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Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU favorable à la fin de l’impunité des multinationales. La France et l’UE votent non !

Sunday 13 July 2014 at 01:00

Développement d’une des infos de la Revue de Presse d’hier…

Communiqué ATTAC

Ce jeudi 26 juin, malgré l’opposition de la France, de l’Allemagne et des États-Unis, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU s’est prononcé en faveur d’un projet de résolution déposé par l’Équateur et l’Afrique du Sud afin d’élaborer de nouvelles normes internationales contraignantes sur les entreprises multinationales et les droits humains. Attac France et l’Aitec dénoncent le vote français contre une initiative bienvenue et justifiée, tant il est urgent de mettre fin à l’impunité dont bénéficient les multinationales et garantir l’accès à la justice pour les victimes de leurs activités.

C’est par 20 votes pour, 14 contre et 13 abstentions que la résolution en faveur d’un futur instrument légalement contraignant envers les multinationales a été adoptée au Conseil des droits de l’Homme (CDH) de l’ONU. Cette résolution, dont le principe avait été soutenu par 85 États de la planète en septembre dernier, ouvre une opportunité historique pour combler un manque flagrant : il n’existe pas, au niveau international, d’instrument juridiquement contraignant, pourvu de mécanisme de sanction, pour réguler et contrôler les impacts des multinationales sur les droits humains et assurer l’accès à la justice pour les victimes de leurs activités.

Les multinationales bénéficient ainsi d’une asymétrie dans le droit international puisqu’elles disposent aujourd’hui de toute une batterie d’instruments normatifs (accords de libre-échange, traités bilatéraux sur les investissements, mécanismes d’arbitrages internationaux, etc.) qui protègent leurs droits et leurs intérêts, renforçant d’autant leur pouvoir économique et politique. Toutes les tentatives passées pour sérieusement contrôler leurs activités et leurs impacts sur les droits humains ont échoué, notamment suite à leur fort lobbying, et seuls existent aujourd’hui des codes volontaires et des principes directeurs juridiquement non-contraignants et absolument inefficaces.

Pourtant, de Bhopal au Rana Plaza en passant par le cas de Chevron en Équateur ou de Marikana en Afrique du Sud, nous ne manquons pas de cas d’études et de documentation, y compris au sein des instances internationales, pour justifier la double nécessité de destituer l’architecture d’impunité dans laquelle évoluent les multinationales, et d’introduire des dispositions contraignantes garantissant que les droits économiques, sociaux, politiques et environnementaux des populations ne puissent être violés par les multinationales, et rester impunis.

Des centaines d’organisations et de mouvements sociaux du monde entier soutiennent la proposition initiée par l’Équateur et l’Afrique du Sud et se sont mobilisés cette semaine à Genève, et ailleurs, pour faire pression sur les États membres du CDH et sensibiliser l’opinion publique internationale. En votant en bloc contre le projet de résolution, les pays européens et de l’OCDE (hormis le Chili qui s’est abstenu) ont fait passer les intérêts des multinationales au-dessus de la protection des droits humains.

Attac France et l’Aitec appellent le gouvernement français à revoir sa position, et à s’expliquer à défaut. Nous considérons en effet que le soutien français à cette résolution n’aurait contredit ni la mise en application des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains de l’ONU, ni le projet de loi français en cours de préparation sur la responsabilités des acteurs économiques à l’étranger, qui ne devrait comporter aucune mesure contraignante. Le lobby des multinationales françaises et le ministère de l’économie et des finances, qui étaient parvenus à grandement limiter la portée du contenu de la loi sur le développement et la solidarité internationale adoptée en février dernier [1] quant aux obligations des entreprises françaises vis à vis de leurs filiales et sous-traitants, a-t-il été plus fort que l’obligation de la France à respecter ses engagements internationaux sur les droits humains ?

Nos deux organisations suivront avec attention les suites qui seront données à cette résolution, en particulier les travaux du groupe de travail intergouvernemental qui devrait être créé d’ici 2015 pour construire des propositions plus précises. Elles s’engagent également à poursuivre leurs initiatives et mobilisations visant à réduire l’emprise du secteur privé, notamment à travers les accords de libre-échange et d’investissement, sur nos économies, sur la nature et sur nos vies.

Notes
[1] http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0289.asp

Source : ATTAC

Documents

Comme j’ai déjà noté des positions très surprenantes de la France (en fait, de l’Europe, qui est souvent “unie” sur ces questions…) dans les instance internationales, j’ai farfouillé pour y voir plus clair…

Édifiant…

Les demandes

Ce n’est pas uns simple “coup polico-diplomatique” entre pays : des centaines d’ONG (ici ou ici) demandent depuis longtemps un tel instrument :

Appel ONG publié par les-crises

Le Vatican a également appuyé cette demande :

“The Guiding Principles are an important instrument in setting up a framework for the activity of Transnational Corporations. The responsibility to respect human rights stems from the recognition that businesses have a social function that cannot be reduced only to the production and distribution of goods and services. As important actors within a globalised world they bear a responsibility to abide by, and to promote human rights in their own domain of activity. While the Guiding Principles can improve the integration of the priority of the human person and the environment in international economic activity, only a binding instrument will be more effective in advancing this objective.”

Lire ici un petit dossier.

La résolution

Résolution 26 – 26/06/2014 Conseil des droits de l’Homme ONU publié par les-crises

Afrique du Sud, Bolivie (État plurinational de)*, Cuba, Équateur*, Venezuela (République bolivarienne du) : projet de résolution

26/Élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises quant au respect des droits de l’Homme

[...] Décide de créer un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur un instrument juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme, qui sera chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l’homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises;

=> Moi, cela me semble clair, et je suis pour…

Le vote

=> Ah, flute, mon pays est contre – pro-bizinesse oblige…

La présentation par l’Équateur

Introduction Équateur Résolution 26 publié par les-crises

“Por eso creemos que es este Consejo eillamado a corregir injusticias, y la injusticia mas evidente es la falta de protecci6n para las victimas de violaciones y abusos por parte de las Empresas Transnacionales. Mientras las empresas gozan de protecci6n y de normas internacionales vinculantes para garantizar su actividad y sus ganancias, las victimas de las actividades corporativas nocivas se encuentran en la indefensi6n juridica amparados Unicamente por normas voluntarias.

Senor Presidente compartimos con orgullo el co-patrocinio de esta resolucion con Sudafrica. Ambos paises hemos sufrido en carne propia los efectos nefastos de las actividades corporativas nocivas. Por ello, nos sentimos MUy cercanos a las victimas que hoy por hoy demandan de este Consejo un instrumento juridicamente vinculante que las proteja en contra de casos tan dolorosos como los de Bhopal en India, Rana Plaza en Bangladesh, Shell en el delta deI rio Niger en Nigeria, Chevron en Ecuador, por nombrar algunos de los mas emblematicos. [...]

Aquellos paises que se muestran como voceros y defensores de los derechos humanos en este Consejo y sin embargo el dia de hoy llamaran a vota y votarân en contra de esta resoluci6n, que lo unico que busca es elevar los estândares de protecci6n de los derechos humanos; privilegiando los intereses corporativos, las ganancias sobre esos mismos derechos humanos que dicen protegêr, mostrarân su verdadero rostro el dia de hoy.”

L’explication de vote de l’Inde

Explication de vote par l’Inde, Résolution 26 publié par les-crises

“When states are unable to enforce national laws with respect to the gross violations committed by businesses and hold them accountable due to the sheersize and clout of the transnational corporations, the international community must come together to seek justice for the victims of the violations committed by the Transnational corporations. We believe that we need to further the dialogue on these aspects and the resolution gives us an acceptable roadmap for the Council to move forward in this direction. We will, therefore, vote in favour of the resolution.”

Grandiose : l’explication de vote de l’UE

Explication de Vote UE Résolution 26 publié par les-crises

(Merci pour la traduction)

J’ai l’honneur de parler au nom des États Membres de l’UE qui sont membres du Conseil des Droits de l’Homme. Cette explication du vote a été approuvée par l’ensemble de l’Union Européenne.

L’UE regrette que Équateur et l’Afrique du Sud aient décidé de procéder par un texte d’action, donc de fermer la porte à des négociations avec le groupe cœur (Argentine, Ghana, Norvège, et Russie) en vue d’obtenir un compromis sur cette résolution, ce qui était l’option préférée de bon nombre dans ce conseil.

Depuis le consensus de 2011 sur le principes guides de l’UN, beaucoup a été fait pour leur implantation et leur propagation. Le groupe de travail de l’UN, le forum annuel, et OHCHR ont joués un rôle significatif à cette fin. L’UE a fait des progrès substantiels, à différents niveaux, incluant le niveau législatif. J’aimerais vous rappeler quelques étapes significatives :

La direction claire de travail au niveau de l’UE est aussi traduite par toutes les mesures prises par les états membres de l’UE individuellement. L’élaboration de plans d’actions nationaux, en consultation avec les société civiles et le monde des affaires, a prouvé un exercice minutieux de traduction des principes guides de l’UN en engagements concrets et actions parmi les ministères. Comme le groupe de travail ONU, l’UE pense que les plans d’action nationaux sont un outil effectif pour réaliser des progrès, incluant tous les niveau réglementaires et légaux. l’UK, la Hollande, le Danemark et l’Italie ont publié des plans d’action nationaux, et beaucoup d’autres états de l’UE sont en train d’élaborer les leurs. l’UE espère que ces plans d’action vont être développés globalement.

L’UE est venue à cette session en vue de soutenir une résolution solide du groupe cœur transrégional (Argentine, Ghana, Norvège, Russie), afin que ce conseil puisse donner un nouvel élan à des progrès pour tous, états et entreprises, pour prévenir et apporter remèdes aux abus.

Les principes guides de l’ONU rappellent les obligations existantes des États. C’est aux États de s’assurer que leurs législations s’accordent avec les instruments obligatoires internationaux existants, et de faire respecter leur législation. Nous savons tous que les principes guides de l’ONU n’excluent pas des développements légaux supplémentaires au niveau international, mais aucun mécanisme international ne peut remplacer une robuste législation et des mécanismes domestiques, ainsi qu’un véritable processus impliquant toutes les parties prenantes.

Les défenseurs des droits de l’homme ainsi que les acteurs des sociétés civiles travaillant sur cette aire de travail sensible ont besoin d’une attention et de protection particulière.

L’UE est venue à cette session avec des propositions de langage concrètes et solides demandant en urgence aux états de s’assurer que les sociétés civiles et les défendeurs des droits de l’homme travaillant pour l’implantation des principes guides de l’ONU ne soient pas sujets à harcèlement, persécution et vengeance.

La forte mobilisation des organisations de la société civile a confirmé qu’il y avait beaucoup de frustration. Nous avons entendu répétitivement que ce qui a été fait n’est pas assez pour prévenir les abus et pour permettre l’accès à des remèdes quand des abus se produisent.

C’est bien de le reconnaitre…

Des témoignages dérangeants de victimes et de défenseurs des droits de l’homme, nous rappellent que tous les États et compagnies, ont besoin de doubler leurs efforts pour appliquer les Principes qui nous Guident.

C’est vrai qu’ils dérangent…

Dans ce contexte, l’UE loue l’essence du groupe pour ses efforts de concilier les vues de tous, États, Société civile, incluant les positions de Équateur et de l’Afrique du Sud en faveur d’un instrument légalement obligatoire.

Nous regrettons cependant profondément que la résolution présentée par Équateur et l’Afrique du Sud ait sans nécessité polarisé le débat comme si il y aurait deux camps, en faveur ou contre un progrès pou la prévention et la compensation pour des abus des Droits de L’homme liés aux affaires.

Ouais, c’est dégueulasse…

Nous sommes aussi surpris que l’Équateur et l’Afrique du Sud aient insisté sur l’établissement d’un Groupe de Travail Intergouvernemental ouvert à tous, comme si c’était le seule façon de progresser et discuter, et ont rejetaient des options plus appropriées et efficaces, incluant l’usage de Forum (fora) appropriés existant (déjà) aux Nations Unies.

Ben oui, pourquoi agir tout de suite et ici dans le Conseil des Droits de l’Homme en faveur des Droits de l’Homme, quand on peut mener de long palabres à l’ONU ?

Contre ce contexte, l’UE a décidé de s’opposer à l’établissement d’un Groupe de Travail Intergouvernemental Ouvert comme proposé dans cette résolution. Les Etats membres de l’UE, membres du Conseil voteront non et invitent tous à s’opposer (à ce texte). Nous sommes dans une circonstance décisive. Si cette résolution est adoptée, elle divisera le Conseil, pas seulement sur le vote mais pour les années à venir. Si le Groupe de Travail Intergouvernemental ouvert à tous est établi l’UE et ses états membres n’y participeront pas pour les raisons mentionnées plus haut.

