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Quand un journaliste minimise l’inexcusable sur RFI… (ELLE 3/3)

Monday 5 January 2015 at 00:28

Pour terminer sur l’affaire ELLE (Partie 1 et Partie 2 ici) voici l’article hallucinant de RFI sur ce sujet :

Comment le magazine ELLE a été berné par une néo-nazi ukrainienne

Par RFI

[Découvrons une nouvelle star du "journalisme" français : "Spécialisé sur les thématiques liées à la défense et aux relations internationales, je suis indépendant et travaille principalement pour les rédactions de Radio France Internationale (RFI), de Slate et du mensuel Défense et Sécurité Internationale (DSI). Doctorant en sciences humaines, je suis rattaché à l’université de Strasbourg, sous la direction de Philippe Breton, spécialiste des techniques d’argumentation. Mes travaux, tant comme journaliste que comme chercheur, m’amènent à participer régulièrement à des conférences et des colloques. Je suis également parfois invité à me retrouver de l’autre côté du micro au cours de débats où j’interviens comme analyste. Ces interventions sont toujours le fruit de ma double expérience, de journaliste et de chercheur. Je tâche d’y apporter une expertise éclairée par des réflexions nourries par l’actualité et par la connaissance."]

(notez bien l’histoire du “pseudo” ici)

Alors M. Mielcarek, déjà le titre, ça ne le fait pas du tout.

Primo, le titre devrait être du genre “Comment ELLE  a désinformé ses lecteurs” ou “Comment ELLE a gravement manqué à ses obligations déontologiques”  ou mieux “Comment ELLE a berné ses lecteurs“.

Secondo, je ne vois pas en quoi il a été “berné” – ce qui semble le dédouaner de sa responsabilité. Il envoie un reporter rencontrer des volontairEs combattantes dans le bataillon Aïdar, dont ceux qui s’intéressent à la chose (et c’est le cas du reporter) savent bien qu’il comprend de nombreux éléments néonazis/fascistes, et qu’ils ont été accusés, comme vous le rappelez plus loin, de crimes de guerre par l’OSCE et Amnesty International, et ce bien avant le reportage). Il fallait donc être d’une prudence de sioux. Il pensait y trouver quoi le journaliste, des Rosa Luxembourg en masse ?

Malheureuse image d’Epinal dans les pages de l’hebdomadaire glamour. Dans un article sur les femmes combattantes volontaires, une égérie d’un bien mauvais genre s’est glissée : Vita Zaveroukha, oubliant de préciser sa tendresse pour les croix gammées, passe pour une brave patriote. 

Le magazine féminin ELLE en prend pour son grade sur la toile et se voit accusé de propagande au profit d’extrémistes ukrainiens. En cause, un article publié dans son numéro 3594, daté du 14 au 20 novembre 2014. Traitant des femmes combattant dans les bataillons de volontaires suppléants les troupes de Kiev, il présente plusieurs de ces citoyennes-soldats.

Et des femmes qui décident volontairement de suppléer l’armée en tuant leurs concitoyens, alors qu’elles ne sont nullement en danger (les combats se limitent au Dombass), d’après vous, ça a quel profil politique en général ?

C’est l’une d’elles qui pose problème.

Ben non, ça fait déjà 2 sur 2 contrôlées, là… 

Sveta, 19 ans, une jolie blonde pas encore tout à fait sortie de l’enfance,

A 19 ans, une fille qui combat dans l’armée ???? Moi, je trouve que ça s’applique mieux à des doctorants ça…

Et elle s’appelle Vita

affiche en pleine page un air presque timide. En légende, cette « secrétaire et engagée volontaire dans un groupe d’autodéfense » annonce pourtant sa détermination : « Si les Russes rentrent dans ma ville, je tire. Si ce n’est pas moi, qui va le faire ? »

Sérieusement, “timide” la fille à gauche avec le fusil à l’épaule ? :

On notera au passage que ces grands professionnels de ELLE ont même inversé les prénoms des 2 combattantes sur la double page… Vous n’avez donc même pas vu cette inversion… Les  papiers sur Internet donnaient bien l’identité de Vita Zaveruhka puisque vous citez le propos de la page de gauche, avec la bonne fille, mais où il est indiqué “Sveta” (donc Svetlana, Balikova en l’espèce, qui est à droite).

Mais pourquoi diable citez-vous cette phrase-ci (relayant la propagande anti-Russe, car jusqu’à preuve du contraire, la plupart des combattants en face d’elle sont Ukrainiens russophones), et pas ce petit bijou cité dans l’article et clairement attribué à Vita : “A-t-elle déjà tué ? ‘J’espère bien !’ s’exclame-t-elle“, mais du coup, elle serait apparue moins sympathique, et le lecteur de RFI aurait-pu se demander, en plus dans le contexte Aïdar, comment la rédaction de ELLE a-telle pu penser qu’elle était autre chose qu’une extrémiste ?

Demain, s’il se passait ça en Alsace, pour ma part je demanderais des négociations voire un referendum local sur l’autonomie / indépendance (en me battant pour le non et pour que la patrie reste unie), mais il ne me viendrait pas à l’idée d’aller me battre pour tuer des Alsaciens…

Le hic, c’est que la jeune femme est en réalité le parfait exemple de toutes les dérives que comptent les bataillons de volontaires.

Mais qu’est-ce qui vous permet de parler d’un ton péremptoire de “dérive” ? Avez vous longuement enquête sur place, pour affirmer que ceci n’est pas la règle ? (je ne connais pas la réponse pour ma part…)

Et puis c’est quand même énorme cette narrative : alors comme cela, il y aurait de joyeux groupes de patriotes humanistes, volontaires pour combattre aux-côtés de l’armée, qui comporteraient, hélas, par mégarde, quelques néo-nazis…

Mais sérieusement, que penser d’un groupe qui contient QUELQUES néo-nazis ? Imagine-t-on qu’on va y trouver des gauchistes aussi ?

Alors comme ça, par exemple, on aurait un parti politique avec 20 % de néo-nazis dedans, mais ce serait un parti respectable, qui ne serait pas d’extrême droite ???

“Le parti Svoboda est un parti plus à droite que les autres, [mais il n'est pas] d’extrême droite” [Laurent Fabius, 11 mars 2014, France Inter]

Bon, ok, j’ai rien dit alors…

 

Le papier de ELLE à peine publié, émergeaient sur la Toile toutes les frasques de Sveta, qui s’appelle en réalité Vita Zaveroukha.

Non, il n’y a pas de “en réalité”, il y a des bras cassés à ELLE. Vita est bien interviewée dans le texte :

Posant sur sa page personnelle entre salut nazi et symboles du Troisième Reich, elle fait systématiquement l’apologie de la haine.

Purée, quelle surprise, des soldates volontaires allant abattre leur concitoyens pour cause d’autonomisme, ce sont pourtant des humanistes en général…

Une vidéo est également ressortie, dans laquelle on la voit à la tête d’un groupe d’hommes armés et cagoulés menacer des Ukrainiens accusés d’aider les Russes dans la ville de Vinnitsa.

Aïdar, tout en nuances de gris

C’est de l’humour sur les 50 nuances de Grey ? Très fin quand on parle de néonazies et de bientôt 5 000 morts – quelle poilade !

Vita Zaveroukha fait partie du bataillon Aïdar. Ce dernier s’est fait connaître à l’automne suite à des rapports publiés par l’OSCE et Amnesty International, lui reprochant exactions et crimes de guerre. « Alors qu’il est reconnu par beaucoup de nationaux comme une force combattante engagée, le bataillon Aïdar a acquis une réputation locale de représailles brutales, de vols, de tabassages et d’extorsion », note l’ONG dans une enquête datée de septembre.

