvertes de chercheurs obstinés pour connaître les derniers secrets de ce « samedi noir » : des péripéties jusqu’ici inconnues auraient pu provoquer, ce jour-là, le déclenchement de cette conflagration ultime. Et c’est grâce à d’incroyables hasards et au sang-froid de personnalités exceptionnelles, célèbres ou anonymes, que la troisième guerre mondiale n’a pas éclaté ce 27 octobre 1962.

Treize jours plus tôt, le 14, des avions espions américains font une découvertesidérante : l’armée soviétique est en train d’installer des fusées nucléaires sur l’île castriste, à moins de 200 kilomètres des côtes américaines. Kennedy est sous le choc : le Kremlin avait juré qu’il ne déploierait pas de telles armes à Cuba. Et en septembre, alors qu’en catimini les navires soviétiques transportant les engins de mort étaient déjà en route, la CIA avait assuré à la Maison-Blanche que jamais Moscou n’entreprendrait une telle opération. Un double camouflet pour le président des Etats-Unis. L’honneur et l’autorité du jeune chef du monde libre sont en jeu.

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Photo de site de missiles prise d’un avion espion

Le 22 octobre, JFK exige, dans un discours alarmiste à la télévision, le retrait de ces missiles. Pour montrer sa détermination, il ordonne un blocus militaire de l’île et demande à son armée de « sepréparer à toute éventualité». Le numéro un soviétique, Nikita Khrouchtchev, qui a décidé ce déploiement secret sous le nom de code d’opération Anadyr, répond que cette quarantaine est « un acte d’agression » qui risque de provoquer une «guerre nucléaire mondiale ». Il refuse d’obtempérer : les missiles restent. Du coup, le patron de la Maison-Blanche met ses forces stratégiques en alerte maximale, à Defcon 2, le dernier stade avant la première salve atomique. Soixante B-52 américains bourrés de bombes thermonucléaires tournent sans relâche dans le ciel d’Europe, à quelques kilomètres de la frontière soviétique. Ils n’attendent qu’un ordre pour la franchir et vitrifier les grandes villes d’Union soviétique.

Ce n’est pas tout. Le vendredi 26, la crise est encore montée d’un cran. La CIA a établi qu’à Cuba cinq batteries de missiles nucléaires sont désormais prêtes à l’emploi. Selon l’agence de renseignement, les Soviétiques peuvent, en quelques minutes, tirer de l’île castriste l’équivalent de centaines de bombes d’Hiroshima sur New York et Washington. Le compte à rebours est lancé. L’état-major américain supplie Kennedy de frapper le plus vite possible Cuba et ses sites atomiques, puis d’envahir l’île afin de se saisir des missiles et de renverser le régime castriste une fois pour toutes. Le président résiste. Il ne veut pas donner son feu vert. Pas encore.

Khrouchtchev croit – et c’est une erreur colossale ! - que Kennedy a pris la décision de frapper. Castro vient de lui écrire une lettre désespérée, dans laquelle il l’assure que les Américains vont attaquer son île dans « vingt-quatre à soixante-douze heures ». Il le supplie de bombarder le premier – avec les missiles atomiques installés sur son île et qui sont déjà pointés vers les grandes villes de la côte Est. Comme Kennedy, Khrouchtchev tergiverse. Mais à l’évidence, des deux côtés, sous la pression du Pentagone ou des Cubains, la moindre étincelle peut tout déclencher. « Cette fois, nous étions vraiment à deux doigts d’une guerre nucléaire », confiera Khrouchtchev dans une étonnante conversation tenue au Kremlin quelques jours plus tard et qui vient d’être publiée pour la première fois (voir encadré plus bas).

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Sous-marin soviétique B-59 dans la mer des Caraïbes

Cette étincelle, ce déclic fatal, peut venir des profondeurs de la mer des Caraïbes. Ce 27 octobre 1962, cela fait deux jours que le commandant du sous-marin soviétique B-59, Valentin Savitsky, est traqué par les navires de guerre américains chargés du blocus, deux jours qu’il n’a pas pu remonter à la surface rafraîchir l’air irrespirable de son submersible vieillot. La température ambiante dépasse les 50 °C. Le gaz carbonique produit par le moteur Diesel provoque l’évanouissement des membres de l’équipage. Et, plus angoissant encore, cela fait vingt-quatre heures que Savitsky n’a pu communiquer avec Moscou. Or les dernières nouvelles étaient alarmantes : on parlait d’un confit imminent. A-t-il déjà commencé ? Comment savoir, à des centaines de mètres sous l’eau ?

Soudain, le commandant et ses hommes entendent cinq formidables explosions, juste au-dessus du sous-marin, puis cinq autres. « Est-ce la guerre ? » se demande le jeune commandant. En réalité, ce ne sont que des charges « creuses » lancées par les destroyers américains « USS Beale » et « USS Cony ». Ils veulent contraindre le submersible soviétique à remonter à la surface, et non le détruire. Pour éviter toute méprise, le secrétaire américain à la Défense Robert McNamara avait demandé que l’on prévienne le Kremlin que, dans le cadre du blocus, les grenades lancées contre les sous-marins soviétiques au large de Cuba n’étaient pas dangereuses. Mais, pour une raison qui n’est toujours pas établie, Savitsky n’en a pas été informé. Que va-t-il faire ? Ordonner le tir de son arme secrète, un engin dont les Américains ignorent qu’elle est en service sur ce type de sous-marin (ils ne l’apprendront qu’en… 1994) : une torpille nucléaire d’une puissance de 10 kilotonnes, soit à peu près celle de la bombe d’Hiroshima ?

