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V pour Varoufakis : parce qu’une autre spéculation est possible (+ Okéanos)

Sunday 22 February 2015 at 03:59

Quelle que soit l’issue de la confrontation entre le gouvernement grec et les institutions européennes, elle aura au moins permis de dessiner le profil d’une gauche adéquate aux enjeux du capitalisme financiarisé. En la personne de Yanis Varoufakis, le ministre des finances du gouvernement d’Alexis Tsipras, ce profil a même trouvé son premier nom propre. Car jusqu’ici, l’électorat de gauche n’a eu le choix qu’entre deux options : des partis socialistes qui, pour paraître modernes, épousent, plus ou moins hardiment, tous les mots d’ordres néolibéraux, et des formations demeurées fidèles à leurs idéaux d’antan, mais qui, pour leur redonner vie, attendent, plus ou moins patiemment, l’improbable retour du monde fordiste.

Sans doute les représentants de la gauche authentique ne gardent-ils pas que des bons souvenirs de la période du capitalisme industriel – y compris dans les trente glorieuses années qui l’ont achevée. Mais, au moins, c’était un temps l’où on savait comment s’opposer – au patronat et à ses affidés dans la classe politique. Sur le front social, l’opposition prenait la forme de rudes négociations entre travailleurs et employeurs – ce qu’au Front de gauche on appelle encore l’établissement d’un « rapport de force ». Pour négocier dans des conditions favorables, les syndicats recouraient à la grève ou à de grandes manifestations, tandis que les patrons se livraient au chantage à l’emploi. Les intérêts nécessairement conflictuels des salariés et des employeurs fondaient également la polarité du champ politique, où les uns et les autres pouvaient compter sur des partis dévoués à leur cause.

À l’époque, le marché du travail était le lieu privilégié des conflits sociaux et de la création de la valeur économique. Du prix attribué à la force de travail dépendait la répartition de la plus-value entre salaires et dividendes, de sorte que l’aptitude à le négocier à la hausse était la compétence requise pour rendre l’économie capitaliste moins inégalitaire, voire même pour saper ses fondements – puisque, selon Marx, la survie du système passait par une exploitation croissante des travailleurs.

Or, c’est précisément pour s’épargner ce sort funeste que le capitalisme s’est réinventé au tournant des années 1980. En quelques années à peine, son centre de gravité s’est en effet déplacé du marché de l’emploi – soit le lieu où la force de travail est constituée en marchandise – vers les marchés financiers – soit le lieu où les initiatives deviennent des actifs. Autrement dit, davantage que les employeurs, ce sont désormais les investisseurs qui gouvernent. Les premiers continuent sans doute de faire des profits, soit de s’approprier une part du produit supérieure à leurs dépenses en comprimant les coûts du travail. Reste qu’ils doivent se plier aux exigences des seconds, dont la prérogative consiste à allouer le crédit, soit à sélectionner les entreprises qui méritent d’être financées.

De ce changement de régime, la gauche ne s’est jamais remise – tout au moins jusqu’à la récente victoire de Syriza. Il faut dire que sur les marchés financiers, l’art de la négociation, où les syndicats ont appris à exceller, est de peu d’utilité. À la différence des marchandises qui circulent sur les autres marchés – y compris le marché du travail – les titres financiers ne tirent pas leur valeur d’échange de la négociation entre acheteurs et vendeurs mais de la spéculation des investisseurs sur leur rendement futur. Si le profit est affaire de marchandages, ce sont des paris qui déterminent le crédit.

Par conséquent, prendre pied sur les marchés des capitaux en sorte d’y modifier les conditions d’accréditation – et en l’occurrence, pour obtenir que le bien-être d’un peuple y soit davantage valorisé que sa disposition à se saigner pour renflouer le système bancaire – nécessite l’apparition de politiciens capables de spéculer pour leur compte. Or, en moins de deux semaines, Yanis Varoufakis s’est imposé comme le premier d’entre eux. Car en dépit de ce qu’affirment nombre de ses admirateurs, le ministre des finances du nouveau gouvernement grec ne négocie pas : il spécule et, mieux encore, contraint ses interlocuteurs à spéculer en retour sur ses intentions. Au lieu de marchander la restructuration de la dette grecque, il parie concurremment sur la bonne volonté de chacun et sur le risque qu’il y aurait à y déroger.

Ainsi, loin d’affecter une posture intransigeante ou, à l’inverse, d’implorer un geste de clémence, Yanis Varoufakis  va répétant :

(1) que ses propositions sont raisonnables et aussi soucieuses de l’avenir de l’Europe que du sort de la Grèce,

(2) que l’attachement de ses partenaires européens au pouvoir de la raison et à la préservation de l’Union qu’ils forment est certainement égal au sien

et, par conséquent,

(3) qu’il est pleinement confiant dans l’issue des discussions en cours.

Est-ce à dire qu’en dépit des promesses de campagne d’Alexis Tsipras son ministre est ouvert aux compromis ? Se montre-t-il au contraire convaincu que ses interlocuteurs se rendront à ses arguments ? Nul ne le sait – et cette incertitude tend à pétrifier la plupart des dirigeants européens. Sans doute Wolfgang Schaüble, le ministre des finances allemand, a-t-il tenté de briser le sortilège en proclamant que son collègue grec et lui-même étaient tombés d’accord sur leur complet désaccord. Mais Varoufakis a aussitôt rétorqué qu’en réalité ils n’étaient même pas d’accord sur le fait d’être en désaccord – autrement dit, qu’il était bien possible que leurs positions ne soient au fond pas tellement éloignées. Le grand prêtre de l’austérité dut alors conclure que, décidément, il ne comprenait pas ce que voulaient les autorités d’Athènes… Même les mesures de rétorsion préventive décidées par la BCE – sous pression allemande – n’ont pas altéré le ton du ministre grec : en limitant l’accès des banques de son pays aux liquidités, explique-t-il sans sourciller, Mario Draghi entend seulement signifier que le temps presse, et qu’il faut donc se hâter de trouver une issue conforme à l’intérêt de l’Europe.

Si l’indéchiffrable assurance de Yanis Varoufakis perturbe les politiques, en revanche, à chaque fois qu’il prononce le mot confiance, les bourses repartent aussitôt à la hausse – ce qui explique que même les gouvernants les plus friands de rigueur budgétaire hésitent à le contredire. C’est que, depuis longtemps déjà, les malheureux investisseurs balancent entre deux inquiétudes contraires: la crainte de voir les pays emprunteurs se défausser de leurs obligations mais aussi la peur de la déflation, dont les politiques d’austérité sont justement la cause – et qu’un défaut de la Grèce ne manquerait pas de tirer vers la dépression. Ne sachant trop sur quel pied danser, les bailleurs de fonds, qui sont de grands émotifs, ne peuvent qu’apprécier un homme qui, dans de telles circonstances, leur affirme que, selon lui, tout va bien se passer. Pour la même raison, on comprend que les autres dirigeants européens n’osent pas trop doucher la confiance affichée par Yanis Varoufakis : tributaires des marchés financiers, ils ne veulent à aucun prix que ceux-ci les jugent responsables d’avoir gâché l’ambiance.

Sur le plan du contenu, les propositions formulées par le ministre grec sont en parfait accord avec sa rhétorique. D’un côté, soutient-il, le gouvernement d’Athènes est trop « raisonnable » pour réclamer un pur effacement de la dette – notamment parce qu’une telle mesure représenterait un aveu trop humiliant de l’échec des politiques menées jusqu’ici. Mais d’un autre côté, parce qu’il est persuadé que le bon sens est partagé par toutes la parties prenantes de la discussion, Yanis Varoufakis veut croire que la nécessité d’un changement de cap fait consensus – pour autant que les commanditaires de feu la troïka sauvent la face. Aussi propose-t-il deux formules qui se veulent des hommages à la raison commune mais ne constituent pas moins des chefs-d’œuvre d’ironie.

La première consiste non pas à annuler la dette, ni même à en reporter les échéances de remboursement, mais à la convertir en obligations indexées sur la croissance de l’économie grecque. Tant la Commission que la Banque centrale européennes – sans oublier le FMI – n’ont-elles pas toujours proclamé que les mesures d’austérité qu’elles imposaient à la Grèce avaient pour objectif ultime, non de renflouer des banques délinquantes, mais, in fine, de relancer l’activité économique du pays ? Eh bien, chiche, semble dire Yanis Varoufakis : désormais, les Grecs payeront leurs créanciers au prorata du bienfondé de leurs requêtes.

Quant à la seconde proposition, l’opération de conversion qu’elle met en avant est d’une autre nature mais répond aussi aux proclamations des maîtres d’œuvre de la politique européenne. Ceux-ci aiment en effet rappeler aux Grecs tout ce qu’ils doivent à l’Europe : les citoyens de l’Union n’ont-ils pas mis la main à la poche pour soutenir un État à la dérive ? Plutôt que d’insister trop lourdement sur le fait qu’en réalité, les prêts consentis ont essentiellement servi à sauver des banques grecques mais aussi allemandes et françaises, Yanis Varoufakis s’empresse d’abonder : moi ministre, affirme-t-il, la Grèce ne lésinera pas sur sa gratitude. Mieux encore, une fois leur dette convertie en « obligations perpétuelles », à savoir des titres dont les intérêts sont « perpétuellement » payés mais le capital jamais remboursé, les Grecs seront en mesure de témoigner une reconnaissance proprement éternelle au reste de l’Europe. Une telle proposition trouve son modèle chez le Dom Juan de Molière qui, à défaut de rembourser ce qu’il doit à Monsieur Dimanche, assure à son créancier qu’il est éternellement son obligé.

