les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

[1957] L’impérialisme occidental, ennemi de la Liberté – par J.F. Kennedy

Saturday 23 April 2016 at 02:15

Le 2 juillet 1957, le sénateur démocrate John F. Kennedy prononce un discours retentissant devant le Sénat des États-Unis. Il dénonce la présence coloniale française en Algérie et appelle à l’indépendance de ce pays. S’agit-il d’une fidélité à l’anticolonialisme américain, ou d’un souci de sauvegarder un « grand allié » et ami ? Sur un fond de guerre froide, les réactions ne se sont pas fait attendre. Elles sont venues de l’intérieur des États-Unis, de la France, de l’Algérie et d’ailleurs. Les unes applaudissent le courage du jeune sénateur. Les autres vouent aux gémonies ce « Yankee exterminateur » des Amérindiens, qui ose donner des leçons à la France civilisatrice et bâtisseuse d’écoles et d’hôpitaux…

Source : JFK Link, le 02/07/1957

Discours de J.F Kennedy sur l’Algérie devant le Sénat américain en 1957

2 juillet 1957

M. KENNEDY. Monsieur le Président, la plus puissante force de notre monde n’est aujourd’hui ni le communisme ni le capitalisme, ni la bombe H ni le missile guidé, il s’agit de l’éternelle aspiration de l’homme à être libre et indépendant. Le grand ennemi de cette force considérable qu’est la liberté est, faute d’un terme plus précis, l’impérialisme qui actuellement se réfère à l’impérialisme soviétique et, que nous l’apprécions ou pas, et bien qu’ils ne soient pas comparables, l’impérialisme occidental.

Par conséquent, les plus importants critères pour juger la politique étrangère américaine sont notre façon de relever le défi de l’impérialisme et nos actions pour défendre l’aspiration humaine à la liberté. Ces critères, plus qu’aucun autre, décideront du jugement de notre nation par les millions d’habitants d’Asie et d’Afrique non-alignés, et seront observés anxieusement par les amoureux de la liberté gardant espoir derrière le rideau de fer. Si nous échouons à relever ce défi de l’impérialisme soviétique ou occidental, alors aucune aide étrangère, aucune expansion de l’armement, aucun nouveau pacte ou nouvelle politique ou conférence de haut niveau ne pourra prévenir de nouveaux reculs dans notre évolution et notre sécurité.

Je suis aujourd’hui préoccupé par le fait que nous échouons à relever ce défi qu’est l’impérialisme, dans ses deux sens, et qu’ainsi nous manquons à nos devoirs envers le monde libre. Je propose donc, puisque le sénat et la nation se préparent à commémorer le 181e anniversaire de la plus noble expression de l’homme contre la répression politique, de commencer une série de discours en deux parties, analysant le rôle de l’Amérique dans la lutte sans relâche pour l’indépendance qui met à rude épreuve les forces impérialistes à l’intérieur des deux blocs, soviétique et occidental. Mon intention n’est pas de parler de principes généraux, mais de cas précis, de proposer non pas des critiques partisanes mais ce que j’espère être des réponses constructives.

Il y a plusieurs cas d’affrontements entre l’indépendance et l’impérialisme dans le bloc soviétique qui requièrent notre attention. Un, au-dessus du reste, se détache dangereusement, la Pologne.

Le secrétaire d’État, dans sa conférence de presse du matin, à ce sujet, suggéra que si les gens souhaitent faire quelque chose à propos des exemples de colonialisme, ils devraient considérer le cas de la Lituanie gouvernée par les Soviétiques et les pays satellites, Tchécoslovaquie, Pologne, et autres.

Je suis d’accord avec lui. Pour cette raison, j’espère parler, d’ici deux semaines, d’un problème que je pense primordial, en un mot de la Pologne.

Il y a plusieurs cas d’affrontements entre l’indépendance et l’impérialisme dans le bloc occidental qui requièrent notre attention. Mais ici aussi l’un d’eux, plus que les autres, est absolument essentiel, l’Algérie.

Je dois discuter cet après-midi de nos échecs et de notre avenir en Algérie et en Afrique du Nord, et aussi ultérieurement parler de la Pologne à cette assemblée.

  1. L’Algérie, la France, et les États-Unis

M. le Président, la guerre en Algérie confronte les États-Unis à la plus grave impasse diplomatique depuis la crise en Indochine, et cependant nous avons non seulement échoué à faire face au problème de manière franche et efficace, nous avons même refusé de reconnaître qu’il nous concernait. Aucun problème ne constitue un défi plus difficile pour les responsables de notre politique étrangère, et aucun problème n’a été négligé à ce point. Quoique j’hésite quelque peu à m’attaquer au genre d’examen public de ce cas dont j’espérais –- lorsque je commençai l’étude intensive du problème il y a 15 mois – qu’il serait transmis par le département d’État au Congrès et au peuple, le Sénat est en droit, à mon avis, de recevoir les réponses aux questions fondamentales posées par cette crise.

Je suis encore plus réticent à paraître critique envers notre premier et plus ancien allié, dont l’assistance dans notre propre guerre d’indépendance ne sera jamais oubliée et dont le rôle qu’il a habituellement tenu dans l’enchaînement des événements du monde a toujours été une attitude de coopération et de leadership constructif. Je ne veux pas que notre politique soit anti-française, pas plus qu’elle ne soit antinationaliste – et je suis convaincu qu’un nombre croissant de français, dont nous devons tous reconnaître la patience et l’endurance, réaliseront que les points de vue exposés dans ce discours sont, à long-terme, dans leur intérêt.

Je ne dis rien aujourd’hui qui n’ait déjà été énoncé par des chefs responsables de l’opinion française, et même par un nombre croissant de français eux-mêmes.

L’ALGÉRIE EST-ELLE UNE PRÉOCCUPATION POUR LES ÉTATS-UNIS ?

Pour commencer, il faut noter que des diplomates français et américains ont le même point de vue sur la question de l’Algérie et cela depuis plusieurs années. Ils considèrent que ce n’est pas un sujet de débat pour la politique étrangère américaine ou pour la marche du monde. C’est uniquement un problème interne à la France, consistant en un soulèvement dans une province, une crise qui réagira de façon satisfaisante à une anesthésie locale. Mais, quelle que soit la validité de ces clichés, les faits bruts et récents sur le sujet sont que la transformation du nationalisme africain et les effets secondaires de plus en plus graves de cette crise ont transformé l’Algérie en un problème international et par conséquent américain.

La guerre d’Algérie, impliquant plus de 400 000 soldats français, a ôté aux forces continentales de l’OTAN assez d’hommes pour les rendre squelettiques. Elle a brouillé les espoirs européens d’un marché commun et sérieusement compromis les réformes libérales prônées par l’OCDE en forçant la France à imposer des restrictions à l’importation car elle est en économie de guerre. Elle a fait l’objet de plusieurs appels à débat dans le cadre des Nations Unies. Nos réactions équivoques et notre opposition à ce débat ont altéré notre leadership et notre prestige dans cette organisation. Elles ont dégradé nos relations avec la Tunisie et le Maroc, qui font naturellement cause commune avec les chefs algériens et qui ont des reproches justifiés à nous faire, car nous avons des accords économiques et militaires avec un gouvernement français qui sanctionne économiquement leurs soutiens au nationalisme algérien.

Elle a affaibli l’efficacité de la force de la doctrine Eisenhower pour le Moyen-Orient et nos programmes d’aide étrangère et d’information. Elle a mis en danger le maintien de certaines de nos bases aériennes les plus stratégiques, et menacé nos avantages géographiques sur l’orbite communiste. Elle a affecté notre position aux yeux du monde libre, notre leadership dans la lutte pour garder ce monde libre, notre prestige et notre sécurité ; ainsi que notre leadership moral dans la lutte contre l’impérialisme soviétique dans les pays derrière le rideau de fer. Elle a fourni des munitions puissantes aux propagandistes anti-occidentaux dans toute l’Asie et le Moyen-Orient – et sera l’élément le plus gênant face à la conférence d’Accra  en octobre des nations libres de l’Afrique, qui souhaitent, en facilitant la transition vers l’indépendance des autres colonies africaines, rechercher des voies communes par lesquelles ce grand continent pourra rester aligné avec l’Occident.

Enfin, la guerre d’Algérie n’a cessé de drainer la main-d’œuvre, les ressources, et l’esprit de l’un de nos alliés les plus anciens et les plus importants – une nation dont la force est absolument vitale pour le monde libre, mais qui a été contrainte par ce conflit épuisant à reporter de nouvelles réformes et les services sociaux à domicile, à étouffer les nouveaux plans importants pour le développement économique et politique en Afrique occidentale française, le Sahara, et dans une Europe unie, pour faire face à un mouvement communiste intérieur consolidé à un moment où le communisme recule ailleurs en Europe, pour étouffer le journalisme libre et critique, et libérer la colère et les frustrations de son peuple par une instabilité gouvernementale perpétuelle et une attaque précipitée sur Suez.

Non, l’Algérie n’est plus un problème spécifiquement français – et ne le sera plus jamais. Et bien que leur sensibilité à son examen par cette nation ou l’ONU soit compréhensible, une discussion franche et complète d’une question si importante pour nos intérêts tout comme aux leurs devrait être évaluée des deux côtés d’une Alliance atlantique qui a un véritable sens et une solidarité.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait la moindre valeur dans le genre de discussion qui a caractérisé l’approche d’autrefois de ce problème et d’autres du même genre – de tièdes encouragements et de la morale des deux côtés, une neutralité prudente sur les véritables enjeux, et une réaffirmation du fait évident que nous dépendons de nos amis européens, de notre évident engagement malgré tout aux principes d’autodétermination, et de notre désir naturel de ne pas nous impliquer. Nous nous sommes convaincus nous-mêmes que nous avions de cette façon satisfait les deux côtés en faisant l’autruche, alors qu’en réalité nous n’avons gagné que la méfiance de tous.

UNE RÉSOLUTION RAPIDE EST-ELLE POSSIBLE SANS L’ACTION DES ÉTATS-UNIS ?

Il est donc temps que l’on prenne en main le véritable problème qui nous est posé en Algérie – problème qui ne peut plus être évité ni par les Nations Unies ni par l’OTAN – problème qui devient de plus en plus difficile à résoudre, comme une guerre acharnée apparemment sans fin détruit, un par un, les ponts de moins en moins nombreux qui restent vers un accord raisonnable. Chaque mois la situation devient plus tendue, les extrémistes gagnent de plus en plus de force des côtés français et algérien. Le gouvernement, récemment investi par l’Assemblée française, est présidé par un Premier ministre clairement identifié avec une politique sans aucune concession valide ou réalisable ; et son cabinet, bien que reposant sur un équilibre des partis similaire à celui de son prédécesseur, a été purgé de tous les membres associés de quelque façon que ce soit à une politique de négociation en Algérie. Le gouvernement français, quelle que soit la personnalité de son dirigeant, semble attaché aux mêmes formules rigides qui régissent ses actions en Algérie depuis si longtemps ; et le seul signe d’espoir est l’expression plus claire de l’intérêt pour un règlement parmi les penseurs indépendants en France, un exemple notable étant l’ouvrage bien argumenté publié récemment par M. Raymond Aron, intitulé « La tragédie algérienne ».

M. Aron, principal commentateur politique du journal conservateur Le Figaro, a exhorté à la constitution d’un État algérien comme le meilleur choix entre deux maux. Mais les perspectives d’un tel règlement offert ou accepté par son propre gouvernement sont fort éloignées, si l’histoire des échecs des négociations passées en est une indication. En février 1956 le Premier ministre Mollet, bombardé avec des tomates et des briques, a plié devant la fureur d’une foule française à Alger, et a remplacé le futur ministre résident français soupçonné de pencher vers un règlement rapide. A l’automne dernier, lorsque Mollet lui-même autorisa les émissaires français à tenir des négociations pour le cessez-le-feu avec les nationalistes à Rome et ailleurs, et encouragea la discussion sur la question entre les rebelles et les gouvernements tunisiens et marocains, les principaux dirigeants rebelles algériens ont été pris en otage par les Français lors du transit aérien entre Rabat et Tunis à l’occasion de ces réunions. Cette mesure, semblant prise à l’initiative du ministre français de la Défense et du ministre résident, et, en fait, à l’insu du Premier ministre, M. Mollet lui-même, a non seulement fait s’évanouir tous les espoirs d’un cessez-le feu, mais aussi eu les répercussions les plus défavorables pour la France dans tous les pays non-alignés.

Après l’apaisement des troubles de Suez, le Premier ministre tunisien Bourguiba a de nouveau tenté de trouver un terrain d’entente ; et, avec beaucoup d’efforts, il a persuadé les représentants nationalistes d’accepter le principe des élections sous contrôle international, sous réserve de garanties, si les Français se conformaient aux résultats. Mais, encore une fois, M. Mollet lui a coupé l’herbe sous le pied ; et, plus récemment, M. Bourguiba a été frustré par l’action de la France qui a arbitrairement coupé les subventions économiques pour la Tunisie. Une autre manifestation de violence a été récemment prévue au cas où l’actuel ministre résident, l’intransigeant Robert Lacoste, serait remplacé par un modéré. Une organisation extrémiste française à Alger qui a voué aux gémonies M. Mendes-France et les défenseurs de la réforme modérée est en effet subventionnée par Lacoste et le gouvernement. Et la politique française continue d’insister pour que ni négociations ni élections ne puissent avoir lieu avant la fin des hostilités – un engagement, comme je vais en débattre dans un moment, qui rend moins probables à la fois les négociations et la fin des hostilités, tout comme en Indochine.

*     *     *     *     *

M. MANSFIELD. Je note que dans le cadre des remarques du sénateur, il fait référence à une déclaration de M. Aron, qui a exhorté à la constitution d’un État algérien. Le sénateur peut-il nous dire si des offres, fermes ou non, ont été réalisées ces dernières années par un gouvernement français qui chercherait à réaliser une sorte de concordat entre la République Française et l’Algérie sous la forme de fédération, confédération ou Commonwealth ?

M. KENNEDY. Le sénateur du Montana sait que lors de la réunion au cours du week-end dernier du Parti socialiste, dont les membres ont de forts sentiments minoritaires, le vote a néanmoins été en faveur de la politique de Guy Mollet, qui considère l’Algérie comme partie intégrante de la France métropolitaine et qui appelle à un cessez-le-feu et au désarmement des rebelles, puis à discuter du problème.

Le parti refuse l’accord avec M. Aron et refuse également de reconnaître les réalités de la vie ; au contraire, il affirme que l’Algérie est partie intégrante de la France métropolitaine et qu’elle ne devrait pas être considérée comme une entité indépendante.

*     *     *     *     *

M. KENNEDY. Il ne fait aucun doute que le maréchal Juin, qui était considéré à une époque comme un adversaire intransigeant de l’indépendance du Maroc, en est venu à réaliser que la politique actuelle du gouvernement français en Algérie est en faillite. Lundi, le New York Times, dans un article de Toulouse, en France, en discutant de la réunion des socialistes français qui s’y était tenue, a remarqué :

Ceux qui étaient favorables à la reconnaissance publique du droit de l’Algérie à l’indépendance étaient en réalité l’expression de l’attitude croissante, mais encore majoritairement privée, de nombreux Français qui craignent les conséquences politiques d’une telle position si elle devait être assumée publiquement.

Il me semble que l’opinion publique en France se déplace lentement vers la reconnaissance de la réalité que l’Algérie ne peut être raisonnablement partie intégrante de la France. Pourtant le parti suit toujours la politique de M. Mollet, qui considère l’Algérie comme partie intégrante de la France métropolitaine.

*     *     *     *     *

M. KENNEDY. Je voudrais citer en outre un extrait de l’article du New York Times, se référant à la politique du Parti socialiste de M. Mollet :

L’offre française de longue date d’un cessez-le-feu a été maintenue, et les élections, dès que le calme rétabli, seront tenues. Un statut définitif serait alors négocié avec les représentants élus du peuple algérien, qui est considéré comme faisant partie de la France métropolitaine.

L’article précise alors

Jusque-là, une loi provisoire donnant aux musulmans une plus grande voix au niveau local, régional, et, plus tard, les affaires territoriales serait mise en application. L’indépendance est absolument exclue.

Le reportage continue :

Le gouvernement dépend pour son existence du soutien et de la participation des socialistes. S’ils avaient voté des changements décisifs dans la politique algérienne, la coalition des socialistes et des radicaux se serait effondrée, précipitant une nouvelle crise gouvernementale.

En d’autres termes, ce refus de faire face aux réalités est considéré comme essentiel pour maintenir la structure gouvernementale actuelle. Tout le long de la réunion du Parti socialiste au cours des derniers jours, il y avait le fort sentiment qu’un changement était nécessaire.

Le nœud du problème est que, bien que la France affirme, d’une part, que l’Algérie fait partie intégrante de la France métropolitaine, les Français n’ont jamais vraiment reconnu les Algériens en tant que citoyens français. S’ils permettaient à tous les Algériens de voter en tant que citoyens français, plus d’un sixième des représentants à l’Assemblée française seraient d’Algérie. Le fait est que sur environ 625 représentants, ils ont permis à l’Algérie un total de 30. En outre, ils ont refusé aux Algériens les avantages sociaux, politiques et économiques qui reviennent aux citoyens qui vivent en France métropolitaine.

En 1936, lorsque le Premier ministre Léon Blum a mis en avant ses propositions visant à intégrer progressivement l’Algérie et à donner aux Algériens la citoyenneté française et la nationalité française, les citoyens français d’Algérie se révoltèrent. Un compromis raisonnable, qui j’en suis certain, aurait été accepté par les Algériens en remontant aussi loin que 1936, a été rejeté par les Français qui vivaient en Algérie. C’est cette attitude qui empêche toute politique vraiment constructive de se développer aujourd’hui.

M. MANSFIELD. Le sénateur du Massachusetts a anticipé une de mes questions ; à savoir, l’accord conclu par la France que l’Algérie, en tant que partie intégrante de la région métropolitaine, obtiendrait pour ses citoyens les droits de la citoyenneté française. Cet accord aurait-il été suivi d’effet – je crois que c’était De Gaulle qui, en 1947, a publié le dernier décret afin que les Algériens soient considérés comme des citoyens français – comme le sénateur du Massachusetts l’a indiqué, cela aurait signifié un total de 100 à 120 députés de plus au Parlement français. Si, à ceux-là avaient « été ajoutés les autres députés de l’étranger, cela formerait un bloc très solide. Les députés communistes, entre les deux, auraient bien pu exercer une influence dominante. Il ne serait pas déraisonnable de supposer que, sous certaines conditions, la France métropolitaine elle-même pourrait être régie par une assemblée à majorité composée de députés d’outre-mer. Est-ce exact ?

M. KENNEDY. Le sénateur a raison. De plus, la France a fait quelques concessions en 1947 qui prévoyaient la mise en place d’un parlement bicaméral basé sur deux électorats en Algérie.

Bien que la population française soit évaluée à un million, avec un décompte strict, son nombre pourrait descendre jusqu’à 700 000. L’égalité du droit de vote n’a pas été donnée à l’ensemble de la population algérienne de plus de 8 millions. Le projet de loi Blum stipulait que la pleine citoyenneté serait accordée selon une base s’élargissant lentement, en commençant par ceux qui ont apporté des contributions spéciales à l’État, dans l’armée, par exemple. Mais il a été convenu dans la colonie française d’Algérie que même cela ne serait pas acceptable. Tous les maires français d’Algérie se sont concertés, ont présenté leur démission collective et ont solennellement protesté. Soixante-quinze mille sur une population totale de 8 millions ont reçu le droit de vote français.

D’une part, il y a la revendication française que ses politiques protègent la France métropolitaine. D’autre part, les Français en Algérie refusent d’accepter la responsabilité qu’un tel point de vue implique.

