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Affaire Kerviel : allez voir L’Outsider au cinéma !

Thursday 7 July 2016 at 00:30

Excellent film, que je vous recommande vivement !

On y voit bien la logique perverse qui a mené à cette affaire, les fautes de Kerviel… et de la banque.

Source : Gilles Herail pour toutelaculture.com

Le réalisateur des Choristes surprend en réalisant un film très contemporain sur un fait divers financier qui continue de faire l’actualité, près de 10 ans après.L’outsider reste relativement neutre sur les procédures judiciaires en cours et préfère retracer le parcours individuel de Jérôme Kerviel, interprété par Arthur Dupont. Un jeune mec brillant, hors sérail, pris dans un jeu qui le fascine mais le dépasse. Un portrait qui utilise parfois lourdement ses ficelles narratives mais séduit par sa pertinence politique et sa description acérée d’un monde de la finance trop rarement représenté dans le cinéma français. Notre critique.

Extrait du synopsis officiel : On connaît tous Jérôme Kerviel, le trader passé du jour au lendemain de l’anonymat au patronyme le plus consulté sur les moteurs de recherche du net en 2008… l’opérateur de marchés de 31 ans dont les prises de risque auraient pu faire basculer la Société Générale voire même le système financier mondial…

Christophe Barratier et son producteur Jacques Perrin ont du se battre pour faire exister un projet d’une actualité brûlante, qui sort en salles au moment où la justice est de nouveau sollicitée pour trancher le contentieux entre Jérôme Kerviel et la Société Générale. On regrette souvent la couardise et la frilosité du cinéma français, incapable de mettre en scène et d’analyser des évènements contemporains à résonance politique. Et l’arrivée de l’Outsider fait un bien fou, après les sorties consécutives de 600 euros (inscrit dans la campagne présidentielle de 2012), Tout tout de suite (revenant sur l’affaire Ilan Halimi) ou Merci Patron (attaquant le groupe LVMH). Le scénario retrace le parcours de Kerviel, diplômé brillant issu d’une famille plutôt modeste et recrue prometteuse de la SoGé. Jeune loup lancé dans le grand bain de la finance, au sein d’un monde qui file à 100 à l’heure et se drogue au challenge et à la performance. Un univers addictif, qui le fascine, où l’on manipule tout de suite des sommes énormes alors que l’on commence tout juste sa carrière.

Arthur Dupont apporte au personnage de Kerviel une innocence attachante, qui va petit à petit laisser place à un sentiment de toute puissance. Et transformer le jeune naïf en joueur compulsif incapable de mettre un terme au cercle vicieux dans lequel il s’enferme. Le film nous embarque dans l’univers des grandes banques françaises du début des années 2000, au sein d’une équipe de traders dirigée par François-Xavier Demaison. Qui a pu utiliser son passé dans le secteur financier pour composer un personnage démesuré mais crédible, entre le Leonardo Dicaprio du Loup de Wall Street et le Michael Douglas de Wall Street 1 et 2. Un gourou flamboyant, incroyablement charismatique, qui prend sous son aile un poulain qu’il veut amener au sommet. L’outsider dépeint avec énergie l’atmosphère de la finance de marché, son jargon, ses codes, sa camaraderie dopée à l’esprit de compétition. Un monde d’hommes, qui se vannent, se jaugent, se testent, dans un esprit cour de récréation qui leur permet de faire baisser (un peu) la pression folle à laquelle ils sont soumis.

L’outsider timide et un peu gauche va progressivement prendre ses marques, entamant une descente aux enfers qui se finira par son licenciement et l’enregistrement de pertes historiques pour sa banque. Quand l’élève développe à une échelle industrielle les petites combines du maitre et va toujours plus loin dans la prise de risques. Dépassant très largement ses autorisations de mises, cachant ses gains pour les remettre en jeu, jouant tapis à chaque coup en pariant systématiquement contre le marché. L’outsider reste volontairement flou sur la question de la responsabilité, pour s’éviter les procès en diffamation. Mais le point de vue adopté a le mérite de la clarté, présentant Kerviel sous un jour plutôt positif et le plaçant surtout en position de victime d’un système fou qui l’aurait laissé faire. Le récit s’arrête au moment du licenciement de Kerviel et ne revient en revanche pas sur la procédure judiciaire à rebondissements, qui symbolise également le caractère irréel et absurde de l’affaire (avec une première condamnation, depuis annulée, à 4.9 milliards d’euros d’amende).

Christophe Barratier s’intéresse plus au portrait d’homme qu’aux détails techniques et fictionnalise parfois artificiellement les relations de Kerviel avec ses proches (le personnage de l’ami travaillant au contrôle des risques s’est uniquement d’artifice scénaristique). On aurait aimé un ton encore plus incisif, allant plus loin dans la pédagogie et dans l’humour comme l’avait fait l’excellent The Big Short. Mais il faut saluer la volonté d’un cinéma inscrit dans le contemporain, qui s’attaque à un fait divers symbolisant à lui tout seul les dérives du système financier et des pratiques des grandes banques, qui restent d’actualité malgré les régulations timidement mises en places après la crise de 2008. L’outsider a l’immense mérite de replacer ces questions dans un contexte français et de rendre les comportements décrits moins « exotiques », apportant un complément tout à fait recommandable aux grands films américains du genre (The Big Short, Margin Call, Le loup de Wall Street, Wall Street 1 et 2).

Gilles Hérail

L’outsider, un thriller financier de Christophe Barratier avec Arthur Dupont, Sabrina Ouazani et François-Xavier Demaison, durée 1h57, sortie le 22/06/2016

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Panama papers : Jérôme Kerviel dénonce “l’impunité” de la Société générale

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Regardez enfin la lettre du PDG aux salariés :

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On saluera, outre le mauvais français, la “théorie du complot” – avant d’expliquer qu’on est victime d’un… complot 🙂

Le tout en rappelant qu’Oudéa était le bras droit du PDG de l’époque, et qu’il s’occupait…. de la Banque d’investissement, donc in fine de Kerviel…

Source: http://www.les-crises.fr/affaire-kerviel-allez-voir-loutsider-au-cinema/


Miscellanées du Mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, ScienceEtonnante, DataGueule)

Wednesday 6 July 2016 at 01:00

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche: l’après Brexit: “Tous les problèmes vont ressurgir” – 04/07

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (1/2): Depuis la chute post-Brexit, les marchés ont-ils maintenant raison d’avoir moins peur ? – 04/07

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (2/2): Comment entretenir la croissance dans les pays développés ? – 04/07

II. Philippe Béchade

La minute de Béchade: Brexit: “La volatilité sur la livre sterling est terrible !” – 24/06

Philippe Béchade VS Éric Turjeman (1/2): Malgré le résultat du référendum, le retrait du Royaume-Uni de l’UE sera-t-il effectif ? – 29/06

Philippe Béchade VS Éric Turjeman (2/2): Le Brexit va-t-il peser sur la croissance économique en zone euro ? – 29/06

III. Jacques Sapir

La minute de Sapir: “Le secteur bancaire de certains pays européens est gravement malade” – 05/07

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): L’augmentation des créances douteuses des banques italiennes est-elle devenue systémique ? – 05/07

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Après le Brexit, Paris a-t-elle raison d’essayer d’attirer les entreprises de la finance londonienne vers la France ? – 05/07

IV. Michel Onfray

V. ScienceEtonnante

Les trous noirs — Science étonnante #19

VI. DataGueule

Intermittent, précaire à temps plein ? #DATAGUEULE 8


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-delamarche-sapir-bechade-onfray-scienceetonnante-datagueule-2/


Néo-conservateurs et néo-libéraux : comment les idées mortes tuent encore, par Robert Parry

Wednesday 6 July 2016 at 00:30

Source : Le Saker Francophone, Robert Parry, AA-05-2016

Hillary Clinton veut que les électeurs américains aient peur de Donald Trump, mais il y a également des raisons de redouter une présidence néoconservatrice/néolibérale de Clinton, et ce qu’elle signifiera pour le monde, écrit Robert Parry.

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Pendant des siècles, la monarchie héréditaire était le moyen le plus répandu pour la désignation des chefs d’État. Elle a évolué en un système complexe se maintenant par le pouvoir et la propagande, alors même que ses racines idéologiques s’asséchaient pendant le Siècle de la raison. La monarchie étant devenue une idée morte, elle a néanmoins continué de tuer par millions dans son agonie. 

Aujourd’hui, les dangereuses idées mortes sont le néo-conservatisme et son fidèle allié, le néo-libéralisme. Ces concepts ont respectivement façonné la politique étrangère américaine et son économie, au travers des dernières décennies – et ils ont pitoyablement échoué, du moins du point de vue de la plupart des Américains et des peuples des nations ayant subi les effets de ces idéologies.

Aucune n’a profité à l’humanité, les deux ont mené à la mort et la destruction, cependant les jumeaux néo ont bâti une si puissante propagande, et un si puissant appareil politique, en particulier à Washington, qu’ils continueront surement à faire des ravages dans les prochaines années. Ce sont des idées zombies qui tuent.

Pourtant, le Parti démocrate est prêt à nominer un adhérent à ces deux néos, en la personne d’Hillary Clinton. Plutôt que d’aller au-delà du malaise de la politique du président Obama, et de ce qu’il appelle le manuel de procédures de Washington, les démocrates s’y réfugient.

Après tout, l’establishment de Washington reste ravi des deux néos, favorisant l’interventionnisme type changement de régime du néo-conservatisme, et le mondialisme libre-échangiste du néo-libéralisme. En somme, Clinton s’est avérée être la candidate clairement favorite des élites, du moins depuis que les alternatives se sont limitées au populiste milliardaire Donald Trump et au socialiste démocrate Bernie Sanders.

Les concourants du parti démocrate semblent compter sur les médias de masse et les leaders d’opinions proéminents pour marginaliser Trump, le probable candidat républicain, et pour achever Sanders, qui fait face à des difficultés sans fin contre Clinton dans la course à la candidature démocrate, spécialement parmi les cadres du parti, connus en tant que super-délégués.

Mais la hiérarchie démocrate parie pour Clinton, dans une année où une bonne partie de l’électorat américain se révolte contre les deux néos, fatiguée des guerres perpétuelles demandées par les néo-conservateurs, et appauvris par l’exportation des emplois manuels par les néo-libéraux.

Bien que la résistance populaire à ces néos reste peu définie dans les esprits des électeurs, le dénominateur commun des charmes contrastants de Trump et Sanders, est que des millions d’Américains rejettent les néos et répudient les institutions établies qui insistent à maintenir ces idéologies.

La question urgente

La question urgente pour la campagne de 2016 est : est-ce que l’Amérique échappera aux zombies des jumeaux néos, ou passera les quatre prochaines années avec ces idées mortes-vivantes, tandis que le monde vacille de plus en plus vers une crise existentielle.

La principale chose que ces néos zombies ont pour eux, est que la grande majorité des personnes importantes de Washington les ont embrassés et y ont gagné de l’argent et du pouvoir. Ces personnes n’ont probablement pas plus l’intention de renoncer à leurs gros salaires et à leur influence démesurée, qu’un courtisan favori d’un Roi ou d’une Reine de se ranger du côté de la foule crasseuse.

Les néo-adhérents sont aussi très doués à monter des problèmes pour leur bénéfice, facilités par le fait qu’il n’y a pratiquement aucune opposition ou résistance des médias de masse ou des think thanks.

Le néo-conservatisme est devenu la politique étrangère officielle de Washington, reléguant sur le bas-côté les réalistes de l’ancien temps qui favorisaient un usage plus judicieux de la puissance américaine.

Pendant ce temps, le néo-libéralisme domine les débats politico-économiques, considérant les marchés comme l’or d’un nouvel âge, et la privatisation des biens publics comme une loi sacrée. Ils ont écarté les vieux du New Deal, qui appelaient à un gouvernement robuste pour protéger le peuple des excès capitalistes et à la construction d’infrastructures publiques dans l’intérêt de l’ensemble de la nation.

L’absence de forte résistance aux idéologies néos dominantes, est la raison pour laquelle nous avons vécu la catastrophique pression de la pensée collective à propos des armes de destruction massive de l’Irak en 2003, et celle pour laquelle personne n’a osé remettre en question les avantages du libre-échange.

Après tout, les élites bénéficièrent des deux stratégies. Le bellicisme néoconservateur engouffra des milliers de milliards de dollars dans le complexe militaro-industriel, et la délocalisation néolibérale procura des milliards de dollars à des individus chefs d’entreprise et investisseurs de Wall Street.

Ces intérêts ont, l’un après l’autre, été en partie reversés pour fonder des think tanks à Washington, pour financer des organes de presse, des campagnes et des discours d’amis politiciens. Pour les concernés, cette tactique est donc gagnante sur toute la ligne.

Les perdants

Pas tant pour les perdants, ces citoyens qui ont vu la grande classe moyenne américaine évidée sur les dernières décennies, observant l’infrastructure publique de l’Amérique pourrir, et s’inquiétant pour leurs fils et filles envoyées faire d’inutiles, perpétuelles et vaines guerres.

Mais, inondés de propagande intelligente – et luttant pour joindre les deux bouts – la plupart des Américains voient la réalité comme à travers un sombre miroir. Plusieurs «se cramponnent aux armes ou à la religion» comme l’a indélicatement dit Barack Obama durant sa campagne de 2008. Ils ont peu d’autres choses – et beaucoup se tuent avec les opiacés qui couvrent leur peine, ou avec ces armes qu’ils voient comme la dernière chose qui les relie à la liberté.

Ce qui est clair, cependant, c’est qu’un large nombre ne fait pas confiance à – et ne veut pas de – Hillary Clinton, qui a obtenu une note défavorable de 24 points dans un récent sondage. Il semble qu’un autre commentaire indélicat d’Obama lors de sa campagne de 2008 s’avère être injuste, quand il garantissait qu’Hillary était «suffisamment appréciée». Pour de très nombreux Américains, ça n’est pas le cas (bien que Trump ait fait mieux que Clinton avec un score de 41 points négatifs).

Si les démocrates nominent Hillary Clinton, ils espéreront que l’ordre établi des néo-conservateur/libéraux  pourra tellement diaboliser Donald Trump, qu’une majorité d’Américains voteront pour l’ancienne secrétaire d’État par abjection et peur des folies que pourrait faire le milliardaire narcissique à la Maison Blanche.

Les prescriptions politiques de Trump ont été dans tous les sens – et il est difficile de savoir ce que reflète sa vraie pensée (ou son ignorance naïve), à l’opposé de ce qui constitue son talent d’homme de scène, qui lui à valu d’être le survivant de la compétition de TV-réalité pour la présidence républicaine.

Trump pense-t-il réellement que le réchauffement climatique est un canular, ou cède-t-il simplement à l’aspect je ne veux rien savoir du parti républicain ? Considère-t-il vraiment le deal nucléaire iranien d’Obama comme un désastre, ou joue-t-il avec la haine de la droite envers d’Obama?

Contre les néos ?

Trump, quant à lui, n’est pas un fan des néos. Il critique franchement les néoconservateurs sur la guerre d’Irak, et condamne l’ex secrétaire d’état Clinton pour son rôle clé dans un autre catastrophique changement de régime en Libye. Plus encore, Trump appelle à la coopération avec la Russie et la Chine, plutôt qu’à l’escalade des tensions, préférée par les néoconservateurs.

Dans son discours du 27 avril sur la politique étrangère, Trump a appelé à une «nouvelle direction de politique étrangère pour notre pays – une non plus aléatoire, mais intelligente, non plus idéologique mais stratégique, non plus de chaos mais de paix… Il est temps d’inviter de nouvelles voix et de nouvelles visions dans la bergerie. […]»

«Ma politique étrangère mettra toujours les intérêts du peuple américain, et la sécurité américaine, par-dessus tout le reste. Ce sera la base de chaque décision que je ferai. L’Amérique d’abord sera le principal et majeur motif de mon administration.»

De tels propos – suggérant que de nouvelles voix sont nécessaires, et que l’idéologien’a pas sa place – vont clairement à l’encontre des néoconservateurs, étant donné que leurs voix étouffent celles de tous les autres, et que leur idéologie domine la politique étrangère des États-Unis depuis des années.