Tout comiques qu’ils soient, ces deux modes de résolution ont également pour eux le sérieux économique. Mais surtout, en prenant les dirigeants l’UE au mot, les deux formules proposées exposent leurs destinataires au risque de paraître se dédire s’ils se bornent à les rejeter du revers de la main. Quelle est l’importance de ce risque ? Comme toujours en pareil cas, la réponse à cette question résultera des spéculations qu’elle aura suscitées.

Non content de parier sur le pouvoir de contagion de la confiance qu’il affiche, Yanis Varoufakis s’adonne également à l’art de la spéculation baissière. Ses propos sont en effet émaillés de sombres conjectures – au cas où ses partenaires et lui seraient contraints de reconnaître leur insurmontable désaccord. Ainsi, face aux experts qui assurent qu’en raison du transfert de la dette grecque aux institutions publiques, un Grexit n’affecterait guère le système bancaire des autres pays européens, il se contente de répondre : « en êtes-vous réellement sûrs ? Avez-vous récemment consulté les bilans de vos propres banques ? » Et d’ajouter aussitôt que c’est moins comme Grec qu’il craint l’incidence d’un défaut de son pays – celui-ci ne pouvant guère tomber plus bas – qu’en tant qu’Européen préoccupé par le bien-être de tous les peuples de l’Union.

Plus remarquable encore est l’avertissement que Yanis Varoufakis lance spécifiquement au gouvernement allemand. D’une part, à la grande indignation de ses détracteurs, il rappelle que l’Allemagne n’a jamais acquitté sa dette de guerre à l’endroit de la Grèce – pas plus qu’elle n’a remboursé l’impôt odieux extorqué lors de l’occupation. À cette évocation d’un passé pas si lointain – et d’autant moins que les thuriféraires de la construction européenne répètent à l’envi que leurs efforts sont informés par le souvenir du mal absolu que fut le nazisme – le ministre des finances grec ajoute que la justice de son pays se penche ces jours-ci sur des scandales de moindre envergure mais plus récents, tels que les pots de vins versés par nombre d’industriels allemands – peut-être même avec l’appui de leur gouvernement – en sorte de vendre leurs marchandises à la pléthorique armée grecque. (À cet égard, il est notable qu’une réduction du budget militaire de la Grèce – le quatrième en Europe ! – n’a jamais figuré parmi les exigences de la troïka.) Pour Angela Merkel et son ministre des finances, l’ouverture de ces procès pour corruption présenterait surtout l’inconvénient de démentir l’équation fièrement promue par Berlin, entre austérité économique et rigueur morale.

Mais d’autre part, Yanis Varoufakis ne convoque jamais le passé de l’Allemagne sans immédiatement l’articuler au futur de la Grèce. Dans le pays où je m’apprête à retourner, a-t-il notamment expliqué dans la capitale allemande, lors de sa conférence de presse commune avec Wolfgang Schaüble, la formation politique qui est arrivée en troisième position aux dernière élections législatives n’est pas « populiste », ni même néonazie, mais tout simplement nazie. Bien plus, seul l’espoir représenté par Syriza est parvenu à enrayer sa progression. Par conséquent, ruiner cet espoir revient à exposer l’Europe au retour de ce que l’UE a pour mission de conjurer à tout prix. Et Varoufakis de conclure que si l’effacement de la dette allemande a bien été décidé pour enterrer définitivement la bête immonde, il serait aussi absurde qu’abject de favoriser aujourd’hui son réveil, en opposant une fin de non recevoir aux raisonnables propositions du gouvernement d’Athènes.

Plus encore qu’à donner une leçon de morale politique, le ministre grec vise à alerter les autorités allemandes sur les risques qu’elles courent en demeurant intransigeantes : lorsqu’on dirige un gouvernement dont le siège est à Berlin, demande-t-il, est-il vraiment « raisonnable » de s’exposer à l’accusation d’encourager l’essor d’un parti nazi – fût-ce en dehors du territoire national ? En même temps, pas question pour Yanis Varoufakis de soupçonner qu’Angela Merkel et Wolfgang Schaüble  puissent faire preuve d’irresponsabilité en ce domaine. N’a-t-il pas qualifié la première de visionnaire et gratifié le second d’une puissance intellectuelle sans égale parmi les dirigeants européens ? Bref, une fois encore la confiance règne – à charge, pour la chancelière et son argentier de ne pas prendre le risque de la décevoir.

Qu’il s’applique à communiquer sa foi dans la disposition de ses partenaires à sortir de l’impasse ou à pénétrer les publics auxquels il s’adresse que les institutions européennes ne sauraient rester sourdes aux besoins du peuple grec sans mettre en péril l’ensemble des populations dont elles ont la charge, l’ancien professeur d’économie de l’université d’Austin est bien le premier politicien de gauche à opérer dans le champ de la spéculation. « V pour Varoufakis », lisait-on sur une pancarte, lors d’une marche de soutien au gouvernement d’Alexis Tsipras – formule qui est ensuite devenue le nom d’une page facebook dédiée aux faits et gestes du ministre. V de la victoire ? Il serait pour le moins hasardeux de le suggérer. Mais V comme virage, cela ne fait aucun doute : car à une gauche partagée entre la vaine déploration de l’hégémonie des spéculateurs et  la honteuse soumission à leur joug, Yanis Varoufakis oppose la conviction qu’une autre spéculation est possible. Reste à souhaiter qu’il fasse de nombreux émules.

Source : Michel Feher, pour son Blog Mediapart

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Une interview de notre correspondant sur place :)

« Les Grecs veulent en finir, pas seulement avec la dette… », par Okéanos

Créateur d’Okeanews, site francophone de référence sur la Grèce, Okéanos a voulu montrer de l’intérieur la situation du pays. Il raconte maintenant comment la victoire de Syriza et ses premiers jours au pouvoir sont vécus, entre espoir et fierté.

Lancé en 2011, Okeanews est devenu une référence essentielle pour suivre l’actualité grecque à partir d’autres sources que celles répercutant les discours majoritaires sur la dette du pays et ses origines. En prise directe avec les habitants, Olivier Drot passe depuis quatre ans la majeure partie de son temps à Athènes, où il a ressenti aussi bien les ravages de l’austérité que le sentiment d’humiliation des Grecs. Il nous aide à mieux comprendre l’immense portée de la victoire de Syriza là-bas.

Regards. L’envie de lancer Okeanews a-t-elle d’abord procédé du sentiment que le traitement de l’actualité grecque était insatisfaisant en France ?

Okéanos Je lisais la presse française avant de m’intéresser de près à la Grèce. En passant du temps ici, en discutant avec des Grecs, en essayant de comprendre la situation, je me suis rendu à quel point mon avis était biaisé. J’ai vu aussi arriver les premiers articles, principalement du journal allemand Bild, évoquant les Grecs paresseux et fraudeurs. Ces préjugés ne rendent évidemment pas compte de comment vivent et travaillent les Grecs. Le mouvement des indignés sur la place Syntagma et les deux jours de guerre ouverte déclarée par le gouvernement ont été un autre déclencheur. En suivant les événements sur les médias indépendants, j’ai pris conscience de la violence de la police et de la manière dont elle cherchait à mettre fin à ce mouvement qui se voulait différent. Or, j’ai là aussi constaté qu’il manquait des éléments essentiels dans la façon dont il en était rendu compte. Okeanews est parti de cette envie de comprendre, et de partager ce que je voyais.

Il s’agissait de donner le point de vue des Grecs sur leur propre situation ?

On va toujours parler de la fraude, de la corruption, du clientélisme, de l’église – des thèmes qui servent à dire que tout est de la faute des Grecs, sans chercher à savoir ce qu’en pensent les Grecs eux-mêmes. C’est ce qui m’intéressait : les Grecs se complaisent-ils dans ces problèmes, ou ont-ils envie d’en sortir ? On a la preuve aujourd’hui, avec l’élection de Syriza et ce soutien populaire sans précédent, qu’ils veulent en finir : ce n’est pas seulement refuser la dette, mais aussi l’oligarchie, les élites et la corruption représentées par les partis précédemment au pouvoir. Les clichés sur les Grecs ont servi à présenter la situation comme le résultat d’une incurie qui aurait été voulue par la population. Ce procédé est abject, à mes yeux.

« Les Grecs ont ressenti une véritable indignation envers la façon dont ils étaient représentés »

Ce traitement médiatique partiel et ces préjugés sont-ils allés en se renforçant avec le développement de la crise et des effets de la cure d’austérité ?

Cela a été sinusoïdal : en schématisant, on parlait de la Grèce soit s’il y avait des émeutes, soit si la Grèce mettait l’Europe en péril. Sinon, on n’en parlait pas, comme pour dire « Tout se passe mieux ». Le tout ponctué de brèves croustillantes sur des histoires de fraudes rocambolesques, comme ces habitants d’une île dont les trois quarts se seraient déclarés aveugles pour toucher des aides de l’État, ou cette ville dont les habitants n’achèteraient que des Porsche…. Il y a évidemment des journalistes qui font du très bon travail sur la Grèce (ce sont généralement ceux qui y résident), mais les grands événements comme les manifestations ou les élections en font tout à coup débarquer beaucoup qui ne comprennent rien au pays et à ses habitants.