Pour cette raison je soutiens que la France, dans la pratique, à travers ces déclarations, a reconnu l’Algérie comme une entité indépendante. À mon avis, la situation doit être traitée dans cette optique, et la France devrait poursuivre les négociations avec les nationalistes sur cette base. Jusqu’à ce que cela soit fait, la situation continuera évidemment à se détériorer.

QUEL EST LE DOSSIER AMÉRICAIN SUR L’ALGÉRIE ?

Ce récit lamentable est d’une importance particulière pour nous au Sénat et pour le sous-comité des relations étrangères des affaires des Nations Unies que j’ai l’honneur de servir en tant que président, en raison de l’attitude envers la question algérienne qui a été adoptée pendant toute cette période par nos porte-parole à Washington, à Paris et au siège de l’ONU. Au lieu de contribuer à nos efforts pour un cessez-le-feu et un accord, de l’équipement militaire américain – en particulier des hélicoptères, achetés dans ce pays, que les indigènes en particulier craignent et détestent – a été utilisé contre les rebelles. Au lieu de reconnaître que l’Algérie est le plus grand problème non résolu de la diplomatie occidentale en Afrique du Nord aujourd’hui, notre émissaire spécial dans cette région cette année, notre distingué vice-président, n’a même pas parlé de cette question sensible dans son rapport.

*     *     *     *     *

Au lieu de reconnaître le refus de la France de négocier de bonne foi avec les dirigeants nationalistes ou d’accorder les réformes précédemment promises, notre ambassadeur auprès de l’ONU, M. Lodge, dans sa déclaration cette année comme précédemment, et notre ancien ambassadeur à Paris, M. Dillon, dans sa déclaration l’année dernière représentant apparemment la politique de la plus haute administration, ont tous deux exprimé une foi ferme dans la gestion par le gouvernement français de l’ensemble de la question. Je ne les critique pas en tant qu’individus, parce qu’ils représentaient la politique du sommet de l’administration.

Dans sa déclaration, l’ambassadeur Dillon a rappelé avec fierté que « les États-Unis ont toujours soutenu la France quand les questions d’Afrique du Nord ont été discutées au sein des Nations Unies » ; et que le matériel militaire américain – en particulier des hélicoptères – avait été mis à disposition pour l’utilisation contre des groupes indigènes en Algérie.

Les États-Unis, souligna l’ambassadeur Dillon, se tiennent solennellement derrière la France dans sa recherche d’une solution libérale et équitable des problèmes en Algérie.

Notre fière tradition anticolonialiste, dit-il, ne place pas le problème algérien dans le même camp que la Tunisie et le Maroc.

Naturellement, les Français étaient ravis de la déclaration de l’ambassadeur Dillon. Le Premier ministre Mollet a exprimé la satisfaction de son pays d’avoir les États-Unis « à ses côtés en ce moment ». Le Monde la décrit comme « une victoire du camp pro-français dans le département d’État sur les champions de l’anticolonialisme et de l’apaisement des Arabes. » Mais le chef du mouvement national algérien, en résidence surveillée en France, a exprimé sa consternation que les États-Unis quittent leurs traditions démocratiques pour s’allier au colonialisme français et favoriser « la reconquête militaire de l’Algérie au détriment de l’autodétermination des peuples. »

De même, lorsqu’en 1955 on a demandé au comité de pilotage de l’ONU d’inscrire la question à l’ordre du jour de l’Assemblée générale, et notre ambassadeur à l’ONU a insisté sur le fait que l’Algérie faisait tellement partie intégrante de la République française que la question ne pouvait pas être correctement examinée par un organisme international. Un porte-parole algérien a commenté que son peuple « n’arrivait pas à comprendre pourquoi les États-Unis devraient s’identifier à une politique de répression coloniale et à des préjugés contraires aux traditions et intérêts politiques américains. »

L’Assemblée générale, le Sénat s’en souviendra, a annulé la décision du comité et a placé la question de l’Algérie à l’ordre du jour, ce qui a provoqué la sortie des délégués français de l’Assemblée, les États-Unis ont à nouveau voté contre la discussion de la question. Deux mois plus tard, bien sûr, la question a été abandonnée et les Français sont revenus. Lors de la session de 1956-1957, les États-Unis ont à nouveau travaillé pour parvenir à une résolution de compromis reportant l’examen par les Nations Unies pour au moins un an jusqu’à ce que les Français aient réglé la question comme ils l’entendent.

Ce n’est pas une attitude dont on peut être fier alors que s’approche la Journée de l’Indépendance. Peu importe la complexité des problèmes posés par la question algérienne, la position des États-Unis dans ce cas est, comme ailleurs, un recul par rapport aux principes d’indépendance et d’anticolonialisme, sans tenir compte des subtilités diplomatiques, juridiques, ou même des considérations stratégiques proposées pour sa défense. Le dossier est encore plus sombre une fois mis dans la perspective de notre refus constant pendant plusieurs années de soutenir l’examen par les Nations Unies des questions tunisienne et marocaine.

QUELLE EST LA GRAVITE DES OBSTACLES À UNE SOLUTION AU CONFLIT ALGÉRIEN ?

Je me rends compte qu’aucune solution miracle de l’« anticolonialisme » ne peut surmonter les énormes obstacles que doit affronter tout règlement rapide donnant aux Algériens le droit à l’autodétermination, et les distinguant des Tunisiens ou des Marocains. Mais considérons l’importance à long terme de ces objections et de ces obstacles, afin de déterminer si notre département d’État doit rester lié par eux.

Un. Le premier obstacle est l’affirmation que l’Algérie est légalement partie intégrante de la France métropolitaine et ne pourrait pas plus être séparée que le Texas ne peut l’être des États-Unis, un argument utilisé non seulement par la France, mais les porte-parole américains se prétendant préoccupés par quelque précédent des Nations Unies affectant nos propres affaires internes. Mais cette objection a été largement rejetée par les Français eux-mêmes, comme je vais en discuter dans un instant, ainsi que par le rythme des développements qui ont forcé l’Algérie à devenir un problème international, comme je l’ai déjà souligné. Je crois que ce sera la question la plus importante à l’ordre du jour des Nations Unies cet automne.

Deux. Le deuxième obstacle est posé par la population française en Algérie exceptionnellement nombreuse et à juste titre alarmée, qui craint pour ses droits en tant que citoyens français, ses biens et sa vie, et qui compare sa situation à celle des colons américains qui repoussaient les Indiens. Leur problème, à mon avis, mérite une reconnaissance spéciale dans un règlement final en Algérie, mais il ne diminue pas la nécessité d’aller de l’avant rapidement vers un tel règlement. Au contraire, le danger pour leurs droits et la sécurité augmente d’autant qu’un tel règlement – qui à la fin est inévitable – est reporté.

*     *     *     *     *

Trois. L’objection suivante, la plus fréquemment posée, est l’aide et le réconfort que tout règlement raisonnable donnerait aux extrémistes, des terroristes et des saboteurs qui imprègnent le mouvement nationaliste, aux communistes, égyptiens et autres provocateurs anti-occidentaux extérieurs qui ont clairement atteint un certain succès en pénétrant dans le mouvement. Le terrorisme doit être combattu, pas toléré, est-il dit ; il ne convient pas de « négocier avec des assassins ». Pourtant, une fois de plus c’est un problème que ni report ni tentative de conquête ne peuvent résoudre. Le tableau fiévreux de chaque révolution réussie – y compris, bien sûr, la Révolution française – révèle une augmentation de la température du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme ; mais cela n’invalide pas les buts légitimes qui ont déclenché la révolution d’origine. La plupart des révolutions politiques – y compris la nôtre – ont été soutenues par l’aide extérieure dans les effectifs, les armes et les idées. Au lieu d’abandonner le nationalisme africain aux agitateurs anti-occidentaux et aux agents soviétiques qui espèrent en prendre la tête, les États-Unis, produit d’une révolution politique, doivent redoubler d’efforts pour gagner le respect et l’amitié des dirigeants nationalistes.

Quatre. Enfin, est soulevée l’objection de négocier avec un mouvement nationaliste auquel manque un dirigeant pour sa cohésion, ses objectifs et sa direction, comme les Tunisiens l’ont eu avec Habib Bourguiba, ou que les Marocains avaient certainement après la destitution stupide et autodestructrice du sultan du Maroc Ben Youssef en 1953 – maintenant Mohammed V. Le manque, d’ailleurs, d’homogénéité raciale totale parmi les Algériens africains a été reflété dans les clivages au sein des forces nationalistes. Il est dit que les Algériens ne sont pas encore prêts à gouverner leur propre pays, sur une base réelle et permanente, sans les dirigeants expérimentés et les experts formés que tout État moderne exige. Mais le gouvernement français est mal placé pour formuler de telles objections. Lui qui a délibérément étouffé les possibilités d’éducation pour les autochtones algériens, emprisonné, exilé ou exécuté leurs dirigeants, et proscrit leurs partis politiques et leurs entreprises. Les mêmes objections ont été entendues dans les cas de la Tunisie et du Maroc – où l’autonomie n’a apporté ni chaos économique ni terrorisme racial ou anarchie politique; et le problème de la société plurielle, d’ailleurs, est maintenant la règle, et non l’exception, en Afrique.

Faut-il nous opposer à nos alliés français sur l’Algérie ? La raison la plus importante pour laquelle nous avons pris le parti des Français en Algérie et en Afrique du Nord est notre réticence à contrarier un ami traditionnel et allié important dans une période de crise. Notre entente avec la France a été troublée par ses réponses alarmistes à toutes les perspectives de négociation, par sa mise en garde que les seules conséquences possibles sont la ruine politique et économique, « la valise ou le cercueil ».

Pourtant, n’avons-nous pas appris en Indochine, où nous avons retardé l’action à la suite d’avertissements semblables, que nous aurions pu servir à la fois les Français et nos propres causes infiniment mieux, si nous avions pris une position plus ferme beaucoup plus tôt que nous ne l’avons fait ? Cet épisode tragique ne nous enseigne-t-il pas, que la France le veuille ou non, l’admette ou non, à notre soutien ou non, que leurs territoires d’outre-mer vont tôt ou tard, un par un, inévitablement se libérer et considérer avec suspicion les nations occidentales qui entravaient leurs pas vers l’indépendance ? Selon les termes de Turgot :

Les colonies sont comme les fruits qui ne tiennent à l’arbre que jusqu’à la maturité.

Je tiens à souligner que je ne manque pas de réaliser les difficultés de nos alliés français aux abois. L’imagination défaille à l’idée que la France est une nation qui a été dans un état continu de guerre depuis 1939 – contre l’Axe, puis en Syrie, en Indochine, au Maroc, en Tunisie, en Algérie. Il n’a naturellement pas été facile pour la plupart des Français d’observer les retraits successifs de Damas, Hanoi, Saigon, Pondichéry, Tunis et Rabat. Avec chaque départ un grand mythe a été de plus en plus dégonflé. Mais le problème n’est plus de sauver le mythe de l’empire français. Le problème est de sauver la nation française, ainsi que l’Afrique libre.

*     *     *     *     *

Je crois que s’il y a trois ans les Français avaient fait un compromis raisonnable, il ne fait aucun doute qu’une solution raisonnable aurait pu être trouvée, et qui aurait protégé les intérêts français. Je pense qu’une telle solution aurait bien pu être trouvée alors, mais il devient de plus en plus difficile de l’appliquer au fur et à mesure que les mois passent.

En outre, le point sera fait à la réunion des Nations Unies cet automne car les États-Unis ont vraiment reporté la question en février dernier, parce que les Français ont plaidé pour plus de temps. Le fait est que la situation s’est détériorée depuis la réunion des Nations Unies, et donc les États-Unis viendront avec une résolution ferme proposant que les États-Unis et les autres membres des Nations Unies reconnaissent le fait que l’Algérie tente d’obtenir le droit à une existence indépendante. J’espère qu’auparavant les Français présenteront une proposition ; et je suggère que, avec l’aide d’Habib Bourguiba et du Sultan du Maroc et les bons offices de l’OTAN, une solution reconnaissant les droits des deux parties puisse être proposée.

M. JAVITS. On aurait pu avoir l’impression, en lisant le discours du sénateur dans une certaine optique, qu’il contenait des accents critiques sur l’administration. Sachant, comme nous le faisons tous deux, que la politique étrangère bipartite a eu le plus de succès, le sénateur du Massachusetts sera-t-il d’accord avec moi qu’il est parfaitement possible de mettre cela de côté et d’oublier de critiquer qui que ce soit, et de demander aux États-Unis de prendre la position que, après avoir essayé et essayé de nouveau et après avoir joué le jeu des Français, selon la théorie suivie par les Nations Unies de ne pas étudier la question, comme relevant de la compétence nationale, le moment est venu où les États-Unis ne peuvent pas laisser l’ONU rester à l’écart plus longtemps. Cela peut être la position des États-Unis à savoir que d’avoir fait de notre mieux avec un allié, en attendant et en attendant, les États-Unis sentent maintenant que dans l’intérêt général de la paix internationale, une certaine médiation d’un organisme international doit la garantir.

M. KENNEDY. Je suppose que la politique américaine dans ce domaine est l’objet de critiques. Mais malheureusement, cette politique a été confiée à cette administration et ce secrétaire d’État. Mais quand je parlais en 1953 et 1954 dans cette instance, de discuter de la question de l’Indochine, j’étais extrêmement critique sur la politique que l’administration démocrate avait pratiquée sur cette question pendant une période de 7 ans. De plus, je tiens également à préciser que la position de l’administration démocrate sur le Maroc, telle que les États-Unis l’ont définie aux Nations Unies avant 1953, n’a pas été non plus très heureuse. Donc, mes critiques ne sont pas partisanes, mais sont destinées uniquement à indiquer que la politique des États-Unis dans ce domaine au cours des 3 dernières années a été malheureuse ; à cet égard, je suis obligé de mentionner les noms de M. Lodge, M. Dillon, et le secrétaire d’État. Je suis critique de la position des États-Unis en ce qui concerne cette situation depuis 1946 – en particulier, le désir des États-Unis de maintenir son amitié avec les Français, les Belges et les Portugais, qui ont tous des possessions coloniales, et en même temps de maintenir l’amitié avec les peuples coloniaux eux-mêmes. Donc, ma critique n’est pas partisane, mais est uniquement destinée à indiquer que je crois que notre politique a échoué.

M. JAVITS. Permettez-moi de formuler la question de façon positive, Monsieur le Président : Notre gouvernement a besoin – pour ne pas revenir en arrière – seulement pour prendre la position très honnête que maintenant, après avoir essayé et essayé de progresser suivant une certaine ligne, à présent que la situation est devenue presque impossible en termes de maintien de la paix internationale, quelque chose doit être fait.

*     *     *     *     *

M. KENNEDY. Monsieur le Président, aucun assaut de politesse mutuelle, de vœu pieux, de nostalgie, ni de regret ne devrait aveugler la France ou les États-Unis sur le fait que, si la France et l’Occident en général doivent avoir une influence stable en Afrique du Nord – et je suis favorable, certainement, à la poursuite de l’influence française dans ce domaine – alors la première étape essentielle est l’indépendance de l’Algérie le long des lignes du Maroc et de la Tunisie. Si des mesures concrètes sont prises dans ce sens, alors il peut encore exister un Afrique du Nord français. Faute de cette étape, il y aura inévitablement seulement une mémoire vide et un échec désolé. Comme M. David Schoenbrun, dans son récent excellent volume “Ainsi va la France” souligne de façon convaincante.

La France doit soit jouer sur l’amitié d’une Afrique du Nord libre, soit en sortir complètement. Il devrait être évident après le fiasco égyptien que la France ne peut pas indéfiniment imposer sa volonté à quelque 22 millions d’Africains. Tôt ou tard, les Français devront reconnaître l’existence d’un État algérien. Le plus tôt sera le moins cher en termes d’hommes, d’argent et d’une chance de sauver quelque chose du naufrage de l’Union française.

En effet une lueur d’espoir qui se dégage de cette image par ailleurs sombre est l’indice que les Français ont reconnu la faillite de leur politique algérienne, cependant, ils peuvent ressentir ce que nous disons en légiférant des mesures généreuses et à très grande portée pour une plus grande autonomie en Afrique de l’Ouest française. Ici, sous la direction de M. Félix Houphouët-Boigny, le premier Noir ministre de l’histoire française, le gouvernement français a pris des mesures importantes en établissant un système électoral collégial unique, que l’Algérie n’a jamais eu, et en offrant le suffrage universel, large mesure de décentralisation du gouvernement, et l’autocontrôle interne. Voici les étapes réalistes à terme prises pour fusionner les aspirations nationalistes en une évolution progressive et mesurable de la liberté politique.

QU’AVONS-NOUS APPRIS EN INDOCHINE, EN TUNISIE ET AU MAROC ?

Les Français n’étaient pas les seuls, cependant, à devoir être convaincus de l’inutilité et du coût d’une lutte de type algérien. Les États-Unis et d’autres alliés occidentaux ont fourni de l’argent et du matériel en Indochine dans une tentative désespérée pour sauver pour les Français une terre qui ne voulait pas être sauvée, dans une guerre où l’ennemi était à la fois partout et nulle part en même temps, comme je l’ai souligné au Congrès à plusieurs reprises. Nous avons accepté pendant des années les prédictions que la victoire était imminente, les promesses que l’Indochine allait bientôt être libérée, les arguments que c’était un problème spécifiquement français.

Et même après avoir été témoins des conséquences tragiques de notre indécision, non seulement en termes de gains communistes mais la décimation de la force militaire française et de l’efficacité politique, nous avons entendu encore les mêmes prévisions, les mêmes promesses, les mêmes arguments en Tunisie et au Maroc. Les fortes attaches pro-occidentales dans chacun de ces pays aujourd’hui, en dépit des offres séduisantes de l’Est communiste, rendent hommage à l’autorité d’hommes comme le Premier ministre Bourguiba, dont les années dans les prisons françaises n’ont jamais obscurci l’attachement aux valeurs démocratiques occidentales.

LE DOSSIER FRANÇAIS EN TUNISIE ET AU MAROC

Certes, les Français ne peuvent à eux seuls s’attribuer le mérite de cette orientation pro-occidentale. Bien qu’en Tunisie, et plus encore au Maroc, qui a une économie beaucoup plus diversifiée et flexible, les Français laissèrent un impressionnant témoignage de réussite économique, les fruits de ces progrès n’étaient nullement répartis équitablement  dans les populations autochtones ; et il n’y avait quasiment pas de croissance parallèle des facilités dans les domaines de l’éducation et de la politique. Même si un parti politique nationaliste – l’Istiqlal au Maroc et le Néo-Destour en Tunisie – a pris vigueur dans chaque pays, son expansion a été limitée par une étroite surveillance française, par de longues périodes d’illégalité, par des arrestations, la marginalisation, ou l’emprisonnement de presque tous les dirigeants politiques importants, et par un manque d’opportunité de partager la responsabilité politique réelle. Les syndicats, qui, en Afrique, fournissent un des meilleurs viviers d’expérience politique, n’ont eu guère de liberté pour se développer.

Dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale, une succession de commandants militaires et de généraux résidents dans les deux villes de Tunis et Rabat semblaient considérer leurs missions en Afrique du Nord comme principalement concernées par l’ordre public, la suppression de la dissidence par la force, et le colmatage des explosions nationalistes. Le Parti de l’Istiqlal a été supprimé purement et simplement en 1952-1954, alors qu’aucune presse marocaine importante n’a été autorisée à publier en dehors du contrôle français et espagnol. L’alphabétisation chez les Marocains plafonne à 10 pour cent, et est à peine plus élevé chez les Tunisiens.