Comme si ça ne suffisait pas, Trump présenta une stratégie de type l’Amérique d’abord, en opposition avec celle des néo-conservateurs qui veulent une présence américaine un peu partout pour les intérêts d’Israël et d’autres alliés. Trump n’est pas intéressé par la mise en scène de changements de régime pour éliminer les leaders dérangeant Israël.

Le magnat de l’immobilier a également fait de la critique du libre-échange une pièce maîtresse de sa campagne, arguant que ces accords avaient épuisé les travailleurs américains, en les forçant à entrer en lice avec des travailleurs étrangers ne recevant qu’un salaire très inférieur.

Le sénateur Sanders a utilisé des arguments similaires pour sa campagne démocrate rebelle, critiquant le soutien d’Hillary Clinton au libre-échange et aux guerres de changement de régime telles que celles d’Irak ou de Libye.

En examinant son long dossier dans la vie publique, il y a peu de doutes que Clinton est une néoconservatrice en politique étrangère et une néolibérale en stratégies économiques. Elle se tient fermement en faveur du consensus officiel de Washington, ce qui lui permet de jouir de son adhésion.

Elle a suivi l’attitude néolibérale chérie de Wall Street envers le libre-échange, qui profita largement aux multinationales, tandis qu’elles délocalisaient des millions d’emplois américains vers des pays à bas coût. (Elle n’a refroidi son ardeur pour les accords commerciaux qu’en vue de sa compétition démocrate avec Bernie Sanders.)

Des guerres et encore des guerres

Sur la politique étrangère, Clinton a systématiquement soutenu les guerres néoconservatrices, bien qu’elle désavoue l’étiquette de néoconservatrice, lui préférant son moins toxique synonyme : interventionniste libérale.

Mais, comme le pur néoconservateur Robert Kagan, qui s’est redéfini comme étant interventionniste libéral, l’a dit au New York Times en 2014 : «Je me sens à l’aise avec elle sur la politique étrangère. Si elle poursuit la politique que nous pensons qu’elle poursuivra, cela pourrait être qualifié de néo conservatisme, mais ses supporters ne l’appelleront certainement pas comme ça, ils utiliseront d’autres termes.»

Résumant les impressions de penseurs tels que Kagan, le Times relate que Clinton «reste le récipient dans lequel beaucoup d’interventionnistes versent leurs espoirs».

En février 2016, désemparé par la montée de Trump, Kagan, fondateur du Projet pour le nouveau siècle américain de George W. Bush et de sa guerre en Irak, annonça ouvertement son soutien à Clinton dans un article du Washington Post.

Et Kagan ne se méprend pas en voyant Hillary Clinton comme un compagnon de route. Elle a souvent marché au même pas que les néoconservateurs, lorsqu’ils ont mis en œuvre leurs changements de régimes agressifs contre des gouvernements et des mouvements politiques ne s’alignant pas avec Washington ou divergeant des intérêts d’Israël au Moyen-Orient.

Elle a soutenu des coups d’État, comme au Honduras en 2009 et en Ukraine en 2014. Des invasions comme en Irak (2003) et en Libye (2011), et des subversions comme en en Syrie, de 2011 à maintenant. Le tout avec différents degrés de résultats catastrophiques.

Recherche de coercition

Dennis Ross est l’ancien conseiller spécial de Clinton, lorsqu’elle était Secrétaire d’État. Il travaille maintenant au Washington Institute for Near East Policy, un think tank résolument pro-israélien sur la politique américaine au Moyen-Orient. Dans son récent commentaire pour Politico, nous pouvons voir un aperçu de ce que donnerait une présidence Clinton.

Dans son article, Ross dresse un monde surréaliste, dans lequel les problèmes du Moyen-Orient viennent de l’hésitation du Président Obama à s’engager militairement plus agressivement dans la région, et non de la décision des néoconservateurs d’envahir l’Irak en 2003, ni des plans similaires pour renverser les gouvernements laïcs de Libye et de Syrie en 2011, laissant ces pays en ruine.

Canalisant les souhaits du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, Ross appelle à un attelage des États-Unis aux intérêts régionaux d’Israël, de l’Arabie Saoudite et des autres membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), dans la rivalité contre l’Iran chiite.

Ross écrit : «Obama pense que l’usage de la force n’est envisageable qu’en cas de menace directe du territoire national. Son état d’esprit justifie l’action préventive contre les terroristes et le combat contre État islamique. Mais cela enferme les intérêts américains et l’utilisation de la force pour les soutenir dans des conditions très étroites…»

«[En envahissant le] Yémen, les Saoudiens n’ont pas agi de main morte, car ils craignaient que les États-Unis ne mettent pas de limite à l’expansion iranienne dans la région, et ils ont ressenti le besoin de dessiner leur propre ligne rouge.»

Pour contrer l’hésitation d’Obama à utiliser la puissance militaire, Ross appelle à la réaffirmation  d’une politique américaine musclée au Moyen-Orient, sur la même ligne que la doctrine néoconservatrice, ce qu’approuve également Hillary Clinton, c’est-à-dire :

Employant le ton dur classique des néoconservateurs, Ross conclut : «Poutine et les chefs du Moyen-Orient comprennent le principe de la coercition. Il est temps pour nous de le réappliquer.»

On pourrait souligner les nombreuses incohérences logiques dans l’argumentaire de Ross, dont son oubli de mentionner que la majeure partie de la supposée ingérence iranienne au Moyen-Orient a pour but d’aider les gouvernements syriens et irakiens dans leur lutte contre État islamique et al-Qaïda. Ou aussi que l’intervention russe en Syrie n’a visé que le soutien du gouvernement reconnu internationalement, dans son combat contre les extrémistes sunnites et les terroristes.

Mais la signification de la recommandation de Ross de réappliquer la coercition américaine dans la région, est qu’elle souligne ce que le monde peut attendre d’une présidence Clinton.

Clinton utilisa beaucoup de ces arguments dans son discours devant le Comité des affaires publiques américano-israéliennes (AIPAC), et dans des débats avec Bernie Sanders. Si elle reste sur cette ligne en tant que présidente, il y aura au moins une invasion partielle de la Syrie par les États-Unis, une très probable guerre avec l’Iran, et une escalade des tensions (et une possible guerre) avec la puissance nucléaire qu’est la Russie.

Comment tout cela est supposé améliorer les choses ? Cette question est noyée sous le classique grondement néoconservateur sur le fait de faire preuve de force et de réappliquer la coercition.

En somme, le Parti démocrate semble parier que l’inondation de spots TV d’Hillary Clinton contre Trump, peut suffisamment effrayer le peuple américain pour donner aux néoconservateurs et aux néolibéraux un bail de plus sur la Maison Blanche – et quatre ans de plus pour faire des dégâts dans le monde.

Robert Parry

Traduit par Ismael, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone

Source: http://www.les-crises.fr/neo-conservateurs-et-neo-liberaux-comment-les-idees-mortes-tuent-encore-par-robert-parry/


Prague 1968, Ukraine 2014. La contre-révolution pour politique, par Brice Couturier

Wednesday 6 July 2016 at 00:01

Parce qu’apparemment trop de propagande ne tue pas la propagande…

Source : France Culture, Brice Couturier, 02.06.2016

Poutine prétend offrir une alternative globale à la “décadence de la Gayrope”. Mais ce bonapartiste n’est pas un Napoléon. Formidable article de Timothy Snyder dans la New York Review of Books.

Un quart de siècle s’est écoulé depuis les révolutions de 1989, qui ont disloqué l’empire soviétique en démontant l’imposture idéologique qui lui servait de légitimation. Et voilà que la Russie de Poutine présente son modèle alternatif à l’Etat de droit et à la démocratie représentative. Il est fondé sur trois éléments : des élections truquées, une oligarchie institutionnelle, l’omniprésence de la propagande national-populiste. Il ne vise qu’un objectif clair : la dislocation d’une Europe jugée décadente et brocardée comme sous le sobriquet « gayrope ». C’est qu’écrit l’historien américain Timothy Snyder, spécialiste de l’Europe de l’est dans la New York Review of Books.

Et c’est dans cette perspective qu’il faut comprendre, selon lui, l’invasion de l’Ukraine du sud et de l’est par « les petits hommes verts » venus de Russie, et l’annexion de la Crimée, au mépris du droit international.

Car la révolution ukrainienne de l’hiver 2013/2014 a été lancée au nom des valeurs européennes. Sur place, on parlait « d’EuroMaiden ». Les manifestants qui bravaient le froid, puis les fusillades, misaient sur l’ouverture de négociations commerciales avec l’Union européenne pour pousser leur pays à se réformer, à adopter les normes démocratiques exigées par l’UE. Viktor Yanoukovitch, le président archi-corrompu désirait, au contraire, arrimer son pays à l’axe eurasiatique que Moscou tente d’opposer à l’Europe.

L’annexion de la Crimée et de l’est ukrainien, telle est la punition administrée aux Ukrainiens révoltés. Et Timothy Snyder la compare à l’invasion de la Tchécoslovaquie à l’époque du Printemps de Prague, par l’Armée rouge en 1968. Dans les deux cas, il s’agit de réprimer un peuple indocile, afin de maintenir le statu quo.

Mais le motif invoqué par Poutine pour ces annexions de fait, « la Novorossiya » ne laisse pas d’inquiéter, écrit-il. Le président russe fonde la nationalité sur la communauté de langue. C’est parce que le russe est effectivement parlé dans ces régions, qu’elles devraient revenir à la Russie. « Principe dévastateur », écrit Tim Snyder. Car c’est sur la base de telles revendications qu’a éclaté la 2° Guerre mondiale. L’annexion de l’Autriche ( l’Anschluss), puis des Sudètes tchèques par le régime national-socialiste s’est faite au nom de la langue et de la culture allemande.

Or, c’est ignorer que certaines grandes villes de l’est ukrainien, comme Dnipro, ex-Dnipropetrovsk, un million d’habitants, l’ancienne « ville des fusées » de l’URSS, est russophone à 100 % et cependant très hostile à l’agression russe. Dans d’autres villes de l’est ukrainien, comme Donetsk, on a vu des Ukrainiens russophones terrorisés par des Tchétchènes agissant pour le compte de Moscou, mais qui ne parlent pas un mot de russe…

Paradoxalement, les dirigeants russes nomment « fasciste » tout ce qui vient d’Europe ou se réclame des idéaux européens. La question de fond, selon Timothy Snyder ? Comment l’opinion publique russe absorbe les théories complotistes que des médias aux ordres déversent quotidiennement sur elle. Comment l’appareil de propagande de Poutine peut-il soutenir simultanément qu’il n’y a jamais eu d’invasion de l’Ukraine mais que les annexions réalisées au détriment de ce pays par la Russie sont une bonne chose ? Comment concilier le jugement de valeur selon lequel les Ukrainiens sont tous des fascistes et qu’ils constituent un peuple-frère ?

Dès qu’une velléité d’opposition se manifeste, ses leaders sont harcelés, battus, par des milices qui se comportent en police parallèle. C’est ce qui vient d’arriver à la fameuse romancière Lioudmila Oulitskaïa. D’autres sont aussitôt arrêtés sous des prétextes insensés – souvent accusés d’être financés par Hilary Clinton… D’ailleurs, Poutine soutient Donald Trump, dans lequel il voit l’homme le mieux capable de détruire la puissance américaine.

Poutine, conclut Tim Snyder, “fait du bonapartisme, mais il n’est pas Napoléon“. Devant les conséquences économiques de sa gestion désastreuse des revenus pétroliers, il détourne les frustrations légitimes du peuple russe sur des ennemis imaginaires. Mais à la différence des dirigeants soviétiques d’autrefois, il ne propose aucune réelle alternative à celle des démocraties occidentales. Tchécoslovaquie 68, Ukraine 2014, on ne convainc pas les peuples par des interventions contre-révolutionnaires. Au contraire, on se les aliène.

La conséquence la plus visible de l’agression commise contre l’Ukraine par la Russie aura été de renforcer le sentiment national ukrainien.

Source : France Culture, Brice Couturier, 02.06.2016

 

L’article de Timothy Snyder “The wars of Vladimir Poutine

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Source: http://www.les-crises.fr/prague-1968-ukraine-2014-la-contre-revolution-pour-politique-par-brice-couturier/


Le « testament politique » de Michel Rocard

Tuesday 5 July 2016 at 00:31

Je ne partageais pas toute sa vision, mais Michel Rocard était un sacré bonhomme, avec qui j’ai eu la chance de discuter plusieurs fois.

Je retiendrai de nos échanges sa grande humanité, son souci de la justice et l’attention portée au sort des plus humbles – caractères si rares aujourd’hui…

RIP Michel…

Source : à lire en intégralité dans Le Point, Michel Rocard, 23-06-2016

Ce qu’il dit de Mitterrand, Chirac, Hollande, Juppé, Macron… Son « testament politique »

Le Point : Nous vivons une période de rupture inédite. Quel projet politique crédible peut permettre d’adapter notre société à ces bouleversements ?

Michel Rocard : Pour diriger une société, il faut la comprendre. Or on ne peut plus se comprendre. On va rentrer tous ce soir chez nous et regarder les infos. Il y aura 60 % de faits divers. On ne nous donne ni la matière ni le temps pour comprendre.

Et la presse écrite se laisse entraîner par l’information continue, la télé, Internet… Le système fonctionne pour le divertissement. Comment, dès lors, comprendre le Moyen-Orient ou la crise économique ? Le monde du savoir ne produit plus de connaissances interdisciplinaires, les sociologues ne travaillent pas avec les économistes, qui ont peu ou pas de contact avec les politiques.

C’est donc une question de temps ?

Les politiques sont une catégorie de la population harcelée par la pression du temps. Ni soirée ni weekend tranquille, pas un moment pour lire, or la lecture est la clé de la réflexion. Ils n’inventent donc plus rien. On sent venir l’élection sans projet de société d’un côté comme de l’autre. La démocratie chrétienne avait un projet de société pour toute l’Europe, qu’elle a fini par abandonner. Le gaullisme a disparu. Le communisme s’est englouti dans son propre archaïsme. Le socialisme porte un projet, mais il n’est plus clair depuis longtemps. D’ailleurs, il n’y a plus guère que moi pour en parler… parce que je suis archaïque, probablement.  […]

François Hollande bat des records d’impopularité. S’il ambitionnait un second mandat, quel serait votre conseil ?

Changer ! Le problème de François Hollande, c’est d’être un enfant des médias. Sa culture et sa tête sont ancrées dans le quotidien. Mais le quotidien n’a à peu près aucune importance. Pour un politique, un événement est un “bousculement”. S’il est négatif, il faut le corriger. S’il est positif, en tirer avantage. Tout cela prend du temps. La réponse médiatique, forcément immédiate, n’a donc pas de sens. Cet excès de dépendance des politiques aux médias est typique de la pratique mitterrandienne, dont François Hollande est l’un des meilleurs élèves. Or le petit peuple de France n’est pas journaliste. Il sent bien qu’il est gouverné à court terme et que c’est mauvais. Cela dit, je ne crois pas que François Hollande y puisse quelque chose. D’abord, c’est trop tard. Et puis, on ne change pas comme ça.

Votre pronostic est assez négatif !

L’espoir de l’actuel président de la République de repasser… D’abord, je me demande pourquoi il ferait ça. Il doit commencer à ne plus croire lui-même qu’il fera baisser le chômage. Mais, vous savez, l’attitude de François Hollande n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui compte, c’est l’attitude des médias. La France est entrée dans un déclin profond à cause de la manière dont nous communiquons les uns avec les autres, et c’est irrémédiable. […]

Diriez-vous à la lumière de sa trajectoire que Mitterrand était, en fait, un homme de droite ?

Tout le démontre. C’est évident. Mitterrand était un homme de droite. N’oubliez pas qu’il est devenu premier secrétaire du Parti socialiste moins de trois jours après avoir pris sa carte… Comme accoutumance à une longue tradition culturelle, c’est un peu bref.

Y a-t-il une chose que vous regrettez de ne pas lui avoir dit ?

Non… On s’est tout de même dit beaucoup de choses, par écrit. Ce qui a scellé la qualité de nos relations, c’est quand j’ai écrit, pendant la guerre d’Algérie, qu’il était un assassin. Ministre de la Justice, il refusait d’instruire les demandes de grâce des condamnés à mort. Il faisait la grève administrative pour tuer. Forcément, il n’a pas aimé… Nous n’en avons jamais reparlé.

