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(3) Les Décodeurs du Monde : Naufrage sur les résultats de l’élection américaine

Tuesday 7 February 2017 at 06:02

Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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Fact-checkons donc les fact-checkeurs du Monde, encadrés par Samuel Laurent, ou plus précisément intéressons-nous à leurs compétences, leur méthodologie et leur éthique…

Voyons-donc le billet qu’ont fait les Décodeurs du Monde pour les résultats de l’élection américaine (dans sa version du 10/11 15h48).

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(toujours non modifié au 06/02/2017…)

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Quand j’ai lu ça, je suis tombé de ma chose : écrire que le corps électoral BAISSE aux États-Unis ?

Un pays qui croît de 10 millions d’habitants tous les 4 ans ???

Les Décodeurs confirment :

J’ai été stupéfait de voir Le Monde faire naufrage sur des choses aussi basiques, repérable avec deux sous de culture.

Je vais les développer pour que vous puissiez vous aussi aiguiser votre esprit critique, et ne pas vous laisser avoir… (les personnes joueuses peuvent prendre quelques minutes et ne regarder que le graphe précédent pour détecter toutes les erreurs manifestes et les points peu logiques).

Allons-y par étapes.

1. FAUX : l’abstention n’a pas augmenté (en termes relatifs)

Il est bien évident que si on en croit le graphique ci-dessus, s’il y a 3,7 millions d’électeurs potentiels en moins mais seulement 1,4 millions de votants en moins (en gros, ça fait donc le tiers), alors que les votants représentent en gros la moitié des électeurs, cela signifie évidemment que la participation a légèrement augmenté – comme on le voit en prenant la peine de la calculer – : l’abstention a donc diminué, pas augmentéUne 1ère erreur évidente – en plus on voit mal cette élection moins mobiliser que la précédente vu les enjeux…

2. FAUX : le nombre de votants n’a pas diminué depuis l’élection de 2012

Les États-Unis sont un des pays occidentaux avec la plus forte croissance démographique. La population américaine augmente actuellement d’environ 10 millions tous les 4 ans ! Avec une telle tendance, la « population en âge de voter » ne risque donc pas de baisser (même avec des à-coups de pyramide des âges, en plus ils n’ont pas eu de grosses classes creuses dans la leur à cause des guerres), et encore moins de 4 millions… Oser parler d’une « réduction du corps électoral » est donc le signe d’une méconnaissance lourde des fondements démographiques des États-Unis, et donc de ce pays. Ennuyeux..

Pour que tout soit clair, une petite interpolation à partir des données démographiques officielles américaines montre que la « population en âge de voter » est passée entre le 1/11/2012 et le 1/11/2016 de 240,5 à 251,1 millions (soit + 10,6 millions).

(N.B. pour le Monde : à propos du « 231 556 622 » : on n’utilise pas des chiffres avec 9 chiffres significatifs sur des estimations, et encore moins en parlant d’une population qui augmente de 7 000 personnes par jour, c’est ridicule… On fait ça éventuellement pour des résultats en voix, pour montrer que chacune compte, et là, on est sûr de la précision unitaire)

INCISE : Constatant ces gros problèmes, j’avoue qu’il ne m’est pas venu l’idée d’en faire un billet pour hurler à l’incompétence du Monde – une erreur de ce type, ça peut arriver. Il ne peut plus y avoir de Liberté d’expression dans une société sans Droit à l’erreur ; elle se paralysera.

Cela ne m’amuse pas de discréditer en permanence les journalistes. Je le fais, parfois, quand je considère que la personne a largement dépassé les bornes de la bêtise, de la manipulation, ou que les conséquences sont graves. Ce n’est pas le cas ici.

Bien au contraire, je trouve cette situation scandaleuse. Car en fait, pour économiser, les grands médias font souvent appel à des très jeunes journalistes inexpérimentés, de 22 à 30 ans, qu’ils envoient au feu sans les compétences nécessaires, sans le temps de les développer, leur mettant une pression de dingue – on a affaire au LumpenProlétariat de la presse…

Syndiquez-vous  d’ailleurs les amis, et ne vous laissez pas faire : car en plus d’être dur pour vous au quotidien, cela met en péril votre réputation, qui est désormais votre SEUL actif. Une fois détruit – par plusieurs articles de ce genre, en plus cruel encore – vous serez bon pour une reconversion… Raison pour laquelle je n’ai pas mis le nom du journaliste – bien qu’il commence à avoir beaucoup de casseroles à son actif mais il semble de bonne volonté, et il fait habituellement un travail intéressant de fact-checking sur des déclarations politiques, et a très utilement œuvré sur les problèmes du CETA. Il serait temps que Le Monde staffe mieux l’équipe ou réduise la pression éditoriale, et que M. Samuel Laurent contrôle mieux la qualité de ce qui sort de son service…

Car en l’espèce, Le Monde envoie au front – et c’est un front, avec des masses de snipers derrière leur PC attendant son faux pas -, un jeune journaliste, et lui demande de fact-checker, en gros pour caricaturer, les élections américaines le matin, la Syrie l’après midi, la pollution de l’air le lendemain matin, et les conséquences de la fin de l’euro le lendemain soir… Sans aucune connaissance préalable. Comment s’étonner ensuite du fort taux de boulettes – voire de boules de bowling ?

Bref, bonne poire, je contacte donc (avec difficulté – il n’affichent pas leur adresse mail…) l’auteur des Décodeurs au Monde par mail et lui signale l’erreur la plus importante, pour qu’il la corrige – et revérifie tout.

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(Vous notez que j’ai bien été traité en retour par les Décodeurs, merci pour ce moment…)

La reconnaissance est une maladie du chien non transmissible à l’homme.” [Antoine Bernheim]

L’auteur me répond brièvement par mail, reconnaissant son erreur et indique que l’article va être corrigé – ce qu’il a fait, montrant 9 millions d’électeurs en plus :

Et c’est là que ça devient bigrement intéressant, car voici l’article en ligne depuis lors :

On voit donc que l’auteur n’a même pris la peine de relire son billet à la lumière des éléments nouveaux (ce qui est quand même ballot pour un article de 61 mots et 346 caractères…) ou il n’a pas compris ce dont il parlait.

Au passage, on note qu’il a corrigé un autre petit souci – que je viens de voir du coup : il parlait bien précédemment des Américains « en âge de voter », mais comptait dedans les résidents étrangers sans droit de vote (21 millions…) et les citoyens privés de leurs droits civiques (3 millions)

Ce n’était donc pas le corps électoral pouvant voter, et cela a donc faussé les chiffres de participation précédents. 3e erreur. Cette notion « d’électeurs potentiels » est donc la bonne (on parlerait chez nous d’inscrits sur les listes électorales), et les chiffres sont apparemment justes.

Hélas, juste ceux-ci ! 🙁

C’est là qu’on en vient au vrai souci. Car on a à l’évidence des individus qui viennent « décoder » l’élection américaine sans en avoir apparemment toutes les compétences nécessaires. Notez qu’on demande au jeune journaliste de comparer les élections américaines de 2016 avec celles de 2012 alors qu’en 2012 il était encore apparemment à l’école de journalisme…

Alors ayant pour ma part l’habitude de suivre ces élections, je me permets de souligner quelques importantes différences avec les pratiques électorales françaises :

  1. Les résultats mettent près de 2 mois à devenir définitifs pour ce pays-continent ; on a encore des masses de votes qui arrivent 4 ou 6 semaines après le scrutin (votes par correspondance, validations tardives, etc.) ;
  2. Il n’y a aucune centralisation rapide des résultats au niveau national. Il n’existe pas l’équivalent de la Direction s’occupant des élections dans notre Ministère de l’Intérieur proclamant les résultats définitifs le lendemain. Tout se fait par État. La source du Monde est d’ailleurs le site Elections Project, mais qui n’est que le site non officiel d’un professeur de Sciences politiques en Floride, Michael McDonald (qui a l’air compétent et a fait un gros boulot de synthèse très utile). On a un résultat officiel seulement en début d’année suivante (Ici, le 17 janvier 2013 pour la dernière élection) ;
  3. La notion de participation ne semble étrangement pas aussi importante que chez nous, on la commente peu et les données ne sont pas toujours simples à trouver – à cause de plus de laxisme sur les listes électorales que chez nous à mon avis.

Dans ces conditions, on ne peut clairement pas faire le genre d’analyse à laquelle se sont essayés les Décodeurs du Monde le 10 novembre, car il manque justement beaucoup trop de votes. S’y essayer revient forcement à se tromper lourdement, et à tromper ses lecteurs.

C’est ainsi pour ne pas induire en erreur mes lecteurs que je n’ai encore diffusé aucun chiffre sur mon blog, l’analyse viendra bientôt. Hélas, la rapidité de l’information ne permets pas aux grands médias de prendre le temps d’une analyse posée, avec du recul, ce qui est un vrai problème désormais.

Ainsi, comment ne pas se poser de questions par rapport à ça, pour continuer :

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9 millions d’électeurs potentiels en plus, on a vu, 300 000 votants de plus, participation en baisse de plus de 2 points ??? Pour l’élection la plus clivante depuis 30 ans ??? Ce n’est pas impossible, bien sûr, mais il faut contrôler sérieusement ses chiffres avant de sortir un truc comme ça, et avoir une bonne explication…

Alors qu’a-t-on en réalité, quand on prend les chiffres quasi finaux depuis près de deux mois (d’après Elections Project et New York Times) ?

N.B. J’ai repris l’estimation du chiffre de votants de la source du Monde, bien qu’elle donne sur le passé des résultats un peu différents des chiffres communément admis – mais ça ne change pas grand chose…

Source : Elections Projects – 2012, 2016.

Ajouté au fait que l’auteur ne donne apparemment pas sa méthode de calcul, je n’aurais pas repris les chiffres comme ça sur mon blog – je me méfie beaucoup du manque de rigueur de ce qu’on peut trouver sur Internet, ça me prend toujours beaucoup de temps à contrôler. Ceci étant, comme Le Monde l’a fait, je les garde pour l’exercice. En revanche je prends les pourcentages de vote des candidats sur le New York Times, ce qui explique l’écart si vous calculez.

Bref, l’analyse donc donc :

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Quoi qu’il en soit, si ces informations ne sont pas inintéressantes, il faut à mon sens se garder de trop présenter des résultats exprimés en voix pour un pays comme les États-Unis, c’est très trompeur, la preuve.

Il faut en rester le plus possible au pourcentage des suffrages, qui permet de mieux comprendre ce qui se passe. Je vous suggère donc d’utiliser plutôt ce genre de graphique à l’avenir (chers Décodeurs, je vous l’ai même préparé, je suis une vraie mère pour vous, vous voyez… 🙂 ).

(Note : ne prenez pas mes chiffres tels quels, comme vous avez fait avec Elections Project, vérifiez-les bien, on ne sait jamais, une erreur est vite arrivée, hein…)

Donc en synthèse sur l’élection :

Pour le dernier point, on se gardera de rentrer dans les arguments classiques des mauvais perdants. L’élection américaine se fait sur un nombre d’États à gagner, pas un nombre de voix, c’est un système fédéral. De plus :

 

Après, je reconnais qu’en pourcentage, on analyse bien mieux, mais on ne peut plus trop écrire comme ici ce genre de titre pour faire du buzz facile :

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Mais au moins, on dit des choses justes – vu que Clinton a obtenu en fait le même nombre de suffrages qu’Obama – et ça permet au lecteur de comprendre que malgré ça, elle a néanmoins fait une très mauvaise performance…

En tous cas, M. Laurent, n’hésitez pas à me contacter en cas de besoin pour de futures élections – si je peux vous rendre service et éviter la diffusion d’intoxs auprès de vos millions de lecteurs, c’est vraiment très important… 🙂

P.S. Je ne sais pas si vous comptez mettre à jour votre billet, mais ce serait bien car il risque de tromper plein de lecteurs vu la diffusion qu’il a eue…

Certains s’impatientent d’ailleurs – je suis très étonné que vous ne traitiez pas les alertes répétées de lecteurs vous signalant vos erreurs#Contrôle_qualité ?

Dès le 12 novembre :

Et tenace, il recommence de nouveau le 19 décembre, avec 2 destinataires :

Cela fait plus de trois mois que vous trompez ainsi le public – vu la puissance de la notoriété du Monde, l’artcile est très bien référencé quand on fait une recherche sur le résultat des élections…

Donc vos leçons à tout le monde, du coup, c’est juste énorme.. :

Rappel : La Charte de Munich (et en particulier son point 6) est ton amie :

Bref, chapeau – du GRAND Décodeurs du Monde – et ça, c’est un fait ! 😉

Prévision : après ces billets, apparition prochaine dans le Décodex d’une nouvelle catégorie NOIRE, pour ce site et le blog de Marc Dutroux… ? 😉

C’était donc la série “Décodeurs” gentille du mardi.

À demain pour la suite…

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Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

P.S. Merci de vous modérer si vous commentez. Les commentaires déplacés ou insultants seront comme d’habitude supprimés.

Source: http://www.les-crises.fr/les-decodeurs-du-monde-naufrage-sur-les-resultats-de-lelection-americaine/


(4) L’indispensable fact-checking interne : l’exemple du New Yorker

Tuesday 7 February 2017 at 06:01

Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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Le vrai “fact-checking”, celui qu’il nous faut au plus vite… (Merci à P.R. 🙂 )

Points de contrôle, par John McPhee

Source : The New Yorker, le 09/02/2009

Les vérificateurs de faits cochent les cases une à une.

Par John McPhee

Sara Lippincott, qui vit actuellement à Pasadena, après avoir pris sa retraite en tant que rédactrice à ce magazine au début des années 90, a travaillé dans le département de vérification des faits du New Yorker de 1966 à 1982. Elle était passionnée par la science, et quand des articles scientifiques parvenaient au magazine elle en trouvait généralement la photocopie sur son bureau. En 1973, un de mes longs articles nommé “La courbe de l’énergie de liaison” (“The Curve of Binding Energy”) a bénéficié de son attention exclusive pendant trois ou quatre semaines et en requérait chaque instant. Expliquant son travail devant un public d’une école de journalisme, Sara déclara un jour, “Chaque mot d’un article qui a la moindre chance de se corréler à un fait s’y rapportant est examiné, et, s’il passe le test, il reçoit l’imprimatur du vérificateur, qui consiste en un minuscule coup de crayon.” De mon article brut de 6000 mots (qui portait sur du matériel nucléaire militaire utilisé dans l’industrie privée et de ce que des terroristes pourraient ou ne pourraient pas faire avec), un paragraphe est resté en mémoire à cause du niveau de difficulté qu’il présentait et l’effort qu’elle a fait pour le garder ou l’écarter.

C’était une histoire que m’a racontée John A. Wheeler qui, durant la Seconde Guerre mondiale, fut le physicien résident en chef au Hanford Engineer Works, sur la rivière Columbia dans le sud du centre de Washington, où il a assisté au démarrage et à la production de plutonium du premier réacteur nucléaire de grande échelle au monde. En 1939, avec le physicien danois Niels Bohr, Wheeler avait identifié les noyaux atomiques les plus propices à la fission et à l’importante libération d’énergie de liaison induite par cette fission. En 1943-44, tandis que le premier réacteur était en cours de conception pour Hanford, Wheeler insista pour que sa section initiale circulaire soit étendue à un carré, de sorte que cinq cents barres de combustible supplémentaires puissent, si nécessaire, être insérées dans la matrice en graphite du réacteur (une modification extrêmement onéreuse réalisée parce que Wheeler suspectait que quelque chose comme une contamination au Xénon pourrait affecter la réaction. Ce fut le cas, et l’augmentation du flux de neutrons générée par les barres de combustible supplémentaires ont résolu le problème. En 1973, dans le bureau du professeur Wheeler de l’université de Princeton, j’avais griffonné des notes depuis environ une heure quand il dit, comme une arrière-pensée, qu’une chose étrange se produisit à Hanford durant l’hiver 1944-45, ou peut-être pas. Il ne l’avait pas observé lui-même. Il ne l’avait jamais vu mentionné dans un écrit. Hanford était un endroit vaste, étendu dans une région de graminées, plein de rumeurs, de secrets et d’histoires apocryphes. Si j’avais du exploiter cette histoire, j’aurais dû l’authentifier par moi-même parce qu’il n’avait aucune idée au sujet de sa véracité. Il déclara qu’il avait entendu qu’un ballon incendiaire japonais (un des ballons militarisés qui furent lâchés au Japon et transportés par le jet-stream au-dessus de l’Océan Pacifique) avait atterri sur le réacteur qui fabriquait le plutonium qui détruisit Nagasaki, et avait provoqué son arrêt.