L’Union Européenne, une certaine vision de la Démocratie…

A la place l’UE et ses Etats Membres continueront à se concentrer sur les véritables et efficaces moyens de prévenir et remédier aux abus. Ceci est une promesse à développer plus loin nos politiques et législations. Ceci est une promesse de s’engager dans les procédures à l’intérieur de l’ONU telle que mise en place par le noyau du groupe, et dans toute voie sensées qui pourraient être décidées à un stade ultérieur. Ceci est une promesse de continuer à travailler avec les Etats à travers les régions pour effectivement appliquer les Principes qui Guident les NU. Ceci est une promesse de continuer à encourager les Compagnies Européennes à appliquer les Principes qui nous guident, quelque soit leur lieux d’opération.

www.blablabla.org

Source: http://www.les-crises.fr/cdh-impunite-multinationales/


Revue de presse internationale du 13/07/2014

Sunday 13 July 2014 at 00:07

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-13-07-2014/


Ukraine : le gouvernement prévoit d’interdire le Parti communiste

Saturday 12 July 2014 at 03:00

Sans surprise pour ceux qui suivent le blog

Le Président à changé, mais pas la politique menée… La Démocratie est en marche !

Vous pourriez vérifier comment cette information a été reprise dans les grands médias (je n’ai pas trouvé grand chose à part le Point – un détail sans doute) et le mettre en commentaire ? Merci

La réaction du PC français

Dès le début des affrontements, les forces de l’ordre ont accusé les sections locales du PCU de collaborer activement avec les militants pro-russes.

Le gouvernement ukrainien a entamé mardi une procédure judiciaire pour interdire le Parti communiste, accusé de soutenir le séparatisme pro-russe dans l’est du pays, a annoncé le ministre de la Justice Pavlo Petrenko lors d’une conférence de presse. Le Parti communiste, qui a adopté ouvertement une position pro-russe, compte 23 députés sur 450 au Parlement ukrainien. Dès le début des affrontements entre partisans de l’unité nationale et militants pro-russes, les forces de l’ordre ont accusé les sections locales du PCU de collaborer activement avec ces derniers.

Protester contre la corruption

“En me fondant sur une grande quantité de preuves d’activités illégales du PCU, j’ai pris la décision d’adresser au tribunal administratif régional une demande d’interdiction du Parti communiste”, a déclaré M. Petrenko. La demande du ministre a été dûment enregistrée, mais la date de son examen n’a pas encore été arrêtée. Il n’a pas été possible d’obtenir dans l’immédiat une réaction des responsables du PCU.

Le mouvement séparatiste dans l’Est a été déclenché après la chute du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, les militants pro-russes refusant de reconnaître les nouvelles autorités pro-occidentales issues de la mobilisation de milliers de contestataires qui avaient occupé le centre de Kiev pour protester contre la corruption du régime et demander un rapprochement avec l’Union européenne.

Source : LePoint.fr, avec source AFP

La réaction du PC français


Vers une interdiction du Parti communiste d’Ukraine ?

Le ministère ukrainien de la Justice vient de lancer une procédure judiciaire en vue d’interdire le Parti communiste d’Ukraine, selon les agences de presse.

Le ministère, par la voix du ministre de la Justice Pavel Petrenko, a ainsi chargé le Parquet général et le Service de sécurité nationale d’enquêter sur les activités du Parti communiste.

Le gouvernement en place à Kiev accuse en réalité le Parti communiste d’Ukraine et son dirigeant Petro Simonenko de soutenir les « séparatistes » dans l’Est de l’Ukraine pour discréditer le PCU et d’avoir favorisé l’annexion à la Russie de la Crimée.

Les communistes ukrainiens rappellent avoir toujours nié de telles accusations, affirmant au contraire qu’ils se sont prononcés dès le début de la crise ukrainienne pour l’intégrité du territoire, pour une consultation du peuple ukrainien sur le choix des alliances économiques, pour l’établissement d’un système fédéral afin d’empêcher tout séparatisme, y compris en Crimée.

Ce processus qui pourrait conduire la justice à se prononcer sur l’interdiction d’une des principales forces politiques en Ukraine représentée au parlement constitue un véritable déni de démocratie de la part des nouvelles autorités de Kiev.

Ce à l’heure où des combats meurtriers se déroulent dans l’Est du pays provoquant de nombreuses victimes et où des dizaines de milliers de citoyens doivent fuir les affrontements déclenchés par l’opération antiterroriste ordonnée par le président Porochenko.

Le PCF s’interroge sur les raisons d’une telle campagne contre le Parti communiste d’Ukraine dont les militants et dirigeants sont par ailleurs victimes d’agressions intolérables de la part de l’extrême droite et ce alors que l’accord de libre échange avec l’UE n’a pas été soumis à une consultation démocratique du peuple ukrainien; l’OTAN, quant à elle, accroit sa pression sur les autorités du pays. Nous appelons la France et l’UE à mettre tout en oeuvre pour interpeller d’urgence les autorités de Kiev afin qu’elles fassent respecter la démocratie dans ce pays et mettent fin à de tels comportement autoritaires et contraires aux principes de respect des libertés et droits démocratiques dont elles prétendent se réclamer.

Les communistes français apportent leur soutien au Parti communiste d’Ukraine, à ses militants et dirigeants dans leur combat pour une Ukraine libre, unie et démocratique.

Source : PCF

Source: http://www.les-crises.fr/interdiction-pcuk-2/


Revue de presse du 12/07/2014

Saturday 12 July 2014 at 00:07

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-12-07-2014/


[Reprise importante] Russia Delenda Est, par Philippe Grasset

Friday 11 July 2014 at 02:02

Important billet de DeDefensa

10 juillet 2014 – Il a été confirmé hier, par des officiels US parlant à Novosti, que la Russie a accepté la nomination du nouvel ambassadeur des USA en Russie, John F. Tefft. (Voir Novosti, le 9 juillet 2014.) Proposé fin février par la Maison-Blanche, confirmé par le Congrès, Tefft a été nommé ambassadeur le 30 juin. Il semble que la Russie ait tout de suite accepté cette nomination, même si la confirmation en vient une dizaine de jours après. La nomination de Tefft et l’acceptation immédiate de Moscou proposent une seule et même explication : les USA et la Russie acceptent le fait qu’ils sont désormais des “ennemis”, – mais la chronologie est significative puisque le choix initial est de Washington : ce sont les USA qui proposent, ou imposent, cet état de fait d’un antagonisme affirmé et officiel. (Les autres initiatives ou opérations dans les relations USA-Russie ces derniers mois montrent effectivement que cet état de fait est une initiative américaniste, et cela confirmant amplement que les extrémistes de tous ordres, neocon, R2P ou d’obédience, etc., contrôlent la “diplomatie” US et ne rencontrent plus aucun obstacle.)

La personnalité de Tefft est largement commentée, pour ne laisser aucun doute sur ce que sera son séjour à Moscou. Le prédécesseur de Tefft, Michael McFaul, fut sans aucun doute un activiste de l’action subversive, notamment auprès de l’opposition anti-poutinienne, de l’organisation d’une opposition “civile” active, etc., mais il le faisait en présentant un visage souriant, avec une politique d’ouverture vis-à-vis de la Russie et du pouvoir russe, protestant de ses intentions profondes ou, plutôt, ne voyant pas dans ces intentions une marque d’hostilité vis-à-vis de la Russie mais plutôt une intention d’“aider” la Russie à progresser vers la “démocratie” inéluctable de la globalisation. Tefft, c’est le contraire. Il affiche ses intentions agressives, il le fait en besogneux, en agent-bureaucrate de l’organisation de la subversion brutale ; c’est lui qui était en Géorgie au moment de la guerre d’août 2008 et il avait eu la main très lourde en portant Saakachvili, qu’il traitait comme un homme-lige, dans l’organisation de l’invasion de l’Ossétie du Sud qui déclencha le conflit. Les commentaires russes sont alors unanimes : compte tenu de la situation, il vaut mieux un adversaire à visage découvert, l’on sait que l’on n’a rien à attendre de lui et qu’il importe de le combattre…

Parmi les divers commentaires accompagnant sa nomination, on retiendra d’abord celui de John Robles, pour Novosti, datant du 30 juin 2014 (annonce de la nomination définitive de Tefft), et détaillant la carrière du personnage et la signification de sa nomination.

«The choice by US President Barack Obama and the neo-conservative Cold War hawks running the US foreign policy establishment of John F. Tefft as the new US Ambassador to Russia should be setting off warning bells all over the Kremlin and in fact in all of the countries currently undergoing or targeted for US regime change/destabilization operations including Venezuela, Brazil, Syria and all other countries pursuing an independent foreign policy. With the current humanitarian catastrophe in Ukraine and the rise of violent fascist forces, the fact that the chief architect of Operation Ukraine is now being sent to Russia is at once chilling and at the same time predictable.

»After the spectacular failure of US Ambassador Michael McFaul to pull off a color revolution in Russia leading to his demise as the US top color revolution/destabilization specialist, the US as usual, rather than admitting it is wrong and pursuing a path of peace and promoting mutual cooperation, has decided to stubbornly snub its nose at the Kremlin and continue down a road of confrontation. With the leadership of the US State Department prone to statements such as Victoria Nuland’s famous ‘F…-the-EU”, the body responsible for diplomacy on a continuous confrontational war footing and organizations like USAID co-opted to the CIA and involved in destabilization operations all of the world every country that has not been already “annexed” by Washington should take a very close look at who they are allowing to operate in their country.

»This past April I summed up the choice as follows: “John F. Tefft, a Russia hater who served as US Ambassador to Ukraine, Georgia and Lithuania and promoted the invasion of South Ossetia while in Georgia, the current crisis and the resurgence of fascist forces in Ukraine and the rabid Russophobia and demonization of Russia in Lithuania, has been chosen to be the next US Ambassador to Russia. Tefft was extremely active and involved and one might say instrumental in bringing about the aforementioned anti-Russian events. As McFaul failed to organize the destabilization of Russia and the ouster of President Putin, apparently Obama is seeking more experienced hands.” [...]

»The US is bent on destroying Russia and preventing Russia from being a competitive global power. That fact is documented, all but openly stated and is no longer a secret. Ukraine has made it more than obvious even for the staunchest Washington apologists and the idea of some “reset” or peaceful cooperation from the US side has become nothing but a fantasy…»

La situation que symbolise l’arrivée de Tefft à Moscou, et la stratégie russe vis-à-vis de cette nomination dans la logique de l’acceptation de cette nomination, est résumée par Karine Bechet-Golovko, sur son blog (Russiepolitic), le 9 juillet 2014, en termes nets et sans ambiguïtés. «Le nouvel homme fort de la diplomatie américaine en Russie est un habitué de la préparation et de l’analyse des révolutions dans l’espace-post soviétique. En Géorgie au bon moment, en Ukraine il a laissé la situation prête à l’emploi, son arrivée officielle à Moscou est un signal à double sens. Et du côté américain, et du côté russe. “Nous lançons une attaque frontale contre la Russie !” “Nous sommes au courant et prêt à vous accueillir”. Les jeux sont faits. [...]

»Il y a encore peu, les Etats Unis hésitaient à envoyer justement cet homme, John Tefft, prendre en main le conflit avec la Russie, car justement cela aurait pu être interprété, vu son parcours, comme un acte “malveillant”. Mais avec l’accélération de la défaite de la politique américaine face à la Russie, au besoin de la radicaliser pour ne plus laisser le temps à la critique, les apparences amicales sont devenues le dernier des soucis. A la guerre comme à la guerre. Et bien sûr la Russie accepte cet ambassadeur. Au moins elle sait à quoi s’en tenir avec celui-ci. C’est un ennemi traditionnel, classique, pur et compétent. Donc le jeu est possible…»

Du point de vue des commentateurs US, on fait à peu près la même analyse, en constatant qu’avec l’ambassadeur Tefft effectivement “les jeux sont faits” et chacun sait à quoi s’en tenir. Voici ce qu’en dit Marc Champion, de Bloomberg.News, le 9 juillet 2014, – on se contente d’enchaîner son introduction et sa conclusion … «To understand how little the U.S. and Russia expect of their relationship these days, consider this: The Barack Obama administration has put forward John Tefft, who is something of a bogeyman for the Russians, to become the next ambassador to Moscow – and the Kremlin today said it’s fine with that. [...] The U.S. has given up on having positive ties with Russia and has accepted a frostiness reminiscent of the Cold War. That suits Putin, who uses anti-Americanism to build support at home. The two countries no longer want to pretend to be friends. What they seek in a U.S. ambassador is someone with a safe pair of hands and no illusions about what the relationship can deliver. Tefft is perfectly cast for that job.»