Jamais ?

Non, cela nous aurait compliqué le travail. Parce qu’on a bien travaillé ensemble. Avez-vous repéré un détail drôle ? Prenez le sondage de popularité du Journal du dimanche sur cinquante ans. Si vous additionnez les cotes de popularité des présidents et des Premiers ministres, nous sommes le binôme gouvernant le plus populaire ! Nous avions tellement peu de plaisir à être ensemble que nous travaillions très vite. Nous avons fait le RMI ensemble dans l’enthousiasme. Et puis il m’a laissé faire la Nouvelle-Calédonie à ma manière. Et la CSG, certes très discutée, mais qui est tout de même un impôt de justice, et les Français l’ont bien compris.

Pensez-vous, comme Régis Debray, que la gauche française a perdu la bataille des idées ?

Oui, la gauche a perdu la bataille des idées, et pas seulement en France. La crise est profonde, mondiale. Quel que soit le prochain président, il n’aura pas les moyens de résoudre tout seul la crise économique. Je ne me prêterai donc pas au jeu de rôles de savoir qui sera le prochain. On peut toujours s’en prendre au politique, mais ce n’est pas sérieux. Nous sommes passés de 5 à 6 % de croissance économique à 2 ou 3 % au mieux. L’autre phénomène est le mépris pour l’investissement : les détenteurs de fortunes préfèrent désormais jouer avec leur argent qu’investir. Les actionnaires s’y sont mis. Ils ont réclamé plus d’argent. Pendant les Trente Glorieuses, période de plein emploi, on rémunérait mal les actionnaires car on payait bien la main-d’oeuvre. Henry Ford avait donné le la en inventant la semaine de cinq jours payés six, “pour que mes travailleurs, disait-il, puissent acheter mes voitures”. Mais voilà, dans les années 70, on a doublé la part distribuée aux actionnaires. D’abord aux dépens des sous-traitants – le patronat a externalisé vers des entreprises petites et peu syndicalisées pour renégocier les contrats -, puis des employés maison. Cela s’est fait dans tous les pays développés. […]

Quel autre tabou la gauche doit-elle faire sauter ?

La gauche française est un enfant déformé de naissance. Nous avons marié deux modèles de société radicalement différents, le jacobinisme et le marxisme. Pas de souveraineté des collectivités territoriales, pas de souveraineté des universités, tout est gouverné par le sommet, ça c’est le jacobinisme. Avec la prétention d’avoir une analyse rationnelle de la production, ça c’est le marxisme. Et, particularité française, la volonté révolutionnaire de travailler à la démolition du capitalisme, ce qui explique l’absence de dialogue social et de culture économique. Pourquoi voulez-vous comprendre le système puisqu’il faut en mettre un autre à la place ? La gauche française se raconte aussi à travers la dynastie de ses chefs : Paul Faure, secrétaire général de la SFIO choisissant le ministre du Travail du maréchal Pétain, ou Guy Mollet, inoubliable créateur de la guerre d’Algérie. D’autres leaders ont contesté l’idée du Grand Soir. Ces progressistes qui voulaient faire marcher l’économie s’appelaient Jean Jaurès ou Léon Blum. Blum, qui était le seul de la bande à avoir lu Marx, a eu cette phrase en 1936 : “A l’évidence, la situation n’a rien de révolutionnaire, nous ne pouvons être que des loyaux gérants du capitalisme.” Cette dissidence subversive est restée minoritaire. Les autres pays se sont débarrassés du marxisme. Les Allemands ont, après guerre, envoyé la dictature du prolétariat, la lutte des classes, Karl Marx et ses certitudes, aux oubliettes de l’Histoire pour se rallier à l’économie de marché.

Pas la France, où Mitterrand, qui avait conquis le PS et voulait le pouvoir, avait un besoin stratégique du PC. Très vite, il a affirmé que les nationalisations étaient une revendication du milieu ouvrier, et que n’était pas socialiste qui s’y refusait. Alors que partout émerge une social-démocratie réformiste, ralliée à une économie de marché régulée pour limiter chômage et inégalités, la gauche française se distingue. La drôlerie, c’est le vocabulaire : les termes “socialisme” et “social-démocratie” sont interchangeables, alors qu’ils ne recouvrent pas la même définition. […]

La parole du politique est aujourd’hui discréditée, elle ne porte plus…

Oui, et elle n’est pas près d’être recréditée ! Rien de ce que je peux vous dire ne se résume en une minute trente à la télévision. Comment réussir à redonner un espoir aux Français si cet espoir n’est pas inscrit dans une durée, au moins celle de la longévité de nos petits-enfants ? Nous sommes aussi vaincus par l’individualisme. J’en ai beaucoup voulu à Manuel Valls de vouloir changer le nom du parti. L’histoire nous a dotés du seul mot qui fait primer le collectif sur l’individu : le “socialisme”. C’est même la seule chose que le socialisme veuille dire, et surtout pas “appropriation collective des moyens de production” ! Mais les frustrations sont telles que d’autres formes de pouvoir émergent. Les partis ne font pas leur boulot, alors les citoyens se prennent en main.

François Hollande a fait du dialogue social l’un des axes de son quinquennat. Cela peut-il fonctionner en France, où les syndicats sont si peu représentatifs ?

Evidemment non. Mais, comme il n’y a pas de substituts, la priorité est à la relance du mouvement syndical, avec interdiction au pouvoir politique ou patronal de trancher à sa place. Le patronat trouve commode d’être bonapartiste et qu’on lui fasse oublier ses partenaires obligés, il lui suffit de négocier secrètement avec l’Etat. Chaque fois que la gauche centralise trop – c’est l’héritage de Mitterrand -, elle prend le risque de donner un poids excessif au grand patronat. Or je ne crois pas à la symétrie des intérêts. En revanche, on diminue le frottement social avec de bonnes négociations. Mais, pour faire renaître une représentativité des syndicats, il va falloir un demi-siècle… […]

Défendez-vous toujours les 35 heures ?

On a pris de la plus mauvaise manière possible une mesure dont le sens général était bon. On y a mis trop d’administration. Comment, dans une usine automobile, par exemple, voulez-vous faire travailler au même rythme les gens qui sont à la production, en flux tendu, ceux qui, à la vente, s’adaptent au rythme des clients, et ceux qui sont à l’administration ou à la direction ? Que la loi ne s’en mêle surtout pas ! De toutes les démocraties, la France est la seule où la loi s’est occupée du temps de travail et, finalement, on fait moins bien que les autres… La seule chose qui ait marché, c’est la loi Robien, qui permet, dans des centaines d’entreprises, comme chez Fleury-Michon, de travailler 28 à 30 heures.

Mais le coût du travail en France est trop important. Or augmenter la durée du travail revient à le baisser…

Il y a un rééquilibrage à faire. La part des emplois dans le public est trop importante. Nous avons 1 million de fonctionnaires en trop, selon les calculs de la Cour des comptes. Le rêve, c’est l’équilibre danois, presque pas de chômage, et des gens qui n’ont pas peur d’y tomber car ils savent qu’ils ne resteront inactifs que quelques mois, parce qu’ils bénéficient d’une formation sûre et rémunérée, mais aussi, il est vrai… obligatoire.

Vous parlez de formation. Pourquoi notre système éducatif est-il à ce point déconnecté du monde du travail ?

L’école obligatoire est le fait des radicaux. Si elle avait été le fait des “hussards de la République”, la relation avec le milieu ouvrier eût été infiniment plus forte. A l’inverse, la coupure a été totale. Elle a été orchestrée par les professeurs de l’enseignement secondaire, issus de la bourgeoisie, qui n’aimaient ni le peuple ni l’école primaire. Nous ne nous sommes jamais remis non plus de la fracture entre les milieux du savoir et ceux de l’économie, science méprisable, puisqu’elle cherchait à savoir comment faire du profit, alors qu’il fallait s’occuper de préparer la révolution. Cela nous a tenus pendant un siècle et demi au moins. Sans compter le monopole de l’Education nationale sur tout le savoir, y compris l’enseignement professionnel, qui s’en est trouvé délaissé, et qu’il faut réhabiliter absolument. […]

La France a déboursé 50 milliards pour les banlieues, mais pour quoi faire ?

La violence urbaine est une vieille affaire. En France, nos rapports avec nos populations immigrées ont été variables et assez étonnants. Nous avons eu énormément d’immigrés entre les deux guerres. Le recensement de 1936 donne 5 à 6 millions d’étrangers, à peu près autant qu’actuellement. Ils étaient belges, italiens, polonais pour l’essentiel. La presse les traitait comme on n’ose plus le faire. Mais tout ce petit monde s’est trouvé naturalisé, si bien que l’état-major de la CGT en a compté de nombreux. Tous les Belges se sont francisés. C’est devenu beaucoup plus calme. Et c’est à ce moment-là que la France a commis une de ses premières lâchetés : accélérer le développement en important beaucoup de main-d’oeuvre, notamment du Maghreb. Une population mâle, non formée, célibataire. Aucun accompagnement pour le logement, aucune anticipation des familles qui finiront par venir. Aucune disposition pour préparer l’alphabétisation, l’encadrement social. Rien. Quatre millions en trois ou quatre ans, de 1969 à 1973. Ce cynisme-là, c’est celui de Pompidou à la demande de nos industries minières, notamment les Charbonnages de France, et de l’UIMM, le syndicat métallurgiste. L’arrêt de cette procédure d’import massif, c’est Giscard. Avec lui, on permet le regroupement familial et on cesse l’ostracisme des immigrés d’Afrique du Nord dans les programmes de logement social. Depuis, l’immigration du travail s’est arrêtée, et l’immigration clandestine ne concerne pas plus de 200 000 personnes par an, soit peu de chose. Mais cela a créé des poches de colère dans le pays. La France n’est pas seule à importer de la main-d’oeuvre. L’Allemagne a fait pareil avec les Turcs, la Grande-Bretagne avec les Pakistanais, les Pays-Bas avec les Indonésiens… Toujours une population masculine, célibataire, sans accompagnement social. Mais la géographie a joué différemment.

Que voulez-vous dire ?

Quand les immigrés vont en Allemagne ou en Angleterre, ils tombent dans des pays où le tissu industriel est réparti sur tout le territoire. La géographie industrielle fait que les immigrés s’installent un peu partout. En France, dès le début, ils se concentrent dans le Nord-Pas-de-Calais et à Paris. Les conditions d’un ferment d’humiliation, d’aigreur, de colère ont été réunies en France plus qu’ailleurs. […]

On en revient à l’idée du respect…

Ou plutôt à sa disparition… Mon ami l’essayiste américain Jeremy Rifkin avait publié un livre intitulé Vers une civilisation de l’empathie (1). A ses yeux, l’empathie est la valeur structurante de la vie. C’est magnifique ! L’empathie, plutôt que la solidarité, qui apparaît plus comptable… […]

Le monde se numérise et rend notre pays vulnérable à la propagation d’idées extrêmes via Internet. Craignez-vous ce phénomène ?

Pour ce qui est des djihadistes, l’influence était essentiellement due à des événements français. Mais nous ne parlons que de quelques centaines d’individus. Dans la numérisation, je vois plutôt un danger pour notre langue. Avec les SMS et autres, il n’y a plus d’orthographe, de nuances, de doute. Le doute est l’accompagnateur infatigable du progrès. Sans le doute, une démocratie ne peut fonctionner. L’éthique, la générosité, la noblesse, l’intégrité n’ont pas leur place dans un système limité à la transmission de faits brutaux. Je ne crois guère au baratin de la restauration démocratique par Internet. […]

Aujourd’hui, quels conseils donneriez-vous à notre ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault ?

La première chose à faire eût été de soutenir Obama dans cette négociation très difficile, où la moitié de la table obéissait aux consignes du Premier ministre israélien Netanyahou, fou de méfiance et d’envie d’aller au choc avec Téhéran. Ce fut malheureusement la ligne Sarkozy-Levitte qui l’emporta, suivie par Juppé et reprise par Fabius sans examen interministériel, et moins encore présidentiel. Je pense que Fabius a joué contre son propre pays. Il reste maintenant à sortir de la méfiance et à passer aux travaux d’application. Les Iraniens ont besoin de nous dans le génie de l’eau, où nous sommes les meilleurs, dans le génie nucléaire civil, dans l’automobile bien entendu, dans la rénovation de leur agriculture… Cela suppose que Jean-Marc Ayrault restaure, avec les Américains, un niveau d’entente qui permette de faire la paix en Irak, puis de trouver une issue à la crise syrienne dans des conditions où l’on puisse reprendre langue avec les Russes.

Parlons de la Russie, justement. Que pensez-vous de l’attitude occidentale à son égard ?

Cela remonte à 1991. Boris Eltsine, président de la Fédération de Russie, annonce au monde qu’il met fin au pacte de Varsovie. La suppression du pacte de Varsovie pose la question de l’utilité du Pacte atlantique. Et là, l’Occident commet une erreur tragique. Eltsine ne reçoit aucune réponse. Rien. Silence absolu. Six mois plus tard, le président américain réagit, au nom de l’Otan – mais sans avoir consulté aucun de ses membres -, pour dire en substance aux Russes : “C’est bien d’avoir abandonné le communisme et le pacte de Varsovie ; mais vous restez russes et, par conséquent, nous restons méfiants, nous allons donc étendre le Pacte atlantique jusqu’à vos frontières, et même incorporer d’anciennes républiques de l’Union soviétique, les trois pays baltes.” L’insulte. La gifle. La menace. Vladimir Poutine l’a vécu comme une humiliation. Il en parle tout le temps. Une fois au pouvoir, il va construire sa revanche. Dans l’agressivité russe, il n’y a pas que la volonté de se défendre, il y a aussi le refus de l’offense, la volonté de contre-insulter. Il est évident que l’on ne sortira pas de cette crise sans s’expliquer là-dessus.

Et puis il y a l’Ukraine. Peut-on parler de provocation occidentale ?

Oui, nos diplomates, et plus encore nos journalistes, ont oublié l’Histoire. On a habillé l’Ukraine en peuple opprimé, en Etat potentiellement indépendant. Or l’Ukraine, sur deux millénaires, doit avoir dix-sept jours d’existence comme Etat indépendant ! Elle n’était pas un pays constitué, mais un conglomérat de populations dont la moitié parle russe et l’autre ukrainien, et qui faisait partie des composantes de l’Union soviétique. Et l’Empire est né là, à Kiev. On se serait souvenu de ça, on aurait peut-être eu un vocabulaire et une geste différents. On doit faire passer le message qu’on s’est trompés. L’urgence est d’aider les Russes à résister à la pression chinoise qui veut récupérer la Sibérie ! La Sibérie est la dernière grande zone en dehors de l’Arctique, c’est une réserve de terres émergées dont beaucoup de ressources non exploitées permettraient de faire vivre les 2 milliards d’hommes supplémentaires qui arrivent ! Sa mise en valeur va pourtant se faire par un consortium sino-japonais : l’argent chinois et la technique japonaise. L’intérêt chinois est sans équivoque. Si on veut avoir notre place là-dedans, il n’y a que deux voies : la russe ou la turque. On s’est intelligemment fermé les deux ! Vous comprenez que je hurle devant toute cette imbécillité !

Donc Poutine est “notre nouvel ami”, mais avec vigilance ?

Avec vigilance naturellement, mais ça commence par son accord à lui. Il a été amèrement déçu, et convaincu qu’il n’y a rien à faire avec l’Occident. D’où, incidemment, le caractère parfaitement géostratégique et décisif de la reconstitution de son tissu diplomatique autour de l’Iran, redevenu un pays “civilisé”. Nous n’avons pas de raison valable de faire confiance de manière définitive aux Iraniens ou aux Russes. Je serais moins méfiant vis-à-vis des Chinois. Cinq mille ans d’histoire. Envahis de multiples fois. Jamais d’intervention extérieure, sauf pour deux “Alsace-Lorraine”, deux pays en incertitude nationale, le Vietnam et le Tibet. Mais ce n’étaient pas des agressions coloniales, les populations sont trop mélangées. Quand les élites chinoises vous disent que le différend avec les Américains se réglera par la guerre dans quelques décennies, mais pas à leur initiative, il y a du souci à se faire, et une indication de voie diplomatique. Je suis le confondateur du Forum Chine-Europe…

Et la Syrie ? Que faire de Bachar el-Assad ?