Les japonais nommèrent ces ballons fusen bakudan. De trente-trois pieds de diamètre, ils étaient faits en papier et étaient équipés de dispositifs incendiaires ou hautement explosifs. En moins d’un an, neuf mille furent lâchés d’une plage de l’île de Honshu. Ils tuèrent six habitants de l’Oregon, dont cinq enfants, déclenchèrent des feux de forêt, et atterrirent de l’Alaska au Mexique, et au plus loin à l’est à une quinzaine de miles du centre de Détroit. En complément du manuscrit de “La Courbe de l’Energie de Liaison”, qui par ailleurs n’était pas au sujet de Hanford, j’écrivis une demi-douzaine de phrases au sujet du ballon qui provoqua l’arrêt du réacteur, et j’ai remis l’article tel quel. Si l’histoire de Wheeler était vraie, elle serait éditée. Si elle était invérifiable, elle serait supprimée. J’espérais qu’elle serait vraie. La suite dépendait de Sara

Ses appels téléphoniques ricochèrent sur l’ensemble des États-Unis : de Brookhaven à Bethesda, de La Jolla à Los Alamos, sans mentionner Hanford et diverses cibles du district de Columbia. Parmi tout ce qu’elle devait faire d’autre pour finaliser – un mot à la fois – ces indénombrables coches, elle en arriva à passer des appels au sujet du ballon incendiaire pendant des jours. Enfin vint une percée apparente. Quelqu’un lui dit qu’il ne pouvait pas authentifier l’histoire, mais il connaissait sans aucun doute quelqu’un qui le pourrait.

“Ah, oui ? Qui ?”

“John Wheeler.”

Je dis à Sara d’abandonner l’anecdote. L’histoire était assurément l’invention de quelqu’un ; nous n’avions qu’à la supprimer ; elle en avait fait assez. Elle continua à passer des appels téléphoniques.

Si Sara était en train de chercher des informations dans le noir, l’obscurité était la longue ombre du secret de guerre, quand quarante-cinq mille personnes, des maçons jusqu’aux théoriciens, vivaient à Hanford, Pasco, Kennewick, et particulièrement à Richland, une bourgade de deux cents âmes que l’armée acheta en 1943 et étendit aussitôt avec plus de quatre mille maisons. L’importante population, nonobstant Hanford Engineer Works, du projet Manhattan était si secrète que même le chef d’état-major inter-armée n’en connaissait pas l’existence. Harry Truman ne l’apprit qu’après la mort de Franklin Roosevelt, en avril 1945. Le personnel d’Hanford vivait au milieu d’affiches énonçant “Ne Soyez Pas Pris La Bouche Ouverte.” Ils plaçaient leur bouteille d’urine à leurs pas de porte le soir afin qu’elle soit testée sur la présence de plutonium. Les habitants de Richmond firent plus de bébés que partout ailleurs dans le pays. Il n’y avait pas grand-chose à faire en dehors du plutonium. Pour coller une oreille au sol, façon de parler, et rechercher des espions, un agent résident du FBI alla dans les bordels de Pasco et de Kennewick, emmenant avec lui sa belle épouse. Elle restait assise dans la voiture tandis qu’il faisait du contre-espionnage à l’intérieur. Pour faire le profil de ceux qui pourraient être des cibles faciles pour des espions, les agents du FBI allaient de maison en maison, tentant de savoir qui étaient les plus gros buveurs, et qui allait coucher dans le lit de quel voisin. Hanford Engineer Works avait ses propres juges de paix, sa propre prison. Des tavernes étaient érigées pour le “biberonnage” de nuit des ouvriers du bâtiment, dont la tendance à la bagarre était telle que Wheeler se rappela plus tard “ces clandos à bière avec les fenêtres proches du rez-de-chaussée de sorte que des gaz lacrymogènes puissent y être projetés.”

Le personnel-clé était connu sous de faux noms. Enrico Fermi était M. Farmer. Eugène Wigner était M. Winger. Arthur Compton était M. Comas. Les gens se référaient à Wheeler comme étant Johnny le génie. L’exposition aux radiations était appelée “la brillance”, et le mot pour les radiations était “l’activité”. Un technicien qui fauta et utilisa le mot en “R” fut convoqué dans un bureau et fut copieusement assaisonné. À de très rares exceptions, le personnel n’avait aucune idée de ce qu’ils accomplissaient, mais ils faisaient ce qu’on leur disait. (“Nous lavions nos mains tellement de fois par jour que je pensais être Lady Macbeth.”) Le projet Manhattan, à Hanford comme ailleurs, réclamait “l’immédiate amputation haute” de tout membre humain avec une coupure contaminée au plutonium.” Il aurait pu y avoir un tableau d’affichage : 29 JOURS SANS L’ABLATION D’UN HUMERUS. Il y avait des veuves noires (araignées venimeuses) dans les maisons des gens. Une femme appela l’hôpital gouvernemental et demanda ce qu’elle devait faire si une veuve noire mordait sa fille de trois ans. L’hôpital : “Si elle entre en convulsions, emmenez-la…”

À l’intérieur et à l’extérieur du site, les rumeurs étaient incessantes au sujet de la contribution de Hanford à l’effort de guerre : au hasard, c’était un camp de prisonniers de guerre, une usine de combustible solide pour fusées, une cuisine biologique préparant des choses pour la guerre bactériologique, une ligne de production de nylon (DuPont était le principal sous-traitant industriel). Interrogé sur ce qui se passait réellement, le porte-parole bien informé de l’Armée de terre, le capitaine Frank Valente, a déclaré : “Nous déshydratons le fleuve Columbia pour l’expédier à l’étranger”.

Et maintenant, à la fin de 1973 au New Yorker, le moment où « La Courbe de l’Energie de Liaison » allait devoir être imprimé approchait rapidement, et les modifications ne seraient plus possibles. Encore une fois, j’ai remercié Sara et lui ai dit de supprimer l’histoire du ballon japonais. O.K., dit-elle, mais peut-être que si elle trouvait un moment libre ce dernier après-midi, elle ferait encore un appel ou deux. Ou trois. Et elle l’a fait, et elle a retrouvé quelqu’un dans le Delaware qui lui a dit qu’il ne pouvait pas authentifier l’histoire, mais qui savait absolument qui le pourrait.

Ah ? Qui serait-ce ? John Wheeler ?

Le gestionnaire du site Réacteur B. Il aurait certainement su si un ballon incendiaire avait enflammé son bâtiment.

Où est-il maintenant ?

Retraité en Floride.

Sara chercha son numéro de téléphone. Le département de vérification de l’époque était équipé du sol au plafond avec des annuaires téléphoniques. Elle a appelé. Il n’était pas à la maison. Il était parti faire ses courses.

Où ?

Au centre commercial.

Sara a appelé la police, leur a expliqué la situation, a demandé de l’aide et leur a donné son numéro de téléphone.

Quelques minutes passèrent, moins d’une heure. L’article n’était pas encore parti à l’impression lorsque le gestionnaire du site a appelé. Il était dans une cabine téléphonique, l’ancêtre des téléphones portables. Sara expliqua le but de son appel et lui lut un passage qui se terminait comme suit :

Les ballons incendiaires ont été tellement efficaces, en fait, que les journaux ont été invités à ne pas imprimer d’informations à leur sujet, parce que les États-Unis ne voulaient pas encourager les Japonais à en lâcher plus. Le ballon qui a atteint Hanford a traversé non seulement le Pacifique, mais aussi Olympic Mountains [État de Washington, NdT] et les glaciers alpins de la chaîne des Cascades. Il a atterri sur le bâtiment abritant le réacteur qui produisait le plutonium de Nagasaki et provoqua son arrêt.

Le gestionnaire a dit à Sara, “Comment avez-vous appris cela ?”

Il a ajouté que le ballon n’était pas réellement tombé sur le bâtiment, mais sur une ligne à haute-tension transportant le courant vers le réacteur. Il y avait juste assez de temps pour corriger l’article.

A-Rod fait une erreur de temps en temps, et donc le New Yorker également. Le plus rare de tous est un fait qui n’était pas erroné dans le manuscrit original, mais est devenu une erreur dans le processus de vérification. Lorsque cela se produit, il peut assez bien être appelé un événement, comme le jour où le savon a coulé à Procter & Gamble. Cela ne m’est arrivé qu’une seule fois – et il y a près de trente ans. Si le blâme est à assigner, Dieu ne plaise, je ne suis pas le cessionnaire, et ni Sara, qui a vérifié la pièce. Appelé « Bassin, Montagnes et Vallées », il était le premier d’une série de longs articles sur la géologie qui apparaissaient de temps en temps sur une douzaine d’années. Il comportait de nombreux passages introductifs sur des thèmes comme la tectonique des plaques et le temps géologique. Dans le manuscrit original, un paragraphe disait :

Ce sont les plaques qui se déplacent. Elles se déplacent toutes. Elles se déplacent dans différentes directions et à des vitesses différentes. La plaque Adriatique se déplace vers le nord. La plaque Africaine arriva un jour derrière elle et la poussa vers l’Europe – enfonçant l’Italie comme un clou dans l’Europe – et ainsi créa les Alpes.

Problème C, problème B, problème A, le programme dériva, comme toujours, vers la limite temporelle, le bouclage final et irréversible. Dans la tête de chacun comme dans les immeubles environnants, les choses s’accélèrent et peuvent devenir, c’est un euphémisme, frénétiques. Joshua Hersh, un vérificateur des faits moderne qui est plus froid de caractère que le marbre, se réfère à ce moment comme à “la dernière minute la trouille aux fesses.” Alors que “Bassin, Montagnes et Vallées” arrivait à 5 minutes du bouclage, tellement de cailloux volaient autour de ma tête que j’aurai cru Sara si elle m’avait dit qu’il y a des noyaux de calcaire dans les fruits. A une minute de la fin, elle vint me dire que j’avais tort sur la plaque Adriatique, elle ne bouge pas vers le nord, mais vers le sud-ouest.

Désespérément, j’ai dit, “Qui a dit ça ?”

Elle dit, “Eldridge Moores.”

Théoricien de calibre mondial de la tectonique des plaques, auteur d’innombrables articles scientifiques sur la séquence ophiolitique comme signature des mouvements globaux de la tectonique, président de la Société géologique de l’Amérique, Eldridge Moores était le géologue généreux et excentrique qui s’était engagé à m’enseigner, de voyages d’études en voyages d’études, l’histoire géologique de, parmi tant d’autres, la Californie, l’Arizona, la Grèce et Chypre. Le cerveau en ébullition, je dis à Sara : « Si Eldridge Moores dit que la Plaque de l’Adriatique se déplace vers le sud-ouest, elle se déplace vers le sud-ouest. Change la phrase s’il te plait.”

Dans le New Yorker du lundi suivant, la plaque Adriatique se dirigeait vers le Maroc. Feuilletant le magazine pendant un moment libre cette semaine-là, j’ai appelé Eldridge et je l’ai trouvé dans son bureau à l’université de Californie, Davis. Je dis : “Eldridge, si la plaque adriatique bouge vers le sud-ouest, qu’est-ce que les Alpes font là ?”

“La plaque Adriatique ?”, dit-il.

Je répondis, “La plaque Adriatique.”

Je crois que je l’ai entendu se frapper le front. “Oh, non !” dit-il. “Pas la plaque Adriatique ! La plaque Egéenne. La plaque Egéenne bouge en direction du sud-ouest.”

La pire des erreurs de vérification, c’est quand on dit qu’une personne est morte alors qu’elle ne l’est pas. Selon les mots de Josh Hersh, “Ca les ennuie vraiment.” Sara se souvient d’un lecteur d’une maison de retraite médicalisée qui avait lu dans le New Yorker qu’il était “feu le lecteur de la maison de retraite.” Il a écrit pour demander une rectification. Le New Yorker, dans son édition suivante, bien sûr s’y plia, et par erreur reproduisit l’erreur, parce que le lecteur en fait mourut durant le week-end alors que le magazine était à l’impression.

Toutes les erreurs ont une longue vie. Comme Sara dit à des étudiants en journalisme, une fois que l’erreur est à l’impression, “elle prend vie, elle est dans les bibliothèques, elle est soigneusement cataloguée, scrupuleusement indexée… Digitalisée, elle trompe chercheurs après chercheurs, à travers les âges, tous ils feront de nouvelles erreurs sur la base de ces erreurs originales, etc. etc. jusqu’à une explosion finale d’errata.” Epée sortie, le vérificateur se tient au bout du pont. C’est en partie la raison pour laquelle ce travail existe et pourquoi, selon les mots de Sara, une publication croira en “une meute de professionnels sceptiques perdus dans ses propres épreuves.” Les journaux n’ont pas de service de vérification des faits séparés, mais n’importe quel magazine en a. Quand j’ai commencé à travailler au Time -en l’année 957 sous le règne de Eadwig le Juste- les rédacteurs du Time étaient des hommes, et les vérificateurs de faits, des femmes. C’était des expertes. Quand je produisis un article en freelance à l’Atlantic, j’ai demandé qui ferait la vérification, et on m’a répondu : “C’est comme vous voulez.” L’Atlantic n’avait pas de budget pour la vérification. Un peu plus tard, quand j’ai vendu un article à National Geographic, il apparut qu’ils avaient plus de vérificateurs qu’il n’y a d’Indiens en Amazonie. Holiday et le Saturday Evening Post étaient les seuls un peu moins assidus. Alors que le service de vérification du New Yorker avait une réputation dès le départ dans ce domaine, de nombreux autres magazines étaient autant engagés et prudents. Vingt-huit ans après ce premier article pour l’Atlantic, j’en ai vendu un second, et cette fois j’ai eu droit à une vérification comme avec le New Yorker.

Les éditeurs de livres préfèrent considérer la vérification des faits comme relevant de la responsabilité des auteurs, ce qui, contractuellement, se résume à la simple question de savoir qui ne paiera pas. Si du contenu qui est apparu dans un magazine vérifié réapparaît dans un livre, l’auteur n’est pas le seul bénéficiaire du travail du vérificateur. L’éditeur du livre a gagné un billet gratuit à la respectabilité factuelle. Les éditeurs qui, pour des raisons initiales de marketing, mettent un texte sous presse avant que le service de vérification d’un magazine ne l’ait fait, récoltent ce qu’ils méritent. Une protection presque infaillible pendant la progression du magazine jusqu’au livre réside dans le lectorat vigilant du magazine. Après une erreur dans The New Yorker, des missiles à détection de chaleur s’élèvent et retombent sur l’auteur, le vérificateur des faits, le rédacteur en chef, et même l’ombre du fondateur. Comme le département de vérification le résume, “Aucune erreur ne passe inaperçue des lecteurs.” Au cours des derniers jours de 2005, Rebecca Curtis a écrit une belle et courte histoire “Twenty Grand” qui est parue dans The New Yorker. Ses personnages, en 1979, vont dans un McDonald’s pour manger des McNuggets de poulets. Les McNuggets sont apparus dans le courrier de Noël du New Yorker. McDonald’s les avait introduits en 1983.

Lors des quelques occasions où un tel message m’est parvenu, j’ai écrit au lecteur un mot de remerciement (à moins que la lettre se situe quelque part dans le continuum entre la méchanceté et le déplaisant, ce qui est rarement le cas). “Vous avez raison !” dis-je. “Et je vous en suis très reconnaissant, car l’erreur ne sera pas présente quand l’article apparaitra sous la forme d’un livre.” Si, dans la lettre du lecteur apparait l’ombre d’un sourire, je ne peux m’empêcher d’ajouter, “Si un lecteur à l’œil de lynx tel que vous a parcouru ces milliers de mots et n’a trouvé qu’une seule erreur, je suis soulagé.”

Avec la confortable certitude que le département de vérification des faits va passer derrière moi, j’aime supposer avec certitude des noms et des numéros dès le début, pendant que je change et re-change et écoute les phrases, préférant entendre un chiffre ou une date approximatif que le son dissonant de termes journalistique : QUELLE VILLE, 000 000 $, nom AV, nombre AV, En cours. Ce sont des sortes de billets à ordre, et le vérificateur est supposé les payer. En cours veut dire ce qu’il veut dire, juste comme ça ; AV signifie “à venir”. Au moins, pour moi, ils desservent le son d’une phrase autant que des substituts plats, des inventions provisoires. Dans un train de marchandise de deux kilomètres de long, il y a tube vital d’air qui court tout du long et commande les freins. Dans “Coal Train” (Le train de charbon) (2005), j’ai ressenti le besoin d’une analogie et en ai inventé une :

Le relâchement des freins pneumatiques commença aux deux extrémités, et se dirigea vers le milieu. L’ensemble du très long tube d’air du train ressemblait à la vessie natatoire d’une anguille américaine.