Merci de l’info, très pro. Mais alors, dans ce cadre, comment peut-on se faire “berner” ?

Et c’est quoi le but de faire de la pub à des membres d’un groupe accusé de Crimes de guerre ? Ce que ELLE cache pieusement, dans le reportage et dans son communiqué récent ? Et on cherchera l’esprit critique dans l’article, on nous présente juste de courageuses patriotes face à l’ogre russe qui a envahi leur beau pays… (pour un peu on verrait Lucie Aubrac)

Cela ne vous choque pas ?

« On est en guerre, et on a toutes les réalités d’une guerre avec une vraie violence », note la chercheuse Christine Dugoin, de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE).

Purée, à 5 000 morts, chapeau la fulgurance de la chercheuse… Bientôt “l’eau ça mouille” aussi ?

Pour elle, les journalistes de l’hebdomadaire ont peut-être été victimes d’un effet d’ « angélisme ».

Oui bien, sûr. Ou d’incompétence crasse, ou de parti-pris de propagande de guerre, ou de volonté manipulatoire (mais ça, on ne posera jamais la question – on est entre journalistes de bonne compagnie)… De toute façon, ce genre de truc, ce n’est JAMAIS grave – tant que cela va dans ce sens…

Elle note pourtant une vraie radicalisation chez les Ukrainiens, y compris chez les intellectuels. « Il y a un rapport à la droite dure franchement décomplexé, poursuit-elle.

Tu m’étonnes…

Tous les Ukrainiens ne sont pas des nazillons non plus, mais il y en a… On va d’ailleurs avoir les mêmes dans le camp d’en face. »

Oui, ils vénèrent les Waffen SS et Bandera dans le Dombass, aussi, c’est évident… C’est pour ça que c’est une zone bastion du parti communiste même…

Donc c’est simple : 1/ il n’y a pas de Néonazis chez les pro-Kiev 2/ Quand il y en a, euh, c’est pas très grave, car il y a les mêmes en face…

Des preuves peut-être ?

Cette complaisance avec le néonazisme me laisse toujours pantois…

Malgré les alertes lancées par la communauté internationale,

Je peux savoir lesquelles, car ça m’a échappé, vu qu’on est dans le déni forcené…

Kiev ne semble pas pouvoir ou vouloir rétablir le contrôle sur ces unités.

C’est glissé comme ça, mais enfin, vous vous rendez bien compte de ce que vous dites (à raison), et de ses implications ?

C’était pourtant une réclamation d’Amnesty International. « Le contrôle, sur une armée, se fait par la gloire ou l’alimentation, remarque Christine Dugoin. Quand vous êtes juste au niveau finances, ça devient très compliqué. Surtout quand vous avez des électrons libres chauffés à blanc. »

C’est quoi ce délire ? Si on n’a pas d’argent (et l’Ukraine est grassement financée par l’UE et le FMI en ce moment je rappelle), on a une nazification des soldats ???? Purée on l’a échappé belle en Russie dans les années 1990 alors…

“électrons libres” = néo-nazis donc ?

Mais elle sort d’où cette clowne “d’experte” ?

Du machin nommé IPSE ?

Oups, pardon, je vois que c’est en fait le think-tank auquel vous appartenez – je comprends mieux… Merci pour la diversité d’opinions…

Vous connaissez cette blague américaine sur Fox News ? “Sur Fox News, on a toujours 2 versions : celle du Président, et celle du Vice-Président”….

Positivons, on a échappé aux bras cassés habituels, qui font encore pire…

Un piège pas si évident

Le magazine ELLE s’est confondu en excuses, assurant que ses journalistes n’étaient absolument pas au courant de la vraie nature de la jeune Vita Zaveroukha.

Mais, qui, qui, aurait pu s’en douter ?

Si les fins observateurs d’Internet trouvent la situation évidente, elle ne l’était en réalité pas tant que cela sur le moment.

Hmm, et qu’en savez-vous svp ? Vous y étiez ? Étrange, la fille ne cache nullement ses opinions sur Facebbok…

L’auteur de l’article ne connaissait, pendant son reportage, que le pseudonyme de son interlocutrice. Sans son nom, difficile de retrouver ses photos sur les réseaux sociaux.

1/ c’est à mourir de rire de ne pas voir qu’il n’y avait aucun pseudo (comme vous l’indiquez sous la photo de l’article), juste une inversion des photos, car les 2 prénoms y sont…

2/ j’imagine que vous avez contacté le journaliste en question avant d’écrire ça – et que l’histoire de ces “pseudos” est blindée… ? Ce serait horrible sinon…

3/ quand bien même les noms auraient été cachés, quel est alors censé être le travail du journaliste ? Il demande “êtes vous néonazie, oui ou non” ? C’est ça le journalisme d’investigation du XXIe siècle ?

Si vous sous-entendez qu’il était IMPOSSIBLE de connaitre la vision des combattantes (qu’elles ne cachent pourtant guère ni dans leurs déclarations dans l’article, ni dans leur Facebook), ALORS la conclusion logique est qu’il ne fallait pas faire de reportage sur des combattants de ce bataillon “de sinistre mémoire”…

Il n’apprendra que beaucoup plus tard la vraie nature de « Sveta ».

Oui, quand d’autres auront fait son travail…

Et je rappelle que Sveta, c’est l’autre, la vedette du jour, c’est pas Vita !!!!!!

Loin d’être un néophyte de passage, le journaliste en question est correspondant permanent sur place pour de nombreux médias et enquête régulièrement sur les bataillons de volontaires.

Cette phrase est très intéressante. On en voit souvent de ce type. C’est là qu’on voit que le rédacteur est orienté, mais pas manipulateur volontairement. Un vrai manipulateur ne mettrait jamais ça : cela indique que le journaliste est un pro des bataillons, que ce bataillon est accusé de crimes de guerre, que des combattantes y rêvent de tuer plein de gens, et la conclusion est que le journaliste n’est pas censé comprendre que c’est des nazillonnes ? Cela détruit l’argumentaire de propagande…

On a souvent affaire à de la bêtise, de l’incompétence, ou des papiers bâclés faute de temps, etc.

La simple appartenance à Aïdar ou à l’un de ces bataillons ne permet pourtant pas d’identifier un combattant comme un néo-nazi en puissance.

Ben voyons ! J’imagine que c’est la troisième loi de Mielcarek  ça ?

« Comme dans toutes les guerres, il n’y a pas de noir et de blanc », estime une journaliste ukrainienne travaillant en France.

Ah pardon, des néonazies, c’est des “nuances de gris” pardon…

Mais j’avoue être un anti-nazi primaire…

Même son de cloche chez un correspondant français installé en Ukraine : « La question de l’extrême droite en Ukraine et en Russie est une question très complexe, dans un contexte de propagande hystérique, elle s’accommode très mal des visions en blanc ou noir. »

Oui, enfin bon, l’extrême droite en Russie, elle me semble moins présente qu’en Ukraine, non ?

Cette intrusion d’une néo-nazie dans les pages de l’hebdomadaire glamour joue en effet parfaitement le jeu de la propagande… pro-Russe.

Hmm, c’est même un coup de Poutine je pense…

Bah oui, ils disent qu’il y a des néonazis dans les volontaires, on fait un reportage au pif, et PAF, 2 fascistes : cela conforte hélas “la propagande pro-Russes” – et bien entendu on n’envisagera jamais qu’elle soit simplement (exagérée) mais vraie…

Sur la toile, des centaines de blogs, réseaux sociaux et pages Internet fustigent le journal et relaient toutes les casseroles de la jeune femme. « L’affaire est trop belle, confirme Catherine Dugoin. Après avoir répété à l’envi que les fidèles de Kiev étaient des nazis en puissance, leurs adversaires ont ici la preuve idéale de leurs assertions. »

Non, “l’affaire n’est pas belle”, elle est moche, et des profils de ce type, on en trouve plein dans les maidanophiles combattants – cela n’étonne que les “journalistes” incompétents et “experts” à deux balles…

Et toujours pas de place pour la nuance.

