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Grèce : la BCE durcit encore le ton – comme les Allemands !

Tuesday 7 July 2015 at 04:11

Les crétiiiiiiiiiiiiiins…….

Franchement, cela ne m’étonne pas vraiment, mais je pensais qu’il y aurait quand même un peu plus d’intelligence chez nos dirigeants…

Hollande et Merkel tentent de faire front commun

Black and white, clair obscur. Ouverture d’un côté, fermeté de l’autre. Solidarité d’un côté, responsabilité de l’autre. François Hollande et Angela Merkel, qui intervenaient lundi soir depuis l’Élysée, à l’issue d’une réunion de travail dans le bureau du président, ont pris acte du vote grec, qu’ils disent «respecter». Très attendus sur ce point, ils ont indiqué que la «porte des négociations» (Hollande), le «dialogue» (Merkel), restaient «ouverts». Voilà pour l’ouverture. Venait ensuite un volet fermeté. Le président et la chancelière ont mis la pression sur le premier ministre grec, Alexis Tsipras, l’enjoignant à faire des propositions «sérieuses et crédibles», pour «que cette volonté de rester dans la zone euro puisse se traduire avec un programme» durable, a lancé le chef de l’État. Merkel a été plus loin encore, assurant que, pour l’heure, les «conditions de base» n’étaient «pas remplies» pour parvenir à un accord. [...]

La chancelière a rappelé que l’UE avait déjà fait preuve de beaucoup de «générosité» envers la Grèce. Et qu’il fallait tenir compte aussi des positions des membres de la zone euro, dotés d’une «souveraineté commune». En d’autres termes, si les Grecs se sont exprimés démocratiquement, c’est au tour des membres de la zone euro de dire si, oui ou non, ils souhaitent que la Grèce reste dans leur club. Le couple franco-allemand a insisté enfin sur «l’urgence». Pour la Grèce et pour l’Europe.

La première portait sur le principe même des négociations: doivent-elles, peuvent-elles reprendre? Hollande y est favorable depuis le départ. Mais Berlin se montrait plus fermé. Dans la matinée, un porte-parole de la Chancellerie avait ainsi jugé que «les conditions pour des négociations autour d’un nouveau programme d’aide» n’étaient pas réunies. Avant que le gouvernement grec ne publie, un peu plus tard, un communiqué assurant que Merkel était «d’accord» pour qu’Athènes présente des propositions au sommet de l’UE. La déclaration commune de Hollande et Merkel a levé les doutes. «Petit à petit, l’oiseau fait son nid», se félicite-t-on dans l’entourage du président, où l’on explique que François Hollande a «enclenché une petite mécanique», qui conduit les uns et les autres à se remettre à la table des négociations ; un grand pas en avant, au regard de la tension de la veille. [...]

De fait, le vice-chancelier Sigmar Gabriel a réclamé lundi après-midi à Athènes de nouvelles propositions qui aillent «au-delà des précédentes» et «au-delà de ce à quoi (Tsipras) s’est dit prêt jusque-là». Une condition sine qua non, selon lui, pour un maintien de la Grèce dans la zone euro. Voilà le Grec prévenu.

 Eh oui, Tsipras a gagné, il doit donc enlever son pantalon, c’est logique, hmmm…

Et quelqu’un peut il les prévenir que c’est à EUX de faire des proposition sur le seul vrai problème de la Grèce : baisser le montant de la dette !!!!

BONUS : extrait de la conclusion de l’article du Monde – une pépite, comme souvent :

Contrairement à la plupart des autres pays de la zone euro, dont la France, l’Allemagne – conservateurs et sociaux-démocrates confondus – est désormais convaincue qu’une zone euro sans la Grèce serait plus stable qu’une zone euro dont les principes seraient bafoués par un de ses membres. Dans cette logique, ne pas sauver la Grèce, c’est , d’une certaine façon, sauver l’Europe. De plus, même si Angela Merkel se garde bien de le dire, les retombées négatives devraient être telles pour la population grecque que cela servira sans doute de leçons aux autres pays.

Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant) , Le Monde

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Grèce : la BCE durcit encore le ton, par Romaric Godin

La BCE a donc décidé l’offensive. L’institution de Francfort a choisi de répondre au « non » des électeurs grecs dimanche 5 juillet aux propositions des créanciers par la menace. L’accès des banques grecques à l’aide à la liquidité d’urgence (programme ELA) a certes été maintenu à son niveau de mercredi dernier, soit 89 milliards d’euros, mais le Conseil des Gouverneurs a durci le ton. Il a refusé l’augmentation de 3 milliards d’euros demandée par la Banque de Grèce et surtout, dans son communiqué, la BCE indique que « la décote appliquée aux collatéraux a été ajustée. »

Décote plus forte sur les collatéraux

Que signifie cette phrase ? Pour obtenir les crédits de liquidité d’urgence, les banques grecques déposent des titres en garanties. Une décote est appliquée à ces titres en fonction de leur valeur et du risque qu’ils contiennent. Schématiquement, pour obtenir 100 euros de liquidité, une banque devra déposer deux titres d’une valeur de 100 euros si la décote est de 50 % (cet exemple est fictif). Plus la décote est élevée, plus la banque doit donc déposer des titres en garanties. C’est ce qui s’est passé ce lundi 6 juillet au soir. La BCE demande désormais plus de garanties aux banques grecques. Elle rappelle que « la situation financière de la Grèce a un impact sur les banques grecques car elles utilisent beaucoup de collatéraux basées sur l’Etat grec pour avoir accès à la liquidité d’urgence. » Du coup, la BCE a estimé que le « non » réduisait la possibilité d’un accord. Elle a donc revu à la baisse la situation des banques grecques et demandé plus de garanties.

Quel durcissement ?

Quelle est l’ampleur de ce durcissement ? Nul ne le sait, car le niveau des décotes n’a pas été publié. Selon le site « zero hedge », il serait de 45 % sur les titres d’Etat grecs. Le Financial Times, de son côté, estime, sans citer de sources, qu’« on s’attend à ce que les quatre banques grecques disposent d’assez de collatéraux pour pouvoir renouveler leurs prêts. » Si cela est vrai, la BCE montre sa mauvaise humeur, mais la situation sur le terrain reste la même. Les banques grecques vont pouvoir disposer d’un niveau de liquidité suffisant pour agir dans le cadre défini depuis le 29 juin : des banques fermées, un contrôle des capitaux strict, des retraits limités à 60 euros par jour.

Menace

Le durcissement des conditions d’accès à l’ELA serait donc neutre ? Pas tant que cela. En durcissant la décote, le Conseil des Gouverneurs envoie un message à Athènes et aux créanciers. Si un accord n’est pas rapidement trouvé, un nouveau durcissement est possible. Et donc l’épuisement des collatéraux ne saurait tarder. Dans ce cas, la faillite des banques grecques deviendra inévitable, enclenchant un mécanisme très dangereux pouvant aller jusqu’à l’expulsion de fait de la Grèce de la zone euro.

La pression sur Athènes

En réalité, c’est surtout Athènes qui est sous pression. Le gel du plafond de l’ELA le 28 juin a placé le pays dans une situation difficile et l’a mis en marge de la zone euro. Désormais, les relations financières entre la Grèce et le reste de la zone euro sont très réduites, les paiements électroniques vers l’étranger sont impossibles, limitant les importations et empêchant une partie des exportations. Plus cette situation perdure, plus elle est dangereuse pour l’économie hellénique. La décision de ce lundi 6 juillet réduit à néant le désir du premier ministre grec de rouvrir rapidement les banques exprimé par téléphone ce lundi à Mario Draghi. Selon les banquiers grecs, les établissements resteront donc sans doute fermés toute la semaine. La semaine dernière, le cash commençait à manquer en Grèce, la situation ne devrait pas s’améliorer, bien au contraire. Si les collatéraux manquent, il faudra sans doute encore réduire les retraits autorisés aux guichets.

Possibilité d’un futur contrôle du gouvernement grec

Enfin, en durcissant la décote, le Conseil des Gouverneurs de la BCE sous-entend qu’un relèvement du plafond, s’il intervient suite à une promesse d’accord restera nécessairement plus limité qu’auparavant puisqu’il faudra plus de collatéraux pour en profiter. La BCE agit donc d’ores et déjà comme le gardien futur d’un éventuel accord, s’il devait en avoir un. Le « nœud coulant » reste en place, et il ne se desserrera que si la Grèce exécute les réformes promises. Une surveillance sans doute encore plus efficace que celle de l’ancienne troïka, mais dont on peut se demander s’il relève du rôle de la BCE.

Situation paradoxale

On n’est cependant encore loin d’un nouvel accord. L’eurogroupe et le Conseil européen du mardi 7 juillet permettront d’en savoir un peu plus. En attendant, la position de la BCE est assez inconfortable et ambiguë. La BCE ne peut, en théorie, donner des fonds ELA à des banques non solvables. Elle considère donc que les banques grecques restent solvables. Mais plus elle resserre les conditions de l’ELA et plus elle limite leur accès à ce programme, et moins leur solvabilité est garantie. La BCE prend donc le risque de provoquer une faillite qu’elle devra ensuite, selon les traités, prendre comme prétexte pour couper l’ELA. Et donc provoquer l’expulsion de la Grèce de la zone euro…

Numéro d’équilibriste

En réalité, sa position est très politique. Si les banques grecques sont solvables, il faut leur donner les moyens de le rester. Si elles ne le sont pas, il faut couper l’ELA. Mais la BCE ne veut pas être celle qui appuiera sur la gâchette. Elle veut donc éviter de couper l’ELA. Mais elle veut un accord en faisant céder le gouvernement grec, car elle souhaite aussi ménager les créanciers. Elle exerce donc une pression croissante sur Athènes pour que le gouvernement grec signe les conditions des créanciers. Pour cela, elle a placé la Grèce dans une position financière périlleuse qui pourrait lui échapper. Un numéro d’équilibriste dangereux.

Source : Romaric Godin, la Tribune, 6/7/2015

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Cinq faits dérangeants au sujet du Grexit

Tandis que les « sauveurs de l’euro » poursuivent leur bras de fer avec le premier ministre Tsipras, le public perd lentement mais sûrement la vue d’ensemble. C’est pourquoi nous présentons ici cinq points essentiels que l’on doit connaître, mais qui sont la plupart du temps passés sous silence.

1. C’est Merkel qui a orchestré le diktat. Les objectifs centraux concernant le surplus primaire et les réformes ont été formulés à la Chancellerie fédérale sous l’égide de la chancelière Merkel. Il faut le savoir – puisque c’est aussi Merkel qui désormais ne veut plus démordre du FMI – ce FMI qui veut serrer toujours plus la vis. La chancelière est donc de la partie, au premier chef.

2. Schäuble œuvre contre Athènes. Ainsi, lors de l’Euro-groupe de ce lundi, le ministre des finances Schäuble a lancé l’idée d’introduire le contrôle des mouvements de capitaux et d’en finir avec les aides d’urgence de la BCE à la Grèce. De ce fait, il accélère encore la fuite des capitaux, ce qui fait monter la pression sur Athènes. C’était aussi Schäuble qui, au début 2015, faisait courir la rumeur que le Grexit ne constituait pas un problème. Il contrecarre ainsi les efforts de Merkel – et cela depuis des mois.

3. Le capital fuit vers l’Allemagne. En dépit de ce qu’affirment toutes les campagnes du journal Bild, l’Allemagne continue de profiter de la crise. Selon le Monde, la plus grande partie du capital quittant la Grèce cherche un refuge en Allemagne. De plus, le drame grec permet à Schäuble de maîtriser les coûts grâce à la réduction des intérêts servis sur les emprunts d’état.

4. L’aide part en fumée pour couvrir le service de la dette. Si l’on s’en tient au diktat des créanciers, Athènes ne sera aidée d’aucune façon, bien au contraire : en quelques semaines, les crédits de soutien seraient engloutis dans le service de la dette. Alors les 7,2 milliards d’euros seraient fichus – en contrepartie Athènes devrait économiser environ 8 milliards, ce qui exacerberait par là même la récession. C’est insensé !

5. On n’arrivera pas à une conclusion le 30 juin. Certes, cette date marque la fin du programme de soutien en cours. Mais on pourrait le prolonger et faire patienter le FMI qui attend le paiement d’échéances. Le moment de vérité ne surviendra que le 20 juillet lorsque la BCE exigera le remboursement de ses prêts. Si aucune solution n’est trouvée d’ici là, la BCE fermera probablement le robinet des crédits, et ce sera alors la fin.

Source : Lost in EUrope, le 24/06/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/grece-la-bce-durcit-encore-le-ton/


L’οχι grec, par Jacques Sapir

Tuesday 7 July 2015 at 02:15

OXI ! (Non)

La victoire du « Non » au référendum est un événement historique. Elle fera date. En dépit des pressions nombreuses pour un vote « Oui » tant de la part des médias grecs que de celui des dirigeants de l’Union européenne, en dépit de l’organisation par la BCE des conditions d’une panique bancaire, le peuple grec a fait entendre sa voix. Il a fait entendre sa voix contre les mensonges qui ont été déversés continument sur la situation de la Grèce depuis ces dernières semaines. Nous aurons ici une pensée pour ces éditorialistes qui ont, à dessein, travestis la réalité, et laissés entendre un lien entre Syriza et l’extrême-droite d’Aube Dorée. Ces mensonges ne nous étonnent plus, mais nous ne les oublieront pas. Le peuple a fait entendre sa voix avec une force inaccoutumée, puisque contrairement à ce que laissait penser les sondages réalisés à la sortie des urnes, la victoire du « Non » est obtenue avec un écart important, par près de 60%. Cela renforce bien évidemment le gouvernement d’Alexis Tsipras et devrait faire réfléchir ses interlocuteurs. Nous verrons rapidement ce qu’il en sera. Mais, on doit dire immédiatement que les réactions, que ce soient celles de Martin Schulz au Parlement européen, de Jean-Claude Juncker pour la Commission[1], ou de Sigmar Gabriel, le Ministre de l’économie et l’allié SPD de Mme Merkel en Allemagne[2], ne laissent guère de place à l’optimisme sur ce point.

Cette victoire du « Non » a aussi, et c’est une évidence, une résonnance particulière en France. Elle a lieu quasiment dix ans après une autre victoire du « Non », cette fois dans notre pays (ainsi qu’au Pays-Bas). Il s’agissait alors, en 2005, du projet de Traité Constitutionnel Européen. Ce projet fut rejeté dans notre pays par plus de 54% des suffrages. Ici encore la campagne de presse menée par les partisans du « oui » avait passée toute les mesures, franchie toute les bornes. Les partisans du « non » furent enfouis sous les injures et les menaces[3]. Mais ils tinrent bon. De là date le divorce, sans cesse grandissant, entre les français et la caste médiatique, divorce qui se lit à la fois dans les statistiques déclinantes de la presse « officielle » et dans l’explosion de l’audience des blogs, dont celui-ci.

Le vote avait marqué la nette différence entre ce que pensaient les électeurs des classes populaires et ceux des classes plus aisées[4]. Je l’avais qualifié de « victoire des prolos sur les bobos »[5]. Il semble bien que l’on ait assisté à un phénomène du même ordre en Grèce, puisque si les banlieues huppées d’Athènes ont voté « Oui » à plus de 80%, c’est dans une proportion inverse que le « Non » l’a emporté dans les quartiers populaires. Le vote « non » des grecs est un écho direct à celui des français. Pourtant, après des manœuvres multiples, un texte presque similaire, le « Traité de Lisbonne », fut adopté au « congrès » quelques années après par le biais d’une alliance sans principe entre l’UMP et le PS. De là date certainement la rupture que l’on constate entre les élites politiques et médiatiques et les électeurs. Ce déni de la démocratie, ce vol d’un vote souverain, est une blessure profonde chez de nombreux français. La large victoire du « Non » grec vient réactiver cette blessure et pourrait pousser les électeurs à demander des comptes pour un passé qui décidemment ne passe pas.

Le sens d’un « Non »

A - Avaroufakis

Mais, il faut comprendre le sens profond de ce « Non ». Il s’oppose aux comportements très antidémocratiques des responsables tant de l’Eurogroupe que de la Commission européenne ou du Parlement européen. Il discrédite des personnalités comme Jean-Claude Juncker, ou M. Dijssenbloem, ou encore M. Martin Schulz, le Président du parlement. Il s’oppose surtout à la logique qui avait été mis en œuvre depuis le 27 juin, quand M. Dijssenbloem, Président de l’Eurogroupe, avait décidé d’exclure de fait M. Varoufakis, le Ministre des Finances grec, d’une réunion. Ce geste inouï revenait à exclure la Grèce de la zone Euro. On doit alors remarquer l’étonnante passivité du Ministre Français, M. Michel Sapin. En acceptant de rester dans la salle, il fut connivent de l’abus de pouvoir commis par M. Dijssenbloem. Même si le gouvernement français dit actuellement qu’il veut que la Grèce reste dans la zone Euro, le comportement de l’un de ses membres éminent, qui plus est proche du Président de la République, vient apporter si ce n’est un démenti, du moins fait peser un doute sur la réalité de cet engagement. Le gouvernement grec n’a pas pu ne pas le noter et en prendre acte. De fait, nous avons été exclu d’une bataille où l’Allemagne a, que ce soit directement ou indirectement, largement inspirée les positions européennes.

Le fait que la BCE ait organisé dans la semaine du 28 juin au 5 juillet l’asphyxie financière des banques grecques, provoquant une émotion très compréhensible dans la population, est bien la preuve que les institutions européennes n’entendaient nullement continuer les négociations avec Alexis Tsipras mais cherchaient à obtenir soit son départ volontaire soit son renversement dans une de ces arnaques d’assemblée que rend possible un régime parlementaire comme le régime grec. Le référendum était aussi une tentative pour s’opposer à ces manœuvres. La victoire du « non » garantit que, pour un temps, le gouvernement Tsipras sera à l’abri de ce genre de tentative.

Une reprise des négociations est-elle possible ?