Rapidement, le département des vérifications fut au point en ichtyologistes, et je fus informé par Josh Hersh que la vessie natatoire d’une anguille américaine est proportionnellement bien plus courte que chez la plupart des poissons communs.

“Qui le dit ?”

“Willy Bemis.”

“Ah.”

Willy Bemis est à l’anatomie des poissons ce qu’Eldridge Moores est à la tectonique des plaques. Willy était la figure centrale d’un de mes livres paru trois ans plus tôt, dont des extraits furent publiés dans le New Yorker. Il avait depuis quitté l’université du Massachussetts pour le poste de directeur de Shoals Marine Laboratory, les classes situés au large [Shoals Marine Laboratory est situé sur une île du golfe du Maine, NdT] de Cornell University et de l’université du New Hampshire. Je l’ai appelé à Ithaca pour lui demander ce qui pouvait être fait. Toujours accommodant, Willy essaya au début de rationnaliser l’anguille. Peut-être que sa vessie natatoire pourrait faire l’affaire après tout. Peut-être l’analogie fonctionnerait. Je déclarais que l’anguille ne passerait jamais le département des vérifications, ou, pour autant, à travers moi. Nous étions proche de boucler, et Willy était incapable de penser sur l’instant à une espèce ayant une vessie natatoire suffisamment longue. Que faire ? Il appela Harvard. L’ensemble du très long tube d’air du train ressemblait à la vessie natatoire d’un poisson corde [Erpetoichthys, NdT].

Sur la rivière Merrimack à Merrimack, New Hampshire, il y a une brasserie qui a brassé la première Bud en 1970. John et Henry Thoreau, en 1839, passèrent par ce site dans leur skiff fait maison lors d’un voyage qui fut à l’origine du premier livre de Henry. Une chute d’eau blanche connu sous le nom local de “Cascade de Cromwell” depuis le 17ème siècle, mais, écrivit Thoreau, “Ces chutes sont le Nesenkeag des Indiens,” et il continua, “Le Grand Fleuve Nesenkeag arrive sur la droite en haut.” Le New Hampshire a beaucoup d’endroits aux noms finissant en “keag”. Le “keag” est prononcé comme s’il n’y avait pas de “a”, donc “keg”. En 2003, mon gendre Mark Svenvold et moi allâmes à travers les Chutes Nesenkeag, Namaskeag et Amoskeag, dans un canoë Old Town, retraçant le voyage en amont de Thoreau, et, en tirant le canoë pour remonter les rapides, je me suis trouvé en train de me demander combien de “kegs” (barils) cette usine de Budweiser pouvait produire par jour. De retour à la maison et en train d’écrire, j’ai inventé un nombre à partir de rien, et c’est ce qu’Anne Stringfield, vérifiant le fait, dit dans son rapport :

Juste au-dessus des Chutes Cromwell, route 3, très proche mais invisible depuis la rivière, il y a une brasserie Budweiser dont la production moyenne journalière est de 13 000 barils par jours.

Ne jamais sous-estimer AnheuserBusch [compagnie de brasserie qui possède Bud, entre autres, NdT]. La production moyenne par jour se révéla être de 18 000 barils.

Un autre article fluvial – “La rivière au cul serré” – a été vérifié par Josh Hersh en 2004. Il a trouvé cela, dans son rapport :

Les gens disent : “La rivière Illinois ? C’est quoi ? Jamais entendu parler. Où va-t-elle. En fait, il y a deux rivières Illinois en Amérique, chacune, bien sûr, aussi connue que l’autre.

L’une est dans l’Illinois, l’autre en Arkansas et Oklahoma ; et ce sont celles que vous trouvez dans le Dictionnaire géographique Merriam-Webster, qui est une des références préférées des services de vérification. Josh plongea dans le web, et en revint avec une troisième rivière Illinois, en Oregon, qui est presque inconnue même en Oregon.

En fait, il y a bien trois rivières Illinois en Amérique, et chacune, évidemment, est aussi connue que les autres. (Et maintenant, avec cet article, en janvier 2009, le service de vérification des faits a encore trouvé une autre rivière Illinois, en Colorado. Si je devais republier ce morceau d’information fluvial 46 fois de plus, évidemment, je trouverais une rivière Illinois dans chaque État américain.) Cet exploit, de la part de Josh, était juste un exercice d’étirement avant d’embarquer, entre autres choses, sur un bateau qui dérivait, oisif, sur l’Illinois, du même nom, quand un vaisseau plus grand qu’un porte-avion se précipita sur lui avec cinq coups de sirènes brefs, le signal universel de danger immédiat. Le vaisseau de plus de onze cent pieds de long et câblé solidement, était composé de quinze barges poussées par un “remorqueur”. J’étais dans la cabine du pilote, gribouillant des notes. Juste comme le bateau allait entrer dans notre angle mort – mille pieds d’eau que nous, dans la cabine du pilote, ne pouvions voir, des gens apparurent sur le pont du bateau, le bateau démarra et, d’une façon à la fois altière et méfiante, bougea légèrement sur le côté, lentement. Nous avons poursuivi en descendant la rivière, alors que le bateau nous dépassa de port en port, faisant sa route en remontant les mille pieds de péniches jusqu’au niveau de la cabine du pilote. Deux hommes et deux femmes sont dans le bateau. La femme la plus proche – assise à l’arrière à bâbord dans la partie ouverte du cockpit – porte un maillot de bain deux pièces noir et doré. Elle avait le genre de corps que vous voyez sculpté dans le marbre. Elle avait des cheveux dorés. Rapidement et adroitement, elle mit ses mains dans son dos pour dégrafer son haut. Elle le laissa sur ses genoux et pivota de 90° vers le carré du remorqueur. Epaules en arrières, les pommettes hautes, elle tint la pause sans faiblir. Elle s’exposait largement au mépris de la gravité. Pas d’angle de répit. C’est une sirène, et ce sont ses chants.

Jusqu’à présent, c’est vérifiable. Quelque chose comme ça peut – selon le New Yorker – être mis “sur l’auteur”. C’était mon expérience, ma description, ma construction, mon érection. Personne ne semble s’être soucié de la couleur du maillot de bain. J’ai poursuivi, malgré cela, en disant quelque chose comme cela :

Elle est “l’Ovale avec Pointes” d’Henry Moore. Moore a dit : “Formes arrondies portant une idée de fructification, de maturité, probablement parce que la terre, les seins de femmes, et la plupart des fruits sont ronds, et ces formes sont importantes parce qu’elles ont cette résonnance dans nos habitudes de perception. Je pense que l’élément humaniste organique sera toujours pour moi d’importance fondamentale en sculpture.”

Et maintenant nous étions en vérification profonde. En 1975, j’avais téléphoné à Lynn Fraker, qui était docteur du musée d’art de Princeton, où « Ovale avec Pointes » de Moore est l’une des deux douzaines de sculptures monumentales et principalement abstraites qui se trouvent à l’extérieur du campus. Je voulais les utiliser comme exercices de description dans un cours d’écriture où j’allais enseigner pour la première fois. Le Henry Moore, de onze pieds de haut, a la forme d’un donut, et de chaque côté intérieur un renflement conique en forme de sein s’élance vers un autre renflement conique en forme de sein, leurs extrémités se touchant presque, comme s’ils étaient au plafond d’une chapelle. Mon opinion était que les étudiants devraient pouvoir faire une meilleure description que cela. “Donut”, par exemple, n’était pas un mot qui devrait être autorisé à surgir au sujet de l’œuvre d’Henry Moore, et, dans chaque classe où j’ai enseigné depuis lors, j’ai utilisé les notes de cette conversation avec Lynn Fraker. Ils comprennent les mots d’Henry Moore, qu’elle a récités de mémoire. Et maintenant, en 2004, je ne savais pas où elle les avait lus. Elle avait quitté Princeton des décennies auparavant, s’était remariée, et était inaccessible.

L’internet ne fut d’aucune aide, mais Josh, en cherchant dans les catalogues de la Bibliothèque publique de New York, apprit que des recueils de commentaires de Moore sur l’art sculptural se trouvaient dans une annexe du centre-ville, de l’autre côté de la Cinquième Avenue en face du bâtiment principal de la bibliothèque. Après une heure ou deux, il y trouva un essai de Moore dans un numéro de 1937 de The Listener de la BBC. Dans le paragraphe suivant, les mots que Lynn Fraker m’avait soufflés. Ils avaient besoin de très peu d’ajustement pour être rendus textuellement, comme ils sont ci-dessus. Après quoi, nous étions de retour à “sur l’auteur” :

Elle n’a pas bougé — cette Maja demi-nue a dépassé tout le monde. Ses mamelons sont une paire d’yeux fixant le remorqueur. Pour ma part, je veux sauter hors du remorquage, nager vers elle, et demander s’il y a quelque chose que je peux faire pour aider.

Peut-être que je donne trop de crédit aux vérificateurs de faits. Après tout, je fais ce qu’ils font avant qu’ils ne le refassent. Je ne leur laisse pas une montagne de travail, et cela est particulièrement vrai si le New Yorker a rejeté l’article et je me prépare à l’inclure dans un livre, comme cela s’est passé en 2002, lorsque le magazine a jeté un œil froid — pour quelque raison inexplicable — sur douze mille mots sur l’histoire américaine de la pêche. J’ai donc vérifié les parties vierges du livre moi-même, en risquant l’analogie avec l’avocat qui se défend lui-même et a un imbécile pour client. La tâche m’a pris trois mois — essayer de retracer les faits dans le manuscrit d’autant de façons différentes que je pouvais imaginer, comme les vérificateurs le font régulièrement. Il y a eu quelques passages qui m’ont freiné presque jusqu’à l’arrêt, quand, pour une raison ou une autre, il a fallu une éternité sur Internet et plus encore dans les bibliothèques pour déterminer ce qu’il faut faire ou pas.

La fille de Penn Margaret pêchait dans le Delaware, et écrivit à la maison à un frère lui demandant “d’acheter pour moi une solide canne à pêche en quatre parties et un moulinet avec de solides et bonnes lignes…”

Le problème n’était pas avec la canne ou le moulinet mais avec la progéniture de William Penn. Devrait-il y avoir des virgules autour de Margaret ou pas de virgule autour de Margaret ? La présence ou l’absence de virgules indiquerait en fait si Penn avait une fille ou plus. Les virgules — présentes ou absentes — n’étaient pas seulement des virgules ; elles étaient des faits, ni plus ni moins factuels que les fûts de Bud ou la couleur du costume de Santa. Margaret, une des nombreuses filles de Penn, est entrée dans le livre sans virgule. En pousuivant, j’ai essayé de vérifier ceci :

Le mercredi 15 août 1716, près de Cambridge, dans le Massachusetts, Cotton Mather est tombé d’un canot en pêchant sur Spy Pond. Après avoir émergé trempé, perplexe, bredouille, il dit : « Mon Dieu, aide-moi à en comprendre la signification ! » Peu de temps après, il châtiait ses confrères pour perdre le temps de Dieu dans la pêche récréative. Pas beaucoup de chaleur là-bas. Mieux vaut se tourner vers le pasteur Fluviatulis Piscator, connu de sa famille sous le nom de Joseph Seccombe, âgé de vingt et un ans quand mourut Cotton Mather. À côté de la rivière Merrimack, en 1739, Piscator prononça un sermon qui fut publié plus tard comme « Un discours prononcé en partie à Ammauskeeg-Falls, à la saison de la pêche. » Il en existe neuf exemplaires. Un a été vendu aux enchères en 1986 pour quatorze mille dollars. Celui que j’ai vu était à la Bibliothèque de Philadelphie. Il y était inséré la description d’un libraire qui disait, “Premier livre américain sur la pêche à la ligne ; Première publication américaine sur les sports de champ et de ruisseau. La défense de Seccombe de la pêche est remarquable pour venir si tôt, à une époque où la pêche de plaisance devait se défendre.”

Il y avait, dans tout cela, une partie d’une phrase qui a prouvé, en 2002, être exceptionnellement difficile à vérifier. Elle aurait pu facilement être réécrite autrement, mais j’avais obstinément voulu la vérifier. En substance :

Joseph Seccombe, âgé de vingt et un ans quand mourut Cotton Mather.

Afin de cocher ces mots tels quels rigoureusement, vous devez connaître non seulement l’année de la mort de Mather et celle de la naissance de Seccombe, mais aussi le mois et le jour de chacun. Quand Mather mourut, le 13 février 1728, Seccombe avait soit vingt-un, soit vingt-deux ans. Lequel ? L’internet me faisait défaut. Les bibliothèques me faisaient défaut. Les œuvres complètes de Joseph Seccombe et Fluviatulis Piscator me faisaient défaut. J’ai appelé Kingston, dans le New Hampshire, où il avait servi comme curé pendant plus de vingt ans. La personne que j’ai contactée a généreusement promis de regarder dans les registres de la ville et de l’église et de me rappeler, ce qu’elle fit, deux ou trois jours plus tard. Elle était désolée. Elle avait cherché consciencieusement, mais à Kingston de toute évidence la date exacte de la naissance de Seccombe était introuvable. J’étais sur le point d’abandonner et d’insérer “dans sa petite vingtaine” quand une ampoule brilla dans ma tête. Si Joseph Seccombe était prêtre en 1737 (l’année de son arrivée à Kingston), il avait été instruit quelque part et, à l’époque, pour les études supérieures, il n’y avait qu’une possibilité en ville dans la province de Massachusetts Bay. J’ai appelé Harvard.

Par le standard téléphonique, j’ai été mis en contact avec quelqu’un qui écouta ma question et répondit sur le champ, en quelques secondes, “14 juin 1706.”

Source : The New Yorker, le 09/02/2009

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Source : The New Yorker, le 14/09/2009

“J’ai été fact-checké par le New Yorker”, par Evan Osnos

Par Evan Osnos, le 14 septembre 2009

Les rédacteurs au New Yorker sont souvent interrogés sur leurs processus internes de “fact-checking” (vérification des faits). (En février, John McPhee a écrit un papier sur cette pratique et ses praticiens.) Le processus consistant à vérifier de façon indépendante chaque assertion de faits dans un article — chaque détail, chaque hypothèse — est un art tellement important et menacé ces derniers temps que je me plais à l’expliquer à mes interlocuteurs avec souvent plus de détails qu’ils n’en attendraient habituellement. L’étendue du processus de “fact-checking” est spécialement surprenante pour nos amis journalistes chinois. Il se trouve que Qian Gang, rédacteur en chef en vue, que j’ai interviewé pour notre enquête “La Zone Interdite“, a récemment publié un papier dans le Southern Weekend, journal de la province du Guangzhou, intitulé “J’ai été fact-checké par le New Yorker“.

Quand j’ai reçu un appel de “fact-checking” du New Yorker, j’ai eu l’impression de me retrouver plongé au milieu d’un rituel antique.

Cela fait trente ans que je suis dans le métier des médias, mais c’est la première fois que je suis confronté à une telle chose. J’avais répondu à une interview par téléphone d’un reporter du New Yorker, il y a environ un mois de cela. Il faisait un portrait d’un de mes amis, une rédactrice en chef d’une revue renommée de Beijing. Le coup de fil du lundi provenait d’une femme ; elle me dit que son collègue avait proposé son article, et qu’elle souhaitait vérifier les faits avec moi.

L’article de Qiang, qui circule parmi les journalistes chinois, s’embarque dans une discussion sur le rôle disputé de la vérification des faits à l’heure des nouveaux médias. Grâce à un ami qui a fait la traduction depuis la Chine, voici quelques extraits :

La “vérification” dura à peu près une demi-heure. Je ne pouvais m’empêcher de célébrer la diligence que démontrait cette dame, compte tenu que je n’étais qu’un des nombreux interviewés. Après cet appel, je me suis immédiatement renseigné sur le sujet auprès d’experts et fait mes recherches sur internet. A l’origine, le système de vérification des faits dans les médias étatsuniens remonte à l’époque de Joseph Pulitzer, il y a un siècle. La revue du New Yorker créa un service de vérification des faits et embaucha des gens qualifiés comme vérificateurs de faits. Un poste prometteur ; il se dit que les personnes ayant été vérificateurs de faits ont de très grandes chances d’être recrutées comme rédacteurs en chef (dans d’autres publications).

