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La dédollarisation s’accélère : la Russie lance une alternative au réseau SWIFT reliant 91 entités

Monday 6 April 2015 at 00:01

On voit le problème de l’hyperpuissance autodestructrice : l’Occident a un monopole important (ici sur le système permettant en gros aux banques de commercer entre elles), mais sur un sujet sans intérêt, il en joue pour menacer la Russie : conséquence, il perd évidemment son monopole (et finira éjecté) – bien joué !

On se rappelle qu’en 2013, il a été révélé pour la première fois que la NSA “contrôlait” secrètement la circulation des paiements sur SWIFT. Ceci semble avoir été pour la Russie (et d’autres) l’affaire en trop, aussi bien en ce qui concernait l’espionnage de la NSA que la domination du dollar.

L’année dernière, après que l’Angleterre eut menacé la Russie de l’exclure de SWIFT (menace avec laquelle SWIFT prit rapidement ses distances en affirmant sa “nature indépendante”), la Russie (et la Chine) ont annoncé l’existence de plans pour créer leur propre version dédollarisée. En novembre, la Russie a précisé que le lancement de l’alternative à SWIFT se situerait au mois de mai 2015 et, le mois dernier, Medvedev a mis en garde contre les “réactions illimitées” qui adviendraient si la Russie se voyait coupée du système de paiement SWIFT.

Donc la nouvelle de cette semaine selon laquelle la Russie a lancé son propre réseau alternatif à SWIFT, reliant pour commencer 91 institutions de crédit, suggère que la dédollarisation est bien plus avancée que ce à quoi beaucoup s’attendaient (en particulier, quand la Russie se débarrasse de ses bons du Trésor américain à une allure record).

Comme Sputnik News le rapporte,

Ce sont quasiment 91 institutions de crédit domestiques qui ont été incorporées au nouveau système financier russe, analogue au système SWIFT, un réseau de transactions bancaires international.

Ce nouveau service permettra aux banques russes de communiquer sans faille via la banque centrale de Russie.

Il faut noter que la banque centrale de Russie a initié le développement du système de messagerie du pays en réponse aux menaces répétées formulées par les partenaires occidentaux de Moscou de déconnecter la Russie du système SWIFT.

Après avoir rejoint le système mondial interbancaire en 1989, la Russie est devenue l’un des utilisateurs les plus actifs de SWIFT, envoyant des centaines de milliers de messages quotidiennement. En général, SWIFT fournit un réseau de communication sécurisé pour plus de dix mille institutions financières à travers le monde, autorisant des transactions de milliers de milliards de dollars américains.

Plus tôt dans le mois, le premier vice-premier ministre Igor Chouvalov avait exprimé sa confiance dans le fait que la Russie ne serait pas déconnectée de SWIFT. A son tour, la vice-présidente de la Banque Centrale de Russie a appelé les citoyens russes et les institutions financières à ne pas dramatiser la situation actuelle.

Les experts russes mettent l’accent sur le fait que les hommes d’affaires occidentaux feraient face à des pertes sévères si la Russie était exclue du système international SWIFT. D’un autre côté, le système alternatif lancé par les Russes pourrait minimiser les conséquences négatives des mesures imposées par l’Occident, y compris une éventuelle déconnexion de SWIFT, et atténuer la domination financière de l’Occident sur la Russie.

*   *   *

SWIFT est une organisation internationale basée en Belgique, qui fournit des services et un environnement standardisé aux communications bancaires dans le monde, permettant aux institutions financières d’envoyer et de recevoir des messages relatifs à leurs transactions.

L’activité centrale de SWIFT est de fournir un service sécurisé de messagerie financière communiquant les ordres de paiement à régler aux comptes des correspondants – comptes pour lesquels une institution financière donne son accord à une autre.

Le réseau est devenu un élément clé du fonctionnement du système financier russe depuis sa première utilisation par une banque en 1989.

Environ 360 000 de ces messages sont envoyés tous les jours, faisant de la Russie le deuxième utilisateur de SWIFT dans le monde, a déclaré le directeur de SWIFT en Russie, Roman Tchernov, dans une conférence tenue l’année dernière, selon RIA Novosti. Plus de 600 institutions financières russes utilisent SWIFT, qui a connu une croissance de son trafic de 40% en 2014, a-t-il déclaré.

Source : Zero Hedge, le 19/02/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/la-dedollarisation-saccelere-la-russie-lance-une-alternative-au-reseau-swift-reliant-91-entites/


Grèce : comment Tsipras a renversé la situation, par Romaric Godin

Sunday 5 April 2015 at 01:19

En agissant avec prudence et détermination, Alexis Tsipras a su contourner la stratégie du “noeud coulant” des Européens. Désormais, la pression est de nouveau sur Angela Merkel.

Et si, désormais, la pression dans l’affaire grecque s’exerçait surtout sur les… Européens ? A mesure que l’on se rapproche de la date cruciale du 9 avril, où l’Etat grec devra débourser 458 millions d’euros au FMI, on assiste en effet à un remarquable retournement. Progressivement, le gouvernement grec, en ayant su ne pas céder sous la pression de ses créanciers, retrouve une position de force qui est celle, naturelle dans les négociations de ce type, du débiteur face à son créancier et où ce dernier doit accepter les conditions du premier ou risquer de tout perdre.

La stratégie européenne

Pourtant, voici encore dix jours, lorsqu’Alexis Tsipras se rend à Berlin pour rencontrer la chancelière, la situation d’Athènes semble désespérée. Et chacun pense que le nouveau premier ministre va céder. Les Européens continuent alors à appliquer leur stratégie du « nœud coulant. » L’idée est simple : le temps joue alors, croit-on à Bruxelles, pour les créanciers. Les dépôts des banques grecques se vident, la situation économique se dégrade, la BCE peut, à tout moment, faire imploser le système bancaire grec en coupant l’accès à la liquidité d’urgence. La pression va être telle sur Alexis Tsipras que ce dernier va être contraint d’accepter les conditions de ses créanciers. Ces conditions, on en a eu confirmation mercredi dernier, sont politiques : c’est l’acceptation de « réformes » du marché du travail et des pensions qui ne sont pas urgentes sur le plan économique, mais qui permettent « d’annuler » politiquement l’essentiel du programme et du message de Syriza. C’était là l’essentiel. Tout à cette stratégie, l’Eurogroupe n’a cessé de rejeter les propositions de réformes présentées par la Grèce, quatre à ce jour. Elles n’étaient pas assez complètes, pas assez précises, pas convaincantes.

Cette stratégie européenne se fondait sur une certitude : que la Grèce refuserait de renverser la table en faisant défaut ou en envisageant la sortie de la zone euro. Certitude pas entièrement dénuée de sens puisque, avant l’accord du 20 février, le gouvernement hellénique avait fait de sérieuses concessions pour éviter la « rupture. » Mais en réalité, c’était le point faible du dispositif européen. En face, Alexis Tsipras a donc développé sa propre stratégie qui, semble-t-il aujourd’hui, porte ses fruits.

Temporiser pour renforcer sa position

La première partie de cette stratégie est la « temporisation. » Athènes a joué le jeu que les Européens voulaient lui faire jouer. Faire un peu plus de concessions chaque semaine. En février, il a abandonné son idée d’annulation d’une partie de la dette publique. Un peu plus tard, il a refusé de prendre des « mesures unilatérales », puis il a accepté à chaque refus, de venir présenter de nouvelles listes de réformes et même de mettre en place certaines privatisations. Les Européens ont compris ces mouvements comme des reculs et s’en sont félicités. Mais en réalité, ces concessions ne leur étaient pas destinées. Il s’agissait de montrer au peuple grec la volonté de son gouvernement de négocier avec l’Europe, donc son engagement sincère à demeurer dans la zone euro. Tout en ne cédant pas sur l’essentiel, autrement dit, sur ce pourquoi les Grecs (au-delà du seul vote Syriza) avaient voté : la fin de l’austérité et de « l’humiliation » du peuple grec.

Avec cette stratégie de temporisation, Alexis Tsipras donnait l’impression aux Européens qu’ils se renforçaient, alors qu’en réalité, ils s’affaiblissaient. Plus le temps passait, plus les Grecs s’exaspéraient de l’attitude européenne, et plus Alexis Tsipras devenait populaire par sa capacité à ne pas céder. Les exigences de la nouvelle troïka ressemblaient de plus en plus à celle de l’ancienne. De plus en plus, les négociations ressemblaient à une nouvelle façon de vouloir « humilier » les Grecs. Et progressivement, le mot « rupture » (rixi, ρήξη) est devenu de plus en plus dans l’air du temps en Grèce.  Le 25 mars, jour de la fête nationale, il a été prononcé par le ministre des Finances Yanis Varoufakis, en réponse à un message de soutien envoyé de la foule : « il faudra nous soutenir après la rupture », a-t-il répondu.

L’offensive feutrée

Désormais assuré de ses arrières, Alexis Tsipras a pu passer à l’offensive pour placer les Européens en difficulté. Offensive feutrée : le premier ministre sait qu’il a tout à perdre d’une confrontation frontale, où la petite Grèce serait isolée face à ses 27 « partenaires » unis dans la volonté de faire céder le gouvernement. Son but est sans doute toujours de parvenir à un accord sans rupture, aussi dément-il toutes les « fuites » et continue-t-il officiellement de croire à une entente. Il a même continué à faire preuve de bonne volonté, avec la présentation de la nouvelle liste de réformes en 26 points présentée le 1er avril. Mais il sait que pour parvenir à ses fins, il devait rééquilibrer le rapport de force entre la Grèce et ses créanciers. Et pour cela, il a envoyé des messages clairs que, désormais, la rupture devenait possible.

Le rapprochement avec Moscou

Ces messages sont de deux types. Le premier, c’est le renforcement des liens avec la Russie. Alexis Tsipras, le 31 mars, a donné le ton de sa très attendue visite à Moscou le 8 avril en affirmant que les « sanctions contre la Russie ne mènent nulle part. » C’était un désaveu de la politique orientale de Bruxelles qui avait de quoi inquiéter à la Commission. Le menace à peine dissimulée était qu’Athènes pourrait bien défendre les intérêts russes dans l’UE, particulièrement si l’UE se montrait sévère avec la Grèce… Or, un refus d’aller plus avant dans la confrontation avec la Russie de la Grèce pourrait faire sortir du bois d’autres pays peu enthousiastes à cette idée : Chypre ou la Hongrie, par exemple.

