les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

Update

Updating database... Please wait.

Les néoconservateurs trouvent de nouvelles excuses pour bombarder la Syrie, par Paul R. Pillar

Wednesday 21 September 2016 at 05:01

Source : Consortium News, le 08/08/2016

Le 8 août 2016

Les néoconservateurs influents de Washington continuent à inventer de nouvelles excuses pour accroître l’intervention militaire des États-Unis en Syrie, y compris pour bombarder les forces gouvernementales syriennes et affronter la Russie, écrit l’ancien analyste de la CIA Paul R. Pillar.

Par Paul R. Pillar

La nature complexe et multidimensionnelle de la guerre civile syrienne entrave la clarté du débat aux États-Unis sur la politique envers la Syrie. L’implication dans le conflit de multiples protagonistes, tous objets d’anathèmes de la part des débatteurs américains, mais s’opposant les uns aux autres en Syrie, reste un élément de complication fondamentale trop souvent ignoré.

Les questions fondamentales sur ce que sont les intérêts américains en Syrie sont trop souvent abordées superficiellement. Un exemple récent nous est donné par un article de Dennis Ross et Andrew Tabler, du Washington Institute for Near East Policy, plaidant en faveur d’une campagne de bombardements contre le régime d’Assad et exprimant son opposition à toute forme de coopération avec la Russie dans les frappes contre les groupes extrémistes, tels que le front al-Nosra affilié à al-Qaïda.

Le Secrétaire d'État américain John Kerry lors d'une conférence de presse commune sur la crise syrienne avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. (Photo du Département d'État)

Le Secrétaire d’État américain John Kerry lors d’une conférence de presse commune sur la crise syrienne avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. (Photo du Département d’État)

En tentant de résoudre la quadrature du cercle, en voulant intervenir avec force dans la guerre contre le régime d’Assad sans saper les efforts faits contre les groupes terroristes anti-occidentaux contre lesquels ce régime se bat aussi, Ross et Tabler soutiennent que toute action américaine ou russe contre ces groupes « les pousserait ainsi que les réfugiés vers la Turquie voisine », entraînant les terroristes « et la menace de la violence militante, à se rapprocher encore plus de l’Occident. »

Ceci est une bien étrange manière de prendre le contre-pied du fameux « les combattre là-bas ou les combattre chez nous » appliqué à la lutte anti-terroriste. Ce point de vue n’a jamais fait la preuve d’une corrélation positive et directe entre les interventions à l’étranger et la sécurité intérieure, pas plus d’ailleurs que ce genre de corrélation négative directe proposée par Ross et Tabler.

L’expérience indique que les corrélations négatives ont beaucoup plus à voir avec le ressentiment lié aux opérations militaires des États-Unis, ce qui crée plus de radicalisation et une augmentation du sentiment anti-occidental, et Ross et Tabler plaident en faveur de plus de telles opérations en Syrie. Ils répètent la même erreur que les tenants du principe « les combattre là-bas ou chez nous », en supposant un nombre constant de méchants qui traversent les frontières internationales mais ne se multiplient pas.

De plus, pour autant que les réfugiés soient concernés, les personnes peuvent devenir des réfugiés autant parce qu’elles combattaient le régime d’Assad que parce qu’elles combattaient contre l’EI ou al-Nosra. Au final, Ross et Tabler ne font la quadrature d’aucun cercle ; ils ne font que répéter qu’ils veulent combattre Assad, et que le volet contre-terroriste de la politique des États-Unis ne devrait pas avoir la priorité en Syrie.

En critiquant l’approche de l’administration Obama qui consiste à se concentrer sur le contre-terrorisme tout en cherchant un terrain d’entente avec les Russes, Ross et Tabler produisent des scénarios comme s’ils étaient les conséquences de ce que fait l’administration, même si ce n’est pas le cas. Ils mettent en avant des arguments sur le manque d’hommes du gouvernement Assad pour occuper les zones rurales sunnites, et donc son besoin de s’appuyer sur le Hezbollah et d’autres milices shiites pour le faire, et cela poussera al-Nosra et d’autres vers la Turquie, les rapprochant de l’Occident.

Mais qu’est-ce que tout cela a à voir avec ce que fait l’administration Obama ou le fait de parler aux Russes ? Damas et le Hezbollah ont leurs propres raisons de faire ce qu’ils font dans les zones sunnites de la Syrie.

Procès d’intention

Ross et Tabler imputent certaines priorités au président russe Vladimir Poutine, affirmant qu’il « est plus intéressé à démontrer que la Russie et ses alliés gagnent en Syrie et que les États-Unis perdent », plutôt que d’essayer de trouver des façons de limiter l’engagement de la Russie et les coûts dans la guerre civile Syrienne.

Dennis Ross, qui a été émissaire haut placé des États-Unis au Moyen Orient.

Dennis Ross, qui a été émissaire haut placé des États-Unis au Moyen Orient.

Mais leur appel ultérieur à utiliser l’armée de l’air américaine pour infliger des dégâts aux Russes ou à leur allié syrien reviendrait plutôt à affirmer le contraire. Si Poutine était vraiment plus intéressé au jeu des gagnants et des perdants en Syrie plutôt qu’à la limitation des coûts pour son pays, alors la coûteuse escalade des États-Unis serait plus encline à provoquer une contre-escalade de la part des Russes qu’un repli.

C’est peut-être pour échapper à un tel manque de logique que Ross et Tabler disent que les frappes aériennes américaines qu’ils recommandent « seraient effectuées seulement si le gouvernement d’Assad violait la trêve que, selon la Russie, la Syrie s’est engagée à respecter. » Mais l’hypothèse implicite qu’il y aurait quelque chose d’approchant une vision commune de ce qui est ou non une violation de la trêve et de qui l’a ou ne l’a pas commise, est tout à fait irréaliste, en particulier dans un conflit aussi confus avec autant de combattants différents, que celui de la Syrie.

Le régime syrien justifierait presque certainement toutes les attaques qu’il mènerait comme une réponse aux violations de l’autre camp, et au moins dans certains cas, le régime pourrait avoir raison. Ross et Tabler écrivent qu’il faut persuader la Russie « de s’arranger pour que M. Assad se conduise correctement », comme si la Russie contrôlait le comportement de la Syrie, ce qui n’est pas le cas. Qui va donc s’arranger pour que l’opposition archi-divisée et infestée d’extrémistes « se conduise correctement » ?

L’article soutient l’hypothèse erronée que la création des conditions d’un règlement politique consiste simplement  à peser suffisamment sur le régime syrien et à obtenir alors de ses soutiens russes et iraniens qu’ils se débarrassent de leur conviction présumée (une autre hypothèse erronée de Ross et Tabler, pour laquelle ils ne fournissent aucune preuve) qu’une résolution purement militaire du conflit est possible.

Mais un seul camp ne suffit pas pour faire un règlement politique. Il y a eu au moins autant d’obstination et de réticence à faire des compromis du côté des éléments rebelles. En pesant sur ces éléments avec leur puissance aérienne, les États-Unis ne feraient probablement qu’augmenter ce durcissement. Les guerres civiles ne peuvent se régler que lorsque tous les côtés, et pas uniquement un seul, comprennent que continuer une guerre mène à une impasse. Il sera difficile d’obtenir un cessez-le-feu si une des parties voit le conflit se développer trop à son avantage, ou au contraire trop à son désavantage.

Le manque le plus flagrant et le plus fondamental dans l’analyse de Ross et Tabler est son échec à examiner avec précision quels sont les intérêts réels des États-Unis en Syrie. L’afflux de réfugiés venant de Syrie, l’instabilité ou le terrorisme sont des conséquences néfastes de la guerre elle-même, et non d’une coloration politique particulière du gouvernement de Damas.

Les Assad père et fils ont été au pouvoir depuis 46 ans. Il serait difficile de faire valoir que la vie ou la mort d’un régime d’Assad est essentielle pour les intérêts américains et ce serait encore plus difficile en prenant en compte les solutions de rechange actuelles, ou plutôt le manque de solutions de rechange.

La guerre syrienne finira par se terminer par une sorte de compromis par épuisement, probablement fragile et temporaire, comme l’accord de Taëf concernant le Liban ou l’accord de Dayton concernant la Bosnie. Et cela, on l’a déjà sans doute compris dans toutes les capitales concernées.

Obtenir un accord, même fragile, ne va pas consister simplement à exercer des pressions ou à imposer des coûts d’un côté. Pour y arriver, il faudra la coopération constructive de la Russie et de l’Iran. Aucun de ces alliés d’Assad ne va être amené par la puissance aérienne des États-Unis à se coller l’étiquette de « perdant » sur le front en s’éclipsant de la Syrie la honte au front.

Paul R. Pillar, pendant ses 28 ans passés à la Central Intelligence Agency, est devenu l’un des meilleurs analystes de l’agence.

Source : Consortium News, le 08/08/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: https://www.les-crises.fr/les-neoconservateurs-trouvent-de-nouvelles-excuses-pour-bombarder-la-syrie-par-paul-r-pillar/


Vu de Tunisie : le burkini, insulte au combat mené chaque jour par les femmes arabes, par Maya Ksouri

Wednesday 21 September 2016 at 03:55

Pour avoir le point de vue inverse afin que chacun se fasse son idée et comprenne le débat entre musulmanes, et la complexité du sujet – on essaie de ne pas être sectaire ici  😉

Il clôture la série purement “Burkini”, rassurez-vous… 🙂

Source : Marianne, 5/9/2016

burkini-insulte

Alors que la situation des droits des femmes fait actuellement débat en Tunisie, Maya Ksouri revient sur la polémique autour du burkini en France. Elle s’adresse à tous ceux qui, à l’image du fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, ont évoqué “un vêtement comme les autres”.

La semaine du 13 aout, fête de la femme en Tunisie, a été le théâtre d’un affrontement entre tenantes du boycott de la cérémonie officielle organisée au palais de Carthage et partisanes de la participation. Le point de friction entre les deux camps s’articulait autour de l’évaluation de la situation des droits de la femme aujourd’hui en Tunisie sous la présidence de Beji Caïd Essebsi. Les premières considèrent ce dernier comme un usurpateur de la mémoire bourguibienne et de ses acquis en faveur de la femme, ayant failli par calcul et opportunisme à entériner l’évolution du code du statut personnel vers l’égalité dans l’héritage. Les secondes encensent ce même président en tant que continuateur « florentin » de Bourguiba faisant ce qu’il peut dans un contexte difficile.

Ainsi, la présence symbolique de la femme, en tant qu’élément de plus-value politique, ne cesse d’être débattue en Tunisie, surtout dans le contexte actuel où la parole s’est libérée et où le compromis politique avec la réaction islamiste (dont la répression, sous Bourguiba et Ben Ali, était admise par l’Occident comme un gage de modernité) ne laisse de reposer la question du statut – réel – de la femme derrière la vitrine longtemps brandie. Des incidents comme l’interpellation par la police d’une jeune femme portant un short dans une zone résidentielle, le tollé islamiste lors de l’évocation du projet de l’égalité dans l’héritage, raviveront tous les jours les inquiétudes sur la nature de la république tunisienne.

Le statut de la femme dans une société donnée est un tel indicateur de la nature de cette dernière, surtout en ces temps agités – où la sinistrose économique, la perte de sens généralisée et le cynisme ambiant ressuscitent les démons identitaires et leurs consolants replis – que cette même semaine, on a vu la femme et son corps causer un autre affrontement, non pas en Tunisie mais dans un pays ou la question paraissait depuis longtemps réglée : la France.

Combat entre pro et anti-interdiction du burkini

La décision de certains maires d’interdire le burkini sur leurs plages, l’appui judicaire à ces décisions et la rétraction qui a suivi ont généré un affrontement entre deux camps, en France et ailleurs dans ce village-terre où tout s’est mondialisé : les pro-interdiction – des laïques, des progressistes anti-islamistes mais aussi une minorité de xénophobes ayant toujours vu d’un mauvais œil la présence étrangère et « maure » sur leurs terres -, et les anti-interdiction, des islamistes, des complexés de l’identité et des « droits-de-l’hommmiste ».

Et quoique l’argumentaire des premiers soit mis à mal vu la spécificité de l’endroit de l’interdiction (la plage), où ni l’argument sanitaire ni l’argument du bannissement des signes religieux dans l’espace public ne tiennent vraiment, l’argumentaire adverse, construit autour de la liberté de la vêture et de la diversité, n’en est pas moins dans une meilleure posture.

Si l’argumentaire des deux blocs paraît si friable, c’est qu’aucune des factions ne veut /n’ose afficher le fond de sa pensée. Le débat est biaisé car chacune des parties croupit dans les faux-semblants imposés par la bien-pensance et le politiquement correct.

Les pro-interdiction (exceptée la frange d’extrême-droite)n’osent plus aller au bout de leur raisonnement de peur d’être taxés d’islamophobes dans un environnement de compromis et de clientélisme politique socialiste ayant eu pour résultat de laisser des causes comme la laïcité, en France, en pâture à l’extrême droite. Ainsi, si discuter de la burqa leur est encore permis, discuter du bien-fondé du voile leur est interdit au risque de se voir opposer l’argument d’autorité de l’islamophobie même si le voile et la burqa découlent du même impératif religieux : cacher la « awra » (l’indécence) qu’est la femme.

Ce que taisent ces pro-interdiction, au-delà de l’argument sanitaire et de l’argument laïque – qui ne résistent pas à l’examen dans ce cas précis -, c’est leur rejet profond du voile, de la barbe, du « kamis », et de tout ce qui est signe de ralliement à cet islam qui devient depuis un moment si disert et si violent dans l’espace public. Pour ce camp, le burkini est l’extension de la burqa que les talibans ont imposé aux femmes et dont son nom est du reste issu. Le burkini est un signe du refus et de stigmatisation de l’autre via l’ostentation d’une tenue en dehors de laquelle on est dans le « haram »

Les anti-interdiction, composés en leur majeure partie d’islamistes et de conservateurs, n’osent pas, eux aussi, avouer le vrai motif de leur indignation : sous leur argumentaire adossé au très politiquement correct respect des libertés, se terrent leurs convictions moins avouables, celle de l’obligation qui doit être faite à la femme, et qui après tout est inscrite dans le coran, d’observer une pudeur de sorte à ne pas provoquer « les instincts mâles ». Les femmes vivant dans les pays arabes vous diront aisément les remarques/regards/gestes de déconsidération à leur égard quand elles osent s’afficher en bikini dans des plages publiques. Au fond, ce n’est que cela derrière les déclamations de disposer de son corps car jamais vous ne verrez ces anti-interdiction user de ce même appareil argumentatif pour militer pour le droit à la minijupe ou au nudisme.

Cependant, et malgré cela, ce camp jouit aujourd’hui d’une audience assez importante (recrutée surtout parmi les jeunes). Une des raisons principales de la résonnance du discours de ce camp est la caution d’honorabilité que lui donne une faction particulière de ses composantes : celle « des droits-de-l’hommiste » classés à gauche par l’opinion publique.

Edwy Plenel en est l’archétype ; ce dernier, et en pleine polémique sur l’interdiction du burkini, publie un article intitulé « Un vêtement comme les autres ». Cet article est naturellement repris par tous les sites « halal » en France et ailleurs et par une grande partie des profils islamistes/conservateurs sur Facebook et Twitter qui, d’habitude, dénigrent le monde d’où vient Edwy Plenel.

Et justement le tour de passe-passe idéologique est là : « Regardez ô islamophobes errants ! Voilà qu’un homme objectif, car faisant traditionnellement partie de nos ennemis, se range à nos côtés et c’est la preuve irréfutable que nous sommes indéniablement dans le vrai. »

Edwy Plenel, en réduisant le burkini (qui, rappelons-le encore, est un terme issu de burqa et de bikini) à un choix vestimentaire, se donne, à peu de frais, bonne conscience, se félicitant, sans doute, de sa droiture chevaleresque et de sa lucidité de justicier incorruptible même quand il s’agit du « camp adverse ». Sauf que cette posture fort honorable a des répercussions qui ne feront hélas de monsieur Plenel que l’idiot utile de l’Internationale wahhabite car la burqa n’est pas un vêtement comme les autres et n’est pas juste un choix vestimentaire.

On arguera qu’Il y a bien aujourd’hui des femmes rétives au projet wahhabite qui portent la burqa, mais qu’elles le fassent est, justement, éloquent sur la situation alarmante de la femme dans les sphères arabo-musulmanes où la respectabilité/le confort/la paix passe désormais par la mutilation d’une partie de soi. Que les femmes, mêmes hostiles au projet islamiste, aient intériorisé d’une manière inconsciente leur infériorité du fait de la chose inconvenante qui doit être couverte qu’est leur corps est, en soi, une insulte à tout humaniste qui se respecte.

Le voile, sous toutes ses formes, est-il anodin, juste un choix vestimentaire ?

Le débat, pollué aujourd’hui par des éléments conjecturaux (le contexte d’après Nice), des finauderies (« gardons-nous de leur victimisation ») et brimé par l’épée de Damoclès de l’islamophobie, élude le fond réel du problème : le voile, sous toutes ses formes, est-il anodin, juste un choix vestimentaire ?

Lire la « littérature » wahhabite-islamiste vous dira que non. Le voile, la burqa et le burkini ne sont pas des vêtements comme les autres mais des signes ostentatoires d’appartenance et de ralliement qui, a contrario, excluent toutes celles qui ne les portent pas du monde de « la bonne musulmane » pour les jeter dans celui des blâmables non pratiquantes, au mieux, ou, au pire, dans celui des catins mécréantes.

Lisez les mémoires* d’un des plus éminents dirigeants de la Nahdha (le parti islamiste tunisien vendu comme le parangon de l’islam modéré), Abdelhamid Jelassi, parues cette année, et vous verrez que le voile et ses pendants ne sont pas des vêtements comme les autres. Il le dit clairement.

Le voile et la volonté insidieuse de sa généralisation, sous toutes ses formes, dans l’espace public, est aujourd’hui, dans un contexte d’islam politique florissant, un élément de propagande, de démonstration de force et de victoire… Victoire remportée sur le modèle social caractérisé par la libération des femmes arabes et leur émancipation à partir des années 30 sous l’impulsion d’Atatürk, Bourguiba et Nasser. Un modèle social progressiste si bien accepté dans un premier temps qu’on vit des salles combles hilares devant un Nasser qui ridiculisait l’attachement des frères musulmans au hijab.

L’acte fondateur de la Tunisie moderne a été, plus que la constitution de 1959, le code du statut personnel de 1956 qui s’est accompagné d’actes symboliques comme le geste de Bourguiba ôtant publiquement le voile a une femme venue l’acclamer. Oter ce voile, c’était reconnaitre la femme comme un égal et non comme un objet, un bonbon (pour reprendre une comparaison en cours chez les islamistes) qu’il faut envelopper pour le soustraire à la convoitise.

Ainsi, prétendre aujourd’hui que le burkini est un vêtement comme les autres est une insulte au combat qu’ont mené et que mènent les femmes arabes tous les jours pour faire évoluer leurs acquis -ou pour juste les sauvegarder – et pour changer les mentalités qui se ré-enlisent depuis quelques décennies de désenchantement national dans le bourbier identitaire.

Soutenir aujourd’hui que le burkini est un vêtement comme un autre, c’est donner, à partir d’un confort parisien, un bâton de plus à ceux qui salissent les femmes émancipées tous les jours dans le monde arabe : du compte « Aicha Amal », très populaire au Maroc, qui photographie des femmes en bikini à leur insu pour les livrer à une curée de « slut-shaming » ensuite sur Facebook, aux déclarations publiques émanant de « respectables » présidents de « think tanks » tunisiens insultant la championne olympique tunisienne Habiba Ghribi et imputant sa déconvenue lors de derniers jeux à…. son slip impudent.