Source : RFI, 01/01/2015

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J’adoooore la dernière phrase :

  1. Une belle phrase juste en soi, oui, la situation n’est pas que noire ou blanc…
  2. que bien entendu, on n’appliquera, suivant le bon vieux principe du “2 poids 2 mesures”, qu’aux seuls contradicteurs des médias
  3. et pas, par exemple, à l’article de ELLE, tout en nuance sur la situation ukrainienne
  4. et encore moins à RFI – collector :

Et en conclusion, soulignons que, alors que ELLE fait une bourde gigantesque, le journaliste explique l’affaire, trouve pas mal de raisons pour excuser entre les lignes ELLE, n’a pas UN MOT pour critiquer le manque de professionnalisme et les conséquences en termes de désinformation MAIS alors explique que les critiques de cette situation inacceptable abusent un peu, et “manquent de nuance” !!

Je rappelle que ELLE est le 33ème titre de presse le plus aidé par les pouvoirs publics en France (miam argent public), avec 2 615 000 € reçus en 2013 - à ce prix là, un peu de déontologie et de professionnalisme, c’est optionnel ?

Alors M. le journaliste, “spécialiste de la stratégie d’influence dans les conflits”, il me reste à vous féliciter pour le magnifique exemple que vous donnez ici – vous irez loin dans la vie médiatique, peut-être même jusqu’au Siècle !

P.S. Je vous encourage à écrire à RFI si vous le souhaitez, ce n’est jamais inutile de réagir. C’est ici. (“Je souhaite signaler un problème, faire une remarque sur le site”)

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Les ridicules explications de ELLE, nous lançons un défi à cet hebdomadaire…, par Danielle Bleitrach

Voilà comment les charmantes néo-nazies que soutient l’hebdomadaire ELLE ont jeté des cocktails Molotov contre la maison des syndicats, brûlant des militants qui s’y étaient réfugiés, nous demandons à cet hebdomadaire qui prétend ne pas savoir, s’il est prêt à donner la parole à la mère de l’une des victimes pour qu’elle explique ce qui se passe réellement en Ukraine… Les explication de l’hebdomadaire sont en effet totalement risibles et témoignent de l’impunité dans laquelle se complait la presse française (note de Danielle Bleitrach)

Face à la polémique grandissante, le magazine a réagi par communiqué, confirmant que la jeune Sveta était en fait une « activiste d’extrême-droite« . « Suite à la publication le 14 novembre dernier dans notre magazine d’un reportage (…) traitant du rôle de femmes au parcours très divers dans le conflit à l’est de l’Ukraine, nous avons appris, fin décembre, qu’une des jeunes femmes, interviewée et photographiée, était une activiste d’extrême-droite, diffusant sur les réseaux sociaux des photographies faisant l’apologie du néo-nazisme » explique la rédaction de « Elle ».

L’hebdo féminin se justifie : « Lors du reportage, la jeune femme incriminée, combattante du Bataillon Aidar, rencontrée le 2 octobre dernier, sur la ligne de front près de la ville de Lougansk, aucun élément, aucun signe extérieur distinctif, aucune parole dans l’interview, ne laissait comprendre ce jour-là que cette jeune femme était néo-nazie« . Puis ajoute : « Le reportage s’est partiellement déroulé auprès d’une unité du Bataillon Aidar, une formation paramilitaire nationaliste d’environ 600 membres, rattachée au ministère de la Défense ukrainien, qui comprend dans ses rangs des combattants d’origine et d’obédience politique très diverses« .

« La rédaction de ELLE a été choquée », elle croyait que la bataillon Aïdar était lié au ministre de l’intérieur et qu’il était pluraliste…

Le communiqué conclut en condamnant « toute idéologie prônant la xénophobie, l’antisémitisme ou l’apologie du nazisme« . « La rédaction de ELLE ainsi que les deux journalistes ayant réalisé le reportage, ont été choqués d’apprendre, à posteriori, le véritable profil idéologique de cette jeune femme, et condamnent bien entendu toute idéologie prônant la xénophobie, l’antisémitisme ou l’apologie du nazisme« , rappelle ainsi la rédaction de l’hebdomadaire.

Ces excuses de l’hebdomadaire sont en elles-mêmes un aveu du bain de désinformation dans lequel patauge l’ensemble de la presse française et loin de faire machine arrière la rédaction en rajoute une couche, en expliquant que selon elle le bataillon Aïdar est célèbre pour ses exactions. En effet, dès le 10 septembre 2014 le bataillon Aïdar était condamné par Amnesty international

Les crimes de guerre du bataillon punitif Aïdar dans la région de Lougansk (Amnesty International)

Amnesty international à cette date a publié un rapport au sujet des exactions commises par le bataillon Aidar, rattaché au Ministère de l’Intérieur ukrainien. Amnesty ne souligne pas que le gouvernement de Kiev, reconnu et soutenu par l’Union européenne, n’émane d’aucun choix démocratique de la population ukrainienne. Qu’il n’est en tout cas pas reconnu par une partie de la population ukrainienne. Cette faible légitimité démocratique peut pourtant compter dans la manière dont les droits de l’homme et les lois de la guerre sont respectés, en particulier mener une guerre contre une partie de la population parce qu’elle refuse un coup d’Etat est le premier viol de la démocratie. Lors d’une rencontre avec le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk lundi 8 septembre, le secrétaire général d’Amnesty International Salil Shetty a exhorté le gouvernement ukrainien à mettre fin aux atteintes aux droits humains et aux crimes de guerre commis par les bataillons d’engagés volontaires agissant aux côtés des forces armées ukrainiennes régulières.

De qui se moque la rédaction de ELLE

A partir du 25 janvier, il y aura en France la mère d’une des victimes du massacre d’Odessa, 46 victimes brûlées vives, cette femme est menacée d’être renvoyée de son emploi à l’Université d’Odessa après que les néo-nazis dont ELLE a fait l’apologie aient brûlé dans la maison des syndicats son fils unique. Est-ce que ELLE lui donnera la parole? C’est un défi que nous lançons à cet hebdomadaire et à l’ensemble de la presse française.

Danielle Bleitrach, histoireetsociete

Source: http://www.les-crises.fr/quand-un-journaliste-excuse-linexcusable-sur-rfi-elle-33/


Analyse détaillée du projet de loi Macron : En route pour le « régressisme » ?, par Gérard Filoche

Sunday 4 January 2015 at 04:13

C’est du Gérard Filoche, frondeur, mais ici, il parle du sujet qu’il a pratiqué toute sa carrière…

J’y ai appris plein de choses, pas vues dans la presse…

Dire qu’ils ont essayé, lors des « Etats généraux » du 6 décembre 2014 de faire plaisir à Valls en remplaçant de facto le mot « socialisme » par le mot « progressisme » ! Quant on découvre la loi Macron il faut au moins inventer le mot « régressisme ». Jamais sans doute, un gouvernement issu de la gauche n’a osé proposer une loi aussi rétrograde, libérale, en tout point destructrice des droits des salariés.

C’est un projet qui porte sur le droit du travail, fait par un ministre de l’économie. C’est un retour au milieu du XIXème siècle, avant qu’on invente un ministère du travail.

Un projet dont le titre III, étonnamment intitulé « TRAVAILLER » donne toute la mesure. On ne fera pas l’injure de penser qu’une loi dite  « Pour la croissance et l’activité »  montre du doigt les fainéants de chômeurs ou l’indolence des travailleurs dans un pays où leur productivité est une des plus fortes du monde, mais on peut sans doute y voir le vivre pour travailler opposé au travailler pour vivre.