Le risque du 9 avril

Le deuxième message est plus direct : c’est celui que la Grèce préparerait désormais la rupture. Jeudi 2 avril, Reuters a publié une information officiellement démentie (évidemment) par Athènes comme quoi, lors de la réunion de travail de l’Eurogroupe (Euro working group) du 1er avril, le représentant grec aurait informé ses « partenaires » que, faute d’un accord, la Grèce ne paierait pas le FMI le 9 avril. Ce vendredi 3 avril, un article du Daily Telegraph, signé Ambrose Evans-Pritchard, généralement bien informé, affirme, de sources grecques, que le gouvernement hellénique prépare concrètement la rupture, en envisageant de prendre le contrôle des banques et d’émettre des « lettres de créances » gouvernementales ayant valeur monétaire. Ce serait évidemment une première étape vers une sortie de la zone euro.

Le temps ne joue plus pour les Européens

Dès lors, la pression s’exerce aussi sur les Européens. S’ils poursuivent leur stratégie de « nœud coulant », ils risquent gros. Certes, si la Grèce ne paie pas le FMI le 9 avril, elle ne sera pas immédiatement considérée par l’institution de Washington en défaut. Il faut un mois pour que le FMI reconnaisse qu’une « obligation est manquée. » Or, cette déclaration peut provoquer un séisme, car alors le Fonds européen de stabilité financière (FESF) devra légalement réclamer le remboursement des sommes versées à la Grèce. Ce qu’Athènes ne saurait réaliser. Le défaut grec envers ses créanciers européens sera alors effectif. La Grèce n’aura alors sans doute plus accès à la liquidité de la BCE, mais les pays de la zone euro devront accepter des pertes considérables sur les garanties accordées au FESF. Sans compter évidemment que la BCE devra également tirer un trait sur les 6,7 milliards d’euros que la Grèce doit lui rembourser cet été.

Subitement donc, la situation des Européens est moins magnifique. Et le temps ne joue plus en leur faveur. Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem ne peut plus guère dire, comme début mars, que la pression financière sur la Grèce est une bonne chose, car elle favorise les réformes. Désormais, elle pourrait bien mettre en danger les gouvernements de la zone euro. C’est précisément le but que visait Alexis Tsipras qui, sans doute, ne cherche pas réellement la rupture, mais bien plutôt un accord où il puisse imposer « ses » réformes sans passer sous les fourches caudines de la logique de l’ancienne troïka. Un prochain Euro working group est prévu pour le 8 avril, le jour de la visite d’Alexis Tsipras à Moscou et la veille de l’échéance du FMI. Les Européens devront alors désormais soigneusement peser les risques qu’ils acceptent de prendre.

La pression revient sur Angela Merkel

Comme à la veille du 20 février, Alexis Tsipras renvoie Angela Merkel à ses responsabilités. Il sait que la chancelière n’est pas prête à prendre le risque d’une sortie de la Grèce et de la zone euro et d’un défaut de ce pays sur ses engagements vis-à-vis du contribuable allemand. Ce serait politiquement très risqué. Elle a, le 20 février, désavoué clairement la stratégie de Wolfgang Schäuble qui minimisait les risques d’un Grexit et exagérait ses avantages. Peut-elle revenir en arrière alors que, dans son camp politique, la grogne contre une nouvelle aide à la Grèce prend de l’ampleur ? Toute la question est là. Alexis Tsipras a, en tout cas, placé la chancelière dans une situation difficile : ou prendre le risque politique d’un défaut grec ou prendre le risque politique d’une aide « sans réformes » à la Grèce. Choix cornélien qui va sans doute occuper la chancelière tout ce week-end de Pâques.

Tsipras Cunctator

Reste qu’Alexis Tsipras, longtemps sous-estimé par la presse étrangère, a fait preuve d’une intelligence stratégique de premier plan dans cette affaire et qui n’est pas sans rappeler celle de Fabius Cunctator, le général romain qui usa les Carthaginois victorieux d’Hannibal durant la deuxième guerre punique. Le premier ministre grec n’est certes pas assuré de remporter la victoire, mais il a prouvé qu’il était un des rares dirigeants européens à pouvoir tenir tête, sur le plan tactique, à Angela Merkel.

Source : Romaric Godin, La tribune, 3/4/2015

Source: http://www.les-crises.fr/grece-comment-tsipras-a-renverse-la-situation/


La guerre d’Ukraine : une crise des missiles cubains à l’envers, par William R. Polk

Sunday 5 April 2015 at 01:17

Guidés par une stratégie néoconservatrice agressive de “changement de régime”, les États-Unis sont tombés sur une possibilité de confrontation militaire avec la Russie à propos de l’Ukraine, une situation difficile et dangereuse qui pourrait devenir une crise des missiles cubains à l’envers, comme l’explique l’ex-diplomate US William R. Polk.
Par William R. Polk

Dans une expérience assez horrifiante datant du dix-neuvième siècle, un biologiste du nom de Heinzmann découvrit que s’il plaçait une grenouille dans de l’eau bouillante, la grenouille bondissait immédiatement pour en sortir, mais que s’il plaçait la grenouille dans de l’eau tiède et faisait progressivement monter la température, la grenouille demeurait en place jusqu’à être mortellement ébouillantée.

OB. Je précise au passage que ceci est une légende totale…

Serions-nous comme la grenouille ? Je remarque de troublants éléments de ce processus lorsque j’observe le déroulement des événements dans la confrontation en Ukraine. Ils m’effraient profondément, et je crois qu’ils devraient effrayer tout le monde. Mais ils sont si graduels que nous ne distinguons pas de moment spécifique où nous devons bondir ou périr.

En octobre 1962, les américains étaient terrifiés par les missiles soviétiques à Cuba, comme le montre cette carte d’un quotidien indiquant les distances entre les principales métropoles d’Amérique du Nord et Cuba.

Ainsi, brièvement, permettez-moi ici de décrire le processus de la crise des missiles cubains de 1962 et d’exposer comment le déroulement de cette crise peut se comparer avec ce à quoi nous faisons face aujourd’hui en Ukraine.

Il y a trois éléments qui ressortent dans la crise des missiles cubains : 1) Les relations entre l’URSS et les USA étaient déjà “au bord du précipice” avant d’atteindre le stade de crise ; chacun de nous avait un très grand nombre d’armes de destruction massive braquées sur l’autre. 2) L’URSS accéléra la crise en s’installant dans Cuba, un pays que les États-Unis considéraient comme faisant partie de sa zone d’influence depuis la doctrine de Monroe en 1823. 3) Certains militaires, des officiels, ainsi que d’influents citoyens dans chaque pays avançaient l’idée que l’autre céderait si une pression suffisante lui était imposée.

Permettez-moi de rappeler que j’étais aux premières loges (position très inconfortable) durant la crise. J’étais l’un des trois membres du “Comité de gestion de la crise” (Crisis Management Committee) qui supervisait les événements.

Le lundi de la semaine du 22 octobre 1962, j’étais aux cotés du secrétaire d’état Dean Rusk, du sous-secrétaire George Ball, du conseiller et président du Centre de prévision et stratégie (Policy Planning Council) Walt Rostow et du sous-secrétaire aux affaires politiques U. Alexis Johnson pour écouter le discours du président John F. Kennedy auquel nous avions tous contribué.

Le compte rendu que fit Kennedy était littéralement terrifiant pour ceux qui comprenaient ce qu’une confrontation nucléaire veut dire. Nous, dans cette pièce, nous savions bien évidemment. Nous étions tous informés de tout ce que les USA savaient à l’époque. Et nous savions tous ce que notre gouvernement cherchait – faire partir les missiles russes de Cuba. Finalement nous étions déterminés à le faire par la force si les Russes ne les retiraient pas eux-mêmes.

Avant ce jour-là, j’avais recommandé vivement que l’on retire nos missiles “Jupiter” de la Turquie. Une décision primordiale selon moi car c’était des armes “offensives” plus que “défensives”. Cette distinction venait du fait qu’ils étaient de vieux missiles à propulsion liquide qui nécessitaient un temps relativement long pour être lancés. Ils ne pouvaient donc être utilisés que pour déclencher les hostilités. Sinon, ils auraient été détruits par l’adversaire avant de pouvoir décoller.

Les russes les considéraient à juste titre comme une menace. Les enlever permettait à Nikita Khrouchtchev de retirer les missiles russes sans subir un degré d’humiliation inacceptable et risquer un coup d’état.

Ensuite, après la fin de la crise, j’ai rédigé le « rapport » dans lequel nous avons soigneusement passé en revue “les leçons” de la crise. Il servit à mener l’examen de la crise au Conseil des relations extérieures, avec tous les hauts responsables américains impliqués. Ce que j’écris ci-dessous provient en partie de notre réflexion lors de cette réunion. Autrement dit, il s’agit essentiellement de ce sur quoi ceux qui ont été plus profondément impliqués dans la crise se sont mis d’accord.

Le jeu de la guerre

Peu de temps après, j’ai participé à une simulation top secrète du département de la défense, conçue par le professeur Thomas Schelling du MIT, dans laquelle il mettait en place le scénario – ironiquement placé près de l’Ukraine – d’une suite d’évènements pour montrer que l’URSS accepterait de subir une attaque nucléaire des américains sans riposter.

C’était, comme il l’a dit au cours de notre séance de débriefing et d’analyses du scénario, la légitimation d’une extension de la théorie de la dissuasion. C’était pour prouver que nous n’avions pas à craindre de réaction à une attaque nucléaire limitée. Henry Kissinger avait vulgarisé cette idée dans son livre de 1957 “Armes nucléaires et politique étrangère” [Kissinger réalisa son erreur et renia en partie ce qu'il avait défendu dans un livre de 1961 "L'obligation de choisir".]

Pendant le débriefing, j’ai soutenu – et mes collègues participants au “wargame”, qu’ils soient de l’armée, du renseignement ou de la diplomatie acquiescèrent – que l’idée d’une guerre nucléaire limitée n’avait aucun sens. Aucun gouvernement ne pourrait accepter une telle attaque dévastatrice et y survivre. S’il ne répond pas par une frappe de représailles, dans le cadre d’un “refus de la défaite”, il serait renversé et exécuté par ses propres militaires et forces de sécurité.

Et l’attaquant initial se devrait, à son tour, de riposter sauf à subir le même sort. La stratégie “coup pour coup” mène inévitablement à la “guerre généralisée”.

Vingt ans plus tard, en 1983, un second scénario du département de la défense (nom de code “Fier Prophète”) auquel je n’ai pas participé et qui était fortement inspiré par les militaires confirma ce que j’avais avancé en 1962 : il n’y a pas de guerre nucléaire “limitée” si les deux protagonistes sont en possession d’armes nucléaires. Des frappes nucléaires limitées mènent inévitablement en une guerre totale.