Le patron du sous-marin ne peut, seul, déclencher le tir. « Cette torpille spéciale était gardée 24 heures sur 24par un officier de sécurité qui dormait auprès d’elle, raconte la meilleure spécialiste de cet épisode, l’historienne Svetlana Savranskaya. Cet officier disposait du jeu de clés indispensable pour armer l’engin et lui seul pouvait installer sa tête nucléaire. » D’après les règles édictées par le Kremlin, le commandant ne peut ordonner à l’ange gardien de lancer sa bombe sans en avoir reçu lui-même une instruction formelle de Moscou. Mais, curieusement, avant son départ vers Cuba, les patrons de la Marine soviétique lui ont donné d’autres consignes. Un vice-amiral a déclaré que les commandants des quatre sous-marins qui rejoignaient secrètement l’île en ce mois d’octobre 1962 pourraient lancer leur torpille spéciale si on les attaquait et si, de ce fait, « il y avait un trou » dans leur coque. Or, justement, les explosions de charges « creuses » lancées par les destroyers américains ont provoqué une petite fissure dans le B-59…

Selon le récit d’un officier présent dans le sous-marin, après les dix détonations, le commandant Savitsky perd son sang-froid. Ayant une fois encore vainement tenté de joindre Moscou, il lance à ses hommes : « On va les faire exploser maintenant ‘.Nous mourrons, mais nous coulerons tous ensemble. » Et il ordonne à l’officier de sécurité d’armer la torpille spéciale… « S’il l’avait lancée, il aurait détruit d’un coup tout le groupe naval américain à ses trousses et Kennedy aurait été contraint de répliquer avec une arme nucléaire. Cela aurait été le début d’un engrenage fatal », explique Svetlana Savranskaya, qui va publier « The Soviet Cuban Missile Crisis » (1).

Pourquoi Savitsky a-t-il renoncé ? D’après les survivants de cette odyssée, un homme a réussi à persuader le commandant de ne pas ordonner le tir : un certain Vassili Arkhipov, chef d’état-major de la flotte des sous-marins, qui, par hasard, navigue à bord du B-59 ce 27 octobre. Malgré son titre, cet officier supérieur ne peut donner d’ordre au commandant Savitsky, qui est le seul maître à bord. Il ne peut que tenter de le ramener à la raison. Comment y parvient-il ? On ne le saura jamais. Arkhipov est mort en 1998, en emportant son secret. Mais, selon l’historien de la guerre froide Thomas Blanton, « ce type a sauvé le monde ».

L’étincelle fatale peut aussi venir du ciel. Ce jour-là, le pilote américain Charles Maultsby est en mission de routine avec son avion espion U2. Parti d’Alaska, il doit se rendre au-dessus du pôle Nord pour recueillir des échantillons du nuage atomique provoqué par un essai nucléaire réalisé la veille par les Soviétiques. Mais le pilote Maultsby, aveuglé par une aurore boréale, a franchi sans le savoir la frontière de l’empire rouge et vole au-dessus de la péninsule de Tchoukotka, la pointe extrême de la Sibérie. Six Mi G soviétiques sont lancés à ses trousses.

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Commandant Maultsby, pilote d’U2

Pour venir en aide au commandant Maultsby, l’US Air Force dépêche immédiatement deux F-102. Seulement voilà : depuis que JFK a décrété l’alerte maximale, ce ne sont plus des armes conventionnelles que les deux jets transportent, mais deux missiles atomiques d’une puissance égale à celle de la bombe d’Hiroshima. Dans la précipitation, on les laisse s’envoler à la rencontre des MiG avec cet armement nucléaire. En théorie, celui-ci ne peut être utilisé que sur ordre du président des Etats-Unis. « Mais enpratique, écrit l’historien Michael Dobbs dans son livre magistral «One Minute to Midnight» (1), un pilote de F-102 avait la capacité physique de tirer la tête nucléaire en appuyant sur quelques boutons. Comme il était seul dans le cockpit, personne ne pouvait s’opposer à sa décision. »

L’un des deux pilotes de F-102 s’appelle Leon Schmutz, il n’a que 26 ans. Que va faire ce jeune officier tout juste sorti de l’école s’il est pris pour cible par les six MiG ? « Ne pas répliquera l’attaque d’un chasseur soviétique serait aller à l’encontre des instincts primaires de survie du pilote », écrit Dobbs. Autrement dit : selon toute probabilité, le jeune Schmutz tirera son missile nucléaire, ce qui conduira « à une guerre générale ». Mais, une fois encore, le scénario du pire est évité de justesse…
Quelques minutes avant d’être rattrapé par les MiG, lU2 dérouté retrouve son chemin. Et le jeune Schmutz rentre à sa base sans avoir tiré. Fin de l’histoire ? Non. Pendant plusieurs heures, l’armée soviétique se demande si, en ce jour de tension extrême, cette incursion d’un avion espion américain dans le ciel de l’URSS n’est pas le prélude à des frappes atomiques. Et pourtant, pour une raison encore mal éclaircie, Khrouchtchev décide finalement de ne pas tenir compte de l’incident.

