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Les dirigeants européens basculent dans le fanatisme antirusse, par Francis Briquemont

Sunday 24 August 2014 at 04:55

Voici une très intéressante série de vues de Francis Briquemont, le général belge qui commanda la FORPRONU en Bosnie en 1993-1994 (qui a donc 79 ans actuellement…) [NB : si quelqu'un a son contact, ça m'intéresse...].

Pour les plus jeunes, vous trouverez ici son coup de gueule qu’il avait écrit en 1994 quand il avait été rappelé pour avoir critiqué l’ONU : Bosnie : le “j’accuse” d’un général humilié 

On y lira par exemple :

“Récemment, un sondage a révélé que 63% de la population belge était favorable à une intervention aérienne en Bosnie. La question était mal posée. Il aurait fallu demander aux familles: si vous aviez un fils de 20 ans, à Sarajevo, avec un casque bleu sur la tête, seriez-vous favorable à un raid aérien sur les batteries serbes ? Lorsque j’entends Bernard-Henri Lévy prétendre que quelques avions suffiraient à régler la situation, je deviens fou! C’est grave quand un intellectuel se prend pour un expert militaire. C’est encore plus grave lorsqu’il parade dans la ville assiégée, qu’il cite le général de Gaulle à tout va et que les habitants de Sarajevo le prennent pour le Messie. [...]

Il n’y a pas, d’un côté, les bons, de l’autre, les méchants. C’est une guerre à trois. Une guerre tournante. Les alliances se font et se défont en fonction des rapports de forces dans chaque région. Dès qu’un parti – serbe, croate ou musulman bosniaque – devient trop fort, les deux autres s’unissent contre lui. Il faut en finir avec l’antiserbisme primaire véhiculé par quelques intellos en goguette.”

La guerre, c’est toujours plus intéressant quand ceux qui la font en parlent…

En lien, ce papier de Daniel Salvatore Schiffer dans Marianne en 2009 : Serbie et Bosnie: et si le méchant n’était pas celui qu’on croit ?, où on lit :

“La Bosnie, tout d’abord, celle-là même que ne cessèrent d’encenser au prix de mensonges souvent éhontés, en voulant nous la présenter comme un modèle de société multiculturelle et pluriethnique, quelques-uns de nos intellectuels les plus médiatisés, au premier rang desquels émerge un imposteur de taille : Bernard-Henri Lévy. Je me souviens, en particulier, de la manière, aussi partisane qu’effrontée, dont ce grand mystificateur s’évertua, durant toutes ces années de guerre et contre le sens de la vérité elle-même, à glorifier les soi-disant mérites de son idole politique d’alors : Alija Izetbegovic, premier Président de la Bosnie indépendante, mais, surtout, fondamentaliste musulman dont la tristement célèbre « Déclaration Islamique », publiée à Sarajevo en 1970, affirme textuellement, niant là les valeurs de nos sociétés laïques, qu’ « il n’y a pas de paix ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non islamiques ». ” [Lire ici cette édifiante déclaration]

Intéressant de voir la même propagande par les mêmes personnes 20 ans plus tard…

Bref, retour sur 3 billets sur l’Ukraine publiés cette année par le général Briquemont (merci de me les avoir signalés)

9 avril 2014, Crimée : offerte à Poutine sur un plateau d’argent

Les cris d’orfraie des dirigeants occidentaux à propos de cette “attitude insupportable” de la Russie, “ce référendum illégal”, masquent leurs fautes d’appréciation et bourdes. Inventaire.
La gestion de la crise ukrainienne par les Occidentaux laisse perplexe. La gestion d’une crise ou d’un conflit se traduit en fait par une série d’actions et/ou réactions résultant d’une analyse rationnelle de la situation. Comme dans toute stratégie opérationnelle, un des principes de base à respecter est le maintien de sa liberté d’action. Concrètement cela signifie connaître ses possibilités d’action et être capable d’apprécier et prévoir celles de son adversaire.

Que s’est-il passé en Ukraine ? La moitié occidentale du pays, proeuropéenne, s’est révoltée contre le pouvoir en place, incarné par un président et un gouvernement pro-russe refusant un rapprochement politique avec l’UE, et contre la corruption généralisée caractéristique de cet Etat. Initialement, cette révolte s’est déroulée dans l’indifférence de la partie orientale du pays plutôt pro-russe et surtout russophone mais cette indifférence s’est vite transformée en hostilité envers les révoltés de Kiev, dont l’attitude était de plus en plus anti-russe.

Choqués par la violence croissante des événements de Kiev, les dirigeants européens ont pris fait et cause pour les révolutionnaires de Kiev sans trop se soucier des réactions de la Russie; provoqué la fuite de Ianoukovitch et considéré, un peu naïvement peut-être, le gouvernement provisoire comme celui de “toute” l’Ukraine. Chacun appréciera comme il veut la composition et la légitimité de ce gouvernement ou la manière de réagir de l’UE, mais cette reconnaissance immédiate et très médiatique du gouvernement de Kiev est une erreur d’appréciation politique de l’UE qui a permis à Vladimir Poutine, digne héritier des tsars, de (re) prendre l’initiative dans la gestion de la crise.

Si, dès le début de la révolte populaire à Kiev, les Européens s’étaient penchés (un peu) sur la carte de la Russie et de ses confins et s’étaient souvenus de l’histoire de la Russie depuis la fin, humiliante pour elle, de l’URSS, ils auraient conclu que l’Ukraine n’était pas un pays comme les autres et que, pour autant que la stabilité en Europe soit un objectif stratégique important pour l’UE, il était utile d’organiser, au plus vite, un sommet UE-Russie pour parler sereinement de l’Ukraine. Au lieu de cela, les dirigeants européens ont snobé Vladimir Poutine en refusant d’assister à l’ouverture des Jeux de Sotchi – occasion rêvée pour des contacts discrets – et, erreur plus grave “oublié”, que les révoltés de Kiev ne représentaient que la moitié ouest de l’Ukraine. Si, Herman Van Rompuy et Catherine Ashton avaient pu, au début de l’année, rencontrer Vladimir Poutine pour lui expliquer que l’UE était prête à participer au développement de l’Ukraine mais qu’il n’était pas question d’en faire un membre de l’UE et, encore moins, de l’Otan, on aurait pu peut-être éviter la crise actuelle.

Toujours est-il que le gouvernement provisoire ukrainien a aussi commis d’emblée la bourde politique de vouloir supprimer l’usage de la langue russe comme deuxième langue. Vladimir Poutine n’en demandait pas tant pour d’une part, entretenir l’agitation anti-Kiev à l’Est de l’Ukraine et d’autre part, pour régler en quelques jours le retour de la Crimée dans le giron russe et ce, à la stupéfaction (feinte ?) des Occidentaux; cette Crimée, terre russe depuis des siècles, rattachée à l’Ukraine alors au sein de l’URSS par “erreur stratégique”, et plus encore, siège de la plus importante base militaire russe dans le sud avec son accès à la Méditerranée.

Les cris d’orfraie des dirigeants occidentaux à propos de cette “annexion par la force”, cette “attitude insupportable”, “ce référendum illégal” sont sans doute proférés maintenant pour masquer la faiblesse de leur appréciation depuis le début de la crise. C’est aussi faire semblant d’oublier que les traités, les accords, les règles du jeu international, le respect des droits des humains, etc., se sont toujours plus ou moins adaptés à la stratégie militaire ou économique des Etats (des “Grands” certainement) et non l’inverse. Sans renvoyer aux calendes grecques, les Occidentaux peuvent aussi se rappeler certains épisodes peu légaux de la dislocation de l’ex-Yougoslavie; le déclenchement “illégal” de la guerre en Irak pour un faux prétexte de surcroît; les paroles de Margaret Albright, la secrétaire d’Etat américaine, déclarant un jour : si l’Onu est d’accord avec nous, tant mieux, si elle ne l’est pas tant pis; oublier aussi la manière dont les Occidentaux ont interprété la résolution du conseil de sécurité concernant l’intervention en Libye. Pau Guth écrivait non sans humour : “Regardez la carte du monde : on y joue à bureaux fermés la fable du loup et l’agneau” (1). En stratégie, il y a peu de place pour les naïfs ou les âmes sensibles.

Le sort de la Crimée étant réglé et irréversible, que pourrait-on faire maintenant pour calmer la situation ? Barack Obama, allergique à toute intervention militaire, et Vladimir Poutine semblent reprendre le problème ukrainien en main. Le premier dont les priorités stratégiques restent le Pacifique, la prolifération nucléaire (Iran, etc.) et un accord entre Israël et la Palestine, est venu dire à Bruxelles lors d’une visite dont la démesure n’a eu d’égale que la brièveté : 1°/ Au sein de l’Otan, les Européens devraient faire un effort dans le domaine de la défense; 2°/ Il faut envisager des sanctions économiques (sévères ?) si la Russie poursuit son agression contre l’Ukraine; 3°/ Pour ne plus trop dépendre du gaz soviétique, vous, les Européens, pourrez bientôt acheter du gaz de schiste américain; pour cela, signons au plus vite le traité de commerce transatlantique en discussion aujourd’hui. Bien joué en peu de temps !

Quant à Vladimir Poutine, il peut se permettre d’attendre car il n’a vraiment aucun intérêt à provoquer le déclenchement de sanctions économiques que personne en Europe ne souhaite d’ailleurs.

Tout le monde va sans doute patienter jusqu’aux résultats des élections prévues en Ukraine dans les prochains mois avec l’espoir qu’un modéré soit élu président et qu’un gouvernement d’union (vraiment) national soit formé. Si ce scénario se réalise, l’UE (nouvelle commission) et la Russie pourraient envisager plus sereinement le développement et la place de l’Ukraine sur l’échiquier européen. Assez rapidement, la Russie pourrait reprendre sa place au sein du G8 car, en stratégie, on ne peut faire la paix qu’avec son adversaire. Et l’UE pourrait, mais j’en doute, tirer, de l’épisode ukrainien, les leçons de sa faiblesse chronique, politique et… militaire.

Il est quand même décevant de constater que l’UE, cinq cents millions d’habitants, est incapable de résoudre seule un problème européen avec la Russie parce qu’elle n’a aucune stratégie commune acceptée par ses Etats membres. Une première décision souhaitable à prendre au sein de l’UE serait d’arrêter ce concept de l’élargissement permanent et son corollaire, l’adhésion à l’Otan. Car amener l’Otan à Kiev, ce serait refaire l’erreur de Nikita Kroutchev qui, il y a cinquante ans, voulait faire de Cuba une annexe nucléaire de l’URSS. A l’époque, on a frôlé la catastrophe nucléaire; une façon comme une autre sans doute, de régler le problème du réchauffement climatique !

Francis Briquemont

(1) Dans : “Lettre ouverte aux futurs illettrés”, Livre de poche n°5561

Source : LaLibre.be

20 mai 2014, De l’Ukraine aux élections européennes

Notre Occident, toujours aussi préoccupé de lui-même, se croirait volontiers de nos jours universel.” J. Gernet (1)

 

 

Le chaos s’installe en Ukraine. Récemment, nous avons évoqué cette crise (2) et chaque jour nous nous demandons encore comment le gouvernement (?) de Kiev et les Occidentaux ont pu commettre autant d’erreurs d’appréciation dans la gestion de cette crise. Sauf, bien entendu, si le but poursuivi était de provoquer un conflit avec la Russie.

Aujourd’hui, les déclarations très médiatisées de Barack Obama ou de John Kerry – l’UE étant sur la touche – font penser “au matraquage” bien organisé des opinions publiques pour justifier la guerre en Irak (2003) et ce, dans la tradition de “la stratégie du shérif” c.-à-d. d’un côté : un affreux, Vladimir Poutine et la Russie; et de l’autre : le bon, le gouvernement de Kiev et l’Occident !

Mais en fait, qui a d’abord déstabilisé l’Ukraine à la fin de 2013 ? Est-ce Vladimir Poutine ou les révolutionnaires de Kiev ? Comment ces derniers, évaluant mal la situation économique et… communautaire de leur pays et plus mal encore sa situation géopolitique dans le cadre européen, ont-ils pu croire qu’en criant “Vive l’Europe” les Occidentaux allaient intervenir – comment et avec qui d’ailleurs ? – et mettre Vladimir Poutine devant le fait accompli.

Qui a provoqué les émeutes sanglantes à Kiev qui ont précipité la chute de Viktor Ianoukovitch ? Des pro-Russes peut-être ou cette milice d’extrême droite pro-gouvernement rebelle, composée sans doute d’enfants de chœur, et décorant les murs de leur poste de commandement des croix gammées de sinistre mémoire.

Que sont allés faire exactement ces ministres des Affaires étrangères européens dans le chaudron de Kiev ? Ignoraient-ils à ce point “L’Histoire de la Russie et de son empire” (3) pour se mêler aussi imprudemment d’un problème russo-polono-ukrainien qui remonte à plusieurs siècles et n’a jamais été tout à fait résolu ?

Quand J. Kerry prétend que la Russie modifie “l’architecture de la sécurité en Europe”, croit-il vraiment ce qu’il dit ? Quel pays de l’Otan ou de l’UE a été ou est menacé par Vladimir Poutine ? N’est-ce pas plutôt John Kerry qui, en affirmant que “chaque parcelle du territoire de l’Otan sera défendue” , entend sans doute redonner un peu de souffle à l’Alliance et… inciter les Européens à dépenser plus pour leur sécurité ! En déployant quelques avions et un peu d’infanterie dans les pays Otan de l’Est, ou quelques navires dans les eaux internationales, l’Otan se livre à de la gesticulation opérationnelle. Hubert Védrine, l’ancien ministre français des Affaires étrangères disait non sans humour : “Avec la Crimée, l’Otan a retrouvé un ennemi, la Russie.”

Quand Barack Obama, bien ennuyé peut-être, préconise des sanctions de plus en plus sévères contre la Russie – mais dont les Européens se méfient car ils seront les seuls à en subir les dommages collatéraux – n’est-il pas en contradiction avec ses récentes déclarations où il affirme que “les différends doivent être résolus pacifiquement et non par l’intimidation ou la force” ? S’il était logique avec lui-même, il aurait déjà dû provoquer une rencontre au sommet avec Vladimir Poutine; car, face au chaos qui s’installe en Ukraine, avec une Europe inaudible politiquement et qui laisse l’initiative aux Américains (comme en ex-Yougoslavie, jadis), la crise ukrainienne sera difficile à régler “pacifiquement”. Et ce, d’autant plus, que Vladimir Poutine joue sur son terrain, dans “sa” zone d’intérêt stratégique, et applique la politique étrangère constante de tous “les tsars” ou empereurs russes (Staline et successeurs y compris !) depuis des siècles.

Bref, l’Ukraine nouvelle est mal partie et les Européens feraient bien d’examiner leurs propres responsabilités dans ce mauvais départ. Accuser Vladimir Poutine de tous les maux est un peu trop facile ! [...]

Francis Briquemont

(1) Jacques Gernet, “Le monde chinois”. Ed. A. Colin 1999. (2) “Les erreurs de l’UE”. “La Libre” du 9 avril. (3) Titre d’un livre de l’historien Michel Heller. Ed. Plon 1997.

Source : LaLibre.be

22 aout 2014, Les dirigeants européens basculent dans le fanatisme antirusse

Qui est prêt à aller mourir pour l’Ukraine, un pays miné par la corruption ? Personne. Sans stratégie et portés par l’émotion, les dirigeants européens basculent dans le fanatisme antirusse.
La guerre est toujours la conséquence d’un manque de dialogue, de tolérance, d’intelligence et de créativité.” Cette sage réflexion, émise par Elio Di Rupo à l’occasion des commémorations organisées pour le centenaire du début de la guerre 1914-1918, me paraît plus que jamais d’actualité au moment où certains reparlent de guerre froide ou de paix glaciale, en Europe, à propos de la crise ukrainienne. Une crise qui aurait pu être évitée si les principaux responsables politiques européens avaient aussi fait preuve d’un peu de bon sens stratégique.

Le 9 avril dernier, on soulignait ici les erreurs manifestes commises par l’UE dans la gestion de la crise ukrainienne (1). Plutôt que répéter à satiété “c’est la faute à Poutine” comme on a dit jadis “c’est la faute à Voltaire”, les dirigeants européens devraient admettre que leurs réactions lors de la révolte de Kiev ont illustré, une fois de plus, l’absence totale d’une stratégie cohérente au sein de l’UE, aggravée encore par l’ignorance des “réalités” et de l’histoire de cette région.

En Ukraine, l’instabilité politique est grande, la situation économique catastrophique, le pays miné par la corruption (un “cancer”, dixit le vice-président américain Joe Biden), et bien plus grave encore, des soldats ukrainiens se battent, sur leur territoire, contre une partie de la population. Conséquence de ces combats, des dizaines de milliers d’Ukrainiens de l’Est se sont réfugiés à l’ouest du pays et, plus nombreux encore, les russophones ont fui en Russie ; des réfugiés dont on parle peu dans les médias d’ailleurs.

