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Quand le FMI critique le néolibéralisme…, par Romaric Godin

Tuesday 7 June 2016 at 00:30

Source : La Tribune, Romaric Godin, 27/05/2016

La fin du consensus de Washington ? (Crédits : © Kim Kyung Hoon / Reuters)

La fin du consensus de Washington ? (Crédits : © Kim Kyung Hoon / Reuters)

Dans un article signé de trois de ses économistes, le FMI estime que les politiques “néolibérales” ont été “survendues”, notamment l’ouverture des marchés de capitaux et les politiques d’austérité. Un tournant ?

Dans les années 1980, le FMI était le bras armé de la révolution libérale qui avait commencé sous l’influence des penseurs monétaristes lors de la décennie précédente. L’institution promouvait partout où elle allait les mêmes politiques : réduction de la taille de l’Etat, excédents budgétaires, déconstructions des politiques sociales, privatisations massives et ouvertures des marchés. Ces politiques ont même été connues sous le nom de « consensus de Washington » en référence au siège du FMI.

Un article qui remet en cause le fondement de la pensée du FMI

Cette tradition vacillerait-elle ? Le FMI serait-il sur le point de prendre conscience de ses erreurs passées ? Alors qu’il lutte actuellement avec l’Eurogroupe pour en finir avec le songe de la « soutenabilité de la dette grecque » grâce à des excédents budgétaires primaires gigantesques et infinis, le Fonds vient de publier ce jeudi 26 mai un article dans son magazine Finance & Development qui remet en cause la toute-puissance des recettes « néolibérales ».

Dans un article titré « Le néolibéralisme est-il survendu ? », les trois auteurs, Jonathan Ostry, Prakash Loungani et Davide Furceri, tous trois économistes à la section de recherche du FMI, soulignent les effets négatifs de deux types de politiques longtemps soutenues par le FMI : l’ouverture du marché des capitaux et les politiques d’austérité et de privatisations. Certes, le texte souligne qu’il existe « beaucoup de raisons de se réjouir à propos de l’agenda néolibéral », citant le développement des économies émergentes, la sortie de la pauvreté de millions de personnes et la meilleure efficacité des services fournis. Mais le texte cherche clairement à corriger l’idée d’une solution miracle et insiste sur les effets néfastes des politiques néolibérales.

Les effets néfastes de l’ouverture aux marchés de capitaux

Sur l’ouverture des marchés de capitaux, l’article souligne combien le lien entre ce phénomène et la croissance est un lien complexe. Si les investissements directs étrangers sont clairement favorables au développement économique, il n’en va pas de même d’autres flux financiers comme les flux bancaires, les flux spéculatifs à court terme (« hot money ») ou les flux purement de portefeuilles. Ces flux financiers alimentent des bulles qui débouchent sur de la volatilité et des crises. « Depuis 1980, indique l’article, il y a eu 150 épisodes de forte hausse des flux entrants de capitaux dans plus de 50 économies émergentes (…) et dans 20 % des cas, ceci s’achève par une crise financière qui, souvent, débouche sur un recul de la production », indique l’article.

Pour les économistes du Fonds, « l’ouverture accrue au marché des capitaux figure en permanence comme un facteur de risque ». Le FMI souligne aussi le biais distributif de ces flux de capitaux qui accroissent les inégalités et donc pèsent sur la croissance, notamment lorsqu’un krach survient. Au final, les économistes jugent même que le contrôle des capitaux, avec le taux de change et la réglementation financière, peut être une « option viable quand la source d’une hausse insoutenable du crédit vient directement de l’étranger ».

Baisser la dette à tout prix ?

Les économistes passent ensuite aux politiques d’austérité. Tout en défendant l’idée d’une nécessaire consolidation budgétaire lorsque le pays est menacé de perdre son accès au marché, ce qui semble justifier les politiques menées en Europe du sud depuis 2010, les auteurs soulignent qu’une dette élevée n’est pas toujours un problème pour la croissance, notamment lorsque le pays dispose d’une bonne réputation et n’est pas menacé de perdre cet accès, la réduction de la dette à tout prix « semble avoir un bénéfice remarquablement faible » en termes d’assurance contre les futures crises budgétaires. Passer d’une dette de 120 % du PIB à 100 % du PIB apporterait bien peu pour les économistes. L’élément le plus intéressant est que le FMI souligne ici que « la mise en garde contre une politique de recette qui vaut pour tous est justifiée ». Or, c’est cette politique qui a été menée en Europe entre 2010 et 2013.

Découverte des effets négatifs de l’austérité

Les auteurs remarquent ensuite que l’intérêt de l’austérité doit prendre en compte son coût. Or, ils insistent sur le fait que ce coût est très élevé. Le texte nie l’existence de la « consolidation budgétaire favorable à la croissance », chère à Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE et nouveau membre du Conseil européen du risque systémique. « En pratique, les épisodes de consolidations budgétaires ont été suivies par un recul plutôt que par une hausse de la production », explique le texte qui quantifie cet effet : toute consolidation de 1 % du PIB conduit à une hausse de 0,6 point du taux de chômage à long terme et à une hausse de 1,5 point du coefficient de Gini qui estime les inégalités. Bref, le FMI découvre les multiplicateurs budgétaires et le manque de sérieux de la théorie de l’équivalence ricardienne.

Malgré les appels à la prudence des auteurs, ce texte semble prouver que le FMI s’interroge sur ses fondements théoriques. Son attitude face à la crise grecque semble le confirmer. Le changement ne se fera sans doute pas en un jour, mais cet aggiornamento semblait in fine nécessaire.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 27/05/2016

Source: http://www.les-crises.fr/quand-le-fmi-critique-le-neoliberalisme-par-romaric-godin/


Bruxelles et l’Eurogroupe mettent fin aux dissonances sur la France

Monday 6 June 2016 at 04:31

“Bonne nouvelle” 🙁

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 03-06-2016

Le commissaire européen Pierre Moscovici à Sendai au Japon, le 20 mai 2016 ((c) Afp)

Le commissaire européen Pierre Moscovici à Sendai au Japon, le 20 mai 2016 ((c) Afp)

Paris (AFP) – La Commission européenne et l’Eurogroupe ont mis fin vendredi à leurs dissonances sur la France de ces derniers jours en rappelant fermement à Paris son objectif de ramener son déficit inférieur sous la barre de 3% en 2017.

“Nous serons vigilants, nous serons exigeants et il n’y a pas d’autre alternative que d’être en-dessous de 3% en 2017”, a affirmé le commissaire européen Pierre Moscovici sur LCP, après l’appel du président néerlandais de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, à plus de fermeté à l’égard de Paris.

L’Eurogroupe est la réunion des ministres des Finances des États membres de la zone euro.

Dans ses propos, le commissaire européen n’a pas voulu laisser transparaître le moindre signe d’un traitement spécial pour la France à un an des présidentielles et après les nouvelles dépenses annoncées par le gouvernement ces dernières semaines.

“Si ces dépenses sont faites, il faudra que l’équilibre soit respecté et que l’on passe en-dessous de 3% en 2017”, a martelé M. Moscovici. “Il faut que cet équilibre soit sérieux, que les choses ne soient pas optiques. La France a pris des engagements. Elle doit les tenir”, a-t-il insisté.

“Il faut que ce soit vraiment sous 3% en 2017, vraiment”, a-t-il encore répété, en réaction aux déclarations dans le Figaro de M. Dijsselbloem, qui s’était ému des récentes déclarations du président de la Commission, Jean-Claude Junckersur la France.

Dans un entretien à la chaîne Public Sénat cette semaine, ce dernier avait expliqué qu’il ne cessait de donner des dérogations à la France en matière budgétaire “parce que c’est la France” et “qu’on ne peut pas appliquer le pacte de stabilité de façon aveugle”.

Une déclaration qui n’est pas du tout du goût de M. Dijsselbloem: “Une chose est sûre: si la Commission n’affiche de fermeté qu’avec les petits pays, l’effet sera dévastateur pour la confiance entre les capitales de l’euro”, a plaidé le ministre des Finances néerlandais et chef de file de l’Eurogroupe.

“Si la Commission ferme les yeux sur l’un, elle sera obligée de le faire pour d’autres et au bout du compte, c’est toute l’union monétaire qui sombre dans l’aveuglement”, a-t-il insisté.

Selon lui, “la Commission devrait se soucier davantage de sa crédibilité. Lorsque vous apprenez que son président dit que la perspective est différente dans le cas de la France (…) c’est bien sûr dommageable”.

“Comment voulez-vous redynamiser l’union monétaire, après le vote britannique par exemple, si vous traitez ainsi les règles existantes? Personnellement, je trouve que c’est très inquiétant. Nous avons besoin de clarté”, a-t-il encore exigé.

Le pacte de stabilité, renforcé suite à la crise de la dette, impose aux pays européens des plafonds de dette et de déficit public, sous peine de sanctions.

Mais la France, malgré ses promesses, n’a pas réussi à ramener sous 3% du PIB son déficit public et a obtenu plusieurs délais de grâce, le dernier en date jusqu’à 2017.

L’Espagne et le Portugal ont échappé récemment à des sanctions, Bruxelles ayant reporté de quelques mois sa décision sur le sujet, notamment en raison d’une échéance électorale en Espagne.

Source : Le Nouvel Obs, AFP, 03-06-2016

Source: http://www.les-crises.fr/bruxelles-et-leurogroupe-mettent-fin-aux-dissonances-sur-la-france/


Le dollar plonge au moment où le monde prend le risque d’esquiver ses responsabilités, par Ambrose Evans-Pritchard

Monday 6 June 2016 at 04:00

Source : The Telegraph, le 03/05/2016

Les marchés parient que Janet Yellen, la présidente de la Fed, ne durcira pas sa position. Ils pourraient avoir tort | CREDIT: JACQUELYN MARTIN/AP PHOTO

Les marchés parient que Janet Yellen, la présidente de la Fed, ne durcira pas sa position. Ils pourraient avoir tort | CREDIT: JACQUELYN MARTIN/AP PHOTO

Par Ambrose Evans-Pritchard | 3 mai 2016

Le dollar américain a plongé à son niveau le plus bas depuis 16 mois, lors de la dernière en date des manœuvres chaotiques qui affectent le système financier mondial, resserrant ainsi l’étau monétaire sur la zone euro et le Japon au moment où ils se débattent pour sortir du piège de la déflation induit par la dette.

L’indice du dollar, surveillé de près, est passé sous la barre des 92 pour la première fois depuis janvier 2015, catapultant l’or à 1300 dollars l’once en début de séance et provoquant de fortes chutes dans les Bourses d’Asie et d’Europe.

Les dernières données en date de la Commission à terme des marchandises des É-U montrent que les spéculateurs sont passés à une position de vendeur à la baisse pour le dollar.

Cette attitude montre que les esprits ont changé profondément depuis la fin de l’année dernière quand les investisseurs pariaient tous azimuts que la Réserve fédérale des États-Unis réfléchissait à une série de hausses des taux, qui attirerait un afflux de capitaux dans les actifs en dollars.

