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Repenser Donald Trump, par Sam Husseini

Friday 22 January 2016 at 02:52

Source Consortiumnews.com, 18 décembre 2015

La campagne présidentielle en roue libre et narcissique de Donald Trump a gagné le mépris général des médias dominants et des politiciens de l’establishment, mais c’est en partie parce qu’il a osé défier de dangereuses orthodoxies, comme le délire néoconservateur/faucon libéral pour « le changement de régime. »

Par Sam Husseini

Ainsi l’establishment veut tellement que chacun supprime les partisans de Donald Trump de ses amis sur Facebook  qu’il y a même une application pour les bloquer. Ça leur apprendra !

Certes, Trump joue la brute lorsqu’il fait appel aux (bons) sentiments populistes aussi bien qu’aux (mauvais) sentiments nativistes, xénophobes ou racistes. Le mal doit être pleinement abordé et traité au lieu d’être mis à l’écart par des gens soi-disant raffinés, qui se pincent le nez. Le bien devrait être reconnu et encouragé.

Donald Trump, le milliardaire et candidat républicain à la présidence.

Beaucoup de gens, concentrés sur les aspects négatifs de sa campagne, sont restés aveugles à ce qu’elle contient de bon — et je ne veux pas dire bon dans le sens « Oh, le démocrate peut battre ce type! » Je veux dire bon dans le sens où il est bon que quelques questions importantes — comme le rôle militaire des États-Unis dans le monde — soient exposées au grand jour.

Trump fait appel aux sentiments nativistes — comme Pat Buchanan dans sa campagne de 1992 — mais parallèlement aux arguments fondés sur « l’Amérique d’abord » de Buchanan est née la défiance envers les ambitions impérialistes. De même, Trump a récemment déclaré que la ministre de la Défense Hillary Clinton « a tué des centaines de milliers de gens par sa stupidité […] Le Moyen-Orient est devenu un désastre total sous son administration. »

Or, je pense que c’est assez juste, bien qu’à mon avis la politique américaine soit peut-être plus machiavélique que stupide. Mais cette remarque est un bol d’air frais sur la scène nationale. Ainsi, de temps en temps, Trump parle vrai, y compris quand il dit que les politiciens se vendent aux riches donateurs et quand il accuse les accords « de libre-échange » de coûter aux travailleurs américains les emplois de leur classe moyenne.

Mais le courant dominant diffuse que Trump est un menteur intégral. Le New York Times a récemment prétendu établir un classement de la crédibilité des candidats à la présidentielle. D’après l’évaluation du Times, Trump était hors-concours sur l’échelle du mensonge. Mais je n’ai jamais vu personne vérifier factuellement ses affirmations concernant les traces probantes de la responsabilité de l’ex-ministre des Affaires étrangères, H. Clinton, dans le chaos sanglant où elle a plongé la Libye, la Syrie et d’autres pays du Moyen-Orient. Ce n’est pas le genre de discussions que l’institution médiatique veut ouvrir.

Bien sûr, quelques phrases après son commentaire sur le bilan mortel de Clinton, il évoque l’attaque, le 11 Septembre 2012, de la base de la CIA à Benghazi, ce qui conduit Salon à l’écarter comme adepte des « théories du complot », et ce sera tout ce que de nombreuses personnes entendront jamais et non l’intégralité de son point de vue.

Quelqu’un énonçant parfois des vérités dérangeantes ne devrait-il pas être crédité de briser les tabous « politiquement corrects », comme reconnaître l’évident désastre de l’interventionnisme des États-Unis à travers le Moyen-Orient ? Trump énonce ces vérités, comme il l’a fait durant les débats de Las Vegas au sujet des guerres impliquant les États-Unis :

« Nous avons dépensé 4 000 milliards de dollars pour renverser des personnes qui franchement, si elles étaient encore là et que nous avions dépensé ces 4 000 milliards aux États-Unis pour réparer nos routes, nos ponts, nos aéroports et tous les autres problèmes que nous avions, nous nous en serions portés beaucoup mieux. Je peux vous le dire tout de suite. »

Franchement, il s’agit d’une critique des dépenses militaires plus forte que ce que l’on a entendu récemment de la part du sénateur Bernie Sanders. Mais les remarques de Trump, ou du sénateur Rand Paul, à propos de la politique américaine de « changement de régime » et des attentats, sont souvent ignorées. Il est plus commode de se concentrer sur la gentillesse américaine en laissant entrer quelques milliers de réfugiés plutôt que d’examiner comment des millions d’habitants de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan, du Yémen, de Somalie et d’autres pays ont perdu leurs maisons en raison de la politique du gouvernement des États-Unis.

Une constitution longtemps ignorée

Quelques critiques disent que la proposition de Trump d’interdire temporairement l’immigration des musulmans est inconstitutionnelle (bien que cet argument soit discutable sur le plan légal indépendamment de ce que l’on pense de la moralité et de l’aspect pratique de son idée).

Mais il y a aussi la question de la fréquence à laquelle les récents présidents ont violé la constitution ces dernières années, suscitant à peine un coup d’œil furtif de la part des grands médias. Flash d’information : le président démocrate à peine installé a bombardé sept pays sans déclaration de guerre. Nous avons efficacement tiré la chasse d’eau sur la constitution. Cela justifie-t-il de nouvelles violations ? Non. Mais le prétendu scandale moral à ce sujet n’est qu’un mot creux.

Et il existe une certaine logique dans la détestation nativiste des Musulmans. C’est une position évidemment erronée à plus d’un égard, mais compréhensible au regard des informations biaisées données en pâture au public. Dans la mesure où personne, sur la scène nationale, ne se livre à une critique sérieuse et systématique de la politique des États-Unis au Moyen-Orient, telle que les nombreuses invasions américaines destinées à provoquer des « changements de régime » ou l’alliance de longue durée avec l’Arabie saoudite et Israël, il est logique de dire qu’un changement est nécessaire, et ce changement consiste à se séparer des musulmans.

D’autres esprits raffinés ont également reproché à Trump de s’être comporté, lors du débat à Las Vegas, comme s’il ignorait ce qu’est la triade nucléaire (cette stratégie datant de la guerre froide qui consiste à procéder à des bombardements nucléaires depuis des missiles au sol, des bombardiers stratégiques et des sous-marins).

Eh bien, je ne peux dire s’il ignore cette doctrine ou s’il faisait juste semblant. Mais je suis plutôt content qu’il n’ait pas adopté le point de vue gouvernemental prétendant que ce serait une bonne idée de dépenser un milliard de dollars pour « moderniser » l’arsenal nucléaire américain afin que nous puissions à nouveau menacer efficacement la planète durant une autre génération.

Les gens se souviennent peut-être que, en dépit de toute la rhétorique du Président Barack Obama sur la fin des armes nucléaires, c’est le Président Ronald Reagan qui, après toutes ses fanfaronnades sur l’Empire du Mal et l’établissement de missiles nucléaires de moyenne portée en Europe, a  failli saisir l’occasion lorsque le leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev a proposé l’élimination des arsenaux nucléaires.

Pour les journalistes conventionnels d’aujourd’hui, il est beaucoup plus simple de suivre le courant et de haïr Trump, comme tous les grands médias souhaitent que nous le fassions. Après tout, une bonne part de notre culture politique se nourrit de haine. Apparemment, la haine amène les gens à faire ce qu’on veut qu’ils fassent. Donc vous les effrayez en créant de vilains croquemitaines comme Saddam Hussein, Bachar el-Assad ou Vladimir Poutine.

Les gens ont été encouragés à haïr Saddam Hussein à un point tel qu’ils ont été nombreux à soutenir la désastreuse invasion de l’Irak. Ils ont été soumis à une propagande pour les faire haïr Bachar el-Assad à un point tel que la politique des États-Unis a contribué à l’émergence de Daesh. Poutine a été transformé en un tel méchant de bande dessinée que des gens qui devraient réfléchir davantage parlent tranquillement de descendre des avions russes et de provoquer un « changement de régime » à Moscou.

John Kasich, Gouverneur de l’Ohio, le Républicain soit-disant « raisonnable » et « modéré », déclare « qu’il est temps que nous écrasions le nez des Russes. » Qui se soucie du risque d’une guerre nucléaire ? Ne détestons-nous pas tous Poutine ?

A présent, de nombreux Américains — républicains comme démocrates — diabolisent Trump. Tout ce qu’il dit est présenté dans le contexte le plus défavorable, sans perspective équitable. Il est devenu le centre de la haine, la haine, la haine. Il est le méchant au cœur noir. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas simplement prendre les gens pour ce qu’ils sont, avec leurs bons et leurs mauvais côtés ?

S’interroger sur la haine

Trump en appelle à une interruption de l’immigration musulmane « jusqu’à ce que nous puissions nous faire une foutue idée de ce qui se passe » — ce qui, vu l’apparente propension de notre culture politique à ne jamais se faire une idée de quoi que ce soit, pourrait bien signifier jusqu’à la fin des temps. Mais cette observation soulève une véritable question : pourquoi les populations du Moyen-Orient sont-elles remontées contre les États-Unis ?

Comme le dit Trump : « La haine [des musulmans à l'encontre des États-Unis] est énorme. D’où vient-elle, je n’en sais rien. » Mais, contrairement à pratiquement tous ceux qui disposent d’un mégaphone, Trump soulève réellement la question du ressentiment à l’égard des États-Unis au Moyen-Orient.

Pratiquement la seule autre personne sur la scène nationale à tenir ce genre de propos est le sénateur Rand Paul (Républicain, Kentucky), bien qu’il l’ait également exprimé de manière maladroite et que ses propos sonnent comme une pâle copie de ceux que son père, Ron Paul (Républicain, Texas) a tenus.

Bien entendu il faudrait dire : si nous sommes incapables de nous faire « une foutue idée » de ce qui se passe, alors nous peut-être devrions arrêter les bombardements. Mais ceci n’est pas dit, parce que le grand public vit dans l’illusion que Barack Obama est une colombe pacifiste. La vérité, c’est qu’Obama a bombardé plus de pays qu’aucun autre président depuis la Seconde Guerre mondiale — sept selon son propre décompte : l’Afghanistan, le Pakistan, l’Irak, la Syrie, le Yémen, la Libye et la Somalie.

La moitié de ce que dit Trump peut être faux et à la limite du délire. Mais il dit également des choses vraies — des choses d’une importance critique que personne d’autre disposant d’un accès médiatique ou politique ne dit.

Lors du débat de cette semaine à Las Vegas, Trump a déclaré : « Quand le World Trade Center s’est effondré, des gens ont été mis dans des avions, ils étaient des amis, des membres de la famille ou des petites amies, ils ont été mis dans des avions et renvoyés, pour la plupart, en Arabie saoudite. »

D’accord, le commentaire de Trump était confus et imprécis — il pouvait faire allusion à la décision extraordinaire du Président George W. Bush de laisser de riches Saoudiens, parmi lesquels des membres de la famille Ben Laden, embarquer à bord des premiers vols civils autorisés après le 11 Septembre afin qu’ils puissent échapper à un interrogatoire serré du FBI et peut-être à l’animosité du peuple américain — mais sa remarque pose la légitime question des implications de l’Arabie saoudite dans les événements du 11 Septembre.

Certes, Trump déclare qu’il bombardera la Syrie à mort, comme pratiquement tout autre candidat républicain. (Le sénateur Ted Cruz veut voir si « le sable peut briller dans le noir », une phraséologie généralement associée à un conflit nucléaire.) Mais Obama bombarde déjà bel et bien la Syrie et l’Irak, sans grand tintamarre médiatique. Ainsi, les gens pensent qu’il ne se passe rien et croient que le problème, c’est la passivité d’Obama.

Ce que les Américains sentent bien, c’est que le Président Obama, le précédent Président Bush et le reste de l’establishment se livrent à des jeux géopolitiques sans fin tout en les maintenant dans l’ignorance. En tant que citoyens de ce qui est censé être une république démocratique, ils ont raison d’en avoir assez. Beaucoup de ceux qui soutiennent ou éprouvent de la sympathie pour Trump, semblent penser qu’il pourrait être le seul à renverser la table et faire du barouf.

Trump, l’anti-impérialiste ?

Trump se vante de sa prétendue opposition à la guerre d’Irak, bien que je ne me souvienne pas l’avoir vu participer à aucune des manifestations contre la guerre en 2002-2003. Mais il semble qu’il ait émis quelques critiques en 2003-2004. Rien de bien génial ou courageux. Mais c’est une bonne chose que celui qui dispose du plus gros mégaphone déclare que la guerre d’Irak était une mauvaise chose.