Deux ans avant la réalisation de l’indépendance du Maroc, les Français ont exilé le sultan et l’ont remplacé par la marionnette Ben Arafa, simple créature des Français et d’El Glaoui, pacha de Marrakech, qui avait conspiré avec le maréchal Juin pour renverser le sultan. Ces étapes brutales, la tentative d’imposer une solution militaire au Maroc et le sabotage par le gouvernement français et les « colons » du seul effort de véritable réforme en 1955 par le général résident Grandval, ont en fait assuré l’indépendance du Maroc. L’opinion décisivement ralliée au côté du sultan exilé, les Français avaient davantage de difficulté à traiter avec l’Armée marocaine de Libération et avec les tactiques souterraines du Parti de l’Istiqlal.

En Tunisie la politique de la garnison des Français ne fut pas aussi vindicative et rigoureuse – mais aucune véritable concession n’a été faite, et le chef du Parti Néo-Destour tunisien, Bourguiba, a été maintenu en isolement.

LE DOSSIER AMÉRICAIN EN TUNISIE ET AU MAROC

Malheureusement, Tunisiens et Marocains savent aussi qu’ils doivent peu, sinon rien, aux États-Unis pour leur liberté retrouvée. En fait, nous avons camouflé notre soutien constant à la position française avec des discours charitables ponctuels à propos d’une autonomie gouvernementale finale et d’espoirs de solutions justes. Et, heureusement, notre gouvernement n’a pas offert la reconnaissance à Ben Arafa parrainé par les Français après la destitution du sultan Ben Youssef, avec qui le président Roosevelt s’était entretenu pendant la Conférence de Casablanca. Mais dans la série de discussions qui a débuté en 1951 aux Nations Unies sur le Maroc et la Tunisie, les États-Unis, vote après vote, sous les deux administrations démocrate et républicaine, ont fait valoir, soit que l’ONU n’avait pas de véritable compétence pour traiter de ces questions, ou, argument pour faire peur, que cela ne ferait qu’envenimer la situation. En bref, sur chaque vote aux Nations Unies sur les questions du Maroc et de la Tunisie, nous avons échoué à voter contre les Français et pas même une fois avec les nations dites anticolonialistes d’Asie et d’Afrique.

TUNISIE, MAROC ET L’OCCIDENT AUJOURD’HUI

Heureusement pour les États-Unis et la France, et en dépit de – et non à cause de – nos dossiers passés, ni la Tunisie ni le Maroc n’ont une inclination naturelle vers Moscou, Pékin, ou Le Caire aujourd’hui. Mais il est néanmoins évident que ces derniers constituent de possibles pôles d’attraction de rechange si les pays occidentaux deviennent trop paternalistes ou tyranniques. En Tunisie, l’opposition politique au Premier ministre Bourguiba, dirigée par l’auto-exilé Salah Ben Youssef, cherche clairement à mobiliser le soutien des gouvernements égyptiens et russes. Au Maroc, les forces les plus réactionnaires et traditionalistes, qui pourraient venir au pouvoir si le gouvernement actuel d’esprit occidental échoue, semblent tâtonner quant au soutien du Caire, et aussi probablement de Moscou, et nous, dans ce pays, sommes enfin pleinement conscients du fait que la Russie possède une gamme efficace d’incitations économiques et d’astuces politiques ; que l’Égypte fait un appel persuasif, au nom du nationalisme africain, pour l’unité contre l’Occident ; et que la Chine rouge offre aux pays émergents d’un État colonial une réponse toute prête sur la façon de parvenir rapidement à la transition du retard économique à une économie forte.

Les politiques américaines dans ces territoires – visant à fournir une alternative efficace à ces forces et qui ont aidé l’indépendance tunisienne et marocaine, tandis que nous restions silencieux – ne peuvent plus désormais être liées aux Français, qui cherchent à faire dépendre leur aide économique et les négociations politiques de l’attitude du destinataire envers l’Algérie. Nous ne pouvons pas temporiser aussi longtemps que nous l’avons fait l’année dernière sur la fourniture d’urgence de blé à la Tunisie. Nous ne pouvons pas offrir à ces pays en difficulté une aide économique en deçà de leurs besoins, représentant une petite fraction de ce que nous avons offert à certains de leurs voisins moins sympathiques, moins nécessiteux, moins démocratiques, alors que même un ami dévoué comme le Premier ministre Bourguiba a été contraint de rejeter l’offre initiale de l’ambassadeur Richards – comme il avait rejeté une offre d’aide soviétique plus de 30 fois plus importante. Au Maroc, aussi, notre aide a été en deçà des besoins élémentaires de la nouvelle nation.

Nous devons, d’autre part, éviter la tentation d’imiter les communistes en promettant à ces nouvelles nations des remèdes automatiques et rapides à la détresse économique – qui conduisent trop facilement à récolter des désillusions. Mais nous pouvons de façon réaliste contribuer à ces programmes qui généreront une véritable force économique et apporteront un soulagement à la famine, à la sécheresse et aux catastrophes. La poursuite de l’utilisation des excédents agricoles, et le nouveau fonds de prêt renouvelable rendant possible la planification et l’engagement à long terme, devraient être particulièrement bien adaptés aux besoins du Maroc et de la Tunisie, qui ont dépassé le niveau de la plupart des États sous-développés, mais pas encore atteint la capacité de la plupart des économies occidentales.

Une autre étape que nous pouvons franchir immédiatement, de la plus haute priorité encore que peu coûteuse, est d’accélérer considérablement le nombre de jeunes d’Afrique du Nord qui ont pu jusqu’à présent venir aux États-Unis dans l’enseignement supérieur et la formation technique, et d’augmenter nos propres missions d’enseignement et de formation dans ce domaine. L’édification d’une fonction publique nationale, des ressources en gestion et un vivier d’ouvriers qualifiés et de cadres sont des conditions préalables pour ces pays – et l’ajout de quelques administrateurs qualifiés, ingénieurs, médecins et éducateurs sera remboursé au centuple par la stabilité et la bonne volonté.

De cette façon, nous pouvons aider à réaliser une grande et prometteuse opportunité de montrer au monde qu’une nation nouvelle, avec un patrimoine arabe, peut s’instaurer dans la tradition occidentale et résister victorieusement à la fois à l’attraction vers la féodalité arabe et le fanatisme et l’attraction vers l’autoritarisme communiste.

QUE PROPOSE LA FRANCE POUR UN ACCORD EN ALGÉRIE ?

Les leçons de la Tunisie et du Maroc, comme la leçon de l’Indochine auparavant, constituent, je l’espère, la preuve ultime de l’inutilité de l’actuelle position de la France en Algérie et le danger de l’actuelle paralysie de l’attitude américaine. Un accord rapide est une nécessité urgente – pour l’Afrique du Nord, pour la France, pour les États-Unis, l’OTAN et le monde occidental. Ce sont pourtant les éléments du « règlement » mis en avant de temps à autres par les Français, dans lesquels nous avons cru. Ils sont trois : d’abord, la reconquête militaire ou pacification ; deuxièmement, réforme économique et sociale ; et troisièmement, l’union politique avec la France.

Je suggère respectueusement que ces trois éléments ne représentent pas du tout un accord, et que d’y insister continuellement ne fait que retarder, et non hâter, un accord final. Permettez-moi d’examiner brièvement chaque point.

Le premier est l’insistance française sur la pacification de la région, en réalité reconquête, avant que d’autres pourparlers ne se poursuivent : une politique qui rend peu probables à la fois un accord et un cessez-le-feu. Car il encourage les nationalistes à supposer qu’ils peuvent jouer un jeu d’usure où la patience et la ténacité des hommes politiques français vont enfin céder comme ils l’ont fait pour l’Indochine en 1954. La politique dite de pacification de M. Lacoste se compose plus de mesures imaginaires que d’une simple répression militaire, car il tente de combiner l’élimination des rebelles et des activités terroristes dans les petites localités avec des mesures de réforme sociale et de reconstruction. Mais la rébellion est maintenant trop contagieuse pour être traitée par des méthodes de pacification, même si les Français pouvaient se permettre d’augmenter sensiblement les effectifs déjà affectés dans la région, et cela malgré le flux régulier de communiqués français optimistes.

Car, comme le général Wingate l’a judicieusement fait remarquer dans la dernière guerre, « Compte tenu d’une population favorable à la pénétration, un millier d’hommes résolus et bien armés peuvent paralyser pour une durée indéterminée les opérations de cent mille » ; et ceci est précisément ce qui est arrivé en Algérie. Les Français ont tendance à regarder le problème des rebelles algériens en termes d’échiquier militaire, alors qu’en fait, chaque rebelle identifiable a derrière lui le soutien silencieux ou à demi-mot de nombreux autres Algériens. Ainsi, près d’un demi-million de vaillants soldats français font face à un ennemi sans forces organisées, sans stratégie acceptable, sans installations militaires, et sans filières identifiables d’approvisionnement. Ils ne se battent pas avec le zèle qu’ils mettraient à défendre leur propre liberté, mais ils se battent en vain – à travers l’histoire, il a été vain d’endiguer la liberté d’un autre peuple.

Les États-Unis, contribuant à la force militaire française et en refusant d’exhorter à la médiation d’un cessez-le-feu, ont apparemment avalé la longue série de déclarations contradictoires offertes par les Français suggérant pourquoi la guerre d’Algérie s’éternise. De temps en temps on nous a dit que la guerre s’est poursuivie seulement à cause de l’ingérence du colonel Nasser, que la rébellion était active uniquement pour attirer l’attention des Nations Unies, ou en raison de l’aide du Maroc et de la Tunisie, ou en raison de l’ingérence injustifiée de diplomates et de journalistes américains décontractés, ou enfin parce que Russes et communistes s’immiscent en Algérie. Aucune de ces explications qui cherchent à trouver à l’extérieur les véritables agents de la rébellion algérienne n’emporte plus guère la conviction, même celle des Français, comme le montre la multiplicité des récentes tentatives pour supprimer le journal critique local et les commentaires du public.

Deuxièmement, les Français ont continué à exposer aux Nations Unies leurs réformes économiques et sociales actuelles et à venir les proposer en Algérie, promettant une vie meilleure pour tous si elles peuvent mettre fin aux combats. Il est vrai que les Français ont finalement ouvert des possibilités d’emploi aux musulmans, ont exproprié des terres pour les redistribuer, et ont fait des efforts pour augmenter les salaires des travailleurs agricoles. Mais la lenteur de ces réformes et l’étroitesse d’esprit de la minorité française en Algérie, qui depuis plus de 20 ans a combattu les efforts de réforme des quelques ministres libéraux, ont permis à la vague de nationalisme de s’étendre jusqu’à présent, et de prendre racine si profondément que ces efforts palliatifs arrivent trop peu et trop tard pour une situation devenue maintenant explosive. Nous devons, je le crains, accepter la leçon de tous les mouvements nationalistes que les réformes économiques et sociales, même honnêtement parrainées et administrées efficacement, ne peuvent pas résoudre ou satisfaire la quête de liberté. La plupart des peuples, en fait, semblent disposés à payer un prix dans le progrès économique, afin de parvenir à l’indépendance politique.

Troisièmement et enfin, la conception française de l’accord a obstinément adhéré au concept de constitution algérienne en France elle-même. Cette zone, il convient de le rappeler, n’a été prise que par les Français il y a un peu plus d’un siècle – la zone désertique du Sud a toujours été gouvernée de Paris comme une colonie de la couronne – et bien que le territoire côtier du Nord peuplé et fertile ait été légalement englobé dans la France en 1871, les Algériens indigènes ne sont pas devenus citoyens français jusqu’en 1947. Même alors, ce mouvement a été mené pour solidifier le contrôle français plutôt que pour accorder l’égalité. En même temps un système de représentation électorale à l’Assemblée nationale française et à l’Assemblée algérienne a été créé, donnant un pouvoir égal à deux groupes électoraux strictement séparés – l’un composé de plus de 7 millions d’Algériens et l’autre composé d’environ un million de colons français. Seuls 75 000 Algériens africains avaient le droit de vote – et seulement 30 sièges pour l’Algérie, la plupart occupés par des hommes politiques français, ont été élus à l’Assemblée nationale française. Même ces sièges sont vacants maintenant, bien sûr, les élections de 1956 n’ayant pas été prolongées après la crise qui déchire l’Algérie.

Le résultat de cet écart entre la parole et l’action, et la réticence persistante des Français à permettre plus de légères réformes ponctuelles au détriment des intérêts investis en France et en Algérie, a été d’aliéner la plupart des secteurs de l’opinion algérienne de telle sorte que l’assimilation est maintenant un effort infructueux. Il y a eu une augmentation progressive du nombre d’Algériens africains qui, une fois engagés dans un programme d’intégration avec la France, se sont ravisés et ont rejoint le mouvement pour l’indépendance – l’exemple le plus notable étant celui de Ferhat Abbas, un des leaders nationalistes les plus habiles, qui a longtemps plaidé en faveur d’une démarche assimilationniste et n’a pas tout à fait désespéré d’un tel règlement jusqu’à peu de temps avant 1956, quand il a rejoint le Front de Libération nationale.

S’il y avait eu de constants progrès d’extension de l’égalité politique et des opportunités à tous les Algériens, de sorte qu’après un certain temps, il y aurait eu une norme commune de la citoyenneté française, un effort constant pour élargir les droits politiques, au moins ceux inhérents au statut de 1947 de l’Algérie, il est possible qu’on aurait pu parvenir à une solution responsable. Il y a deux ans, une promesse – avec une date d’application précisée – qui aurait donné un droit de vote véritablement égal à l’Assemblée nationale française, et au moins la parité dans l’administration municipale algérienne, aurait bien pu gagner le soutien musulman général. Mais les Français ne voulaient pas voir 100 députés musulmans au Parlement et fournir – à un coût ne dépassant pas celui de la guerre d’Algérie actuelle – des services sociaux et une éducation communs. Et c’est cet échec de la part des Français à accepter les conséquences de leur propre conception qui a fermé à jamais la porte à la possibilité d’une véritable Union française, et a fait de l’Algérie irréversiblement une facette de la quête plus large de l’indépendance politique en Afrique. Par ailleurs, le nationalisme en Afrique ne peut pas être évalué uniquement en termes de subtilités historiques et juridiques invoquées par les Français, et donc bien acceptées par le département d’État. L’autodétermination nationale a souvent lieu par une combustion rapide que la pluie de la répression ne peut tout simplement pas éteindre, surtout dans une région où il y a un patrimoine islamique commun et où la plupart des gens – y compris les voisins les plus proches de l’Algérie en Tunisie, au Maroc et en Libye – ont obtenu l’indépendance politique. Des nations nouvelles se succèdent rapidement – Ghana hier, Nigeria peut-être demain, et les colonies d’Afrique centrale migrant vers le statut de protectorat. Quelle que soit l’histoire et ce que peuvent dire les livres de droit, nous ne pouvons pas échapper aux preuves de notre temps, surtout nous dans les Amériques dont les expériences propres fournissent un modèle qui inspire un grand nombre de ces nouvelles nations.

QUELLE POSITION LES ÉTATS-UNIS DEVRAIENT-ILS ADOPTER EN ALGÉRIE ?

Et ainsi je reviens, Monsieur le Président, au moment où je commençais cette analyse. Le temps est venu où notre gouvernement doit reconnaître que ce n’est plus seulement un problème français et que le temps est passé, où une série d’ajustements au coup par coup, ou même une dernière tentative d’intégrer Algérie entièrement à la France, peut réussir. Le temps est venu pour les États-Unis de faire face aux dures réalités de la situation et d’assumer leurs responsabilités en tant que leader du monde libre – à l’ONU, à l’OTAN, dans l’administration de nos programmes d’aide et dans l’exercice de notre diplomatie – dans l’élaboration d’une course vers l’indépendance politique de l’Algérie.

Notre gouvernement ne devrait pas avoir pour objectif d’imposer une solution aux deux parties, mais d’apporter une contribution pour briser le cercle vicieux des tourbillons du conflit algérien.

Et je n’affirmerai pas non plus que les lourdes procédures des Nations Unies sont nécessairement mieux adaptées au règlement d’un différend de ce genre. Mais une recommandation et l’action directe des Nations Unies seraient préférable à l’absence actuelle de traitement du problème ; et en tout état de cause, lorsque l’affaire réapparaît à l’ordre du jour des Nations Unies, les États-Unis doivent radicalement réviser la position de Dillon et Lodge par laquelle notre politique a été trop longtemps corsetée.

En outre, bien que la résolution qui a été adoptée lors de la dernière session ait accordé, en général, un soutien aux efforts des Français pour localiser le conflit, il y avait néanmoins une condition – une condition qui a servi à accorder à la France un statut probatoire et à avertir que des progrès conséquents devraient être présentés à la prochaine réunion de l’Assemblée. Nous sommes maintenant quasiment arrivés à mi-chemin de cette période intérimaire et la situation s’est encore aggravée. Pour éviter une situation encore plus difficile lors de la session d’automne, notre département d’État devrait maintenant chercher des moyens de sortir de l’impasse actuelle. Et je demande à cet organisme, comme il l’a fait avec succès avant dans les cas de l’Indonésie et de l’Indochine, d’offrir des conseils à l’administration et aux dirigeants dans le monde sur cette question cruciale.

Je soumets aujourd’hui une résolution qui, je crois, présente les meilleurs espoirs de paix et de règlement en Algérie. En bref, elle exhorte à encourager le président et le secrétaire d’État à faire jouer l’influence des États-Unis pour soutenir les efforts, soit par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou de bons offices du Premier ministre de la Tunisie et le Sultan du Maroc, pour parvenir à une solution qui reconnaîtra la personnalité indépendante de l’Algérie et établira les bases d’un règlement interdépendant entre la France et les pays voisins.

Cette résolution exprime ma conviction qu’il ne devrait pas être impossible de sortir de l’impasse dans une affaire d’une telle importance pour l’OTAN et les forces de médiation dans le reste de l’Afrique du Nord. Les gouvernements de la Tunisie et du Maroc, ni l’un ni l’autre membres de la Ligue arabe et chacun soucieux de poursuivre ses relations avec l’Occident, offrent le meilleur espoir, et en effet, ils ont fourni une telle aide, comme déjà indiqué, l’été dernier et au début de l’automne. Il y a deux semaines M. Bourguiba a lancé un nouvel appel à une solution algérienne au sein d’une fédération globale d’Afrique du Nord tournée vers la France. Même le gouvernement indien, souvent considéré comme le porte-parole systématique du nationalisme, a offert l’été dernier d’agir comme un éventuel intermédiaire dans une solution qui accorderait l’indépendance politique à l’Algérie mais confirmerait une protection spéciale aux citoyens français et placerait l’Algérie dans une fédération économique spéciale avec la France.

Il n’est pas impossible de trouver des médiateurs raisonnables ni des motifs raisonnables de médiation. Le problème en Algérie est de concevoir un cadre pour l’indépendance politique qui combine l’interdépendance économique étroite avec la France. Ce n’est pas un objectif illusoire. Les dirigeants nationalistes algériens parlent surtout le français. L’Algérie a un profond intérêt à des liens économiques et culturels stables avec la France, ainsi qu’à l’aide occidentale en général. Mais ces liens naturels avec la France vont refluer immédiatement si un changement n’a pas lieu bientôt. En novembre dernier, lorsque l’Algérie était sous examen des Nations Unies, le Premier ministre Bourguiba a exprimé l’inquiétude qui affecte le nationaliste responsable de l’Afrique du Nord à propos de la question algérienne :

Le vote de la Tunisie libre sera contre la France, mais ce serait une erreur de croire que nous sommes heureux de ce conflit. J’avais espéré sincèrement que la Tunisie serait un pont entre l’Occident et l’Orient et que notre premier vote indépendant aurait été en faveur de la France. Bien que cela se soit révélé impossible, je ne peux toujours pas me résoudre à désespérer, pour la première fois de ma vie, de la sagesse du peuple français et de son gouvernement. Le jour viendra peut-être, si le gouvernement de la République agit assez rapidement, où la civilisation française sera vraiment défendue en conseil mondial par les dirigeants d’une confédération française d’Afrique du Nord.