On observera que, dans son analyse, Champion se réfère à la Guerre froide The U.S. has given up on having positive ties with Russia and has accepted a frostiness reminiscent of the Cold War»), ce qui est fondamentalement incorrect et mesure la gravité de la situation dans le chef de la politique d’agression des USA (aucune autre expression que cet extrême de “politique d’agression” ne convient). Comme nous l’avons déjà développé (voir le 20 mars 2014), la Guerre froide était une époque où les puissances (les deux superpuissances) avaient le sens de la responsabilité. Les ambassadeurs US à Moscou, de Harriman (1945) à Malcolm Toon (1976-1979) à Jack Matlock (1986-1991) étaient tous des diplomates cherchant au mieux à améliorer les relations entre les USA et l’URSS, à comprendre la politique soviétique, à susciter des accords, à écarter toute rhétorique agressive et toute interférence dans la souveraineté nationale du pays-hôte. (La même chose valait pour les ambassadeurs soviétiques à Washington, notamment avec le formidable Dobrynine, de 1962 à 1986, qui joua un rôle fondamental dans le maintien de relations acceptables et dans les tentatives d’amélioration de ces relations, qui joua un rôle presque équivalent à celui du ministre des affaires étrangères, auprès de Kennedy, de Nixon et de Kissinger, etc.)

Aujourd’hui, avec Tefft, c’est le contraire, c’est même une situation exceptionnelle dans l’histoire diplomatique : un ambassadeur nommé dans le but explicite d’exercer des pressions agressives sur la pays-hôte. C’est une totale inversion de la fonction d’ambassadeur, par rapport à la tradition diplomatique, – et donc parfaitement un événement qui renvoie à la tendance générale de cette époque dans le chef du Système. Il s’agit d’une époque de complète inversion, où les activités humaines dans le chef des directions politiques soumises au Système constituent une recherche constante de la déstructuration et de la dissolution.

Encore faut-il bien voir que le cas de l’ambassadeur Tefft n’est ni une exception, – bien entendu, – ni ce qu’il y a de plus extrême dans l’agression de l’américanisme au service du Système. On pourrait, on devrait même ajouter qu’une Victoria Nuland, dont on sait pourtant l’hystérie activiste, fait parfois, aujourd’hui, figure de modérée dans le climat général de Washington … Par exemple, lors de cette audition, au Sénat, devant la commission des affaires étrangères. La pauvre Victoria Fuck-the-UE tente désespérément de paraître une “dure” devant les assauts des sénateurs. Elle profère des affirmations absolument rocambolesques (les Russes livrent des chars, de l’artillerie lourde, des avions de combats aux milices du Donbass qui massacrent à qui-mieux-mieux), promet très vite de nouvelles sanctions comme les Russes, – mais rien n’y fait, elle paraît tout de même emportée dans la marée des critiques de sénateurs qui l’accusent de complaisance, de faiblesse… Le spectacle est au-delà d’être surréaliste ; il est d’une autre planète, d’un autre univers. (Dans The Daily Times du 10 juillet 2014.)

«“We are ready to impose more costs — including targeted, sector-specific sanctions — very soon if Russia does not decisively change course and break its ties with separatists,” Victoria Nuland, the assistant secretary of state for European and Eurasian affairs, told members of the Senate Foreign Relations Committee. Nuland charged that separatists used a recent 10-day ceasefire to conduct “violence, bloodshed and land grabs,” and that “Russia allowed tanks, heavy artillery and fighters to flow” into Ukraine and built up its own forces on the Russia-Ukraine border. She said Washington was working closely with European allies on timing of the sanctions, and said a decision could come as soon as July 16, when EU leaders meet before a summer break. [...]

»But in a series of tense exchanges, the panel’s top Republican, Senator Bob Corker, told Nuland the United States was “acting like a paper tiger,” unwilling to take specific steps against Moscow. “I’m embarrassed for us,” he said. “I just wish the administration would quit saying publicly (that the US will take tough action) when we’re not going to act.” Committee chairman Senator Robert Menendez, a Democrat, also expressed concern Washington was failing to keep pressure on Russia. He pointed to EU calls for Russia to end support for the separatists, control the border, return seized checkpoints to Ukrainian forces, release hostages and begin negotiations on Ukrainian President Petro Poroshenko’s peace plan. “I see no advance in any of those standards. So what are we waiting for?” he asked Nuland. Nuland said that while new sanctions would be more effective if done in concert with Europe, “the president has always made clear that if necessary we will act on our own.”»

Pour décrire la situation, à nouveau le jugement de l’ancien chef des services soviétiques de renseignement extérieur Chebarchine a sa place («La seule chose que l’Ouest attend de la Russie c’est que la Russie n’existe plus»). Malgré sa politique qui est l’objet de critique de la part de l’aile nationaliste dure des milieux politiques, la direction politique russe est sans aucun doute consciente de cette avancée irrésistible vers la confrontation, parce qu’il est simplement impossible de la nier, de l’ignorer, etc. Nous en sommes même à un point où même une capitulation, par ailleurs difficilement concevable, de la direction russe ne satisferait sans doute en rien cette poussée d’agression, qui serait même vue comme une nouvelle ruse, une incitation à pousser plus encore les feux. La politique de Poutine consiste pour l’instant à exercer toute la pression possible pour détacher les pays européens des USA, d’ailleurs avec certains résultats. (Par exemple, on note un coup de téléphone Fabius-Lavrov le 9 juillet, où les deux ministres sont tombés d’accord sur le constat que le pouvoir de Kiev ne respecte pas l’accord de cessez-le-feu obtenu à quatre à Berlin, le 2 juillet.)

On évoquait hier sur ce site comme point de confrontation les combats en cours dans le Donbass, avec ce qui pourrait être une sorte de “bataille de Donetsk”, et l’hypothèse que le pouvoir de Kiev serait mis en danger. Une autre possibilité apparaît, qui serait l’hypothèse d’une attaque contre la Crimée. (La chose est envisageable, par exemple si le pouvoir à Kiev, confronté à des très dures conditions intérieures, ou menacé, choisit une fuite en avant en lançant une attaque pour récupérer la Crimée, – comme l’a promis d’ailleurs le nouveau ministre ukrainien de la défense.) Hier, lors d’une conférence de presse commune avec la ministre italienne des affaires étrangères Federica Mogherini, Lavrov a observé, en réponse à une question : «Je ne suggère à personne (de tenter une telle action). Nous avons une doctrine de sécurité nationale et elle illustre clairement quelles actions seraient décidées (de notre part) dans ce cas…» D’une façon ou d’une autre et quel que soit le lieu choisi, les Russes n’ignorent donc pas qu’ils pourraient être placés devant le choix suprême, et Lavrov signifie qu’ils ne reculeront pas dans ce cas.

Un “extrémisme absolu automatisé”

Il s’agit maintenant d’examiner de quoi il est question. A ce degré de détermination, de pression, d’irresponsabilité, d’absence du moindre intérêt pour les contradictions entre telle décision et telle déclaration, pour les vérités de situation, etc., il nous apparaît de plus en plus évident que ce qui est en cours n’a plus rien de commun avec une politique extérieure, voire à une pression d’une ambition hégémonique, voire à un complot d’agression d’une puissante, etc. La dynamique en cours est d’une sorte qui dépasse la seule activité humaine habituelle. Notre appréciation est que nous sommes au-delà des conceptions et des manigances humaines, et le désarroi d’une Nuland qui a trouvé plus extrémiste qu’elle dans le rassemblement des dignes sénateurs de la commission des relations extérieures constitue un excellent symbole de cet événement. A la phrase ci-dessus sur “extrémistes de tous ordres, neocon, R2P ou d’obédience, etc., [qui] contrôlent la ‘diplomatie’ US et ne rencontrent plus aucun obstacle”, on devrait substituer qu’il n’est nul besoin de “contrôler”, parce que la “politique” US est devenue extrémisme pur.

La poussée actuelle, furieuse, irrésistible, sans aucun intérêt ni pour l’arrangement politique, ni pour la légalité, ni pour la vérité de la situation, dépasse les projets humains et doit se ranger dans la dimension métahistorique selon notre conception. Désormais, le Système est à visage découvert et c’est lui qui active directement ce qui paraît être une “politique” et qui n’est plus qu’un “déchaînement”, – déchaînement de puissance, déchaînement de fureur, déchaînement de force, déchaînement aveugle et nihiliste, dont la logique nous ramène évidemment à notre explication initiale de la séquence métahistorique qu’est le “déchaînement de la Matière” accompagné de l’habillage conceptuel de l’idéal de puissance”. Cette dynamique se précipite sur ce qu’elle juge, à juste raison, être le principal obstacle sur sa voie d’accomplissement de la déstructuration et de la dissolution, c’est-à-dire la Russie.

Il s’agit d’une activité dynamique que nous jugeons quasiment autonome du système, et qui s’affiche désormais comme telle, en fait qui est identifiable comme telle dans diverses occurrences où l’on voit les acteurs, ou les figurants humains, renoncer à toute logique, à toute raison dans leurs jugements, à abandonner même leurs positions idéologiques pour simplement développer un extrémisme sans frein. Cette activité est beaucoup plus possible aux USA qu’ailleurs, d’abord pour des raisons conjoncturelles qui rendent plus difficile le développement des polémiques habituelles, avec notamment l’affaiblissement du rôle contradictoire joué par les “dissidents” antiSystème qui trouvent dans la crise ukrainienne moins d’aliments pour leur critique de la politique-Système, impérialiste et belliciste, de l’américanisme ; on a déjà noté que la crise ukrainienne y avait beaucoup moins d’écho que les crises du Moyen-Orient, parce que, instinctivement assimilée à la complexité européenne historiquement suspecte aux USA, elle ne soulève pas l’intérêt qu’on trouve pour les crises du Moyen-Orient fortement liées à la narrative du terrorisme qui gouverne la séquence historique US depuis 9/11. D’autre part, on constate la puissance extrême et la persistance du réflexe antirusse aux USA à cause des pesanteurs de l’histoire et des narrative qui l’accompagnent (la Russie socialiste/communiste, la Russie étatiste, etc.), ce qui diminue également la possibilité que la crise ukrainienne puisse être un terrain pour cette polémique entre partisans et adversaires de la politique washingtonienne, et que la tension extrémiste puisse ainsi être nuancée, ou retournée contre elle-même par des dissidents décidés. (Les Européens ont une façon différente de voir et de comprendre cette crise ukrainienne, étant beaucoup plus proche de la vérité de la situation, et éventuellement plus sensibles aux nuances que leur a appris leur passé historique. )

Dans de telles conditions, les USA développent d’autant plus leur position traditionnelle d’extrême sensibilité, en tant que groupe humain, à la puissance niveleuse et conformiste du système de la communication, et se retrouve beaucoup plus aisément emportés par l’impulsion du Système. La psychologie américaniste, qui se développe selon les caractères d’inculpabilité et d’indéfectibilité, est d’une extrême vulnérabilité à l’entraînement de la dynamique lancée par le Système, dès lors que cette dynamique est assimilée par elle à l’exceptionnalisme américaniste. (On notera que cette psychologie s’est préparée à l’extrême sensibilité qu’elle montre aujourd’hui au déchaînement de la dynamique-Système, par le renouveau depuis l’automne 2013, – à cause de Poutine et de son article dans le New York Times ! – du débat sur l’exceptionnalisme des USA, qui est très rapidement devenu une opération de communication pour réhabiliter cette notion. L’entraînement du Système permet de conforter cette orientation.)

Le comportement de la direction politique US, dans tous ses composants, apparaît alors beaucoup plus automatisé dans le sens de l’extrémisme le plus constant, qu’on pourrait même qualifier d’extrémisme absolu automatisé puisqu’il implique effectivement l’hypothèse qui va presque de soi, qui n’a même pas besoin d’être exprimée, de la disparition de la Russie («La seule chose que l’Ouest attend de la Russie c’est que la Russie n’existe plus») ; cet “extrémisme absolu automatisé” n’ayant alors plus aucun rapport avec l’étiquetage idéologique habituel. L’épisode de l’audition de Nuland au Congrès, que nous avons découvert par hasard et qui ne soulève aucune interrogation, aucun intérêt aux USA, est nous semble-t-il particulièrement révélateur. L’incontestable meneuse de la faction neocon dans l’ensemble “diplomatique” US (département d’État, NSC, etc.) se retrouve presque mise en accusation comme modérée, comme l’étaient pendant la Guerre froide les partisans de la détente face aux factions extrémistes d’extrême-droite. Ce n’est pas parce que la commission des affaires étrangères a modifié en quoi que ce soit son opinion, mais simplement parce qu’elle cède à la dynamique en question, parce qu’elle est particulièrement bien disposée pour le faire. Elle n’a même pas besoin d’un McCain pour cela (McCain se trouve, comme président de la minorité républicaine, dans la commission des forces armées). Elle évolue, comme l’on dirait, en “roue libre” de la pensée, c’est-à-dire la pensée réduite à la dynamique en question.