Les gens qui suivent Trump pourraient du coup porter un regard critique sur l’appétit qu’éprouve le gouvernement des États-Unis pour les guerres perpétuelles. Songez un instant à quoi pourrait ressembler une compétition entre Trump et Clinton, étant donné que cette dernière a voté pour l’invasion de l’Irak — puis poussé à de violents « changements de régime » en Libye et en Syrie. Trump pourrait finir par apparaître comme le candidat anti-impérialiste.

A tout le moins, Trump donne l’impression qu’il agirait comme un nationaliste normal, et non comme l’un de ces mondialistes calculateurs et intéressés. Une bonne partie de la population des États-Unis semble souhaiter cela. Et, si cela s’avère exact, c’est une bonne chose. C’est également une bonne chose que Trump redynamise des gens qui avaient perdu toute foi en la politique.

Trump — le seul apparemment parmi les candidats républicains à la présidentielle — dit qu’il engagera des discussions avec le Président russe Poutine. Avoir un tant soit peu l’idée que le boulot d’un président, c’est d’essayer d’établir des relations raisonnables avec les autres grandes puissances nucléaires, m’apparaît comme un gage important. Il donne l’impression d’être un nationaliste enragé, mais — au contraire de la plupart de nos dirigeants récents — pas enclin à mort à une domination mondiale. Ceux qui souhaitent un monde meilleur auraient bien besoin de cela.

Aucun démocrate d’envergure n’a appelé à un ré-examen sérieux de la manière dont les États-Unis mènent leur politique étrangère. Hillary Clinton a droit aux louanges de l’ultra-néoconservateur Robert Kagan pour ce qu’il appelle son « interventionnisme libéral », qu’il considère avec raison comme l’équivalent du néoconservatisme. [Voir sur Consortiumnews.com « La véritable "faiblesse" de la politique étrangère d'Obama. »]

Bien que Bernie Sanders ait voté contre la guerre d’Irak, il a montré peu d’intérêt ou de subtilité de réflexion sur qui nourrit l’essentiel de la violence extrémiste au Moyen-Orient. Il souhaite que les Saoudiens « mettent les mains dans le cambouis », alors qu’ils l’ont déjà fait en finançant et armant de brutales forces djihadistes sunnites, y compris celles qui ont partie liée avec Al-Qaïda et l’État islamique.

Sanders n’a pas l’air de comprendre que les djihadistes sunnites sont, de fait, des forces paramilitaires que les Saoudiens ont soutenues depuis les années 80, quand les moudjahidines fondamentalistes afghans ont été créés et armés pour renverser le régime laïque de Kaboul soutenu par les Soviétiques. Ce conflit a donné naissance à Oussama Ben Laden, à Al-Qaïda, aux talibans et au mouvement djihadiste contemporain.

Une occasion manquée

Lors d’un débat du parti démocrate juste après les attaques terroristes du 13 novembre à Paris, Sanders avait eu une occasion historique de traiter sérieusement de ces questions. Il aurait pu mettre en lumière les contradictions entre les alliances des États-Unis avec des pays tels que l’Arabie saoudite ou le Qatar et la « guerre contre le terrorisme ». Il aurait pu expliquer ce qu’il y a de fallacieux à chercher à provoquer des « changements de régime » à l’encontre de gouvernements laïques — comme en Irak, en Libye et en Syrie — quand tout ce qui en découle est le chaos, les effusions de sang et l’extrémisme.

Sanders aurait pu pointer du doigt combien la guerre perpétuelle est non seulement vouée à l’échec en tant que stratégie contre le terrorisme, mais également incompatible avec les investissements qu’il espère effectuer dans l’éducation, la santé, les infrastructures, l’environnement et les autres priorités domestiques. Il aurait pu en appeler à une vigoureuse réappropriation de ces politiques dévoyées et enthousiasmer la base démocrate.

Mais Sanders s’est refusé à débattre de manière réfléchie de la politique étrangère, préférant en revenir à son sujet favori : les inégalités de revenu. A présent il se plaint d’un manque de couverture médiatique. Effectivement, les médias classiques sont déloyaux à l’encontre des candidats progressistes, mais vous n’arrangez rien en refusant de prendre parti dans ce qui est probablement le grand débat fondamental de notre époque.

Le seul candidat nationalement important qui s’est sérieusement élevé contre les pulsions interventionnistes a été le républicain Ron Paul, qui a été diabolisé en 2008 de manière très semblable à ce que subit Trump aujourd’hui. Il est vrai que la comparaison est imprécise : Trump a peu détaillé en quoi son approche du monde différerait de celle du Président Obama ou ses rivaux républicains. Beaucoup de ses commentaires sont restés elliptiques sur ses talents de négociateur et plutôt approfondis en matière de politique — et il est apparu belliqueux quand il évoquait l’État islamique.

S’il est élu, Trump pourrait s’avérer peu différent des autres présidents récents — après tout, le Département d’État et le Pentagone sont peuplés de bureaucrates qui sont sortis du rang en collant au point de vue néoconservateur et d’interventionnisme libéral de l’establishment. Mais Trump, un brasseur d’affaires d’envergure mondiale, pourrait se montrer plus pragmatique qu’enclin à l’idéologie.

En matière économique, Trump est le seul des Républicains à défendre un impôt progressif sur le revenu et il a chanté les louanges de la Sécurité Sociale. Tom Ferguson a remarqué : « Les électeurs à faibles revenus semblent l’apprécier deux fois plus que les électeurs aux gros revenus qui le soutiennent dans le camp républicain. » Trump s’est « même attaqué à des sujets virtuellement sacro-saints pour les Républicains, notamment l’allègement fiscal des revenus sur investissement des super-riches ».

Trump s’est montré abrupt à propos de la corruption dans la classe politique américaine. Comme l’écrit Lee Fang : « Donald Trump prétend qu’il peut acheter les hommes politiques. Aucun de ses rivaux n’a démenti. »

Y a-t-il du bon dans Trump ?

Ainsi, les progressistes pourraient-ils marquer une pause, le temps de noter que c’est peut-être une bonne chose que de nombreux électeurs désabusés — écœurés par la politique habituelle — aient trouvé quelqu’un qui s’adresse à la fois à leurs peurs et leurs espoirs, bien que de manière souvent confuse, voire choquante.

Il est important de le souligner : je n’ai aucune idée de ce que pense réellement Trump. Soutenir sa candidature revient probablement à essayer de deviner ce qui se cache derrière la porte dans « Le juste prix ». Sa philosophie politique — si l’on peut employer pareille expression — est un salmigondis d’idées contradictoires. Il pourrait même se révéler plus autoritaire que ce que nous en avons vu jusqu’à présent. Mais, d’une certaine manière, il représente une rupture bienvenue dans l’immonde orthodoxie de l’establishment.

Il est également possible qu’il soit juste en train de monter une comédie destinée à duper l’aile anti-establishment des Républicains et qu’il reviendrait aux vieilles pratiques de l’establishment s’il était élu — à l’instar de ce qu’Obama a fait — particulièrement en matière de politique étrangère. Après tout,  Trump le reconnaît : « Il y a sept mois, j’étais un membre de l’establishment. »

D’ailleurs, je n’ai aucune sympathie personnelle envers Trump. J’ai vécu dans l’un de ses immeubles lors de ma jeunesse dans le Queens. Sa flamboyance — alors que mon père et moi nous entassions dans un appartement avec une seule chambre — me dégoûtait. Je me souviens avoir vu adolescent la luxueuse Tour Trump à Manhattan avec mon père. Papa plaisantait, disant qu’il en possédait un centimètre carré, vu les loyers qu’il avait versés à Trump durant des années.

Sam Husseini est directeur de la communication pour l’institut d’Exactitude Publique et fondateur de votepact.org — qui incite à une coopération gauche-droite. Suivez le sur Twitter : @samhusseini.

Source Consortiumnews.com, 18 décembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/repenser-donald-trump-par-sam-husseini/


Le calvaire d’Hillary ?

Friday 22 January 2016 at 00:46

Source : De Defensa, 14-01-2016

Les présidentielles 2016 aux USA, auxquelles personne ne prêtait la moindre attention il y a encore un an parce qu’elles paraissaient absolument sans surprise et complètement cadenassées par le Système, paraissent devenir aujourd’hui, dans un retournement que personne ne met vraiment évidence mais qui représente pourtant un événement inouï méritant bien des commentaires et bien des analyses en profondeur, les présidentielles de toutes les surprises. On connaît très-bien désormais l’ouragan qui secoue le parti républicain, grâce à Donald Trump, la dévastatrice “bestiole” qui s’affiche ouvertement et insolemment anti-establishment, sinon antiSystème, et qui domine les sondages depuis maintenant huit mois. Voilà que la situation du côté démocrate se dégrade également, du point de vue de l’establishment ; c’est une situation qui a évolué discrètement ces dernières semaines mais qui a pris désormais une tournure publique. Il s’agit essentiellement de la situation d’Hillary Clinton, considérée depuis deux ans comme super-favorite, quasiment désignée d’avance par le parti démocrate sinon élue par les USA, – un peu comme elle l’était déjà en 2006-2007, – et qui se trouve désormais dans une position pour le moins délicate.

Il y a deux fronts où la position d’Hillary Clinton ne cesse de s’effriter, ou dans tous les cas semble bien être dans ce processus. Bien entendu, ces deux fronts s’alimentent l’un l’autre puisqu’ils se complètent, puisque le premier est celui du statut et de la posture officielle de la candidate qui ne cesse de s’effriter dans la perception d’une corruption professionnelle et psychologique épouvantable ; tandis que le second est celui de sa popularité au sein des militants du parti, qui ne cesse de se dégrader à son tour, semble-t-il.

• Le 13 janvierZeroHege.com relayant l’ancien procureur fédéral Joe DiGenova, rapporte, dans l’affaire des e-mails de la secrétaire d’État, des appréciations et des prévisions extrêmement pessimistes sur le sort légal à venir d’Hillary Clinton, autant que sur son comportement lors de son passage au département D’État. (L’accusation générale, évaluée à la lumière de la fuite de dizaine de milliers [autour de 50.000] de ses e-mails officiels [utilisant la ligne officielle de sa fonction couverte par les restrictions de secret et les obligations de cette fonction], porte sur plusieurs points, autant sur l’affaire de Benghazi du 11 septembre 2011 que sur l’utilisation qu’elle a en a faite pour solliciter des soutiens privés, notamment en faveur de la fondation établie par les époux Clinton.) Comme on le voit, on se trouve à un point critique où tous les éléments nécessaires à une inculpation sont proches d’être réunis, et alors que les possibilités d’“étouffement” de l’affaire (pour peu qu’Obama le veuille, ce qui est loin d’être assuré) apparaissent de plus en plus minces ; et tout cela, bien entendu exacerbé par l’atmosphère de tension électorale où les adversaires de l’ancienne secrétaire d’État vont utiliser à fond cette affaire.

« The leaking of the Clinton emails has been compared to as the next “Watergate” by former U.S. Attorney Joe DiGenova this week, if current FBI investigations don’t proceed in an appropriate manner. The revelation comes after more emails from Hilary Clinton’s personal email have come to light.

» “[The investigation has reacheda critical mass,” DiGenova told radio host Laura Ingraham when discussing the FBI’s still pending investigation. Though Clinton is still yet to be charged with any crime, DiGenova advised on Tuesday that changes may be on the horizon. The mishandling over the classified intelligence may lead to an imminent indictment, with DiGenova suggesting it may come to a head within 60 days. “I believe that the evidence that the FBI is compiling will be so compelling that, unless [Lynch] agrees to the charges, there will be a massive revolt inside the FBI, which she will not be able to survive as an attorney general,” he said. “The intelligence community will not stand for that. They will fight for indictment and they are already in the process of gearing themselves to basically revolt if she refuses to bring charges.”

• Le second “front” est celui de la popularité d’Hillary-candidate, particulièrement dans sa base populaire (“grassroots”). Des indications statistiques des organisations chargées de rassembler la base populaire pour les candidats démocrates montrent que l’adversaire principal de Clinton, le sénateur Bernie Sanders, est de mieux en mieux placé et la distance largement, tout en renforçant considérablement le financement de sa campagne par un appel au soutien de cette base populaire. C’est la confirmation d’un coup très rude pour Hillary, qui avait basé la stratégie de sa campagne sur un tournant vers “la gauche”, justement sur la recherche d’un rassemblement populaire solide pour la soutenir. Le site Washington’s blog relaie le 13 janvier les dernières nouvelles venues de l’organisation MoveOn.org, la principale organisation “populiste”-progressiste démocrate.

