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Actu’Ukraine, 18 septembre, par Nicolas

Thursday 18 September 2014 at 00:30

Nicolas est citoyen franco-américain, a vécu au Japon, en Allemagne, en Russie, et en Italie et est actuellement traducteur et consultant export freelance.

Je lui ai proposé de développer ses commentaires dans des billets réguliers.

Commençons par la situation militaire dans le Donbass.

La situation militaire a dans l’ensemble peu changé. Actuellement, kot-ivanov ne met plus sa carte à jour, un autre blogueur a pris le relais

carte au 15/09

carte au 15/09

RPD

Kiev continue de bombarder Donetsk, Makeevka, Gorlovka, Marinka et plusieurs autres villes de RPD (Oktyabrskiy, Azotniy…). Des centaines de soldats de Kiev sont toujours dans l’aéroport de Donetsk, encerclés, et seraient responsables de nombreux bombardements de Donetsk et Makeevka. Il reste le 16 septembre des centaines de soldats de Kiev (y compris de nombreux mercenaires étrangers d’après les rebelles) disposant de dizaines de blindés à déloger de cette position stratégique. De nombreux combats ont lieu sur le territoire de l’aéroport, et la RPD doit repousser des tentatives de Kiev pour entrer dans l’aéroport avec des blindés et briser l’encerclement. Les troupes de RPD continuent de progresser dans l’aéroport et annoncent (encore une fois) que l’aéroport sera bientôt sous leur contrôle. La population de Donetsk subit les bombardements les plus lourds, avec notamment 20 civils tués pour la seule journée du 14 septembre.

À Gorlovka, les rebelles ont repoussé une tentative de percer vers Konstantinovka. (14/09)

Un groupes de soldats de Kiev est encerclé un peu au sud de Debaltsevo (Jdanovka), les rebelles ont repoussé une tentative de briser leur encerclement (14/09). Des renforts à destination de Debaltsevo sont bloqués par les rebelles, certains affirment donc que Debaltsevo est encerclé ce qui est un peu exagéré pour l’instant : les rebelles n’ont pas encore de positions renforcées ni de blindés au nord de Debaltsevo. Les Cosaques du Don et les “Fantômes” (Prizrak) de Mozgovoï sont dans les environs de Debaltsevo.

Des affrontements ont lieu un peu partout sur le front, notamment à Telmanovo (village clé sur la route vers le bout de côte tenu par les rebelles) et Volnovakha (à mi-chemin entre Donetsk et Marioupol), mais aussi Yassinovataya, Novotroïtskoyé, Nijnaya Krynka. Au sud de Donetsk, Starabechevo et ses environs sont sous le contrôle de Motorola et ses hommes, et des rebelles notent sarcastiquement que les soldats ennemis le savent et évitent activement les affrontements avec eux.

Les rebelles continuent de détruire ou récupérer du matériel ennemi, mais à un rythme très réduit : chaque jour, une pièce d’artillerie, un tank, etc, pas plus de 10 “unités” en tout par jour. Un rare tank T-72-M, a été obtenu en très bon état. Cocorico, il est équipé d’électronique Thales ! Merci la France.

T-72-M-Thales

T-72-M-Thales, modèle rare… espérons.

Pas de changement du côté de Marioupol où l’on continue de construire des tranchées. Les rebelles tiennent toujours plusieurs banlieues côté est et sont bombardés par l’artillerie de Kiev. Un couvre-feu très strict est en place à Marioupol. Après la destruction d’un pont au nord de Marioupol, on signale qu’un autre a été miné.

RPL

La situation y est dans l’ensemble plus calme qu’en RPL. Des affrontements sont toutefois signalés à Schastyé (ville clé au nord de Lougansk, aux mains de Kiev), Zolotoyé, Kamychevakha. Ces combats n’ont pas empêché les habitants de Lougansk de fêter le jour de la ville. (14/09)

Notons la présence visible du groupe de bikers “Les loups de la nuit”. Ce club a été créé en 1989 et est connu notamment pour ses relations amicales avec le président russe. Notons au passage que Vladimir Poutine a également d’excellentes relations avec les Cosaques du Don, qui a récemment prêté serment puis défilé à Perevalsk.

Nous constatons donc que tous ces amis qui semblaient un peu folkloriques à la plupart des occidentaux (surtout à ceux qui savent tout mais ne comprennent pas trop ce qui se passe au-delà du périph’ parisien) sont aujourd’hui en première ligne pour défendre les russophones du Donbass, qui ont demandé leur indépendance par référendum, contre l’invasion de Kiev.

Sur la vidéo de la fête de Lougansk, on peut aussi constater qu’un camion porte à la fois le drapeau de l’URSS (athéiste donc, a priori) et un drapeau montrant un visage christique, ce qui rappelle qu’athées et chrétiens combattent ensemble, ainsi que de nombreux musulmans du monde russe (Tchétchènes, Ossètes etc), et probablement des bouddhistes puisque des Kalmouks sont présents (la Kalmoukie est la seule région bouddhiste d’Europe). De même, communistes tsaristes et nationalistes se battent contre l’ennemi commun. Nous aurons le temps de revenir sur ce sujet. Signalons quand même le plus évident : La grande majorité des rebelles sont citoyens de l’Ukraine, beaucoup sont ukrainiens ethniques, et personne ne leur interdit de parler ukrainien (d’ailleurs l’ukrainien est langue officielle de la RPD, selon sa Constitution).

Le 16 septembre, les armées de RPD et RPL ont été unies en armée de Novorossie.

Côté Kiev

Oleg Lyashko, député nationaliste, affirme que 8 000 soldats sont morts, que le gouvernement cache les pertes réelles, et utilise même un crematorium allemand pour faire disparaître les corps des soldats.

crematorium Lyachko

Selon Lyachko, ceci est la photo satellite d’un crématorium utilisé pour brûler les corps de soldats. On n’est pas obligé d’y croire.

Il y a même une photo satellite pour illustrer ses propos. Cette histoire de crématorium est difficile à prendre au sérieux, mais le chiffre de 8 000 soldats tués est plus réaliste que les ~900 annoncés par Kiev. Un indice concernant cette annonce : la page du site du Parti Radical de Lyashko qui parlait de ce crématorium a été effacée. On voit surtout que les adversaires de Porochenko sont prêts à tout pour le discréditer.
La 3e vague de mobilisation s’est très mal passée selon de nombreux observateurs. Kiev continue cependant d’annoncer des bonnes nouvelles, avec la réparation depuis le début de la trêve de 67 “unités” dont 30 tanks et 20 blindés (juste avant la trêve, les rebelles détruisaient ou capturaient près de 30 blindés par jours, tanks compris. Dans la foulée de l’annonce de Kiev, les rebelles ont annoncé avoir 200 “unités” en cours de réparation, avec 50 réparations effectuées par semaine. Une fois n’est pas coutume, les chiffres annoncés d’un côté comme de l’autre ne sont pas invraisemblables.

Comme annoncé précédemment, l’Ukraine a indiqué qu’elle se défendra contre l’invasion russe, et elle se défend. Avec un mur. Ah, un fossé, en fait.

L’idée est de faire une nouvelle ligne Mannerheim, qui a permis à la Finlande de résister à l’URSS de Iossif Djougachvilivi pendant un certain temps lors de la Guerre d’Hiver. Elle était très largement plus faible que la ligne Maginot. Il semble que l’idée soit de dépenser autant d’argent que possible de la façon la plus inutile possible.

Ci-dessus, des tanks russes s’entraînent à passer des fossés. Démonstration est donc faite que le Grand Fossé d’Ukraine en cours de construction n’a strictement aucun intérêt. La vidéo précédente affirme aussi que le Fossé pourrait arrêter des rebelles à pied, difficile de comprendre comment. Ils vont enduire les parois de savon ? À noter que le “mur”, c’est-à-dire le Fossé, sera aussi creusé le long de la frontière avec la Crimée, qui selon Kiev est ukrainienne et qu’ils reprendront bientôt. L’objectif est donc d’empêcher leur propres tanks de reprendre la Crimée ? Tout cela est difficile à comprendre.

Le ministère de la défense ukrainien a officiellement confirmé que les pays de l’OTAN ont commencé leurs livraisons d’armes et de blindés.

Les élections législatives s’approchent dans le territoire contrôlé par Kiev. Il en sera question dans le prochain billet, ainsi que du statut spécial du Donbass promis par Kiev pour 3 ans qui a été voté le 16 septembre. A priori, c’est trop pour Svoboda, Secteur Droit etc, mais pas assez pour le Donbass qui veut simplement l’indépendance.

Échange de prisonniers

Plusieurs échanges de prisonniers ont eu lieu, c’est le point le plus positif de la trêve. Notons que lorsque Porochenko a annoncé que 1200 soldats de Kiev avaient déjà été libérés, il s’agissait simplement de dire n’importe quoi pour annoncer une bonne nouvelle, il en a grand besoin. Il y avait alors simplement un accord pour libérer les prisonniers “tous contre tous”, et une petite vingtaine de soldats de Kiev seulement avaient à ce moment-là été libérés. Depuis, les échanges se succèdent, sous supervision de l’OSCE. Lors d’un premier échange, 36 (37?) soldats de chaque camp devaient rentrer chez eux, Kiev en a relâché 31, contre 36 en échange. Le 14 septembre, 73 soldats de Kiev auraient été libéré contre 68 rebelles (l’accord était 73 contre 73). Les rebelles libérés racontent leur captivité, et l’on apprend qu’il n’y a pas de torture ni même de mauvais traitements systématiques, y compris par le bataillon Aïdar. Cela est rassurant, puisqu’on connaissait jusqu’à présent plusieurs cas de tortures de rebelles prisonniers, dont 2 avaient été battus pratiquement à mort (Strelkov avait annoncé qu’ils n’avaient aucune chance de survivre), et plus récemment les restes de 8 prisonniers du groupe Prizrak (Fantôme) de Mozgovoï ont été retrouvés en très mauvais état, abattus après avoir été torturés par la garde nationale, qui avait promis d’échanger ces prisonniers contre leurs hommes faits prisonniers par Prizrak. Une vidéo montrant les restes de ces hommes, est disponible sur Youtube.

D’autres échanges auront lieu dans les prochains jours, des centaines de soldats restent prisonniers de chaque côté. Zakhartchenko, le premier ministre de la RPD, affirme qu’une quinzaine de soldats de Kiev sont faits prisonniers chaque jour, en grande partie de leur propre volonté.

Situation humanitaire

Les armées de Kiev ont détruit d’innombrables objets d’infrastructure civile, que les autorités de RPL et RPD s’efforcent de réparer. Parmi tant d’autres exemples, le déminage de la voie ferrée d’Ilovaïsk :

Ilovaïsk avait été le théâtre de très lourds combats, au cours desquels des centaines de soldats de Kiev sont morts. Il resterait encore plus de 100 corps de soldats à récupérer. On voit ici que la voie ferrée a été minée. Son déminage permettra à la Novorossie de rétablir un lien ferroviaire avec la Russie. On peut voir sur cette vidéo quelques dégâts causés à Ilovaïsk. Et sur celle-ci, les habitants parlent des bombardements : les dégâts sur leurs maisons, les blessés, les morts, l’absence de matériaux pour réparer, les enterrements à la va-vite, etc. La première habitante remercie notamment les rebelles, qui aident les blessés. À propos du cessez-le-feu : “Après ce à quoi nous avons survécu, on ne peut plus les croire”.