On comprend dans ce cas que nous persistions à juger la crise ukrainienne comme beaucoup plus grave que la crise irakienne qui se déroule en parallèle, alors qu’aux USA la crise irakienne fait toutes les manchettes de la presse-Système autant que les attaques critiques des réseaux antiSystème, tandis que la place accordée à la crise ukrainienne est minime. (De fait les deux crises se complètent et devraient interférer de plus en plus, les Russes se rapprochant des Irakiens et des Iraniens d’une façon marquée, selon un jugement qui est nettement influencé par l’antagonisme du bloc BAO qu’ils ressentent au niveau de la crise ukrainienne.) Nous pensons en effet que l’épisode décisif pour le Système va plus que jamais naître au cœur de la crise ukrainienne et de ses divers prolongements, plutôt que dans la crise de l’Irak et du Moyen-Orient. Cet épisode décisif sera nécessairement explosif aux USA au niveau de la communication, et pour la psychologie, puisqu’il confrontera une psychologie réduite aux deux éléments du désintérêt pour la crise et de l’extrémisme antirusse absolue, à la possibilité s’avérant brutalement réelle d’un affrontement avec la Russie, avec potentialité d’un conflit nucléaire. C’est alors, lorsqu’on réalisera cette potentialité, qu’on peut envisager des prolongements et des effets indirects extrêmement brutaux et complètement incontrôlables, vers un épisode qui pourrait susciter le dernier épisode de la crise d’effondrement du Système.

Source : dedefensa.org

Source: http://www.les-crises.fr/russia-delenda-est/


BNP : 4 questions en suspens, dont la déductibilité fiscale de l’amende (spécial comptables et fiscalistes !)

Friday 11 July 2014 at 02:00

Pour terminer sur cette affaire, 3 questions :

1/ BNPP va-t-elle être poursuivie pour complicité avec le régime du Soudan ? (par exemple par l’association Survie) (si quelqu’un peut les contacter…)

2/ les dirigeants et administrateurs de BNPP vont-ils être attaqués pour faute grave de gouvernance ?

3/ L’AMF va-t-elle poursuivre le management pour fausses déclarations au sujet du respect des réglementations ? (je développerai cette partie ce we ici, revenez :) )

4/ SURTOUT, quel va être le sort de cette amende quand au sujet de la déductibilité de l’impôt sur les bénéfices ?

En théorie, cela ne l’est pas, depuis la loi de finance de 2008 (art 23) :

. ― Le 2 de l’article 39 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 2. Les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l’impôt.

Mais j’ai confiance en l’inventivité de BNPP pour tenter d’optimiser ceci, vu que les opérations ont à peu près toutes été faites dans des filiales étrangères (les amendes sont déductibles en Suisse).

Qu’en pensent les pro de la compta et de la fiscalité ? Quels seraient les “trucs” que pourrait utiliser BNPP pour faire supporter indirectement une partie de la facture au contribuable en l’imputant sur l’Impôt sur les sociétés ? Merci de vos lumières en commentaire

Source: http://www.les-crises.fr/bnp-4-questions-en-suspens/


“Si on continue à isoler la Russie, elle va devenir un adversaire ; elle va basculer de Weimar à Hitler” par Jacques Attali

Friday 11 July 2014 at 01:57

Très intéressants propos de Jacques Attali (interview du 8 juin 2014 – arrêtez-vous à l’idée générale développée dans le contexte médiatique délirant actuel, pas aux détails discutables) :

Sophie Malibeaux – Pendant ce débat en amont des européennes, il y avait tout le débat sur l’élargissement, certains critiquant une sorte de dilution de l’Europe. Vous-même vous étiez partisan d’une Europe continentale, encore plus grande que celle des vingt-huit, vous allez jusqu’à trente-cinq. Est-ce que vous maintenez ce penchant ?

Jacques Attali – Mais oui bien sûr. Si je peux reprendre l’historique, quand est tombé le mur de Berlin, j’ai à ce moment-là proposé la création de la BERD. Pourquoi ? Parce que je pensais très important d’arrimer la Russie et tout ce qui va autour à l’Europe, la Russie est une nation d’Europe. Mais je pensais qu’il fallait approfondir l’Union dans un petit nombre avant de s’étendre aux autres et donc leur donner un espace dans la BERD, qu’on a fait d’ailleurs puisque c’est la seule chose qu’on a créée après la chute du mur. Et nous avions proposé en même temps la confédération européenne pour faire entrer ces pays. Les Etats-Unis, qui ne veulent absolument pas d’une Europe forte, pour empêcher l’approfondissement vont casser, ont empêché, ont poussé les pays à dire ‘’Non, on veut rentrer tout de suite’’ et l’Allemagne a suivi. Moralité on a eu un élargissement beaucoup trop rapide. Donc aujourd’hui je souhaite qu’on ait les deux à la fois, je souhaite qu’on ait un élargissement le plus large possible, parce que l’UE se confond avec la confédération. Monsieur Poutine a rappelé récemment, d’une phrase qui n’a pas été assez relevée, qu’il est candidat à la confédération européenne, il a rappelé le projet de François Mitterrand de confédération européenne. C’est très important, ça veut dire que si tous les pays européens étaient dans une confédération, ou l’UE c’est ce qui revient à la confédération, nous pourrions construire l’Europe intégrée, approfondir dans la zone euro.

Sophie Malibeaux – Pour revenir au concret et ce qui se passe aujourd’hui même en Ukraine, la crise, elle retarde…

Jacques Attali – C’est la même chose…

Sophie Malibeaux – elle provoque une régression totale de ce projet ?

Jacques Attali – Telle qu’elle est gérée, oui. Parce qu’aujourd’hui, mes amis polonais comprendront que ce n’est pas insultant à leur égard ce que je vais dire, mais le maître de l’occident c’est la Pologne. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si monsieur Obama a été en Pologne. Monsieur Obama a été en Pologne parce que Chicago est la deuxième ville polonaise du monde et qu’il est lui-même de Chicago et que les polonais ont une obsession, c’est ‘’tout sauf les russes’’, qu’on peut comprendre à travers leur histoire. Et donc les polonais poussent l’occident à empêcher les russes de rentrer dans l’UE, à avaler l’Ukraine dont les polonais ne voulaient pas d’abord, puis maintenant ils ont commencé à changer d’avis parce qu’ils ont compris qu’ils ont intérêt à ce que l’Ukraine soit dans l’UE et dans l’OTAN mais évidemment pour les russes c’est inacceptable. La vraie solution serait de se mettre autour d’une table, nous européens, et d’abord nous français parce que nous avons l’avantage de ne pas dépendre du gaz russe, donc on n’est pas en situation de dépendre d’un maître chanteur comme les allemands qui dépendent du gaz russe tous les matins, nous pas donc nous devrions proposer de nous mettre autour d’une table, français et russes avec les ukrainiens, à trois, pas plus pour négocier de l’avenir de l’Ukraine comme pont entre l’UE et la Russie.

Philippe Dessaint – On vient de voir au 70e anniversaire du Débarquement ce côte à côte, je n’ose pas dire cette rencontre entre Obama et Poutine, situation tendue, Poutine un peu à l’écart. Est-ce qu’il faut avoir peut de Vladimir Poutine ?

Jacques Attali – La comparaison historique que je ferais, c’est plutôt de la Russie avec la République de Weimar d’Allemagne. Pour moi, ce n’est pas Hitler. C’est un pays qui est humilié, encerclé, bourré de corruption, désordre, totalitarisme latent et réel etc… Si on continue comme ça, si on continue à isoler la Russie, elle va devenir un adversaire, elle va basculer de Weimar à Hitler, je ne pense pas que ce soit Poutine, je pense que c’est après lui qu’on a le danger. Donc il ne faut pas refaire avec la Russie de Poutine l’erreur qu’on a faite en 1920…

Philippe Dessaint – Donc il faut lui parler, il faut le rencontrer ?

Jacques Attali – Il ne faut pas l’isoler, fallait pas supprimer le G8, il faut pas faire la même erreur qu’on a faite avec l’Allemagne de Weimar en l’isolant, en lui forçant à rembourser des dettes qu’elle pouvait pas payer etc… Donc il faut à tout prix intégrer la Russie. Ça prendra du temps, la Russie n’est pas une démocratie, elle est bourrée de kleptocrates et de gangsters comme beaucoup de pays du monde, elle n’est pas la seule, il y en a aussi un peu partout à travers la planète. Il faut donc avancer lentement vers une démocratie russe, c’est notre intérêt.

Thomas Wieder – C’est-à-dire que, par exemple, sur la Crimée on laisse tomber ? C’est fait ?

Jacques Attali – Moi je pense que oui. D’abord je ne comprends pas trop cette question. Supposons qu’un gouvernement suisse devenu un peu fou, à Berne, décide du jour au lendemain que le français n’est plus langue nationale suisse. Dans ce cas-là, les genevois et les gens de Lausanne auraient pu très bien dire ‘’Ecoutez, nous on demande à être rattachés à la France’’. Et qu’est-ce qu’on aurait dit ? On aurait dit oui bien sûr. C’est exactement ce qui s’est passé. Les gens de Crimée sont russes, le gouvernement ukrainien a fait la faute incroyable de dire que le russe n’était plus langue nationale, les criméens se sont dit ‘’attendez non, ce n’est plus possible, on va rejoindre la Mère-Patrie’’. Je rappelle que la Crimée est russe depuis trois siècles, qu’elle était ukrainienne que par le hasard d’un arbitrage à l’intérieur du parti communiste rendu par Khrouchtchev en 1954. Et j’ajoute plus loin encore, une question de principe, quand un peuple ou une région décide qu’il n’est plus d’accord pour être dans un pays mais qu’il veut soit être indépendant soit être neutre soit rejoindre un autre, je vois pas comment lui refuser. Alors évidemment cela pose un problème de fond, c’est la première fois que dans l’Europe un pays ne décide pas d’être indépendant en rompant. C’a été le cas de la Tchécoslovaquie qui s’est coupée en deux, personne ne s’y opposait, ç’a été le cas de la Bosnie qui est sortie, du Kosovo qui sont sortis sans l’accord de la Serbie, ils sont sortis un petit peu comme la Crimée sort de l’Ukraine sans l’accord de l’Ukraine. Mais la différence c’est que le Kosovo n’a pas demandé à être rattaché à un autre pays et que là on est dans le premier cas, ou on pouvait parler d’annexion, ce n’est pas une annexion, c’est un pays, une région qui demande son indépendance et qui demande à l’être. Evidemment cela ouvre une boite de Pandore en Europe de la modification des frontières, cela ouvre cette boite de Pandore.

Sophie Malibeaux – L’agenda de Poutine dépasse la Crimée, aujourd’hui dans le conflit tel qu’il se déroule sur le territoire ukrainien. Il le dit lui-même, ce qu’il ne veut pas c’est avoir l’OTAN si proche.

Jacques Attali – Mais bien sûr et il a raison. C’était une faute de laisser entendre en 2008 que l’Ukraine pourrait rentrer dans l’OTAN, c’est une faute. On peut très bien le comprendre.

Sophie Malibeaux – Alors jusqu’où on va payer les fautes commises…sous pression américaine finalement?

Jacques Attali – Sous pression américaine… La France a signé ce texte en 2008 disant que nous souhaitions que l’Ukraine soit dans l’OTAN, on a signé ce texte. Donc il faut aujourd’hui calmer le jeu, l’Ukraine n’a rien à faire dans l’OTAN, l’Ukraine a tout à faire dans l’UE mais rien à faire dans l’OTAN.

Sophie Malibeaux – Vous pensez que les américains sont prêts à entendre ça ?

Jacques Attali – Les américains ont trois raisons pour ne pas être prêts à entendre ça. La première c’est Chicago dont j’ai parlé, l’influence de tous les lobbies polono-ukrainiens etc… qu’on peut comprendre parce que les États-Unis c’est une sorte d’Europe qui a réussi, donc tous les peuples y sont etc… La deuxième raison c’est qu’ils ont leur complexe militaro-industriel qui a besoin de reconstituer un ennemi. Et la troisième raison c’est qu’ils n’arrivent pas à faire de la Chine un ennemi, pour l’instant la Chine n’est pas potentiellement l’ennemi de substitution à l’Union Soviétique. Donc le retour de la Russie comme ennemie est béni des dieux pour les Etats-Unis mais nous européens, on a tort de tomber dans ce piège.