Mais, cela ne signifie nullement que les négociations sur la question de la dette grecque, pourtant nécessaires, pourtant justifiées comme le rappelle un rapport du FMI[6]opportunément publié en dépit des tentatives d’embargo de la part de l’Eurogroupe, pourront reprendre. Tous les économistes qui ont travaillé ce dossier, des personnalités illustres comme Paul Krugman et Joseph Stiglitz (prix Nobel), des spécialistes internationaux comme James Galbraith ou Thomas Piketty, ont expliqué depuis des semaines que sans une restructuration de la dette accompagnée d’une annulation d’une partie de cette dernière, la Grèce ne pourrait retrouver le chemin de la croissance. Il serait donc logique d’accorder à la Grèce ce qui fut, en 1953, accordé à l’Allemagne. Mais il faut faire vite, sans doute dans les 48h, et il n’est pas dit que les institutions européennes, qui ont tenté d’empêcher la publication du rapport du FMI, le veuillent. La déclaration de Martin Schulz, le Président du Parlement européen, ou celle de Sigmar Gabriel disant que les ponts étaient rompus, ne présage rien de bon.

La décision de Yannis Varoufakis de démissionner de son poste de Ministre des Finances a beaucoup étonné. Il est en effet l’un des grands vainqueurs du référendum. Mais cette décision est assez logique. Son remplacement par Euclid Tsakalotos va plus loin qu’une simple concession tactique accordée aux « créanciers ». C’est ainsi d’ailleurs que Varoufakis présente d’ailleurs sa démission[7]. Mais le nouveau ministre pourrait aussi signifier l’arrivée d’un homme plus résolu à une rupture. Tsakalotos ne cache pas qu’il est devenu un « Eurosceptique ». On ne l’a pas pleinement mesuré à Bruxelles, mais Varoufakis était en réalité passionnément attaché à l’Euro et à l’idée européenne. Ce n’est pas le cas de Tsakalotos. Ceci pourrait avoir des conséquences importantes dans les prochains jours.

Coffre de la Société Générale, par Bendeck, 2008, CC

En effet, si la BCE ne se décide pas très rapidement à augmenter le plafond de l’accord d’urgence sur les liquidités (ELA), la situation deviendra rapidement critique en Grèce et ces négociations perdront tout sens. C’est ce qu’a dit Alexis Tsipras au soir de la victoire du « Non ». Un accord est peut-être possible, si tant est que les deux parties le veuillent. Mais, justement, on est en droit d’avoir un doute, et même plus que cela, sur les intentions des institutions européennes.

Si, donc, la BCE n’augmentait pas le plafond de l’ELA, le gouvernement grec n’aurait plus le choix. Il devrait soit mettre en circulation des « certificats de paiements » qui constitueraient une monnaie parallèle, soit prendre le contrôle de la Banque Centrale par décret (ce que l’on appelle une réquisition) et la forcer à mettre en circulation tant les billets qu’elle conserve en réserve que ceux qui sont conservés dans les banques commerciales sous son autorisation. Si une prise de contrôle de la Banque Centrale serait entièrement justifiée du fait du comportement de la BCE et de l’Eurogroupe qui ont sciemment violé le fond comme la lettre des traités, il est néanmoins probable que ce sera la première solution qui sera choisie. En tous les cas, ce n’était pas la position de Yanis Varoufakis. Nous ne savons pas à l’heure actuelle quelle sera la position de Tsakalotos. Si le gouvernement grec se décide donc à émettre des certificats de paiement, cela conduira rapidement à un système à deux monnaies en Grèce, et d’ici quelques semaines on peut penser que l’une de ces deux monnaies disparaîtra. Nous serions confrontés à la sortie de l’Euro, au « Grexit ». Il convient ici de dire que cette sortie de l’Euro serait totalement et complètement imputable aux institutions européennes.

La sortie de la Grèce de l’Euro est-elle en cours ?

On doit rappeler qu’une sortie de l’Euro ne passe pas nécessairement (et obligatoirement) par une décision nette et tranchée. Ce point a été particulièrement bien mis en lumière par Frances Coppola dans un article publié par le magazine Forbes[8]. Elle peut résulter de la logique des circonstances et des réactions du gouvernement grec face au double jeu tant de l’Eurogroupe que de la BCE qui sont en train de l’étrangler financièrement. Il est, là encore, inouï qu’une Banque Centrale comme la BCE, qui a légalement en charge la stabilité du système bancaire dans les pays de la zone Euro, organise en réalité l’étranglement des banques et leur faillite. C’est un fait inouï, mais ce n’est pas un fait sans précédent[9]. Il nous faut ici remonter dans l’histoire tragique du XXème siècle.

En 1930, en Allemagne, le Président de la Reichbank (la Banque Centrale de l’Allemagne), M. Hjalmar Schacht, avait fait obstacle à un prêt américain au gouvernement de l’Allemagne de Weimar, provoquant une panique bancaire[10]. Cette panique provoqua la chute de la coalition alors au pouvoir, et la démission du Ministre des Finances, le socialiste Rudolph Hilferding. Ayant obtenu ce qu’il désirait, Schacht leva son obstruction. On voit ainsi que l’action antidémocratique d’une Banque Centrale a un précédent, mais un précédent tragique. Avec l’arrivée du chancelier Brüning l’Allemagne fit le choix d’une austérité insensée qui porta quelques années plus tard les Nazis au pouvoir. Ceci établit le pouvoir de la Reichbank comme un pouvoir parallèle à celui du gouvernement. Le terme de “Nebenregierung” ou « gouvernement parallèle » est d’ailleurs passé dans le discours technique et historique en Allemagne.

On est donc en droit de se demander si la sortie de la Grèce de la zone Euro n’a pas commencée depuis maintenant une semaine à l’instigation de la BCE et du poids de l’Allemagne au sein des organismes de la BCE. Mais il est clair, alors, que cette sortie est entièrement du fait de l’Eurogroupe et de la BCE. Il s’agit en réalité d’une expulsion, un acte à la fois scandaleux et illégal, qui légitimerait le recours par les autorités grecques aux mesures les plus radicales.

C’est ici que la France pourrait être un frein. Une réunion entre François Hollande et Angela Merkel est prévue pour la fin de journée du lundi 6 juillet. Mais, disons le tout net, pour que cette réunion arrive à changer la position de l’Allemagne, la France devrait mettre tout son poids dans la balance et menacer elle aussi de quitter la zone Euro si l’Allemagne poursuivait ses actions et sa politique. Gageons que François Hollande n’en fera rien. En dépit des déclarations rassurantes faites par des seconds couteaux, notre Président tient beaucoup trop à ce qu’il imagine être un « couple franco-allemand ». Il n’a probablement pas le courage de tirer les conséquences, toutes les conséquences, du comportement dangereux et scandaleux de l’Allemagne. Ce faisant, et à son corps défendant, il conduira l’Euro à sa perte, ce qui n’est rien, mais sans doute aussi l’Union européenne, ce qui est bien plus.

La grande crainte des prêtres de l’Euro

Disons le, une chose terrorise totalement les responsables européens : que la Grèce fasse la démonstration qu’il y a une vie hors de l’Euro, et que cette vie peut, sous certaines conditions, s’avérer meilleure que celle que l’on a dans l’Euro. Telle est leur grande crainte, tel est ce qui les remplit d’effroi. Car ceci montrerait à tous, aux Portugais, aux Espagnols, aux Italiens et aux Français le chemin à suivre. Ceci dévoilerait tant l’immense fraude qu’a représenté l’Euro, qui ne fut pas un instrument de croissance ni même un instrument de stabilité pour les pays qui l’ont adopté, que la nature tyrannique du pouvoir non élu de l’Eurogroupe et de la BCE.

Il est donc possible, voire probable, que les dirigeants de l’Eurogroupe et de la BCE fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour provoquer le chaos en Grèce. Ils ont d’ores et déjà commencé ce sale boulot depuis la semaine dernière. Il convient donc que le gouvernement grec, tout en cherchant à négocier honnêtement mais fermement, comme il le fit depuis février 2015, se prépare aux mesures qui assureront la stabilité dans le pays et le fonctionnement normal de l’économie et des institutions, fut-il pour cela obligé de prendre des libertés avec la lettre des traités. Peut-être est-ce là le sens du départ de Yannis Varoufakis, qui doit vivre le comportement de l’Allemagne et de l’Eurogroupe comme une tragédie, et son remplacement par Euclid Tsakalotos. Après tout, ce n’est pas la Grèce qui brisa la première les traités, et l’on peut considérer que l’action tant de l’Eurogroupe que de la BCE depuis une semaine ont constitué des actes contraires et en contravention tant avec la fond qu’avec la forme de ces dits traités.

Cette rupture porte en elle la fin de la zone Euro. Quelle que soit la politique décidée par Alexis Tsipras, il est désormais clair que cette fin est l’horizon de la crise actuelle.

Notes

[1] http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-15-5310_en.htm

[2] L’Obs, « Grèce, un non qui passe mal en Allemagne », 6 juillet 2015,http://tempsreel.nouvelobs.com/la-crise-grecque/20150706.OBS2132/grece-un-non-qui-passe-mal-en-allemagne.html

[3] On se reportera aux archives du site ACRIMED,http://www.acrimed.org/article1980.html et http://www.acrimed.org/article2014.html ainsi qu’à Lordon F., « La procession des fulminants », texte installé sur le site ACRIMED,http://www.acrimed.org/article2057.htm

[4] B. Brunhes, « La victoire du non relève de la lutte des classes », propos recueillis par François-Xavier Bourmaud, Le Figaro, 2 juin 2005.

[5] Sapir J., La Fin de l’Eurolibéralisme, Paris, Le Seuil, 2006.

[6] The Guardian, « IMF says Greece needs extra €60bn in funds and debt relief », 2 juillet 2015, http://www.theguardian.com/business/2015/jul/02/imf-greece-needs-extra-50bn-euros?CMP=share_btn_tw

[7] http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/06/minister-no-more/

[8] Coppola F., « The Road To Grexit », Forbes, 3 juillet 2015,http://www.forbes.com/sites/francescoppola/2015/07/03/the-road-to-grexit/print/

[9] Je remercie un de mes correspondants, Christoph Stein, qui a porté mon attention sur ce point.

[10] Müller H., Die Zentralbank – eine Nebenregierung Reichsbankpräsident Hjalmar Schacht als Politiker der Weimarer Republik, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1973.

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 6 juillet 2015.


L’οχι grec ou le retour du peuple en Europe

οχι: manifestants en faveur du «non» qui l’a emporté à 61% lors du référendum en Grèce, dimanche 5 juillet 2015

Ce dimanche, à l’occasion du référendum en Grèce où les sondages donnaient le «oui» et le «non» au coude-à-coude, les partisans du «non» l’ont emporté à une écrasante majorité (plus de 61%). Pour Alexis Feertchak, cela signe le retour du peuple en Europe.

Alexis Feertchak est fondateur du site internet et de l’application I-philo.

En avril 2012, Georges Moustaki éructait dans le Huffington Post: «J’espère que la Grèce va foutre le bordel. Ma sympathie va à cette attitude de contestation parce que ce n’est pas le peuple qui a créé la crise. Or, on lui fait en porter le poids. Finalement, c’est lui qui a le sens civique le plus développé, pas ceux qui veulent se conformer aux directives bruxelloises. Que le gouvernement grec ouvre grand ses yeux et ses oreilles».

De façon posthume, le pâtre grec, qui s’est éteint l’année suivante, a été écouté: le Premier ministre Alexis Tsipras, dans un geste tout gaullien, a décidé de laisser le dernier mot au peuple et de remettre ainsi son mandat en jeu. Pari gagné largement, malgré les pressions européennes et médiatiques pour empêcher la victoire du «non», mais à quel prix?

Le masque des institutions européennes tombe lourdement

L’ «οχι» grec de ce 5 juillet, lointain écho des «non» français et hollandais de 2005, force aujourd’hui l’Union européenne – et spécialement sa composante qu’est l’Union économique et monétaire de la zone euro – à révéler le rapport politique sous lequel elle entend placer les peuples et les nations d’Europe. Et une fois le masque tombé, le visage de l’Union n’est pas beau à voir. C’est le grand mérite d’Alexis Tsipras et de son ministre Yanis Varoufakis d’avoir forcé l’Eurogroupe - l’embryon de gouvernement de la Zone Euro – à dévoiler son fonctionnement au grand jour, loin des réunions informelles et feutrées auxquelles ce club ministériel était habitué. Cette révélation du vrai visage des institutions européennes est sans conteste l’une des premières leçons à retenir du référendum grec.

Les Grecs, eux, ont consacré le fait que ce sont les peuples qui ont le dernier mot, et non les traités européens, qui valent tant que les peuples leur accordent leur onction.

Le référendum, que le gouvernement Papandréou n’avait pas eu le courage de mener jusqu’à son terme en 2011, rappelle aussi aux zélotes de la Troïka européenne que la souveraineté appartient aux peuples, qu’elle ne saurait devenir «limitée» comme aux temps soviétiques de Léonid Brejnev. A ce titre, il faut bien mesurer que les Grecs ont donné l’estocade à Jean-Claude Juncker, qui avait déclaré sans sourciller qu’ «il ne pouvait y avoir de choix démocratique contre les traités». L’ancien Premier ministre luxembourgeois, aujourd’hui président de la Commission européenne, découvre ce 5 juillet 2015 que certains pays ne sont pas seulement peuplés de banquiers. Les Grecs, eux, ont consacré le fait que ce sont les peuples qui ont le dernier mot, et non les traités européens, qui valent tant que les peuples leur accordent leur onction.

Le 3 août 1968, à Bratislava, lors d’une réunion du Pacte de Varsovie, le premier secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique introduisait par les mots qui suivent la «doctrine Brejnev» de la souveraineté limitée: «Chaque parti communiste est libre d’appliquer les principes du marxisme-léninisme et du socialisme dans son pays, mais il n’est pas libre de s’écarter de ces principes s’il entend rester un parti communiste. [...] L’affaiblissement d’un maillon quelconque du système socialiste mondial affecte directement tous les pays socialistes, et ils ne sauraient y rester indifférents». Il fallut attendre 1988 pour que Mikhaïl Gorbatchev déclare que «la liberté de choix est un principe universel».

Certes, les chars n’ont pas été envoyés à Athènes pour faire respecter la règle d’or budgétaire comme à Varsovie en 1968. Mais ces quelques lignes de Brejnev, si l’on se place, non à l’échelle du contenu idéologique, mais à celle de la structure de l’organisation décrite, sont du Jean-Claude Juncker dans le texte, lequel pourrait très bien déclarer: «Chaque Etat membre est libre d’appliquer les principes du droit de l’Union européenne dans son pays, mais il n’est pas libre de s’écarter de ces principes s’il entend rester un Etat membre. [...] L’affaiblissement d’un maillon quelconque du système européen affecte directement tous les pays européens, et ils ne sauraient y rester indifférents». On voit bien les dérives possibles d’un tel discours dès lors que les principes européens s’appliquent erga omnes sans que les peuples souverains ne puissent rien y redire.

Par leur vote, les Grecs ont révélé au grand jour l’aberration d’une telle conception de l’Europe, non soluble dans la démocratie et nécessairement autoritaire à l’égard des parties qui la composent, les Etats membres.

Une victoire à la Pyrrhus pour la Grèce ?

D’aucuns considèrent déjà que ce succès du gouvernement d’Alexis Tsipras n’est qu’une victoire à la Pyrrhus pour la Grèce, que, par l’expression de sa colère, elle vient en réalité de s’expulser elle-même de la zone euro et de se tirer une balle dans le pied.

Pourtant, dans la mesure où les traités sont muets sur ce point, personne ne peut en principe forcer la Grèce à quitter la zone euro ; elle seule peut décider souverainement d’une telle sortie. Lors, pourquoi a-t-on répété depuis une semaine que, alors même que le gouvernement et le peuple grecs ne le souhaitaient pas, un vote négatif entraînerait inévitablement un Grexit ?

Il faut bien comprendre qu’il s’agirait d’un Grexit de facto et non de jure - en tout cas tant que la Grèce ne le décidera pas d’elle-même. Comme Jacques Sapir ou d’autres économistes l’ont bienexpliqué, d’une part, en renvoyant illégalement Yanis Varoufakis de l’Eurogroupe, la Grèce a été de fait suspendue de son appartenance à la zone euro. D’autre part, la Banque centrale européenne tient le robinet des liquidités de la zone euro via les prêts ELA qu’elle accorde aux banques: si elle coupe le robinet, ce qu’elle fait déjà en partie, les Grecs n’auront plus de liquidités et n’auront d’autre choix que de créer une nouvelle monnaie, parallèle, pour assurer ses besoins monétaires. C’est par ce dernier élément que la Grèce, si la Banque centrale européenne le voulait, pourrait être entrainée plus ou moins brutalement vers un grexit.

Dans une tribune au magazine Forbes, Frances Coppola a très justement analysé les enjeux politiques d’un tel Grexit: en réalité, dans la mesure où la BCE restreint ses prêts ELA aux banques hellènes, tout se passe comme si la Grèce utilisait aujourd’hui l’euro comme une «monnaie étrangère» et non comme une «monnaie souveraine». Pis, dans la mesure où la souveraineté monétaire appartient exclusivement à la BCE, en réalité l’ensemble des pays membres de la zone euro utilisent ce dernier comme une monnaie étrangère. Ce que la crise grecque ajoute – et qui fait bien penser à un coup d’Etat financier – c’est que la BCE gère aujourd’hui les liquidités d’un pays membre de l’euro, non en fonction des besoins de ce dernier, mais parce qu’elle n’apprécie pas la politique économique dudit pays. C’est probablement la première fois qu’une telle chose se passe aussi ouvertement au sein d’une union monétaire. L’éditorialiste financière précise bien que le Grexit n’est pas «un événement, mais un processus», qu’il est d’ores et déjà engagé et que le référendum ne fait en somme que l’accélérer.

Dès lors, le référendum n’est pas une victoire à la Pyrrhus pour les Grecs: au contraire, là encore, il a la vertu de mettre en lumière les agissements économiquement violents et politiquement douteux de l’union économique et monétaire, la zone euro, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Les Grecs avaient le choix entre souffrir sous tutelle et souffrir librement: le bon sens s’est exprimé. Si les prochaines années seront rudes, elles l’auraient été dans tous les cas.