Ils la justifient tous les matins dans les radios officielles, en affirmant qu’il faut « déréguler pour libérer les énergies et créer de l’emploi ».  C’est évidemment l’inverse. C’est là ou il y a le moins de réglementation qu’il y a le plus de chômage.

La preuve, on l’a : cela fait dix ans qu’ils dérégulent et depuis dix ans, le chômage s’accroit. L’ANI du 11 janvier 2013 et la loi qui en est issue du 14 juin 2013, devaient, en assouplissant les licenciements, « sécuriser l’emploi » : on a 250 000 chômeurs de plus. Et la loi Macron propose d’assouplir encore plus les licenciements, cela fera encore plus de chômeurs, bien sur.

En 1992, le travail de nuit a été autorisé pour les femmes, il paraît que c’était pour l’égalité professionnelle hommes femmes et pour l’emploi. Vingt ans plus tard, 7,4 % des salariés travaillent de nuit en 2012, contre 3,5 % en 1991 soit un total de 3,5 millions de personnes. Un million de femmes ont été frappées de plein fouet par cette nuisance. Elles sont aujourd’hui plus de 9 % à être des travailleuses de nuit : deux fois plus qu’il y a 20 ans ! Et il y a un million et demi de chômeurs de plus ! Et Macron nous propose, dans sa nouvelle et maudite loi libérale, de travailler « en soirée » (sic)…

C’est grotesque de chercher à vendre du parfum à minuit ou le dimanche à des touristes chinois présumés alors qu’ils restent en moyenne 7 jours à Paris et que leurs « tours opérators » ont planifié d’avance une demie journée d’achats en plein jour de semaine ! Les touristes chinois de toute façon achètent du parfum en duty free à l’aéroport surtout si l’aéroport a été vendu à une société chinoise !  Alors pourquoi faire venir des femmes pauvres et précaires, qui n’ont pas le choix, vendre des parfums « en soirée » ou le dimanche ?  Ca ne marchera pas, et elles seront obligées de rentrer chez elles en banlieue à 2 h du matin, ou de ne pas voir leurs enfants le dimanche. Pour rien, car maintenant Macron l’avoue, sa loi ne prévoit aucune majoration de salaire le dimanche ni « en soirée ».

La déréglementation à la Macron, (et de ses annexes Mandon, Rebsamen) on va l’étudier ci dessous,  frappe tout, l’inspection du travail, la médecine du travail, la justice du travail, le droit pénal du travail, les institutions représentatives du personnel, et même le bulletin de paie qui deviendra opaque. Elle s’en prend aussi à toutes les professions de droit, avocats, avoués, notaires, huissiers, greffiers, afin de les soumettre aux « firmes » juridiques anglo-saxonnes qui s’empareront ainsi du traitement de nos successions et des ventes. Alors qu’il aurait fallu  transformer ces officines en service public et contrôler leurs actes et leurs couts, elles vont, au contraire, être éclatées et davantage soumises aux puissantes et rapaces multinationales juridiques.

Tout comme, les taxis : Macron pousse la G7 à se saborder pour le compte de la multinationale Uber low cost qui fait main basse sur les « VTC » (voiture tourisme avec chauffeur) et vous trouverez bientôt des chauffeurs philippins aux horaires mortels, et aux prix négociés au cas par cas sans compteur. C’est le principe d’Air France et de Transavia… ça consiste à réserver la sécurité et le confort des services aux riches et créer des alias de seconde zone et second prix pour les pauvres ! Macron ré invente la « troisième classe » des trains à la SNCF, ce seront les autocars pour les jeunes pauvres qui ne peuvent plus se payer le TGV.

Disons le avec force : moins de code du travail c’est moins de travail et plus de chômeurs.

Le seul moment depuis trente ans où l’on a fait reculer le chômage de masse c’est quand on a fait les 35 h sans perte de salaires. Même imparfaitement imposées, même trop compensées par de la flexibilité, elles ont crée 400 000 emplois de plus qu’ailleurs.  Ce qu’il y a de bien dans des durées du travail fixes et fermes, c’est qu’elles sont inflexibles : or la flexibilité crée du chômage, ce sont les salariés, bien formés, bien protégés, bien payés qui produisent le plus et le mieux, pas les flexibles !  Si on veut créer de l’emploi il faut faire reculer la flexibilité !

La loi Macron n’est même pas « sociale libérale » comme le prétendent certains elle est libérale, elle n’a rien de social…

Et comme on va le voir, elle ouvre des champs nouveaux aux revendications les plus intégristes du Medef. Il faut l’analyser soigneusement – comme l’ANI en 2013 – car le diable est dans les détails.

La grande presse, comme pour l’Ani en 2013 va masquer ces détails et empêcher qu’ils soient connus, appréciés par les salariés et syndiqués. Ils vont prétexter que c’est trop compliqué, trop difficile, peu médiatique, et ils vont faire de la propagande générale sur le texte qui « débloque » « assouplit », « modernise » « casse les corporatismes » etc.… A nous de faire percer la vérité, dans les détails, sur le fond.

 

1° )  Subordination ou soumission ?

Le plus incroyable : MODIFICATION article 2064 du CODE CIVIL et ABROGATION article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative : retour à la loi LE CHAPELIER et au code civil de 1804 ?

Il y a peu de doute que la modification de l’article 2064 du code civil soit une tentative de supprimer, rien de moins, le droit du travail :

en effet, l’article 1529 du code de procédure civile explique que, pour la résolution amiable des différents, les dispositions du code de procédure civile s’appliquent « sous les réserves prévues par les articles 2064 du code civil (qui exclut jusqu’ici le doit du travail des conventions amiables) et de l’article 24 de la loi du 8 février 1995 » (qui limite jusqu’ici la médiation conventionnelle dans les différents qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail aux seuls cas des transfrontaliers).

Et l’ordonnance MACRON supprime la restriction de l’article 2064 et abroge la limitation de la loi de 1995…

Suppression du deuxième alinéa de l’article 2064 du code civil (« Toutefois, aucune convention ne peut être conclue à l’effet de résoudre les différends qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. ») qui exclut la convention entre les parties pour le règlement des litiges en droit du travail qui depuis qu’il existe un droit du travail reconnaissant l’inégalité entre le patron et son subordonné, le salarié, a confié à la juridiction prud’homale le soin de limiter cette inégalité.

Désormais reste de l’article 2064 : « Toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition, sous réserve des dispositions de l’article 2067. »

La convention de procédure participative est une convention « par laquelle les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. »

Cette convention est conclue pour une durée déterminée dont le contenu est fixé par l’article 2063 : « La convention de procédure participative est, à peine de nullité, contenue dans un écrit qui précise :

1° Son terme ;

2° L’objet du différend ;

3° Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend et les modalités de leur échange.

Convention engagée, prud’hommes interdits : selon l’article 2065 « Tant qu’elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour qu’il statue sur le litige. Toutefois, l’inexécution de la convention par l’une des parties autorise une autre partie à saisir le juge pour qu’il statue sur le litige. »

S’il y a accord sur la convention, les parties peuvent (article 2066) soumettre, s’ils le veulent l’accord à l’homologation d’un juge. Lequel ?

S’il n’y a pas accord, les parties peuvent soumettre le litige à un juge mais l’article 2066 supprime la phase de conciliation…

Là on est en pleine interrogation : les équipes autour de Macron sont forgées dans la culture Medef, pas dans celle de la gauche, elles lui ouvrent là une voie radieuse qu’il recherche depuis des années afin de supprimer le concept de « subordination » qui caractérise le contrat de travail.