Toujours concernant les réparations d’infrastructures, le 11/09 2 travailleurs réparant les voies ferrées vers Volnovakha ont été blessés, ils auraient été visés par des obus de mortier. En RPL, une ligne électrique a été tirée de la Russie vers Krasnodon, ville frontalière. La ligne devrait arriver jusqu’à Lougansk, ce qui serait une grande amélioration pour les habitants, et permettrait à Lougansk de ne pas être privée d’électricité si les volontaires de Kiev mettent à exécution leur menace de faire exploser la centrale électrique de Schastié (menace évoquée dans un billet antérieur). Dans la foulée, une conduite de gaz pourrait amener du gaz russe, ce qui permettrait à la population novorusse de continuer à vivre plus ou moins normalement pendant que le territoire contrôlé par les oligarques de Kiev (qui n’auront pas froid cet hiver) manque d’énergie et achète du charbon en Afrique du Sud, en Australie et ailleurs. D’ailleurs, l’affaire du “reverse” polonais est tout à fait remarquable en ce qu’elle illustre l’incompétence et l’infantilisme du gouvernement de Kiev : Kiev avait commencé à recevoir du gaz prélevé sur les achats polonais. Ce n’est qu’après que Yatsenyuk s’est vanté de cette opération illégale (contraire au contrat avec Gazprom) que Gazprom a réduit ses envois vers la Pologne. Il aurait suffi que Yatsnyuk évite de publier un message que l’on peut traduire assez précisément par “na na na na na-nère!” pour que Gazprom continue de livrer les mêmes quantités et pour que des dizaines de millions de personnes puissent passer l’hiver presque correctement. Difficile de savoir si le gouvernement ukrainien a déjà touché le fin fond de la bêtise humaine, mais ils creusent !

Dernier point sur la situation humanitaire, 2 000 tonnes d’aide humanitaire sont arrivées à Lougansk le 13, la distribution de cette aide a commencé le 15. Cette aide dont Kiev a essayé d’empêcher l’arrivée est indispensables à une grande part de la population qui est sans ressources depuis des mois, du fait que Kiev a cessé de payer les retraites, les aides sociales, les frais de fonctionnement des mairies, etc. Le 16 septembre, le ministre ukrainien des affaires étrangères a exigé des Russes qu’ils arrêtent leur provocations sous la formes de convois humanitaires. Apparemment, aider la population du Donbass à survivre est une provocation.

Pendant ce temps en Russie

En Crimée et à Sébastopol, comme dans de nombreuses régions de Russie, les enfants ont le choix de la langue de scolarisation. Plus de 2 000 écoles font les cours en tatar, tchétchène, oudmourte etc., c’est ce qu’on appelle le respect des droits des minorités, un concept difficile à expliquer en France dont l’Éducation nationale a eu pour mission pendant des décennies d’éradiquer les langues régionales (le corse, par exemple, n’est toujours pas langue d’enseignement mais seulement enseignée en option, comme une langue étrangère, le breton a quasiment disparu…). Sur une population de 2 million d’habitants, l’ukrainien a été choisi par 230 écoliers. Il y aura donc un seul lycée pour toute la Crimée, à Simféropol, qui proposera une éducation en ukrainien. Les chiffres ne sont pas donnés pour le tatar de Crimée, qui reste une langue d’enseignement dans plusieurs villes à forte population crimo-tatare, sans changement notable par rapport aux années précédentes. Tous les ukrainiens ethniques ne sont pas de langue maternelle ukrainienne, loin de là. En effet il y a près de 500 000 ukrainiens ethniques en Crimée.  Ceci rappelle ce qui a déjà été expliqué dans le passé dans ce blog : On peut comparer dans ce billet la carte indiquant les proportions de russes ethniques à la carte indiquant la proportion d’habitants de langue maternelle russe (25% contre 48% en région de Zaporojié par exemple). Et cela rejoint l’expérience d’un russe vivant aux É-U qui explique pourquoi il donne 100 000 dollars à l’armée novorusse : lorsqu’il était scolarisé en Ukraine, juste après la chute de l’URSS, un sondage a été fait auprès des parents d’élèves pour savoir s’ils voulaient que l’enseignement se fasse en russe ou en ukrainien. La majorité des parents voulaient un enseignement en russe, l’école est passé officiellement en ukrainien (avec des enseignants qui continuaient alors à parler russe). Ainsi, l’ukrainien est clairement moins populaire lorsqu’on ne cherche pas à l’imposer à la population.

Pour compléter, un mot pour signaler la conférence de presse d’Igor Strelkov, stratège qui a retourné la situation militaire en faveur de la Novorossie puis a quitté son poste de ministre de la défense de la RPD pour aller à Moscou, où il affirme être plus utile. Notons au passage que le drapeau qui est sur la table est le drapeau de l’Empire russe. Strelkov étant loin d’être un poutinophile, certains pensaient qu’il serait de leur côté pour renverser Poutine. Malgré les désaccords de Strelkov avec Poutine, ils ont en commun d’être des patriotes et d’êtres confrontés à ceux qui veulent affaiblir et piller la Russie, comme au temps du “bon démocrate” Eltsine. Eltsine était considéré par les dirigeants occidentaux comme un “bon démocrate” parce qu’il vendait les avoirs de l’État à 2% de leur valeur réelle, et Poutine est considéré comme un dictateur essentiellement parce qu’il a mis un terme à ce pillage. Strelkov se range donc du côté de la Russie contre les tentatives de la 5e colonne et de l’Occident de renverser Poutine.

Strelkov parle de sabotage au sein de l’État russe par des agents d’influence qui ont empêché l’intervention russe au moment où elle aurait pu arrêter le conflit avant que les massacres ne commencent (c’est-à-dire en avril). Il ajoute que ces agents d’influence ont manœuvré avec les oligarques ukrainiens pour diviser les rebelles. Il parle aussi de la programmation neuro-linguistique en Ukraine, qui rend la population incapable de distinguer le vrai du faux.

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-18-septembre/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 17 September 2014 at 23:20

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : Olivier Delamarche sur BFM Business : Un énième quantitative easing, pourquoi faire ? 15/09


Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi: Réunion de la Fed: À quoi faut-il s’attendre ?, dans Intégrale Placements – 15/09 1/2


Olivier Delamarche VS Laurent Berrebi: Indépendance de l’Écosse: un risque pour les marchés ?, dans Intégrale Placements – 15/09 2/2

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade: Le QE de la BCE sera sans réel impact sur la création d’emplois – 12/09


Bilan Hebdo de Béchade & Cussac: Semaine relativement calme sur les marchés – 12/09


Philippe Béchade VS Sébastien Korchia – 10/09 – 1/2

Quid des mesures prises par la BCE pour relancer le crédit ?

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia – 10/09 – 2/2

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia: Marchés américains: quels valeurs privilégier ?

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : Vers une remontée des taux très progressive – 16/09


Jacques Sapir VS Jean-François Robin: Vote de confiance: les scénarios envisageables pour le Premier ministre, dans Intégrale Placements – 16/09 1/2


Jacques Sapir VS Jean-François Robin: Ecosse: quel impact sur les marchés en cas de victoire du “oui à l’indépendance” ? , dans Intégrale Placements – 16/09 2/2

Pour finir, je vous recommande cet intéressant papier d’Arrêts sur Images sur l’indécent (et habituel) traitement médiatique du référendum sur l’indépendance de l’Écosse. 

Point positif, toutes les élites et journaux sont pour le Non, le Oui a donc toutes ses chances  :)

Je suis assez curieux de connaitre le résultat : la volonté de l’indépendance nationale sera-t-elle plus forte que les (fausses) peurs agitées sans cesse par les médias ?

P.S. j’ai vu que Asselineau sera invité chez Ruquier ce samedi, cela devrait donner un moment de débat démocratique intéressant…

P.P.S. Lu sur le blog de Mélenchon :

Répugnante matinée au Parlement européen

Il s’agissait d’adopter l’accord de coopération commerciale avec l’Ukraine. Et un codicille concernant la circulation libre des personnes. Deux votes seulement pour prononcer une annexion économique. Mais l’hémicycle était bondé. Auparavant, il y avait eu une « discussion » entre des rangs certes bien plus clairsemés. Elle portait sur cet accord. Elle était sidérante. Un nombre incroyable de va-t-en-guerre se succédaient pour exiger des mesures de représailles contre la Russie. Je pense que, dans de telles circonstances, on ne se contente pas seulement d’être intellectuellement affligé par la pauvreté des vues que de telles déclarations violentes expriment. On prend conscience du danger d’avoir des élites ou supposées telles à ce point aveuglées dans des moments de l’Histoire aussi tendus qu’à présent. Mais ce jour-là, le pire était encore à venir. Soudain, Martin Schultz, le président de l’Assemblée, dans le style habituel de ses aboiements les plus impératifs, nous demande de nous asseoir et de nous taire. Il s’agissait de pouvoir commencer une séance où l’on voterait en même temps, les uns sous les yeux des autres, grâce à la magie audiovisuelle, au Parlement de Kiev et à Strasbourg, l’accord de coopération entre l’Ukraine et l’Union Européenne. On subit d’abord une petite harangue après laquelle toute demande de prise de parole contraire fut interdite. Puis la parole fut donnée au président de l’Ukraine.

C’était trop pour nous. En tout cas pour moi. Je me levais et je quittais la salle aussi bruyamment que je le pus. En même temps que moi sortirent mes collègues portugais et les Espagnols de Podemos ! Ensuite sortirent également les Grecs de Syriza, la gauche de Die Linke et divers autres courageux. C’est peu dire que nous étions fort fâchés. Cette retransmission en duplex était une pression insupportable. Le refus de la parole était odieux, surtout au moment même où le président de séance nous infligeait de si touchantes odes a la démocratie. Et enfin, c’était vraiment trop de devoir supporter d’entendre, sans pouvoir répondre, un oligarque corrompu comme celui qui préside l’Ukraine. A plus forte raison en le voyant parler devant un Parlement d’où les députés communistes ukrainiens ont été exclus ! Toute cette comédie avait commencé sous les applaudissements nourris d’un bord à l’autre de l’hémicycle, la droite, les sociaux-démocrates et même les Verts pétaradants de joie et confis de postures héroïques. Après la harangue de l’oligarque ukrainien, l’enthousiasme était moins vif. Seule la droite applaudissait. Je note cependant que quelques Français se sont abstenus dans les rangs de l’UMP, dont Alain Cadec député breton. « si l’on veut la guerre totale, c’est comme ça qu’il faut continuer » dit-il très amer ! J’ai voté contre cet accord pourri, cela va de soi. Après le résultat du vote, le bel enthousiasme du début reprit ses droits : la droite, les sociaux-démocrates et les Verts, les uns debout les autres assis, applaudissaient l’heureuse conclusion de cette grossière provocation.

L’enthousiasme de tous ces gens ne durera pas. Pour l’instant, seule l’Europe souffre des sanctions économiques que les Nord-Américains lui ont fait adopter. L’Europe et les États-Unis ne peuvent pas gagner avec ce genre de méthode face à la Russie dorénavant plus intimement liée que jamais au bloc des BRICS. Plus les ponts seront coupés avec les Russes, plus ceux-ci étendront leur liaison avec les Chinois et les Indiens. 450 millions de consommateurs de notre côté, 1,4 milliard de Chinois et autant d’Indiens de l’autre ! Déjà cet été, ces deux pays ont décidé de commercer entre eux, notamment dans le domaine crucial de l’énergie, dans leur monnaie nationale et non plus en dollars. Cette décision vient après celle de Fortaleza au Brésil au mois de juillet, où le pays d’accueil, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Chine et la Russie sont convenus de créer l’équivalent de la banque mondiale et du FMI. Ainsi commence une ère nouvelle : le temps est fini où seul les Nord-Américains étaient en état de frapper les autres pays. À présent que les voici embarqué de surcroît dans une opération extrêmement hasardeuse en Irak et en Syrie, mon opinion est que le nombre de fronts et d’adversaires qu’ils se sont faits avec toutes leurs récentes gesticulations excèdent leurs moyens d’action. Le caniche européen finira bientôt par se rendre compte combien son intérêt est éloigné de tout cela. Mais ce sera trop tard, bien sûr. En attendant, les aventures ukrainiennes, les  sanctions économiques et les autres balivernes vont aggraver la récession. Elles frapperont plus particulièrement l’économie allemande, et par conséquent toutes les autres, et notamment celles de l’Est de l’Europe. La situation est donc extrêmement dangereuse : de tous côtés, sous toutes les formes, s’accumulent les matériaux qui ont l’habitude d’enflammer la vieille Europe.


Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi, ou les sites Soyons sérieux et Urtikan.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-17-09-2014/


Les plans de Washington pour une guerre mondiale, par Patrick Martin

Wednesday 17 September 2014 at 03:55

Source : Patrick Martin, WSWS, 6 août 2014

Un document extraordinaire publié le 31 juillet à propos du calendrier prévisionnel militaire des États-Unis enjoint le Pentagone de se préparer à déclencher jusqu’à une demie douzaine de guerres simultanément, y compris des guerres dans lesquelles les adversaires possèdent des armes nucléaires.

Ce n’est pas les USA qui se battent ils utilisent des tiers

Ce document, intitulé « Ensuring a Strong Defense for the Future » (« Assurer une défense forte pour le futur »), a été rédigé par le National Defense Panel, un groupe d’anciens hauts responsables civils et militaires, missionnés par le Congrès pour fournir un regard critique sur le calendrier prévisionnel officiel du Pentagone publié cette année, le plan quadriennal de défense 2014.

Le National Defense Panel est coprésidé par William Perry, secrétaire à la Défense sous la présidence Clinton, et par le général John Abizaid, ex-chef du Commandement central des États-Unis. Parmi ses membres, il comprend quatre autres généraux à la retraite, ainsi que Michele Flournoy, anciennement secrétaire adjoint à la Défense sous Obama, et Eric Edelman, un éminent néo-conservateur et sous-secrétaire à la Défense dans le gouvernement de George W. Bush.

Il s’agit donc d’un groupe bipartisan [Républicains + Démocrates], qui représente l’intégralité du spectre politique des dirigeants officiels de Washington en matière de sécurité. Son rapport a été publié sous les auspices d’une agence financée par le gouvernement des États-Unis qui se consacre à l’étude des conflits, et dont le nom, choisi avec une logique orwellienne irréprochable, est l’US Institute of Peace [Institut américain de la paix].

Ce document nous prévient des dangers auxquels les États-Unis vont devoir faire face, en parlant en premier lieu de la puissante expansion de la Chine et de la Russie, avant de mentionner la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Moyen-Orient tout entier, puis l’Afrique. La Chine et la Russie ont donc été promues à la première place des cibles potentielles d’une intervention militaire des États-Unis, devant les trois pays mis en avant par George W. Bush dans son fameux discours de 2002 sur « l’Axe du mal ».

Ensuring a Strong Defense for the Future publié par les-crises

Le document précise que pendant les deux décennies précédentes, depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, la doctrine militaire des États-Unis a exigé la capacité de pouvoir financer deux conflits militaires majeurs simultanément. Ensuite, il y est demandé un changement radical de cette doctrine :

« Étant donné que, dans le contexte actuel, les menaces s’intensifient, nous croyons qu’un nouveau format renforcé des forces armées, plus complet – un format qui soit différent du format double conflit (NdT : le “two-war construct” est un terme faisant référence à une doctrine militaire classique aux États-Unis et qui prévoit que ses forces armées doivent être dimensionnées de manière à être capables de mener simultanément deux conflits majeurs), mais au moins aussi puissant − est approprié. »

Par la suite, cette idée est davantage détaillée :

« Nous croyons [...] qu’une capacité à faire la guerre partout est la condition sine qua non pour être une superpuissance et s’avère donc essentielle à la crédibilité de la stratégie globale de l’Amérique en matière de sécurité nationale. Dans le contexte actuel de menaces, les États-Unis pourraient, selon toute vraisemblance, être amenés à mener des actions préventives ou à combattre dans plusieurs régions sur des périodes qui se superposent : dans la péninsule coréenne, dans les mers de Chine orientale et méridionale, au Moyen-Orient, en Asie du Sud, et pourquoi pas en Europe. Les États-Unis sont également confrontés à la possibilité d’avoir à faire face à des adversaires dotés de l’arme nucléaire. De surcroît, l’expansion d’Al-Qaïda et de ses émanations dans de nouvelles parties de l’Afrique et du Moyen-Orient implique que l’armée américaine doive pouvoir assumer des opérations antiterroristes au niveau mondial et défendre le territoire américain tout en étant engagée dans des conflits régionaux hors de nos frontières. » (Souligné par nous.)

Cette liste suggère que les États-Unis doivent être préparés à mener de front cinq ou six guerres majeures. Ce n’est rien moins que la demande à l’impérialisme américain de se préparer à gérer une guerre mondiale qui pourrait menacer l’humanité d’extinction.

La mise en avant de la Chine et de la Russie comme cibles potentielles d’une action militaire américaine est de très mauvais augure quant à ses implications, puisque ces deux pays possèdent respectivement le deuxième et le troisième arsenal nucléaire de la planète, derrière les États-Unis eux-mêmes.

Le rapport soutient la position de l’administration Obama, qui prône un « rééquilibrage » des forces militaires américaines pour affronter la Chine, décrivant cette initiative stratégique comme un effort pour réaffirmer « la primauté de la région Asie-Pacifique parmi les intérêts de sécurité des États-Unis.»

En ce qui concerne la possibilité pour qu’une telle guerre se produise, il convient de souligner que le Comité de défense nationale (National Defense Panel) discute actuellement des déclencheurs possibles pour un conflit majeur, en particulier en Extrême-Orient. Les termes utilisés ont beau être pleins de jargon, les perspectives n’en font pas moins froid dans le dos :

« La prolifération de systèmes de plus en plus autonomes et ne nécessitant pas d’intervention humaine, en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient par exemple, aura un impact préjudiciable sur le maintien de la stabilité durant une crise ou sur la gestion de l’escalade si un conflit éclate. Ajoutés à la multiplication d’outils cyber-offensifs et défensifs ainsi que de défense anti-spatiale, ces systèmes affecteront sérieusement le rapport entre force militaire offensive et défensive dans des régions-clés, augmentant ainsi le risque qu’une crise dégénère rapidement en conflit – avant que les politiques et commandements militaires ne puissent réagir à temps ».

En clair, une grande guerre peut éclater, sans intervention humaine, à travers l’interaction de drones et de systèmes de réponse automatisés de part et d’autre.

Le rapport ne remet pas ouvertement en cause les forces militaires composées de volontaires, mais il met l’accent sur leur coût croissant, et appelle à une « réforme raisonnable des soldes et des avantages sociaux » pour les rendre plus abordables. La logique des pressions combinées de la hausse des coûts et des déploiements militaires croissants est inexorable, cependant cela signifie que la classe dirigeante américaine devra à plus ou moins court terme se diriger vers une certaine forme de conscription, même au-delà du projet économique actuel dans lequel les plus pauvres des travailleurs sont enrôlés comme « volontaires » de manière disproportionnée.

Le rapport de défense exprime des préoccupations sur le fait que les contraintes financières pesant sur l’impérialisme américain, et notamment des limitations imposées volontairement telles que la « saisie conservatoire » d’une partie sélectionnée des dépenses militaires imposées par le Budget Control Act (« Loi de contrôle budgétaire ») de 2011, sabrent dans les préparatifs de guerre du Pentagone.

Les auteurs se plaignent de manière répétée des limitations pesant sur les dépenses militaires états-uniennes à cause du fardeau des programmes sociaux domestiques, montrant du doigt « le large fossé grandissant entre les sommes collectées pour financer les programmes, d’une part, en particulier pour la Sécurité sociale et les principaux programmes de santé, et les sommes effectivement dépensées, d’autre part ».

Ils déclarent :

« L’Amérique doit remettre de l’ordre dans sa maison fiscale afin de financer simultanément des dépenses militaires robustes. Une limitation drastique des coûts de santé se doit d’être appliquée à la fois à l’intérieur du Département [c'est-à-dire pour les soldats et leurs familles] et plus généralement à travers tous les programmes gouvernementaux. »

Répétons-le : il s’agit d’un rapport bipartisan. Les démocrates tout comme les républicains, libéraux [NdT : au sens américain = « de gauche »] et conservateurs, ont soutenu sa demande de coupes dans les programmes sociaux dont dépendent les travailleurs pour mettre des trillions à disposition de l’appétit insatiable du complexe militaire américain.

Le caractère bipartisan de ce document témoigne de l’unité de toutes les composantes de la classe dirigeante américaine sur le recours à une violence sans précédent pour sauvegarder sa richesse et sa domination sur de vastes parties du monde. Cela confirme que le combat contre une guerre impérialiste peut être mené si, et seulement si, la classe ouvrière se libère du système politique existant aux États-Unis, et construit un mouvement politique de masse indépendant, fondé sur un programme révolutionnaire socialiste et internationaliste.

Patrick Martin, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr

Source: http://www.les-crises.fr/les-plans-de-washington-pour-une-guerre-mondiale-par-patrick-martin/


Les fantômes de 1914 : L’Ouest risque de créer les « Empires centraux 2.0 »

Tuesday 16 September 2014 at 03:06

Matthew Dal Santo est un écrivain indépendant et correspondant pour les Affaires étrangères. Il a travaillé pour le Département des Affaires étrangères et du commerce en Australie. Cet article a été initialement publié sur le site The Drum, appartenant à l’Australian Broadcasting Corporation.

Source : Matthew Dal Santo, National Interest, 4 août 2014

Voilà un siècle mercredi dernier qu’un aide de camp informait le Chancelier allemand Theobald von Bethmann-Hollweg que le tsar russe Nicolas II avait mobilisé 1,3 million de soldats contre l’Allemagne.

La Crise de juillet n’était pas censée se terminer de cette façon : des semaines durant, Berlin avait apporté un soutien sans faille à son allié Austro-Hongrois, convaincu qu’un éventuel conflit pourrait être circonscrit aux Balkans. Et voilà qu’un conflit militaire à l’échelle de l’Europe entre les Empires centraux, la Russie et la France était devenu inévitable. Le 4 août, les 400 millions de sujets de l’Empire britannique les rejoignaient dans la guerre.

Il y avait de multiples raisons à la division de l’Europe en camps armés opposés ; mais comme le montre le meilleur de la recherche récente sur les origines de la guerre – et dans la marée des ouvrages publiés à l’occasion du centenaire , The Sleepwalker (Le Somnambule) de Christopher Clark et The War that Ended Peace (La guerre qui mit fin à la paix) de Margaret MacMillan sortent du lot -, l’un des trais les plus saillants de la diplomatie européenne à la veille de la Première Guerre mondiale a été l’incapacité grandissante des autres puissances à reconnaître les intérêts stratégiques de la grande puissance – l’Autriche-Hongrie – qui a finalement plongé le continent dans la guerre. Cet effondrement de la sympathie envers la Double Monarchie des Habsbourg – le « cadavre sur le Danube » comme l’appelaient ses détracteurs – était particulièrement prononcé chez les Britanniques, puissance qui avait, par ailleurs, peu de raisons de se fâcher avec Vienne mais beaucoup de s’en tenir à son amitié traditionnelle avec l’Autriche : du fait de sa position stratégique en Europe centrale, l’Autriche avait toujours été un levier utile contre la France ; et les Hasbourg partageaient l’intérêt prépondérant de Londres à contrer les ambitions russes sur les détroits méditerranéens et les Balkans.