L’étincelle pourrait aussi s’allumer sur terre, à Guantánamo, la base américaine que les Etats-Unis louent à Cuba depuis le début du XXe siècle et qui, sous George Bush, deviendra tristement célèbre pour sa prison. Ce samedi 27 octobre 1962, non loin de cette enclave séparée du reste de l’île par une gigantesque barrière de cactus, un régiment soviétique a fini d’installer dans la nuit une batterie de quatre-vingts missiles nucléaires de courte portée, surnommés « FKR ». Sa mission : vitrifier Guantánamo dès le début des hostilités. Or, ce « samedi noir », les Américains ignorent tout de ce déploiement autour de la base. Ils ne le découvriront qu’en… 2008, dans le livre de Michael Dobbs (2).

Cette nouvelle erreur majeure de la CIA aurait pu avoir des conséquences terribles. Car le plan d’attaque de l’île concocté par l’état-major américain commence par une semaine de bombardements conventionnels intensifs. Le Pentagone présume que les premières répliques seraient elles aussi conventionnelles. Il n’imagine pas que, selon les ordres de Khrouchtchev, dès les premières frappes de lUS Air Force sur Cuba, des FKR seraient tirés sur Guantánamo, ce qui ne laisserait d’autre choix à Kennedy que d’ouvrir à son tour le feu nucléaire et d’enclencher le cataclysme mondial. Le risque d’un tir soviétique en direction de la base est d’autant plus élevé, ce matin-là, que les missiles, installés en catastrophe par des militaires épuisés, n’ont pas été sécurisés. Leurs têtes nucléaires ne sont encore verrouillées ni par le moindre code, ni par la moindre clé. N’importe quel lieutenant anxieux ou exalté pourrait décider d’ouvrir le feu.

Nouveau miracle ! rien de tout cela ne se produit. Aucune étincelle ne vient enflammer la poudrière nucléaire. Mais qu’en sera-t-il les jours suivants ? Kennedy et Khrouchtchev, qui ont tous les deux combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, le savent d’expérience : dans une situation aussi tendue et aussi complexe, ils ne peuvent tout maîtriser. D’autant que, faute d’un canal de communication direct (le célèbre téléphone rouge entre le Kremlin et la Maison-Blanche ne sera installé qu’en août 1963, à la suite de cet épisode), leurs messages n’arrivent qu’au bout de plusieurs heures. Sans se parler, les deux K parviennent pourtant à la même conclusion : pour éviter d’être précipités contre leur gré dans le stade ultime de l’escalade – la guerre -, ils doivent au plus vite mettre un terme à leur bras de fer. Et pour cela faire des concessions.

Via des intermédiaires, ils s’entendent vite sur un compromis. Le Kremlin retirera ses missiles de Cuba. En échange, la Maison-Blanche s’engage à ne jamais envahir l’île et à désactiver discrètement, dans quelques mois, ses propres missiles en Turquie. Et le dimanche 28 octobre au soir, le monde pousse un immense « ouf » de soulagement. Sans savoir que la veille le monde a frôlé l’apocalypse.

Vincent Jauvert
(1) « The Soviet Cuban Missile Crisis », édité par Svetlana Savranskaya, CWIHP, à paraître.

(2) “One Minute to Midnight”,Michael Dobbs, éditions Knopf
Quand le Che voulait anéantir New York

La scène se déroule au Kremlin, le 30 octobre 1962, deux jours après que Nikita Khrouchtchev a décidé de retirer ses missiles nucléaires de Cuba. Le numéro un soviétique reçoit en tête-à-tête le patron du PC tchécoslovaque, Antonin Novotny. A chaud, il lui explique pourquoi il a cédé.

« Cette fois, nous étions vraiment à deux doigts d’une guerre nucléaire, confie-t-il dans une conversation dont le compte rendu vient d’être publié pour la première fois (*). Nous avons reçu une lettre de Castro dans laquelle il nous disait que les Américains allaient attaquer dans les vingt-quatre heures. Il nous proposait de déclencher une guerre atomique en premier. Nous étions totalement stupéfaits. Clairement, Castro [photo, à gauche] n’avait aucune idée de ce qu’était une guerre thermonucléaire. Après tout, si un tel conflit s’était produit, c’est Cuba qui aurait d’abord disparu de la surface de la Terre. Et puis, il pouvait y avoir une contre-attaque, potentiellement dévastatrice. Après tout, qu’aurions-nous gagné ? Des millions de gens seraient morts, dans notre pays aussi. Est-ce qu’on peut envisager une chose pareille ? Pouvons-nous permettre de mettre en danger le monde socialiste, imposé dans la douleur par la classe ouvrière ? Seule une personne aussi aveuglée par la passion révolutionnaire que Castro peut parler ainsi. »

Après avoir cédé à Kennedy, Khrouchtchev n’a qu’une obsession : éviter que les missiles ne tombent entre les mains des Cubains. « Fidel » demande à conserver, ni vu ni connu, les armes nucléaires que les Américains n’ont pas découvertes. Sur ordre, l’émissaire de Moscou, Anastase Mikoyan (photo, à droite), lui répond que c’est impossible. « Nous avons une loi qui interdit un tel transfert à qui que ce soit », répond-il. C’est un mensonge. Mais le Kremlin n’a pas confiance. Il a raison. Quelques jours plus tôt, Che Guevara (photo, centre) a déclaré en secret à l’ambassadeur de Yougoslavie à La Havane (*) : « Si nous, les Cubains, avions le contrôle de [ces] armes nucléaires, nous les installerions sur chaque centimètre de Cuba et n’hésiterions pas, si nécessaire, à les tirer dans le coeur de l’adversaire : New York. »

(*) Publié dans le dernier numéro du « Cold War International History Project Bulletin », sous la direction de James Hershberg, octobre 2012.