Comme personne en Europe ou aux Etats-Unis n’est prêt à aller mourir pour Kiev, même en cas d’agression russe – très peu probable – les Occidentaux, plutôt qu’essayer de trouver une solution acceptable pour tous au problème, se sont évertués à imaginer une panoplie de sanctions plus ou moins crédibles contre la Russie, le nouveau Satan. L’émotion en Occident, suscitée par le tragique accident de l’avion de la Malaysia Airlines a alors provoqué une prise de sanctions plus sévères qui ont entraîné une riposte de Moscou sous forme de “contre-sanctions” dont seuls les Etats de l’UE – signalons-le quand même – subiront les effets. Nous verrons bientôt si l’UE ne s’est pas tiré une balle dans le pied.

On en est là. Nombreux sont ceux qui doutent du bien-fondé et plus encore, de l’efficacité réelle de cette stratégie mais le problème maintenant est de sortir d’une crise qui menace la stabilité sur le continent européen.

Si, début de cette année, les dirigeants européens, avant de réagir en ordre dispersé aux actions des révolutionnaires et de se précipiter inconsidérément dans le chaudron de Kiev, avaient froidement analysé la situation sur le terrain, ils auraient conclu que : 1° si cette révolution était très pro-Europe, elle était antirusse à un point tel que, même si l’éviction du corrompu Ianoukovitch était compréhensible, il était difficile d’imaginer que la Russie regarderait les événements sans réagir et sans donner “son” avis sur la question, car l’Ukraine n’est pas située n’importe où sur l’échiquier européen ; 2° que les révoltés de Kiev se faisaient peut-être beaucoup d’illusions sur la signification réelle d’un pacte d’association avec l’UE.

Les dirigeants européens auraient pu se rappeler aussi que, depuis des siècles, et quel que soit le régime politique des pays concernés, les relations entre la Grande Russie (Moscou), la Petite Russie (Kiev), la Russie Blanche (Minsk) et la très instable Pologne n’ont jamais été “simples”.

Et si, sur base de ces conclusions, le duo politique de l’UE Herman Van Rompuy et Catherine Ashton, dûment mandaté par un sommet européen, avait d’emblée rencontré, d’une part Vladimir Poutine pour analyser la situation et expliquer ce que pouvait être l’appui de l’UE au développement de l’Ukraine, et d’autre part les révolutionnaires de Kiev pour leur rappeler que leur pays était un Etat bicommunautaire et insister sur les conditions d’une bonne coopération avec l’UE, nous aurions peut-être assisté à un autre scénario, plus conforme en tout cas à la vision d’Elio Di Rupo concernant la résolution des tensions internationales.

Au lieu de cela, le fanatisme antirusse des dirigeants de Kiev a offert la Crimée sur un plateau d’argent à Vladimir Poutine et l’attitude des dirigeants occidentaux vis-à-vis de celui-ci – snobé à Sotchi, éjecté du G7/G8, rejeté par l’Otan, sanctionné et accusé des pires intentions vis-à-vis de l’Ukraine et même de l’Otan – a abouti à la situation d’aujourd’hui.

Je ne sais de quoi sera fait demain. L’optimiste pense qu’il serait peut-être plus intelligent d’aller vers une désescalade et de demander à quelques sages “créatifs” de “déminer” le terrain. Le pessimiste se demandera peut-être si certains ne souhaitent pas en revenir au temps de la guerre froide, d’une nouvelle confrontation Est-Ouest, et pourquoi pas, tant qu’on y est, à un nouveau rideau de fer à l’est des pays baltes et de la Pologne. Quand je pense qu’aujourd’hui, la désignation des remplaçants de Herman Van Rompuy ou de Catherine Ashton à la Commission européenne devrait pour certains dépendre de leur “attitude” plus ou moins ferme vis-à-vis de Moscou, c’est inquiétant pour la paix et la stabilité en Europe […].

En fait, plus on s’éloigne de la fin de la Seconde Guerre mondiale, plus les nationalismes ou régionalismes reprennent vigueur (voir crise ukrainienne), alimentés parfois par des idéologies qui rappellent le fascisme voire le nazisme de sinistre mémoire. L’égoïsme sacré des Etats “souverains” et des… individus d’ailleurs, l’emportent de plus en plus sur l’esprit de solidarité. [...]

Mais, plus sérieusement, les Occidentaux ne devraient-ils pas faire le bilan de leur stratégie depuis le début de ce siècle, jalonné par l’Afghanistan, l’Irak, l’Afrique, la Libye, l’éternel conflit israélo-palestinien et tout cela pour quelques piètres résultats ? Priorité des priorités, ne devraient-ils pas se consacrer à la préparation de la conférence sur l’avenir de la planète qui se déroulera l’an prochain à Paris ? L’enjeu est tel pour l’avenir des Terriens et de “leur” maison que la récupération de la Crimée par la Russie apparaîtra demain comme un épisode anecdotique de la géopolitique mondiale.

Francis Briquemont

(1) “La Libre” du 9 avril, “Crimée : les erreurs de l’UE”.

Source : LaLibre.be

Source: http://www.les-crises.fr/les-dirigeants-europeens-basculent-dans-le-fanatisme-antirusse/


[Vidéo] Poudres et potions de l’industrie alimentaire

Sunday 24 August 2014 at 03:49

Les additifs que créent les entreprises de l’industrie agro-alimentaire ont trouvé une place de plus en plus encombrante dans tout le panel d’aliments qu’aujourd’hui nous consommons, et cela sans que nous n’en ayons réellement conscience. Sous des appellations obscures “d’arômes”, de “goût de synthèse”, “d’édulcorants” et autres qualificatifs sortis tout droit d’une boîte chimique de pandore, ces industriels procèdent à un empoisonnement pernicieux de tout ce que nous mettons dans nos assiettes.

L’augmentation vertigineuse des cas de diabète, d’insuffisances rénales, de problèmes cardiaques, d’allergies, d’obésité, ou bien alors de ces empoisonnements de “lots” que l’on retire de toute urgence des rayons, vient corroborer ce que des techniciens, des Associations de consommateurs et des médecins annoncent depuis des décennies.

Car toute cette manigance de substitutions n’a comme seul objectif que celui de réduire les coûts de fabrication de ces produits parfois mortels.

Le cuisinier n’est plus, même si de temps à autre il en apparaît un à l’écran, toque vissée, accent du terroir, et venant vanter un plat cuisiné ou un yaourt à la saveur naturelle absolument insipide ; la nourriture du 21ème siècle n’est devenue qu’une affaire de gros sous et de chimistes sans aucun scrupules.

Source: http://www.les-crises.fr/video-poudre-et-potions/


Faisons sauter les paradis fiscaux !

Sunday 24 August 2014 at 00:10

Un article de 2013, que j’avais sous le coude…

La crise chypriote a révélé au grand jour le statut fiscal particulier de l’île au sein de la zone euro. Mais il n’est pas très différent de celui d’autres pays européens, comme le Luxembourg ou les îles Anglo-Normandes : des aberrations qu’il faudrait purement et simplement abolir.

Xavier Vidal-Folch

Xavier Vidal-Folch

Pourquoi fait-on couler Chypre, alors que les autres paradis fiscaux – le Luxembourg ou les petites îles britanniques comme Man et Guernesey – ne sont pas inquiétés ?

Cette attitude de victime qu’adopte Chypre est assez bête. Si quasiment personne ne va fouiller dans ces enclaves, c’est parce qu’elles ne demandent pas à leurs partenaires européens de les sauver de la faillite.

Ce n’est pas tout, en revanche, car le cas chypriote est tout de même hallucinant. Jusqu’en 2007, c’est tout juste si l’île collectait des impôts. Dans les années 1990, c’est à Chypre que Slobodan Milosevic est venu cacher les 800 millions de dollars qu’il avait raflés dans les caisses yougoslaves. Ce sont les banques chypriotes qui placent, blanchissent et réinjectent l’argent sale venu de Russie, et notamment les capitaux issus de la spéculation pétrolière. Selon la CIA, l’île participe aussi à la traite de femmes philippines et dominicaines pour leur exploitation sexuelle. Le grand port de Limassol est la capitale des navires qui échappent aux réglementations et dont les activités sont opaques et irresponsables, car ils profitent du pavillon chypriote – qui s’apparente presque à un drapeau pirate.

Liste noire

Par ailleurs, l’élite financière maintient, tout comme en Irlande, des relations incestueuses avec la droite politique : c’est le ministre des Finances, Michalis Sarris, qui a cherché à faire ami-ami avec Moscou pour apaiser les blessures des banques ; c’est aussi lui qui, en 2012, était président du conseil d’administration de l’institution financière dont l’état est le plus catastrophique, le groupe Laïki.

En réalité, Chypre n’est pas un paradis fiscal, si l’on se fie à la définition vague de l’OCDE. Il est vrai que les impôts sont extrêmement bas, condition sine qua non pour être inscrit sur la liste noire. Pourtant, l’île ne répond pas aux deux autres critères nécessaires : l’opacité totale et l’impossibilité pour les pays tiers d’obtenir des informations fiscales.

D’autres petits détails enlaidissent et fragilisent l’île. Son secteur financier a une ampleur démesurée (les actifs équivalent à 7,1 fois le PIB) – tout comme l’Irlande, dont le sauvetage était aussi lié à la taille de l’économie –, soit le double de la moyenne européenne (où les actifs atteignent 3,5 fois le PIB) et de l’Espagne (3,1), mais le tiers du Luxembourg (21,7).

Ainsi, Chypre n’est pas un paradis fiscal au strict sens juridique du terme, même si elle n’en n’est pas loin, tout comme le Luxembourg, bien que les deux ne soient plus inscrits sur la liste grise de l’OCDE.

Le mal chypriote couve

Le Luxembourg ? Parlons-en. Le Grand-Duché est le pays le plus riche au monde, grâce à 200 banques étrangères et plus de 3 000 milliards d’euros en actifs financiers extraterritoriaux (sur les 20 000 milliards existants dans le monde), qui bénéficient d’un système fiscal extrêmement généreux. La situation actuelle n’est plus aussi paradisiaque que l’ancien régime dont bénéficiaient les entreprises de type “Holding 1929″, qui étaient exemptes de tout impôt et retenue. Toutefois, depuis 2007, certaines sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF), qui ne sont redevables à aucun moment de leurs rentes, leur patrimoine ou de la TVA, se voient tout de même prélever quelques retenues et une taxe de 0,25 %. Voilà ce qu’on pourrait appeler les limbes fiscaux.

Un jour, peut-être que le Luxembourg, la Suisse et les égouts insulaires de Londres (et… de Singapour) contracteront le mal chypriote. Ces territoires couvent déjà la maladie, en un sens. Ainsi, pour éviter de faire appel au contribuable allemand ou espagnol pour les sauver et pour empêcher que les détenteurs de dépôts non garantis ne paient les pots cassés, il y a une solution : dynamiter les limbes fiscaux.

Comment ? Il faut mettre en œuvre une grande harmonisation fiscale, qui complètera la partie consacrée aux recettes dans le traité budgétaire, dont l’objectif est la maîtrise des dépenses. La stratégie consiste à harmoniser les types d’impôts et les bases imposables en ce qui concerne les taxes sur le capital, mais aussi à mettre en place des tranches plus petites pour l’impôt sur le revenu, éliminer les exceptions à la TVA, harmoniser à la hausse l’impôt sur les sociétés, taxer les bénéfices engrangés dans les limbes fiscaux par les sociétés marchandes étrangères et imposer une taxe progressive sur les transactions financières.

De telles transformations ne seront pas simples. Au sein de l’UE, les accords fiscaux nécessitent l’unanimité. Ceux qui profitent des limbes fiscaux et tous leurs amis ont un droit de véto. Et ils s’en servent, pour l’instant. Dynamitons aussi ce veto. Faites-passer le mot.

Par Xavier Vidal-Folch
Traduction : Leslie Talaga
Source : presseurop

Source: http://www.les-crises.fr/faisons-sauter-les-paradis-fiscaux/


Banques: des vigies contre Goliath

Saturday 23 August 2014 at 00:10

Un article de 2013, que j’avais sous le coude…

Une autre finance est possible. Au service de l’intérêt général. Qui investirait dans l’économie réelle plutôt que de spéculer en jouant à «pile je gagne, face la société perd – et c’est le contribuable qui casque». Bien sûr, le puissant lobby bancaire résiste. A Bruxelles, son armada compte plus de 700 lobbyistes. Mais depuis dix-huit mois, un frêle Zodiac, l’ONG Finance Watch, tente d’exercer un contre-pouvoir. Et commence à se faire entendre à Berlin, Londres ou Paris. En écrivant une lettre ouverte au ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, elle s’est invitée dans le débat français sur le projet de loi censé séparer et réguler les activités bancaires. Discuté ces jours-ci à l’Assemblée nationale, celui-ci égratigne à peine les opérations spéculatives des banques. Un renoncement du politique, un an après les promesses électorales de François Hollande. Reportage au QG bruxellois de Finance Watch, où nous avons suivi ses treize salariés. Pas des révolutionnaires, juste des banquiers défroqués en quête de (bon) sens.

Mardi 29 janvier, 16 h

«Pas de populisme»

«Où est la hache ?» Grande, élégante, Aline Fares déboule dans le bureau en rigolant. Ancienne de Dexia, la banque franco-belge sauvée à grands frais, la conseillère en stratégie et analyse du secrétaire général a rédigé un document proposant des amendements au projet de loi français. Il est temps d’envoyer le communiqué aux médias. La hache aurait symbolisé à merveille la mesure du candidat Hollande : scinder les activités des banques en deux, d’un côté la banque de dépôt, celle de M. Tout-le-monde et des PME ; de l’autre la banque d’affaires. Tchac ! Histoire d’éviter que les citoyens paient pour la faillite d’un établissement sorti tout nu du casino. Las, cette coupe franche a disparu : le texte prévoit juste de filialiser les activités les plus dangereuses.

Le communiqué de l’ONG ne mâche pas ses mots («Dans l’état actuel du projet de loi, […] la société continuera à garantir l’activité de trading au détriment du financement de l’économie, et le contribuable continuera à subventionner les bonus des traders»). Mais la photo sera neutre. Un stylo posé sur de gros volumes de jurisprudence. La hache, c’était une blague. Malgré son surnom de Greenpeace de la finance, l’organisation évite les campagnes chocs. «Nous ne faisons pas de populisme antibanques. Les errements de la finance, c’est plus compliqué qu’une histoire de gentils et de méchants», justifie Greg Ford, le directeur de la communication, ex-journaliste financier britannique. Ô surprise, l’ONG, sise dans cinq pièces, partage machine à café et imprimante avec ses voisins de l’AFME (Association des marchés financiers en Europe), le bras armé des banques d’affaires. Dans le même immeuble, on trouve aussi Merrill Lynch, Bank of America et l’ISDA, le lobby des swaps et produits dérivés. «C’est un hasard, sourit Greg. Nos relations sont cordiales, mais parfois, je cours chercher ce que je viens d’imprimer.»

16 h 30

Expliquer, sensibiliser

A trois rues de là, au pied du Parlement européen. Joost Mulder se plie aux mises en scène d’une équipe de la chaîne allemande ZDF qui enquête sur le lobbying financier. Sujet que le directeur des relations publiques de Finance Watch connaît par cœur. Ce Néerlandais a quitté sa carrière de lobbyiste bancaire parce qu’il en avait assez de bourrer le crâne des élus avec cette litanie : «Imposer des garde-fous aggraverait la crise et détruirait des emplois.» Sous la pluie, costume gris et cravate rouge, il entre dans un café. Trois prises. Fait mine de lire le Financial Times. Deux prises. Consacrer du temps aux médias fait partie du job. Il faut sensibiliser le public. Expliquer que le combat pour une finance au service de la société concerne chacun d’entre nous, au quotidien. Il sait qu’un soutien populaire lui permet d’avoir davantage de poids auprès des eurodéputés. Et que l’ONG doit récolter des dons de particuliers, si elle veut assurer sa survie et son indépendance.

Mercredi, 8 h 30

«Observer l’animal en action»

Revoici Joost Mulder au Sofitel de la place Jourdan. Petit déjeuner sur l’avenir des securities markets (marchés obligataires) européens, autour de Maria Teresa Fabregas, spécialiste du sujet à la Commission. A la table ovale, une vingtaine de participants dont une moitié de lobbyistes de l’industrie. «C’est assez équilibré, d’habitude ils sont trente, face à deux députés et moi.» Joost n’est pas dupe : les chantres de la dérégulation espèrent charmer Finance Watch en même temps qu’ils font pression sur la technocrate. «C’est la preuve que nous comptons désormais ici. Tant que nous ne sommes pas récupérés, j’accepte ces sollicitations car c’est une des rares occasions où je peux observer l’animal en action.»