La France également, jusqu’à ce que l’empire allemand de Bismarck attire son attention de nouveau vers l’Europe, s’inquiétait des ambitions russes sur la Turquie ottomane. Lors de la guerre de Crimée, la Grande-Bretagne, la France et l’Autriche avaient travaillé ensemble à empêcher sa destruction.

A partir de 1900, cependant, la France, entichée de son allié russe, devenait de plus en plus sourde aux intérêts autrichiens, de façon particulièrement déplorable dans les Balkans, où les entreprises d’armement françaises supplantaient rapidement leurs homologues autrichiennes et où, durant la Crise de juillet, Paris apportait un soutien diplomatique sans faille (pour ne pas dire imprudent) à Saint-Pétersbourg.

Entre 1900 et 1914, la puissance militaire et industrielle allemande s’accrut à une allure soutenue. Et la Grande-Bretagne libérale, tout comme la France républicaine, auraient pu trouver dans l’aristocratique – mais non point autocratique – Autriche un utile contrepoids, sinon comme alliée,du moins en conservant à Vienne le statut de pôle indépendant dans le système des Etats européens.
Ils ne le firent pas.

Au lieu de cela, une certaine fermeture d’esprit franco-anglaise a poussé l’Autriche-Hongrie à chercher, jusqu’à la dépendance, l’appui de l’Allemagne voisine, puissance qui l’avait humiliée sur le champ de bataille en 1866 et qui avait détruit, pour les besoins de sa propre unification, la domination séculaire de Vienne sur les Etats allemands.

En dépit des différences qui demeuraient entre les deux nations (les diplomates autrichiens trouvaient souvent la diplomatie allemande provocatrice et grossière), le mariage de raison se révéla étonnamment solide et efficace : en dépit d’une main d’oeuvre et d’une production industrielle moins importantes, les Empires centraux furent à deux doigts de gagner la guerre (cf. «Ring of Steel» de Alexander Watson à ce sujet).

Aujourd’hui, alors que l’émergence de la puissance chinoise entraîne de plus en plus l’Amérique dans une confrontation de grandes puissances en Asie de l’Est, la myopie des politiques occidentales en Eurasie risque d’accoucher d’une alliance sino-russe destinée à contrer l’endiguement et les sanctions – les « Empires Centraux 2.0 » à l’échelle d’un hémisphère.

Car plus l’Ouest isolera la Russie, plus le mariage de commodité entre Moscou et Pékin deviendra une alliance de fond, sinon un rapport de dépendance. Comme l’a dit All Wyne,depuis le camp adverse, dans “The Strategist” :

En s’isolant encore plus de l’Ouest, la Russie a donné à la Chine encore plus de moyens de pression dans leur relation déjà asymétrique. La Chine regarde de plus en plus la Russie comme une puissance déclinante et non un partenaire stratégique. Afin de rester dans ses bonnes grâces, la Russie va se sentir obligée de fournir à la Chine de l’énergie, des armes et d’autres marchandises à prix bradés. Si l’on y ajoute une diplomatie inféodée, le rapprochement ne sera pas favorable la Russie.

Mais, que l’on rende responsable l’Occident ou la Russie de cette désaffection, elle représente néanmoins pour la Chine l’opportunité d’un immense développement de sa puissance potentielle. La cour faite par l’Union Européenne à l’Ukraine pourrait avoir des répercussions géopolitiques considérables et mettre entre les mains du Parti Communiste chinois l’arsenal nucléaire le plus destructeur au monde, ainsi qu’un sixième des hydrocarbures et des minerais présents à la surface du globe.

De la rivalité pour le pouvoir et l’influence en Asie Centrale (devenant d’ores et déjà une copropriété sino-russe) à l’inquiétant déséquilibre démographique de part et d’autre de leur longue frontière sibérienne, il y a entre Moscou et Pékin beaucoup de raisons de ne pas s’entendre.

Mais s’ils sont poussés à s’allier, sur presque chaque aspect de la puissance potentielle, Russie et Chine formeraient une redoutable coalition.

Alors que la puissance chinoise se développe, il serait logique que l’Occident s’assure d’une relation de coopération avec la Russie. Cependant, les sanctions mises en place pourraient dégrader ces relations pour les décennies à venir.

En quatre siècles, la Russie n’est toujours pas parvenue à comprendre que l’Ukraine représente un intérêt mineur pour elle.

Lors de la Crise de juillet, il y a de cela un siècle, l’Autriche-Hongrie et son puissant allié décidèrent qu’en fin de compte, et ce malgré les risques, la défense des intérêts que d’autres puissances refusaient de prendre en compte justifiait les actions adoptées. Les pays de la Triple Alliance ont perdu. Mais le prix de la victoire alliée fut immense.

Nombreuses furent les raisons qui menèrent à la Seconde Guerre Mondiale, mais on compte parmi elles les décisions pratiquement impossibles prises par les pacificateurs alliés lorsque, confrontés à d’insolubles querelles historiques, ethniques, linguistiques et folkloriques, ils disséquèrent le cadavre austro-hongrois.

Même défaite, l’Autriche-Hongrie reste un avertissement fort pour l’Occident qui devrait éviter de pousser trop allègrement sur les frontières russes. De Grozny à Vladivostok, en passant par le Tatarstan musulman, le Touva bouddhiste et la Yakoutie néo-animiste, une implosion russe pourrait provoquer un bien plus grand cauchemar.

Que ce soit en tant qu’alliée d’une Chine de plus en plus sûre d’elle et autoritaire, en tant que fournisseur d’énergie et de matières premières à la Chine, ou bien encore en tant qu’Etat en déliquescence, la Russie et sa position géopolitique en ce vingt-et-unième siècle représentent un intérêt majeur pour tout gouvernement occidental, tout particulièrement si, comme le fit la Turquie Ottomane qui s’était liguée avec les puissances de la Triple Alliance au siècle dernier, un Iran aigri et isolé venait à se joindre à eux.

Un plan d’action qui prévoit le confinement ou des sanctions pour la majeure partie de l’Eurasie est voué à l’échec.
Mais revenons en 1914.

Lorsque le sévère ultimatum de Vienne contre la Serbie fut lancé, Londres fut incapable de comprendre les considérations politiques et stratégiques qui l’avaient façonné ; pour Churchill, il s’agissait du « document le plus insolent de ce genre qu’on ait jamais conçu ». Londres vit dans les conditions humiliantes de cet ultimatum une déclaration de guerre à peine voilée contre Belgrade – bien que , comme Clark le fit remarquer, Vienne demandait un abandon de la souveraineté serbe moins important que lors de l’ultimatum de l’Otan en 1999 au sujet du Kosovo. Nourri par des années d’indifférence à l’égard des intérêts autrichiens, l’incompréhension de Londres était largement hypocrite, bien sûr. Pendant des siècles, l’Empire britannique s’était agrandi grâce à des infractions coloniales bien moindres que l’assassinat d’un archiduc.

Notre point de vue sur les événements est rarement neutre, mais ses conséquences sont d’une grande portée.

Après plus de dix années de guerre contre les « états voyous » d’Afghanistan et d’Irak, l’Occident devrait mieux comprendre aujourd’hui la détermination de Vienne à écraser le terrorisme d’État qui, la recherche moderne le démontre maintenant, était en train de se saisir des leviers du pouvoir à Belgrade.

Bien sûr, l’Ukraine d’aujourd’hui n’est pas l’Etat quasi-terroriste auquel l’Autriche-Hongrie eut à faire face. Mais, pour Moscou, son admission insidieuse dans un bloc occidental hostile est probablement bien pire.

À l’aube d’un siècle qui va mettre à l’épreuve 500 ans de domination mondiale par l’Occident, la diplomatie occidentale marquerait un énorme but contre son camp si son aveuglement aux intérêts russes en Eurasie occidentale donnait naissance à un bloc semblable à celui de la Triple Alliance au cœur même de la fameuse « Île Monde » de Mackinder.

L’avertissement de 1914 est que si nous choisissons nos ennemis avec insouciance, même en cas de victoire, l’avenir peut toujours être pire.

Matthew Dal Santo, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/les-fantomes-de-1914/


[Propagande ordinaire à Libération] Irina, pro-Kiev, torturée par les rebelles et tabassée par les habitants

Tuesday 16 September 2014 at 00:01

Je trouve ça assez énorme… Les 2 articles de Libération, et les commentaires à la fin.

(Libération 7 septembre) Ukraine: Irina, pro-Kiev, torturée par les rebelles et tabassée par les habitants

Rédacteur AFP (!!!)

Les séparatistes prorusses l’ont d’abord torturée, puis l’ont exhibée en plein centre de leur bastion de Donetsk où des femmes lui ont donné des coups de pied, ont écrasé des tomates sur son visage. Le crime d’Irina ? Etre pro-Kiev.

Irina Dovgan, une blonde svelte et souriante de 52 ans, raconte à l’AFP son calvaire de quatre jours qui a pris fin lorsque des journalistes étrangers l’ont aperçue à Donetsk, donnant à son histoire un retentissement international.

Portant un t-shirt imprimé «Dieu merci je suis Ukrainienne» offert par une télévision ukrainienne, cette esthéticienne reçoit dans un appartement d’amis à la périphérie de Kiev où elle s’est réfugiée.

Le 24 août, jour de l’Indépendance de l’Ukraine, une dizaine d’hommes débarquent dans sa maison à Iassynouvata, près de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine.

- «Agente des forces punitives» -

Cagoule sur le visage, elle est accusée de guider les tirs d’artillerie pour l’armée ukrainienne et emmenée dans un QG séparatiste à Donetsk.

«Ils tiraient près de mon oreille au point de me rendre pratiquement sourde. Ils me racontaient en détail comment ils allaient me violer en groupe. Ils me frappaient à coups de poing, avec leurs pieds et les crosses de leurs armes», énumère Mme Dovgan, dont un avant-bras et une hanche portent toujours deux gros hématomes, une semaine après sa libération.

«Je me traînais sur le sol et les suppliais de ne pas me toucher», se souvient Irina.

«Puis ils m’ont montré une photo de ma fille de 15 ans en disant +Combien d’hommes va-t-elle supporter avant de crever, à ton avis? Une quarantaine, une soixantaine?+»

Selon Amnesty International qui a publié un rapport dimanche, séparatistes prorusses mais aussi milices ukrainiennes agissant au côté des forces gouvernementales se sont rendus coupables dans l’est de l’Ukraine de crimes de guerre, dont des enlèvements et actes de torture.

Après le passage à tabac, les tortionnaires d’Irina menacent de l’attacher sur la ligne de tir de l’artillerie ukrainienne, enveloppée dans le drapeau ukrainien.

«J’ai pensé +Dieu merci, je serai simplement tuée+», se souvient-elle.

Mais ils changent d’avis et Irina se retrouve dans le centre de Donetsk, drapeau ukrainien jaune et bleu sur les épaules et une pancarte «agente des forces punitives, elle tue nos enfants» sur la poitrine. Des hommes l’insultent, des jeunes se prennent en photo avec elle en arrière-plan. Mais ce sont les femmes qui s’acharnent le plus.