Source : NouvelObs, 27/10/2012

Source: http://www.les-crises.fr/crise-de-cuba/


[Reprise] Quatre mois après Maïdan, les promesses non tenues de la révolution ukrainienne

Thursday 14 August 2014 at 01:57

Reprise d’un article du Monde

Selon son propre mot, Tetiana Tchornovol est une « star » de la révolution ukrainienne. De ses heures sombres, comme ce 25 décembre 2013 où cette journaliste spécialiste des affaires de corruption fut retrouvée dans un fossé, passée à tabac sur une route des environs de Kiev pour avoir publié, quelques heures plus tôt, des photos de la luxueuse résidence du ministre de l’intérieur d’alors. Star, elle le fut aussi après la fuite du président Viktor Ianoukovitch. Le 22 février, la foule de Maïdan acclamait le nom de la nouvelle responsable du « comité national de lutte contre la corruption ».

Aujourd’hui, Mme Tchornovol est une fonctionnaire perdue dans les rouages de l’administration, sans équipe, sans pouvoirs réels, démunie face au « dragon » de la corruption et critiquée par ses anciens camarades. Elle travaille sur la liquidation des avoirs du clan Ianoukovitch, notamment d’immenses stocks d’hydrocarbures. La jeune femme a lutté pied à pied avec ses interlocuteurs du ministère de la justice pour préparer un projet de loi chargeant l’Etat de liquider les stocks. Pour, finalement, découvrir que l’un des vice-ministres, déjà en poste sous la présidence précédente, avait modifié le texte et offert à des entreprises le soin de mener la transaction. 

« VOLONTÉ POLITIQUE »

« Tout en haut de l’échelle, la volonté politique est là, mais beaucoup de fonctionnaires et de politiques sont restés en place, témoigne Mme Tchornovol. Les anciens schémas de corruption, surtout, perdurent, même si la voracité n’a plus rien à voir avec l’époque Ianoukovitch. Il faudrait remplacer les hommes, mais où trouver les personnes assez expérimentées pour leur succéder ? Quant à la corruption, elle profite à trop de monde, y compris au sein du nouveau pouvoir. »

Remplacer, c’est l’obsession d’un autre comité installé dans l’euphorie post-révolutionnaire : celui chargé de la « lustration ». Il s’agissait alors de se débarrasser de dizaines de milliers de responsables. Tout paraissait possible. Le premier ministre, Arseni Iatseniouk, ne venait-il pas d’annoncer qu’il voyagerait désormais en classe économique ?

Quatre mois plus tard, la plupart des projets de loi du « comité lustration » dorment au fond d’un tiroir. Sa victoire la plus retentissante s’est muée en déroute : mi-avril, après que 2 000 personnes recrutées parmi les irréductibles qui campent encore sur Maïdan se furent rassemblées devant le Parlement, tous les présidents de tribunaux ont été remerciés, et leur remplacement soumis à un vote des juges. Résultat : 80 % d’entre eux ont été réinstallés.

« A dire vrai, notre comité n’a même pas été officiellement formé, explique l’une des animatrices du groupe, Olga Galabala. L’annonce de sa création était seulement destinée à calmer Maïdan. Puis il y a eu la Crimée, la guerre dans l’Est… Mais nous savons que la révolution est un processus long. Il faut seulement que les citoyens ne baissent pas la garde, comme ils l’ont fait après la “révolution orange” de 2004. » 

RÉSISTANCES

La principale solution évoquée par les militants pour donner corps aux revendications de Maïdan et accélérer le renouvellement des élites est celle d’élections législatives anticipées. Leur tenue était une promesse du candidat Petro Porochenko, élu à la présidence le 25 mai, et l’ensemble du personnel politique se dit en leur faveur. Mais, là encore, les résistances montrent la difficulté à se défaire des pratiques passées. Elles émanent des perdants potentiels d’un tel scrutin – Parti des régions de l’ex-président Ianoukovitch, Parti communiste, parti Batkivchtchina de Ioulia Timochenko –, mais surtout de ceux parmi les députés qui ont purement et simplement acheté leur siège lors du scrutin de 2012. Selon les données collectées par la sociologue Ioulia Shukan, un mandat à la Rada peut coûter jusqu’à plusieurs millions d’euros. Le retour sur investissement serait tout simplement menacé.

« Les visages ont déjà changé », a tranché M. Porochenko lors de son discours d’inauguration, le 7 juin. Entre les lignes, il fallait surtout comprendre qu’un changement radical du système, lui, attendrait. L’allocution concernait d’ailleurs moins d’éventuelles réformes que la sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays, menacée par l’insurrection dans le Donbass. Le score du président – 54,7 % des voix au premier tour – montre que les priorités ont changé : malgré les promesses non tenues et le retour des oligarques honnis, il s’agissait de donner le mandat le plus fort possible, dans un contexte d’agression extérieure, au mieux placé des candidats issus de la révolution.

Sergueï Pachinski a été le chef de l’administration présidentielle du prédécesseur de M. Porochenko, Olexandre Tourtchinov, président intérimaire pendant trois mois. Il tient peu ou prou le même discours. « Quand nous sommes arrivés au pouvoir, notre objectif numéro un était la lutte contre la corruption. Une semaine plus tard, la question qui nous était posée était celle de la survie de l’Ukraine. Mais il ne faut pas penser que Maïdan n’a servi à rien. Une nation y est née, et elle s’est affirmée lors de l’élection présidentielle, quand les régions ont voté indifféremment pour Porochenko. Bâtir un Etat sur les ruines dont nous avons hérité, ce sera l’étape d’après. » 

« ÉTAT DE GRÂCE »

Où en est la révolution, quatre mois après et à la veille de la signature, vendredi 27 juin, du volet économique de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne ? La réponse de Pavel Rizanenko, député du parti UDAR, n’est pas si éloignée de celle des militants de Maïdan. « Le pouvoir est encore en état de grâce. Mais dans six mois, il faudra des résultats tangibles, sinon il y aura un Maïdan d’octobre, comme il y a eu en Russie la révolution d’Octobre après celle de février. » Dans sa circonscription des environs de Kiev, les chefs de la police ont été remplacés. Mais les policiers de base, ceux qui complètent leur salaire de 200 euros en extorquant citoyens et entrepreneurs, sont restés.