Soutenir aujourd’hui que le burkini est un vêtement comme un autre au nom de la diversité culturelle et religieuse admettrait de soutenir que l’esclavage, s’il est pratiqué en Arabie saoudite par exemple, est une embauche comme une autre vu que le coran contient des versets qui le rendent licites et que c’est donc une spécificité culturelle. N’est-ce justement pas cela l’essentialisme que la gauche de monsieur Plenel dénonce ?

Soutenir aujourd’hui que la burqa est un vêtement comme un autre en exhibant sur Twitter, comme le fait monsieur Plenel, des photos de baigneuses couvertes de la belle époque, n’est autre (mise de côté la supercherie intellectuelle qui élude qu’à la même époque les hommes aussi se devaient de porter des costumes de bains couvrants, donc nulle discrimination de la femme), que de la condescendance, envers des peuplades que l’on considère comme attardées. Une condescendance travestie dans ce nouveau tiers-mondisme qu’est l’islamo-progressisme.

Soutenir aujourd’hui que le burkini est un vêtement comme un autre, c’est nier l’importance de l’enjeu dans des sociétés où des femmes, dont le seul tort est d’exercer leur liberté de penser et d’expression pour défendre leurs acquis contre le travail de sape insidieux de wahhabisation à coups de pétrodollars, sont menacées dans leur existence et astreintes à une escorte policière. Soutenir le port du burkini c’est mieux les désigner à la vindicte des alliés objectifs de monsieur Plenel : les islamistes.

Soutenir que le burkini est un choix vestimentaire qui correspond à l’actuelle configuration politico-sociale arabe, c’est ignorer les errements des peuples qui, laminés par ce monde qui se complexifie, se laissent porter par leurs instincts primaires pour se réfugier dans une représentation fantasmatique et passéiste d’eux-mêmes. Au nom de quoi donc, si ce n’est au nom de la lutte contre ces errements et du rétablissement du sens de l’Histoire, la gauche française a-t-elle contré l’engouement pour le Front national en votant massivement Chirac un certain printemps 2002 ?

Le voile est régression et asservissement de la femme mais monsieur Plenel n’a cure que, par un certain effet, l’orgueilleux papillonnement de ses ailes chamarrées nous condamne, nous, femmes arabes, qui nous battons tous les jours contre ses réactionnaires alliés objectifs, à l’obscurité.

*Les moissons de l’absence : la petite main ne ment pas. Éditions librairie tounes, 2016 [en langue arabe].

Maya Ksouri
Avocate et chroniqueuse politique tunisienne.

Source : Marianne, 5/9/2016

=========================================

Annexe : l’article cité, je ovus le met pour comprendre

«Un vêtement comme les autres»…, par Edwy Plenel

Le propre des époques de transition comme la nôtre, de trouble et d’incertitude quand un vieux monde se meurt lentement et qu’un nouveau monde tarde à naître, c’est la perte des repères les plus élémentaires. Et notamment l’oubli des libertés fondamentales…

Ces libertés fondamentales pour lesquelles, depuis 1789 (puis 1830, 1848, 1871, 1898, 1936, 1944, 1968… pour ne prendre que les dates de surgissement des révoltes créatrices), notre peuple s’est battu contre des pouvoirs qui servaient les puissants et les dominants, au service en somme des injustices sociales. Parmi ces principes, qui sont ceux d’une République démocratique et sociale, il y a la liberté individuelle : l’égalité de droits pour toutes et tous, sans distinction d’origine, de condition, d’apparence ou de croyance, de sexe ou de genre, dont la seule limite est de ne pas imposer aux autres sa propre loi, celle d’une idéologie (politique) ou d’un dogme (religieux).

Ainsi sur une plage, chacun d’entre nous peut penser ce qu’il veut des postures choisies par les autres estivants (selon leurs cultures, leurs convictions, leurs religions, etc.), mais aucun d’entre nous n’a le droit d’imposer autoritairement aux autres son choix à la manière d’un uniforme obligatoire. Ainsi, de même que je m’opposerai demain de toutes mes forces à un pouvoir qui obligerait les femmes à couvrir leur corps dans l’espace public, de même je m’oppose aujourd’hui à ce qu’on interdise sur les plages une tenue qui les couvre parce qu’elle serait liée à une religion. Dans les deux cas, nous cédons nos libertés individuelles au profit d’une logique autoritaire et discriminatoire qui, dans le premier cas, vise les femmes en continuant d’en faire une minorité politique opprimée et, dans le second cas, vise les musulmanes en les constituant comme minorité à exclure.

La liberté ne se divise pas, et elle est donc aussi celle de ceux dont nous ne partageons pas les idées ou les préjugés. À condition, évidemment, qu’ils ne cherchent pas, à leur tour, à nous les imposer autoritairement – et ce n’est certes pas le cas de ces femmes musulmanes qui, comme en témoignent nombre de reportages, vont vêtues à la plage en compagnie d’amies aussi dévêtues qu’on peut l’être, affichant ainsi la diversité et la pluralité qui anime les musulmans de France. Faut-il rappeler à nos intolérants d’aujourd’hui qu’en 1905, lors du vote sur la loi de séparation des églises et de l’État, certains républicains conservateurs voulurent faire interdire le port de la soutane dans l’espace public ? Et qu’évidemment, Aristide Briand (qui portait la loi, fermement soutenu par Jean Jaurès) s’y opposa au nom de la liberté, celle d’afficher ses opinions (donc aussi sa croyance), avec le soutien de tous les républicains progressistes (lesquels hélas, comme les autres, oubliaient les femmes qui, alors, n’avaient pas voix au chapitre, ni droit de vote – avec parfois, ce prétexte, qui ne manque pas d’ironie rétrospective, qu’elles seraient sous l’emprise de l’obscurantisme religieux).

ep-1

Capture d’écran de France 3 Côte d’Azur, 12/08/2016

Les tenants de l’interdiction du « costume ecclésiastique » (comme d’autres, aujourd’hui, qui veulent interdire tout « costume islamique ») affirmaient qu’il s’agissait d’un habit de soumission et que le devoir de l’Etat républicain était d’émanciper par la loi (donc par la force… de la loi) les prêtres de la soutane. Au passage, machistes affirmés, ils affirmaient que la soutane, qui est une robe, portait atteinte à la « dignité masculine ». Voici ce qu’Aristide Briand leur répondit, en refusant qu’une loi qui entend « instaurer un régime de liberté »veuille imposer aux prêtres « l’obligation de modifier la coupe de leurs vêtements » : « Votre commission, messieurs, a pensé qu’en régime de séparation la question du costume ecclésiastique ne pouvait se poser. Ce costume n’existe plus pour nous avec son caractère officiel (…). La soutane devient, dès le lendemain de la séparation, un vêtement comme les autres, accessible à tous les citoyens, prêtres ou non. »

Autrement dit (et d’ailleurs Briand lancera, provocateur, à cette assemblée masculine qu’il était du droit de chacun, dans un régime de liberté, de se promener s’il le souhaitait « en robe ») si, demain, des hommes (quels qu’ils soient) veulent se rendre en soutane à la plage, et se baigner sous cette apparence, ils en ont le droit… De même, d’ailleurs, que l’on peut rencontrer, en feuilletant Paris Match de cette semaine, un homme nu se promenant sur une plage non naturiste de Biarritz qui, croisant Emmanuel Macron et son épouse, les salue, salut que le ministre lui rend avec le sourire. Mais les mêmes qui s’alarment des tenues de plage couvrantes de musulmanes ne se sont pas émus de cette transgression exactement opposée. Dans les deux cas, nous sommes face à des choix relevant de la liberté individuelle. Si son exercice ne s’accompagne d’aucun prosélytisme (cherchant à contraindre la liberté d’autres individus), accepter qu’une autorité la contraigne, c’est ouvrir la voie à ces morales d’État qui ont toujours accompagné les régimes autoritaires, quels qu’ils soient et quelle que soit leur intensité.

ep-2

Le reportage de Paris-Match sur Macron à la plage

Toutes ces polémiques, qui n’ont pour effet que de tomber dans le piège tendu par Daech (stigmatiser les musulmans par quête de boucs émissaires à nos peurs – voir plus bas), sont profondément ridicules quand on les confronte à un raisonnement logique. Va-t-on interdire, demain, au nom du refus de toute visibilité des convictions religieuses dans l’espace public, que des religieuses catholiques en coiffe se rendent à la plage ? Ou que des juifs pratiquants s’y promènent avec une kippa sur la tête ? Mais, demain, va-t-on également, au nom de la « neutralité » de l’espace public interdire des T-shirts affirmant des opinions supposées subversives ou des tenues juvéniles supposées dissidentes ? Faire la chasse aux cheveux longs, aux piercings, aux tatouages, etc. ?

ep-3

Les Sœurs de la Consolation assistant à une compétition de surf dans les Landes

Quand une liberté commence à tomber, sous un prétexte idéologique qui, en l’espèce, est sécuritaire, il est non seulement difficile de la reconquérir mais, surtout, elle en vient à être perdue pour tous, et pas seulement pour ceux que sa restriction semble viser. Demain, selon les aléas de notre vie politique, des municipalités, des gouvernements, des entreprises prendront prétexte de la restriction idéologique d’une liberté visant les corps et les apparences pour s’en prendre à d’autres attitudes jugées non conformes à leurs préjugés, à leurs dogmes, à leurs intérêts. Défendre nos libertés individuelles (parmi lesquelles celles de nos corps, de leurs vêtures ou de leurs nudités), c’est défendre la liberté de se battre pour nos droits, et de ne pas être soumis à la servitude des pouvoirs (qu’ils soient étatiques, économiques, idéologiques, religieux, sexuels, etc.).

La deuxième déclaration des droits de l’homme, la plus aboutie mais la plus éphémère, celle de l’An I de la République (1793) énonce ceci en son article 6 : « La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui ; elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait ».

PS : j’ajoute à ce billet ce que j’ai récemment posté sur les réseaux sociaux, simple appel à la raison quand tant d’autres sujets (démocratiques, sociaux, écologiques, géopolitiques, scientifiques, etc.) devraient mobiliser nos énergies comme en témoignent les priorités éditoriales de Mediapart tout cet été :

À l’été 2014 (il y a deux ans donc, avant les attentats de 2015 et 2016), j’ai écrit ce qui suit, dans Pour les musulmans (Éditions La Découverte, lire ici). Est-il besoin de souligner que cette mise en garde est toujours d’actualité, plus que jamais ? Et qu’il est de notre devoir de soutenir toutes celles et tous ceux qui sont stigmatisés non pas pour ce qu’ils auraient fait mais pour ce qu’ils sont, en raison de leur croyance ou de leur apparence ? Voici donc l’extrait : « Sous toutes les latitudes, le sort fait aux minorités dit l’état moral d’une société. (…) Au-delà de mon pays, j’écris contre cette guerre des mondes dans laquelle on veut entraîner les peuples en fabriquant des haines identitaires dont la religion est l’alibi. Mais je suis en France, j’y vis, j’y travaille, et c’est ici même que, pour nous, se joue ce sursaut des consciences. Jamais les crimes commis par de prétendus musulmans ayant eux-mêmes sombré dans ces guerres sans fin ne justifieront qu’en retour, nous persécutions les musulmans de France. Jamais des dérives individuelles ou des conflits lointains n’autoriseront que, dans notre pays, on en vienne à assimiler en bloc des hommes, des femmes et des enfants à un péril qui menacerait l’intégrité, voire la pureté de notre communauté nationale, au prétexte de leur foi, de leur croyance, de leur religion, de leur origine, de leur culture, de leur appartenance ou de leur apparence. Jamais les désordres du monde ne sauraient excuser l’oubli du monde. De sa complexité, de sa diversité et de sa fragilité ».

Source: http://www.les-crises.fr/vu-de-tunisie-le-burkini-insulte-au-combat-mene-chaque-jour-par-les-femmes-arabes-par-maya-ksouri/


J’ai créé le burkini pour libérer les femmes, pas pour enlever leur liberté, par Aheda Zanetti

Wednesday 21 September 2016 at 01:50

Article du Guardian journal de référence mainstream de la presse anglaise – mais attention, chose incroyable, il a été traduit en français sur le site même du journal, comme pour s’adresser aux Français. Le tout sans passion – comme quoi les Anglais montrent de nouveau, après le Brexit, qu’ils sont vraiment plus intelligents que nous en termes de capacité de débat et de diffusion des idées…  😉

On lire comme d’habitude ceci avec recul, et, si c’est encore possible (parce que là, certains commentaires commencent à ressembler à ceux du Monde, ça m’interroge…), sans passion – ce n’est pas l’affaire Dreyfus non plus… Donc on respire, tout va bien 🙂

En espérant que vous serez encore d’accord pour qu’on se parle et qu’on s’estime même si on n’est pas d’accord sur ce sujet… (sans que j’ai bien compris pourquoi les gens se fâchent à ce point, vu que j’ai bien dit qu’il y a évidemment des soucis sévères dans certaines banlieues. C’est juste qu’avant de parler des soucis là-bas, il faut peut-être arrêter les propos illégaux qui y versent du napalm dessus au risque de les enflammer, émis par des personnes qui ne proposent d’ailleurs rien de concret et réaliste…)

J’ai créé le burkini pour libérer les femmes, pas pour enlever leur liberté

burkini-2

Quand j’ai inventé le burkini au début de l’année 2004, je ne cherchais pas à enlever leur liberté aux femmes, je voulais les libérer. Ma nièce voulait jouer au netball, mais nous avions du mal à lui trouver une équipe parce qu’elle portait un hijab. Ma sœur a dû se battre pour défendre le droit de sa fille à jouer. Elle a demandé: pourquoi empêcher cette fille de jouer uniquement parce qu’elle souhaite conserver sa pudeur ?

Une fois qu’elle a finalement été autorisée à joindre l’équipe, nous sommes tous allées la voir jouer pour l’appuyer, et nous avons constaté que sa tenue était complètement inappropriée pour le sport : un polo à manches longues, un pantalon de jogging et son hijab – un ensemble vraiment pas pratique pour le sport. Elle était rouge comme une tomate tellement elle avait chaud !

Une fois rentrée à la maison, j’ai commencé à chercher des tenues plus pratiques pour elle, des tenues de sports pour filles musulmanes et je n’ai rien trouvé. Je savais que je ne trouverais rien en Australie. Cela m’a fait réfléchir, quand j’étais à l’école j’ai raté tout les sports parce que j’avais choisi la pudeur, mais je voulais trouver quelque chose qui permettrait à ma nièce de s’adapter au mode de vie australien et aux vêtements occidentaux, tout en respectant les exigences d’une jeune fille musulmane.

Je me suis assise sur le sol de mon salon et j’ai crée quelque chose. J’ai observé le voile et j’ai enlevé l’excédent de tissu, ce qui m’a rendue un peu nerveuse : ma communauté islamique accepterait-elle cela? Le voile est censé couvrir vos cheveux et votre forme, rien ne doit dévoiler les formes du corps. Ceci marquais la forme du cou. Puis je me suis dit, cela montre la forme du cou, c’est juste un cou, cela n’a pas d’importance.

Avant de lancer la nouvelle tenue, j’ai fabriqué un échantillon et un questionnaire pour savoir ce que les femmes en pensait: le porteriez-vous? Est-ce que cela vous encouragerais à être plus active. À jouer plus de sport? À nager? De nombreux membres de ma communauté n’étaient pas trop convaincus, mais j’ai développé le modèle et cela a été une réussite commerciale.

Le burkini a attiré l’attention du grand public quand Surf Lifesaving Australia à introduit un programme visant à intégrer les filles et les garçons musulmans dans les activités de sauvetage sur plage suite aux émeutes de Cronulla ; une jeune fille musulmane voulait participer à un événement de la compétition. Elle portait un burkini.

Après le 11 Septembre, les émeutes de Cronulla, l’interdiction du voile en France, et les répercussions internationales que cela a eu – nous avons été stigmatisés comme étant des mauvaises personnes à cause de quelques criminels qui ne représentent pas les musulmans – je ne voulais surtout pas que les gens marginalisent les filles qui portent cette tenue. Il s’agit juste de jeunes filles qui souhaitent rester pudiques.

Pour elles il s’agissait d’une volonté d’intégration, d’acceptation et d’égalité, et pas de marginalisation. C’était difficile pour nous à l’époque, la communauté musulmane avait peur de se faire remarquer. Nous avions peur de nous rendre dans les piscines publiques ou à la plage et ainsi de suite, mais je voulais que les filles aient suffisamment confiance en elles-mêmes pour se créer des bonnes vies. Le sport est important, nous sommes australiens ! Je voulais créer quelque chose de positif, quelque chose que toutes les femmes peuvent porter qu’elles soient chrétiennes, juives ou hindous. C’est juste un vêtement pour une personne qui souhaite rester pudique, ou pour quelqu’un qui souffre d’un cancer de la peau, ou pour une nouvelle maman qui ne veux pas porter un bikini : cela ne symbolise pas l’Islam.

Fadila Chafic, australienne et musulmane, et une instructrice de natation, dans une piscine à Sydney. Photograph: Jason Reed/Reuters

Fadila Chafic, australienne et musulmane, et une instructrice de natation, dans une piscine à Sydney. Photograph: Jason Reed/Reuters

Quand je l’ai nommé burkini, je ne le voyais pas comme une burqa pour la plage. La burqa, c’était juste un mot pour moi ; j’ai passé toute ma vie en Australie, j’avais conçu ce costume de bain et j’avais besoin de lui donner un nom tout de suite. C’était une combinaison de deux cultures ; nous sommes australiens mais aussi musulmans par choix. La burqa ne symbolise rien ici, elle n’est pas mentionnée dans le Coran, et notre religion ne nous demande pas de nous couvrir le visage, c’est un choix personnel. La burqa n’est mentionnée nulle part dans les textes islamiques. J’ai dû rechercher le mot et il était défini comme une sorte de manteau couvrant: à l’autre bout de la gamme il y avait le bikini, alors j’ai combiné les deux.

Toute cette négativité que l’on voit partout en ce moment et ce qui se passe en France me rend triste. J’espère qu’il ne s’agit pas de racisme. Je pense qu’ils ont mal interprété un vêtement qui est complètement positif, il symbolise le loisir et la joie, les bons moments, le sport et la santé, et maintenant on demande aux femmes de quitter la plage et de retourner dans leurs cuisines ?

Ce vêtement est un outil de liberté pour les femmes, et ils veulent leur prendre leur liberté ? Alors qui est pire, le Taliban ou le politicien français ? Ils sont aussi mauvais l’un que l’autre.

Je pense que les hommes n’ont pas à décider de ce que les femmes doivent porter; personne ne nous force, c’est à chaque femme de décider. Ce que vous voyez, c’est notre choix. Est-ce que je me considère comme une féministe? Oui, peut-être. J’aime me tenir derrière mon mari, mais le moteur c’est moi et c’est mon choix. Je veux qu’il reçoive tous les honneurs, mais moi je suis la réussite silencieuse.

J’aimerais être en France pour dire que vous n’avez rien compris. Et n’y a-t-il pas suffisamment de problèmes dans le monde, faut-il en vraiment en créer de nouveaux ? Vous avez pris un produit qui signifie la joie, le plaisir et l’activité physique et vous en avez fait un objet de haine.

Quelles sont les valeurs françaises alors ? Qu’est-ce que vous voulez dire quand vous dites que le burkini n’est pas compatible avec les valeurs françaises ? Liberté ? Vous nous décidez ce que nous devons porter. En nous disant ce que nous ne devons pas faire, vous allez faire renvoyer les femmes à la maison, que voulez-vous que nous fassions alors ? Il y aura des répercussions. Si vous divisez la nation, si vous n’écoutez pas les voix des autres et si vous ne tentez pas de trouver des solutions, il y a des gens qui vont se mettre en colère. Repousser les gens et les isoler, ce n’est pas une bonne politique pour un politicien ou pour un pays.