Les vérificateurs de faits sont indépendants et n’ont pas de relations avec les journalistes enquêtés. La procédure est rigoureuse. La professeur Chen Wanying de H.K.U. est passée par ce processus aux États-Unis, en tant que journaliste. Elle écrivait pour le “Village Voice” et quand son article a été proposé, il lui a été demandé de fournir tous les contacts des personnes interviewées. Cela revient indubitablement très cher, seuls quelques grands groupes de presse se le permettent, dit Chen Wanying : “C’est trop coûteux.”

Le professeur Zhan Jiang, qui a étudié les médias étasuniens, m’a dit qu’il y avait de moins en moins de groupes de presse aux États-Unis qui suivaient de telles procédures. Pas étonnant que je ressente alors cette sensation de me retrouver au milieu d’un rituel antique durant l’appel téléphonique de vérification des faits du New Yorker. La devise de M. Pulitzer : “Exactitude ! Exactitude ! Exactitude !” apparaît comme un brouillard évanescent à une époque où les médias font face à une concurrence féroce. La presse prête à investir beaucoup de capital humain et d’argent dans le reportage d’investigation et la vérification des faits est bel et bien chancelante.

Le reportage fait à la va-vite semble dorénavant primer sur l’exactitude. Selon le spécialiste de l’internet Hu Yong, le mode de production de l’information était : “filtrer puis publier”. Nous sommes en train de virer vers : “publier et filtrer ensuite”. A quoi cela nous mène-t-il ? Il cite des experts occidentaux : “Au vingt-et-unième siècle, quand tout un chacun est un journaliste, nous faisons face à une jungle d’informations, dans laquelle le bon et le mauvais coexistent.”

Cette question me taraude. Je ne pense pas que l’essor de l’internet mène nécessairement au déclin de l’idéologie classique de l’information. Après le 18 juillet 2007, lorsque de fortes pluies s’abattirent sur Jinan, Tencent.com demanda aux internautes de Jinan de pouvoir collecter leurs témoignages oculaires. En quelques heures une quantité d’informations exactes était proposée au public. La vitesse et la puissance délivrées dépassaient ce dont était capable la presse traditionnelle. La polémique concernant le “tigre de Hua Nan”(dans laquelle une photo d’un animal menacé avait été truquée) fut aussi creusée par les internautes. Ils ont vérifié les faits et dénoncé les mensonges. De même, nous ne devrions pas oublier que des blogs de particuliers se chargent parfois de la lourde tâche de la vérification des faits.

Mais il y a indubitablement des exemples contraires. Nombres de faits sur internet sont impossibles à vérifier. Bien que l’internet permette de corriger les erreurs, certaines assertions qui finissent sur la toile ne sont pas rectifiées et s’établissent comme des vérités finales. Le problème actuellement est que beaucoup de gens dissertent sur le déclin et la chute de la presse traditionnelle, mais ils décrivent la “révolution” de la nouvelle presse de manière romantique. Ils ignorent intentionnellement ou inconsciemment la richesse apportée par la presse traditionnelle au long de l’Histoire. À l’âge du multimédia, a-t-on toujours besoin de professionnalisme dans le journalisme ? A-t-on toujours besoin de compétences et de qualifications pour faire le travail d’investigation ? Comment enseigne-t-on le journalisme aux étudiants à l’université ? Alors que de plus en plus d’options s’offrent à eux après leur diplôme, et nombreux seront ceux qui poursuivront leur carrière sur la toile, devons-nous continuer à parler de Ta Kung Pao, Fan Changjiang et de l’enquête sur le Watergate dans les classes de journalisme ? Ou devons-nous considérer que ces leçons traditionnelles doivent se confronter à l’innovation. Mais comment ? La proposition fondamentale de l’information – offrir des faits exacts – fait face à un défi majeur. Dans le nouvel environnement médiatique, comment la presse peut-elle faire sa vérification des faits n’est pas une question simple.

Evan Osnos a rejoint le New Yorker comme rédacteur en 2008, et traite de politique intérieure et étrangère.

Source : The New Yorker, le 14/09/2009

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

P.S. Merci de vous modérer si vous commentez. Les commentaires déplacés ou insultants seront comme d’habitude supprimés.

Source: http://www.les-crises.fr/lindispensable-fact-checking-interne-lexemple-du-new-yorker/


(5) Edward Snowden : Il faut combattre les “Fake News” avec la Vérité, pas avec la Censure

Tuesday 7 February 2017 at 06:00

Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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Voici le détail des principaux propos à retenir de Snowden sur les Fake news :

« Le problème des “Fake News” (fausses nouvelles) ne se résout pas en espérant faire intervenir un arbitre, mais plutôt parce que nous, en tant que participants, en tant que citoyens, en tant qu’utilisateurs de ces services, nous nous aidons mutuellement.

La réponse aux fausses informations, ce n’est pas la censure. La réponse aux fausses informations, c’est plus d’informations, discutées en commun.

Trop de gens dépendent d’une seule source, comme Facebook, pour s’informer. Lorsque vous allez sur votre page Facebook, c’est Facebook qui décide quelles nouvelles vous voyez sur votre page. Ils créent plus de silence qu’ils ne créent d’informations.

Vous comprenez à quel point il est dangereux qu’une entreprise puisse avoir assez de pouvoir pour remodeler notre façon de penser.

Nous devons mettre en pratique et répandre l’idée que la pensée critique est aujourd’hui plus importante que jamais, étant donné que les mensonges semblent devenir très populaires. » [Edward Snowden, Newsweek, Periscope,  Youtube et The Independant – 11/2016]

 

Je désépère toujours de voir que la France ne lui donne pas l’asile politique… Et la nationalité française. alors qu’il a sacrifié sa qualité de vie pour nos libertés…

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Edward Snowden : Il faut combattre les “Fake News” avec la vérité, pas la censure

Source : Newsweek, le 13/12/2016

Jack Dorsey, de Twitter, a rencontré l’ancien employé de la NSA et évoqué Donald Trump, les “fake news” et la possibilité d’une remise de peine.

Par Max Kutner, le 13 décembre 2016

Edward Snowden, le lanceur d’alerte controversé des documents de l’Agence de sécurité nationale (NSA), a déclaré mardi que la solution pour débarrasser l’Internet des “fake news” est la publication d’informations fiables, et non pas la censure.

Ses propos ont été tenus lors d’une interview avec Jack Dorsey, PDG de Twitter et Square, via un lien vidéo qui a été diffusé en direct sur Periscope à travers le compte Twitter @PardonSnowden.

Vêtu d’un blazer et d’une chemise sombre, Snowden a répondu aux récentes affirmations selon lesquelles des “fausses nouvelles” publiées sur des réseaux sociaux tels que Facebook ont contribué à influencer l’élection présidentielle de novembre en faveur de Donald Trump. Il n’a pas dit s’il était d’accord avec ces allégations, mais a fait remarquer qu’il craint que les entreprises technologiques utilisent les « fausses nouvelles » comme raison pour censurer le contenu des utilisateurs.

Edward Snowden parle lors d’une conférence de presse, par liaison vidéo, le 14 septembre. Le 13 décembre, il a été interviewé par Jack Dorsey, PDG de Twitter et Square.
BRENDAN MCDERMID/REUTERS

« Le problème des “Fake News” (fausses nouvelles) ne se résout pas en espérant faire intervenir un arbitre, mais plutôt parce que nous, en tant que participants, en tant que citoyens, en tant qu’utilisateurs de ces services, nous nous aidons mutuellement, » a-t-il déclaré. “La réponse à l’expression mensongère, ce n’est pas la censure. La réponse à l’expression mensongère, c’est plus d’expression. Nous devons mettre en pratique et répandre l’idée que la pensée critique est aujourd’hui plus importante que jamais, étant donné que les mensonges semblent devenir très populaires. »

Ces derniers mois, les partisans de Snowden ont demandé au président Barack Obama d’accorder le pardon à ce natif de Caroline du Nord, qui vit comme un fugitif en Russie et fait l’objet de poursuites judiciaires aux États-Unis. En 2013, Snowden a divulgué des informations sur les programmes de surveillance généralisée de la NSA, qui a eu accès aux données privées des citoyens. Pour lui, les bornes avaient été dépassées (il considérait cela comme un excès de pouvoir). Le ministère de la justice des États-Unis l’a accusé de vol de biens appartenant au gouvernement ; de divulgation non autorisée de renseignements sur la défense nationale, et de divulgation volontaire de rapports et de renseignements confidentiels à une personne non autorisée.

Depuis que les premières histoires sur Snowden sont parues dans la presse, l’ancien prestataire dit qu’il a essayé de se battre contre ce qu’il appelle les « fausses nouvelles » et autres « allégations bidons ». Il a dit au PDG de Twitter qu’il voulait publier des informations sur lui-même car il trouvait que les articles qui sortaient étaient erronés. « Quand on est le seul à vraiment savoir ce qui se passe, ce qui est vrai et ce qui n’est pas vrai, dit-il, on veut prendre la parole, on veut dire quelque chose. »

Snowden a rejoint Twitter en 2015 et est suivi par plus de 2 millions de personnes. Dorsey a souligné que Snowden ne suit qu’un seul compte : la NSA.

Les militants qui demandent la grâce de Snowden espèrent que le président Obama l’accordera à cet homme de 33 ans avant qu’il ne quitte son poste en janvier. « Snowden devrait être salué comme un héros, » affirme le site web de la campagne. “A la place, il est exilé à Moscou, et encourt des décennies de prison sous des chefs d’accusation datant de la Première Guerre mondiale qui le considèrent comme un espion.”

Le site web compte des dizaines de supporters, dont des leaders de l’industrie technologique tels que Dorsey, le cofondateur d’Apple Steve Wozniak et le co-fondateur de Kickstarter Perry Chen, ainsi que des écrivains, des acteurs et d’anciens officiels du gouvernement des États-Unis. L’Union américaine des libertés civiles (ACLU), Amnesty International et Human Rights Watch collaborent avec « Pardon Snowden » (https://www.pardonsnowden.org/).

Comme Newsweek l’a déjà indiqué, Obama n’a montré aucune intention de lever ou de réduire les accusations qui pèsent sur Snowden. Si le président ne le gracie pas dans les prochaines semaines, il est peu probable que la prochaine administration soit plus conciliante. Le président élu Donald Trump a tweeté sur Snowden plus de trois douzaines de fois, l’appelant « un traître et une honte », « un menteur et un faussaire » et « un déchet humain ». Il a aussi tweeté que Snowden “devrait être exécuté“.

Depuis la Russie, Snowden s’est concentré sur la promotion d’une presse libre. Il est maintenant directeur de la Freedom of the Press Foundation (Fondation pour la liberté de la presse), un organisme sans but lucratif basé à San Francisco qui soutient le journalisme d’intérêt public. Il a déjà parlé lors d’événements similaires à celui de mardi à travers des liens vidéo.

Interrogé mardi sur la façon dont l’administration Trump pourrait le traiter, Snowden a dit qu’il n’était pas inquiet. « Je suis très à l’aise avec les décisions que j’ai prises. Je sais que j’ai fait ce qu’il fallait. »

Source : Newsweek, le 13/12/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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En bonus, l’analyse d’Un Odieux Connard – où un particulier avec beaucoup d’humour montre qu’il comprend mieux les problèmes que la plupart des journalistes…

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Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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Source: http://www.les-crises.fr/edward-snowden-il-faut-combattre-les-fake-news-avec-la-verite-pas-avec-la-censure/


(6) Politique post-vérité ou journalisme post-politique ? par Frédéric Lordon

Tuesday 7 February 2017 at 05:56

Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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J’ai sorti sur ce blog ce formidable billet du non-moins formidable Lordon le 29 novembre 2016.

Comme 2 mois plus tard, les types du Monde mis en cause par Lordon me crucifient en public pour me faire fermer ce blog, je le ressors.

Avec un message limpide : vous ne m’impressionnez pas, vous ne me faites pas peur, vous ne m’intimiderez pas avec vos méthodes Maccarthystes !

Source : Le Monde Diplomatique, Frédéric Lordon, 22-11-2016

cc The Man-Machine

cc The Man-Machine

Un système qui, le lendemain de l’élection de Donald Trump, fait commenter l’événement par Christine Ockrent — sur France Culture… — et le surlendemain par BHL interviewé par Aphatie, n’est pas seulement aussi absurde qu’un problème qui voudrait donner des solutions : c’est un système mort. On ne s’étonnera pas que le thème des morts-vivants connaisse un tel regain d’intérêt dans les séries ou dans les films : c’est l’époque qui se représente en eux, et c’est peut-être bien le sentiment confus de cette époque, à la fois déjà morte et encore vivante, qui travaille secrètement les sensibilités pour leur faire apparaître le zombie comme le personnage le plus parlant du moment.

Les morts-vivants

On objectera sans doute que les morts-vivants sont plutôt des trépassés qui reviennent, alors qu’en l’occurrence l’époque, si toute vie s’en est retirée, n’en finit pas de mourir. Institutions politiques, partis en général, parti socialiste en particulier, médias, c’est tout le système de la conduite autorisée des opinions qui a été comme passé à la bombe à neutrons : évidement radical au-dedans, ou plutôt chairs fondues en marmelade indifférenciée, seuls les murs restent debout, par un pur effet d’inertie matérielle. Au vrai, ça fait très longtemps que la décomposition est en marche, mais c’est que nous avons affaire à un genre particulier de système qui ignore ses propres messages d’erreur-système. Dès le 21 avril 2002, l’alarme aurait dû être généralisée. Mais ce système qui enseigne à tous la constante obligation de « changer » est lui d’une immobilité granitique — tout est dit ou presque quand Libération, l’organe du moderne intransitif, fait chroniquer Alain Duhamel depuis cent ans. Il s’en est logiquement suivi le TCE en 2005, les étapes successives de la montée du FN, le Brexit en Grande-BretagneTrump aux États-Unis, et tout le monde pressent que 2017 s’annonce comme un grand cru. Voilà donc quinze ans que, désarçonné à chaque nouvelle gifle, vécue comme une incompréhensible ingratitude, le système des prescripteurs fait du bruit avec la bouche et clame que si c’est ça, il faut « tout changer » — avec la ferme intention de n’en rien faire, et en fait la radicale incapacité de penser quoi que ce soit de différent.

Mais avec le temps, le travail de l’agonie devient mordant, et le système se sent maintenant la proie d’une obscure inquiétude : commence même à lui venir la conscience confuse qu’il pourrait être en cause — et peut-être menacé ? Sans doute réagit-on différemment en ses différentes régions. Le Parti socialiste n’est plus qu’un bulbe à l’état de béchamelle, dont on mesure très exactement la vitalité aux appels de Cambadélis, après l’élection de Trump, à resserrer les rangs autour de Hollande (ou bien aux perspectives de lui substituer Valls).

On ne s’étonnera pas que le thème des morts-vivants connaisse un tel regain d’intérêt : c’est l’époque qui se représente en eux

C’est la partie « médias », plus exposée peut-être, qui exprime un début d’angoisse terminale. A la manière dont elle avait pris la raclée du TCE en 2005 — une gigantesque éructation contre le peuple imbécile (1) —, on mesure quand même depuis lors un effet des gifles à répétition. Alors les médias, un peu sonnés à force, commencent à écrire que les médias pourraient avoir eu une responsabilité. Le propre du mort-vivant cependant, encore debout mais en instance de mourir, c’est que rien ne peut plus le ramener complètement vers la vie. Aussi, la question à peine posée, viennent dans l’instant les réponses qui confirment le pur simulacre d’une vitalité résiduelle, et la réalité de l’extinction en cours. Y a-t-il responsabilité des médias ? « Oui, mais quand même non ».

La protestation sociologique des médias

Comme le système prescripteur du changement pour tous n’a aucune capacité de changement pour lui-même, défaut qui signe d’ailleurs la certitude quasi-évolutionnaire de sa disparition, il s’arrange pour poser la question sous la forme qui le remette aussi peu que possible en question : non nous ne sommes pas « coupés », et nous ne vivons pas différemment des autres ; oui nous avons fait notre travail, la preuve : nous avons tout parfaitement fact-checké.

Dans un mouvement aussi sincèrement scandalisé que touchant de candeur, Thomas Legrand, par exemple, proteste sur France Inter qu’on puisse trouver la presse « déconnectée » : n’est-elle pas désormais « peuplée de pigistes et de précaires » (2) ? Il faut vraiment être arrivé au bout du chemin pour n’avoir plus d’autre ressource que de transformer ainsi le vice en vertu, et se faire un rempart de la prolétarisation organisée des soutiers, providentielle garantie sociologique d’une commune condition qui rendrait sans objet les accusations de « déconnexion ». Mais on en est là. Des hipsters précarisés jusqu’au trognon servent de bouclier humain à des éditorialistes recuits qui, désormais étrangers à toutes les régulations de la décence, n’hésitent plus à en faire un argument.