Les marchés ont maintenant, pour une bonne part, exclu une augmentation des taux en juin et n’estiment qu’à 68% la probabilité d’une hausse cette année.

La baisse du dollar a été une planche de salut pour les emprunteurs étrangers qui ont 11 000 milliards de dollars (soit 7500 milliards de livres sterling) de dette en devise américaine, et cela concerne surtout des sociétés de Chine, du Brésil, de Russie, d’Afrique du sud et de Turquie qui se sont repues des liquidités américaines à bas prix quand le robinet de la Fed était ouvert, et qui se sont trouvées ensuite piégées par d’abominables restrictions quand la Fed a refermé le robinet et que le dollar s’est envolé en 2014 et 2015.

L'indice du dollar plonge alors que les marchés mettent la Fed au pied du mur | CREDIT: STOCKCHARTS.COM

L’indice du dollar plonge alors que les marchés mettent la Fed au pied du mur | CREDIT: STOCKCHARTS.COM

Cette baisse accroît cependant les difficultés pour la zone euro et le Japon au moment où leurs devises montent en flèche. Le monde risque, en effet, gros dans ce jeu d’esquive des responsabilités avec des pays surendettés qui essaient, par tous les moyens, d’exporter leurs problèmes déflationnistes chez les autres en faisant baisser légèrement les taux de change.

Le yen japonais s’est apprécié à 105.6, son niveau le plus élevé depuis septembre 2014, ce qui a consterné les exportateurs qui comptaient sur une moyenne de 117.5 cette année. Les décisions chaotiques des dernières semaines ont mis à mal la stratégie de reprise du Japon. Des analystes de Nomura ont affirmé qu’Abenomics était maintenant « mort dans l’œuf ».

La zone euro aussi est en danger, même si, dans le premier trimestre, elle a vu avec plaisir sa croissance augmenter légèrement. L’euro a touché, en début de journée, la barre des 1.16 face au dollar. Il a grimpé de 7% en données corrigées des échanges commerciaux depuis que la Banque centrale européenne a lancé son assouplissement quantitatif dans un effort déguisé pour faire baisser le taux de change.

L'indice en données corrigées de l'euro continue à monter depuis que, sous les yeux horrifiés des dirigeants de l'EU, l'assouplissement quantitatif a commencé | CREDIT: ECB

L’indice en données corrigées de l’euro continue à monter depuis que, sous les yeux horrifiés des dirigeants de l’EU, l’assouplissement quantitatif a commencé | CREDIT: ECB

Les prix ont chuté de 0.2% en avril et la déflation s’installe plus profondément dans l’économie de la zone euro, dépourvue de filets de protection contre un choc extérieur. La Commission européenne a, cette semaine, réduit fortement ses prévisions d’inflation à 0.2% pour cette année, alors qu’en novembre dernier seulement on prévoyait encore 1.0%.

Il n’y a pas grand-chose que la Banque du Japon ou la BCE puissent faire pour arrêter cette appréciation malvenue. L’administration Obama a averti ces pays, au sommet du G20, en février, que toute nouvelle utilisation de taux d’intérêt négatifs serait considérée par Washington comme une dévaluation déguisée et ne serait pas tolérée.

« Ces banques centrales ont atteint les limites de ce qu’elles peuvent accomplir avec la politique monétaire pour influencer le taux de change de leur monnaie, et cette attitude fait actuellement courir des risques à toute leur économie, » a déclaré Hans Redeker, le directeur du département des devises chez Morgan Stanley.

L’Europe et le Japon opèrent dans « une trappe à liquidité » keynésienne. Nous approchons d’un point critique comparable à celui de 2012 où on a failli assister au dégagement du marché des actifs. Cependant, nous n’y sommes pas encore, » a-t-il précisé.

Les spéculateurs parient maintenant que le dollar va baisser, ce qui reflète un spectaculaire changement d'état d'esprit | CREDIT: ANZ RESEARCH

Les spéculateurs parient maintenant que le dollar va baisser, ce qui reflète un spectaculaire changement d’état d’esprit | CREDIT: ANZ RESEARCH

Stephen Jen de chez SLJ Macro Partners, a affirmé que la Fed menait une « politique du dollar faible », en réagissant aux événements mondiaux d’une façon radicalement nouvelle. « Ils forcent les économies plus faibles à apprécier leur monnaie. C’est irrationnel, » a-t-il souligné.

Il se pourrait cependant que cela ne dure pas très longtemps si l’économie américaine repart à la hausse lors du second trimestre, après une période de légère dépression. « Je doute cependant que cela ne marque, pour le dollar, la fin d’une compétition qui dure depuis de nombreuses années, » a-t-il dit.

Selon Neil Mellor, de chez BNY Bellon, la hausse de l’euro va finir par se corriger toute seule puisque la zone euro ne va pas pouvoir supporter encore longtemps les difficultés qu’elle engendre, et quand ça deviendra une évidence il commencera de nouveau à baisser.

M. Mellor a affirmé que les données des flux des dépôts ont indiqué, ces dernières huit semaines, une envolée des sorties de capital effectuées par des « investisseurs en argent réel » hors de la zone euro. Ce mouvement a concerné surtout l’Espagne et le Portugal où les politiques menées inquiètent.

Ces éléments suggèrent que les flux spéculatifs à court terme font, en ce moment, monter l’euro. La banque BNY ayant 29 000 milliards d’actifs en dépôt — le plus important du monde —, elle a donc une excellente connaissance des actifs cachés.

Les flux des investissements cachés montrent que les capitaux sont en train de quitter la zone euro, même si les spéculateurs enchérissent sur l'euro | CREDIT: BNY MELLON

Les flux des investissements cachés montrent que les capitaux sont en train de quitter la zone euro, même si les spéculateurs enchérissent sur l’euro | CREDIT: BNY MELLON

Le destin du dollar dépend maintenant de la Fed. Les marchés parient que Janet Yellen, sa présidente, va continuer à retenir le feu, mais cela pourrait être une erreur de jugement.

Eric Rosengren, le directeur de la succursale de la Fed à Boston, une colombe de longue date, a averti deux fois ces derniers jours que les marchés sous-estimaient le rythme des hausses des taux d’intérêt cette année. Ces avertissements ont trouvé un écho dans les paroles prononcées à Londres, vendredi, par Robert Kaplan, le directeur de la succursale de la Fed à Dallas.

Si la Fed est en repli en mars, c’est surtout en raison du resserrement des conditions financières, ce qui vaut trois hausses de taux, selon Lael Brainard, son gouverneur. Cette situation s’est cependant renversée depuis : la panique à propos de la Chine s’est calmée, le marché des matières premières a repris et un dollar plus faible est, en soi, un stimulant pour les États-Unis.

Le professeur Tim Duy du Conseil de surveillance de la Fed a déclaré que cette institution mourait d’envie de se remettre à faire des plans avec des hausses de taux de trois quarts de point, de préférence dès juin, septembre et décembre, en sachant que tout retard supplémentaire pourrait la laisser à la traîne.

« Attention ! Si les données changent, on regardera de très près ce qui se passera en juin. Je ne serais pas surpris de voir des colombes se défaire de leurs plumes pour nous montrer les faucons qu’elles abritent, » a-t-il déclaré.

Si le professeur Duy a raison, sans doute le dollar va-t-il remonter de plus belle et de nombreux spéculateurs et fonds spéculatifs pourraient bien se trouver piégés, du mauvais côté de certains gros paris sur les devises, les obligations et les actions, et cela dans le monde entier. »

Source : The Telegraph, le 03/05/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-dollar-plonge-au-moment-ou-le-monde-prend-le-risque-desquiver-ses-responsabilites-par-ambrose-evans-pritchard/


La vérité sur le général qui façonnera probablement l’avenir de la Libye, par Mustafa Fetouri

Monday 6 June 2016 at 03:35

Source : Mustafa Fetouri, Al Monitor, le 09/05/2016

L’étoile du général Khalifa Hifter semble s’élever à nouveau en Libye, et ce n’est qu’une question de temps avant que nous le voyions devenir une figure dans un pays qui n’en a pas mais en désire désespérément une.

Le général Khalifa Hifter parle durant une conférence de presse à Abyar, à l'est de Benghazi, le 31 mai 2014. (photo by REUTERS/Esam Omran Al-Fetori)

Le général Khalifa Hifter parle durant une conférence de presse à Abyar, à l’est de Benghazi, le 31 mai 2014. (photo by REUTERS/Esam Omran Al-Fetori)

Ses ennemis à Misrata et Tripoli ont toujours remis en questions ses motivations et intentions, mais il reste à voir s’il sera un dirigeant rassembleur dans un pays divisé ou un politicien clivant poussant la Libye vers encore plus de divisions.

Durant le mois de mars, Hifter a quasiment complètement libéré Benghazi et commencé à déplacer ses troupes pour reprendre Syrte dans l’ouest de la Libye, où l’Etat islamique (EI) a pris le contrôle depuis plus de deux ans. Les troupes de Hifter ont encerclé la ville, attendant ses ordres pour attaquer l’EI, qui a mené des combats dans l’ouest et le sud-ouest de la ville, prenant plus de territoires et de petits villages tels qu’Abou Grain et Zamzim.

Le but déclaré de Hifter est de libérer la Libye des islamistes, mais sa prochaine action reste incertaine une fois qu’il aura pris Syrte. La prochaine grande ville sur le chemin de Tripoli est Misrata, qui a la plus puissante milice de Libye. Misrata est déjà un ennemi de Hifter, ce qui signifie que l’attaquer déclenchera dans le pays une guerre plus longue et dévastatrice.

Alors, qui est cet homme qui a été sur et en dehors de la scène politique durant les 40 dernières années, changeant de positions selon le changement de sa fortune, de loyal à Mouammar Kadhafi à prisonnier de guerre puis ennemi juré de Khadafi et – plus récemment comme chef de l’état-major de l’armée libyenne sous le gouvernement reconnu internationalement de Tobrouk ?

Né dans un important clan de la plus grande encore tribu d’al-Firjan, prédominante à la fois à Ajdabiya et Syrte, Hifter a été recruté comme jeune officier par le défunt Kadhafi pour rejoindre le mouvement des officiers libres inspiré par le dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser. Le mouvement était secrètement financé par Kadhafi dans les années 60 et utilisé pour renverser le roi Idris I de Libye en 1969 et prendre le pouvoir.

Hifter a atteint le grade de colonel en 1986 et est devenu le commandant des troupes terrestres libyennes dans la guerre civile tchadienne. Il a été capturé en 1987 lorsque sa base a été envahie par les forces tchadiennes, et a été emmené au Tchad. Kadhafi, niant avoir des troupes au Tchad, a désavoué Hifter et l’a abandonné, ainsi que 300 hommes de ses troupes, aux mains des autorités tchadiennes. Sous la pression de l’Occident, et particulièrement de la France, qui soutenait les factions d’opposition tchadiennes, Kadhafi n’a jamais admis qu’il avait de quelconques troupes au Tchad.