M. Rizanenko a un plan simple pour gagner du temps et faire illusion : « échanger » ces hommes contre ceux d’une ville voisine, « au moins pour donner aux gens l’impression d’un changement ». 

Benoît Vitkine (Kiev, envoyé spécial)
Journaliste au Monde

Source : Le Monde

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-quatre-mois-apres-maidan-les-promesses-non-tenues-de-la-revolution-ukrainienne/


[Invité] La banque comme régulateur de la puissance publique, par Rémy Mahoudeaux

Thursday 14 August 2014 at 00:14

Dans la torpeur estivale, cette information aurait pu passer complètement inaperçue. C’est un article daté du 9 Août 2014 signé du bureau éditorial du New York Times (1) relayé sur un réseau social qui a attiré mon attention sur cet événement. 11 banques parmi les plus importantes de la planète (2) ont vu leurs copies du « testament bancaire » retoquées le 6 août. Vous savez, ce document imposé par le Dodd Franck Act ou autres lois Moscovici et sensé fournir la « recette » du démantèlement au moins pire des intérêts des créanciers et de l’écosystème en cas de crash de l’établissement financier testateur.

J’ai déjà publiquement abondé il y a plus d’un an (3) dans le (bon-) sens d’Olivier Berruyer sur le sujet du testament bancaire : « Plutôt que de savoir quoi faire si Fukushima se reproduit, je préfère empêcher que Fukushima se reproduise ». Il est inutile de s’attarder sur l’opportunité de ce document : utile ou non, il est obligatoire. Mais là, les « exécuteurs testamentaires » que sont la Federal Reserve et la Federal Deposit Insurance Corporation, tentant de valider ex ante les informations de la version 1.0 de ces testaments, jugent ces documents non réalistes et insuffisamment étayés (4). Il est donné aux cancres une année de plus pour produire un codicille acceptable et satisfaire cette prescription. Soit 5 ans au lieu de 4. Mais pas question de bousculer de 100 bp l’exigence de leur ratio Tier 1 dans l’attente d’une copie qui obtiendrait la moyenne, ou de leur coller une amende dont la démesure outre-Atlantique esbaudit l’observateur européen.

Cette année supplémentaire indigne les signataires de l’article, et, de mon point de vue, ils ont raison. Pendant cette année, ces banques qui font partie de la trentaine de banques systémiques mondiales vont continuer à s’exposer et exposer leur écosystème sans satisfaire une des contraintes réglementaires qui devrait s’imposer à elles et (théoriquement) réduire la portée du désastre induit par leurs éventuelles défaillances, le sinistre maximum possible en jargon d’assureur. Nonobstant l’inefficacité dont j’affuble cette disposition, ne s’agit-il pas d’une distorsion conséquente à la concurrence par rapport aux autres établissements systémiques ayant fait correctement ce travail ?

Mon opinion d’iconoclaste : cette généreuse clémence qui confine au laxisme est un symptôme de cette inversion de fait que j’ai formulé dans mon titre : la banque est devenue le régulateur de la puissance publique, quand bien même une bonne théorie d’économie politique nous dirait que c’est l’inverse qui devrait être la norme. Un citoyen, ennemi de la finance ou non, ne saurait s’en réjouir.

Autre sujet d’agacement, la relative discrétion des médias français. Le sujet n’est certes pas passionnant, le reste de l’actualité est chargé, et je suis sans doute plus sensible que d’autres à la régulation bancaire, mais j’ai parfois le sentiment que nos médias sont plus complaisants quand il faudrait qu’ils soient pugnaces. L’absence de banque française prise la main dans le pot de miel explique peut-être ce relatif silence, mais le constat qu’un tiers des banques systémiques mondiales s’avère incapable de produire un testament qui tienne la route devrait (de mon point de vue) être terrifiant, ou alors ils partagent mon scepticisme sur l’utilité du testament bancaire et se taisent pour des raisons que j’ignore.

Bref, si vous pensez que Dodd Frank Act et ses avatars locaux protégeront l’économie mondiale des crises financières, vous êtes peut-être naïf, ou alors victime d’une information défaillante. La mansuétude sans contrepartie dont ces banques semblent bénéficier me fait penser à une cour de récréation où l’on pourrait lever le pouce pour dire qu’avant, ça ne comptait pas, c’était pas du jeu. Il serait opportun que la finance mondiale se fasse imposer un Glass Steagall Act pour éviter qu’au lendemain d’une prochaine crise, un Vincent Auriol ne soit tenté de mettre sa menace à exécution (5).