L’ «οχι» grec, une opportunité pour l’Europe

Le pari d’Alexis Tsipras repose maintenant sur la réaction des institutions européennes et surtout de l’Allemagne face à l’ «οχι» lancé d’Athènes. Vont-ils acter définitivement la poursuite du Grexit, affermir encore la politique de la BCE et expulser manu militari la Grèce hors de l’Europe? Dans cette partie d’échec, le Premier ministre grec peut compter sur le soutien moral du pape François et surtout sur celui de Barack Obama, plus pratique, qui craint légitimement que la Grèce, sortie de l’euro, ne se jette dans les bras des BRICS, en particulier de la Russie et de la Chine.

Jusque-là, en revanche, il n’a pas pu compter sur le soutien du président François Hollande, dont le mutisme, entrecoupé de propos rassurants sitôt contredits par les faits, est pour le moins inquiétant. C’est bien dommage, d’autant que François Hollande, en 2012, en souhaitant renégocier le Pacte budgétaire européen (TSCG) n’était pas dans une logique si éloignée de celle d’Alexis Tsipras, modulo la différence objective de situation économique entre la Grèce et la France. Mais depuis le discours du Bourget, les élans hollandiens ont perdu en intensité.

En un sens, la Grèce, dont la dette publique atteint 170% de son PIB, est un peu à l’avant-garde des pays européens et elle éclaire surtout ce qui pourrait advenir pour eux demain. Quand ces pays, dont la France, seront sous la coupe de la Troïka et de ses méthodes musclées, les gouvernements changeront peut-être d’avis sur ce «populiste» de Tsipras et lui envieront in petto son courage et sa droiture.

Au fond, même le FMI l’avoue à mi-mot aujourd’hui, sans aller jusqu’à «annuler la dette grecque» dans sa totalité comme le prône l’économiste hétérodoxe Steve Keen, il faudra bien a minima la restructurer en profondeur. Mais la chancelière Angela Merkel et son ministre Schaüble mettent leur strict véto à une telle hypothèse. Ils l’ont encore dit derechef après les résultats de la victoire d’ «οχι»: les négociations ont peu de chance de reprendre. C’est pourtant en s’opposant à cette absurde rigueur germanique, condamnée aujourd’hui par les économistes de toutes origines, que la France pourrait jouer un rôle historique en mettant au calendrier du Conseil européen le projet d’une restructuration concertée, non pas seulement de la dette grecque, mais de l’ensemble des dettes souveraines de la zone euro.

Ceci d’autant plus que la perspective d’un Brexit (cette fois-ci la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne) est l’occasion inespérée de soutenir le Premier ministre britannique DavidCameron dans sa volonté de renégocier l’ensemble des traités européens, de les alléger et de réduire enfin le déficit démocratique grandissant d’une Europe qui ne tient plus compte de la souveraineté de ses peuples.

N’est-ce pas finalement la grande vertu du référendum du 5 juillet et de l’ « οχι » grec que de signer en Europe le retour des peuples et des passions démocratiques ?

Bien des commentateurs ont voulu faire de la Grèce une simple affaire de gros sous entre des créanciers spoliés et des paresseux inaptes à rembourser leurs dettes ; combien se sont moqués d’Alexis Tsipras en prédisant qu’il se plierait dès les premiers jours aux injonctions européennes, comme l’avaient fait ses prédécesseurs. Dans De l’esprit des loisMontesquieu écrivait que «les politiques grecs, qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient d’autre force qui pût le soutenir, que celle de la vertu. Ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses».

N’est-ce pas finalement la grande vertu du référendum du 5 juillet et de l’ «οχι» grec que de signer en Europe le retour des peuples et des passions démocratiques? A bien y regarder, le «bordel foutu par la Grèce», pour reprendre l’espoir de Georges Moustaki, pourrait être une occasion inespérée pour l’Europe. Malheureusement, si Alexis Tsipras a su mener jusqu’au bout son élan gaullien, il faudrait que la France fût capable d’un geste analogue pour rééquilibrer le couple franco-allemand. L’espoir est ténu.

Source : Alexis Feertchak, pour FigaroVox, le 6 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/l%ce%bf%cf%87%ce%b9-grec-par-jacques-sapir/


[Média] BFM Business, Les Experts – 6 juillet (Edition spéciale Grèce)

Monday 6 July 2015 at 18:05

Aujourd’hui, c’est Stéphane Soumier qui a animé BFM Business.

Avec Jean-Marc Daniel, directeur de la revue Sociétal, et Mathilde Lemoine, Directeur des études économiques HSBC-France.

Voici la vidéo :

Partie 1 :

Partie 2 :

 

Bonus : un petit rappel historique :

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Source: http://www.les-crises.fr/bfm-06-07-2015/


Les taches aveugles de « l’autre euro possible », par Frédéric Lordon

Monday 6 July 2015 at 00:04

Le texte qui suit est issu de l’intervention, quelque peu augmentée, faite aux Rencontres du « Monde Diplomatique » organisées sur le thème « Europe, des choix existentiels », à l’Ecole normale supérieure les 22 et 23 mai 2015.

Un de ces lieux communs que l’éditorialisme prend pour de la pensée profonde se plaît à répéter que nous vivons une époque de constante accélération et que tout va toujours plus vite… Qu’on se rassure, il reste des domaines où l’on procède encore avec une sage lenteur, par exemple à propos de l’euro quand il s’agit de mettre l’une derrière l’autre deux idées conséquentes.

Une ironie qui n’est sans doute pas inadvertante nous soumet la question de savoir si une autre Europe est possible dix ans après un référendum constitutionnel qui nous promettait déjà à sa manière une autre Europe possible — et dont on mettra difficilement au compte du « non » que la promesse n’en ait pas été tenue, puisque ce texte nous est revenu à l’identique sous la forme du Traité de Lisbonne (à quelques déclarations ronflantes près qui n’engageaient que de l’encre sur du papier). Moyennant quoi, il nous a été permis d’expérimenter en vraie grandeur en quoi consistait cette version-là de « l’autre Europe possible ». Il est vrai que les mêmes annoncent la bonne nouvelle de l’Europe sociale depuis 1992 — où l’on aperçoit tout de même que certaines choses continuent de bien prendre leur temps, et que l’autre Europe possible est une longue patience.

Comme toujours avec les patiences, il y a ceux qui ont les moyens d’attendre et ceux qui ne les ont pas. Bourdieu rappelait combien la skholé, le loisir, la position scolastique, et plus généralement la distance d’avec les nécessités matérielles, donnent en partie leur principe caché à la hauteur de vue, à la pensée globale, qui s’admirent elles-mêmes de se voir si capables d’embrasser l’histoire longue, et de se projeter à cent ans — il est bien certain qu’on peut se payer le luxe de contempler des horizons séculaires quand soi-même on ignore tout de l’idée de fin de mois. Aussi ces esprits bien installés, dégagés de toute urgence matérielle, ont-ils le loisir d’envisager les avenirs les plus lointains et de former en chambre des plans grandioses, solutions de papier coupées de tout, pour qui la durée n’est qu’une abstraction : qu’en chemin des générations soient sacrifiées, voire carrément que des peuples crèvent comme c’est le cas en ce moment, ce sont des considérations minuscules au regard de l’Idée majuscule dont ces esprits se font les desservants — en quelque sorte les œufs nécessairement cassés pour faire l’omelette de l’Histoire.

Les prérequis passionnels de la démocratie formelle

En cette époque qui ne corrige le sur-place intellectuel que par les accélérations imaginaires du gouvernement mondial, ou continental, il aura fallu presque deux décennies pour que certains se rendent compte qu’il y avait un problèmeavec l’euro, et qu’ils commencent à le dire — en gros il a fallu la décapilotade à grand spectacle pour que leurs yeux s’écarquillent et que leurs bouches finissent par s’ouvrir. Les voilà maintenant qui, réécrivant l’histoire, enfin surtout la leur, prétendent avoir dès le début lancé de vigoureux avertissements[1], ou bien proposent un nouveau tour de manège institutionnel, cette fois-ci avec un parlement de l’euro, dernière trouvaille en date destinée à nous rendre la monnaie unique enfin démocratique[2] — se peut-il qu’on nous ait menti et qu’elle ne l’ait pas toujours été ?

Le « manifeste pour une union de l’euro » publié début 2014 à l’initiative, entre autres, de Pierre Rosanvallon[3], offre ainsi un concentré des taches aveugles de l’européisme social-démocrate qui, confondant la substance et les attributs, imagine que planter quelque part un nouveau parlement vaut ipso factoconstitution politique de l’euro. Malheureusement il n’en est rien. Encore faut-il pour s’en apercevoir s’être formé une idée tant soit peu profonde de ce qu’est une communauté politique véritable, dont les institutions formelles ne sont que la superstructure. Le mot ici est à comprendre en un sens non-marxiste, pour souligner que le principe fondamental de la démocratie, tel qu’il est mis en œuvre dans les institutions formelles, à savoir la loi de la majorité, ne se soutient pas de lui-même, mais n’est opératoire que sous des conditions de consistance communautaire préalable, dont il faudrait être fou pour les imaginer réunies dans l’Europe d’aujourd’hui.

Est-ce à dire qu’elles ne pourraient jamais l’être ? Evidemment non. Car ce qu’il faut entendre ici par « consistance communautaire » n’a rien à voir avec d’imaginaires propriétés substantielles des peuples — « la nature ne crée pas de nations » rappelle Spinoza dans le Traité théologico-politique. C’est l’histoire qui les crée. Elle a d’ailleurs suffisamment montré sa capacité à former des peuples de peuples — peu ou prou toutes les nations européennes, qui, ex post, semblent parfaitement unitaires à nos regards habitués, ont procédé de ce schéma de composition de l’hétérogène. Il n’y a aucune raison a priori que l’Europe en soit privée. Mais il n’y en a pas davantage qu’elle en jouissenécessairement. Il y a surtout à se poser la question toute prosaïque, mais comme toujours politiquement décisive : quand ? Dans combien de temps ? C’est-à-dire, en l’occurrence, avec quelles difficultés réelles à surmonter ?

C’est qu’il y a en effet des conditions passionnelles de possibilité de la loi majoritaire. Ces conditions demandent qu’il existe entre les membres de la communauté politique un affect d’appartenance, un affect commun suffisamment puissant pour tenir la minorité à la communauté, c’est-à-dire pour éviter que la fraction mise en minorité n’ait aussitôt l’envie de faire sécession pour aller refonder ailleurs sa propre communauté politique[4].

A certains politologues n’ayant visiblement aucune compréhension du fait politique, il faut donc des épisodes maximaux, c’est-à-dire des cas de séparatisme aigu, comme il a failli s’en produire un en Ecosse — un cas spécialement intéressant d’ailleurs puisqu’il est d’un séparatisme moins « identitaire » que « politique » — pour apercevoir, mais généralement trop tard, tous les prérequis invisibles du fonctionnement ordinaire des institutions démocratiques — et ce qu’il en coûte de les ignorer. Ce prérequis passionnel de l’affect commun d’appartenance, seul à même de rendre viable le dissensus démocratique organisé sous la loi majoritaire, est-il satisfait dans le cas de l’Union européenne ? Non. Chez qui fait-il suprêmement défaut ? La Grèce, vers qui tous les regards accusateurs se tournent systématiquement ? L’Espagne qui, Podemos arriverait-il au pouvoir, connaîtrait le même sort ? Non : l’Allemagne. Est-il possible de parler de l’Allemagne ? Non plus[5]. Toute mise en cause de l’Allemagne est aussitôt accueillie aux glapissements de « germanophobie ». Il faut sans doute avouer qu’on trouve assez souvent le pire en cette matière, et qu’il est bien des discours sur l’Allemagne qui sentent le fusil Lebel et la ligne bleu horizon. Mais enfin la mauvaise monnaie intellectuelle ne devrait pas en principe chasser la bonne, ou au moins ne pas restreindre les droits légitimes de l’analyse – et empêcher que soient posées quelques questions. C’est pourtant le cas, si bien que l’accusation de germanophobie est devenue en Europe, spécialement en France, l’asile de la cécité volontaire.

Loi de la majorité et doctrine monétaire : la complication allemande

Il faudra bien pourtant se demander quel sens tant soit peu exigeant peut prendre « autre » dans « une autre Europe », et puis ce qui en hypothèque principalement la possibilité. C’est ici qu’il faudra en venir à l’Allemagne, non pas qu’elle pose des problèmes différents de (presque) tous les autres pays quand il s’agit de la domination du néolibéralisme, mais parce que, à ce problème général, elle donne une complication pour le coup tout à fait singulière.

Or voici : une autre Europe, c’est une Europe démocratique. Et une Europe démocratique, c’est une Europe décidée à vider le Traité de toute sa troisième partie pour rendre tous les contenus de politique publique à la délibération démocratique ordinaire. C’est-à-dire pour les soumettre de nouveau à la loi majoritaire. Cet impératif démocratique frappe de nullité toute discussion sur « l’autre Europe possible » qui contourne les deux questions suivantes : 1) l’Allemagne accepterait-elle que le statut de la banque centrale, la définition de ses missions, les règles de déficit et de dette, le régime de la circulation des capitaux, redeviennent matière ordinaire à délibération parlementaire ?, et 2) l’Allemagne accepterait-elle d’être mise en minorité sur l’un ou l’autre de ces sujets ? On peut bien d’ailleurs, si l’on veut « dégermaniser » le problème et poser la question à la cantonade : on verra bien qui répond quoi, et qui se qualifie, ou se disqualifie, à l’Europe réellement démocratique, seule configuration admissible de l’« autre Europe possible ». En tout cas, l’incapacité d’apporter des oui catégoriques à ces deux questions ramène tout projet d’« euro démocratique » à l’état d’élucubration spectrale — ou bien de cynique mensonge.

Je crois cependant qu’on se trompe, et même de beaucoup, quand on présente l’Allemagne sous les traits d’une agressive volonté de puissance. L’Allemagne est bien plutôt un hegemon à contrecœur, un dominant qui n’avait pas de projet positif de domination et n’a fini par prendre les commandes que sous le coup d’une angoisse fondamentale — mais qui ne détermine pas moins à la brutalité : l’angoisse de voir altérés des principes monétaires qui lui sont plus chers que tout, puisqu’ils sont devenus le cœur symbolique de la reconstruction nationale allemande après-guerre, parce qu’ils ont acquis par là une portée transpartisane et pour ainsi dire méta-politique, et parce que leur sanctuarisation absolue, par voie constitutionnelle, en l’occurrence par l’inscription dans les traités, a été posée comme la contrepartie sine qua non de la participation allemande à la monnaie unique.

Dans ces conditions, imaginer que l’Allemagne pourrait accepter de remettre aux aléas de la loi majoritaire des principes aussi fondamentaux, d’une valeur symbolique aussi élevée à ses propres yeux, n’est pas une anticipation raisonnable, je veux dire propre à un horizon temporel raisonnable, sans doute plus rapproché que celui des esprits scolastiques qui jonglent communément avec l’Histoire Universelle, et ne regardent pas à la dépense en matière de générations sacrifiées.

Gerxit ?

On pourrait même dire davantage : dans la prolifération des « X-xit », ce mot-valise destiné à désigner les candidats à la sortie plus ou moins brutale de la zone euro voire de l’Union elle-même, où on trouve déjà le Grexit (la Grèce), leBrexit (la Grande-Bretagne) et même l’Iberixit (l’Espagne — on ne sait jamais, si Podemos…), une monumentale tache aveugle empêche de voir le sortant potentiel peut-être le plus sérieux : le Gerxit — l’Allemagne.

Car rêvons un peu, et imaginons pour le plaisir « l’autre euro possible ». Aucune de ses dispositions ne figure plus dans le Traité, toutes ont été rendues au parlement de l’euro. Et voici qu’une majorité se forme pour remettre la BCE sous contrôle politique, pour lui assigner mission de soutenir la croissance et l’emploi, voici que les règles budgétaires automatiques sont supprimées au profit d’une pragmatique conjoncturelle, que la question de l’annulation de certaines dettes est posée, enfin qu’il est envisagé de restreindre les marges de manœuvre des marchés pour neutraliser leurs représailles contre une réorientation progressiste de la politique économique. Qui peut croire que l’Allemagne, sans doute d’autres pays avec elle, mais l’Allemagne au premier chef, accepterait cet « autre euro »-là ? Mise en minorité, c’est elle qui partirait au nom de la sauvegarde de ses principes considérés comme des enjeux vitaux. Et « l’autre euro » se ferait sans elle — s’il y a quelque sens à une monnaie unique européenne sans l’Allemagne…

On opposera sans doute que les élites françaises par exemple — qui ne sont donc pas allemandes… — n’en défendent pas moins, et mordicus, les mêmes principes de politique économique, en fait adéquats aux exigences du capital auquel ces élites ont tout cédé. Et c’est vrai ! Mais la Grèce en février, peut-être l’Espagne cet automne, montrent que le miracle d’une réelle alternance politique ne peut jamais être complètement exclu — et avec lui celui d’un projet de réorienter radicalement la politique économique. Toutes choses égales par ailleurs, ceci ne se produira pas en Allemagne, pour des raisons qui tiennent à l’ancrage symbolique de la doctrine néolibérale (ordolibérale), ailleurs simplement idéologique, donc en principe susceptible d’être politiquement défaite.

Rien de ceci bien sûr ne signifie que, même à propos de la question monétaire, la société allemande ne soit qu’un bloc. Il n’y a jamais, nulle part, à propos de n’importe quelle question, de monolithisme unanimitaire. Des économistes comme Peter Wahl ou Wolfgang Streeck, et d’autres, ou bien les manifestations au pied de la BCE à Francfort, attestent que la société allemande a sa part de dissensus et de contradictions même quand il s’agit de doctrine monétaire. Mais la question est de savoir où se situe son centre de gravité à ce sujet, quelle est sa consistance, et quelles sont les chances, à horizon raisonnable, de le déplacer significativement.

Si donc l’on cherche les raisons de l’impossibilité d’un autre euro, c’est d’abord de ce côté, du côté du point de plus forte résistance, qu’il faut avoir la lucidité de regarder. Et puis aussi du côté de l’expérience grecque, ou plutôt de ce que l’Union européenne sous principes allemands fait subir à la Grèce. Car nous savons maintenant ce que pèse une crise humanitaire en face d’une orthodoxie monétaire : rien.