Comment l’image qu’ont les Grecs d’eux-mêmes a-t-elle été affectée, à la fois par l’image donnée d’eux à l’étranger et par ce que la crise a révélé ?

Il y a eu une réelle prise de conscience que le schéma politique était malsain, ce dont témoigne l’effondrement en six ans du PASOK et la défaite de Nouvelle démocratie. Mais aussi une réelle indignation envers la façon dont les Grecs étaient représentés. Dans un premier temps, ils ont eu la volonté d’expliquer leur identité mais, voyant l’image qui leur était renvoyée, ils ont ensuite exprimé une réelle méfiance, voire de la colère. Leur ressenti a été celui d’une perte de dignité. L’élection de Syriza marque un retour de balancier. Pour la première fois, un gouvernement met en œuvre la politique annoncée durant sa campagne électorale et semble déterminé à ne pas reculer. Un sondage a montré que près de la moitié des électeurs de Nouvelle démocratie le soutenait dans sa confrontation avec l’Europe…

Le soutien à Syriza semble porter à la fois sur un programme de réformes en profondeur et sur cette volonté de restaurer la fierté nationale…

Déjà, et c’est très inhabituel, les membres de ce gouvernement ont fait des études, souvent à un haut niveau, dans les domaines sur lesquels ils ont été nommés. Le ministre des Finances Yanis Varoufakis redonne aussi ce sentiment de fierté à la population en ne s’aplatissant pas. Durant cinq ans, les gouvernements successifs ont fait croire qu’ils voulaient renégocier alors qu’ils n’en avaient même pas l’intention. Les grandes manifestations de soutien, la semaine passée, sont des incitations à poursuivre les négociations dans la voie du refus de l’austérité.

« Les Grecs ont le sentiment de s’être fait berner en 2012, quand on a cherché à leur faire peur pour les dissuader de voter pour Syriza »

Comment évolue l’opinion, le soutien à Syriza en Grèce avec le “bras de fer” engagé entre le gouvernement et les institutions européennes ? Assiste-t-on à un renforcement de ce soutien, la période voit-elle les critiques de la droite resurgir ?

Ce soutien va en se renforçant. Le discours de la droite depuis deux ans a toujours consisté à annoncer l’arrivée des chars dans Athènes, le retour des zombies et de Godzilla (rires). Or il n’y a pas eu de “bank run” – de toute façon, les Grecs n’ont plus d’argent, alors ils ne vont pas se précipiter dans les banques pour le retirer. Ils ont le sentiment de s’être fait berner en 2012, quand on a cherché à leur faire peur pour les dissuader de voter pour Syriza (lire “Catastrophisme anti-Syriza : le top 10 des “petites” phrases du gouvernement”). Ils ont constaté que passer du PASOK à Nouvelle démocratie n’a rien changé, sinon en pire pour les droits de l’homme, les droits des migrants et bien d’autres domaines. Aujourd’hui, ils vont en majorité soutenir un gouvernement qui reste ferme sur ses positions et qui n’entend pas laisser d’autres gouverner à sa place (lire “Syriza monte en flèche dans un premier sondage post-électoral”).

La reconquête d’une souveraineté nationale est-elle centrale dans les préoccupations ?

Alexis Tsipras a dit quelque chose d’assez significatif à cet égard : « La Grèce ne reçoit plus d’ordres par e-mail. » Lors de la conférence de presse réunissant Yanis Varoufakis et son homologue allemand Wolfgang Schaüble, ce dernier – qui a éludé une question sur la contribution des entreprises de son pays à la corruption en Grèce – a de nouveau proposé d’y envoyer cinq cents collecteurs d’impôt allemands… Comment s’étonner ensuite que les Grecs aient le sentiment d’être occupés ou colonisés ? Ce regain de souveraineté nationale les incite à soutenir d’autant plus le gouvernement. Je pense que cet état de grâce va se consolider et que de plus en plus de Grecs se disent « On ne pas crever pour nos dettes ». Et que si l’Europe ne veut rien entendre et ne veut pas comprendre à quel point leur situation est dramatique, ils pourront aller jusqu’à la rupture, jusqu’à la sortie de l’euro.

Comment envisagez-vous la suite pour Okeanews ?

J’avais pris la décision d’arrêter si la Grèce était de nouveau gouvernée comme précédemment, dans la mesure où nous avons le sentiment d’avoir déjà tout dit de cette politique. Il y a aujourd’hui un bel espoir, pour la démocratie, les droits de l’homme, la liberté de la presse et beaucoup d’autres sujets. La Grèce va énormément changer. Il suffit d’écouter le discours de Zoe Konstantopoulou, la nouvelle présidente du parlement, pour le comprendre. Après quatre ans d’actualité sombre, j’espère que l’on va pouvoir donner des nouvelles positives… Mais rien n’est encore gravé dans le marbre !

Source : Jérome Latta, pour Regards

Source: http://www.les-crises.fr/v-pour-varoufakis-parce-quune-autre-speculation-est-possible/


Chapatte : depuis l’attentat de “Charlie Hebdo”, “on a franchi une ligne dans le sang”

Sunday 22 February 2015 at 00:29

Chapatte est pour moi un des très grands dessinateurs mondiaux – bien que souvent mainstream

Un dessin de Chappatte dans "Neue Zürcher Zeintung am Sonntag" (Zurich). www.globecartoon.com

Un mois après l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo, la fusillade de Copenhague – dans laquelle était probablement visé le caricaturiste suédois Lars Vilks – a jeté un effroi supplémentaire dans le petit monde des dessinateurs de presse. Né en 1967 à Karachi, le Suisse Patrick Chappatte est l’un de ses représentants les plus « internationaux » puisqu’il travaille en anglais pour l’International New York Times (ex-International Herald Tribune), en français pour Le Temps (Genève) et en allemand pour l’édition du dimanche de la Neue Zürcher Zeitung (Zurich) – tout ceci depuis Los Angeles où il vit.

En quoi les événements de ces dernières semaines peuvent-ils avoir influé sur votre travail ?

La première réponse spontanée, c’est de dire que rien n’a changé dans mon travail, le contexte dans lequel je dessine, celui de la grande presse généraliste, n’étant pas celui d’un journal satirique comme Charlie Hebdo. Mais on a franchi une ligne dans le sang. Une innocence a été perdue pour toujours.

Ce que l’on dessine aujourd’hui dans n’importe quel coin d’Europe, nous dit-on, peut être vu désormais dans les rues de Karachi, de Lagos ou de Jakarta. Or l’humour, le trait d’esprit, sont culturels, ils se partagent avec un public délimité. Le gros malentendu planétaire est donc programmé.

Et même au sein de l’Occident, vous seriez étonné de voir les différences de perception entre le monde francophone, qui est celui de ma culture, et les Etats-Unis où je réside. Beaucoup de gens outre-Atlantique ne comprennent pas l’esprit corrosif et le deuxième degré des dessins à la Charlie. Je ne crois pas qu’on pourra se mettre d’accord sur un sens de l’humour global, commun à la planète. On assiste peut-être au premier conflit de la globalisation, et c’est un conflit culturel.

Un dessin de Chappatte dans l'"International Herald Tribune". www.globecartoon.comUn dessin de Chappatte dans l’”International Herald Tribune”. www.globecartoon.com

Vous posez-vous la question de l’autocensure en pensant au risque que représente la parution de tel ou tel dessin ?

C’est évidemment ça, la vraie question. Et au-delà du premier réflexe qui consiste à dire que rien ne changera, au-delà de la posture, la réponse totalement sincère est que je ne sais pas, franchement. C’est une question très personnelle.

Je ne changerai pas ma ligne, mon style. La provocation gratuite ne m’intéresse pas, car elle rate souvent sa cible. S’il vise juste, là où ça fait mal, un dessin peut heurter des gens au passage, mais ça n’est jamais le but premier du dessin. Pour moi, Mahomet n’a jamais été un sujet en soi ; l’extrémisme religieux, le djihadisme, l’intégration des Musulmans ou les courants antimusulmans sont des sujets en revanche.

La puissance que possède le dessin n’est-elle pas le grand enseignement de ces événements tragiques ?

Aujourd’hui, le dessin est devenu un symbole qui dépasse complètement la réalité. D’un côté, c’est comme si toutes nos valeurs, comme si la démocratie et la liberté d’expression résidaient sur le droit ou pas de dessiner la figure du prophète de l’islam. C’est absurde. De l’autre côté, pour beaucoup de musulmans, cette même image est devenue le point de fixation symbolique d’une foule de choses : frustrations sociales, revendications politiques, notions de fierté et d’exclusion.

Or les symboles sont dangereux. Les hommes partent en guerre pour des symboles. C’est un cercle vicieux presque puéril – sanglant et puéril en même temps – qui dure depuis l’affaire des caricatures danoises en 2005. Il faut en sortir.

Un dessin de Chappatte dans "Le Temps" (Genève). www.globecartoon.comUn dessin de Chappatte dans “Le Temps” (Genève). www.globecartoon.com

Si censure il y a, celle-ci ne risque-t-elle d’être prioritairement décrétée par les organes de presse, davantage que par les dessinateurs ?