9 h 15

Une loi comme une coquille vide

Retour chez Finance Watch, dans le bureau dépouillé de Thierry Philipponnat, le secrétaire général qui a monté et pilote la structure. Il vient d’enregistrer une vidéo pour expliquer sur le site de l’ONG pourquoi le projet de loi français est une coquille vide (voir ci-dessous). «La façon dont il est rédigé laisse croire que ce n’est pas le cas, ça prouve que la plume a été tenue par le lobby. Un tel revirement après le discours de campagne de Hollande, ça force le respect», ironise-t-il.

Détendu, costume impeccable, le quinqua français est un ancien cador de la finance. Après vingt ans chez UBS, BNP Paribas et Euronext, il a claqué la porte pour s’engager chez Amnesty avant d’être repéré par les 22 eurodéputés de tous bords – sauf extrêmes – à l’origine de Finance Watch. La cheville ouvrière idéale. «Je n’ai jamais rien vu d’illégal, c’était bien plus subtil, assure-t-il. La finance ne compte pas tant de grands cyniques que ça. Le problème, c’est le système. Devenu absurde, court-termiste, il a tellement fractionné les boulots qu’il y a peu de place pour prendre du recul. Je me suis dit : “Au fait, ça sert à quoi, la finance ? A investir et aider les gens ou à parier sur tout ce qui bouge?” Ici, on a tous ça dans les tripes.» Thierry Philipponnat a composé une équipe de «professionnels avec une âme de militants», qui ont divisé leur salaire par cinq ou six et pris un gros risque personnel, tant Finance Watch reste fragile – son maigre budget de 2 millions d’euros n’est pas sécurisé. En privé, «la grande majorité» de ses anciens confrères souhaitent eux aussi que les choses changent. «Ils me disent : Allez-y, il y en a besoin.»

9 h 45

«C’est ça, le capitalisme»

Thierry Philipponnat suit en direct sur Internet l’audition des patrons Jean-Paul Chifflet (Crédit agricole), Jean-Laurent Bonnafé (BNP Paribas) et Frédéric Oudéa (Société générale) par la commission des finances du Palais-Bourbon. Il prend des notes. Bonnafé affirme que le Glass-Steagall Act américain de 1933 (qui a interdit pendant soixante ans aux banques de dépôt d’œuvrer sur les marchés financiers) n’a «pas donné satisfaction». Thierry s’énerve : «C’est faux ! Ça a parfaitement marché ! Les banques ont financé l’économie et il n’y a pas eu de crise.» Bonnafé poursuit. Réguler empêcherait de financer l’économie. Agacement. «Il nous fait pleurer avec ça, parlons-en : l’argent que prête BNP Paribas aux entreprises, c’est seulement 7,5% de son bilan ! J’aimerais qu’il nous parle des 92,5% restants.» Frédéric Oudéa menace : «Le jour où vous n’aurez plus de banques…» Thierry est excédé : «Pourquoi il n’y en aurait plus ! Ça n’a aucun sens ! Ça, ça s’appelle faire peur aux élus ! J’adorerais être face à lui et lui répondre.»

Cuisiné par la députée PS Karine Berger, Oudéa admet que la loi ne toucherait que 1% de l’activité de sa banque. Mais même ça, ça l’«embête». «Il nous dit sans complexe qu’il aime les profits mais pas les pertes. Eh bien oui, c’est ça le capitalisme, mon gars : tu gagnes, c’est pour toi, mais tu perds, c’est aussi pour toi, pas pour l’Etat. La finance est la seule industrie qui bénéficie de ce privilège “pile je gagne, face la société perd”.»

11 h 30

Lobby bancaire : «one point»

Aline entre et tend à Thierry la une du Financial Times. «Bruxelles recule sur une réfome bancaire clé», titre la bible de la City. Soupirs. Michel Barnier, commissaire chargé des services financiers, émet des réserves sur la proposition européenne de séparer radicalement le trading du reste de l’activité des banques. Lobby bancaire, one point. A l’écran, l’audition se poursuit. Les députés sont pugnaces. Thierry reprend espoir. «Ils ont bossé, ils posent de bonnes questions, les messages passent. Je voudrais vraiment que le Parlement se révolte vis-à-vis de ce texte, moins ambitieux que ce qui se prépare aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Et de très loin.»

12 h 45

Un porte-voix pour les hérauts

Retour place Jourdan, avec la Suisse Anouchka Nicolet. Ex-banquière aussi, elle s’occupe du partage d’expertise avec les membres de Finance Watch, 71 syndicats, associations de consommateurs et ONG, comme Oxfam ou le Secours catholique, qui représentent près de 100 millions de citoyens européens. Un énorme porte-voix pour les hérauts de la «finance au service de la société». Anouchka a rendez-vous dans une brasserie avec un salarié de Transparency International. La grosse ONG de lutte contre la corruption a publié un rapport pointant les risques de conflits d’intérêts à la Banque centrale européenne (BCE). De quoi nourrir la réflexion de Finance Watch.

15 h 20

Sabir, amendements et cartoon

Ambiance monacale dans le bureau de l’équipe de recherche. Le Français Frédéric Hache, le Belge Benoît Lallemand et le Britannique Duncan Lindo, encore des repentis, avalent des milliers de pages de propositions législatives européennes et pondent des rapports dans un sabir exotique (MiFID 2, CRD IV, UCITS, PRIPS), ensuite traduits en propositions d’amendements. Quand il a une minute de libre, Frédéric sort son iPad et dessine. Le côté start-up de la maison. D’un trait assuré, il résume en BD les enjeux de Bâle III, la réforme qui obligera les banques à augmenter leur capital pour les rendre plus solides. Malgré le peu de contraintes, les intéressées agitent le chiffon rouge des pertes d’emplois. Elles tremblent juste pour leurs profits. Frédéric croque une analogie : «C’est comme si on limitait la vitesse à 400 km/h et que les constructeurs disaient qu’ils ne vendront plus de voitures.» Pendant ce temps, Benoît peaufine une infographie pour renseigner Mme Michu sur le trading à haute fréquence, ces échanges boursiers traités à la milliseconde, symboles de la transformation des marchés en casinos. «Franchement, c’est bien plus facile d’écrire un rapport technique. Mais cela fait partie de notre mission. Les banques, ça les arrange bien que les gens ne comprennent rien à ce qu’elles font.»

Illustrations Rocco

Par CORALIE SCHAUB
Source Libération

Source: http://www.les-crises.fr/banques-des-vigies-contre-goliath/


Revue de presse du 23/08/2014

Saturday 23 August 2014 at 00:01

Merci à nos contributeurs grâce auxquels la revue d’aujourd’hui nous parle de bulles et de banques centrales, mais aussi de riz, de pop-ups et de décroissance, avec également des thèmes Europe et Réflexion variés…

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-23-08-2014/


Ukraine : plusieurs anciens ministres européens appellent à exercer une pleine retenue militaire et politique

Friday 22 August 2014 at 03:52

Gestion de la crise en Europe dans le contexte des événements en Ukraine - Jeudi 31 juillet 2014

La Mission de Coopération dans la Grande Europe (Task Force on Cooperation in Greater Europe) estime que la crise actuelle fait peser un risque sur la sécurité européenne et met face à face des adversaires dotés de l’arme nucléaire dans une région hautement instable. Dans sa deuxième prise de position sur la Gestion de la crise en Europe dans le contexte des événements en Ukraine, la Mission appelle les deux parties à :

La Mission appelle également les deux parties à :

Parmis les signataires de l’article :
  • Malcolm Rifkind (ancien Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères et à la Défense du Royaume Uni)
  • Des Browne (ancien Secrétaire d’Etat à la Défense du Royaume Uni)
  • Vyacheslav Troubnikov (ancien Directeur des services Russes)
  • Igor Ivanov (ancien Ministre Russe des Affaires Etrangères)
  • Adam Daniel Rotfeld (ancien Ministre Polonais des Affaires Etrangères)
  • Paul Quiles (ancien Ministre Français de la Défense)
  • Herve Morin (ancien Ministre Français de la Défense)
  • Anatoly Adamichine (ancien ministre Russe délégué aux Affaires Etrangères et Ambassadeur au Royaume Uni)
  • Özdem Sanberk (ancien sous-secrétaire d’Etat Turc aux Affaires Etrangères)
  • Volker Ruhe (ancien ministre Allemand de la Défense)
  • Alexei Gromyko (Directeur de l’Institut de l’Europe de l’Académie des Sciences Russe)
  • Tarja Cronberg (ancienne députée Finnoise en ancienne Directrice de l’Institut de Recherche sur la Paix de Copenhague)
Dans sa première prise de position publiée en janvier 2014, le groupe de travail a affirmé que, si les Européens ne jetaient pas les bases d’un nouveau grand projet de coopération européen, les divisions entre l’UE et la Russie pourraient générer une nouvelle période de confrontations en Europe.
L’exposé est disponible ici.
Le groupe de travail est soutenu par les recherches indépendantes d’un consortium de think-tanks : le European Leadership Network (ELN) à Londres ; le  Russian International Affairs Council (RIAC) à Moscou ; le  Polish Institute of International Affairs (PISM) à Varsovie et le International Strategic Research Organisation (USAK) à Ankara. Vous trouverez plus d’informations sur le site du groupe de travail.
L’exposé complet, toutes signatures incluses, est dorénavant disponible au téléchargement en anglais, russe, polonais, turc et allemand ci-dessous. La traduction en français sera rapidement disponible.
Source 
Traduction collective par les lecteurs du blog www.les-crises.fr 
Le document complet :

Gestion de crise en Europe dans le contexte des événements en Ukraine publié par les-crises

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-plusieurs-anciens-ministres-europeens-appellent-a-exercer-une-pleine-retenue-militaire-et-politique/


[Reprise] Paris Match Ukraine : Révélations sur la tuerie de Krasnoarmeïsk

Friday 22 August 2014 at 01:27

Des éléments du groupe ultra-nationaliste ukrainien Pravy Sektor ont participé à une opération commando contre le référendum du Donbass, tuant deux civils désarmés dans la bourgade de Krasnoarmeïsk dimanche, selon une enquête de Paris Match.

La rumeur circulait dans les rangs séparatistes depuis plusieurs semaines : il y aurait, parmi les forces loyales au gouvernement de Kiev, des radicaux de Pravy Sektor (ou «Secteur Droit»), cherchant à tout prix à créer des incidents sanglants dans les régions pro-Russes de l’est ukrainien. Quoique minuscule politiquement, Pravy Sektor a joué un rôle relativement significatif lors des combats de rue qui menèrent à la chute de l’ex-président Viktor Ianoukovitch en février pendant la Révolution de la Place Maïdan. Cette coalition de groupuscules d’extrême droite, rassemblés sous l’étendard rouge-noir, est décrite comme «fasciste» par les habitants des zones pro-Russes de l’est, qui l’accusent constamment de fomenter des troubles. Elément important de la guerre de désinformation que se joue en Ukraine, cette accusation a été reprise en boucle par les médias russes proches du Kremlin. Mais toujours sans preuve, au point d’en paraître parfois presque ridicule et d’être tournée en dérision sur le web

La rumeur est pourtant vraie, selon des images irréfutables prises par des photographes de Paris Match. Ces clichés montrent en effet Andreï Denisenko, l’un des chefs de Pravy Sektor, parmi le mystérieux groupe de miliciens en armes qui a saccagé le bureau de vote dans la ville de Krasnoarmeïsk pendant le référendum de dimanche, à une soixantaine de kilomètres de Donetsk, la «capitale» séparatiste. Quittant les lieux au bout de plusieurs heures, les miliciens ont blessé à bout portant un homme et tué deux autres résidents, tous désarmés.

Retour sur l’événement :

Le groupe d’une quinzaine de miliciens est arrivé à Krasnoarmeïsk vers 14h30 dimanche dernier, chassant de la mairie tous les organisateurs du référendum sécessionniste qui s’y tenait.

Le groupe s’est ensuite enfermé durant plusieurs heures dans la mairie de cette petite ville industrielle, perdue sur la plaine du Donbass, tout près de la frontière entre la région de Donetsk et celle, loyale à Kiev, de Dniepropetrovsk. «Ils sont arrivés en affirmant qu’ils étaient de la Garde Nationale, mais on savait que c’était faux» affirme Vitalik Naïdiomov, un des témoins de la scène. «On a tous reconnu qu’ils arrivaient dans des camionnettes de la PrivatBank». Cette banque, dont les locaux ont été saccagés un peu partout dans l’est du pays, appartient à l’oligarque Igor Kolomoisky, un des principaux soutiens de l’actuel gouvernement de Kiev. Kolomoisky est justement le gouverneur de la région voisine de Dniepropetrovsk. On l’accuse d’avoir créé ces dernières semaines une nouvelle milice pro-Kiev : le «Bataillon du Dniepr». Plusieurs témoins de la tuerie affirment en outre, mais sans apporter de preuve formelle, avoir reconnu certains de ses hommes parmi les miliciens débarqués dimanche à Krasnoarmeïsk. Kolomoisky n’a pour l’instant fait aucun commentaire sur l’incident. Le gouvernement, pour sa part, a publié un communiqué pour déclarer l’opération illégale et nier catégoriquement que la Garde Nationale ou toute autre force régulière y ait pris part. Les autorités transitoires ont en outre indiqué qu’elles ouvraient une enquête criminelle pour meurtre.

Une mystérieuse milice :

Si rien ne permet pour l’heure d’établir la structure de commandement du mystérieux groupe de miliciens, Paris Match a pu constater qu’il comptait bien une des figures de proues de Pravy Sektor dans ses rangs. Andreï Denisenko, chef de Pravy Sektor pour la région de Dniepropetrovsk et directeur adjoint du parti, apparaît sur les images d’un photographe de Match, debout à la tribune lors d’un rassemblement de Pravy Sektor à Kiev en Mars pour annoncer sa participation à l’élection présentielle.

Il apparaît aussi sur Internet lors d’une conférence de presse annonçant la formation de son groupe. Enfin, il apparaît surtout le 11 Mai sur le parvis de la mairie Krasnoarmeïsk.

Homme barbu

Les images de Paris Match le montrent en train de tirer en l’air avec sa Kalachnikov, juste au dessus des têtes des résidents furieux qui commencent à vouloir encercler les miliciens. Plusieurs témoins ont par ailleurs affirmé, sans pour autant apporter de preuve, que l’homme barbu visible sur la gauche de la même image serait l’un des chefs du «Bataillon du Dniepr» (Photo ci-contre).

Plusieurs témoins assurent avoir entendu certains des miliciens parler avec un fort accent de l’ouest ukrainien. Ils ont aussi remarqué plusieurs hommes venus du Caucase, possiblement des mercenaires Tchéchènes. D’autres, ne parlant jamais, sembleraient étrangers à la région. Le photographe de guerre Jérôme Sessini a passé près d’une heure à côtoyer ces miliciens avant qu’ils n’ouvrent le feu.

Hommes Masqués

«Ce n’est pas une certitude, mais à leur attitude générale et à leurs gestes très précis, j’ai eu la nette impression – disons à 95% – qu’il y avait des mercenaires américains ou formés par les Américains parmi eux» explique Sessini, qui a côtoyé pendant plusieurs années les hommes des sociétés de sécurité privée américaines lors de ses reportages en Irak et en Afghanistan.

Plusieurs de ces hommes étaient masqués, ou drapés dans des keffiehs (Photo ci-contre), ce qui rend difficile de pointer qui parmi eux a tiré les coups mortels.

Des civils sous le choc :

C’est vers 17 heures que la petite foule, chassée de la mairie par la milice, a voulu les dégager du lieu à mains nues. Une vidéo, confiée à Paris Match par un habitant, montre comment le ton est progressivement monté jusqu’à ce que les miliciens reculent sous la pression de la foule.

L’un des meneurs est Rouslan Sergueïvitch Pilipenko. Ce solide gaillard de 32 ans travaille dans une des mines proches de Krasnoarmeïsk.

Ukraine 4

Rouslan, la cheville déchiquetée par une balle de Kalachnikov. © DR/PARIS MATCH

On voit sur les images qu’il est furieux. Un des miliciens finit par le repousser à coups de crosses, mais Rouslan continue d’avancer, un canon pressé contre son ventre. Puis le milicien tire, Rouslan s’affaisse, la cheville déchiquetée par une balle de Kalachnikov à bout portant (Photo ci-dessus). La foule se presse pour l’aider, sans se rendre compte du drame qui vient de se jouer.