Donc soyons réaliste, oublions “guerre limitée” et envisageons “guerre généralisée”.

Même le grand défenseur des armes thermonucléaires, Edward Teller, a admis que leur usage “mettrait en danger la survie de l’humanité”. Le physicien atomique russe et prix Nobel de la paix, Andrei Sakharov, en envisagea les conséquences dans l’édition de l’été 1983 de “Foreign Affairs” et y voit “une catastrophe aux proportions indescriptibles”.

Conséquences nucléaires

Plus de précisions ont été obtenues par un groupe d’étude scientifique réuni par Carl Sagan et vérifiées par 100 scientifiques. Un résumé graphique de leurs conclusions a été publié dans l’édition de l’hiver 1983 des “Foreign Affairs”.

Sagan montra que, les deux principales puissances nucléaires ayant ciblé les villes, le nombre de morts pouvait raisonnablement être estimé entre plusieurs centaines de millions et 1,1 milliard et qu’en plus, il faudrait considérer 1,1 milliard de blessés graves. Ces estimations se référaient à la situation des années 80. Aujourd’hui les villes ont grandi, ces nombres seraient donc bien plus grands.

Les incendies allumés par les bombes projetteraient de la suie dans l’atmosphère causant une chute des températures telle qu’elle entraînerait le gel du sol jusqu’à une profondeur de un mètre. Les cultures seraient impossibles et la nourriture déjà stockée probablement contaminée, condamnant les quelques survivants à mourir de faim.

Les centaines de millions de cadavres ne pouvant être enterrés provoqueraient des épidémies. Dès que la suie serait retombée et que le soleil brillerait à nouveau, la couche d’ozone détruite ne protégerait plus des rayons ultraviolets et provoquerait la mutation des pyrotoxines.

Des maladies contre lesquelles il n’existe pas de phénomène d’immunité se propageraient. Elles accableraient non seulement les survivants, mais aussi, selon les conclusions d’un groupe de 40 experts renommés en biologie, causeraient l’extinction de nombreuses espèces animales et végétales. En fait, il y a une réelle possibilité “qu’il ne reste aucun humain dans l’hémisphère nord … et la possibilité de l’extinction de l’homo sapiens”.

Donc en résumé :
- Il est pratiquement certain que ni le gouvernement américain ni le gouvernement russe ne pourraient tolérer une attaque ne serait-ce que limitée sans y répondre.

- Il n’y a aucune raison de penser qu’un gouvernement russe, confronté à une défaite dans un combat avec armes conventionnelles, serait capable d’éviter l’emploi d’armes nucléaires.

- Quelles que soient les tentatives faites pour limiter l’escalade, elle échoueront probablement et de ce fait mèneront à une guerre totale.

- Finalement, les conséquences prévisibles d’une guerre nucléaire seront immanquablement une catastrophe inimaginable.

Bien que ces risques nous paraissent éloignés aujourd’hui, il est clair qu’ils nous obligent a faire tout notre possible pour éviter le sort que subit la grenouille. Nous voyons bien que “l’eau” est en train de chauffer. Nous ne devrions pas rester assis et attendre qu’elle se mette à bouillir.

Ce n’est pas ce que nous avons fait pendant la crise des missiles cubains. Avec les russes, nous avons élaboré une solution. Qu’allons-nous faire, que devons-nous faire à présent ?

Réflexion réaliste

La première étape est “d’évaluer” la situation telle qu’elle est réellement et de distinguer clairement le mouvement et le sens que prennent les évènements. Bien évidemment, ils ne sont pas identiques à ceux de la crise des missiles cubains. L’Histoire ne se répète pas à l’identique, mais comme l’indiquait Mark Twain d’une façon lapidaire, certains évènements “riment” parfois avec des évènements antérieurs.

Considérons ces éléments clés :

- Malgré l’implosion de l’Union Soviétique et les tentatives pour réduire l’armement nucléaire, la Russie et les États-Unis continuent d’être des puissances nucléaires équivalentes ayant la capacité de se détruire l’une l’autre – ainsi que probablement le monde entier. Ce sont des centaines si ce n’est des milliers de nos propres armes qui sont apparemment constamment en “état d’alerte imminente”. Je suppose que c’est aussi le cas de leur côté.

- La Russie et les États-Unis sont tous les deux gouvernés par des hommes peu susceptibles d’accepter une humiliation – et une quasi certitude d’être assassinés par de “super-patriotes” de leur propre entourage – et seraient contraints d’agir, même au prix de la destruction massive de leurs pays respectifs.

Donc, pousser les dirigeants de notre adversaire dans cette direction, c’est littéralement jouer avec le feu. Comme le président Kennedy et nous l’avions compris lors de la crise de 1962, même si les dirigeants veulent éviter le conflit, il arrive un moment où, du fait de leurs menaces respectives, les évènements remplacent la politique et les dirigeants deviennent spectateurs.

- Les peuples russes et américains ont tous deux démontré leur ténacité et leur détermination. Ni l’un ni l’autre n’entend se laisser intimider.

- Les russes et les américains sont tous deux guidés, en politique étrangère, par ce qu’ils pensent être des “préoccupations fondamentales”. Pour les américains, comme l’illustrent la crise des missiles de Cuba ainsi que plusieurs autres événements précédents, cela revient à affirmer l’existence d’une “zone d’exclusion” pour les autres puissances.

L’Amérique a montré lors de la crise des missiles de Cuba que nous ne pouvions tolérer aucune intrusion dans notre zone, même au prix d’un inimaginable danger. Comme leur histoire le montre, les russes réagissent selon un code similaire. Les russes ayant souffert terriblement, contrairement à nous et c’est heureux, lors des diverses invasions de leur histoire et en particulier au cours du XXe siècle, on peut s’attendre à ce qu’ils fassent obstacle, par tous les moyens et à n’importe quel prix, à une intrusion dans leur zone.

[J'ai présenté l'expérience russe dans un essai précédent, "La formation de l'inconscient collectif des russes et des ukrainiens", disponible sur mon site, www.williampolk.com]

- Nous avons dit que nous comprenions cet objectif fondamental des russes, et au nom de notre gouvernement, le secrétaire d’état James Baker Jr. a accepté officiellement de ne pas poursuivre nos activités militaires dans leur sphère d’influence. Cependant nous avons violé cet accord en ajoutant, pays par pays, les membres de l’ex Union Soviétique et ses ex satellites à notre alliance militaire, l’OTAN.

- Nous en sommes maintenant à l’étape finale, à la limite de la Russie elle-même en Ukraine, et, comme les russes le savent, certains américains influents ont suggéré que nous poussions encore plus loin “jusqu’aux portes de Moscou”. Ceux qui préconisent ce que les britanniques appelèrent un temps “la politique de marche en avant”, en voient les indispensables premiers pas dans l’armement de l’Ukraine.

- Et enfin, il n’y a aucun moyen par lequel nous ou l’Union Européenne puissions armer l’Ukraine à un niveau qui lui permettrait de rivaliser avec la Russie. Ainsi, ces armes seraient susceptibles, à la fois, de donner aux ukrainiens des idées irréalistes sur leur puissance par rapport à la Russie et d’être perçues par celle-ci comme une manœuvre “offensive” à laquelle ils pourraient se sentir obligés de répondre. Par conséquent, elles nous entraîneraient tous dans une guerre que nous ne voulons pas.

Recommandations politiques

Alors que faire ? En un mot : arrêter. Car ce que nous faisons maintenant, et ce que nous avons l’intention de faire n’est ni dans notre intérêt ni dans l’intérêt des ukrainiens, et est perçu comme une menace par les russes. Nous ne pouvons pas tenir la politique que les ukrainiens se sentiraient encouragés à adopter par l’armement que nous leur fournirions sans provoquer une guerre. Les sanctions économiques sont l’une des formes de cette guerre, mais il est peu probable qu’elles aient les conséquences escomptées.

Ainsi, il est tout à fait possible que la logique des événements force les russes et nous-mêmes à l’étape suivante, puis de cette étape à la suivante encore, et ainsi de suite. Poursuivre dans cette direction pourrait conduire à une destruction massive, et à des morts en grand nombre. Nous devons arrêter immédiatement de faire ce qui ne fonctionne pas, n’est pas dans notre intérêt, ni dans celui des ukrainiens ou des russes.

Mais arrêter à quelle condition ? J’ai moi-même participé à la négociation de deux cessez-le-feu complexes, mais finalement couronnés de succès. Et j’ai appris deux choses : d’abord, qu’il est impossible d’obtenir un cessez-le-feu sans que les deux parties ne le voient comme moins mauvais que l’alternative, et ensuite qu’un cessez-le-feu n’est qu’une condition préalable à un accord. Alors qu’est-ce que cet accord impliquerait ?

A mon avis, les éléments d’un accord général sont les suivants :

- La Russie ne tolérera jamais que l’Ukraine devienne un membre hostile d’un pacte militaire rival. Nous devons le comprendre. Imaginez comment nous aurions réagi si le Mexique avait tenté de rejoindre le Pacte de Varsovie. Tiré par les cheveux ?

Rappelons-nous qu’avant même que la question des armes nucléaires ne se pose, nous avons tenté de renverser le gouvernement cubain pro-russe avec l’opération de la Baie des Cochons, et que nous avons tenté à plusieurs reprise d’assassiner le chef de l’état Fidel Castro. Nous avons échoué, et par conséquent nous avons cherché pendant deux générations à isoler, appauvrir et affaiblir ce régime.

Nous serions stupides de nous attendre à ce que les russes ne réagissent pas de la même manière face à un gouvernement ukrainien anti russe qui viendrait les défier. Ainsi, militer pour l’inclusion de l’Ukraine dans l’OTAN ne serait pas seulement un coup perdant ; cela risquerait aussi de ruiner les efforts prudents que nous avons entrepris pendant une génération pour améliorer notre sécurité et notre bien-être, et de nous diriger vers une guerre froide, si ce n’est une vraie guerre. Nous devons adopter une autre stratégie.

- Nous devons reconnaître que l’Ukraine n’est pas située dans notre sphère d’influence ni de domination. L’Ukraine n’est ni dans l’hémisphère Ouest, ni dans l’Atlantique Nord. Vu de la Mer Noire, le concept d’une Organisation du Traité de l’Atlantique Nord est un oxymore. La Mer Noire fait partie de ce que les russes appellent “l’étranger proche”.