« The recent member vote conducted by progressive organization MoveOn.org is downright devastating for Hillary Clinton. The numbers speak for themselves, and demonstrate in no uncertain terms that Hillary Clinton has absolutely zero grassroots support. There isn’t a person in this country who is genuinely excited about Hillary, while Bernie Sanders continues to pack rooms and, as we learned in December, broke the fundraising record for most contributions at this stage in a political campaign at 2.3 million… [...]

« From MoveOn: “More than 340,000 MoveOn members participated in our endorsement process. Sanders won with 267,750 votes, or 78.6 percent. “Fellow Democrat Hillary Clinton garnered 49,811 votes (14.6 percent). Martin O’Malley earned 2,949 votes (0.9 percent). There were also 20,155 MoveOn members, or 5.9 percent, who voted against MoveOn making an endorsement now. Bernie’s vote total and percentage are MoveOn recordsthe best any presidential candidate has performed in our 17-year history.

» “Finally, MoveOn is endorsing Bernie for president because MoveOn is our members. MoveOn only endorses candidates for office after formal membership votes, and in this case, the outcome of our internal democratic process was overwhelming: the vast majority of voting MoveOn members want the organization to support Bernie, so that’s what we’re going to do. We’ve pledged to run a 100% positive campaign”. »

Le destin d’Hillary Clinton est singulier. Son sort, pour cette campagne de 2016 commence effectivement à ressembler à celui de la sa campagne de 2008, mais en pire si c’est possible, – et ce l’est, effectivement ! Il y a une position de départ d’hyper-favorite, gratifiée d’un financement extraordinaire venu de puissances d’argent de l’establishment, qui semblait devoir conduire la candidate avec un sentiment d’assurance à mesure, comme si sa nomination démocrate était acquise d’avance. Puis on assiste à une érosion à l’approche des primaires, qui fut assez discrète en 2008 avant d’être accélérée par la concurrence inattendue et très efficace d’Obama durant les primaires, qui est beaucoup plus évident pour cette année 2016 où l’érosion est d’ores et déjà largement effective comme on peut le voir. Il y a le sentiment qu’Hillary Clinton est en train de perdre sa position de favorite avant que les primaires aient pleinement débuté, alors que ce phénomène s’était manifesté à plein en 2008 seulement durant les primaires. Cette fois, la concurrence de Sanders, à la différence du cas Obama en 2008, s’est manifestée avant les primaires et n’a cessé de s’affirmer de plus en plus nettement alors qu’au départ Sanders était considéré comme un candidat marginal.

Lui aussi, Sanders, comme Trump chez les républicains, a une forte image anti-establishment, quasiment de “socialiste” [pseudo-“socialiste”], et cela bien que son programme de politique étrangère et de sécurité nationale soit très peu anti-establishment, et d’ailleurs encore mal précisé. Or l’establishment est encore plus détesté par la base populaire en 2016 qu’en 2008, et Clinton le représente bien plus qu’en 2008 ; c’est-à-dire que s’est accumulé sur elle le poids de ce qu’elle croyait être un avantage et qui s’avère être le contraire. Son expérience de secrétaire d’État, qu’elle jugeait être un avantage indiscutable et très puissant, s’est transformée en un boulet terrible qui l’entrave à chaque instant. L’affaire de la fuite de ses e-mails officiels constitue un élément déterminant, en donnant d’elle une image d’intense corruption, ce qui transforme son argument de l’expérience de la direction des affaires étrangères des USA en une caricature terrible de corruption de cette position, – d’ailleurs, semble-t-il, très largement justifiée par la situation qui est mise à jour. Ainsi sa position de force, – expérience de l’État et soutien populaire, – s’invertit-elle complètement : corruption de l’État et hostilité de la base populaire.

Hillary Clinton devient ainsi à la fois le symbole et le symptôme d’une évolution importante, et cela assez marquant lorsqu’on compare 2016 à 2008. L’attitude anti-establishment n’est pas nouvelle mais elle se nourrit désormais, à la fois d’un sentiment populaire plus actif, à la fois de circonstances de plus en plus chaotiques au niveau de l’establishment, à la fois de la perte de repaires (des bornes, si l’on veut) de la part des membres de l’establishment dans l’exercice de leurs privilèges. Ainsi Clinton deviendrait-elle, par sa carrière et les esxcès de son comportement, une parabole illustrant l’évolution du pouvoir à Washington durant ces dix dernières années. Du fait de sa situation et de son évolution, ce pouvoir a perdu complètement, jusqu’à l’inversion complète désormais, les capacités d’impunité et de puissance par rapport au public qu’il conservait encore jusqu’ici malgré une réduction régulière depuis plusieurs décennies.

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A ce propos, on appréciera ce nouvel exemple de déontologie journalistique, tout dans l’esprit critique…

Source: http://www.les-crises.fr/le-calvaire-d-hillary/


Le Fascisme est-il de retour ? Par Robert Paxton

Thursday 21 January 2016 at 01:42

Source : Project Syndicate, Robert O. Paxton, 7-01-2016

Robert O.Paxton

NEW YORK – En 2015, le « fascisme » est devenu, une fois encore, le carburant supérieur des commentaires de la vie politique. Bien sûr, face à un langage et à un comportement qui ressemblent en surface à ceux d’Hitler ou de Mussolini, la tentation de coller l’étiquette « fasciste » est presque irrésistible. Et l’on y cède beaucoup, en ce moment, sur des cas aussi disparates que ceux de Donald Trump, du Tea Party, du Front national en France et des assassins islamistes radicaux. Mais si cette tentation est compréhensible, on devrait pourtant lui résister.

À sa création, en 1920 (d’abord en Italie, puis en Allemagne), le fascisme fut une violente réaction contre ce qui était perçu comme un excès d’individualisme. L’Italie avait été bafouée, et l’Allemagne vaincue lors de la Première Guerre mondiale, clamaient Mussolini et Hitler, parce que la démocratie et l’individualisme avaient sapé l’unité et la volonté nationales.

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Les deux dirigeants donnèrent donc des uniformes à leurs partisans et tentèrent d’enrégimenter leurs pensées et leurs actes. Une fois au pouvoir, ils voulurent étendre leur dictature à toutes les choses de la vie. Même le sport, sous Mussolini, était organisé et contrôlé par une agence d’État qu’on nommait il Dopolavoro.

Les fascistes se constituèrent (acquérant le soutien des élites) comme le seul barrage efficace à l’autre mouvement politique surgi de la Première Guerre mondiale : le communisme. Au socialisme international, les fascistes opposaient le national-socialisme, et s’ils écrasèrent les partis socialistes et supprimèrent les syndicats indépendants, ils ne remirent pas un instant en question les devoirs de l’État dans le maintien des services sociaux (sauf bien sûr pour les ennemis intérieurs, comme les juifs).

Le mouvement qui s’autoproclame État islamique semble assez bien correspondre à ce modèle. La volonté de ses partisans et leur identité personnelle sont entièrement soumises au mouvement, jusqu’au sacrifice suprême, le suicide. Mais il y a aussi des différences fondamentales.

L’État islamique est moins un État qu’un aspirant au califat, œuvrant pour la suprématie d’une religion en s’affranchissant des États et même en menaçant des États-nations existants. L’autorité centrale demeure peu visible et les initiatives politiques ou opérationnelles se répartissent entre des cellules locales, qui n’ont pas besoin d’un centre géographique.

Les fascistes étaient des nationalistes, appuyés à des États-nations et œuvrant au renforcement et à l’extension de ces États. Les dirigeants et les régimes fascistes faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour soumettre la religion aux nécessités de l’État. Tout au plus pouvons-nous voir dans l’État islamique une sous-espèce du totalitarisme religieux : mais il se distingue fondamentalement des dictatures laïques et centralisées du fascisme classique et de la glorification de leurs chefs.

Le Tea Party est aux antipodes du renforcement de l’État, inscrit dans la nature même du fascisme. Son refus de toute forme d’autorité publique et son rejet furieux de toute obligation envers autrui méritent plus le nom d’anarchisme de droite. C’est de l’individualisme pris de folie furieuse, un déni de toute obligation envers la communauté, l’exact opposé des admonestations fascistes clamant la supériorité des obligations envers le groupe sur l’autonomie des individus.

Le Front national, bien sûr, avait ses racines dans la France de Vichy, et son fondateur, Jean-Marie Le Pen, a longtemps manifesté son mépris pour la tradition républicaine française. Mais son succès croissant, aujourd’hui, dirigé par la fille de Le Pen, Marine, est au moins partiellement dû aux efforts du parti pour prendre ses distances avec son passé factieux et négationniste.

Donald Trump est un cas tout à fait particulier. Il semble, superficiellement, avoir emprunté pour sa campagne présidentielle un certain nombre de thèmes fascistes : la xénophobie, le racisme, la peur de l’impuissance nationale et du déclin, l’agressivité en politique étrangère, la suspension évoquée de l’état de droit pour répondre à des menaces supposées. Son ton brutal, sa maîtrise des foules, et le talent avec lequel il utilise les technologies de la communication les plus avancées rappellent aussi Mussolini et Hitler.

Et pourtant ces attributs sont tout au plus des dérivés des thèmes et des façons fascistes ; la substance idéologique profonde est très différente, les privilèges de la fortune y jouant un bien plus grand rôle que ne le toléraient généralement les régimes fascistes. C’est le plus probablement par opportunisme tactique que Trump a emprunté ces thèmes et ces façons, sans se soucier beaucoup des horreurs de l’histoire. Trump, évidemment, est parfaitement insensible aux échos renvoyés par ses mots et par son style oratoire, ce qui ne devrait pas surprendre, étant donné l’apparent détachement avec lequel il lance, une fois sur deux, ses insultes.

Il est bien dommage que nous n’ayons trouvé, jusqu’à présent, aucune étiquette exprimant la puissance toxique qui est celle du fascisme pour qualifier ces gens et ces mouvements odieux. Nous devrons nous contenter de mots plus ordinaires : fanatisme religieux pour l’État islamique, anarchisme réactionnaire pour le Tea Party et démagogie complaisante à l’égard de l’oligarchie pour ce qui concerne Donald Trump. Il existe aujourd’hui des mouvements marginaux, comme les Nations aryennes aux États-Unis ou Aube dorée en Grèce, qui font ouvertement appel à la symbolique nazie et emploient la violence physique. Il est préférable que le terme « fasciste » leur soit réservé.

Traduction François Boisivon

 Source : Project Syndicate, Robert O. Paxton, 7-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/le-fascisme-est-il-de-retour-par-robert-paxton/


La haine a-t-elle une raison ?

Thursday 21 January 2016 at 00:30

Source : Slate, Arnaud Tomès, Nonfiction, 08-01-2016

Un ouvrage qui étudie la logique de la haine: les phénomènes historiques de persécution peuvent-ils être éclairés par les concepts psychologiques de constitution du Moi?

Ce nouveau livre de Jacob Rogozinski–professeur de philosophie à l’université de Strasbourg, auteur d’une œuvre déjà importante, qui a porté en particulier sur Kant, ou plus récemment sur Artaud et sur Derrida–est un ouvrage imposant, par ses dimensions et par la multiplicité des thèmes qu’il aborde. Il constitue en quelque sorte la suite de son ouvrage Le Moi et la Chair (Le Cerf, 2007), texte ambitieux dans lequel l’auteur se présentait en fondateur d’une nouvelle discipline, l’ego-analyse. Il s’agit d’une certaine manière d’appliquer les concepts de l’ego-analyse à des phénomènes historiques et sociaux, comme Freud l’avait fait en appliquant les concepts de la psychanalyse à l’étude des cultures et des religions.