Je me souviens de la première fois que j’ai essayé le burkini. Je l’ai d’abord essayé dans ma baignoire, il fallait que je sois sûre qu’il marche. Puis j’ai dû l’essayer en plongeant, alors je suis allée à la piscine locale pour tester si le bandeau restait bien en place. Je me suis rendue à la piscine Roselands Pool, je me souviens que tout le monde me regardait, mais qu’est-ce qu’elle porte ? Je suis allée tout droit jusqu’au bout de la piscine, je suis montée sur le plongeoir et j’ai sauté. Le bandeau est bien resté en place, et j’ai pensée, merveille ! Parfait !

C’est la première fois de ma vie que j’ai nagé en public, et c’était absolument merveilleux. Je me souviens parfaitement de la sensation. Je me suis senti libre, je me suis senti émancipée, je sentais que la piscine m’appartenait. J’ai marché jusqu’au bout de la piscine avec les épaules bien droites.

Plonger dans l’eau est une des sensations les plus fantastiques. Et vous savez quoi? Je porte un bikini sous mon burkini. J’ai le meilleur des deux mondes.

Source : The Guardian, Aheda Zanetti, 26-08-2016

=====================================================

«On écrit pas mal de choses sur le burkini mais nous n’en avons pas vu beaucoup» par Fanny Arlandi

Source : Slate, Fanny Arlandis, 24.08.2016

Une tunisienne portant un burkin

Une tunisienne portant un burkin” se baigne avec un enfant, le 16 août 2016 sur la plage de Ghar El Melh, près de Bizerte, au nord-est de Tunis. FETHI BELAID / AFP

Aucune des grandes agences de presse n’a pu prendre de photos de femmes en burkini en France… faute d’en trouver.

Le mardi 23 août, une femme portant un simple hijab a été sommée par la police municipale de quitter une plage de Cannes ou de payer une contravention, faisant une nouvelle fois rebondir la polémique sur les arrêtés municipaux interdisant le port du burkini sur les plages. Depuis la validation, dix jours plus tôt, de l’arrêté municipal cannois, celle-ci est largement relayée par la presse. Pourtant, les articles publiés dans les journaux sont bien difficiles à illustrer alors que mardi, 21 communes concernées sur 26 n’avaient toujours procédé à aucune verbalisation.

«On écrit pas mal de choses sur le sujet, mais nous n’avons pas vu beaucoup de burkinis», s’amuse Francis Kohn, directeur de la photo à l’AFP. Aucune des grandes agences de presse ne dispose de photographies de femmes portant ce vêtement sur une plage française. Reuters met à disposition trois images réalisées en 2007, en Australie. L’AFP propose des photos prises en Tunisie, en Algérie ou également en Australie, sur des plages ou dans une boutique de vêtements. Et Associated Press n’a qu’une image prise en France, une capture d’écran d’une vidéo prise en août à Marseille.

«Être très chanceux»

L’AFP a envoyé des photographes sur les plages, notamment à Cannes et à Nice, «mais jusqu’à présent, aucun d’eux n’a pu voir de femmes en burkini. Et nous ne pouvons pas mettre des photographes en permanence sur toutes les plages», continue le directeur de la photo.

Associated Press met en avant la même raison: il faut «être très chanceux pour trouver une femme se baignant en burkini», explique Laurent Rebours, chef du service photo de l’Associated Press à Paris. Ce dernier complète avec un argument budgétaire:

«Sachant que mon photographe basé à Marseille était en vacances à cette période et que celui basé à Nice était en arrêt maladie, ma direction à Londres n’a pas jugé bon d’engager (et payer) des freelancers à la recherche d’hypothétiques femmes se baignant en burkini, sachant que nous avions en main un visuel via la capture d’écran d’une vidéo avec le nom et l’age de la personne filmée.»

Trois femmes

Certain(e)s photographes ont cependant réalisé des reportages sur le sujet. C’est le cas d’Eléonora Strano pour Le Monde ou de France Keyser, envoyée par Libération à Marseille le 16 août. Cette dernière raconte s’être rendu «sur la plage des Catalans. C’est une plage où tout le monde va, avec une vraie diversité de personnes. Comme pour n’importe quel reportage, je vais discuter avec les gens avant de faire les photos car je photographie au 35 mm. Des femmes ont accepté que je les photographie sur la plage et lorsqu’elles se baignaient en burkini». 

France Keyser a publié sur le site de l’agence Myop cinquante-neuf photos issues de ce reportage (les images sont visibles ici), mais ces femmes n’étaient que «trois, sur des centaines de personnes».

burkini-1
burkini-3

Source: http://www.les-crises.fr/jai-cree-le-burkini-pour-liberer-les-femmes-pas-pour-enlever-leur-liberte-par-aheda-zanetti/


“Pour les femmes qui le portent, le burkini est un compromis entre la modernité et la foi”, par Olivier Roy (+ Edwy Plenel et Pierre Joxe)

Tuesday 20 September 2016 at 00:59

Du coup, n’anticipant pas le niveau de bascule de la société, je regrette de ne pas avoir plus parlé du sujet fin août, alors je me rattrape.

Je vous donne donc, comme souvent ici, des analyses à contre-courant – à vous de voir si elles vous aident à réfléchir. J’ai bien aimé celui d’Olivier Roy, qui apporte des arguments intéressants (d’ailleurs, on a rarement le point de vue des musulmans sur tout ceci). Après, bien sûr, comme toujours sur ce blog, il ne s’agit pas d’adhérer à tout, juste élargir son horizon…

Je considère que ce sujet est important, car il signe une bascule, et sème des choses que j’estime dangereuses. Peut-être en récolterons-nous les fruits amers, peut-être pas. On en parlera donc encore setet semaine (si ça vous horripile, libre à vous, revenez lundi  🙂  )

Je ne vois pas pourquoi on me crie dessus quand je demande que des poursuites soient engagées contre le “multi-récidivste de la condamnation pour incitation à la haine” Zemmour. Je demande juste que la justice dise simplement si ses propos respectent la loi ou ne la respectent pas, c’est tout. Je ne soutiens pas les délinquants pour ma part. Et les poursuites ne visent pas la partie “débat” mais l’incitation à la haine. Pour le fond des propos, que certains semblent apprécier, très bien, on peut en discuter – mais enfin, autant prendre un sociologue qui va dans son sens, au moins, il fera moins de mal au pays… N’oubliez pas non plus que, si vous êtes en franc désaccord avec moi, il ne fait cependant jamais trop de mal qu’il reste des personnes à contre-courant, défendant (sans complaisance) la fraternité et la paix civile. Parce que, s’ils ne sont plus là et que la machine s’emballe et déraille, c’est vous qui en paierez le prix élevé, et pas ceux qui pilotent la machine…

Enfin, je rappelle que dans un mois, normalement, Dieudonné (dont j’ai condamné sans ambiguïté les propos antisémites) va être emprisonné pour ses propos, alors que Zemmour, qui dit “aussi pire”, est reçu comme un milord dans les médias sans poursuites. (je parle juste de deux faits, ni plus ni moins, pour anticiper des réactions possibles)

Ok. Continuons donc à jouer à la roulette russe, on fera le bilan à la fin…

Edwy Plenel donne une leçon de laïcité à Apolline de Malherbe

Source : Youtube, BFM TV, 12-09-2016

Source : Youtube, BFM TV, 12-09-2016

==================================================

“Pour les femmes qui le portent, le burkini est un compromis entre la modernité et la foi”

Source : FranceTV, Olivier Roy, 21/08/2016

Une femme en burkini, sur une plage près de Rabat (Maroc), le 17 août 2016. (FADEL SENNA / AFP)

Une femme en burkini, sur une plage près de Rabat (Maroc), le 17 août 2016. (FADEL SENNA / AFP)

En pleine polémique sur le burkini, plusieurs mairies de villes côtières de France, de Corse jusqu’au Pas-de-Calais, ont pris des arrêtés pour interdire ce type de tenue de plage qui couvre le corps et la tête des femmes. La mairie de Cannes a été la première à s’être opposée, le 28 juillet, à “une tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse, alors que la France et les lieux de culte religieux sont actuellement la cible d’attaques terroristes”.

Professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie), où il dirige le programme méditerranéen, Olivier Roy est un spécialiste de l’islam. Il y a consacré différents ouvrages comme En quête de l’Orient perdu, en 2014,ou La laïcité face à l’islam, en 2005. A contre-courant du débat actuel, le chercheur en science-politique estime que le burkini, loin d’être un “retour en arrière”, est révélateur d’une alliance entre modernité et religion.

Francetv info : Cannes, Villeneuve-Loubet, Sisco, Le Touquet, Nice… En quelques jours, de nombreuses communes ont pris des arrêtés anti-burkini. David Lisnard, le maire de Cannes, a expliqué qu’à ses yeux, il s’agit d'”un uniforme qui est le symbole de l’extrémisme islamiste”, dans un contexte “d’actes terroristes”. Le port du burkini est-il un signe d’adhésion à des “mouvements terroristes” ?

Olivier Roy : Ces amalgames sont absurdes. Le groupe Etat islamique ou les talibans n’autoriseraient jamais le burkini. Au contraire, cette tenue est l’exemple même de la gentrification de la pratique religieuse musulmane dans l’espace occidental. Ce maillot de bain couvrant est symboliquement lié l’ascension sociale de certaines musulmanes. Le porter représente une tentative, pour des femmes, plutôt jeunes, de poser un signe religieux sur une pratique moderne, c’est-à-dire la baignade en famille.

Le burkini est typiquement une tenue de femme de deuxième ou de troisième génération des descendants d’immigrés maghrébins. Ce n’est pas leurs mères qui le porteraient. Si elles avaient voulu se baigner, elles l’auraient fait tout habillé. Dans ce débat, il y a une incompréhension totale de ces stratégies individuelles d’affirmation.

Mais est-ce que le lien entre fondamentalisme et jihadisme est fondé ? 

Nous n’avons aucune preuve qu’une longue pratique religieuse pousse au jihadisme. Selon moi, c’est même exactement le contraire. Tous les terroristes, que ce soit les frères KouachiAmedy Coulibaly, ou encore Adel Kermiche, sont ce que l’on appelle des “born again”, des personnes qui font un soudain retour au religieux, dans une perspective de radicalisation. Ces jeunes ne se préoccupaient pas de l’islam avant. Leur volonté est de se révolter contre la société française. Et ce n’est pas en opposant “un bon islam” et “un mauvais islam”, qu’on luttera contre le terrorisme.

En revanche, on peut contribuer à leur isolement et faire en sorte qu’ils ne représentent pas l’avant-garde de l’islam, en laissant émerger une pratique de la religion apaisée, qui se fond dans le paysage français. Mais pour cela, il faut reconnecter des marqueurs religieux avec des marqueurs culturels modernes. Et le paradoxe, c’est que le burkini, à sa manière, est une tentative de reconnexion.

Pour le maire de Sisco, en Corse, l’interdiction “n’est pas contre la religion musulmane, mais pour éviter que l’intégrisme ne se propage”. Le port du burkini est-il révélateur d’une augmentation des pratiques rigoristes chez les musulmans ? 

Non. Les débats sur le port du burkini et de la burka, par exemple, doivent être distingués, car le burkini est une invention récente [créé en 2003 en Australie], qui fait sauter les fondamentalistes au plafond. Pour ces derniers, une femme n’a pas à se promener sur la plage, et encore moins se baigner ! Donc le burkini est, au contraire, une tenue moderne, qui n’a rien de traditionnel ou de fondamentaliste.

De plus, l’acceptation de signes religieux, comme le burkini, dans l’espace public, est la meilleure manière de saper l’influence des fondamentalistes. Plus on éloigne la pratique religieuse de l’espace public, plus on laisse le champ libre aux extrémismes religieux. Il faut donc, au contraire, laisser aux individus une certaine forme de liberté dans l’expression de leur religiosité. Après, le problème est que ces signes religieux doivent s’inscrire dans une compatibilité avec la société française.

Mais il y a quand même une volonté d’affirmation religieuse…

Oui, évidemment. Les femmes qui portent le burkini sont croyantes, et le revendiquent, tout en essayant de trouver un compromis entre leur foi et leur vie de jeune intégrée. C’est tout le paradoxe du débat actuel. En France, on estime que le burkini est un retour en arrière. Alors que ces femmes sont dans l’invention d’un compromis entre leur modernité et leur foi. Cette tenue est un compromis, de même que le port du foulard sur une tenue moderne d'”executive woman“… Mais ce n’est pas perçu comme tel par notre société laïque.

Qu’est-ce que les gens trouvent scandaleux aujourd’hui en France ? Qu’une jeune fille, conseillère financière, arrive au travail en étant voilée. On ne comprend pas que des femmes qui réussissent affichent des signes religieux. Si on pose la question du voile à l’université, c’est certes parce que des étudiantes le portent, mais, surtout, que ces jeunes filles sont désormais visibles dans l’espace public.  

Les polémiques récurrentes sur la viande halal, le port du voile à l’université ou les prières de rue poussent certains à se demander si la pratique de l’islam est compatible avec la laïcité française… 

C’est un faux débat. On peut, bien entendu, se poser de nombreuses questions théologiques sur l’islam. Mais le port du foulard à l’université, du burkini, ou le débat sur la viande halal ne sont pas des problématiques propres à l’islam. Elles sont liées à l’évolution de l’acceptation des signes religieux en France, au même titre que la soutane, la kipa ou la viande casher.

La conception de la laïcité française a considérablement évolué depuis la loi de 1905, sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cette législation ne dit rien sur les religions. Il n’y a donc pas lieu d’interdire le voile à l’université ou le burkini. Dans son essence, la laïcité ne devait pas chasser le religieux de l’espace public, mais seulement organiser la gestion des lieux de culte. Mais la laïcité est devenue une idéologie politique, qui sert à exclure la religion vers l’espace privé. Il y a désormais une “morale laïque”.

Pourquoi le débat se cristallise-t-il autour de l’islam ? 

Si cette religion fait autant parler d’elle, c’est parce qu’il y a une conjonction entre une droite identitaire, qui définit le christianisme comme la religion fondatrice de la société française, et une gauche laïque et anti-cléricale. Quand Manuel Valls déclare qu’il “comprend” les maires qui ont pris l’arrêté anti-burkini, il se place dans la continuité d’une certaine gauche fondamentalement hostile aux religions. Rappelez-vous qu’en 1996, Michel Charrasse, un ancien ministre du Budget socialiste, avait refusé d’entrer dans l’église pour les obsèques de François Mitterrand, par conviction laïque.

Cette alliance hors-nature entre cette droite et cette gauche se concentre sur l’islam, qui est devenu l’ennemi commun, mais pour des raisons complètement différentes. C’est ce qui lui donne autant de résonance dans le débat public.

Pourquoi ce débat sur la compatibilité entre islam et laïcité n’a pas eu lieu avec la même ampleur en 1995, lors de la vague d’attentats terroristes perpétués par le Groupe islamique armé ?

En 1995, on était dans une logique d’intégration, dans la foulée de “la marche des beurs”. Mais dans l’esprit de la gauche, à l’époque, intégration signifiait sécularisation. Aujourd’hui, ce que la gauche ne pardonne pas aux immigrés maghrébins, c’est d’avoir fait des enfants musulmans. Elle s’attendait à ce que la deuxième et la troisième génération soient sécularisées et a été très surprise de découvrir une génération de croyants…

Que pensez-vous de la déclaration de Jean-Pierre Chevènement, pressenti pour être à la tête de la Fondation pour l’islam de France, qui conseille aux musulmans de la “discrétion” dans la manifestation des convictions religieuses ? 

On est dans ce que l’on appelle une double contrainte. On impose à la population musulmane des demandes contradictoires. La première, c’est d’éviter tout communautarisme, en n’affichant pas d’identité religieuse. Mais en parallèle, à chaque attentat terroriste, on demande à ces mêmes musulmans de réagir en tant que communauté, alors qu’il n’y a pas de communauté musulmane en France. S’il y en avait une, il n’y aurait pas besoin de fabriquer le Conseil français du culte musulman (CFCM).

Après une telle polémique sur le burkini, quelles peuvent-être les répercussions dans la société française ?

Cela risque de créer un sentiment de rejet et de dégoût chez les musulmans, qui pourrait se traduire par un repli identitaire. Après, il y a des tensions, mais la France est un pays de tensions permanentes. Les gens ont complétement perdu la mémoire historique. L’identité française est un mythe : relisons Celine et Bagatelle pour un massacre, souvenons-nous de l’OAS ! Les arguments utilisés par les antisémites dans les années 1920 sont aujourd’hui repris à propos de l’islam : incompatibilité culturelle et une loyauté plus grande accordée à la religion qu’à la nation. 

Source : FranceTV, Olivier Roy, 21/08/2016

burkini

===================================================

Baignade surveillée, par Pierre Joxe

Source : Mediapart, Pierre Joxe, 26-08-2016

Dans un communiqué transmis à Mediapart depuis sa villégiature balnéaire, Pierre Joxe, ancien ministre de l’intérieur et membre honoraire du Conseil constitutionnel, explique pourquoi il avait décidé d’aller nager ce vendredi après-midi 26 août dans la tenue vestimentaire de son choix, c’est-à-dire « un costume couvrant entièrement mon corps depuis les chevilles jusqu’aux poignets et ne laissant apparaître que ma tête ». Mais, à l’heure de la marée haute, est intervenue la décision du Conseil d’Etat…

Pour soutenir les positions de bon sens prises par Anne Hidalgo, Maire de Paris, comme par Mesdames les Ministres de la Santé Publique et de l’Education Nationale;

Pour inciter Jean-Pierre Chevènement à un peu plus de discrétion;

Pour rendre un hommage affectueux et respectueux à nos grands mères qui – il y a un siècle – inaugurèrent les « bains de mer » au Touquet-Paris-Plage comme à Nice, avec des «costumes de bain » qui furent longtemps d’assez longues robes;

Pour affirmer le droit des femmes à porter les vêtements de leur choix – y compris sur les plages –;

Je me préparais à aller nager cet après midi dans la tenue vestimentaire de mon choix, correspondant à l’idée que l’on avait naguère des bonnes mœurs dans la France laïque et républicaine, au début du siècle, au lendemain de la loi de séparation des églises et de l’Etat.

J’avais choisi bien sûr un costume couvrant entièrement mon corps depuis les chevilles jusqu’aux poignets et ne laissant apparaître que ma tête (couverte cependant d’un bonnet de bain) mais aussi mes pieds et mes mains, appareils natatoires indispensables dans les circonstances de l’espèce…

Un pyjama allait faire l’affaire.

Mais heureusement, à l’heure de la marée haute, vers 15 heures, j’ai appris la décision du Conseil d’Etat, saisi en appel contre l’arrêté d’un Maire.

Heureusement, cette haute juridiction n’a pas écarté la demande de la Ligue des droits de l’Homme, comme elle aurait pu le faire aisément, en observant que cette Ligue n’était guère fondée à agir pour les Droits des femmes, ignorés depuis 1789 par la célèbre Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

Heureusement, ce Juge suprême a rappelé des textes que chacun devrait connaître – et surtout chaque Maire et chaque baigneur.

Citation de la décision du Conseil d’Etat de ce jour :

En vertu de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous le contrôle administratif du préfet, de la police municipale qui, selon l’article L. 2212-2 de ce code, « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». L’article L. 2213-23 dispose en outre que : « Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés… Le maire réglemente l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance… » (Fin de citation)

Heureusement, le Conseil a sagement jugé que le Maire de Villeneuve Loubet  « …ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions interdisant l’accès à la plage alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence ».

Il a jugé que l’arrêté  litigieux de ce Maire avait « …porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et de venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».