On l’a sous-estimé. La Syrie, c’est 51 % de sunnites wahhabites, les plus infréquentables ! Et après, vous avez une mosaïque : les Kurdes, les Druzes, trois ou quatre églises chrétiennes, plus les chrétiens maronites du Liban, et les alaouites. Le chiisme (30 à 35 %) comporte aussi ses sectes… Au milieu de tout ça, le facteur de maintien de l’ordre, c’était Bachar el-Assad, avec cette circonstance à laquelle on n’a pas fait attention : ceux dont Bachar avait le plus peur, c’était de ces sunnites qui ont une conception de la démocratie proche de celle de l’Arabie saoudite… En plus, nous sommes partis un peu vite. La France a pris l’initiative de créer et de soutenir une coalition nationale syrienne dont la moitié des membres sortaient de prison pour raisons politiques. Pas vraiment une culture de haute influence. Il y a aussi quelques malfrats dans le coup. C’est moins de 10 % de l’opinion syrienne. Là, on s’est plantés à la limite du ridicule. Laurent Fabius a jugé bon de désactiver la DGSE sur la Syrie. Nos meilleurs officiers de renseignement n’en reviennent pas de ne plus avoir l’autorisation de travailler sur la Syrie. Bachar el-Assad est aussi tueur que les autres, mais pas plus !

Sans compter que la plupart des factions de l’opposition syrienne sont des “faux nez” d’Al-Qaida ou d’autres…

Oui, et nous sommes maintenant absents de cette zone, alors que nous y étions les seuls Occidentaux respectés, car on s’est déshonorés moins que d’autres. Souvenez-vous du Liban. On avait envoyé des forces de l’Onu. Des kamikazes tuent en un seul “coup de camion” 50 ou 60 marines américains. L’Occident décide de s’en aller. Départ américain : 4 heures du matin. Personne au port. Départ français : plein midi. Levée du drapeau. Pleurs, etc. Nous sommes peu nombreux à le savoir… Mais j’étais très ami avec Louis Delamare, notre ambassadeur au Liban qui a été assassiné en 1981.

Vous avez déclaré : “Il faut écologiser la politique.”

Il faut classer le réchauffement climatique et les grandes épidémies comme des menaces pour la sécurité internationale. La COP21 a instauré une rupture et une opportunité considérables. L’Onu a réuni une assemblée générale qui a fini, certes, sans mesure collective contraignante, mais a su réunir de multiples parties prenantes : non seulement des Etats, mais aussi des pouvoirs régionaux, de grandes entreprises, des ONG… On peut donner une traduction juridique à tous ces engagements. La judiciarisation des problèmes de criminalité climatique internationale commence. Donc nous sommes dans une phase de risque d’enlisement, mais aussi de promesses. Enfin, le mandat du secrétaire général Ban Ki-Moon finit dans moins de deux ans, et “le tour” veut que la zone devant fournir le prochain soit l’Europe de l’Est. Compte tenu de ce qui s’est passé en Europe de l’Est, de son désintérêt pour toute diplomatie internationale, de son attachement viscéral à l’Otan et aux Américains, de sa volonté de réduire l’Union européenne à une grande Suisse et vu les personnels qui gouvernent dans ces pays, on a neuf chances sur dix d’avoir comme prochain secrétaire général un bureaucrate ex-KGB sorti d’un de ces pays. Les milieux “sérieux” de la planète commencent à se demander s’il ne serait pas temps de modifier les procédures pour ouvrir le champ de recrutement. Il reste des choses à faire pour un pays qui aurait des ambitions et voudrait recouvrer sa fierté…

Pour finir, la question de Bernard Pivot. Le jour où vous rencontrerez Dieu, qu’aimeriez-vous l’entendre dire ?

(Silence)… Oh, j’aimerais l’entendre me dire : “Petit, tu n’as pas trop mal travaillé. Tu as essayé de ne pas oublier les principes immuables de la société des humains.”

(1) “Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie” de Jeremy Rifkin (Actes Sud/Les liens qui libèrent, 894 pages., 13 euros).

Propos recueillis par Emmanuel Berretta, Caroline Galactéros et Olivia Recasens

Source : à lire en intégralité dans Le Point, Michel Rocard, 23-06-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/le-testament-politique-de-michel-rocard/


Danielle Mitterrand : “La démocratie n’existe ni aux USA, ni en France”.

Tuesday 5 July 2016 at 00:01

Source : Le Grand Soir, Hernando Calvo Ospina, 22-11-2011

Extrait d’un entretien avec Danielle Mitterrand, Présidente de “France libertés”

arton15194-aed31Hernando Calvo Ospina est un journaliste colombien réfugié en France et collaborateur, entre autres, du Monde Diplomatique.

Sa présence dans un avion régulier d’Air-France en avril 2009 effraya à ce point les USA qu’ils lui interdirent le survol de leur territoire et exigèrent son déroutage. Voir : http://www.legrandsoir.info/article8459.html

Hernando Calvo Ospina a bien voulu nous confier le texte d’un entretien qu’il a eu avec Danielle Mitterrand. Qu’il en soit remercié.

LGS

(Les photos sont celles de l’article original).

Ce qui suit est un extrait de l’entrevue à Mme. Danielle Mitterrand, veuve de l’ex-président français Franço05s Mitterrand, et présidente de l’association « France-Libertés ». A sa lecture il est facile de comprendre pourquoi, et ce depuis plusieurs années, les médias politiques et d’informations dans leur grande majorité ont essayé de l’ignorer.

vendredi 28 octobre 2005 – Entretien réalisé par Hernando Calvo Ospina.

Hernando Calvo Ospina : Mme. Mitterrand, qu’a signifié pour vous l’arrivée au gouvernement de votre époux François ? Est-ce que les idéaux sociaux et politiques qu’il portait dès sa jeunesse ont été reconnus en ces moments-là  ?

Danielle Mitterrand  : Mai 1981 fut un mois de grande activité, car c’était la préparation de l’arrivée au pouvoir de François. J’essayais d’apporter tout ce qu’il y a de meilleur en moi, pour que ces rêves d’avoir une société socialiste, quoique à l’européenne, deviennent réalité. Mais bien vite j’ai commencé à voir que cette France juste et équitable ne pouvait pas s’établir. Alors je lui demandais à François : Pourquoi maintenant que tu en as le pouvoir ne fais-tu pas ce que tu avais offert ? Il m’a répondu : “Je n’ai pas le pouvoir d’affronter la Banque mondiale, le capitalisme, le néolibéralisme…. J’ai gagné un gouvernement mais je n’ai pas le pouvoir !

J’appris ainsi que d’être le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. J’ai vécu l’expérience directement durant 14 ans. Même s’il essayait d’éviter le côté le plus négatif du capitalisme, les rêves ont commencé à se briser très rapidement.

HCO : Vous n’avez pas assumé le rôle de « première dame » comme l’« exige » la tradition protocolaire. Était-ce un simple caprice ? Ou à cause de convictions politiques ?

DM : Je n’ai pas voulu être une « première dame » comme toutes les autres, et en conséquence j’ai refusé le protocole qu’on a voulu m’imposer. J’étais l’épouse du chef de l’État, d’un homme que j’aimais, mais j’étais aussi libre d’avoir mes propres convictions. Je n’allais pas accepter d’être la simple image de la femme française typique, représentative d’un secteur social ; de sourire devant les caméras et les personnalités ; ou de servir d’ornement aux oeuvres de bénéfices. Avant tout, mon rôle devait consister en mon apport pour la construction d’une société juste.

J’ai eu mes critères et mes réflexions politiques, qui ont parfois fait choc avec celles de François. Si le gouvernement n’allait pas sur une bonne voie, je me devais de le dire, de le critiquer. Je sais que ce n’est pas le rôle d’une « première dame », car normalement elles ne sont qu’un instrument du pouvoir. Chaque fois que les autres ont voulu s’opposer à mes tâches militantes pour des « raisons d’État », pour n’être pas « diplomatiquement correctes », François m’a soutenue car il voyait qu’elles étaient justes. Il ne pouvait essayer de m’empêcher de faire ce qu’il disait défendre.

HCO : Mme. Mitterrand, vous avez fondé « France-Libertés », qui s’est distinguée par son engagement politique, social et humanitaire…

DM : Je l’ai fondée non pas dans l’intention d’en faire un contre-pouvoir, ni pour qu’elle serve au pouvoir. Je voulais prendre mes propres initiatives de solidarité politique, indépendantes des desseins du pouvoir, même si je m’attendais qu’avec le gouvernement socialiste nous aurions des objectifs proches. Mais je me suis vite rendu compte que ce ne serait pas facile. Est arrivé le moment où « France-Libertés » voulait aider des populations opprimées, mais le gouvernement socialiste français soutenait d’une manière ou d’une autre leurs bourreaux. Rapidement j’ai dû me poser la question : Jusqu’où peut-on aller sans provoquer d’ « incidents diplomatiques » ?

Dans l’Association s’est présenté pour nous un questionnement qui ne m’a pas du tout plu : sa présidente, épouse du président de la République, devait-elle respecter la sacro-sainte loi de non-ingérence dans les affaires de l’État, et se priver ainsi de son droit à la solidarité politique et humanitaire, pour ne pas aller à contre-courant ? J’ai continué avec mon projet car je le croyais juste. Alors, même de vieux amis personnels et de lutte ont commencé à m’isoler. Tout le pouvoir et le poids de la diplomatie française ont tenté de m’écraser, usant de tout pour « réparer » mes actions et mes expressions politiques publiques.

danielle-et-francois-mitterrand-344be-beee6J’ai constaté que je ne pouvais pas exercer ma fonction de manière exemplaire si je ne servais pas le marché, le capitalisme. Que mon devoir n’était pas de me préoccuper des torturés ni des affamés. Que si ceux qui étaient écrasés réclamaient l’éducation, la santé ou du travail, je devais tourner la tête de l’autre côté. J’étais la « première dame » et je devais aider, avec mes sourires dans les cocktails, à ce que les intérêts commerciaux de la France progressent. Quand j’écoutais au cours de mes visites aux ambassades les discours du « commercialement correct », où le tout-puissant marché était ce qu’il y avait de fondamental avant la solidarité entre les peuples, cela me donnait l’envie de partir en courant. Je ne pouvais croire que les « bulldozers » du marché pourraient arriver à recouvrir jusqu’aux fondements mêmes de notre culture. Et ils l’ont fait.

Pourquoi un gouvernement qui se disait de gauche ne pouvait-il pas répondre aux attentes qu’il avait créées durant tant d’années dans l’opposition, tant au niveau national qu’international ? Devait-on accepter les impératifs d’un système mercantile jusqu’à la soumission ?

HCO : Ce système du marché sauvage, du capitalisme, du néolibéralisme, a à sa tête les États-Unis. Est-ce que la France se soumettait aux desseins de ce pays ?

DM : Durant la célébration du Bicentenaire de la Déclaration des droits de l’Homme – juillet 1989 – j’ai pu voir jusqu’à quel point nous étions soumis aux État-Unis. L’État français n’invita pas plusieurs dignitaires, en particulier des Latino-Américains. Comme par hasard c’était ces pays-là que Washington voulait annuler, détruire. Et je ne vais pas citer de noms, mais c’est facile à vérifier. Je me rappelle avoir dit à François : « Jusqu’à quel point allons-nous être dépendants de l’humeur des États-Unis, ne pas pouvoir choisir nos invités pour nos festivités… ? » Ce fut une honte.

HCO : Mme. Mitterrand, si cela arrive en France, vous devez bien savoir ce qu’il en est sous d’autres latitudes…

DM : Je ne suis pas anti-États-Unis, mais je suis avec le peuple de ce pays et non pas avec l’Administration qui le gouverne. Celle qui se sert de ce peuple pour tirer des bénéfices qui servent à quelques uns. Durant toutes ces années de ma vie, spécialement après la Seconde Guerre mondiale, j’ai pu voir comment les États-Unis foulaient aux pieds la liberté et la démocratie des autres pays, particulièrement les pauvres. Ronald Reagan désigna comme terroriste le gouvernement sandiniste du Nicaragua, quand les terroristes, c’était son Administration et cette « contra » qu’il finançait.

J’étais au Nicaragua peu de temps avant qu’ils détruisent la révolution. Fonctionnait encore ce qui avait été atteint au niveau de l’éducation et de la santé, des choses qu’avait le peuple nicaraguayen pour la première fois de son histoire. Je me rappelle que Daniel Ortega me disait : « Daniella, dis à François qu’il ne peut pas nous laisser tomber ; que l’Europe démocratique ne peut pas nous abandonner… ». Je le lui ai dit en effet. Et il n’a pu rien faire : les États-Unis avaient décidé que les sandinistes devaient s’en aller avec leurs plans de développement social, pour faire place au néolibéralisme et au retour de la misère pour le peuple. Tandis que nous, nous étions en train de fêter le Bicentenaire de la Déclaration des droits de l’Homme !

HCO : Au cours de ces mêmes années Washington resserrait le blocus contre Cuba, essayant d’en finir avec la Révolution.

DM : Le Nicaragua ne pouvait compter que sur Cuba. Et Cuba aussi était en train d’être étranglée par l’embargo des États-Unis, qui continue jusqu’à présent et qui n’a eu d’autre but que celui d’en finir avec tout ce qu’il y a de merveilleux que cette Révolution a réalisé au niveau social : quelque chose d’unique en Amérique latine ; presque unique dans un pays du Tiers-Monde.

Quand en 1989 Cuba se trouvait déjà seule face à Washington, car elle n’avait plus l’appui de l’Union soviétique, je m’y suis rendue. A mon retour j’ai dit à François : « Tu ne peux pas laisser tomber Cuba. Cette Révolution a beaucoup fait pour le peuple. La France ne peut être soumise aux États-Unis. » Il me disait que la France toute seule ne pouvait pas, et qu’en Europe personne ne la suivrait. Que les États-Unis détenaient tout le pouvoir économique, politique et de la propagande, en plus des contre-révolutionnaires de Miami. Je continue aujourd’hui à dire que cette révolution a mérité de se maintenir, car elle l’a fait et c’est le peuple qui la maintient. Par conséquent les États-Unis n’ont pas pu la faire plier. Je connais Fidel depuis très longtemps. J’ai passé beaucoup d’heures à discuter avec lui, à nous dire ce que nous pensons. Je lui ai fait part de toutes les critiques que j’ai au niveau politique. Une fois je lui ai demandé pourquoi il me supportait. Et il m’a répondu : « Parce que tu es une amie sincère. Et les critiques des amis on les écoute parce qu’elles sont honnêtes, même si nous ne sommes pas d’accord sur certaines choses. »

La dernière fois qu’avec François nous avons reçu officiellement Fidel à Paris, en le saluant je l’ai embrassé publiquement sur la joue. Ce qu’ « interdit » le protocole et les « politiquement corrects ». Mais c’est que non seulement Fidel était notre ami, mais aussi qu’il est latin, et les Latins sont tendres. Ce fut un scandale que la presse me rappelle encore.

HCO : Que pense Mme Mitterrand du président vénézuélien Hugo Chávez et des projets nationaux qu’il essaie de lancer ?

DM : Je n’ai jamais aimé les militaires. Mais Chávez, avant d’être un militaire est un homme, un être humain, et il est arrivé au pouvoir par la voie démocratique, et au point de gagner plusieurs élections. Chávez, au milieu de tous les obstacles que mettent sur son chemin les États-Unis et l’opposition dirigée par les riches, tente de faire avancer les programmes sociaux qu’il a offerts au peuple. Évidemment, le monde capitaliste lui est tombé dessus car il ne veut pas qu’un président du Tiers-Monde démontre que le peuple peut effectivement participer aux décisions de l’État et à son développement.

Que ce peuple, avec son leader, marche de l’avant pour ne plus être exploité, ni être analphabète et avoir droit à la santé. C’est ce qui se passe au Venezuela malgré tout. A cause de cela ils veulent éliminer, effacer Chávez. Peu leur importe si c’est le peuple qui l’a élu, et qui doit décider s’il doit le soutenir ou l’enlever de là . Il existe une espèce de rage de la grande majorité de la presse mondiale contre Cuba et le Venezuela. Et c’est parce que ces gouvernements veulent être indépendants, souverains, dignes. Cela dérange. N’oubliez pas que les médias sont dirigés par de puissants capitalistes.