Comprendre la logique de la haine

L’ouvrage se penche sur un phénomène que l’on pensait connu, mais qui n’a jusqu’à présent guère suscité l’intérêt des philosophes, à savoir la persécution des sorcières au cours des XVIe et XVIIe siècles. Jacob Rogozinski a le mérite de nous rappeler l’ampleur du phénomène: entre 80 000 et 200 000 victimes, dénoncées, humiliées, torturées puis brûlées. Mais il nous rappelle aussi que ce phénomène ne s’est pas produit au cours d’un Moyen Âge que l’on imagine volontiers obscurantiste et sujet à des croyances religieuses irrationnelles, mais en plein processus de modernisation et de sécularisation. On brûle les sorcières au moment où Descartes écrit son Discours de la méthode (1637); et c’est ce même Jean Bodin qui prend des positions humanistes sur les guerres de religion et fonde la théorie moderne de la souveraineté (dans les Six livres de la République, 1576), qui rédige un traité intitulé De la démonomanie des sorciers (1580), écrit qui dénonce l’omniprésence des sorciers dans la société (jusqu’à la cour du roi lui-même) et détaille les meilleurs moyens de les torturer. L’idée naïve–mais encore partagée par certains historiens–d’un progrès de l’histoire vers les Lumières, n’en sort pas indemne.

Jacob Rogozinski ne se contente toutefois pas de faire œuvre de mémoire et de rappeler les circonstances historiques, politiques et intellectuelles de cette terrible persécution–en rendant par la même occasion à ces femmes persécutées leur nom et leur parole: on se souviendra longtemps de cette Aldegonde, répliquant à celui qui l’accuse publiquement: «Mais quoi. On dit que toutes les femmes sont sorcières»–, son projet est bien plus profondément de «comprendre la logique de la haine». Projet ambitieux, d’autant qu’il part d’un constat paradoxal, qui permet de comprendre le titre de l’ouvrage: c’est que la haine est «sans raison» (cf. p.29):

«Comme l’angoisse ou l’amour, la haine est sans pourquoi.»

Penser la logique des affects ne signifie donc pas les ramener à une cause explicative, manière de se débarrasser du problème plus que de le résoudre: l’ouvrage ne cède jamais à ces simplifications rationalisantes que l’on trouve dans certains livres d’histoire, où l’on explique par exemple la persécution des sorcières par la «petite glaciation» qui a lieu au XVIIe siècle.

Crises du pouvoir et constitution d’un Ennemi capital

Néanmoins, si l’on ne peut expliquer le pourquoi de ce déchaînement de haine, qui tantôt prend les lépreux pour objet, tantôt les sorcières, tantôt les Juifs, on peut décrire comment des dispositifs de persécution se mettent en œuvre, comment le pouvoir peut capter des affects de haine ou de dégoût en utilisant des schèmes de persécution ou d’exclusion. L’ouvrage de Jacob Rogozinski propose à cet égard des analyses très précises et très convaincantes de la manière dont une souveraineté en crise–et c’est bien le cas par exemple de la souveraineté de l’État français au XVIe siècle, miné par les guerres de religion et le spectre des révoltes populaires–constitue un Ennemi capital, afin de détourner contre certaines catégories de la population le mécontentement du peuple, ou encore pour conjurer le pouvoir de la multitude, cette puissance qui menace toujours de dissoudre le grand corps du Souverain. Le complot des sorciers devient ainsi «l’ombre de la multitude rebelle», sans que pour autant Jacob Rogozinski sombre dans un quelconque romantisme de la multitude, car, comme Spinoza le savait déjà, il y a des multitudes féroces.

Le dispositif de persecution comme instrument de pouvoir

Jacob Rogozinski ajoute ainsi un concept précieux–celui de «dispositif de persécution»–aux dispositifs d’exclusion et de normalisation que Michel Foucault avait déjà théorisés dans ses Séminaires ou dans Surveiller et punir, tout en contestant par ailleurs certaines positions foucaldiennes sur les rapports du sujet, du pouvoir et de la résistance. Car, ne l’oublions pas, même si le sujet persécuté participe souvent des représentations du persécuteur (et partage ainsi un même imaginaire), il y eut de la résistance au sein du sujet lui-même par rapport aux procédures qui le forcent à avouer: ces fameuses procédures inquisitoires, dont Jacob Rogozinski rappelle l’origine et le sens, au sein d’une sécularisation des dispositifs de vérité. Un autre apport théorique majeur de cet ouvrage nous semble être la notion de schème, utilisée ici d’une manière différente de celle de Kantet que Jacob Rogozinski définit (cf. p.86) comme «une représentation synthétique, unifiant plusieurs éléments hétérogènes, et dynamique». C’est l’usage de ces schèmes qui permet de comprendre comment le pouvoir peut capter des affects de haine, ou détourner la colère du peuple, son désir de vengeance à l’égard d’un ennemi réel, vers cet Ennemi capital dont le souverain a besoin pour se relégitimer.

«L’étranger en moi» au fondement de la haine de l’autre

Néanmoins, on en resterait à un niveau superficiel si l’on voyait dans Ils m’ont haï sans raison un simple travail de reconstitution des logiques politiques et historiques à l’œuvre dans les phénomènes d’exclusion et de persécution, ce qui serait déjà considérable. Car – et c’est là que l’ouvrage devient, à notre avis, le plus intéressant et sans doute en même temps le plus problématique – Jacob Rogozinski s’efforce d’articuler les concepts de l’ego-analyse et les phénomènes historiques qu’il étudie, en redescendant à un niveau plus fondamental, qui est celui de la «vie originaire du moi», cette vie qui avait fait l’objet du Moi et La Chair. Rappelons que Jacob Rogozinski a proposé dans ce précédent ouvrage une phénoménologie de la Chair, permettant de fonder une véritable analyse de la constitution du Moi, un Moi qui comporte toujours en lui une part d’étrangeté, cette part qui lui permet de ne pas s’effondrer dans l’aphanisis: l’impossibilité de sa propre manifestation. Cette part d’étrangeté, Jacob Rogozinski propose de l’appeler le restant–ce reste de ma chair, cette partie de moi qui rend possible le chiasme originaire, qui n’est donc pas étranger au Moi mais qui est l’étranger en moi. La haine correspond à ce sentiment lié au désir non pas simplement d’expulser, mais de détruire ce qui semble menacer le Moi.

Les phénomènes de persecution peuvent être reliés à des phénomènes plus originaires, qui tiennent à la relation du Moi à sa propre chair

Les phénomènes de persécution–à commencer par cette persécution des sorcières, qui ne touche pas l’Autre radical, mais au contraire le proche, celui qui appartient à la même famille ou à la même communauté que moi, l’«étranger du dedans»–peuvent donc être reliés à des phénomènes plus originaires, qui tiennent à la relation du Moi à sa propre chair: les schèmes historiques se nouent ainsi à des schème originaires (cf. p. 83), «opérant à un niveau plus élémentaire, dans l’expérience immanente du moi». Le phénomène de la persécution pourrait ainsi s’éclairer–sinon s’expliquer–par le fait que je transfère sur autrui ma propre Chair, ou plutôt les relations ambivalentes que j’entretiens avec cette Chair, que je fais donc d’autrui un «suppôt du restant», selon l’expression utilisée par Jacob Rogozinski. Il faut le reconnaître: les analyses très denses de la persécution des sorcières, dans la première partie, de la persécution des lépreux ou des Juifs, de la place des Intouchables dans la société indienne, ou encore de la logique à l’œuvre lors de la Terreur révolutionnaire dans la seconde partie de l’ouvrage, semblent confirmer avec brio les hypothèses de l’auteur.

Peut-on articuler une psychologie des masses à l’analyse du Moi?

Toutefois, il semble y avoir dans la position de Jacob Rogozinski une hésitation entre deux attitudes, qui ne parviennent jamais vraiment à se réconcilier : d’une part, une attitude qui consiste à fonder les phénomènes historiques à partir des concepts de l’ego-analyse, c’est-à-dire dans ces phénomènes plus originaires qui concernent la vie du Moi: «une généalogie historique des appareils de pouvoir doit se fonder sur une ego-analyse», écrit ainsi significativement l’auteur dans son introduction (cf. p.63); et d’autre part, une attitude qui consiste à refuser une telle fondation, en rappelant que les phénomènes propres au Moi se situent dans une sphère purement immanente, à laquelle on accède par une épochè phénoménologique, autrement dit par une suspension de la croyance dans l’existence du monde. Refusant toute comparaison avec René Girard ou ces auteurs qui tentent de penser les phénomènes historiques à partir d’un concept général (le bouc émissaire, l’homo sacer, etc.), Jacob Rogozinski affirme (cf. p.42) que «les concepts de l’ego-analyse n’ont pas pour vocation d’expliquer ce qui advient dans le monde». Mais alors, quelle peut bien être la fonction des concepts de l’ego-analyse? Le concept de «restant» ne rend-il pas raison de manière très convaincante de ces phénomènes historiques que sont la persécution des sorcières ou la relégation des Intouchables à ces tâches qui suscitent le dégoût?

Certes on peut comprendre la réticence de l’auteur à l’égard d’une attitude qui consisterait à psychologiser excessivement les événements de la vie historique ou à trouver une grille interprétative univoque à des phénomènes qui relèvent d’une multitude de déterminations. Il nous semble cependant que Jacob Rogozinski pèche par un excès de prudence méthodologique, en distinguant si radicalement le plan d’immanence (celui du Moi) et le plan des phénomènes sociaux et historiques. Il s’interdit en ce sens de faire ce que Freud faisait, d’une manière qui nous semble féconde, à savoir articuler une psychologie des masses (n’est-ce pas nécessaire à quiconque veut mettre au jour une logique de la haine?) et une analyse du Moi. Ou plutôt il ne s’interdit pas vraiment de le faire, puisqu’il montre par exemple comment les schèmes d’incorporation et de désincorporation, qui concernent pourtant la vie originaire du Moi, sont efficients lorsque l’on veut comprendre la haine qui se déchaîne à l’égard des sorcières ou à l’égard du roi Louis XVI, cet «étranger parmi nous».

Dépasser le dualisme de l’individuel et du social

Cette prudence méthodologique s’explique sans doute par la fidélité que Jacob Rogozinski manifeste à l’égard de la tradition phénoménologique, qui fait du Moi une réalité originaire, un ego transcendantal ou une Chair primordiale, qui ne peuvent pas être dérivés du monde. Pourtant, il serait temps de dépasser cette dualité de l’individuel et du social, qui est un véritable empêchement à penser: Ils m’ont haï sans raison en est bien la preuve, qui articule sans cesse des logiques proprement sociales (logique du pouvoir, par exemple, qui vise à se légitimer) et des logiques proprement psychologiques. La notion de schème, si brillamment utilisée par Jacob Rogozinski, nous semble précisément l’un de ces concepts qui permettent de dépasser l’absurde dualisme du psychologique et du social, intenable lorsque l’on veut penser des affects comme la haine. Ce qu’a par ailleurs montré Frédéric Lordon dans La Société des affects (Seuil, 2013).

Une communauté qui accepte en elle la présence de l’hétérogène est-elle possible?

Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être admiratif face à la densité et à la pertinence des analyses menées par Jacob Rogozinski–dont nous n’avons donné qu’un très bref aperçu, eu égard à la longueur et à l’ambition de l’ouvrage. Le livre ouvre par ailleurs, dans sa conclusion, des pistes politiques tout à fait intéressantes, puisque Jacob Rogozinski rappelle qu’il existe des «schèmes d’émancipation» qui peuvent heureusement contrebalancer les schèmes de persécution. L’humanité n’est pas condamnée à succomber aux facilités de la logique de la haine. Contre l’image de la communauté unifiée, réconciliée par l’exclusion ou par la persécution d’un restant (qui prend la figure du paria, du Juif ou encore de l’immigré, menaçant la cohésion du corps social), se dégage ainsi l’image, dans la conclusion du livre, d’une «communauté messianique» qui serait capable d’accepter la vérité de son incarnation, de la présence en elle de l’hétérogène. Reste à donner un visage plus précis à cette «communauté messianique»–communauté religieuse ou politique? Ce sera peut-être l’objet d’un prochain livre de Jacob Rogozinski.

Arnaud Tomès et Nonfiction

Source : Slate, Arnaud Tomès, Nonfiction, 08-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/la-haine-a-t-elle-une-raison/


Évasion fiscale : « On a affaire à des oligarchies nationales complètement vérolées »

Thursday 21 January 2016 at 00:01

Source : The Dissident, Julien Le Gros, 23-12-2016

Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon – DR

Ne vous fiez pas à l’apparence inoffensive de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Dans leur dernier ouvrage « Tentative d’évasion (fiscale) », les deux sociologues égratignent une fois de plus nos puissants. Et racontent comment, de Bercy à Genève, la fraude fiscale est désormais un système au service de l’oligarchie. Signe du destin, The Dissident les a rencontrés à Paris, à la station… Luxembourg !