Car si le contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanent » il donne en contre partie des droits, contenus dans le code du travail. Pour supprimer ces droits, il faut supprimer les concepts qui les justifient.  Laurence Parisot avait organise dans les locaux du Medef à Wagram, un colloque de trois jours sur « la soumission librement consentie ». De même lorsqu’elle disait « la liberté de penser s’arrête là ou commence le code du travail ». S’agit-il de tout envoyer au civil, comme aux USA où le code fait 36 000 pages de ce fait ? Où il n’y a donc pas de protection particulière au contrat de travail. Le contrat sera comme entre bailleur et locataire, ou entre voisins égaux, pas entre un employeur et un subordonné, et les droits que donne le code du travail en contrepartie de la subordination seront non-invoquables. Est-ce cela qu’il faut débusquer en douce dans l’ordonnance ?

Soumis librement de votre plein gré, vous n’êtes plus en situation de réclamer des droits. Le contrat de travail qui est spécifique parce que les deux parties signataires sont réputées ne pas être égales serait requalifié en un contrat civil où elles le deviendraient. Il n’y aurait donc plus matière à invoquer un droit spécifique de protection des « contrats ».

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2°)  Bosser le dimanche pour pas un rond de plus !

Travail dominical et « en soirée »

Art.75 : AUTORISATION du PREFET pour « préjudice au public » ou au «  fonctionnement normal de l’établissement »

L’ancien article L.3132-21 (« Les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. »), abrogé par la loi n°2009-974 du 10 août 2009, devient :« Les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans »

Art. 76 : DECISION DES MINISTRES

L’article L. 3132-24 (« Les recours présentés contre les décisions prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-23 ont un effet suspensif. »), abrogé par décision du Conseil constitutionnel du 4 avril 2014, est réécrit avec une tout autre signification : ouverture le dimanche dans les « zones touristiques internationales » qui seront décidées par « les ministres du travail, du tourisme et du commerce »

Art.77 : Par la suppression des deux premiers alinéas de l’article L.3132-25 et son remplacement, on obtient :

Suppression de la procédure de détermination des « communes d’intérêt touristique » et des zones « touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » par le Préfet, « après proposition de l’autorité administrative (maire ou préfet de Paris), après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent »

Alignement sur les zones « internationales » des conditions de l’autorisation de travailler le dimanche dans des zones désormais simplement nommées « touristiques ».

Ce qui, en clair, permet d’avoir le travail du dimanche à tous les coups : soit par un « accord collectifou territorial », soit par « décision unilatérale de l’employeur », certes prise après référendum, mais on sait d’expérience quelle sera la marge de résistance possible des salariés dans un référendum organisé par l’employeur.

A noter la nouvelle notion d’ « accord territorial » qui est sans doute la plus défavorable pour les organisations syndicales du point de vue du rapport de forces (il s’agit des organisations syndicales « les plus représentatives dans la région concernée », comment seront-elles décidées ?)

Art. 78 : par la modification de l’article L.3132-25-1,

Les dérogations accordées par le Préfet dans les « unités urbaines de plus de 1 000 000 habitants » pour les « établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre » deviennent  des dérogations pour « les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services situés dans des zones commerciales, caractérisées par un potentiel commercial » et cette dérogation se fera par « accord collectif ou territorial » ou « décision unilatérale de l’employeur »

Art. 79 : Modification de l’article L.3132-25-2.

La création (délimitation, modification) des zones « touristiques » (L.3132-25) et des zones « commerciales » (L.3132-25-1) est faite sur demande du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale et elle est décidée par le Préfet après plusieurs avis.

Art. 80 : Les contreparties pour les salariés fixées par l’actuel article L.3132-25-3 (repos compensateur, salaire doublé) sont modifiées.

Pour les autorisations d’ouverture le dimanche pour « préjudice au public » ou au « fonctionnement normal de l’établissement », pour les « zones internationales », les « zones touristiques » et les « zones commerciales »,

Il faudra soit un « accord collectif ou territorial », soit une « décision unilatérale de l’employeur» qui fixe les contreparties.

Contrairement aux dispositions de l’actuel article L.3132-25-3, en cas de décision unilatérale de l’employeur le salaire ne sera pas doublé automatiquement pour les entreprises de moins de 20 salariés dans les « zones touristiques » (« Dans les établissements de moins de vingt salariés situés dans les zones définies à l’article L. 3132-25, la décision unilatérale de l’employeur peut fixer des contreparties différentes de celles mentionnées au III.). Et même si elles franchissent le seuil des 20 salariés (tiens, là ils veulent bien des seuils), elles auront droit au minimum à trois ans de délai… (application « à compter de la troisième année consécutive au cours de laquelle l’effectif de l’entreprise employé dans la zone atteint ce seuil »).

Art. 81 et 82 : pas de changement

Art. 83 : Modification de l’article L.3132-25-6

Le nouvel article ajoute encore une catégorie d’établissements qui pourront ouvrir le dimanche avec accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur : les « établissements situés dans les emprises des gares ». »

Soit parce qu’ils sont dans une zone touristique internationale ou une zone touristique à potentiel soit une zone commerciale. Soit par « arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce »

Art. 84 : Modification de l’article L.3132-26

Le nombre de dimanches pouvant être supprimés par le maire passe de 5 à 12 !

Un ajout peu clair : « Cette suppression, est de droit pour cinq de ces dimanches. ». Cela veut-il dire que pour 5 dimanches, les établissements n’auront pas à demander la suppression ? Sans doute si on se réfère aux dispositions transitoires pour 2015 (Art. 86), où il est prévu que sur les 8 dimanches pouvant être supprimés par le maire, 3 devront être fixés par arrêté du maire « dans un délai maximum de deux mois après la promulgation » de la loi. Il est sans doute utile de rappeler que pour ces dimanches, le volontariat des salariés n’est pas de droit.

Art. 86 : Rien ne se perd.

Les anciennes zones créées par la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 ne sont pas oubliées : Les « communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » deviennent « de plein droit » des « zones touristiques à potentiel» ; les « périmètres d’usage de consommation exceptionnelle » deviennent « de plein droit » des « zones commerciales ».

Art. 85 : Le travail de nuit devient « travail de soirée ». Plus belle la vie.

Ajout d’un article L.3122-29-1 qui permet aux établissements de vente au détail dans les « zones touristiques internationales » de faire travailler de nuit (de 21h à 24h) des salariés « volontaires » dès que l’employeur a obtenu un « accord collectif ».

Encart : en gros

« Le combat de 2012, c’est de préserver le principe du repos dominical, c’est-à-dire de permettre aux travailleurs de consacrer un jour de leur semaine à leur famille, au sport, à la culture, à la liberté. Et j’y veillerai ! »  François Hollande, le 17 avril 2012. A Lille.

“Nous aurons nos dimanches” Jean Jacques Goldmann

N’y a t il pas désordre dans les lois actuelles sur le repos dominical ?