Les implications politiques sont claires. De la même manière que les russes ont réalisé que Cuba faisait partie de notre sphère d’influence, et ont donc reculé lors de la crise des missiles, il est probable qu’ils vont caler leurs réponses à nos actions sur la croyance que nous allons reculer de la même manière parce que nous aurons compris que l’Ukraine est dans leur voisinage et pas dans le nôtre.

Le danger, bien sûr, est que pour des raisons politiques domestiques – et en particulier sous la pression des néoconservateurs et autres faucons – il est possible que nous n’acceptions pas cette réalité. Alors le conflit, dans toute son horreur, deviendrait virtuellement inévitable.

- Mais le conflit n’est pas inéluctable et peut être facilement évité si vraiment nous souhaitons l’éviter. C’est parce que les russes et les ukrainiens partagent le même objectif que celui que les États-Unis partagent d’un point de vue émotionnel. L’objectif commun est celui d’une Ukraine qui deviendrait un membre sûr, prospère et constructif de la communauté internationale.

Parvenir à un tel statut de membre ne peut être que du ressort des ukrainiens eux-mêmes. Mais, comme tous les observateurs sérieux ont pu le constater, la société et l’organisation politique ukrainiennes ont un long chemin à parcourir avant de parvenir à notre objectif commun.

Ceci est vrai, même en oubliant le différend russo-américain. Son gouvernement est corrompu, tyrannique et faible. Le mieux que nous puissions faire
est de supprimer tous les freins à la croissance d’une société saine, sûre et libre.

Le moyen d’accomplir ceci est double : premièrement, nous devons cesser notre intrusion militaire dans les affaires ukraino-russes de façon à diminuer les craintes russes d’une agression, et deuxièmement, partout, et de toutes les manières où cela est acceptable par les deux parties, nous devons aider à la croissance de l’économie ukrainienne et, indirectement, à la stabilité et au bon sens du système de gouvernement ukrainien. Une première étape dans cette direction pourrait être l’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne.

Ceci devrait, en termes généraux, et pour notre propre bien, constituer notre stratégie.

Source : Consortium News, le 24/02/2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/la-guerre-dukraine-une-crise-des-missiles-cubains-a-lenvers-par-william-r-polk/


Revue de presse du 04/04/2015

Saturday 4 April 2015 at 03:23

Cette semaine dans la revue dans “Vue d’ailleurs” un gros dossier sur le projet de Loi sur le renseignement, d’où une revue de presse un peu “gonflée”. A part ça, la neutralité du net vue par les FAI ici et là, un peu de physique dans l’économie, la banque d’investissement asiatique a le vent en poupe, alors que la France est peut-être en transition “psychotropique”… Merci à nos contributeurs et bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-04-04-2015/


[Entraide urgence pour informaticiens] Problème de Boot…

Saturday 4 April 2015 at 03:15

bonjour

je me permets un appel à l’entraide vu que mon pc est hs, et que je viens de passer 4h dessus.

J’ai cette configuration :
Windows s7 64 Bits sur un SSD
Disque 1 classique (et donc avec un 2e disque identique Disque 2, non visible) en RAID 1
Disque 3 classique
3 lecteurs optiques de DVD

Un des disques du RAID est mort. Pas grave vu que c’est raid 1, j’ai donc toujours les données.

J’ai décidé pour des soucis de place et d’ancienneté de remplacer les 3 disques par 4, pour avoir deux RAID 1.

J’ai une carte mère Asus P9X79 Pro avec 8 SATA (6 normaux, 2 Marvell)

http://dlcdnet.asus.com/pub/ASUS/mb/LGA2011/P9X79-PRO/E8037_P9X79_PRO.pdf

cf page 46 et suivantes

Voilà ce que j’ai fait :

j’ai tout éteint
j’ai débranché le SSD qui était sur un des 2 marvell
dans le bios, j’ai changé le mode SATA de AHCI en RAID
j’ai créé un raid 1 sur les 2 intelX79 à 6 Gbs
j’ai créé un raid 1 sur les 2 Marvell
j’ai mis les 3 DVD sur les 3 intelX79 à 3 Gbs
tout était bien reconnu. J’ai donc voulu démarrer windows

sauf que lorsque j’ai rebranché le ssd cette fois le port x*79 Gbs, il a bien été reconnu dans le BIOS, j’ai bien modifié le bios pour qu’il boote sur le ssd, et… LE DRAME, impossible de rebooter dessus !!!

j’ai fini par débrancher tous les disques dur pour ne garder que le ssd avec la bonne option dans le bios, repasser en mode AHCI et le ssd sur le port marvell et mais rien à faire, j’ai un message comme quoi le périphérique n’est pas bootable.

 

Vérification faite sur un autre pc : le ssd semble bien marcher, toutes les données sont là !!

Bref, je suis perdu…

Que faire ? Est ce un souci de paramétrage ? Le disque ne serait il plus bootable ?

Merci de votre aide, en commentaire peut être pour commencer, ou sinon via mail

Je mettrait ce billet à jour demain pour discuter avec vous…

EDIT : questions : 1/ Puis je brancher un NAS directement sur mon PC   2/ Existe t il des NAS très silencieux (pour un raid 6 ?)?

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MISE A JOUR :

merci, grâce à vos conseils, j’ai trouvé ce qu’il s’est passé…

C’est simple : en fait le disque bootable était l’ancien RAID, même si Windows est installé sur le SSD (faut être débile quand même : on peut bien booter depuis un SSD non ?)

Du coup, j’ai mis le SSD ET un ancien disque du RAID, et là, ça démarre.

en effet, il y a une partition cachée sur le RAID de 100 Mo… Merci à celui qui m’a donné l’idée.

Bon, mais ça m’a pas résolu le problème :

1/ est il possible de copier la partition bootable du raid sur le ssd, pour qu’il soit “autonome” ?

2/ sinon, je fais comment alors pour copier la partition de 100 Mo sur le nouveau RAID pour que ça marche comme avant (sans l’ancien disque RAID) ?

3/ là, j’ai plein de petits trucs importants que je souhaite sauvegarder. Je ferai surement une résinstallation dans quelques semaines. Je pourrai bien installer Windows sur le SSD ?

Merci d’avance !!

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-urgence-pour-informaticiens-probleme-de-boot/


Les inconnus de Moscou, par Philippe Grasset

Saturday 4 April 2015 at 01:23

2 avril 2015 – Les Grecs sont nombreux à Moscou ces temps-ci, en ce début de printemps. Durant les deux premiers jours de la semaine, on y trouvait un ministre de l’énergie et de la réforme industrielle (Panagiotis Lafazini) et un député de Syriza (Thanasis Petrakos) ; la semaine prochaine, le 8 avril, ce sera le sommet entre Tsipras et Poutine. On a vu (le 30 mars 2014) que Lafazini n’avait pas ménagé ses critiques contre “l’Europe allemande” avant son départ pour Moscou, comme pour bien faire mesurer l’enjeu de cette phase de la bataille.

Il ne s’agit pas d’une péripétie intérieure grecque de plus, ni même d’une péripétie Athènes-Bruxelles de plus. Cette fois, nous sortons du champ restreint de la crise gréco-européenne pour atteindre le champ international incluant au moins la Russie, et peut-être plus … Ou plutôt, devrions-nous dire, que les évènements eux-mêmes et la pression qu’ils exercent sur le “champ restreint de la crise gréco-européenne” conduisent eux-mêmes à cet élargissement. Même si le sommet Tsipras-Poutine est prévu depuis un certain temps, les évènements et la pression qu’ils exercent forcent à faire de ce sommet un événement d’élargissement de la crise. Les évènements parlent.

Par ailleurs, d’autres péripéties contribuent à cet élargissement, et nous pensons particulièrement à une intervention de Zbigniew Brzezinski, le 25 mars. Il n’est pas certain que cette intervention soit des plus habiles, et dans tous les cas elle montre que l’obsession de certains, – dans ce cas l’obsession de Brzezinski pour la crise ukrainienne et contre la Russie, – contribue à cet “élargissement” de la crise Athènes-Bruxelles d’une façon indirecte et sans doute involontaire mais importante. Brzezinski a dit son inquiétude à propos du rôle de la Grèce dans l’OTAN, notamment dans le cas où l’OTAN devrait avoir à prendre des décisions en rapport avec la crise ukrainienne et le rôle particulièrement détestable que le bloc BAO, et Brzezinski dans cette occurrence, attribuent à la Russie selon l’emportement que leur impose le déterminisme-narrative. (Nous avions évoqué très généralement cette question des rapports de la Grèce de Tsipras avec l’OTAN le 31 janvier 2015 et les préoccupations US plus récemment, parce que la très habile Nuland avait, déjà avant Brzezinski mais en toute discrétion, levé le lièvre [voir le 18 mars 2015].)

… Donc, selon Le Point du 25 mars 2015, voici Brzezinski exposant ses préoccupations complètement nourries à lanarrative du bloc BAO sur les intentions agressives de la Russie : «La Grèce, amie de la Russie, pourrait retarder voire “paralyser” par son veto la réponse de l’Otan à une violation de sa défense collective, estime Zbigniew Brzezinski, l’une des voix influentes de la politique étrangère américaine. Après l’annexion de la Crimée en 2014, la Russie risque de jeter son dévolu sur la Moldavie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan, après quoi les Baltes et la Pologne, pays membres de l’Alliance atlantique, pourraient “devenir une cible”, a déclaré M. Brzezinski dans une interview mercredi au quotidien polonais Dziennik Gazeta Prawna.

»L’article 5 de l’Otan prévoit une réponse collective de l’Alliance à toute agression contre l’un de ses 28 membres. “Mais au sein de l’Otan, diverses procédures sont en vigueur, dont le principe de l’unanimité. Cela veut dire que l’Otan pourrait être paralysée pendant un certain temps, ne serait-ce que par la Grèce qui est une amie de la Russie et qui dispose bien sûr d’un droit de veto”, a-t-il expliqué. Le Premier ministre grec Alexis Tsipras est attendu le 8 avril à Moscou où Athènes cherche un soutien face à ses problèmes économiques…»

C’est grande pitié de voir un esprit du calibre de celui de Brzezinski, quoi qu’il en soit de ses conceptions qui sont toutes entières au service du système de l’américanisme, se laisser emporter par cette obsession en évoquant l’hypothèse grotesque d’une agression de la Russie contre un pays de l’OTAN ; et, ce faisant sous la forme d’une maladresse bien réelle du point de vue de son propre parti, mettant sur la place publique la possibilité d’une collusion entre la Grèce et la Russie… A parler tout haut d’une chose à laquelle certains pensaient tout bas ou ne réalisaient même pas, et cela lorsqu’on est une voix parée d’une grande autorité comme l’est Brzezinski, on donne à cette chose une substance qu’elle n’avait pas mais qui est peut-être, on le réalise alors, sa propre “vérité de situation”. C’est-à-dire que l’intervention de Brzezinski a largement contribué, comme nous le remarquions plus haut, à transformer la crise grecque dans son strict cadre européen en une crise dynamique qui rejoint le cadre général de la crise haute regroupant la crise ukrainienne et la crise majeure des relations entre le bloc BAO et la Russie, voire entre le bloc BAO et l’axe Russie-Chine avec tout ce qu’il y a derrière (le regroupement de facto antiSystème de l’OCS, des BRICS, etc.). Tsipras n’en demandait peut-être pas tant, – ce point-là reste à débattre, – mais les évènements décident à cet égard.