The Dissident : Au début de votre essai, on comprend que les affaires Cahuzac et Liliane Bettencourt ont été le déclencheur du livre.

Monique Pincon-Charlot : Dans Le président des riches (Zones, 2010) il y a déjà des choses sur les paradis fiscaux. Dans Les ghettos du gotha, il y a l’histoire de la famille Mulliez, propriétaire du groupe Auchan, et de son emménagement à Estaimpuis, en Belgique, à 300 mètres de la frontière française. C’est un sujet sur lequel on se documente depuis le début de notre travail. On a eu des lectures très nombreuses… et très rasoir ! Le sujet n’est pas drôle du tout. Et il y a un an pile, on est partis en Suisse pour ce livre.

Qu’y apprend t-on ?

Il n’y a aucun scoop : les membres de la noblesse et de la bourgeoisie qui sont cités sont déjà dans la presse. L’intérêt de notre livre, c’est de montrer une classe sociale mobilisée au-dessus de tous les États pour ne pas contribuer à la solidarité nationale.

À l’époque des Ghettos du gotha, vous avez eu accès à des cercles très fermés. Aujourd’hui, est-ce plus compliqué d’avoir accès aux informations ?

Michel Pinçon : C’est difficile de travailler sur la fraude fiscale ! Dans nos travaux antérieurs, on a eu des informations par des gens de ce milieu. Mais c’est carrément tabou de leur demander comment ils gèrent leur patrimoine, de fraude fiscale, de paradis fiscaux. On a obtenu des informations diverses et variées, souvent de militants. Au Luxembourg et en Suisse, des groupes de résistance dénoncent la connivence de leurs États avec cette fraude fiscale.

Le Luxembourg est un des lieux privilégiés de la fraude fiscale. Amazon y a construit son siège social sur une presqu’île, dans la vieille ville de Luxembourg. Il y a juste de quoi loger une cinquantaine de salariés ! Ce n’est pas là où se font réellement les choses. Cela permet tout simplement d’y inscrire les bénéfices d’Amazon et d’être très peu taxé. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a été Premier Ministre du Luxembourg. On a la tête de l’Europe un individu qui un est complice évident de la fraude fiscale. C’est d’un cynisme… Ils sont tous complices : Juncker, Obama, le pourfendeur de la finance que se prétendait Hollande quand il cherchait des voix.

Monique Pinçon-Charlot : En 2010, le lanceur d’alerte Antoine Deltour a dévoilé le nom de tous les rescrits fiscaux1 qu’il a pu recopier avant son départ de l’un des big four, c’est-à-dire l’un des quatre plus grands cabinets d’audit financiers, le cabinet PWC. À l’époque, Juncker était ministre des Finances du Luxembourg. Il ne pouvait pas ne pas être au courant. En récompense, l’oligarchie l’a coopté comme président de la Commission européenne. Tandis qu’Antoine Deltour est poursuivi pour violation du secret des affaires et encourt cinq ans d’emprisonnement. Son procès aura lieu en janvier au Luxembourg.

Comment remonter le fil de ces évasions fiscales ?

Michel Pinçon : Nos sociétés dites démocratiques fonctionnent avec énormément d’interdits, de secrets. En particulier le secret fiscal. En France, on peut consulter les revenus d’une personne auprès de l’administration fiscale. Au bureau des impôts, vous pouvez demander à voir les déclarations fiscales des gens qui habitent votre quartier. Mais on surveille que vous ne preniez pas de notes. Si vous révélez les sommes que gagne telle personne, vous êtes automatiquement condamné à une amende correspondant au montant de ce que vous avez révélé. Si vous dites que Monsieur Untel a déclaré 2 millions de revenus l’année précédente, vous êtes imposé de la même somme. Ça refroidit les tentatives de révélation ! Pour les fraudes fiscales, ce sont des documents secrets auxquels même les employés des impôts n’ont pas accès. C’est le secteur bancaire qui garde ces documents à l’abri.

Monique Pinçon-Charlot : Il y a une multiplication des secrets : secret fiscal, secret bancaire, secret des affaires. Dès qu’on touche aux problèmes de la défense, c’est le secret défense. Le travail d’investigation peut toujours tomber sous le coup du secret des affaires. Être lanceur d’alerte relève de l’exploit. S’est mis en route un système de protection des lanceurs d’alerte, qui n’est pas encore parfait. Ce sont des grains de sable dans la machine oligarchique de ceux qui dorment dans les beaux quartiers.

Et le rôle des services fiscaux contre les fraudes ?

Monique Pinçon-Charlot : Tous les grands procès en cours – UBS France, HSBC France ou le Crédit mutuel – ne sont jamais le résultat de la traque des services fiscaux de Tracfin. Ces informations peuvent venir d’un conflit familial : les 80 millions d’euros de Liliane Bettencourt non déclarés en Suisse ont été révélés par le procès initié par sa fille. Elles peuvent aussi venir de lanceurs d’alerte comme Stéphanie Gibaud, Nicolas Forissier, ou Olivier Forgues à UBS France.

Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, il y a une machine de guerre très sophistiquée. Dans le reportage sur le Crédit Mutuel2, les spectateurs ont vu le système des poupées gigognes. On part d’un compte numéroté pour construire des sociétés écran, on fait des fiducies en utilisant des noms d’écrivains comme pseudonyme. Seul le chargé de clientèle connaît le véritable nom du client. Ça, ce n’est pas informatisé ! UBS France a démarché sur le sol français des Français pour rapatrier leurs avoirs en Suisse. Ils avaient des « carnets du lait ». C’est-à-dire une double comptabilité.

Dans votre livre, vous expliquez comment un directeur de la Direction nationale d’enquête fiscale (DNEF) a été placardisé pour avoir voulu traiter le cas Falciani (ancien salarié de HSBC, qui a livré des informations sur 130 000 comptes appartenant à des exilés fiscaux présumés).

Monique Pinçon-Charlot : On a pu interviewer de façon anonyme six inspecteurs des impôts qui témoignent du fait qu’ils ne peuvent plus vraiment faire leur travail. Dès qu’il s’agit d’une personnalité, tout est cloisonné. Ils n’ont pas accès à l’ensemble des informations. Il y a toute une machine, qu’on décrit dans le chapitre sur Bercy, faite pour préserver les intérêts des plus riches.

On apprend aussi que les paradis fiscaux ne sont pas toujours là où on le croit…

Michel Pinçon : Les entreprises se réfugient dans des îles où elles ne font rien à part engranger des bénéfices sans payer d’impôts. Les îles Vierges britanniques, les Bermudes… une dizaine d’îles au total. Mais c’est trompeur. L’un des paradis fiscaux les plus importants est le Delaware, ce petit État américain entre New-York et Washington. Il y a plus de sociétés que d’habitants. C’est un paradis fiscal sous la houlette du gouvernement américain. C’est un secret de polichinelle. Dans une des éditions du Bottin mondain, il y avait une publicité pour les facilités fiscales qu’offre le Delaware aux Français. Il y avait même une adresse à Paris ! Depuis qu’on l’a signalé, elle a été fermée. Mais ça continue de fonctionner sous une autre bannière. C’est étonnant, puisqu’Obama se veut pourfendeur des inégalités… Mais il ne parle jamais du Delaware !

Monique Pinçon-Charlot : Il n’a toujours pas signé l’accord historique du 29 octobre 2014 à Berlin, dans lequel quatre-vingt-dix pays ont ratifié l’échange automatique d’information entre administrations fiscales. Mais pas les États-Unis. La fameuse loi TAFTA élaborée sur recommandation de Barack Obama est à sens unique. Sous peine de ne plus avoir d’activités aux États-Unis, tous les pays du monde doivent déclarer les citoyens américains qui ouvrent des comptes non déclarés. Par contre, le Delaware n’est pas tenu à une réciprocité. Il y a une guerre fiscale. Et les États-Unis veulent détourner l’argent de l’évasion fiscale à leur profit.

Quelle morale peut-on tirer de tout ça?

Michel Pinçon : Une conclusion de notre livre, c’est qu’on a affaire à des oligarchies nationales complètement vérolées. C’est le Monopoly ! Ce sont des gens qui n’ont plus aucun sens du bien commun, comme il y en avait encore sous la IIIème ou IVème République. Enrichissons-nous ! C’est vraiment la morale des politiques d’aujourd’hui.

Monique Pinçon-Charlot : La violence des riches est opaque. Tandis que l’histoire de la chemise du DRH d’Air France, ça c’est visible ! Ça permet de criminaliser le salarié. On traite de voyous les travailleurs d’Air France. Pour gagner des millions d’euros, le PDG de Wolkswagen a fait une énorme fraude, avec des conséquences terribles pour le réchauffement climatique. Le Figaro a parlé de « tricherie ». Vous voyez la différence : voyou d’un côté, tricheur pour les grands de ce monde.

Qu’est-ce qui vous donne malgré tout des raisons d’espérer?

Michel Pinçon : Il y a des initiatives citoyennes, des rassemblements de magistrats, de fonctionnaires des impôts, avec des associations. Une plate-forme sur les paradis fiscaux regroupe une vingtaine d’associations comme Attac. Le mouvement Solidarité en Suisse nous a bien surpris. Quand on est sortis de la gare de Genève, pendant notre enquête, la première chose qu’on a vu ce sont des affiches : « À bas les forfaits fiscaux, les riches doivent payer leurs impôts. » Avec nos valises à roulette, on s’est dit : « Tiens c’est bizarre, on est attendu s! » On n’avait pourtant rien dit à personne. En fait, Solidarité en Suisse avait fait une votation [pour demander l’abolition] des forfaits fiscaux, qui font que les étrangers – contrairement aux Suisses – peuvent ne pas payer d’impôt sur leur patrimoine en Suisse.

Notes : 

1 Un rescrit fiscal peut faire prévaloir la sécurité juridique du contribuable et lui permettre d’obtenir un régime fiscal particulier. Le « Lux Leaks » révélé en 2014 met en cause une liste d’accords fiscaux entre l’administration luxembourgeoise et des entreprises pratiquant l’évasion fiscale.

2 Initialement programmé sur Canal +, ce documentaire a été censuré par Vincent Bolloré, proche du patron du Crédit Mutuel, Michel Lucas. Il a finalement été diffusé par France 3 dans le magazine Pièces à conviction.

Source : The Dissident, Julien Le Gros, 23-12-2016

Source: http://www.les-crises.fr/evasion-fiscale-on-a-affaire-a-des-oligarchies-nationales-completement-verolees/


[Risque de Démocratie] “Aux Pays-Bas, une consultation sur les relations UE-Ukraine à haut risque”

Wednesday 20 January 2016 at 05:00

Aidez-nous amis néerlandais, on compte sur vous !

Bref, cela démontre l’importance des référendums d’initiative populaire !

Source : Luxemburger Wort, 9-01-2016

Jean-Claude Juncker et le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, le 7 janvier
Photo: Reuters

La Haye, 9 jan 2016 (AFP) – Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé samedi les Néerlandais à ne pas s’opposer à l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine lors du référendum prévu en avril, estimant qu’un non pourrait provoquer une “crise européenne”.

Trois organisations eurosceptiques aux Pays-Bas sont parvenues à obtenir un référendum non contraignant sur la question, prévu le 6 avril, en récoltant plus de 300.000 signatures.

Un non néerlandais “pourrait ouvrir la voie à une crise européenne”, a estimé M. Juncker dans une interview publiée samedi par l’influent quotidien NRC.

Ne transformons pas ce référendum en un vote sur l’Europe

OB Notez, le gars est lucide, hein… Bon, démocrate, non, à l’évidence…

“Ne transformons pas ce référendum en un vote sur l’Europe”, a ajouté le président de la Commission européenne. “J’espère sincèrement que (les Néerlandais) ne voteront pas en faveur du non, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le traité lui-même”.

Même si le référendum n’est pas contraignant, il sera vraisemblablement suivi de près dans un pays où les eurosceptiques caracolent en tête des sondages en vue des élections législatives de 2017.

Si le non l’emporte, c’est la Russie “qui en sera le grand bénéficiaire”, a souligné M. Juncker.

Donc aucun souci à se couper un bras, si ça empêche la Russie de gagner…

L’accord de libre échange conclu entre Kiev et l’UE est entré en vigueur le 1er janvier. Il vise à renforcer le dialogue politique ainsi que les échanges économiques et commerciaux entre l’UE et l’Ukraine.

Le refus en 2013 de l’ancien président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch de signer cet accord avait entraîné la révolte sur la place Maïdan, à Kiev, et sa chute.