Les décisions de justice sur le travail du dimanche, c’est vrai, sont contradictoires, les juges ont des opinions personnelles différentes sur l’ouverture du dimanche, et le laissent transparaître dans leurs décisions. Cela est rendu possible parce que le principe du repos dominical existe toujours, mais il y a trop de dérogations disparates et injustifiées depuis la loi Maillé-Sarkozy. On en arrive à ce que des juges condamnent les infractions à l’ouverture du dimanche, mais avec des astreintes insuffisamment dissuasives. D’autres donnent raison à un patron qui porte plainte contre les autres, et d’autres annulent ce jugement… Avant la loi quinquennale de décembre 1993-janvier 1994 il n’y avait que 3 dimanches d’ouvertures autorisés. Cette loi Giraud avait envisagé 12 puis 8 puis 7 puis 5 au lieu de 3. C’est donc un débat hasardeux et artificiel. Rappelons que c’était avant « la crise » cela n’est donc absolument pas nourri par l’actualité économique ou sociale. La loi Maillé, c’était pareil, il s’agissait en 2008 de déréguler pour déréguler afin de plaire au Medef, qui vise à casser « la semaine de 35 h » et de façon plus générale le « temps légal de travail ». Pareil pour le travail de nuit dans le commerce, qui n’a aucun intérêt économique, sauf de contribuer à « casser » les références journalières de limitation du temps de travail. Pour « simplifier » il faut rétablir le principe « interdiction du travail dominical » sauf dérogations nécessaires et motivées, contrôlées.

Quelle est actuellement la réalité du travail le dimanche ?


Sur 700 000 commerces, 22 000 sont ouverts légalement avec des dérogations préfectorales et municipales (zones touristiques, périmètres d’usage commercial exceptionnel…). Après ça, il y en a quelques milliers ouverts illégalement. L’enjeu du « oui » ou « non » au travail du dimanche dans tout le secteur du commerce concerne 4 millions de salariés concernés avec emplois induits. C’est énorme pour la vie de ces 4 millions de salariés.
5 % des salariés travaillent le dimanche de façon régulière (hôpitaux, feux continus, transports, loisirs, là ou c’est indispensable…) et 25 % travaillent occasionnellement. On dit que plus de 75 % des « sondés » seraient favorables à l’ouverture le dimanche, mais 85 % des « sondés » disent aussi qu’eux-mêmes ne veulent pas travailler ce jour là…  Les salariés de Leroy Merlin et Castorama ont été totalement organisés par leurs patrons : séances de formation avec des communicants sur leur temps de travail, déplacements payés, jours payés, transports et repas payés, T-shirts, banderoles, tracts payés. Ils habillent cela du mot « volontariat », mais le volontariat n’existe pas en droit du travail. Ce qui caractérise un contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanent ». Aucun salarié de ce pays ne travaille le dimanche par « volontariat », mais parce que le patron le veut. En fait, mettre en avant des salariés qui « veulent » travailler le dimanche, c’est une manipulation complète.

Patrons et ministres invoquent relance de la consommation. Alibi ou réalité ?


C’est hors sujet. Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le samedi ou le lundi. Les portes monnaies ne sont pas extensibles en ces temps d’austérité. Les magasins ouverts en fraude, claironnent des chiffres d’affaires mirobolants majorés de 20 %… mais justement c’est parce qu’ils fraudent, violent la « concurrence » et se font de la « pub » en plus. Banalisé le travail du dimanche sera vite démonétisé, avec des magasins vides, ça coûtera plus cher et n’aura plus qu’un effet négatif pour les salariés, sans même une contre partie financière.

Et la sauvegarde des emplois ?

L’ouverture généralisée profiterait aux grandes chaînes contre les petits commerces qui en subiraient le contre coup : il a été calculé (DARES) que ce serait un solde négatif de 30 000 emplois perdus.

Un emploi du dimanche sera un emploi de moins le lundi.

Les grandes chaînes s’en tireront en embauchant des femmes pauvres et précaires ou des étudiants désargentés en turn-over permanent façon McDonald’s.
Ils « tenaient » les salariés pauvres en leur donnant des primes de 25 %, 30 %, 50 % parfois mais très rarement 100 % : ces primes n’étaient pas inscrites dans la loi. Il était question pour appâter les salaries de légiferer en leur faveur… Vu que les salaires sont trop bas, les pauvres n’ont pas le choix, ils courent après 30 euros et ça se comprend.

Mais c’est fini. L’ordonnance Macron prévoit qu’elles ne seront pas majorées légalement dans les entreprises de moins de 20 salariés, les plus nombreuses. (97 % des salaries à Paris…)

Et au-delà de 20 salariés une éventuelle majoration de salaire le dimanche ou en soirée, ce sera du domaine de la négociation, de l’accord..  donc aléatoire puis instable puis supprimable. Quand il sera certain que le dimanche le chiffre d’affaires est le plus bas de la semaine, quand les chalands ne viendront plus, les patrons diront que ca coute cher d’ouvrir le dimanche et refuseront toute prime.

Une nécessité économique dans les secteurs concernés ?

Il n’y a rien d’économique là-dedans, c’est idéologique : le patronat veut surtout déréguler la semaine et les durées du travail hebdomadaires. C’est pareil pour les ouvertures de nuit genre Sephora. Les touristes chinois qui restent six jours et demi à Paris en moyenne, ont tout le temps d’acheter dans la journée… ou en duty free à l’aéroport (surtout si l’aeroport est racheté par des fonds chinois) !  Ca ne fera pas un centime de chiffre d’affaire supplémentaire ! Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le lundi.

Le but réel du travail le dimanche est de remplacer la semaine de 35 heures par des horaires « à la carte » comme l’exige le Medef. Toutes les activités commerciales et annexes peuvent être concernées par la déréglementation voulue par le Medef : vendre du parfum et de la fringue le dimanche, quel sens cela a-t-il ?

Une question de société, de civilisation

Le dimanche, c’est un jour de repos collectif, socialisé, facilitant les rapports humains pour toutes les activités de loisirs, culturelles, associatives, citoyennes, familiales et même sportives ou religieuses. Il arrive qu’un étudiant veuille travailler le dimanche, mais ce ne durera pas pour lui, et plus tard, qui gardera les enfants, qui fêtera leur anniversaire si les parents travaillent le dimanche ? c’est un vandalisme anti social que de supprimer un jour de repos commun, collectif, point de rencontre POUR TOUTES ET TOUS dans la société.

Remplacer la civilisation du loisir par celle du caddie : le caddie du 7° jour pour les salaries a Auchan, et le caddie pour le patron au golf ce jour là.

Qui sont « les bricoleurs du dimanche » ?

Des braves gens qui pourraient faire leurs courses le vendredi après-midi s’ils bénéficiaient vraiment des 35 heures ou de la semaine de quatre jours.

Que défendent les syndicats hostiles au travail du dimanche ?


Le respect du principe du repos dominical voté en 1906 à l’unanimité par l’Assemblée nationale, et des dérogations limitées strictement aux nécessités. En vérité, on devrait réclamer le retour aux deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche. La semaine de 5 jours (vers quatre jours de 8 heures) serait un minima et seule la réduction du temps de travail peut faire reculer le chômage de masse. Quant au salaire du dimanche dans les secteurs ou il est contraint et nécessaire ( santé, transports, loisir, restauration, alimentation, feux continus, etc…)  oui, le salaire devrait être doublé par la loi avec repos compensatoire.

Bien sur, il y a des travaux indispensables le dimanche, mais comme ceux de nuit, donc des « dérogations » précise et motivées doivent être accordées, à condition qu’elles soient bien encadrées, il faut qu’ils soient restreints et limités à ceux qui sont nécessaires et indispensable.

3°)  Vivent les prud’hommes

Les prudh’ommes c’est une belle justice spécifique du travail. C’est un lieu méconnu, inouï, incroyable, dont vous n’entendez jamais parler sur TF1. C’est une justice paritaire, de proximité, pauvre, longue, lente, en principe orale, elle est proscrite, dénigrée, négligée, grinçante, cruelle, elle n’intéresse pas les grands médias, pas même les romanciers ou les conteurs. Il s’agit pourtant de la justice du droit du travail..