Les événements récents vont fatalement influer sur l’environnement général. Je crains que les rédacteurs en chef et les éditeurs, soucieux parfois de ne pas perdre de lecteurs et de ne pas trop choquer, ajoutent un nouveau motif à leur prudence : la notion de danger. Le risque sécuritaire peut devenir un facteur de censure. Je crains que le monde dans lequel on vit et le périmètre dans lequel on s’exprime se rétrécissent, quoi qu’on en dise aujourd’hui.

Cela vaut aussi pour les journalistes. La Syrie est le premier terrain à révéler cette réalité nouvelle : il y a des no man’s lands pour les journalistes aujourd’hui. Nous avons besoin d’un courage collectif pour défendre la liberté d’expression : le courage non seulement de ceux qui dessinent ou écrivent, mais aussi de ceux qui publient et de ceux qui lisent.

Y a-t-il des sujets et des thématiques que vous vous interdisez de traiter en raison de leur dangerosité ?

La liberté d’expression n’a jamais été absolue, elle dépend du cadre dans lequel on s’inscrit, à commencer par le journal pour lequel on travaille, sa ligne, la sensibilité perçue de ses lecteurs. Et plus largement le périmètre de la société, chacune ayant ses propres tabous : on ne rigole pas de l’holocauste dans nos sociétés, et on ne dessine plus les noirs à la façon de Hergé. En Russie, il est mal vu de s’en prendre à l’Eglise orthodoxe. Au Maroc, dessiner le roi vaut des condamnations, et dans bien des pays du monde, les dessinateurs côtoient depuis longtemps des lignes rouges parfois mortelles. Disons que le risque s’est mondialisé.

Le dessinateur de presse n’est-il pas condamné à continuer à provoquer et à déranger, par le rire s’entend, quel que soit le contexte ? Reculer semble impossible, non ?

On a besoin plus que jamais, comme de l’air qu’on respire, de cet humour qui nous aide à digérer les atrocités du monde. Que les porteurs de cet humour soient eux-mêmes victimes de l’atrocité, c’est une des amères ironies des attaques récentes. Depuis dix ans et l’affaire des caricatures danoises, je suis obsédé par une idée : éviter que le dessin soit utilisé, que les dessinateurs se retrouvent otages – par exemple d’un prétendu conflit de civilisations.

Le dessin est puissant et, l’Histoire l’a montré, quand il est au service d’une propagande, il peut devenir une arme. On l’a vu avec l’usage que les nazis ont fait des caricatures sur les juifs.

Aujourd’hui, le dessin se retrouve au centre d’un conflit attisé par les extrémistes de tous bords. On n’a pas envie de devenir les héros de Marine Le Pen. Il faut défendre les dessinateurs de presse en tant que voix critiques, responsables et indépendantes, partout dans le monde. Nous ne voulons être les soldats d’aucune guerre – si ce n’est la guerre contre la bêtise et la brutalité.

Un dessin de Chappatte dans "The International New York Times". www.globecartoon.com

Quelles autres réponses les dessinateurs peuvent-ils apporter ?

Depuis des années, bien des dessinateurs s’interrogent sur les notions de liberté et de responsabilité. Autour de Jean Plantu a été créée à Paris l’association Cartooning for Peace - Dessins pour la paix qui rassemble des dessinateurs de tous les horizons. Nous avons aussi fondé une branche à Genève, qui décerne tous les deux ans un prix international à un dessinateur pour son courage – attribué en 2014 au Syrien Hani Abbas, aujourd’hui réfugié politique en Suisse, et à l’Egyptienne Doaa El-Adl. Et depuis une dizaine d’années, j’organise des opérations Plumes croisées qui consistent à rassembler des dessinateurs de presse de camps rivaux, dans des pays en conflit, autour de projets communs. En Côte d’Ivoire, au Liban ou en Amérique centrale, certains ont dessiné ensemble sur les sujets qui divisent. Pour montrer que le dessin est aussi un outil de dialogue. Et qu’on peut défendre la liberté d’expression tout en écoutant l’autre.

Source : Frédéric Potet, pour Le Monde, 16/02/2015

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Hayao Miyazaki contre les caricatures de Charlie Hebdo

Hayao Miyazaki est revenu, au micro une radio japonaise, sur les attentats à Charlie Hebdo qui ont fait 12 morts. Le réalisateur a déclaré ne pas avoir apprécié les caricatures du journal satirique et qu’il ne fallait pas les publier.

«Je pense que c’est une erreur de faire des caricatures de personnes vénérées par d’autres cultures. Ce serait une bonne idée d’arrêter de faire ces dessins. Les caricatures devraient principalement viser les politiciens de votre propre pays.»

D’autres voix se sont élevées contre ces caricatures ces dernières semaines. Fin janvier, le dessinateur de mangas Jirō Taniguchi avait déclaré, en marge du Festival d’Angoulême, que les artistes ne pouvaient pas se cacher derrière la liberté d’expression. Philippe Geluck avair qualifié de «dangereuse» la dernière couverture de Charlie Hebdo. Delfeil de Ton avait publié une chronique dans L’Obs et avait accusé l’ancien rédacteur en chef du journal satirique, Stéphane Charbonnier, d’avoir «traîné son équipe» à la mort.

Hayao Miyazaki a réalisé de nombreux films d’animation comme Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro ou encore Le vent se lève. Le mangaka a reçu un oscar d’honneur en 2014 pour l’ensemble de sa carrière. Hayao Miyazaki est aujourd’hui à la retraite, même s’il continue de travailler pour des projets personnels.

Source : Le Figaro, 19/2/15

Source: http://www.les-crises.fr/chapatte-depuis-lattentat-de-charlie-hebdo-on-a-franchi-une-ligne-dans-le-sang/


Entraide : je recherche le livre “Main basse sur Alger” de Pierre Péan

Saturday 21 February 2015 at 18:06

bonjour,

j’aimerais acheter à prix raisonnable “Main basse sur Alger” de Pierre Péan… (si vous l’avez – j’ai déjà cherché sur Internet…)

Merci d’avance de me contacter

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-urgente-traduction-allemand-anglais-main-basse-sur-alger-de-pierre-pean/


[Capitulation ?] La zone euro impose à la Grèce le prix fort pour prolonger son aide de 4 mois

Saturday 21 February 2015 at 09:27

Ils sont forts quand même les eurocrates…

Mais bon, comme Syriza n’est pas prête à sortir de l’euro, elle n’obtiendra en effet rien de plus que ces petits assouplissements – qui ne sont certes pas négligeables non plus…

Ca devrait quand même swinger à Athènes ce we…

Ca relève quand même de la psychiatrie cette volonté de garder une monnaie totalement inadaptée à son économie…

À suivre lundi pour la conclusion (après tout, on verra ce que les Grecs proposent et si la kommandantur l’accepte…) – et à voir dans 4 mois.

Un compromis a été trouvé in fine. Le président de l’eurogroupe parle d’une confiance retrouvée. Mais elle est encore très fragile. Lundi, le gouvernement grec doit déposer la liste de ses réformes.

Est-ce enfin la bonne? Un peu avant 21 heures, les ministres des Finances de la zone euro sont parvenus à un compromis sur le sauvetage de la Grèce . Enfermés depuis le début d’après-midi dans le Justus Lipsius, le siège du Conseil européen, les grands argentiers se sont entendus sur un texte d’accord sur la prolongation du plan d’aides à Athènes qui expire le 28 février prochain.

Un texte rigoureux qui encadre le processus de négociations avec les Grecs dans un corsage très serré. Un texte négocié avant même le début officiel de la réunion par Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe (l’instance réunissant les ministres des Finances de la zone euro) avec les principaux acteurs du dossier (BCE, FMI, Allemagne, et Grèce). L’extension accordée ne vaut finalement que pour 4 mois jusqu’à fin juin. Pour le gouvernement grec, la couleuvre à avaler est rude. Dès lundi, ils doivent soumettre leur programme de réformes et les trois institutions, Commission européenne, FMI et BCE doivent juger s’il est suffisamment solide pour que ce programme soit jugé comme un « point de départ valide » pour aller vers une conclusion positive du programme. Si c’est oui, l’Eurogroupe donnera par téléphone son feu vert à l’extension du programme.

Si c’est non, il faudra convoquer un nouvel Eurogroupe mardi. Mais chacun est déterminé à tout faire pour l’éviter. Le ministre des finances grecs a beau eu déclaré qu’il se réjouissait d’avoir la liberté d’écrire son propre scénario et non celui imposé dans l’ancien programme, son stylo sera sous contrôle.

Pour le reste, la Grèce accepte l’accord, promet de rembourser ses créanciers, devra se conformer aux anciennes procédures, et donc n’obtiendra d’argent que si elle obtient un feu vert des institutions fin avril. Elle s’engage à ne prendre aucune mesure de manière unilatérale, ni à revenir en arrière sur les réformes déjà accomplies. Le FMI confirme sa place tandis que la BCE obtient de bloquer 10 milliards d’euros d’aides pour la recapitalisation des banques, alors que cette somme était disponible pour le budget avant les élections grecques. Mais les chiffres ont parlé, ne laissant au premier ministre Alexis Tsipras que peu de choix. Les Grecs ont retiré 2 milliards d’euros de leurs comptes bancaires en une semaine, la télévision grecque évoquant même un milliard de retrait au cours des deux derniers jours. Pour les banques grecques, la situation devenait insoutenable dès la semaine prochaine. Grâce à l’accord, on évite un contrôle des capitaux imminent, se réjouissait une source proche de la BCE.