(1) http://www.nytimes.com/2014/08/10/opinion/sunday/too-big-to-regulate.html?_r=0
(2) Bank of America, Bank of New York Mellon, Barclays, Citigroup, Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Morgan Stanley, State Street & UBS
(3) http://www.finyear.com/Banque-pensee-unique_a25090.html
(4) « unrealistic or inadequately supported »
(5) « Les banques, je les ferme, les banquiers, je les enferme. »

Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx

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Je complète par ce papier de François Garçon, Enseignant-chercheur, sur le Nouvel Obs

Le patron de la BNP “affecté” par l’amende record des USA : l’ENA-pipeau a encore frappé

LE PLUS. BNP Paribas a été condamnée fin juin à une amende de 6,5 milliards d’euros pour avoir violé les embargos américains contre le Soudan, Cuba et l’Iran. “Très affecté” par la sanction, le patron de la banque, Baudoin Priot, envisagerait de céder sa place. Quand les médias arrêteront-ils de le couvrir d’éloges ? Coup de gueule de François Garçon.

Ce grand patron “à la française”, autrement dit sorti de l’ENA et rapidement hélitreuillé à la tête d’un groupe de 180.000 personnes par un pair sorti de la même colonne de distillation (bonnes notes au lycée (!?), concours imbécile mais “méritocratique”, haute fonction publique, ignorance totale du milieu PME) à, de surcroît, eut la consécration journalistique : en 2009, le journal “La Tribune” le consacrait “stratège de l’année” pour avoir racheté Fortis Banque et, l’année suivante, il était élu “meilleur dirigeant bancaire européen”.

En 2012, c’est au tour du magazine “Challenges” de le célébrer comme “patron le plus performant“. En 2011, avec sa rémunération fixe et ses bonus, l’intéressé empochait 2,47 millions d’euros.

L’avez-vous reconnu ? Il s’agit de Baudoin Prot, patron de la BNP, dont la banque, nous dit “Le Monde”, connaît “des ennuis judiciaires” aux États-Unis. Ennui, nous dit “Littré”, signifie “contrariété”, voire “grand chagrin”.

La banque savait les risques qu’elle prenait 

En l’occurrence, cette contrariété et ce grand chagrin se traduisent par un chèque en dollars avec un 9 suivi de neuf zéros. Neuf milliards de dollars. Alors que le président collectionnait les médailles, la BNP, “sa” banque, celle dont Baudoin Prot était le patron, commerçait activement (et en dollars) avec Cuba et le Soudan, l’un des plus innommables régimes sur la planète.

À écouter nos benêts banquiers français, ils ignoraient que jongler avec la monnaie américaine plaçait automatiquement les transactions concernées sous la juridiction de ce pays !

Il est aujourd’hui admis que, depuis juin 2006, la banque savait les risques qu’elle prenait en enfreignant sciemment la législation américaine. Pire, on apprend encore que lorsque les autorités américaines ont engagé des poursuites contre la banque française, elle s’est empressée de détruire des documents qu’elle jugeait, sans doute à juste titre, compromettants.

Si à cela l’on ajoute les gémissements de Michel Sapin, déplorant l’hégémonie du dollar, puis l’humiliation de François Hollande intercédant auprès d’Obama pour que l’IRS américain revoie à la baisse sa sanction contre la banque française (à quoi Obama aurait répondu qu’en vertu de la séparation des pouvoirs, une telle démarche était impensable aux États-Unis), il n’est pas illégitime de s’interroger sur ce qui reste de “l’autorité morale” de la France.

Cessons donc de consacrer les patrons français !

Pour revenir à Baudoin Prot, et si l’on en croit le “JDD”, “son entourage le dit très affecté par la sanction”. Pardi, on le serait pour moins !

Après la faillite du Crédit Lyonnais sous la direction d’un autre inspecteur des finances, ou l’affaire Kerviel à la Société Générale, banque dirigée par un clone des précédents, cet énième cataclysme bancaire illustre l’incurie de cette vaste famille de dirigeants français qui, de l’entreprise, n’ont jamais connu que leur stage pipeau à l’ENA.

Cette engeance régale la presse qui, en retour, l’invite sur ses plateaux de radio ou de télévision, où elle se rengorge.

Que cette presse cesse donc de consacrer les “patrons de l’année”, ceux qui n’ont jamais rien créé, qui sont aux antipodes du modèle justement célébré de patrons anglo-saxons ou germaniques, sortis du rang, ayant monté leur entreprise pour ensuite la faire prospérer. Dommage d’être tant fasciné par ce modèle d’entrepreneurs hors de France pour, sitôt qu’on y revient, se rabattre sur l’archétype du technocrate interchangeable.

Le patronat français du CAC 40 est un patronat de réseau, réseau qui s’encalmine sitôt sorti de France. L’arrogance acquise pendant leurs formations stériles, organisées autour de concours imbéciles et de classements de sortie, s’avère une calamité. Peut-être viendra le jour où l’on s’en rendra enfin compte.

Enfin, tant de banquiers ont été célébrés pour leurs performances financières de l’année écoulée pour se découvrir, l’année suivante, de pendables imbéciles, ne conviendrait-il pas, comme dans le cas de sportifs dopés et démasqués, de procéder à la restitution des médailles et autres hommages dont ces patrons sont l’objet et dont ils sont si friands ?

Source : Nouvel Obs

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Et un peu de Lordon pour finir :

Source: http://www.les-crises.fr/la-banque-comme-regulateur-de-la-puissance-publique/


[Exclusif] Laurent Fabius contre Columbo…

Wednesday 13 August 2014 at 10:36

Fabius hier, sur France Info, vous trouverez la version toilettée sur le site du Ministère

Ukraine / Russie, comme d’hab…

Q – La Russie envoie un convoi humanitaire en Ukraine. Vous craignez que ce ne soit pas seulement un convoi humanitaire ?