Donc le type est “pro-russe” mais il a négocié un accord avec l’UE pendant 4 ans, avant de se rendre compte que ça aller couler son pays et ne pas le signer…

Lors d’une visite aux Pays-Bas en novembre, le président ukrainien, Petro Poroshenko, a salué l’accord comme le début d’une nouvelle ère pour son pays.

Il n’a pa smenti notez -l’ère Uption ?

Moscou, de son côté, voit cet accord d’un mauvais œil, et le considère comme un empiètement des Européens dans sa sphère d’influence.

Ils sont bizarres ces Russes…

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, dont le pays vient de prendre la présidence tournante de l’UE, a indiqué qu’il évaluerait les conséquences du référendum une fois son résultat connu. Son gouvernement jugera alors si des changements de politique sont nécessaires.

Ouf, j’ai cru qu’il allait dire qu’il en respecterait le résultat…

Source : Luxemburger Wort, 9-01-2016

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Aux Pays-Bas, une consultation sur les relations UE-Ukraine à haut risque

Énorme : GROS RISQUE démocratique en vue !

Source : Le Monde, Jean-Pierre Stroobants, 15-01-2016

La tension politique monte, aux Pays-Bas, à l’approche d’un référendum sur l’accord d’association conclu entre l’Union européenne (UE) et l’Ukraine. Appliqué de manière provisoire depuis le 1er janvier, ce texte doit être entériné par les 28 pays membres de l’Union. Si 25 Etats l’ont déjà approuvé, aux Pays-Bas, trois organisations eurosceptiques ont obtenu qu’il soit soumis à une consultation populaire, prévue pour le 6 avril. Un « non » serait une fâcheuse épine dans le pied de la présidence néerlandaise de l’UE, qui a commencé le 1er janvier.
À La Haye, les députés sont furieux : ils jugent contre-productives de récentes déclarations du président de la Commission de Bruxelles, Jean-Claude Juncker. Il a souligné, le 9 décembre 2015, qu’un « non » de la population néerlandaise pourrait « entraîner une crise continentale » et bénéficier à la seule Russie.
Pour les partis favorables à l’Europe, ces propos sont maladroits et ont focalisé l’attention sur cette consultation dont un tiers des citoyens disait ne pas avoir entendu parler. « M. Juncker a raté une nouvelle occasion de se taire », déclare le député Han ten Broeke, membre du Parti libéral (VVD), la formation du premier ministre Mark Rutte. Diederik Samsom, le dirigeant des sociaux-démocrates du PVDA, membres de la coalition au pouvoir, a estimé que « les menaces ne sont vraiment pas nécessaires ».
Les partis proeuropéens craignent, en fait, une réédition de l’épisode de 2005, quand les électeurs avaient, quelques jours après les Français, rejeté le projet de Traité constitutionnel européen. A l’époque, toutes les grandes formations avaient été désavouées. Aujourd’hui, les principaux responsables politiques savent que M. Juncker a raison d’inviter leurs concitoyens à ne pas transformer la consultation en « un vote sur l’Europe » mais ils redoutent que beaucoup de Néerlandais profitent de l’occasion pour manifester leurs critiques à l’égard de ce qu’Emile Roemer, leader du parti de la gauche radicale SP, appelle « le mépris total de la population par la petite élite bruxelloise ». Son parti est le seul, avec le Parti de la liberté (PVV, extrême droite) de Geert Wilders et le Parti des animaux (PVDD) à avoir voté contre l’accord conclu entre l’UE et Kiev.

L’Ukraine présentée comme instable et corrompue

Les trois organisations qui ont relayé leurs critiques ont réuni 428 000 signatures – il leur en fallait 300 000 au minimum – pour obtenir que la population se prononce sur l’accord. La Chambre, le Sénat et le roi ont entériné ce texte, toutefois suspendu, désormais, au résultat de la consultation. Le résultat de celle-ci ne sera pris en compte que si 30 % des électeurs y participent et il ne sera pas contraignant : le gouvernement et les Assemblées pourraient passer outre un « non » éventuel. Le premier ministre, le libéral Mark Rutte, indique qu’il « évaluera » le bilan du référendum.
Quand même, il vaut mieux lire ça qu’être aveugle, mais c’est tellement incroyable… A une époque, le politique et le journaliste auraient été lapidés par la foule…
La plupart des observateurs pensent, cependant, qu’il ne pourrait tenter un passage en force. D’autant que sa coalition atteint des records d’impopularité tandis que M. Wilders, incarné en leader du camp du « non », frôle les sommets : le dernier sondage, publié dimanche 10 janvier, le crédite de 36 % des intentions de vote et de 41 des 150 sièges de la deuxième chambre. Quatorze de plus que les deux partis du gouvernement.
M. Wilders a, lui aussi, réagi au propos de M. Juncker, en évoquant une tentative « d’intimidation » qui « ne servira à rien ». Comme les partisans du référendum, il refuse que les Pays-Bas soutiennent financièrement une Ukraine présentée comme instable et corrompue, conteste l’idée que l’accord d’association puisse assurer la stabilité du pays et agite le spectre d’une future adhésion à l’Union. M. Rutte dément formellement : « Cela n’a rien à voir avec un élargissement. »
Même s’il a appelé ses concitoyens à voter « oui », M. Rutte paraît hésiter à engager son gouvernement dans la campagne. Il préfère laisser le champ libre à l’association Stem voor Nederland (Votez pour les Pays-Bas) : récemment constituée, en liaison avec le patronat et le ministère des affaires étrangères, elle entend informer la population sur les vrais enjeux de ce dossier, pour renverser une tendance qui indiquait, en décembre, que 17 % des Néerlandais seulement étaient, a priori, favorables à l’accord avec l’Ukraine.
Là aussi, j’ai dû mal lire : le journaliste n’a quand même pas écrit que le Premier Ministre ne va pas faire la campagne électorale, mais qu’il va laisser la patronat le faire à sa place ?
Source : Le Monde, Jean-Pierre Stroobants, 15-01-2016
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Les Pays Bas s’apprêtent à infliger une leçon de démocratie à l’Union Européenne

Par Djordje Kuzmanovic, Blog Mediapart, 15/01/2016

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, craignant les conséquences d’un tel vote juste avant des élections législatives cruciales au Pays-Bas et en France en 2017, mais aussi en pleine négociation du TTIP, le traité de libre-échange transatlantique, a enjoint les citoyens des Pays-Bas à ne pas « mal voter ».

L’accord d’association controversé entre l’Ukraine et l’Union européenne a été l’un des déclencheurs du renversement du gouvernement ukrainien de Ianoukovitch à la suite du mouvement populaire du Maïdan. Le nouveau gouvernement ukrainien présidé par M. Porochenko, signataire de cet accord et appuyé par les États-Unis, a été à l’initiative d’une guerre civile à l’est du pays qui a fait plus de 10 000 victimes, dont de nombreux civils, et a provoqué le déplacement de plus de 1 100 000 réfugiés.

Il est légitime que les peuples des États membres de l’Union européenne se posent la question de l’opportunité d’un tel accord, d’une part eu égard aux coûts colossaux qu’il va faire peser sur les budgets européens, et d’autre part, car il pose la question du bien-fondé des décisions des institutions européennes rarement prises dans l’intérêt des peuples. Enfin, il marque l’alignement de l’Union européenne sur la politique étrangère étatsunienne, au risque de la paix en Europe, pourtant argument principal légitimant l’existence de l’Union.

Cet accord, déjà ratifié par le parlement néerlandais, est entré en vigueur le 1er janvier 2016. La très démocratique loi néerlandaise prévoit la tenue d’un référendum consultatif si au moins 300 000 signatures sont recueillies auprès des citoyens. Les auteurs de l’initiative visant à rejeter cet accord d’association en ont réuni 420 000. Le vote aura donc lieu le 6 avril. Si de plus, le taux de participation dépasse les 30 %, le gouvernement serait formellement obligé de reconsidérer l’accord. Or, selon les sondages, environ trois quarts des électeurs néerlandais voteront “probablement ou certainement” contre l’accord.

Jean-Claude Juncker, qui avait déclaré il y a quelques mois qu’”il ne [pouvait] y avoir de choix démocratique contre les traités européens“, est en train de réaliser que le peuple peut encore faire irruption sur la scène politique à l’échelle de l’Union. Inquiet, il a appelé les Néerlandais à ne pas s’opposer à l’accord et fait remarquer qu’une réponse négative pourrait “déboucher sur une grave crise continentale, qui dépasserait largement le cadre néerlandais” (Reuters).

Ne doutons pas que Juncker, entre deux moments d’ébriété, y voit clair et s’inquiète à juste titre de chaque retour du peuple dans la vie politique. La portée du vote sera fortement symbolique, car ce référendum se tiendra alors que la Hollande, centrale dans l’Union européenne dont elle est fondatrice, assure la présidence tournante depuis le 1er janvier.

Les Pays-Bas pourraient réaliser un vote de défiance vis-à-vis de l’Union européenne et ses traités en illustrant combien les élites européennes sont coupées des intérêts des peuples qu’elles sont censées servir. Ce serait également un coup porté aux certitudes bruxelloises et au dogme de l’élargissement sans fin de l’Union européenne. Cela relancerait enfin le débat sur le degré d’intégration de chaque État-Nation dans l’Union et donc d’abandon de souveraineté, un an avant des élections législatives d’importance aux Pays-Bas et en France, deux pays phares de l’Union européenne où, par référendum populaire, le Traité constitutionnel européen avait été rejeté de manière retentissante en 2005 (61 % de « non » aux Pays-Bas, 55 % en France).

Les Néerlandais se prononceraient légitimement contre cet accord de libre-échange compte tenu du coût colossal pour l’Union européenne, donc pour ses citoyens, qu’il impliquerait. L’économie ukrainienne est, en effet, en faillite continue, soutenue à bout de bras par l’Union européenne et le FMI (qui, au contraire de la Grèce, lui a accordé une restructuration de sa dette). Il faudrait y injecter entre 40 et 65 milliards d’euros pour la remettre à flots et assurer un soutien de quelque 15 milliards d’euros par an pendant de nombreuses années, sommes impensables dans un contexte de récession, de crise grave, de chômage et de politique d’austérité dans les autres pays européens. Ces aides risqueraient d’ailleurs de n’y rien changer puisque le niveau de corruption de l’actuelle Ukraine est un des plus élevés au monde et supérieur – si c’est possible – à celui en vigueur sous Ianoukovitch.

Par ailleurs, le rapprochement plus marqué de l’Union européenne et de l’Ukraine augure d’un dumping social sans précédent en Europe, déjà largement initié par l’Allemagne dans ses usines. L’Ukraine compte une des plus importantes populations d’Europe – 46 millions d’habitants – pour un salaire moyen de 250 euros par mois et un salaire minimum de… 50 euros par mois. Ce rapprochement risque de causer un tsunami social dans toute l’Europe de l’Ouest où le travail, de plus en plus rare et précaire, est dévoyé par le déferlement des « travailleurs détachés » – nom pudique donné en Europe à la légalisation de l’exploitation.

Juncker redoute également les conséquences géopolitiques d’un « non » néerlandais, tant cet accord d’association sert surtout les intérêts hégémoniques des États-Unis. Pour Washington, l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN et son éloignement de la sphère d’influence de la Russie reste un des objectifs géostratégiques centraux et l’accord d’association UE/Ukraine n’en est qu’une étape. Cet accord mettrait l’Europe encore plus en porte-à-faux par rapport à la Russie ; or sans ce pays, comme le déclarait le général de Gaulle, un projet européen indépendant n’est pas viable.

Il est à noter que cela se déroule au même moment où se négocie, en catimini, l’accord sur le traité de libre-échange transatlantique, le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership - Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), visant à construire un grand marché entre l’Europe et les États-Unis, lequel, s’il était ratifié ainsi que le désirent ardemment les élites européennes, signerait le basculement définitif et complet de l’Europe dans le giron étasunien.

Si le référendum d’initiative populaire néerlandais se soldait par un vote « non » à l’accord d’association UE/Ukraine, une crise supplémentaire éclaterait au sein de l’Union européenne. Ce serait le retour du peuple dans un système d’institutions qui ne le représente plus et où la démocratie est inexistante : la banque centrale européenne n’a pas les mêmes prérogatives que la réserve fédérale des États-Unis, la Commission européenne est non élue et le parlement européen est composé de députés élus, mais sans réels pouvoirs. Caractère non démocratique qui sera encore renforcé par une des dispositions phares du TTIP, les tribunaux d’arbitrage, instances non élues dont les décisions s’imposeront aux États-Nations, si nécessaire en opposition aux décisions prises par le peuple, que ce soit par voie référendaire ou par le truchement de ses représentants au parlement – ce qui dans le cas de notre pays est en contradiction radicale avec l’article 3 de la Constitution.