Dans ce contexte, la réunion a démarré dans un incroyable niveau de tension. Lors de négociations difficiles, il est d’usage que les principaux protagonistes se retrouvent seuls dans une pièce isolée, avant la réunion entre les 19 ministres, pour rapprocher leurs points de vue. Une petite table, pas de témoins, et une discussion à bâtons rompus pour aplanir les difficultés. C’est ce qui passé vendredi avec Wolfgang Schäuble et Yanis Varoufakis… sauf que les deux ministres n’étaient même pas dans la même pièce. Jeroen Dijsselbloem, le président de l’eurogroupe, Pierre Moscovici, le commissaire en charge des affaires économiques et Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, en étaient réduits à faire la navette entre les deux protagonistes, qui ne peuvent visiblement plus se souffrir. « Il ne faut plus que Schäuble et Varoufakis soient dans la même pièce, il faut sortir de ce psychodrame », avait prévenu un officiel européen de haut rang deux jours avant la réunion.

Le ministre allemand n’est toutefois pas le seul à peu goûter les méthodes du très médiatique dirigeant grec. En entrant dans le bâtiment du Conseil, Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission, assénait sans langue de bois que « la rhétorique changeante des autorités grecques a sapé la confiance ». Il faut dire que le nouveau gouvernement Syriza a visiblement des manières assez déroutantes. Devant le refus net provoqué côté allemand par sa lettre de demande d’extension envoyée jeudi, les Grecs ont songé vendredi à une manœuvre abracadabrantesque : prétendre que le courrier envoyé la veille n’était pas le bon, et renvoyer une nouvelle missive, bien plus conforme aux demandes allemandes, en assurant que celle-ci était la bonne depuis le début. Un subterfuge digne d’un collégien, auxquels les Grecs ont finalement renoncé, mais qui a malgré tout été ébruité par le quotidien allemand « Bild ».

Yanis Varoufakis a démenti cette nouvelle sur twitter vendredi après-midi, mais le niveau de défiance avait atteint un point de non retour. Au point que ce dernier a été évincé au fil des discussions de vendredi. Jeroen Dijsselbloem a très vite appelé directement à Athènes Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, pour régler les détails de l’accord, selon des sources européennes. Angela Merkel est aussi intervenue par-dessus le dos de son ministre des finances, Wolfgang Schauble, trop remonté contre la Grèce pour parvenir au moindre compromis. En petit comité, l’accord a ainsi été élaboré, avant d’être présenté à l’ensemble des ministres des finances de la zone euro dont la plupart attendaient la fumée blanche à l’écart.

Quand ils sont entrés dans la salle de réunion vers 19 heures, il leur a fallu examiner ligne par ligne ce texte que les Européens tentent désespérément d’écrire depuis deux semaines. Après un premier tour de table fastidieux, un second a permis de lever les malentendus. Athènes a obtenu un répit, avant de nouvelles négociations, cette fois pour un nouveau plan d’aides. Les prochains mois promettent donc d’être encore difficiles pour Athènes et la question de la sortie du pays de la zone euro devrait encore continuer à flotter quelque temps. Car Jeroen Dijsselbloem a beau eu se féliciter que cette dernière réunion ait permis de rebâtir la confiance, une ligne a été franchie. « Je crois qu’on a atteint un point où [les pays les plus remontés] vont dire à la Grèce : ”si vous voulez vraiment partir, et bien partez !” », avait averti avant la réunion Edward Scicluna, le ministre maltais des Finances.

Anne Bauer et Renaud Honoré (à Bruxelles), Les Echos, 20/02/2015

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La Grèce devra remettre sa copie lundi

Ce projet indique que la Grèce demande «une extension» de l’accord-cadre d’assistance financière (MFAFA) garantissant sa survie financière et «inclut des éléments qui éclaircissent» ses engagements. Athènes a accepté d’aller bien plus loin qu’elle ne l’entendait au début des négociations, entamées il y a dix jours.

Athènes devra présenter lundi soir ses réformes structurelles (lutte contre la fraude fiscale, corruption et administration publique). «Les institutions (UE, BCE et FMI) donneront ensuite une première opinion pour dire si cela est suffisant comme point de départ pour terminer la revue» des créanciers, a indiqué la zone euro dans un communiqué.

L’Eurogroupe se prononcera ensuite sur ce paquet de mesures, probablement par téléconférence, a laissé entendre le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. «Nous avons franchi une étape importante. Il en reste d’autres jusqu’au 28 février (date initiale de la fin du programme grec, Ndlr). Il en restera beaucoup d’autres», a-t-il ajouté.

«La Grèce laisse le mémorandum derrière elle et devient coauteur des réformes et de sa destinée», a estimé Yanis Varoufakis à l’issue d’une réunion de l’ Eurogroupe qui a permis de trouver un compromis indispensable au maintien de son pays dans la zone euro.

«Le gouvernement grec va poursuivre calmement son travail, la société grecque à ses côtés, et poursuivra les négociations jusqu’à un accord final cet été», a ajouté une source gouvernementale. (Le Parisien)

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Accord officiel :

Eurogroup statement on Greece – 20/02/2015 21:00

The Eurogroup reiterates its appreciation for the remarkable adjustment efforts undertaken by Greece and the Greek people over the last years. During the last few weeks, we have, together with the institutions, engaged in an intensive and constructive dialogue with the new Greek authorities and reached common ground today.

The Eurogroup notes, in the framework of the existing arrangement, the request from the Greek authorities for an extension of the Master Financial Assistance Facility Agreement (MFFA), which is underpinned by a set of commitments. The purpose of the extension is the successful completion of the review on the basis of the conditions in the current arrangement, making best use of the given flexibility which will be considered jointly with the Greek authorities and the institutions. This extension would also bridge the time for discussions on a possible follow-up arrangement between the Eurogroup, the institutions and Greece.

The Greek authorities will present a first list of reform measures, based on the current arrangement, by the end of Monday February 23. The institutions will provide a first view whether this is sufficiently comprehensive to be a valid starting point for a successful conclusion of the review. This list will be further specified and then agreed with the institutions by the end of April.

Only approval of the conclusion of the review of the extended arrangement by the institutions in turn will allow for any disbursement of the outstanding tranche of the current EFSF programme and the transfer of the 2014 SMP profits. Both are again subject to approval by the Eurogroup.

In view of the assessment of the institutions the Eurogroup agrees that the funds, so far available in the HFSF buffer, should be held by the EFSF, free of third party rights for the duration of the MFFA extension. The funds continue to be available for the duration of the MFFA extension and can only be used for bank recapitalisation and resolution costs. They will only be released on request by the ECB/SSM.

In this light, we welcome the commitment by the Greek authorities to work in close agreement with European and international institutions and partners. Against this background we recall the independence of the European Central Bank. We also agreed that the IMF would continue to play its role.

The Greek authorities have expressed their strong commitment to a broader and deeper structural reform process aimed at durably improving growth and employment prospects, ensuring stability and resilience of the financial sector and enhancing social fairness. The authorities commit to implementing long overdue reforms to tackle corruption and tax evasion, and improving the efficiency of the public sector. In this context, the Greek authorities undertake to make best use of the continued provision of technical assistance.

The Greek authorities reiterate their unequivocal commitment to honour their financial obligations to all their creditors fully and timely.

The Greek authorities have also committed to ensure the appropriate primary fiscal surpluses or financing proceeds required to guarantee debt sustainability in line with the November 2012 Eurogroup statement. The institutions will, for the 2015 primary surplus target, take the economic circumstances in 2015 into account.

In light of these commitments, we welcome that in a number of areas the Greek policy priorities can contribute to a strengthening and better implementation of the current arrangement. The Greek authorities commit to refrain from any rollback of measures and unilateral changes to the policies and structural reforms that would negatively impact fiscal targets, economic recovery or financial stability, as assessed by the institutions.

On the basis of the request, the commitments by the Greek authorities, the advice of the institutions, and today’s agreement, we will launch the national procedures with a view to reaching a final decision on the extension of the current EFSF Master Financial Assistance Facility Agreement for up to four months by the EFSF Board of Directors. We also invite the institutions and the Greek authorities to resume immediately the work that would allow the successful conclusion of the review.

We remain committed to provide adequate support to Greece until it has regained full market access as long as it honours its commitments within the agreed framework.