R – Oui, c’est tout le problème. La Russie dit : «J’envoie des camions pour des raisons purement humanitaires», mais il y a une règle dans ces opérations. C’est que ce n’est possible qu’avec l’accord du pays dans lequel on envoie cette aide humanitaire et avec l’aide de la Croix-Rouge. Or, cette question n’est pas encore réglée. Évidemment, il faut être extrêmement prudent, parce que cela pourrait être une couverture de la part des Russes pour s’installer près de Louhansk et de Donetsk et pratiquer la politique du fait accompli.

Q – Il y a donc là une violation du droit international ?

R – Il y a des discussions avec la Croix-Rouge. Cette opération n’est possible et justifiable qu’à partir du moment où la Croix-Rouge aura donné son aval, où il n’y aura pas de forces militaires autour et il n’y aura pas simplement les Russes mais d’autres et l’Ukraine serait d’accord, ce qui à l’heure où je parle n’est pas le cas.

Q – Et si la Croix-Rouge ne donne pas son accord, qu’est-ce qui se passe ? Les camions arriveront à peu près d’ici deux jours. Ils partent aujourd’hui de Moscou.

R – À ce moment-là, il ne faut pas les autoriser à passer.

Q – Ça veut donc dire une action ? Une réaction de quelqu’un ? De la communauté internationale ?

R – Non. Je pense qu’il y a une pression des Russes et il faut qu’en face de la pression des Russes, la Croix-Rouge – qui est une organisation tout à fait respectée et respectable – agisse comme elle doit le faire avec la communauté internationale.

P.S. “la communauté internationale.” = “les pays vendus aux États-Unis…”, vous l’aurez corrigé…

Mais alors en Irak…

 - Laurent Fabius, la France a commencé à apporter de l’aide humanitaire en Irak. Qu’en est-il de l’aide militaire ? Vous avez dit que vous vouliez que ça se fasse dans un cadre européen. Où en êtes-vous de vos discussions avec nos voisins ?

R – Prenons les choses une par une si vous le voulez bien. Sur le plan humanitaire, j’ai convoyé dimanche dernier dix-huit tonnes à destination d’Erbil. Dans les deux jours qui viennent, il va y avoir un nouvel envoi de vingt tonnes d’équipements, de potabilisation d’eau et de médicaments. Cela va être fait dans les deux jours et arrivera aussi dans la région kurde. Dans les jours suivants, un troisième envoi est prévu avec des vivres. Ça, c’est sur le plan humanitaire français. Sur le plan européen, j’ai demandé immédiatement à la suite de mon voyage, à l’Europe qu’on établisse un pont européen humanitaire. Pour que ce ne soit pas la France toute seule, ou la France et tel pays de manière désordonnée, mais que l’ensemble des pays d’Europe puissent coordonner leur action. Aujourd’hui même, il y a une réunion de ce qu’on appelle le COPS (Comité politique et de sécurité), c’est-à-dire des représentants des différents pays au niveau européen, pour mettre cela en musique, et j’espère que cela va être fait. Ça, c’est sur le plan humanitaire.

Q – Pour l’instant, aucun pays ne vous a donné son accord ?

R – La réunion d’aujourd’hui a pour but de coordonner l’action des différents pays européens. J’espère bien qu’ils vont donner leur accord. On ne peut pas rester sans réaction lorsqu’on voit des centaines et des milliers de gens, des enfants et des femmes mourir de faim. C’est de cela qu’il s’agit.

Q – Et pour l’aide militaire ?

R – Deuxio, il y a le politique et tertio, il y a le militaire. Sur le plan politique, vous avez vu ce qu’il se passe. Très heureusement, l’ancien Premier ministre M. Maliki qui était responsable d’une grande partie de ce désastre, a été remplacé par M. Al-Abadi que nous soutenons. Le président Massoum, qui est le président irakien, dit à M. Al-Abadi : «Vous êtes en charge», mais M. Maliki s’accroche si je puis dire. La position de la France est tout à fait claire : nous soutenons le Premier ministre qui a été désigné régulièrement et nous espérons bien qu’il y aura un gouvernement d’union nationale. Ça, c’est sur le plan politique interne.

Q – Et le troisième point, le plan militaire.

R – Le troisième point est l’aspect militaire. Il y a un déséquilibre évident parce que d’un côté, cet horrible groupe terroriste de l’État islamique dispose d’armes très sophistiquées, qu’ils ont d’ailleurs prises pour une bonne part à l’armée irakienne qu’ils ont mise en déroute. De l’autre côté, les Peshmergas, c’est-à-dire les combattants kurdes, sont extrêmement courageux mais n’ont pas les mêmes armes. On peut rester comme cela et dire : «C’est désolant, on n’y peut rien» mais telle n’est pas notre position. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Mme Ashton de réunir au plus vite le Conseil des affaires étrangères, l’ensemble de mes collègues, pour qu’on prenne au niveau européen des décisions sur ce point.

[Columbo] Excusez-moi monsieur le ministre, je suis le lieutenant Columbo de la brigade criminelle. Désolé de vous déranger, mais il y a un point que je comprends mal… Vous nous dites qu’il faut armer les combattants kurdes car ils n’ont pas les “armes sophistiquées” qu’ont les terroristes.

Tiens, d’ailleurs ma femme me disait qu’elle n’avait pas vu d’armes spécialement “sophistiquées” à la télévision, mais on en reparlera plus tard…

Non, mais ce qui me chiffonne, c’est que vous dites que les terroristes les ont prises à l’armée régulière qu’ils ont même “mise en déroute”.