« Des tribunaux qui insécurisent les employeurs » comme aime à dire Laurence Parisot. Des Cours de justice (élues par tous les salariés, y compris les immigrés) sur lesquels Sarkozy, Fillon, Dati, Larcher, puis Sapin et Rebsamen s’acharnent depuis dix ans, en limitant leur audience, en raccourcissant  les délais de saisine, en supprimant des moyens et du temps aux juges, en instaurant des plafonds de réparation des dols, et en supprimant les élections des conseillers syndicaux.

Chaque année, prés de 200 000 apprentis, salariés, en CDI, en CDD, intérimaires, ou licenciés, saisissent les 210 conseils de prud’hommes répartis sur le territoire français et leurs 14 512 conseillers. (Un tiers des conseils prud’hommes ont été supprimés par Rachida Dati, sous Sarkozy). 200 000 c’est peu, vu la fréquence réelle de la délinquance patronale, de l’exploitation et l’arbitraire qui règne. La justice du travail ne connaît pas de répit, elle rame, faute de moyens, de reconnaissance, elle est reléguée et maltraitée, à l’écart, aux confins des cités judiciaires. Pas de sang, pas de hurlement, pas d’assassin mais ça n’empêche pas la douleur, l’angoisse, la détresse face à un licenciement abusif, face à une sanction disciplinaire injuste, au non-paiement d’éléments de salaires ou de primes  indispensables à la vie au jour le jour. On y réclame des gros ou des petits dommages et intérêts, des jours de congés ou des heures supplémentaires impayées, parfois le simple paiement d’une carte Navigo (ce qui fut rendu impossible quand Sarkozy obligea le 1er octobre 2011 tout plaignant à payer une taxe préalable de 35 euros… pour accéder au tribunal. Ce qui a été heureusement supprimé par Christiane Taubira le 1er janvier 2014).

Encart

Lire « au cœur des prud’hommes » livre qui vient de paraître de Véronique Brocard (chez Stock) raconte ces audiences, pour tous ces anonymes, manutentionnaires, chef-coiffeuse, plongeur, prothésiste dentaire, masseuse, gardiens de musée,  prof, attachée de direction, représentants de commerces, femmes de chambre, maitres chiens, bonne de curée, nounou, artiste, maçon, employé ou cadres…  Plongez-vous vite dans ces bonnes pages … de la vie de notre salariat, vous savez, cette grande classe sociale qui produit toutes les richesses et qui n’en reçoit pas la part qu’elle mérite ! Car elle mérite de bons emplois solides, de bons salaires… et de la dignité.

Macron contre les Conseils de prud’hommes

De façon inattendue car on pensait avoir tout vu ou presque dans la volonté patronale d’étouffer la juridiction prud’homale, on a dans le projet MACRON un nouvel arsenal pour casser plus encore ce qui reste souvent le seul recours pour les salariés.

Les conseillers prud’homaux se voient soumis à un contrôle plus fort, une vraie tutelle ; leurs conditions de travail ainsi que le rapport de force pour les conseillers salariés sont dégradés ; se met en place une justice expéditive et forfaitaire répondant ainsi aux demandes constantes du MEDEF déjà avancées dans l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi qui les ont consacrés :

1/ extension du pouvoir des juges départiteurs : « A sa demande, le juge départiteur assiste au moins une fois par an à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes.

Par ailleurs, il peut réunir le président et le vice-président du conseil de prud’hommes ainsi que, le cas échéant, les présidents et vice-présidents de section. » (nouvel article L.1423-3)

Au point que la mise en extinction des prud’hommes est désormais prévu par le code du travail : « En cas d’interruption durable de son fonctionnement ou de difficultés graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales et lorsqu’il n’a pas été fait application de l’article L. 1423-11, le premier président de la cour d’appel désigne le juge départiteur pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes » (nouvel article L.1423-11-1)

2/ extension de la formation restreinte (2 conseillers au lieu de 4), sur demande du bureau de conciliation (rebaptisé pour ce faire « bureau de conciliation et d’orientation » par les nouveaux articles L.1235-1, L.1454-2, L.1454-4). Cette formation restreinte sur demande du bureau de conciliation et d’orientation (nouvel article L.1454-1-2) nécessite certes « l’accord des deux parties » mais sachant que cette éventualité est réservée aux cas où « le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire », soit 92% des cas de saisie des prud’hommes et que le projet a prévu comme carotte l’espoir (illusoire) de réduction des délais (« Le bureau de jugement statue dans un délai de trois mois. »), il est vraisemblable que cette nouvelle procédure sera largement utilisée. Avec comme conséquence inéluctable un engorgement supplémentaire et des jugements expéditifs encore plus défavorables aux salariés (outre que le temps d’examen joue en faveur des salariés, il n’est pas rare qu’un des conseillers salariés parvienne à convaincre l’autre de ne pas se rallier aux deux conseillers patronaux qui eux sont très rarement en désaccord).

3/ suppression possible de la case « bureau de jugement » au complet

a)                 si le bureau de jugement estime que la formation restreinte ne s’imposait pas, le salarié n’aura pas droit à un bureau de jugement au complet ! L’affaire sera renvoyée directement en formation de départage. (« En cas de partage ou lorsque le bureau de jugement estime que le dossier ne relève pas de la formation restreinte, l’affaire est renvoyée devant la formation de départage » nouvel article L.1454-1-2)

b)                si le bureau de conciliation et d’orientation le décide, le renvoi directement en formation de départage est de droit si « toutes les parties le demandent » ou bien en cas de partage du bureau de conciliation ! (« En cas d’échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d’orientation peut, même d’office, en raison de la nature du litige, renvoyer l’affaire devant la formation de jugement présidée par le juge désigné en application de l’article L. 1454-2. Ce renvoi est de droit si toutes les parties le demandent

Lorsque la demande de renvoi formée en application de l’alinéa précédent n’émane pas de toutes les parties, l’affaire est de plein droit renvoyée devant la formation de jugement visée à l’alinéa précédent en cas de partage du bureau de conciliation et d’orientation sur cette demande » nouvel article L.1454-1-3)

Et, dans tous les cas, cette décision du bureau de conciliation et d’orientation se fera « par simple mesure d’administration judiciaire » en clair par oral, sans motivation obligatoire, sans jugement et sans recours possible ! (« Dans tous les cas, le bureau de conciliation et d’orientation se prononce par simple mesure d’administration judiciaire » nouvel article L.1454-1-3)

On peut aussi se demander quelle sera la composition de la formation de départage en cas d’absence d’un conseiller prud’homal car les dispositions actuellement prévues par décret sont supprimées par le nouvel article L.1454-1-3  (« L’article L. 1454-4 n’est pas applicable lorsque l’affaire est renvoyée devant la formation composée comme il est indiqué au premier alinéa »)

4/ Contrôle et organisation de la « démission » des conseillers prud’homaux

Par la modification de l’article L.1442-1, la loi MACRON organise un nouveau contrôle des conseillers prud’homaux : désormais, à l’agrément déjà prévu des organismes de formation des organisations syndicales (article R.1442-2) s’ajoute un contrôle des conseillers prud’homaux eux-mêmes sur leur formation initiale et même continue (« Les conseillers prud’hommes sont soumis à une obligation de formation initiale et continue. »).

La sanction est même prévue. Pas n’importe laquelle, en violation des principes fondamentaux du droit du travail, le conseiller prud’homal dont il sera estimé qu’il n’a pas rempli ses nouvelles obligations de formation sera considéré comme « démissionnaire » ! (« Tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire »)

Il peut ici être utile de se souvenir que l’ANI du 11 janvier 2013 avait déjà inauguré cette innovation juridique (pour la mobilité externe) qui décrète une démission en dehors de la volonté du salarié et sans passer par la case justice pour l’appréciation de cette « démission ». Chaque recul porte en germe le suivant.