Du coup, les hypothèses sur la possibilité d’un arrangement entre la Grèce et la Russie (ou la Russie + d’autres) se renforcent. Là encore, la force des évènements joue son rôle, et aussi les pressions du système de la communication ; aux éléments dans ce sens qu’on a déjà vus, on ajoutera celui de l’intransigeance de Bruxelles, de l’UE, qui ne cesse de se manifester depuis janvier dans le cours des négociations avec la Grèce. Cette intransigeance absolument conforme à l’arrogance et aux certitudes des dirigeants européens absolument dogmatiques, et à la discipline teutonne de l’“Europe allemande” par ailleurs, conduit à exiger une capitulation complète de Tsipras, poussant ainsi le gouvernement grec dans une position de plus en plus intenable, avec cette seule option d’une capitulation complète qui peut avoir des répercussions catastrophiques pour lui (Tsipras et son gouvernement) au niveau intérieur. Dans ce cas, une échappée sérieuse vers Moscou pourrait passer du stade d’une menace tactique sans intention de réalisation, pour peser dans la négociation avec Bruxelles, à une stratégie de changement de paradigme en bonne et due forme.

Phil Butler, de Russia Insider, est l’un de ceux qui jugent inéluctable un rapprochement stratégique de la Grèce et de la Russie. Américain spécialiste des médias et des relations publiques, de plus en plus actif au niveau du commentaire économico-politique, Butler suit les questions européennes (euro et le reste) et la crise grecque depuis longtemps. Le 18 mars 2015, il était encore incertain sur la possibilité d’une coopération entre la Grèce et la Russie, tout en considérant qu’il s’agissait d’une ouverture nouvelle qui ne manquait pas d’attrait :

«… This Speigel Online report frames the sitution fairly well if Russia and Greece do come to some agreement in April. Zero Hedge was spot on early in the new Greek adminitration’s strategy in framing the Greek attitude at least. The point there being, with nothing much left to lose and no love lost between Greece and the EU, Russia could play out as the white knight for a country that was dealt a deadly economic blow. In the end however, all the experts are speculating today. What matters now is the last up card in this back and forth portrait of wheeling and dealing. On Russia’s side? Well, this Pew Research Poll says the Greek people favor Russia over the EU 2 to 1. Looking at this report, it’s also clear Russia’s reputation is not as bad as the American perspective suggests. Even after a massive negative media onslaught these last 14 months the world tone on Russia is as equally postive as it is negative. This is actually fabulous if you’re Putin and being assailed.

»In the end it all comes down to Greece’s leaer though. As a politician, Tsipras could do a lot worse than giving his people what they ask for.»

Le 1er avril 2015, le ton a clairement changé. Le commentaire de Butler prend une dimension géopolitique fondamentale, alors qu’il affirme sans hésiter que ce n’est pas la seule Russie qui est dans ce jeu. Effectivement, Butler tient pour acquis que les Russes et les Chinois se sont entendus pour faire à la Grèce des offres de coopération générale au sens le plus large qui dépasse largement le seul domaine économique, notamment avec une dimension géopolitique passant par la livraison d’armements, offres qui devraient s’avérer bien plus intéressantes que tout ce que la Grèce peut attendre de sa position au sein de l’UE, et au sein de l’OTAN également. Butler reprend donc son commentaire en l’élargissant aux perspectives à long terme, qu’elles soient économiques et stratégiques, comme s’il avait pris connaissance du commentaire de Brzezinski et qu’il en avait tiré la conclusion que la Grèce ne peut plus prétendre à demeurer dans l’OTAN, et n’a plus intérêt à le faire… Ainsi annonce-t-il des perspectives offertes par Poutine à Tsipras “que Tsipras ne pourra pas refuser” ; et terminant son analyse par la prédiction qu’il faut s’attendre à d’importantes nouvelles et spéculations, le 9 avril, lendemain du sommet Tsipras-Poutine («Expect a big play in the news April 9th»).

«…On April 8th Greece is set to become the most valuable piece of real estate among NATO nations. The people there having suffered long because of corruption inside and outside their borders, they’ve nothing to lose, no love lost for Germany or her NATO companions. In fairness, Greeks adore no nation so much as their own. I expect Vladimir Putin and China’s Xi Jinping have already set their minds as to what the “offer” will be. Having already agreed to join China’s Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB) on April 14, Russia will in all likelihood make Tsipras a deal he cannot refuse. Some combination of massive Chinese money investment, a Gazprom deal from Russia of equivalent value, and Greece will be back in the game sans NATO, the euro, and worries about defense spending.

»Not many of the investors (except for Boeing, Raytheon, and others) who flocked to read the first of my stories (metrics tell me interest in Greece intense) are aware Greece spends more [Note : en % du PIB bien entendu] than all but one of the 27 NATO countries after the United States. By the way, the US, Germany, and France are the beneficiaries of Greece’s arms expenditures, so a chunk of the country’s current budget goes to defense contractors. No doubt news of this creates even more of an austerity sore for Greek taxpayers. Where the metal meets the meat in Moscow, I’d be dully surprised if Putin’s finance people did not advise Greece to take every advantage, then to default and return to the drachma, at which time Russia and China could easily escalate the currency buying into Greek endeavors. After all, the Obama administration’s easing off Goldman Sachs, when that firm’s involvement in the Greek crisis has yet to be resolved, leaves Tsipras’ situation as a “catch-as-catch-can ” choice.

»After all is said and done, since when is cheating and defaulting on obligations a crime these days? Greece can earn €300 billion in one day, and another €300 billion in Gazprom gas, China capital, and Russian arms deals (Mr. Lavrov gives hints) to shortchange western manufacturers. Add in free flights from Moscow and St. Petersburg for the tourist season, and Greece could be the richest country in eastern Europe before summer’s end. Who could really blame the Greek people? American bankers double dipping, German arms dealers recouping revenue from EU bailouts, 30 percent unemployment and Germans here calling the Greeks “lazy” slackers? My only question is “when” will Portugal, Spain, and Italy tell Frankfurt and Washington to bugger off.

»In all seriousness, given the current situation in the United States, the UK, and in the EU debt wise, it seems clear “the west” cannot bid higher than China and Russia for Greece’s affections. The EU is in no position to either bail out Greece, or to contest Moscow in courting favor. The United States’ catastrophic foreign policy failures since 9/11, a debt bubble set to explode at home, and civil problems that would cripple any other country leave Washington scrambling to plug holes in the NATO alliance and the geostrategic limbo to come. The politicians in Washington not only have the world in a fix, but the American people are poised blindfolded on a fiscal cliff. David Stockman, former director of the Office of Management and Budget for President Ronald Reagan, says America is so addicted to debt a catastrophe is imminent. Experts from real estate legend Donald Trump to best selling author Robert Wiedemer have predicted as recently as this month a “bust” somewhere in between catastrophic and total collapse for the US economy.

»All these variables and more weigh on Greece’s leader, the chorus of EU principals, and Washington looking on as the Russo-Greek summit awaits in Moscow. I was reading just now a sentient piece about Greece being able to seize opportunity in these critical times. Ideas like a Greek-Cypriote doctrine of common defense, “The New Grand Strategy of Greece and its Mediterranean Geostrategic Imperatives” by Alexander Th. Drivas, emerge as a new construct for the Greek people. It seems pertinent right here to point out Greece is actually a good investment for Putin, or anybody for that matter. The chart below shows the situation with deposits still higher than before the hyper inflated years that led to the country’s crash. An infusion of business in Greece can surely fund full recovery, especially if the country changes currency and affiliations. I’m no economists, but I know Russia’s fiscal experts have not overlooked the potential.

»It is also no insignificant that Russian Foreign Minister mentioned at a recent meeting with Greek Foreign Minister Nikos Kotzias the Orthodox religious ties Russia and Greece share. To quote Lavrov: “In 2016, there will be another important anniversary: 1,000 years of a Russian monastic presence on Mount Athos – commemorative events have been planned.”»

Baril de poudre, mèche et allumette

L’on peut suivre ou répudier l’enthousiasme de Butler, mais l’on ne peut nier qu’effectivement la crise grecque, confrontée pour l’instant à un blocage au sein de l’UE du à l’intransigeance de la bureaucratie bruxelloise qui n’offre à la Grèce que la “porte de sortie” d’une capitulation complète, est effectivement en train d’évoluer pour sortir de ce cadre strictement européen et économico-financier qui était le sien jusqu’alors. La rencontre Tsipras-Poutine, avec le tintamarre de communication qui va l’accompagner, dans l’occurrence pesante sinon hystérique de l’extrême tension entre la Russie et le bloc BAO, ne peut en aucun cas être une rencontre de routine ou une rencontre de faux-semblant. La communication étant ce qu’elle est, cette rencontre sera nécessairement un événement politique, où nombre de commentateurs-Système verront la marque d’une trahison insupportable de Tsipras.

Le résultat de la communication sera alors d’ajouter effectivement, mais officiellement cette fois, cette dimension politique et même stratégique que Butler décrit. A partir de là, la crise grecque échappe à la seule problématique européiste, aux pleurnicheries des partisans de l’Europe appuyés sur l’intransigeance des doctrinaires de Bruxelles. A partir de là, la crise grecque n’est plus une “affaire de famille” (européenne) mais l’illustration d’une famille (européenne) désunie sinon déjà brisée, dont les membres épars se sentent dégagés des liens d’allégeance, et dont certains sont amenés à voir ailleurs s’ils y sont, – au moins aussi bien, sinon mieux … Et Lavrov d’ajouter : “mais nous sommes orthodoxes, vous et nous, c’est-à-dire de la même famille après tout  ; et l’année prochaine nous célébrerons le millénaire du Mont-Athos, berceau de cette ‘famille’”. Cela vous a une autre allure que la mine coupante du président de la Commission Juncker, le texte du Traité de Lisbonne ou les perspectives du TTIP transatlantique qui vous enchaîne à une superpuissance parasitaire en train de couler.