Comme on veut cependant donner tous les gages de la meilleure volonté réflexive, on concède qu’on doit pouvoir encore mieux faire pour connaître ce qui agite les populations réelles, et l’on promet de l’enquête, du terrain, de la proximité, de l’immersion, bref de la zoologie. On se demande alors si le contresens est l’effet d’une rouerie de raccroc ou d’une insondable bêtise. Car si l’élection de Trump a révélé « un problème avec les médias », ça n’est que très superficiellement de « ne pas l’avoir vue venir » : c’est plutôt d’avoir contribué à la produire ! L’hypothèse de la bêtise prend immanquablement consistance avec les cris d’injustice que pousse sur Twitter un malheureux présentateur de France Info : « Mais arrêtez de dire que c’est un échec de la presse, c’est d’abord un échec de la politique ! C’est pas la presse qui donne du taf aux gens »Ou encore : « C’est dingue de se focaliser uniquement sur les médias. La désindustrialisation de la Rust Belt ce n’est pas à cause des journaux ». Tranchant de la forme, puissance de l’analyse — l’époque.

« C’est dingue de se focaliser uniquement sur les médias »

Tout y est, et notamment que « la presse » ne se reconnaît aucune responsabilité depuis vingt ans dans la consolidation idéologique des structures du néolibéralisme, qu’elle n’a jamais réservé la parole à ceux qui en chantaient les bienfaits, qu’elle n’a jamais réduit à l’extrême-droite tout ce qui, à gauche, s’efforçait d’avertir de quelques inconvénients, de la possibilité d’en sortir aussi, qu’elle n’a jamais fait de l’idée de revenir sur le libre-échange généralisé une sorte de monstruosité morale, ni de celle de critiquer l’euro le recommencement des années trente, qu’elle n’a jamais pédagogisé la flexibilisation de tout, en premier lieu du marché du travail, bref qu’elle n’a jamais interdit, au nom de la « modernité », du « réalisme » et du « pragmatisme » réunis, toute expression d’alternative réelle, ni barré absolument l’horizon politique en donnant l’état des choses comme indépassable — oui, celui-là même qui produit de la Rust Belt dans tous les pays développés depuis deux décennies, et fatalement produira du Trump avec. Mais non, bien sûr, la presse n’a jamais fait ça.

Le petit bonhomme de France Info ne doit pas écouter sa propre chaîne qui, en matière économique, éditorialise à un cheveu de BFM Business, comme toutes les autres au demeurant, raison pour quoi d’ailleurs le pauvre est devenu strictement incapable d’avoir même l’idée d’une différence possible, l’intuition qu’il y a peut-être un dehors. De ce point de vue on pourra égailler autant qu’on veut des bataillons de pigistes précarisés dans la nature avec pour feuille de route « le retour au terrain », on ne voit pas trop ce que cette dispersion pourrait produire comme révisions éditoriales sérieuses, qui auraient dû survenir il y a longtemps déjà, et ne surviendront plus quoi qu’il arrive. On en a plus que l’intuition à cette phénoménale déclaration d’intention du directeur du Monde qui annonce avoir constitué une « task force » (sic) prête à être lâchée à la rencontre « de la France de la colère et du rejet » (3), et l’on mesure d’ici l’ampleur des déplacements de pensée que des enquêtes ainsi missionnées vont pouvoir produire auprès de leur commanditaire. Il est vrai que celui-ci n’hésite pas à témoigner d’un confraternel ascendant à l’endroit des « médias américains confrontés à leur 21 avril. Nous avons eu aussi le référendum de 2005. On a appris à être plus vigilants ». La chose n’avait échappé à personne.

Si l’élection de Trump a révélé « un problème avec les médias », ça n’est que très superficiellement de « ne pas l’avoir vue venir » : c’est plutôt d’avoir contribué à la produire !

L’intuition tourne à la certitude quasi-expérimentale quand, au lendemain d’un désastre comme celui de l’élection américaine, on peut lire qu’Hillary Clinton « avait le seul programme réalisable et solide »(Jérôme Fenoglio, Le Monde), que « la réaction identitaire contre la mondialisation alimente la démagogie de ceux qui veulent fermer les frontières » (Laurent Joffrin, Libération), que « le choix de la presse[finalement il y en avait un ?] était le triste choix de la rationalité contre le fantasme » (Thomas Legrand, France Inter), que « la mondialisation n’est pas seule en cause [car c’est] la révolution technologique [pourrait-on être contre ?] qui est autant, sinon plus, responsable du démantèlement des vieux bassins d’emploi, c’est elle qui porte la délocalisation du travail, bien plus que l’idéologie [sic]  » (Le Monde), scies hors d’âge, qu’on lit à l’identique depuis 2005, enfermées dans l’antinomie de la mondialisation ou du quatrième Reich, produits de série emboutis sur enclumes éditorialistes, l’ironie tenant au fait qu’on aura rarement vu propagandistes de la flexibilité frappés d’une telle rigidité, puisqu’il est maintenant acquis que, ayant perdu toute capacité de révision cognitive, ils iront jusqu’au bout du bout, d’un pas mécanique, les bras devant à l’horizontale.

Le fulgurant éditorialiste du Monde devrait pourtant se méfier de ses propres analyses, dont une part pourrait finir par s’avérer fondée : c’est qu’on sait déjà ce qu’il va écrire fin avril-début mai 2017, qu’on pourrait même l’écrire dès aujourd’hui à sa place, et qu’une telle simplicité donne immanquablement des envies d’automatisation — la fameuse technologie —, à moins, il est vrai un cran technologique en dessous, qu’on ne fasse tirer au sort la construction de phrases par un singe, dans un sac où l’on aura mélangé des cubes avec écrit : « protestataire », « populisme », « colère », « tout changer », « repli national », « manque de pédagogie », « l’Europe notre chance », et « réformer davantage ». Substitution par le système expert ou bien par le macaque, il est exact en tout cas que l’emploi de l’éditorialiste du Monde, lui, n’aura pas été victime, selon ses propres mots, de « l’idéologie ».

La « politique post-vérité » (misère de la pensée éditorialiste)

On en finirait presque par se demander si l’indigence de ses réactions ne condamne pas ce système plus sûrement encore que l’absence de toute réaction. C’est que pour avoir depuis si longtemps désappris à penser, toute tentative de penser à nouveau, quand elle vient de l’intérieur de la machine, est d’une désespérante nullité, à l’image de la philosophie du fact-checking et de la « post-vérité », radeau de La Méduse pour journalisme en perdition. L’invocation d’une nouvelle ère historique dite de la « post-vérité » est donc l’un de ces sommets que réserve la pensée éditorialiste : une nouvelle race de politiciens, et leurs électeurs, s’asseyent sur la vérité, nous avertit-elle (on n’avait pas vu). Des Brexiteers à Trump, les uns mentent, mais désormais à des degrés inouïs (plus seulement des petits mensonges comme « mon ennemi c’est la finance »), les autres croient leurs énormités, on peut donc dire n’importe quoi à un point nouveau, et la politique est devenue radicalement étrangère aux régulations de la vérité. C’est une nouvelle politique, dont l’idée nous est livrée là par un gigantesque effort conceptuel : la « politique de la post-vérité ». Soutenue par les réseaux sociaux, propagateurs de toutes les affabulations — et à l’évidence les vrais coupables, ça la presse l’a bien vu.

Car, on ne le dit pas assez, contre la politique de la post-vérité, le journalisme lutte, et de toutes ses forces : il fact-checke. On ne pourra donc pas dire que le journalisme a failli face à Trump : sans relâche il a compulsé des statistiques et retourné de la documentation — n’a-t-il pas établi qu’il était faux de dire que tous les Mexicains sont des violeurs ou qu’Obama n’était pas américain ? Mais voilà, la post-vérité est une vague géante, un tsunami qui emporte tout, jusqu’aux digues méthodiques du fact-checking et du journalisme rationnel, et les populations écumantes de colère se mettent à croire n’importe quoi et n’importe qui. Au fait, pourquoi en sont-elles venues ainsi à écumer de colère, sous l’effet de quelles causes, par exemple de quelles transformations économiques, comment en sont-elles arrivées au point même de se rendre aux pires mensonges ? Cest la question qu’il ne vient pas un instant à l’idée du journalisme fact-checkeur de poser.

Il est d’ailleurs mal parti pour en trouver les voies si l’on en juge par les fortes pensées de ses intellectuels de l’intérieur, comme Katharine Viner, éditorialiste au Guardian, à qui l’on doit les formidables bases philosophiques de la « post-vérité ». Et d’abord en armant la percée conceptuelle de connaissance technologique dernier cri : les réseaux sociaux, nous explique Viner, sont par excellence le lieu de la post-vérité car ils enferment leurs adhérents dans des « bulles de filtre », ces algorithmes qui ne leur donnent que ce qu’ils ont envie de manger et ne laissent jamais venir à eux quelque idée contrariante, organisant ainsi la végétation dans le même, l’auto-renforcement de la pensée hors de toute perturbation. Mais on croirait lire là une description de la presse mainstream, qui ne se rend visiblement pas compte qu’elle n’a jamais été elle-même autre chose qu’une gigantesque bulle de filtre ! Ainsi excellemment partie pour un exercice décapant de remise en cause, Katharine Viner en vient logiquement à conclure que Trump « est le symptôme de la faiblesse croissante des médias à contrôler les limites de ce qu’il est acceptable de dire » (4). Le tutorat moral de la parole publique, spécialement celle du peuple et des « populistes », voilà, sans surprise, le lieu terminal de la philosophie éditorialiste de la « post-vérité ». Comprendre ce qui engendre les errements de cette parole, pour lui opposer autre chose que les postures de la vertu assistée par le fact-checking, par exemple une action sur les causes, ne peut pas un instant entrer dans une tête d’éditorialiste-de-la-vérité, qui comprend confusément que, « les causes » renvoyant à ce monde, et l’hypothèse d’y changer quoi que ce soit de sérieux étant par principe barrée, la question ne devra pas être posée.

Le journalisme post-politique

Ce que le journalisme « de combat » contre la post-vérité semble donc radicalement incapable de voir, c’est qu’il est lui-même bien pire : un journalisme de la post-politique — ou plutôt son fantasme. Le journalisme de la congélation définitive des choix fondamentaux, de la délimitation catégorique de l’épure, et forcément in fine du gardiennage du cadre. La frénésie du fact-checking est elle-même le produit dérivé tardif, mais au plus haut point représentatif, du journalisme post-politique, qui règne en fait depuis très longtemps, et dans lequel il n’y a plus rien à discuter, hormis des vérités factuelles. La philosophie spontanée du fact-checking, c’est que le monde n’est qu’une collection de faits et que, non seulement, comme la terre, les faits ne mentent pas, mais qu’ils épuisent tout ce qu’il y a à dire du monde.

Le problème est que cette vérité post-politique, opposée à la politique post-vérité, est entièrement fausse, que des faits correctement établis ne seront jamais le terminus de la politique mais à peine son commencement, car des faits n’ont jamais rien dit d’eux-mêmes, rien ! Des faits ne sont mis en ordre que par le travail de médiations qui ne leur appartiennent pas. Ils ne font sens que saisis du dehors par des croyances, des idées, des schèmes interprétatifs, bref, quand il s’agit de politique, de l’idéologie.

Le spasme de dégoût que suscite immanquablement le mot d’idéologie est le symptôme le plus caractéristique du journalisme post-politique. Comme « réforme » et « moderne », le « dépassement de l’idéologie » est l’indice du crétin. Sans surprise d’ailleurs, le crétin post-politique est un admirateur de la « réalité » — systématiquement opposée à toute idée de faire autrement. Les deux sont évidemment intimement liés, et le fact-checking à distance avec eux. La purgation achevée de l’idéologie laisse enfin apparaître la « réalité », telle qu’en elle-même immarcescible, qu’il n’y a plus qu’à célébrer rationnellement en fact-checkant la conformité des énoncés (post-)politiques à ses « faits ».

Il faut avoir fait l’expérience de regards de sidération bovine confrontés à l’idée que la « fin des idéologies », le « refus de l’idéologie », sont des summum d’idéologie qui s’ignorent pour se faire plus précisément une idée du délabrement intellectuel d’où sont sortis simultanément : la « réalité » comme argument fait pour clôturer toute discussion, c’est-à-dire évidemment la négation de toute politique comme possibilité d’une alternative, la noyade de l’éditorialisme dans les catégories du « réalisme » et du « pragmatisme », la place de choix donnée par les médias à leurs rubriques de fact-checking, la certitude d’être à jour de ses devoirs politiques quand on a tout fact-checké, le désarroi sincère que les populations ne se rendent pas d’elles-mêmes à la vérité des faits corrects, et cependant la persévérance dans le projet de soumettre toute politique à l’empire du fact-checking, à en faire la vitrine d’une presse moderne qui, très significativement, pousse sur le devant de la scène ses Décodeurs et sa Désintox’.

Mais voilà, les décodeurs recodent sans le savoir, c’est-à-dire, comme toujours les inconscients, de la pire des manières. Ils recodent la politique dans le code de la post-politique, le code de la « réalité », et les désintoxiqueurs intoxiquent — exactement comme le « décryptage », cette autre abysse de la pensée journalistique, puisque « décrypter » selon ses ineptes catégories, c’est le plus souvent voiler du plus épais brouillard.

Le fact-checking qui, épouvanté, demandera dans un cri de protestation si c’est donc qu’« on préfère le mensonge à la vérité », est sans doute ici hors d’état de saisir l’argument qui n’a rien à voir avec l’exigence élémentaire d’établir correctement des faits, mais plutôt avec l’accablant symptôme, après Trump, d’une auto-justification des médias presque entièrement repliée sur le devoir fact-checkeur accompli. Trump a menti, nous avons vérifié, nous sommes irréprochables. Malheureusement non. C’est qu’un Trump puisse débouler dans le paysage dont vous êtes coupables. Vous êtes coupables de ce qu’un Trump n’advient que lorsque les organes de la post-politique ont cru pouvoir tenir trop longtemps le couvercle sur la marmite politique.

Différences et préférences

Car voilà toute l’affaire : la post-politique est un fantasme. Elle est le profond désir du système intégré de la politique de gouvernement et des médias mainstream de déclarer forclos le temps de l’idéologie, c’est-à-dire le temps des choix, le désir d’en finir avec toutes ces absurdes discussions ignorantes de la « réalité », dont il nous est enjoint de comprendre que, elle, ne changera pas. Mais c’est le désir de ce système, et de ce système seulement. Pour son malheur, le peuple obtus continue, lui, de penser qu’il y a encore matière à discuter, et quand toutes les institutions établies de la post-politique refusent de faire droit à cet élémentaire désir de politique, alors ce peuple est prêt à saisir n’importe quelle proposition, fût-ce la pire, pourvu qu’elle soit celle d’une différence (5). Tout le fact-checking du monde n’ôtera jamais que la politique est l’exercice de la différence quand il est, lui, le prononcé silencieux de la fin des différences, ce qui reste quand on a décidé qu’il n’y aurait plus de différences : le règne vide et insignifiant des « faits » — mais pour mieux laisser inquestionné, dans l’arrière-plan, le signifié-maître : le monde est comme il est.

Il reste alors une seule ligne de repli au journalisme mainstream, au journalisme de la post-politique qui se croit le journalisme de la vérité : concéder qu’il reste bien en effet une différence, mais une seule, et qu’elle est hideuse au point que tout devra lui être préféré — « tout » devant s’entendre adéquatement comme l’ensemble des sacrifices à consentir « hélas » à la « réalité ». Maintenir cette configuration du problème post-politique, n’admettant comme extérieur que la politique innommable de l’extrême-droite, requiert alors d’opérer le déni radical de la différence de gauche. Et si jamais celle-ci commence à faire son chemin, de la combattre impitoyablement.

C’est bien en ce point que ce système laisse affleurer ses propres préférences, ses haines inavouables. Disons ici carrément ceci : plutôt qu’une différence de gauche, il préférera prendre le risque de la différence d’extrême-droite, dont il doit bien pressentir que ses propres efforts, dérisoirement inefficaces, ne suffiront plus longtemps à en empêcher l’advenue. Et voilà, au bout de ses échecs à endiguer quoi que ce soit, où il finira d’impuissance : s’il faut en passer par l’expérience d’extrême-droite, ainsi soit-il ! Elle sera tellement ignoble qu’elle aura au moins le mérite de remonétiser le discours de la vertu, et la « réalité » sera ré-installée dans ses droits en une alternance à peine.