Les États-Unis, qui avait déjà essayé à plusieurs reprises de chasser Kadhafi du pouvoir – notamment en bombardant sa résidence en avril 1986 après l’avoir accusé de soutenir le terrorisme – sont venus au secours de Hifter avec l’espoir d’obtenir son aide contre Kadhafi.

En échange de la libération des prisons tchadiennes, il a été demandé à Hifter de rejoindre le groupe d’opposition nouvellement formé, le Front de salut national libyen, qui bénéficiait du soutien militaire et financier américain. Hifter, déjà en colère d’avoir été laissé sans espoir dans les prisons tchadiennes, a rejoint le front et a été amené aux États-Unis par la CIA avec les troupes désirant le rejoindre.

Hifter vivait confortablement en Virginie, assez près du siège de la CIA, du début des années 1990 à 2011. Il est apparemment même devenu citoyen américain, mais n’a jamais oublié sa rancune contre Kadhafi.

Ses relations avec la CIA ne sont pas claires. Beaucoup d’aspects de sa vie en banlieue de Washington sont difficile à expliquer – par exemple, comment subvenait-il à ses besoins et à ceux de sa famille. On suppose qu’il est devenu un homme de la CIA contre Kadhafi. Il a maintenu des liens avec les groupes d’opposition libyens en exil et l’opposition militarisée à Kadhafi à l’étranger, mais sans succès jusqu’à la révolte contre Kadhafi qui a éclaté en 2011.

Sentant que le moment était venu de régler ses comptes avec Kadhafi, Hifter est revenu dans l’Est de la Libye en mars 2011 et a joué un rôle de direction des rebelles dans la lutte contre le régime, sous la couverture aérienne de l’OTAN.

Après que le régime a été renversé, Hifter est tombé dans l’oubli à nouveau, et n’a refait surface qu’en octobre 2012 pour un temps bref lorsque le nouveau gouvernement a décidé d’envahir Bani Walid, une ville au Sud-Ouest de Tripoli accusée d’accueillir les anciens représentants du régime. Il n’y a aucune information sur sa participation aux combats actuels.

Hifter a encore disparu en février 2014, puis est soudainement apparu à la télévision, en faisant une déclaration s’apparentant à une annonce de chef militaire prenant le pouvoir. Dans l’annonce, il a lancé une “Opération dignité” contre les milices islamistes à Benghazi ; toutefois, personne n’a pris Hifter au sérieux à ce moment-là étant donné qu’il n’avait ni rôle militaire officiel ni de milice ralliée à sa personne pour combattre. Il s’est avéré qu’il était encore en train de préparer ses forces militaires.

Hifter disparut de nouveau du devant de la scène, passant les mois suivants à se déplacer entre al-Marj et Benghazi en essayant d’organiser d’anciens officiers militaires dans une unité de combat, en comptant sur les anciennes allégeances parmi les vestiges de l’armée libyenne et de ses connections tribales. Il s’est arrangé pour cultiver un soutien politique à l’intérieur du gouvernement basé à Tobrouk et reconnu à l’intérieur du pays, qui l’a nommé chef d’état-major de son armée naissante en mars 2015.

Après avoir gagné une légitimité politique et militaire, Hifter s’est concentré sur le combat des islamistes à Benghazi, toutefois avec peu de succès. Son plus grand ennemi juré était Ansar al-Sharia, le groupe terroriste le plus important de Benghazi à ce moment-là, que les États-Unis avaient déjà déclaré comme organisation terroriste après qu’il a été accusé de tuer l’ambassadeur américain en 2012.

Hifter comptait énormément sur ses connections tribales dans l’Est de la Libye et capitalisait sur la situation d’insécurité à Benghazi. En mai 2015, il croyait avoir assez de force pour déclarer la guerre au terrorisme à travers la Libye, et pas juste à Benghazi, où des centaines d’anciens agents de sécurité, d’officiers de l’armée et de militants civils et politiques ont été assassinés. Dans un sens il se défendait lui-même sachant qu’il pouvait être le prochain sur la liste.

Son offensive à Benghazi est restée bloquée pour un temps, les fragments d’armée qu’il s’est débrouillé à réorganiser étant peu nombreux et manquant d’entraînement et d’équipement. Par-dessus tout, beaucoup d’anciens officiers professionnels ne l’avaient pas rejoint car ni ses motivations ni ses objectifs n’étaient clairs.

Toutefois, cela changea fin 2015 et au début de cette année. En mars 2016, Hifter a établi un contact avec un groupe d’anciens officiers professionnels et de politiciens exilés en Égypte. Al-Monitor a appris que deux anciens politiciens haut placés du régime lui ont rendu visite et sont tombés d’accord pour lui fournir davantage d’anciens officiers de l’armée avec un certain savoir-faire, notamment une connaissance des mines et des techniciens d’entretien pour les avions militaires.

L’accord comprenait le retour sans condition de tout ancien officiel ou officier de l’armée souhaitant revenir en Libye sans être poursuivi ou menacé. Au moins un ancien politicien de haut rang a déjà été accueilli en Libye. Tyeb al-Safi, un ancien ministre et proche adjoint de Kadhafi, est retourné dans l’Est de la Libye sous la protection de sa propre tribu.

Alors que les intentions militaires définitives de Hifter sont inconnues après Syrte, ses intentions politiques sont également peu claires. Il s’est à plusieurs reprises distancé des politiques, mais sa popularité croissante, surtout dans l’Est de la Libye, pourraient bien se développer en un phénomène d’ampleur nationale le poussant à adopter un rôle politique ou même à se présenter comme Président aux prochaines élections. Dans l’Est de la Libye aujourd’hui, Hifter est le chef de facto alors qu’il essaie d’étendre son leadership vers l’Ouest. Les forces qui lui sont ralliées contrôlent déjà des parties de l’Ouest et du Sud de la Libye.

Une chose, cependant, est certaine : Hifter est là pour rester, et il jouera un rôle dans le façonnage de la scène politique libyenne, à l’intérieur du gouvernement d’accord national ou dans les coulisses.

Source : Mustafa Fetouri, Al Monitor, le 09/05/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/la-verite-sur-le-general-qui-faconnera-probablement-lavenir-de-la-libye/


Revue de presse du 05/06/2016

Sunday 5 June 2016 at 02:44

Merci à nos contributeurs pour la revue de la semaine. Bonne lecture !

P.S. je cherche quelqu’un avec un accès aux archives du monde diplomatique… Me contacter, merci.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-05062016/


Les salaires du péché, par Chris Hedges

Sunday 5 June 2016 at 01:30

Source : Truthdig, le 10/04/2016

Posté le 10 avril 2016

Par Chris Hedges

Camden, l'une des villes américaines les plus pauvres, fait partie des municipalités du New Jersey touchées par le fléau de la crise depuis la disparition de leur industrie. (Mel Evans / AP)

Camden, l’une des villes américaines les plus pauvres, fait partie des municipalités du New Jersey touchées par le fléau de la crise depuis la disparition de leur industrie. (Mel Evans / AP)

Lorsque Platon écrivit “La République“, sa plainte au chevet d’une démocratie athénienne perdue, il ne pensait pas que la démocratie pouvait réapparaître. Le monde classique, contrairement au nôtre, ne voyait pas le temps comme linéaire. Le temps était cyclique. Il apportait inévitablement le déclin et éventuellement la mort, aussi bien pour les individus que pour les sociétés. Et dans sa “République”, Platon recommande à ceux qui tenteraient à l’avenir de créer un État idéal de mener une série de mesures draconiennes, comprenant notamment l’interdiction du théâtre et de la musique, qui écartaient les citoyens de leurs devoirs civiques et instillaient la corruption, et d’enlever les enfants à leurs parents afin de leur fournir un bon endoctrinement. Platon voulait ralentir le processus de dissolution. Il voulait freiner le changement. Mais ce déclin et cette mort viendraient à coup sûr, même dans cet État idéal de Platon.

L’histoire a prouvé que les Grecs anciens avaient raison : toutes les cultures déclinent et meurent. Des cultures mourantes, même lorsqu’elles ne peuvent pleinement exprimer cette réalité, commencent à profondément craindre le changement. Le changement, pensent-elles, apporte un dysfonctionnement croissant, la misère et la souffrance. Cette peur du changement devient vite irrationnelle. Elle aggrave le déclin et accélère la morbidité. Pour voir les victimes modernes de ce processus, nous n’avons qu’à regarder les travailleurs américains blancs qui ont eu des emplois dans la fabrication de biens et ont bénéficié des structures de la suprématie blanche.

Ceux qui promettent de miraculeusement remonter le temps s’élèvent dans des cultures décadentes pour hypnotiser une population abasourdie et désorientée. Les chirurgiens plastiques qui fournissent l’illusion de la jeunesse éternelle, les leaders religieux qui promettent le retour à une morale biblique simplifiée, les démagogues politiques qui font la promesse d’une grandeur retrouvée et les charlatans qui offrent des techniques pour l’auto-perfectionnement et le succès colportent tous une pensée magique. Une population désespérée, effrayée par le changement, réclame de plus en plus d’illusion. Les forces qui assurent la mort collective – notamment le capitalisme d’entreprise, l’industrie du combustible fossile et l’industrie de l’agriculture animale – étouffent la conscience.

Lorsqu’une société pleure le passé perdu et redoute l’avenir, lorsque se fait sentir la présence imminente de la mort, elle tombe dans le terrier du lapin. Et comme dans le cas d’Alice – qui “continuait de se dire à elle-même, d’une façon rêveuse, “Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ?” et quelques fois, “Est-ce que les chauves-souris mangent les chats ?” car, vous voyez, comme elle ne pouvait répondre à aucune de ces questions, l’ordre choisi importait peu” – le langage devient dissociable de l’expérience. Le discours de la vie quotidienne, surtout le discours public, est, comme notre campagne présidentielle l’illustre, réduit à un charabia puéril.

Les emplois ont disparu. Les écoles sont fermées. Les quartiers et les villes sont en ruine. Le désespoir et la pauvreté dominent nos vies. Les libertés civiles sont abolies. La guerre est sans fin. La société s’auto-médicamente. La démocratie est une fiction. Les décisions “d’austérité” du gouvernement comme la dernière coupe budgétaire dans le programme fédéral de coupons alimentaires, une action qui pourrait rayer des millions de personnes des listes, accentuent les chocs. Des chocs comme ceux-là, comme l’écrivit Alvin Toffler, déclenchent éventuellement une surcharge émotionnelle ; ils sont “la tension et le vertige qui saisissent un individu soumis à des changements trop brutaux sur une courte période.” Et, au final, la réalité, trop lourde à porter, est donc proscrite.

Le changement climatique et la crise financière imminente transformeront ces circuits courts émotionnels en ce que les anthropologues appellent les “cultes de la crise”. Les cultes de la crise alimentent l’illusion de la grandeur et du pouvoir retrouvés durant les périodes d’effondrement, d’anxiété et d’impuissance. Un passé mythifié refera magiquement surface. Les anciennes règles et hiérarchies sociales s’appliqueront à nouveau. Les comportements et rituels prescrits, comme notamment les actes de violence pour nettoyer la société du mal, vaincront les forces malveillantes. Ces cultes de la crise– nés dans la plupart des sociétés qui font face à la destruction, de l’Île de Pâques aux autochtones américains au moment de la Ghost Dance (la “danse des esprits”) en 1890 – créent des tribus hermétiquement fermées. Nous sommes déjà profondément engagés dans cette voie.