Si, monsieur Juncker, il peut y avoir un choix démocratique contre les traités européens !

 

Source: http://www.les-crises.fr/risque-de-democratie-aux-pays-bas-une-consultation-sur-les-relations-ue-ukraine-a-haut-risque/


[Ukraine] Libre-échange : Kiev rejoint l’UE et dit au revoir à la vodka russe, par Ekaterina Dvinina

Wednesday 20 January 2016 at 03:16

Ils l’ont fait ces crétins : ils vont détruire l’économie de l’Est du pays, tournée vers la Russie (CEI)

Rappel de notre série Ukraine :

On a ceci au niveau du solde commercial (= exportations-importations) :

On note le déficit apocalyptique au niveau de la ville de Kiev.

Par grande région, cela donne ceci :

L’Ukraine est en déficit face à ses principaux partenaires, et on a au niveau des régions :

  • l’Est, industriel, exporte beaucoup, et est en net excédent commercial ;
  • l’Ouest, agricole, exporte très peu et est en net déficit commercial ;
  • le Centre, avec la capitale, exporte modérément, mais est en énorme déficit commercial.

Source : Courrier International, Ekaterina Dvinina, 04-01-2016

Le rayon vodka dans un supermarché à Moscou (Russie), en juin 2014. PHOTO MIGHTY TRAVELS/FLICKR/CC

A coups de mesures de rétorsion mutuelles, Moscou et Kiev continuent à rompre les liens commerciaux qui les reliaient. Cela, dans le contexte d’entrée de l’Ukraine, le 1er janvier 2016, dans la zone de libre-échange avec l’Union européenne.

Alors que la zone de libre-échange entre l’Ukraine et l’Union européenne est entrée en vigueur le 1er janvier 2016, Kiev prend plusieurs mesures de rétorsion vis-à-vis de Moscou.

Deux décrets, entérinés par le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk, le 30 décembre 2015, suspendent ainsi, à partir du 2 janvier 2016, la zone de libre-échange avec la Russie et les tarifs préférentiels sur les échanges russo-ukrainiens, et introduisent, à partir du 10 janvier, l’interdiction d’importer du territoire russe certaines marchandises, telles que la viande, le poisson, la vodka, le chocolat, les cigarettes ou encore les équipements pour les chemins de fer, rapporte le journal en ligne russe Vzgliad.

Ces mesures sont prises en réaction aux mesures analogues décidées en décembre par le président russe Vladimir Poutine. La Russie a en effet suspendu sa zone de libre-échange avec l’Ukraine à compter du 1er janvier, et soumet désormais les produits ukrainiens à des droits de douane à la frontière. Ces mesures ont été dictées par la crainte de Moscou que “les produits européens non taxés inondent le marché russe”, rappelle Vzgliad.
Un préjudice pour l’économie ukrainienne

L’Ukraine ne dispose pas du poids économique suffisant pour peser contre la Russie, estime ce quotidien conservateur : “Même si l’Ukraine introduisait des droits de douane sur les marchandises russes, il est peu probable qu’elle ose faire de même avec l’importation des matières premières énergétiques, de loin la première recette des exportations russes en Ukraine.”

“La rupture des relations commerciales est bien plus douloureuse pour l’Ukraine que pour la Russie”, argumente encore Vzgliad. Malgré la crise sans précédent entre les deux pays, Moscou reste l’un des plus importants partenaires commerciaux pour Kiev, assurant 16,4 % du commerce extérieur ukrainien (selon les résultats d’échanges commerciaux des neuf premiers mois 2015), tandis que cette part n’est que 2,7 % pour la Russie.

Ekaterina Dvinina
Source : Courrier International, Ekaterina Dvinina, 04-01-2016

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-libre-echange-kiev-rejoint-lue-et-dit-au-revoir-a-la-vodka-russe-par-ekaterina-dvinina/


La connexion saoudienne avec le terrorisme, par Daniel Lazare

Wednesday 20 January 2016 at 02:40

Source Consortiumnews.com, 20 novembre 2015

En exclusivité : Tandis qu’à Washington les autorités consacrent beaucoup de temps et d’énergie aux demandes d’extension de la guerre en Syrie et à la nécessité de refouler les réfugiés syriens, les Démocrates et les Républicains esquivent la question la plus judicieuse : comment confronter l’Arabie saoudite à son financement caché de l’État islamique et des terroristes d’Al-Qaïda, écrit Daniel Lazare

Par Daniel Lazare

Comment l’EI finance-t-il ses opérations ? Ceci est la question centrale au moment où la guerre contre l’organisation terroriste franchit un niveau supérieur depuis les atrocités commises à Paris. Mais la réponse la plus courante constitue une part du problème.

Cette réponse, partagée par de nombreux responsables politiques et autres « experts en terrorisme », est que Daesh (aussi connu sous le nom de l’EIIL, l’État islamique et l’EIIS) finance ses opérations grâce à diverses activités illicites comme la vente illégale d’antiquités, les enlèvements contre rançon, les hold-up de banque et le trafic de brut depuis les champs pétrolifères sous son contrôle depuis le nord de la Syrie et de l’Irak.

Le roi saoudien Salman rencontre le président  Barack Obama à l’hôtel Erga durant une visite d’État en Arabie saoudite le 27 janvier 2015

La ligne, consciencieusement suivie par les organes de presse depuis le New York Times jusqu’au Wall Street Journal et au Guardian, est pour le moins politiquement correcte. Si Daesh s’autofinance réellement, alors il est essentiellement autonome. Dans ce cas, les puissances occidentales, après l’avoir bouclé dans son califat, n’auront plus qu’à envoyer des F-18 et des Mirage 2000 afin de déclencher une pluie de bombes « intelligentes » et le réduire en miettes.

Telle est la pensée qui affleure les propos malheureux tenus le 12 novembre par le Président Barack Obama lorsqu’il répondit à George Stephanopoulos sur ABC This Week qui lui demandait si Daesh gagnait en puissance. Il rétorqua que ce n’était tout simplement pas le cas :

« La vérité est que depuis le début, notre but a tout d’abord été de les contenir, et nous les avons contenus. Ils n’ont pas gagné de terrain en Irak. Et en Syrie, ils viendront et repartiront. Mais vous ne verrez pas une avancée systématique de Daesh sur le terrain. Ce que nous n’avons pas encore pu faire, c’est décapiter complètement leur structure de commandement et de contrôle. Nous avons fait des progrès en essayant de réduire le flux de combattants étrangers »

Contenir et décapiter, voici l’essence même de la stratégie américaine. Ainsi, plus le gouvernement Obama tente de contenir militairement Daesh, plus il fait savoir que ce dernier est également économiquement autonome.

Et si ce n’était pas le cas ? En réalité, il y a tout lieu d’être sceptique face à la position américaine et pas seulement parce que cela fait près de deux décennies que les dirigeants américains crient victoire dans diverses luttes contre le terrorisme islamique même si, de petites cellules disparates à l’origine, il s’est transformé en un vaste mouvement s’étendant du Nigeria au Bangladesh.

Des sommes surévaluées

Commençons par les antiquités. L’année dernière, NBC News rapporta en toute hâte que Daesh puisait dans un marché noir de 7 milliards de dollars pour financer ses opérations : « Des pièces historiques inestimables provenant de fouilles illicites ou dérobées dans les musées sont devenues une des quatre produits de contrebande les plus répandus — avec la drogue, les armes et les êtres humains. »

Mais le total de 7 milliards de dollars est curieux si l’on considère que le marché de l’art contemporain, en ne comptant que la partie émergée, se monte à seulement 2 milliards de dollars. Les marchés noirs sont impossibles à évaluer pour la simple raison que les participants s’enfuient comme des rats dès qu’on allume la lumière.

Le rôle de Daesh est néanmoins doublement difficile car il opère très secrètement. Mais nous savons certaines choses, par exemple que les antiquités ne se déplacent pas aussi facilement que, disons, le maïs ou le blé. Au contraire, les acheteurs sont relativement rares et clairsemés, des évaluations sont requises et le marchandage est la norme. Avec autant de policiers fouinant partout, les acheteurs sont particulièrement prudents de peur de se faire prendre en transférant de l’argent à Daesh. Donc, les antiquités ne sembleraient jouer qu’un rôle accessoire.

Il en va de même pour les braquages de banques. Même si Daesh a été généralement crédité d’un butin de 400 millions de dollars lors de la prise de Mossoul, au nord-est de l’Irak en juillet 2014, le Financial Times a décrit cette prise comme le plus grand braquage « jamais réalisé. »

Le journal citait un responsable du secteur bancaire irakien qui déclarait : « Nous sommes en contact permanent avec les banques là-bas »,. “nous avons été informés qu’elles sont toutes gardées de l’extérieur par leurs propres gardes et que rien n’a été enlevé des locaux d’aucune banque, pas même pas un morceau de papier »

L’enlèvement contre rançon lui aussi semble moins que rentable dans une économie appartenant à un territoire contrôlé par un État islamique déclinant. De même pour la taxation locale. Tandis que les ventes pétrolières illicites peuvent jouer un rôle important, elles aussi ne sont probablement pas aussi rentables qu’on le pense. En supposant qu’ils fussent pleins à ras bord, les 116 camions-citernes que des avions américains ont détruits lundi pouvaient contenir cent barils de brut chacun. Dans le meilleur des cas et d’après les tarifs actuels, Daesh aurait pu vendre le baril à environ 30 $. Ainsi, les dégâts à la « trésorerie » de l’État islamique représentent un montant relativement peu élevé d’environ 350 000 $.

De plus, à ce jour l’État islamique est une vaste organisation. Les troupes ont des effectifs d’au moins 20 000 à 31 500 combattants (chiffres diffusés par la CIA en septembre 2014) et peuvent s’élever jusqu’à 200 000, bien que 100 000 semble plus plausible. Où qu’ils soient, les combattants gagneraient de 350 à 800 $ par mois, ou plus. Ces chiffres, quoique très imprécis, suggèrent à tout le moins une organisation avec un budget mensuel approchant les dix millions.

Ainsi les revenus d’une centaine de camions-citernes n’expliquent  pas comment l’EI règle ses factures. Pas plus que les hypothèses au sujet du trafic des antiquités. Donc si l’État islamique ne tire pas l’essentiel de ses fonds de pareilles ressources, d’où provient l’argent ?

La connexion saoudienne

La réponse, celle qui dérange, est qu’il provient de l’extérieur, c’est-à-dire d’autres endroits au Moyen-Orient dans lesquels les champs pétrolifères ne sont pas d’ordre secondaire comme en Syrie et en Irak, mais au contraire, riches et productifs; pays dans lesquels les raffineries sont ultramodernes et où le pétrole est acheminé par pipeline et non par camions. Il s’agit également d’un marché massivement corrompu, peu soumis aux contrôles financiers et travaillé par de fortes affinités idéologiques, à la fois avec l’EI et Al-Qaïda.

Ce qui veut dire les États arabes du Golfe : le Koweït, le Qatar, les Émirats Arabes Unis et l’Arabie saoudite, des pays disposant de richesses massives en dépit d’une chute de 50% des prix du pétrole. Les États du Golfe sont des autocraties politiques, pratiquant un sunnisme militant et, de surcroît, empêtrés dans une douloureuse contradiction idéologique.

Au niveau mondial, le nombre des sunnites dépasse celui des chiites dans un rapport d’au moins quatre pour un. Mais parmi les huit nations qui entourent le golfe Persique, la situation est inverse, les chiites étant presque deux fois plus nombreux que les sunnites. Plus le monde devient théocratique — et cette tendance est à l’œuvre non seulement dans le monde musulman, mais également en Inde, en Israël, voire aux États-Unis si certains républicains parviennent à leurs fins — plus le sectarisme s’intensifie.

Basiquement, le conflit entre sunnites et chiites est une guerre de succession parmi les partisans de Mahomet, disparu au septième siècle. Plus l’une des parties étend son pouvoir politique au nom de l’Islam, plus elle devient vulnérable aux accusations de l’autre partie qui prétend que sa revendication de pouvoir est tout sauf légitime.