Le Pen ne sortira pas de l’euro, Trump préservera la déréglementation financière, la Grande-Bretagne du Brexit ne sera pas exactement un enfer anticapitaliste

Au reste, il s’en trouvera bien quelques-uns au sein du grand parti post-politique pour apercevoir que les rapports de l’extrême-droite et de la « réalité » sont en fait loin d’être si distendus que le fact-checking pourrait le faire croire : Marine Le Pen ne sortira pas de l’euro, Trump a déjà fait savoir qu’il préserverait la déréglementation financière, la Grande-Bretagne du Brexit ne sera pas exactement un enfer anticapitaliste. À coup sûr, ce sont les migrants, les étrangers, et en France tous ceux qui ne respirent pas la souche, qui connaîtront leur douleur. Mais, d’une part, un républicanisme autoritaire caparaçonné d’islamophobie s’en accommodera parfaitement. Et, d’autre part, la post-politique de la morale cachera sa joie de se refaire la cerise aussi facilement — le dernier espoir pour les ventes de Libération, du Monde et de L’Obs, c’est bien le FN.

Le déni de l’homogénéité (pauvre Décodeur)

Si donc, du point de vue de la « réalité », le choix est entre le bien et un moindre mal, dont on expliquera qu’on le tient cependant pour le sommet du mal, alors il faut se mettre à tout prix en travers du vrai mal, mais sans pouvoir dire ouvertement que c’est lui qu’on considère comme tel : le mal d’une autre différence, le mal qui ne croit pas à la « réalité », celui qui pense que les définitions implicites de la « réalité » sont toujours mensongères, au moins par omission, qu’elles occultent systématiquement d’où sont venus ses cadres, qui les a installés, qu’ils n’ont pas toujours été là, par conséquent qu’il est possible d’en inventer d’autres. Ce mal à combattre sans merci, c’est la différence de gauche.

On ne s’étonnera pas de lire sous la plume d’un décodeur demi-habile la puissante critique de « lémédia » (6), injuste réduction à l’uniformité d’un paysage si chatoyant de diversité. « Lesjours.fr ou Le Chasseur Français  » ne racontent pas la même chose nous apprend le penseur-décodeur, de même qu’« Arte c’est [pas] pareil que Sud Radio ». Comme c’est profond, comme c’est pertinent. « L’actualité sociale [n’est pas] présentée de manière identique dans L’Humanité et dans Valeurs Actuelles  » poursuit-il si bien lancé, et n’est-ce pas tout à fait vrai ? On pense aussitôt à Gilles Deleuze : « on connaît des pensées imbéciles, des discours imbéciles qui sont faits tout entiers de vérités ». Misère de la pensée fact-checkeuse.

Dans le registre qui est pourtant le sien, pour ne pas trop le secouer quand même, on pourrait demander à notre décodeur combien de fois par an il entend citer L’HumanitéPolitis ou Le Monde Diplomatique dans la revue de presse de France Inter, ou ailleurs, combien de fois il voit leurs représentants à la télé ou dans les radios. Voudrait-il avoir l’amabilité de se livrer à ce genre de décompte ? (on lui signale qu’Acrimed s’y livre à sa place depuis deux décennies et que, de même, jamais un article d’Acrimed n’est cité dans lémédia bariolés). Au hasard, puisqu’il décode au Monde, pourrait-il fact-checker vite fait combien de reprises ont salué l’édifiante enquête de Politis sur les méthodes managériales de Xavier Niel (7), où l’on comprend tout de même une ou deux choses sur ce qui conduit de la violence néolibérale aux rages qui saisissent les classes salariées ?

La gauche, l’inadmissible différence

Sauf pour cette forme de cécité intéressée qui tient des variations de queues de cerises pour des différences ontologiques, lémédia existent bel et bien, on peut même en donner la caractéristique constitutive : la haine commune de la gauche que, significativement, tous nomment de la même manière : « extrême-gauche » ou « gauche radicale », quand ça n’est pas le risible « gauche de la gauche », cet aveu involontaire que ce qu’ils appellent usuellement « la gauche » est bel et bien à droite. Sans surprise, cette haine est portée à son comble dans les médias de gauche de droite, où le culte de la « réalité », c’est-à-dire le schème fondamental de la pensée de droite, a été si profondément intériorisé que le reconnaître mettrait à mal des engagements de plusieurs décennies — au service de la « réalité » —, et pire encore, des représentations intimes de soi, des luttes personnelles trop incertaines pour s’efforcer de croire qu’on est « quand même de gauche ».

Il suffit d’observer dans ces médias le traitement comparé, textuel, iconographique et politique, des personnalités de gauche (de vraie gauche) et des personnalités du centre, voire carrément bien installées à droite, pour se faire une idée de leur lieu réel — encore ce week-end dans Libération, « NKM, la geek, c’est chic », oui, c’est d’une insoutenable violence. S’il y a des endroits où l’on fait sans merci la chasse à la différence de gauche, à cette différence qui pense que le monde présent n’est pas la « réalité », parce qu’il n’a pas toujours été ce qu’il est, qu’il l’est devenu par l’effet d’une série de coups de force, dont la plupart d’ailleurs ont été politiquement accomplis par des gouvernements « de gauche », et symboliquement validés par des médias « de gauche », s’il y a des endroits où cette différence fait l’objet d’une traque éradicatrice, ce sont bien, en effet, « lémédia ».

Or l’étouffement systématique de la différence de gauche, celle qui s’en prendrait ouvertement à la mondialisation libérale, qui fracturerait le verrou à toute politique progressiste possible de l’euro, qui contesterait l’emprise du capital sur toute la société, et même : remettrait en question les droits de la propriété lucrative sur les moyens de production, organiserait juridiquement le contrôle politique des producteurs sur leur activité, cet étouffement ne laisse ouvert que le soupirail de l’extrême-droite, porte des Trump au pouvoir car ceux-ci arrivent lancés avec bien plus d’avance que des Sanders, dont lémédia, en effet, ont tout fait pour qu’il ne vienne pas déranger la candidate chérie (8), comme ils font tout pour abaisser Corbyn, traîner Mélenchon dans la boue, tous noms propres à lire ici plutôt comme des noms communs, comme les appellations génériques d’une possibilité de différence. Oui lémédia existent, bons apôtres du dépassement de l’idéologie en proie à des haines idéologiques incoercibles : par haine de Sanders, ils ont eu Trump ; par haine de Corbyn, ils maintiendront May ; à Mélenchon ils préféreront tacitement Le Pen — mais attention, avec des éditoriaux grandiloquents avertissant qu’il y a eu « un séisme ». Et si d’aventure le désir d’une différence de gauche désinvestissait ces personnages trop institutionnels et souvent trop imparfaits, pour prendre la rue sérieusement, c’est-à-dire, par-delà le folklore du monôme, avec la menace de conséquences, lémédia n’y verraient plus que des « casseurs », comme lors de Nuit Debout quand, passé le moment du ravissement citoyen, le cortège de tête a commencé à affoler les rédactions, interloquées d’« une telle violence ».

L’écroulement ?

C’est qu’un système signale son impuissance à ses points de stupéfaction, qui le voient désemparé d’incompréhension aux situations qu’il a lui-même contribué à produire. On sait qu’on se rapproche de ces points lorsque, résultat nécessaire de la prohibition des différences, la confusion s’accroît, nourrie par le commentaire médiatique, lui-même de plus en plus désorienté. Alors des électeurs de « gauche » affolés se précipitent à une primaire de droite ; on débat gravement de la légitimité d’une telle participation ; on laisse un pur produit du système se qualifier lui-même d’anti-système quand une telle bouffonnerie devrait lui valoir le ridicule universel ; on commentera bientôt son livre intitulé Révolution, et le sauf-conduit accordé sans sourciller à une pareille imposture lexicale livrera en effet l’essence réelle de lémédia, leur commune collaboration au dévoiement des mots, à l’effacement de toute perspective de transformation sociale dont le signifiant historique, « révolution », recouvre désormais la suppression des 35 heures et la libéralisation des autocars. Car il faut imaginer comment aurait été reçue la Révolution d’un Macron dans les années 70, à l’époque où lémédia n’avaient pas encore acquis leur consistance d’aujourd’hui : dans un mélange d’outrage, de rires et d’épluchures. Dans un formidable télescopage où le fortuit exprime inintentionnellement toute une nécessité, c’est sur Macron, précisément, que L’Obs fait sa une le jour même de l’élection de Trump — Macron, l’agent par excellence de l’indifférenciation, du règne de la non-différence, le carburant de la différence d’extrême-droite.

Lorsque la gauche officielle, celle que lémédia accompagneront jusqu’à la décharge, devient à ce point de droite, qui peut s’étonner que la droite pour continuer d’avoir l’air de droite, c’est-à-dire différente de la gauche, n’ait d’autre solution que d’aller encore plus loin à droite, et que tout le paysage soit alors emporté d’un seul mouvement ? Mais poussé par qui ? Sinon par cette « gauche » elle-même et sémédia. Pacte de responsabilité, CICE, TSCG, loi travail, étranglement de l’AP-HP, massacre social passivement observé à La Poste : les commandements douloureux mais incontestables de la « réalité » — elle, hors fact-checking. Et pendant la destruction qui trumpise infailliblement toutes les sociétés, lémédia soutiennent à bout de force la « gauche-qui-se-confronte-au-réel (elle !) », cet asile de la démission politique, cette pauvreté pour têtes farineuses, qui ont trouvé leur dernière redoute dans ce rogaton de pensée.

Plutôt l’abîme que la vraie gauche, voilà à la fin des fins le choix implicite, le choix de fait, de lémédia. C’est que les protestations outragées d’une telle imputation n’en pourront mais : de quelque manière que les individus recouvrent leurs actes en paroles, ce sont bien ces actes qui trahissent leur préférences de fait, leur préférences réelles. Après avoir tout fait pour ne laisser aucune chance à la seule différence opposable à la différence d’extrême-droite, on dira alors que, comme Trump, Le Pen est arrivée… parce que le bas peuple ne croit plus à la vérité. Voilà où en est la pensée de lémédia. Qui n’auront bien sûr, pas plus à ce moment qu’aujourd’hui, aucune responsabilité dans l’état des choses.

Un système qui ne possède plus aucune force de rappel, plus aucune régulation interne, plus aucune capacité de piloter une réelle transition politique à froid ne mérite que de disparaître. Il va. Le propre d’un système aussi rigidifié, aussi hermétique à son dehors, et incapable d’enregistrer ce qui se passe dans la société, c’est qu’il ne connait pas d’autre « ajustement » que la rupture, et qu’il suffit de très peu de temps pour le faire passer de l’empire écrasant qui barre tout l’horizon à la ruine complète qui le rouvre entièrement.

Frédéric Lordon

Source: http://www.les-crises.fr/politique-post-verite-ou-journalisme-post-politique-par-frederic-lordon/


[Vidéo] 100% Econoclastes n°1, avec Béchade, Berruyer, Conesa, Delamarche et Sabatier

Monday 6 February 2017 at 03:10

Je vous propose aujourd’hui une nouvelle émission d’une chaîne youtube que j’espère prometteuse…

Nous comptons donc sur vous pour nous aider en la diffusant largement…

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Par ailleurs, demain sera une journée très importante pour le blog, vous n’allez vraiment pas être déçus… 🙂

Source : Youtube, Les Econoclastes, 04-02-2017

06

L’arrivée du Président américain sur la scène mondiale fait l’effet d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il va y avoir de la casse !

Avec Philippe Béchade, Pierre Sabatier, Olivier Delamarche, Olivier Berruyer, Pierre Conesa et Jean-Pierre Corbel.

Source : Youtube, Les Econoclastes, 04-02-2017

Source: http://www.les-crises.fr/video-100-econoclastes-n1-avec-bechade-berruyer-conesa-delamarche-et-sabatier/


ENTRAIDE IMPORTANTE et URGENTE : Graphistes, Experts Photoshop, Monteurs Vidéo, Caméramens…

Sunday 5 February 2017 at 11:51

Bonjour

Nous avons des besoins importants et très urgents (ce week-end) pour différents projets en lien avec la forte campagne de diffamation contre ce blog.

Nous comptons donc vraiment sur vous…

Graphistes / Experts Photoshop

Nous avons aussi besoin d’une personne qui s’y connaît bien pour des créations d’images (à tonalité humoristique) sous Photoshop ou autre…

Monteurs Vidéo

Il faudrait quelqu’un pour faire un montage assez simple et percutant à partir d’un débat en vidéo, capable aussi d’être autonome en détectant les choses à garder (c’est simple, pas de souci).

Caméramens

Nous cherchons des personnes pour réaliser sur Paris une ou deux courtes interviews dans les 10 prochains jours – capable donc de filmer (pas besoin de matériel hyper professionnel) et de poser une ou deux questions simples (rien de compliqué si vous êtes lecteur du blog…).

=> Contact

Contactez-nous ici en indiquant en objet le sujet sur lequel vous vous proposez…

Merci d’avance ! 🙂

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-importante-et-urgente-graphistes-experts-photoshop-monteurs-video-cameramens/


[Entraide] Traduction anglais 04/02 (TRÈS URGENT, à faire ce dimanche svp)

Sunday 5 February 2017 at 11:50

Voici comme d’habitude un appel à l’entraide pour la traduction de textes anglais, par une collaboration via Framapad.

L’idée est de traduire par blocs ET de vérifier et améliorer la traduction déjà réalisée par les autres, pour avoir un beau résultat (c’est pour ça d’ailleurs que je ne reprends pas souvent des traductions externes, elles sont souvent de piètre qualité).

Nous avons besoin de volontaires pour participer ponctuellement aux traductions (c’est un système participatif, vous gérez librement sans engagement de temps ni de durée). Nous avons modifié la procédure et augmenté la sécurité, qui implique une connexion par identifiant personnel et mot de passe. Si vous en voulez un, indiquez-le en commentaire de ce billet en précisant votre mail dans la zone spécifiée (pas dans le commentaire, sinon il sera visible par tous, ce qui n’est pas le cas dans la zone dédiée “Adresse de contact” du commentaire). Nous vous en communiquerons alors un. (recommencez s’il y a eu un souci, on fait au mieux…). Quand vous aurez vos codes, un mode d’emploi est disponible ici..

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Les traductions de la semaine (on compte sur vous – merci aux participants, votre aide est vraiment précieuse !) :

Le premier texte est ici : EDWARD SNOWDEN: FIGHT ‘FAKE NEWS’ WITH TRUTH, NOT CENSORSHIP

Le 2e texte est ici : Checkpoints

Le 3e texte est ici : “I WAS FACT-CHECKED BY THE NEW YORKER”

 

[Pour les traducteurs : n’ayez crainte, nous avons donc un stock de passionnants billets traduits antérieurement, que nous publierons ultérieurement. Merci encore]

Si vous ne parlez pas anglais, ce n’est pas grave, vous pouvez aussi simplement relire en français pour enlever les fautes d’orthographes directement.

Merci d’avance ! Vous êtes super efficaces 🙂

N.B. : toutes les traductions déjà faites sont stockées, et sortiront dans les prochaines semaines, pas de souci…

Olivier Berruyer.

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-traduction-anglais-7/


John McAfee sur les allégations russes de piratage : « Si ça à l’air d’être les Russes qui l’ont fait, alors je peux vous garantir que ce n’était pas les Russes”

Sunday 5 February 2017 at 11:26

Source : John McAfeeRussia Today, 30-12-2016

John McAfee

John McAfee

Après la publication d’un rapport du FBI décrivant le rôle présumé de la Russie dans le piratage des élections de 2016, Larry King s’est entretenu avec un pionnier de la technologie, John McAfee, pour discuter de l’état actuel de la cybersécurité.

McAfee n’est pas un étranger de la cybersécurité. En tant que développeur du premier programme commercial antivirus, il a été un acteur majeur de l’industrie depuis 50 ans. Il est également le PDG de MGT Capital Investments et un ancien candidat à la présidence du Libertarian Party.

Basé sur toute son expérience, McAfee ne croit pas que les Russes étaient derrière les piratages sur le Comité national démocratique (DNC), les courriels de John Podesta et la campagne présidentielle Hillary Clinton. Comme il l’a dit à RT, « si ça à l’air d’être les Russes qui l’ont fait, alors je peux vous garantir que ce n’était pas les Russes. »

Le rapport d’analyse du FBI joint contient une annexe qui répertorie des centaines d’adresses IP qui étaient censées être « utilisées par les services de renseignement civils et militaires russes ». Alors que certaines de ces adresses IP correspondent à la Russie, la majorité sont de partout dans le monde, ce qui signifie que les pirates ont constamment falsifié leur emplacement.