Les États-Unis doivent être prêts à accorder leur soutien à un tel règlement et leur aide pour les problèmes économiques qui en découleront. Ce n’est pas un fardeau que nous considérons légèrement ou avec plaisir. Mais dans aucune autre entreprise nos efforts ne sont plus importants, ce qui revient à reprendre une nouvelle fois l’initiative dans les affaires étrangères, ce qui démontre notre attachement aux principes de l’indépendance nationale, et nous fait gagner le respect de ceux qui se sont longtemps défiés de notre dossier négatif et hésitant sur les questions coloniales.

Il est particulièrement important, dans la mesure où la Hongrie sera une question primordiale lors de la réunion des Nations Unies cet automne, que les États-Unis crèvent l’abcès et éclaircissent leur position sur cette question, sur laquelle nous avons été vulnérables dans le passé. Et nous devons faire très clairement comprendre aux Français ainsi qu’aux Nord-Africains que nous ne cherchons pas d’avantages économiques pour nous-mêmes dans ce domaine, aucune opportunité de remplacer les liens économiques avec la France ou d’exploiter les ressources africaines.

Si nous voulons assurer l’amitié de l’Arabe, de l’Africain et de l’Asiatique – et nous le devons, malgré ce que M. Dulles dit à propos de ne pas être dans un concours de popularité – nous ne pouvons pas espérer l’accomplir uniquement au moyen de programmes d’un milliard de dollars d’aide extérieure. Nous ne pouvons pas gagner leurs cœurs en les rendant dépendants de notre aide financière. Nous ne pouvons pas les garder libres en les vendant à la libre entreprise, en décrivant les dangers du communisme ou la prospérité des États-Unis, ou en limitant nos relations à des accords militaires. Non, la force de notre appel à ces populations clés – et c’est à juste titre notre appel, et non celui des communistes – réside dans notre philosophie traditionnelle et profondément ressentie de la liberté et de l’indépendance de tous les peuples partout dans le monde.

Peut-être est-il déjà trop tard pour les États-Unis pour sauver l’Occident de la catastrophe totale en Algérie. Peut-être est-il trop tard pour abandonner nos politiques négatives sur ces questions, rejeter les décennies de suspicion anti-occidentale, pousser fermement mais hardiment pour une nouvelle génération d’amitié entre les États égaux et indépendants. Mais nous ne devons pas manquer de faire cet effort.

Les cœurs des hommes nous attendent

Dit Woodrow Wilson en 1913

La vie des hommes est en jeu ; les espoirs des hommes nous demandent de dire ce que nous allons faire. Qui méritera cette grande confiance ? Qui ose ne rien tenter ?

Monsieur le Président, je soumets pour référence appropriée une résolution sur le sujet que j’ai discuté aujourd’hui.

Le PRÉSIDENT. La résolution sera reçue et renvoyée de manière appropriée.

La résolution (S. Res 153), présentée par M. Kennedy, a été renvoyée à la commission des relations étrangères, comme suit :

Il est résolu que, en prenant connaissance de la guerre en Algérie, sa répression des aspirations nationalistes légitimes, sa contamination croissante des bonnes relations entre les nouveaux États d’Afrique du Nord et de l’Ouest, son érosion grandissante sur la force effective de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, la croissante préoccupation internationale qu’elle a suscitée au sein des Nations Unies, nous, Président et secrétaire d’État, par les présentes sommes fortement encouragés à soutenir les efforts, par l’influence des États-Unis, ou par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou par les bons offices du Premier ministre de la Tunisie et du Sultan du Maroc, pour parvenir à une solution qui reconnaîtra la personnalité indépendante de l’Algérie et établira les bases d’un accord interdépendant avec la France et les pays voisins ; et de plus

Il est résolu que, si aucun progrès substantiel n’a été noté lors de la prochaine session de l’Assemblée générale des Nations Unies, les États-Unis soutiendront un effort international pour obtenir pour l’Algérie la base de la réalisation de l’indépendance.

Source : JFK Link, le 02/07/1957

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Vous pouvez lire une analyse ici.

J.F Kennedy 1957

J.F Kennedy 1957

Source: http://www.les-crises.fr/1957-limperialisme-occidental-ennemi-de-la-liberte-par-j-f-kennedy/


Edward Snowden : « Nous devons contrôler les moyens de communication » pour protéger les libertés fondamentales

Friday 22 April 2016 at 01:59

Source : Nafeez Ahmed, Insurge Intelligence, le 13/03/2016

Le célèbre lanceur d’alerte de la NSA appelle à une action populaire radicale pour prendre le contrôle des technologies de l’information

Intervention publique d'Edward Snowden à Berlin samedi soir via une connexion vidéo

Intervention publique d’Edward Snowden à Berlin samedi soir via une connexion vidéo

Un parterre de journalistes, de hackers et de lanceurs d’alerte ont pu entendre ce week-end à Berlin l’ancien agent de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden, appeler les citoyens à trouver les moyens de prendre le contrôle des technologies de l’information qu’ils utilisent au quotidien.

Le Logan Symposium, organisé par le “Center for Investigative Journalism (CIJ)” à l’université Goldsmiths de Londres, a aussi été suivi par Julian Assange, l’éditeur des Wikileaks, et les lanceurs d’alerte de la NSA Thomas Drake et William Binney.

Cette conférence sur deux jours était soutenue par de nombreuses organisations de défense de la liberté de presse, des groupes de journalistes indépendants, et des médias traditionnels comme le magazine d’actualités allemand Der Spiegel.

J’ai participé à ce colloque en tant que conférencier, où moi et mes autres panélistes, y compris le journaliste d’investigation Jacob Appelbaum – qui a travaillé à la fois avec Assange et Snowden, et indépendamment révélé l’espionnage de la chancelière allemande Angela Merkel par la NSA – avons témoigné de nos expériences de reportages en première ligne.

Eveline Lubbers faisait partie de mon panel, elle a été la première à enquêter sur les opérations de police du Royaume-Uni visant à infiltrer les groupes d’activistes ; Martin Welz, rédacteur en chef du Noseweek, le seul magazine de journalisme d’investigation en Afrique du Sud ; Natalia Viana, co-directeur du principal journal d’investigation à but non lucratif au Brésil, Agencia Publica ; et Anas Aremeyaw, journaliste d’investigation de premier plan en Afrique.

Au cours de son allocution vidéo exclusive le samedi soir, Snowden a alerté sur la primauté donnée aux nouveaux développements en matière de cryptage comme moyen de déjouer la surveillance de masse, et a plutôt insisté sur l’urgence de réformes politiques et juridiques globales.

Le lanceur d’alerte a également critiqué l’attitude du président Barack Obama sur le différend entre Apple et le FBI concernant l’accès à l’iPhone utilisé dans la fusillade de San Bernardino.

“Il y a beaucoup à dire sur comment lancer nos défis avec des moyens techniques,” disait Edward Snowden lors de la conférence vidéo de Berlin transmise en direct.

“Nous devons réfléchir à comment nous en sommes arrivés là. Nous parlons de réformer légalement, mais ce ne sera pas accepté en premier lieu… Réformer les choses à l’intérieur du système c’est un idéal, au sein du système. C’est de cette façon que cela devrait fonctionner, la façon dont nos sociétés sont conçues pour fonctionner.

Mais que se passe-t-il lorsque le système ne fonctionne plus ?

Nous avons une tendance naturelle à croire que ce sont des déviations par rapport à l’ordre naturel des choses, que tout s’arrangera à nouveau, et que nous pourrons une fois de plus faire confiance au système.

Mais il se trouve que l’abus est inhérent au pouvoir… Quand des groupes de plus en plus restreints ont le pouvoir, on constate de plus en plus d’abus de pouvoir. Ce mécanisme est aujourd’hui technologique…

Il y a un croisement entre technologie et accès à l’information dans la société. L’Internet en est le raccourci… Il a de plus en plus d’impact sur nous tous, mais nous avons de moins en moins de contrôle sur lui.”

Vendredi, l’éditeur fondateur de Wikileaks, Julian Assange, a exprimé des préoccupations similaires dans son discours diffusé en direct en vidéo depuis l’ambassade équatorienne à Londres, où un comité spécial de l’ONU a récemment conclu qu’il est effectivement détenu arbitrairement. L’ONU est parvenue à cette conclusion, a dit Assange, “en dépit des pressions illégitimes des gouvernements américain et britannique.”

Assange a averti de connivences de plus en plus marquées entre Google, aujourd’hui la plus grande entreprise de médias du monde, et le complexe militaro-industriel des États-Unis, et il a souligné en particulier l’escalade des investissements de Google dans l’intelligence artificielle (IA) et dans la robotique, en grande partie pour des applications de « sécurité nationale » pour l’armée américaine et la communauté du renseignement.

“Google intègre des systèmes d’intelligence artificielle au système de sécurité nationale,” a déclaré Assange. “C’est une menace pour l’humanité. Nous devons cesser d’alimenter Google.”

Il a exhorté le public à trouver des services en ligne alternatifs pour atténuer la capacité de Google à collecter de grandes quantités de données personnelles dans les systèmes d’IA cooptés par le Pentagone.

La démocratie menacée

Assange et Snowden ont tous deux fait valoir que la rapide centralisation du contrôle des technologies de communication de l’information au sein d’entreprises du secteur privé de plus en plus étroitement liées à la sécurité de l’État représente une menace fondamentale pour le fonctionnement démocratique, et plus spécifiquement la liberté de la presse.

“Nous devons accepter que la seule façon de garantir les droits de certains est de protéger les droits de tous,” a dit Snowden. “C’est de plus en plus perçu comme une menace pour le gouvernement car cela représente un domaine dans lequel ils ne pourront bientôt plus intervenir.”

Décrivant la position du président Obama sur le différend entre Apple et le FBI comme une “fausse séparation entre confidentialité et sécurité,” il en conclut “Vous avez besoin des deux”, et ne pouvez avoir l’une sans l’autre.

Snowden ajoute que l’utilisation des métadonnées pour cibler les personnes considérées comme des menaces pour la sécurité nationale crée un dangereux précédent, avec un large champ propice aux erreurs judiciaires à l’encontre des citoyens. Une personne qui communique avec un journaliste qui sort un sujet fondé sur des révélations d’un lanceur d’alerte du gouvernement, par exemple, peut être condamnée comme la source – même si elle n’est pas la source  – à partir des liens établis par les métadonnées qui la lient au journaliste.

“Que vous soyez la source ou pas, si vous avez simplement communiqué avec le journaliste, vous pourriez être condamné,” a déclaré Snowden.

En Angleterre, le gouvernement conservateur essaie d’imposer un texte législatif particulièrement contraignant, le projet de loi sur la réglementation des pouvoirs d’investigation (IP Bill), qui offrirait à l’État des pouvoirs énormes pour entraver le journalisme. Le projet de loi qui, s’il est voté, pourrait servir de précédent aux pays occidentaux, devra être examiné en seconde lecture le mardi 15 mars au parlement.

Selon l’Union nationale des journalistes (National Union of Journalists), le projet de loi donnera au gouvernement le droit d’accéder aux communications des journalistes et de pirater leur équipement électronique, y compris d’intercepter le contenu et les métadonnées de leurs communications, sans les prévenir.

Malgré une opposition non négligeable de diverses commissions parlementaires, dont le comité mixte sur le projet de loi sur la réglementation des pouvoirs d’investigation, les amendements gouvernementaux n’ont fait que renforcer ces mesures.

Selon Michelle Stanistreet, secrétaire générale du NUJ, le projet de loi :

“… est une menace sur la capacité des journalistes à faire leur boulot, à vérifier leurs informations et à protéger leurs sources. Sans cette protection, nous n’avons tout simplement plus de presse libre opérationnelle… Ce manque de protections pour tous les journalistes aura de profondes conséquences sur le droit du peuple à savoir, au Royaume-Uni.”

Les métadonnées sont, bien sûr, déjà utilisées dans un large champ de contextes par la communauté du renseignement pour identifier non seulement les personnes suspectées de terrorisme, mais aussi les militants, les groupes de défense des droits de l’homme et d’autres opposants à la politique gouvernementale.

De plus en plus, des attaques de drones [dites “signature drone strikes”] contre des groupes non identifiés de présumés terroristes ciblés sur les théâtres de conflit de la Syrie, du Yémen, du Pakistan et de l’Afghanistan se fondent seulement sur les métadonnées collectées à travers la surveillance de téléphones mobiles, de profils sur les réseaux sociaux ou d’autres répertoires d’informations électroniques. Cela a conduit à faire d’innombrables victimes civiles.

Les métadonnées de nombreuses sources électroniques, y compris les médias sociaux, sont de plus en plus considérées par le Pentagone, ainsi que par les agences de sécurité du Royaume-Uni et de l’Union européenne, comme un vaste dépôt d’informations “open source” facilement accessible pour tenter de prévoir et contrôler le comportement des populations.

Comme je l’ai signalé en février, les documents officiels déclassifiés de l’Office américain de la recherche navale, entre autres programmes de recherche du Pentagone, mettent en lumière les intentions alarmantes (de type “minority report”) des fonctionnaires du gouvernement américain en termes de volonté d’anticiper et prédire précisément le prochain activisme, les manifestations, la criminalité, le terrorisme, les conflits et les renversements de pouvoir. Pourtant, les experts indépendants notent que ces technologies sont plus susceptibles de générer des faux positifs et des fausses pistes, plutôt que des prévisions fiables.

Cryptage ?

Edward Snowden a préconisé l’utilisation méthodique et l’amélioration des technologies de chiffrement par les journalistes pour les aider à protéger leurs sources, mais il a noté que la technologie seule n’est pas la réponse correcte.

Une nouvelle technologie très puissante, un système d’exploitation complet connu sous le nom de SubGraph OS qui peut être installé sur un PC ou un Mac pour fournir une gamme complète d’outils de communication cryptés, a été lancé lors de la conférence. SubGraph est le dernier d’une famille d’outils différents, mais similaires, tels que Tails – un système d’exploitation qui peut être lancé sur un ordinateur via une clé USB – ou Qubes, un autre système que l’on ne peut installer que sur des ordinateurs adaptés, munis d’une sécurité renforcée.

Les concepteurs de ces projets ont cependant alerté durant la conférence que si ces outils étaient très puissants, ils n’apportaient aucune garantie contre la surveillance gouvernementale, notamment contre l’éventuelle possibilité de placer des “backdoors” (portes dérobées) dans les logiciels grand public et dans le matériel.

“Ce sont vraiment des projets géniaux,” a dit Snowden, désignant SubGraph OS en particulier : “J’ai l’intention de l’utiliser moi-même. Mais nous devons reconnaître qu’ils ne sont pas accessibles à la majorité des utilisateurs, aux journalistes, qui ne sont pas des spécialistes.”

Le défi pour ces technologues est de développer pour les utilisateurs des interfaces plus accessibles, qui peuvent être apprises par les profanes au cours de l’utilisation. Snowden a suggéré d’étudier la “ludification” de la courbe d’apprentissage de ces outils et d’accumuler l’expérience pour une prise en main plus facile.

“Nous pouvons fournir aux gens les compétences de base, la compréhension, en leur enseignant dans le contexte – une ludification de l’interface, qui enseigne aux gens au fur et à mesure de l’utilisation, de façon amusante, pas ennuyeuse. Nous devons beaucoup travailler là-dessus.”

Snowden a également encouragé les technologues à « concurrencer directement les intérêts des entreprises aux milliards de dollars » comme Google, Facebook et Apple. Il y a une chance, dit-il, que l’esprit d’entreprise citoyenne puisse être plus fructueux, créant des produits plus attrayants, plus faciles à utiliser, mais pas aussi dangereux pour les libertés individuelles et d’association, en toute sécurité.”

Transformation radicale

Edward Snowden a également mis en garde contre l’hypothèse que tenter de contrer la surveillance de l’État par le seul cryptage serait une panacée, en préconisant une profonde remise en cause de la centralisation du pouvoir dans un contexte où les technologies de l’information sont aux mains d’entreprises et de l’État.

“Nous sommes dépendants des groupes de sociétés à but lucratif comme Apple pour la défense de nos droits. Nous devons sécuriser les protocoles et les systèmes qui transportent nos communications.

Nous devons devenir des technologues et des journalistes plus radicaux…

Il y a eu des déséquilibres de pouvoir extraordinaires à travers l’histoire. Je ne suis pas communiste, mais il y eu des gens qui prônaient la saisie des moyens de production. Nous approchons rapidement du moment où nous devons saisir les moyens de notre communication.”

La raison ?

Nous constatons beaucoup trop de contrôle des institutions auxquelles nous sommes censés faire confiance, mais nous ne pouvons pas leur faire confiance,” a-t-il dit. “Dans le même temps, nous voyons que des sociétés ont accès à notre vie privée, d’une manière que nous ne pouvions pas prévoir, et nous ne savons pas quelle utilisation elles en font.”

Confidentialité ou sécurité ?

Snowden a rejeté l’idée que la vie privée ou la liberté étaient antinomiques en quelque sorte d’une véritable sécurité.

“Les politiciens sont taraudés par la crainte spontanée concernant les messageries. Dire que « cela va sauver des vies,» c’est convaincant pour l’électeur. Les gens sont enclins à les croire… Regardons les faits réels, dans le cas [des attentats] du 11-Septembre. Nous avons eu une enquête du Congrès – qui a conclu que ce n’était pas la faute d’une insuffisance de collecte de renseignement. Le problème était que notre objectif était trop dispersé ; de si nombreux programmes collectaient un si grand nombre de messages, que nous ne les partagions pas suffisamment. Et à cause de cela, 3000 personnes sont mortes. Les politiciens d’aujourd’hui disent que nous devons collecter plus  –  mais ils nous rendent plus vulnérables, et mettent nos vies en danger.”

Les attentats du marathon de Boston, dit-il, ont fourni un exemple clair de la faillite du mantra de plus-de-surveillance-pour-plus-de-sécurité : les auteurs, bien qu’opérant sous le “plus grand programme de quadrillage dans l’histoire de mon pays” n’ont pas été détectés.

“En fin de compte, nous devons décider. Souhaitons-nous une société sous contrôle ? Ou voulons-nous vivre dans une société libre ? Car nous ne pouvons pas avoir les deux.”

Lors d’une étude le vendredi, Thomas Drake – l’ancien cadre supérieur de la NSA qui a inspiré à Snowden de lancer l’alerte sur les défauts du projet à un milliard de dollars Trailblazer de surveillance de masse de cette agence – a rappelé comment ses patrons de la NSA ont cyniquement vu l’échec du renseignement le 9/11 comme l’occasion d’augmenter le budget de l’agence de façon spectaculaire.

“Je ne pouvais le croire, lorsque mes supérieurs ont décrit le 9/11 comme un “cadeau fait à la NSA”.”

L’idée que la surveillance de masse a pour objet principal de véritablement nous protéger est donc profondément discutable. Le problème fondamental de l’insistance sur l’élimination de la vie privée au nom de la sécurité est son impact totalitaire qui touche toutes nos sociétés.

“Nous devons réfléchir à la finalité de nos droits. D’où viennent-ils ? Quelles sont leurs valeurs ? A quoi sert la vie privée, vraiment ?” dit Snowden au public lors de la rencontre CIJ.

“La vie privée est le droit dont tous les autres découlent. Sans la vie privée il n’y a que la société, que le collectif, ce qui suppose que nos comportements et nos pensées sont les mêmes. Vous ne pouvez rien avoir seul, vous ne pouvez pas avoir vos propres opinions, sauf si vous avez un espace qui n’appartient qu’à vous seul.