 

Ukraine Vadim

Vadim Khoudich, plombier, 38 ans, gît mort sur l’herbe. © DR/PARIS MATCH

En effet, quelques mètres en arrière, Vadim Khoudich vient de s’effondrer, projeté en arrière par une balle qui l’a frappée en pleine face. «Il n’était pas armé, ne faisait rien, et n’était même pas menaçant», explique son ami et voisin Vitalik Naïdiomov. Il nous montre la vidéo, où l’on voit clairement un des tireurs masqué, debout dans l’embrasure d’une fenêtre du premier étage. «Le médecin légiste nous a dit qu’il avait tiré directement pour tuer».

Ukraine 5

Youri Nikolenko, 48 ans, au centre, en tee-shirt bleu, jette une pierre au moment où les miliciens se replient dans leurs camionnettes. © DR/PARIS MATCH

 

Devant la mairie, on peut en effet voir le trou laissé dans le goudron par le tir fichant. Vadim est mort sur le coup, d’une seule balle dans le menton, qui lui a sectionné la moelle épinière en ressortant. Les autres habitants l’ont porté sur l’herbe, impuissants, tandis que les miliciens remontaient dans leurs camionnettes pour s’enfuir. De rage, Youri Nikolenko, 48 ans, leur a jeté une pierre (Photo ci-dessus). Ils ont riposté avec leurs balles, le blessant mortellement à l’épaule.

Ukraine !

Touché à l’épaule par une balle, Youri Nikolenko s’effondre, au pieds du cadavre de Vadim Khoudich. © DR/PARIS MATCH

On le voit qui s’effondre, presque aux pieds de Vadim. Le plombier de 38 ans laisse une fille de 14 ans, Valeria, et une autre de deux ans et demi, Vlada. «Il m’a prévenu par téléphone qu’il y avait du grabuge à la Mairie et m’a dit de ne pas venir voter», nous explique sa femme Natacha, effondrée tandis que les voisins défilent dans son misérable petit appartement HLM pour rendre hommage à sa dépouille. «Juste après, il était mort», poursuit Natacha, une frêle petite brune à la voix tremblante, qui cache ses larmes derrière de grosses lunettes noires. «Certains cherchent à comprendre ce qui s’est passé. Mais moi, il ne me reste que la douleur, poursuit-elle. Vous pouvez le comprendre, ça?». Natacha ôte un instant ses lunettes pour planter son regard noir dans le notre. «Non, ça vous ne pouvez pas le comprendre.» Elle reprend son souffle. «Ni vous ni personne…»

 

Source : http://www.parismatch.com/Actu/International/Ukraine-Revelations-sur-la-tuerie-de-Kransnoarmeisk-564090

Source: http://www.les-crises.fr/revelations-sur-la-tuerie-de-krasnoarmeisk/


[Invité] L’opinion publique est dominée par un égrégore, par Pascal Roussel

Thursday 21 August 2014 at 03:21

C’est avec plaisir que je vous propose ce billet de Pascal Roussel, un des invités vétérans de ce blog…

Pascal Roussel est chef d’unité au sein du département des risques financiers au sein d’une grande banque située au Luxembourg
Plus d’infos sur lui et le livre qu’il a publié sur son blog www.pascalroussel.net

August Landmesser (1910-1944 ; wikipedia en fr, et ici en anglais), travailleur à l’arsenal Blohm & Voss de Hambourg, refusant d’effectuer le Salut nazi lors de l’inauguration navale d’un vaisseau d’entraînement, le Horst Wessel, le 13 juin 1936

Même si certains obéissent probablement à un agenda caché ou que d’autres n’osent pas se démarquer, il est stupéfiant de voir que des journalistes ou des politiciens a priori intelligents, équilibrés, cultivés et sincères s’enferment dans une grille de lecture unique! Et de là, on peut difficilement blâmer la vaste majorité de la population de se retrouver avec les mêmes œillères que les faiseurs d’opinion.

On peut se demander si, en Europe et aux États-Unis, le monde politique et les grands médias qui couvrent les questions financières ou géopolitiques ne sont pas collectivement sous l’influence malfaisante d’un égrégore (“concept désignant un esprit de groupe, une entité psychique autonome ou une force produite et influencée par les désirs et émotions de plusieurs individus unis dans un but commun. Cette force vivante fonctionnerait alors comme une entité autonome”) ? La position atlantiste poussant alors les autres pays à se radicaliser.

Or l’Histoire a montré qu’une opinion publique dominée par un même esprit de groupe peut rapidement se retrouver confrontée à une guerre qu’elle n’a pas souhaitée.

L’État américain est de facto dirigé par la CIA et par des lobbies dont le plus puissant est le complexe militaro-industriel qui représente énormément d’emplois et pèse lourd dans l’économie américaine (1). Même si la stratégie pour y arriver est floue, il demeure que la volonté américaine est d’établir un monde unipolaire, répondant prioritairement aux intérêts propres d’une seule super-puissance, les États-Unis. Cette volonté, pourtant ancienne, apparait de plus en plus choquante alors que la politique américaine visible est de plus en plus éloignée des valeurs démocratiques et de liberté que la nation américaine a longtemps incarnée. De nombreux dirigeants ou faiseur d’opinions européens dont le statut et les revenus dépendent plus ou moins de leur allégeance à l’Etat américain ont de plus en plus de mal à présenter l’Amérique comme une super-puissance soucieuse d’œuvrer au bien commun dans le monde.  Pour combien de temps encore, les États-Unis conserveront leur pouvoir attractif sur de nombreux jeunes ?

En ligne avec la philosophie « ce qui est bon pour l’Amérique doit forcément être bon pour le reste du monde », en 1997, le très influent Zbigniew Brzezinski (ancien conseiller national à la sécurité des États-Unis) recommandait de ne pas laisser l’Ukraine sous l’influence de la Russie. Selon ce politologue, sans l’Ukraine la Russie ne pourrait jamais diriger un empire eurasien et par là inquiéter la suprématie mondiale des États-Unis (2). De là découle, les centaines de millions de dollars versés directement ou indirectement par les États-Unis pour soutenir en Ukraine, des ultra-nationalistes (dont des néo-fascistes),  attiser une haine radicale contre la Russie et pousser l’actuel président ukrainien à mener une guerre à l’encontre d’une partie de sa population. Inutile d’approfondir dans ce billet les étapes du conflit ukrainien, ces faits étant largement exposés en détail sur l’excellent blog d’Olivier Berruyer (3)

Bien entendu Poutine n’est pas un Saint, mais ceux qui tentent d’avoir une vision plus objective, qui veulent faire preuve d’empathie pour les camps opposés, qui souhaitent des débats contradictoires afin de comprendre les différents points de vue sont marginalisés. Le cas de l’avion MH17 abattu au-dessus de la zone de guerre en Ukraine (et quels que soient les coupables, j’espère qu’il s’agit uniquement d’une tragique erreur) est significatif : très rapidement et sans la moindre preuve, les médias et responsables politiques atlantistes ont désigné la Russie comme co-responsable. Les versions alternatives (4) pourtant dignes d’intérêt sont ignorées et même si elles devaient se révéler vraies un jour, on peut craindre que les grands médias n’en fassent jamais écho. L’égrégore est si puissant que rien ne semble pouvoir arrêter l’escalade, il a désigné la Russie comme l’ennemi à abattre et il veut l’accélération du désordre mondial.

Et pourtant de nombreuses personnalités crédibles tirent vainement la sonnette d’alarme (5), mais rien n’y fait.

L’extrême fragilité du monde financier

Ce qui rend l’égrégore encore plus dangereux, c’est qu’il se développe alors que le système financier mondial n’a jamais été aussi fragile. Les risques de ruptures sont très réels même si les banques centrales et les autorités publiques se veulent rassurantes.

Jaime Caruana, le General Manager de la BIS (la banque centrale des banques centrales située à Bâle) craint un « Lehman » dû à la flambée de la dette dans le monde entier et déclare que les investisseurs ignorent la perspective de taux d’intérêt plus élevés dans leur quête aux rendements. (6)

Maximilian Zimmerer le Chief Investment Officer d’Allianz (le plus gros assureur en Europe) déclare quant à lui que « rien n’est résolu et tout le monde le sait ». (7)

On pourrait multiplier les mises en garde officielles de ce genre, car loin de l’illusion des performances boursières (8), il suffit de gratter un peu sous la surface pour comprendre ce qui inquiète ces hautes personnalités du monde financier. Citons de manière non exhaustive et dans le désordre :

Que faire ?

Devant ce catalogue des horreurs (41), il me semble évident que nous avons tout à perdre à laisser l’égrégore grandir jusqu’à nous mener à une confrontation armée avec la Russie. Il est clair que toutes les techniques modernes de manipulation de l’opinion (stratégie du choc, social learning, fabrication du consentement, tittytainment, mind control, virtualisme, reality-building, management négatif, etc.) sont pleinement à l’œuvre pour nourrir cet égrégore et nous mener progressivement vers le chaos (42).  Pour autant je ne prône pas une révolution violente, mais plutôt la nécessité de s’informer, de ne pas céder à la facilité du conformisme et de ne pas avoir peur de prendre position.

Mon but n’est pas de faire peur, ni de déprimer les lecteurs, mais de les prévenir. Pour ma part je suis convaincu que de nombreuses bonnes opportunités surviendront une fois que le système sera remis à plat.

Les opinions exprimées dans ce billet sont PERSONNELLES et ne représentent pas forcément les opinions de mon employeur. Les sources utilisées sont souvent anglophones, car l’anglais est la langue de la finance mondiale.

Pascal Roussel le 8 août 2014

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Sources

1) En 2013, le budget de Défense américain (USD 640 milliards) était équivalent à celui combiné de la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Japon, l’Inde et la Corée du Sud (énumérés par ordre croissant). Lire l’article sur Wikipedia ENG FR

« Qui tient qui à Washington ? Question inutile, question dépassée… »  Defensa.org

2) La véritable raison pour laquelle les États-Unis se préoccupent tant de l’Ukraine tout en se foutant éperdument des Ukrainiens par le Général (2S) et dirigeant d’entreprise, Jean-Bernard Pinatel FR

3) http://www.les-crises.fr/category/crise-politique/

4) Flight 17 Shoot-Down Scenario Shifts by Robert Parry ENG FR

Evidence Is Now Conclusive: Two Ukrainian Government Fighter-Jets Shot Down Malaysian Airlines MH17 by Eric Zuesse

5) Citons quelques professeurs, journalistes, diplomates et experts financier : Stephen F. Cohen et John Mearsheimer, Robert Parry, Simon Jenkins,Chris Martenson, Pierre Maillart, V.Fédorovski, Neil Clark, M.K. Bhadrakumar, Nouriel Roubini, Kyle Bass, Hugo Salinas Price, Charles Nenner, James Dines, Jim Rogers, David Stockman, Marc Faber, Jim Rickards, Paul Craig Roberts, Martin Armstrong, Larry Edelson, Gerald Celente, etc. (liste non exhaustive). Lire par exemple Top Financial Experts Say World War 3 Is Coming … Unless We Stop It ou Obama Should Release Ukraine Evidence ou The US Needs to Stop Meddling in Russia-Ukraine Politics

6) http://www.telegraph.co.uk/finance/markets/10965052/Bank-for-International-Settlements-fears-fresh-Lehman-crisis-from-worldwide-debt-surge.html

7) http://www.zerohedge.com/news/2014-07-11/ceo-europes-largest-insurer-pops-utopia-bubble-nothing-solved-and-everybody-knows-it

8) La bourse du Zimbabwe a progressé de 12000% de mars 2006 à mars 2007 alors que le pays était frappé à l’époque d’une inflation de 1700% soit 7 fois moins importante que la croissance boursière. Tout cela pour dire que des performances boursières s’expliquent parfois bien plus par de la création monétaire que par une « reprise économique » …

9) Debt: Eight Reasons This Time is Different ENG

10) Près de 71.000 milliards de dollars ont été brassés par le ” shadow banking ” en 2012. La finance de l’ombre, représente des intermédiaires de crédit impliquant des entités et des activités en dehors du système bancaire régulier ( par ex. les entités qui font de l’intermédiation ou la distribution de crédit, mais n’acceptent pas de dépôts et ne sont pas régulées comme des banques, les fonds (capital-investissement, des fonds spéculatifs, des fonds d’investissements et autres fonds monétaire), les assureurs qui fournissent des garanties de crédits et enfin, les véhicules d’investissement ou de financement spécifiques. http://www.financialstabilityboard.org/publications/r_131114.pdf

11) Another Wall Street Inside Job?: Stock Buybacks Carried Out in Dark Pools ou  Here Is The Mystery, And Completely Indiscriminate, Buyer Of Stocks In The First Quarter

12) Strategist Warns SKEW “Is Flashing A Big Warning Signal For Stocks”

13) Walmart Misses Across The Board, Guides Lower: Blames It On Weather, Obamacare And Taxes ou When Americans Can’t Even Afford To Buy McDonalds Dollar Meals For 9 Months In A Row

14) 7 In 10 Americans Believe The Crisis Is Not Over Or Worst Is Yet To Come: 52% Can’t Afford Their Homes

15) Caterpillar Retail Sales Plunge By 13%, Most Since February 2010; Decline For 17 Consecutive Months ou Caterpillar Asia Sales Crater By 30% – Company Reports Weakest Stretch Of Global Demand Since Lehman Collapse

16) Why Student Loans Are Crushing The Housing Recovery In 1 Chart

17) Homebuilder Confidence Plunges To 12-Month Lows ou Average Cost of New Home is 6 Times Median Income (Historically 3); Sales of Priciest 1% of Homes Soar (Bottom 99% Down) ou “The Market’s Not There” – One World Trade Center Lowers Asking Rents By 10% ou Deja Vu All Over Again: Fannie, Freddie Would Need Another $190 Billion Bailout When Things Go South

18) “All Is Not Well In The Housing Market” As All Cash Buyers Double In Past Year, Hit Record High ou Housing Starts, Permits Smash Expectations On Surge In Rental Construction

19) US is Bankrupt: $89.5 Trillion in US Liabilities vs. $82 Trillion in Household Net Worth & The Gap is Growing

20) 20 Signs The Terrible Drought In The Western US Is Starting To Become Catastrophic

21) A three-year lending boom to car buyers with spotty credit that helped push auto sales to a six-year high is starting to show signs of overheating.

22) Is The Fed Trying To Create A “Bond Run” Panic? Yes… In Its Own Words

23) En 2008 la taille du secteur bancaire Chinois était d’environ 10 000 milliards de USD, début 2014 il était d’environ 25 000 milliards de USD. Cette augmentation de 15000 milliards, en quelques années représente la totalité du secteur bancaire américain qui s’est construit en un siècle ! Lire également  No Money Down Mortgages Another Sign of Gigantic Credit Bubble in China, la Chine va lancer son propre quantitative easing ou comment l’Asie croule sous les dettes  ou les sociétés chinoises émettent plus d’obligations que les américaines ou les mauvais payeurs sont de plus en plus nombreux

23a) http://www.zerohedge.com/news/2014-06-17/londons-whopping-187-home-price-surge-means-uks-housing-bubble-slams-chinas

24) Voir par exemple la réplique de Manhattan complètement vide, le plus grand centre commercial au monde vide, les innombrables villes fantômes, les déclarations alarmantes de gros promoteurs chinoiscombien de fois encore l’Etat volera-t-il au secours de gros promoteurs? Goldman & Sachs est pessimiste sur l’immobilier chinois, même la banque centrale chinoise admet qu’il y a un problème, 52 millions de logements vides !, permis de bâtir en chute,

25) pour voir comment plusieurs prêteurs différents s’imaginent avoir sécurisés leur prêt avec un stock de matière première (métaux, coton métaux précieux, etc.) alors que sans le savoir ils ont tous reçu le même stock en gage et pour voir que c’est une pratique courante lire ici et ici et ici  et ici et ici et ici et ici et ici et ici

26) Pour se remémorer l’historiques des tensions en mai dernier entre la Chine et le Vietnam lire ici et ici et ici et ici et ici et ici et ici

28) 11 Disturbing Charts About The Chinese Economy

29) Voir par exemple comment les exportations sont artificiellement gonflées

30) Coming Major Slowdown in Germany – How to Play It

31) Italy Moves Into Recession & the End of Democracy

32) Former Bundesbank Vice-President Recommends Gold, Says Current Economic System is “Pure Fiction”

33) http://www.les-crises.fr/sauvetage-de-banco-espirito-santo-quelques-enseignements-pour-la-zone-euro-par-jean-michel-naulot/

34) http://www.ecb.europa.eu/ssm/assessment/html/index.en.html

35) http://www.eurocrisismonitor.com/

36) http://www.zerohedge.com/news/2014-08-04/argentina-default-minor-real-problem-much-worse

37) On lit souvent l’argumentaire trompeur qui voudrait que des contrats de matières premières de plus en souvent facturés dans d’autres devises que le dollar soient un signe de la fin du dollar. Or il n’y a là rien de nouveau, ce n’est pas parce que les cours des matières premières sont communément affichés en dollar que le paiement s’est toujours fait en dollar. Si nécessaire, les devises peuvent être échangées entre elles. On pourrait demain décider d’afficher les cours des matières premières en franc Suisse (par exemple) et cela ne changerait rien. Les signes réels de la perte d’influence du dollar sont plutôt la mise en chantier la nouvelle banque de développement des BRICS ou le rôle grandissant du yuan sur les marchés internationaux (lire ceci et ceci et ceci et ceci). Notons que la Chine devra choisir entre l’arrimage (mou) actuel au USD ou un régime de change flottant si elle veut que sa devise soit utilisée librement dans le monde. Et ce choix ne sera pas sans conséquence sur ses entreprises.