Source

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Analyse en anglais dans ce billet de Paul Mason si vous souhaitez approfondir

Source: http://www.les-crises.fr/capitulation-la-zone-euro-impose-a-la-grece-le-prix-fort-pour-prolonger-son-aide-de-4-mois/


Revue de presse du 21/02/2015

Saturday 21 February 2015 at 05:07

Ce samedi dans la revue, l’Allemagne pas si reluisante, tout comme Didier Migaud, des pays qui manquent de compassion, l’évasion fiscale, la France empêtrée dans ses armes, et dans Vue d’ailleurs un thème “ils sont partout mais on ne les voit pas toujours” peut-être à suivre dans de prochaines semaines. Sondage : Dites-nous SVP en commentaires comment les revues vous semblent dimensionnées en terme de nombre d’articles (en faut-il plutôt 20, ou 30, ou plus…). Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-21-02-2015/


[1 an déjà] L’histoire non révélée du massacre de la place Maïdan, par Gabriel Gatehouse

Saturday 21 February 2015 at 03:45

Bel article de la BBC pour l’anniversaire

Il y a environ un an, une journée sanglante sur la place principale de Kiev marquait la fin d’un hiver de manifestations à l’encontre du gouvernement de Victor Ianoukovitch, qui peu après quittait le pays. Plus de cinquante manifestants et trois policiers y ont péri. Comment la fusillade avait-elle commencé ? Les organisateurs de la manifestation ont toujours nié une quelconque implication – mais un homme a raconté une histoire toute différente à la BBC.

Très tôt, le matin du 20 février 2014, la place Maïdan est coupée en deux – d’un côté la police anti-émeute, de l’autre les manifestants.

Cela durait depuis plus de deux mois. Cependant, les événements allaient bientôt atteindre leur point culminant. Avant la fin de la journée, plus de 50 personnes allaient mourir, la plupart abattues dans la rue par les forces de sécurité.

La violence allait conduire à la chute du président pro-russe de l’Ukraine, Victor Ianoukovitch. Moscou considérera le 20 février comme un coup d’état armé, et utilisera ce point de vue pour justifier l’annexion de la Crimée et l’aide apportée aux séparatistes dans l’est de l’Ukraine.

Les meneurs de la manifestation, parmi lesquels certains détiennent aujourd’hui des positions clés au sein du pouvoir de la nouvelle Ukraine, font depuis porter inlassablement l’entière responsabilité de la fusillade sur les forces de sécurité agissant au nom du précédent gouvernement.

Mais un an plus tard, des témoins commencent  à présenter les choses sous un autre angle.

“Je ne tirais pas pour tuer”

“Je tirais vers le bas, à leurs pieds”, déclare un homme que nous nommerons Serguei, qui me dit avoir pris position au conservatoire de Kiev, une école de musique située au coin sud-ouest de la place.

“Bien sûr, j’aurais pu les atteindre au bras, ou n’importe où. Mais je ne tirais pas pour tuer.”

Sergei déclare qu’il avait été un des manifestants de Maïdan pendant plus d’un mois, et que ses tirs, visant la police sur la place et les toits d’un centre commercial sous-terrain, les avaient conduits à se replier.

Il y avait eu des tirs deux jours plus tôt, le 18 février. Le 19, un mercredi, avait été plus calme, mais dans la soirée, précise Serguei, il avait été mis en contact avec un homme qui lui proposait deux armes : la première, un fusil de chasse calibre 12, la seconde, un fusil de précision, un Saiga, tirant des balles à haute vélocité.

Il avait choisi cette dernière, dit il, et l’avait dissimulée dans le bâtiment abritant le bureau de poste, à quelques mètres du conservatoire. Les deux bâtiments étaient sous le contrôle des manifestants.

Voici comment les événements se sont déroulés le 20 février 2014.

Face aux attaques, la police s’est repliée depuis sa position près de la ligne de front vers la rue au nord de l’hôtel Ukraine.

Les manifestants se sont alors avancés vers la police, subissant les tirs des forces de sécurité en repli et de tireurs situés dans les bâtiments tout autour de la zone.

Plus de 50 personnes furent tuées, le plus lourd tribut payé depuis le début des affrontements entre manifestants et forces de sécurité pendant le Maïdan.

Quand les tirs ont commencé tôt dans la matinée du 20, explique Serguei, il a été escorté jusqu’au conservatoire, et a passé 20 minutes avant 7 heures du matin, tirant sur la police, à côté d’un second tireur.

Son récit est partiellement confirmé par d’autres témoins. Ce matin-là, Andriy Chevtchenko, qui était alors député de l’opposition et membre du mouvement Maïdan, a reçu un appel du chef de la police anti émeutes sur la place.

“Il m’appelle et me dit, Andriy, quelqu’un tire sur mes hommes. Et il ajoute que les tirs proviennent du conservatoire.”

Chevtchenko a contacté l’homme en charge de la protection des manifestants, Andriy Parubiy, réputé être le commandant du Maïdan.

“J’ai envoyé un groupe de mes meilleurs hommes au conservatoire pour déterminer la présence éventuelle de positions de tir”, déclare Parubiy.

Pendant ce temps, le député Andriy Chevtchenko recevait des coups de fil de plus en plus paniqués.

“Je recevais sans cesse des appels de l’officier de police, qui disait : j’ai trois personnes blessées, j’ai cinq personnes blessées, j’ai un mort. Et à un moment, il dit : je me retire. Et il dit : Andriy je ne sais pas ce qui va se passer. Mais j’ai senti clairement que quelque chose de mauvais allait arriver.”

Andriy Parubiy, maintenant vice-président du parlement ukrainien, dit que ses hommes n’ont pas trouvé de tireurs dans le bâtiment du conservatoire.

Mais un photographe qui a pu accéder au Conservatoire plus tard dans la matinée, juste après 8 heures, y a pris des photos d’hommes armés, bien qu’il ne les ait pas vus tirer.

Ce qui s’est passé sur la place Maïdan : l’histoire d’un photographe

Image prises par un photographe local au sein du conservatoire le matin du 20 février 2014

Le récit de Serguei diffère aussi de celui de Parubiy.

“Je ne faisais que recharger”, me dit-il. “Ils se sont précipités sur moi, m’ont mis le pied dessus, et dit “Ils veulent te parler, tout est ok, mais arrête de faire ce que tu es en train de faire.”

Serguei dit être convaincu que les hommes qui l’ont exfiltré venaient de l’unité de sécurité de Parubiy, bien qu’il n’ait pas reconnu leurs visages. Il a été escorté hors du conservatoire, conduit hors de la ville en voiture avant d’être relâché pour rentrer chez lui.

Entre-temps, trois policiers avaient été blessés mortellement et les meurtres de nombreux manifestants avaient commencé.

L’enquête officielle de Kiev s’est concentrée sur ce qui s’est produit ultérieurement – après que la police anti-émeute eut commencé à se retirer de la place. Dans la séquence vidéo, on les voit clairement tirer en direction des manifestants tout en se repliant.

Seulement trois personnes ont été arrêtées, toutes membres d’une unité spéciale de police anti-émeute. Et parmi ces trois, seulement deux – les officiers de rang inférieur – demeurent en prison. Le commandant de l’unité, Dmitry Sadovnik, a été libéré sous caution et a maintenant disparu.

Les trois policiers sont accusés de la mort de 39 personnes. Mais au moins une douzaine de manifestants supplémentaires ont été tués – ainsi que les trois policiers qui sont morts de leurs blessures.

Certaines victimes ont certainement été tuées par des tireurs, qui semblaient opérer depuis certains des bâtiments les plus élevés autour de la place.

Les avocats des victimes et les sources au sein du bureau du procureur général ont déclaré à la BBC que lorsqu’il s’agissait d’enquêter sur les morts qui ne peuvent avoir été causées par la police anti-émeute, leurs efforts étaient contrecarrés par les tribunaux.

“Si vous vous référez à l’époque de Ianoukovitch, c’était un peu le triangle des Bermudes : le bureau du procureur, la police et les tribunaux”, explique Andriy Chevtchenko. Tout le monde sait qu’ils coopéraient, qu’ils se couvraient mutuellement et que c’était la base d’une corruption massive dans le pays. Ces connections existent encore.

Les théories du complot abondent

Le procureur général, Vitaly Yarema, a été démis de ses fonctions cette semaine, au beau milieu de vives critiques de sa gestion de l’enquête.

En attendant, les théories du complot fleurissent.

“Je suis certain que la fusillade du 20 a été perpétrée par des tireurs embusqués venant de Russie et qui étaient contrôlés par la Russie”, dit Andriy Parubiy, l’ancien commandant de Maïdan.

“Les tireurs visaient à orchestrer un bain de sang à Maïdan.”

C’est une croyance largement répandue en Ukraine. En Russie, c’est plutôt le contraire – que la révolte à Maïdan était une conspiration occidentale, un coup d’état de la CIA conçu pour extraire l’Ukraine de l’orbite de Moscou. Aucune des deux parties n’apportent de preuves convaincantes de ce qu’elles avancent.

A Maïdan, l’écrasante majorité des manifestants était pacifique ; des citoyens sans armes, qui ont bravé des mois de froid intense pour réclamer le changement de leur gouvernement corrompu. Autant que l’on sache, tous les manifestants tués le 20 février étaient non armés.

Les dirigeants de Maïdan ont toujours maintenu qu’ils ont fait de leur mieux pour empêcher la présence d’armes sur la place.

“On savait que notre force était de ne pas utiliser la violence, et que c’eut été notre faiblesse que de commencer à tirer”, dit Andriy Chevtchenko.

Parubiy dit qu’il est possible qu’une poignée de manifestants armés soient venus à Maïdan comme une réponse spontanée à la violence des forces de sécurité survenue dans les jours précédant le 20 février.