La famille royale saoudienne, qui se présente elle-même comme « la gardienne des deux mosquées saintes » de La Mecque et de Médine, est particulièrement sensible à de telles accusations, ne serait-ce que parce que sa situation politique apparaît de plus en plus précaire. C’est la raison pour laquelle elle s’est jetée dans une croisade anti-chiite, du Yémen à la Syrie en passant par Bahreïn.

Alors que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France condamnent Bachar el-Assad en tant que dictateur, ce n’est pas la raison pour laquelle les rebelles sunnites se battent dans le but de le renverser. Ils le font en revanche parce que, en tant que pratiquant de la doctrine alaouite, une forme du chiisme, il appartient à une branche de l’Islam que les cheikhs du pétrole à Riyad considèrent comme une menace pour leur existence même.

La guerre civile est rarement un facteur de modération et, alors que la lutte contre Assad s’est intensifiée, le pouvoir au sein des rebelles est passé aux mains des forces sunnites les plus militantes, jusqu’à et y compris Al-Qaïda et son rival encore plus agressif, l’EI.

Autrement dit, l’État islamique n’est pas un phénomène local et autosuffisant, mais la construction et le bénéficiaire de pouvoirs plus importants et, dans son essence, une force paramilitaire agissant en sous-main pour le compte des cheikhs des États du Golfe. Les preuves d’un large soutien régional sont abondantes, même si des organes de presse comme le New York Times ont fait de leur mieux pour les ignorer. Quelques faits saillants sur cette piste de l’argent:

- Dans un rapport diplomatique datant de 2009 et rendu public par Wikileaks, Hillary Clinton, alors ministre des Affaires étrangères, indiqua que « les donateurs en Arabie Saoudite représentent la source de financement majeure des groupes terroristes sunnites dans le monde entier. »

(Mercredi, à l’occasion d’un discours belliciste devant le conseil des Affaires étrangères, Clinton, à présent la candidate démocrate la mieux placée dans la course à la présidentielle, a mis l’accent sur ses projets d’escalade militaire, incluant une invasion américaine de la Syrie pour « y imposer des zones d’exclusion aérienne » et sécuriser ce qu’elle a appelé « un espace sûr ». Mais elle a brièvement ajouté une allusion exaspérée à la réalité financière en disant : « une fois pour toutes, les Saoudiens, les Qataris et d’autres encore doivent empêcher leurs citoyens de financer directement les organisations extrémistes ainsi que les écoles et les mosquées qui par le monde ont conduit trop de jeunes gens sur le chemin de la radicalisation. »)

- En août 2012, un rapport de la DIA, l’ agence du renseignement de la défense, qui signalait qu’Al-Qaïda, les salafistes et les Frères Musulmans dominaient le mouvement de rébellion syrien et que leur but était d’établir « une principauté salafiste dans l’est de la Syrie », à l’endroit où se situe actuellement le califat de l’État islamique.

- Le propre dossier du Times , deux mois plus tôt, affirmant que la CIA travaillait avec les Frères Musulmans pour faire parvenir aux rebelles sunnites en Syrie des armes fournies par la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar.

- Le remarquable aveu de Joe Biden à la Harvard’s Kennedy School en octobre 2014 que « les Saoudiens, les émirats, etc. […] étaient si décidés à renverser Assad et fondamentalement à mener en sous-main une guerre entre sunnites et chiites [...] [qu'] ils ont déversé des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armes sur quiconque se montrerait décidé à combattre Assad — sauf que ceux qui en ont bénéficié étaient Al-Nosra et Al-Qaïda. »

- Un éditorial du Times sorti tout juste le mois dernier se plaignant que les Saoudiens, les Qataris et les Koweïtiens continuent à faire parvenir des fonds à l’État islamique.

- Enfin, dans un article de première page vendredi, le Times a tardivement admis le rapport dévastateur de la DIA, à peine six mois après qu’il fut rendu public par les chiens de garde conservateurs de Judicial Watch. Mais même là, le journaliste Ian Fisher s’est arrangé pour laisser dans l’ombre le passage le plus important, qui est que le bastion salafiste que les sunnites cherchent à instaurer représente « exactement ce que les puissances soutenant l’opposition — c’est à dire l’Occident, les États du Golfe et la Turquie — souhaitent pour isoler le régime syrien. »

En affirmant qu’il y a « de nombreuses responsabilités » dans la débâcle en cours, Fisher s’est arrangé pour critiquer tout le monde sauf son propre journal.

L’argent roi

Pourquoi est-il si difficile de dire la vérité ? Une grande partie de la réponse est l’argent. Parce que les États-Unis, la France et d’autres puissances occidentales dépendent des États du Golfe pour le pétrole et voient les États du Golfe comme un marché de plus en plus important pour les armes de haute technologie.

Il y a un mois à peine , le Pentagone a annoncé qu’il vendait aux Saoudiens jusqu’à quatre navires de combat côtier fabriqués par Lockheed pour un total de 11,25 milliards de dollars, alors que la semaine dernière a suivi la nouvelle qu’il vendait pour 1,29 milliard de dollars de bombes intelligentes fabriquées par Boeing et Raytheon aux Saoudiens, afin de remplacer celles que le royaume a lancées sur le Yémen dans le cadre de sa croisade contre les Houthis chiites.

Les États-Unis fournissent donc les Saoudiens en bombes qui vont écraser des quartiers yéménites, produire plus de réfugiés et, dans la foulée, renforcer « Al-Qaïda dans la Péninsule arabe », afin que les États-Unis puissent alors envoyer des drones pour éliminer quelques membres d’Al-Qaïda.

Tout le monde s’y retrouve — les fabricants d’armes, le Pentagone, les politiciens de Washington comme les Clinton qui profitent des largesses saoudiennes, et même Al-Qaïda qui, tout en perdant quelques-uns de ses membres, voit sa puissance grandir en conséquence.

Mettre en évidence la manière dont l’argent coule depuis l’Arabie saoudite et les autres pays du Golfe vers les groupes responsables du carnage à Paris mettrait en danger cette organisation aux bénéfices mutuels. Compromettre ce circuit d’argent lucratif est une chose que Washington ne peut pas supporter, c’est pourquoi l’administration Obama préfère laisser apparaître l’EI comme une organisation autonome qui peut être paralysée par des opérations militaires du type bombardement d’un convoi de camions-citernes.

Tandis que la xénophobie enflamme l’Europe, la vraie question n’est pas les arabes ou l’Islam mais la relation « spéciale » américano-saoudienne qui est peut-être encore plus sacro-sainte que la relation avec Israël. C’est une alliance qui demande aux États-Unis de ne pas voir, entendre ou parler du démon caché dans ce partenaire arabe majeur. Ainsi, Washington doit cacher la cause réelle des horreurs allant du World Trade Center au Bataclan et à la guerre civile syrienne.

Tant que la relation « spéciale » américano-saoudienne continuera, les cadavres continueront à s’empiler.

Daniel Lazare est l’auteur de plusieurs livres, incluant The Frozen Republic: How the Constitution Is Paralyzing Democracy (Harcourt Brace).

Source Consortiumnews.com, 20 novembre 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/la-connexion-saoudienne-avec-le-terrorisme-par-daniel-lazare/


25 vérités de Valéry Giscard d’Estaing sur la crise russo-ukrainienne

Wednesday 20 January 2016 at 00:30

Eh oui, il y avait des dirigeants dans les années 1970…

Source : La Pluma, Salim Lamrani, 07-11-2015

Dans une récente interview, l’ancien président français a fait part de son analyse au sujet du conflit entre la Russie et l’Ukraine [1].

Valéry Giscard d’Estaing. Crédits Photo: François BOUCHON/Le Figaro

1. L’annexion de la Crimée par la Russie constitue un acte de justice historique. Elle est « conforme à l’Histoire ».

2. La Crimée « a toujours été peuplée que par des Russes » depuis sa conquête au XVIIIe siècle, qui s’est faite au détriment « d’un souverain local qui dépendait du pouvoir turc ».

3. Pendant la Guerre froide, Nikita Khrouchtchev a voulu « accroitre le poids de l’URSS au sein des Nations unies ». Il a donc créé l’Ukraine et la Biélorussie afin d’avoir « deux voix de plus » dans le concert des nations et a rattaché la Crimée à la nouvelle Ukraine.

4. « A l’époque, déjà, je pensais que cette dépendance artificielle ne durerait pas ». L’annexion était donc prévisible.

5. « Le retour de la Crimée à la Russie a été largement approuvé par la population ».

6. « La méthode de Vladimir Poutine aurait pu être différente. Mais, aujourd’hui, la question de la Crimée doit être laissée de côté ».

7. « La Crimée […] a vocation à rester russe ».

8. L’Ukraine a longtemps été russe et Kiev fut la capitale de la Russie. « Lorsque, ministre des Finances, je suis allé en Union soviétique à la demande du général de Gaulle, j’ai été reçu par Khrouchtchev à Kiev ».

9. « Quel rôle la CIA a-t-elle joué dans la révolution du Maïdan ? »

10. « Quel est le sens de la politique systématiquement anti-russe menée par Barack Obama ? »

11. « La transition ukrainienne a un aspect peu démocratique. Ce sont des clans dirigés par des oligarques qui mènent le jeu ».

12. Les Etats-Unis « ont probablement soutenu et encouragé le mouvement insurrectionnel ».

13. La politique de sanctions contre la Russie viole le droit international.

14. « Qui peut s’arroger le droit, en effet, de dresser une liste de citoyens à qui l’on applique des sanctions personnelles sans même les interroger, sans qu’ils aient la possibilité de se défendre et même d’avoir des avocats ? »

15. Les sanctions contre la Russie portent atteinte aux intérêts de l’Europe et de l’Occident.

16. « Il serait irresponsable de souhaiter que l’économie russe s’effondre ».

17. « Pour l’Europe, les Russes sont des partenaires et des voisins ».

18. « L’Ukraine telle qu’elle est n’est pas en état de fonctionner démocratiquement ».

19. La solution à la crise ukrainienne doit passer par la création d’une confédération multiethnique « sur le modèle suisse des cantons, avec une partie russophone, une partie polonaise et une partie centrale. Un système à la fois fédéral et confédéral, sponsorisé par les Européens et soutenu par les Nations unies ».

20. Il est impossible que l’Ukraine entre dans le système européen.

21. « Les aspirations européennes de Kiev étaient un songe ».

22. « En tant qu’ancienne partie de la Russie, l’Ukraine ne peut pas être dans l’Union européenne ».

23. La place de l’Ukraine« est entre deux espaces, la Russie et l’Union européenne, avec lesquels elle doit entretenir des rapports normaux ».

24. Il est hors de question que l’Ukraine adhère à l’OTAN et la France a raison de s’y opposer.

25. L’Ukraine risque la faillite financière et sollicitera l’aide du FMI car l’Europe ne pourra pas lui apporter son concours.

Salim Lamrani

 Nota:

[1] Isabelle Lasserre, « Entretien avec Valéry Giscard d’Estaing », Politique internationale, juin 2015. http://www.politiqueinternationale.com/revue/article.php?id_revue=146&id=1346&content=synopsis

 Source : La Pluma, Salim Lamrani, 07-11-2015

Source: http://www.les-crises.fr/25-verites-de-valery-giscard-destaing-sur-la-crise-russo-ukrainienne/


[Entraide] RH, The Times (UK), Recherches Paris, Synthèses, Wikipédia

Tuesday 19 January 2016 at 05:15

Bonjour – d’importants appels à l’entraide aujourd’hui

RH

Je souhaiterais un petit coup de main d’une personne qui bosse dans les RH et qui a l’habitude de rédiger des offres de postes, et de les diffuser – c’est important merci.

Abonnement The Times (UK)

Je cherche à récupérer cet article du journal anglais The Time - quelqu’un aurait il un abonnement, ou pourrait-il voir dans ses connaissances ?

Recherches Paris

J’ai une petite recherche assez simple sur un document d’archive à Paris – si quelqu’un pouvait aller le photographier (BNF je pense ou un ministère, à voir).

Wikipédia

Nous aurions besoin d’une personne habituée à rédiger des articles Wikipedia pour reprendre des articles traduits…

Synthèses

Nous cherchons un volontaire pour synthétiser les informations apparaissant en commentaire… (assez simple, mais il faut avoir un peu de temps régulièrement)

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Contactez-nous ici en indiquant en objet le sujet sur lequel vous vous proposez…

Merci d’avance ! :)

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-19-01-2016/