HCO : Mme Mitterrand, est-ce que la France est un modèle de démocratie ? Est-ce une puissance mondiale ?

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DM : En France on élit et les élus font des lois qu’ils n’ont jamais proposées et dont nous n’avons jamais voulu. Est-ce la démocratie quand après avoir voté nous n’ayons pas la possibilité d’avoir de l’influence sur les élus ? Je ne crois pas que dans aucun des pays qui se disent démocratiques, ceux-là qui croient avoir le droit d’imposer « leur » démocratie aux pays pauvres, il existe la démocratie, à commencer par les États-Unis et la France. La France est une démocratie ? Une puissance mondiale ?

Je le dis en tant que Française : Cela ne veut rien dire. Si on le dit pour les niveaux d’éducation, de la recherche ou la santé, c’est nul. Pour être capables d’aider la paix mondiale, les peuples opprimés ? Nul.

Hernando Calvo Ospina.

http://hcalvospina.free.fr/spip.php?article119

(Traduit par Abacar Fall)

Source : Le Grand Soir, Hernando Calvo Ospina, 22-11-2011

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Source: http://www.les-crises.fr/danielle-mitterrand-la-democratie-nexiste-ni-aux-usa-ni-en-france/


La haine de gauche de la souveraineté, par Jacques Sapir

Monday 4 July 2016 at 03:31

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 27-06-2016

Nous vivons un moment souverainiste, comment le nier, avec le vote sur la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne. Mais, ce « moment » ne date pas de ce vote. Il a commencé en novembre dernier, lors de la tragique nuit du 13 où la France fut endeuillée par d’odieux attentats. J’en ai fait le constat dans un ouvrage récent, Souveraineté, Démocratie, Laïcité[1].

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Ce moment souverainiste découle des aspirations démocratiques des peuples. Il a pris forme dans la décision de François Hollande de mettre en œuvre l’état d’urgence. Et, comme l’on pouvait le prévoir, il s’est trouvé dépassé par les conséquences de son acte. Un homme ne croyant plus à la souveraineté française obligé de faire un acte souverain : telle est la contradiction dans laquelle il se débat, et en un sens se noie.

Cette contradiction est devenue encore plus évidente avec le vote britannique du 23 juin. L’incohérence de ses réactions, justement notée par plusieurs dirigeants politiques qu’il a reçu le samedi 25, en découle. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon déclarait-il sortant de cette réunion : « Je ressors quelque peu consterné. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est une agitation et des bricolages, et pas du tout une réponse à la hauteur des événements« [2]. D’autres on fait des constats encore plus cruels. Mais, ceci pose aussi, avec une force certaine, la question du rapport de la gauche à la souveraineté.

L’insistance mise par certains à vouloir attacher le mot « gauche » à divers actes, qu’il s’agisse d’une sortie potentielle de l’Euro au « Brexit », est ici révélatrice. Tout d’abord de leur embarras face à des actes dont ils sentent bien la nécessité mais dont ils ont du mal à assumer l’origine. Comme si parler d’une sortie de l’Euro « de gauche » changeait quoi que ce soit à l’affaire. Ensuite, sur le fond, quant à la question de la souveraineté. Or, historiquement, la gauche a toujours portée haut et fort la question de la souveraineté, du moins jusqu’au années 1920. Il faut alors comprendre pourquoi elle s’est éloignée de cette notion, au risque de se mettre en porte-à-faux que ce soit avec son combat pour la démocratie politique ou que ce soit avec une partie importante de son électorat. Les turbulences que connaît aujourd’hui le parti travailliste en Grande-Bretagne illustrent ce problème[3].

Les raccourcis tactiques

La rupture avec la question de la souveraineté peut être purement tactique au départ. Ce fut le cas d’ailleurs en Grande-Bretagne. La gauche britannique ayant subie une défaite majeure des mains de Mme Thatcher a pensé, et avec elle une partie de la social-démocratie européenne, que le cadre européen lui serait plus propice et qu’elle pourrait limiter les effets pervers d’un rapport de force par trop défavorable en s’appuyant sur un contexte « d’Europe sociale ». Sauf que cette Europe sociale n’a jamais vu le jour et que la structure même des institutions européennes rend impossible cette « Europe sociale ». Dans un article récent, Cédric Durand en tire les conclusions : « l’intégration continentale ne progresse alors plus que par lente sédimentation des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Sa relance dans les années 1980, qui conduit à la réalisation du marché unique puis à l’union économique et monétaire, coïncide avec l’affirmation de l’idéologie néolibérale et de l’hégémonie de la finance »[4].

Dès lors les discours sur la volonté de construire, dans le cadre de l’Union européenne, une « autre Europe » doivent être pris pour ce qu’ils sont : au mieux des illusions, au pire des mystifications mensongères qui n’ont pour but d’emmener les électeurs à soutenir in fine l’UE « réellement existante » dans un mécanisme où l’on reconnaît la transposition du soutien à l’URSS.

Cette rupture tactique est en réalité une position extrêmement inconfortable, qui contraint les partis qui y adhèrent, que ce soit le parti travailliste en Grande-Bretagne ou le PCF en France, à des contorsions politiques et intellectuelles qui achèvent de les discréditer.

Le millénarisme apocalyptique

Mais, cette rupture avec la souveraineté peut être beaucoup plus profonde. Ce que l’on gagne en logique cependant se fait au prix d’une rupture avec le principe de démocratie. On peut parler, là, d’une involution profonde de la gauche, qui la conduit vers des horizons technocratiques où certains de ses membres peuvent se faire corrompre par l’élite oligarchique. Mais, cette rupture profonde est liée à un événement européen. C’est ce qui explique que les forces de gauche extra-européennes, celles d’Amérique Latine, du Moyen-Orient ou d’Asie, sont restées fidèles à la notion de souveraineté, voire à la notion de nationalisme.

Ce qui justifie, et en partie explique, cette évolution est en réalité le bilan tiré de la guerre de 1914-1918. L’horreur indicible des combats a conduit à deux types de positions. D’une part, elle a suscité un pacifisme intégral qui, logiquement, a voulu supprimer les Nations pour prétendre « supprimer » la guerre. Une première mouture de ce pacifisme intégral a sombré corps et âmes dans la collaboration. Une seconde mouture a pris naissance dans les années 1950 et prétend que la construction européenne (que ce soit sous la forme de la CEE ou de l’UE) est garante de paix. Or, la paix en Europe provient de la réconciliation franco-allemande et de la dissuasion nucléaire, et plus précisément de la diversification de cette dernière lors de l’émergence d’une force de dissuasion crédible du côté français. À rebours, l’UE s’est avérée un facteur de troubles et de guerre su sa périphérie, comme le montre la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie, engendrée par la volonté de certains de rejoindre l’UE au plus vite.

D’autre part, l’horreur de la guerre de 1914-1918 a aussi engendré l’idée d’une rupture radicale, concrétisée dans la Révolution russe. Se construit alors une pensée millénariste qui se prépare à une « fin des temps » dont surgira un monde nécessairement meilleur. Comme tout millénarisme, ce dernier est, bien entendu, profondément opposé à la notion de souveraineté parce que celle-ci implique l’existence de médiations politiques (la démocratie) alors que la pensée millénariste prétend construire un monde unifié, dépourvu de médiations. Telle est la source profonde du rejet par la gauche « révolutionnaire » ou « radicale » de la notion de souveraineté. Elle ne peut, cette gauche, retrouver cette notion qu’en disant adieu au rêve millénariste et en revenant à l’Histoire et à ses méandres comme à ses ruses.

Ce millénarisme est cependant constamment réactivé par des peurs présentant l’Histoire comme sur le point de se finir, qu’il s’agisse de la peur de la guerre nucléaire ou du changement climatique. Ce que l’on conteste est bien entendu non pas le caractère dramatique de tels événements, mais le fait qu’ils interrompraient le fil de l’Histoire et qu’ils justifieraient une pensée niant la présence de médiations.

Un legs marxiste ?

Mais, il faut reconnaître que les racines de cette pensée se trouvent déjà dans Marx. La question fondamentale que pose la démarche de Marx n’est pas la critique des illusions de la neutralité de l’État, ou du caractère illusoire de la représentation d’une communauté nationale dépourvue de conflits, visions qui sont celles des courants démocratiques de la première moitié du XIXème siècle contre lesquels il propose sa théorie du communisme[5]. Cette critique est juste, et reste opératoire. Ce qui pose problème est qu’elle nous propose aussi une critique de l’État à partir d’une utopie, celle de la société sans classe, dénuée de fétichisme. Cette utopie est parfaitement congruente avec l’utopie libérale issue de la tradition néoclassique. Ceci peut alors conduire à une naturalisation de fait de l’économie et de la société qui aboutit à une dépolitisation du politique.

La politique, perçue comme l’espace à la fois d’expression et de constitutions de représentations collectives, la notion de l’espace de controverse que l’on a déjà beaucoup utilisée, disparaît alors. Cette dérive n’est d’ailleurs pas le propre de ce que l’on peut appeler le marxisme soviétique ou stalinien. Quand Trotski se pose la question de la nature des conflits sous le socialisme à venir, il ne les voit qu’entre ce qu’il appelle des « partis techniques »[6]. Les choix économiques sont ici réduits à des options techniques.

Ceci explique sans doute pourquoi nombre de penseurs nourris du marxisme très particulier qui circulait en URSS et dans les pays du bloc soviétique, peuvent se rallier si facilement aux thèses ultra-libérales. De même, on peut comprendre comment certains anciens marxistes, et en particuliers ceux qui ont entretenus avec la pensée de Marx les rapports les plus dogmatiques, se sont si aisément convertis aux idées libérales, comme par exemple M. Barroso.

Il nous faut donc réfléchir profondément aux sources de la négation de la souveraineté. Ces sources conduisent les forces se disant de gauche dans des impasses, que ce soit à très court terme, et la crise actuelle du Labour en Grande-Bretagne en est une démonstration, ou que ce soit à long terme en conduisant ces forces à nier le principe démocratique sur lequel elles sont en réalité assises.

 

[1] Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

[2] http://www.europe1.fr/politique/brexit-les-propositions-de-hollande-sont-des-bricolages-pour-jean-luc-melenchon-2782249

[3] http://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-36632539 et Labour Leader Jeremy Corbyn Rejects Calls To

Stand Down, www/brexit-corbyn-resignation-eureferendum-474539

[4] http://www.contretemps.eu/interventions/temps-dislocation

[5] Voir J. Torrance, Karl Marx’s Theory of Ideas , Cambridge University Press et Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Cambridge-Paris, 1995.

[6] Voir, L. Trotsky, Terrorisme ou Communisme, UGE, coll. 10/18, Paris, 1963.

Source : Russeurope, Jacques Sapir, 27-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/la-haine-de-gauche-de-la-souverainete-par-jacques-sapir/


L’Italie veut éviter que ses banques soient le premier domino de l’après-Brexit, par Romaric Godin

Monday 4 July 2016 at 02:31

Source : La Tribune, Romaric Godin, 28/06/2016

La banque Monte dei Paschi di Siena est considérée comme la plus fragile d'Italie.Elle est fragilisée par le Brexit. (Crédits : © Stefano Rellandini / Reuters)

La banque Monte dei Paschi di Siena est considérée comme la plus fragile d’Italie.Elle est fragilisée par le Brexit. (Crédits : © Stefano Rellandini / Reuters)

La crise de l’après-Brexit a fortement touché le très fragile secteur bancaire italien. Rome essaie de trouver des solutions en évitant de recourir à la résolution unique de l’union bancaire européenne.

Un premier domino serait-il sur le point de tomber en Europe après l’annonce du vote britannique en faveur du Brexit et ses conséquences sur les marchés financiers. La rumeur circule en effet depuis quelques jours que le gouvernement italien préparerait un plan de sauvetage des banques italiennes et entendrait le finaliser avant la fin de la semaine. Il est vrai que le secteur bancaire italien est le talon d’Achille connu de la zone euro avec ses 360 milliards d’euros de créances douteuses. Un mal qui n’a jamais été totalement réglé. Logiquement, les banques de la Péninsule ont été sous pression. Malgré le rebond du mardi 28 juin, l’action Mediobanca, par exemple, affiche un recul d’un quart de sa valeur. Une chute pas si éloignée de celle de l’action Unicredit ou de l’action Monte dei Paschi di Siena.

Le problème, c’est que, si cette chute se poursuit, les banques italiennes risquent de voir leurs besoins de capitaux déjà importants en raison des créances douteuses augmenter et leur capacité à lever des fonds sur les marchés se réduire. Plus la crise post-Brexit durera, plus les investisseurs tableront sur une facture élevée pour les créances douteuses avec la contagion de la récession britannique au continent et la perte générale de confiance, et plus la situation deviendra critique. La BCE offre certes des liquidités gratuitement, mais pas des fonds propres. L’Etat italien doit donc se préparer à agir. Et pourrait avoir besoin de 40 milliards d’euros.

Première crise de l’union bancaire ?

Mais cette crise bancaire italienne qui se profile est la première crise de l’ère de l’union bancaire européenne qui est pleinement entrée en vigueur, avec son aile de résolution des crises, le 1er janvier dernier. On se souvient que cette résolution unique avait été jugée comme une grande avancée pour la stabilité financière du continent. Dans cette nouvelle disposition, la priorité est donnée au sauvetage de « l’argent des contribuables ». Le sauvetage bancaire direct par les Etats, comme en 2008-2009, est donc interdit. Pour renflouer une banque, il faut faire participer les actionnaires, les créanciers et les déposants de plus de 100.000 euros. Si cela ne suffit pas, un Fonds de résolution unique, sorte d’assurance payée par le secteur lui-même, peut intervenir.

Le problème italien du « bail-in »

En Italie, cependant, ce processus est particulièrement redouté. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que de nombreux petits épargnants ont, sur les sollicitations des banques, acheté des obligations de leurs établissements. En cas de « sauvetage par les créanciers » (« bail-in »), ils risquent de tout perdre, n’étant pas protégé par la garantie de 100.000 euros qui ne concernent que les dépôts. En novembre, lors du sauvetage de quatre petites banques, le gouvernement italien avait dû faire face à de fortes protestations et au scandale du suicide d’un créancier retraité qui avait vu ses économies réduites à néant. Ceci aura des conséquences sur la confiance des ménages et des entreprises et pourraient alimenter une épargne de précaution qui bloquerait le moteur de la consommation des ménages, un des rares qui fonctionne encore en Italie. Rome vient d’ailleurs de faire adopter un décret pour rembourser les petits porteurs de dette des quatre banques “sauvées” en novembre  à hauteur de 80 %. Bref, au final, ce sont bien les contribuables qui ont payé l’essentiel de la facture, mais ceci n’est plus possible dans le cadre du mécanisme de résolution.  On comprend alors que le gouvernement, depuis des mois, cherche des moyens de « contourner » l’union bancaire.

Contourner l’union bancaire…

Selon le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore, lors du sommet des 28 et 29 juin, Matteo Renzi pourrait ainsi demander des dérogations à ses partenaires, notamment pour ne pas avoir recours au « bail-in » de la clientèle particulière. Mais en faisant porter le fardeau aux seuls investisseurs institutionnels, le gouvernement italien risquerait de renforcer encore le manque de confiance vis-à-vis des banques italiennes sur les marchés. Ces investisseurs, dont les actions pourraient être diluées et les créances transformées en capital avec une décote, seront particulièrement prudents et toute levée de capitaux sur les marchés des banques serait impossible pendant longtemps. Le risque serait alors de reporter le risque sur les déposants, alors que le « troisième pilier » de l’union bancaire, la garantie européenne de ces dépôts de moins de 100.000 euros, n’existe pas. La charge en reviendrait à l’Etat italien, alors que les dépôts des entreprises seraient mis à rude épreuve, réduisant encore les perspectives d’investissement et de croissance.

Certes, la facture de la recapitalisation des banques italiennes pourrait n’être que de 40 milliards d’euros si l’on ne prend en compte que les créances les plus douteuses. Mais en cas de crise financière, cette facture peut vite grimper et épuiser les solutions les unes après les autres. Rome ne veut pas, en réalité, de bail-in. Il Sole-24 Ore évoque alors la demande d’une intervention « préventive » du MES pour recapitaliser les banques non pas après le « bail-in », comme c’est prévu, mais avant. Ce serait là un changement de règles important pour le mécanisme de résolution et, de toute façon, l’intervention se fera moyennant un « plan d’ajustement » du pays qui risque de coûter politiquement et économiquement très cher à Matteo Renzi.