38) L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrété une «urgence de santé publique de portée mondiale». http://www.bbc.com/news/health-28673380

39) Sous l’effet de la spéculation et de la sécheresse sur la côte Est des EU et au Brésil lire ceci ou ceci ou ceci

40) http://www.bloomberg.com/quote/BDIY:IND

41) Pour ce qui est des bonnes nouvelles je renvoie les lecteurs aux grands media financiers traditionnels qui sont toujours les premiers à voir des signes de reprises

42) « Gouverner par le chaos », de M.Milo aux Editions Max Milo

Source: http://www.les-crises.fr/invite-lopinion-publique-est-dominee-par-un-egregore-par-pascal-roussel/


Washington menace le monde, par Paul Craig Roberts

Thursday 21 August 2014 at 02:25

Un billet de Paul Craig Roberts… Je rappelle que cet économiste et journaliste paléoconservateur américain a été sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et est un des pères fondateurs des Reaganomics. Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal. Sa vision décape, en général… Sans adhérer à tout, elle permet à chacun d’aiguiser son esprit critique…

Washington menace le monde

Source : Paul Craig Roberts, www.paulcraigroberts.org, le 8 août 2014.

Les imprudentes et irresponsables interventions politiques et militaires de Washington en Irak, Libye et Syrie ont eu pour conséquence d’ouvrir la boîte de Pandore. Les différents groupes religieux qui vivaient en paix sous le règne de Saddam Hussein, Kadhafi, et Assad se massacrent les uns les autres, et un nouveau groupe, l’EIIL, est en train de créer un nouvel Etat à partir de morceaux de l’Irak et de la Syrie.

La tourmente introduite au Moyen-Orient par les régimes Bush et Obama a fait des millions de morts ou et personnes déplacées, sans parler des morts à venir. Au moment où j’écris ces lignes, 40 000 Irakiens sont bloqués au sommet d’une montagne, sans eau, attendant la mort aux mains de l’EIIL, née de l’ingérence américaine.

La réalité du Moyen-Orient est en contradiction totale avec la mise en scène de l’atterrissage de George W. Bush le 1er mai 2003 sur le porte-avions américain Abraham Lincoln, où il avait déclaré « Mission accomplie ». La mission accomplie par Washington a consisté a dévaster le Moyen-Orient et les vies de millions de personnes, et à détruire au passage la réputation de l’Amérique. Grâce au régime néoconservateur démoniaque de Bush, l’Amérique d’aujourd’hui est considérée par le reste du monde comme la plus grande menace à la paix mondiale.

L’attaque du régime Clinton contre la Serbie avait établi le schéma. Bush l’a poussé plus loin avec l’ ouverte aggression de Washington contre l’Afghanistan, drapée par Washington dans une phraséologie orwellienne : « Opération Liberté Durable ». [”Operation Enduring Freedom”].

Washington a apporté la ruine, pas la liberté, à l’Afghanistan. Après 13 ans passés à faire exploser le pays, Washington se retire à présent, la « superpuissance » ayant été défaite par quelques milliers de Talibans légérement armés. Et elle laisse derrière elle un champ de ruines pour lequel Washington n’assumera aucune responsabilité.

Une autre source des troubles sans fin au Moyen-Orient est Israël, qui fait main basse sur la Palestine avec la bénédiction de Washington. En plein milieu de la dernière attaque d’Israël sur les civils de Gaza, le Congrès américain a passé des résolutions en soutien des crimes de guerre d’Israël et voté des centaines de millions de dollars pour payer les munitions d’Israël. Ici, ce que nous voyons, c’est la Grande Amérique Morale soutenant à 100 % des crimes de guerre avérés contre des gens pratiquement sans défense.

Quand Israël assassine des femmes et des enfants, Washington appelle cela « le droit d’Israël à défendre son propre pays » – un pays qu’Israël a volé aux Palestiniens – mais quand les Palestiniens usent de représailles, Washington appelle cela du « terrorisme ». En soutenant Israël, déclaré Etat terroriste par les quelques gouvernements moraux qui existent encore, et accusé de crimes de guerre par le Secrétaire Général des Nations Unies, Washington est en violation de ses propres lois contre le soutien envers des Etats terroristes.

Bien sûr, Washington lui-même est l’Etat terroriste numéro un. Par conséquent, il est illégal selon la loi américaine que Washington se soutienne lui-même. Toutefois, Washington refuse qu’aucune loi, nationale ou internationale, vienne limiter ses actions. Washington est « exceptionnel, indispensable ». Personne d’autre ne compte. Aucune loi, aucune constitution, et aucune considération humaine n’ont d’autorité pour réfréner la volonté de Washington. Dans ses prétentions, Washington surpasse le Troisième Reich.

Aussi terrifiante que soit l’audace de Washington envers le Moyen-Orient, son audace envers la Russie est encore plus grande. Washington a convaincu la Russie, un pays doté de l’arme atomique, que Washington est en train de préparer une première frappe nucléaire.

En réponse, la Russie renforce ses forces nucléaires et teste les réactions de la défense aérienne américaine. http://freebeacon.com/national-security/russian-strategic-bombers-conduct-more-than-16-incursions-of-u-s-air-defense-zones/

Il est difficile d’imaginer un acte plus irresponsable que celui de convaincre la Russie que Washington projette d’attaquer la Russie avec une première frappe préventive. L’un des conseillers de Poutine a expliqué aux médias russes les intentions de Washington de frapper les premiers, et l’un des membres de la Douma russe a fait une présentation documentée sur les intentions de Washington de frapper en premier. http://financearmageddon.blogspot.fr/2014/07/official-warning-u-s-to-hit-russia-with.html En rassemblant les preuves, j’ai pointé du doigt dans mes colonnes qu’il est impossible pour la Russie d’éviter cette conclusion.

La Chine est consciente de faire face à la même menace venue de Washington. http://yalejournal.org/2013/06/12/who-authorized-preparations-for-war-with-china

La réponse de la Chine aux plans de guerre de Washington a été de démontrer comment ses forces nucléaires seraient utilisées pour détruire les Etats-Unis, en réponse à une attaque de Washington sur la Chine.

La Chine a rendu cela public, espérant créer une opposition parmi les Américains aux plans de guerre de Washington contre elle. http://www.dailymail.co.uk/news/article-2484334/China-boasts-new-submarine-fleet-capable-launching-nuclear-warheads-cities-United-States.html

Comme la Russie, la Chine est un pays en pleine ascension qui n’a pas besoin de guerre pour réussir.

Le seul pays au monde qui a besoin d’une guerre est Washington, et c’est parce que son objectif est celui des néoconservateurs : exercer l’ hégémonie sur le monde. Avant les régimes de Bush et Obama, tous les présidents des Etats-Unis faisaient de gros efforts pour ne pas paraître agiter la menace nucléaire. La doctrine de guerre américaine prenait grand soin de limiter l’usage de ces armes à des représailles en cas d’attaque nucléaire sur son sol. La raison d’être d’une force nucléaire est de se protéger de l’usage de telles armes. Le régime irresponsable de George W. Bush a fait évoluer l’arme nucléaire vers un usage en frappe préventive, détruisant ainsi la restriction imposée sur l’usage des armes nucléaires.

La toute première ambition de l’administration Reagan était de mettre fin à la guerre froide, et, de la sorte, à la menace d’une guerre nucléaire. Le régime de George W. Bush et la diabolisation de la Russie par le régime d’Obama ont mis fin à ce réel succès du président Reagan et rendu une guerre nucléaire probable.

Quand le régime incompétent d’Obama a décidé de renverser le gouvernement démocratiquement élu d’Ukraine et d’installer un gouvernement de pantins choisis par Washington, le département d’Etat d’Obama, mené par des idéologues néoconservateurs, a oublié que les régions de l’Est et du Sud de l’Ukraine sont d’anciennes provinces russes rattachées à la République socialiste soviétique d’Ukraine par des dirigeants du parti communiste, quand l’Ukraine et la Russie faisaient partie du même pays – l’Union soviétique. Quand les larbins russophobes installés à Kiev par Washington ont démontré en paroles et en actions leur hostilité à la population russe d’Ukraine, les anciennes provinces russes ont demandé leur retour à la mère Russie. Ce n’est ni une suprise, ni quelque chose qu’on puisse reprocher à la Russie.

La Crimée a réussi à réintégrer la Russie, à laquelle elle appartenait depuis les années 1700, mais Poutine, dans l’espoir de désamorcer la guerre de propagande montée contre lui par Washington, n’a pas écouté les suppliques des autres anciennes provinces russes. En conséquence, les larbins de Washington à Kiev ont estimé avoir les mains libres pour attaquer les provinces protestataires, et ont suivi la même politique que les Israéliens en attaquant les populations civiles, les résidences civiles et les infrastuctures civiles. Les médias occidentaux « presstitués » ont délibérément ignoré les faits et accusé la Russie d’envahir et d’annexer des parties de l’Ukraine. Ce mensonge est comparable à ceux du Secrétaire d’état Colin Powell à l’ONU au sujet des armes de destruction massives en Irak, sous l’égide du régime criminel de Bush, mensonges pour lesquels Colin Powell a présenté ultérieurement des excuses, en vain puisque l’Irak avait été détruite par ses mensonges.

Quand l’avion de la Malaysian Airlines a été détruit, la Russie a été accusée avant même que les circonstances ne soient connues. Les médias britanniques, en particulier, ont été les premiers à porter des accusations dès l’instant où l’on a appris que l’avion était abattu. Sur la BBC, j’ai entendu des déformations grossières de la réalité, ainsi que des mensonges flagrants sur l’American National Public Radio. Seule la propagande du Daily Mail a été pire. L’ensemble des « nouvelles » sur ce sujet a toutes les apparences d’une orchestration antérieure à l’évènement, ce qui, bien sûr, suggère l’implication de Washington.

Les morts de l’avion de ligne sont devenus très importants pour la machine de propagande de Washington. Les 290 victimes sont un grand malheur, mais ne représentent qu’une petite fraction de tous les morts que dans le même temps Israël infligeait aux Palestiniens sans déclencher une quelconque protestation de la part des gouvernements occidentaux, par opposition aux protestations des peuples occidentaux dans les rues, protestations qui ont été commodément étouffées pour Israël par les forces de l’ordre occidentales.

Washington a utilisé la destruction en vol de l’avion de ligne, dont il est probablement responsable, comme excuse pour une nouvelle série de sanctions, en faisant pression sur ses marionnettes européennes pour qu’elles se joignent aux sanctions et y ajoutent les leurs, ce que les marionettes européennes de Washington ont fait.

Washington s’appuie sur des accusations et des insinuations et refuse de fournir les preuves des photos satellite, parce que ces photos n’accréditent pas ses mensonges . Les faits ne sauraient interférer avec la diabolisation de la Russie par Washington, pas plus qu’ils n’ont interféré avec sa diabolisation de l’Irak, de la Lybie, de la Syrie et de l’Iran.

Vingt-deux sénateurs américains imprudents et irresponsables ont déposé une résolution de loi pour « la prévention de l’agression Russe en 2014 » (Sénat US loi 2277), parrainée par le sénateur Bob Corker, qui représente parfaitement, par son ignorance et sa stupidité, la majorité des Américains ou la majorité des électeurs de l’Etat du Tennessee. Cette résolution est un acte législatif inepte visant à déclencher une guerre dont le plus probable est qu’elle ne laisserait aucun survivant. Apparemment, ces idiots d’Américains sont capables d’élir au pouvoir n’importe quel imbécile.

La certitude que la Russie est responsable du crash de la Malaysian Airlines est devenue une réalité dans les capitales occidentales, malgré l’absence du moindre petit bout de preuve à l’appui de cette affirmation. En outre, même si l’accusation était fondée, un avion vaut-il une guerre mondiale ?

La Commission de défense britannique a conclu que le Royaume-Uni, bien que ruiné et militairement impuissant, doit « se concentrer sur la défense de l’Europe contre la Russie » Les tambours des dépenses militaires, voire les tambours de guerre, sont en train de sonner et tout l’Occident s’y est mis. La Grande-Bretagne, militairement impuissante, va défendre l’Europe contre une attaque inexistante, bien qu’annoncée urbi et orbi, de l’ours Russe.

Les dignitaires militaires des Etats-Unis et de l’OTAN, ainsi que le chef du Pentagone mettent en garde contre la menace russe en s’appuyant sur de prétendues mais imaginaires concentrations de troupes russes à la frontière ukrainienne.

Selon le ministère de la Propagande occidental, si la Russie protège les populations russes en Ukraine contre une attaque militaire de Washington menée par le gouvernement fantoche de Kiev, c’est une preuve que le voyou, c’est la Russie.

La campagne de propagande de Washington a réussi à transformer la Russie en menace. Les sondages montrent que 69% des américains considèrent la Russie comme une menace, et que la confiance des Russes dans les dirigeants américains a disparu.

Les Russes et leur gouvernement observent la même diabolisation de leur pays et de leur président que celle de l’Irak et Saddam Hussein, de la Lybie et Kadhafi, de l’Afghanistan et des Talibans, juste avant les assauts militaires sur ces pays par l’Occident. Pour un Russe, la meilleure conclusion à en tirer est que Washington veut une guerre contre la Russie.

A mon avis, l’irresponsabilité et l’imprudence du régime Obama n’a pas de précédent. Jamais auparavant le gouvernement des Etats Unis, ou de n’importe quelle autre puissance nucléaire, n’avait fait autant d’efforts pour convaincre une autre puissance nucléaire qu’elle se préparait à l’attaquer. Il est difficile de concevoir un acte qui mette encore plus en danger la vie sur Terre. En effet, l’imbécile de la Maison Blanche a fait coup double, convainquant et la Russie et la Chine que Washington préparait une attaque préventive sur les deux.

Les Républicains veulent faire un procès ou démettre Obama à propos de problèmes sans conséquences, comme l’Obamacare. Pourquoi les Républicains ne mettent-ils pas Obama en accusation devant le Congrès à propos d’un problème infiniment plus grave comme celui de soumettre le monde à un risque d’apocalypse nucléaire ?

La réponse est que les Républicains sont aussi délirants que les Démocrates. Leurs dirigeants, comme John Mc Cain et Lindsay Graham, sont déterminés à ce que nous nous « dressions contre les Russes ». Partout où le regard se porte dans le paysage politique américain, nous voyons des fous, des psychopathes et des sociopathes qui ne devraient pas détenir de mandat.

Washington a abandonné la diplomatie depuis longtemps. Washington s’appuie sur la force et l’intimidation. Le gouvernement des Etats-Unis est totalement dépourvu de jugement. C’est la raison pour laquelle les sondages montrent que le reste de la planète considère le gouvernement américain comme la plus grande menace pour la paix mondiale. Aujourd’hui (8 août 2014) le Handelsblatt, le Wall Street Journal allemand, a écrit dans son éditorial signé par le rédacteur en chef:

« La tendance américaine à passer de l’escalade verbale à l’escalade militaire – par l’isolement, la diabolisation et l’attaque des ennemis – n’a pas prouvé son efficacité. La dernière grande action militaire victorieuse menée par les Etats-Unis a été celle du débarquement de Normandie [en 1944]. Toutes les autres – Corée, Vietnam, Iraq et Afghanistan – ont été des échecs flagrants. Déplacer des unités de l’Otan vers la fontière polonaise avec la Russie et envisager d’armer l’Ukraine, c’est encore compter sur des moyens militaires en lieu et place de diplomatie.»

Les Etats marionnettes de Washington – toute l’Europe, le Japon, le Canada et l’Australie – autorisent la menace sans équivalent de Washington sur le monde en soutenant son projet hégémonique sur la planète.

Nous célébrons le 100ème anniversaire de la 1ère Guerre Mondiale. Et les folies qui ont causé cette guerre se répètent. La Première Guerre Mondiale a détruit l’Occident civilisé, et c’était le travail d’une poignée d’intrigants. Les conséquences en ont été Lénine, l’Union Soviétique, Hitler, l’émergence de l’impérialisme américain, la Corée, le Vietnam, les interventions militaires qui ont crée l’EIIL, et qui ont maintenant ressuscité le conflit entre Washington et la Russie, auquel le Président Reagan et Mikhail Gorbatchev avaient mis fin.