McAfee affirme que le rapport est un « trompe-l’œil », expliquant que les pirates peuvent fausser leur emplacement, leur langue et tous les marqueurs qui pourraient les ramener à eux. Tout pirate qui avait les compétences nécessaires pour pénétrer dans la DNC serait également en mesure de cacher ses traces, dit-il

« Si j’étais Chinois et je voulais que cela ressemble à ce que ce soit les Russes qui l’ont fait, j’utiliserais la langue russe dans le code, j’utiliserais les techniques russes pour entrer dans l’organisation », a déclaré McAfee, ajoutant qu’en fin de compte, « Il n’y a tout simplement pas moyen d’assigner une source pour une attaque. »

Cependant, McAfee voit un problème avec la National Security Agency (NSA) qui est en mesure d’écouter chaque conversation et de lire chaque message texte et e-mail de chaque Américain. Plutôt que de se concentrer sur la perturbation des méchants à l’étranger, McAfee pense que « tout cet effort a été placé sur un pays qui a peur de ses propres citoyens. »

Il prétend que la seule façon qu’il a été en mesure d’utiliser pour empêcher complètement la NSA d’infecter son téléphone avec des logiciels espions est d’utiliser un téléphone à clapet trop vieux pour être piraté. Il va même jusqu’à appeler l’iPhone « l’appareil-espion ultime ».

Quant à l’avenir, la plus grande crainte de McAfee est que le rôle de la NSA change sous le président Donald Trump.

« Donald Trump veut que le ministère de la Justice dirige un groupe de travail national des organismes d’application de la loi pour créer notre cybersécurité », dit-il.

McAfee prédit que si le président élu Trump mène à bien cette intention, le FBI finira par diriger la NSA, car ils sont les leaders technologiques au sein du ministère de la Justice.

McAfee pense que cette idée est une bonne recette pour un désastre, avertissant que « nous n’avons pas besoin d’un attaquant de plus, cet attaquant étant notre propre gouvernement. »

Lien vers le rapport du NCCIC

Source : John McAfeeRussia Today, 30-12-2016

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Source: http://www.les-crises.fr/john-mcafee-sur-les-allegations-russes-de-piratage-si-ca-a-lair-detre-les-russes-qui-lont-fait-alors-je-peux-vous-garantir-que-ce-netait-pas-les-russes/


L’ancien directeur technique de la NSA : “Les enquêteurs n’ont pas de preuve claire de la façon dont les données sont arrivées à Wikileaks.”

Sunday 5 February 2017 at 11:25

Bill Binney est un des cadres de la NSA qui a créé le programme de surveillance de masse de l’agence pour l’information numérique, et a servi en tant que directeur technique principal au sein de l’agence. Il a démissionné en 2001 et est devenu lanceur d’alerte. Il intervient souvent dans les grands médias comme  CBS, ABC, CNN, New York Times, USA Today, Fox News, PBS .
Il a indiqué ceci à propos de la Russie :
« Je m’attendais à voir les IP ou autres signatures de l’APT 28/29 [les entités que les États-Unis revendiquent piraté les emails démocratiques], à apprendre où ils ont été localisés et comment / quand les données leur ont été transférées du DNC / HRC [i.e. Hillary Rodham Clinton] / etc. Ils semblent avoir surveillé APT 28/29 depuis au moins 2015, alors, où sont les informations ?
 
En outre, une fois que nous avons constaté que les données leur ont été transférées, quand et comment ont-ils transféré ces données à Wikileaks ? Ce serait la preuve qu’ils ont tenté d’influencer notre élection en mettant au jour la réalité de notre système corrompu.
Et, comme l’a dit Edward Snowden, une fois qu’ils ont les IP et/ou d’autres signatures de 28/29 et de DNC / HRC / etc.,  la NSA utiliserait Xkeyscore pour aider à tracer les données passant à travers le réseau et montrer où elles sont allées.
Et de plus, puisque Wikileaks est (et a toujours été) une cible en or pour la NSA / GCHQ / etc. depuis de nombreuses années, il ne devrait pas y avoir la moindre excuse pour eux d’avoir manqué des données de n’importe quel partenaire de Wikileaks.
Trop de blabla signifie qu’ils n’ont pas de preuve claire de la façon dont les données sont arrivées à Wikileaks. »
On terminera enfin en rappelant un détail : Julian Assange a à de multiples reprises démenti le fait que la Russie était derrière leur source. , qu’ils ont rencontré.
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assange-2
assange-3
obama
piratage
selon

Source: http://www.les-crises.fr/lancien-directeur-technique-de-la-nsa-les-enqueteurs-nont-pas-de-preuve-claire-de-la-facon-dont-les-donnees-sont-arrivees-a-wikileaks/


Bilan 2016 : La contagion du désordre, par Guillaume Berlat

Sunday 5 February 2017 at 11:10

Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 02-01-2017

« Jamais depuis 1945, le monde n’a paru moins ordonné, plus chaotique, et de ce fait plus inquiétant » (Hubert Védrine). Il y a un an, nous avions ainsi qualifié le bilan de l’année écoulée : « 2015 : odyssée de l’impasse »1. Aujourd’hui, pour ce qui est de l’année qui s’achève, nous choisissons : « 2016 : la contagion du désordre ». Pourquoi ? Comme l’écrivait Gramsci : « l’ancien monde meurt et le nouveau ne peut pas naître ; pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ». Face à des défis d’une grande ampleur (extension du terrorisme ; phénomènes migratoires non maîtrisés ; questionnement de la mondialisation et du libéralisme numérique ; crise de la démocratie ; montée des nationalismes, des populismes ; éclatement de l’Union européenne ; déstabilisation du Proche et du Moyen-Orient ; crise du multilatéralisme ; crise environnementale ; évolution vers une politique « post-vérité »…), les dirigeants du monde naviguent à vue sans cap, ni boussole tels des somnambules, des aveugles.

Ils sont désorientés par un monde dans lequel la perception compte autant que la réalité. Ils n’ont rien vu venir, ni le « Brexit » du 23 juin 2016, ni l’élection de Donald Trump le 8 novembre 2016. Devant le triomphe du court-termisme et de la démagogie, on en viendrait presque à douter de la démocratie à l’heure où les élites discréditent la voie référendaire comme mode d’expression de la souveraineté populaire. En réponse à la mondialisation des crises, nous constatons une crise du multilatéralisme et voyons partout des États en crise.

MONDIALISATION DES CRISES2 : L’ANNÉE DE LA POLYCRISE

Les crises qui secouent, parfois ébranlent le monde de ce début de XXIe siècle jusque dans ses fondements, doivent s’apprécier dans leur double dimension : géographique et transversale.

La dimension géographique des crises : la tectonique des continents

A des degrés divers, aucun des cinq continents n’est épargné par la crise planétaire, profonde et durable qui affecte directement et simultanément nombre d’États et remet en cause les fondements de l’ordre international. Jamais la violence n’a été aussi inquiétante que de nos jours.

S’agissant de l’Union européenne, le diagnostic est désormais posé par les europhiles : « L’Europe est une promesse, mais une promesse qui n’a pas été tenue », reconnait Martin Schultz, président du parlement européen (mai 2016). « Il y a quelque chose de pourri au royaume de l’Europe »3Un acharnement à effacer l’histoire et à croire que les peuples étaient interchangeables. « Près de soixante ans après la création du premier noyau européen, on est encore à se demander si nous allons nous contenter de n’être qu’un grand marché de libre-échange sans défense crédible »4. L’Union se fragmente en plusieurs entités aux finalités différentes avec le sommet des pays méditerranéens à Athènes (9 septembre 2016) qui irrite Berlin. On assiste à une montée des nationalismes à la faveur de chaque élection (Allemagne, Autriche, Croatie, Pologne, Italie…) et à une division entre les pays de l’est (groupe de Visegrad conduit par le hongrois Viktor Orban), de la Méditerranée et les autres.

L’Amérique ne semble pas mieux lotie que le vieux continent. Sur le plan international, le bilan de deux mandats de Barack Obama est plus que mitigé. Placées sous le signe de la critique du système, les élections présidentielles du 8 novembre 2016 portent à la tête du pays, celui que personne n’attendait, Donald Trump. Les scandales secouent l’Amérique latine et centrale. Les trois crises qui frappent le Brésil (économique, politique et institutionnelle) avec la destitution de la présidente Dilma Rousseff affaiblissent ce géant du sous-continent. Le Venezuela du président Nicolas Maduro est à bout de souffle. Le Panama sent le soufre. Haïti n’en finit pas de sortir de la crise politique, sanitaire. Au Mexique, le discrédit des dirigeants politiques est grand. La disparition de Fidel Castro laisse un pays exsangue. Seule bonne nouvelle dans le continent, après 52 ans de combats, l’accord entre le gouvernement colombien et les FARC est porteur d’espoir.

Le continent africain est secoué de toutes parts. Il ne parvient pas à se débarrasser de ses autocrates qui se maintiennent au pouvoir mais les peuples se rebiffent de plus en plus, laissant la France face à ses contradictions et aux remugles de la Françafrique. La Libye n’en finit plus de se déchirer. Au Maghreb, le Maroc voit les islamistes confirmés après les législatives d’octobre 2016 alors qu’en Tunisie on change de premier ministre. L’Algérie fait figure de pôle de stabilité. Boko Haram, destabilisé, est toujours actif en Afrique de l’Ouest en dépit de la mise sur pied d’une force multinationale africaine et de l’opération Barkhane. L’Erythrée redevient une menace. Le Sud Soudan n’en finit pas d’aller de crise en crise de plus en plus violentes. L’Éthiopie connait une vague de contestation qui commence à avoir des conséquences économiques négatives.

Le Proche et le Moyen-Orient demeurent l’épicentre de la crise. Le rapport Chilcot reconnait la faute de Tony Blair dans la décision britannique de participer à la l’invasion de l’Irak en 2003. Plus le désordre se pérennise dans la région, plus l’opposition « Sunnites-Chiites » apparaît comme « un conflit aux mille visages ». Bachar Al-Assad reprend des forces avec l’appui irano-russe. Le président Erdogan se lance dans une fuite en avant, dupe les Européens dans l’accord sur les migrants. Une Turquie qui s’enfonce dans l’arbitraire et la violence surtout après le coup d’état raté des militaires de juillet 2016. La nouvelle donne au Moyen-Orient (rapprochement de la Turquie avec la Russie et Israël, de l’Arabie saoudite avec Israël5 ; Égypte à nouveau aux mains des militaires ; affaiblissement de l’EIIL…) montre que la page des « printemps arabes » est définitivement close. Le problème kurde demeure entier.

En Asie, les problèmes en mer de Chine ne trouvent pas de solutions. Pékin refuse les conclusions de l’arbitrage de la CPA. En dépit du maintien d’une force résiduelle américaine, l’Afghanistan n’en finit pas avec ses attentats talibans. Les talibans s’opposent désormais à l’EIIL. En dépit des condamnations du Conseil de sécurité de l’ONU, la Corée du Nord poursuit ses incessantes provocations (essais de missiles) conduisant les États-Unis à annoncer l’installation d’un système antimissiles en Corée du Sud et à procéder à des manœuvres conjointes avec Séoul. La présidente sud-coréenne est poussée à la démission. La tendance nationaliste se renforce au Japon. Un premier ministre maoïste redevient premier ministre au Népal en août 2016. Le nouveau président philippin, Rodrigo Duterte multiplie ses saillies, traitant Barack Obama de « fils de pute » et s’impose en « trublion de l’Asie du Sud-Est ».

La dimension transversale des crises : la globalité des maux

Derrière ces mouvements de plaques tectoniques, c’est bien sûr toute la mondialisation qui est remise en cause et qui met à jour la globalité des maux dont souffre le système international. Le monde est confronté à une polycrise. La crise alimente la crise.

Crise économique, financière et sociale. Le monde ne s’est toujours pas remis de la crise des « subprimes » : croissance molle amplifiée par le « brexit » ; risque de récession profonde amplifié par les politiques d’austérité et par la baisse des cours du prix du pétrole…. Les BRICS ont explosé avec la crise des matières premières. La mondialisation fait l’objet de plus en plus de critiques, y compris aux États-Unis. Par ailleurs, on ne voit pas le début d’une solution globale à la crise financière. « Il n’existe plus de système monétaire international depuis 1971. Plus de règles partagées. Chacun n’en fait qu’à sa tête. Imaginons un mobile de Calder en équilibre subtil, comme celui immense, de Kennedy Airport à New York et que des singes s’amuse à sauter de branche en branche : tout s’écroule. C’est la représentation que nous nous faisons de la finance mondiale actuelle à la lecture de Jacques de Larosière »6. Crises économique et financière débouchent sur une crise sociale : 1% de la population détient la moitié de la richesse mondiale. On assiste à l’explosion de mouvements alternatifs anti-système.

Crise migratoire. Elle n’en finit pas. Elle vient d’Asie, du Moyen-Orient et de l’Afrique sub-saharienne. Elle conduit au retour des frontières que l’on croyait effacées et à une forte poussée du « populisme ». Face à cette double réalité, on ne saurait ignorer à ce point les émotions des peuples. Avec 63,5 millions de déracinés fin 2015 (chassés par les conflits et les persécutions selon le HCR), la planète bat un record en dépassant le cap des 60 millions. Ceci se décompose en 21,3 millions de réfugiés, 3,2 millions de demandeurs d’asile et 40,8 millions de personnes déplacées au sein de leur propre pays.

Crise sécuritaire. L’humanité ne parvient pas à éliminer le phénomène de la guerre, quelle que soit la forme revêtue, souvent moins nouvelle qu’on pourrait le croire (« grandes guerres » et « petites guerres » selon Clausewitz). C’est que depuis la fin du « camp socialiste » en 1989, il n’y a jamais eu autant de guerres, de basse ou de haute intensité. Nous assistons à la montée du terrorisme qui se nourrit de causes internes (mauvaise intégration de certaines populations dans les sociétés) et externes (les spasmes des révolutions arabes qui n’en finissent pas). Crise face à laquelle les États occidentaux semblent dépourvus. Si l’EIIL recule en Irak, en Syrie, en Libye, il progresse sur le plan médiatique avec les attentats terroristes. Avons-nous une réponse politique, morale, tactique et stratégique face à ce nouveau défini de la guerre asymétrique islamiste ?

Crise environnementale. En dépit du succès de la COP21 et de son entrée en vigueur en novembre 2016, les défis sont encore devant nous. La COP22 de Marrakech se conclut par un constat de désaccord. Nous n’en sommes qu’au début d’une révolution environnementale. Les engagements pris à Paris pour réduire les rejets carbonés rendent hors de portée l’objectif de conserver une planète tempérée… Pas plus que le réchauffement ne connait de trêve, l’urgence climatique ne peut connaitre de répit. Maigre satisfaction, 197 pays signent le 14 octobre à Kigali un accord sur les gaz à effet de serre les plus nocifs (HFC pour hydrofluorocarbures)

Confronté à un tel tableau clinique inquiétant, force est de constater que le médecin « communauté internationale » ne dispose que d’une pharmacopée réduite et aléatoire pour soigner les maux des « damnés de la terre ».

CRISE DU MULTILATÉRALISME : L’ANNÉE DE LA DÉFIANCE

Afin de mieux sérier le problème qui affecte aujourd’hui le fonctionnement du multilatéralisme, il importe de l’appréhender dans ses deux principales dimensions : institutionnelle (constat) et conceptuelle (causalité).

La dimension institutionnelle : la limite de la régulation multilatérale

La problématique générale. Le pari sur le droit comme modèle universel de régulation interétatique a fait long feu. L’ingrédient indispensable au règlement des différends, à savoir la confiance, fait cruellement défaut. Sans lui, rien n’est possible. Les deux mandats de Ban Ki-moon au poste de Secrétaire général de l’ONU ont été décevants. Il est remplacé par le portugais, Antonio Guterres. Que pourra-t-il faire sans un minimum de confiance entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité au moment où l’on évoque le retour d’une « nouvelle guerre froide » ? Cette crise de confiance se double d’une crise de la justice internationale. Après le retrait de trois Etats africains (Afrique du sud, Burundi, Gambie…), c’est au tour de la Russie de retirer sa signature du statut de la Cour pénale internationale. Les Africains lui reprochent son manque d’impartialité. L’année 2016 marque le monde des « gates » et des « leaks ». Ces scandales éclaboussent un monde sans règles ni maîtres : systèmes de pollutions équipant les véhicules allemands (« dieselgate »); FIFA ; attribution des JO et des coupes du monde qui démontrent l’étendue de la corruption dans le monde du sport « Football Leaks », des phénomènes de dopage. ; les JO de Rio resteront comme « Un idéal olympique terni »7 ; « LuxLeaks » et « Panama Papers », « Bahama Leaks »… Le monde traverse une crise morale qui affaiblit le système multilatéral. On peine à découvrir de véritables hommes d’État à la hauteur des défis auxquels le monde est confronté. On passe de la démocratie à la démocrature. En Europe, on découvre les scandales entachant des ex-membres de la commission (Barroso et Kroes). « L’ensemble révèle une régression morale des élites. La Commission ne peut pas passer son temps à exiger des peuples et des États une probité et une éthique inspirée de Montesquieu, que certains de ses membres bafouent allégrement »8.