Vers un fonds Atlante II ?

Rome préparerait donc d’autres solutions « nationales » et pourrait, là aussi, demander la possibilité d’agir à ce niveau, malgré l’union bancaire, lors du sommet. Il Sole-24 Ore évoque plusieurs pistes : garanties du Trésor sur la dette bancaire, une « bad bank » (mais les discussions avec Bruxelles sur le sujet sont en cours et pourrait durer jusqu’à l’automne) ou même une recapitalisation directe, en levant l’interdiction actuelle. Le quotidien turinois La Stampa considère, de son côté, que, compte tenu de l’incompatibilité de la résolution unique européenne avec la situation italienne, le scénario le plus probable est celui d’un fonds « Atlante 2 » sur le modèle du fonds « Atlante » ( du nom italien du géant Atlas qui portait le monde sur ses épaules) créé au printemps pour sauver deux petites banques, Banco Popolare di Vicenza (BPV) et Banco Veneta.

Les difficultés d’Atlante I

Mais est-ce une solution ? Le fonds Atlante est abondé par les banques privées et par la banque publique Cassa dei Prestiti e Depositi (CDP, équivalent italien de la Caisse des Dépôts et Consignations). Les montants levés ont été de 4,8 milliards d’euros, à charge ensuite à Atlante de lever dix fois ce montant pour parvenir à 50 milliards d’euros. Or, ces levées de fonds sont loin d’être acquise dans le contexte actuel. Déjà en avril, Atlante avait eu du mal à récolter les fonds nécessaires auprès des grandes banques privées. Ce devrait être encore plus difficile à présent. D’autant que le sauvetage des « petites banques » par ce fonds revient à un transfert du risque de ces établissements modestes vers les grands, qui n’ont pas vraiment besoin de cela. Atlante n’avait pas réussi à rétablir la confiance : la levée de fonds de Banco Popolare di Vicenza avait été un échec cuisant et Atlante avait dû racheter 91,7 % de l’augmentation de capital. Les investisseurs étrangers avaient boudé la BPV, malgré Atlante.

Une intervention déguisée de l’Etat ?

Dans le cas d’Atlante II, la difficulté est plus grande : les grandes banques vont devoir abonder pour se sauver elles-mêmes. Selon La Stampa, il s’agirait en réalité de sauver la banque toscane Monte dei Paschi di Siena, maillon faible du système italien. Mais en puisant dans les fonds propres des autres banques, on risque de les affaiblir. A moins que, via la CDP, ce fonds ne soit que le vecteur d’une aide d’Etat déguisée. La CDP est publique, mais a un statut de droit privée. Sauf qu’elle peut compter sur la garantie de son actionnaire, l’Etat. Le problème, c’est que la CDP ne dispose pas, malgré cette garantie de fonds illimités. « Atlante II » – qui viendrait confirmer l’échec d’Atlante I et de son « effet de levier » – pourrait donc ne pas suffire. Or, la partie est serrée. Un sauvetage bancaire italien porterait déjà un coup à la confiance en zone euro en mettant à jour la contagion de la crise née du Brexit sur le continent, mais aussi, malgré les spécificités italiennes, les limites du nouveau mécanisme de résolution de l’union bancaire européenne. Mais un échec de ce sauvetage aurait un effet très négatif sur le secteur et la confiance.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 28/06/2016

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Bruxelles autorise Rome à soutenir ses banques, mais pas à les sauver

Source : La Tribune, Romaric Godin, 01-07-2016

L'Italie peut soutenir ses banques, pas encore les sauver. (Crédits : © Alessandro Bianchi / Reuters)

L’Italie peut soutenir ses banques, pas encore les sauver. (Crédits : © Alessandro Bianchi / Reuters)

La Commission européenne a autorisé l’Italie à offrir une garantie publique pendant six mois pour aide la liquidité des banques italiennes. Une façon de stopper les attaques sur les marchés après le Brexit, mais le problème de fond demeure et n’est pas résolu.

La Commission européenne a permis à l’Italie de venir en aide à ses banques dimanche dernier. Rome a donc pu activer pendant six mois un programme de 150 milliards d’euros de garanties publiques pour soutenir le besoin de liquidités des établissements financiers italiens. Bruxelles a cependant refusé de préciser quels montants ont été débloqués, précisant cependant qu’ils étaient « proportionnés ».

Stopper l’incendie

Ce soutien permet aux banques d’émettre de la dette à court terme avec la garantie publique pour pouvoir faire face à des besoins de liquidités. Rappelons que la BCE a mise en place plusieurs mesures de soutien à la liquidité des banques de la zone euro. Outre les prêts à long terme, de quatre ans, proposés dans le cadre du programme TLTRO, la BCE s’engage depuis 2007, à fournir toutes les liquidités nécessaires aux banques à son guichet pourvu qu’elles apportent les collatéraux suffisants (titres placés en garanties). L’aide validée par l’UE hier permet donc notamment aux banques italiennes « d’économiser » leurs collatéraux auprès de la BCE.

C’est aussi une mesure principalement psychologique, prise en réaction à des turbulences de marchés et qui vise principalement à stopper les attaques violentes contre le secteur. Les banques italiennes ont été fortement secouées par les incertitudes qui ont suivi sur les marchés financiers à l’annonce du résultat du référendum britannique le 23 juin. Les grands établissements péninsulaires ont perdu entre 25 % et 30 % de leur valeur en Bourse. Avec l’annonce de cette aide, les titres bancaires italiens ont fortement progressé à Milan. Mais cet enthousiasme a été de courte durée et n’a pas été en mesure de compenser les pertes de la semaine précédente.

Le problème de fond n’est pas réglé

Car si cette annonce peut rassurer sur les risques à court terme liée aux banques italiennes, elle ne règle pas le vrai problème du secteur : celui de créances douteuses s’élevant à 360 milliards d’euros. Or, ce montant et la quasi-impossibilité pour le secteur de réaliser des levées de fonds suffisantes sur le marché pose le problème de la solvabilité des banques italiennes. Le vrai enjeu pour elles est donc de savoir comment elles vont pouvoir être recapitalisées pour un montant estimé à 40 milliards d’euros. Or, sur ce plan, le problème demeure entier : le gouvernement italien voudrait éviter d’avoir recours au mécanisme de résolution bancaire unique européen qui met à contribution les créanciers (dont de nombreux particuliers en Italie), les actionnaires et les déposants. Rome négocie avec ses partenaires européens la « mise entre parenthèses » de ce mécanisme et la possibilité de renflouer directement ou indirectement son secteur bancaire avec des fonds publics, ce qui est désormais strictement interdit en zone euro. L’aide annoncée à la liquidité est peut-être un message positif, mais ce n’est pas la validation d’un « sauvetage » bancaire italien.

Dilemme bancaire

Avec cette mesure, la Commission européenne essaie donc de calmer l’incendie boursier pour donner un peu de temps aux discussions entre Rome et ses partenaires. Mais pour le moment, l’Allemagne demeure ferme sur son refus d’autoriser l’aide publique au secteur. L’enjeu n’est pas faible. En faisant un premier accroc au mécanisme de résolution bancaire six mois après sa mise en œuvre, on avouerait  de facto que l’union bancaire – une des rares réalisations européennes de l’après-crise que les dirigeants européens peuvent mettre en avant – ne fonctionne pas. L’argument de l’urgence de la crise ne saurait tenir : ce mécanisme de résolution est précisément prévu pour faire face aux crises. De plus, si Rome « sauve » ses banques, le poids des problèmes bancaires seront transféré vers les comptes publics italiens. On se retrouverait donc dans la même situation qu’en Irlande ou en Espagne en 2010 : il y aurait transfert du risque bancaire vers le risque souverain. Mais, à l’inverse, si on applique la règle européenne, l’impact sur les ménages et les entreprises italiennes risque d’être fort et de frapper une économie italienne encore convalescente. C’est donc le choix entre la peste et le choléra.

La crise latente que traverse le secteur bancaire italien n’est donc pas terminée avec cette aide ponctuelle. Les effets du Brexit sur la valorisation des banques ne seront pas effacés : l’incertitude vis-à-vis de leur avenir demeure et nul, à part l’Etat italien, n’est prêt à investir dans le secteur bancaire de la Péninsule. Le “domino” italien n’a pas disparu, loin de là. Comme souvent, la Commission a paré au plus pressé en renvoyant les problèmes à plus tard. Une stratégie qui, là aussi, rappelle beaucoup la crise de 2010…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 01-07-2016

Source: http://www.les-crises.fr/litalie-veut-eviter-que-ses-banques-soient-le-premier-domino-de-lapres-brexit-par-romaric-godin/


Entretien avec la Présidente Dilma Rousseff

Monday 4 July 2016 at 01:35

Source : Le Grand Soir, 247, 17-06-2016

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Brasil 247

Le 8 juin 2016, la Présidente du Brésil Dilma Rousseff s’est entretenue avec les journalistes Leonardo Attuch, Tereza Cruvinel et Paulo Moreira Leite, du site Brasil 24s7.

247 – Quand on arrive à l’Alvorada (Palais de la Présidence à Brasilia NdT), il faut passer par un barrage de police. Sommes-nous en train de rendre visite à une Présidente de la République ou à une personne prisonnière d’une prison de luxe ?

Dilma Rousseff – Je ne me sens pas retenue prisonnière. Je maintiens mes droits d’aller et venir. Mais ce barrage de police est extrêmement gênant et ridicule.

247 – Quel est son but ?

Dilma Rousseff – J’en suis très curieuse. C’est d’une telle stupidité que la réponse en serait qu’ils sont devenus fous. Mais comme ils ne sont pas devenus fous, je présume qu’ils veulent savoir qui vient me visiter. Qui me visite, politiquement. Pourquoi ? Pour savoir sur qui ils doivent faire pression.

247 – Une enquête d’opinion divulguée aujourd’hui par l’Institut CNT/MDA révèle que l’indice d’approbation du président intérimaire Michel Temer est très bas. Devant ce fait, quelle a été votre articulation politique, même en sachant que vous êtes surveillée par cette barrière policière ?

Dilma Rousseff – Mon articulation est basée sur l’exercice d’une chose très simple : le dialogue, le dialogue, le dialogue. Il n’y a aucun autre exercice à faire, à part de persuader qu’un coup d’État est en cours. Il ne s’agit pas seulement d’un coup d’État contre mon mandat. C’est un coup d’État qui pose de sérieux problèmes par rapport à l’institution brésilienne, On ne fait pas un coup d’État contre un président de la République qui représente un contrat et qui a eu 54 millions de votes, sans la tentation de rompre d’autres contrats.

247 – Vous pouvez nous citer des exemples ?

Dilma Rousseff – Licencier le président de l’EBC (Entreprise Brésilienne de Communication. (entre temps, la Cour Suprême a remis le Président à son poste NdT) a été une rupture de contrat. Suspendre des contrats de publicité (envers les blogs et sites progressistes NdT) a aussi été une rupture de contrat. La première tentation de tous les coups d’État, qu’ils soient militaires ou parlementaires, et de faire taire. Faire taire la divergence. Ils essayent même d’interdire l’expression coup d’État. La simple expression coup d’État les incommode. Ce n’est pas pour rien qu’un groupe de parlementaires nous a envoyé une notification afin que nous expliquions la raison pour laquelle nous appelons coup d’État ce coup d’État.

247 – Et vous l’avez fait ? Leur avez-vous envoyé l’éditorial du New York Times qui dénonce le coup d’État au Brésil ?

Dilma Rousseff – Non, je n’ai pas envoyé le New York Times. J’ai été plus classique. J’ai envoyé une phrase de Beaumarchais dans les Noces de Figaro. Elle dit ceci : « Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur ». C’est la phrase la plus synthétique. Ils veulent faire taire parce qu’ils ont peur. Ils ont peur du contradictoire. Ils ont peur des manifestations politiques. Ils ont été jusqu’à fermer l’accès à l’Alvorada ! J’ai passé ici cinq ans et il n’y a jamais eu de barrage. Tout d’un coup il apparaît et nous ne savons pas pourquoi.

247 – Vous avez parlé de la tentative de faire taire la divergence. Y-a-t-il un risque que ce gouvernement provisoire se transforme en un régime autoritaire ?

Dilma Rousseff – Il y a ce risque, oui. Les gouvernements illégitimes n’aiment pas, par exemple, la culture. Supprimer le Ministère de la Culture, comme ils l’ont fait, c’est atteindre le symbolique, dans un pays qui a besoin d’affirmer sa diversité nationale (le Ministère de la Culture a été rétabli depuis NdT). Nous avons aujourd’hui un président intérimaire qui n’a pas une once de légitimité et qui n’est pas encore sorti dans la rue (après avoir évité plusieurs engagements, Temer est finalement sorti depuis NdT) Le recours à la force peut, oui, être le prochain pas.

247 – Le présidence est intérimaire mais, en théorie, est légitimé par un procès d’impeachment.

Dilma Rousseff – Ce procès d’impeachment traite de six décrets de crédit supplémentaire et du Plano Safra (Plan Récolte), à l’élaboration duquel je n’ai même pas participé. Comme il n’y pas le moindre indice de crime de responsabilité, il s’agit, bien évidemment, d’un coup d’État. Le fait est qu’au Brésil s’est créée une situation absurde, avec cet impeachment fait sur la base d’une loi de 1950, dont des pans immenses ne sont pas régulés. Nous avons un président intérimaire qui a démonté toute une structure de gouvernement. Il démonte des programmes et des politiques publiques, sans aucune légalité, et a du mal, ainsi, à mettre un pied dans la rue. Il n’a aucune légitimité. Vous savez ce qui surprend le plus les correspondants internationaux et les émissaires des gouvernements étrangers qui nous rendent visite ?

247 – Quoi ?

Dilma Rousseff – Le fait que nous soyons en train de vivre une situation unique. Je suis la présidente élue. Je n’ai pas quitté ma charge. Ils sont intérimaires et ils pensent qu’ils peuvent tout démonter. Une chose dont je suis certaine, c’est qu’à mon retour il y aura une modification de cette loi. Sinon, le présidentialisme au Brésil sera une farce. Beaucoup parlent aujourd’hui de parlementarisme. Quelques-uns de semi-parlementarisme. D’autres, de semi-présidentialisme. Mais il est important de dire que le parlementarisme au Brésil signifie l’hégémonie conservatrice.

247 – Cette loi de 1950 a été faite par un politicien gaucho (du sud), Raul Pila, qui était un doctrinaire du parlementarisme. Ensuite cette loi fut réglementée par un autre politicien gaucho, Paulo Brossard, qui était aussi parlementariste. D’une certaine façon, le parlementarisme essaie de s’imposer au présidentialisme, sans que le peuple ne soit consulté ?

Dilma Rousseff – Très bien observé. Vous savez qui était Raul Pila ? Un représentant du Parti Libéral. Paulo Brossard aussi. Cette loi de 1950 exprime une vision parlementaire du pouvoir. Dans le parlementarisme, le président peut être retiré par un vote de méfiance. Le président peut aussi convoquer de nouvelles élections générales et dissoudre le parlement. Dans notre présidentialisme, il devrait y avoir un équilibre. Je dis ceci parce que ce qui est arrivé au Brésil a été une élection indirecte travestie d’impeachment, et donc, putschiste, par une manœuvre où tout le pouvoir retombe sur le gouvernement provisoire, et aucun pouvoir ne reste à celui qui a été légitimement élu. Il y a donc quelque chose qui ne va pas.

247 – Ce parlementarisme imposé de force est-elle la principale expression du coup d’État ?

Dilma Rousseff – Il y a de nombreuses strates au coup d’État. L’une d’entre elles, la plus évidente, est le procès pour impeachment, sans crime de responsabilité, qui a culminé par cette élection indirecte. Ensuite, cette situation de nouveau régime, qui a permis à un gouvernement intérimaire de changer les politiques publiques sans aucune légitimité. Il faudra discuter, dans le futur, des limites de l’intérimaire.