Comme l’a fait remarquer Stephen Starr sur mon site, l’emploi de seulement 10% des armes nucléaires des arsenaux américains et russes suffit à anéantir la vie sur terre.

Chers lecteurs, posez-vous la question, quand est-ce que Washington vous a raconté autre chose que des mensonges ? Les mensonges de Washington ont causé des millions de victimes. Voulez-vous être l’une d’entre elles?

Croyez-vous que les mensonges et la propagande de Washington à propos de l’avion de ligne Malaisien et de l’Ukraine vaillent la peine de risquer la vie sur Terre ? Qui est assez naïf pour ne pas réaliser que les mensonges de Washington sur l’Ukraine sont semblables à ceux à propos des armes de destruction massive de Sadam Hussein, des armes nucléaires iraniennes et de l’utilisation par Assad d’armes chimiques ?

Pensez-vous que l’influence néoconservatrice qui prévaut à Washington, quel que soit le parti politique en place, est trop dangereuse pour être tolérée ?

Paul Craig Roberts, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 


Poutine réalisera-t-il que la Russie a les cartes en mains ?

Source : Paul Craig Roberts, www.paulcraigroberts.org, le 6 août 2014.

De plus en plus de preuves, au sujet desquelles je compte écrire abondamment, s’accumulent, montrant que l’Europe a consenti au chemin tracé par Washington vers la guerre contre la Russie, une guerre qui sera sans doute la dernière pour l’Humanité. Par sa réaction discrète et rassurante face à l’agression de Washington, qui donne ainsi à l’Ouest le signal erroné que la Russie est faible et apeurée, le gouvernement russe encourage Washington dans sa course à la guerre.

Il apparaît que la plus grande faiblesse des russes, c’est que le capitalisme a élevé suffisamment de Russes à un niveau de vie confortable pour qu’ils redoutent la guerre que Washington leur apporte, et qu’ils veuillent l’éviter pour continuer à vivre comme les décadents de l’Europe de l’Ouest.

La même chose arriva aux jadis féroces Vandales dans le Nord de l’Afrique au 6e siècle quand les Vandales furent exterminés par une petite unité de l’Empire Romain de l’Est. Les Vandales avaient perdu la valeur qui leur avait donné un riche morceau de l’Empire Romain.

La Russie doit sauver le monde de la guerre, mais pour empêcher cette guerre, la Russie doit montrer clairement son coût aux Européens.

Face aux sanctions économiques, actions essentiellement illégales et belliqueuses, appliquées à divers individus et entreprises de Russie par Washington et sa marionnette l’Union européenne, ainsi que par la Suisse, un pays qui a appris à redouter Washington plus que Moscou, le Président russe Poutine a demandé au gouvernement russe de trouver des contremesures à mettre en œuvre en réponse aux sanctions gratuites imposées à la Russie.

Mais, d’après Poutine, la Russie doit faire preuve de retenue : « Nous devons évidemment agir avec précaution afin de soutenir les producteurs nationaux, mais sans affecter négativement les consommateurs. »

En d’autres termes, Poutine veut imposer des sanctions qui n’en sont pas vraiment, tout en semblant rendre la monnaie de la pièce.

Ce qui est incroyable dans la manière dont la Russie se trouve sur la défensive au sujet des sanctions est que c’est la Russie, et non Washington ou l’impuissante Union européenne, qui a toutes les cartes en main. Poutine peut faire s’effondrer les économies européennes et plonger toute l’Europe dans un chaos politique et économique simplement en coupant l’approvisionnement en énergie.

Poutine n’aurait pas à couper la fourniture d’énergie bien longtemps avant que l’Europe dise au revoir à Washington et trouve un arrangement avec la Russie. Plus Poutine attend et plus l’Europe a de temps pour se préparer contre la meilleure arme que les russes puissent utiliser pour résoudre pacifiquement le conflit que Washington a orchestré.

Les agressions de Washington contre la Russie ne prendront fin que si Poutine réalise que c’est lui, et non Washington, qui détient les cartes, et les joue.

Le monde en a assez de Washington, de ses mensonges à répétition, ses guerres permanentes et sa brutalité. Poutine ferait bien de méditer quelques heures en compagnie de Belisarius, le grand général de Justinien le Grand.

« Quand je traite avec mes ennemis », a dit Belisarius, « j’ai pour habitude de donner des conseils plutôt que d’en recevoir, mais je tiens dans une main une ruine inéluctable et dans l’autre la paix et la liberté. »

C’est précisément dans cette position que Vladimir Poutine est vis-à-vis de l’Europe. Dans une main il tient la ruine de l’Europe, et dans l’autre, la paix et la liberté dans les relations entre la Russie et l’Europe.

Il doit en appeler aux abrutis qui « dirigent » l’Europe et le leur dire.

Si Poutine ne met pas le holà et fait prendre conscience à l’Europe quels sont les enjeux, Washington aura réussi dans sa volonté de conduire le monde à la guerre, et les Américains, pour « exceptionnels et indispensables » qu’ils soient, mourront avec les autres.

Paul Craig Roberts, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 


Washington a placé le monde sur le chemin de la guerre

Le monde a-t-il des envies suicidaires ?

Source : Paul Craig Roberts, www.paulcraigroberts.org, le 14 août 2014.

Les tambours de guerre résonnent à Washington, dans les capitales européennes et dans les médias occidentaux « presstitués ». L’un des gros titres de l’Asia Times est « L’Otan est prêt à tout pour la guerre. » http://www.atimes.com/atimes/Central_Asia/CEN-01-080814.html  Cette fois la cible est la Russie, une puissance nucléaire majeure.

Au-delà de la Russie, de l’Europe, et des USA, les conséquences mortelles d’une telle guerre s’étendraient au monde entier. L’usage de mensonges fait par l’Occident met en danger la vie sur Terre et révèle que l’Occident est à la fois imprudent et irresponsable. Pour le moment, peu de voix se sont élevées contre cette imprudence et cette irresponsabilité.

Ron Unz porte à notre attention la voix importante d’un journaliste néerlandais distingué, Karel Van Wolferen. Wolferen http://www.unz.com/article/the-ukraine-corrupted-journalism-and-the-atlanticist-faith/  et Unz lui-même http://www.unz.com/runz/american-pravda-who-shot-down-flight-mh17-in-ukraine/  sont d’importants contrepoids à ce qu’Unz considère, correctement à mon avis, comme « la corruption complète et le manque de fiabilité des médias mainstream américains. »

L’article de Wolferen est long mais très important. Les lecteurs y trouveront des analyses proches de la mienne. Wolferen montre comment l’hégémonie de Washington a enfermé l’Europe dans une idéologie atlantiste qui interdit aux Européens toute pensée ou politique étrangère indépendante, réduits qu’ils sont à l’état de vassaux. Wolferen conclut que tandis que Washington mène l’Europe à la guerre, « les Européens ne parviennent pas à se convaincre du dysfonctionnement et de la totale irresponsabilité de l’Etat américain ».

Sans contrôle interne de l’irresponsabilité de Washington par les alliés, les médias et les sénateurs américains, le seul frein à son bellicisme est la diplomatie russe, chinoise, indienne et sud-américaine. Si cette diplomatie échoue, le drame de Fukushima, aussi grave soit-il, ne sera plus qu’une goutte d’eau dans l’océan. http://www.globalresearch.ca/weve-opened-the-gates-of-hell-fukushima-spews-radiation-world-wide/5395912

Le massacre de civils dans les anciens territoires russes entre les frontières est et sud de l’actuelle Ukraine par Washington, ses larbins de Kiev et ses vassaux européens est non seulement largement ignoré par les médias occidentaux, mais il est aussi nié, ou imputé à la Russie.

Les crimes perpétrés par les Etats-Unis, et imputés à la Russie, ont provoqué une grande colère au sein du peuple russe. Une telle colère est dangereuse car elle pourrait obliger Poutine, qui continue à préférer la non-confrontation http://rt.com/news/180268-putin-russia-mobilize-confrontation/ , à abandonner la diplomatie pour la violence.

Egor Prosvirnine, le rédacteur en chef d’un site d’information russe, nous montre l’étendue de la colère en Russie causée par le dangereux mélange de promesses non tenues par Washington et de propagande belliciste sournoise contre la Russie avec la complicité du gouvernement allemand. http://sputnikipogrom.com/europe/germany/18213/russian-appeal/

Prosvirnine exprime une ardente colère : « Les Allemands ont échoué à l’examen. Le Mal est revenu en Europe, et vous n’essayez même pas de lui résister, vous vous prosternez immédiatement à ses pieds comme des esclaves. » Pour les Russes, toute l’Europe est esclave du mal qui vient de Washington.

Pourquoi Merkel a-t-elle permis à Washington de pousser l’Allemagne au conflit avec la Russie, déclenchant une énorme colère des Russes envers l’Allemagne ? Comment expliquer l’échec total de Merkel en tant que dirigeante ?

Les gouvernements Clinton, Bush et Obama ont mené le monde sur le sentier de la guerre finale. Comment se fait-il que leur malfaisance ne soit toujours pas reconnue ?

Les Etats les plus meurtriers sont les États-Unis et Israël. En tolérant leurs massacres sans fin et leurs mensonges sans fin, le monde prépare sa propre disparition.

Le seul espoir pour la vie et la vérité est que le monde s’unisse contre ces deux gouvernements criminels, les isole diplomatiquement et économiquement, et rende impossible à leurs représentants officiels de voyager à l’étranger sans être arrêtés et jugés. Pourquoi le monde a-t-il besoin des Etats-Unis et d’Israël ? A moins que le monde n’ait un désir de mort, le monde n’a besoin ni des Etats-Unis ni d’Israël [pour vivre].

Paul Craig Roberts, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/washington-menace-le-monde/


[Transcription exclusive] Frédéric Lordon sur France Culture

Wednesday 20 August 2014 at 02:45

Vu les commentaires élogieux, je vous propose aujourd’hui la transcription de l’interview de Frédéric Lordon par Laure Adler sur France Culture le 26/11/2013. À écouter ici

Merci à Philippe qui l’a réalisée pour nous !

Laure Adler : Fréderic Lordon, vous êtes économiste, auteur de très nombreux livres malgré votre jeune âge. Il y a eu la politique du capital, Et la vertu sauvera le monde, L’intérêt souverain, La crise de trop, Capitalisme désir et servitude, D’un retournement l’autre, qui a donné lieu à une pièce de théâtre, et puis le dernier livre paru s’appelle la société des affects pour un structuralisme des passions mais vous n’êtes pas un économiste comme un autre, vous êtes un économiste philosophe ou un philosophe économiste. D’abord quand est venu le désir de faire se rejoindre la philosophie et l’économie.

Frédéric Lordon : Je vais vous dire, je ne sais plus ce que je suis. Economiste devenu philosophe, philosophe anciennement économiste, c’est compliqué ces histoires d’identité disciplinaires.

LA : Mais au départ c’était des études de philo ?

FL : Non au départ c’était vraiment des études d’économie, je suis un économiste presque bien né, j’ai fait une thèse dans les règles de l’art, farcie de mathématiques ce qui est très bien vu dans la profession.

LA : Mais pourquoi vous êtes devenu un économiste ?

 FL : C’est une drôle de trajectoire : j’ai suivi le cursus honorum à la française : grande école d’ingénieur, formation au business, c’était au milieu des années 80 et j’avais fort l’intention de devenir un winner et de gagner plein d’argent. Rien que de vous le dire ça me semble lunaire. Et puis il y a eu une bifurcation qui s’est produite dans mon existence et j’ai lâché tout ça parce que ça me semblait un peu vain, et qu’il m’a semblé plus intéressant de prendre la voie des livres, d’abord ce que j’ai lu plus tard ceux que j’ai commencé à écrire. Ça m’a pris du temps. Et l’économie : parce que je pense que j’étais désireux de prendre un point de vu critique sur le monde social et que la société présente étant notoirement dominée par les logiques économiques, il  me semblait que c’était par là qu’il fallait l’attraper. Que c’est l’économie qui donne, la clef non pas de tous les phénomènes sociaux mais en fin qui trace leur cadre d’ensemble, qui a un pouvoir de détermination écrasant. Donc si on veut comprendre quelque chose au monde contemporain et pouvoir lui adresser un critique efficace, ça c’est une autre affaire l’efficacité de la critique mais enfin, une critique pertinente, il me semblait que l’analyse économique était le meilleur point de vue.

Alors il y a plein de manières de faire de l’analyse économique, ce que j’ai découvert assez rapidement en entrant dans ce champ : il y a des théories orthodoxes, il y a des théories hétérodoxes. La science économique est en fait beaucoup plus bigarrée qu’on ne croit. Et moi tout de suite j’ai voulu prendre le point de vue hétérodoxe pour deux raisons, d’abord parce que c’était celui qui était le porteur d’une position critique et d’autre part, d’un point de vue intellectuel, parce que la posture hétérodoxe en économie est immédiatement pluridisciplinaire. Je ne voulais pas être un économiste pur jus de toute manière.

LA : Vous ne vouliez pas servir le capital !

FL : On peut dire ça comme ça. Je ne voulais pas tenir le discours de l’ordre dominant. Le courant théorique dans lequel  j’ai fait lames armes intellectuelles m’a proposé ça immédiatement : il s’agit de la théorie de la régulation — on pourra revenir là-dessus parce que c’est une appellation qui prête à toute sorte de contresens. Quand on dit la régulation, actuellement on entend : réguler la finance, réguler le capitalisme. Ça n’est pas du tout ça, c’est beaucoup plus profond comme concept mais peu importe. La théorie de la régulation, qui avait été fondée par des gens comme robert Boyer ou Michel Aglietta dans le milieu des années 70, s’inscrivait d’emblée dans un dialogue permanent avec les autres sciences sociales : la sociologie, la science politique, l’histoire, l’anthropologie etc… et c’est ça qui m’avait semblé immédiatement très attrayant du point de vue intellectuel.

LA : Et la philosophie ?

FL : La philosophie ça vient plus tard ! Ah il faut du temps pour ça.

LA : Et la révélation de Spinoza ?

FL : Vous savez, c’est comme toujours, c’est des mélanges de hasard et de nécessité. Spinoza il y avait eu une lecture incidente, tout à fait fortuite et puis c’est resté au frais pendant 10 ans. Je ne m’y étais pas intéressé d’avantage. Et il se trouve qu’à la fin des années 90, Je m’intéresse à une histoire bien peu faite pour solliciter la philosophie puisqu’il s’agissait d’un sordide combat de chiffonnier au sein du capitalisme français qui avait opposé trois très grandes banques dont vous vous souvenez peut-être, c’était la société générale, la BNP et PARIBAS qui se battaient à coup d’opa de contre OPA, c’était vraiment haut en couleur, y’avait de la chique et du mollard, ç’a été un épisode marquant du capitalisme français.

Je me suis donc lancé dans une monographie approfondie de cet épisode parce qu’il me semblait concentrer à peu près toutes les caractéristiques essentielles du capitalisme actionnarial qui était, là, en train d’entrer en plein régime. Cherchant quelles étaient les forces motrices qui étaient à l’œuvre, c’est-à-dire qu’est ce qui menait ces patrons et derrière eux toute leur entreprise à s’agresser ainsi avec une violence symbolique vraiment très spectaculaire. Il m’est apparu que ça n’était pas tant comme sont porté à le dire les économistes professionnels ou même certains sociologues, par exemple d’obédience wébérienne, que ça n’était pas tant la maximisation du profit non pas qu’elle ne soit pas à l’œuvre dans  le capitalisme, il faudrait être idiot pour soutenir une thèse pareille, mais elle ne règne pas exclusivement. D’autres forces encore emportent tous ces individus et toutes ces institutions, et la particulièrement elles étaient données spectaculairement à voir. Il s’agit de forces qui ont partie liée avec l’extension de l’empire, la résistance dans l’écrasement, le maintien dans la souveraineté, le maintien dans l’existence donc la persévérance.

Là ça m’a fait penser à cette lecture ancienne, le conatus, l’effort pour persévérer dans l’être. Donc tout ça avait trait à des logiques fondamentalement de puissance : la maximisation du profit est une forme particulière d’actualisation de la puissance économique mais il y en a d’autres. Alors la logique de la puissance ça appelle des concepts particuliers. Ca appelle des concepts que la philosophie a beaucoup travaillé. On pense à Nietzsche évidemment. Mais moi c’est cette idée de persévérance dans l’être qui m’avait marqué et qui avait laissé une trace. Alors je suis revenu à Spinoza ou plutôt j’y suis revenu pour de bon. J’ai commencé à le lire un peu sérieusement et ça a donné un livre : La politique du capital, qui était mon premier essai de spinozisme en économie politique, c’était terriblement rustique mais ça fonctionnait pas si mal.