Alors je me demandais, sachant que ce sont les Américains qui avaient fourni à l’armée ces “armes sophistiquées”, comment les terroristes, qui sont des va nu-pieds, avaient réussi à battre l’armée irakienne professionnelle qui avait alors ces fameuses ”armes sophistiquées”, et pourquoi les Peshmergas n’arrivent pas à leur tour à les prendre aux troupes – cette fois non professionnelles – des terroristes ?

Je pose la question, car comme ma femme dit souvent “tu sais, il faut bien vérifier, car les politiques ont une sérieuse tendance à nous prendre pour des cons…”, et donc, je me demandais si, par hasard, on n’aurait pas armé des personnes non loyales qui auraient simplement retourné les armes contre nous…

Q – Pour le moment, il n’y a aucun accord avec d’autres pays ?

R – Il n’y a pas encore de date et je redemande que ce soit fait d’urgence. Je sais bien que dans les pays occidentaux, c’est la période des vacances, mais enfin quand il y a des gens qui meurent, j’allais dire qui crèvent, il faut revenir de vacances ! J’ai demandé et Mme Mogherini, la ministre italienne, aussi, que cela soit fait en urgence et j’attends que l’urgence soit respectée.

Q – Quel serait l’objectif ? Arrêter la progression de ces combattants islamistes ? C’est-à-dire les circonscrire à une région particulière ou les détruire et les empêcher de construire leur État islamique ?

R – Vous savez, quand vous voyez ce que font ces gens et ce qu’ils ont l’intention de faire, c’est en gros tuer tous ceux qui ne pensent pas comme ça, qui n’abjurent pas leur religion, pratiquer les tortures, les viols systématiques. Enfin, ce sont des gens absolument inhumains ! Il ne s’agit pas simplement de dire : «C’est regrettable. Passons notre chemin.» Il s’agit d’aider les Kurdes et les Irakiens à avoir les moyens de résister et, si possible, de les battre. Car leur objectif, Madame, ce qu’ils appellent le Khalifa islamique, ce n’est pas simplement l’Irak, c’est l’Irak, c’est la Syrie, c’est la Jordanie, c’est Israël, c’est la Palestine, excusez du peu. C’est ça, l’objectif. Et nous, nous tous, qui ne pensons pas comme eux, que ce soit au Proche ou Moyen-Orient ou en Europe, nous sommes des chiens à écraser et à détruire. Quand on est dans cette situation, il faut évidemment garder son calme, mais il faut aussi donner les moyens aux uns et aux autres de résister, et si possible de les neutraliser.

Faisons attention à un point, tout de même, j’attire votre attention là-dessus. C’est qu’il y a beaucoup de combats qui ont lieu au niveau des Kurdes, c’est-à-dire au Nord de l’Irak, mais vous avez vu peut-être que si les Kurdes ont pu reprendre deux villages hier, en revanche il y a une ville qui n’est pas loin de Bagdad, qui a été prise par l’État islamique. Quand vous regardez la carte, faites attention à ce qu’il n’y ait pas simplement l’attention portée sur ce qui se passe au Nord de l’Irak, mais il y a aussi la question de Bagdad. J’étais dimanche à Bagdad, qui est une ville totalement en état de guerre, vous avez des tanks à tous les coins de rues, et le front est à cent vingt kilomètres.

[Columbo] Excusez-moi de nouveau monsieur le ministre, c’est toujours le lieutenant Columbo de la brigade criminelle.

Désolé de vous déranger, mais il y a encore un point que je comprends très mal…

Vous nous dites qu’il faut armer les combattants kurdes, car on ne peut pas laisser des civils “crever” face à des terroristes (évidemment “inhumains” – et pour qui nous serions des “chiens à écraser et à détruire”), et qu’il faut envoyer de l’aide humanitaire et  leur donner les moyens de résister.

Alors je comprends mal, parce que hier, je regardais sur Internet (là par exemple) avec ma femme des vidéos atroces de pauvre civils innocents massacrés par les bombes de leur propre armée dans l’Est de l’Ukraine. Et vous venez de dire plus haut qu’il ne fallait pas laisse passer un convoi humanitaire, et qu’il fallait sanctionner la Russie que vous accusez (sans preuves, mais on y reviendra) d’armer les Ukrainiens de l’Est, que ma femme trouve d’ailleurs aussi “courageux” que les Peshmergas, et qui, eux non plus, n’ont pas les mêmes “armes sophistiquées” que l’armée ukrainienne.

Or, je rappelle aussi avoir entendu (et on peut l’écouter ici) l’ancienne Premier ministre ukrainienne, dont le bras droit est l’actuel Premier ministre, dire que : Il est temps de prendre nos armes et d’aller tuer ces maudits russes ainsi que leur leader. J’aurais trouvé un moyen de tuer ces connards. [...] J’espère que je serai capable d’impliquer toutes mes relations. Et j’utiliserai tous mes moyens pour faire se soulever le monde entier afin qu’il n’y ait même plus un champ brulé en Russie. [...] Ils doivent être détruits avec des armes nucléaires.“, ce qui pourrait tout de même permettre de conclure que bons nombre de dirigeants ukrainiens considèrent les Russes comme “des chiens à écraser et à détruire.”

Et donc, je me demandais, avec vos positions, si un Russe ne pourrait pas penser, à raison, qu’on se fout vraiment du monde en général, et d’eux en particulier ?

Source: http://www.les-crises.fr/exclusif-laurent-fabius-contre-colombo-ca-marche/