>Entre le FN et le bloc eurolibéral,,une symbiose fonctionnelle

Tous les secteurs de la gauche qui se sont accrochés si longtemps à la fable « Un autre euro est possible » devraient trouver dans l’expérience grecque matière à quelques méditations, et peut-être à quelques révisions. Car les quatre premiers mois de Syriza ont confirmé les termes d’une rigoureuse alternative telle qu’elle vaut pour tous : plier ou sortir. Entre la complète résipiscence et l’affranchissement radical, il n’y a pas, il n’y aura pas, de tiers terme.

On cherche alors avec peine à expliquer que la gauche (la vraie) demeure ainsi interdite face au verrou qui frappe d’impossibilité radicale toute politique progressiste. Il y va sans doute des fourvoiements d’un internationalisme aussi louable en principe que mal pensé en réalité — mais il faudrait beaucoup de temps pour s’expliquer complètement sur ce point et, pour ce qui me concerne, j’ai déjà eu l’occasion de le faire ailleurs[6].

Il y va surtout, et en fait de plus en plus, d’une déformation monstrueuse du débat politique qui a conduit à faire de la sortie de l’euro le monopole du Front National, et en fait le stigmate même de l’extrême droite. Que le duopole indifférencié des partis de gouvernement, assisté de tout son appareil médiatique, se complaise dans cet argument ignominieux, la chose n’a rien pour surprendre. Elle est même bien faite pour indiquer le véritable rapport qui a fini par s’établir entre le FN et ce qu’on pourrait appeler le massif eurolibéral (dans lequel, on l’a compris, PS et UMP sont deux composantes de mieux en mieux substituables et en fait tendanciellement identiques). Ce rapport est de symbiose fonctionnelle — évidemment déniée par la comédie de l’intransigeance républicaine[7].

Un rapport de symbiose puisque le bloc eurolibéral se sert du FN comme disqualificateur universel, et renvoie systématiquement à l’extrême droite tout programme économique de rupture, quelle qu’en soit la teneur et quel qu’en soit le porteur. Le FN est ainsi devenu fonctionnellement nécessaire au bloc eurolibéral qui, à bout d’argument, ne peut plus se maintenir qu’à l’aide de l’extrême droite, dont il se sert comme un point d’assimilation auquel renvoyer toute critique économique radicale. Et en effet : comment mieux garantir la normalisation du débat qu’en assimilant toute dissidence à cette référence qui la frappe aussitôt d’indignité ?

Symétriquement, le FN prospère sur l’apparence de différence manifeste d’avec le massif eurolibéral, et ne continue de croître que tant qu’il peut revendiquer cette singularité. Mais le peut-il ? La différence manifeste n’est-elle pas que de l’ordre de l’apparence ? Mis à part son racisme congénital, et en fait constitutionnel, qui restera sans doute sa particularité (en tout cas il faut l’espérer…), on prête au FN de devoir ses succès récents à son inflexion économique en direction des classes populaires, et notamment à sa préemption du thème de l’euro. C’est à ce sujet qu’il faudrait y regarder de plus près.

Le FN, le capital et l’euro

En toute rigueur, le débat sur l’euro a sa parfaite légitimité propre, et n’a aucunement à prendre en considération cette préemption, qui n’est en fait qu’une pollution. En réalité il l’a d’autant moins qu’on peut soutenir que, le FN arriverait-il au pouvoir, il ne ferait pas la sortie de l’euro. En voici la raison : du moment où la perspective de l’arrivée du FN au pouvoir prendrait consistance, le grand capital pactiserait avec lui. Il le ferait sans la moindre hésitation car, l’histoire l’a suffisamment montré, le capital ne se connaît aucun ennemi à droite, et aussi loin qu’on aille à droite.

Il y a là, incidemment, de quoi faire ravaler leur dégueulis à tous ces misérables personnages qui n’ont rien eu de plus pressé que de poser un signe égal entre Front National et Front de gauche — et je le dis avec d’autant plus de liberté que je ne suis pas membre du Front de gauche, et que j’ai même de sérieux désaccords avec sa ligne actuelle. Mais enfin il n’est pas besoin d’être extralucide pour imaginer ce que serait l’attitude du capital face à un Front de gauche aux portes du pouvoir : il y a tout lieu de penser en effet qu’il chercherait moins à pactiser qu’il n’entrerait en mode « guerre », et même « guerre à outrance ». Il y a de quoi être atterré, et prendre la mesure du degré de corruption intellectuelle du débat politique contemporain, de devoir rappeler, contre ce mécanisme d’assimilation-disqualification évoqué à l’instant, l’asymétrie élémentaire, en réalité l’antinomie radicale, entre Front National et Front de gauche, que seuls les tauliers de la symbiose fonctionnelle peuvent avoir la bassesse de nier — misérables stratagèmes, qui signalent en réalité les régimes rendus à toute extrémité.

En tout cas le capital pactisera avec le FN. Et voici quels seront les termes de la transaction : le capital apportera ce qu’il sait apporter de mieux : de l’argent — de l’argent pré-électoral, post-électoral, de l’argent. Et puis aussi de l’assistance technique en prêtant ses cadres les mieux disposés. Mais la contrepartie sera que le FN ne touche pas à l’euro. C’est que l’euro dans sa construction d’ensemble est la plus puissante machine à discipliner le salariat que le capitalisme contemporain ait inventée, et cela, en effet, le capital ne permettra pas qu’on y touche.

Nul doute qu’il obtiendra complète satisfaction, et si l’on ajoute à ça que le « modèle économique » du FN consiste en réalité en une sorte de néo-corporatisme reaganisé essentiellement adressé aux patrons de PME, on mesurera l’imbécillité aussi bien intellectuelle que politique, de créditer le FN d’une posture « anti-système », c’est-à-dire de lui accorder sa principale revendication !, lui qui, parti de l’ordre, ne peut être que le parti du système, c’est-à-dire, autant que le bloc d’en-face, le parti du capitalisme, dont il propose simplement d’en revenir à une forme rétrograde — et il se confirme que les promesses de changement social faites par le FN aux classes populaires tourneront à la plus cruelle des désillusions.

Ces raisons-là n’étaient nullement nécessaires, mais elles devraient être en principe suffisantes pour déchirer le voile de stupéfaction qui, sous la forme du FN, a été jeté sur le débat de l’euro. Elle devrait l’être d’autant plus que s’y ajoute le démenti catégorique apporté par l’expérience grecque. Double démenti en vérité : démenti de la fiction d’une transformation de l’intérieur des institutions de l’euro ; démenti surtout de l’assimilation à l’extrême droite de tout projet de s’affranchir de la camisole ordolibérale et de la monnaie unique.

On dira, précisément, que Tsipras se bat pour rester dans l’euro. Mais d’une part, comme on pouvait en fait l’annoncer avant même son arrivée au pouvoir, ce combat est voué à l’échec[8], et n’admet pour seul alternative au renoncement que la sortie de l’euro. Et, d’autre part, Syriza doit compter avec une forte minorité interne, à laquelle s’ajoute une opposition externe de gauche qui, elles, plaident résolument pour la sortie de l’euro. Et que même l’éditorialisme le plus malhonnête aura du mal à faire passer pour des fourriers du nationalisme xénophobe. La vérité, c’est que cette gauche radicale-là, internationaliste — mais d’un internationalisme réel, et non imaginaire —, décidée à ne pas se laisser intimider, est le seul véritable rempart contre l’extrême droite, la vraie, qui reprendrait sa marche en avant du moment où les eurolibéraux reviendraient au pouvoir à Athènes.

Mais on a beau multiplier les arguments, les cas et les expériences, il y a une forme de cécité ou de tétanie politique inexplicables qui laissent en France la gauche interdite, et incapable de conséquence. Les choses ne vont pas si vite qu’on croit, disais-je en introduction. On peut ne pas être par principe un militant de l’accélérationnisme et malgré tout commencer à trouver qu’il serait temps que ça se bouge un peu maintenant.

Notes

[1] Daniel Cohen, « La crise tient fondamentalement aux vices de la construction de la zone euro », L’Express, 5 juin 2013.

[2] Thomas Piketty, « Il faut donner un parlement à l’euro », Le Monde, 20 mai 2014.

[3] « Manifeste pour une union de l’euro », Le Monde, 17 février 2014.

[4] Lire « Un peuple européen est-il possible ? dans Le Monde diplomatique d’avril 2014.

[5] Voir le dossier du Monde diplomatique de mai 2015, « L’Allemagne, puissance sans désir ».

[6] Lire « Leçons de Grèce à l’usage d’un internationalisme imaginaire (et en vue d’un internationalisme réel) », 6 avril 2015. Voir également La Malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique, Les Liens qui Libèrent, 2014.

[7] Lire Joël Gombin, « Mythologie du front républicainLe Monde diplomatique, mars 2015.

[8] Lire, sur ce blog, « L’alternative de Syriza : passer sous la table ou la renverser », 19 janvier 2015.

Source : Frédéric Lordon, le 1er juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/les-taches-aveugles-de-lautre-euro-possible-par-frederic-lordon/


Grèce : le “non” grec place Angela Merkel au pied du mur

Sunday 5 July 2015 at 20:46

Très belle analyse de indispensable Romaric Godin.

Mais je vais résumer : on entre à partir de ce soir dans la fin du jeu “crétin contre crétin” :

  • le petit crétin Tsipras (démocrate), qui se bat pour que la Grèce ne sorte pas de l’euro. Ceci étant, 5 mois d’expérience de l’europe-lachance-lasolidarité l’ont sans doute en grande partie décrétinisé ;
  • les gros crétins Européistes (anti-démocrates), qui refusent de verser 1 € pour aider la Grèce (je rappelle qu’un prêt n’est pas une “aide” au sens classique du terme. On leur a prêté des sommes folles (pour qu’ils remboursent nos banques en gros), mais à la fin ils doivent tout rendre avec intérêt, de sorte que notre “aide” devra avoir été financièrement nulle)

La balle est désormais dans le camp des gros crétins (et par chance, ils sont 18/27, ce qui simplifie !!!) : soit il cède très très vite, et la Grèce reste dans l’euro (Repose en paix, Grèce, alors), soit ils ne cèdent rien, et Grexit et… on verra… Je ne fais évidemment aucun pronostic sur nos crétins.

J’en parlerai sur BFM Business demain matin à 9h00…

Grèce : le “non” grec place Angela Merkel au pied du mur, par Romaric Godin

En votant “non”, les Grecs ont montré une nouvelle fois leur refus de l’impasse à laquelle a conduit l’austérité. Angela Merkel doit désormais choisir entre la prise en compte de ce vote et l’inflexibilité de son ministre des Finances.

Désormais, le bluff n’est plus possible pour Angela Merkel. Après une semaine de campagne réalisée dans des conditions inimaginables de banques fermées, d’argent rationné, de retraités angoissés et de matraquage médiatique angoissant, les Grecs ont dit une nouvelle fois « non. » On pourra certes relativiser la portée de ce non par le taux d’abstention [note OB : 40 %]. Mais il n’empêche. Dans les conditions décrites ci-dessus, il s’est trouvé plus d’électeurs grecs pour refuser l’ultimatum posé par les créanciers à leur pays que pour l’accepter.

Prêts à prendre le risque du Grexit plutôt que de subir l’austérité stérile

Entre le rejet d’une nouvelle cure d’austérité stérile et le risque du Grexit, les Grecs ont choisi la deuxième solution. Certes, nul en Grèce ne souhaite la sortie de la zone euro, mais le message envoyé ce dimanche 5 juillet à ceux qui, comme Jean-Claude Juncker, Benoît Cœuré ou Jeroen Dijsselbloem, les ont menacés durant une semaine d’une expulsion de l’Union économique et monétaire s’ils votaient « mal », est bien celui-ci : les Grecs sont prêts à prendre ce risque pour ne pas s’engluer à nouveau dans la spirale infernale de l’austérité sans fin.

Le rejet de la logique européenne

Une nouvelle fois donc – la deuxième en moins de six mois -, les créanciers peuvent donc mesurer l’ampleur du rejet des politiques qu’ils ont imposées au pays depuis 2010. Une nouvelle fois, ils peuvent prendre conscience que leur stratégie de la peur ne fonctionne plus en Grèce. Si Angela Merkel a déclaré ce dimanche qu’Alexis Tsipras « lance son pays vers un mur à pleine vitesse », elle doit ce soir reconnaître que, pour la première fois depuis 2010, sa stratégie du pourrissement a échoué. Elle qui déteste trancher se retrouve ce soir face à la nécessité d’un choix. Les autorités grecques sont désormais prêtes à reprendre les négociations : elles n’ont jamais vu le « non » comme un vote de rupture, mais comme un moyen de reprendre la main dans les négociations. Le camp grec est ce soir plus fort de son soutien populaire, mais il tend une main vers les créanciers. Et Angela Merkel doit simplement décider si elle accepte cette main tendue ou si elle la refuse.

Ne rien faire : ouvrir la porte au Grexit

Si elle la refuse, si elle laisse l’affaire, comme elle l’a fait depuis des mois, entre les mains de la BCE et de l’Eurogroupe, donc si elle continue à ne considérer la crise grecque que comme une affaire de technique financière, la Grèce n’aura guère d’autre choix que de sortir de la zone euro. Les banques grecques sont à l’agonie. Les distributeurs sont vides. La BCE doit, lundi 6 juillet, décider de l’accès du système financier grec à la liquidité d’urgence. Si elle n’a aucun signe de la possibilité d’un accord, il est certain qu’au mieux, elle durcira les conditions en abaissant la valeur des collatéraux (garanties) déposés par les banques grecques pour obtenir cette liquidité d’urgence. Alors, le gouvernement grec sera soumis à une économie à l’arrêt complet. Une situation qui peut durer quelques jours peut-être, le temps de rouvrir des négociations et d’envoyer un message à la BCE pour normaliser l’accès à la liquidité. Mais pas plus. Si aucun message d’ouverture ne vient de Berlin, la Grèce devra commencer à émettre une monnaie propre pour permettre le fonctionnement de son économie. La glissade vers le Grexit sera alors inévitable.

Stopper la machine infernale

Angela Merkel peut donc encore décider de stopper la machine infernale. Elle peut accepter le résultat de ce soir et la décision du peuple grec et engager des négociations sur la base de la dernière proposition grecque. Cette dernière, rappelons-le, reprenait l’essentiel du plan du 25 juin rejeté ce soir par les électeurs grecs à quelques exceptions près (maintien du rabais de 30 % de la TVA dans les îles de la mer Egée, suppression plus tardive de la retraite complémentaire pour les plus fragiles, par exemple). Elles sont donc acceptables par les créanciers. Mais Athènes n’acceptait ces sacrifices que dans le cadre d’une restructuration de cette dette insoutenable comme l’a encore reconnu le FMI vendredi 3 juillet. il faudra donc aussi que la chancelière accepte d’en parler.

Les “promesses intenables” d’Angela Merkel

On a beaucoup glosé sur les « promesses intenables » d’Alexis Tsipras. Mais on a oublié une autre promesse intenable : celle d’Angela Merkel faite à ses électeurs de récupérer les sommes versées à partir de 2010 à la Grèce dans le cadre d’une cavalerie financière intenable. La démagogie n’est pas toujours là où on l’attend et Angela Merkel arrive ce soir au bout de ses « promesses intenables. » Elle doit donc accepter de discuter – Athènes ne demande pas davantage – de l’avenir de la dette grecque.

La responsabilité de la chancelière face à l’avenir de l’Europe

C’est donc un choix difficile pour la chancelière. Si elle refuse d’emprunter cette voie, si elle continue de laisser décider la BCE, l’Eurogroupe et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble – qui estime que le Grexit pourrait n’être que « temporaire »  et était sans effet pour l’Europe -, alors elle pourrait devoir aussi en assumer les terribles conséquences. D’abord, pour la Grèce elle-même. Si le Grexit tourne mal, elle devra répondre de l’aggravation d’une situation humanitaire déjà bien dégradée. Ensuite, elle devra savoir qu’elle entrera dans l’Histoire comme celle qui aura défait tout ce que la génération précédente avait construit. L’Union économique et monétaire deviendra un système de taux de change fixe. A tout moment, il sera possible d’en sortir ou de s’en faire expulser. Ce sera une construction dénuée de sens politique. Par ailleurs, pour refuser d’accepter la réalité de l’insoutenabilité de la dette grecque, la chancelière risque de devoir faire face à un défaut unilatéral de la Grèce, et elle et son ministre des Finances devront expliquer aux contribuables allemands que leur rigidité leur a fait perdre des montants bien plus importants que ce qu’ils avaient voulu sauvegarder. Enfin, elle devra assumer les risques qui sont aujourd’hui minimisés peut-être à tort d’un Grexit sur la conjoncture alors qu’un krach boursier se profile en Chine…

Au pied du mur

Ce soir donc, les Grecs placent clairement Angela Merkel face à ses responsabilités. La journée de lundi sera décisive. La chancelière rencontrera François Hollande en soirée. Mais elle devra auparavant faire savoir si elle accepte ou non la réouverture des négociations. Sans son accord, le Bundestag refusera toute discussion. Or, sans feu vert du Bundestag, le MES ne peut pas engager de discussions sur un nouveau programme. La chancelière est donc ce soir au pied du mur.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, 05/07/2015

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Grèce : les options de la BCE, par Romaric Godin

Lundi 6 juillet, la BCE va se réunir pour examiner la demande de relèvement du plafond des liquidités d’urgence de la Grèce. Une réunion cruciale. Revue des options.

Le « non » grec, franc, clair et massif pose désormais un problème d’envergure à la BCE. Lundi 6 juillet, le conseil des gouverneurs de l’institution de Francfort va se réunir pour examiner une nouvelle fois la demande de la Banque de Grèce déposée ce dimanche de relever le plafond de la liquidité d’urgence mis à la disposition des banques helléniques dans le cadre du programme ELA.  Or, de cette décision dépend très concrètement l’avenir de la Grèce dans la zone euro. Quelles sont les options possibles ?

Première option (la plus probable) : ne rien faire

La première option est que la BCE considère qu’il n’y a pas de changement. C’est l’option qui est jugé la plus crédible ce soir. La possibilité d’un accord reste la même qu’avant le « non », les négociations continuent et la BCE tient à en attendre l’issue. Elle maintient donc l’accès à l’ELA à son niveau actuel. Dans ce cas, la situation diffère en réalité peu de celle de l’option précédente, quoique la pression  soit théoriquement moins forte. Mais en réalité, le processus de sortie de la Grèce de la zone euro a déjà commencé avec le gel du niveau de l’ELA la semaine passée. Progressivement, la Grèce se détache de l’euro. Les transactions électroniques sont interrompues et, ce dimanche soir, Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances a annoncé l’émission de titres de créances de l’Etat ayant valeur monétaire (les « IOU »), qui ne sont rien moins qu’une monnaie parallèle. Autrement dit, un gel de l’ELA continue le processus de divorce entre la Grèce et la zone euro.