- «Sauvages» -

«Une femme a dit à son mari d’arrêter la voiture. Elle a sorti des tomates du coffre et les a jetées sur moi, puis elle en a écrasé plusieurs sur mon visage. Une septuagénaire m’a frappée au dos et à la tête avec son bâton», raconte Irina.

Une jeune femme lui donne un coup de pied.

C’est à ce moment-là que des journalistes étrangers aperçoivent Irina. Les photos de cette scène publiées par le New York Times suscitent une forte émotion en Ukraine et à l’étranger.

C’est visiblement ce qui sauve Irina, qui se croyait déjà condamnée à mort.

Le lendemain, un chef rebelle la convoque pour lui dire qu’il n’avait rien à lui reprocher et que ses tortionnaires ont été punis. Elle est libérée.

Originaire de Iassynouvata, une petite ville près de Donetsk, Mme Dovgan est l’une des rares à avoir affiché ouvertement sa position pro-ukrainienne dans cette région en proie à une insurrection armée prorusse.

Elle a refusé de quitter sa maison malgré les combats. «Dans toutes les guerres, quand les libérateurs arrivent, il y a ceux qui les accueillent avec un drapeau. Et là, mon destin est d’accueillir les nôtres+», pensait-elle avant son enlèvement.

Pendant deux mois, elle collecte des donations pour acheter des produits alimentaires, médicaments, uniformes et cigarettes aux soldats ukrainiens. Des photos de ces achats découvertes sur sa tablette numérique se sont transformées en principale pièce à conviction contre elle.

Pendant sa captivité, sa maison à Iassynouvata a été pillée et endommagée par des éclats d’un obus. Irina ne sait pas si elle va pouvoir retourner chez elle un jour. Sa famille, assez aisée financièrement, a tout perdu.

«Des amis nous ont dit de ne plus y mettre les pieds si on ne veut pas se faire tuer sur place», dit-elle.

Alors que le gouvernement ukrainien espère avoir négocié un cessez-le-feu durable avec les rebelles, Irina met en garde contre toute tentative d’accord avec eux.

«Ce n’est pas la peine de croire qu’on peut trouver un accord avec les rebelles, les appeler au bon sens. Ces gens n’ont pas de lois, pas d’honneur ou de pitié. Ce sont des sauvages».

Source : AFP, Libération, 7/9/2014
AFP

Ukraine: Irina, pro-Kiev, torturée par les rebelles et tabassée par les habitants

(Libération 12 septembre) « Ils m’ont prise par les cheveux, et l’enfer a commencé »

Rédacteur Hélène DESPIC-POPOVIC

(5 jours plus tard, la deuxième couche – c’ets vraiq ue la première photo n’allait pas du tout)

TÉMOIGNAGE – Irina Dovgan, une esthéticienne ukrainienne de 52 ans, raconte comment elle a été torturée par des séparatistes prorusses à Donetsk.

«Madame, vous êtes devenue la nouvelle star d’Internet.» C’est en entendant ces mots qu’Irina Dovgan, une esthéticienne pro-Ukraine, torturée puis presque lynchée sur la place publique à Donetsk, a compris qu’elle allait survivre, que l’image prise la veille par ce photographe barbu «à l’air intelligent», alors qu’elle était livrée à la vindicte de gens qui étaient convaincus «sans avoir besoin de preuves» qu’elle était une criminelle, lui avait sauvé la mise. Le soir même, ses geôliers lui apportaient de la nourriture pour la première fois depuis quatre jours. Le lendemain, elle était libérée, et le surlendemain, elle regagnait Marioupol où elle retrouvait sa famille, avant de partir pour Kiev, la capitale ukrainienne, où elle et son mari ne sont plus que deux chômeurs déplacés de plus.

C’est à Kiev, où elle a été accueillie gratuitement par un couple de petits entrepreneurs, dans une maison avec jardin située dans une banlieue plutôt cossue, qu’Irina, une blonde élancée de 52 ans, fragile dans ses vêtements noirs, raconte comment elle a cru mourir et comment elle a été sauvée par des journalistes étrangers. Irina est une personne simple, typique de cette classe moyenne qui à l’Est ne soutient pas les rebelles de la DNR, la république autoproclamée de Donetsk, mais le pouvoir central de Kiev. Elle prodigue des soins esthétiques à des clients privés dans un petit appartement que lui a légué sa mère dans sa ville natale de Iassinouvata. Son mari est ingénieur en construction, ils ont une fille de 15 ans. Tout leur argent passe dans la maison qu’ils ont «construite et embellie pendant vingt ans». Irina a voyagé. En mars, alors que les rapports se tendaient à Donetsk entre pro-européens et prorusses, elle était allée en France, près de Bordeaux, faire un stage chez un fabricant de produits cosmétiques qu’elle utilise dans son travail. Elle était revenue de France avec des bouteilles de vin et du foie gras. Elle voulait inviter ses amis pour faire un bon repas, mais la situation s’était encore compliquée et la rencontre était sans cesse repoussée à des jours meilleurs.

« Ce n’était qu’une illusion »

En avril, des groupes armés prennent Slaviansk et Kramatorsk. L’effervescence règne à Donetsk. La région bascule dans la guerre. Mais Iassinouvata, une petite ville collée à Donetsk, reste calme. «Les gens disaient que le maire versait de l’argent à la DNR pour qu’elle ne s’installe pas. Il n’y avait pas de blokposts (ces barrages tenus par des hommes armés, ndlr). Au marché, les femmes disaient : “bravo à notre maire, il nous a épargné bien des tourments”. Mais ce n’était qu’une illusion.»

Vers le 10 août, dit-elle, les rebelles – elle dit les «terroristes» – sont «arrivés par centaines». Irina avait espéré que l’armée ukrainienne, qui n’était plus qu’à 6 kilomètres de Iassinouvata, allait arriver la première, et qu’«on resterait en territoire ukrainien». «La ville s’était divisée, et je ne cachais pas mes opinions. Dans mon milieu, les gens étaient pro-européens et avaient comme moi soutenu le Maïdan»(les manifs anti-Ianoukovitch de l’hiver à Kiev, ndlr). Aussi, quand l’armée ukrainienne campe à proximité, Irina commence à apporter de la nourriture et des vêtements neufs aux soldats. Elle se lie avec des blogueuses pro-Kiev, ramasse de l’argent autour d’elle pour acheter des draps, des médicaments, des uniformes. Elle se sent d’autant sereine que son mari et sa fille ont quitté Iassinouvata pour Marioupol, le grand port du sud de la région, sous contrôle loyaliste. «J’avais collecté 16 000 grivnias (1 000 euros) pour acheter des uniformes. Alors j’ai pris des photos pour montrer aux gens que leur argent allait bien là où ils le voulaient, qu’il n’était pas détourné mais utilisé à bon escient.»

Toutes ces photos sont restées dans sa tablette. Ce sont elles qui vont causer le malheur d’Irina. Elle montre une photo où on la voit avec des soldats ukrainiens qui commencent à enfiler ces nouveaux uniformes. «Je me rendais compte que cette tablette était compromettante. Alors je l’ai enveloppée dans des chiffons et je l’ai donnée à une connaissance qui quittait la ville pour Marioupol. Mais cet homme a été arrêté par des miliciens de la DNR qui ont saisi sa voiture. Le lendemain, ils ont trouvé la tablette, vu les photos de mes livraisons aux soldats ukrainiens, retrouvé le conducteur, l’ont tabassé jusqu’à ce qu’il leur donne mon adresse. Alors ils sont venus me chercher.»

«Ils ont arraché mon soutien-gorge»

Irina est arrêtée comme si elle était une dangereuse terroriste. C’était le 23 août, la veille du jour anniversaire de l’indépendance ukrainienne. «Ils sont venus à trois voitures, bourrées d’hommes armés de fusils automatiques. Ils croyaient que je cachais des soldats ukrainiens. En fait, j’étais seule, en train de m’occuper de mes fleurs.» Le premier jour, Irina, qu’on emmène au 3e étage d’une immeuble inconnu de Donetsk, a affaire à des enquêteurs «très polis». «J’ai appris plus tard que c’était une tactique d’interrogatoire: bon flic, mauvais flic». Ils l’interrogent sur les photos. Elle se tait. C’est alors qu’arrive un groupe de miliciens du Caucase, apparemment des Ossètes, pense-t-elle. «Ils m’ont prise par les cheveux, m’ont traînée au rez-de-chaussée. Alors l’enfer a commencé. Ils étaient entre 10 et 15, entrant, sortant. Ils m’ont mis un pistolet entre les deux yeux, puis ont tiré à côté de mes oreilles, m’assourdissant. Puis les coups de pied ont commencé. Ils voulaient que je leur donne tous mes mots de passe. Je leur ai donnés. Leur informaticien a commencé à fouiller dans mon ordinateur. Il est tombé sur ma correspondance sur Facebook.» Ils trouvent entre autres les messages qu’elle échange avec deux blogueuses, qui organisent l’aide à l’armée ukrainienne. L’une d’entre elles lui a transmis un numéro de téléphone qu’elle pourrait appeler pour donner des informations sur les rebelles. Un numéro qu’Irina n’a jamais utilisé. Les miliciens la battent comme plâtre. «Tout le temps, j’ai subi une énorme pression sexuelle. Ils ont menacé de me violer à tour de rôle, à 20 ou à 100, ont soulevé mon pull, arraché mon soutien-gorge, et se sont moqués de ma petite poitrine. Je leur ai dit que j’étais grand-mère. Le fils que j’ai eu de mon premier mariage a déjà une petite fille. Ils m’ont fait me mettre à genoux, ont fait mine d’enlever leur pantalon, ont approché leurs organes génitaux de moi. J’ai crié, j’ai hurlé.»

«Les gens étaient convaincus que je tuais des enfants»

Convaincus qu’elle n’a rien de plus à dire, ils l’emmènent alors sur ce grand carrefour de Donetsk qu’on appelle Motel. Ils l’enveloppent dans un drapeau ukrainien, lui attachent au cou une pancarte : «Elle a tué nos enfants. C’est une agente des forces punitives». «Je criais : non, je n’ai tué personne. Mais les gens étaient convaincus que je tuais des enfants. Personne ne demandait des preuves. Les gens se sont mis à agir comme des fanatiques religieux pour qui tout adversaire est un assassin. Il y avait des passants. Les hommes ne m’ont pas touchée. Ce sont les femmes qui m’ont battue. J’ai vu leurs yeux plein de haine. Huit femmes m’ont donné des coups. Il y a même eu une vieille femme qui m’a frappée avec sa canne, sur la tête et dans le dos. Soudain, j’ai vu un visage intelligent, un barbu m’a photographiée, peut-être pendant une minute, et il est parti. Le New York Times a publié cette photo faite par Mauricio Lima. Elle a tourné sur Internet. C’est grâce à elle que je suis en vie».

Maison saccagée et comptes bancaires pillés

La suite ressemble à un film. Peu après la publication de la photo, Irina est arrachée des mains de ses tourmenteurs. Le chef du bataillon Vostok, Alexandre Khodakovski, auprès duquel des journalistes anglais et américains étaient venus intercéder pour Irina, a lancé à ses hommes : «Qui a donné l’ordre de torturer cette femme?» «Il avait l’air furieux. Il n’avait pas besoin de cette contre-publicité. Pourtant je n’étais pas seule là-bas. Tout le temps, j’ai entendu les cris d’autres suppliciés.»