P.S. : rôôô le niveau des journalistes à chaque fois quand même…

Source: http://www.les-crises.fr/russie-weimar-jacques-attali/


Barroso fait (discrètement) Grand officier de la légion d’honneur par Hollande

Friday 11 July 2014 at 00:01

Source : Politis

L’information ne figure pas sur le site de l’Elysee. Certes, le site officiel de la présidence, nous apprend que ce 9 juillet le président de la République a procédé à une remise collective de décorations, notamment à Mesdames Nicole Notat et Monique Pelletier. On y lit aussi dans l’agenda public de François Hollande que le chef de l’Etat avait prévu de dîner à 20h30 avec José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne. Mais, sauf erreur, il n’est nulle part mentionné que le président de la République, à cette occasion, a décoré son hôte Grand officier (le 4eme de l’ordre qui en compte 5) de la Légion d’honneur. Un honneur dont s’est immédiatement félicité ledit Barroso sur Twitter.

Pour mémoire, « Voter pour le PSE pour s’opposer à Barroso » était, en 2009, le principal argument de campagne du PS dirigé par un certain François Hollande. Les socialistes européens, en campagne électorale (il est vrai), avait alors fait du président de la Commission européenne leur ennemi n°1. Avant de participer à sa réélection. Ce qui ne les a pas empêché, au cours de la dernière campagne européenne, de dire à nouveau pis que pendre de l’action de cet atlantiste libéral à la tête de l’Union européenne. Cela valait bien une récompense.

Ajout à 0h10 : Moins d’une heure après la publication de cet article, le site de l’Elysée a publié des photos de cette décoration privée, tout en continuant de parler d’un simple dîner, et sans préciser de quelle médaille le président de la République venait de gratifier son hôte.

Source: http://www.les-crises.fr/barroso-fait-discretement-grand-officier-de-la-legion-dhonneur-par-hollande/


[Scandale BNP] Le festival des déclarations ridicules ou odieuses

Thursday 10 July 2014 at 04:14

Je vous recommande de lire d’abord ce billet sur l’affaire avant celui-ci…

L’Élysée

Dans un article du Monde intitulé « Pourquoi BNP Paribas a été prise au piège soudanais » (02/07/2014 Par Christophe Ayad), on peut lire :

“Même l’Elysée en convient : « La BNP ne méritait probablement pas une telle sanction, ni un tel montant d’amende, mais il est clair qu’elle a fait des bêtises, notamment au Soudan. » Ce commentaire, lâché par l’entourage du président François Hollande, illustre un aspect relativement méconnu du contentieux entre BNP Paribas et l’Etat américain.”

OK : donc financer des islamistes génocidaires (lire ce billet), c’est seulement une “bêtise”…

Le Monde, 5 juin :

“François Hollande a écrit au président américain, Barack Obama, dès le 7 avril pour l’alerter sur le « caractère disproportionné des sanctions envisagées ».”

C’est quoi la bonne proportion pour financer des islamistes génocidaires – puisque 1 an de profits, c’est disproportionné ?

Il a remis ça le 5 juin. Et évidemment Obama a expliqué un principe méconnu dit “séparation des pouvoirs”.

Vous imaginez : la Justice française s’en prend à Goldman Sachs, mets 15 personnes en prison, et Obama appellerait Hollande pour lui demander d’intervenir ? Bref, encore du grand Hollande…

D’ailleurs, ça l’est tellement que le PDG de BNP a indiqué (accrochez-vous bien) le “maintien d’un dividende de 1,50 € au titre de l’exercice 2014, soit un niveau équivalent à celui de 2013″. C’est nouveau, ça vient de sortir : tout le profit disparait, mais on distribue le même dividende – bienvenu dans le financiarise !

Bercy

Michel Sapin, le Monde, 5 juin :

“Si le montant avancé par la presse américaine est exact, à un tel niveau d’amende, il y aurait disproportion manifeste.”

La seconde guerre mondiale fit environ 350 000 morts (civils et militaires) en France, soit environ 1,35 % de la population (41,7 millions d’habitants).

Faute de recensements précis, on ne connaît pas précisément le nombre de victimes au Darfour de 2003 à fin 2007. Les chiffres les plus fiables évoquent 400 000 morts, soit, pour une population de 6 millions d’habitants, plus de 6 % de la population. Quand bien même il n’y aurait eu que 200 000 victimes, cela représente encore plus de 3 % de la population.

Manifestement disproportionné ?

Le Quai d’Orsay

Laurent Fabius, Le Figaro, 3 juin :

“S’il y a eu une faute ou une infraction, il est normal qu’il y ait une sanction. La sanction doit être proportionné et raisonnable. Ces chiffres-là ne sont pas raisonnables.”

La moitié de la sanction maximale légale, avec une appréciation très raisonnable, pour des récidivistes : ce n’est pas raisonnable ?

Oups, ah oui, j’oublie toujours – si c’est pour aider un ami pas dans le besoin…

Le contrôle (sic.)

Christian Noyer, Le Monde, 23 mai :

« Nous avons vérifié que toutes les transactions incriminées étaient conformes aux règles, lois, réglementations, aux niveaux européen et français », a déclaré Christian Noyer, vendredi, lors d’une conférence de presse. Il n’y avait « aucune contravention à ces règles ni d’ailleurs aux règles édictées par les Nations unies », a-t-il ajouté.

Ah, petit souci…

La réglementation française n’imposait pas de sanctions financières généralisées au Soudan.

MAIS elle imposait de respecter la réglementation des pays des filiales (comme le rappelle fort justement Emmanuel Levy dans Marianne) !

Or l’article 11-5 du Règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, règlement que Christian Noyer est précisément chargé de faire appliquer, explique clairement que « les entreprises assujetties s’assurent que leurs filiales et succursales à l’étranger mettent en place des dispositifs de contrôle de la conformité de leurs opérations. Les dispositifs contrôlent le respect des règles locales applicables à l’activité de leurs filiales et succursales ainsi que l’application du présent règlement. Lorsque les dispositions locales sont plus contraignantes que les dispositions du présent règlement, leur respect est réputé satisfaire aux obligations prévues par le présent règlement au niveau des implantations locales. »

Le DG de BNP

Il a décidé de cramer quelques millions d’euros de plus en écrivant à chaque client – la lettre est ici. Extraits :

“Des dysfonctionnements et des pratiques contraires à l’éthique de la banque ont été constatés au sein de cette activité spécifique de financement du négoce international de pétrole et de gaz (qui représente moins de 1% de l’activité totale de la banque).

Des défaillances individuelles ont en effet été mises en évidence dans cette activité. Certains collaborateurs ont notamment contourné délibérément les règles américaines et n’ont pas respecté les décisions de la Direction Générale qui interdisaient, des 2007, la poursuite de ces activités dans les pays concernés. Au-delà de ces défaillances individuelles, il y a eu également certains défauts de vigilance et de réactivité.

Ces problèmes n’auraient pas dû se produire. Au nom de BNP Paribas, je voudrais exprimer nos regrets à votre égard.

Nous avons bien sûr tiré les enseignements de ces dysfonctionnements contraires à nos valeurs et à notre politique de banque responsable. Nous avons renforcé très significativement nos dispositifs de contrôle et de sécurité et avons pris les sanctions disciplinaires qui s’imposaient.

Ces décisions ont été mises en œuvre pour que ces problèmes ne se reproduisent plus. Vous pouvez compter sur moi pour y veiller personnellement.”

Le résumé est simple : ou je suis un escroc complice, ou je ne maitrise rien et on ne m’obéit pas.

Je rappelle qu’on parle ici de SIMPLES opérations de paiements en dollars avec de sales personnes. C’est simple à comprendre, c’est simple à contrôler… Et donc, la direction n’y est pas arrivée…

Mais pas de souci : “ayez confiance : je reste en place !” (en route vers “d’autres victoires” comme dirait l’autre)

Et il faut donc les croire, lui et ses DGA, quand ils nous expliquent qu’ils maitrisent tous les produits dérivés, compréhensibles seulement pas des groupes de 15 polytechniciens ? Que tout ceci est géré prudemment ? Vaste blague…

Il conclut :

“BNP Paribas fait partie des banques les plus solides au monde. Notre raison d’être demeure intacte : être une banque responsable et innovante, déterminée à vous servir, pour vous accompagner dans un monde qui change.”

Ben non, elle innove quand même plus pour accompagner les pires crapules à l’évidence…

Michel Rocard

Bon diagnostic général (rôle du dollar, SMI, etc), mais erroné sur l’affaire BNP :

Affaire BNP : les Etats-Unis coupables d’abus de pouvoir, par Michel Rocard

Dans un monde où la nouvelle économie américaine s’est construite sur le pillage, par les Etats-Unis, des droits incorporels et des données personnelles en Europe et où l’antienne n’était pas ennemie de pratiques corruptives, les Etats-Unis de la manifest destiny (« destinée manifeste » qui prête une mission civilisatrice à l’Amérique) et du puritanisme (cette version anglo-saxonne du protestantisme revu par les hommes de loi), prodiguent les sanctions aux entreprises européennes d’une façon de plus en plus effrénée.

Sur le mode du « moi aussi moi aussi », les politiciens locaux jouent des coudes pour montrer à leurs électeurs qu’ils ont leur part du gâteau et qu’on ne plaisante pas avec les nouveaux cives romani. A cet assaut de démagogie BNP Paribas doit payer 2 milliards de dollarsde plus [que ce que l’on escomptait] pour des infractions, qui, essentiellement fédérales, ont été tordues en tout sens pour en faire émerger un délit de droit commun permettant de satisfaire un Benjamin Lawsky [à la tête du Département des services financiers de l’Etat de New York, qui à lancé la charge contre BNP], jusqu’alors inconnu.

Pour extraire l’impôt des victimes, deux armes de poing sont utilisées : le Foreign Corrupt Practices Act (« loi anti-corruption »), l’International Emergency Economic Powers Act et le Trading with the Enemy Act (« législations sur l’embargo »), toutes deux avec la même dose de mauvaise foi.

Nul n’osera s’opposer à la lutte contre la corruption. Il faut donc du courage, dans ce concert de tartufferie, pour dire ce qui relève néanmoins de l’évidence : dans un système asymétrique où les Etats-Unis disposent de tous les moyens politico-militaires (le « parapluie américain ») pour faire prévaloir leurs entreprises, l’idée qu’il fallait un traité anticorruption pour restaurer une égalité (leveling the playing field) qui aurait disparu au détriment de celles-ci relevait de la farce. Lorsque, sous les prétextes les plus futiles (ainsi un e-mail passé entre le Monténégro et l’Allemagne par un réseau de fibres américaines), Washington prétend déférer à sa justice des affaires de corruption internationale sans le moindre rapport avec les Etats-Unis, les bornes sont dépassées.

LE DOLLAR, COURROIE DE TRANSMISSION AMÉRICAINE

Il en va de même en matière d’embargos. Les Etats-Unis financent leurs déficits aux frais de la planète et utilisent de surcroît la prétendue « monnaie universelle » comme la courroie de transmission de toutes leurs politiques, voire de leurs aversions (Cuba, etc.), qu’ils imposent au reste de la planète. Un embargo est fait pour interdire les contacts entre deux économies : Washington, par ce qui relève d’un véritable détournement de pouvoir international, utilise l’embargo pour empêcher les contacts entre les économies des tiers et celles de ses ennemis. C’est ce qu’ils reprochaient à l’Angleterre de leur faire subir durant la guerre de 1812.

Jour funèbre parce que, quelle que soit la dette de 1944, c’est une autre forme d’occupation que nous voyons se développer. Les moyens de la puissance sont plus subtils à Washington qu’à Moscou (l’économie et non les territoires), mais la finalité n’est pas la défense d’un backyard(« arrière-cour »), somme toute pluriséculaire (l’Ukraine), mais une sorte d’empire universel façon Habsbourg : Americae est imperare orbi universo (« la destinée de l’Amérique est de diriger le monde »).

Funèbre aussi parce que l’Europe n’a pas de Richelieu. Depuis une décennie que ce terrorisme a commencé, pas un homme politique européen n’a élevé la voix. L’Union européenne et la France, sous ses ministres successifs des affaires étrangères, en ont au contraire rajouté sur Washington. Là où la législation américaine laisse au président la flexibilité requise pour accorder des exemptions à tous les entrepreneurs américains qui veulent exporter à Cuba ou en Iran, l’Europe, tombée dans le piège, durcit les embargos à qui mieux mieux, et n’a pas jugé utile d’incorporer cette indispensable soupape de sécurité à son dispositif. Les exportations américaines vers l’Iran n’ont donc cessé de croître tandis que Washington obligeait les Européens à couper les relations économiques et financières avec ce grand pays.