“J’ai entendu dire que, après la fusillade du 18 février, il y avait des gars qui sont venus à Maïdan avec des fusils de chasse. On m’a dit que c’était parfois des proches ou des parents des victimes du 18 février. Donc je reconnais qu’il est possible qu’il y ait eu des gens avec des fusils de chasse à Maïdan. Quand les tireurs ont commencé à tuer nos gars l’un après l’autre, je peux imaginer que ceux qui avaient ces fusils de chasse aient riposté.”

Serguei, encore une fois, raconte une histoire différente. Il dit qu’il a été recruté comme tireur potentiel à la fin janvier, par un homme qu’il décrit comme un officier militaire à la retraite. Serguei était lui-même un ancien soldat.

“On a discuté, et il m’a pris sous son aile. Il a vu quelque chose en moi qui lui a plu. Les officiers sont comme des psychologues, ils peuvent voir qui est capable. Il me gardait à proximité.

L’ancien officier l’a dissuadé de se joindre à aucun autre groupe militant actif à Maïdan.

“Ton temps viendra”, a-t-il dit.

Etait-t-il en cours de préparation, psychologiquement, pour prendre les armes ?

“Nous ne nous sommes pas assis pour travailler sur un plan. Mais nous en avons parlé en privé et il m’a préparé à cela.”

On ne sait pas qui était celui qui a recruté Serguei, s’il appartenait à l’un des groupes notoirement actifs à Maïdan.

Et il y a beaucoup d’autres choses que nous ne savons pas, comme par exemple qui a tiré les premiers coups de feu le 20 février.

Quant aux théories du complot, il est possible que Serguei ait été manipulé, qu’il n’ait été qu’un pion dans un jeu bien trop grand pour lui. Mais ce n’est pas sa façon de voir les choses. Il était un simple manifestant, dit-il, qui a pris les armes en état de légitime défense.

“Je ne voulais tirer sur personne ou tuer personne. Mais c’était la situation. Je ne me sens pas comme une sorte de héros. C’est le contraire : j’ai du mal à dormir, je fais de mauvais rêves. J’essaie de me contrôler. Mais je ne gagne qu’à être nerveux tout le temps. Je n’ai rien dont je puisse être fier. C’est facile de tirer. Vivre après, c’est ça qui est difficile. Mais tu dois défendre ton pays.”

Source : BBC, le 12/02/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

Source: http://www.les-crises.fr/1-an-deja-lhistoire-non-revelee-du-massacre-de-la-place-maidan-par-gabriel-gatehouse/


[Propagande] Ukraine : la bataille de Debaltseve

Saturday 21 February 2015 at 00:45

Ils sont rigolos ces journalistes : ils arriveraient à faire oublier que c’est l’armée ukrainienne qui attaque l’Est de l’Ukraine quand même… Et que c’est une armée…

Le Nouvel obs ici, 18/02

Dans cette ville stratégique située entre Dontesk et Lougansk, le cessez-le-feu n’est jamais entré en vigueur. L’évacuation des troupes ukrainiennes est engagée mais le risque de massacre n’a pas disparu.

Les massacres de l’armée qui tirait sur Donetsk, ce n’est pas important en revanche…

Un checkpoint pro-russe près d'Uglegorsk, à six kilomètres de Debaltseve, le 9 février.  (AFP PHOTO / DOMINIQUE FAGET)
Un checkpoint pro-russe près d’Uglegorsk, à six kilomètres de Debaltseve, le 9 février.

“Nous n’avons pas le droit d’arrêter de nous battre pour Debaltseve. C’est une question morale. Il s’agit de notre territoire”. Le chef rebelle de Donetsk, Denis Pushilin, ne peut être plus clair : malgré l’accord signé à Minsk la semaine dernière, il n’a jamais envisagé de trêve pour la ville de Debaltseve et ses environs, une zone contrôlée jusqu’à mardi matin par les troupes de Kiev et passée en grande partie aux mains des séparatistes ce mercredi.

Cette petite poche pro-Kiev en territoire pro-russes est âprement disputée par les deux camps et n’a connu aucun répits depuis des semaines. Au prix de nombreux morts civiles et militaires. Mercredi, malgré l’évacuation d’une partie des troupes encerclées à Debaltseve et l’annonce par le président ukrainien Petro Porochenko de l’abandon par Kiev de la zone, la crainte est grande de voir le bilan s’alourdir encore.

Une situation stratégique

Debaltseve a toujours été un point stratégique sur la carte du Donbass. Elle abrite un nœud ferroviaire situé entre Lougansk et Donetsk, les deux “capitales” des républiques séparatistes de l’est de l’Ukraine. Contrôlée par Kiev, la ville ferait figure de barrière ferroviaire et routière entre les deux seules grandes villes de la future région. Inadmissible pour les pro-russes.

Je ne les défends pas, mais enfin, cela semble aussi inadmissible que d’admettre que les habitants votent pour décider de leur avenir en somme….

Notez que c’est une carte réalisée directement par l’armée de Kiev qui illustre cet article, avec plein de lances roquettes en Russie qui tireraient sur l’Ukraine (ou voit mal comment d’ailleurs, constatez où est la ligne de front !)

Indépendance et équilibre des sources donc… Chapeau ! C’est un métier la propagande de guerre…

Mardi en milieu de journée, les rebelles étaient finalement entrés dans la ville, menant des combats acharnés jusque dans les rues, en “face à face” selon le chef adjoint de la police régionale, Ilia Kiva, joint par l’AFP à Debaltseve. Selon lui : “Les rebelles utilisent des mortiers, des lance-grenades et des armes à feu. Il y a des morts et des blessés mais je n’ai pas de chiffres précis car les combats continuent.” De leur côté, les pro-russes ont affirmé en fin de journée avoir pris le contrôle de la gare ferroviaire et de la banlieue orientale de Debaltseve.

La crainte d’un massacre

Principale inquiétude : des bataillons de soldats ukrainiens sont encerclés par des combattants pro-russes, dans la petite bande de terre autour de Debaltseve.

Hallucinant : l’inquiétude est que les soldats se fassent abattre quoi… Mais s’ils exterminent les pro-Russes, no soucy !

Un déblocage des troupes était en cours dans la matinée, en vue de “les sortir partiellement de l’encerclement”, selon le chef adjoint de la police régionale. Mais les combats de rue continuaient.

Et la situation rappelait celle, fin août, de la ville d’Ilovaïsk de nombreux soldats de l’armée régulière ukrainienne avaient péri encerclés par des pro-russes sans être secourus par Kiev. Le nombre de morts n’a d’ailleurs jamais été officiellement établi.

En fait, elle ne sait donc rien de rien, quoi…

Se peut-il que le sort des soldats ukrainiens repliés sur Debaltseve et ses environs soit scellé de la même façon ? Un corridor peut-il être négocié pour permettre à ces hommes de quitter leur position pour leur éviter la mort, puisque Petro Porochenko a déclaré abandonner le terrain aux pro-russes ?

Le 30 août dernier, c’est ce qui s’était finalement produit à Ilovaïsk. Les soldats s’étaient mis en colonne pour emprunter la route convenue. Avant de subir les bombardements des pro-russes. 120 à 130 eux ont péri alors en quelque 20 minutes, ont raconté les survivants.

Des soldats, toujours une source béton !

Les civils en danger

Et la situation n’est pas seulement catastrophique pour les soldats ukrainiens, elle l’est également pour les civils sur place. Car si de nombreux habitants ont été évacués, quelques milliers restent terrés dans la ville dont des enfants et des personnes âgées. Idem dans les villages alentours.

Les quelques journalistes et humanitaires qui ont pu se rendre sur place ces derniers jours, entre les bombardements, ont dit n’avoir trouvé sur place que “dévastation et souffrance”. Les gens vivent confinés dans des abris souterrains surpeuplés, terrifiés en raison de tirs d’obus et de roquettes quasi ininterrompus, eau courante ni électricité, dépendant presque totalement de l’aide humanitaire.

Ils espéraient un accord de cessez-le-feu. L’accord a été signé. Le cessez-le-feu est toujours attendu.

Source : Céline Lussato, pour L’Obs

Source: http://www.les-crises.fr/propagande-ukraine-la-bataille-de-debaltseve/


Pour Morano, une femme voilée avec une valise est un « danger potentiel »

Saturday 21 February 2015 at 00:01

Nadine Morano a estimé ce mercredi qu’une femme voilée avec une valise représente « un danger potentiel », affirmant qu’il faut passer le port du voile intégral en délit.

Nadine Morano

Invitée de BFMTV et RMC, l’eurodéputée UMP a indiqué que la France était « en guerre contre les radicaux, les islamistes qui utilisent l’islam à des fins de terrorisme, à des fins de communautarisme, et qui nuisent à la France. Il faut être vigilant, tant à l’école que dans la rue, a-t-elle ajouté. C’est l’islam qui doit être en conformité avec la République, c’est pas le contraire !, a-t-elle encore dit. Quand j’ai signalé à la gare de l’Est une personne qui portait un voile intégral et qui avait une valise à la main, pour moi c’est un signe de danger potentiel. Qu’y a-t-il dans cette valise ? », a demandé l’ancienne ministre.