A partir de là, effectivement, les évènements prennent en charge la crise grecque, signifiant par là que leur dynamique elle-même n’est plus la conséquence de décisions politiques mais s’impose comme l’énergie directrice, et tend elle-même alors à imposer des décisions. Les acteurs deviennent trop nombreux pour qu’on puisse espérer faire une prévision, ce qu’on a fait jusqu’ici dans les négociations entre Athènes e Bruxelles … On voit alors combien cette ligne rectiligne tracée entre l’arrivée de gouvernement Tsipras et les décisions de juillet tend à se briser, et justement à échapper à ce schéma où l’on voulait enfermer la crise grecque.

Si effectivement cette logique s’impose, si effectivement la visite de Moscou libère la crise grecque de son carcan bruxellois/berlinois pour devenir une vraie crise internationale, alors on se trouvera devant une situation inédite, une véritable “première”. Pour la première fois, une affaire purement européenne, et qu’on espérait conserver comme purement européenne parce que le linge sale se lave en famille et que cela permet de faire rentrer dans le range les récalcitrants, pour la première fois “une affaire purement européenne” serait extraite, on dirait presque “exfiltrée” en termes militaires, du cadre européen où l’on entendait l’y conserver.

La “magie” de l’Europe se trouve dans une sorte de logique concentrationnaire : vous y entrez mais vous ne pouvez plus prétendre en sortir, même si vous en avez formellement le droit, parce que l’Europe est quelque chose qui ne peut pas reculer, qui ne peut pas accepter que “l’un des siens” puisse envisager de la quitter, parce qu’une fois que vous avez goûté au paradis européen vous n’avez pas l’autorisation de vouloir vous en extirper sous prétexte que ce paradis c’est l’enfer. Si c’est pourtant le cas, alors tout s’ébranle, tous les soupçons sont permis jusqu’à celui du paradis devenu enfer, tout est remis en question, jusqu’à la vertu du dogme postmoderniste et de la global governance, jusqu’à l’existence de Dieu en un sens… C’est certainement pour cette raison, bien plus à notre sens que pour des raisons monétaires, budgétaires, d’endettement, qu’il faudrait attendre des remous considérables si effectivement se dessinait quelque chose d’inéluctable du côté des Grecs.

… Et “remous considérables”, certes, parce qu’il s’agit des Russes. Tout le potentiel extraordinaire de diabolisation, de haine, de narrative faussaire et d’épuisement des psychologies que le bloc BAO a amassé face à la Russie-Poutine et à l’encontre de la Russie-Poutine, va peser d’un poids terrible sur la rencontre. Il va faire naître, ce potentiel, des supputations extraordinaires, des hypothèses fantastiques, qui nous conduiront bien loin que la dette et les calculs d’épicier des bureaucrates à-la-Juncker inspirés par les banquiers… Et encore n’a-t-on pas mentionné directement la panique soudaine, la colère terrible, l’anathème tonitruant qui vont naître du côté de l’OTAN quand on s’apercevra, la gorge soudain étranglée, le canon à moitié sorti de son étui que l’un des membres de la distinguée organisation, “l’un des leurs” malgré tout, s’en va batifoler, c’est-à-dire comploter intimement, avec l’Ennemi numéro un, avec le voleur de Crimée et le boucher du Donbass. (Et bien sûr tout cela n’est concevable que parce qu’il s’agit de la Grèce et que chacun sait bien, au fond de lui, que la Grèce est dans une situation telle, avec un gouvernement sur qui pèse le poids terrible de ses engagements alors que l’on ne lui offre que la possibilité de capituler, qu’elle pourrait effectivement être tentée par une aventure ou l’autre, et que cette rencontre avec le diable c’est justement l’opportunité d’une de ces aventures.)

Pour l’instant, nous n’avons, nous, rien d’autre à proposer que cette perspective de communication autour des 8-9 avril, mais nous découvrons en énonçant la chose que ce n’est rien de moins qu’un cas tout simplement fondamental. Et il est alors bien vrai qu’il faut s’attendre à un véritable choc lorsque l’événement aura lieu, et que ce choc sera générateur de nombre d’attitudes aujourd’hui imprévisibles et même paraissant improbables. Dans cette sorte d’occurrence, on ne peut anticiper la force du choc psychologique de la chose accomplie par simple connaissance de la perspective anticipée de l’accomplissement de la chose. Encore sommes-nous dans une situation où nombre d’acteurs-commentateur, qui vivent en général au jour le jour, au rythme de la communication de cette étrange époque, ne se sont pas encore vraiment aperçus de ce qui se préparait, sans parler de supputer à propos de ce qui pourrait se passer…

Ainsi, chemin faisant, sommes-nous conviés à nous apercevoir que la crise grecque, qui est un baril de poudre avec une mèche, n’est pas à la seule disposition des pouvoirs totalitaires, arrogants et irresponsables de Bruxelles. Il se trouve que les Russes auraient peut-être bien l’allumette qu’il faut et que Tsipras pourrait avoir l’esprit de laisser faire sans essayer de souffler pour éteindre.

Source : De Defensa, le 2 avril 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/les-inconnus-de-moscou-par-philippe-grasset/


Les services secrets prédisent l’enfer pour 2030

Saturday 4 April 2015 at 00:01

Tiens, un vieux papier plein d’optimisme sur lequel je suis retombé…

Surpopulation, guerre de l’eau, manque de nourriture et épuisement des ressources de la planète, un rapport du National Intelligence Council dresse un constat qui fait froid dans le dos pour les années à venir.

Nous sommes de plus en plus nombreux sur la Terre ce qui provoque des conséquences alarmantes.
Nous sommes de plus en plus nombreux sur la Terre ce qui provoque des conséquences alarmantes.

A quoi ressemblera la Terre en 2030? Combien serons-nous? Y aura-t-il assez à manger pour tout le monde? Où devrons-nous vivre? Autant de questions qui peuvent être des facteurs d’instabilité dans le monde et auxquelles leNational Intelligence Council (NIC) américain vient de répondre dans le rapport Global Trends 2030 publié récemment.

Crucial

La question de la démographie est cruciale pour l’avenir de la planète. Et la Terre devrait accueillir 8,3 milliards d’habitants en 2030, rappelle l’étude rapportée par Le Monde, contre 7,1 aujourd’hui. Mais surtout contre 2,5 milliards en 1950.

Autant de chiffres qui ont des conséquences pour l’état de santé de la Terre. Des conséquences d’abord alimentaires. Car la demande en nourriture devrait augmenter de 35% d’ici 2030. Or, les rendements agricoles, même s’ils continuent de s’améliorer, n’arriveront pas à répondre à la demande et nous vivons déjà sur les réserves selon le rapport du NIC, le bras analytique et prospectif des services de renseignement américains.

On consomme plus que l’on produit

«Au cours de sept des huit dernières années, le monde a consommé plus de nourriture qu’il n’en a produit. Une grande étude internationale estime qu’en 2030, les besoins annuels en eau atteindront 6900 milliards de mètres cubes, soit 40% de plus que les ressources durables actuelles», note l’étude. Pire encore: le rapport souligne que presque la moitié de la population mondiale vivra dans des régions touchées par la sécheresse, provoquant ainsi de gros risques de guerre pour l’eau.Mad Max n’est décidément pas loin…

En outre, les pays émergents sont en train de changer leur régime alimentaire et consomment de plus en plus de viande. Or, la production de viande exige beaucoup d’eau et de céréales également avides de liquides.

Le rapport souligne aussi que 60% de la population mondiale vivra en ville en 2030. Là aussi, les conséquences seront graves pour l’environnement. Car l’urbanisation croissante «a conduit à des réductions drastiques des forêts, des changements négatifs dans le contenu nutritif et la composition microbienne des sols, des altérations dans la diversité des plantes et animaux supérieurs ainsi que des changements dans la disponibilité et la qualité de l’eau douce».

Bref: l’avenir ne s’annonce pas franchement rose en terme de sécurité alimentaire. Reste à savoir comment les Américains, qui ont refusé de s’engager récemment sur la limitation des gaz à effet de serre lors des négociations de Doha, vont empoigner le problème décrit minutieusement cette fois pour leurs propres services de sécurité.

Source : Christine Talos, pour Le Matin, le 29 décembre 2012.

Source: http://www.les-crises.fr/les-services-secrets-predisent-lenfer-pour-2030/


Une Europe Détestable, conduite par des gens méprisables, par Charles Gave

Friday 3 April 2015 at 03:17

La minute nécessaire du vrai libéral :)

Charles Gave

Revenons en arrière, aux années 90.  L’Euro est en préparation et tous « les oints du Seigneur » de service de nous expliquer que l’introduction de l’Euro va amener à une croissance plus forte, à une hausse de l’emploi, au développement d’un système bancaire intégré, solide et puissant, à une amélioration extraordinaire de la protection sociale, à des femmes plus belles et à des hommes plus aimables…et que tout cela n’aura aucun coût.

Une citation entre mille : « Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie. » (Michel Rocard, 27 août 1992, Ouest-France)

Quel génie ! Le sergent Maginot apparait comme un visionnaire en comparaison de Michel Rocard…

Quelques voix, Philippe Villin,  J.C Rosa et quelques autres dont votre serviteur, s’élevaient- déjà- à l’époque contre ce qui paraissait être une ânerie économique mais surtout une faute politique.

Je ne vais pas avoir la cruauté de montrer une fois de plus les résultats  économiques désastreux de ce Frankenstein financier car la réalité parle d’elle-même.

En réalité, ma principale critique a toujours été que l’Euro allait détruire l’Europe que j’aimais, celle de la diversité pour la remplacer par une Europe Technocratique et inhumaine, ce qui ne manquerait pas de faire renaitre les vielles haines entre peuples tout en permettant l’émergence de mouvements populistes dont l’Histoire a montré qu’ils pouvaient être extraordinairement dangereux.

C’est sur cet aspect politique que je veux écrire aujourd’hui, car c’est de loin le plus important.

Ma thèse, depuis le début, a toujours été que la construction de l’Euro avait été organisée par un groupe de gens non élus et ne rendant de comptes à personne pour prendre le pouvoir politique et que donc cela s’assimilait à un coup d’Etat.