DANS L’AFFAIRE BNP PARIBAS, PARIS TEND L’AUTRE JOUE

Ce qui vient de se passer sonne à terme le glas de l’universalité du dollar. Nous en sommes cependant encore loin et l’urgence du moment est de rappeler les Etats-Unis, au besoin fermement, à la raison. A cet égard, le traitement politique de l’affaire BNP Paribas a donné le spectacle de tout ce qu’il ne fallait pas faire.

Se réveillant au dernier moment (c’était il y a des années qu’il fallait agir), les autorités françaises ont enfourché le mauvais cheval, appelant à la modération, là où c’est pour le principe qu’il fallait se battre. Comment un président des Etats-Unis aussi indifférent à l’Europe que Barack Obama aurait-il senti une contrainte là où le président François Hollande a pu l’entendre, à Washington, menacer les entreprises françaises prospectant l’Iran sans élever la moindre protestation ?

Pis, la France, tendant l’autre joue, a dans l’affaire BNP Paribas mis ses moyens judiciaires à la disposition des Etats-Unis, là où la nature politique des poursuites lui aurait permis de ne pas le faire. Bruxelles, où les Etats-Unis ont compris que le droit est un instrument de pouvoir, a négocié des traités d’entraide empreints d’angélisme et dont les Américains ne conçoivent du reste le fonctionnement qu’à sens unique. Il faut remettre en question ces traités. Il faut se mettre en situation de rendre coup pour coup.

Mais au-delà de la riposte que Washington rend hélas inévitable, c’est aussi notre droit international qu’il faut revoir. Un droit, celui des années 1920 (c’est l’arrêt Lotus), qui laisse chaque Etat libre de définir comme il l’entend sa compétence pénale internationale et de l’asseoir sur le rattachement le plus infime, n’est plus adapté à un monde globalisé où, par les circuits swift ou par Internet, tout transite en permanence à travers les frontières.

Mais, de toute façon, l’essentiel est acquis. Les Etats-Unis viennent de choisir la voie juridique pour annoncer au monde que, dans leur gestion du dollar, ils renonçaient à la priorité « monnaie de transaction internationale assurant la sécurité des opérations de tous ceux qui l’utilisent » au profit de la priorité « monnaie américaine au service des intérêts géopolitiques des Etats-Unis ». Plus de cent nations ont là de quoi s’inquiéter.

Il est donc de toute première urgence de trouver un substitut, une monnaie internationale de transaction garantissant la sécurité absolue de tous les opérateurs qui l’utilisent. Le franc suisse est trop petit, le yen est disqualifié par la crise japonaise. Le yuan chinois n’est manifestement pas prêt. Il n’en est qu’une de possible, l’euro. Il peut jouer ce rôle. Il doit le jouer, c’est une urgence et une nécessité absolues. Il ne le peut que s’il est couvert et garanti par les autorités de l’Union. Ce sera la première tâche de Jean-Claude Juncker et d’Herman Van Rompuy que d’ouvrir ce chantier.

Mais la City est tellement l’alliée de Wall Street dans ces affaires que ce ne sera possible que si la Grande-Bretagne est partie…

Source : Le Monde

Mark Roe

C’est un professeur de droit financier et de gouvernance d’entreprise d’Harvard – qui donne le fin mot de l’histoire avec Brio :

Pourquoi s’en prend-on à BNP Paribas ?

CAMBRIDGE – Aux yeux des Européens avec qui je parle, l’amende de 8,9 milliards de dollars imposée à la société de services financiers française BNP Paribas pour avoir violé les sanctions américaines contre Cuba, l’Iran et le Soudan semble excessive. Certes, BNP a fait quelque chose de grave. Mais 8,9 milliards de dollar ? N’est-ce pas extrêmement disproportionné pour une banque par ailleurs très responsable ? Le président français François Hollande a demandé au président américain Barack Obama d’intervenir en vue d’une réduction de l’amende, tout comme le commissaire de l’Union européenne pour le marché intérieur et les services, Michel Barnier.

L’amende est en effet beaucoup plus élevée que celles imposées précédemment. Il n’est pas neuf que de lourdes amendes existent pour des violations de commerce de devises (HSBC, par exemple, a été frappée d’une amende de 1,9 milliards de dollars en 2012); mais une amende de près de 10 milliards de dollars est du jamais vu.

Trois facteurs, qui ne sont pas tous présents dans les discussions actuelles, semblent expliquer la taille de la peine. Tout d’abord, l’infraction de BNP faisait partie d’un modèle de comportement délibéré et répété. Deuxièmement, le règlement est intervenu à un moment où les autorités américaines faisaient face à de vives critiques pour avoir été trop mou face aux grandes banques pendant et après la crise financière de 2008. Enfin, et de manière plus spéculative, l’effort des États-Unis pour faire de la finance un outil de politique étrangère plus efficace aurait pu influencer le traitement réservé à la BNP.

Concernant le premier point, les hommes et femmes d’affaires européens ainsi que les médias doivent apprécier pleinement la manière de penser des procureurs américains en charge des crimes financiers. Une fois que l’enquête montre clairement que des actes répréhensibles ont eu lieu, les autorités s’attendent à ce que les auteurs avouent leurs méfaits, coopèrent et restructurent l’entreprise pour s’assurer que les infractions ne se reproduisent pas. Or, BNP a poursuivi les opérations interdites et sciemment cherché à brouiller les pistes. La documentation des transferts était régulièrement dépouillée de détails clés tels que la destination des transferts électroniques, de sorte que l’opération soit plus difficile à enquêter et moins susceptible de fournir des preuves de malversation.

Dans les procédures pénales contre des entreprises américaines, la firme américaine ciblée demande souvent à un personnage important – un ancien procureur ou juge – d’étudier le comportement et les personnes impliqués et de faire rapport au conseil d’administration de l’entreprise. Le dernier exemple de cette pratique dans l’actualité récente est General Motors, qui a embauché Anton Valukas, un ancien procureur de premier plan qui a examiné et fait rapport sur les agissements de l’ex-banque d’investissement Lehman Brothers à la cour des faillites. La tâche de Valukas pour GM était d’enquêter et de faire rapport sur les commutateurs d’allumage défectueux de la société, qui ont été liés à 13 décès.

En général, l’entreprise ciblée licencie ensuite les malfaiteurs les plus flagrants et met en place une gestion des systèmes de contrôle pour réduire le risque que des problèmes similaires se reproduisent à l’avenir. Certes, il est possible que l’enquête interprète les aspects ambigus de la manière la plus favorable à l’organisation et sa direction, mais il est entendu que l’enquête permettra effectivement de mettre à jour les problèmes principaux et de conduire à des réformes efficaces.

Certains pourraient voir cette façon de procéder comme du moralisme, bien qu’elle résulte en partie d’une politique d’économie des procureurs face au manque d’effectifs et de financement. L’entreprise incriminée paie pour sa propre enquête. BNP ne semblait pas mettre en œuvre tout cela avec brio ; son enquête n’a pas été à la hauteur des efforts faits, par exemple, par GM. Elle n’a pas empêché les infractions ultérieures grâce à la mise en œuvre de contrôles efficaces pour détecter les problèmes.

Le deuxième facteur est que le cas de BNP a culminé à un moment où les procureurs américains étaient accusés de traiter les banques comme « trop importantes pour mettre en prison », de peur que pousser des accusations à leur encontre les affaiblirait trop et porterait donc atteinte à l’économie réelle. BNP est simplement l’une des prochaines banques en lice pour faire face à des poursuites et s’est donc retrouvée dans le collimateur des procureurs.

BNP a bien tenté de faire pression sur les autorités européennes pour plaider un argument de type « trop importante pour être mise en prison » face aux autorités américaines. Et les autorités européennes se sont effectivement lancées dans un plaidoyer, faisant valoir que l’énorme amende paralyserait BNP ; cela n’a pas fonctionné.

Enfin, gardez à l’esprit que l’affaire a coïncidé avec la crise en Ukraine et ailleurs, où la plus grande mesure coercitive menée par les États-Unis a été des sanctions financières et économiques sur la Russie, dont les plus importantes sont encore l’objet de menaces. Rappelons les transgressions de la BNP : les Etats-Unis interdisent toute transaction financière avec le Soudan, l’Iran et Cuba pour les banques qui ont touché le sol américain (ou le dollar américain) dans leurs relations. La plupart des banques ont respecté cet interdit. Ce n’est pas le cas de BNP, qui a réalisé des opérations secrètes impliquant les trois pays.

À une époque où les États-Unis sont réticents ou incapables d’utiliser la puissance militaire pour soutenir ses objectifs de politique étrangère, le pays cherche à utiliser la puissance financière comme substitut. L’effort pourrait induire une contre-réaction financière à l’avenir, mais les problèmes de BNP ont émergé lorsque l’imposition de sanctions efficaces était ce préoccupait le plus les décideurs – et, on s’en doute, était également présent à l’esprit des procureurs.

Si les États-Unis entendent faire de leur arsenal financier un outil efficace de politique étrangère, les grandes banques ne peuvent allègrement continuer à faire ce que les autorités américaines ont interdit. Il suffirait de seulement quelques banques non conformes pour rendre les sanctions financières inefficaces. Et il est difficile de détecter quelles sont les banques qui ne respectent pas les règles et dans quelle mesure.

Par conséquent, quand un mécréant est découvert, les autorités de contrôle frappent dur, pour signaler aux autres que, même si elles pourraient ne pas se faire prendre, les sanctions financières dépassent largement les avantages limités de désobéir aux édits de politique étrangère du gouvernement. Ce mouvement général pour l’application des peines – des peines plus sévères pour tenir compte des difficultés de détection – est un changement dans les pratiques de poursuites judiciaires qui est en train de devenir la norme aux États-Unis et dans le monde.

Ainsi, les critiques européens de l’amende infligée à BNP Paribas ont raison de souligner son caractère disproportionné. Ce qu’ils oublient, c’est que c’est précisément l’objectif.

Source : Project Syndicate

Source: http://www.les-crises.fr/bnp-les-declarations-ridicules/


[Juste sanction d'un scandale] Comment la BNP est devenue la banque centrale du régime génocidaire du Soudan…

Thursday 10 July 2014 at 03:56

Les réactions à l’affaire de l’amende de 8,8 Md$ (6,6 Md€) ayant frappé BNP Paribas ont souvent été vives.

Beaucoup ont pointé l’impérialisme financier américain, allant même jusqu’à juger scandaleux que BPN soit sanctionnée pour avoir “simplement” utilisé des dollars, alors qu’il n’y a pas de sanctions européennes (ou qu’elles sont très limitées) contre Cuba (scandaleux celui-là), l’Iran et le Soudan.

On peut d’ailleurs se demander pourquoi l’Europe n’a pas sanctionné comme les USA le régime génocidaire du Soudan… (lire ce billet)

On a bien raison de déplorer le poids du dollar, le manque d’une monnaie veritablement internationale, l’impérialisme américain, etc.

MAIS il ne faut pas tout mélanger… Et avoir raison sur ces points et ne pas vouloir blanchir pour autant BNP…

Comme vous l’avez noté, je n’avais pas encore traité ce sujet – il ne faut jamais trop se précipiter en ce domaine.

En effet, connaissant les banquiers et la justice américaine, je me doutais bien qu’il y avait probablement “du lourd” dans ce dossier, et un peu plus solide que simplement “sanctionnons les Français à causes de ventes des frégates Mistral à la Russie”… Je rappelle qu’ABN AMRO a été sanctionné pour les mêmes faits en 2005 (certes, pour des montants bien moindres) et qu’une enquête est en cours pour les même faits, visant Commerzbank, Deutsche Bank, Crédit agricole, la Société générale et UniCredit… Et, sur un autre sujet cette fois, JP Morgan a payé 20 Md$ d’amende en 2013

Le dossier BNP est finalement sorti la semaine dernière, et il n’est pas piqué des hannetons…

Alors, comme Les faits sont têtus :) ), voici l’exposé des faits (n’hésitez pas à le télécharger pour l’imprimer et le diffuser largement) :

Amende BNP : L’exposé des faits publié par les-crises

(Vous avez le dossier complet avec toutes les pièces originales ici)

Et qu’apprend-on ?

Que BNP et ses filiales ont violé les embargos financiers américains contre le Soudan, Cuba et l’Iran, pour un total de 8,8 milliards de dollars de transactions, dont voici le détail :

L’amende de 8,8 Md$ se scinde donc en 6,4 à propos du Soudan, 1,7 Cuba et 0,7 l’Iran.