En prétendant que vous ne vous souciez pas de la vie privée parce que vous n’avez rien à cacher, c’est comme dire que vous ne vous souciez pas de la liberté de parole parce que vous n’avez rien à dire…”

Dissidence politique

Si la surveillance de masse avait pour seul but de contrer le terrorisme, ses cibles ne pourraient pas être des dissidents politiques, a fait valoir Snowden, évoquant le fameux discours “I have a dream” de Martin Luther King Jr – décrit par Snowden comme “le plus grand leader des droits civiques que mon pays ait jamais connu.”

Deux jours après ce discours, a dit Snowden, le FBI a considéré King comme « la plus grande menace pour la sécurité nationale » de l’époque.

Peu de choses ont changé depuis ce temps-là.

L’ancien agent du renseignement a souligné que l’agence de renseignement de la Grande-Bretagne, Le GCHQ, a illégalement espionné des groupes de défense des droits de l’homme comme Amnesty International, des journalistes, des personnalités des médias et d’autres ONG, “grâce aux pouvoirs publiquement alloués à la lutte contre le terrorisme.”

Citant les documents top secret qu’il a dévoilés, il a noté que la justification interne pour maintenir ces programmes secrets ne fait aucune référence aux questions de sécurité nationale. Au lieu de cela, les documents mentionnent que « les révéler nous conduirait à un “débat public dommageable” parce que nous [le public] voudrions protester contre ces activités. »

La conséquence est que l’État de sécurité nationale voit les fondements mêmes des démocraties saines – une presse vraiment libre, des débats publics contradictoires, le contrôle des politiques de renseignement hautement classifiées – comme l’ennemi.

La négation de l’importance des droits de la vie privée, a dit Snowden, est fonction du rapport des forces. Le lanceur d’alerte a incité ses auditeurs à considérer que la demande d’éliminer la vie privée provient de gens puissants “dans une position privilégiée… Si vous êtes un vieux type blanc au sommet de la pyramide, la société a ordre de protéger vos intérêts. Vous avez conçu le système pour protéger vos intérêts.”

Cette inégalité du pouvoir, dit Snowden, signifie que « ce sont les minorités qui sont les plus touchées » par l’impact de la surveillance de masse.

« Il ne suffit pas d’y réfléchir, il ne suffit pas d’avoir des convictions, » a conclu Snowden sous des applaudissements nourris. « Vous devez vraiment vous battre pour quelque chose, vous exprimer, courir un risque, si vous voulez que cela aille mieux. »

Source : Insurge Intelligence, le 13/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/edward-snowden-nous-devons-controler-les-moyens-de-communication-pour-proteger-les-libertes-fondamentales/


[1/2] Une nouvelle guerre mondiale a commencé – Brisons le silence ! Par John Pilger

Friday 22 April 2016 at 00:30

Source : Consortiumnews.com. Par John Pilger, 22 mars 2016

La propagande à propos de « l’agression » russe et chinoise camoufle la réalité d’un mouvement agressif des États-Unis et de l’Occident pour encercler ces deux pays, le début d’une guerre mondiale, selon John Pilger.

C33

22J’ai filmé les îles Marshall, qui se situent au nord de l’Australie, au milieu de l’océan Pacifique. A chaque fois que je dis aux gens où je suis allé, ils demandent « Où est-ce ? » Si je donne un indice en parlant de « Bikini », ils répondent « Tu veux dire le maillot de bain. »

Certains semblent au courant que le maillot de bain “bikini” a été nommé en hommage aux explosions nucléaires qui ont détruit l’île de Bikini. Les États-Unis ont fait exploser soixante-six engins nucléaires dans les îles Marshall entre 1946 et 1958 – l’équivalent de 1,6 bombe Hiroshima chaque jour pendant 12 ans.

obama-nobel-12-10-09-300x199

Le président Barack Obama accepte inconfortablement le prix Nobel de la paix de la part du président du comité Thorbjorn Jagland à Oslo, Norvège, le 10 décembre 2009. (White House photo)

Bikini est silencieuse aujourd’hui, mutée et contaminée. Les palmiers poussent avec une étrange forme de grille. Rien ne bouge. Il n’y a pas d’oiseaux. Les pierres tombales du vieux cimetière sont vivantes avec les radiations. Mes chaussures affichent « dangereux » sur le compteur Geiger.

Debout sur la plage, je regardais le vert émeraude du Pacifique tomber dans un vaste trou noir. C’était le cratère laissé par la bombe à hydrogène qu’ils ont appelée « Bravo ». L’explosion a empoisonné les gens et leur environnement sur des centaines de kilomètres à la ronde, peut-être pour toujours.

Le jour de mon retour, je me suis arrêté à l’aéroport d’Honolulu et j’ai remarqué un magazine américain appelé Women’s Health. Sur la couverture il y avait une femme souriante en bikini avec le titre : « Vous aussi vous pouvez avoir un corps à bikini. » Quelques jours plus tôt, sur les îles Marshall, j’avais interviewé des femmes qui avaient des “corps à bikini” très différents ; chacune avait souffert d’un cancer de la thyroïde et d’autres cancers mortels.

Contrairement à la femme souriante du magazine, toutes étaient pauvres : les victimes et cobayes d’une superpuissance avide qui est aujourd’hui plus dangereuse que jamais.

J’ai relaté cette expérience comme un avertissement et pour interrompre une diversion qui a consumé tant d’entre nous. Le fondateur de la propagande moderne, Edward Bernays, décrivait ce phénomène comme “la manipulation consciente et intelligente des habitudes et opinions” des sociétés démocratiques. Il appelait cela un “gouvernement invisible”.

Combien de personnes sont-elles au courant qu’une guerre mondiale a commencé ? Pour l’instant, c’est une guerre de propagande, de mensonges et de diversions, mais cela peut changer instantanément avec la première erreur de commandement, le premier missile.

En 2009, le président Obama se tenait devant une foule en adoration dans le centre de Prague, au cœur de l’Europe. Il s’est engagé à faire “un monde sans armes nucléaires.” Les gens l’ont applaudi et certains ont pleuré. Un torrent de platitudes fleurirent dans les médias. Obama était consécutivement nommé prix Nobel de la paix. Tout était faux. Il mentait.

L’administration d’Obama a fabriqué plus d’armes nucléaires, plus d’ogives nucléaires, plus de systèmes de vecteurs nucléaires, plus d’usines nucléaires. Les ogives nucléaires ont coûté à elles seules plus sous Obama que sous tous les présidents américains. Le coût sur 30 ans est de plus de 1000 milliards de dollars.

nucleartest-nevada-04-18-53-300x255

Test d’une explosion nucléaire mené dans le Nevada le 18 avril 1953.

Une mini bombe nucléaire est prévue. Elle est connue sous le nom de B61 Modèle 12. Il n’y a rien eu de tel jusqu’ici. Le général James Cartwright, un ancien vice-président du comité des chefs d’état-major interarmées, a dit : “Faire plus petit rend l’usage de l’arme nucléaire plus concevable.”

Durant les derniers 18 mois, la plus importante accumulation de forces armées depuis la Seconde Guerre mondiale – menée par les États-Unis – est installée le long de la frontière occidentale de la Russie. Aucune troupe étrangère, depuis l’invasion d’Hitler de l’Union soviétique, n’a représenté une telle menace concrète pour la Russie.

L’Ukraine – autrefois partie de l’Union soviétique – est devenue un parc d’attraction de la CIA. Ayant orchestré un coup d’État à Kiev, Washington contrôle effectivement le régime qui est à la porte de la Russie et très hostile : un régime littéralement pourri de nazis. Les principales figures parlementaires sont les descendants politiques des célèbres groupes fascistes OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens) et UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne). Ils glorifient ouvertement Hitler et appellent à la persécution et à l’expulsion des minorités russophones.

Ce sont des informations rarement données en Occident, ou elles sont inversées pour dissimuler la vérité.

En Lettonie, Lituanie et Estonie – voisines de la Russie – l’armée américaine déploie des troupes de combat, des tanks, des armes lourdes. Cette provocation extrême de la deuxième plus grande puissance nucléaire ne suscite pas l’intérêt en Occident.

Ce qui rend la perspective d’une guerre nucléaire encore plus dangereuse est la campagne parallèle contre la Chine. Rares sont les jours où la Chine n’est pas élevée au statut de “menace”. Selon l’amiral Harry Harris, le commandant de la région Pacifique américain, la Chine “construit un grand mur de sable dans la mer de Chine méridionale.”

Ce à quoi il se réfère sont les pistes d’atterrissage que la Chine construit sur les îles Spratly, qui font l’objet d’un conflit avec les Philippines – un conflit de peu d’ampleur avant que Washington ne mette la pression et soudoie le gouvernement de Manille et que le Pentagone ne mène une campagne de propagande appelée “liberté de navigation”.

Que cela signifie-t-il réellement ? Cela signifie liberté pour les vaisseaux américains de patrouiller et d’avoir la mainmise sur les eaux côtières chinoises. Essayez d’imaginer la réaction américaine si les vaisseaux chinois faisaient la même chose le long des côtes californiennes.

J’ai fait un film appelé The war you don’t see (La guerre que vous ne voyez pas), dans lequel j’interviewais d’éminents journalistes en Amérique et en Grande-Bretagne : des reporters tels que Dan Rather de CBS, Rageh Omar de la BBC, David Rose de The Observer.

Tous me dirent que si les journalistes et les chaînes avaient fait leur job et remis en question la propagande sur la possession d’armes de destruction massive par Saddam Hussein ; si les journalistes n’avaient pas fait écho et amplifié les mensonges de George W. Bush et de Tony Blair, l’invasion de 2003 en Irak aurait pu ne pas survenir et des centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants seraient en vie aujourd’hui.

La propagande qui est en train de paver le chemin pour une guerre contre la Russie et/ou la Chine n’est pas différente dans son principe. A ma connaissance, aucun journaliste “grand public” en Occident – l’équivalent d’un Dan Rather, disons – ne demande pourquoi la Chine construit des pistes d’atterrissage en mer de Chine méridionale.

La réponse devrait être absolument flagrante. Les États-Unis encerclent la Chine avec un réseau de bases, avec des missiles balistiques, des groupes de combat, des bombardiers avec des armes nucléaires.

Cet arc létal qui s’étend de l’Australie aux îles du Pacifique, les Mariannes, Marshall et Guam jusqu’aux Philippines, en Thaïlande, Okinawa, en Corée et à travers l’Eurasie jusqu’en Afghanistan et en Inde. L’Amérique a accroché un nœud coulant autour du cou de la Chine. Ce n’est pas nouveau. Silence dans les médias ; guerre par les médias.

En 2015, en grand secret les États-Unis et l’Australie ont organisé le plus grand exercice militaire aérien et naval de l’histoire récente, connu sous le nom de Talisman Sabre. Son objectif était de répéter le Plan de bataille air-mer pour bloquer des voies maritimes comme le Détroit de Malacca et le détroit de Lombrok, qui coupent l’accès de la Chine au pétrole, gaz et autres matériaux naturels vitaux en provenance du Moyen-Orient ou de l’Afrique.

trump-475x354-300x224

Le candidat à la présidence, le milliardaire et Républicain Donald Trump.

Dans le cirque connu sous le nom de campagne présidentielle américaine, Donald Trump est présenté comme un aliéné, un fasciste. Il est certainement odieux ; mais il est aussi une figure détestée des médias. Ce seul point devrait éveiller notre scepticisme. Les points de vue de Trump sur l’immigration sont grotesques, mais pas plus grotesques que ceux du Premier ministre David Cameron. Ce n’est pas Trump le Grand Déporteur des États-Unis, mais le gagnant du prix Nobel, Barack Obama.

Selon un chroniqueur libéral prodigieux, Trump est “en train de déchaîner les sombres forces de la violence” aux États-Unis. Les déchaîner ?

C’est le pays où les nourrissons tirent sur leur mère et la police mène une guerre meurtrière contre les Afro-Américains. C’est le pays qui a attaqué et cherché à renverser plus de 50 gouvernements, pour la plupart des démocraties, et bombardé de l’Asie au Moyen-Orient, causant la mort et la spoliation de millions de personnes.

Aucun pays ne peut égaler ce record systémique de violence. La plupart des guerres de l’Amérique (presque toutes contre des pays sans défense) ont été menées non par des présidents républicains mais par des démocrates libéraux : Truman, Kennedy, Johnson, Carter, Clinton, Obama.

En 1947, une série de directives du Conseil pour la sécurité nationale décrivait le but ultime de la politique étrangère américaine comme “un monde essentiellement façonné selon sa propre image (américaine).” L’idéologie était un américanisme messianique. Nous étions tous américains. Ou autre. Les hérétiques seraient convertis, renversés, soudoyés, calomniés, écrasés.

Donald Trump en est un symptôme, mais il est aussi franc-tireur. Il dit que l’invasion de l’Irak était un crime ; il ne veut pas faire la guerre avec la Russie et la Chine. Le danger pour nous n’est pas Trump mais Clinton. Elle n’est pas un franc-tireur. Elle incarne la résistance et la violence d’un système dont le tant vanté “exceptionnalisme” est un totalitarisme avec un apparent visage libéral.

Alors que le jour de l’élection présidentielle approche, Clinton sera saluée comme la première femme présidente, malgré ses crimes et mensonges – tout comme Barack Obama a été encensé en tant que premier président noir et les libéraux ont avalé son absurdité de “hope” (“espoir”). Et le cirque continue.

Democratic-Debate-Sanders-Clinton-Emails

Le sénateur Bernie Sanders et l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton, lors d’un débat du Parti démocrate sur les élections présidentielles, parrainé par CNN.

Décrit par le chroniqueur du Guardian, Owen Jones, comme “marrant, charmant, avec une attitude cool qui manque quasiment à tout autre politicien,” Obama l’autre jour a envoyé des drones tuer 150 personnes en Somalie. Il tue des gens généralement les mardis, selon le New York Times, lorsqu’on lui donne une liste de candidats à la mort par drone. Vraiment cool.

Durant la campagne présidentielle de 2008, Hillary Clinton a menacé de “totalement anéantir” l’Iran avec des armes nucléaires. En tant que secrétaire d’État d’Obama, elle a participé au renversement du gouvernement démocratique du Honduras. Sa contribution à la destruction de la Libye en 2011 était presque jubilatoire. Lorsque le dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, a été publiquement sodomisé avec un couteau – un meurtre rendu possible par les logistiques américaines – Clinton s’est vantée de sa mort : “Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort.”

L’une des alliées les plus proches de Clinton est Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’État, qui a attaqué des jeunes femmes parce qu’elles ne supportaient pas “Hillary”. C’est la même Madeleine Albright tristement célèbre pour avoir célébré à la télévision la mort d’un demi-million d’enfants irakiens comme “valant le coup”.

Parmi les plus grands soutiens de Clinton, il y a le lobby israélien et les compagnies d’armement qui alimentent la violence au Moyen-Orient. Elle et son mari ont reçu une fortune de Wall Street. Et pourtant, elle est sur le point d’être décrétée la candidate des femmes, pour voir échouer le maléfique Trump, démon officiel. Ses supporters comprennent des féministes de renom telles que Gloria Steinem aux États-Unis et Anne Summer en Australie.

Il y a une génération, un culte post-moderne maintenant connu comme “la politique identitaire” a empêché beaucoup de gens ouverts d’esprit et intelligents d’examiner les causes et les personnes qu’ils soutenaient – tout comme les impostures d’Obama et de Clinton ; comme les mouvements progressistes tel Syriza en Grèce, qui a trahi le peuple de ce pays et s’est allié avec ses ennemis.

Le repli sur soi, une sorte de moi-isme, est devenu le nouvel esprit du temps (Zeitgeist) des sociétés privilégiées de l’Occident et signale la disparition des grands mouvements contre la guerre, l’injustice sociale, l’inégalité, le racisme et le sexisme.

Aujourd’hui, le long sommeil est peut-être terminé. La jeunesse s’agite à nouveau. Petit à petit. Les milliers en Grande-Bretagne qui soutiennent Jeremy Corbyn comme leader du parti Travailliste font partie de ce réveil – comme ceux qui se sont ralliés au sénateur Bernie Sanders.

En Grande-Bretagne la semaine dernière, le plus proche allié de Jeremy Corbyn, son trésorier John McDonnell, a engagé un gouvernement travailliste à acquitter les dettes des banques pirates et, de continuer la prétendue austérité.

Aux États-Unis, Bernie Sanders a promis de soutenir Clinton si elle est nominée ou lorsqu’elle le sera. Lui aussi a voté l’usage de la violence en Amérique contre des pays, lorsqu’il pensait que c’était “juste”. Il dit qu’Obama a fait “du bon boulot”.

En Australie, il y a une sorte de politique mortuaire, où des jeux parlementaires assommants sont joués dans les médias, alors que les réfugiés et les indigènes sont persécutés et que l’inégalité grandit, de même que le danger de guerre. Le gouvernement de Malcom Turnbull vient d’annoncer un prétendu budget de défense de 195 milliards de dollars qui est le chemin vers la guerre. Il n’y a pas eu de débat. Silence.

Qu’est-il arrivé à la grande tradition d’action populaire directe, non affiliée à des partis ? Où sont le courage, l’imagination et l’engagement nécessaires pour débuter une longue journée vers un monde meilleur, juste et pacifique ? Où sont les dissidents dans l’art, le cinéma, le théâtre, la littérature ?

Où sont ceux qui briseront le silence ? Ou attendons-nous que le premier missile nucléaire soit lancé ?

Ceci est une retranscription d’un discours de John Pilger à l’Université de Sydney, intitulé “Une guerre mondiale a commencé”. JohnPilger.com – the films and journalism of John Pilger.

Source : Consortiumnews.com, le 22/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/12-une-nouvelle-guerre-mondiale-a-commence-brisons-le-silence-par-john-pilger/


[2/2] Trump et Clinton : censurer ce qui dérange, par John Pilger

Friday 22 April 2016 at 00:24

Source : Consortiumnews.com. Par John Pilger le 29 mars 2016

Tandis que Donald Trump, le bateleur milliardaire, fait l’objet d’une opération de diabolisation à grande échelle, l’establishment de la politique et des médias fait d’Hillary Clinton l’héroïne de la pièce « Il faut arrêter Trump ! », mais qui est vraiment le plu22s dangereux des deux, demande John Pilger.

Une censure certes habituelle, mais violente, s’abat sur la campagne électorale aux États-Unis. Alors que la grosse brute de bande dessinée, Donald Trump, va probablement gagner la nomination du Parti républicain, Hillary Clinton, décrète-t-on, est à la fois « la candidate des femmes » et la championne du libéralisme américain dans sa lutte héroïque contre le Mal incarné.

Des sornettes, bien sûr. Hillary Clinton laisse derrière elle un cortège de massacres et de souffrances tout autour du monde, sans parler de son rôle évident d’exploiteuse cupide dans son propre pays. Cependant, au pays de la liberté d’expression, il devient impossible de le dire.

L'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton.

L’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton.

La campagne présidentielle d’Obama en 2008 aurait néanmoins dû alerter même les plus naïfs. Il avait fondé sa campagne « hope » presque entièrement sur le fait que, d’origine afro-américaine, il aspirait à diriger la terre de l’esclavage. Il était aussi opposé à la guerre.

Obama, cependant, n’a jamais été opposé à la guerre. Au contraire, comme tous les présidents américains, il y était favorable. Il avait voté en faveur des subventions pour George W. Bush, destinées au massacre en Irak, et il projetait d’intensifier les combats en Afghanistan. Dans les semaines qui ont précédé son serment d’entrée en fonctions, il a secrètement approuvé une attaque israélienne contre Gaza, le massacre connu sous le nom d’Operation Cast Lead (Opération plomb durci). Il a promis de fermer le camp de concentration de Guantanamo et il ne l’a pas fait. Il s’est engagé à contribuer à débarrasser le monde des armes nucléaires et il a fait le contraire.