Deuxième option (possible) : augmenter les décotes sur les collatéraux

Mais le Conseil des Gouverneurs de la BCE peut considérer qu’il reste un espoir d’accord compte tenu de la réunion de l’Eurogroupe et des dirigeants de la zone euro mardi 7 juillet, mais aussi des déclarations d’Alexis Tsipras appelant à des discussions. Comme cet espoir n’est pas certain, cependant, il peut estimer que la valeur des titres déposés par les banques grecques en garantie (collatéraux) pour obtenir les crédits de l’ELA (rappelons que cet argent n’est pas « donné » aux banques) est dégradée puisque le risque de défaut grec est plus élevé. Une grande partie de ces titres sont en effet soit des titres de l’Etat grec, soit des titres garantis par l’Etat grec.

En conséquence, le CG de la BCE rejettera alors la demande de la Banque de Grèce et durcira les conditions pour avoir accès aux liquidités de l’ELA en abaissant la décote appliquée pour le calcul de la valeur des collatéraux. Dans ce cas, la capacité d’emprunt des banques grecques va se réduire. Compte tenu de l’état des banques grecques, cette décision conduirait encore à un durcissement de la situation sur le terrain, sans doute avec de nouvelles restrictions pour les retraits et des relations financières encore plus difficile entre la Grèce et le reste du monde. Dans ce cas, la BCE n’expulse pas la Grèce de la zone euro, mais elle met la pression davantage sur le gouvernement grec et les Européens pour trouver une solution rapidement. Mais elle prendra le risque d’un « Graccident » si le manque de liquidité conduit à une détérioration de la situation intenable.

Troisième option (peu probable) : couper l’ELA

La troisième option de la BCE serait que le Conseil des Gouverneurs considère que ce « non » réduit à néant toute possibilité d’accord. Il suivrait donc l’avis du vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel qui considérait dimanche soir « qu’Alexis Tsipras a détruit les derniers espoirs d’entente. » Dans ce cas, le défaut est inévitable et les collatéraux des banques grecques ne valent plus rien. L’ELA ne peut donc plus être poursuivie. Les banques grecques se retrouvent alors immédiatement en état de faillite, incapable de fonctionner. Athènes devra alors réagir vite. Il est possible de renflouer les banques avec les dépôts, mais c’est très douloureux socialement et cela ne règle pas le problème de liquidité des banques. La Grèce devrait sans doute nationaliser les banques, mais là encore, il faudra régler le problème de la liquidité. L’émission d’une nouvelle monnaie deviendrait incontournable. La BCE aura expulsé de facto le pays de la zone euro. C’est une option peu vraisemblable compte tenu des négociations encore en cours. Surtout, couper l’ELA nécessite une majorité des deux tiers au Conseil, ce qui est sans doute difficile à obtenir.

Quatrième option (peu probable) : relever le plafond de l’ELA

La dernière option est celle où le Conseil des Gouverneurs considère que le « non » a renforcé la possibilité d’un accord et donne satisfaction aux demandes de la Banque de Grèce. Dans ce cas, les banques grecques pourraient rouvrir rapidement, mais les restrictions aux guichets pourraient rester en place pour éviter une hémorragie des dépôts. Ce serait le scénario le plus favorable à la Grèce et qui écarterait tout risque de Grexit dans l’immédiat. Mais c’est aussi le moins probable compte tenu des réactions au « non » entendu en Allemagne. La BCE ne peut prendre une telle décision avant les réunions de mardi.

Comment éviter le Grexit ?

On le voit, la possibilité d’une sortie de la Grèce de la zone euro reste très élevée. L’option la plus favorable serait celle d’un gel de l’ELA lundi 6 juillet, d’une ébauche d’accord le lendemain et, mercredi, d’un relèvement du plafond de l’ELA par la BCE. Mais le jeu politique européen n’étant pas si simple, la situation peut à tout moment déraper. D’autant, on l’aura compris, que la Grèce glisse progressivement vers la sortie de l’UEM. Surtout, il n’est pas à exclure que les 18 décident de provoquer l’expulsion de la Grèce en ruinant toute possibilité d’accord. Déjà, ce dimanche soir, Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe a jugé « regrettable » le résultat du référendum. Si aucun accord n’est possible, la situation de la BCE deviendra intenable. Elle ne pourra plus guère utiliser l’ELA. Mais elle est tenue – on l’oublie souvent – par les traités à assurer la « stabilité monétaire de la zone euro. » Or, la Grèce est encore dans la zone euro et couper l’ELA pour expulser la Grèce pourrait mettre en cause cette stabilité. La BCE est désormais en première ligne, mais elle est face à une impasse.

Source : Romaric Godin, La Tribune, 6/7/2015

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P.S. pour information, un “journaliste” chien de garde, c’est ça (ça oeuvre entre autres à l’amitié entre les peuples) :

Sinon, un député en 2015 c’est ça :

(Hmmm, M. Estrosi, c’est donc bien vous qui avez prêté mon argent à la Grèce, c’est ça ? Mais bon, vous avez raison, faites tout péter M. le motodidacte et vos vols à 138 000 €, vous verrez votre vie va changer quand on n’aura plus la dette pour financer les délires…)

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Edit : superbe interview du Figaro :

Référendum grec : «Rien ne sera plus jamais comme avant»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Avant le référendum grec, Coralie Delaume a accordé un long entretien à FigaroVox. Selon elle, quel que soit le résultat du scrutin, ce vote devrait bouleverser en profondeur une Europe en panne de démocratie.


Coralie Delaume est essayiste. Fine connaisseuse du droit communautaire, elle a notamment publié «Europe. Les Etats désunis» (Michalon, 2014). Découvrez ses chroniques sur son blog.


PROPOS RECUEILLIS PAR  ALEXANDRE DEVECCHIO @AlexDevecchio


Depuis l’annonce de la tenue d’un référendum en Grèce, la classe politique européenne est en émoi. «Je demande au peuple grec de voter oui, indépendamment de la question qui sera posée» a notamment déclaré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker? Que vous inspire ce type de réaction?

Voilà un homme qui aime vivre dangereusement! Heureusement pour lui, Alexis Tsipras na pas choisi une question de type «la Grèce doit-elle quitter la zone euro?». Dans le même genre, on a également eu quelques belles sorties de Michel Sapin telles que «le vote non n’aura pas les mêmes conséquences que le vote oui», ou encore: «je ne sais pas discuter avec quelqu’un qui dit non».

En fait, on se rend compte que tous ces gens n’ont plus la moindre idée de ce qu’est un référendum et, au delà de ça, de ce qu’est la démocratie. C’est assez inquiétant. Mais à vrai dire, comment s’en étonner? Jean-Claude Juncker avait été celui qui, dès l’arrivée au pouvoir de Syriza en Grèce, avait affirmé: «Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités (…) Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens …»

Pour lui comme pour beaucoup d’autres, une alternance politique n’a pas vocation a entraîner des changements. Les élections nationales servent surtout à occuper les citoyens, à les distraire, elles sont pure comédie. Et d’une certaine façon, Juncker a raison. L’Union européenne a été bâtie de telle sorte que la démocratie en soit bannie. Il suffit de se plonger un peu dans la mécanique, dans le droit de l’Union, dans le fonctionnement de l’euro, pour s’en apercevoir.

Ces réactions révèlent donc un problème de démocratie en Europe?

Bien sûr, et pas qu’un peu! Je voudrais faire valoir trois arguments.

Première chose: comme le dit souvent l’économiste Frédéric Lordon et comme il l’a encore rappelé récemment, de très larges pans de ce que devrait être la «politique économique» ( par définition fluctuante: une politique prend en compte le contexte ) ont été gravés dans le marbre de traités. Or la démocratie, c’est avant tout le débat. Mais de quoi voulez-vous débattre quand tout ce qui devrait relever du conjoncturel et de l’adaptable a été ossifié? On ne peut pas débattre de la politique monétaire: d’abord, elle échappe aux États donc aux représentants des peuples. Ensuite, les contours de cette politique sont prédéterminés dans les statuts de la BCE. Certes, Mario Draghi tend à s’asseoir dessus de plus en plus souvent. Il fait un peu ce qu’il veut quand et comme il le veut. Sauf que…. personne n’a élu Mario Draghi!

On ne peut pas débattre non plus de la politique budgétaire. Elle est prédéterminée par les critères dits de convergence (qui imposent de maintenir de déficit public en deçà de 3%) et, désormais, par les deux paquets de textes hyper contraignants que sont le Six Pack et le Two Pack de même que par le Pacte budgétaire européen (le TSCG).

On ne peut pas débattre, enfin, de la mise en œuvre d’une vraie politique industrielle: l’État stratège a cédé le pas au principe sacro-saint de la «libre concurrence», inscrit en lettre d’or dans les traités. Au bout du compte, que reste-t-il? Dans le domaine de l’économie, rien. Quand on vote aujourd’hui aux élections présidentielles ou législatives, il faut bien en avoir conscience: on vote pour des gens qui n’auront aucune possibilité d’agir sur l’économie de leur pays. Dans ce domaine au moins (la politique économique), l’alternance est d’une innocuité totale.

On ne peut attendre de l’Union européenne qu’elle soit démocratique, car la démocratie par définition, c’est « le pouvoir du peuple ». Or il n’y a pas de peuple européen. Il y a 28 peuples nationaux.

Deuxième chose: depuis les années 1960, il est admis qu’il existe une primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. C’est la Cour de justice des communautés européennes (CJCE à l’époque, CJUE aujourd’hui) qui l’a décidé, à l’occasion d’arrêts fondateurs, les arrêts Van Gend en Loos de 1963 et Costa contre ENEL de 1964.

J’insiste: ce sont des arrêts. Ils relèvent de la jurisprudence de la Cour et leurs conclusions n’ont donc jamais été débattues par quelque Parlement que ce soit. Depuis lors, aucun État ne les a contestés. Le fait que le droit supranational, qu’il s’agisse des traités ou du droit dérivé (directives, règlements) s’applique sans discussion à tout les États-membres, est vécu comme une sorte de fatalité. Ainsi, tout nouvel État venant à entrer dans l’Union est tenu de transposer en droit interne des pages et des pages «d’acquis communautaire». Pendant qu’il s’y emploie, son Parlement se transforme ponctuellement en chambre d’enregistrement. Je n’irai évidemment pas jusqu’à dire que toutes nos lois nous sont imposées du dehors: c’est faux. Pour autant, dans un livre dense et passionnant sur l’histoire de l’intégration européenne intitulé Le Passage à l’Europe, le philosophe Luuk Van Middelaar affirmait, au sujet de la Cour de justice de l’Union et de ses célèbres arrêts de 1963-64: «lorsque les États reconnaissent la Cour comme porte-parole de la fondation européenne, ils sont juridiquement domptés». Être dompté: quelle heureuse perspective pour un démocrate!

Et attention: il ne faut pas croire, sous prétexte qu’on n’en parle rarement, que la CJUE n’existe plus ou n’a plus aucune action . Tout récemment, elle a été amenée à statuer sur le programme OMT (Outright monetary transactions), un programme non conventionnel lancé par Mario Draghi en 2012 pour «sauver l’euro». Elle a évidemment considéré que ce programme était bel et bon. C’est remarquable: une institution supranationale non élue, la BCE, met au point un programme qui semble contrevenir à la mission que lui assignent les traités. A la demande de la Bundesbank puis de la Cour constitutionnelle allemande, ce programme est déféré devant une autre institution supranationale non élue, la CJUE, qui l’avalise. La Banque centrale et la Cour de justice dialoguent donc entre elles, se font des politesses, se délivrent l’une à l’autre des certificats de bonne conduite. Quelle chance de réussite peut avoir un véritable gouvernement d’alternance comme celui d’Alexis Tsipras dans un tel environnement?

Troisième et dernière chose: on ne peut attendre de l’Union européenne qu’elle soit démocratique, car la démocratie par définition, c’est «le pouvoir du peuple». Or il n’y a pas de peuple européen. Il y a 28 peuples nationaux. Si l’Europe était un organisme inter-national, ces peuples pourraient coopérer, avoir des relations de bon voisinage et d’amitié. Mais l’Union est une structure supra-nationale, qui exige que chacun de dépouille de large morceaux de souveraineté. On a vu à quoi cela conduit: ce sont désormais 28 légitimités qui s’affrontent, dans le but essentiel de ne pas se laisser dévorer par l’échelon de surplomb, l’échelon communautaire. Dans le cas qui nous occupe, il est assez clair que la Grèce est en train d’affronter l’Allemagne. Le gouvernement grec cessera d’être légitime aux yeux de son peuple dès lors qu’il acceptera de faire ce que son appartenance supranationale exigerait de lui: renoncer à essayer de sortir son pays de l’austérité et exiger un allégement de sa dette. Le gouvernement allemand, pour sa part, cessera également d’être légitime aux yeux de son peuple s’il renonce à faire ce que son appartenance supranationale devrait lui imposer: se montrer solidaire, renoncer à ses créances sur la Grèce et accepter la restructuration de la dette hellène. Dans le premier cas, Tsipras faillirait à sa parole puisqu’il a promis la fin des privations. Dans le second cas, Merkel faillirait à sa parole puisqu’elle a promis de protéger le contribuable allemand.

Nous sommes dans un nœud de contradictions et, comme le dit le juriste Régis de Castelnau, « L’UE n’est pas un organisme démocratique. Elle n’est pas anti-démocratique, elle est a-démocratique »

C’est insoluble. Nous sommes dans un nœud de contradictions et, comme le dit le juriste Régis de Castelnau, «L‘UE n’est pas un organisme démocratique. Elle n’est pas anti-démocratique, elle est a-démocratique» . Elle est devenue le lieu où se percutent violemment les intérêts contradictoires de différents pays. Le premier qui cesse de faire entendre sa voix cesse d’être une démocratie véritable pour devenir une «post-démocratie», sorte d’objet politique un peu flasque au sein duquel les libertés individuelles sont préservées, mais où n’existe plus aucune possibilité de choix collectif. La France est dans ce cas. L’Allemagne est l’une des dernières démocraties d’Europe: elle a pu le rester parce qu’elle est le pays le plus fort, et cela ne s’est fait qu’au détriment des pays voisins. La Grèce, elle, tente de redevenir une démocratie. A cet égard, le référendum décidé par Alexis Tsipras, quel que puisse être son résultat, est un très beau pas en avant.

Dans le journal Le Monde, Nicolas Sarkozy, qui lors de son retour a fait du recours au référendum l’une de ses propositions phares, trouve anormal qu’Alexis Tsipras appelle à voter non. Comment expliquez-vous ce paradoxe?

Nicolas Sarkozy est l’homme même qui a inventé l’invalidation de la parole du peuple par le Parlement en faisant ratifier par le Congrès, en 2008, un traité (Lisbonne), rejeté par référendum trois ans avant. Que pouvait-on attendre de lui?

En fait, beaucoup de gens se révèlent à l’occasion de cette crise grecque. Ils sont mis à nu. Dans le cas de Sarkozy, on voit bien quel genre de société il appelle de ses vœux. Un chef de parti qui propose, d’une part, de remettre en cause le principe du droit du sol, d’autre part de s’en remettre à l’Allemagne pour tout le reste (ce qu’il a d’ailleurs toujours fait lorsqu’il était Président: il a été un second très obéissant pour Mme Merkel), je ne vois plus trop où le classer politiquement.

Pour en revenir à Tsipras et au fait qu’il appelle à voter «non», j’avoue que je ne comprends pas où est le problème. Syriza est arrivé au pouvoir en janvier avec 36,5% des suffrages seulement. Ils se sont fait élire sur une promesse qui, personnellement (l’euro me semble être une monnaie austéritaire par construction) me paraissait contradictoire: mettre fin à l’austérité d’une part, demeurer dans la monnaie unique d’autre part. Arrivée à un certain point de la négociation, Alexis Tsipras s’est aperçu qu’il ne parvenait pas à tenir sa promesse. Les toutes dernières propositions qu’il a faites la semaine dernière étaient véritablement des propositions austéritaires, et il a dû lui en coûter beaucoup de les formuler. Malgré cet effort substantiel, les créanciers lui ont retourné sa copie biffée de rouge, comme on on le fait avec un petit enfant qui aurait pondu un mauvais devoir. Au comble de l’humiliation, voyant bien qu’il n’avancerait pas davantage, le Premier ministre grec a convoqué un référendum.

La raison en est aisément compréhensible. Elle a été donnée par le ministre Yanis Varoufakis : pour pouvoir poursuivre son combat en position de force, le gouvernement hellène a désormais besoin de 50% des voix +1, c’est à dire de la majorité absolue. Tsipras en appelle au peuple dans l’espoir d’obtenir le surcroît de légitimité nécessaire pour pour pouvoir aller plus loin. Y compris, peut-être, jusqu’à la rupture.

Il est donc plus que logique qu’il milite pour le «non». S’il le «oui» l’emporte, il a toutefois affirmé qu’il le respecterait, mais également qu’il se retirerait, afin de ne pas avoir à endosser une politique contraire à ses idées. Où est le scandale? En France, le général de Gaulle gouvernait comme ça. Cela a-t-il ruiné la France? Je ne crois pas….

Je ne doute pas une seconde que bon nombre de leaders européens adoreraient la solution prônée par Martin Schultz : la mise en place d’un gouvernement de technocrates. Je rappelle pour mémoire que Martin Schultz est social-démocrate, et que dans social-démocrate il y a « social » et « démocrate ».

Beaucoup d’observateurs prédisent le chaos en cas de vote non. Leurs inquiétudes ne sont-elles pas légitimes?

J’ai l’impression que l’impasse serait bien plus totale en cas de vote «oui». Tsipras quitterait ses fonction avec, probablement, l’ensemble de son gouvernement. Il y aurait donc un nouveau scrutin. Or Syriza demeure très populaire dans le pays. Que se passerai-il alors? Les mêmes seraient réélus et on en reviendrait aux mêmes points de blocage. A moins que les Grecs recourent une nouvelle fois au second parti du pays, Nouvelle Démocratie. Mais cette fois, on en reviendrait carrément à la situation d’avant le 25 janvier 2015. Avec le sentiment terrible, pour la population, que rien n’avance et que rien n’est possible.