Il a suspendu l’exécution de cet arrêté.

Rassuré, j’ai rangé mon pyjama et suis allé nager en short.

Pierre Joxe,

Ancien ministre de l’Intérieur,

Membre honoraire du Conseil constitutionnel

26 Août 2016

Source : Mediapart, Pierre Joxe, 26-08-2016

Source: http://www.les-crises.fr/pour-les-femmes-qui-le-portent-le-burkini-est-un-compromis-entre-la-modernite-et-la-foi/


Trump et la longue histoire de la partialité médiatique, par Robert Parry

Tuesday 20 September 2016 at 00:40

Source : Consortium News, le 19/08/2016

Le 19 août 2016

Exclusif : Les médias dominants soutiennent que leur parti-pris contre Donald Trump est une exception que justifie l’extraordinaire irresponsabilité de ce dernier. En réalité, cependant, ce parti-pris journalistique vient de loin, affirme le vétéran du journalisme Robert Parry.

Par Robert Parry

Les médias dominants des États-Unis ont trouvé une nouvelle façon d’excuser leur viol des principes professionnels d’objectivité et d’équilibre de vue dans la couverture de la présidentielle : tout est de la faute de Donald Trump, ou, comme le dit le New York Times, « Trump met à l’épreuve les critères de l’objectivité journalistique. »

Toutefois ce n’est là qu’une esquive de plus des journalistes américains qui ne croient pas vraiment au principe d’impartialité. Beaucoup biaisent leurs articles depuis aussi longtemps que je me souvienne avec mes bientôt quatre décennies de journalisme à Washington.

Le candidat républicain à la présidence Donald Trump lors d'une interview sur la MSNBC.

Le candidat républicain à la présidence Donald Trump lors d’une interview sur la MSNBC.

En effet, les médias américains les plus importants se sont depuis longtemps conduits de manière partiale et totalement malhonnête, particulièrement en fabriquant, dans le monde entier, des croque-mitaines étrangers que l’armée états-unienne va aller traquer et détruire.

En réalité, à chaque révolution du carousel des « ennemis » de l’Amérique, le New York Times pourrait écrire une manchette semblable à celle qu’il a faite pour Trump et qui blâmerait les dirigeants étrangers, « Poutine met à rude épreuve les principes d’objectivité journalistique » et vous pouvez remplacer Poutine par Bachar el-Assad, Saddam Hussein ou tout autre « méchant du jour ».

Si on suit le New York Times dans sa façon de formuler le problème, ce ne sont pas les journalistes qui ont la responsabilité de maintenir les « principes de l’objectivité », c’est Trump ou tout autre monstre étranger qui « met à l’épreuve » ces principes. Les journalistes sont les victimes ici, eux et leurs critères d’objectivité si élevés et soumis à une pression déloyale.

Le hic, c’est que je suis incapable de me souvenir d’une époque où les médias états-uniens les plus importants aient traité un problème de politique étrangère avec un peu d’objectivité ou d’impartialité. À quelques exceptions près, ils s’alignent avec la propagande de l’establishment de la politique étrangère des États-Unis.

En effet, quand certains d’entre nous ont essayé de traiter des controverses de politique étrangère avec des critères objectifs ou impartiaux, ils ont été confrontés à la résistance et aux représailles de nos organismes d’information. Nous avons ainsi appris que très peu de rédacteurs en chef avaient envie de mettre en doute même les absurdités les plus manifestes du Département d’État ou de la Maison-Blanche. Après tout, c’est bien comme cela qu’ils sont devenus rédacteurs en chef.

Que ce soit au sujet des Sandinistes du Nicaragua dans les années 1988, de l’Irak ou de la Serbie dans les années 1990, ou de l’Irak — encore — ou de la Syrie, de la Russie, de la Chine, et de l’Iran — encore — aujourd’hui, les « stars du journalisme » ont abandonné même un semblant d’objectivité au profit de leur carrière. Plus vous en remettez sur ces « ennemis » de l’Amérique, mieux vous serez récompensés.

À côté de ces « ennemis » de longue date, il y a des « monstres » à court terme qui se trouvent métamorphosés en méchants de bande dessinée du jour au lendemain, comme le président de l’Ukraine, Viktor Yanoukovitch. Bien qu’il ait été élu régulièrement, il s’est transformé en « personnage infréquentable » en 2013 et 2014, parce qu’il refusait de ratifier un accord économique avec l’Europe, accord qui impliquait de vigoureuses « réformes » du FMI.

Yanoukovitch a été alors considéré comme un allié de son voisin russe et il s’est trouvé en butte à une propagande des agences gouvernementales des États-Unis et de bureaux d’investigation « journalistique » comme l’Organized Crime and Corruption reporting Project financé par US AID [organisation subventionnée par les États-Unis pour la dénonciation du crime organisé et de la corruption, NdT]. Ces thèmes utilisés contre Yanoukovitch ont été choisis et amplifiés par les médias dominants comme le New York Times et le Washington Post.

Alors, le 22 février 2014, quand le président élu de l’Ukraine a été violemment renversé lors d’un putsch dirigé par des néo-nazis et autres ultra-nationalistes, les médias occidentaux ont presque tous célébré ce coup d’État comme une victoire de la « démocratie ».

Aucune lucidité

Bien sûr, l’abandon de l’«objectivité » et de l’honnêteté ne date pas d’hier dans l’histoire du journalisme américain. En réalité, les représentants des médias américains, préoccupés avant tout par leurs propres intérêts, ont, depuis longtemps, cessé d’avoir une image lucide d’eux-mêmes, mais continuent à se voir à travers le prisme héroïque certes mais lointain et vieilli des Papiers du Pentagone et du Watergate.

Les cercueils des soldats américains arrivent à la base aérienne de Dover dans le Delaware en 2006. (Photo du gouvernement américain)

Les cercueils des soldats américains arrivent à la base aérienne de Dover dans le Delaware en 2006. (Photo du gouvernement américain)

Pourtant, ce parti-pris omniprésent dans la façon de traiter des crises internationales n’est pas seulement une preuve de journalisme malhonnête dénué de conséquences pratiques, il a aussi aidé le complexe militaro-industriel à faire casquer des milliards de dollars aux contribuables états-uniens et a permis à l’administration de Washington d’envoyer des soldats américains combattre dans des guerres interminables et sanguinaires.

Dans un certain sens, ce qui est différent maintenant, c’est que ce type de parti-pris qu’on retrouve dans la couverture états-unienne des affaires internationales depuis des années s’est maintenant étendu à la politique des États-Unis, ce qui n’est pas particulièrement nouveau. Les journalistes politiques ont souvent eu leurs préférés et n’ont guère cherché à cacher quel était le résultat qu’ils souhaitaient.

Par exemple, lors de la campagne de 2000, qui devait être l’une des élections les plus importantes de l’histoire des États-Unis, les journalistes accrédités des grands médias, des jeunes gens branchés, qui couvraient la bataille entre Al Gore et George W. Bush étaient séduits par Bush, « le brave type » qui leur donnait de chouettes surnoms tandis que Gore était un raseur.

Le mépris anti Gore des journalistes était évident à la façon dont ils se complaisaient à rapporter de façon erronée les moments importants de la campagne, à attribuer, par exemple, à Gore cette fausse citation « c’est moi qui ai inventé Internet » ou d’autres « propos hâbleurs » qu’il n’avait jamais tenus.

Ils ont continué à se moquer de Gore et à flatter Bush même en couvrant le recompte de Floride qui donna la Maison-Blanche à Bush alors que Gore avait davantage de votes à la fois en Floride et au niveau national. (Pour plus de détails, voir Neck Deep, The Disastrous Presidency of George W. Bush.)

Alors que les super reporters accrédités voyaient la campagne de 2000 comme une sorte de rigolade, les conséquences catastrophiques de la présidence Bush n’étant pas encore connues, forcément, les médias dominants aujourd’hui justifient leur manque d’objectivité en invoquant le devoir vis-à-vis de leur pays.

Comme l’a écrit Jim Rutenberg dans le New York Times « si vous êtes journaliste et croyez que Donald J. Trump est un démagogue qui exploite les pires tendances racistes et nationalistes de ce pays, qu’il essaie de devenir ami avec des dictateurs antiaméricains et qu’il serait dangereux s’il avait le contrôle des codes nucléaires des États-Unis, comment, grands dieux, êtes-vous censés traiter sa campagne ?

Parce que si vous pensez tout cela, vous allez devoir jeter le petit livre que les journalistes américains utilisent depuis une bonne partie des cinquante dernières années, si ce n’est plus, et traiter cette campagne comme vous ne l’avez jamais fait de toute votre carrière.

Si vous considérez qu’une présidence Trump est potentiellement dangereuse, alors vos articles vont refléter votre opinion. Vous allez alors vous rapprocher, comme vous ne l’avez jamais fait, d’une position d’opposition. C’est une situation qui n’est pas confortable, un terrain inconnu pour tous les journalistes des grands médias sans opinion que j’ai connus, et d’après des critères normaux, c’est une situation intenable. »

Rutenberg parle comme s’il n’avait jamais pensé, le moins du monde, au journalisme partisan dont son journal fait montre dans le traitement des questions de politique étrangère. (Voir, par exemple, sur Consortiumnews.com « NYT’s Orwellian View of Ukraine ».)

Trump et Poutine, deux pour le prix d’un

La campagne de dénigrement contre Trump est couplée avec celle contre le président russe, Vladimir Poutine. Trump est parfois accusé d’être un « agent » russe parce que, selon lui, les États-Unis peuvent coopérer avec la Russie dans la lutte contre le terrorisme et pour d’autres questions, plutôt que de se précipiter pour affronter la Russie, puissance nucléaire, dans une nouvelle Guerre froide coûteuse et dangereuse.

Le président russe, Vladimir Poutine, après son discours à l'Assemblée générale des Nations Unies le 28 septembre 2015. (UN Photo)

Le président russe, Vladimir Poutine, après son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies le 28 septembre 2015. (UN Photo)

Au milieu de cette frénésie médiatique autour de la prétendue « fraternisation » entre Trump et Poutine, Trump a laissé entendre que les Russes pourraient peut-être retrouver les 30 000 courriels disparus du Département d’État. Alors qu’il plaisantait manifestement, en faisant allusion aux soupçons à propos de l’éventuel piratage par les Russes des courriels du Comité national démocrate, les médias bien-pensants des États-Unis ont largement interprété ces paroles comme un acte qui se rapprochait de la « trahison ».

Ou comme l’a dit Rutenberg lui-même, Trump a cherché à « persuader la Russie de se mêler de l’élection présidentielle des États-Unis en piratant son adversaire » (une plaisanterie, dira plus tard Trump, que les médias n’ont pas comprise).

Même s’il est certainement exact que certaines des remarques spontanées de Trump, comme la suggestion que « le peuple du deuxième amendement » pourrait agir pour arrêter les plans de contrôle des armes d’Hillary Clinton, sont carrément irresponsables, il ne voulait sûrement pas en appeler sérieusement aux Russes pour qu’ils espionnent Hillary Clinton. S’il avait été sérieux, il n’aurait évidemment pas fait cet appel publiquement.

Toutefois, le point le plus important c’est que le peuple américain ait conscience que ses grands médias sont extrêmement partiaux dans leur traitement des questions de politique étrangère et suivent la ligne désirée par l’institution politique. Avec Trump et Poutine, ils en ont deux pour le prix d’un.

Et il ne s’agit pas ici de conspiration. C’est beaucoup plus simple, si un journaliste qui traite de la politique étrangère ou de la sécurité nationale veut avoir accès à des informations du gouvernement dont une bonne part est classifiée, alors lui ou elle doit se montrer prêt à prendre le « parti » des États-Unis. Sinon, la prochaine fois que se produira un événement important, par exemple une attaque militaire ou la préparation d’un rapport gouvernemental sur une crise étrangère, vos concurrents auront le dossier secret ou la « fuite », mais pas vous.

Alors vos rédacteurs en chef voudront savoir pourquoi vous n’avez pas réussi. Ils n’ont pas envie de vous entendre invoquer la façon dont vous avez compliqué la tâche des autorités gouvernementales en menant une investigation sérieuse. Vos rédacteurs en chef veulent seulement que vous ayez ce qu’ont les concurrents, et cela vous ne pouvez pas l’avoir, et si vous ne pouvez pas l’avoir, ils donneront, sans états d’âme, votre boulot à quelqu’un qui saura jouer selon les règles avec le pouvoir.

Pour ce qui est des journalistes américains, ils devraient dire la vérité au sujet de leurs partis-pris évidents ou ils devraient s’engager à une position d’opposition vis-à-vis de tous les responsables gouvernementaux, quel que soit le gouvernement qu’ils représentent et quelles que puissent être les conséquences personnelles pour leur carrière. Ce seul principe s’appliquerait à tous.

Mais je prends mes désirs pour des réalités. La meilleure façon de faire carrière pour les « stars » des médias, c’est d’être malhonnête, de prétendre adhérer à un code journalistique professionnel, sauf dans quelques cas extrêmes comme la candidature à la présidence de Trump ou en traitant d’un quelconque « scélérat » étranger. Vous ne faites donc que ce qui est « bon pour la patrie ».

Le journaliste d’investigation Robert Parry a démantelé la plupart des histoires Iran-Contra pour The Associated Press et Newsweek dans les années 1980.

Source : Consortium News, le 19/08/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/trump-et-la-longue-histoire-de-la-partialite-mediatique-par-robert-parry/


Contre le parti collabo du “pas d’amalgame” : quand même Jacques Julliard fait du Zemmour…

Sunday 18 September 2016 at 17:30

Ouaouh. J’avais loupé ça en début de mois. Et c’est vraiment très important. J’expliquerai pourquoi par la suite.

Jacques Julliard est un journaliste et essayiste français, ancien militant anticolonialiste et ancien membre de la direction de la CFDT. En 2010, il annonce son départ du Nouvel Observateur pour Marianne.

C’est très intéressant, car Jacques Julliard est un symbole de la deuxième gauche rocardienne, de la “social-démocratie”. Bref, Julliard, c’est la majorité du PS. Et c’est là que ça aide à mieux comprendre ce qui se passe (ou plutôt ce qui ne se passe pas…).

Vous notez donc que la vision “de gauche” classique rencontre donc la vision extrémiste “de droite”, et donc que la vaste majorité de l’appareil politique prend désormais un position très obtuse et peu fraternelle envers une masse de citoyens intégrés et paisibles. À tel point qu’il n’y a presque plus de place pour un poencsitionnement fraternel (et lucide sur les problèmes des pratiques extrémistes, bien entendu).
po
En ne réagissant pas face à ces propos d’une autre époque, on va donc faire naître de fortes tensions à terme, donner un sentiment d’humiliation et donc, générer des problèmes plus importants encore. Nous voyons des pompiers pyromanes réalisant des prophéties auto-réalisatrices. Quand des gens vont se rebeller à cause de leurs propos, ils diront “Eh bien vous voyez, on avait raison, on l’avait dit !”…

Petit cours d’auto-défense intellectuelle, donc, sur un des pires textes de propagande haineuse que j’ai lu, caractérisé par un biais psychologique classique : la projection sur l’autre de ses propres déviances…

En tous cas, une chose est sûre : les périodes où on se déchaîne contre des gens qui, comme Todd (ou moi ici) appellent à la paix civile, en les traitant de “collabo”, et où on soutient des personnes appelant et œuvrant à la guerre civile, sont des périodes qui finissent très très mal. On verra donc… (on changera de sujet dans quelques jours, n’ayez crainte…)

I. Le 2 septembre : Contre le parti collabo du “pas d’amalgame”, par Jacques Julliard

RAPPEL : Attention, cet article n’a PAS été écrit par Eric Zemmour, mais par une des figures de “la gauche”

parti-collabo

Par Jacques Julliard, Marianne, le 2 septembre 2016

Chaque fois que la France est menacée dans son existence et dans ses raisons d’être, il se forme dans ses marges un parti collabo. Bourguignons de la guerre de Cent Ans, frondeurs du début du règne de Louis XIV, émigrés de Coblence sous la Révolution, vichystes et pronazis de la Seconde Guerre mondiale. D’ordinaire, ce parti est d’extrême droite et se confond avec la réaction. Aujourd’hui, il est d’extrême gauche.

C’est le parti du « pas d’amalgame » à tous crins ; du « vivre ensemble » à tout prix ; de « la faute aux cathos » quand les islamistes égorgent ; c’est le parti de la minimisation (« quelques actes isolés sans signification »), de la psychiatrisation (« une poignée de déséquilibrés »), de la contextualisation (« des victimes du racisme ambiant »), de la diversion (« les fruits du colonialisme »), de la banalisation (« le burkini est un vêtement comme un autre »). Tout est bon pour suggérer que ces crimes ne sont pas des crimes, mais des conséquences.
C’est surtout le parti de la France coupable. Cette façon de faire son procès quand l’ennemi la calomnie, cette manière de lui tirer dans le dos quand elle est attaquée de face ; ce chauvinisme inversé qui l’accable quand elle est affaiblie ne porte qu’un nom, quels qu’en soient les auteurs : lâcheté ! lâcheté ! Quand la France connut en 1940 les jours les plus noirs de son histoire, le parti de la soumission, avec à sa tête le maréchal Pétain, ne trouva qu’une explication : la France est dans le malheur parce que la France est coupable ! Coupable du Front Populaire, coupable de son esprit de jouissance, coupable de son esprit d’insubordination.

Et aujourd’hui que l’on tue dans les salles de rédaction, que l’on massacre dans les lieux fréquentés par les juifs, que l’on décapite un chef d’entreprise, que l’on assassine des policiers en civil à leur domicile, que l’on égorge un prêtre à son autel, que l’on envoie un camion fou écraser de tranquilles citoyens célébrant la fête de la liberté, que nous susurre le parti collabo ? Que tous ces innocents sont coupables ! Que la France est punie à cause de son passé colonial. Qu’il ne lui reste qu’une chose à faire : se couvrir la tête de cendres, plier l’échine, lécher la main qui la poignarde.
À la tête du parti de la soumission, il y a comme d’habitude les intellectuels. Ce n’est pas ma faute à moi si dans le langage populaire intello rime avec collabo. Oh, je ne suis pas en train de faire le procès des intellectuels en général. Dans l’esprit de la Résistance, les armes à la main souvent, il y a toujours eu, minoritaires, des Marc Bloch et des Albert Camus, des René Char et des Robert Desnos. Mais la masse des autres ? Derrière les quatre grands de la trahison, Brasillach et Drieu, Rebatet et Céline, il y a tous les autres, l’Académie française presque au complet, un grand nombre d’éditeurs, de journalistes et même de dessinateurs.

Pas d’amalgame ! allez-vous encore dire. Vous n’allez pas comparer les complices de l’Allemagne nazie avec d’honnêtes défenseurs de l’islam ! Je ne compare pas des culpabilités, j’examine des états d’esprit. Et je me demande pourquoi tant d’agnostiques convaincus, de non-conformistes patentés, se sont laisser rassoter, cocufier, embobiner, encaquer, tartufier par la religion la plus fidéiste, la plus conformiste, et aujourd’hui la plus sanglante de la planète ? Comment se nomme Tartufe en ce XXIème siècle commençant ? Il se nomme Tarik Ramadan, il ne nous manque, hélas, qu’un Molière pour le dire !*
Car enfin, aujourd’hui, au pays de Voltaire, c’est Tartufe qui triomphe, avec pour couverture non plus le catholicisme, mais l’islam, avec le soutien discret de tous les Homais de l’extrême gauche. Au pays de George Sand et de Simone de Beauvoir, c’est le machisme le plus brutal et la réduction de la femme à l’état de propriété privée qui l’emporte, avec la complicité imbécile de quelques Marie-Chantal du féminisme. Et que dire de ces matamores de la révolte en chambre, de ces insoumis de Quartier latin, de ces hors-la-loi de plateaux télé, affichant à longueur de manifeste leur mépris de la légalité bourgeoise, qui se transforment soudain en juristes pointilleux, en avocaillons pinailleurs, dès qu’il s’agit d’excuser l’islamisme ?