LA : Comment peut-on expliquer que la pensée de Spinoza puisse irriguer le champ de l’économie, de quelle manière. Ça  n’est pas simplement sa philosophie, c’est la possibilité d’éclairer de l’intérieur de l’être des comportements individuels et collectifs. Comment c’est passé cette collision à l’intérieur de votre propre parcours intellectuel et comment avez-vous relié les deux champs disciplinaires ?

FL : Il y a cette bifurcation provoquée par cette étude des cas sur le conflit des banques : c’est le point de départ. A ce moment-là, je plonge tête première dans la philosophie de Spinoza. Ça n’est pas très facile mais j’étais disposé à la rencontrer : c’est ça la part de nécessité, tout dans ma trajectoire antérieure m’y avait préparé parce que la théorie de la régulation dont je vous avais parlé est d’emblée un point de vue structuraliste en science sociale. C’est-à-dire anti subjectiviste, qui met l’accent sur toutes les forces sociales qui dépassent les individus, qui rompt avec cette idée de l’individu entièrement maître de lui-même, maître de ses actes, qui insiste sur la détermination par les structures, par les institutions, c’est-à-dire par l’extérieur, par des forces sociales extérieures bien plus puissantes que les individus. Et ça c’est quelque chose qui est au cœur de la philosophie de Spinoza puisqu’il rompt avec la théorie du sujet telle qu’elle avait été proposée par Descartes par exemple. La théorie de la régulation elle, s’était élaborée au début des années 70 en proximité avec les travaux d’Althusser. Althusser était un grand lecteur de Spinoza. Il y avait donc tout un réseau de connexions souterraines, qui était déjà là, tout préparé et qui m’inclinait à cette rencontre. A partir du moment où je suis entré dans cette philosophie, qui certes n’est pas très facile à lire, tout immédiatement m’a parlé. C’est-à-dire que j’y ai trouvé tous les moyens conceptuels, de résoudre un certain nombre de problèmes théoriques qui étaient au cœur de ceux que se posaient la théorie de la régulation qui n’ont pas seulement à voir avec ces sordides histoires de banque mais qui pose plus généralement la question des institutions, de la déterminations des comportements individuels par les institutions, de la jeunesse des institutions, de leur crises, de leur reconstructions etc. etc.

Dans la philosophie de Spinoza notamment dans sa philosophie politique, j’ai trouvé plein de choses qui répondent à toutes ces questions. A partir de ce moment-là, j’ai dévalé le toboggan.

LA : Et comment le spinozisme peut-il éclairer la crise du capitalisme que nous sommes en train de vivre. Et est-ce que sa pensée s’applique plus particulièrement à cette crise que nous vivons

FL : Je conçois fort bien que le rapprochement d’un philosophe du 17e siècle et la crise du capitalisme du 21e siècle est de prime abord quelque chose de tout à fait incongru. En vérité comme vous le savez bien, on reconnait les grandes œuvres à leur persistance dans les temps, plus exactement à leur intemporalité. On pourrait remonter chercher des concepts chez des philosophes encore bien antérieurs à Spinoza et qui nous seraient utiles pour comprendre la vie des hommes en société toute contemporaine qu’elle soit.

LA : Dans le dernier livre que vous sortez qui s’appelle la société des affects, pour un structuralisme des passions, vous avez des chapitres où vous évoquez la figure tutélaire de Spinoza mais pour pouvoir, en tant que Spinoziste, analyser le champ de l’économie. Ca n’est pas temps l’interaction entre la pensée de Spinoza et l’économie que la pensée d’un spinoziste sur l’économie telle qu’elle existe aujourd’hui.

FL :  Il y a une chose que je voudrais dire avant tout pour dénouer tout malentendu qui pourrait se former à ce propos : il ne s’agit pas de tomber dans une espèce de talmudisme de l’œuvre de Spinoza. L’œuvre de Spinoza nous fournit des concepts extraordinairement puissants pour penser toutes les époques en vérité et les formes institutionnelles de toutes les époques. Mais en même temps ça n’est pas dans l’œuvre de Spinoza qu’on trouvera toute armée et prête à l’emploi une théorie du capitalisme et de ses crises et notamment de a crise présente. Tout réemploi de la philosophie  de Spinoza en sciences sociales est d’abord un travail de réélaboration de ses concepts pour pouvoir les mettre en circulation dans le plan analytique propre aux sciences sociales, qui n’est pas exactement le même que celui de la philosophie. C’est un travail, je serais presque tenté de dire, d’entremetteur, Il s’agit d’organiser des rencontres entre Spinoza et de penseurs contemporains du monde social. Donc Spinoza ne fait pas tout, c’est l’hybridation de Spinoza et d’autres pensées qui nous aide et qui nous fournit des résultats intéressants. Evidemment on n’hybride pas la pensée de Spinoza avec n’importe qui ni avec n’importe quoi pour des raisons élémentaires de contrainte de compatibilité théorique. Moi ce qui m’apparut être les bonnes hybridations furent celles qui rassemblaient la pensée de Spinoza et Durkheim, celle de Bourdieu ou celle de Marx. Nous voilà dans l’axe de la pensée du capitalisme. Marx qui était un grand lecteur de la pensée de Spinoza, tiens comment ça se fait et comme ça tombe bien n’est-ce pas ?

Ce que Spinoza met à notre disposition pour penser le capitalisme et en général ses crises, c’est une théorie des désirs et des passions aussi bien individuelles que collectives et de la cristallisation des désirs et de ces affects dans les formes institutionnelles qui sont toujours temporaires, qui sont toujours périssable : la crise est en permanence à l’horizon de toute forme institutionnelle. Ça c’est une grande idée de la théorie de la régulation au départ et c’est une grande idée de la philosophie de Spinoza, une grande idée de son traité de philosophie politique. Alors oui, si on a des instruments intellectuels robustes pour penser la genèse des institutions et leurs décomposition, leur crises, qui est toujours un risque situé à leur horizon, peut-être qu’on est pas mal armé pour dire quelque chose sur les crises du capitalisme qui sont des crises institutionnelles très généralement parlant.

LA : Nous allons écouter la voix de Pierre Bourdieu, il va parler de la violence symbolique à partir des textes de Hume, c’est un entretien avec Roger Chartier du 12 mai 1997, une archive des lundis de l’histoire.

 Nous sommes tellement habitués à l’idée que les dominants dominent que nous sommes amenés à évacuer la question du rapport du few, des quelques un, oligoi, le petit nombre, et le grand nombre, enfin comment se fait-il que le many se soumette au few de manière si simple finalement, qu’il y ait si peu de subversion. Alors cette question très paradoxale conduit à poser la question de l’obéissance. Hume fait une réponse très pascalienne, celle de l’opinion que Pascal appellerait l’imagination, mais l’imagination prise en un sens très fort, pas du tout l’imaginaire qu’on met à toute les sauces aujourd’hui. L’imagination c’est la représentation que l’on a du monde social lorsqu’on est socialisé, lorsqu’on est dressé en quelques sortes, à accepter le monde social tel qu’il est par la fréquentation longue, continue du monde. Si nous sommes si soumis finalement, si nous nous arrêtons au feu rouge, toutes ces choses étonnantes, les sociologues et les anthropologues ne s’étonnent pas assez. Les anthropologues parfois, parce qu’ils sont faces à des en sociaux si contraire à ceux auxquels ils sont habitués, ils sont presque obligés de s’étonner mais nous presque par définition étant comme des poissons dans l’eau dans l’ordre social, nous ne voyons pas ce que ça a d’extraordinaire que tant de gens agisse de façon si raisonnable alors qu’il y a la possibilité de tant de folie. Je prends les exemples les plus grossiers, les feux rouges, les sens interdit, etc. mais à tout instant le monde social est en péril. Or cet ordre périlleux et incertain comme la roulette, en réalité ça roule ça marche, en gros il y a tellement peu de catastrophes et pourquoi, alors c’est parce que, encore une fois cette grande loi pessimiste, parce que les agents sociaux sont « affrontés ». C’est une idée du philosophe Perth et qui va jusqu’à dire que si nous sommes bon en physique, c’est que nous sommes soumis depuis des millénaires aux lois du monde physique et que nous avons incorporés dans nos cerveaux les structures du monde mais je ne suis pas sûr que Perth aie raison après tout, j’ai envie de lui donner raison, mais ce qui est sûr que c’est vrai pour le monde social, nous sommes immergés dès l’origine dans des ordres sociaux : la famille, l’école… et à travers tous ces ordres nous sommes comme le dit Thomas Bernhardt dans ce magnifique texte des maîtres anciennes, nous avons le cerveau étatisé, nous sommes ajustés.

LA : Nous sommes ajustés, nous sommes dans un état de servitude volontaire et vous, Fréderic Lordon, vous revendiquez l’héritage de Pierre Bourdieu à l’intérieur de votre champ disciplinaire

FL : Ah oui, hautement, c’est une magnifique archive. La question qui est posée par Pierre Bourdieu qui est la question même de l’ordre social, c’est : « pourquoi les gens se comportent-ils comme ils se comportent. »

LA : C’est une question que vous posez tout le temps dans vos ouvrages. Ce ne sont pas seulement les masses qui vous intéressent mais c’est le ressort des individus face au réel.

FL : Tout à fait. Peut-être ce pour quoi la théorie de Spinoza nous arme le mieux, c’est pour une théorie de l’action. C’était d’ailleurs la visée de Pierre Bourdieu, toute sa sociologie avait en particulier le caractère d’être une théorie de l’action et de répondre à cette fameuse question : pourquoi les gens se comportent-ils comme ils se comportent ?  La réponse de Spinoza, qu’à mon avis Pierre Bourdieu pourrait tout à fait endosser, d’ailleurs il l’a endossée d’une certaine manière. La réponse de Spinoza c’était que, ça va vous sembler une tautologie pas très profonde alors qu’elle l’est en fait. Les hommes se comportent comment ils se comportent parce qu’ils ont déterminé à se comporter ainsi. Déjà il y a quelque chose de moins superficiel qu’il n’y paraît puisque la vue que nous avons spontanément de nous-même et qui est en quelque sorte toute infuse de cartésianisme tient que nous nous comportons ainsi que parce que nous avons décidé de nous comporter ainsi. Et que c’est l’effet d’un choix souverain.

Pas du tout nous  dit Spinoza : Il y a un Scolie fulgurant de la proposition 35 de la partie 2 qui dit la chose suivante : les hommes se trompent quand ils se croient libre opinion qui consiste en cela seuls qu’ils sont conscients de leurs actes et ignorant des causes qui les déterminent. Donc nous sommes en permanence sous le coup de détermination et pour une large part sous une détermination par des choses extérieures. Alors quelles sont les choses extérieures qui nous déterminent ? C’est ça toute la question. Par ce que, vous voyez bien en même temps, que nous soyons déterminés, n’implique pas par soi que nous fassions les mêmes choses, or comme le rappelle Pierre Bourdieu, en très grande majorité nous nous arrêtons au feu rouge, nous payons nos impôts, nous nous levons pour aller au travail matin etc., etc… Donc nos comportements sont remarquablement homogénéisés, tout divers et singuliers que nous nous croyons et si ils sont ainsi homogénéisés, c’est parce que des dispositifs de détermination de nos comportements sont éminemment collectifs et c’est cela que très généralement parlant on pourrait appeler des institutions. Des normes si vous voulez. Qu’est-ce que c’est que les institutions ou les normes sociales, celles qui nous font nous arrêter aux feux rouges par exemple?  Eh bien ce sont des dispositifs affectant, car voilà la grande idée de Spinoza : être déterminé à agir d’une certaine manière, c’est avoir été affecté par des causes extérieures et par suite avoir été déterminé à faire quelque chose de particulier.

Donc nous sommes soumis en permanence par des choses extérieures, alors des petites choses : je suis affecté par une tablette de chocolat qui me  passe sous les yeux et je suis induit à désirer en manger, bon ça ce n’est pas très important mais je rencontre aussi des affects qui ont une portée macro sociale, je rencontre les institutions, je rencontre l’état. Rencontrer l’état au travers du policier, de l’inspecteur des impôts, du guichet de telle administration, c’est une expérience tout à fait concrète et qui m’affecte tout à fait concrètement et qui me détermine à désirer me comporter de telle ou telle manière, m’arrêter au feu rouge, sortir mes papiers devant le flic.. Donc ces normes sociales sont au principe d’un concept qui est assez important chez Spinoza et que Bourdieu avait repris pour son propre compte qui est le concept d’obsequium. L’obséquium, c’est le concept du comportement ajusté, ajusté à l’ordre du réquisit institutionnel. Et donc tout ça se passe par voie des affects, par l’intermédiaire des affects. Et au voisinage des affects il y a toutes les idées produites par l’imagination et qui solidifie cet ordre affectant des institutions, comme Bourdieu le rappelait, cette fois-ci en faisant référence à Hume et Pascal, mais, chez Spinoza, l’imaginaire est d’une très très grande importance également.

LA : Nous allons écouter à nouveau Pierre Bourdieu, il va nous parler de son fameux concept d’habitus, un entretien avec Roger Chartier toujours en Janvier 88.

 Pour la notion d’habitus telle qu’on la trouve chez Aristote ou chez Saint Thomas ou au-delà chez des gens aussi différents que Husserl ou Mauss ou Durkheim lui-même, cette notion dit toujours quelque chose d’important. Elle dit finalement que les sujets sociaux ne sont pas des mentes momentane, des esprits instantanés mais, autrement dit, pour comprendre ce que quelqu’un va faire, il ne suffit pas de connaître le stimulus, il y a au niveau central, quelque chose qui se passe et un système de disposition. Alors ces dispositions ce sont des choses qui existent à l’état virtuel et qui vont se manifester en relation avec une situation. C’est un débat extrêmement compliqué mais la notion d’habitus a plusieurs vertus, elle importante pour rappeler que les sujets ou plutôt les agents ont une histoire, sont le produit d’une histoire individuelle, d’une éducation associée à un milieu et qu’ils sont le produit d’une histoire collective et qu’en particulier, les catégories de pensée, les catégories de l’entendement, les schèmes de perception, les systèmes de valeur etc. sont le produit de l’incorporation de structures sociales.

LA : Alors nous sommes régis par les institutions, nous sommes régis par les structures sociales quel est notre degré de liberté et comment essayer de l’assumer ?23’54

FL : Je crois que l’enseignement majeur d’une relecture de Spinoza c’est que la liberté n’est pas la bonne manière de poser la question. En effet, nous sommes systématiquement renvoyés à l’antinomie de la soumission ou de la liberté. Et ce n’est pas comme ça que ça se passe. Spinoza maintient que tous nos comportements sont déterminés et si on fait une lecture superficielle de cette proposition, on lui trouve forcément un caractère désespérant. Si nous sommes déterminés nous pouvons être déterminés qu’à subir les déterminations de l’ordre social et la soumission est notre fatalité indépassable. Il n’en est rien. La simple preuve en est donnée par le fait que Spinoza est un penseur de la sédition, c’est-à-dire un penseur de la déstabilisation des ordres institutionnels et politiques, un penseur de leurs crises. Et lorsqu’un ordre institutionnel est déstabilisé, lorsqu’un ordre social tremble sur ses bases, c’est-à-dire pour le dire dans des termes spinozistes, lorsque la multitude se met en mouvement pour adopter des comportements qui ne sont plus ceux de l’obséquium, elle n’en est pas moins toujours déterminée par ses affects collectifs, par ses affects communs. Donc échapper à l’ordre social n’est pas échapper à l’ordre général de la détermination, c’est simplement être déterminé à faire autre chose et ça n’est pas du tout la même chose : on a souvent reproché, non sans raison, au structuralisme d’être incapable de penser l’histoire, l’histoire dans sa dimension disruptive, dans sa dimension évènementielle. Un évènement a lieu, c’est la révolution, etc. Le structuralisme disait on est incapable de penser de la chose, c’est à demi vrai seulement Je veux dire : il y a, et ce le sens de tout mon travail, il y a une manière de penser le structuralisme qui le rend dynamique précisément par le jeu interne des affects et des désirs individuels et collectifs et par les réorientations de ces forces affectives et désirantes qui sont toujours susceptibles de survenir.

LA : Et qui sont toujours collectives

FL : Qui sont toujours collectives parce qu’en aucun cas un individu pourrait faire tomber à lui seul un ordre social, il ne faut pas se tromper à propos des illusions sur les grands hommes. SI les grands hommes sont grands, c’est parce qu’ils occupent à un endroit dans la structure sociale où sont concentrées d’immenses ressources collectives et que dans cette structure sociale, il est possible de faire jouer ces ressources dans un sens ou dans un autre. C’est ça qui fait la grandeur du grand homme et pas autre chose. Mais dans tous les cas, ça n’est jamais que parce que les individus sont collectivement déterminés à faire autre chose qu’ils ne faisaient pas auparavant que la crise peut se produire, la révolution survenir, alors parfois sans crier gare comme on l’a vu lors des printemps arabes par exemple. Il faut se sortir de cette antinomie de la soumission et de la liberté. Nous ne sommes pas plus libres ou nous ne sommes pas moins déterminés quand nous faisons la révolution que quand nous nous arrêtons au feu rouge, nous sommes déterminés à faire autre chose, c’est ça toute la différence.