Je ne doute pas une seconde que bon nombre de leaders européens adoreraient la solution prônée par Martin Schultz: la mise en place d’un «gouvernement de technocrates» . Je rappelle pour mémoire que Martin Schultz est social-démocrate, et que dans social-démocrate il y a «social» et «démocrate». Je rappelle également qu’il préside le Parlement européen, cette institution qu’on nous a vendue comme étant le haut lieu d’une démocratie européenne en devenir, et dont on nous disait que tout deviendrait rose sitôt qu’elle aurait accru ses prérogatives.

Bref, Martin Schultz et quelques autres sont devenus des alliés objectifs de l’Aube Dorée. Je pense d’ailleurs qu’ils le savent, et que ça leur convient. Car si le parti d’extrême-droite arrive un jour au pouvoir à Athènes, ça leur donnera une nouvelle occasion d’injurier les Grecs, de leur intenter un procès en fascisme. Du coup, ils ne prennent même plus la peine de dissimuler leur malveillance.

Si la Grèce fait défaut sur sa dette, les contribuables européens vont payer pour les banques.

Certains grands titres ont parlé de «braqueur de banques» au sujet d’Alexis Tsipras … Au-delà des politiques, en France, la majorité des médias et des éditorialistes font campagne pour le oui. La comparaison avec le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen vous parait-elle justifiée?

Ce qualificatif de «braqueur de banques» ne manque pas de sel quand on sait que la majeure partie de l’aide accordée par la Grèce en 2010 a constitué, en réalité, une recapitalisation déguisée des banques européennes, principalement françaises et allemandes. La Grèce n’a finalement servi que de courroie de transmission pour des sommes énormes qui sont passées des mains d’entités publiques (États membres, FMI, BCE) dans les poches d’entités privées, sans que la population hellène en voie jamais la couleur. Plusieurs économistes qui se sont trouvés au cœur des négociations à l’époque le disent aujourd’hui . En 2010, la Grèce était déjà insolvable. Le défaut était inévitable et il aurait dû intervenir immédiatement. On ne l’a différé que pour laisser le temps à quelques banques très exposées de faire leurs valises. Ces établissements, qui avaient joué avec le feu en prêtant à risque et avaient touché à cette fin des intérêts très importants (le taux d’intérêt n’est rien d’autre que la rémunération du risque), ont empoché des gains et essuyé des pertes mineures. Et on a transféré le risque sur les contribuables européens, auxquels on dit aujourd’hui qu’ils vont payer pour les Grecs. C’est un mensonge. Si la Grèce fait défaut sur sa dette, ils vont payer pour les banques.

Concernant la campagne menée par les éditorialistes français…. certes, elle existe. Mais ça ne me semble même pas être le plus grave. Le plus grave, c’est que toute l’eurocratie milite pour le «oui».

Ça, c’était avant l’annonce du référendum. Cette dernière ayant pris tout le monde de court, les créanciers ont alors changé de braquet. Ils ont entrepris de faire gagner le « oui ».

Plus grave encore: depuis le début, il y a une volonté authentique de déstabilisation du gouvernement Tsipras. Le journal Le Monde s’est même risqué à proposer un scénario du putsch : «Imaginons donc un scénario de crise: 30 juin, constat de défaut de la Grèce: 1er juillet, panique bancaire et instauration d’un contrôle des changes par Tsipras, contraint et forcé ; 2 juillet, mise en minorité du gouvernement Tsipras par les irréductibles de Syriza ; 3 juillet, constitution d’un gouvernement d’union nationale, avec ou sans Tsipras ; 4 juillet, retour des négociateurs à Bruxelles-Canossa. Odieusement antidémocratique? Les Grecs jouent au poker. Pourquoi pas nous?» écrivait carrément Arnaud Leparmentier.

On constate que le scénario a été plutôt bien suivi. Pour commencer, on a d’abord conduit Tsipras à formuler des propositions dont on espérait qu’il serait incapable les faire voter par son aile gauche, ce qu’il fit en milieu de semaine dernière. Il fallait que Syriza se scinde pour pouvoir soit se débarrasser de Tsipras, soit le contraindre à faire alliance avec le parti centriste To Potami, voire avec les conservateurs de l’aile Kamaranlis. Cette stratégie des créanciers, le journaliste britannique Paul Mason l’avait déjà mise à jour dès le mois d’avril .

Ça, c’était avant l’annonce du référendum. Cette dernière ayant pris tout le monde de court, les créanciers ont alors changé de braquet. Ils ont entrepris de faire gagner le «oui». Comment? De très simple manière. Dans un premier temps, l’Eurogroupe a refusé de poursuivre le programme d’aide au delà de sa date originelle de fin, c’est à dire du 30 juin. Dans un second temps, la Banque centrale européenne a décidé de maintenir l’accès des banques grecques à la liquidité d’urgence (ELA), mais sans en augmenter le plafond, alors même que l’annonce du référendum avait conduit à de très importants retraits d’argent liquide tout au long du week-end dernier, et que les banques du pays étaient à sec. La décision de Mario Draghi de ne pas couper brutalement l’ELA a été présentée comme un cadeau fait à la Grèce. Mais de quel cadeau parle-t-on? C’est la mission même d’une banque centrale que de refinancer les banques de second rang et cela, partout dans le monde. Le seul cas où elle doit s’abstenir de le faire, c’est si lesdites banques sont insolvables. Comment sait-on si les banques grecques sont insolvables ou simplement illiquides? Si elles sont insolvables, pourquoi la BCE a-t-elle augmenté le plafond de l’ELA trois fois au cours de la semaine dernière? Si elle sont simplement illiquides, pourquoi ne les refinance-t-on pas sans discuter? La réponse est évidente: pour contraindre le gouvernement grec à décider de la mise en place d’un contrôle des capitaux, mesure dont tout le monde savait qu’elle serait très impopulaire et militerait avec une efficacité redoutable en faveur du «oui»….

Depuis le début, les Bruxellois sont tellement sûrs qu’ils parviendront à se débarrasser du remuant Tsipras, qu’ils ont même entrepris de commencer à former le gouvernement grec de substitution. Dans ce cadre, ils ont reçu celui qu’ils considèrent probablement comme le Premier ministre idéal, le leader du parti To Potami Stavros Théodorakis. Comme le souligne ici la rédactrice en chef d’une revue grecque de philosophie Vicky Skoumbi, cet homme, chef d’un parti qui représente à peine 6% des suffrages en Grèce, a été accueilli en fanfare… le jour même où l’on faisait officiellement savoir à Tsipras que ses toutes dernières propositions étaient rejetées. Le même jour, l’on recevait également la nouvelle patronne du PASOK. Et la veille, on invitait Antonis Samaras.

On n’a donc que ça à faire, à Bruxelles? Organiser des déjeuners avec toute l’opposition grecque alors qu’on est au cœur d’un processus de négociation difficile? Vicky Skoumbi parle de tentative de «coup d’État financier contre Athènes». Très honnêtement, même si ça sonne complotiste aux oreilles de certains, j’ai bien peur qu’elle soit proche de la vérité. En tout état de cause, si le vote «oui» l’emporte dimanche, on saura qu’on ne le doit pas qu’au seul peuple grec….

Mince. J’avais raté ce réjouissant élément d’information. Décidément, aucune injure ne sera épargnée à ce peuple. On nous a dit que les Grecs étaient dispendieux, fainéants, tricheurs. Les voilà antisémites!

Il y a en Grèce, c’est vrai, un parti néonazi: l’Aube dorée. Mais, faut-il le rappeler, il a obtenu à peine plus de 6% aux législatives de janvier. Dans un pays aussi durement touché par la crise, c’est plutôt une contre-performance.

Il a beaucoup été dit, sinon, que Tsipras gouvernait avec un parti d’extrême-droite, les Grecs indépendants. C’est une erreur: les Grecs indépendants ne sont pas des extrémistes. Il s’agit d’une formation de droite ordinaire, issue d’une scission de Nouvelle Démocratie. Leur particularité est qu’ils sont souverainistes, et c’est surtout ça, me semble-t-il, qu’on leur reproche.

Il y a bien eu, en revanche, dans les précédents gouvernements grecs, ceux dirigés par Antonis Samaras, de vrais ministres d’extrême-droite, comme par exemple Adonis Georgiadis ou Makis Voridis , tous deux passés par le LAOS. Au demeurant, les deux étaient déjà membres du gouvernement dirigé par l’ancien banquier central Papadimos en 2011 . Cela a-t-il empêché les associations antiracistes de dormir à l’époque? Je ne me le rappelle pas.

Si le non grec l’emporte, peut-il être ignoré comme le fut le non français?

Non. Cette fois-ci, c’est différent. D’abord parce que le gouvernement grec appelle lui-même à voter non. Ensuite parce que tous les caciques de cette Union européenne se sont dévoilés. Leur aversion pour la démocratie s’est vue comme un nez au milieu de la figure. Là dessus, il ne pourra y avoir de retour en arrière.

D’ailleurs, il n’y aura pas de retour en arrière non plus si le «oui» l’emporte. En réalité, c’est la tenue du référendum elle-même qui représente un tournant. Elle rend caduque l’idée selon laquelle il n’existe aucun choix possible au sein de l’Union européenne. Elle prouve par les faits que, même seul, même sans allié au sein de l’UE, le gouvernement d’un petit pays peut tenir tête. On imagine aisément ce que ça pourrait donner si, demain, le gouvernement d’un grand pays de l’eurozone se mettait à vouloir exercer, lui aussi et pour de vrai, le pouvoir qu’il a reçu des urnes.

Bref, Jean-Claude Junker s’est fourvoyé: les citoyens ont encore le choix. Il y a un choix démocratique possible même dans le cadre des traités européens.

Source : LeFigaro vox, 3/7/2015

Source: http://www.les-crises.fr/grece-le-non-grec-place-angela-merkel-au-pied-du-mur/


[Recommandé] Crises et Dévoilement, par Jacques Sapir (+ bonus)

Sunday 5 July 2015 at 03:30

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Nul ne peut prévoir le résultat du référendum qui se tiendra en Grèce le 5 juillet prochain. Les électeurs grecs sont soumis à une pression tant économique que médiatique sans précédents pour les convaincre de voter « oui ». Les exemples ici abondent, depuis les déclarations des hiérarques de l’Union européenne (les Juncker, Schulz et autres) jusqu’aux pressions faites par les entreprises grecques, en passant bien entendu par la pression la plus importante, et la plus significative, celle de la Banque Centrale européenne qui a coupé l’accès au compte Target2 des entreprises grecques, les empêchant de commercer avec l’étranger. On est en train d’étrangler la Grèce, en la privant de liquidités, et ce au moment même ou le FMI reconnaît le bien-fondé des positions défendues par le gouvernement d’Alexis Tsipras. L’ampleur de l’ingérence européenne est sans égale ; elle constitue un scandale inouï et un déni de démocratie immense. Elle jette un doute sur l’honnêteté du résultat si le « oui » devait l’emporter.

Mais, ce référendum a permis en quelques jours d’opérer un dévoilement important de l’attitude tant de l’Eurogroupe que de l’Union européenne. Ce dévoilement de la nature réelle des institutions européennes est un fait important pour l’ensemble des peuples qui vivent sous ce qu’il nous faut bien aujourd’hui appeler la coupe de l’UE. Il faut donc ici faire le bilan de ce que nous avons appris à la fois dans les mois qui nous séparent de l’élection de janvier dernier et surtout dans les jours qui ont suivi l’annonce du référendum.

La position, tant de l’Eurogroupe que de la Commission européenne, ou du Conseil européen, vis-à-vis du gouvernement grec n’a nullement été fondée sur un constat économique mais elle a toujours procédé d’un parti-pris politique. En effet, il était clair que les demandes de restructurations que le gouvernement grec a présenté sans relâche depuis le mois de février dernier de la dette étaient fondées. De nombreux économistes l’ont écrit[1]. Même le FMI l’a récemment reconnu[2]. Il est aujourd’hui évident que cette restructuration devra avoir lieu, et que le plus tôt sera le mieux. Les rejets multiples et répétés de ces propositions par l’Eurogroupe n’ont eu pour seul objectif que d’aboutir soit à la capitulation du gouvernement grec soit à sa démission. La déclaration de Martin Schulz, Président du Parlement européen le confirme[3]. Il est donc désormais bien établi que les institutions européennes n’ont eu de cesse que d’obtenir le départ d’un gouvernement démocratiquement élu. Ceci en dit long sur la notion de « démocratie » dont on se gargarise tant à Bruxelles qu’à Strasbourg. Ces « institutions » ont donc mené une guerre sans relâche contre le gouvernement grec, n’hésitant devant aucune manœuvre pour le déstabiliser. On en a eu une confirmation avec les méthodes odieuses qui sont utilisées contre lui depuis qu’il a décidé de recourir au référendum.

L’Eurogroupe, qui est l’instance assurant le pilotage de l’Union Economique et Monétaire, que l’on appelle la « zone Euro » n’a pas hésité à violer les règles tacites de fonctionnement établies depuis maintenant des décennies que ce soit du temps du « Marché Commun » ou de celui de l’Union européenne. En décidant de tenir une réunion dont le ministre Grec, M. Varoufakis, serait exclu, l’Eurogroupe, et en particulier son Président M. Dijssenbloem ne se sont pas seulement comportés de manière illégale, mais surtout de manière contraire aux principes qui sont censés être respectés entre les différents pays de l’UE. Il s’agit, ici encore, d’un abus de pouvoir inouï. Il n’a de parallèle que la décision de la Banque Centrale Européenne de couper les comptes Target2 (ou système électronique de transferts intra-zone) des entreprises grecques, organisant une pénurie artificielle de liquidités en Grèce, pénurie qui pèse de manière dramatique sur la situation de la population et qui compromet la tenue du référendum. C’est la première fois que, dans l’Histoire, une Banque Centrale organise une crise financière au sein de la zone dont elle a la responsabilité, non par incompétence mais à dessein. A nouveau, nous sommes confrontés à un abus de pouvoir inouï. Cet abus de pouvoir signifie en réalité que, sans le dire, la BCE a exclu la Grèce de la zone Euro. Si tel n’était pas le cas, la BCE aurait dû continuer à respecter les comptes Target2 des entreprises. Cela signifie que tant l’Eurogroupe que la BCE ne respectent pas la souveraineté de la nation grecque. Nous sommes revenus à la situation des années 1960 quand Leonid Brejnev affirmait la doctrine de « souveraineté limitée » des pays de l’Est vis-à-vis de l’Union soviétique. Ce qu’on fait l’Eurogroupe et la BCE est l’équivalent financier de l’intervention soviétique à Prague en août 1968. Nous sommes donc bien confronté à une tyrannie. Il faut en mesurer soigneusement toutes les conséquences.

On peut en déduire que l’Euro n’est pas une monnaie, ni même un projet économique, mais qu’il est un mode de gouvernement qui vise à imposer les règles du néo-libéralisme contre l’avis des peuples. Telle est la conclusion logique des dénis de démocratie que l’on a décrits et que le gouvernement grec, avec beaucoup de courage et un grand discernement, ont permis de dévoiler. Le maintien de l’Euro ne se justifie pas par des arguments économiques, mais essentiellement par la volonté politique de domination qui aujourd’hui s’incarne dans l’Allemagne, mais qui s’étend, que l’on parle ici de « collaboration » ou de « syndrome de Stockholm » n’a que peu d’importance, aux élites politiques de l’Espagne, de la France et de l’Italie. De ce point de vue, l’absence de politique française, ou plus précisément la servilité compassionnelle dont elle fait preuve face à l’Allemagne sur la question de la Grèce est des plus instructives. On ne peut que s’indigner de la passivité du Ministre des Finances, M. Michel Sapin quand, le samedi 27 juin, M. Varoufakis a été exclu de la réunion de l’Eurogroupe. Mais reconnaissons que cette passivité est dans la logique de l’attitude française depuis le début. Rappelons ici qu’avant son élection M. Alexis Tsipras n’avait pas été reçu par les membres du gouvernement et du P « S »…

Ces comportements signifient la fin des illusions en ce qui concerne la possibilité d’aboutir à un « autre Euro » ou de « changer l’UE ». Il faut sur ce point être très clair. De nombreuses forces se sont bercées d’illusions sur ce point, que ce soit en Grèce, et c’est l’une des contradictions de Syriza, ou en France, avec l’attitude du PCF et du Parti de Gauche. Toute bataille menée de l’intérieur du système est appelée à rencontrer des obstacles tellement formidables que l’on peut douter de son succès. James Galbraith, après beaucoup d’autres, a écrit que seul le vote « non » au référendum du 5 juillet pourrait encore sauver l’Euro[4]. Ce qui est sûr est que, paradoxalement, le « oui » va accélérer la fin de l’Euro en mettant au jour la nature réelle de la zone Euro. Le voile de la soi-disant « rationalité » économique désormais déchiré, réduit à un mécanisme de domination, l’Euro se révèle dans sa nature la plus odieuse[5]. Vouloir « changer » l’Euro n’est plus aujourd’hui une simple erreur ; cela devient au vu de l’action de la zone Euro envers la Grèce une stupidité criminelle. Il faudra d’urgence que les différents partis qui ont joué avec cette idée se mettent rapidement au clair sur cette question ou qu’ils assument de n’être que l’aile compassionnelle de la tyrannie européiste.

Les erreurs stratégiques de Syriza pèsent alors lourd, même si la manière dont la négociation a été menée est digne d’éloge. Il convient de s’inspirer du combat mené mais de ne pas en répéter les erreurs. Ne s’étant jamais mis au clair sur cette question, le gouvernement grec n’a pu apporter au coup d’Etat financier organisé par Bruxelles qu’une réponse bien incomplète. A partir du moment où la clôture des comptesTarget2 des entreprises grecques était constatée il devait réquisitionner la Banque Centrale de Grèce pour que le pays ne se trouve pas à court de liquidité, ou émettre des certificats de paiement (garantis par le Ministère des finances). On rétorquera que cela aurait été interprété par l’Eurogroupe comme une rupture définitive. Mais l’action de la BCE était bien l’équivalent de cette rupture. Il n’est aujourd’hui pas dit que le « oui » l’emporte. Mais, s’il devait l’emporter, ce serait bien parce que le gouvernement grec n’a pas voulu aller jusqu’au bout de la logique dans sa lutte pour la démocratie.