Je ne sais pas jusqu’à quel point la guérilla culturelle qui se mène sur nos plages en burkini à 150 euros a partie liée avec la guerre terroriste de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray. Je ne sais pas si la première n’est pas la façade civilisée de l’autre. Mais ce dont je suis sûr, c’est que, dans les arrière-greniers de la pensée collabo, l’esprit de soumission est le même. C’est cela qu’avait prophétiquement annoncé Michel Houellebecq dans son dernier roman et c’est cela que le parti collabo ne lui a jamais pardonné.
Mais enfin, ce disant, n’êtes-vous pas en train, autre ritournelle du moment, de “stigmatiser les musulmans” ? Ni plus ni moins que les républicains du début du XXème siècle ne stigmatisaient les catholiques quand ils établissaient les lois de la laïcité, que le monde entier nous envie. Sauf les Américains ! Après l’arrêt du Conseil d’État, comme l’a justement dit Manuel Valls, le combat continue. La bataille de la liberté et de la raison sera perdue ou gagnée sur le front culturel.

Contre le parti intello-collabo, Montaigne, Pascal, Molière, Voltaire, Camus, Simone Weil : au secours !

* Il faudrait que Jean-Luc Mélenchon relise ses classiques. Lorsque Tartufe demande à Dorine de se dévoiler (déjà !), ce n’est pas Dorine que Molière dénonce, mais Tartufe lui-même, grand envoileur.

Marianne N° 1013 du 2 septembre 2016

Par Jacques Julliard, Marianne, le 2 septembre 2016

julliard-godwin

edito-julliard-marianne-1013

II. Le même article commenté…

La propagande implique par nature de faire accepter des idées erronées. Par ailleurs, elle vise principalement des personnes intelligentes (les autres ont bien moins d’intérêt pour un propagandiste). Mais comment faire accepter des idées fausses par un esprit intelligent ? Eh bien par une Stratégie du Choc Émotionnel très NaomieKleinesque, il faut “baffer” l’esprit critique de la victime, en faisant en sorte que sa pensée soit submergée d’émotions, meilleur antidote à la raison. Exemples : des prématurés tués au Koweit pour voler des couveuses, des Soldats de Kadhafi dopés au Viagra pour violer leur peuple, etc… Ou ça :

Contre le parti collabo du “pas d’amalgame”

Chaque fois 

[Ici il s’agit de faire croire qu’on annonce une règle absolue ne contenant donc aucun contre-exemple]

que la France est menacée [Peur] dans son existence [Peur] et dans ses raisons d’être [Peur], il se forme dans ses marges

[Ils sont une poignée…]

un parti collabo.

[Insulte]

Bourguignons de la guerre de Cent Ans, frondeurs du début du règne de Louis XIV, émigrés de Coblence sous la Révolution, vichystes et pronazis de la Seconde Guerre mondiale

[Joyeux amalgame des Bourguignons, des “frondeurs” (tiens…), des proNazis, etc. Ne manque que mon voisin ‘qui ne ferme pas la porte de l’immeuble le soir après 22h00’.

D’ordinaire, ce parti est d’extrême droite [Insulte] et se confond avec la réaction. [Insulte] Aujourd’hui, il est d’extrême gauche. [Ca compte “Insulte” ça non… ?].

C’est le parti du « pas d’amalgame » à tous crins ;

[Heureusement, les amalgames et Julliard, ça fait deux comme on a vu]

du « vivre ensemble » à tout prix ;

[certains préfèrent apparemment le “Mourir ensemble”…]

de « la faute aux cathos » quand les islamistes égorgent ;

[Bien sûr vous avez tous entendu plein de gens dire “C’est la faute aux cathos”…] 

c’est le parti de la minimisation (« quelques actes isolés sans signification »)

[On ne nous attaque pas non plus tous les matins, c’est un fait, et nous avons été agressés depuis 2 ans quoi ? Une trentaine de personnes ? Si on n’est pas capables de résister à ça, Adieu notre Démocratie…],

de la psychiatrisation (« une poignée de déséquilibrés »),

[On peut quand même se poser la question de la normalité psychique quand on se fait sauter sur une esplanade vide, ou quand, musulman, on écrase plein d’enfants musulmans à Nice],

de la contextualisation (« des victimes du racisme ambiant »), de la diversion (« les fruits du colonialisme »), de la banalisation (« le burkini est un vêtement comme un autre »). Tout est bon pour suggérer que ces crimes ne sont pas des crimes, mais des conséquences. C’est surtout le parti de la France coupable.

Bien, on a donc compris où était la référence “intellectuelle” de Valls :

Mais j’y répondrai après, ce point est très important…

Cette façon de faire son procès quand l’ennemi

[“L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui !” {Pierre Desproges}] 

la calomnie [Paranoïa], cette manière de lui tirer dans le dos quand elle est attaquée de face 

[Paranoïa – mais bel hommage au bourrage de crâne de 1914-1918;

ce chauvinisme inversé qui l’accable quand elle est affaiblie [Paranoïa] ne porte qu’un nom, quels qu’en soient les auteurs : lâcheté ! lâcheté !

[Ce billet traitant de collabo des personnes appelant en général au calme, à la raison, à l’intelligence, à la fraternité, à la paix civile est en effet une fantastique preuve d’un courage sans nom…] 

Quand la France connut en 1940 les jours les plus noirs de son histoire,

[On va quand même dire “jusqu’à aujourd’hui”, car il y a un potentiel intéressant pour la suite…]

le parti de la soumission, avec à sa tête le maréchal Pétain, ne trouva qu’une explication : la France est dans le malheur parce que la France est coupable ! Coupable du Front Populaire, coupable de son esprit de jouissance, coupable de son esprit d’insubordination. 

[Hmmm pas du tout, Pétain en mettait justement pas une responsabilité sur “La France éternelle”, mais bien sur la Gauche du Front Populaire et des Juifs, Blum cumulant les deux. Le discours était très proche de Zemmour (musulman remplaçant juif), qui a repris ce propos de Julliard. #JeDisCaJeDisRien

Et aujourd’hui que l’on tue dans les salles de rédaction, que l’on massacre dans les lieux fréquentés par les juifs, que l’on décapite un chef d’entreprise, que l’on assassine des policiers en civil à leur domicile, que l’on égorge un prêtre à son autel, que l’on envoie un camion fou écraser de tranquilles citoyens [dont un tiers de musulmans] célébrant la fête de la liberté

[Stratégie du choc émotionnel ; il oublie un “que l’on massacre en masse des musulmans dans le monde, homme femmes enfants, jusque dans des mosquées“] 

que nous susurre le parti collabo ?

[Que ça fait du mal de lire ça sous cette plume qui a mené tant de beaux combats…]

Que tous ces innocents sont coupables !

[Ah tiens, si, finalement il l’a dit]

Que la France est punie à cause de son passé colonial.

[et aussi de son présent colonial {Al-Nosra fait du bon boulot toutça toutça}, n’exagérons pas… Ben oui, ça a existé, et les graves erreurs ont toujours des conséquences, qu’y puis-je…?]

Qu’il ne lui reste qu’une chose à faire : se couvrir la tête de cendres, plier l’échine, lécher la main qui la poignarde.

[Non, lui donner la légion d’honneur, simplement – la lèche, ce n’est pas leur genre…]

À la tête du parti de la soumission, il y a comme d’habitude les intellectuels.

[“Je te foutrais tout ça dans un camp, moi…”]  

Ce n’est pas ma faute à moi si dans le langage populaire intello rime avec collabo.

[Arf, quelle brillant argument ! Çà rime aussi d’ailleurs avec facho, mytho, menthe-à-l-eau..]

Oh, je ne suis pas en train de faire le procès des intellectuels en général. Dans l’esprit de la Résistance [qu’il incarne si bien présentement…], les armes à la main souvent, il y a toujours eu, minoritaires, des Marc Bloch et des Albert Camus, des René Char et des Robert Desnos [Les pauvres, être récupérés ainsi…] . Mais la masse des autres ? Derrière les quatre grands de la trahison, Brasillach et Drieu, Rebatet et Céline, il y a tous les autres, l’Académie française presque au complet, un grand nombre d’éditeurs, de journalistes et même de dessinateurs. [Eh oui, déjà, #IlsÉtaientCharlie…]

Pas d’amalgame ! Allez-vous encore dire.

[Seulement ceux qui ont du coeur et un cerveau, soyons honnêtes… 🙂 ]

Vous n’allez pas comparer les complices de l’Allemagne nazie avec d’honnêtes défenseurs de l’islam !

[Ben non !! Euh, quoique…] 

Je ne compare pas des culpabilités, j’examine des états d’esprit.

[Ah ben si, finalement…]

Et je me demande pourquoi tant d’agnostiques convaincus, de non-conformistes patentés, se sont laisser rassoter, cocufier, embobiner, encaquer, tartufier par la religion la plus fidéiste, la plus conformiste ,et aujourd’hui la plus sanglante de la planète ?

[Oh j’adore ça ! Mais attention #Padamalgam ! On considère donc que le djihadiste applique “la religion”, et donc que le milliard et demi de musulmans tranquilles ne le fait pas… #SoZemmour]

Comment se nomme Tartuffe au XXIème siècle commençant ? Il se nomme Tarik Ramadan, il ne nous manque, hélas, qu’un Molière pour le dire ! car enfin, aujourd’hui, au pays de Voltaire, c’est Tartuffe qui triomphe, avec pour couverture non plus le catholicisme, mais l’islam,

[Meuuuuuh oui, l’Islam triomphe en France, c’est évident… Ca me rappelle quand j’étais passé à Arrêts sur Images sur l’Ukraine en 2014, et que mon interlocuteur du Monde a dit que “En Occident, la propagande russe l’a emporté”. Paranoïa avancée, ou, plus précisément, pour eux, la propagande adverse gagne tant qu’il reste un opposant à leur idées…]

avec le soutien discret de tous les Homais de l’extrême gauche.

[Vieille tactique du “Vous voyez bien que je suis plus cultivé que vous ! Faites moi donc confiance….” : Monsieur Homais est un personnage de fiction créé par Gustave Flaubert dans son roman Madame Bovary ; il se caractérise par sa vanité sociale et ses prétentions scientifiques]

Au pays de George Sand et de Simone de Beauvoir, c’est le machisme le plus brutal et la réduction de la femme à l’état de propriété privée qui l’emporte, avec la complicité imbécile de quelques Marie-Chantal du féminisme.

[“Enfoiré d’Islam” va…]

Et que dire de ces matamores de la révolte en chambre, de ces insoumis de Quartier latin, de ces hors-la-loi de plateaux télé,

[“De toute cette vermine de gauche !!!!” ]

affichant à longueur de manifeste leur mépris de la légalité bourgeoise, qui se transforment soudain en juristes pointilleux, en avocaillons pinailleurs, dès qu’il s’agit d’excuser l’islamisme ?

[Plus “qu’excuser”  j’aurais même dit “Soutenir, se réjouir, et reprendre deux fois des moules à chaque attentat”]

Je ne sais pas jusqu’à quel point la guérilla culturelle qui se mène sur nos plages

[avec des armées composées de hordes de Une femme allant se baigner…]

en burkini à 150 euros pièce

[Tssss, mauvais argument Jacques ! Ce sont des arabes, elles ont donc très certainement volé les burkinis ! Je préfère ne pas réagir au racisme de classe sous-tendant cette remarque afin de rester poli…]

a partie liée avec la guerre terroriste de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray. Je ne sais pas si la première n’est pas la façade civilisée de l’autre.

[Burkini = Terroriste, je crois que c’est clair. #Bistrot]

Mais ce dont je suis sûr, c’est que, dans les arrière-greniers de la pensée collabo, l’esprit de soumission est le même.

[C’est beau comme du Houellebecq]

C’est cela qu’avait prophétiquement annoncé Michel Houellebecq

[Oh ben tiens, qu’est-ce que je disais ! Belle référence pour la gauche ! #JauresSoHasBeen]

houellebecq

houellebecq-2

dans son dernier roman et c’est cela que le parti collabo ne lui a jamais pardonné.

[Alors que le parti de Julliard est d’un humanisme émouvant]

Mais enfin, ce disant, n’êtes-vous pas en train, autre ritournelle du moment, destigmatiser les musulmans” ?

[Très honnêtement, je ne vois pas quel honnête homme pourrait penser ceci…]

Ni plus ni moins que les républicains du début du XXème siècle ne stigmatisaient les catholiques quand ils établissaient les lois de la laïcité, que le monde entier nous envie.

[Mais enfin, qui ne voit pas que la minorité musulmane est actuellement traitée comme l’était l’infime minorité de Catholiques en 1905 !]  

Sauf les Américains !

[“Enfoirés d’Américains va, complices historiques des musulmans” #JCroisQueCEstClair]

Après l’arrêt du Conseil d’État, comme l’a justement dit Manuel Valls, le combat continue. 

[… contre les principes des Droits de l’Homme, rappelés par le Conseil d’État, donc.]

La bataille de la liberté et de la raison sera perdue ou gagnée sur le front culturel. Contre le parti intello-collabo, Montaigne, Pascal, Molière, Voltaire, Camus, Simone Weil : au secours ! 

[Je lui souhaite de devoir rendre des comptes le plus tard possible à tous ces Grands à qui il en appelle – et qui ne resteront pas eux, une note de bas de page dans quelques livres -, car je crains qu’il passe alors des moments difficiles… Bon courage, donc, M. Julliard.]

naufrage

III. “Le parti de la France coupable”

Je reviens sur ce mot dans le texte de Julliard. C’est très important ce “parti de la France coupable” car c’est une manipulation grossière mais très répandue.

Le propagandiste essaie de faire croire que, quand on essaie de comprendre la longue chaîne de causalités, et donc de responsabilités qui aboutit à un tel drame, on serait en train de dire que “La France est coupable” – voire même généralement à l’extrême-droite “Les victimes décédées sont coupables” (Stratégie du choc émotionnel par la violence de l’affirmation). Alors que la vraie conclusion est “Tiens, le Gouvernement a une part de responsabilité dans le drame, évidemment non intégrale, mais suffisante pour l’avoir permis” (un peu comme dans un crash aérien où il faut toujours 7 ou 8 erreurs pour que le crash ait lieu ; une seule de moins, et tout va bien).

“La France est coupable” sert donc à ne pas pouvoir poser ni donc investiguer par exemple la question “Mais comment le conducteur de Nice a-t-il pu ne pas être interpellé pendant ses repérages avec un camion par la vidéosurveillance” ou “Pourquoi n’y avait-il pas de blocs en béton ou herses pour empêcher la circulation” ou “Pourquoi n’y avait-il pas après Charlie un civil de garde en permanence nationale pour autoriser en 5 minutes les militaires à tirer sur des djihadistes, comme au Bataclan” – puisque cet exemple est ressorti timidement ce week-end). Autre exemple pour illustrer : on parle des crimes de la colonisation, on vous sort “assez de repentance” (Stratégie du choc émotionnel : la personne qui l’entend n’a en effet jamais été colonisatrice, donc pourquoi se “repentir” ?), alors qu’il n’y a à se repentir de rien, juste à connaître, comprendre et ne pas oublier les crimes récurrents de Gouvernements en roue libre…

Amusant aussi : si le gouvernement (puisque c’est de lui dont on parle en réalité quand on entend “La France” ou “Nous”) n’avait AUCUNE responsabilité, à travers ses actes ou ses non-actes, si ces crimes arrivent juste parce que des musulmans lambdas (sains d’esprit donc) lisent 3 lignes guerrières du Coran et décident de les appliquer à la lettre pour aller tuer des enfants y compris musulmans (ce qui montre bien à quel point ils sont donc sains d’esprit et appliquent bien le Commandement de Dieu “Tu ne tueras point”) eh bien que peut-on faire alors ? Je ne vois que 2 choses : ou bien on change le Coran (merci de prévoir un délai), ou bien on vide notre territoire des musulmans – ce que propose Zemmour : “choisir l’Islam ou la France” -, en attendant de trouver des “solutions” plus radicales. Car si on ne fait pas ça, il faudrait alors ravaler le terrorisme au rang des catastrophes naturelles inévitables (puisqu’on n’a aucune responsabilité donc aucune marge d’action), comme la foudre qui frappe. Ce qui serait évidemment stupide.

Donc, le discours julliardo-zemourrien ne peut que conduire à l’expulsion des musulmans, ou à tous le moins à de graves chocs avec eux. Alors que, à contrario, si on veut lutter VRAIMENT contre le terrorisme, il ne faut pas faire des débats théologiques ou philosophiques, mais avancer sur des solutions concrètes, simples, pragmatiques et efficaces. Deux exemples déjà défendus ici pour éviter l’accusation de “complaisance avec les islamistes” : combattre fortement les financeurs mondiaux du terrorisme international que sont les élites saoudiennes qataries ou turques ; récupérer la liste des djihadistes français, comme le demande l’ancien chef de la DST…), ce qui implique qu’il en existe,  ce qui implique qu’elles n’ont pas été utilisées par le gouvernement, ce qui implique que le gouvernement a une part de responsabilité dans les attentats. Et ce que ne reconnaîtra jamais, par construction, un “chien de garde” (notion déjà définie il y a un siècle par Paul Nizan {le grand-père d’Emmanuel Todd} hélas mort à 35 ans en 1940…).

Mais bon, après, pourquoi faire appel à la raison pour résoudre les problèmes, en écoutant les spécialistes, quand on a des idéologues qui déchaînent les passions ?

trevidic

IV. Re-lecture de l’appel de Julliard en 2010…

On relira utilement les “20 thèses pour repartir du pied gauche” de Jacques Julliard de 2010. Je soutiens totalement la grande masse des propositions où il prenait courageusement le contre-pied du PS (surtout sur la finance). Les premières étaient tellement fortes et réjouissantes que je n’avais pas prêté une grande attention à certaines autres au milieu (j’ai donc été victime de la Stratégie du choc émotionnel, où cette version montre qu’elle peut utiliser un “choc de joie” et non pas comme précédemment un “choc d’indignation”). On relira donc ces thèses “de gauche” avec attention, qui constituent un petit bloc entre deux gros autres très intéressants (raison pour laquelle, je ne vous mets que ce bloc, regardez le reste après chez Libé) :

10. Le risque actuel, c’est un nouveau populisme. Le prolongement de la crise, désormais probable, notamment sous la forme du chômage, crée un trouble politique profond. À la différence de celle de 1929, où la faillite du libéralisme conduisait la droite à envisager des solutions fascistes et la gauche des solutions communistes, le monde politique est aujourd’hui muet. Il en va de même des intellectuels chez qui les droits de l’homme et l’écologie constituent des religions substitutives de salut. L’absence de solution politique favorise le développement de dérives psychologiques : l’envie, la haine de l’autre, le culte du chef, la recherche du bouc émissaire, le culte de l’opinion publique à l’état brut représentent autant de succédanés au vide politique béant de la période.

11. Les droits de l’homme ne sont pas une politique. Ils sont un problème ; non une solution. Ils sont une exigence nouvelle de la conscience internationale ; mais ils tardent à se concrétiser dans un mouvement politique cohérent. D’autant plus que l’alliance traditionnelle entre le libéralisme économique et le libéralisme politique est en train de se déliter. La Chine donne l’exemple inédit d’un grand marché libéral gouverné par une dictature politique intransigeante. La bataille pour les droits de l’homme est de tous les instants ; mais elle a besoin de s’inventer dans une politique internationale nouvelle.