Choisir le mielleux Obama comme directeur du marketing du statu quo d’un nouveau genre, quelle excellente décision ! Même à la fin de sa présidence éclaboussée de sang, avec ses drones qui répandent bien plus de terreur et provoquent bien plus de morts dans le monde que les djihadistes à Paris et à Bruxelles, Obama continue à être encensé pour son attitude « cool » (cf. le quotidien britannique, The Guardian).

Mon article « Début d’une nouvelle guerre froide » a été publié sur le web (y compris sur Consortiumnews.com) à partir du 22 mars.

Comme je le fais depuis des années, je l’ai distribué à un réseau international, qui comprenait Truthout.com, le site libéral américain. Truthout publie des articles d’une haute tenue, en particulier les remarquables dénonciations du monde des affaires de Dahr Jamail. Mais Truthout a refusé mon article : selon un rédacteur, il violait la ligne directrice et avait été publié dans Counterpunch ; j’ai répondu que cela n’avait jamais été un problème au cours des années et que je ne connaissais pas cette ligne directrice.

Le milliardaire et candidat républicain à la présidence, Donald Trump.

Le milliardaire et candidat républicain à la présidence, Donald Trump.

Mon obstination m’a apporté une nouvelle explication. Mon article était absous, si je le soumettais à une « relecture » et acceptais les changements et les suppressions effectués par « le comité éditorial » de Truthout. En conséquence, on a édulcoré et censuré ma critique de Hillary Clinton et on a veillé à bien la distinguer de Trump. Voici le passage coupé :

« Trump est, pour les médias, un personnage haïssable, cela seul devrait, d’ailleurs, nous inciter au scepticisme. Les opinions de Trump sur l’immigration sont grotesques, mais pas plus que celles de David Cameron. Ce n’est pas Trump qui est champion des expulsions des États-Unis, mais le lauréat du prix Nobel de la paix, Barack Obama… Le danger pour le reste d’entre nous, ce n’est pas Trump, mais Hillary Clinton. Ce n’est pas une anticonformiste. Elle incarne la ténacité et la violence d’un système… À l’approche de l’élection présidentielle, elle va être saluée comme la première présidente femme, sans qu’on se soucie de ses crimes et de ses mensonges, de la même façon que Barack Obama a été célébré comme le premier président noir et que les libéraux ont gobé toutes ses bêtises à propos de “l’espoir”. »

Le « comité éditorial » voulait clairement que j’édulcore mon argumentation, que je cesse de soutenir que Clinton représentait un danger extrême pour le monde. Comme toutes les censures, celle-ci était inacceptable.

Maya Schenwar, qui dirige Truthout, m’a écrit que ma réticence à soumettre mon travail à un « processus de révision » la conduisait à enlever mon article du « registre des publications ». Ainsi s’exprime la gardienne du temple.

La façade Obama/Clinton

Au cœur de cet épisode se niche quelque chose d’inexprimable depuis déjà longtemps. C’est le besoin, la compulsion de beaucoup de libéraux aux États-Unis d’adouber un dirigeant issu de l’intérieur d’un système manifestement impérialiste et violent. Comme « l’espoir » d’Obama, le genre de Clinton n’est rien d’autre qu’une façade de convenance.

Cette irrépressible envie n’est pas neuve. Dans son essai de 1859 « De la liberté », auquel les libéraux ne cessent de rendre hommage, John Stuart Mill a décrit le pouvoir de l’empire. « Le despotisme est une façon légitime de gouverner quand on est en face de barbares, a-t-il écrit, pourvu qu’on ait pour fin de les faire progresser, et les moyens sont justifiés si l’on atteint effectivement cette fin. » Les « barbares » composaient une large part de l’humanité dont on exigeait une « soumission implicite ».

« Les libéraux sont des artisans de la paix et les conservateurs des bellicistes, voilà un charmant mythe bien pratique, » écrivait l’historien Hywel Williams en 2001, “mais l’impérialisme à la mode libérale est peut-être plus dangereux, à cause de sa nature illimitée. Il est, en effet, convaincu de représenter une forme supérieure de vie, [tout en refusant d’assumer son] vertueux fanatisme.”

Il avait à l’esprit un discours prononcé par Tony Blair après les attaques du 11-Septembre, dans lequel le Premier ministre promettait de « remettre de l’ordre dans le monde qui nous entoure » selon ses « valeurs morales » à lui. Il en est résulté le massacre d’un million de personnes en Irak.

Les crimes de Blair n’ont rien d’original. Depuis 1945, quelque 69 pays, plus d’un tiers des États membres des Nations Unies, ont souffert tout ou partie des agressions suivantes : leur pays a été envahi, leur gouvernement renversé, leurs mouvements de revendication populaire éradiqués et leur peuple bombardé. L’historien Mark Curtis évalue le nombre de victimes en millions.

Avec la disparition des empires européens, cela a été le projet du pays qui porte la flamme libérale, cette terre d’exception, les États-Unis, dont le président célébré comme progressiste, John F. Kennedy a, ainsi que l’indiquent de nouveaux travaux, autorisé le bombardement de Moscou pendant la crise cubaine de 1962. Les événements se sont, comme nous le savons, déroulés de telle sorte que ce bombardement est devenu inutile.

La nation indispensable

« Si nous devons utiliser la force, » dit Madeleine Albright, la secrétaire d’État de l’administration libérale de Bill Clinton, qui soutient maintenant farouchement la campagne de la femme de celui-ci, « c’est parce que nous sommes l’Amérique. Nous sommes la nation indispensable. Nous nous tenons la tête haute. Nous voyons plus loin vers l’avenir. »

L’un des crimes les plus abominables d’Hillary Clinton a été la destruction de la Libye en 2011. Sur ses instances pressantes, et avec le support logistique américain, l’OTAN a, selon ses propres archives, procédé à 9700 frappes contre la Libye, dont un tiers ciblait des civils. On a employé des missiles à l’uranium appauvri. Regardez donc les photographies de Misrata et de Syrte et les charniers identifiés par la Croix-Rouge. Lisez aussi le rapport de l’UNICEF au sujet des enfants tués « [dont] la plupart avait moins de dix ans. »

Dans les travaux universitaires anglo-américains que suivent servilement les médias libéraux des deux côtés de l’Atlantique, des théoriciens influents, appelés « libéraux réalistes » enseignent depuis longtemps que les impérialistes libéraux – expression qu’ils n’utilisent jamais – sont, dans le monde, des conciliateurs et des gérants de crise, plutôt que justement les fauteurs de ces crises. Ils ont enlevé l’élément humain de leur étude des nations et l’ont mis au congélateur, en employant un jargon au service des bellicistes. Ils écrasent des nations entières pour les autopsier, ils identifient des « États en échec », (ceux qui sont difficiles à exploiter) et des « États voyous » (ceux qui résistent à la domination occidentale).

Que le régime ciblé soit une démocratie ou une dictature n’a aucune importance. Au Moyen-Orient, les collaborateurs du libéralisme occidental sont depuis longtemps des extrémistes islamistes comme récemment al-Qaïda, tandis que des concepts cyniques de démocratie et de droits de l’homme sont employés pour servir de façade rhétorique à la conquête et à la destruction, comme en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, à Haïti et au Honduras. Consultez donc les archives publiques de ces bons libéraux, Bill et Hillary Clinton. Ils ont atteint un niveau auquel Trump ne peut qu’aspirer.

Source : Consortiumnews.com, le 29/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/22-trump-et-clinton-censurer-ce-qui-derange-par-john-pilger/


Pourquoi Jeremy Corbyn ne veut pas du Brexit, par Romaric Godin

Friday 22 April 2016 at 00:01

Source : La Tribune, Romaric Godin, 15-04-2016

Jeremy Corbyn veut rester dans l'UE... pour la changer. (Crédits : TOBY MELVILLE)

Jeremy Corbyn veut rester dans l’UE… pour la changer. (Crédits : TOBY MELVILLE)

Le choix était délicat pour le chef du parti travailliste, dont l’euroscepticisme est connu. Mais Jeremy Corbyn est parvenu à prendre une position originale en ménageant l’avenir.

Le moment était attendu et il était périlleux pour le chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn. Jeudi 14 avril, il a défendu devant un parterre de syndicaliste et d’étudiants, la position officielle de son parti pour le referendum du 23 juin : il a défendu le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Une position qui n’allait pas de soi pour Jeremy Corbyn. Longtemps représentant de la gauche du Labour, il s’était opposé à l’adhésion du pays à l’UE en 1975, puis au traité de Maastricht en 1992, puis au traité de Lisbonne, comme au projet de constitution européenne trois ans plus tôt, en 2008.

C’est dire si Jeremy Corbyn était attendu au tournant, en dehors du parti, comme en son sein où ses opposants ne manquent pas. On attendait une implication prudente qui aurait rendu le nouveau dirigeant travailliste responsable d’une éventuelle défaite du vote « Remain » (pour le maintien). Mais, comme souvent, ses adversaires ont sous-estimé le député d’Islington Nord qui a tenté de  contourner l’obstacle en se démarquant des arguments habituels des partisans du maintien du Royaume-Uni dans l’UE.

Pas de menace, mais un défi

A la différence de nombreux autres Travaillistes et de l’approche de David Cameron, Jeremy Corbyn n’a donc pas menacé l’électeur britannique d’une apocalypse économique et politique en cas de sortie du pays de l’UE (« Brexit »). Il y voit, en revanche, un défi pour le Labour : changer l’UE pour lui donner une nouvelle couleur, plus « sociale. » « Nous voulons former des alliances avec les partis socialistes du reste de l’Europe pour la changer », a-t-il indiqué. Le chef du Labour ne prétend donc pas aimer l’Union telle qu’elle existe, il prétend précisément la modifier. Mais pour la modifier, il faut être à l’intérieur, pas à l’extérieur. « Vous ne pouvez pas construire un monde meilleur si nous ne vous engagez pas dans ce monde », a-t-il résumé.

Quelqu’un a le 06 de Macron pour les négociations ?

Blague à part, ils sont pathétiques – mais bon, à leur décharge, la propagande est telle qu’ils savent aussi qu’ils ne peuvent tenir un autre discours, et beaucoup doivent attendre que tout se casse la figure naturellement…

Soutenir l’UE comme Jeremy Corbyn a jadis soutenu le Labour…

La démarche permet donc à Jeremy Corbyn de maintenir ses critiques vis-à-vis de l’UE, sans pour autant être partisan du Brexit. Son discours ne consiste donc pas, comme David Cameron, à prétendre que l’UE « réformée » par l’accord passé à Bruxelles le 18 février est une bonne chose pour le Royaume-Uni : il consiste à faire du vote « Remain » un vote de lutte, un début plutôt qu’une fin. Avec ce discours, Jeremy Corbyn sort du discours « négatif » pour entrer dans un discours constructif. Le chef du Labour appuyé son discours par une comparaison avec sa propre attitude vis-à-vis du parti où il a longtemps été dans une position très minoritaire. « J’ai eu quelques divergences avec la direction que le Labour a adopté les quelques dernières années, certains l’auront remarqué, mais je suis sûr que le bon choix pour moi a été de rester membre du parti », a-t-il ainsi indiqué. Un argument fort quand on se souvient de la distance entre le « socialiste » Jeremy Corbyn et des dirigeants comme Tony Blair ou Gordon Brown. Au moment de la guerre en Irak, par exemple, le député a voté contre la décision martiale de Tony Blair. Si le député isolé a pu devenir chef du parti, les Travaillistes britanniques peuvent espérer, s’ils restent dans l’UE, changer l’Europe…

Ne pas laisser le Royaume-Uni aux volontés des conservateurs

Car – et c’est la deuxième partie de l’argument de Jeremy Corbyn – le Royaume-Uni n’a guère d’alternative d’un point de vue de gauche. La sortie de l’UE ôterait en effet aux Conservateurs les dernières règles qui limitent leur action en matière de dérégulation du marché du travail et de privatisation. D’autant qu’un Brexit pourrait déclencher par contrecoup l’indépendance de l’Ecosse, territoire traditionnellement très ancré à gauche. Le Brexit renforcerait ainsi le poids de l’Angleterre conservatrice et ne placerait aucune limite aux volontés des Libertariennes conservateurs et de l’UKIP – les principaux défenseurs du Brexit. Jeremy Corbyn peut donc défendre l’UE comme un rempart. Rempart insuffisant, rempart réduit compte tenu de l’orientation conservatrice de l’UE, mais rempart néanmoins. « L’UE a aidé à soutenir l’investissement, l’emploi et les protections pour les travailleurs, les consommateurs et l’environnement », a déclaré le chef travailliste. Il faut comprendre cette phrase en négatif : il s’agit non pas de juger là encore l’UE comme un « paradis des travailleurs », mais comme un minimum dont la droite britannique se passerait bien. Et sur lequel il est possible de construire du mieux.

S’affirmer comme chef de l’opposition

Jeremy Corbyn adopte donc une position politique originale. Il soigne aussi son image de chef de l’opposition en défendant une position qui, faute d’être entièrement la sienne n’en est pas moins celle des militants et des électeurs du Labour. « C’est la position qui a été choisie à l’issue d’un grand débat par le parti. Et c’est le parti que je dirige », a-t-il martelé. Cette affirmation de son pouvoir basé sur le respect de la majorité du parti est un élément central car on a souvent reproché au député d’Islington Nord d’être « coupé » de la masse des électeurs travaillistes et de vouloir transformer le Labour en un parti « gauchiste. » En s’engageant pour le maintien dans l’UE, il rassure les électeurs qui voient en lui un dangereux bolchéviste et il affirme aux militants qu’il n’entend pas diviser le parti.

Maintenir le clivage droite-gauche

Parallèlement, cet engagement pour le « Vote Remain » n’est pas un ralliement à la position de David Cameron. A la différence de ce que l’on a pu observer lors du référendum du 18 septembre 2014 sur le référendum écossais, il a refusé toute unité de campagne avec les Conservateurs. C’est un élément essentiel, parce qu’il permet de distinguer le vote travailliste visant à rester dans l’UE pour la changer du vote conservateur, heureux de l’UE actuelle. En Ecosse, les Travaillistes avaient été les victimes de l’unité de la campagne pour le « non » à l’indépendance, malgré la victoire de ce dernier. Jeremy Corbyn lui, ne commet pas cette erreur et la campagne pour le 23 juin ne réduit pas ses attaques contre le gouvernement conservateur, bien au contraire. Jeudi, il a lancé une nouvelle fois l’offensive sur la question fiscale contre David Cameron, mais aussi contre l’incapacité de Downing Street à défendre les aciéries menacées de fermeture par le géant indienTata Steel.

Ne pas être pénalisé en cas de Brexit

Enfin, la stratégie d’une défense « critique » de l’UE lui permettra de se défendre, en cas de victoire du « Leave ». Si le Brexit est finalement décidé par les électeurs britanniques, ce qui n’est pas impossible car sa cote remonte dans les sondages, la faute en reviendra au premier ministre qui prétend avoir amélioré l’Europe, pas aux Travaillistes qui, conscients des insuffisances de l’Union voulait la changer. Jeremy Corbyn n’a pas, du reste, cherché à minimiser ses engagements passés. Il les a même assumés : « Est-ce que je me rétracte sur tout ce que j’ai dit ou fait ? Non. » Un vote en faveur du Brexit signifiera que les Britanniques partagent les critiques de Jeremy Corbyn, sans son espoir. Le leader travailliste ne saurait se démettre dans ce cas, à la différence du premier ministre qui aura alors bien du mal à rester au 10, Downing Street. Du reste, on remarque que les défenseurs du « Brexit » de gauche – minoritaires outre-Manche -, comme le quotidien Morning Star, critiquent certes, les arguments de Jeremy Corbyn, en pointant le déficit démocratique de l’UE, mais ne « regrettent » pas d’avoir soutenu le nouveau chef du Labour. Quant à ses adversaires centristes au sein du parti, ils ne pourront pas lui reprocher de s’être aligné sur leurs positions…

Popularité en progression

En adoptant cette position, Jeremy Corbyn donne encore une fois tort à ceux qui voyaient en lui un ridicule « arriéré » qui menait le Labour dans le mur. Certes, sa nomination, suivie d’une campagne de presse très défavorable et de quelques bourdes, comme le refus de chanter l’hymne national, avait plongé les Travaillistes au plus bas dans les sondages pendant quelques mois. Mais les électeurs ont appris à connaître le nouveau chef de l’opposition. Les erreurs et la division des Conservateurs l’ont fait revenir en grâce. La proposition de budget très austéritaire, prévoyant notamment la baisse des allocations pour les handicapés qui a conduit à la démission du ministre du Travail Ian Ducan Smith a ouvert un débat que Jeremy Corbyn a su utiliser. Mais les déboires fiscaux de David Cameron révélé par les « Panama Papers » ont donné un nouvel élan au parti travailliste.

Certes, le chemin est encore long pour le chef de l’opposition. Selon un sondage Yougov du 8 avril, sa côté de confiance n’est que de 30 %, ceux qui ne lui font pas confiance sont 52 % des personnes interrogés. Un déficit de 22 points qui est élevé, mais qui est loin des 40 points de janvier dernier. Et pour la première fois, la différence entre ceux qui lui font confiance et ceux qui ne lui font pas confiance est inférieure à celle de David Cameron (-23 points). Mieux même, sur le sujet de l’évasion fiscale et de l’UE, Jeremy Corbyn est largement jugé le plus compétent, loin devant le premier ministre. Enfin, le Labour est désormais en tête des intentions de vote, avec 34 %, en cas d’élections générales, devant les Conservateurs (31 %).

Les Cassandre contredits

Cette évolution contredit les Cassandre qui jugeait qu’en élisant Jeremy Corbyn, le Labour se « suicidait ». De plus en plus, il apparaît que c’est bien la voie centriste de la sociale-démocratie qui est en crise : en Irlande, le Labour a obtenu 6 % des voix après son alliance avec le centre-droit en février alors qu’en Espagne en décembre, le PSOE a obtenu son plus faible score de l’après-franquisme ; aux Pays-Bas, les Travaillistes de Jeroen Dijsselbloem sont donnés sous les 10 % d’intentions de vote et, en Allemagne, la SPD est à des niveaux historiquement faible, sous les 20 %. A l’inverse, au Portugal, où le premier ministre socialiste Antonio Costa a choisi de s’allier à la gauche radicale contre la politique austéritaire de la droite, le PS progresse de trois points dans les derniers sondages par rapport aux élections d’octobre. L’avenir de la Social-démocratie pourrait donc être, contre l’avis d’un Emmanuel Macron par exemple, dans le maintien d’un vrai clivage droite-gauche…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 15-04-2016

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-jeremy-corbyn-ne-veut-pas-du-brexit-par-romaric-godin/


Le roi de Jordanie accuse la Turquie d’envoyer des terroristes en Europe, par David Hearst

Thursday 21 April 2016 at 01:48

Source : Middle East Eye, le 25/03/2016

Le roi Abdallah dit aux hommes politiques américains que c’est en Turquie que sont “fabriqués les radicaux, et que cela fait partie de la politique turque”

Le roi de Jordanie Abdallah et le président turc Recep Tayyip Erdogan (AFP)

Le roi de Jordanie Abdallah et le président turc Recep Tayyip Erdogan (AFP)

David Hearst

Selon le site MEE (l’Œil du Moyen-Orient), lors d’une rencontre avec des hommes politiques étatsuniens de premier plan, le roi Abdallah de Jordanie a accusé la Turquie d’exporter des terroristes en Europe.