J’ai passé récemment un week-end dans la Second Presbyterian Church à Elizabeth, dans le New Jersey, où j’ai aidé à trier des piles de vieux livres, d’archives de l’église, de fleurs en plastique, d’habits de chœur usagés et autres détritus qui étaient les vestiges poussiéreux de cette congrégation de la classe ouvrière blanche qui a occupé ces bancs durant des décennies.

Elizabeth a été dévastée par la fermeture de l’usine Singer en 1982, qui avait été construite en 1873 et avait eu jusqu’à 10 000 ouvriers. Les Afro-Américains  de l’usine, environ 1000, travaillaient principalement dans une fonderie qui fabriquait les parties en fonte des machines à coudre. Le travail était mal payé et dangereux. Les travailleurs blancs, pour la plupart allemands, italiens, irlandais, juifs, polonais et lituaniens, dominaient à l’étage de l’usine dans des fonctions plus sûres et à la paie meilleure. La ville était construite autour de l’usine tentaculaire. Des générations d’habitants ont construit leur vie et leur famille sur la base des emplois Singer ou des revenus qui en découlaient indirectement. Et ensuite, après un long déclin, l’usine a disparu.

L’année où Singer a fermé son usine – vaisseau amiral d’Elizabeth – il y a eu 2 696 autres fermetures d’usines à travers les États-Unis, provoquant 1 287 000 pertes d’emplois. Ceux des salariés de Singer qui avaient moins de 55 ans ont entièrement perdu tout droit à une retraite, même s’ils avaient travaillé pendant des décennies pour cette société. Les petites entreprises de la ville qui dépendaient de l’usine ont fait faillite.

Dans les villes post-industrielles à travers les États-Unis il apparaît maintenant clairement, avec le passage des années, que les bons emplois alors fournis par des usines comme Singer ont disparu pour toujours. La colère refoulée et la frustration de la classe ouvrière blanche a donné naissance à de sombres pathologies de haine. La haine est dirigée contre ceux qui ont une couleur de peau ou une ethnie différente qui semblent avoir annoncé les changements qui ont détruit les familles et les communautés.

Ces sentiments, palpables pendant les meetings de Trump, vont perdurer après sa campagne même si, comme je le suppose, les élites du parti l’écartent. C’est une force extrêmement dangereuse. Elle est annonciatrice de violences contre tous ceux qui sont apparemment  sortis de l’exclusion aux dépens de la classe ouvrière blanche – les Afro-américains, les musulmans, les sans-papiers, les homosexuels, les féministes, les artistes, les intellectuels – et va alimenter l’essor d’un fascisme christianisé.

“Plusieurs générations de la même famille travaillaient pour Singer,” selon le Révérend Michael Granzen, ministre de l’église d’Elisabeth, à propos des travailleurs blancs qui ont perdu leur emploi. “Ils ont souffert, lorsque l’usine a fermé, pas seulement d’une perte économique mais aussi d’une perte d’identité. Ils étaient privés de leur routine quotidienne au travail. Ils ont perdu des liens sociaux. Ils n’avaient désormais plus d’objectifs générationnels. Ils ont perdu l’espoir en l’avenir. Ils ne pouvaient plus compter sur un revenu régulier, une couverture maladie et une retraite assurée. Les mariages et les quartiers étaient déchirés. Il y a une augmentation des violences domestiques, de la consommation de drogue, de l’alcoolisme et des crimes.

“Beaucoup d’ouvriers blancs ont pris comme boucs émissaires les nouveaux travailleurs noirs et latinos, auxquels ils reprochent la fermeture de l’usine,” dit-il. “Le racisme blanc est largement dû à cette perte d’estime de soi. Cela a à voir avec la peur du nihilisme. Cela crée une fausse grandeur pour compenser une profonde insécurité. Nous voyons cette dynamique se développer dans les villes post-industrielles à travers le pays.”

La plupart de ces anciens sites de fabrication ont vu les Blancs fuir. Les Hispaniques et les Noirs, vivant dans une terrible pauvreté, peuplent maintenant les quartiers en déclin. Soixante pour cent de la population d’Elizabeth sont composés de Latinos, la plupart d’Amérique centrale.

Elizabeth, comme beaucoup d’autres villes, est devenue une nouvelle colonie de pauvres. Elle aide à fournir les corps qui nourrissent le système d’incarcération de masse. Et, avec d’autres centres urbains en souffrance, a été transformée en un dépotoir toxique.

“Les risques environnementaux se sont multipliés durant les années qui ont suivi la fermeture de Singer,” m’a dit Granzen. “Tout comme d’autres villes expérimentant le déclin industriel au New Jersey – comme Camden, Newark, Trenton et Patterson – des structures politiques contrôlées par les Blancs sont devenues des dépotoirs de déchets dangereux et toxiques dans les villes comme Elizabeth, qui avait déjà son propre héritage toxique. La philosophie de profilage racial qui déprécie la valeur des entités non blanches s’est reflétée dans le racisme environnemental. Les vies des non blancs ont été considérées comme de valeur inférieure.”

Les formes insidieuses du racisme institutionnel qui définissent l’Amérique explosent alors que s’approche la mort sociétale. Elles s’expriment dans des manifestations de violence raciale. Des groupes d’autodéfense blancs, obsédés par l’idée d’empêcher de nouveaux changements, s’engagent dans le même usage aveugle de la force meurtrière pratiqué par la police contre les personnes de couleur désarmées. L’échec persistant du gouvernement à réintégrer la classe ouvrière dans l’économie, à donner de l’espoir aux gens, nous condamne tous.

Platon commence “La République” par Socrate allant au port de Pirée, le lieu le plus décadent de l’Athènes antique. Il était plein de tavernes et de bordels. C’était le refuge des voleurs, des prostituées, des soldats et des bandes armées. Les marins égyptiens, mèdes, allemands, phéniciens, carthaginois et autres étrangers – les Athéniens les regroupaient sous le terme de Barbares – se réunissaient le long du front de mer.

Le port était également le lieu où la flotte de guerre athénienne, constituée de trirèmes noires aux béliers recouverts de bronze à la proue, était stationnée en rangées dans les hangars à bateaux. Ces vaisseaux de guerre ont participé à transformer Athènes d’une ville-État démocratique en un empire au Ve siècle avant J.C. Et, comme l’ont compris Platon et son disciple Aristote, la construction d’un empire, de tout empire, détruit la démocratie.

La polis grecque, ou cité-État, vite absorbée par l’empire macédonien, était le noyau qui – comme les premiers hôtels de ville de la Nouvelle Angleterre aux États-Unis – a permis à l’individu d’être un homme politique, d’avoir une institution et une voix. Or, les empires requièrent un gouvernement centralisé et autoritaire qui n’a pas besoin du demos (peuple). La démocratie grecque, toujours patriarcale, s’est éteinte avec le développement de l’empire. La corruption et la soif de pouvoir ont défini les nouvelles élites dirigeantes. Les citoyens, comme dans notre système de “totalitarisme inversé“, sont devenus inutiles. Comme l’a remarqué le général athénien Thucydide, la tyrannie qu’Athènes a imposée dans les confins de l’empire, elle se l’est imposée à elle-même. Athènes, comme les États-Unis des siècles plus tard, était rongée de l’intérieur par les forces corrosives de l’empire. Les moyens de contrôle brutaux utilisés initialement dans des endroits lointains de l’empire – dans notre cas par des polices militarisées, des drones, la suspension des libertés civiles, la surveillance systématique et l’incarcération de masse – ont migré vers le pays d’origine. C’est ainsi que meurent la plupart des empires : ils se suicident.

La perte de la vertu civique, écrivait Platon, a laissé une population hypnotisée par les illusions vacillantes sur les parois d’une caverne. De telles images distordues de la réalité – nos hallucinations électroniques vont au-delà de l’imagination de Platon – alimentent des croyances et désirs irrationnels. Elles encouragent une existence sans imagination. Nos représentations sont habilement manipulées par les élites pour garder la population divertie et passive. Ceux qui cherchent à questionner ces illusions sont, Socrate nous en avertit, généralement attaqués et tués par la foule, qui ne veut pas que ses mythes réconfortants soient mis à mal. Lorsque la réalité est trop difficile à supporter, une population ne recherche pas la liberté et la vérité; elle devient le complice de son propre asservissement. L’épicurianisme, la réduction de la vie à la poursuite de plaisirs individuels et éphémères, séduit le public. Le cynisme règne. La suspicion est partout. La communauté se décompose, et, comme l’écrit Platon, “tout tourne mal lorsque, dépourvus de toute chose bien dans leur vie, les hommes se tournent vers les affaires publiques en espérant y trouver la joie dont ils ont soif. Ils se mettent à se battre pour le pouvoir, et leur conflit fratricide les détruit, eux et leur pays.” Cet effondrement crée un monde imaginaire “où les hommes se battent les uns contre les autres pour des ombres imaginaires et se disputent le pouvoir, comme si cela était un grand prix…”

A la fin, la mort arrive comme un soulagement.

Nous ne sommes pas plus immunisés contre les forces du déclin et de la mort que ne l’étaient l’Athènes antique, l’Egypte des pharaons, l’ancienne Rome, les Mayas, les Aztèques, l’Île de Pâques, la société féodale européenne de seigneurs et serfs, et les empires monarchiques européens du début du XXe siècle. La nature humaine n’a pas changé. Nous réagirons comme ceux avant nous ont réagi lorsqu’ils ont été confrontés au déclin. Nous serons de plus en plus consumés par des illusions. Nous chercherons à arrêter le temps, pour empêcher le changement, pour faire nôtre une pensée magique dans un effort désespéré pour revenir à un passé idéalisé. Beaucoup souffriront.

Cette fois-ci, le déclin sera planétaire. Il n’y aura pas de nouvelles terres à conquérir, pas de nouveaux peuples à assujettir, pas de nouvelles ressources naturelles à piller et exploiter. Le changement climatique nous donnera une leçon brutale sur l’arrogance.

Le salaire du péché, comme Paul l’écrivait dans ses lettres aux Romains, est la mort – en premier lieu la mort intellectuelle et morale, puis la mort physique. La première, nous l’expérimentons déjà. Il serait rassurant de croire que nous pouvons, en tant qu’espèce, éviter la seconde. Mais si l’on se réfère à l’histoire humaine, nous allons le sentir passer. Et plus ce sera difficile, plus nous chercherons à contrecarrer le changement par la pensée magique, plus notre extinction finale en tant qu’espèce sera assurée.

Source : Truthdig, le 10/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/les-salaires-du-peche/


Une victoire de Clinton signifierait-elle plus de guerres ? Par Robert Parry

Sunday 5 June 2016 at 00:01

Source : Consortiumnews.com, le 10/04/2016

Le 10 avril 2016

Reportage spécial : Des néoconservateurs perspicaces voient en Clinton leur cheval de Troie pour être remis en selle à la Maison-Blanche par les électeurs démocrates, et ceci soulève la question posée par Robert Parry : est-ce que Clinton comme quarante-cinquième président ne signifierait pas plus de guerres ?