Les leçons que l’on doit tirer de ce qui se passe actuellement en Grèce, que ce soit en France ou ailleurs, sont extrêmement importantes. Un gouvernement qui entrerait en conflit avec l’Eurogroupe et avec l’UE sait désormais à quoi s’attendre. Les risques de déstabilisation de la société sont immenses dès lors que l’arme financière est utilisée sans restriction par la BCE. Devant ces risques, du moins en France, nous avons une procédure d’exception qui est prévue par la constitution : c’est l’article 16. Le précédent de la Grèce montre que les pressions financières peuvent empêcher un fonctionnement normal des institutions. Le pouvoir exécutif serait alors en droit d’user de l’article 16 pour gouverner par décret dans la période de crise et pour répliquer, du tac au tac, aux actions venant de Bruxelles et de Francfort.

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[1] Voir Stiglitz J, « Europe’s attack on Greek democracy », le 29 juin 2015,http://www.project-syndicate.org/commentary/greece-referendum-troika-eurozone-by-joseph-e–stiglitz-2015-06

[2] Voir The Guardian du 2 juillet, http://www.theguardian.com/business/2015/jul/02/imf-greece-needs-extra-50bn-euros?CMP=share_btn_tw

[3] « Un gouvernement de technocrates pour en finir avec l’ère Syriza », déclaration de Martin Schulz, 2 juillet 2015,http://fr.sputniknews.com/international/20150702/1016824871.html

[4] Galbraith J., « Greece: Only the ‘No’ Can Save the Euro », 1er juillet 2015,http://www.prospect.org/article/greece-only-no-can-save-euro

[5] Lordon F., La Malfaçon, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2014

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 3 juillet 2015.

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Grèce : les Européens ont cherché à bloquer le rapport du FMI

Les pays de la zone euro ont tenté en vain d’empêcher la publication jeudi d’un rapport du Fonds monétaire international (FMI) appelant à une restructuration de la dette grecque.

Dans ce rapport publié à Washington, le Fonds monétaire estime que la dette de la Grèce ne sera pas viable si elle n’est pas considérablement allégée, éventuellement via une annulation de prêts accordés par ses partenaires de la zone euro.

Le FMI ajoute que la Grèce aura besoin de 50 milliards d’euros d’aide supplémentaire au cours des trois prochaines années pour couvrir ses besoins de financement.

Dans une allocution télévisée vendredi, Alexis Tsipras a invoqué ce rapport “d’une importance politique majeure” pour exhorter les Grecs à voter “non” dimanche lors du référendum portant sur des projets de réformes proposés par les créanciers de la Grèce en échange de leur aide financière.

Source : Le Figaro, le 3 juillet

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Bonus :

Un point très important : un sondage avec le oui (bleu) et le non (rouge) au coude à coude, mais, et c’est le point, par age (18-24 ans, … 65 ans et plus etc) :

comme en Ecosse, ce sont les vieux qui vont faire pencher l’élection, ce qui va finir par poser un gros problème aux actifs…

Sinon :

Du grand Minc…

Sinon, Libé a rencontré LeMonde : tout va bien ! :

(il doit parler des démocrates je pense)

Quatremer, de Libé, a une bonne vision de ce qu’est une négociation :

Et, très important à mon sens, on a ceci :

=> entre la fierté et la prospérité (donc l’argent), on doit choisir l’argent (qu’ils n’ont pourtant pas bien vu en Grèce). Bref, valeur de la fierté et de l’honneur de sa nation = 0 € ou presque… Comme pour les chiens de garde eux-mêmes en somme…

Sans commentaire sinon :

Sinon, l’insulte ultime par M. Lisbonne :

(il n’a pas démissionné lui en 2005 pourtant, non ?)

Et spécial “le président du Parlement européen” (vous savez le truc qui va sauver le démocratie, un jour…) :

Commentaire de Sapir :

Sinon, la Une de l’Obs ce soir :

Les plus partagés :

Et des infos plus importantes :

Et bien entendu, le petit moment Not’Bon’Minist’ :

a

 

Source: http://www.les-crises.fr/recommande-crises-et-devoilement-par-jacques-sapir/


Grèce : Grèce : les scénarios de l’après-référendum, par Romaric Godin

Sunday 5 July 2015 at 02:30

Grece : un référendum sous la pression de l’asphyxie économique

Le référendum grec se déroule dans une atmosphère délétère.

Le référendum grec se déroule dans une atmosphère délétère.

Le “oui” progresse dans les sondages avant le référendum de dimanche. Une évolution logique au regard de l’accélération de la dégradation économique cette semaine.

Le référendum du dimanche 5 juillet en Grèce sur les propositions des créanciers du 25 juin et leur proposition de soutenabilité de la dette va se tenir dans des conditions désastreuses sur le plan économique. Mais ce vote aura lieu dans une situation bien particulière. Le refus de l’Eurogroupe le 27 juin de prolonger le programme d’un mois, comme le demandait Athènes et la décision de la BCE dimanche 28 juin de ne pas relever le plafond des liquidités d’urgence disponibles pour le secteur financier grec, ont conduit à une asphyxie complète de l’économie. Lundi, le gouvernement grec a décidé de fermer les banques, de limiter les retraits à 60 euros quotidiens par carte et d’imposer un contrôle des capitaux. La Grèce est depuis dans un état d’asphyxie économique.

Un référendum hors standard ?

De nombreux observateurs se sont émus des conditions dans lesquelles ce référendum a été organisé. On a estimé que les huit jours de campagne ont été insuffisants et que les documents sur lesquels les Grecs devaient se prononcer n’étaient pas disponibles. Le Conseil de l’Europe a considéré que ce référendum ne remplissait pas les « standards européens » du vote. Le Conseil d’Etat grec doit se prononcer sur sa constitutionnalité ce vendredi. Mais derrière ces éléments juridiques, on oublie que les créanciers ont fait campagne en Grèce en faveur du « oui » à leurs propositions avec des moyens autrement plus puissants.

Un désastre économique

Le premier moyen est donc l’accès à l’aide à la liquidité d’urgence, le programme ELA de la BCE. Cette dernière n’entend pas provoquer un Grexit. Elle a donc maintenu l’accès à l’ELA sans le couper. Une attitude confirmée mercredi 1er juillet au soir. Mais ce gel est un moyen de pression formidable sur la population. L’asphyxie de l’économie grecque est chaque jour plus évidente. Les entreprises grecques ont été exclues du système électronique de transferts intra-zone euro Target 2. Ceci conduit à une impossibilité quasi-totale d’importer. Des pénuries de nourriture, d’essence et de médicaments ont été signalées, notamment dans les îles. Dans les banques, on commence à manquer de billets pour alimenter les automates. Retirer les 60 euros autorisés devient difficile. Selon le Daily Telegraph, il ne resterait que 500 millions d’euros de liquidités disponibles dans les banques grecques. L’économie grecque s’effondre. Selon Paul Mason, envoyé spécial de Channel 4 en Grèce, le chiffre d’affaires dans le commerce de détail non alimentaire a reculé de 30 % à 50 % en cinq jours.

Pour beaucoup d’électeurs, la question n’est donc pas de voter pour ou contre les propositions, mais pour ou contre le retour à la normale en apaisant la fureur des créanciers et de la BCE. Le « oui » ne peut donc que profiter de cette asphyxie économique organisée.

Des entreprises favorables au « oui »

Dans cette situation, beaucoup d’entreprises font plus ou moins ouvertement campagne pour le « oui » afin d’obtenir ce retour à la normale. Selon la chaîne publique ERT, certains chefs d’entreprises inciteraient ouvertement leurs employés à voter « oui », d’autres feraient dépendre le paiement des salaires ou le maintien des emplois d’un vote positif. Rien d’étonnant à cela : sans rétablissement rapide de la liquidité dans l’économie et de la capacité d’importer, ces entreprises pourraient rapidement disparaître. D’autant que la situation économique du pays était déjà dégradée. Dès lors, l’argument du « non » pour rejeter l’austérité devient naturellement fragile. Mieux vaut sans doute pour beaucoup une nouvelle cure d’austérité à un arrêt total de l’économie.

Des médias privés très engagés pour le « oui »

Le deuxième moyen de pression est plus classique. Les médias grecs privés se sont quasiment tous lancés dans une campagne pour le « oui. » Des statistiques récentes montraient que le temps accordé sur les chaînes privés aux manifestations du « non » le 29 juin était anecdotique : 8 minutes contre 47 minutes pour celle du « oui » le 30 juin. Ces médias sont prêts à toutes les manipulations.

Le tabloïd Press Star a ainsi utilisé en une jeudi 2 juillet la photo d’un vieil homme portant quelques pains pour illustrer le malheur des retraités grecs. Une photo qui s’est révélé être celle d’un survivant du… tremblement de terre turc de 1999.

L’enjeu défini par les institutions

Un jeu sur la peur que les créanciers n’hésitent pas à utiliser, eux aussi. La BCE a ainsi ouvertement fait du référendum un vote pour ou contre l’euro. Outre son action sur l’ELA, les déclarations mardi 30 juin au matin de Benoît Cœuré, membre français du directoire de la BCE, a mis fin par une simple reconnaissance de la possibilité du Grexit à l’irréversibilité officielle de l’euro. Dès lors, les électeurs grecs, favorables, selon les derniers sondages, à 81 % au maintien dans la zone euro sont prévenus. Le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a abondé dans ce sens, tandis que le président du parlement européen Martin Schulz a promis un nouveau départ pour la Grèce « une fois l’ère Syriza terminée. » Autrement dit, les électeurs sont prévenus : un « non » signifierait le maintien de l’asphyxie économique, la sortie de l’euro et la mise au ban de l’Europe. Le refus des créanciers de poursuivre les négociations comme Alexis Tsipras l’avait proposé a encore augmenté la pression sur les électeurs en leur laissant entendre qu’il ne pourrait pas y avoir de nouvelles négociations en cas de « non. »

Le « non » en position de faiblesse

En face, le camp du « non » a bien peu d’arguments à faire valoir : Alexis Tsipras lundi 29 juin et Yanis Varoufakis jeudi 2 juillet ont mis leur mandat dans la balance. On tente aussi de glorifier le « non » en rappelant le fameux « non » du général Metaxas à l’ambassadeur d’Italie le 28 octobre 1940 qui est devenu une fête nationale en Grèce. Un moyen d’en appeler à la dignité du peuple grec face aux pressions. Mais c’est en réalité bien peu au regard de la situation et l’argument d’une position plus forte pour négocier en cas de « non » perd de la crédibilité face aux conditions matérielles. Même dans le camp gouvernemental, l’unité est mise à mal. Quatre députés des Grecs indépendants ont ainsi choisi de voter « oui » et, selon la presse grecque, la droite de Syriza commence à douter. Le choix des Grecs semble être désormais celui-ci : conserver l’actuel gouvernement élu pour rejeter le système traditionnel de partis clientélistes et se diriger vers le chaos économique ou rétablir la normalité économique en sacrifiant Alexis Tsipras. Nul ne peut blâmer des Grecs déjà lassés par cinq ans de souffrances de faire le second choix. Mais il convient de ne pas oublier que ce choix se fait avec un pistolet sur la tempe dont on entend déjà le cliquetis.

Le oui a le vent en poupe

Et de fait, la stratégie des créanciers fonctionne. Le « oui » a clairement le vent en poupe et progresse. Un sondage réalisé par Alco et publié ce vendredi donne le « oui » gagnat d’une courte tête avec 44,8 % des intentions de vote contre 43,4 % pour le « non » et 11,8 % d’indécis. Un autre, réalisé par l’Université de Macédoine, donne encore le « non » en tête à 43 % contre 42,5 % pour le « oui » et 14,5 % d’indécis. L’écart est donc minime, mais la dégradation économique est si forte que le besoin de retour à la normale va sans doute peser très lourd dimanche. Reste une matière à réflexion pour l’Europe. Comment est-il possible d’appliquer de tels moyens de pression sur un vote dans un pays de l’Union européenne ? Comment justifier que tous les moyens soient bons pour arracher un vote “acceptable” alors que la solution, une renégociation de la dette, est à portée de main ? L’Europe risque de rester durablement marquée par ce précédent.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 3 juillet 2015.

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Grèce : les scénarios de l’après-référendum

Les partisans du “oui” et du “non” ont manifesté vendredi soir à Athènes. Mais que risque-t-il de se passer lundi une fois le résultat connu ? Tentative de réponses.

Une place Syntagma, au centre d’Athènes, noire de monde. Une foule qui s’étend dans les avenues et les rues environnantes et qui a été estimée à 25.000 personnes par l’AFP, mais à plus de 50.000 par Reuters. Vendredi 3 juillet au soir, la manifestation pour le « non » au référendum organisé ce dimanche en Grèce sur les propositions des créanciers du 25 juin dernier a fait le plein. Alexis Tsipras, le premier ministre hellénique, a prononcé un discours (que l’on peut lire ici traduit en français) pour donner confiance au partisans du « non. » « Nous célébrons aujourd’hui la victoire de la démocratie. Nous sommes déjà victorieux, quelle que soit l’issue du scrutin de dimanche, car la Grèce a envoyé un message de dignité, un message de fierté », a-t-il déclaré. Il a également présenté l’enjeu du scrutin de dimanche : «  nous ne laisserons pas l’Europe entre les mains de ceux qui souhaitent soustraire l’Europe à sa tradition démocratique, à ses conquêtes démocratiques, à ses principes fondateurs, aux principes de démocratie, de solidarité et de respect mutuel. »

A moins d’un kilomètre de là, dans le stade des Panathénées, les partisans du « oui » s’étaient aussi réunis. Ils étaient, selon l’AFP 22.000. La vedette de ce rassemblement a été le présentateur de télévision franco-grec Nikos Aliagas, arrivé de Paris, qui a déclaré que « le oui donnera un meilleur avenir à nos enfants. » Les partisans du « oui », qui se présentent volontiers comme des partisans de l’Europe et de l’euro, étaient certes moins nombreux vendredi soir mais ils ont actuellement le vent en poupe dans les sondages, aidé par la dégradation rapide de la situation économique et le ralliement quasiment complet des médias privés grecs. Dans les derniers sondages, le oui et le non sont donnés au coude-à-coude.

Les scénarios : la réunion cruciale de la BCE lundi

Quels sont les scénarios possibles après ce référendum ? Dès lundi 6 juillet, le Conseil des Gouverneurs de la BCE se réunira pour examiner l’accès du système bancaire grec au programme d’aide à la liquidité d’urgence (ELA). C’est une réunion très importante. Les banques grecques ont reconnu n’avoir de la liquidité que jusqu’à lundi midi. Si le « oui » l’emporte, la BCE devrait considérer qu’un accord est possible entre la Grèce et ses créanciers puisque le peuple grec a validé le plan des créanciers. Elle devrait alors relever le plafond de l’ELA disponible pour les banques grecques et permettre ainsi rapidement la réouverture des banques fermées depuis lundi. En cas de « non », la BCE pourrait considérer qu’aucun accord n’est en vue. Elle pourrait alors estimer que les garanties déposées par les banques grecques pour son accès à l’ELA ont une valeur moindre. Sans relever le plafond, elle pourrait réduire la valeur de ces garanties et donc en demander davantage. Dans ce cas, les banques grecques ne seraient plus en mesure de fournir des liquidités à l’économie grecque. Elles resteraient fermées et l’accès à l’argent liquide et aux comptes bancaires deviendraient pratiquement impossible.

En prenant une telle décision, la BCE prendrait donc le risque d’expulser de fait la Grèce de la zone euro. On voit déjà que sa décision du 29 juin de ne pas relever le plafond de l’ELA qui a conduit le gouvernement à imposer des restrictions d’accès aux comptes et un contrôle des capitaux a poussé la Grèce à la limite de la zone euro : les entreprises grecques n’ont plus accès au système de transfert électronique interne à la zone euro. Nul ne sait réellement jusqu’où ira la détermination de la BCE, mais, cette semaine, deux membres du directoire, Benoît Cœuré et Vitor Constancio, ont, pour la premier fois, estimé que le « Grexit » était possible. L’irréversibilité de l’euro n’existe donc plus et l’expulsion de la Grèce est une option. Etait-ce du bluff pour effrayer les électeurs grecs ? Etait-ce une vraie détermination ? On ne le saura que lundi 6 juillet en cas de « non. »

Les scénarios : le « oui » l’emporte, un accord ?

Le lendemain, mardi 7 juillet, l’Eurogroupe se réunit. La zone euro refuse toujours de traiter avec la Grèce, quel que soit le résultat, au niveau des chefs d’Etats et de gouvernements. La Grèce demeure un « problème technique » laissée aux techniciens. En cas de « oui », l’Eurogroupe sera sans doute ravi de signer un accord avec la partie grecque sur la base du texte validé par les électeurs. Mais ce ne sera pas pour autant la fin de l’histoire. D’abord, il faut tout reprendre depuis le début. Le programme de 2012 n’existe plus. Il faut refonder un programme avec le MES, dans un nouveau cadre. Bref, rédiger un troisième mémorandum qui reprennne les propositions du 25 juin. Il y aura donc nécessairement des négociations. Mais avec qui signer ? Avec qui négocier ? Sur qui s’appuyer pour l’appliquer ?

L’avenir d’Alexis Tsipras

En cas de victoire du « oui », en effet, la question du maintien au pouvoir d’Alexis Tsipras, qui s’est engagé pour le « non », se posera immédiatement. S’il reste au pouvoir, les créanciers n’auront eu qu’une victoire partielle. Depuis une semaine, ils ne cessent en effet de fustiger l’attitude du chef du gouvernement hellénique et affirment avoir perdu confiance en lui. Martin Schulz, le président du parlement européen, a ainsi prétendu dans le Handelsblatt du vendredi 3 juillet, que la Grèce devait « mettre fin à l’ère Syriza. » Accepteront-ils alors de traiter avec Alexis Tsipras ? Rien n’est moins sûr. Mais il n’est pas davantage sûr qu’Alexis Tsipras puisse se maintenir au pouvoir. Son parti acceptera-t-il en effet, malgré le verdict populaire, d’approuver au parlement, les accords et d’accompagner leur application ? Rapidement, la position du gouvernement risque d’être intenable. Sans compter que ledit gouvernement risque de se déliter rapidement. Le ministre des Finances Yanis Varoufakis a annoncé qu’il démissionnerait en cas de « oui » et il ne sera sans doute pas le seul.