On voit donc que près de 75 % de l’amende concerne le Soudan – et son gouvernement génocidaire, dont le président en exercice est recherché par la Cour Pénale Internationale… Il semble que BNP ait demandé que le mot génocide ne figure pas dans le document…

Et qu’indique le rapport ? – que nous allons résumer…

Moyens et Méthodes de l’entente illégale

16. Parmi les moyens et les méthodes utilisées par BNPP et ses complices pour mettre en œuvre l’entente illégale, on dénombre les suivants : 

                        a.         BNPP a intentionnellement utilisé une méthode opaque pour ses messages de paiement, connus sous le nom de paiement de couverture, et ce dans le but de masquer l’implication des Entités Sanctionnées dans les transactions en dollars US opérées par la BNPP New York et par d’autres institutions financières aux États Unis.

                        b.         BNPP a travaillé avec d’autres institutions financières pour mettre en œuvre des modes de paiement très complexes, sans aucun but légitime, et avec pour objectif de cacher l’implication des Entités Sanctionnées afin que les transactions illégales ne soient pas bloquées pendant leur parcours aux États-Unis.

                        c.         BNPP a demandé à ses complices de ne pas mentionner le nom des Entités Sanctionnées par les États-Unis sur les messages de paiement envoyés à BNPP New York ainsi qu’à d’autres organismes financiers aux États-Unis.

                        d.         BNPP a suivi les instructions données par les Entités Sanctionnées complices pour que leurs noms ne figurent pas dans les messages de paiement destinés à BNPP New York ou à d’autres organismes financiers aux États-Unis.

                        e.         BNPP a retiré les identifiants des Entités Sanctionnées dans les messages de paiement en dollars US, afin de cacher l’implication des Entités Sanctionnées à BNPP New York et à d’autres organisations financières aux États-Unis.

Je rappelle que cet exposé se termine par un aveu de BNPP :

Après consultation de son avocat et conformément à l’accord sur le plaidoyer passé ce jour entre l’inculpé, la BNPP, et les États-Unis, je soussigné, représentant officiel de la Société désigné par le Conseil d’Administration de la BNPP, affirme par la présente que l’Exposé des Faits ci-dessus est véritable et exact, et que, si la cause était passée en jugement, les États-Unis en auraient fourni la preuve au-delà de tout doute raisonnable.

Concernant plus spécifiquement le Soudan :

18.       BNPP a effectué des transactions avec ces Entités Sanctionnées et contourné l’embargo américain grâce à diverses méthodes. Une de ces méthodes, qui a permis à BNPP de gérer ou de financer des lettres de crédit d’un montant de plusieurs milliards de dollars US pour des organisations soudanaises, consistait à délibérément omettre toute référence au Soudan dans les messages accompagnant ces transactions pour empêcher qu’elles ne soient bloquées lorsqu’elles circulaient aux États-Unis. Une autre méthode, décrite plus en détail ci-dessous, consistait à effectuer des transactions illicites par le biais de «banques satellites» non liées à BNPP, d’une façon qui permettait à BNPP de dissimuler l’implication des Entités Sanctionnées dans les transactions en dollars US. Du fait des agissements de BNPP, le gouvernement du Soudan, plusieurs banques liées à ce gouvernement ainsi que des SDN ont eu accès au système financier américain et ont pu effectuer des opérations pour un montant total de plusieurs milliards de dollars US, affaiblissant ainsi de façon importante l’embargo américain.

Importance cruciale du rôle de BNPP dans l’économie soudanaise et dans l’accès au système financier américain fourni au Soudan.

19.       En 1997, peu de temps après l’imposition des sanctions américaines contre le Soudan, BNPP Genève accepta de devenir le seul correspondant bancaire en Europe de la Banque Soudanaise n°1 [...] La Banque Soudanaise n°1 demanda ensuite à toutes les grandes banques commerciales implantées au Soudan d’utiliser BNPP Genève comme leur correspondant bancaire principal en Europe. En conséquence de quoi toutes les banques soudanaises (ou presque toutes) avaient des comptes libellés en dollars US auprès de BNPP Genève. Outre le fait de procéder aux transactions en dollars US, BNPP Genève développa à partir de l’an 2000 un commerce de lettres de crédit pour les banques soudanaises. En raison de son rôle dans le financement des exportations de pétrole soudanais, BNPP Genève joua un rôle clé dans le commerce international du Soudan. En 2006, les lettres de crédit gérées par BNPP Genève représentaient environ un quart des exportations et un cinquième des importations du Soudan. Plus de 90 % de ces lettres de crédit étaient libellées en dollars US. De surcroît les dépôts de la Banque Soudanaise n°1 à BNPP Genève représentaient environ 50% des réserves de change du Soudan à cette époque.

Cela revient à dire que BNPP Genève jouait en quelque sorte le rôle de Banque Centrale soudanaise pour l’Europe…

Bien entendu, les salariés le savaient :

20.       Le rôle central de BNPP dans la fourniture aux institutions financières soudanaises d’un accès au système financier américain, en dépit du soutien apporté par le gouvernement soudanais au terrorisme et malgré les violations des droits de l’homme qu’il commettait, était connu des salariés de BNPP. [...]  En mars 2007, un autre responsable conformité de haut niveau de BNPP rappela à des employés juristes et responsables conformité également de haut niveau que certaines des banques soudanaises en affaire avec BNPP « jouaient un rôle central dans le maintien au pouvoir du gouvernement soudanais… qui a donné asile à Oussama Ben Laden et refuse toute intervention de l’ONU au Darfour ». Quelques mois plus tard, en mai 2007, un cadre exécutif de BNPP responsable de la conformité sur toutes les succursales de BNPP prévint dans un mémorandum que «dans un contexte où la communauté internationale exerce une pression pour mettre fin à la situation dramatique au Darfour, personne ne comprendrait que BNPP poursuive ses activités (au Soudan), ce qui pourrait être interprété comme un soutien aux dirigeants du pays ».

Contrairement à ce qui a été dit, ces transactions passaient bien par les États-Unis (ôtant tout argument d’extraterritorialité…) – et pas seulement pour la compensation :

22.       Pour éviter que ses transactions soient identifiées et bloquées par des banques américaines, BNPP se mit d’accord avec les Entités Sanctionnées dès 2002 et jusqu’en 2007 pour ne pas mentionner leurs noms dans les transactions en dollars US effectuées aux États-Unis. Ainsi, lorsqu’elles effectuaient des transactions en dollars US avec BNPP, les Entités Sanctionnées demandaient à BNPP de ne pas mentionner leurs noms dans les messages accompagnant les virements, ce que BNPP accepta volontiers. Dans plusieurs cas, les instructions faisaient une référence explicite à l’embargo américain. Par exemple: « en raison de l’embargo américain contre le Soudan, veuillez [débiter notre compte en dollars US] sans mentionner notre nom dans votre ordre de paiement » et « transférez la somme de 900 000 dollars US … sans mentionner notre nom – je répète sans mentionner notre nom dans le code d’identification bancaire aux États-Unis ». Ces messages de paiement portaient fréquemment des tampons de salariés de BNPP marqués « ATTENTION : EMBARGO AMERICAIN ». Parfois des employés du Front office de BNPP demandaient à des employés du Back office procédant aux transactions avec les Entités Sanctionnées soudanaises d’ôter toute référence au Soudan. « ! Paiement en $ [Banque Française 1] sans mentionner le nom du Soudan dans le message adressé à New York !!!». D’ailleurs jusqu’en 2004, la règle interne officielle de BNPP pour procéder aux règlements avec le Soudan indiquait : « Ne mentionner en aucun cas le nom des entités soudanaises dans les messages transmis aux banques américaines ou aux banques étrangères établies aux États-Unis ».

BNPP utilisait aussi des “banques satellites” prêtes-nom pour camoufler les transactions…

26.       Le personnel de BNPP en charge de la conformité était également au courant de l’usage par BNPP de banques satellites afin d’effectuer des transactions avec des Entités Sanctionnées. Par exemple, un rapport de conformité décrivait le mode opératoire comme suit : La principale activité de certains clients de BNPP est de domicilier des flux en dollars US sur nos livres comptables pour le compte de banques soudanaises. Ces dispositions ont été mises en place dans le contexte de l’embargo américain contre le Soudan… Les comptes de ces banques ont été ouverts dans le but de « faciliter des transferts de fonds en dollars US pour les banques soudanaises. »

Bien entendu, de très hauts dirigeants étaient au courant :

Dès 2003 par exemple, après une visite à Genève, un cadre supérieur du département de conformité de BNPP Paris expliqua aux cadres exécutifs de BNPP CIB à Paris que BNPP Genève employait de manière régulière une méthode de paiement de couverture qui omettait les noms d’Entités Sanctionnées dans les messages de paiement en dollars US pour éviter que les transactions soient découvertes aux États-Unis. Le cadre supérieur en charge de la conformité observait que « en pratique, de multiples façons, les en-têtes des messages semblent avoir été modifiés à Genève. »

Les Américains, pas chiens, ont prévenu BNPP en 2004, qui a accepté de se conformer aux demandes :

En réponse aux enquêtes des régulateurs, en septembre 2004, BNPP a accepté de conclure un Protocole d’Accord (Memorandum of Understanding ou « MOU »), avec le FRB-NY et le DFS, protocole qui exigeait, entre autres choses, que BNPP New York améliore son système de mise en conformité avec les lois américaines sur les sanctions et le secret bancaire.

À peine signé, déjà contourné :

Peu de temps après que BNPP ait appliqué le MOU, deux cadres exécutifs de BNPP Paris et de BNPP Genève se sont rencontrés à Genève afin de discuter la manière dont “les embargos imposés à des pays sensibles (Soudan, Lybie, Syrie…)” affectaient les modèles stratégiques et opérationnels de BNPP pour ces pays sensibles. Lors de cette rencontre, les cadres présents décidèrent de procéder aux transactions concernant les pays visés par les sanctions américaines par l’intermédiaire d’un établissement non affilié aux États-Unis (“Banque U.S. 1″). À l’issue de cette réunion, les employés de BNPP Genève ont reçu la consigne de procéder aux paiements en dollars US impliquant des Entités Sanctionnées, par l’intermédiaire de Banque U.S. 1 en lieu et place de la BNPP New York.

Avec la complicité de Paris :

Lors des mois et des années qui suivirent la décision d’utiliser Banque U.S. 1 par BNPP en tant que principal moyen d’exécution des transactions en dollars US avec des Entités Sanctionnées, l’autorité de surveillance de BNPP ainsi que son personnel juridique se rendirent compte à plusieurs reprises de la responsabilité de BNPP dans le contournement des sanctions américaines imposées au Soudan, mais continuèrent néanmoins à autoriser les transactions en cause, principalement en raison du fait de leur importance pour les bonnes relations et intérêts économiques de BNPP au Soudan. En juillet 2005 par exemple, un employé de BNPP Genève remarquait que les cadres supérieurs de BNPP connaissaient et soutenaient les transactions impliquant le Soudan : «  La direction générale de la CIB nous a encouragés à suivre le modèle (de la banque satellite)… Le fonctionnement intégral de ce mécanisme se fait en coordination avec les mécanismes de conformité de la CIB et de l’ECEP… Je considère de la plus haute importance le maintien de ces comptes s’agissant de notre stratégie et de nos intérêts économiques au Soudan ». Vers la fin de 2005, un cadre de l’unité de conformité de Paris écrivait un mémo soulignant l’importance des affaires économiques de BNPP Genève avec le Soudan.

Comme souvent, les salariés honnêtes étaient rabroués :

En plusieurs occasions, les cadres du service de conformité et du service juridique exprimèrent des inquiétudes quant aux relations d’affaires maintenues avec les Entités Sanctionnées soudanaises, mais furent rabroués. À titre d’exemple, en août 2005, un cadre supérieur de l’unité de conformité de BNPP Genève exprimait des préoccupations au sujet de l’utilisation de banques satellites et mettait l’accent sur la nature inhabituelle de ces opérations étant donné que BNPP Genève n’offrait habituellement pas de services de correspondance bancaire. Dans un courriel envoyé au personnel juridique, opérationnel et de conformité de BNPP Genève, le cadre supérieur prévint : « Selon moi, nous avons un certain nombre de banques arabes (neuf sont identifiées) dans nos livres qui procèdent exclusivement à des transactions de transfert en dollars US pour des banques soudanaises… Cette pratique signifie clairement que nous contournons l’embargo américain sur les transactions en dollars US contre le Soudan. » Répondant à un autre courriel faisant état de préoccupations similaires, un cadre de Genève expliqua que ces transactions recevaient « l’appui inconditionnel » de la Direction de BNPP Paris : Je constate que certaines questions reviennent sur le tapis concernant notre manière d’effectuer ces transactions. Je me souviens lorsque vous m’avez fait rencontrer le Ministre des Finances du Soudan ainsi que le Président de la (Banque gouvernementale soudanaise 1), il avait été remarqué que toute activité économique, soit dit en passant, était conduite à la satisfaction du Ministre et du Président, et que les méthodes utilisées recevaient l’appui inconditionnel de la Direction Générale à Paris.