12. L’écologie n’est pas une politique. Pour le système industriel, la défense de l’environnement n’est pas à l’échelle macroéconomique une solution à la crise et au chômage, mais une contrainte supplémentaire. Pas plus que l’informatique hier, elle ne saurait répondre aux problèmes posés par la financiarisation de l’économie et l’absence de régulation à l’échelle internationale. Elle tend à rendre plus coûteuse et plus difficile la relance économique nécessaire pour donner du pain et du travail aux habitants de la planète. L’écologie demeure bien entendu une préoccupation nécessaire ; une ardente obligation économique et sociale, non le prétexte à des opérations politiciennes. (Source : Libération“, 18/01/2010)

Bref, un sympathique chroniqueur de plus chez Marianne, qui recrute à tours de bras…

fourest

redeker

(Source)

V. Et donc le 7 septembre 2016, Zemmour et “le parti collabo”

Eh bien le pompon, Zemmour en septembre 2016 reprenant cette notion :

Journaliste : Vous êtes déçu par le parti qui selon vous avait compris ce qui comptait, l’identité nationale,vous êtes déçu par Marine Le Pen, vous la reniez carrément ?

Zemmour : Je n’ai pas à la renier… Je suis critique.

Journaliste : Ce que vous n’aimez pas c’est la France apaisée, revendiquée, ça manque de virilité selon vous ?

Z : Ça m’amuse parce que l’apaisement, ça a une connotation historique assez forte, c’est la politique de Chamberlain face à Hitler. Tous les pacifistes en France qui disent “il n’y a pas d’amalgame”, c’est l’héritage d’un grand parti collabo qui existe depuis mille ans en France.

Journaliste : Quand on veut la paix, on est lâche et collabo… ?

Z : Exactement !

========================

Éric Zemmour : C’est le pompier pyromane Christiane Taubira. Elle a mis sa petite pioche pour détruire un peu plus la France, et elle vient dire qu’elle est craintive pour la France. C’est l’incarnation de ces gens qui détestent la France et qui ont tout fait pour lui cracher dessus, et qui ont tout fait pour la culpabiliser, qu’elle était coupable de 1000 maux. Christiane Taubira c’est l’incarnation de ce parti collabo qui depuis 1000 ans est toujours contre la France ; Christine Taubira, elle ferait mieux de se taire !

Source : Page Zemmour Watch de ce site, comprenant toutes ses déclarations.

VI. En conclusion : quelques mots sur le vrai “parti collabo”

Jacques Julliard a sans doute raison quant il décrit, au début de l’article l’existence du “parti bourguignon”. Sans en faire un “parti constitué”, il est vrai aussi qu’apparaissent de telles tendances dans l’Histoire de France, Julliard en citant de forts justes, je rajouterais pour ma part la trahison de Bazaine en 1870 et le sabotage de la résistance de Gambetta par les Jules Favre et Adolphe Thiers par la suite.

Ce que Jacques Julliard se garde bien de pointer, c’est que toutes ces trahisons ont pour point commun l’intérêt économique d’une petite coterie de possédants – même si des “intellectuels” comme Maxime du Camp en 1870 ou Drieu La Rochelle en 1941 ont rejoint pour diverses raison ce mouvement.

Il est donc totalement trompeur, d’un point de vue historique, de rapprocher ces trahisons réelles de l’intérêt national de prises de position intellectuelles (certes tout à fait critiquables sur certains points) d’un Edwy Plenel ou d’un Pascal Boniface : ces derniers ne servent en effet nullement les intérêts des possédants.

Si “parti bourguignon” il y a aujourd’hui, il est plutôt dans celui qui défend tous les abandons de souveraineté populaire et tout les sacrifices des intérêts de la population aux lobbies des couloirs du Berlaymont à Bruxelles.

Quant à la comparaison entre les quelques intellectuels résistants et la masse des intellectuels collabos, elle tombe totalement à plat, surtout quand il cite l’Académie Française qui, hier comme aujourd’hui, reste réactionnaire, et vient même d’accueillir Finkielkraut… Peu d’académiciens actuels sont du Parti “Padamalgam” ; en revanche, nombreux sont ceux qui sont proches de la position de l’article de Jacques Julliard.

De plus, Jacques Julliard laisse sous-entendre qu’il y aurait pléthore “d’intellectuels félons adeptes du ‘vivre-ensemble'” (donc, sous-entendu, d’une société multiculturelle) alors que l’on doit compter ces voix sur les doigts d’une main.

En revanche, de la presse de Droite dure jusqu’au Nouvel Obs, on entend plutôt une tout autre musique – et son silence sur l’affaire Zemmour en dit long -, Jacques Julliard tenant donc ce mois-ci le rôle du meilleur soliste d’un concerto pour réacs.

Pour poursuivre sur cette thématique, je renvoie les lecteurs vers l’article de ce site traitant du livre scandaleusement peu connu (et pour cause…) Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance de l’historien Simon Epstein, qui a analysé le parcours de nombreuses personnalité durant la guerre. C’est éloquent, à l’image du titre…

Enfin, sa définition de “l’extrême-gauche” laisse aussi rêveur. Utilisée naguère pour Lutte Ouvrière ou le NPA, elle s’étend désormais à des gens comme Cécile Duflot, Chrsitiane Taubira, Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Hamon, rajoutant même souvent le qualificatif désormais infâmant d’islamo-gauchistes ! C’est comme si Manuel Valls représentait désormais “la gauche” et que toute critique sociale de sa politique était donc “d’extrême-gauche”. Finalement, Michel Rocard, Lionel Jospin, Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, qui à l’époque du foulard de Creil avaient eu une position modérée, seraient aujourd’hui considérés comme d’extrême-gauche par Julliard selon les critères de son article.

“C’est sous l’impulsion de Daniel Mayer que la SFIO procédera à sa propre épuration en 1944. Elle le fera avec un courage et une détermination qui manqueront aux autres formations, lesquelles témoigneront d’une indulgence excessive à l’égard de leurs représentants ayant failli, le 10 juillet 1940, à leurs devoirs républicains et patriotiques confondus. La moitié du corps parlementaire socialiste sera exclue du parti. Les non-exclus comprendront des députés ayant voté pour Pétain à Vichy, mais qui se sont rachetés, pour faits de résistance, ou faits d’opposition, pendant la guerre. Douze anciens ministres socialistes du Front populaire, sur un total de dix-sept encore en vie, seront sanctionnés pour leur vote du 10 juillet et pour leur attitude sous l’occupation, et seront exclus du parti. 12 sur 17, c’est une proportion dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas négligeable. Elle reflète la puissance du courant qui a emporté les leaders et les militants du Front populaire en général, et de la SFIO en particulier, vers le pétainisme et la collaboration sous toutes ses formes. […] Ce fait, pourtant significatif sera assez fréquemment passé sous silence par les historiens du Front populaire.“ [Simon Epstein]

Bref, Jacques Julliard devrait d’urgence relire “Qui est Charlie” d’Emmanuel Todd, et s’arrêter sur sa présentation du “catholique zombie”.

 

Pour conclure, je dirais que, par nature, un résistant se met en danger, et un collabo se met “en confort”, surtout vis-à-vis du pouvoir, et y trouve (temporairement) gloire, plaisir, argent, notoriété, places, estime…

Ainsi, s’il fallait vraiment s’abaisser au point Godwin, pour ma part j’attribuerais bien plus volontiers le terme de “collabo” à tous ceux qui restent taiseux, ou discrets, ou carrément complices bien sûr, devant ceux qui s’abaissent devant les principaux responsables du terrorisme sur la planète, depuis des décennies : Arabie Saoudite, puis Qatar et puis récemment Turquie, et autres pouvoirs gangrenés par le Wahhabisme ou les Frères Musulmans... Ou qui ont réussi à étouffer, juste après les attentats de Paris, ce scandale d’État révélé, excusez-du peu, par l’ancien chef de la DST, ex-responsable de la sécurité du pays : Manuel Valls a refusé la liste des djihadistes français que proposait la Syrie “pour des raisons idéologiques”, nous mettant ainsi sciemment tous en danger !

Toutes ces trahisons se faisant au fond pour toujours la même raison principale : l’argent !

valls-argent-arabie-contrats

“Plus largement, la France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite . Nous savons très bien que ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table.” [Marc Trevidic, juge antiterroriste français, 15/11/2015]

28-pages

(Source : Le Figaro, 02/02/2015, juste après Charlie, où ce grand leader Démocrate est venu nous alerter, et qu’aucun média n’a relayé : collabos !!!)

Il y a une semaine :

arabie-11-09

Eh oui, aux États-Unis, les Résistants ont lutté longtemps, mais ils l’emportent in fine, comme très souvent, sur le “parti collabo”, qui ne connaît pas de frontières…

« Mon seul adversaire, celui de la France, n’a aucunement cessé d’être l’Argent. » [Charles de Gaulle, 11 décembre 1969, discussion avec André Malraux, cité dans Les chênes qu’on abat, Gallimard]

indignez-vous

P.S. Consigne aux modérateurs : enlevez bien les commentaires de trolls qui relanceront le sujet “Islam”, traité dans plus de 1 000 commentaires cette semaine. En rester à des propos en lien avec ce billet.

Source: http://www.les-crises.fr/contre-le-parti-collabo-du-pas-damalgame/


Oui, l’islamophobie actuelle ressemble à l’antisémitisme des années 30, par Guillaume Weill-Raynal

Sunday 18 September 2016 at 02:45

Par Guillaume Weill-Raynal, blog Mediapart, 15/09/2016

Le discours anti musulmans d’aujourd’hui repose sur des fantasmes déconnectés du réel. A y regarder de plus près, il est structuré et fonctionne exactement comme les théories antisémites d’avant-guerre.

Certains s’indignent que l’on ose comparer les attaques dont les musulmans sont aujourd’hui l’objet à l’antisémitisme d’autrefois. Il ne s’agit bien évidemment pas de la Shoah, auquel cas le parallèle serait effectivement scandaleux. Mais le discours islamophobe qui gagne chaque jour un plus de terrain  ressemble en tous points aux théories antisémites qui fleurissaient en France dans les années 30 : il repose sur une base largement fantasmatique à laquelle une construction savante donne les apparences de la vérité et de l’évidence. Il essentialise et stigmatise une population prise dans son ensemble. Enfin, il est  soutenu et développé par des figures majeures du paysage intellectuel et politique. Au final, l’opinion finit par être persuadée de l’existence d’un « problème musulman » comme on avait réussi naguère à la convaincre de l’existence d’une « question juive ».

Résumons : le Coran proposerait un modèle de société incompatible avec nos valeurs républicaines. Une large part des musulmans issus de l’immigration n’aurait ainsi d’autre dessein que de changer le visage de notre pays et de l’Europe. Au Moyen-Orient, les fanatiques de Daech qui haïssent nos mœurs et notre liberté auraient, pour ce seul motif, lancé une vaste offensive dont les terroristes qui ont ensanglanté la France et la Belgique seraient le fer de lance et dont une large partie des musulmans, français ou résidents, seraient les avant-postes, soit par leur silence complice, soit  – pire – par l’affichage de signes « ostensibles » contraires à l’ordre public car niant les valeurs de laïcité et d’égalité hommes-femmes. Le premier ministre Manuel Valls affirme publiquement la nécessité de combattre le burkini – dans lequel Alain Finkielkraut voit un « drapeau » de l’islam conquérant -, au besoin en changeant la loi. Quant à ceux qui s’inquiètent des conséquences qu’un tel changement de législation pourrait provoquer dans notre système de libertés publiques, Jacques Julliard, n’hésite pas, dans les colonnes de Marianne, à les traiter comme des« collabos ».[1] Bref, la troisième guerre mondiale est déclarée…

C’est oublier que l’immigration du Maghreb vers la France fut, à l’origine, initiée par nos gouvernements. Cette immigration prit la forme d’une force de travail « importée » pour reconstruire le pays. Les Français musulmans vivent ici depuis plusieurs générations et ne sont nullement venus en « conquérants ». L’islam, dans le monde, se caractérise avant tout par sa diversité. Les structures des sociétés islamiques sont radicalement différentes selon qu’il s’agit de l’Indonésie, de la Turquie, de la Tunisie, des Emirats ou du Sénégal. On ne voit pas très bien quel modèle de société unique et global, voire totalitaire, le monde musulman chercherait à imposer en France alors que ce modèle n’existe pas ailleurs. L’islam serait contraire à la laïcité ? La belle affaire ! C’est le cas des autres religions monothéistes qui, par essence, portent une vision du monde que l’athéisme républicain ignore et que les pouvoirs publics tolèrent – au sens de notre constitution – sans lui reconnaitre la moindre valeur normative sur le plan juridique. La laïcité repose précisément sur le respect absolu de cette frontière infranchissable. C’est à ce titre que les rédacteurs de la loi de 1905 s’étaient vigoureusement opposés à l’interdiction du port en public de la soutane, estimant qu’il ne s’agissait pas, selon la loi républicaine, d’un vêtement religieux contraire à l’ordre public, mais d’un simple vêtement « comme les autres ». Chacun est libre de s’afficher dans la rue comme il le souhaite. Quant aux « pressions » que subiraient les femmes musulmanes, nul besoin d’une étude sociologique poussée pour se convaincre qu’il s’agit d’une affirmation maintes fois répétées, sans jamais avoir étayée par des faits précis. Il suffit de regarder les femmes voilées qui déambulent dans nos villes. Au sein d’un même groupe ou d’une même famille, certaines sont voilées, d’autres pas. Et cela ne les empêche pas de se promener ou de travailler ensembles, de bavarder et de rire entre elles. La « violence » du Coran ? Je vous recommande la lecture d’un remarquable petit livre paru au mois de mai dernier : Comprendre l’Islam… ou plutôt pourquoi, on n’y comprend rien.[2] On y apprend que le Coran ne propose en réalité aucune explication du monde ni aucun modèle de société. C’est un livre « incompréhensible » pour la rationalité occidentale, que les musulmans du monde entier « lisent comme de la poésie » et qui n’a pour seule fonction que de « rendre Dieu présent » sans qu’il soit forcément nécessaire de comprendre sa parole. La violence extrême qui déchire aujourd’hui une partie du monde musulman ne trouve pas son origine dans ce livre, mais dans un contexte géopolitique vieux de cent ans, dans lequel les Occidentaux portent d’ailleurs leur part de responsabilité.

couverture-candiard-comprendre-islam

Mais la violence des attentats que nous avons subis nous aveugle. Là encore, c’est oublier que Daech n’a pas décidé un beau matin de nous punir de nos mœurs et de nous imposer les siennes, mais de répondre à l’intervention militaire des occidentaux dans un conflit dont l’Etat Islamique estime – à tort ou à raison – qu’ils n’ont pas à se mêler. Au 21ème siècle, il n’est pas forcément besoin de divisions blindées ni de porte-avion pour porter des coups à un adversaire situé à des milliers de kilomètres. Internet fait très bien l’affaire et permet facilement de mobiliser une poignée d’individus. Jacques Julliard peut ironiser sur le « pas d’amalgame » ou sur l’excuse psychiatrique. Les réseaux terroristes qui nous ont frappés sont effectivement constitués d’individus isolés. Certains avaient effectivement de lourds antécédents psychiatriques. Quant aux autres, issus de la petite délinquance ou de la grande criminalité, l’islam apparait plus comme la justification facile de leurs pulsions violentes préexistantes (la radicalité qui s’islamise selon Olivier Roy) que comme la dérive d’une piété fondamentaliste vers le fanatisme et le crime (l’islam qui se radicalise selon Gilles Keppel). En tout état de cause, rien ne permet d’affirmer qu’une population prise dans son ensemble (les précautions de langage qui prétendent ne viser que « certains musulmans » ne trompent personne), serait complice à quelque  titre que ce soit des terroristes ou de Daech du seul fait qu’elle lit le Coran, mange hallal, et porte sur la voie publique ou sur la plage une tenue vestimentaire dont chacun est libre par ailleurs d’estimer et de dire qu’elle est peut-être la manifestation d’une pudeur excessive ou d’une tradition archaïque. Il en faut plus pour contrevenir à l’ordre public. Oser affirmer que cette population représenterait un danger sur notre territoire, c’est effectivement revenir aux années 30.

Rappelez-vous. Les antisémites d’avant-guerre ne procédaient pas autrement. La méthode était la même : construire un raisonnement délirant en s’appuyant sur des miettes de réalité. Il était facile de dénoncer le péril judéo-bolchevique. Un ordre totalitaire imposait la terreur en Russie et en Ukraine, passée sous le giron soviétique au prix d’une sanglante guerre civile. Ça ne vous fait pas penser à Daech ? Il y avait effectivement des juifs dans les rangs bolcheviques. En France, en Allemagne, nombre d’intellectuels, dont certains étaient juifs, cédaient aux sirènes du marxisme, du stalinisme ou du trotskisme qui devaient, pensaient-ils, illuminer le monde. On appelait ça le péril rouge. Le public tremblait. Des années plus tard, certains partirent sur le front de l’Est pour délivrer l’Europe du bolchevisme. Par ailleurs, il y avait effectivement des juifs dans la finance, dans l’édition, la presse et le cinéma. Y étaient-ils majoritaires ? Peu importe. En 1940, des intellectuels de premier plan justifièrent le statut des juifs en expliquant que la France avait le droit de se défendre contre des gens venus d’ailleurs et pratiquant une religion étrange, qui avaient acquis un contrôle excessif sur la vie d’un vieux pays chrétien et dont il était permis de craindre qu’ils ne finissent un jour par prendre le pouvoir.

Il n’est pas dans mon propos d’envisager que les musulmans, demain ou après-demain, puissent être victimes de persécutions analogues à celles que les juifs ont connues pendant la guerre. Mais quand des thèses à ce point déconnectées du réel tendent à devenir le discours dominant dans les médias et que l’on déclare, à la tête de l’Etat, vouloir légiférer, il y a tout de même de quoi être inquiet.

Par Guillaume Weill-Raynal, blog Mediapart, 15/09/2016

======================================

(Olivier Berruyer : photos rajoutées par moi)

presse-2

À venir ?

presse

restaurant

 

Source: http://www.les-crises.fr/oui-lislamophobie-actuelle-ressemble-a-lantisemitisme-des-annees-30-par-guillaume-weill-raynal/


Liberté d’expression et Liberté de destruction

Saturday 17 September 2016 at 03:25

Petit billet de réponse aux derniers débats.

Je rappelle que ce blog n’a aucune vocation politique (je ne suis encarté nulle part, et ne risque pas de l’être – mais je parle à toute personne ou parti fréquentable). Il vise à analyser des propagandes, faire naître des réflexions et des débats, regarder les choses à contre-courant, à chercher la Vérité (sans jamais prétendre la détenir).

Mais si je l’ai appelé LES-crises, ce n’était pas pour me limiter à l’économie, mais pour me permettre de glisser d’un sujet à l’autre en fonction de ce que je trouverai important sur le moment, dans mes anticipations des problèmes suivants. Problèmes qui ont généralement correspondu à certaines digues que j’estimais céder. (mais oui, je vais passer à autre chose…)

Un jour, ça a été l’Ukraine – et ce soutien à des gens dont une partie étaient totalement infréquentables.

Un jour, ça a été la Syrie / Moyen-Orient – avec notre Fabius et notre Hollande pactisant aussi avec le diable, jetant nos intérêts et notre sécurité par la fenêtre.

Un jour ça a été Charlie

Charlie, ou la Liberté d’offenser la religion minoritaire

Avec le recul, je suis vraiment heureux du positionnement que j’ai pris ce jour là.

Condamner un acte horrible ? Evidemment ! Honorer la mémoire de gens que j’aimais beaucoup ? Mais évidemment !

Manifester ? Pourquoi pas.