En ce qui concerne l’Europe, dès son origine, il y a eu deux conceptions qui s’affrontaient

Ces deux conceptions ont navigué de pair tant bien que mal jusqu’à  la réunification Allemande où il devint évident que l’Allemagne allait disposer du pouvoir monétaire en Europe grâce à  la Bundesbank et au DM.

Les partisans Français de l’Etat Européen (Delors, Trichet etc..) décidèrent alors de faire un coup d’Etat et de forcer la création de cet Etat en commençant par la monnaie, c’est à dire l’Euro, ce qui était censé coincer l’Allemagne, Mitterrand annonçant fièrement alors «qu’il avait cloué les mains de l’Allemagne sur la table de l’Euro». On le vérifie chaque jour.

A l’époque, j’avais écrit ” des Lions menés par des Anes”, mon premier livre, dans lequel j’expliquais que l’Euro allait amener à trop de maisons en Espagne, trop de fonctionnaires en France et trop d’usines en Allemagne et où j’annonçais un désastre économique sans précédent dans l’Europe du Sud.

Et pour cause, je ne connais pas dans l’histoire de fixation de taux de changes fixes entre deux pays avec une productivité différente qui ne se soit pas terminé par un désastre.

Et la conclusion de ce livre était que l’Euro allait tuer l’Europe que j’aimais, c’est à dire l’Europe de la diversité et faire remonter les vieilles haines ancestrales  à la surface…

Car toutes les tentatives dans l’Histoire de recréer l’Empire Romain, ce fantôme qui hante notre histoire, se sont terminées dans la guerre et dans le sang.

Comme on pouvait s’y attendre, depuis ce coup d’Etat, les procédures de remises au pas de ceux qui ne sont pas d’accord sont devenues de moins en moins démocratiques.

Lorsque la crise Grecque, la première, commença, un socialiste, Papandreou était au pouvoir. Il accepta les conditions imposées par le FMI qu’il avait appelé à la rescousse (présidé alors par Strauss-Kahn…), à la condition que le peuple Grec soit consulté par referendum. Il fut instantanément remplacé, après de sordides manœuvres de couloir par un dénommé Papademos…ancien vice gouverneur de la BCE.

Quelque temps après, Berlusconi, le premier Ministre Italien, émit l’idée que si l’Allemagne continuait à suivre une politique déflationniste qui tuait ses voisins, alors l’Italie pourrait décider de quitter l’Euro. Lui aussi fut promptement débarqué et remplacé par le Quisling de service,  un ancien Commissaire Européen, dénommé Monti, que personne n’avait jamais élu et qui avait fait toute sa carrière à Bruxelles.

Dans les deux cas de figure, un premier ministre parfaitement légitime qui avait osé remettre en cause la Doxa Européenne a été débarqué manu militari pour être remplacé par quelqu’un de plus …souple.

Mais tout cela s’est fait dans une certaine discrétion, le but étant de ne pas affoler les populations.

Avec les dernières élections Grecques, les masques sont tombés.

Tour à  tour, nous avons eu :

Et donc, ces trois éminents personnages nous annoncent tranquillement qu’’ils s’assoient avec beaucoup d’assurance et sur la Démocratie et sur la Souveraineté de chaque Nation Européenne. Et cette attitude est de plus en plus visible chez leurs seconds couteaux.

Une participante -Grecque- aux dernières négociations à Athènes a dit que l’un des membres de la Troïka avait suggéré pour régler les problèmes de cash-flow de l’Etat local que celui-ci ne paye ni les retraites ni les fonctionnaires pendant un ou deux mois. Proposition rejetée avec indignation par le ministre des Finances, cela va sans dire. On ne peut s’empêcher de penser au fameux  « Ils n’ont pas de pain ?  Qu’ils mangent de la brioche» de Marie Antoinette.

Cela m’amène à poser une seule question : Pour les Peuples Européens, de quel espoir est porteur aujourd’hui l’Europe telle que les technocrates nous l’ont bâti ?

Qui est prêt à mourir pour cette Europe ?

La «Démocratie Européenne ressemble de plus en plus à l’évidence aux  « Démocraties Populaires »  d’il y a peu.

On sait comment on y entre, on ne sait pas comment en sortir.

Nous sommes en train d’arriver à  ce que je craignais par-dessus tout : Une dé -légitimation de l’idée Européenne née après la seconde guerre mondiale et voila qui me rend fort triste. A ce point, le lecteur va me demander: mais que faire ?

La réponse est toujours la même.

Le pire n’est jamais sûr, et c’est pendant la profondeur de la nuit disait Péguy (je crois, à moins que ce ne fut Bernanos) qu’il est beau de croire à  l’Aurore.

Source : Charles Gave, pour l’Institut des Libertés, le 16 mars 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/une-europe-detestable-conduite-par-des-gens-meprisables-par-charles-gave/


Pourquoi Jobs n’est pas Edison, par Vaclav Smil

Friday 3 April 2015 at 01:01

Allez, pour nous changer un peu, ce petit billet qui vous fera certainement réagir… :)

Cela n’enlève rien à Steve Jobs de dire qu’il n’est pas Thomas Edison. Il suffit seulement de comprendre ce que Edison a accompli.

Les superlatifs à propos de l’exercice de Steven Jobs en tant que responsable d’Apple ont atteint de nouveaux sommets lorsqu’il a annoncé sa retraite en août 2011. Ceux qui ont été frappés par les chics produits d’Apple que Jobs a aimé présenter dans des mises en scène très attendues les estimaient pour le moins révolutionnaires et ont maintes fois déclaré qu’ils changeaient non seulement ce qu’on pouvait attendre de l’électronique moderne, mais nos vies mêmes.

Les panégyriques ont atteint leur apogée avec l’hommage d’Auletta Ken dans Le New Yorker :

Le Thomas Edison du vingtième siècle a franchi une étape… Le champ d’application des technologies qui sont sorties ou ont été transformées par les laboratoires d’Apple de Jobs – le Mac, la souris, l’ordinateur portable, Pixar, iTunes, l’iPod, l’iPhone, l’iPad – est stupéfiant, comme cela fut le cas du Menlo Park d’Edison. Et Jobs, comme Edison, a accompli ses exploits imaginatifs sans la béquille d’enquêtes et de sondages interminables pour lui dire ce que les gens voulaient.

Je n’ai aucun désir de dénigrer ou rejeter quoi que ce soit de ce que Jobs a fait pour son entreprise, pour ses actionnaires ou pour les millions de gens rendus incurablement accros au point de constamment devoir vérifier leurs minuscules téléphones Apple ou subir un lavage de cerveau avec d’incessants flots de musique – je veux juste expliquer pourquoi Jobs n’est pas Edison.

N’importe quel étudiant en histoire des progrès techniques doit être frappé par la différence entre les innovations historiques, de premier ordre, qui n’ont eu lieu qu’à de rares et imprévisibles périodes et la myriade d’inventions de deuxième ordre ultérieure, d’améliorations et de perfectionnements qui n’auraient pu avoir lieu sans une telle percée et qui accompagnent et suivent à la fois (parfois très rapidement, souvent assez tardivement) la maturation commerciale des possibilités ouvertes par le progrès technique fondamental. L’exemple le plus ancien d’un tel saut technique a eu lieu quand nos ancêtres de la préhistoire ont commencé à utiliser des pierres pour en modeler d’autres et en faire des outils aiguisés (des haches, des couteaux et des flèches). Et il n’y a pas eu d’innovation moderne plus fondamentale, plus importante que la production commerciale à grande échelle, la transmission, la distribution et la conversion de l’électricité.

Je me suis dit que le meilleur moyen, peut-être, pour illustrer l’importance de l’électricité dans la civilisation moderne serait de se demander ce que nous n’aurions pas sans elle : (1)

La réponse est : à peu près tout dans le monde moderne. Nous utilisons l’électricité pour nous éclairer, un univers d’appareils électroniques (des téléphones portables aux superordinateurs), une multitude d’appareils électroniques allant des sèche-cheveux portables aux trains les plus rapides du monde, et presque tous les produits qui sauvent des vies (la synthèse moderne et la production de médicaments est impensable sans électricité : les vaccins doivent être réfrigérés, les cœurs sont supervisés par électrocardiogrammes et, pendant les opérations, sont irrigués par des pompes électriques) et la plus grande part de notre alimentation est produite, transformée, distribuée, cuite à l’aide d’appareillages et de machines électriques.

Ces innovations fondamentales eurent lieu pendant une période remarquablement brève – la plupart entre 1870 et le début du XXe siècle – étonnamment par un petit nombre d’inventeurs, d’ingénieurs, et de scientifiques. Dans le but d’éviter les plus évidentes injustices, même une brève liste de créateurs pionniers des systèmes électriques doit inclure les noms de Charles Clarke, Sebastian Ferranti, Lucien Gaulard, John Gibbs, Zénobe-Théophile Gramme, Edward Johnson, Irving Langmuir, Charles Parsons, Emil Rathenau, Werner Siemens, William Stanley, Charles Steinmetz, Joseph Swan, Nikola Tesla, Elihu Thomson, Francis Upton, et George Westinghouse. Mais, à juste titre, un nom les surpasse tous : celui de Thomas Alva Edison.

Contrairement aux idées reçues, sa plus grande contribution n’était pas l’invention de la lampe à incandescence : une pléthore d’autres inventeurs l’ont surpassé, et il doit partager la gloire de ses premiers divers succès commerciaux relativement durables avec Joseph Swan. La contribution d’Edison fut fondamentalement plus importante car il a mis en place, en une remarquablement brève période entre 1880 et 1882, le premier système commercial au monde de génération, de transmission et de conversion de l’électricité. T.P. Hughes l’exprime le mieux quand il conclut que “Edison était un conceptualiseur holistique et un chercheur déterminé à résoudre les problèmes associés avec le développement des systèmes”. (2) L’allure ainsi que l’ampleur de son inventivité est peut-être la mieux illustrée par le fait que, pendant ces trois années décisives, il s’est vu attribuer non seulement 90 brevets pour le filament et l’ampoule à incandescence, mais aussi 60 brevets pour des machines électriques type magnéto ou dynamo et leurs régulations, 14 brevets pour le système d’éclairage électrique, 12 brevets pour la distribution d’électricité et 10 brevets pour les compteurs et moteurs électriques.