Quel gouvernement ?

Il est plutôt probable donc qu’Alexis Tsipras démissionne en cas de « oui. » Mais alors, qui pour le remplacer ? Martin Schulz a proposé un gouvernement technique et chacun, en Grèce, sait que le président de la Banque centrale, Yannis Stournaras, brûle d’envie d’entrer à Maximou, le Matignon grec. Mais avec quelle majorité ? Compte tenu de l’opposition radicale des Communistes du KKE et des néo-nazis d’Aube Dorée à tout gouvernement, la majorité ne peut se faire pour ce gouvernement technique qu’avec un ralliement d’une grande partie des députés de Syriza. Tout dépendra donc des réactions de ces derniers à la démission d’Alexis Tsipras et de la décision du premier ministre de rester ou non à la tête de Syriza après sa démission. L’équation est donc très complexe. D’autant plus que ce gouvernement technique ne pourra sans doute pas tenir longtemps sans appeler à de nouvelles élections.

Crise politique

Or, l’issue de telles élections est très incertaine. Il n’y a pas en réalité dans le paysage politique grec d’alternatives à Syriza aujourd’hui. Le parti pro-européen To Potami, poulain de Bruxelles, peut sans doute profiter d’un « oui », mais son implantation reste très faible dans la population et les liens de son leader Stavros Theodorakis avec l’oligarchie et les anciennes élites politiques n’en font pas une vraie option. Les électeurs ont choisi Syriza en janvier aussi et surtout parce que ce parti représentait une chance de se débarrasser des partis traditionnels et de leur système clientéliste. Dans de nouvelles élections, et malgré un « oui », ils pourraient renouveler ce choix. D’autant que ces élections se feront dans des conditions moins extrêmes que le référendum et sous des pressions économiques moins fortes. Enfin, l’opposition « pro-troïka » est très divisée entre le Pasok, To Potami et Nouvelle Démocratie. Or, en Grèce, le parti arrivé en tête glane 50 des 300 députés de la Vouli, le parlement. Bref, les créanciers risquent de devoir, même avec un « oui », compter encore avec Syriza. Et comme les propositions soumises au peuple ce dimanche ne concernent que les années 2015 et 2016, la tension risque rapidement de revenir, compte tenu des besoins énormes de financement du pays et de la volonté d’un gouvernement Syriza à reprendre la main une fois le plan validé par le peuple arrivé à échéance. Surtout si, comme c’est probable, ce plan est encore un échec en termes d’objectifs chiffrés comme l’ont été tous les plans de la troïka depuis 2010…

Les scénarios : en cas de « non », blocage ou accord ?

Et en cas de « non » ? Alexis Tsipras sortira évidemment renforcé. Il a assuré que, dans ce cas, la position grecque sera plus forte dans les négociations et qu’il pourrait signer un accord dès mardi. C’est sans doute fort optimiste, mais il est vrai que l’accord avec les créanciers est en réalité assez proche. Le gouvernement grec a accepté l’essentiel des mesures d’austérité exigées par les créanciers, sauf la fin du rabais de TVA dans les îles et la suppression de la retraite complémentaire EKAS pour les plus fragiles en 2018 (il propose 2019). Le vrai point de désaccord, c’est la dette. Athènes ne veut pas d’une vague promesse sur la restructuration de la dette, mais un vrai calendrier engageant. Les créanciers refusent. Un « non » les fera-t-il fléchir ? Pas sûr. D’autant que, comme on l’a vu, la BCE pourrait rapidement remettre la pression sur le gouvernement grec en réduisant l’accès à l’ELA. Alexis Tsipras devra donc rapidement faire son choix entre une poursuite incertaine des négociations et un Grexit. Il a cependant toujours rejeté cette option, et ce n’est pas une posture. Syriza est fondamentalement et historiquement un parti pro-européen. Mais nécessité fait parfois loi.

Il ne faut cependant pas oublier qu’un « non » serait un désaveu du peuple grec envers l’attitude des créanciers. Il leur sera alors difficile de ne pas tenir compte de ce vote. Eux aussi, avec la BCE, seront confrontés à un choix grave. Nier le « non » en refusant de négocier davantage et en coupant encore la Grèce de la zone euro serait désastreux à terme pour l’image de l’Europe et on ignore si la BCE est réellement prête à prendre le risque d’un Grexit.

Le scénario le plus « acceptable » semble donc être celle d’un « non » suivie d’un attentisme de la BCE, d’une courte négociation où les Grecs accepteraient un plan légèrement modifié des créanciers et accompagné d’un engagement à ouvrir des discussions sur la dette. Dans ce cas, on éviterait la crise politique en Grèce et chacune des parties sortirait la tête haute. L’économie grecque pourrait alors retrouver un fonctionnement normal, nonobstant les effets des mesures annoncées. Mais ce scénario n’est pas aujourd’hui le plus probable.

Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 4 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/grece-grece-les-scenarios-de-lapres-referendum-par-romaric-godin/


“Ingérences grossières” : Déclaration de la Présidente du Parlement Grec, Zoe Kostantopoulou

Sunday 5 July 2015 at 01:22

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Déclarations de la Présidente du Parlement au sujet des ingérences grossières dans le processus du référendum et la tentative d’en changer la question.

« Ces derniers jours et ces dernières heures on a enregistré un déluge d’ingérences grossières dans le processus démocratique du référendum, proclamé pour la première fois en 41 ans depuis la fin de la dictature des colonels, à l’instigation du Premier ministre, puis sur proposition du gouvernement et décision du Parlement.

Les représentants d’hier, les co-responsables de la destruction du pays et du peuple, et leurs partenaires nationaux et étrangers, ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour empêcher l’expression de la volonté populaire.

Pour empêcher ou annuler le référendum.

Et maintenant, puisqu’ils ont échoué dans cette tentative,

ils font tout ce qu’ils peuvent pour en modifier le résultat, rendre floue et dénaturer la question très claire, en adressant au peuple un nouveau chantage:

Que soi-disant, si les citoyens disent « non », nous devrons quitter l’Union Européenne ou la zone euro

Que si’ls disent « non », il n’y aura aucune nouvelle négociation

Que si ils disent « non », cela signifiera qu’ils « ne veulent pas d’aide ».

Certains, chefs d’État mais aussi représentants de la Commission et d’autres institutions et organismes, n’hésitent pas à interférer grossièrement dans les affaires internes du pays et à suggérer au peuple ce qu’il doit voter au référendum, en modifiant la vraie question.

Ce qui est important c’est non seulement ce qu’ils disent, mais qui le dit.

Le disent les représentants des gouvernements qui se sont alliés aux gouvernements qui ont détruit le pays et ont fait des échanges avec eux.

Le disent les représentants d’organisations internationales qui ont participé à des programmes catastrophiques qui ont décomposé la société et causé d’ indicibles malheurs.

Le disent des dignitaires, qui ont admis s’être trompés dans le cas de la Grèce, encore et encore.

Mais le disent aussi les représentants du système politique corrompu des anciens partis, de la corruption et des combines, ceux qui ont créé une dette illégale, honteuse et insoutenable et qui veulent la mettre sur le dos du peuple, de la jeunesse et des générations futures, sans rendre de comptes.

Le oui ne signifie pas oui à l’Europe.

Il signifie oui à l’ultimatum adressé par la Troïka au gouvernement grec.

Le oui signifie oui aux mémorandums, à la soumission et à la servitude.

Oui à des diminitutions suplémentaires des salaires et des retraites,

Oui au chômage et à la précarité de l’emploi,

Il signifie oui à l’abandon de la souveraineté et de la démocratie,

au bradage des biens publics,

à de lourds impôts sans fin.

Il signifie aussi oui à la dégradation de la Grèce de pays membre à part égale de l’UE en pays paria et en colonie de la dette.

Le non signifie non aux tactiques et pratiques antidémocratiques

Non aux chantages anti-européens et aux ultimatums

Non aux blocages artificiels

Non à l’asphyxie du peuple, avec les banques fermées

Non à l’asservissement d’États-membres par d’autres États-membres

Non à la soumission économique et politique.

Le Gouvernement s’est redressé.

Il n’a pas cédé, il n’a pas capitulé en trahissant la confiance des citoyens.

Le Parlement en 2015 a été à sa hauteur.

Il n’a pas fait loi d’État les mesures qui ont condamné de nombreuses générations à un esclavage mémorandaire.

Pour la première fois le peuple peut réellement décider de son avenir.

Pour la première fois il peut repousser lui-même, par son vote, le dernier chantage.

Pour la première fois, le peuple peut lever la tête et avec son vote, avec le non, secouer le joug des mémorandums.

Qu’il vote et se batte pour sa dignité et son avenir.

Et qu’il défende le seul gouvernement qui lui a fait confiance et lui a rendu le pouvoir qui lui appartient et qu’il défende le Parlement qu’il a lui-même élu et qui lui a rendu le pouvoir qu’il en tire et exerce en sa faveur.

Qu’il ne permette pas le renversement du gouvernement par ceux qui, depuis des mois élaborent des scénarios de déstabilisation et de détournement, pour remettre le pays et le peuple aux forces de la corruption, des combines et de la tromperie, qui ont tirer profit des mémorandums sur le dos de la société.

Et qu’il envoie le message retentissant et optimiste aussi aux autres peuples d’Europe, que la démocratie est l’affaire des hommes et des peuples, non des banques, des banquiers et des marchés.

Les « non » du peuple grec ont, dans l’Histoire, rendus fiers non seulement les Grecs, mais l’humanité toute entière.

Un tel « non » rendra fières les générations futures et défendra la véritable âme de l’Europe, qui ne se base pas sur des ultimatums et des chantages, mais sur une coexistence égalitaire, la démocratie et la solidarité. «

Source : Frédérique Bouvier, pour Syriza France, le 2 juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/ingerences-grossieres-declaration-de-la-presidente-du-parlement-grec-zoe-kostantopoulou/


La gauche française et le référendum de république bananière de Tsipras, par Bruno Roger-Petit

Sunday 5 July 2015 at 00:53

Un autre billet ignoble, pour archive…

Une partie de la gauche française soutient l’opération montée par Alexis Tsipras. Derrière ce soutien au nom du souverainisme, le populisme et le complotisme ?

Alexis Tsipras ANGELOS TZORTZINIS / AFP

Alexis Tsipras

Il parait que le référendum promis par Alexis Tsipras est un modèle de démocratie moderne. Le chœur des souverainistes de tous bords est unanime : Seul en Europe, tu n’es pas antique O Alexis ! Toi qui en appelles au peuple au sein d’une Europe où les Etats souverains ont abdiqué leur nation en échange de la BCE et du FMI, institutions au service de la destruction du peuple. Mais, toi Alexis, tu sauves l’idéal démocratique, toi qui rends la parole au peuple, d’un dimanche à l’autre, malgré les sarcasmes méprisants des européistes aux ordres !

On exagère à peine l’ode à Alexis Tsipras qu’entonnent à l’unisson, les Fronts français, le “national” des Le Pen et le “de gauche” de Mélenchon, tous deux rejoints par cette partie de la famille socialiste qui ne désespère jamais de la Nation, quitte à flirter, pour certains de ses membres à la dérive, avec des idées un peu moisies.

Il faut lire, par exemple, ce qu’écrit l’économiste Frédéric Lordon dans sa dernière livraison sur le site du Monde diplomatique (et célébré ce vendredi par Natacha Polony, une amie de la famille souverainiste post-chevènementiste, dans sa revue de presse d’Europe 1) : “Forcément, ça leur a coupé la chique. Qu’on puisse jouer la carte de la démocratie, c’est la chose qui est maintenant tellement hors de leur entendement qu’elle les laisse toujours sidérés, pantois et démunis. Vraiment, à cet instant, on aurait voulu voir leurs têtes, mâchoires décrochées comme des tiroirs de commodes fraîchement cambriolées : Sapin, Hollande, Moscovici, leurs experts organiques, leurs journalistes de propagande, tous ceux qui n’ayant que la “modernité” à la bouche se sont si constamment efforcés d’en finir avec le peuple, pénible démos, et pénible démocratie quand il lui vient à l’idée de ne pas se contenter de valider ce qui a été décidé pour elle”.

Une certaine idée de la haine

Le billet de Lordon a le mérite de concentrer l’essentiel de l’argumentaire des souverainistes de gauche hostiles à l’Union européenne confrontée au referendum promis par Tsipras. Il s’en dégage une certaine idée de la haine. Lordon fait dans le populisme et le complotisme, marques de l’époque, qui voit un ensemble de forces occultes manipuler l’Europe au service des intérêts de qui vous savez. Car Lordon connaît les coupables: “l’oligarchie” et ses complices, les journalistes et les hauts-fonctionnaires proches du PS français, et il les dénonce façon années 30.

Quand Lordon s’en prend à l’oligarchie, c’est le grand Thorez revenant de Moscou : “Tsipras peut s’enorgueillir des tombereaux d’injures que lui réserve une oligarchie d’un autre type, le ramassis des supplétifs d’une époque finissante, et qui connaitront le même destin qu’elle, la honte de l’histoire”.

Les journalistes ne sont pas mieux traités, surtout le spécialiste des questions européennes de Libération, éternel Saint Sébastien bruxellois des souverainistes français : “La première chose que Jean Quatremer a cru bon de tweeter consiste en photos de queues devant les distributeurs à billets. Et d’annoncer avec une joie mauvaise : “La Grèce sera donc en faillite mardi à minuit. Accrochez-vous !”

Les hauts-fonctionnaires socialistes français enfin, sont également vilipendés, notamment ceux du groupe social-libéral Les Gracques, notamment Denis Olivennes, patron d’Europe 1 et du JDD :  “la racaille Gracque, en effet la vraie racaille dans la société française – pas celle de Sarkozy –, ces ‘anciens hauts fonctionnaires socialistes’ comme ils aiment à se présenter eux-mêmes, et qui en disent assez long sur l’état réel du ‘socialisme’ français – pour ceux qui ne s’en seraient pas encore aperçus” (on notera que Denis Olivennes, bien que qualifié de “pure racaille”, a les idées larges, puisqu’il laisse la responsable de la revue de presse de la radio qu’il dirige citer abondamment les propos de Frédéric Lordon, licence libérale qui contredit sa représentation d’une caste de “journalistes de propagande”).

Une manipulation du peuple grec

Il n’est pas question ici de nier le déficit démocratique européen, ni les conséquences qu’il emporte avec lui. Face à la Grèce, l’Union européenne mérite sans aucun doute bien des critiques. La BCE tout autant. Le FMI, et sa directrice générale, qui confond son rôle avec celui d’une dame de charité peu charitable, idem. Il est vrai, aussi, qu’après le précédent du rejet français de 2005 (par référendum) du projet de constitution européenne, la mise en application, via le traité de Lisbonne, de ce qui avait été rejeté a constitué, et constitue encore, un déni démocratique. En 2015, la France est loin de participer à l’élaboration du projet européen porté par François Mitterrand durant ses deux septennats.

Pour autant, le référendum de Tsipras est-il la réponse appropriée à cette crise démocratique européenne ?

A l’heure où ces lignes sont écrites, soit à quatre jours de la tenue du scrutin prévu dimanche prochain, on ne sait quelle sera la question posée, éventuellement, au peuple grec souverain. On ne sait même pas si ce référendum aura lieu, puisque Alexis Tsipras dit tout et son contraire d’une heure à l’autre. Si les Grecs votent effectivement dimanche, dans de telles conditions, sans que se soit déroulée une campagne électorale digne de ce nom, sans vraiment connaitre l’objet du vote, sans en mesurer réellement les enjeux, y aurait-il de quoi célébrer une telle opération politique, qui s’apparente plus à de la manipulation d’un peuple qu’à l’exercice libre et éclairé de sa souveraineté ?

Est-ce bien cela la démocratie rêvée par Lordon et la gauche souverainiste à la française, tous alignés, pour le coup, sur la ligne du Front national de Marine Le Pen et Florian Philippot ?

Que diraient Lordon et ses camarades, tous entichés de Tsipras, si François Hollande, David Cameron ou Angela Merkel organisaient un référendum en moins d’une semaine sur la question européenne, sans campagne et sans question connue dès l’origine ? Ils protesteraient de ce que l’on méprise le peuple français. Ils dénonceraient le populisme de l’affaire. Et ils auraient bien raison.

En vérité, à célébrer Tsipras et son référendum de dictature bananière, Lordon et les autres manifestent bien peu de considération pour le peuple grec, traité comme un enfant. que les Grecs votent, oui, mais pas de cette façon là ! Hélas, visiblement, tout cela pèse peu au regard du besoin irrépressible de délivrer une vision populiste et complotiste de l’Europe et de ses élites. Populisme et complotisme ne sont pas les mamelles de la démocratie. On n’est pas à l’aise quand on lit Lordon et les autres. Cette gauche-là m’inquiète.

Source : Bruno Roger-Petit, pour Challenges, le 1er juillet 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/la-gauche-francaise-et-le-referendum-de-republique-bananiere-de-tsipras-par-bruno-roger-petit/


[Entraide] Économistes, Recherches, Modération, Wiki, Aix en Provence

Saturday 4 July 2015 at 06:36

Bonjour – plusieurs appels à l’entraide aujourd’hui

Recherches économiques

Merci à ceux qui ont répondu pour les taux d’intérêts de la Grèce !

Passant à BFM lundi matin :) j’aurais bien besoin d’aide ce we.

Il me faudrait des volontaires pour chercher (mettre en forme sous excel ou autre si possible) :

Modération

On a bien besoin de volontaires pour la modération cet été !

Wiki

Si vous êtes un roi de la programmation pour améliorer un wiki…

Aix en Provence

Je serai à Aix ce samedi 4 après midi, si vous avez envie de papoter un peu en terrasse…

RV disons à 17h00 Place des Martyrs de la Résistance

Contact

Contactez-moi ici en indiquant en objet le sujet sur lequel vous vous proposez…

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-07-15/