Le roi a affirmé que la crise européenne des réfugiés n’était pas un accident, pas plus que ne l’était la présence parmi eux de terroristes. « Le fait que des terroristes aillent en Europe fait partie de la politique turque, on donne bien à la Turquie une petite tape sur la main, mais cela ne va pas plus loin. »

À la question de l’un des membres du Congrès présent qui demandait si l’ÉI exportait du pétrole en Turquie, Abdallah a répondu : « Oui, absolument. »

Le roi Abdallah a fait ces déclarations lors d’une importante audition au Congrès le 11 janvier, le jour où une rencontre avec le président Obama avait été annulée.

La Maison-Blanche a été forcée de démentir que le président avait fait un affront à l’un des plus proches alliés des États-Unis au Moyen-Orient et a affirmé que cette annulation était due à un chevauchement de rendez-vous. Le roi et le président se sont toutefois brièvement rencontrés à la base aérienne d’Andrews le lendemain.

À cette réunion du Congrès se trouvaient les présidents et les membres du renseignement du Sénat, des Affaires étrangères et des comités des forces armées, y compris les sénateurs John McCain et Bob Corker et des sénateurs Mitch McConnell et Harry Reid, qui sont les chefs respectivement de la majorité et de la minorité de cette chambre.

Selon un rapport détaillé de la rencontre dont ce site a eu connaissance, le roi a entrepris d’expliquer ce qui, selon lui, était la motivation du président turc, Recep Tayyip Erdogan.

Il a affirmé qu’Erdogan croyait à une solution islamique radicale dans la région.

Il a répété : « La Turquie a cherché une solution religieuse pour la Syrie alors que nous, nous nous intéressons aux éléments modérés du Sud et la Jordanie a insisté pour une troisième option qui n’autoriserait pas une option religieuse. »

Le roi a présenté la Turquie comme faisant partie d’un défi stratégique sur le plan mondial.

Nous sommes sans cesse forcés d’affronter des problèmes tactiques contre l’ÉI, mais pas le problème stratégique. Nous oublions le problème des Turcs qui ne sont pas de notre côté sur ce problème, d’un point de vue stratégique.

Il a assuré que la Turquie avait non seulement soutenu des groupes religieux en Syrie et laissé des combattants étrangers pénétrer dans ce pays mais qu’elle avait aussi aidé des milices islamistes en Libye et en Somalie.

Il a soutenu que « c’est en Turquie que se fabrique la radicalisation » et il a demandé aux sénateurs étatsuniens pourquoi les Turcs entraînaient l’armée somalienne.

Le roi a invité les hommes politiques étatsuniens présents à interroger les présidents du Kosovo et de l’Albanie à propos des Turcs.

Il a affirmé que ces deux pays avaient supplié l’Europe de les admettre en leur sein, avant Erdogan.

Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Judeh, a abondé dans le sens des déclarations du roi. Il a évoqué le président albanais, Bujar Nishani, qui est un catholique marié à une musulmane et a affirmé que c’était là un modèle qui doit être protégé dans un pays à majorité musulmane.

Selon Nasser Judeh, quand la campagne de frappes aériennes russes a empêché la Turquie d’établir, dans le nord de la Syrie, des zones sécurisées destinées à enrayer le flux de réfugiés vers la Turquie, « la Turquie a envoyé les réfugiés en Europe. »

Le roi Abdallah et son ministre ont dit leur opposition au plan de 3 milliards de dollars en faveur de la Turquie. Ils ont fait remarquer que ce pays n’avait que 2 millions de réfugiés pour une population de 70 millions, tandis que la Jordanie faisait face, « proportionnellement, à un plus grand problème. »

La Jordanie et la Turquie sont officiellement des pays alliés. Le Premier ministre turc, Ahmed Davutoglu, a annulé une visite officielle en Jordanie après le dernier en date des attentats à la bombe qui, le 13 mars, a fait 34 victimes à Ankara.

Les Faucons de la Liberté du Kurdistan (TAK), une branche du PKK, ou le Parti des travailleurs du Kurdistan, a revendiqué la responsabilité de cet attentat.

La visite qui a été reportée doit avoir lieu ce week-end et Ahmed Davutoglu aura présent à l’esprit ce que le roi Abdallah a dit aux sénateurs : en substance, la Turquie utilise les Kurdes comme «une excuse » pour sa politique en Syrie.

Selon Galip Dalay, directeur de recherche du Forum Al Sharq et professeur pour les affaires kurdes et turques au Centre d’études Al Jazeera, il est erroné de présenter la Turquie comme un pays qui a pour but stratégique d’établir un gouvernement islamiste en Syrie.

« La Turquie, a-t-il déclaré, a fait de son mieux dans les huit premiers mois de la crise syrienne pour trouver une solution politique à la crise, qui n’aurait pas exclu Bachar el-Assad. À cette époque, dans la région et les pays occidentaux, on critiquait la Turquie pour sa trop grande indulgence vis-à-vis du régime d’Assad et son trop grand optimisme sur les possibilités de réforme de ce gouvernement. Quand il est devenu évident, après huit mois de tentatives laborieuses, qu’Assad n’avait aucune intention d’initier un processus politique et démocratique qui satisferait les exigences des opposants, la Turquie a commencé à soutenir l’opposition.

Galip Dalay a affirmé que l’allégation selon laquelle la Turquie achetait du pétrole à l’ÉI était un mensonge russe, concocté à Moscou après que la Turquie a abattu en vol le bombardier russe. « La Turquie n’est pas la seule à soutenir qu’il n’y a pas la moindre preuve qui appuie ces dires. Les États-Unis l’ont assuré, eux aussi. »

Le gouvernement turc n’a pas souhaité commenter officiellement les déclarations faites par le roi Abdallah le 11 janvier. Un haut responsable turc, cependant, a accusé le roi de devenir « le porte-parole de Bachar el-Assad. »

Selon ce responsable, on n’a pas l’impression que ces déclarations aient été faites par un roi, mais par « un journaliste occidental à l’esprit brouillé, qui connaît très mal la région. »

La Turquie est, sans le moindre doute, en train de lutter de toutes ses forces contre Daech. C’est en Turquie, non en Jordanie, qu’ont lieu les attentats à la bombe. Dans ces conditions, les accusations sans fondement du roi Abdallah sont totalement inacceptables.

« En outre, le fait qu’il s’attaque au problème de Daech en s’appuyant sur des informations aussi dénuées de fondement soulève la question de la légitimité de la Jordanie à jouer un rôle significatif dans la lutte contre Daech. »

Selon Galip Dalay, les déclarations du roi sur la vente de pétrole par l’ÉI à la Turquie sont non seulement absurdes, mais elles prouvent que le monarque n’avait pas la moindre petite idée de ce qui se passait en Syrie.

« Les affirmations du roi et les accusations qu’il porte contre la Turquie ne sont pas nouvelles. Malheureusement, toutes ces allégations sont les mêmes que les calomnies souvent répandues par le régime d’Assad.

« Il serait de l’intérêt de la Jordanie et de la région que ce pays, en tant qu’ami de la Turquie, se mette à travailler à une coopération stratégique avec une puissance stratégique comme la Turquie, au lieu d’agir comme le porte-parole d’Assad. »

Source : Middle East Eye, le 25/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-roi-de-jordanie-accuse-la-turquie-denvoyer-des-terroristes-en-europe-par-david-hearst/


Miscellanées du jeudi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, Farage, ScienceEtonnante)

Thursday 21 April 2016 at 00:10

I. Philippe Béchade

Les indés de la finance: La croissance chinoise se stabilise – 15/04

Philippe Béchade VS Serge Négrier (1/2): Les marchés devraient-ils se réjouir du rebond des exportations chinoises ? – 13/04

Philippe Béchade VS Serge Négrier (2/2): La hausse du pétrole va-t-elle soutenir longtemps les marchés ? – 13/04

II. Michel Onfray

Michel Onfray: “Le quinquennat a supprimé la fonction présidentielle”

III. Nigel Farage

L’armée du peuple l’emportera sur cette Union Européenne anti-démocratique

IV. Coluche

Coluche – Le Chomeur

V. ScienceEtonnante

Pourquoi le pastis devient-il opaque quand on l’allonge ? — Science étonnante #8


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

immigres

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-jeudi-delamarche-sapir-bechade-onfray-farage-scienceetonnante/


Revenus 2014 des Clinton : 28 millions de dollars – la “gauche” américaine évite la paupérisation…

Thursday 21 April 2016 at 00:05

I. Les Résultats de la primaire Démocrate de New-York hier

Sainte Hillary a donc réalisé un bon score chez elle New-York, avec 57 % des voix face à Sanders, qui a désormais bien peu de chances de l’emporter…

Dommage, la remontée de ce dernier au niveau national était assez impressionnante, mais il manquera de temps, et il garde les minorités contre lui :

democrates

Cela présage cependant pas mal de rancoeurs de ses électeurs électrisés…

II. Money, money, money

Je signale au passage que les candidats ont publié leurs déclarations d’impôt 2014, et que la “gauche” américaine peut-être fière de sa réussite :

revenus-clinton-sanders

Le couple Clinton a ainsi empoché plus de 28 millions de dollars de revenus (oui, on parle de revenus annuels, pas de patrimoines, hein) en 2014, contre 200 000 $ au couple Sanders…

Et on parle bien de l’argent personnel, pas de celui pour les campagnes politiques…

Comme on parle d’argent, voici un graphe intéressant sur la proportion de donc pour la campagne présidentielle venant de donneurs de plus de 5 000 $ et 100 000 $ (le total des sommes est sous le nom – Source) :

capture_new

On constate donc l’absence de gros donateurs chez Sanders et Trump, et le poids des très gros donateurs… chez tous les autres !

Le record revenait en fait au frère Bush, qui a abandonné (données plus anciennes d’il y a 1 mois)

capture_new

Mention enfin pour les 225 millions de dollars de budget d’Hillary Clinton, presque le double de Sanders (qui a obtenu un total incroyable avec seulement des petits dons…).

C’est qu’il a fallu aider Sainte Hillary en difficultés (Source) :

donateurs-clinton

Merci George Soros pour ces 7 millions… ! Et comme il est à fooooooond(s) pour la Démocratie sur la planète, il file 7 millions à la candidate qu’il aime bien, et rien au candidat des pauvres, normal quoi….

Au passage, rions avec Cruz : – il a des amis vraiment sympas :

donateurs-clinton

Quant à Trump :

donateurs-clinton

Euh non, milliardaire, il a dit qu’il finançait tout seul sa campagne, et ne voulait pas d’argent, afin de rester libre…

III. Les Résultats de la primaire Républicaine de New-York hier

Sinon, au niveau des résultats, il y a plus de suspens pour les Républicains, où Trump a triomphé sur ses 2 adversaires, avec 60 % des voix :

primaires-2016-04-20

Trump dispose de 846 délégués, il lui en faut 1237 pour être sûr d’être désigné ; il lui manque donc 391 délégués, et il en reste 674 à distribuer. Ce n’est pas gagné, mais ce n’est pas perdu non plus…

republicains-dates

Trump est donné gagnant dans les sondages dans les les grands États restants. Mais on n’aura le résultat que le dernier jour… donc le 7 juin.

On voit que sa côte nationale ne cesse de s’améliorer :

republicains

Celle de Cruz (l’évangéliste ultraconservateur moralisateur) palissant, un peu beaucoup à cause du scandale faisant que le Voici local l’accuse d’avoir 5 maîtresses (on a oublié de vous le dire ? :) ):

Scandale-sexuel-de-Cruz

C’est vraiment à se demander pourquoi les gens sont énervés et votent Trump…

À suivre…

Source: http://www.les-crises.fr/revenus-2014-des-clinton-28-millions-de-dollars/


Donald Trump va l’emporter haut la main. Le créateur de ‘Dilbert’ explique pourquoi, par Michael Cavna

Wednesday 20 April 2016 at 02:00

Source : The Washington Post, le 21/03/2016

Par Michael Cavna

DILBERT-trump-panel

Une planche de « Dilbert. » (Scott Adams / Universal Uclick 1991)

SCOTT ADAMS se souvient du tournant de la partie. Il était jeune et s’améliorait aux échecs, mais le gamin qui menait l’échiquier déjouerait les tactiques d’Adams jusqu’à ce que le jeu tourne en débâcle. À présent, ce gamin ne voulait pas simplement battre Adams ; il voulait l’embarrasser. « Ainsi, après qu’il eut pris les trois quarts de mes pièces et que j’étais découragé, » raconte Adams, « il m’a proposé de tourner la planche et de jouer avec mes pièces. » Et puis effectivement il « gagna » encore.

À ces occasions, Scott Adams, le créateur de « Dilbert, » a perçu le type de personnalité qui aime non seulement le défi de la stratégie de jeu, mais aussi le frisson d’écraser la compétition. C’est le sport de la domination méticuleusement préméditée.

Et cela fait partie des raisons pour lesquelles Adams croit que Donald Trump va gagner la présidence. D’une victoire écrasante.

Adams, en d’autres termes, estime que Trump lui-même a renversé le jeu de la campagne. Dans sa campagne électorale, le magnat de l’immobilier ne fonctionne pas sur la connaissance des chiffres ou l’analyse des données. Il navigue sur nos émotions, dit Adams, et l’attrait sournois pour notre propre irrationalité humaine. Depuis août dernier, en effet, alors que beaucoup qualifiaient l’entrée de Trump de candidature clownesque, le caricaturiste de « Dilbert » avait déjà déclaré que « Le » Donald était un maître des pouvoirs de persuasion, qui allait sans aucun doute monter dans les sondages. Et la semaine dernière, Adams a commencé à bloguer sur la façon dont Trump peut par sa parole démanteler la prochaine candidature de Clinton.

Adams, bien entendu, ne cautionne pas Trump ni ne soutient sa politique. (« Je ne pense pas que mes opinions politiques plaisent à personne, » dit-il à la rubrique Comic Riffs du Post, « pas même à un autre être humain. ») Et il ne dit pas que Trump serait le meilleur président. Ce que le dessinateur installé dans la baie de San Francisco reconnaît, dit-il, c’est l’art méticuleux derrière les techniques d’expression de Trump. Et Donald, dit-il, joue avec ses concurrents comme avec un violon – avant de les battre comme un tambour.

Dit plus simplement : Adams croit que Trump va gagner parce qu’il est « un maître de la persuasion. »

Le magnat de Manhattan est si habile dans sa force de persuasion, qu’Adams croit que le candidat aurait pu fonctionner en tant que démocrate et, en choisissant d’autres sujets brûlants, encore remporter cette présidence. En d’autres termes : Trump est un tel maître en stratégie linguistique qu’il aurait pu retourner l’échiquier politique et encore occuper le terrain.

Adams ne prétend pas être un analyste politique expérimenté. Ses références exposées dans cette arène, dit Adams – qui ne possède qu’un Master en administration des entreprises de l’université de Californie à Berkeley – attestent largement sa qualification d’hypnotiseur et, en tant qu’écrivain, d’auteur de livres de gestion, un éternel étudiant des techniques de rhétorique persuasive. (Son ouvrage de développement personnel est intitulé « Comment échouer à presque tout et toujours gagner gros : un peu l’histoire de ma vie. »)

« Le plus important quand vous étudiez l’hypnose, c’est que vous apprenez que les humains sont irrationnels, » dit Adams à Comic Riffs. « Jusqu’à ce que vous compreniez cela, l’hypnose est difficile à appliquer. […] Pour moi, ce fut ce grand réveil de comprendre que les humains sont profondément irrationnels, et ça a eu probablement la plus grande influence sur moi en terme d’écriture. »

« C’est un truc que j’ai appris de Bil Keane, » le défunt créateur de « Family Circus », explique Adams à Comic Riffs. « Il m’a essentiellement appris à cesser d’écrire pour moi-même, ce que j’ai compris que je faisais – en écrivant une bande dessinée que je voulais lire. »

Donc Adams a pris une nouvelle orientation pour écrire davantage sur les lieux de travail, et le « Dilbert » qui a éclos au début des années 90 s’est intéressé « à cette grande partie de la vie des gens invisible au reste du monde et à la centaine de façons différentes de souffrir. »

« En mentionnant simplement cet univers, » dit Adams, la bande dessinée s’est connectée avec les lecteurs « à un niveau émotionnel. »

Et n’est-ce pas ce que fait Trump essentiellement, à son tour ? Il reconnaît la souffrance de certains, dit Adams, et ensuite joue de l’émotion qu’elle produit.

Et il améliore cette approche, dit Adams, en « exploitant le business model » comme un entrepreneur. Dans ce modèle, dans lequel « l’industrie de l’information n’a pas la possibilité de changer […] les médias n’ont pas vraiment le choix d’ignorer les sujets les plus intéressants », dit Adams, affirmant que Trump « peut toujours être le sujet le plus intéressant, s’il n’a rien à craindre et rien à perdre. »

Le fait de n’avoir rien d’essentiel à perdre augmente alors ses chances de gagner, parce cela élargit son domaine de jeu rhétorique. « La psychologie est la seule compétence nécessaire pour être candidat à la présidentielle, » écrit Adams, en ajoutant : « Trump connaît la psychologie. »

Dans ce contexte, voici ce que ce candidat Trump fait pour gagner les cœurs et les esprits de la campagne, selon Scott Adams :

images.washingtonpost.com

– Avant de faire notre business plan pour l’année prochaine, regardons si nous nous y sommes tenus l’an dernier.

– On a fini par ne rien faire de ce qui était dans notre plan, comme tous les ans.

– Pourquoi ne pas faire l’impasse cette année ?

– Ce serait irrationnel de ne pas avoir de plan.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Trump sait que les gens sont fondamentalement irrationnels.

« Si vous considérez les électeurs comme rationnels, vous serez un homme politique épouvantable, » écrit Adams dans son blog. « Les gens ne sont pas programmés pour être rationnels. Nos cerveaux ont évolué simplement pour nous garder en vie. Les cerveaux n’ont pas évolué pour nous offrir la vérité. Les cerveaux nous projettent simplement des films dans nos esprits pour nous maintenir sains et motivés. Mais rien de tout cela n’est rationnel ou vrai, sauf peut-être parfois par hasard. »

  1. Sachant que les gens sont irrationnels, Trump a pour but de séduire à un niveau émotionnel.

« La preuve est que Trump ignore complètement la réalité et la pensée rationnelle en faveur de la séduction émotionnelle, » écrit Adams. « Bien sûr, une grande partie de ce que dit Trump fait sens pour ses partisans, mais je vous assure que c’est une coïncidence. Trump dit tout ce qui lui donne le résultat qu’il veut. Il a compris que les hommes sont à 90 % irrationnels et agit en conséquence. »

Adams ajoute : « Le vote des gens est fondé sur l’émotion. Un point c’est tout. »

images.washingtonpost.com 2

– Quelles chances y a-t-il pour que tu aies fait cette feuille de calcul sans erreur critique ?

– Quelle importance, du moment que ça me donne le résultat que je veux ?

– Ça devrait avoir de l’importance.

– Mais demande-toi si ça en a.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. En agissant selon l’émotion, les faits ne comptent pas.

« Alors que ses adversaires perdent le sommeil à essayer de mémoriser les noms des dirigeants étrangers – au cas où quelqu’un le demande – Trump sait que c’est une perte de temps…, » écrit Adams. « Il y a beaucoup de faits importants que Trump ne connaît pas. Mais la raison pour laquelle il ne connaît pas ces faits est – en partie – qu’il sait que les faits ne comptent pas. Ils n’ont jamais compté et ne compteront jamais. Alors, il les ignore.

« Juste en face de vous. »

Et citer des chiffres qui pourraient ne pas exactement correspondre aux faits réels peut cependant ancrer ces chiffres, et ces faits, dans votre esprit.