Par Robert Parry

Les instances du parti démocrate semblent déterminées à soutenir la campagne sans envergure d’Hillary Clinton jusqu’à la ligne d’arrivée de sa course avec Bernie Sanders, et comptent sur les divisions des Républicains pour lui ouvrir la route à la Maison Blanche. Mais – si elle arrive jusque-là – le monde devra retenir son souffle.

Si Clinton devient présidente, elle sera entourée par une équipe de néoconservateurs exerçant le contrôle sur la diplomatie américaine, qui lui imposera de reprendre ses stratégies de “changement de régimes” au Moyen-Orient et d’intensifier sa nouvelle et dangereuse “guerre froide” vis-à-vis de la Russie.

L'ex-secrétaire d'État Hillary Clinton prenant la parole au cours d'une conférence de l'American Israel Public Affairs Committee à Washington D.C. le 21 mars 2016. (Photo credit: AIPAC)

L’ex-secrétaire d’État Hillary Clinton prenant la parole au cours d’une conférence de l’American Israel Public Affairs Committee à Washington D.C. le 21 mars 2016. (Photo credit: AIPAC)

Si Bachar el-Assad est encore président de la Syrie, on exigera qu’elle lui donne le coup de grâce final ; il y aura également des pressions pour qu’elle augmente les sanctions contre l’Iran afin de pousser Téhéran à abandonner l’accord nucléaire ; il y a déjà des appels pour un plus large déploiement de troupes américaines à la frontière russe et pour une intégration de l’Ukraine dans la structure militaire de l’OTAN.

Hillary Clinton, quarante-cinquième président, devra entendre les argumentaires habiles justifiant ces mesures, la rhétorique opposant systématiquement la virilité à la féminité et la propagande pleurnicharde sur les ennemis diaboliques sortant les bébés des incubateurs, donnant du Viagra aux soldats pour qu’ils violent plus de femmes et commettant d’horribles crimes (certains bien réels, mais beaucoup imaginaires) sur des innocents sans défense.

Est-ce que quelqu’un pense qu’Hillary Clinton possède la sagesse de résister à ces chants de sirènes guerriers, même si elle y est prédisposée ?

Le président Barack Obama qui – malgré toutes ses fautes – possède une intelligence plus profonde et plus subtile que celle d’Hillary Clinton, s’est trouvé lui-même si accablé par ces pressions venant de la stratégie militariste de Washington qu’il s’est plaint de sa situation inconfortable auprès de Jeffrey Goldberg de The Atlantic, lui-même faucon néoconservateur.

La diplomatie de Washington est aujourd’hui si profondément aux mains des néoconservateurs et de leurs comparses affiliés à la doctrine libérale la plus interventionniste, que l’actuel président ne pourrait sans doute trouver personne pour l’interviewer, excepté un néoconservateur, même s’il se plaignait du fait que la capitale américaine soit entre les mains de bellicistes.

Étant donné la toute-puissance des néoconservateurs sur la diplomatie américaine – particulièrement au sein de l’administration du département d’État, des grands médias et des think tanks importants – Clinton sera harcelée par des demandes et des projets “va-t-en guerre” émanant à la fois de l’extérieur de son administration et de son propre camp.

Déjà, des néoconservateurs influents, tel que Robert Kagan de la Brookings Institution, ne cachent pas qu’ils escomptent avoir une influence non négligeable sur la diplomatie de Clinton. Kagan, qui s’est repositionné lui-même comme un “libéral interventionniste”, offre son soutien à Clinton qui l’avait nommé au Conseil consultatif du département d’État.

On dit aussi à Washington que l’épouse néoconservatrice de Kagan, Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe pour l’Europe, une autre protégée de Clinton et l’architecte du “changement de régime” en Ukraine, serait en lice pour une haute fonction diplomatique dans l’administration Clinton.

Les néoconservateurs de retour aux manettes

A vrai dire, l’élection de Clinton signifie qu’une partie des personnes les plus dangereuses de la diplomatie américaine pourraient murmurer directement à ses oreilles leurs combines pour “toujours plus de guerre” – et son dossier montre qu’elle est parfaitement sensible à de tels conseils.

Robert Kagan, important intellectuel néoconservateur (Photo credit: Mariusz Kubik, http://www.mariuszkubik.pl)

Robert Kagan, important intellectuel néoconservateur (Photo credit: Mariusz Kubik, http://www.mariuszkubik.pl)

A chaque fois, en tant que sénatrice américaine et secrétaire d’État, Clinton a opté pour les solutions de “changement de régime” – de l’invasion de l’Irak en 2003 jusqu’au coup d’État au Honduras en 2009, à la guerre aérienne en Libye en 2011, à la guerre civile en Syrie depuis 2011 – ou bien elle s’est faite le chantre de l’escalade des conflits, comme en Afghanistan et en Iran, plutôt que de s’engager dans des négociations avec concessions mutuelles.

Parfois Obama a suivi cette ligne (le “sursaut” en Afghanistan, la guerre en Libye, l’affrontement contre le nucléaire iranien) mais parfois il n’a pas suivi cette ligne (désescalade en Afghanistan, finalement négociation de l’accord nucléaire avec l’Iran après le départ de Clinton, rejet d’un assaut militaire direct contre le gouvernement syrien, et travail de temps en temps avec les Russes sur l’Iran et la Syrie).

En d’autres termes, Obama a agi comme un frein à l’encontre de l’aventurisme belliqueux de Clinton. Avec Clinton comme présidente, il n’y aura plus de telles retenues. On peut s’attendre à ce qu’elle endosse de nombreux, si ce n’est tous, les cadres de pensée néoconservateurs aberrants, comme l’a fait George W. Bush quand ses conseillers néoconservateurs ont utilisé sa peur et sa fureur après le 11-Septembre pour le guider vers leur programme de “changement de régime” pour le Moyen-Orient.

Les néoconservateurs n’ont jamais abandonné leurs rêves de renverser les gouvernements moyen-orientaux qu’Israël a inscrits sur sa liste d’ennemis. L’Irak était seulement le premier. Les suivants furent la Syrie et l’Iran avec l’idée qu’en installant des dirigeants pro-israéliens dans ces pays, les ennemis frontaliers d’Israël – Hezbollah au Liban, Hamas et autres groupes militants palestiniens – pourraient être isolés et écrasés.

Après l’invasion de l’Irak par Bush en 2003, les néoconservateurs à Washington plaisantaient sur le choix du suivant, serait-ce l’Iran ou la Syrie, avec une maxime : “Pour les hommes, les vrais, c’est Téhéran !” Mais la guerre d’Irak n’a pas été la “promenade de santé” promise par les néoconservateurs. Au lieu de lancer des fleurs aux soldats américains, les Irakiens semèrent des bombes artisanales.

En réalité, beaucoup de “vrais hommes” et de “vraies femmes” – ainsi que de “vrais enfants” – sont morts en Irak, ainsi que presque 4500 soldats américains et des centaines de milliers d’irakiens.

Le calendrier néoconservateur en prit un coup, mais, à leur avis, uniquement en raison de l’incompétence de Bush dans le suivi en Irak. Si ce n’avait été cette occupation bâclée, les néoconservateurs pensaient qu’ils auraient pu continuer à faire chuter les autres régimes gênants, l’un après l’autre.

Professionnellement, les néoconservateurs échappèrent au désastre irakien largement indemnes et continuèrent à dominer les groupes de réflexion de Washington et les tribunes libres des principaux journaux américains comme le Washington Post et le New York Times. Jamais à la traîne, ils commencèrent à préparer des plans à long terme.

Une erreur d’Obama

Bien qu’ils aient perdu la Maison-Blanche en 2008, les néoconservateurs saisirent leur chance quand le président élu Obama fit le choix en matière de politique étrangère d’une “équipe de rivaux” en s’inspirant d’Abraham Lincoln. Au lieu d’aller chercher les “réalistes” de la politique étrangère marginalisés (et vieillissants) à Washington, Obama plongea sur le registre de l’establishment dominé par les néoconservateurs.

Obama recruta sa belliqueuse rivale démocrate, la sénatrice Hillary Clinton, au poste de secrétaire d’État et garda le secrétaire à la Défense de Bush, Robert Gates. Obama garda aussi la plupart des militaires du haut commandement mis en place par Bush, y compris le favori néoconservateur le général David Petraeus.

La stratégie de gestion naïve d’Obama laissa les néoconservateurs et leurs copains “libéraux interventionnistes” consolider leur contrôle bureaucratique sur la bureaucratie de la politique étrangère de Washington, bien que le président préférât une approche plus “réaliste” qui aurait utilisé plus judicieusement la puissance américaine – et il était moins assujetti  au gouvernement de droite israélien.

La secrétaire d'État adjointe pour l'Europe et l'Eurasie Victoria Nuland au cours d'une conférence à l'ambassade des États-Unis à Kiev, Ukraine, le 7 février 2014. (Photo du département d'État U.S.)

La secrétaire d’État adjointe pour l’Europe et l’Eurasie Victoria Nuland au cours d’une conférence à l’ambassade des États-Unis à Kiev, Ukraine, le 7 février 2014. (Photo du département d’État U.S.)

L’influence souterraine des néoconservateurs devint particulièrement évidente au département d’État de Clinton au moment où elle fit appel à Nuland, une idéologue néoconservatrice et une assistante auprès du vice-président Dick Cheney, pour être la porte-parole du département et la mit sur la voie du poste de secrétaire d’État adjointe pour les Affaires européennes (même si le poste ne fut officialisé qu’après le départ de Clinton en 2013).

L’influence des néoconservateurs/faucons libéraux est maintenant si forte au sein du département d’État que des officiels de ma connaissance qui occupent ces lieux réapparaissent, comme habités par des extraterrestres, débitant des discours arrogants pour le soutien de l’intervention américaine partout dans le monde. En revanche, je trouve, qu’en comparaison, la CIA et le Pentagone font preuve de réalisme et de retenue.

Peut-être le meilleur exemple de ce phénomène d'”extraterrestres” est-il le sénateur John Kerry qui a remplacé Clinton au poste de secrétaire d’État en devenant, au même moment, le porte-parole de la rhétorique la plus va-t-en-guerre de la bureaucratie.

Par exemple, Kerry a été partisan d’une campagne de bombardements en représailles contre l’armée syrienne en août 2013, ignorant les doutes de la communauté du renseignement sur la responsabilité ou non du régime de Bachar el Assad quant à l’attaque au gaz sarin dans la banlieue de Damas.