33.       En septembre 2005, les agents seniors de conformité de BNPP Genève ont organisé une rencontre des cadres dirigeants de BNPP pour « faire remonter, au plus haut niveau de la banque, les réserves émises par les services de conformité suisses concernant les transactions réalisées avec (et pour) les clients soudanais ». De nombreux cadres/dirigeants de BNPP Paris et Genève ont participé au meeting au cours duquel un dirigeant de BNPP Paris a écarté les préoccupations des agents de conformité et a demandé à ce qu’aucun compte-rendu de la réunion ne soit fait.

Dès 2006, BNPP n’a plus la moindre excuse quant à la compréhension du sujet :

En mai 2006, BNPP reçut un avis juridique supplémentaire d’un cabinet juridique américain (« U.S Law Firm 2 »), lequel avertissait en particulier BNPP qu’en cas d’omission d’informations d’identification pertinentes dans le cas de paiement en dollars US ayant pour but d’éviter des sanctions économiques, BNPP pourrait s’exposer à différentes lois anti-criminalité américaines. En mars et juin 2006, BNPP reçu deux avis juridiques supplémentaires de U.S. Law firm 1, informant BNPP que (a) une sanction américaine pourrait s’appliquer même si les transactions étaient réalisées via Banque US 1 au lieu de BNPP New York, et que (b) les autorités américaines étaient particulièrement attentives à l’utilisation de « paiements de couverture » par des banques étrangères qui omettaient de fournir tous les détails sur la nature des transactions, et conseilla à BNPP de « s’assurer de mettre en œuvre des procédures adéquates de surveillance contre tout abus de transactions, pouvant mener les opérations de BNPP aux USA à être considérées comme des transactions interdites et passibles de sanctions ».

Mais les affaires continuèrent :

37.       BNPP continua d’effectuer des transactions avec des Entités Sanctionnées soudanaises – en étant parfaitement informée que ces pratiques violaient les lois américaines – car ces affaires étaient profitables et parce que BNPP Genève ne voulait pas compromettre ses relations avec ses clients soudanais de longue date. Par exemple, au cours de la réunion du Comité de Crédit de BNPP en date de juillet 2006, les membres senior du service conformité de BNPP ont demandé la poursuite des transactions, malgré un souci sur le rôle de la BNP dans la réalisation de transactions en dollars US avec des Entités Sanctionnées soudanaises. Un courriel résumant cette rencontre expliqua que ”la relation avec ce client a une longue histoire et que les enjeux d’ordre commercial sont significatifs.”

En novembre 2006, trois employés de BNPP Genève écrivirent une note de service qui expliquait : « l’activité de « maquillage » des transactions en dollars US de nos collaborateurs…est d’une grande importance concernant la poursuite de nos activités au Soudan… L’importance fondamentale de ces comptes (de banques satellites) tient dans le fait qu’elles nous permettent de recevoir des fonds rentrant des banques soudanaises pour couvrir leurs transactions commerciales dans nos livres de compte… De plus… nous maintenons des relations commerciales avec les banques (satellites) qui offrent un potentiel commercial important, pas uniquement avec le Soudan ». En février 2007, un cadre dirigeant senior du service de conformité de BNPP a reconnu plus spécifiquement l’importance des affaires de BNPP Genève avec le Soudan : Pendant plusieurs années, le Soudan a été une des sources principales d’affaires pour BNPP Genève, avec des transactions comme les dépôts de placements et investissements. L’existence d’un bureau dédié à cette région, GC8, au sein duquel le Soudan est un des plus gros clients, les relations développées avec les responsables des institutions financières soudanaises ainsi que les opérations courantes ont généré au cours du temps un important flux d’affaires, aujourd’hui source de revenus récurrents.

En conclusion :

41.       La volonté de BNPP de faire des affaires en dollars US avec le Soudan a affaibli considérablement l’embargo américain et a fourni au gouvernement soudanais et aux banques soudanaises un accès au système financier américain qu’ils n’auraient pas eu autrement. Même après juillet 2006, quand il devint clair pour BNPP que ses transactions en dollars US avec des Entités Sanctionnées étaient illégales, et que les lois américaines s’appliquaient bien à ces activités de BNPP, celle-ci continua d’effectuer des transactions en dollars US avec des Entités Sanctionnées soudanaises pendant encore une année supplémentaire environ. Ce n’est qu’après le lancement d’une enquête par l’OFAC au printemps 2007 sur les transactions soudanaises que BNPP cessa ces activités. De juillet 2006 jusqu’à juin 2007 quand BNPP cessa ses activités soudanaises, BNPP a effectué en pleine connaissance de cause, intentionnellement et délibérément des transactions illégales pour un montant total d’approximativement 6,4 milliards de dollars US avec le Soudan.

Le contournement des sanctions américaines est passible d’une amende du double des sommes. En l’espèce, l’ammende a été de 100 % des sommes – et ne portait que sur une seule année de contournement ! Alors que le trafic a duré 10 ans, et que BNPP  a bien dû faire passer 30 à 80 Md$ sur la période…

Il en a été de même pour les sanctions contre l’Iran et contre Cuba. On retrouve a peu près le même schéma, avec les mêmes alertes :

Le 6 mars 2006, U.S. Law Firm 1 répondit par un mémorandum que non seulement les transactions violaient les sanctions américaines, qu’elles soient traitées par BNPP New York ou Banque US 1 mais également que : « le risque de graves sanctions légales … est tel que BNP Paribas devrait envisager de cesser toute participation à de telles facilités en dollars US ». Un avocat de BNPP Paris (« Avocat Junior BNPP Paris») dépendant du responsable juridique de BNPP Paris transmit le mémorandum à un cadre de l’unité conformité du CIB, et fut réprimandé par son supérieur. [....]

Le responsable conformité a répondu à l’employé de l’ECEP et à d’autres cadres de l’ECEP à BNPP Paris avec un avertissement clair : « Ces transactions nous obligent à obscurcir l’information concernant la procédure de transaction à BNPP New York, et représente une position avec laquelle BNPP n’est pas sereine et comporte, bien sûr, un risque de préjudice à son image et, potentiellement, un risque de représailles des autorités américaines si ce comportement venait à être découvert

Bien sûr, il aurait suffit de changer de devise, si les contreparties n’étaient pas aux États-Unis, mais cela coûtait de l’argent… :

L’expert juridique a conclu que «la transparence totale n’est pas possible actuellement” à l’égard de Cuba parce que les « Facilités de Crédit Cubaines » restaient libellés en dollars US, et que « changer de devise de paiement au cours de transactions avec un groupe de participants serait long et coûteux. » [...]

Depuis la fin 2006, le personnel juridique de BNPP Paris a cherché à convaincre les employés de la branche ECEP de convertir les Facilités de Crédit Cubaines en dollars US en Euro ou une autre devise. [...] « si l’unité de conformité doit être totalement transparente à l’égard des autorités américaines, la devise de cette facilité de crédit devra être changée… Cette option pourrait déclencher un processus coûteux de négociations avec les banques et les emprunteurs, et l’ECEP n’aura plus le contrôle total du résultat : Notre décision de nous conformer aux règles de l’OFAC est de peu d’importance pour les autres parties. » La note de service concluait que « compte tenu de son caractère marginal, nous suggérons que cette facilité de crédit soit passée sous silence, bénéficie d’une discrétion totale et soit remboursée par virements internes ».  

Enfin, ce qu’a beaucoup reproché le gouvernement est le manque de bonne volonté de BNPP :

Bien qu’elle ait reçu en 2006 communication d’avis juridiques identifiant des conduites susceptibles de violer les sanctions, ainsi que d’une notification identique portant sur leur légalité à la fin de l’année 2009, et qu’elle ait commencé ses recherches en interne au début de 2010, la BNPP n’a pas transmis au Gouvernement de documents significatifs en provenance de BNPP Genève avant mai 2013, et ces documents étaient lourdement censurés du fait de la législation suisse sur le secret bancaire. Le délai mis en œuvre par la BNPP pour fournir ces documents a eu des conséquences significatives sur la capacité du Gouvernement à déposer des accusations contre les individus responsables, les entités soudanaises soumises à sanctions et les banques satellites.

D’où la sanction sévère, mais juste

Si la banque française paie le prix fort, c’est parce qu’« elle s’est donné beaucoup de mal pour dissimuler des transactions prohibées, en effacer des traces et tromper les autorités américaines », a jugé Eric Holder, le procureur général des Etats-Unis.

Ce n’est après tout qu’une année de profits, et moins de 10 % des fonds propres… Et c’est la (saine) politique des USA de sanctionner durement pour dissuader les entreprises.

Alors c’est sûr que ça sureprend en France, où l’AMF a infligé une “amende record de 4 millions d’euros” à la Société Générale à propos de ses graves lacunes de contrôle dans l’affaire Kerviel – terrifiant…

Laissons la parole au procureur général adjoint des États-Unis :

Les décisions des entreprises ont des conséquences. C’est vrai pour une PME comme pour un conglomérat multinational ; c’est vrai pour une entreprise américaine ou étrangère. Les entreprises qui se livrent à de mauvais comportements généralisés sur une période de temps prolongée, en violation de la loi américaine, en paieront un prix considérable. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui, en raison des choix que BNP a fait maintes et maintes fois – en décidant d’agir comme la banque centrale de facto du gouvernement du Soudan et d’aider d’autres régimes sanctionnés à traîner les pieds après que le ministère de la Justice l’ait alerté sur le fait que leur comportement illégal était sous enquête.

Une véritable coopération aurait pu réduire ce prix. Mais il aurait fallu que la coopération soit pleine et entière. Cela signifie dénoncer la conduite illégale dès que la société la découvre, sécuriser et fournir des documents complets et exhaustifs rapidement, mener une enquête interne vigoureuse et en présenter des résultats rapidement, identifier les personnes impliquées dans l’activité illicite, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, y compris les hauts-dirigeants, et prendre rapidement des mesures pour corriger les problèmes, y compris en sanctionnant les employés responsables.

Ce n’est pas ce que BNP a fait.

Elle a ignoré les sanctions américaines puis a caché ses traces. Et lorsqu’elle est a été contactée par les enquêteurs, elle a choisi de ne pas coopérer pleinement.” [James M. Cole, procureur général adjoint des États-Unis, www.justice.gov]

Épilogue : bien entendu, tout le monde essaie de respecter le 11e commandement : “jamais banquier tu ne sanctionneras”.

Pourtant, on aurait pu penser qu’avec près de 9 Md$ de pertes, des têtes allaient tomber, à commencer par celle du PDG (c’est quoi son métier, si ce n’est empêcher ça ?)…

Eh bien non, ce n’est pas dans la nature des choses…

Alors les Américains ont fait pression pour que soient sanctionnés un maximum de responsables.

Au final, 45 personnes ont été sanctionnées, allant du licenciement à la diminution de salaire ou à la rétrogradation.

On a pu apprendre que 13 personnes avaient été licenciées à l’issue des investigations :

On notera enfin que, comme d’habitude, le Conseil d’Administration n’est pas inquiété.

Je rappelle sa composition - c’est très drôle (ce sont eux qui prennent les décisions stratégiques et contrôlent la Direction !!!) :

Alors eux ils connaissent bien le métier – mais pas de bol, ce sont justement eux qu’il faut contrôler…

donc ancienne de la boite, financière, qui ne peut se griller avec BNP… Tout comme :

Sinon :

donc 3 bons patrons, mais il ne sont pas banquiers… Un industriel, un pétrolier, un assureur – qui sont un peu occupés par ailleurs…

Donc une pro de l’agriculture, des sondages, du pipeau : les 1900 Md€ de bilan sont en de bonnes mains…

Il y a aussi 2 administrateurs, représentants des salariés.

Mais je garde le meilleur pour la fin :

Ca manquait en effet d’européiste patentée pour gérer ce mammouth… German Marshall Fund of the United States qu’on a déjà rencontré sur l’Ukraine – tout boucle…

À vous de juger du profil de ces 16 administrateurs, et de leur  bonne adéquation à l’administration de la deuxième plus grosse banque européenne, ayant 50 000 Md€ d’engagements notionnels hors bilan…

Pour ma part, j’aurais désignés des anciens de l’Autorité de Contrôle, des anciens banquiers, des anciens comptables spécialisés, etc…

Je rappelle certaines de mes propositions :

(n’hésitez pas à compléter en commentaire…)

Analysons enfin les réactions, maintenant que nous maitrisons mieux le contexte…

P.S. lire aussi les excellents analyses sur le blog de Paul Jorion :)

Source: http://www.les-crises.fr/l-affaire-bnp-analyse/