Mais :

Mais ce fut #JeSuisCharlie, alors que je ne cautionnais pas ça :

Pas par bigoterie, mais par simple respect des convictions d’autrui, un tel dessin n’emmenant strictement rien, aucune réflexion. Juste le plaisir de choquer gratuitement les pratiquants d’une religion minoritaire.

Et donc l’arnaque – et le danger, on le voit – a été de faire croire que c’était une manifestation pour la “liberté d’expression”, alors :

Le seul message était finalement : “On veut pouvoir continuer à avoir le droit d’humilier votre Prophète si ça nous chante – et ça nous chante drôlement…”

On notera aussi que cette mobilisation survenait alors qu’il n’avait évidemment JAMAIS été question une seconde de supprimer ce DROIT d’offenser autrui, aucune modification législative n’était en vue.

Le gestion des réactions violentes, délirantes et barbares, totalement disproportionnées, intolérables, étant un autre sujet. Évidemment dans l’idéal, il n’est pas censé y avoir de conséquences graves pour ce type d’offenses par le dessin. Mais dans la vraie vie, il peut y en avoir, hélas… Tout comme si on se balade avec un tee-shirt “L’Islam est une religion débile” ou avec Mahomet comparé à un cochon – c’était la même chose les caricatures Charlie. D’ailleurs parfaitement relevé à l’époque …

« Je condamne toutes les provocations manifestes, susceptibles d’attiser dangereusement les passions. » [Jacques Chirac, 08/02/2006]

« C’est le pire exemple d’extrémistes provoquant des extrémistes. » [Vygaudas Usackas, représentant spécial de l’Union européenne pour l’Afghanistan, JDD, 19/09/2012]

(et l’extrémiste baba-cool est très mal face à l’extrémiste barbare #MerciLaMondialisation)

Ma vision était simple : il fallait la Liberté de caricaturer ainsi, d’accord, on ne va réintroduite le délit de blasphème. Mais il devait y avoir une “Obligation de réserve” pour la Société, qui devait prendre du recul, condamner moralement si besoin par fraternité et souci d’apaisement, etc. Bref, être intraitable avec la volonté d’humilier les plus faibles.

Étrangement, cette position n’a strictement rien de bien original, ce n’est ni plus ni moins que la position anglo-saxonne, comme l’a expérimentée Caroline Fourest en 2015 à la télé anglaise :

Aucune “censure”, puisqu’on peut parler de choses, que ces dessins sont légaux, mais on ne les montre pas par RESPECT.

De la Liberté d’expression

J’ai été assez stupéfait par deux points dans les longs débats de la semaine (merci de les avoir animés, ça m’aide…), qui montraient qu’on risquait de passer complètement à côté du sujet.

Le premier est qu’on a voulu mettre ceci sur le terrain de la Liberté d’Expression. On a même réussi à me traiter de censeur (notez, cela aura été une semaine bien chargée niveau insultes…), moi qui suis un des disciples de Chomsky en France… (certes un peu moins libertaire, mais on n’est pas aux États-Unis) J’en dirai deux choses :

Mais tout ceci ne vaut pour l’expression d’idées “raisonnables”, participant au débat démocratique. Et ce n’est plus ce que fait Éric Zemmour depuis belle lurette – d’où ses condamnations.

Parce que qu’il fait en ce moment, c’est illégal. Et dangereux pour la cohésion nationale.

Que les personnes qui voulaient interdire le ridicule burkini au motif délirant de “protection de l’ordre public” ne voient pas le risque de prévoir un débat public avec Eric Zemmour est stupéfiant… Mais, malins, il sont en train de cornériser les vrais Républicains :

Bon courage aux dirigeants maintenant, stupids

zemmour-fn

La fascination pour la cible

Le second point qui m’a frappé dans les commentaires du blog comme dans des discussions que j’ai eues, c’était ce qui me semble être un biais psychologique majeur, proche de ce qu’on appelle le « syndrome de la fascination de la cible » en aviation :

Dans l’histoire de l’aviation militaire, le syndrome en question eût quelques effets malheureux. Elle relate des exemples de crashs d’avions avec des pilotes qui trop concentrés sur leur objectif en oubliaient les paramètres fondamentaux de vol. Ces pilotes positionnaient l’avion en piqué pour mieux atteindre leur cible, s’en écartaient trop tardivement et s’écrasaient, faute d’avoir observé et intégré les signaux d’alertes.

Dans l’aviation civile, les pilotes de ligne prennent également plus de risques lorsqu’ils arrivent à destination, car les longues distances créent de la fatigue et une certaine impatience à atterrir pour en finir avec un long voyage. Ils leurs arrivent de pénétrer lors de l’approche dans des zones orageuses intenses, ce qu’ils font rarement en régime de croisière. Pour exemple le vol 358 d’Air France (Paris-Toronto) en août 2005 a raté son atterrissage car l’avion s’est posé avec des conditions météorologiques déplorables peu compatibles avec les limites techniques de l’avion (efficacité de freinage sur une piste détrempée devenue glissante). Il y avait ce jour là une pluie diluvienne et des vents changeants qui ne permettaient pas un atterrissage en toute sécurité et pourtant le pilote et la tour de contrôle en ont décidé autrement (toujours la cible à atteindre et la conviction qu’on peut l’atteindre malgré les alertes humaines ou techniques).

Pris dans le syndrome, le pilote peut ne plus être en capacité de gérer une situation critique malgré les alertes du tableau de bord et malgré toute la maîtrise dont il est capable. Il ne se concentre plus que sur un seul élément, qu’il juge à tort prioritaire, d’une situation qui devrait être traitée globalement. Les autres éléments, facteurs et paramètres de la situation, qui sont pourtant essentiels, sont ignorés et l’erreur est vite sanctionnée. (Source)

Eh bien là, c’est tout le souci : la “cible” étant évidemment l’Islam.

J’ai dit en gros : “Oups, il y a un gros souci avec Zemmour, et avec les médias et les politiques, qui sont en train d’arroser le pays de kérosène”.

On me répond “Problèmes avec l’ISLAAAAAM !!!!” en sautant comme des cabris, avec analyses de sourates du Coran et débats sur les pratiques religieuses. Alors que, vous notez, je n’ai presque pas parlé du sujet . Et je ne le ferai guère, n’en étant pas un spécialiste, consultez d’autres sites les amis/amies 🙂

Mais réveillez-vous, ce n’est pas là le problème, quoi que vous pensiez du sujet. Obsédés par le sujet islam – soyez tranquille, c’est la cas de l’immense majorité de la population, choquée par les attentats -, vous ne voyez pas qu’il y a un pyromane sociétal dans les médias, qui dit certes, parfois, des choses que vous aimez peut-être.

Mais c’est un pyromane manipulateur, semant la haine, et ça se paye toujours un jour ou l’autre…

N.B. Ce qui est étonnant, c’est qu’avec son profil, on évite ce genre de propos nauséabonds sur tout ce qui peut faire qu’on n’est pas un “vrai français”, et on défend plutôt une saine égalité de tous…  :

zemmour-charlie

Emmanuel Todd, Qui est Charlie

Comment détruire une société

Bien sûr qu’il y a des soucis avec certains comportements islamistes dans certaines banlieues. Mais à part 3 salafistes, qui dit le contraire ? Bien sûr qu’il est inacceptable que des femmes subissent une pression sociale pour mettre un voile, etc. Bien sûr qu’on peut en parler, posément – tout le monde en parle d’ailleurs ! Et quand on en parle posément, avec des arguments, il n’y a aucune raison d’être traité d’islamophobe – sauf évidemment si on est EST islamophobe…

Mais là, on n’est plus du tout dans le débat intellectuel, avec un Zemmour hurlant par exemple que :

  1. En Islam, il n’y a pas de musulman modéré, ça n’existe pas.
  2. L’islam est incompatible avec la République et avec la France.
  3. Il faut leur donner le choix entre l’islam et la France : ils doivent se détacher de ce qu’est leur religion.
  4. Le fameux “État de Droit” est aujourd’hui le cheval de Troie de l’Islam
  5. L’islam et l’islamisme c’est exactement la même chose.
  6. Il faut désislamiser des quartiers entiers français
  7. L’État-major de l’armée sait qu’un jour viendra où il devra reconquérir ces terres devenues étrangères sur notre propre sol – avec un plan bâti avec Israël à partir de Gaza.
  8. Je trouve scandaleux que Rachida Dati qui a appelé sa fille Zorah [le prénom de sa mère, ndlr]
  9. Pour sauver la France, il faut désigner l’ennemi : l’islam
  10. Christiane Taubira c’est l’incarnation de ce parti collabo qui depuis 1000 ans est toujours contre la France ; Christine Taubira, elle ferait mieux de se taire !

Ohohoho, il y a 1,5 milliard de musulmans sur la planète, ça se saurait si on avait 1,5 milliard de djihadistes, stupid.

Les musulmans sont d’ailleurs dans le monde de très loin les premières victimes du terrorisme islamique – et ils payent aussi leur tribut en France : je vous rappelle qu’à Nice, que brandit sans cesse Zemmour dans ses éructations, une victime sur trois était musulmane, ce qui représente un tribu bien plus lourd que les non-musulmans (le tout avec un chauffeur qu’on peine à qualifier, lui de musulman…) !!! Ce que pas UN journaliste ne lui sort en pleine poire, c’est pitoyable.

28-victimes-du-terrorisme

(Vous aurez aussi noté le rôle direct qu’a joué l’Occident dans la croissance de ces victimes : Irak, Libye, Syrie…)

Et pendant que Zemmour vomissait sa haine, hier :

pakistan

Et l’empathie bordel ?

Mais je suis surtout fasciné de voir à quel point l’obsession pour la cible Islam détruit l’empathie.

Mais vous demandez-vous ce que ressent un musulman, français, parfaitement intégré, quand il lit de tels propos ? Songez aux conséquences, en terme de sentiment d’injustice, de colère, de rage, voire, qui sait, minoritairement, de radicalisation ! Qui vous dit que demain un Zemmour non sanctionné n’aura pas le mot de trop qui va mettre le feu à quelques banlieues ? Et on n’a plus le Président de 2005 pour apaiser… On fera quoi à ce moment ? Quelles actions, quelles solutions ?

C’est ça le drame Zemmour : face à des problèmes complexes réels, localisés, il ne propose AUCUNE solution, autre que dire aux musulmans “Convertissez-vous ou partez”, solution déjà éprouvée avec les juifs puis les protestants il y a quelques siècles, avec option guerre civile – ce sera sans moi…

30/10/2014 : Zemmour « Il y a des millions de personnes qui vivent en France sans vouloir vivre à la française. Les musulmans ont leur propre Code civil : le Coran. Ils vivent entre eux, dans les périphéries. Les Français ont été obligés d’en partir. »

Journaliste : « Mais la solution serait-elle de prendre des millions de personnes, de les mettre dans des avions pour les chasser ? »

Zemmour : « Je sais, c’est irréaliste, mais l’histoire est surprenante. Qui aurait dit, dans les années 1940, que 1 million de pieds-noirs auraient abandonné l’Algérie pour retourner en France ? Je pense que cette situation […] nous portera au chaos et à la guerre civile. » (Source)

expulsion-juifs-angleterre

expulsion-juifs-espagne

(Expulsion des juifs d’Espagne en 1492)

Zemmour exprime ici une pensée dangereuse. Les sujets réels qu’il peut parfois soulever, un autre (dont ce sera le domaine universitaire) les exprimera bien mieux, et plus efficacement, car n’ayant alors pas une étiquette de raciste à tendance totalitaire…

Bref, Zemmour a un potentiel de déclenchements de lourds problèmes, sans solutions concrètes et rapides à apporter. Il doit être donc exfiltré des grands médias comme l’a été fort justement Soral après ses délires antisémites… Pas de 2 poids 2 mesures…

Ce type cherche à détruire notre société et notre (faible) Démocratie – ou, à tout le moins, à apporter sa pierre à cette destruction.

Le “moment Charlie” de Zemmour

En conclusion, moi qui passe mon temps à analyser les propagandes et les manipulations qu’elles induisent, je ne peux que rappeler qu’il n’y a aucun danger de “guerre civile”, évidemment, à ce jour ! C’est délirant et manipulateur de dire ça – on a connu de vraies guerres civiles nous, surtout religieuses justement…

procession_de_la_ligue_1590_carnavalet

francois_dubois_001

Mais où y a -t-il des régions musulmanes chez nous ? Où y-t-il des hordes musulmanes armées prêtes à en découdre avec nous ? Je ne connais que des musulmans tranquilles voulant s’intégrer moi. Au pire, on doit être à 1000 contre 1, face aux éléments les plus durs, et nous avons la police, l’armée… Il y a certes des zones gravement problématiques, mais enfin, ne mélangeons pas tout, et gardons de la mesure…

C’est comme en 2002 avec l’insécurité, les médias fixent un problème réel mais ponctuel et limité, et en saturent les ondes et les esprits, construisant une fausse réalité à partir d’un fantasme délirant.

Et je reconnais là E-XA-CTE-MENT ce que je vois dans les colonnes et commentaires du Monde à propos des Russes : la même obsession irréaliste…  🙁

Il y a pour moi une totale cohérence entre :

Et là, une digue vient de rompre : on peut donc avoir des propos racistes et fascistoïdes, en étant reçu courtoisement partout, et sans indignation médiatique ni politique… Il aura fallu moins d’un an pour que le programme des Djihadistes (semer la haine) s’applique – à l’époque, on condamnait ça :

marion-le-pen-2015

 

Défendre la Liberté d’expression oui, défendre la Liberté de détruire ou d’affaiblir notre Nation, non… Une Société, malade, qui tolère de tels propos sans réactions est une Société désormais mourante. Et on va vite le voir.

C’est donc pour tout cela que :

Et non, ce n’est pas de la censure, juste une saine protection de la Nation face à un retour de fascistoïdes qui appellent à #EnFinirAvecLÉtatDeDroit… (et je rappelle qu’on est en plus en plein État d’Urgence, et qu’on pourrait être prudent au lieu de faire le jeu de la propagande de Daech)

Pour qu’on puisse résoudre les problèmes réels, il faut d’ABORD commencer par éviter d’en multiplier le nombre et la taille, pour pouvoir ensuite les résoudre petit-à-petit…

 

Ne nous y trompons pas : Éric Zemmour est en plein “moment Charlie” ; il est train de se répandre dans les médias en faisant d’ÉNORMES “caricatures de Mahomet”. Et nous le laissons faire. Nous serons comptables des conséquences.

Nous avons laissé la dernière fois des “extrémistes” (dixit l’Union Européenne !) faire monter la pression et nous mettre en danger. On a vu les conséquences. On a mis la pression au peuple français pour qu’il se solidarise post-mortem avec eux. 

Zemmour passe désormais la deuxième couche, encore plus forte (ceci s’accompagnant d’une opération politique assez claire, visant à promouvoir Sarkozy contre Juppé, et le clan Marion Maréchal Le Pen contre Marine Le Pen / Philippot). Il y aura des conséquences…

 

Il est donc très étrange que des gens qui fantasment une guerre civile soutiennent les propos délirants de Napalm Zemmour qui participent justement à créer une guerre civile (comme Hillary Clinton pourrait créer une guerre avec la Russie, sans raison à la base – mais à force de traiter publiquement Poutine d’Hitler…) et qui mettent en danger tout le monde – musulmans, juifs, catholiques, athées…

À ce stade, on ne réagit pas, montrant qu’on n’a rien appris du drame Charlie Hebdo ; ça recommencera donc. (hommage à l’équipe : )

guerres-de-religion

Il n’y a donc plus qu’à attendre 1/ le prochain acte islamophobe, 2/ le prochain acte terroriste 3/ la prochaine révolte des banlieues 4/ une agression contre Zemmour – c’est ouvert…

agressions-1

agressions-2

Fraternité !

“Ils ont frappé en Picardie. En plein cœur de la région, à deux pas du Pas-de-Calais. Chez nous. Comme ils ne connaissent rien à rien et qu’ils sont toujours dans la caricature la plus bornée, la plus sauvage et la plus brutale, ils n’ont rien trouvé de mieux, au bout de leurs rires gras, que de se rendre en pleine nuit devant le salon de coiffure de Mohamed Manoubi, à Albert, dans la Somme, pour y déposer une tête de porcelet grillée. Mohamed a ouvert son salon de coiffure il y a un mois en centre-ville d’Albert. Comme n’importe quel artisan qui exerce dans ce pays, Mohamed se tue à la tâche, ne compte pas ses heures et travaille de ses mains pour ne rien devoir à personne et regarder dans son miroir sa dignité d’homme.

Ils ont voulu frapper Mohamed dans son identité d’être humain. Mais rien ne peut atteindre le commerçant d’Albert. Car Mohamed a tout notre soutien, tout notre respect et, oui, tout notre amour. C’est d’humanité qu’il est question. Mohamed est notre frère en humanité. Il est notre ami. Et tous autant que nous sommes, qui n’avions jamais mis les pieds à Albert ou dans ce salon de coiffure, nous avons furieusement envie de faire des kilomètres pour nous y rendre.

Mohamed a porté plainte. Nous le soutenons. Comme à chaque fois, ça va nous rapporter quelques sales commentaires et autres vomissures dont se remplissent des réseaux sociaux qui ne supportent pas un bout de sein mais font la courte échelle à tous les extrémismes.

Il n’y a aucun hasard dans une société où d’aucuns rêvent de placer tous les débats dans une considération d’ethnie, de race ou de religion supposée. En face, comme chantait le grand Jacques, Nous n’avons que l’amour.

On est au moins sûr d’une chose : c’est que Mohamed, à Albert, est un homme. On sait aussi que d’autres y sont des porcs.

Jean-Marc Chevauché, Le Courrier Picard, 12/09/2016

Une solution contre tout ceci : de la Fraternité d’abord, des débats mesurés ensuite, des actions concrètes non liberticides pour diminuer les problèmes enfin.

liberte

P.S. on enlèvera les commentaires qui sortiront du cadre de ce billet, il y en a eu plus de 1 000 sur le sujet islam, on a fait le tour – merci…

Source: http://www.les-crises.fr/liberte-dexpression-et-liberte-de-destruction/


14 novembre 2005 : Discours du Président de la République

Saturday 17 September 2016 at 03:05

14 novembre 2005 – Jacques Chirac réagit aux émeutes dans les banlieues…

C’est pour les plus jeunes : au moins, ils verront qu’un Président, ça peut être comme ça aussi…

(Bien entendu, cela aurait été mieux si les annonces du discours avait pu prendre forme, mais Sarkozy est arrivé un peu plus d’un an après… Mais dans tous les cas, à certains moments, certains mots sont fondamentaux et apaisent…)

Ben dis-donc, il a bien pris le pays depuis… 🙁

“Mes chers compatriotes,

Les événements que nous venons de vivre sont graves. Ils ont entraîné des drames humains et des pertes matérielles considérables. La justice est saisie : elle fera toute la lumière, elle sera sans faiblesse. Les procédures d’indemnisation seront accélérées. A toutes les victimes, à leurs familles, je veux dire ma peine et la solidarité de la nation tout entière.

Ces événements témoignent d’un malaise profond. Certains ont provoqué des incendies dans les quartiers mêmes où ils habitent, ils ont brûlé les voitures de leurs voisins, de leurs proches, ils s’en sont pris à leurs écoles, à leurs gymnases.

C’est une crise de sens, une crise de repères, c’est une crise d’identité.

Nous y répondrons en étant fermes, en étant justes, en étant fidèles aux valeurs de la France.