LA : Quel est l’élan pour faire autre chose ?

FL : Alors ça c’est la grande question et il n’y a pas de réponse générale à ça. Là il n’y a que des cas : comment se produit une conjonction d’affects collectifs suffisamment puissant pour déterminer un mouvement de désir suffisamment lui aussi, c’est-à-dire des mises en mouvement de corps, de corps nombreux qui vont faire ces choses inhabituelles et secouer l’ordre social, éventuellement le renverser ? A chaque fois on ne sait pas ce qui se passe. L’ordre social en place a fini, dans le temps long, par se rendre odieux, et il y a nous dit Spinoza quelque part, il y a un point d’insupportable. Spinoza parle de l’indignation, un peu avant Stéphane Hessel, un petit peu plus profondément aussi puisque dans l’éthique, l’indignation c’est l’affect triste qui nait du spectacle du mal fait à autrui et dans le traité politique, l’indignation c’est l’affect qui serait lié à un énoncé comme : ça n’est plus possible, là ça n’est plus tolérable. Donc tous les individus ont quelque part leur point d’intolérable, nul ne sait où il se trouve a priori et on peut en dire autant des masses.

 

 

LA : Il faut que cet intolérable soit contagieux.

FL : Absolument, ça c’est la clef du changement social Il faut que cet intolérable soit contagieux pour déterminer un mouvement de corps suffisamment puissant, c’est-à-dire suffisamment nombreux pour qu’il se passe quelque chose. Alors toute la question est celle de la contagion et du passage coordonné d’individus nombreux de leur point d’intolérable. Où sont ces points d’intolérable on ne peut pas le dire. Regardez le cours pris par les sociétés actuelles depuis cinq ans à l’épreuve de cette crise absolument extraordinaire, qui violente les corps sociaux d’une manière qu’on n’avait pas vu depuis des décennies et pourtant l’ordre social néolibéral est toujours là et bien en place.

LA : Est de plus en plus en place peut être.

FL : C’est ça le grand paradoxe de l’époque. C’est que non seulement cette crise qui est appelée à faire date à l’échelle de l’histoire du capitalisme, parce que d’une magnitude sans précédent depuis celle des années trente, donc ceci entrera dans les livres d’histoire, il faut en être persuadé.

LA : Vous la rapprochez de celle de 29 alors ?

FL : Ah oui ça indiscutablement, elle en a les caractères quantitatifs et qualitatifs qui porte à ce rapprochement. Il ne s’agit pas de dire que ce sont évènements absolument identiques, mais dans l’ordre des intensités, là les deux évènements doivent être rapprochés l’un de l’autre. Souvenez-vous que le taux de chômage en Espagne et en Grèce est de 25% soit l’équivalent de ce qu’ils étaient  aux USA  et en Allemagne  en 1932.

LA : Aux états unis, il n’y a pas beaucoup de chômage en ce moment.

FL : C’est parce que l’économie américaine ne répond pas à la même configuration institutionnelle que celle qui était la sienne dans les années 30, que aux USA (pas du tout en Europe) il y a eu un petit peu d’apprentissage et que la réponse économique n’est pas la même qu’à l’époque. Plein de choses ont varié mais le paradoxe et il vaut pour le cas européen, c’est que non seulement cette crise d’une magnitude exceptionnelle n’a pas conduit à envoyer aux poubelles de l’histoire la doctrine qui a présidé à l’établissement du monde néolibéral, mais comme vous le signaliez, cette doctrine est en voie d’approfondissement accéléré donnant en quelque sorte raison à la théorie de la stratégie du choc de Naomi Klein. C’est pendant la crise que, loin d’être disqualifié, le libéralisme trouve une opportunité de se renforcer, c’est tout à fait étonnant et donc on manifeste en Grèce, on manifeste en Espagne, on manifeste en Italie, un peu en France etc. mais il ne se passe rien de significatif, on reste dans un jeu de manifestation du dissentiment, très codifié, très neutralisé, il faut bien le dire.

LA : Mais ça, ça ne vous satisfait pas, on voit bien à travers votre dernier livre, Frédéric Lordon, que vous êtes un homme qui vous insurgez contre ce néolibéralisme, contre l’ascension irrésistible des grandes banques, contre l’immatérialité des échanges économiques qui devient de plus en plus préoccupante,

FL : AH oui mais ça n’est pas nouveau, c’est même ce qui a déterminé mon engagement dans la trajectoire de chercheur en science sociale, le point de vue critique était là dès le début.

LA : Vous avez même préconisé la fin de la Bourse, la mort de la Bourse.

FL : Oui, oui en effet, je soutien la thèse

LA : Ah vous la soutenez toujours ?

FL : Ah mais plus que jamais. Je soutiens la thèse qu’une économie sans Bourse fonctionnerait mieux qu’une économie avec, alors vous voyez, je prends le risque de vous dire ça sachant qu’on n’a pas le temps de développer l’argumentaire.

LA : Si, si, on va le prendre.

FL : Mais c’est compliqué, il aurait presque fallu une émission entière pour cela et c’est un risque parce que lâcher tout à trac une proposition de cette nature est bien fait pour vous disqualifier et vous faire passer pour l’hurluberlu gauchiste de service.

LA : Un collaborateur du monde diplomatique n’est pas forcément un homme très engagé à droite

FL : Oui, en général, c’est plutôt la corrélation qu’on observe. Mais ça a tout du lyrisme romantique pour adolescent qui ne tardera pas à être dégrisé sitôt passé le cap de ses trente ans. Il faut se souvenir que nous avons vécu pendant quarante ans entre 1945 et 1985 dans une économie où, la présence des marchés financiers, la présence de la Bourse en particulier, par quoi j’entends stricto sensu le marché particulier des actions, était incroyablement réduite, les marchés financiers étaient cloisonnés de partout la circulation des capitaux entravée, le contrôle des changes effectifs, la Bourse elle-même était un marché croupion, les actionnaires eux-mêmes n’avaient pas voix au chapitre et dans cette configuration-là, la croissance était de 5% l’an et il y avait le plein emploi. Donc même vu de loin et sommairement là aussi il y a une corrélation qui devrait frapper les esprits.

Mais il faudrait développer l’analyse pour montrer que la Bourse, je dirais même la surrection du pouvoir actionnarial, a été un fléau économique du point de vue même des entreprises. J’irais même jusqu’à soutenir qu’on pourrait enrôler un bonne partie du capital industriel dans cette croisade contre la Bourse, ça serait le paradoxe. Ça serait une alliance objective comme dirait Lénine et transitoire par le fait, puisque moi, ce que je m’efforce de penser également ça n’est pas seulement la fermeture de la Bourse ou la sortie des politiques d’austérité, ou une autre construction monétaire européenne ou un retour aux monnaies nationales ou …

LA : Un retour à une monnaie nationale, ça c’est une idée de Marine Le Pen et du front national depuis des décennies ?

FL : Non, justement. Pas depuis des décennies et c’est justement contre ce genre de récupération que j’essaie de lutter pied à pied car le front national avec à sa tête Marine Le Pen est devenu d’une habileté stratégique redoutable, et est entrain de capter quasiment tous les thèmes de gauche tant et si bien que la gauche critique, tétanisée à l’idée du stigmate extrême-droitier du front national, abandonne les uns après les autres, tous les thèmes que pourtant elle devrait avoir vocation à défendre.

LA : On ne va pas revenir à une monnaie nationale et à une fermeture des frontières quand même !

FL : C’est précisément l’amalgame contre lequel il faut résister !

LA : Vous n’êtes pas européen ?

FL : D’abord que veut dire « être européen ?

LA : Ça veut dire vivre dans cet espace économique et hélas pas assez intellectuel et culturel et diplomatique et militaire !

FL : Pour le coup vous avez raison. Vous voyez, vous avez dit vous-même qu’il y avait plein de manière d’être européen. Alors si être européen veut dire vivre dans le cadre du traité de Lisbonne, c’est-à-dire dans le cadre de la libre circulation des capitaux dans le cadre de libres échanges, dans les cadre de la banque centrale indépendante et des politiques d’austérité qui sont déterminées par le jeu mécanique des traités. SI ça c’est être européen, je n’ai aucun mal à dire que je ne le suis pas. En revanche évidemment, grâce au ciel, il y a plein d’autres manières d’être européen. On peut être européen du point de vue des échanges culturels, du point de vue de la circulation des savants, du pont de vue de la circulation des artistes, du point de vue du développement des traductions, du point de vue des histoires croisées de nos différents pays, du point de vue de la circulation des touristes…

LA : Mais revenir à une théorie non européenne, à une monnaie nationale sans échanges avec les autres pays voisins, comment  faites-vous ?

FL : Mais c’est absurde cet amalgame ! Avant 2002 nous avions des monnaies nationales, avez-vous vu que nous n’avions pas d’échange avec les autres pays ?

LA : On ne va pas retourner en arrières ?

FL : Ecoutez, si demain le néolibéralisme franchit un cran supplémentaire et supprime la sécurité sociale et que je vous dis : il faut reconstruire la sécurité sociale. Est-ce que vous me direz : « on ne va pas revenir en arrière ». C’est passéiste ! Donc le retour en arrière et le progrès sont des notions à manier avec un peu de circonspection. Je reproche à l’Europe de martyriser les peuples comme le peuple grec, comme le peuple espagnol, comme le peuple portugais, et je dis que ça ne peut plus durer. Alors après je dis également qu’on pourrait envisager de changer l’Europe, de faire un autre euro, un euro qui serait social et progressiste à la place de l’euro austéritaire présent. Mais j’ajoute aussitôt, cette transformation-là, d’un euro à un autre est un rêve de singe. Là aussi, il faudrait que je prenne le temps de développer tout ça. Vous voyez, de bifurcation en bifurcation, on a quitté Spinoza on est passé à « on ferme la bourse » et nous voilà à discuter des monnaies nationales et de la monnaie commune.

LA : On va revenir à Spinoza peut-être ?

FL : Non, non je voudrais terminer ce que j’ai à dire sur le sujet. Je pense que la disqualification du retour aux monnaies nationales procède d’un réflexe de pensée qui n’est pas analysé. En vérité, rien n’oblige à penser que retourner aux monnaies nationales consisterait comme hélas une caricature fréquente le soutient, consisterait à s’enfermer derrière de hauts murs et comme en général les images à ce sujet ne sont guère subtiles, elles ajoutent des détails à base de forteresse, miradors barbelés, etc. En ayant oublié, alors que ça ne date pas de si longtemps, que, j’y reviens pas sur un mode passéiste mais sur un mode logicien, vous allez voir. Dans les années 45-75, nous avions une configuration des économies nationales et internationales qui avaient tout, lues depuis notre point de vue actuel, pour être l’enfer sur terre : Protectionnisme, non liberté de circulation des mouvements de capitaux, contrôle des changes, nombreuses entreprises nationalisées, etc.  Etc. Et dans ce monde-là – l’enfer sur terre selon le point de vue de Pascal Lamy – dans ce monde-là, je le rappelle encore une fois : croissance à 5%, plein emploi, mais surtout, extrême droite inexistante dans tous les pays européens, pas de tensions entre les pays européens, Je vous signale que l’Europe comme prospectus en faveur de l’amitié entre les peuples est en train d’en prendre un sacré coup. Angela Merkel est représentée en officier nazi dans les cortèges de protestataires grecs, les allemands représentent sur la couverture d’un de leurs magazines les plus lus une vénus de Milo en train de faire un doigt d’honneur, appellent les grecs à vendre les Cyclades et le Parthénon, Je trouve que la paix entre les peuples n’a pas fait de très grands progrès ces temps-ci.

LA : Mais que proposez-vous Frédéric Lordon ? Ce n’est pas Spinoza qui va nous aider !

FL : Ah non là on a quitté Spinoza depuis belle lurette ! Là j’ai repris ma casquette d’économiste. Moi je pense que pour tout un tas de raisons que j’ai développés dans un certain nombre de textes et puis aussi dans un livre qui paraîtra d’ici quelques mois. La transformation de l’Europe est impossible pour un certain nombre de raisons très, très profondes, c’est-à-dire : passer d’une Europe Libérale et austéritaire présente à un Europe qui serait sociale et progressiste sans transition. C’est pourquoi je pense que le retour aux monnaies nationales surgira du seul fait qu’émergera un projet de transformation de l’euro. Et pour une raison très simple, c’est que l’euro actuel est un euro qui a été conçu pour donner toute satisfaction aux marchés financiers. Je pourrais vous reprendre le détail des règles économiques et vous apporter l’agencement institutionnel de l’euro, un par un, et qui vous convaincrait du bien-fondé de cette proposition. Par conséquent tout projet de transformation significative de l’euro ne pourrait avoir pour sens précisément que de soustraire la monnaie européenne à l’empire de la finance et des capitaux. Ce que voyant, la finance et les marchés de capitaux déchaînerait immédiatement un vague de spéculation d’où résulterait l’éclatement de la zone euro et le retour forcé aux monnaies nationales. Je dis que ce retour aux monnaies nationales n’est pas, normativement parlant, une catastrophe, qui nous permettrait de recouvrer de très nombreux degrés de liberté économique mais aussi politique.

LA : Le retour à la souveraineté nationale.

FL : Oui, parfaitement, le retour à la souveraineté nationale car je ne vois pas comment on peut contester l’idée, plus exactement, le retour à la souveraineté populaire. Car je ne vois pas comment on peut contester l’idée de souveraineté populaire d’un point de vue de gauche. Et ça n’est pas parce que le front national ou les mouvements de droite à la droite de l’UMP ont essayé de capter et réussi semble-t-il à capter ce thème qu’il faut se laisser faire pour autant. Car de dépossession en dépossession, nous finirons à poil. Qu’est-ce que c’est que la souveraineté populaire ? La souveraineté populaire, c’est la capacité d’une communauté politique à décider de son propre destin. C’est une idée qui nous a été léguée par les lumières, qui nous a été laissée par la révolution française et je refuse le stigmate du front national et qu’on nous vole cette idée. La souveraineté populaire d’ailleurs, c’est un petit peu plus que la souveraineté nationale et cela serait ça la différence qu’il faudrait marquer entre les deux. Et de même pour l’idée de nation.

Si j’avais su que nous allions parler de ce thème, je serais venu avec quelques munitions en particulier avec une définition de la nationalité qui avait été donné dans l’article 4 de la constitution de 1793, la constitution de Robespierre.

Article 4.

  • Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ;
  • Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard ;
  • Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité

- Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français. [Source

C’est une définition de la citoyenneté et c’est une définition qui est absolument admirable. Car la nation si elle est une communauté finie car la souveraineté populaire ne peut s’exercer que QUE dans le territoire d’un périmètre fini, n’en déplaise au cosmopolitisme, car on n’a pas vu encore l’ombre d’une communauté politique mondiale ceci n’existe qu’en phantasme. Donc si la nation, lieu d’exercice de la souveraineté populaire est une communauté finie, elle n’est pas pour autant une communauté close et rien n’interdit que des étrangers ne prennent la nationalité française définie comme citoyenneté, en particulier tous les travailleurs qui sont actuellement clandestins, qui payent leurs impôts, leurs cotisations sociales. Ces gens-là ont droit à la nationalité française précisément parce qu’ils s’acquittent de leur devoir de citoyen, le plus fondamental peut-être, qui est le devoir au consentement fiscal, là où des Bernard Arnault, des Jérôme Cahuzac, des Depardieu, es Johnny se baladent dans le monde comme dans un self-service à passeport pour faire de l’optimisation fiscale. Et donc voilà ma redéfinition de la nation française, et celle-là ne va pas plaire au front national : Bernard Arnault, pas français, Johnny, pas français, Cahuzac pas français. Mais tous les travailleurs clandestins qui aspirent, eux, à payer des impôts sont français de plein droit.

LA : Mais il faudrait que vous fassiez de la politique Frédéric Lordon !

FL : Ah non, ça je n’en ai aucune intention ! Donc je me contente de faire ce que je sais faire dans le petit segment de la division du travail qui est le mien, et je me trouve très bien comme ça.

LA : Eh bien merci et vive Spinoza !

FL : Que nous avons laissé en cour de route mais ça n’était pas désagréable non plus.

LA : Merci Frédéric Lordon.

Transcription : Philippe pour www.les-crises.fr 

N.B. vous pouvez la reprendre en intégralité sur votre site, indiquez simplement la source, merci :)

Source: http://www.les-crises.fr/lordon-sur-france-culture/