247 – Vous allez rétablir tout ce que le président intérimaire a fait, ou y-a-t-il des choses qui peuvent servir ?

Dilma Rousseff – Nous devrons tout rétablir, sans le moindre doute. Il n’y a aucune hypothèse de laisser voir disparaître le Ministère de la Science et de la Technologie (incorporés au Ministère des Communications NdT) Les autres modifications qu’ils ont faites n’ont que sens que pour leur stratégie, mais elles ne correspondant pas au désir de la population. Par exemple : quand ils retirent le S de la Previdência Social(Assurance Sociale) et mettent le Ministère sous la tutelle du Ministère des Finances, cela exprime une certaine vision du monde. Laquelle ? Retirer des droits aux retraités et aux travailleurs. Quand ils mettent l’Incra (Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire) sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur (Casa Civil), ils visent à retirer des droits aux travailleurs ruraux ou d’agréer à des intérêts physiologiques. Rien de tout cela ne peut continuer, sans parler de ce qu’ils ont fait avec les femmes, les noirs, les homosexuels, les handicapés et toutes les minorités.

247 – Ce gouvernement provisoire a rendu les minorités invisibles ?

Dilma Rousseff – Une invisibilité totale. Et rendre invisible, dans ce gouvernement d’hommes blancs, est une manière de faire taire. En plus, cette femme qui a assumé le Secrétariat d’État aux Femmes [Fatima Pelaes] a dit une chose très grave.

247 – Vous parlez de quoi en particulier ?

Dilma Rousseff – Elle a dit, puis s’est dédit. Mais ce qu’ils pensent, c’est ce qu’ils disent la première fois. Elle a affirmé que l’avortement doit être interdit même en cas de viol. La loi brésilienne a été perfectionnée et modifiée peu à peu. L’avortement est permis en cas de viol, des grossesse à haut risque et d’anencéphalie. Le fonctionnaire public n’a pas à aimer ou pas. Il doit obéir et c’est tout. Mais elle est seulement un exemple.

247 – Quels seraient les autres ?.

Dilma Rousseff – Ensuite est arrivé le ministre de la santé qui a dit que le SUS (Sistema Unico de Saude – équivalent de la couverture universelle NdT) ne tenait pas dans le budget. L’autre a parlé de faire des coupes dans le Bolsa Familia (Bourse Famille), qui coûte 0,5% du PIB. Ensuite, on a parlé de désindexer le revenu des retraités du salaire minimum. C’est très grave. Cela atteint 70% des retraités, 23 millions de personnes. S’ils font ça, la retraite ne sera plus jamais un salaire minimum. On va revenir où nous en étions au temps de Fernando Henrique Cardoso (président du PSDB de 1995 à 2003 NdT).

247 – Ce gouvernement intérimaire n’aurait-il pas au moins le mérite de révéler au peuple brésilien le vrai visage de la droite brésilienne ?

Dilma Rousseff – Hier, j’ai reçu ici un groupe d’historiens qui étudient l’esclavage. Ils ont dit une chose très vraie. La logique du privilège est encore très forte au Brésil. Elle s’exprime dans ce manque de respect envers les plus pauvres. Ils m’ont parlé d’un club à Rio de Janeiro où les bonnes d’enfants ne peuvent s’asseoir ni aller aux toilettes. Malheureusement, il existe encore ce sentiment au Brésil. Quand le pauvre s’élève, la maison des maîtres (Casa Grande) devient folle.

247 – Le gouvernement intérimaire parle de retirer les étrangers du programme Mais Médicos (Plus de Médecins, auquel participent beaucoup de médecins cubains NdT). Quelles en seraient les conséquences ?

Dilma Rousseff – C’est simple. S’ils enlèvent les médecins étrangers, le Mais Médicos s’arrête. Parce que les étrangers, et spécialement les cubains, sont la grande majorité des professionnels qui participent au programme. Pourquoi avons-nous fait le Mais Médicos ? Parce que notre quantité de médecin per capita est encore très faible. Bien plus bas que dans des pays voisins comme l’Argentine et l’Uruguay. N’en parlons pas quand on compare à un pays comme l’Angleterre. Un des objectifs du gouvernement est d’amplifier les écoles de médecine et pas seulement dans les capitales. Mais former un médecin est très long.

247 – N’est-il pas possible de continuer le programme avec uniquement des médecins brésiliens ?

Dilma Rousseff – Non. Avant le Mais Médicos, nous avions plus de 700 municipalités (qui peuvent être gigantesques NdT) sans aucun médecin. Le médecin formé au Brésil, la plupart du temps, n’allait pas vers les périphéries des grandes villes. D’ailleurs, l’État de São Paulo, le plus riche du Brésil, est celui qui a demandé le plus de professionnels du programme. Nous avions plus de 20 millions d’habitants sans attention médicale. Nous ne sommes pas en train de parler du fin fond de la campagne, mais de São Paulo.

247 – Beaucoup de cabinets médicaux ont été des départements de propagande de l’impeachment, vous le savez ?

Dilma Rousseff – Eh, mais là…. Comme l’offre de médecins est faible, les médecins n’allaient pas vers la périphérie des grandes villes, l’Amazonie, les départements de santé indigène. Nous avons fait des enquêtes. Plus de 90% des personnes bénéficiaires approuvent le programme. Et plus de 60 millions de personnes reçoivent des soins du Mais Médicos. 63 millions de personnes.

247 – Mais ce gouvernement prend beaucoup de décisions de nature idéologique. N’ont-ils pas fait ça pour faire partir les cubains ?

Dilma Rousseff – Je n’y crois pas, spécialement depuis que les États-Unis se sont rapprochés de Cuba. Cette idée perd de sa force, ce n’est plus à la mode. Mais je dois dire une chose. Vive le médecin cubain ! Vive le médecin cubain ! Le médecin cubain rassure le patient, il vous regarde, il vous touche, il regarde ton histoire, il va chez toi si c’est nécessaire. Ils ont une vision de la médecine qui est très importante pour les médecins brésiliens. D’un autre côté, ils font aussi l’éloge du médecin brésilien, qui est très bien préparé et très bien formé. Je crois qu’il y a une complémentarité. Un autre point intéressant est que les médecins cubains font l’éloge de nos infirmières.

247 – Dans une des villes où est passée la torche olympique, un médecin cubain a été choisi pour la porter. Est-ce un signal de reconnaissance ?

Dilma Rousseff – Certainement. Il y a une identification très grande entre le médecin cubain et le peuple brésilien. Il ressemble au peuple brésilien, il a l’allure du brésilien. Il est important de dire que l’accord n’a pas été conclu avec le gouvernement cubain, mais avec l’OPAS, l’Organisation Panaméricaine de Santé. S’ils veulent retirer les cubains du programme, ils vont avoir un gros problème avec l’OPAS, avec l’OMS, avec l’OCDE. Ce sera une autre rupture unilatéral de contrat. Un contrat international. Le port de Mariel (à Cuba NdT), que j’ai dû beaucoup expliquer pendant ma campagne électorale, est une autre raison d’oublier ce préjugé idéologique.

247 – Pourquoi ?

Dilma Rousseff – Aujourd’hui, il y a 30 entrepreneurs américains qui s’y installent. Parce que c’est le port le plus important des Caraïbes, et qui sera administré par les hollandais, qui ont une grande expérience dans ce domaine.

247 – En parlant d’économie, le gouvernement intérimaire rejette sur vous la responsabilité d’un déficit de 170 milliards de reals.

Dilma Rousseff – Ils sont absolument responsables de cela. Je ne suis pas en train de créer 14.000 postes de fonctionnaires (que la Chambre a approuvé et que le Sénat doit voter NdT). J’étais contre cette proposition bombastique. J’ai apposé mon véto aux augmentations. Nous avons envoyé au Congrès un déficit de 96 milliards de reals, parce qu’il y a une chute constante des recettes fiscales. Ils ont augmenté le déficit à 170 milliards pour avoir de la marge pour les dépenses, et pour créer les conditions de l’impeachment.

247 – Veulent-ils acheter les consciences pour approuver l’impeachment au cours du second vote au Sénat ?

Dilma Rousseff – Cela me paraît clair. Ils veulent contrôler leur base, et garantir les votes, par le moyens des dépenses publiques. Pour cela, ils ont augmenté le déficit. Un autre motif est qu’ils souhaitent échapper au contrôle du TCU (Tribunal des Comptes de l’Union). Parce que la situation que le TCU a créé au cours de ce procès d’impeachment rend in-viable toute politique fiscale. Le Brésil vit aujourd’hui une crise qui réduit les recettes fiscales. Selon la logique du TCU, il y aurait un risque de « shutdown » (arrêt des activités gouvernementales fédérales, comme c’est arrivé aux États-Unis NdT), à chaque fois que les dépenses atteindraient le plafond, paralysant toutes les activités de l’État. Ils nous mettent le couteau sous la gorge.

247 – Quel est le poids de la crise politique dans cette chute des recettes fiscales ?

Dilma Rousseff – Joseph Stiglitz (prix Nobel d’Économie) et venu ici et a dit une chose intéressante. La crise économique, avec la chute des commodities et la récession internationale, était inexorable. Mais il a dit aussi : ce que vous ne pouvez expliquer est la crise politique.

247 – Voyez-vous un signe de reprise économique ?

Dilma Rousseff – Il y a beaucoup de choses qui se passent que nous avions déjà préparées. Par exemple, la chute de l’inflation. Il y a eu une dévalorisation du change, un changement de prix relatifs et l’impact inflationniste a déjà été contenu. Ils disent que maintenant il va y avoir un superavit externe. Nous sommes sortis d’un déficit de 4 milliards de dollars, nous sommes passés par un superavit externe de 20 milliards de dollars l’année passée, et cette année le superavit sera entre 40 et 50 milliards de dollars. Ce qui est très bien, dans un moment où le monde entier marche à petite vitesse. Maintenant, dans des moments d’expansion, quand tout va bien, il n’y a pas de conflit de distribution. Ces conflits surgissent dans les moments de récession.

247 – Comme évaluez-vous la question fiscale et la nécessité d’augmenter les impôts ?

Dilma Rousseff – Quand l’économie se développe, il n’y a pas de conflit de distribution. Tout le monde y gagne. Le conflit distributif surgit dans les périodes de récession, comme aujourd’hui. Ici, au Brésil, il y a une chose symptomatique. Ils disent que l’on ne peut pas augmenter les impôts. Pourquoi ne peut-on pas payer d’impôts ?

247 – Et la question de payer pour les autres ?

Dilma Rousseff – Ici, c’est le pauvre, le retraité qui doit payer pour les autres. En tout cas selon la vision de ce gouvernement intérimaire. Je vous demande le suivant : pourquoi ne mettent-ils pas la CPMF ? (taxe sur les transactions financières NdT) La CPMF atteint proportionnellement celui qui fait des transactions financières. Elle n’atteint pas les comptes des salariés. Elles n’atteint pas les comptes de retraite. Ceux-ci en sont exempts. En plus, la CPMF permet le contrôle des transactions financières et empêche ainsi un niveau de fraude. Ils ne permettent pas non plus les intérêts sur le capital propre, ni les impôts sur les profits et dividendes. C’est une autre des particularités brésiliennes. Des pays qui pourraient entrer à l’OCDE, nous sommes le seul qui n’impose ni les profits, ni les dividendes.

247 – Le Brésil est un pays d’entreprises pauvres et d’entrepreneurs riches ?

Dilma Rousseff – Exactement. À l’étranger, l’entreprise est riche et le patron entre dans un patron normal de richesse. Comme on le dit au Minas (État du Minas Gerais, d’où Dilma Roussef est originaire NdT), quand quelqu’un passe de canard à oie, si c’était à l’étranger, ça ne changerait pas beaucoup. Ça pourrait même être difficile.

247 – Et la politique extérieure ? Le président intérimaire n’a reçu aucun coup de téléphone et le chancelier n’a été reçu pratiquement par personne. Le Brésil sera-t-il un paria international ?

Dilma Rousseff – Il arrivera probablement avec le Brésil ce qui est arrivé avec le Paraguay. La relation sera froide et distante. Le jour où sera faite une élection nationale, les choses changeront. Je ne suis pas en train de parler de président « élu » par un impeachment ou par une élection indirecte. Il doit être élu par le peuple. Au Paraguay, même après les élections, la relation est restée froide pendant un moment. Tant qu’il n’y aura pas de gouvernement légitime, le monde gardera ses distances avec le Brésil. C’est comme ça que cela fonctionne.

247 – Cela signifie-t-il que vous défendez déjà de nouvelles élections ?

Dilma Rousseff – J’ai toujours été en faveur des élections. Sinon, on aurait dit que j’étais en faveur de la dictature et non des élections. La solution démocratique passe par mon retour. Mais dans un second temps, nous allons devoir discuter : que s’est-il rompu au Brésil ? Nous avons rompu le pacte politique qui a soutenu le Brésil depuis la Constitution de 1988. Les forces politiques qui se sont unis à ce moment se sont rompues. Ce 17 avril (jour du vote à la chambre des députés NdT) a été un moment de rupture. Qu’est-ce que cela signifie ? Ce sera très difficile de refaire un pacte après cela. Il faut un nouveau pacte, par des élections directes, par le vote.

247 – Le dialogue n’est pas possible ?

Dilma Rousseff – C’est très difficile de s’asseoir à une table et de dialoguer de la situation telle qu’elle est aujourd’hui. Vous croyez que le président intérimaire et ses alliés qui ont usurpé le pouvoir partiront par eux-mêmes ? Le fait est que leur sortie passe par mon retour. Après, c’est une autre histoire.

247 – Avant de nouvelles élections, ne doit-il pas y avoir une autre discussion sur un nouveau modèle de gouvernance ? Parce que telle qu’elle est, avec le présidentialisme de coalition ou, comme le pense beaucoup, cette extorsion de l’Exécutif par le Législatif, ça ne marche pas.

Dilma Rousseff – Je vais vous raconter une question qu’ils m’ont posée : est-ce que ça n’aurait pas été mieux d’appuyer Eduardo Cunha (ex-président de la Chambre des Députés, principal artisan de l’impeachment NdT) ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Il se passe ceci : comment était le pacte auparavant ? Fernando Henrique (Cardoso), avec son alliance, ou bien nous-même, avec notre alliance avec le centre politique, nous parvenions à garantir une stabilité au pays. Mais récemment a surgi à l’intérieur du PMDB (principale base alliée du PT au pouvoir NdT) une force avec des convictions propres, ultralibérales en économie, conservatrice dans ses coutumes et avec un plan propre. Quel est ce plan du gouvernement Temer ?

247 – Vous parliez de Cunha ou de Temer ? Les deux sont-ils la même chose ?

Dilma Rousseff – Dans les enregistrements de Romero Jucá, outre le fait qu’il fallait, selon lui, arrêter l’hémorragie (selon cette conversation, enlever Dilma Rousseff du pouvoir pouvait freiner l’Opération Lava Jato, qui se rapprochait du PMDB NdT), il dit aussi une chose importante : « Temer est Cunha ». Jucá le dit et le répète. Eduardo Cunha contrôle 55% des votes de la Chambre. Et ses plans sont exprimés dans le conservatisme de tout le gouvernement Temer. Et il n’y a pas de négociation. La majorité du gouvernement Temer est de Cunha. Le fait d’être président provisoire donne quelques pouvoirs à Temer. Mais les lignes générales appartiennent à Cunha. Dans mon cas, un accord avec lui aurait été de me rendre. Il n’y a que ceux qui ont jeté aux orties leur convictions qui font des accords avec Cunha. Regarde le cas des États-Unis. Obama n’a la majorité ni à la Chambre no au Sénat. Et affronte la bande vraiment dure du Tea Party. Mais personne ne lui demande d’abandonner ses convictions et son ordre du jour.

247 – Quelle est votre position sur le parlementarisme ?

Dilma Rousseff – Au Brésil, la politique la plus progressiste s’est faite dans les relations avec le gouvernement fédéral. Après la Republica Velha, avec l’arrivée de notre cher Getúlio Vargas, toutes les modifications progressistes, jusqu’à la structuration de l’État national, se sont faites par des politiques de régimes de présidentialisme. Mais, d’un autre côté, quand on regarde la question du parlement, sans nommer quiconque, les filtres économiques, oligarchiques ou liés à des intérêts construisent un profil plus conservateur que celui des forces qui arrivent à la présidence.