Les problématiques spécifiques. L’ONU n’en peut mais. « Aux Nations unies, j’ai été pour la première fois confronté avec l’hypocrisie, le mensonge, la recherche des alibis et le contraste complet entre la réalité des problèmes tragiques du monde et les pseudo-solutions qu’on leur apporte »9Rien n’a vraiment changé depuis la fin des années 1950 ou si peu. L’ONU apparait dépourvue de moyens d’action pour régler les crises. L’Union européenne est en crise : crise financière, crise grecque, crise migratoire, crise sécuritaire auxquelles s’ajoute une crise institutionnelle après le « brexit » du 23 juin 2016. « Depuis plus d’une décennie, les État membres de l’Union européenne ne parviennent pas à prendre les mesures décisives leur permettant de relever les principaux défis auxquels les citoyens sont confrontés »10. On ne voit pas venir de projet pour éviter que le Titanic ne coule.

L’OTAN se retrouve un nouvel ennemi, la Russie, qu’elle avait durant un bref moment historique remplacée par le terrorisme. Partout, où elle passe, elle joue les pyromanes. Le sommet de Varsovie (8-9 juillet 2016) marque le retour de la nouvelle « guerre froide ». Le G7 se cherche. Face à des enjeux planétaires, il démontre son rôle limité pour relancer la croissance, lutter contre le réchauffement climatique, le terrorisme, relever le défi migratoire, mettre un terme au chaos proche et moyen-oriental… La Russie, qui avait rejoint ce groupe en 1997, en est exclue depuis 2014 en raison de son annexion de la Crimée. Est-il possible de réfléchir à la sécurité internationale sans la présence de la Russie ? L’Union africaine est affaiblie par son inaction sur la plupart des crises politiques et sécuritaires11, sur le dossier libyen et sur Ebola. L’OMS. Organisation à la fois célébrée et critiquée, elle pâtit des pesanteurs bureaucratiques, de sa mauvaise gestion de l’épidémie de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, d’une organisation fondée sur les ressources et non sur les résultats… Les BRICS sont en crise et s’effacent de plus en plus sur la scène internationale à la faveur de la crise du pétrole. Ils ne constituent plus la locomotive de l’économie mondiale. Le Mercosur n’a plus de présidence en raison du problème vénézuélien.

La dimension conceptuelle : l’insignifiance de la réponse

Un constat préoccupant. Hélas, le monde de 2016 n’est pas le monde des bisounours. Il est le monde de la conflictualité. Force est de constater que, dans ce monde condamné à une « succession d’ordres précaires et de désordres traumatisants » (professeur Dario Battistella), nous n’avons plus d’architectes mais des pompiers, parfois pyromanes réagissant à l’évènement et le commentant plutôt que de l’anticiper et le prévoir. Ne revenons-nous pas à la vieille théorie westphalienne de l’équilibre des forces et son corollaire, le retour du vieux « concert des nations »12 ? Ne sommes-nous pas revenus, à certains égards, dans le paradigme d’un monde bipolaire ? Le nouvel ordre international est conditionné au règlement concerté d’enjeux planétaires (crises du Proche et Moyen-Orient, crises migratoires, terrorisme, mondialisation, environnement…). Or, le système multilatéral, concept pris dans son acceptation large, ne parvient plus à jouer son rôle de modérateur, de stabilisateur, de régulateur. Il est à la peine.

Au Conseil de sécurité de l’ONU, les vetos russe et chinois bloquent presque toutes les initiatives, y compris humanitaires pour parvenir à un règlement négocié de la crise syrienne. Dans le domaine de la libéralisation du commerce international (clé de voûte de la « mondialisation heureuse »), les grands chantiers (TTIP, CETA, traité transpacific…) se transforment en champs de ruines. Après les embrassades de la COP21, le chantier de la lutte contre le réchauffement climatique se fracasse sur le mur des réalités lors de la COP22 de Marrakech…

De multiples raisons. « Toutes ces fièvres sont bien les symptômes multiples d’une grande crise globale, profonde et durable qui affecte durablement et simultanément l’essentiel du monde et remet en cause les fondements de l’ordre international ».13 La crise du multilatéralisme est mondiale. Elle ébranle les bases du système de sécurité collective – marqueur essentiel de la paix par le droit – mis en place au lendemain de la guerre froide. Année après année, nous sommes entrés dans le monde de la défiance. À une démarche d’inclusion (parler à tous y compris à ses pires ennemis et dans les situations les plus conflictuelles), les Occidentaux ont substitué une démarche d’exclusion (pratique de l’anathème, de l’invective, des sanctions, voire de la guerre comme mode désormais normal de règlement des conflits). On ne saurait semer la paix et entretenir la guerre en même temps. C’est vers cette impasse que nous conduit le dévoiement de la diplomatie. L’action internationale est paralysée. Où sont passées les initiatives diplomatiques de long terme, les pensées stratégiques, les imaginations créatives ? Comme le souligne Dominique de Villepin : « nos initiatives diplomatiques s’enlisent parce que nous ne disposons plus des atouts de la vielle diplomatie d’État : le temps, le secret, la volonté de puissance… Jamais la violence n’a paru aussi diffuse, aussi insaisissable, aussi menaçante qu’aujourd’hui 14». Nous vivons dans le monde des passions, des émotions, de la corruption du langage, de la tyrannie de l’anecdotique (la « Fête de l’insignifiance », Milan Kundera), « La connivence des autruches, c’est-à-dire le consensus hégémonique de certaines élites pour ne rien entreprendre »15 l’œil rivé sur les sondages et les échéances électorales.

En dernière analyse, comme cela est traditionnel dans ces périodes de crise, de doute, de peur, les citoyens du monde se retournent vers la structure qui leur paraît la plus protectrice, l’État en dépit des critiques qu’ils formulent par ailleurs sur ses insuffisances

ÉTATS EN CRISE : L’ANNÉE DES ÉTATS

L’année 2016 marque une sorte de retour sur le passé. En dépit de multiples vissicitudes, l’État redevient le sujet incontesté du droit international, des relations internationales, une sorte de valeur refuge comme l’or pendant les périodes de crises économiques et financières. Dans le même temps, nous assistons à une renaissance du concert des nations, symbole de la vieille diplomatie.

L’incertitude sur la place de l’État : sortie et retour

Ce n’est pas l’un des moindres paradoxes de la mondialisation que d’avoir enclenché une dynamique à fronts renversés : sortie de l’État du champ international, d’un côté et retour de l’État sur la scène mondiale, de l’autre.

La sortie de l’État. Les années 1990 ont sapé un peu partout les bases de l’État. Les soubresauts d’un monde sans maîtres depuis la fin de la guerre froide ont fissuré le socle de l’État-nation. Nombreux sont aujourd’hui les États fragiles, fragilisés qui sont source d’instabilité interne mais également extérieure à tel point que l’on évoque une « épidémie des États faillis ». Un rapide panorama de ces « États cabossés » fournit une idée assez précise du phénomène en ce début du XXIe siècle. Depuis une décennie, le Venezuela des présidents Chavez et Maduro se trouve dans une situation d’autant plus inextricable qu’il ne semble pas exister d’alternatives crédibles. Le Yémen constitue l’archétype de l’État failli. La guerre déclenchée par son puissant voisin saoudien n’a fait qu’empirer la situation. Certains vont même jusqu’à évoquer un « arc des États faillis » allant de la Mauritanie à l’Afghanistan et au Pakistan en passant par la Somalie, le Soudan, voire le Kenya et, désormais, l’Éthiopie.

Les « révolutions arabes » n’ont épargné ni la Libye ni l’Irak et la Syrie, états durablement fracturés. On ne saurait passer sous silence les revendications identitaires latentes en Europe occidentale qui pourraient un jour déboucher sur des indépendances : Wallonie avec la Belgique, Catalogne avec l’Espagne, Écosse avec le Royaume-Uni après le « brexit ». En Afrique, la tentation existe également de repenser la structure de l’État-nation.

Le retour de l’État. Annoncés comme moribonds en même temps que l’avènement de la fin de l’Histoire, les États font leur retour remarqué sur la scène internationale. Cette montée en puissance de l’État procède de causes multiples. La mort clinique de l’ONU, dont le Conseil de sécurité est paralysé par le veto russe, est une réalité incontournable. L’incapacité de l’Union européenne à relever les défis multiples qui se posent à elle (crise économique, financière, sociale, sécuritaire, migratoire, énergétique, environnementale…) amplifie la défiance des citoyens contre la technocratie bruxelloise. Les dérives d’une mondialisation non régulée crispent les citoyens les plus fragiles à l’égard des institutions multilatérales et de ses dirigeants. Tout naturellement, les citoyens se retournent vers la seule structure qui leur paraît la plus protectrice contre les violences qui les agressent : l’État. C’est une sorte d’assurance tous risques. En dépit de tous les critiques dont ils l’accablent, ils considèrent qu’ils ne peuvent pas se passer de lui. « Ni sécurité, ni paix, ni stabilité ne s’envisagent en son absence. Voilà la principale leçon de notre époque » (Dominique de Villepin).

La renaissance du concert des nations : la vieille diplomatie 

L’année russe. Après un long effacement, l’année 2016 marque le grand retour de la Russie sur la scène internationale à la faveur de la crise syrienne et de l’effacement américain16 d’autant que le nouveau président, Donald Trump fait part de sa volonté de renforcer son dialogue avec Moscou. Vladimir Poutine est désormais incontournable tant par son pouvoir de nuisance (droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, Ukraine) que par son pouvoir de médiation (principalement sur la crise syrienne)17. Dans le même temps, nous assistons à un renversement des vieilles alliances. Au Moyen-Orient, la Turquie d’Erdogan se rapproche de la Russie, s’éloignant de l’Union européenne (le parlement européen demande le gel des négociations avec Ankara), se marginalisant à l’OTAN au grand dam de Washington (qui déplace ses armes nucléaires de sa base aérienne d’Incirlirk vers la Roumanie).

Les relations se dégradent entre Washington et Riyad, entre Washington et Jérusalem sous Barack Obama (résolution 2334). Le monde chiite tient tête au monde sunnite. Les Occidentaux commencent à saisir les inconvénients d’une alliance exclusive avec le second. La Chine renforce sa présence en mer de Chine, suscitant l’ire de ses voisins et de Washington, poursuit son implantation en Afrique et reste moteur de l’économie mondiale. La France s’efface sur la scène diplomatique par son approche manichéenne des relations internationales. Lors de sa tournée d’adieu en Europe, Barack Obama snobe Paris pour faire l’éloge d’Angela Merkel à Berlin. Quant au Royaume-Uni, il disparait des écrans radar depuis le vote sur le « brexit ».

La diplomatie de papa. L’Histoire des relations internationales ne serait-elle qu’un éternel recommencement ? Faute de voir les institutions multilatérales universelles (essentiellement le Conseil de sécurité de l’ONU) et régionales (Union européenne, OTAN, OSCE, Union africaine, Ligue arabe…), par un effet de vase communicant, nous assistons au retour des vieilles méthodes de la diplomatie classique si souvent décriées dans le passé pour leur inefficacité : médiation, conciliation, arbitrage, négociations en cercles restreints dans la plus grande discrétion. Nécessité fait loi. Alors que certains évoquent désormais une « nouvelle guerre froide » entre les États-Unis, ses plus fidèles alliés, d’une part et la Russie, de l’autre, les crises se règlent en dehors des cadres multilatéraux.

Nous nous en tiendrons à quelques exemples récents. La normalisation des relations entre Cuba et les États-Unis est le résultat d’une longue et patiente médiation du Saint-Siège. L’accord mettant fin à plus d’un demi-siècle de conflit interne entre la Colombie et les FARC doit beaucoup à une médiation de Cuba. Le seul canal de discussion entre la Russie et l’Ukraine tient à l’existence du format Normandie imaginé en son temps par François Hollande à l’occasion des cérémonies commémoratives du débarquement. La crise syrienne fait l’objet de multiples contacts entre John Kerry et Sergueï Lavrov, entre Russes et rebelles syriens à Ankara via le truchement de la Turquie et de la Jordanie (crise d’Alep). De manière discrète, Oman offre un lieu de rencontre discret pour sa médiation entre Saoudiens et rebelles houthis afin de mettre un terme à la guerre au Yémen.

« La famille humaine » selon la belle formule de René Cassin, est menacée d’éclatement. Le temps n’est pas au lâche soulagement mais aux interrogations douloureuses. Alors que nous sommes assis sur un volcan, quand va-t-on se décider à refuser le conformisme ambiant et le rejet des banalités, des truismes pour recommencer à prendre en considération l’Histoire et le réel ? Quand va-t-on en finir avec ceux qui prennent le parti de mépriser la réalité au nom d’une arrogance intellectuelle ou d’une cécité volontaire ?

A force de ne pas traiter les véritables causes des maux (« les forces profondes » selon l’École des Annales) qui nous frappent, le monde ne remplit-il pas de manière impressionnante les conditions menant à une défaite encore plus étrange que celle analysée par March Bloch ? N’avons-nous pas à faire à des dirigeants (occidentaux, plus particulièrement) pareils aux « marcheurs éveillés », pour reprendre la métaphore de Christopher Clark, aveugles à la réalité ?18 « C’est là un trait d’époque. Burke nous avait prévenus : « Ceux qui passent leur temps à découvrir les défauts de l’ordre établi et à les monter en épingle n’ont pas les qualités requises pour le réformer ». Décidemment, l’année 2016 restera dans l’histoire comme l’année de la contagion du désordre.

Guillaume Berlat
2 janvier 2017

1 Guillaume Berlat, 2015 : odyssée de l’impassewww.prochetmoyen-orient.ch , 28 décembre 2015.
2 Dominique de Villepin, Mémoire de paix pour temps de guerre, Grasset, 2016, p. 25.
3 Eva Joly, avec Guillemette Faure, Le loup dans la bergerie, Les Arènes, 2016.
4 Gérard Chaliand, L’arrogance d’Ankara souligne nos failles, Le Figaro, 13 mai 2016, p. 16.
5 Piotr Smolar, Visite d’un général saoudien en Israël, Le Monde, 28 juillet 2016, p. 13.
6 Jean-Pierre Robin, Un demi-siècle de crises financières : pourquoi elles ressurgissent sans cesse, Le Figaro économie, 17 mai 2016, p. 23.
7 Éditorial, « Un idéal olympique terni », Le Monde, 6 août 2016, p. 19.
8 Éditorial, Affaire Kroes : un effet dévastateur sur l’opinion, Le Monde, 23 septembre 2016, p. 21.
9 Romain Gary, Le sens de ma vie, Gallimard, 2014, p. 65 (extraits de l’émission « Propos et confidences » de Radio-Canada, 1980.
10 Guy Verhofstadt, Rendre à l’Europe sa grandeur, Le Monde, 22 novembre 2016, p 28.
11 Tanguy Berthemet, Les armées africaines impuissantes face au terrorisme, Le Figaro, 8 décembre 2016, p. 10.
12 Renaud Girard, Le retour du vieux « concert des nations », Le Figaro, 6 septembre 2016, p. 15.
13 Dominique de Villepin, précité, p. 49.
14 Dominique de Villepin, précité, p. 110.
15 Alexis Lacroix, Attali contre la « connivence des autruches », Marianne, 20-26 mai 2016, pp. 48-49.
16 Caroline Galacteros, La bataille d’Alep ou la déroute de la diplomatie occidentale en Syrie, Figarovox, 8 décembre 2016.
17 Jack Dion, Pourquoi Poutine les rend tous fous, Marianne, 2-8 décembre 2016, pp. 10-13.
18 Christopher Clark, Les somnambules, Flammarion, 2013.

Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 02-01-2017

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Source: http://www.les-crises.fr/bilan-2016-la-contagion-du-desordre-par-guillaume-berlat/