Face aux violences des dernières semaines, face aux souffrances et aux difficultés de tant de nos concitoyens, notamment parmi les plus vulnérables, la première nécessité, c’est de rétablir l’ordre public. J’ai donné au gouvernement les moyens d’agir. J’ai notamment décidé de proposer au Parlement de proroger, pour une durée limitée, l’application de la loi du 3 avril 1955. Ceux qui s’attaquent aux biens et aux personnes doivent savoir qu’en République on ne viole pas la loi sans être appréhendé, poursuivi et sanctionné. Et je veux rendre hommage aux forces de l’ordre, aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers, aux maires et aux élus, aux magistrats, aux travailleurs sociaux, aux enseignants, aux associations qui se sont mobilisés pour ramener le calme et la tranquillité. Ils font honneur à la République.

Des problèmes, des difficultés, beaucoup de Français en ont. Mais la violence ne règle jamais rien. Quand on appartient à notre communauté nationale, on en respecte les règles.
Les enfants, les adolescents ont besoin de valeurs, de repères. L’autorité parentale est capitale. Les familles doivent prendre toute leur responsabilité. Celles qui s’y refusent doivent être sanctionnées, comme la loi le prévoit. Celles qui connaissent de grandes difficultés doivent en revanche être activement soutenues.

Ce qui est en jeu c’est le respect de la loi mais aussi la réussite de notre politique d’intégration. Il faut être strict dans l’application des règles du regroupement familial. Il faut renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière et les trafics qu’elle génère. Il faut intensifier l’action contre les filières de travail clandestin, cette forme moderne de l’esclavage.

Mais l’adhésion à la loi et aux valeurs de la République passe nécessairement par la justice, la fraternité, la générosité. C’est ce qui fait que l’on appartient à une communauté nationale. C’est dans les mots et les regards, avec le cœur et dans les faits, que se marque le respect auquel chacun a droit. Et je veux dire aux enfants des quartiers difficiles, quelles que soient leurs origines, qu’ils sont tous les filles et les fils de la République.

Nous ne construirons rien de durable sans le respect. Nous ne construirons rien de durable si nous laissons monter, d’où qu’ils viennent, le racisme, l’intolérance, l’injure, l’outrage.

Nous ne construirons rien de durable sans combattre ce poison pour la société que sont les discriminations.

Nous ne construirons rien de durable si nous ne reconnaissons pas et n’assumons pas la diversité de la société française. Elle est inscrite dans notre Histoire. C’est une richesse et c’est une force.

Mes chers compatriotes, le devoir de la République, c’est d‘offrir partout et à chacun les mêmes chances. Grâce à l’école, grâce au travail des enseignants, un nombre considérable de jeunes issus des quartiers difficiles réussissent dans tous les domaines. Mais certains territoires cumulent trop de handicaps, trop de difficultés. Des territoires confrontés à la violence et au trafic. Des territoires où le chômage est massif et l’urbanisme inhumain. Des territoires où des enfants sont déscolarisés, où trop de jeunes peinent à trouver un emploi, même lorsqu’ils ont réussi leurs études.

Aux racines des événements que nous venons de vivre, il y a évidemment cette situation.

Nous sommes à l’œuvre pour y répondre. Beaucoup a déjà été entrepris : les zones franches urbaines pour ramener de l’emploi dans les quartiers ; le plan de rénovation urbaine pour remplacer les barres et les tours par un habitat plus humain ; le plan de cohésion sociale pour lever un à un les handicaps dont souffrent les plus vulnérables ; des mesures fortes pour permettre aux familles surendettées de s’en sortir ; le contrat d’accueil et d’intégration. La loi sur l’école entre en application : elle donnera à chaque élève les moyens d’acquérir le socle des connaissances indispensables et permettra de lutter plus efficacement contre le fléau de l’illettrisme.

Et le gouvernement vient de prendre des décisions nouvelles pour aider davantage les personnes et les territoires qui ont moins d’atouts que les autres.

Sachez que cette volonté politique et cet engagement financier majeur de la France sont sans précédent. Ils commencent à apporter des réponses aux problèmes des quartiers difficiles. Mais il s’agit nécessairement d’un effort de longue haleine.

Cependant, mes chers compatriotes, nous ne changerons pas les choses en profondeur sans l’engagement de chacun. Sans une profonde évolution des esprits.

Nous appartenons à une grande Nation, par son Histoire, mais aussi par les principes sur lesquels elle est fondée. Une Nation qui rayonne dans le monde.

Et ce soir je veux dire aux Françaises et aux Français, et plus particulièrement aux plus jeunes, que par delà les doutes et les difficultés que chacun peut connaître, nous devons tous être fiers d’appartenir à une communauté qui a la volonté de faire vivre les principes d’égalité et de solidarité, et qui fait pour cela des efforts considérables. C’est une chance d’appartenir à la communauté française. Chacun doit en avoir conscience et agir en conséquence.

Mais je veux dire aussi à tous les Français que pour que ce modèle singulier continue à vivre, pour qu’il garde toute sa force, nous ne pouvons transiger avec certains principes.

Nous le savons bien, les discriminations sapent les fondements même de notre République. Une Haute autorité de lutte contre les discriminations a été créée. Ses pouvoirs sont considérables, puisqu’elle pourra désormais infliger des sanctions. Mais ne nous y trompons pas. Ce combat ne pourra être gagné que si chacune et chacun d’entre nous s’y engage vraiment et personnellement.

Les entreprises et les organisations syndicales doivent se mobiliser aussi sur la question essentielle de la diversité et de l’emploi des jeunes issus des quartiers en difficulté. Il n’est pas question d’entrer dans la logique des quotas, qui montre en quelque sorte du doigt ceux qui en bénéficient et qui est injuste pour ceux qui n’y ont pas droit. Il s’agit de donner aux jeunes les mêmes chances face à l’emploi. Combien de Curriculum Vitae passent encore à la corbeille en raison du nom ou de l’adresse de l’intéressé ? Je rencontrerai sur cette question les représentants des partenaires sociaux dans les prochains jours.

Pour mieux aider les jeunes, notamment les jeunes en difficulté, à aller vers l’emploi, j’ai décidé de créer un service civil volontaire, associant accompagnement et formation. Il concernera 50.000 jeunes en 2007.

J’appelle aussi tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d’avoir 20 % au moins de logements sociaux. Oh, j’ai conscience des difficultés. Mais on ne sortira pas de la situation actuelle, si l’on ne met pas en cohérence les discours et les actes.

Je rencontrerai également l’ensemble des responsables de l’audiovisuel. Les médias doivent mieux refléter la réalité française d’aujourd’hui.

Et j’invite les chefs des partis politiques à prendre leur part de responsabilité : les élus, la représentation nationale doivent eux aussi refléter la diversité de la France. C’est une exigence pour faire vivre notre démocratie.

Mes chers compatriotes, soyons lucides. Soyons courageux. Sachons tirer toutes les leçons de cette crise. Chacun doit respecter les règles, chacun doit savoir que l’on ne viole pas impunément la loi. Mais sachons aussi nous rassembler pour agir dans la fidélité aux principes qui font la France : la communauté nationale tout entière en sortira meilleure et plus forte.

Et vous pouvez compter sur ma détermination.

Vive la République ! Vive la France !”

chirac-14-11-2005

Source: http://www.les-crises.fr/14-novembre-2005-discours-du-president-de-la-republique/


Les rebelles asiatiques à Alep, angle mort de l’Occident, par Christina Lin

Friday 16 September 2016 at 03:58

Source : Christina Lin, Asia Times, le 09/02/2016

Le secrétaire à la Défense Ashton Carter et le secrétaire d’État John Kerry considèrent souvent les groupes djihadistes rebelles en Syrie comme membres de « l’opposition syrienne ».

Militants du groupe ouzbek Katibat al Tawhid wal Jihad lors des combats à Tal Bajir au sud d'Alep

Militants du groupe ouzbek Katibat al Tawhid wal Jihad lors des combats à Tal Bajir au sud d’Alep

Cependant, comme le renseignement allemand l’a fait remarquer, plus de 95% des combattants en Syrie sont étrangers et non syriens. De plus, beaucoup ne sont même pas arabes, mais de plus en plus souvent asiatiques.

Au cours des dernières années, des combattants asiatiques venant d’Asie centrale, de Chine, ainsi que de Russie se sont terrés dans le nord de la Syrie autour d’Alep et d’Idlib, avec une majorité venant d’Ouzbékistan.

Plus connus sous le nom « d’Ouzbeks d’Alep », divers groupes ouzbeks tels que Katibat al Tawhid wal Jihad (KTJ) et Imam Bukhari Jamaat (IBJ) sont alignés avec al-Nosra. [1] Le nombre de combattants d’Asie centrale dans des groupes tels que Jaish al-Muhajireen wal Ansar — qui comprend les tchétchènes, ouzbeks et tadjiks apparus en Syrie en 2012 — est estimé à environ 1500 à Alep. [2] Eux aussi ont fusionné avec al-Nosra.

Les estimations globales des combattants d’Asie centrale ayant rejoint al-Nosra et l’Etat islamique (EI) sont d’environ 5000, avec des combattants ouïghours chinois supplémentaires estimés autour de 1000 basés à Idlib. Selon le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme Rami Abdul Rahman, il y a aussi plus de 2000 combattants venant de Tchétchénie, du Daghestan et d’autres régions du Caucase fonctionnant avec al-Nosra, et « ils sont concentrés dans les provinces d’Idlib, Alep et Lattaquié », où La Russie concentre ses frappes aériennes.

En effet, une réunion en septembre à Chatham House a révélé comment « la menace djihadiste perçue en Russie est un facteur majeur dans l’élaboration de la politique du Kremlin pour « intervenir militairement en Syrie. » La Russie craint aussi ces djihadistes une fois de retour chez eux, ainsi que l’attaque de citoyens et des intérêts russes à l’étranger. [3]

Cette menace est de plus en plus partagée par les États d’Asie.

Le djihad syrien exporté en Asie

Peter Knoope, chercheur associé au Centre international pour la lutte contre le terrorisme de La Haye, a noté que l’EI et d’autres groupes djihadistes en Syrie exploitent et recrutent des jeunes mécontents en Asie centrale. De même, a-t-il mis en garde : « La question n’est pas de savoir « si » mais « quand » une action violente va frapper la région d’Asie centrale. »

En Asie du Sud-Est, la violence est déjà présente avec l’attaque de Jakarta en janvier, ce qui souligne le danger que l’EI et al-Qaïda établissent un bastion régional.

En Asie du Sud, alors qu’il n’y a pas encore eu d’attaque majeure revendiquée par al-Qaïda ou l’EI, l’Inde sonne néanmoins l’alarme sur l’invasion du wahhabisme et la création potentielle de nouveaux groupes djihadistes syriens dans le sous-continent, similaires à ceux en Indonésie.

Alarmé par cette forme de guerre hybride contre l’Inde, dans un article de l’Indian Defence Review de septembre 2014, le général indien à la retraite Afsir Karim reprochait aux Saoudiens d’utiliser le wahhabisme comme arme pour dominer l’Inde, et ainsi étouffer les autres formes de l’Islam (par exemple les Soufi, les Chiites, etc.). Il leur reprochait également d’attaquer la tradition culturelle pluraliste de l’Inde, et d’utiliser la pompe à (millions de) dollars pour propager la théologie wahhabite et ainsi fournir un terrain fertile pour engendrer les futurs djihadistes. [4]

En fait, en août 2015, le renseignement indien a été alerté d’une éventuelle attaque sur les installations navales de Cochin et Bombay par l’aile indienne nouvellement créée d’al-Qaïda. Le général Karim observe en plus la tendance dangereuse d’al-Qaïda et d’autres idéologues ou groupes radicaux à exhorter les organisations religieuses musulmanes indiennes à prendre les armes contre l’État indien, et leur capacité à recruter un nombre important de jeunes musulmans radicalisés par le wahhabisme.

De même, en Malaisie, le diplomate à la retraite Dennis Ignatius a sonné l’alarme au sujet de ce qu’il appelle la « saoudisation » de l’Asie du Sud-Est. Il trouvait incroyable qu’une nation plutôt modérée, constitutionnellement laïque et démocratique comme la Malaisie soit maintenant infestée par des extrémistes appelant à la charia, et ayant des débats sur les « amputations de membres, la décapitation, la lapidation et même la crucifixion. » [5]

En voyant comment les jeunes musulmans d’Asie du Sud-Est venant d’Indonésie, de Malaisie, de Singapour, des Philippines et d’ailleurs se radicalisent et rejoignent le djihad en Syrie et en Irak, avec l’EI qui parvient même à former une unité militaire pour les combattants de langue malaise — Katibah Nusantara Lid Daulah Islamiyyah (Unité de l’archipel malais pour l’État islamique en Irak et en Syrie) — Ignatius a attribué cet extrémisme uniquement à l’exportation agressive de l’idéologie wahhabite saoudienne qui a dépensé plus de 100 milliards de dollars au cours des dernières décennies.

Il a en outre averti que le « lien saoudien-wahhabite est devenu la plus grande menace pour la paix et la stabilité dans le monde d’aujourd’hui. »

En effet, en fertilisant le sol asiatique avec le wahhabisme et avec l’Arabie, la Turquie et le Qatar brassant le chaudron djihadiste en Syrie, quand le mélange toxique finira par déborder et se renverser, les États d’Asie risquent de se retrouver face à une multiplication rapide de djihadistes maison capables de renverser des régimes séculaires.

Refuser que la Syrie devienne une base pour le djihad en Asie

Comme les affiliés d’al-Qaïda à Alep, Idlib et l’EI à Raqqa deviennent le centre de commandement pour les djihadistes asiatiques, cela constitue une menace pour la stabilité et la sécurité régionale en Asie — en particulier à la lumière du récent attentat de Jakarta. Toutefois, la proposition saoudo-turque d’envahir la Syrie et de protéger leurs actifs militants, y compris ceux en provenance d’Asie, va bientôt poser problème.

L’ignorance des intérêts sécuritaires légitimes des États d’Asie et le soutient de ces militants ; le risque de transformer le nord-ouest de la Syrie en base pour répandre le djihad en Asie ; couplé avec la méfiance accrue de la prolifération saoudienne du wahhabisme en Asie — tout ceci peut provoquer une intervention militaire comme lorsque des États-Unis sont intervenus en Afghanistan après le 11/9.

Au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (SCO), en juillet 2015, dont les membres comprennent la Chine, l’Inde et les États d’Asie centrale, la menace d’instabilité syrienne et de l’extrémisme islamique était à l’ordre du jour. Trois mois plus tard, en octobre, la Chine et l’Inde ont mené des exercices conjoints contre le terrorisme au Yunnan, en Chine.

En novembre, une délégation militaire chinoise conduite par Changlong, vice-président de la Commission militaire centrale de Chine (CMC), s’est rendu en Inde pour discuter de la lutte contre le terrorisme, soit le plus haut niveau de la délégation militaire chinoise qui soit venu en Inde depuis 10 ans.

En décembre, à la suite de l’attentat de Bangkok, suspecté d’être lié aux Loups gris, qui a tué des citoyens chinois, de l’exécution par l’EI d’un ressortissant chinois, et d’une augmentation des attaques terroristes à travers la Chine, du Xinjiang à l’ouest, du Yunnan au sud, de Pékin et d’ailleurs à l’est, la Chine a adopté sa loi anti-terroriste qui lui permet des opérations militaires à l’étranger. [6]

Peu de temps après, Zhou Bo de l’Académie des sciences militaires du PLA (People Liberation Army) présumait : « La prochaine guerre pour la Chine ne se fera peut-être pas avec un voisin. Elle pourrait plutôt avoir lieu loin de ses frontières pour protéger les intérêts chinois d’outre-mer et le bien-être non seulement des citoyens chinois, mais aussi ceux d’autres pays. »

Compte tenu des conflits d’intérêts entre les puissances asiatiques et Ankara-Riyad pour le soutien des djihadistes du nord de la Syrie, il devrait y avoir un dialogue pour éviter les malentendus. Comme l’ancien diplomate indien M.K. Bhadrakumar l’a noté, bien qu’Israël et la Russie aient des intérêts syriens divergents, ils ont réussi à établir un modèle de coopération réussie permettant de clarifier les lignes rouges et les préoccupations légitimes de sécurité des uns et des autres. [7]

Face à la mondialisation de la guerre syrienne qui impacte maintenant la sécurité en Asie, la Turquie, l’Arabie saoudite et les puissances asiatiques comme la Chine, l’Inde et d’autres devraient également mettre en place un modèle de coopération similaire, et rechercher une solution politique collective qui permette de désamorcer le conflit et de rétablir la stabilité régionale.

[1] USAID, Central Asian Involvement in the Conflict in Syria and Iraq: Drivers and Responses, May 4, 2015, https://www.usaid.gov/sites/default/files/documents/1866/CVE_CentralAsiansSyriaIraq.pdf; Caleb Weiss, “Uzbek group pledges allegiance to Al Nusrah Front”, The Long War Journal, September 30, 2015,http://www.longwarjournal.org/archives/2015/09/uzbek-group-pledges-allegiance-to-al-nusrah-front.php; https://www.youtube.com/watch?v=DRbgJK6l8nE

[2] “Central Asian fighters in Syria join al-Nusra Front”, Middle East Eye, September 23, 2015, http://www.middleeasteye.net/news/central-asian-fighters-syria-join-al-nusra-front-259685836

[3] “Exporting Jihad: Fighters from the North Caucasus and Central Asia and the Syrian Civil War”, Chatham House Roundtable, September 23, 2015, https://www.chathamhouse.org/sites/files/chathamhouse/events/special/Summary%20FSU%20fighters%20in%20Syria%2001102015%20JM.pdf; Murad Batal al –Shishani, “Islamist North Caucasus Rebels Training a New Generation of Fighters in Syria”, Terrorism Monitor, Vol 12, Issue 3, February 7, 2014, http://www.jamestown.org/programs/tm/single/?cHash=ae2a2cd5f15746b0534e5bb000c9ceff&tx_ttnews%5Btt_news%5D=41927#.VrXvj8dBau4; Emil A. Souleimanov, “Globalizing Jihad? North Caucasians in the Syrian Civil War”, Middle East Policy Council Journal, Fall 2014, Vol XXI, No. 3, http://mepc.org/journal/middle-east-policy-archives/globalizing-jihad-north-caucasians-syrian-civil-war

[4] Maj Gen. Afsir Karim, “Wahhabism in South Asia”, Indian Defence Review, September 13, 2014, http://www.indiandefencereview.com/news/wahhabism-in-south-asia/  Akhilesh Pillalamarri, “The Radicalization of South Asian Islam: Saudi Money and the Spread of Wahhabism”, Georgetown Security Studies Review, December 20, 2014,  http://georgetownsecuritystudiesreview.org/2014/12/20/the-radicalization-of-south-asian-islam-saudi-money-and-the-spread-of-wahhabism/

[5] Dennis Ignatius, “The Wahhabi threat to Southeast Asia”, The Malaysian Insider, March 30, 2015, http://www.themalaysianinsider.com/sideviews/article/the-wahhabi-threat-to-southeast-asia-dennis-ignatius

[6] Susan Cunningham, “Thailand’s Shrine Bombing—The Case for Turkey’s Grey Wolves”, Forbes, August 24, 2015, http://www.forbes.com/sites/susancunningham/2015/08/24/thailands-shrine-bombing-the-case-for-turkeys-grey-wolves/#1418ab7217a5 ; http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2016/02/turkey-syria-grey-wolves-emerge-as-jihadists.html ; Shannon Tiezzi, “ISIS: Chinese Hostage ‘Executed”, The Diplomat, November 19, 2015.

[7] http://atimes.com/2016/02/russia-is-content-with-israel-but-wrathful-toward-turkey/

Dr. Christina Lin est membre du Centre pour les relations transatlantiques à l’Université SAIS – Johns Hopkins.

Source : Asia Times, le 09/02/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-rebelles-asiatiques-a-alep-angle-mort-de-loccident-par-christina-lin/