247 – Il suffit de dire que Fernando Henrique Cardoso a été président avec l’appui de 20% du parlement. Lula 18%. Et vous 16%. Vous avez tous dépendu de ce centre.

Dilma Rousseff – Je dirais que la grande régression qui peut sortir de ce procès d’impeachment, si ils poursuivent et que je ne reviens pas, est un renforcement de la tendance au parlementarisme. Quand je dis qu’il est fondamental pour la démocratie que je revienne, l’un des motifs est que je me refuse à approuver le parlementarisme ou le semi-parlementarisme.

247 – D’accord, mais comment un président va former une majorité après qu’un phénomène comme l’Opération Lava Jato ait implosé les relations entre le législatif et l’exécutif ? Parce que maintenir le présidentialisme et le rendre sujet aux extorsions parlementaires n’a pas beaucoup de sens.

Dilma Rousseff – Qui sait si nous n’aurons pas un meilleur Congrès après une réforme politique ? Je le dis et je le répète. Nous ne sortirons pas de cette crise si nous ne faisons pas de réforme politique.

247 – Vous parlez de revenir. Mais quelle force auriez-vous pour gouverner ?

Dilma Rousseff – La force du retour. Je suis en train de tenter de gagner des votes (au Sénat pour le prochain vote de l’impeachment NdT) avec le dialogue et la persuasion sur la nature du coup d’État. Mais chaque chose en son temps.

247 – Considérez-vous avoir bien fait de convier l’ex-président Lula à devenir ministre de la Casa Civil (sorte de premier ministre, qui fait le lien avec les institutions, et particulièrement avec le Congrès NdT) un jour après les manifestations du 13 mars ?

Dilma Rousseff – C’est une décision que je ne regrette absolument pas. L’erreur a été qu’ils ne le laissent pas assumer ce poste dans notre gouvernement. Aujourd’hui, il y a plusieurs ministres mis en examen dans ce gouvernement intérimaire et personne ne dit rien. Penser que cette invitation à Lula a contribué à mon écartement de la présidence est une erreur. Ainsi que de croire que ce coup d’État a été tramé par les États-Unis, comme on me le demande souvent.

247 – Il n’y a vraiment pas la main des États-Unis dans l’impeachment ?

Dilma Rousseff – La main des États-Unis n’est pas nécessaire. La société brésilienne a été capable de commettre cette folie, qui a été ce coup d’État. Maintenant, il est vrai que ce coup d’État affecte notre souveraineté. Que les États-Unis s’en réjouissent ou non, c’est une autre histoire.

247 – Parlons du pré-sal. Dans son discours d’arrivée à la présidence de la Petrobras, le nouveau président, Pedro Parente, a déclaré que l’entreprise est à présent favorable à l’ouverture du pré-sal. Comment voyez-vous ce nouveau positionnement ?

Dilma Rousseff – Il parle pour les intérêts qu’il représente. Les intérêts qu’ils représente ne sont pas les intérêts nationaux. Celui qui dit que la Petrobras n’a pas d’intérêt dans le pré-sal ment, ou bien est en train de donner une richesse pétrolifère gigantesque. Ils disaient auparavant que nous serions incapables d’extraire le pétrole et nous en sommes déjà à un million de barils en moins de huit ans. Maintenant, dire ceci dès le premier jour est une irresponsabilité et un manque des respect pour la Petrobras. Ce n’est pas correct.

247 – C’est un crime de lèse-patrie ?

Dilma Rousseff – C’est plus que lèse-patrie. Ça entre déjà dans la catégorie de la stupidité nationale. Nous savons où est le pétrole. Nous savons comment l’extraire et nous savons quelle est sa qualité. Quel est le sens d’abandonner cette richesse ?

247 – Mais ils ne sont pas idiots.

Dilma Rousseff – Je n’ai pas parlé d’idiotie individuelle, mais en idiotie nationale. Celui qui défend des intérêts qui ne sont pas des intérêts nationaux peut être très intelligent.

247 – Ils vont tenter de changer la loi du pré-sal au mois de juillet. Ils vont réussir ?

Dilma Rousseff – Ce sera extrêmement dangereux pour eux de le tenter. Il existe deux modèles : celui de concession et celui de partage. La concession se justifie quand il existe un risque de ne pas trouver de pétrole. Dans ce cas, il est juste que celui qui assume le risque reste avec la part du lion. Le partage est justifié dans le cas du pré-sal parce que nous savons où est le pétrole. Il n’y a pas de risque. Ceci ne signifie pas que nous ne voulons pas faire de partenariat. Dans le champ de Libra, par exemple, la Petrobras est partenaire de la Shell, de Total et de deux entreprises chinoises, la CNOOC et la CNPC. Nous pouvons faire des partenariats, mais non abandonner le pré-sal à d’autres. Nous irions le donner entièrement à une entreprise contre quoi ? Ah, ils vont dire que la Pétrobras est endettée. C’est du grand n’importe quoi. Un projet de pré-sal est extrêmement attirant pour le financement de n’importe quelle banque nationale ou internationale. Et la Petrobras doit avoir la préférence.

247 – Mais Parente va dire que cela importe peu.

Dilma Rousseff – C’est là qu’est le danger. C’est pour cela que la limite minimum de 30% de participation de la Petrobras doit être maintenue.

247 – Parlons des Jeux Olympiques. Il y a quelques jours, le maire de Rio, Eduardo Paes, a affirmé qu’il se sent frustré parce que nous ne saurons pas qui sera le président à la Cérémonie d’ouverture. Avec cette confusion politique, le Brésil peut-il laisser de côté ce grand événement ?

Dilma Rousseff – Je vais vous dire une chose. Ce Rio 2016 est surtout le fruit de la détermination de Lula, qui a été voir chacun des membres du Comité Olympique, ainsi que de la politique étrangère extrêmement accommodante et généreuse du Brésil ces dernières années. C’est pourquoi, si il y a une personne qui mérite de recevoir un hommage à cette cérémonie d’ouverture, c’est bien Lula. En outre, en tant que ministre puis comme présidente, j’ai assumé et respecté littéralement tous les engagements avec la construction de la meilleure infrastructure possible à Rio de Janeiro. Cela comprend le Parc Olympique à Deodoro, et une amélioration significative de tout Rio, avec des travaux comme celui du VLT (tramway). En plus, nous avons acqui beaucoup de savoir-faire en matière de sécurité. Nous avons fait la Coupe Pan-America, les Jeux Militaires, la Coupe du Monde et maintenant c’est le tour des Rio 2016.

247 – Vous irez à la cérémonie d’ouverture ?

Dilma Rousseff – Bien sûr, je serai là. Et ce sera la plus belle cérémonie d’ouverture de tous les temps. Le COI a engagé Abel, l’un des meilleurs artistes de ce pays pour les grands événements.

247 – On peut voir que vous êtes émue quand vous parlez des Jeux Olympiques.

Dilma Rousseff – Bien sûr. C’est mon travail. J’ai mis ma vie dans ce travail. Quand vous posez votre travail, cela fait mal. Je n’ai peut-être pas encore été jugée. Mais qui devraient être là, c’est nous, moi la présidente, et Lula, le président qui a obtenu les Jeux. L’usurpateur peut faire ce qu’il veut pour être à la cérémonie, mais dans ces Jeux Olympiques, il sera toujours un usurpateur. Son gouvernement, uniquement d’hommes blancs et riches, ne représente pas le Brésil. Malgré eux, nous serons fiers de ces Olympiades.

Traduction Si le Brésil m’était traduit…

 

Source: http://www.les-crises.fr/entretien-avec-la-presidente-dilma-rousseff/


Brexit : « Quittons cette Europe dont les tares ont atteint des dimensions effrayantes », par Mohamed Belaali

Sunday 3 July 2016 at 01:52

Source : Le Grand Soir, Mohamed Belaali, 27-06-2016

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Quel plaisir de voir les chiens de garde du capital (médias, Banque centrale européenne, FMI, Banque mondiale, Commission européenne etc. etc.) aboyer et se lamenter à longueur de jour et de nuit depuis ce fameux vendredi 24 juin 2016. Le peuple anglais vient de leur infliger une sacrée raclée. Ils sont furieux et inconsolables. Quel pitoyable spectacle donnent-ils lorsque leurs intérêts de classe sont menacés. Autour d’eux, tout n’est qu’agitation et affolement. Le choix de ces vilains britanniques « est un véritable big bang contraire à l’avis de presque tous les experts, à la raison économique et au souhait des autres Européens. L’incroyable s’est produit. Les Britanniques veulent quitter l’Union européenne (UE) » (1). La valeur de la livre sterling chute, le Royaume-Uni perd son triple A, les marchés financiers sont désorientés, les bourses dégringolent, les actions des banques et des compagnies d’assurance s’effondrent. La panique s’est emparée de la City. Les traders ne dorment plus. « Le quartier d’affaires londonien est groggy, choqué, anéanti, après les résultats du vote qui scellent la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne » (2). La Banque d’Angleterre va injecter des milliards de livres pour consoler les marchés financiers. La Banque centrale suisse va elle aussi intervenir sur les marchés de change pour stabiliser le franc suisse. L’Association bancaire internationale demande aux responsables politiques de clarifier la situation.

Les journalistes, les experts, les politologues et les sociologues déferlent sur les plateaux de télévision exprimant sans retenue leur haine et leur mépris pour la volonté du peuple anglais. Pour tout ce beau monde, l’avenir du Royaume-Unis est sombre. « Tout cela va avoir de sales conséquences » (3), « les agriculteurs britanniques devront dire adieu à une enveloppe de 4 milliards d’euros d’aide » (4) ; bref en dehors de l’Union européenne point de salut !

Les hommes politiques regrettent une décision douloureuse car « les Britanniques par référendum ont décidé de quitter l’Union européenne. C’est un choix douloureux et je le regrette profondément » déclarait François Hollande (5). Jean-Claude Junker président de la Commission européenne, Martin Schulz président du parlement européen, Donald Tusk président du Conseil européen, eux aussi, regrettent cette décision douloureuse (6). Ils savent qu’il leur sera difficile, pour l’instant, de faire voter à nouveau les anglais comme ils l’ont fait dans le passé avec les autres peuples. Mais ils peuvent très bien bloquer le processus de sortie.Tant que les mécanismes de l’article 50 du traité de Lisbonne ne sont pas enclenchés, le Royaume-Uni reste membre de l’Union. Précisons que ce fameux article 50 est rédigé de manière telle que toute sortie volontaire d’un État membre devient difficile. Ainsi tout est fait pour que la volonté des peuples qui désirent quitter l’Union européenne soit contournée ou ignorée. Toute l’histoire de l’Union n’est que mépris et trahison des volontés des peuples. « Les Irlandais devront revoter » déclarait avec force Nicolas Sarkozy le 15 juillet 2008 après le rejet par le peuple irlandais du Traité de Lisbonne qui reprenait l’essentiel d’un autre traité rejeté lui aussi par les français et les néerlandais en 2005. On consulte les peuples non pas pour qu’ils expriment leur propre volonté mais celle des gouvernements. La démocratie bourgeoise n’est qu’un concept creux sans contenu réel. Les gouvernements sont là pour servir les intérêts de la classe qu’ils représentent. Les classes dominantes l’utilisent comme instrument idéologique au service exclusif de leurs intérêts. L’Union européenne et toutes les institutions qui gravitent autour d’elle sont un exemple éloquent de ce déni de démocratie. L’Union européenne a systématiquement rejeté avec force et mépris la volonté des peuples exprimée démocratiquement à plusieurs reprises. Les peuples danois, français, néerlandais et irlandais ont rejeté par référendum le traité de Maastricht, le projet de traité constitutionnel et le traité de Lisbonne en 1992, en 2005 et en 2008. Mais cette volonté populaire a tout simplement été ignorée. Sa réaction épidermique et agressive contre les résultats du référendum du 5 juillet 2015, où le peuple grec a rejeté par une majorité écrasante (61,31 %) les nouvelles mesures d’austérité, montre combien il lui est insupportable d’accepter le moindre processus permettant aux peuples de s’exprimer. Tous les référendums ont été perdus par l’Union européenne. Dès qu’elle donne la parole aux peuples, la réponse est invariablement la même : NON !

Bertolt Brecht disait dans un de ses poèmes :
« (…)Le peuple, par sa faute, a perdu
La confiance du gouvernement
E ce n’est qu’en travaillant doublement
Qu’il pourra la regagner.
Ne serait-il pas plus simple
Pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d’en élire un
 autre ? » (7)

L’Union invoque le rôle des partis racistes et xénophobes dans le triomphe du « out » britannique. Belle manière pour occulter sa propre responsabilité dans cette débâcle. Elle oublie un peu vite que ces courants politiques sont, non seulement au Royaume-Uni, mais dans toute l’Union européenne ses propre créatures. Impuissantes à surmonter les crises à répétition du capitalisme, les bourgeoisies européennes ont instrumentalisé ces forces du passé, qui veulent faire tourner la roue de l’histoire en arrière, pour maintenir vaille que vaille l’accumulation et la concentration de la richesse entre les mêmes mains. Démagogie, racisme, xénophobie, islamophobie et identité nationale sont les ingrédients essentiels utilisés par les classes dominantes pour mieux détourner les classes populaires des vrais problèmes qui les rongent au quotidien : chômage de masse, précarité, destruction des services publics, suppression progressive des libertés privées et publiques etc. Ces thèses nauséabondes remplacent en quelque sorte le vide des programmes des gouvernements et des partis qui les soutiennent. Leur fuite en avant dans les politiques ultra-libérales d’austérité ne fera qu’aggraver la situation économique et sociale d’une Europe déjà ravagée par le chômage et la pauvreté. L’Union européenne ressemble à ces magiciens qui ne maîtrisent plus les forces maléfiques qu’ils ont eux mêmes créées !

L’Union européenne et toutes ses institutions ne sont pas réformables. Les politiques économiques, dont l’austérité n’est qu’une dimension parmi d’autres, sont intimement liées à la nature de classe de l’Union. Les intérêts des oppresseurs et ceux des opprimés sont irrémédiablement antagonistes. C’est une illusion de croire que l’Europe, telle qu’elle est construite, va se métamorphoser par on ne sait quel miracle en une Europe démocratique, sociale, solidaire, écologique et tutti quanti. Cette idée de vouloir réformer l’Europe de l’intérieur est non seulement erronée mais dangereuse. Rester dans l’Union et la zone euro pour les réformer de l’intérieur ne peut que prolonger encore la souffrance que connaissent aujourd’hui des millions de travailleurs européens et consolider un peu plus la dictature du capital. Il faut donc rompre définitivement avec cette hideuse Europe qui a transformé les travailleurs en véritables esclaves travaillant sans relâche sous les ordres des créanciers, spéculateurs, usuriers et autres parasites du monde entier.

Il faut se saisir du « Brexit » comme d’une opportunité pour mobiliser les travailleurs et les progressistes de toute l’Europe afin de commencer l’édification d’une autre Europe, celle du progrès, de la prospérité et de la paix entre les peuples. Il faut briser cette construction méprisante et arrogante qui nous condamne à l’austérité perpétuelle. Il faut quitter cette Europe dont les tares ont atteint des dimensions effrayantes. Il est urgent de changer de bord, de sortir au plus vite de cette longue nuit et marcher vers un jour nouveau, vers une Europe nouvelle.

Mohamed Belaali

Source : Le Grand Soir, Mohamed Belaali, 27-06-2016

(1) http://www.courrierinternational.com/article/vu-dallemagne-brexit-un-desastre-pour-angela-merkel

(2) http://tempsreel.nouvelobs.com/brexit/20160624.OBS3292/un-suicide-economique-apres-le-brexit-la-city-se-reveille-en-panique.html

(3) http://www.liberation.fr/planete/2016/06/24/brexit-tout-cela-va-avoir-de-sales-consequences_1461959

(4) http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/06/25/20002-20160625ARTFIG00015-sept-consequences-economiques-a-retenir-sur-le-brexit.php

(5) http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-a-la-suite-du-referendum-britannique/

(6) http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-16-2329_fr.htm

(7) Bertolt Brecht « La solution ».

Source: http://www.les-crises.fr/brexit-quittons-cette-europe-dont-les-tares-ont-atteint-des-dimensions-effrayantes-par-mohamed-belaali/