Elle est libérée. On lui rend sa tablette, son téléphone, les clés de sa voiture, mais pas les cartes bancaires dont elle a livré les codes et qui serviront à piller ses comptes. On l’accompagne même chez elle pour chercher son chien et ses chats dans sa maison saccagée («ils ont tout pris, draps, matelas…»). Adieu foie gras et vins de Bordeaux! Des journalistes du New York Times l’accompagnent dans sa fuite à Marioupol où elle retrouve son mari et sa fille. «Tout le monde me hait maintenant dans ma ville natale. Ils sont convaincus que je mettais des croix sur les maisons pour indiquer aux artilleurs où et qui bombarder.» Et quand on lui demande pourquoi elle n’avait pas tout simplement effacé son compte Facebook et ses photos de sa tablette, ou tout simplement envoyé le tout sur un espace de stockage externe, elle répond : «C’est mon mari qui gérait nos outils informatiques. Moi, je ne sais pas le faire, je suis une simple esthéticienne. Je n’étais pas préparée à toutes les méchancetés qui accompagnent la guerre.»

Source : Hélène DESPIC-POPOVIC Envoyée spéciale à Kiev, Libération, 12/09/2014

Commentaires

Eh beh… Impressionnant de “journalisme”…

Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas un point de la charte déontologique des journaliste qui traite de ce sujet des témoignages en temps de guerre – c’est pas possible à ce niveau…

Alors pour faire simple :

1/ Problème de crédibilité

Mais qui est cette femme ? Elle a été à l’évidence proche des militaires ukrainiens qui bombardent sa ville. Comment savoir si elle est bien la victime innocente qu’on nous présente, ou si elle n’est pas une membre active de Secteur Droit par exemple ?

Par exemple, il y avait quoi vraiment sur sa tablette (c’est pas louche cette histoire de tablette refilée ? Elle ne peut pas effacer les photos  ? Ou les mettre sur une clé USB bien planquée ? Dommage qu’elles ne ressortent pas sur la toile…) ? Les faits qu’elle relate sont-ils tous vrais ou ont-ils été grossis voire inventés ?

Cela s’est déjà vu…

(lire ici le billet consacré à cette incroyable affaire)

Et finalement, ce qu’on lit là, on peut le lire dans de fabuleux témoignages dignes du Pulitzer ou bien dans des journaux vichystes à propos d’exactions des “terroristes pro-de-Gaulle”…

2/ Problème de pertinence

Mais quand bien même tout serait vrai dans le témoignage de cette femme, qui serait bien une pauvre victime de la barbarie face à une pauvre démocrate europhile, on aurait alors un juste témoignage de la barbarie à l’oeuvre dans toutes les guerres.

OUI LA GUERRE C’EST MAL. Et donc il faut tout faire pour l’éviter, et donc cesser les combats et privilégier les négociations.

Bien.

Mais donc, après, on a le choix éditorial du journal de publier ce commentaire, et de le publier seul – avec une photo larmoyante. Et ça, ce n’est plus du tout innocent. Il y a un choix délibéré de dire “ressentez de la compassion pour cette pauvre victime innocente des pro-russes qui sont des barbares on vous l’avait bien dit”. Et le choix a été fait de ne pas publier un autre témoignage d’une victime des pro-Kiev cette fois, qui aurait pu montrer joliment toute l’horreur et l’absurdité d’une guerre civile – ce qui aurait été l’honneur du journalisme.

Alors Libération, le journal fondé par Sartre, réussit le tour de force d’orienter 100 % de notre compassion vers le camp des soldats qui pilonnent des villes à coups de Katiouchas (!!!) et y ont causé la mort d’environ 3 000 civile…

Conclusion : 

Alors pour faire plaisir aux critiques permanents, OUI, nous condamnons tous les sévices envers la population civile, qu’elle soit pro-Kiev, pro-Moscou, pro-Novorossia ou pro-”m’emmerdez plus et laissez moi tranquille”.

OUI, il y a des brutes pro-russes, oui il y a des brutes néonazies pro-Kiev, oui il y a des résistants héroïques à Donetsk, oui il y a de pauvres appelés dans l’armée ukrainienne qui se demandent pourquoi ils doivent bombarder leurs frères, oui il y a des volontaires russes (et autres) façon brigades internationales qui sont venus courageusement prêter main forte, etc.

Oui, une guerre civile, c’est un merdier immonde.

Alors pourquoi nos gouvernement ne font-ils pas vraiment pression (en particulier sur Kiev, puisque c’est eux qui attaquent) pour que cessent immédiatement les combats, que s’ouvrent des négociations internationales ?

Bref, pour que chaque peuple puisse démocratiquement choisir son destin, qu’il soit en Ukraine de l’Ouest ou de l’Est, en Écosse, au Tibet, en Catalogne, à Gaza, ou en Crimée ?

On appellerait ça l’esprit républicain

Source: http://www.les-crises.fr/propagande-ordinaire-a-liberation-irina-pro-kiev-torturee-par-les-rebelles-et-tabassee-par-les-habitants/


Oui, une nouvelle guerre est possible, par Roger Cohen

Monday 15 September 2014 at 03:16

Roger Cohen est chroniqueur au New York Times

Par Roger Cohen, The Atlantic, 29 juillet 2014.

Instabilité en Ukraine, chaos en Syrie, conflit dans la mer de Chine orientale – les éléments déclencheurs de la 3ème Guerre Mondiale sont en place.

Le pessimisme est un prisme utile pour examiner les affaires des Etats. Leur ambition de conquérir, de conserver et d’accroître leur pouvoir n’est jamais assouvie. L’optimisme, auquel les Américains sont généralement enclins, mène à des prédictions irréfléchies sur la fin de l’histoire [NdT: Fukuyama], dans un consensus mondial d’où serait bannie toute guerre. La fin de la Guerre froide s’est accompagnée de conceptions optimistes du même genre. Elles étaient déjà perceptibles il y a un siècle, à l’aube de la Première guerre mondiale.

A cette époque, tout comme aujourd’hui, l’Europe avait connu une longue période de paix relative, à la fin des guerres napoléoniennes. A cette époque, également, les rapides progrès de la science, de la technologie et de la communications avaient donné à l’humanité le sentiment de partager des intérêts communs qui avait éloigné la guerre, malgré la compétition navale de mauvaise augure entre le Royaume-Uni et l’Allemagne. A cette époque, également, des hommes fortunés consacraient leurs fortunes à la conciliation et à une meilleure compréhension entre les hommes. Des annexions abusives, comme celle de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche Hongrie en 1908, attisaient les colères entre pouvoirs rivaux, mais les dirigeants de ce monde ne voulaient pas croire qu’un incendie global était possible et encore moins qu’il allait débuter six ans plus tard. Ces mêmes monarques qui allaient expédier des dizaines de millions d’hommes dans un bourbier meurtrier, de 1914 à 1918, et enterrer quatre empires, se pensaient assez intelligents pour éviter le pire.

L’inimaginable peut se produire. C’est une notion qu’il est à la fois banal et toujours utile de rappeler. En effet, l’inimaginable vient de se produire en Crimée, où, pour la première fois depuis 1945, une puissance majeure a modifié par la force le tracé d’une frontière européenne. L’annexion de la Crimée par la Russie et ses visées évidentes sur l’est de l’Ukraine sont un rappel que l’Otan a été créé pour protéger l’Europe, après que celle-ci se fut par deux fois immolée au cours du vingtième siècle. Le précepte fondamental de l’Otan, que les Polonais et autres anciens vassaux de l’Empire soviétique aiment à rappeler aux insouciants Européens de l’Ouest, est l’article 5, par lequel les Alliés ont convenu que « une attaque armée contre un ou plusieurs d’entre eux en Europe ou en Amérique du Nord devait être considérée comme une attaque contre eux tous », déclenchant une réponse militaire conjointe. Ceci s’est révélé être un puissant moyen de dissuasion contre des adversaires potentiels . C’est dans les zones tampons de la Géorgie et de l’Ukraine, nations suspendues entre Est et Ouest, dont aucune n’est membre de l’Otan, que le président russe Vladimir Poutine s’est montré le plus agressif. Si l’Ukraine avait été membre de l’Otan, l’annexion de la Crimée se serait effectuée au prix (probablement inacceptable) d’une guerre. L’article 5, jusqu’à preuve du contraire, est un engagement à toute épreuve [L'article 5 du traité de l'OTAN indique que l'attaque d'un pays de l'OTAN serait considérée comme l'attaque de chacun des membres de l'OTAN].

Quand un nationaliste serbe bosniaque de 19 ans, Gavrilo Princip, assassina l’héritier du trône austro-hongrois à Sarajevo, le 28 juin 1914, il voulait préserver la Serbie d’une mainmise impériale. Il ne pouvait pas se douter qu’en quelques semaines, l’Autriche-Hongrie déclarerait la guerrre à la Serbie, incitant la Russie (militairement humiliée une décennie plus tôt par le Japon) à se mobiliser pour prendre la défense de son allié slave, et poussant le Kaiser, à la tête d’une Allemagne à l’influence grandissante, à lancer une attaque préventive sur la France, alliée de la Russie, entraînant le Royaume-Uni à déclarer à son tour la guerre à l’Allemagne.

Les événements s’enchaînent en cascade. Il est d’ores et déjà évident que la ferveur nationaliste qu’a libérée Poutine chez les Russes après 25 ans de ce qu’ils perçoivent comme le déclin de leur nation dans le sillage de la Guerre froide, est loin d’être épuisée. Les Russes sont convaincus que la dignité de leur nation a été bafouée par une avancée stratégique des Etats-Unis et de l’Europe à ses frontières, sous couvert d’un discours démocratique sur l’état de droit et les droits de l’Homme. Que cela soit vrai ou non, peu importe, ils en sont persuadés. Réelle ou non, l’humiliation nationale est un formidable catalyseur de guerre. Ce fut le cas après les réparations de guerre et les concessions territoriales imposées par le Traité de Versailles ; il en sera de même en Serbie, plus de 70 ans plus tard, après l’éclatement de la Yougoslavie, pays que la Serbie avait toujours considéré comme une extension de son territoire. La Russie, convaincue d’avoir perdu sa grandeur, est saisie d’une névrose de Weimar, semblable à celle que connut l’Allemagne d’après la Première Guerre Mondiale, lorsqu’elle vivait dans la nostalgie de sa stature et de son pouvoir passés. Les séparatistes épaulés par Moscou, qui s’emparent aujourd’hui des bâtiments gouvernementaux dans l’Est de l’Ukraine et proclament une « République Populaire de Donetsk » indépendante démontrent la virulence de l’irrédentisme russe.

Laissons-nous aller à quelques prévisions pessimistes, donc, au nom de la prudence. Voici un scénario possible : les conflits entre les forces gouvernementales ukrainiennes et les groupes paramilitaires organisés par la cinquième colonne russe s’intensifient. Le nombre des victimes augmente. Le positionnement en cours de troupes et de F-16 par l’OTAN en Pologne et dans les pays baltes, censé agir comme dissuasion, irrite de plus en plus la Russie – « une grande et humble nation assiégée », pourrait dire un général russe. Le président américain, qui déclare que son pays, lassé de guerres, ne cherchera pas le conflit, impose des sanctions sur tout le secteur pétrolier et gazier russe. Les Etats d’Europe qui dépendent de l’énergie russe renâclent ; un ex-chancelier allemand qui travaille dans le gaz naturel déclare l’intérêt de son pays lié à Moscou. Puis, disons qu’un mouvement indépendantiste issu de la minorité russe prenne de l’ampleur en Estonie, soutenu en sous-main par des agents de Moscou d’une façon lui permettanr de réfuter toute implication, et qu’il annonce son soutien à la République populaire de Donetsk. Une vague de cyber-attaques désactive les équipements gouvernementaux estoniens, et un gros bonnet estonien appelle le leader russe « un troglodyte impérialiste prisonnier d’ un jeu à somme nulle ». Après une tentative d’assassinat sur la personne du ministre des affaires étrangères d’Estonie, au cours d’une manifestation dans la capitale, les appels à invoquer l’article 5 de la Constitution se font pressants auprès du président des USA. Il insiste sur le fait que « tracer des lignes rouges au XXIème siècle n’est pas un exercice utile ».