Au lieu d’écouter les analystes du renseignement, Kerry s’est aligné derrière la “pensée de groupe” pilotée par les néoconservateurs rejetant toute la faute sur Assad, l’excuse parfaite pour mettre en place, avec retard, le “changement de régime” syrien, cher aux néoconservateurs. Les néoconservateurs ne prirent pas en compte la réalité des faits – et Kerry abonda en ce sens. [Lire sur Consortiumnews.com “What’s the Matter with John Kerry?“]

Mais Obama, lui, n’a pas suivi. Il écoutait lorsque James R. Clapper, directeur du renseignement national, lui a dit qu’on était loin d’avoir des preuves que l’armée syrienne fût impliquée. (Au bout du compte, Il y aurait des preuves d’une provocation montée par les islamistes extrémistes afin de pousser l’armée américaine à intervenir à leur côté dans la guerre.)

Le directeur du renseignement national, James R. Clapper (à droite) parlant avec le président Barack Obama dans le bureau ovale en présence de John Brennan et d'autres membres de la National Security Agency. (Photo credit: Office of Director of National Intelligence)

Le directeur du renseignement national, James R. Clapper (à droite) parlant avec le président Barack Obama dans le bureau ovale en présence de John Brennan et d’autres membres de la National Security Agency. (Photo credit: Office of Director of National Intelligence)

Obama a reçu également une aide du président russe Vladimir Poutine qui persuada le président Assad de renoncer aux armes chimiques (alors qu’Assad a toujours nié tout rôle dans l’attaque au gaz sarin). L’aide de Poutine a énervé les néoconservateurs qui ont rapidement reconnu que la coopération Obama-Poutine était une menace profonde pour leur entreprise de « changements de régime ».

Cibler l’Ukraine

Certains néoconservateurs, plus intelligents, ont rapidement considéré l’Ukraine comme un coin qui pourrait être enfoncé entre Obama et Poutine. Carl Gershman, président de la Fondation nationale pour la démocratie (NED), a appelé l’Ukraine le “gros lot” et un premier pas potentiel pour écarter Poutine du pouvoir en Russie.

C’est à la secrétaire d’État adjointe Nuland qu’a été confiée la direction de l’opération en Ukraine jusqu’à sa réussite, telle qu’elle l’avait planifiée avec l’ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey Pyatt, pour se débarrasser du président ukrainien pro-russe Victor Ianukovich. Nuland et Pyatt ont été piégés par l’interception d’une discussion téléphonique portant sur qui devrait prendre la relève.

« Yats, c’est notre homme, » a dit Nuland à propos d’Arseni Iatseniouk qui allait en effet devenir le nouveau Premier ministre. Nuland et Pyatt ont alors échangé des idées sur comment « faire coller tout ça » et comment « donner naissance à ce truc ». Ce « truc » est devenu le sanglant coup d’État du 22 février 2014, qui a évincé le Président élu Ianukovich et provoqué une guerre civile entre « nationalistes » ukrainiens de l’Ouest et russes ethniques de l’Ukraine à l’Est.

Comme les « nationalistes », dont certains ouvertement néonazis, ont infligé des atrocités aux Russes ethniques, la Crimée a voté à 96 pour cent pour quitter l’Ukraine et rejoindre la Russie. La résistance au nouveau régime de Kiev a également surgi dans la région du Donbass oriental.

Pour le département d’État – et les médias américains traditionnels – ce conflit s’explique totalement par « l’agression russe » contre l’Ukraine et « l’invasion russe » de la Crimée (malgré le fait que les troupes russes étaient déjà en Crimée dans le cadre de l’accord sur la base navale de Sébastopol). Mais tous les gens qui comptent ont reconnu que le référendum en Crimée était « une mascarade » (quoique de nombreux sondages ont depuis confirmé les résultats).

Quand la citoyenne Clinton s’est penchée sur la crise en Ukraine, elle a comparé le Président russe Poutine à Hitler.

Ainsi, aujourd’hui, la stratégie du scénario – comme Obama le qualifierait – des faucons néoconservateurs/libéraux de Washington exige une concentration de plus en plus importante de troupes américaines et de systèmes d’armements de l’OTAN à la frontière russe pour dissuader « l’agression » de Poutine.

Une scène de « Docteur Folamour »dans laquelle le pilote de bombardier (joué par Slim Pickens) chevauche une bombe nucléaire vers sa cible en Union soviétique.

Une scène de « Docteur Folamour »dans laquelle le pilote de bombardier (joué par Slim Pickens) chevauche une bombe nucléaire vers sa cible en Union soviétique.

Ces durs à cuire et ces jeunes filles jurent aussi ignorer les avertissements de la Russie contre ce qu’elle estime des menaces militaires à son existence. Apparemment « les hommes, les vrais » vont à Moscou (peut-être en chevauchant une bombe nucléaire comme celle, fameuse, de « Docteur Folamour »).

Ian Joseph Brzezinski, fonctionnaire au département d’État sous la présidence de George W. Bush et maintenant expert en politique étrangère pour le Conseil atlantique, un groupe de réflexion de l’OTAN, a cosigné un article exhortant l’OTAN à incorporer des unités de l’armée ukrainienne au déploiement de ses opérations militaires le long de la frontière russe.

« Des responsables de la sécurité nationale ukrainienne de haut niveau ont incité vivement la communauté internationale à être plus audacieuse dans sa réponse aux actions militaires provocatrices de la Russie, » ont écrit Brzezinski (fils du vieux guerrier de la guerre froide, Zbigniew Brzezinski) et le coauteur ukrainien Markian Bilynskyj.

« Le déploiement d’une compagnie d’infanterie ukrainienne expérimentée ou d’une plus grande unité pour renforcer la défense du territoire de l’OTAN en Europe centrale serait une contribution positive au maintien des forces de l’Alliance dans la région. »

Suivre le scénario

Ce genre de discours ferme est celui que le prochain Président, quel qu’il ou elle soit, peut attendre d’un officiel de Washington. L’interview d’Obama dans The Atlantic montre bien qu’il se sent entouré et engagé par ces forces bellicistes, mais qu’il tire une certaine fierté à résister – de temps en temps – au scénario stratégique de Washington.

Mais comment la Présidente Hillary Clinton répondrait-elle ? Quand elle est apparue face au Comité américain des Affaires publiques d’Israël le 21 mars – à un moment où il semblait qu’elle avait presque remporté la nomination démocrate – Clinton a montré ce qu’on peut appeler son vrai visage, assurant servilement Israël de sa loyauté et promettant d’entretenir des relations étroites entre les États-Unis et Israël « en passant au niveau supérieur » (une expression qui s’applique d’habitude aux couples décidant d’emménager ensemble).

En examinant le rapport public de Clinton, on pourrait raisonnablement conclure qu’elle-même fait partie des néoconservateurs, tant dans sa dévotion à Israël que son penchant pour la solution des « changements de régime ». Elle suit aussi la tendance des néoconservateurs à diaboliser tout dirigeant étranger qui se met en travers de leur chemin. Mais même si elle n’en est pas membre à part entière, elle se plie souvent à leurs demandes.

Un écart possible par rapport à cette ligne est l’amitié personnelle de Clinton avec le conseiller de longue date Sidney Blumenthal, qui a très tôt critiqué le néo-conservatisme lorsqu’il est apparu comme une force puissante durant l’administration Reagan. Blumenthal et son fils Max ont aussi osé critiquer le traitement abusif des Palestiniens par Israël.

Cependant, le lobby d’Israël semble ne courir aucun risque d’entendre la voix de Sidney Blumenthal pendant une 45e administration dirigée par Clinton. Le mois dernier, un groupe pro-sioniste, The World Values Network, a acheté une pleine page du New York Times pour attaquer Blumenthal et son fils et a déclaré que « Hillary Clinton doit désavouer ses conseillers anti-Israël. »

Un graphique de The World Values Network attaque Sidney et Max Blumenthal

Un graphique de The World Values Network attaque Sidney et Max Blumenthal

Bien que Clinton ne puisse se dissocier publiquement de Sidney Blumenthal, la frappe préventive a rétréci sa marge d’action et a aidé le clan Kagan-Nuland à foncer au cœur de la politique étrangère de Clinton.

En effet, l’objectif principal de Clinton, si elle est élue, est probablement d’assurer sa réélection. En politicien traditionnel, elle devrait penser que le moyen de réaliser sa réélection est de rester du bon côté du leadership israélien. Dans cette optique, elle a promis à l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) que, Présidente, elle inviterait immédiatement le Premier ministre Benyamin Netanyahou à la Maison-Blanche.

Ainsi, qu’arriverait-il si Clinton faisait passer la relation américano-israélienne « au niveau supérieur » ? Vraisemblablement cela signifierait adopter une ligne très dure envers l’accord nucléaire de l’an dernier avec l’Iran. Or, étant donné la réticence américaine à accorder un allègement significatif des sanctions économiques, l’Iran met déjà en doute l’intérêt de son consentement aux contraintes exceptionnelles de son programme nucléaire.

Une approche belliqueuse de Clinton – condamnant le comportement de l’Iran et imposant de nouvelles sanctions – renforcerait, au sein du gouvernement, les tenants d’une politique dure envers l’Iran et pourrait bien mener l’Iran à renoncer à l’accord en raison de la mauvaise foi américaine. Cela, bien sûr, plairait aux néoconservateurs et à Netanyahou en remettant en jeu l’option « boum boum boum l’Iran ». [Le refrain des Beach Boys, « Bar bar bar bar Barbar Ann », a été détourné par McCain en « Bomb bomb bomb, bomb bomb Iran », NdT]

Un renversement stupéfiant

Clinton peut avoir considéré son discours à l’AIPAC comme l’amorce du « recentrage » qu’elle attendait tant – la libérant finalement de l’obligation de faire la cour aux progressistes – mais ensuite elle a subi une série de défaites, souvent de l’ordre du raz de marée, aux primaires et au comité électoral aux mains du sénateur Bernie Sanders.

En plus de ces défaites stupéfiantes, la campagne de Clinton a nettement souffert d’un « manque d’enthousiasme ». Sanders, le « social-démocrate » de 74 ans du Vermont, attire des foules énormes et surexcitées et gagne d’impressionnants pourcentages d’électeurs plus jeunes. En attendant, Clinton est confrontée à des sondages montrant des taux élevés d’opinions négatives et une extraordinaire méfiance publique.

Le sénateur Bernie Sanders du Vermont cherche l'Investiture démocrate à la présidentielle.

Le sénateur Bernie Sanders du Vermont cherche l’Investiture démocrate à la présidentielle.

Si elle obtient la nomination démocrate, elle ne peut que s’engager dans une campagne négative acharnée puisque – face au manque d’enthousiasme des électeurs – sa meilleure chance de victoire est de diaboliser à un tel point son adversaire républicain que Démocrates et Indépendants se rendent aux urnes, morts de peur à l’idée de ce que le fou furieux du Parti républicain pourrait faire.

A l’heure qu’il est, beaucoup de partisans de Clinton la voient comme le choix – pas très excitant – de « la sécurité », une femme politique dont le long curriculum leur apporte l’assurance qu’elle doit savoir ce qu’elle fait. Les Afro-Américains, qui ont été ses électeurs les plus loyaux, se sentent apparemment plus à l’aise avec quelqu’un qu’ils connaissent (qui a eu aussi des fonctions dans l’administration Obama), que Sanders, qui est inconnu pour beaucoup et vu comme quelqu’un dont les programmes ambitieux semblent moins concrets que les idées sans envergure de Clinton.