Selon Nadine Morano, le problème vient qu’on ne sait pas si sous le voile se cache un homme ou une femme. « Quand vous voyez les yeux, vous êtes capables de dire si c’est une femme ou un homme ? Sur ce port du voile intégral, il faut le passer en délit dès lors qu’il y a récidive. Là, vous payez une petite amende, point barre. Il y a normalement un stage de citoyenneté. Je veux savoir combien de femmes qui ont été sanctionnées par le biais d’une amende se sont retrouvées en stage de citoyenneté. Je veux qu’on soit extrêmement dur sur toutes ces questions. Il en va du respect de la laïcité, et du respect de nos valeurs en France », a-t-elle expliqué.

Interrogée sur la législative partielle dans le Doubs, Nadine Morano a fait savoir que si elle avait dû se rendre aux urnes dimanche, elle aurait voté blanc. « Je ne veux pas cautionner un nouveau député solidaire du gouvernement », a-t-elle indiqué, refusant néanmoins de voir un nouveau député du Front national siéger à l’Assemblée nationale, estimant que les propos tenus en 1996 par Sophie Montel, la candidate du FN, sur l’inégalité des races étaient « abjects ».

Source : LaDépêche.fr, le 04/02/2015

Source: http://www.les-crises.fr/pour-morano-une-femme-voilee-avec-une-valise-est-un-danger-potentiel/


[INCROYABLE] L’ambassadeur ukrainien en ALLEMAGNE ne voit pas trop de problèmes à utiliser des combattants néo-nazis…

Friday 20 February 2015 at 04:00

Incroyable document ! Il s’agit ici d’une interview de l’ambassadeur ukrainien en Allemagne !

Parfaite reconstitution de juin 1941, donc… (25 millions de Soviétiques morts pour mémoire)

J’ai fait vérifier la traduction. Voici la retranscription en français depuis l’allemand :

Question du journaliste :

Monsieur l’ambassadeur, nous venons de voir ce que sont les séparatistes. Est-ce que vous, vous savez toujours quels gens, parfois bizarres, combattent à vos côtés ? Il y a manifestement des bataillons d’extrême-droite, avec des runes SS dans leur blason.

Nous voyons ici les gens de “Azov”, qui arborent même une croix gammée. Savez-vous toujours qui est avec vous et combat en votre nom ? Et avez-vous à tout moment le contrôle de ces gens ?

Réponse de l’ambassadeur :

En ce qui concerne l’extrême-droite, il faut dire que depuis les dernières élections il n’y a plus un seul parti d’extrême-droite représenté au Parlement. C’est déjà un fait important.

En ce qui concerne les bataillons de volontaires que vous évoquez, je ne peux dire qu’une seule chose : quand la Russie nous a attaqués l’année dernière, nous n’avions presque pas d’armée. C’est pourquoi beaucoup de gens, des volontaires, se sont déclarés prêts à combattre pour leur propre pays, et c’est ce qu’ils font.

Intervention du journaliste :

Mais « Secteur Droit », ou ce bataillon Azov que l’on a vu sur la photo, ce sont des milliers de combattants, ce ne sont pas seulement quelques soldats dispersés !

Réponse de l’ambassadeur :

Ces groupes combattent aux côtés de l’armée, de la garde nationale, d’autres unités, et ils sont coordonnés et contrôlés par Kiev. C’est pourquoi il n’existe à l’évidence aucun danger qu’ils fassent quoi que ce soit de leur propre initiative, sans que cela n’ait été coordonné entre eux et le commandement de l’armée.

Intervention du journaliste :

Donc, ils sont sous votre contrôle à 100 %, et vous seriez prêt à mettre votre main au feu en ce qui concerne leurs actes ?

Réponse de l’ambassadeur :

En ce qui concerne cette photo, je ne peux pas, euh… Cette photo, je l’ai déjà vue, et on ne peut pas prouver dans quelle mesure elle est authentique… Si vraiment avec ces drapeaux…

Mais comme je l’ai déjà dit, je voudrais préciser encore une fois ceci : ces groupes qui existent sont coordonnés par l’armée de Kiev, par l’État-major, et ils font partie intégrante de nos forces de défense.

Sans eux, l’avancée de l’armée russe aurait été bien plus importante. C’est pourquoi elles font partie de ce tableau. Sans ces unités, notre défense aurait été beaucoup plus difficile.

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Notez la narrative :
1/ ne pas employer le mot “guerre civile”
2/ ne parler que d’agression russe, d’attaque russe
3/ cacher le fait que c’est Kiev qui bombarde l’Est
4/ préciser qu’il n’y a aucun député d’extrême droite (humoooooooooooooouuuuur, il y en a des dizaines et des dizaines, dont le leader de Secteur droit par exemple)
et bien entendu, justifier l’injustifiable ! (notez la tête du journaliste à 1’30…)

En conclusion je vous renvoie sur le beau reportage de ELLE sur une de ces néonazies

Source: http://www.les-crises.fr/l-ambassadeur-ukrainien-en-allemagne-ne-voit-pas-trop-de-problemes-a-utiliser-des-combattants-neo-nazis/


Valéry Giscard d’Estaing : “La Grèce doit sortir de l’Euro”

Friday 20 February 2015 at 02:18

« La situation grecque appelle décision forte rapide », estime Valéry Giscard d'Estaing
« La situation grecque appelle une décision forte et rapide », estime Valéry Giscard d’Estaing

L’ancien chef de l’Etat Valéry Giscard d’Estaing prône une « friendly exit » de la Grèce pour éviter une crise plus grave. Il juge que l’économie grecque ne peut se redresser sans une monnaie dévaluée.

Valéry Giscard d’Estaing (Ancien président de la République)

L’Europe apporte-t-elle les bonnes réponses au problème de la Grèce ?

Le problème est mal posé depuis l’origine. La question fondamentale est de savoir si l’économie grecque peut repartir et prospérer avec une monnaie aussi forte que l’euro. La réponse est clairement négative. Mais au lieu de se concentrer sur ce sujet de fond et d’y répondre, les Européens se focalisent sur la dette grecque. Bien sûr, il est envisageable de soulager un peu le budget grec, en jouant sur le niveau des taux d’intérêt et sur les maturités. Mais là n’est pas l’essentiel. Cela ne résoudra pas le problème de fond auquel est confronté ce pays.

La Grèce doit-elle sortir de l’euro ?
La proposition implicite du nouveau gouvernement grec suppose une dévaluation de la monnaie. Tout simplement parce que le programme sur lequel il a été élu est irréalisable avec une monnaie forte. La production de la Grèce ne peut redevenir compétitive avec le niveau actuel de l’euro. Par conséquent, elle n’est pas en mesure d’appliquer son programme économique notamment la hausse du salaire minimum et l’extension des avantages sociaux. L’entrée de la Grèce dans l’euro en 2001 fut une erreur évidente. J’étais contre à l’époque et je l’ai dit. Les Allemands étaient contre eux aussi. Ils l’ont acceptée parce que d’autres, notamment la France, ont insisté en ce sens. La Grèce ne peut régler ses problèmes aujourd’hui que si elle retrouve une monnaie dévaluable. Il faut donc envisager ce scénario très calmement, à froid, dans l’intérêt de la Grèce elle-même. Il est absurde de dire qu’il s’agirait d’un échec de l’Europe. D’ailleurs, ces jours derniers, la cote de l’euro est remontée. La Grèce a toute sa place dans l’Union européenne. En quittant l’usage de l’euro, elle ne ferait que rejoindre des pays comme le Royaume-Uni, la Suède, la République tchèque etc. qui ne l’ont pas adopté. Mieux : cette sortie lui permettrait de préparer un éventuel retour, plus tard. Ce processus de sortie ordonnée doit et peut se dérouler de manière non conflictuelle, dans l’intérêt mutuel de chacun. C’est ce que j’appellerais une « friendly exit », une sortie dans un esprit amical. La Grèce a besoin de se donner la possibilité de dévaluer sa monnaie. Si elle ne le faisait pas, sa situation s’aggraverait et déboucherait sur une crise encore plus sévère.

Pourquoi cette hypothèse n’est-elle pas posée par les leaders européens selon vous ?
Peut-être  par manque de compétence en matière monétaire et en raison de la pression des milieux spéculatifs. On nous dit que les Grecs ne souhaitent pas quitter l’euro et que le nouveau gouvernement a écarté cette hypothèse pendant la campagne électorale. Certes. Mais ce n’est pas la première fois que des dirigeants se font élire avec un programme inapplicable qu’ils proposent à l’opinion. C’est même chose courante : voyez ce qu’est devenue la promesse du gouvernement français de faire baisser le chômage…

La sortie de la Grèce de l’euro ne risquerait-elle pas d’inciter d’autres pays à la suivre ?
Il n’y a, à l’heure actuelle, aucune agitation particulière dans la zone euro. La situation de la Grèce est singulière et extrême: son taux d’endettement par rapport à la richesse nationale, autour de 175% du PIB, est très supérieur à celui du deuxième pays européen le plus endetté, qui se situe autour de 125%.

Cependant, il faudrait aussi réfléchir aux institutions de la zone euro pour les compléter le moment venu par la création d’un Trésor de la zone euro. Mais ce sont là des questions de plus long terme. La situation grecque appelle une décision forte et rapide permettant au programme politique et social qu’elle s’est donnée de disposer d’une monnaie qui soit dévaluable.

Source : Nicolas Chéron, pour Les Echos

Source: http://www.les-crises.fr/valery-giscard-destaing-la-grece-doit-sortie-de-leuro/