Personne ne sait où il s’arrêtera. L’appétit, comme le disent les Français, vient en mangeant.

Permettons-nous quelques sombres hypothèses, au nom du principe de précaution. Voici un scénario possible : les affrontements s’intensifient entre les forces du gouvernement ukrainien et les formations paramilitaires organisées par les membres de la cinquième colonne russe. Le nombre des morts augmente. L’envoi en cours de troupes et de F-16 de l’Otan vers la Pologne et les Pays baltes, conçu comme un moyen de dissuasion, fait redoubler la colère en Russie – un général russe pourrait être tenté de déclarer qu’ « une grande et humble nation est assiégée ». Le président américain, prétendant que son pays, épuisé par la guerre; ne cherchera pas le conflit, impose des sanctions sur le secteur entier du pétrole et du gaz russes. Les États européens dépendant de l’énergie russe protestent ; un ancien chancelier allemand travaillant dans le gaz naturel déclare que les intérêts de son pays sont du côté de Moscou. Puis, par exemple, un mouvement indépendantiste de la minorité russe gagne en intensité en Estonie, soutenu par des agents de Moscou niant toute implication, et annonce son soutien à la République populaire de Donetsk. Une vague de cyber-attaques met hors d’usage les installations du gouvernement estonien, et un gros bonnet estonien qualifie le leader russe de « troglodyte impérialiste piégé dans un jeu à somme nulle ». Après une tentative d’assasinat sur le ministre estonien des Affaires étrangères lors d’un rassemblement dans la capitale, des voix s’élèvent pour que le président américain invoque l’article 5. Il déclare que « tracer des lignes rouges au vingt-et-unième siècle n’est pas un exercice utile ».

Poussons plus loin l’imagination, et supposons que, peu après le discours du président, par une incroyable coïncidence, un navire chinois s’échoue sur l’une des Îles désertes Senkaku, administrées par le Japon en mer de Chine orientale. La Chine envoie une petite force vers ce qu’elle appelle les Îles Diaoyu « comme mesure de protection ». Le Japon envoie quatre destroyers pour expulser les Chinois et rappelle au président américain qu’il a dit que les îles, situées à proximité de réserves sous-marines de pétrole, « relèvent » du traîté de coopération et de sécurité mutuelles US / Japon. Un sénateur républicain, en écho à l’humeur belliqueuse de Washington, déclare que « l’Estonie vaut plus que quelques cailloux en mer de Chine orientale » et exige de savoir si « les États-Unis ont déchiré les alliances ratifiées en Europe et en Asie qui sont le fondement de la sécurité mondiale depuis 1945 ». Le président lance un ultimatum à la Chine : elle doit quitter les îles japonaises ou faire face à une réponse militaire. Il menace également d’une frappe de l’Otan contre les troupes russes massées à la frontière estonienne, en cas de nouveaux actes de violence sécessionniste en Estonie. Les deux avertissements sont ignorés. Les dirigeants chinois et russe accusent les États-Unis de « prolonger les hostilités et les alliances de la guerre froide au service de leur ambition de domination mondiale ». La Troisième Guerre Mondiale commence.

Cela ne pourrait pas se produire ; bien sûr que non. La paix, voire le pacifisme, est maintenant inscrite dans les gènes des Européens, qui ne songent à la guerre qu’avec dégoût. L’Europe est intégrée politiquement et économiquement. L’Amérique, après deux guerres sans victoire, est dans une période de retrait qui peut durer une génération. Les guerres ne mettent plus aux prises de grandes armées de terre ; elles sont une affaire de frappes localisées, effectuées par des drones sans pilote contre des extrémistes djihadistes. La Russie de Poutine est opportuniste – elle ne changera l’équilibre du pouvoir en Ukraine ou en Géorgie que si le prix lui paraît acceptable – mais elle n’est pas assez imprudente pour s’en prendre à des pays sous protection de l’Otan. La Chine, avec sa devise « d’harmonie », se concentre sur sa propre montée en puissance. et conçoit l’utilité des États-Unis dans le Pacifique comme puissance équilibrante capable de rassurer des voisins anxieux comme le Japon et le Vietnam. Pour l’instant, Pékin ne cherche pas à imposer sa propre version de la doctrine Monroe. Il tient son nationalisme en respect, alors même que la course à l’armement naval asiatique accélère. À la différence de 1914 ou 1939, la présence de grandes garnisons américaines en Europe et en Asie maintient une Pax Americana tenace . Les Nations Unies, malgré leurs échecs cuisants, sont une garantie de dernier recours contre une autre descente dans l’horreur. Le spectre d’un génocide nucléaire est l’outil de dissuasion ultime d’un monde hyperconnecté. Partout, les citoyens disposent maintenant des outils pour organiser une cacophonie en temps réel contre le type de folie qui a causé, durant la Première Guerre Mondiale, la mort de tant de jeunes gens « connus de Dieu seul » , suivant la formulation immortelle de Kipling.

Convaincant ? Il serait certainement agréable de penser, comme le suggérait le président Clinton en 1997, que les politiques territoriales des grandes puissances appartiennent au passé. Une nouvelle ère venait d’apparaître, disait-il, dans laquelle « l’intérêt personnel éclairé, ainsi que les valeurs communes, forceront les pays à définir leur grandeur par des moyens plus constructifs ». En fait, la prise de conscience que l’ours russe peut mordre et pas seulement grogner vient à point nommé rappeller qu’un monde multipolaire dans une période de transition, où les ressentiments populaires se développent sur le terreau du chômage et des inégalités, est un monde dangereux.

Le système international ne semble pas être particulièrement stable. La confrontration bipolaire de la Guerre Froide, malgré ses crises, était prévisible. Le monde d’aujourd’hui ne l’est pas. Il a pour acteurs des États-Unis dont le pouvoir est dominant mais non plus déterminant, une Chine au parti unique qui s’achemine vers l’hégémonie, une Russie autoritaire, ivre de nationalisme qui s’accroche à l’idée d’un empire restauré, et enfin une Europe faible, nombriliste et blasée, dont l’ambition d’une union toujours plus proche est en suspens, et peut-être au bord du renversement.

Les tendances pacifistes en Europe de l’Ouest co-existent avec des visions du pouvoir (celles de Moscou et de Pékin) que Bismarck ou Clausewitz reconnaîtraient instantanément. Après les génocides au Rwanda et en Bosnie, l’Assemblée générale de l’ONU a ratifié le principe selon lequel les gouvernements avaient la « responsabilité de protéger » leurs citoyens des atrocités. Mais à la vue du démembrement sanglant de la Syrie et du démantèlement cynique de l’Ukraine, ce genre d’idéalisme apparaît comme léger, voire simplement hors de propos. Les pays baltes sont de nouveau en pemière ligne. Le rêve fugace après la Guerre Froide d’une zone d’unité et de paix qui s’étendrait de Lisbonne à Vladivostok s’est évanoui. Comme l’observe John Mearsheimer dans son texte précurseur The Tragedy of Great Power Politics (La Tragédie des politiques de la puissance), « les systèmes multipolaires deséquilibrés présentent la répartition du pouvoir la plus dangereuse qui soit, principalement à cause des hégémonies naissantes qui sont enclines à entrer en conflit avec l’ensemble des autres grandes puissances du système ».

Dans ce contexte, rien n’est plus dangereux que la faiblesse américaine. Il est compréhensible que les États-Unis se replient sur eux-mêmes après plus d’une décennie de guerre post-11 septembre. Mais c’est également inquiétant, car la crédibilité de la puissance américaine reste la clé de voûte de la sécurité mondiale. L’humeur d’une nation n’est pas simplement le reflet des difficultés économiques ou des coûts de la guerre, elle est également déterminée par les décisions et la rhétorique de son président. Il n’y avait pas de majorité pour soutenir l’intervention américaine lors de la Première et de la Deuxième Guerre Mondiale jusqu’à ce que le président se décide à en façonner une (aidé de manière décisive, dans le cas de Franklin D. Roosevelt, par l’attaque de Pearl Harbor). Comme le souligne Jonathan Eyal du Britain’s Royal United Services Institute, « si un président se lève et dit quelque chose, il peut déplacer le débat ».

Le président Obama a clairement indiqué qu’il ne croyait pas à la force militaire. Ses mots l’énoncent distinctement, de même que son langage corporel. Il demande, après l’Irak et l’Afghanistan, ce que la force permet d’accomplir. Ce sont des questions légitimes: il faut placer la barre très haut pour déclencher la puissance militaire. Mais quand un président américain envoie ses alliés en première ligne pour défendre sa « ligne rouge », comme l’a fait Obama dans l’affaire des armes chimiques en Syrie, avant de décider de leur faire faire marche arrière, il occasionne un préjudice que le monde n’oublie pas. Et récemment, alors qu’on lui demandait si sa déclaration selon laquelle les Etats Unis protégeraient les Iles Senkaku ne risquait pas de constituer une nouvelle « ligne rouge » , le flou de sa réponse représente un tel danger que ses paroles valent la peine d’être reprises :

L’implication de cette question, je pense, … est qu’à chaque fois qu’un pays enfreint une de ces normes, les États-Unis devraient entrer en guerre ou être préparés à s’engager militairement, et s’ils ne le font pas, alors, d’une certaine manière, nous ne sommes pas crédibles sur ces normes. Et bien, ce n’est pas le cas.

Si ces obligations conventionnelles ne constituent pas une ligne rouge déclenchant une réponse militaire américaine – le seul moyen de prouver le sérieux de « ces normes » – alors les paris sont ouverts dans un monde déjà rempli d’incertitudes. Il y un siècle, en l’absence de lignes claires ou de règles, c’est justement ce genre d’espoir confortable et de confiance aveugle dans le jugement des puissances rivales qui précipitèrent la catastrophe. Mais cela, peut-on dire, c’était avant. Le monde a censément changé.

Mais est-ce vraiment le cas ? Considérons cet article du manuel de lycée de mon père, daté de 1938 :

La machine a rapproché les hommes comme jamais auparavant au cours de l’Histoire. Paris et Berlin sont plus proches aujourd’hui que des villages voisins ne l’étaient au Moyen-âge. Dans un sens, la distance a été annihilée. Nous volons sur les ailes du vent et tenons en main des armes plus effrayantes que la foudre… Le défi de la machine est la plus grande opportunité que les humains aient jamais connue. De la précipitation et du tourbillon des confusions de notre époque peuvent encore naître un ordre majestueux de paix mondiale et de prospérité.

L’optimisme est toujours présent dans le coeur des êtres humains – et mieux vaut ne pas s’y fier. Notre monde hyperconnecté, et les tensions et désirs qui l’accompagnent, n’est en fin de compte pas si nouveau. L’ombre de la répétition traîne dans les pas des prophètes du progrès. L’effervescence de 1938 où « la distance a été anéantie » serait rapidement suivie de la boucherie de Stalingrad, du massacre des Juifs Européens, des morts indifférenciés d’Hiroshima et de Nagasaki, provoquant l’angoisse de toute l’Humanité.

Nous ne devrions pas abandonner à la légère un pessimisme mûrement réfléchi, ou les traités qu’il a produits.