Mais regarder de près le curriculum de Clinton, particulièrement son attachement aux « changements de régime » et autres plans interventionnistes au Moyen-Orient et en l’Europe de l’Est, pourrait faire réfléchir les électeurs pacifistes. [Lire sur Consortiumnews.com, « Is Hillary Clinton ‘Qualified’ ? »]

Des néoconservateurs astucieux, comme Robert Kagan, ont compris depuis longtemps que Clinton pourrait être leur cheval de Troie, tiré dans la Maison-Blanche par les électeurs Démocrates. Kagan a déclaré au New York Times : « Je me sens à l’aise avec elle sur la politique étrangère. Si elle poursuit la politique que nous pensons qu’elle poursuivra, ce sera ce qu’on pourrait appeler du néo-conservatisme, mais il est clair que ses partisans ne vont pas l’appeler ainsi ; ils vont l’appeler autrement. »

Le même article du Times a remarqué que Clinton « reste le navire dans lequel beaucoup d’interventionnistes mettent leurs espoirs. » Cependant, si elle est ce « navire » rapportant une politique étrangère néoconservatrice à la Maison-Blanche, ce choix « sécurisant » pourrait se révéler dangereux pour Amérique et la planète.

Source : Consortiumnews.com, le 10/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/une-victoire-de-clinton-signifierait-elle-plus-de-guerres-par-robert-parry/


[Vidéo] La “Pacification” en Algérie

Saturday 4 June 2016 at 01:00

Comme certains on trouvé que j’en faisait trop, cadeau 😉

Source : LDH Toulon, 10-03-2012

Le choc de photographies de torture vues en novembre 1956 dans sa rédaction va bouleverser la vie d’un jeune reporter-photographe. Incorporé en Algérie à l’âge de vingt ans comme infirmier dans les parachutistes, André Gazut déserte. Obsédé par cette guerre qu’il s’est refusé de faire, il couvrira une quinzaine de conflits comme réalisateur.

En 1960, il entre à la Télévision suisse romande. Il a été le caméraman du documentaire Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophüls en 1969. Réalisateur de nombreux reportages pour le magazine suisse Temps présent, en 2002 il réalise pour ARTE la Pacification en Algérie [1], un documentaire dénonçant la pratique de la torture par l’armée française pendant la guerre d’Algérie, que vous pourrez voir ci-dessous en deux parties, accompagnées de commentaires extraits du dossier de presse [2] – une liste chronologique des intervenants peut aider à se repérer dans les deux vidéos.

PACIFICATION EN ALGÉRIE 1954-1962

1ère partie : Le sale boulot – (60 min)

La première partie de Pacification en Algérie débute en 1945 pour s’interrompre en 1956. En mai 1945, Paris fête la fin de la barbarie nazie, alors qu’au même moment, de l’autre côté de la Méditerranée, l’armée française massacre plus de 10 000 personnes en Algérie en représailles au soulèvement nationaliste de Sétif. Les Algériens, qui ont combattu l’Allemagne aux côtés des Français, réclament l’indépendance. Mais la France s’accroche à son empire, croyant défendre sa grandeur perdue. Dans l’imagerie coloniale de l’époque, l’Algérie ne serait rien sans l’œuvre civilisatrice de la France. “L’Algérie, c’est la France”, dit François Mitterrand, et, quand en 1954 commence véritablement la guérilla du FLN, les gouvernements de la IVe République vont laisser carte blanche à l’armée pour rétablir l’ordre. On dépoussière les lois de “responsabilité collective” abrogées à la Libération par de Gaulle, on censure la presse, on ouvre des “camps de regroupement”, on menace les soldats qui oseraient dénoncer les tortures : c’est la “pacification” de l’Algérie, officiellement une opération de police, en fait une véritable guerre qui va s’intensifier en 1958 avec le vote des pleins pouvoirs à l’armée.

Anesthésie de la conscience

En exergue au documentaire, deux questions : “Où finit la soumission à l’autorité ? Où commence la responsabilité de l’individu ?” Ces questions, André Gazut y a été confronté en son temps puisqu’il a été photographe puis soldat durant la guerre d’Algérie. Il y a même doublement répondu, d’abord par la désertion et l’exil, puis par son engagement dans le cinéma (cameraman du film Le Chagrin et la Pitié, réalisateur, il est également l’auteur d’un portrait resté longtemps censuré du général de Bollardière). S’appuyant sur son expérience de la guerre, il explore l’état d’esprit des acteurs de ce drame – de l’appelé au gradé, du para à l’élu, de Ben Bella aux combattants algériens – et nous laisse le soin de juger. Il montre la rancœur de l’armée, défaite en 1940 et humiliée en Indochine. Il explique l’indifférence puis la complicité de l’opinion publique, le racisme ordinaire, les ratonnades, le mépris envers les premiers immigrés algériens. Il interroge la faiblesse des protestations, l’absence de résistance : une stupéfiante “anesthésie de la conscience” qui a poussé même les plus militants, même les plus chrétiens à “faire leur boulot, un sale boulot”. Aux témoignages d’une grande qualité répondent des documents étonnants : actualités télévisées, discours va-t-en-guerre et surtout ces films de propagande destinés à démontrer aux appelés que la France est avant tout là pour “gagner le cœur et les âmes” des Algériens. Une mise en perspective claire pour comprendre les enjeux tant historiques qu’humains de la guerre d’Algérie.

2ème partie : La politique du mensonge – (60 min)

Comment a-t-on justifié la “sale guerre” menée par la France en Algérie ? Comment a-t-on pu laisser faire, accepter l’inacceptable, la torture et la barbarie ? Dans la seconde partie de Pacification en Algérie, André Gazut pose la question des responsabilités, morales et politiques, des élites. Un réquisitoire accablant.
Dans cette seconde partie, André Gazut reprend la chronologie où il l’avait laissée. On est en 1956, la “pacification” suit son cours dans l’indifférence générale. À part les familles où l’un des fils est appelé à combattre, peu de gens se sentent concernés par “les événements” d’Algérie. Pourtant, c’est bientôt “la bataille d’Alger”. Les paras ont tous les pouvoirs pour réprimer le “terrorisme” et ne s’en privent pas : arrestations massives, torture, exécutions sommaires. Quiconque dénonce les pratiques de l’armée est aussitôt accusé de subversion communiste et sanctionné. À la télévision, le président du conseil ment aux Français. Alors que l’armée sabote systématiquement les tentatives de négociation avec le FLN, les tendances factieuses s’exacerbent en son sein. En mai 1958, elles imposent le retour aux affaires du général de Gaulle, puis fomentent le “putsch des généraux” en 1961 contre cette nouvelle République qui négocie l’indépendance de l’Algérie.

J’accuse !

À la différence de la première partie, la Politique du mensonge n’est pas centrée sur le vécu des appelés. Le ton change, les images se font plus dures : André Gazut accuse. Il interroge les plus proches collaborateurs du pouvoir et dénonce les hommes politiques, socialistes en tête, qui ont lâché la bride à l’armée et couvert ses exactions, pourvu que les résultats suivent. Il utilise des extraits de son film censuré sur le général de Bollardière, et fait intervenir le général Massu, le colonel Argoud, chef de “l’action psychologique”, le ministre résident Robert Lacoste, Gisèle Halimi et Pierre Messmer, ministre des Armées de de Gaulle.

Note d’intention du réalisateur

Le choc de photographies de torture vues en 1956 à la rédaction du mensuel « Réalités » où je suis un jeune reporter-photographe de 18 ans va bouleverser ma vie. Pour moi, orphelin d’un père mort prisonnier en Allemagne, la torture c’est le symbole du nazisme. Mais en Algérie c’est mon pays qui torture, humilie. Incorporé comme infirmier dans les parachutistes, je déserte. Obsédé par la guerre d’Algérie que j’ai refusé de faire et obsédé par le problème de la violence, je couvre une quinzaine de conflits comme réalisateur.

En 1970 je réalise un reportage aux Etats-Unis sur le procès du massacre de Song Mi, au Vietnam. Puis en 1973, une enquête sur la torture dans le monde et en 1974, un documentaire sur le Général de Bollardière, seul officier supérieur à avoir refusé publiquement en Algérie l’emploi de la torture. J’enregistre alors les témoignages du Général Massu et de Robert Lacoste. Ce film, produit par la Télévision suisse romande, sera diffusé en Suisse, en Belgique et au Canada, mais non en France.

Le 23 novembre 2000, en première page, Le Monde publie des interviews des généraux Massu et Aussaresse suite au témoignage de l’algérienne Louisette Ighilahriz torturée par des parachutistes. Commence alors un débat de société. A la demande de diverses organisations, je parcours la France pour projeter le film sur le Général de Bollardière qui suscite d’émouvants et précieux témoignages d’anciens appelés en Algérie [3].

Patrice Barrat, producteur d’Article Z, me demande alors de développer un projet sur cette « guerre refoulée ».

Le temps est venu d’aborder les non-dits de la guerre d’Algérie. Recueillir les témoignages des appelés est nécessaire mais il faut situer le contexte de ce conflit : guerre froide, perte de l’Indochine, décolonisation. Faire sentir la société française d’alors où dominent deux sensibilités : catholique et communiste. Appréhender la faiblesse politique de la IVe république qui ne résistera pas à la poursuite de la guerre en Algérie. Recréer l’ambiance dans laquelle se trouve le jeune appelé soumis à la propagande de l’action psychologique de l’armée. Ne pas oublier les occasions manquées de négociations possibles. Et puis présenter les mensonges des politiques, des militaires et le silence de l’aumônerie militaire. Faire reposer le film sur ma propre expérience de jeune français pendant la guerre d’Algérie qui choisit de déserter. Je suis reconnaissant à ARTE et à ARTICLE Z de m’avoir encouragé et entouré dans ce travail de retour sur moi-même et sur la société française pendant la guerre d’Alger.