Peut-être qu’aucun témoignage contemporain de ses réussites n’est aussi révélateur et élogieux que les impressions d’Emil Rathenau, le pionnier de l’industrie électrique allemande, lorsqu’il découvrit la démonstration du système d’Edison à l’Exposition Universelle de Paris en 1881 :

Edison a aussi magnifiquement conçu jusqu’au moindre détail le système d’éclairage, et l’a tout aussi soigneusement élaboré que s’il avait été testé pendant des décennies dans différentes villes. Aussi bien les prises, les interrupteurs, les fusibles, les porte-lampes, ou encore les autres accessoires nécessaires pour compléter l’installation ont été mûrement réfléchis ; de plus la génération du courant, la réglementation, le câblage avec des boîtes de distribution, les raccordements domestiques, les compteurs, etc., tous ont montré des signes d’ingéniosité étonnante et d’incomparable génie. (3)

Après tout, Edison a apporté de nombreuses contributions fondamentales à des secteurs d’activité évoluant très rapidement, en utilisant l’électricité dans la reproduction de sons et d’images (son phonographe, des caméras et projecteurs), ainsi que dans des catégories techniques aussi diverses que des batteries améliorées, le traitement du minerai de fer et la construction de maisons préfabriquées en béton. Il a accumulé près de 1100 brevets américains et plus de mille brevets étrangers.

Mais le système électrique d’Edison est sans conteste sa réussite la plus probante : un approvisionnement abordable et fiable de l’électricité qui a ouvert les portes au tout-électrique, à toutes les grandes innovations de second ordre allant de l’éclairage progressivement plus efficace aux trains rapides, des dispositifs médicaux de diagnostic aux réfrigérateurs, des industries électrochimiques géantes à des ordinateurs minuscules équipés de micropuces.

Jusqu’en 2010, aucun des microprocesseurs dans la gamme des produits Apple n’était désigné ou fabriqué par Apple. Par exemple, Samsung a fourni le principal processeur de l’iPhone ; les puces Wolfson ont été utilisées pour son système audio ; l’interface d’écran a été pris en charge par des puces National Semiconductor, et la gestion énergétique a été assurée par des puces Infineon. C’était également le cas des tout premiers produits Apple : la gamme Apple II aurait été impossible sans les innovations réalisées par Xerox PARC – surtout son Star computer – et Douglas Engelbart de Stanford Research Institute a breveté la première souris en 1967, une décennie avant la gamme Apple II.

En conséquence, les produits Apple sont des innovations de troisième ordre qui utilisent une variété de fondamentaux d’innovations de second ordre dans l’actuel vaste royaume des composants électroniques pour assembler et programmer des systèmes dont le plus grand attrait a été dû à leur caractère : (choisissez votre propre adjectif où utilisez les tous) lisse, non-conformiste, élégant, rationnel, propre, design d’interface fonctionnel.

Non que ces caractéristiques soient sans importance lorsqu’on essaye de vendre a l’échelle de masse – Edsel, peut-être le parangon du produit défaillant américain, avait le même type de moteur (V8 Ford-Edsel) qui fit le succès de la Ford Mustang! – mais l’apparence et l’attrait du produit représentent beaucoup trop peu pour prétendre à l’exposition universelle.

Et il ne fait aussi aucun doute que les appareils Apple ont bénéficié de l’engouement pour la marque, un phénomène qui a souvent favorisé un produit ou une catégorie de modèles fondés sur une allégeance que les fidèles eux-mêmes ont du mal à définir en termes cohérents (en revanche, au faîte de sa gloire Microsoft a souffert à l’inverse d’une critique excessive). Dans ces positions extrêmes, cette loyauté s’est manifestée par des gens prêts à payer des surcoûts élevés pour l’ingénierie allemande, même après des décennies d’évaluations des associations de consommateurs qui n’ont pas réussi à démontrer une supériorité indéniable des voitures allemandes sur Honda et Toyota.

Quant aux “technologies extraordinaires” qui ont surgi à partir des laboratoires de recherche d’Apple, un observateur impartial ne pourrait pas décrire l’iPad autrement que comme un petit ordinateur portable sans clavier avec un étui (une aubaine pour les fabricants d’étuis que les gens achètent pour protéger l’appareil) plutôt qu’une invention qui a fait date comme ont pu le faire l’électricité, la vaccination, les cultures hybrides ou des engrais azotés synthétiques…

Auletta conclut que Steve Jobs, tout comme Edison, est « un inventeur et un homme qui a changé nos vies.” Analyser l’histoire en train de s’écrire comporte un risque. Quelque 130 ans après la création du remarquable système de l’électricité d’Edison, il ne subsiste aucun doute sur la nature fondamentale et réellement contemporaine de ce que nous lui devons : le monde sans électricité est devenu inimaginable. Je suis prêt à parier que dans 130 ans, nos successeurs ne seront pas en mesure de dire la même chose de dispositifs électroniques élégants d’Apple assemblés à partir de composants de fournisseurs et offrant des services qui ne sont pas fondamentalement différents de ceux produits par les concurrents. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’un monde sans iPhone ou iPad serait tout à fait acceptable.

Vaclav Smil fait de la recherche interdisciplinaire dans les domaines de l’énergie, le changement de l’environnement et de la population, la production alimentaire et la nutrition, l’innovation technique, l’évaluation des risques et la politique publique à l’Université du Manitoba.

EN SAVOIR PLUS : Smil a aussi écrit “Crise du Japon : Contexte et Perspectives.” Nick Schulz parle de “Steve Jobs : Le plus grand échec de l’Amérique.” “Biotechnologie et le système des brevets” une enquête de Claude Barfield et John E. Calfee.

Notes de bas de page

1. Smil, V. 2005. Creating the Twentieth Century. New York: Oxford University Press.

2. Hughes, T.P. 1983. Networks of Power. Baltimore, MD: Johns Hopkins University Press.

3. Rathenau, E. 1908. Quoted in: Dyer, Frank L. and Thomas C.  Martin. 1929. Edison: His Life and Inventions. New York: Harper & Brothers, pp. 318-319.

Source : American Enterprise Institute, le 30/09/2011

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-jobs-nest-pas-edison-par-vaclav-smil/


ALERTE Grèce

Thursday 2 April 2015 at 02:00

J’ai hésité à rédiger ce billet, mais bon…

J’ai discuté cette semaine avec plusieurs spécialistes du dossier grec, y compris des personnes ayant rencontré des ministres de Syriza.

Les conclusions étant inquiétantes, je les partage avec vous.

I. Le problème insoluble

Voici les contraintes actuelles :

1. l’Europe a prêté des sommes folles à la Grèce

2. la Grèce ne peut pas rembourser

3. si la Grèce annonce officiellement un défaut, l’Europe perd des sommes folles, la BCE saute et obligera à des recapitalisations dantesques, ce qui entrainera probablement la fin de l’euro

4. l’Europe veut imposer des programmes de lourde austérité néolibérale à la Grèce

5. ces politiques sont le contraire du programme de Syriza, qui ne peut céder

6. si l’UE cède, d’autres pays du Sud demanderont les mêmes annulations de dette que la Grèce, et ce sera la fin de l’euro

En résumé :

Reste à savoir dans ce jeu de poker qui cèdera le premier. (oui, ça semble sans issue, mais c’est normal, vu que l’euro n’a jamais été viable… !)

La réponse que j’attendais de mes contacts est qu’il semble bien que les Grecs ne cèderont pas. Ils sont europhiles, mais ils ont compris que l’Europe veut qu’ils baissent leur pantalon, ce qui serait un suicide politique pour une politique délirante et de souffrance du peuple grec qui a déjà lourdement donné.

La logique de base voudrait évidemment alors que l’UE cède, mais elle a 3 raisons de ne pas le faire :

  1. par principe néolibéral et bêtise (mauvaise raison)
  2. pour que cet exemple ne contamine pas d’autres pays (bonne raison – sauf que si la Grèce ne cède pas, ça explose)
  3. pour tuer l’euro en jetant la faute sur la Grèce, ce qui pourrait être une stratégie cachée allemande (je n’en sais rien, mais ce serait alors une bonne raison).

Conclusion : Il semble donc qu’il y a 70 % de chances qu’on s’oriente vers un Grexit brutal, d’ici 2 ou 3 semaines - sauf si l’UE cède, mais ce qui aura aussi des conséquences politiques difficiles.

Comme Sapir l’explique, et comme le disait Romaric Godin (relire ce papier d’avant hier), le temps presse :

II. Que faire ?

Pas grand chose hélas… Pour le moment, croiser les doigts et attendre d’y voir plus clair :

 

Par ailleurs, et même si ce site n’a nullement pour but (c’est un métier) ni envie de donner des conseils financiers, je me bornerais à quelques conseils de prudence élémentaire en ces temps dangereux :

1. si vous avez moins de 50 000 € de placements financiers, ne vous inquiétez pas trop, ça devrait assez bien se passer même en cas de remous ;

2. ne laissez pas plus de 50 000 € dans une banque universelle systémique qui a de grosses expositions sur la finance de marché (bref, à défaut d’avoir une séparation légale des activités bancaires, séparez vous-même votre épargne :) )

Le risque du pays est concentré sur les 4 premières banques ici (parties en rouge) :

Sont donc beaucoup moins risquées des structures comme par exemple, la banque postale, le crédit mutuel, le crédit coopératif, d’autres petites banques, les livrets d’épargne des crédits municipaux (monts de piété), etc.

3. sortez rapidement des marchés actions et obligations – surtout vu les niveaux stratosphériques atteints. ATTENTION, c’est un conseil pour une gestion “de bon père/mère de famille”, pour préserver votre épargne. Dans une optique spéculative, rester investi pourrait générer encore plus de gains – ou de pertes !

4. n’achetez pas d’immobilier, sauf peut-être si vous êtes CERTAINS de garder le bien 20 ou 30 ans, et encore… En revanche, c’est le bon moment pour vendre à mon avis. ATTENTION, c’est un conseil pour une gestion “de bon père/mère de famille”, pour préserver votre épargne. Dans une optique spéculative, acheter pourrait générer encore plus de gains – ou de pertes !

5. il n’est pas stupide de disposer de 5 % à 10 % de son patrimoine sous forme d’or physique, mais c’est à voir comme une assurance en cas de gros problème. En effet, ce marché est volatil et peut susciter des gains ou des pertes en capital. (perdre 10 % de 5 % de son capital reste acceptable dans ce domaine). Réfléchissez et soyez prudents, surtout si vous ne pouvez pas le stocker sans risque.

À suivre !

P.S. inutile de m’écrire, je ne donnerai pas de conseils personnalisés…

P.P.S. et ne vous moquez pas de moi si en juin la Grèce est toujours dans l’euro, je signale juste un risque important, je ne suis pas Madame Soleil… :)

Source: http://www.les-crises.fr/alerte-grece/