Roger Cohen, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/oui-une-nouvelle-guerre-est-possible-par-roger-cohen/


Le 17 septembre à l’Assemblée : une loi anti-terrorisme terrorisante.

Monday 15 September 2014 at 00:09

Source : Numerama

La Quadrature du Net a organisé le vendredi 5 septembre une soirée d’information dans les locaux de Mozilla à Paris, pour mettre en alerte sur le contenu de la loi anti-terrorisme que doit présenter l’actuel ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve.

Ce texte sera présenté par lui le 17 septembre à l’Assemblée Nationale…

Le 17 septembre prochain, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve doit présenter à l’Assemblée Nationale son projet de loi de lutte contre le terrorisme, qui éloignera un peu plus le curseur de la “liberté” pour le rapprocher de la “sécurité”. Le texte prévoit notamment de durcir les lois sur la presse, ou d’instaurer un blocage de sites internet sur ordre de l’Etat, sans possibilité pour des tiers de savoir quels sont les sites bloqués, et donc sans possibilité de s’y opposer en justice, ni en amont, ni en aval.

Le Gouvernement a choisi de présenter le texte sous le régime de la procédure accélérée, ce qui veut dire que les députés et les sénateurs ne pourront en débattre et l’amender qu’une seule fois pour chaque chambre, sans possibilité d’allers-retours. C’est donc avec la conscience de l’urgence de mobiliser les citoyens pour qu’ils mobilisent à leur tour leurs élus que La Quadrature du Net a décidé d’organiser ce vendredi soir à Paris une réunion dans les locaux de Mozilla, au 16bis boulevard Montmartre (de 17h à 19h).

L’association lance par ailleurs un site internet, Présumés Terroristes, qui explique en détails les enjeux du texte pour les libertés individuelles (y compris hors Internet), et va jusqu’à remettre en cause la proportionnalité du dispositif par rapport à la réalité de la menace et du risque terroriste, qui reste statistiquement très faible.

La loi est l’affaire de tous. Le gouvernement a choisi une procédure d’urgence, à cheval sur l’été, pour faire adopter un projet de loi portant atteinte aux libertés fondamentales et inefficace pour la lutte contre le terrorisme. Il est du devoir des élus de la nation et des citoyens de se mobiliser pour défendre les libertés de tous, et nous appelons chacun à prendre ses responsabilités devant ce projet de loi“, exhorte Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.

La Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature, Reporters sans frontières, font également partie des organisations vivement alertées par les dangers de ce texte pour les libertés individuelles et la démocratie.

 

Source: http://www.les-crises.fr/democratie-internet-43432/


Débat Attali-Veil-Garaud-Chevènement sur l’euro en 1996…

Sunday 14 September 2014 at 01:06

Souvenirs, souvenirs…

Vous pouvez reprendre les “meilleurs” répliques en commentaire svp ? Merci…

Source: http://www.les-crises.fr/debat-attali-veil-garaud-chevenement-sur-leuro-en-1996/


[Archive 2008] Courageuse petite Géorgie ? Non, aborder la situation à travers la grille d’analyse de la guerre froide ne tient pas, par Mark Almond

Sunday 14 September 2014 at 00:53

Mark Almond est maître de conférences en histoire à l’Oriel College de l’université d’Oxford. Je reprends ici un de ses intéressants articles de 2008 à propos de la russophobie déjà répandue à l’époque. Voir la page Wikipedia sur ce conflit.

Il serait simpliste de faire porter à la seule Russie la responsabilité des affrontements autour de l’Ossétie du Sud. L’Occident serait bien avisé de ne pas s’en mêler.

Pour beaucoup, voir des tanks russes franchir une frontière en plein mois d’août rappelle les tristes souvenirs de Prague en 1968. Ce réflexe de guerre froide est parfaitement naturel, mais, après deux décennies de retrait des Russes hors de leurs anciens bastions, il est trompeur. Tout événement dans l’ex-Union soviétique n’est pas une répétition de l’histoire soviétique.

Le conflit entre la Russie et la Géorgie au sujet de l’Ossétie du Sud a en réalité plus de points communs avec la guerre des Malouines de 1982 qu’avec un épisode de la guerre froide. Alors que la junte argentine, qui venait de récupérer Las Malvinas sans qu’une goutte de sang ne soit versée, se félicitait de l’approbation de sa population, Henry Kissinger anticipa la réaction britannique que personne ou presque ne prévoyait en déclarant : “Aucune grande puissance ne bat éternellement en retraite.” Peut-être que, aujourd’hui, la Russie a arrêté la longue retraite vers Moscou qui a débuté sous Mikhaïl Gorbatchev.

A la fin des années 1980, alors que l’URSS amorçait son déclin, l’Armée rouge se retira de plusieurs pays d’Europe orientale qui, à l’évidence, considéraient qu’elle n’était là que pour protéger des régimes communistes impopulaires. Ce retrait se poursuivit dans les nouvelles républiques de l’ex-URSS, et jusque sous la présidence de Vladimir Poutine, durant laquelle les troupes russes furent même évacuées de leurs bases en Géorgie.

Aux yeux de nombreux Russes, cette vaste retraite géopolitique de pays qui faisaient partie de la Russie bien avant l’instauration du régime communiste n’a amélioré en rien les relations du pays avec l’Occident. Plus la Russie se rognait les griffes, plus Washington et ses alliés dénonçaient les ambitions impériales du Kremlin.

Contrairement à ce qui se passait en Europe de l’Est, par exemple, les troupes russes sont aujourd’hui populaires dans des Etats sécessionnistes comme l’Ossétie du Sud ou l’Abkhazie. Le portrait de Vladimir Poutine y est plus largement affiché que celui du président de l’Ossétie du Sud, l’ancien champion de lutte soviétique E.Kokoïty. Les Russes y sont considérés comme une protection contre une éventuelle reprise du nettoyage ethnique pratiqué par les Géorgiens.

En 1992, l’Occident a appuyé Edouard Chevardnadze lorsqu’il a voulu rétablir le contrôle de la Géorgie sur ces régions. La guerre fut un désastre pour son pays. Le “nettoyage” opéré dans les régions rebelles entraîna la fuite de plus de 300 000 réfugiés, mais pour les Ossètes et les Abkhazes, c’est le pillage brutal auquel se livrèrent les troupes géorgiennes qui est resté gravé dans les mémoires.

Depuis lors, les Géorgiens n’ont cessé de ruminer leur humiliation. Tandis que Mikheïl Saakachvili n’a pas fait grand-chose pour les réfugiés depuis son accession au pouvoir au début de 2004 – si ce n’est les expulser de leurs hôtels du centre de Tbilissi pour favoriser le marché immobilier – , il a consacré 70 % du budget du pays aux dépenses militaires. En août 2008, il a décidé de montrer ses muscles.

Bien décidé à assurer l’entrée de la Géorgie dans l’OTAN, le président géorgien a envoyé des troupes en Irak et en Afghanistan – et estimé du même coup qu’il bénéficiait du soutien américain. Les rues de la capitale géorgienne sont tapissées d’affiches du président américain au côté de son protégé géorgien. C’est une avenue George W. Bush qui mène à l’aéroport de Tbilissi. Mais Mikheïl Saakachvili a ignoré une autre maxime d’Henry Kissinger : “Les grandes puissances ne se suicident jamais pour leurs alliés.” Peut-être que ses alliés néoconservateurs à Washington l’ont également oubliée. Espérons que non.

Comme Galtieri en 1982, Mikheïl Saakachvili est confronté à une crise économique intérieure et à la désillusion de la population. Dans les années qui ont suivi ce que l’on a appelé la “révolution des roses”, le copinage et la pauvreté qui caractérisaient la période Chevardnadze n’ont pas disparu. En novembre 2007, les allégations de corruption et de favoritisme à l’égard du clan de la mère du président, ainsi que les soupçons de fraude électorale ont provoqué des manifestations de masse contre Mikheïl Saakachvili. Ses forces de sécurité – entraînées, équipées et financées par l’Occident – ont réprimé les protestataires. S’en prendre à l’ennemi commun des Géorgiens en Ossétie du Sud permettra sans doute, au moins sur le court terme, de les rassembler autour du président.

En septembre 2007, le président Saakachvili s’en est pris à celui qui avait été son plus proche allié durant la “révolution des roses”, le ministre de la défense Irakli Okruachvili. Les deux hommes s’accusèrent d’entretenir des liens avec la pègre et de se livrer à la contrebande. Quelle que soit la vérité, le fait que des hommes considérés par l’Occident comme des héros du grand ménage opéré après la période Chevardnadze s’accusent de délits aussi monstrueux devrait nous mettre en garde contre la tentation de choisir un héros local dans la politique caucasienne.

Les commentateurs géopolitiques occidentaux s’en tiennent à des simplifications de la guerre froide à propos de la Russie intimidant la courageuse petite Géorgie. Quiconque connaît un tant soit peu le Caucase sait que l’Etat qui se plaint d’être la victime de son grand voisin peut lui-même se comporter de manière tout aussi odieuse à l’égard de ses propres minorités. Les petits nationalismes sont rarement angéliques.

Pire encore, le soutien occidental à des programmes d’”équipement et entraînement” dans l’arrière-cour de la Russie ne contribue en rien à la paix et à la stabilité si des responsables locaux grandiloquents tels que M. Saakachvili les voient comme une promesse de soutien inconditionnel, même à l’occasion de crises qu’ils ont eux-mêmes provoquées. M. Saakachvili semble avoir pensé que le précieux oléoduc qui passe par son territoire, ainsi que les conseillers de l’OTAN mêlés à ses troupes, empêcheraient la Russie de réagir militairement à une incursion en Ossétie du Sud. Ce calcul s’est avéré désastreusement erroné.

La question à présent est de savoir si le conflit peut être contenu ou si l’Occident va s’y trouver entraîné. Jusqu’à présent, l’Occident a adopté des approches différentes à l’égard des sécessions dans les Balkans, où des micro-États obtiennent des ambassades, et dans le Caucase, où les frontières tracées par Staline sont considérées comme sacro-saintes.

Dans les Balkans, l’Occident a encouragé la désintégration de la Yougoslavie multiethnique, processus qui a culminé avec la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo en février. Si un micro-Etat dominé par la mafia tel que le Monténégro est capable d’obtenir la reconnaissance de l’Occident, pourquoi des Etats défectueux, prorusses et non reconnus ne pourraient-ils pas eux aussi aspirer à l’indépendance ?

Avec son extraordinaire complexité ethnique, la Géorgie est une post-URSS en miniature. Si les Occidentaux se sont empressés de reconnaître le droit des républiques non russes de se séparer de l’URSS en 1991, quelle logique y a-t-il à proclamer que des non-Géorgiens devraient demeurer au sein d’un micro-empire qui se trouve être pro-occidental ?

Les nationalismes des autres ressemblent aux histoires d’amour des autres, ou, à vrai dire, aux combats de chiens. Ce sont des choses dans lesquelles les gens avisés s’abstiennent d’intervenir. Une guerre dans le Caucase n’est jamais une croisade morale claire – mais combien de guerres le sont ?

© Marc Almond, The Guardian, 9 août 2008.

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/courageuse-petite-georgie-non/


Revue de presse internationale du 14/09/2014

Sunday 14 September 2014 at 00:01

Une courte revue, option géopolitique, où l’on remarque (encore) l’étrange manie guerrière et interventionniste de “l’occident” par rapport aux “nouvelles puissances” (BRICS, etc.) beaucoup plus mesurées. Cette curieuse fuite en avant concerne d’ailleurs aussi les aspect sécuritaires ou économiques.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-14-09-2014/