André Gazut

Liste des intervenants, dans l’ordre d’apparition

LE SALE BOULOT

  • Henri Peninou, Lieutenant parachutiste puis aumônier militaire
  • Loïc Collet, Régiment d’infanterie
  • Ahmed Ben Bella, Un des 9 chefs historiques du FLN,Premier président de la république algérienne
  • R.P. Maurice Denoue, Chasseur porté
  • Jacques Inrep, Régiment du Train
  • Philippe de Broca, Service cinéma de l’armée
  • Si Azzedine, Commandant de la Willaya IV
  • Robert Verdier, Président du groupe parlementaire SFIO
  • Alain Dejardin, Sergent parachutiste
  • Stanislas Hutin, Infanterie coloniale
  • Benoist Rey, Commando de chasse
  • Marc Garanger, Régiment d’infanterie
  • Edgar Faure, Ministre des affaires étrangères 1956 (archive)
  • Yvonnick Leclere, Fils du directeur du camp de Djorf
  • José, Lieutenant, commando de chasse
  • Roger Boisseau, Député communiste en 1957
  • Maurice Sauvage, Militant communiste, Infanterie coloniale

LA POLITIQUE DU MENSONGE

  • Henri Peninou, Lieutenant parachutiste puis aumônier militaire
  • Robert Verdier, Président du groupe parlementaire SFIO
  • Ahmed Ben Bella, Un des 9 chefs historiques du FLN, Premier président de la république algérienne
  • Simone de Bollardière, Epouse du Général J. de Bollardière
  • Général Jacques de Bollardière, Commandant du secteur est de l’Atlas blidéen (extrait documentaire sur le Gl de Bollardière 1974)
  • Général Jacques Massu, 10ème division parachutiste, Commandant militaire du Département d’Alger en 1957 (extrait documentaire sur le Gl de Bollardière 1974)
  • Robert Lacoste, Ministre résident puis ministre de l’Algérie (extrait documentaire sur le Général de Bollardière 1976)
  • Gisèle Halimi, Avocate
  • Si Azzedine, Commandant de la Willaya IV
  • Christian Pineau, Ministre des affaires étrangères 1957 (archive)
  • Germaine Tillion, Résistante déportée, Ethnographe, spécialiste de l’Algérie Chargée de mission au cabinet de Soustelle en 1955/56
  • Guy Mollet, Président du Conseil 1956-1957 (archive)
  • R.P. Marcel Bauvineau, Infanterie coloniale
  • Henri Demangeau, fusiller marin
  • Yacef Saadi, Chef zone autonome d’Alger 1956-57
  • Alain Dejardin, Sergent parachutiste
  • Colonel Antoine Argoud, Commandant du sous-secteur du Piémont 1957 (archive TSR)
  • Charles de Gaulle, Président de la république (archive)
  • Gaston Gosselin, Collaborateur au ministère de la justice
  • Jean Clavel,militant communiste, soldat du refus
  • Pierre Messmer, Ministre des armées 1960
  • Benoist Rey, Commando de chasse

André Gazut : “pour moi, ces choses-là sont inadmissibles”

  • Qu’est-ce qui vous a poussé à déserter ?

André Gazut : Quand j’avais 18 ans, je travaillais comme jeune photographe-reporter à Réalités. Un jour, un reporter revient d’Algérie, en décembre 1956, et montre des photos prises sur place pour dire que la pacification, c’est aussi ça. Je veux dire un visage ignoble et atroce qui n’a rien à voir avec l’image idyllique prônée par les officiels. Moi, qui lisais France Observateur et Témoignage chrétien, je me suis dit que ce n’étaient pas des accusations gratuites et que, dans deux ans, je serais appelé à faire cette guerre. Or, pour moi, ces choses-là sont inadmissibles, la torture et les disparitions relèvent du nazisme. Comment est-ce possible que dans une démocratie, quelques années après la victoire sur le fascisme, on emploie ces méthodes ? Alors, j’ai passé les deux années qui ont précédées mon incorporation à lire et à écouter tous ce qui se disait sur cette guerre. Je me posais aussi beaucoup de questions.

  • Comment êtes-vous arrivé à la désertion ?

Quand de Gaulle arriva au pouvoir, en mai 1958, personne ne savait où il allait exactement. C’est à ce moment-là que j’ai été appelé à faire mes trois jours de tests qui précédent l’incorporation. Auparavant, bien sûr, j’ai pris le soin de bien me renseigner.

J’ai fini par dire que j’étais d’accord de porter l’uniforme, mais je refusais de porter les armes. Comme mes amis l’ont prévu, on m’a demandé de me porter volontaire comme infirmier parachutiste. J’étais d’abord formé en France. Une fois le brevet de parachutiste obtenu, j’ai entamé les cours pour devenir infirmier. Là, j’ai rencontré quelques camarades qui ont fait le même choix. Un qui était déjà sur place m’écrivit, dans l’une de ces lettres, la chose suivante : “André, réfléchis bien ! Moi, je dois donner des soins à des gens qui ont été torturés. Si je le fais, ils peuvent repasser à la torture ; si je ne le fais pas, ils risquent de mourir. Alors, réfléchis.” C’est à ce moment-là que j’ai décidé de déserter par l’Allemagne avant de rejoindre la Suisse.

André Gazut [4]

Notes

[1Pacification en Algérie, documentaire d’André Gazut. Coproduction ARTE France, Article Z (Patrice Barrat), en association avec la Télévision Suisse Romande et RIFF International, et le soutien du Centre National de la Cinématographie, la PROCIREP et du FASILD.

[2] Dossier de Presse ARTE Pacification : http://download.pro.arte.tv/archive….

[3] [Note de LDH-Toulon] – Accompagné de Simone de Bollardière, André Gazut était à Toulon le 17 octobre 2001, pour une projection/débat du film Le Général de Bollardière et la torture organisée par la Ligue des droits de l’Homme de Toulon : voir “Apprendre à dire non !” par Simone de Bollardière.

[4] Extrait d’un entretien avec André Gazut, publié dans Liberté (DZ), le 24 décembre 2003.

Source : LDH Toulon, 10-03-2012

pacification-algerie

Source: http://www.les-crises.fr/video-la-pacification-en-algerie/


Livre d’économie : s’il ne fallait en lire qu’un… par RST

Saturday 4 June 2016 at 00:30

Et cela permet de soutenir les indispensables éditions Yves Michel 🙂

Source : Eco(dé)mystificateur, 07-03-2016

COUV-NEOliberalismeJ’ai lu beaucoup de livres d’économie depuis maintenant plus de 8 ans dont certains vraiment épatants et qui m’ont permis de progresser dans le domaine. Mais, aujourd’hui, si je devais n’en prendre qu’un avec moi sur une ile déserte, ce serait sans aucun doute celui que vient de publier Edouard Cottin-Euziol, intitulé « Néolibéralisme versus État-providence » et sous-titré « Le débat économique entre classiques et keynésiens ». Il y a tout dans cet ouvrage. Tout ce qu’il faut pour, quel que soit son niveau en économie, comprendre les différentes thèses en présence et se faire un avis éclairé sur les mesures à mettre en œuvre pour que notre époque d’abondance profite enfin au plus grand nombre. Il faudrait d’ailleurs d’urgence que Myriam El Khomri le lise. Elle comprendrait sans doute pourquoi ce qu’elle propose actuellement dans son projet de Loi Travail est un non-sens absolu.

La grande force du livre d’Edouard Cottin est de présenter, sans à priori, les 2 principales thèses en présence, celle défendue par les classiques et celle défendue par les keynésiens. Il le fait à travers une fiction qui voit 2 économistes débattre dans le cadre d’une conférence. Cela donne un style tout à fait plaisant au livre qui se lit comme un roman. Le choix de présenter systématiquement, pour chaque grand sujet (de la détermination des salaires au commerce international, en passant par l’origine du chômage ou l’inflation), la thèse classique et de la démonter ensuite en exposant la thèse keynésienne, se justifie par la prédominance de la thèse classique dans la vraie vie. Et l’effet pédagogique est indéniable : l’absurdité de la théorie dominante apparait dans toute sa splendeur.

Espérons que ce livre rencontrera le succès qu’il mérite et qu’il aidera certains, comme le dit l’auteur, à comprendre que cette théorie économique dominante est une vaste mystification.

Source : Eco(dé)mystificateur, 07-03-2016

 

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Édouard COTTIN-EUZIOL Le débat économique entre classiques et keynésiens

Source : Editions Yves Michel

COUV-NEOliberalismeComment tendre vers un système économique plus prospère, juste et durable ? 

Comment se déterminent les salaires sur le marché du travail ? Quelles sont les principales causes du chômage ? L’offre crée-t-elle sa propre demande ? L’épargne peut-elle être trop abondante ? Quel est l’impact des politiques de relance budgétaires et du commerce international sur la croissance des économies ? Quelle est l’origine de l’inflation et comment la combattre ? Quelles politiques économiques conduire pour sortir les économies de la crise et bâtir un monde meilleur ?

Pour répondre à ces questions, Edouard Cottin-Euziol imagine un débat entre deux professeurs émérites, acquis à deux théories économiques opposées – les écoles (néo)classique et (post)keynésienne.

Leurs discussions offriront au public les éléments nécessaires pour mieux comprendre le fonctionnement de nos économies ainsi que les grands débats qui secouent actuellement la communauté des économistes et dont l’issue contribuera à façonner le monde de demain.

Une approche vivante et accessible des différences entre les théories (néo)classique et keynésienne.

L’auteur : Édouard Cottin-Euziol est titulaire d’un doctorat en économie portant sur les théories monétaires et la pensée keynésienne. En parallèle de sa thèse, il a enseigné l’économie pendant six ans à l’Université de Limoges. Il effectue actuellement un post-doctorat dans un institut de recherche en Allemagne, au sein d’une équipe qui réfléchit à l’avenir du système monétaire international.

Source : Editions Yves Michel

Source: https://www.les-crises.fr/livre-deconomie-sil-ne-fallait-en-lire-quun-par-rst/


La France promeut l’arbitrage privé du Tafta au sein même de l’Europe

Saturday 4 June 2016 at 00:06

Source : Le Monde, Maxime Vaudano, 19.05.2016

La France, héraut de la lutte pour un Tafta plus équitable et contre des tribunaux privés au service des multinationales ? Cette image que le gouvernement tente de renvoyer depuis quelques semaines risque d’être mise à mal par un document confidentiel consulté par Le Monde, dans lequel un groupe de cinq pays européens, dont la France, propose l’instauration d’une juridiction d’exception européenne au service des entreprises souhaitant attaquer les décisions des Etats.

Ce document de travail rédigé par la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et les Pays-Bas, obtenu par le réseau militant Seattle to Brussels, a été transmis le 7 avril au Conseil des ministres européens. Il répond à l’offensive lancée à l’été 2015 par la Commission européenne pour abroger les quelque 200 traités d’investissement bilatéraux toujours en vigueur entre les « anciens » et les « nouveaux » Etats-membres de l’Union européenne, issus des élargissements récents.

L’institution bruxelloise juge ces accords non seulement inutiles – car le marché unique a déjà uniformisé les règles d’investissement entre les Vingt-Huit –, mais surtout incompatibles avec le droit européen – car générateurs de discriminations entre eux.

Menacés plus ou moins directement de sanctions par la Commission pour avoir conservé ces traités obsolètes, conclus dans les années 1990, ces cinq pays se disent prêts à les abroger, à condition qu’un nouveau régime harmonisé de protection des investissements leur succède.

« Ni utile ni nécessaire », disait la France

Et c’est là que le bât blesse. Car le quintet ne se contente pas de réclamer un cadre législatif clarifié. Il souhaite sauver le mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats, une juridiction arbitrale privée vers laquelle les entreprises peuvent se tourner en lieu et place des tribunaux nationaux. Plus connu sous son acronyme anglais ISDS (investor-state dispute settlement), ce système est l’un des volets les plus controversés du traité transatlantique Tafta/TTIP, en négociation entre l’UE et les Etats-Unis.

Source: https://www.les-crises.fr/la-france-promeut-larbitrage-prive-du-tafta-au-sein-meme-de-leurope/