  1. Si les faits ne comptent pas, vous ne pouvez pas vraiment avoir « tort ».

Trump « ne s’excuse pas ni ne se corrige. Si vous n’êtes pas formé à la persuasion, Trump semble stupide, mauvais, et peut-être fou, » écrit Adams. « Si vous comprenez la persuasion, Trump est parfaitement à la hauteur la plupart du temps. Il ignore la pensée rationnelle inutile et les données objectives et martèle sans cesse ce qui compte (les émotions). »

« Est-ce que l’engagement de Trump dans la citoyenneté par la naissance vous perturbe ? » continue à demander Adams. « Vous demandez-vous comment Trump pouvait croire qu’Obama n’était pas un citoyen ? La réponse est que Trump n’a jamais cru quoi que ce soit sur le lieu de naissance d’Obama. Les faits ne sont pas pertinents, il les ignore tout en trouvant une place dans le cœur des conservateurs. Pour plus tard.

« C’est pour plus tard. Il s’y prend à l’avance. »

images.washingtonpost.com 3

– Est-ce que tu préfères me préparer et me servir ma nourriture préférée maintenant ou dans une minute ?

– Pourquoi est-ce que tu utilises toujours cette technique manipulatrice de me faire penser après la vente ?

– Parce que ça marche.

– Dans une minute ! Pas une seconde avant !

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Avec moins de faits en jeu, il est plus facile de tordre la réalité.

Steve Jobs est célèbre pour avoir cherché à créer des « champs de distorsion de la réalité » afin de répondre à ses besoins et atteindre ses fins. Trump emploie des techniques similaires, et apparemment peut être aussi susceptible quand sa « réalité » est contestée. « Le Maître de la persuasion déformera la réalité jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il veut, » écrit Adams, notant que Trump en est déjà « presque à la moitié ».

(Parmi les techniques de persuasion que Trump utilise pour aider à tordre la réalité, dit Adams, figure la répétition de phrases ; « penser après la vente » [faire penser à une conséquence de la vente, comme si la vente était déjà faite et devenue une donnée de base du raisonnement, NdT] de sorte que la première partie de sa prémisse est indiquée comme une donnée, et sachant l’attrait de la réponse la plus simple, en liaison avec le concept du rasoir d’Ockham.)

images.washingtonpost.com 4

– Il paraît que vous traversez une transition de l’identité.

– Non, j’ai juste une mauvaise position à force de regarder un écran toute la journée. Je ne me transforme pas littéralement en Quasimodo.

– Dommage, parce que nous avons besoin d’une nouvelle mascotte dans l’entreprise et vous seriez parfait.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick)

  1. Pour tordre la réalité, Trump est un maître des politiques identitaires – et l’identité est la plus forte persuasion.

Pensez-vous que ce soit une coïncidence si Trump a appelé Megyn Kelly une bimbo, puis qu’elle s’est faite faire une coupe de cheveux qui n’est pas du style bimbo, mais plutôt… eh bien, Trumpienne ?» écrit Adams. « Cela ne semble pas une coïncidence à ce manipulateur expérimenté. »

Une façon d’y parvenir est par le déploiement de « coups linguistiques mortels » qui touchent au vif, et modifient la perception de deux manières.

« Les meilleurs coups linguistiques mortels de Trump, » écrit Adams, « ont les qualités suivantes : 1. un mot dans l’air du temps généralement pas utilisé dans la politique ; 2. qui concerne l’aspect concret du sujet (de sorte qu’on s’en souvient toujours). »

Adams ajoute : « L’identité est toujours le plus fort niveau de persuasion. La seule façon de le battre est avec des trucs sales ou un scénario d’identité plus fort. […] [Et] Trump est en bonne voie pour s’approprier l’identité des Américains, mâles alpha, et les femmes qui aiment les mâles alpha. Clinton est en bonne voie pour s’approprier l’identité des femmes en colère, des hommes bêta, des immigrants et des minorités marginalisées.

« Si c’était du poker, quelle main vous semblerait la plus forte pour une élection nationale ? »

Capture d’écran 2016-04-17 à 19.14.37

– Est-ce que je peux vous poser des questions sur votre voyage vers le succès ?

– Je crains le pire.

– J’essaie de déterminer quel pourcentage du succès d’une personne est de la pure chance.

– Par exemple qui vous a embauché pour votre premier vrai emploi ?

– Mon père. Mais pour ma défense, je suis bon en entretien.

« Dilbert. » (par Scott Adams / Universal Uclick 2016)

Source : The Washington Post, le 21/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/donald-trump-va-lemporter-haut-la-main-le-createur-de-dilbert-explique-pourquoi-par-michael-cavna/


Une coalition de parlementaires corrompus fait tomber Dilma Rousseff

Wednesday 20 April 2016 at 01:17

Source : France24, Sophie Guignon, David Gaormezano, 17-04-2016

Une coalition de parlementaires corrompus proche de faire tomber Dilma Rousseff

Sauf coup de théâtre, la Chambre des députés brésilienne devrait massivement approuver dans la nuit de dimanche à lundi la destitution de Dilma Rousseff. Analyse de la chute d’une présidente réélue il y a deux ans à peine.

Un peu plus d’un an après les premières manifestations demandant la destitution de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, en mars 2015, l’opposition est en train de voir son rêve se réaliser. Dimanche 17 avril, à partir de 18 h GMT, la Chambre des députés se prononcera, deux tiers des voix étant nécessaires pour que la procédure de destitution soit transmise au Sénat.

Lâchée par ses alliés de centre droit, Dilma Rousseff ne peut plus compter que sur le soutien de son parti, le Parti des travailleurs (PT), au pouvoir depuis 2002, et de quelques autres partis de gauche. Depuis les défections de trois partis de sa coalition intervenues en début de semaine, toutes les estimations sont formelles : pour Dilma Rousseff, les carottes sont cuites. Quelles sont les raisons de l’ubuesque descente aux enfers d’une présidente réélue avec 51,5 % des voix en octobre 2014 ?

De quoi est accusée Dilma Rousseff ?

L’acte de destitution lui reproche son “irresponsabilité” en matière budgétaire. En 2015, son gouvernement aurait maquillé des déficits publics en prêts contractés auprès de banques publiques, ce que la présidente brésilienne nie. Ce tripatouillage de comptes publics est connu au Brésil sous l’appellation intraduisible mais imagée de “pedaladas”.

Ce n’est donc pas son rôle dans le méga scandale de corruption Petrobras qui est en jeu. Ni la nomination de Lula au gouvernement, le mois dernier, qui avait déclenché de violentes réactions parmi les Brésiliens.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis sa réélection, Dilma Rousseff fait face à l’opération “Lava Jato”, une enquête judiciaire de grande envergure qui révèle jours après jours les liens de corruption entre personnages politiques et grandes entreprises (principalement du BTP et du secteur de l’énergie), sans épargner les membres de son parti.

En plus de cette opération “Mains propres” à la brésilienne qui secoue l’establishment du pays, le Brésil s’enfonce dans une violente récession économique. L’incapacité de Dilma à contenir la crise l’a mise sous le feu des critiques des milieux d’affaires, mais aussi de ses soutiens politiques, qui lui reprochent de sacrifier les classes populaires.

Depuis des mois, la présidente parvient difficilement à gouverner en raison de son impopularité. Les dirigeants de l’opposition veulent écourter son mandat pour que le pays puisse “prendre un nouveau départ”.

Selon Luis Almagro, le secrétaire général uruguayen de l’OEA (Organisation des États américains), “pour nous, il s’agit d’une procédure de destitution contre une présidente qui n’est pas accusée d’avoir commis des actes illégaux. C’est d’autant plus préoccupant que ceux qui ont actionné le mécanisme de destitution sont des parlementaires qui sont eux-mêmes sous le coup d’accusations, ou qui ont été condamnés. C’est le monde à l’envers.”

La destitution de Dilma Rousseff est-elle légitime ?

Si la procédure a suivi toutes les étapes constitutionnelles et légales, la destitution de Dilma Rousseff obéit avant tout à une logique politique.

Le combat pour sa destitution voit s’affronter les défenseurs des acquis du Lulisme et l’establishment conservateur brésilien qui, après avoir perdu quatre élections présidentielles successives, veut récupérer le pouvoir à tout prix.

Pour Mario Conti, éditorialiste du journal Folha de Sao Paulo et de la chaine GloboNews, “rien, jusqu’à présent, ne prouve un enrichissement personnel de la présidente. C’est évident qu’elle a contribué à l’état de récession dans lequel est plongé le pays, qu’elle a menti pendant la campagne électorale, qu’elle est irrascible. Mais tout cela ne constitue pas un crime de ‘responsabilité’ et ne justifie pas une destitution”, ajoutant : “Elle n’a pas volé, et c’est une bande de voleurs qui la juge. L’élite brésilienne veut mettre un terme au cycle politique du Parti des Travailleurs quel qu’en soit le prix.”

S’agit-il d’un coup d’État constitutionnel ?

C’est ce que Dilma, Lula et les dirigeants du PT affirment depuis des mois. Une opinion partagée par beaucoup de Brésiliens, militants ou sympathisants de gauche qui défilent depuis des mois derrière le slogan “Nao vai ter golpe” (“Il n’y aura pas de coup d’État”).

Pour beaucoup, c’est la démocratie qui est en jeu. On ne peut démettre une présidente démocratiquement élue parce que l’opposition et l’opinion publique jugent négativement sa gestion de l’économie et de l’État.

Ceux qui affirment que c’est un coup d’État s’appuient sur les sombres réalités de la classe politique brésilienne. L’ultra conservateur évangéliste Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés, est accusé de blanchiment d’argent pour des montants astronomiques (de 5 à 40 millions de dollars selon les sources). Et c’est lui qui, en décembre, avait jugé recevable la demande de destitution au moment où la commission d’éthique du Parlement souhaitait le suspendre de ses fonctions.

Selon Transparency Intenational, 36 des 65 députés qui formaient la commission parlementaire qui a autorisé la mise au vote de la motion de destitution le 11 avril ont déjà été condamnés ou sont inculpés pour des faits allant de malversations électorales au blanchiment d’argent. Selon l’ONG, 60 % des parlementaires brésiliens ont (ou ont eu) affaire à la justice pour des affaires de corruption mais aussi de meurtre, d’enlèvement et séquestration ou encore de déforestation illégale.

De fait, on peut reprocher à Dilma Rousseff une mauvaise gestion économique et un certain autisme politique, mais elle n’est personnellement liée à aucune accusation de corruption ou de détournements de fonds publics. Alors qu’on ne peut en dire autant de nombreux élus brésiliens qui réclament sur tous les tons la destitution de la présidente depuis des mois.

Qui peut succéder à Dilma Rousseff ?

À Brasilia, le vice-président Michel Temer se comporte déjà en nouveau président et consulte en vue de la formation de son prochain gouvernement. “Le traître en chef”, dixit Dilma Rousseff, a même fait fuiter son discours d’investiture à la presse et explique déjà quelle politique il entendrait mener en tant que président. Selon le Jornal do Brasil, il pourrait prêter serment le 10 mai si le Sénat ratifiait la décision des députés. Si une majorité simple des sénateurs vote en faveur de la destitution, Dilma Rousseff sera suspendue 180 jours. En cas de majorité qualifiée des deux tiers, Michel Temer pourra assumer la présidence jusqu’au terme du mandat présidentiel, en 2018.

Cet avocat constitutionaliste de 75 ans a été le colistier de Dilma lors de la campagne de 2010 et de 2014. Sa place sur le ticket présidentiel, il la doit à sa fonction de chef du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), l’un des trois grands partis du pays, avec qui tous les présidents ont fait alliance depuis le retour à la démocratie en 1985, afin d’avoir une majorité au Parlement et pouvoir ainsi gouverner.

Chef d’un parti centriste “attrape-tout” sans colonne vertébrale ni idéologie, roi des marchandages et des intrigues, il pourrait cependant voir ses ambitions sapées par une procédure de destitution concernant des irrégularités commises dans le cadre du financement de sa campagne électorale de 2014.

En cas de destitution du vice-président, peuvent lui succéder, dans l’ordre, Eduardo Cunha, le président de la Chambre des députés, puis Renan Calheiros, le président du Sénat, tous deux impliqués dans des affaires de corruption. Vient ensuite Ricardo Lewandowski, le président de la Cour suprême. Tous trois sont sommés par la Constitution d’organiser de nouvelles élections présidentielles dans les 90 jours qui suivent leur prise de fonction.

Ainsi, plutôt que de mettre un terme à une longue crise politique, la destitution de Dilma Rousseff ouvrirait très certainement une longue période de batailles politiques et judiciaires.

Source : France24, Sophie Guignon, David Gaormezano, 17-04-2016

========================================

Rousseff: «Ils veulent sauver des corrompus»

Source : 20 minutes, AFP, 16-04-2016

BRAZIL-IMPEACHMENT-ROUSSEFF

Les tours de passe-passe budgétaires qui sont reprochés à Dilma Rousseff «ont été pratiqués par tous les présidents avant moi et ont été considérés légaux», s’est défendue la présidente au lendemain du vote de la Chambre des députés en faveur de sa destitution. Elle s’est exprimée lors d’une conférence de presse. (Image – 18 avril 2016)

Dilma Rousseff et son mentor Lula ont déclenché samedi la contre-offensive de la dernière chance pour faire avorter la procédure de destitution de la présidente brésilienne. Les députés décideront dimanche du sort de la dirigeante de gauche.

Le camp présidentiel a attaqué ses adversaires et menait parallèlement en coulisses de fiévreuses négociations auprès des députés encore hésitants. Cette situation sème l’inquiétude dans les rangs de l’opposition de droite.

Mme Rousseff s’en est prise au vice-président Michel Temer, qui brigue ouvertement son mandat, et à son allié le président du Congrès des députés Eduardo Cunha, dans une tribune publiée par le quotidien de Sao Paulo. «Ils veulent condamner une innocente et sauvent des corrompus. Quelle est leur légitimité ?», s’est-elle interrogée.

M. Temer, à la tête du grand parti centriste PMDB qui a quitté fin mars la coalition de Mme Rousseff, est presque tout aussi impopulaire qu’elle. Et, il n’obtiendrait qu’1% des voix à une élection à la régulière, selon un récent sondage.

Son nom a en outre été cité par plusieurs personnes poursuivies dans le cadre de l’enquête sur le réseau de corruption monté au sein de la compagnie pétrolière publique Petrobras. M. Cunha, représentant de l’aile dure du PMDB, est quant à lui inculpé de «corruption et blanchiment d’argent» dans ce dossier.

Lula actif

«L’élite brésilienne n’aime pas la démocratie», s’est exclamé à Brasilia l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, acclamé par plus de mille paysans sans terre, syndicalistes et militants du Parti des Travailleurs (PT-gauche) qui campent près du stade Mané Garrincha. Mais Lula ne s’est pas attardé. «Je dois rentrer (négocier). Nous ne devons pas les laisser remporter les 342 voix», a-t-il expliqué.

Pour faire échouer la tentative de destituer Mme Rousseff dès dimanche, le camp présidentiel devra en effet absolument empêcher l’opposition d’atteindre ce score des deux tiers des députés (342 sur 513) requis pour que la procédure soit renvoyée au Sénat.

Dilma Rousseff serait alors dans une position extrêmement délicate. Au Sénat, il suffirait d’un vote à la majorité simple pour qu’elle soit mise en accusation et écartée du pouvoir pendant un maximum de six mois en attendant le verdict final. Michel Temer assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

Camp présidentiel efficace

«C’est une guerre de chiffres qui montent et qui descendent comme à la Bourse des valeurs», a expliqué Lula à ses partisans. «A un moment, le type dit qu’il est pour nous et après, il ne l’est plus et il faut négocier 24 heures par jour».

Le camp présidentiel semble avoir marqué quelques points ces dernières heures. Ce qui a contraint Michel Temer, qui était rentré chez lui à Sao Paulo, à rentrer d’urgence à Brasilia, selon les médias brésiliens.

Le chef du comité informel militant pour la destitution, le député du DEM (droite) Mendonca Filho, se voulait néanmoins confiant. «Nous avons dépassé la barre des 342 votes. Notre position est consolidée, mais nous ne devons pas céder à la facilité. Il nous faut rester vigilants», a-t-il déclaré.

Dilma Rousseff, un ex-membre de la guérillera sous la dictature (1964-85), est accusée par l’opposition de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et début 2015, mais pas de corruption. Elle se dit victime d’une tentative de «coup d’Etat» institutionnel, alléguant que tous ses prédécesseurs ont eu recours sans être inquiétés aux mêmes tours de passe-passe budgétaires.

Manifestations dimanche

Le suspens du vote de dimanche promet de durer jusqu’à la dernière minute. Les députés ont repris samedi matin leur session extraordinaire à Brasilia. Chacun disposait de trois minutes pour s’exprimer à la tribune.

De grandes manifestations de chaque camp sont prévues pour dimanche à Rio de Janeiro (sud-est), le long de la célèbre plage de Copacabana, à des horaires différents. A Sao Paulo (sud-est), poumon industriel du Brésil et fief de l’opposition, les autorités prévoient une affluence d’un million de manifestants.

(nxp/afp)

Source : 20 minutes, AFP, 16-04-2016

==========================================

Brésil : les députés votent en faveur d’une destitution de Dilma Rousseff

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 18-04-2016

Si le Sénat approuve aussi la destitution, la présidente du Brésil sera écartée du pouvoir.

Les députés brésiliens ont ouvert dimanche la voie d’une destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff à une écrasante majorité. Le camp de la destitution l’a emporté par 367 voix, 25 de plus que les 342 requises (2/3) pour autoriser le sénat à mettre la présidente en accusation.

Seuls 137 députés (de gauche et d’extrême gauche pour l’essentiel) ont voté contre la destitution. Sept députés se sont abstenus et trois étaient absents. José Guimaraes, le leader du Parti des Travailleurs (gauche) au Congrès, a réagi :

“Les putschistes ont gagné ici à la chambre [mais ] cette défaite provisoire ne signifie pas que la guerre est perdue.”

Vote du sénat avant le 11 mai

Dilma Rousseff est accusée de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour masquer l’ampleur de la crise économique. Mais elle nie avoir commis un crime dit “de responsabilité” et dénonce une tentative de “coup d’Etat” institutionnel.

Depuis sa réélection, elle est embourbée dans une crise politique qui s’est embrasée au mois de mars, avec d’immenses manifestations pour son départ et l’entrée frustrée au gouvernement de son mentor Lula, soupçonné de corruption par la justice.

Plus de 60% des Brésiliens souhaitent désormais son départ. Et son mandat ne tient plus qu’à un fil : d’ici le 11 mai, les sénateurs vont se prononcer. S’ils sont une majorité à se prononcer en faveur de cette destitution, la présidente sera formellement mise en accusation pour “crime de responsabilité” et écartée du pouvoir pendant 180 jours au maximum en attendant un verdict final.

Le vice-président Michel Temer, son ex-allié centriste et désormais rival, assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

“Traître conspirateur”

Cette session extraordinaire du Parlement s’est déroulée dans un lourd climat d’affrontement dès son ouverture par le président du Congrès Eduardo Cunha, ennemi juré de la présidente. Il est lui-même inculpé pour corruption dans le scandale des détournements de fonds du géant pétrolier étatique Petrobras.

A Brasilia, environ 53.000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26.000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l’assemblée.

Après les interventions des chefs des groupes parlementaires, chaque élu a eu dix secondes pour annoncer son vote au micro. Le député d’extrême gauche (PSOL) Jean Wyllys s’est montré le plus éloquent. A l’adresse d’Eduardo Cunha et de Michel Temer, il a lancé :

“Je veux dire que j’ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur et ourdie par un traître conspirateur.”

“Au nom des communautés homosexuelles, du peuple noir exterminé dans les quartiers périphériques, des sans-toit, des sans-terre, je vote non à ce Coup d’État”, a-t-il martelé.

(Avec AFP)

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 18-04-2016

2048x1536-fit_presidente-bresil-dilma-rousseff-brazilia-2-decembre-2015

Source: http://www.les-crises.fr/une-coalition-de-parlementaires-corrompus-fait-tomber-dilma-rousseff/