5/ Une suspicion et un contrôle institutionnalisés (nouvel article L.1442-11)

Aux exigences d’indépendance et d’impartialité requises pour tout juge, la loi MACRON ajoute, pour les conseillers prud’homaux la « dignité » ( ?), la « probité » ( ?) et l’obligation de soumettre leur « comportement » à des exigences dont on appréciera la saveur : les conseillers prud’homaux devront agir de sorte qu’on (qui on ?) ne puisse nourrir le moindre doute « légitime » (c’est quoi le légitime ici ?) (« Les conseillers prud’hommes exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité, et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. ») et de sorte qu’aucun « acte ou comportement à caractère public » ne vienne mettre à mal un devoir de « réserve » qui, jusqu’ici, n’était prévu par aucun texte. (« Ils s’abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. »)

Pour le cas où les conseillers prud’hommes voudraient exprimer leur mécontentement de voir la justice prud’homale faire l’objet de tant d’entraves à son bon fonctionnement, la loi MACRON prévoit d’appliquer l’ordonnance du 22 décembre 1958 qui limite le droit de grève des juges professionnels (hormis les juges administratifs) d’une formule qui permet de sanctionner toute action : « Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. »

Et pour corseter le tout, la loi MACRON prévoit tout simplement l’écriture, encadrée par un décret, d’un « recueil des obligations déontologiques des conseillers prud’hommes ».

6/ Des sanctions renforcées (nouveaux articles L.1442-13-1, L.1442-13-2, L.1442-13-3, L.1442-14, L.1442-16, L.1442-16-1, L.1442-16-2)

Les conseillers prud’hommes sont considérés par la loi MACRON comme des salariés soumis au pouvoir disciplinaire d’un employeur :

Le terme de « faute disciplinaire » est employé pour qualifier tout manquement grave ; une sanction nouvelle est créée, l’ « avertissement », censée ne pas être une sanction et étant donnée sans recours possible par le premier président de la cour d’appel (nouvel article L.1442-13-1) ; une procédure disciplinaire pour les actuelles « peines » (censure, suspension, déchéance), transformées en « sanctions disciplinaires », est organisée avec la création d’une « commission nationale de discipline » qui pourra y ajouter une nouvelle sanction, le « blâme ». La « déchéance » est également durcie puisqu’un conseiller prud’homme peut actuellement demander à en être relevé au bout de 5 ans (actuel article .L1442-18) alors que les nouvelles dispositions prévoient à la fois unedéchéance définitive et une déchéance provisoire pouvant aller jusqu’à 10 ans.

Cela ne suffisait pas, le projet de loi MACRON introduit l’équivalent de la mise à pied à titre conservatoire pour les conseillers prud’hommes : le président de la commission nationale de discipline peut suspendre un conseiller pendant 6 mois s’il est soupçonné d’être passible de sanctions disciplinaires (dont une suspension de 6 mois…)

7/ La représentation deviendrait obligatoire en appel ! (nouvel article L.1461-1) et les défenseurs syndicaux, déjà très peu nombreux, pourraient avec un nouveau statut être introuvables aussi bien aux prud’hommes qu’en appel (nouveaux articles L.1453-4 à L.1453-4-5)

Un des prétextes pour cette nième attaque contre la juridiction prud’homale est qu’il y aurait trop d’appel des procédures engagées. Avec la représentation désormais obligatoire, on peut penser que le but recherché sera atteint : désormais les salariés devront soit prendre un avocat, soit trouver un défenseur syndical correspondant à la nouvelle mouture prévu par la loi MACRON.

Dans des conditions que fixerait un décret, les défenseurs syndicaux devraient désormais être présentés sur un liste par les organisations syndicales, ils devraient ensuite être acceptés par « l’autorité administrative » (on peut parier qu’il s’agira du fameux D.I.R.E.C.C.T.E). Et, pour les défenseurs syndicaux qui sont salariés dans une entreprise, alors même qu’ils n’ont pas de protection à ce titre contre leur licenciement, la loi MACRON prévoit qu’ils sont tenus au « secret professionnel pour toutes les questions relatives au procédé de fabrication » et tenus à une « obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur. ». De ces obligations floues et dont on cerne mal le rapport avec les fonctions de défenseur syndical, la loi MACRON donne à l’employeur qui les juge méconnues la possibilité de faire radier, par l’autorité administrative, le défenseur syndical de la liste.

8/ Moins de juges pour juger et des juges « mieux » choisis (nouveaux articles L.1458-1 –étonnant car l’article L.1458 n’existe pas- et L.1454-2)

Outre les formations restreintes, la loi MACRON (sériel killer ?) innove en créant la notion de « litiges sériels ».

A discrétion du premier président de la cour d’appel ou du président de la chambre sociale de la cour de cassation (« simple mesure d’administration judiciaire »), sans possibilité de recours, il pourra ainsi être décidé de faire juger plusieurs affaires par un seul conseil de prud’hommes. Pour ce faire, il suffira d’invoquer « l’intérêt d’une bonne justice ».

A discrétion des mêmes, la désignation de ce superconseil de prud’hommes.

Et, pour faire bonne justice sans doute, ce superconseil pourra de lui-même renvoyer devant la formation de départage, renvoi qui sera « de droit si toutes les parties le demandent. »

Dans ce départage, les juges départiteurs qui relèveraient du T.G.I et non plus du tribunal d’instance seraient choisis sur critères par le président du tribunal de grande instance, critères dont on appréciera le souci incontestable d’une « bonne justice » : « prioritairement en fonction de leurs aptitudes et connaissances particulières ».

Le MEDEF peut être satisfait.

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4°)  Inspection du travail

L’inspection du travail a déjà vu son indépendance foulée au pied par le décret SAPIN de mars 2014.

Le projet d’ordonnance MACRON en est la suite que SAPIN n’avait pas eu le temps de terminer. Aussi est-il facile de voir ce que cache les intentions affichées par l’ordonnance à venir

(« 1° Renforcer le rôle de surveillance du système d’inspection du travail et réviser les modes de sanction en matière de droit du travail ; 2° Réviser la nature et le montant des peines applicables en cas d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel de façon à créer un nouveau régime de sanctions dont l’application sera plus effective ; 3° Abroger les dispositions devenues sans objet et assurer la cohérence rédactionnelle des renvois au sein des codes. »).

Le changement pour les sanctions consiste, sous prétexte d’une meilleure efficacité, à passer des amendes pénales aux amendes administratives. Et le pouvoir de sanction passerait des mains de l’inspecteur du travail dans ceux du D.I.R.E.C.C.T.E dont il est nécessaire de cerner nomination, fonctions, et profil qui en découle pour voir le sourire du MEDEF derrière cette prétendue avancée. Le D.I.R.E.C.C.T.E, créé en 2009 est le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi, un titre qui résume la place que l’inspection du travail occupe désormais (les agents de contrôle ne représentent qu’un quart des effectifs) et sa subordination aux intérêts des employeurs. Les Directeurs régionaux de ce regroupement interministériel sont choisis pour leur aptitude à servir les entreprises et à accompagner leurs objectifs : sur les 22, 9 ne viennent pas de la filière Travail-Emploi, et les 13 de cette filière, quand ils ne sont pas issus de l’ENA ou n’ont pas été manager chez Arcelor-Mittal, ont depuis longtemps quitté la section d’inspection pour les soutiens divers aux entreprises. Et la recodification scélérate du Code du travail en 2008, soigneusement rédigée pendant deux ans par les petites mains du Medef, leur a transféré des pouvoirs autrefois attribués aux Directeurs Départementaux et même aux Inspecteurs du travail.

Pour les peines applicables pour entrave aux fonctions des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise, du C.H.S.C.T et des délégués syndicaux, changer la « nature » des peines fait craindre le pire quand on le rapproche de « l’application sera plus effective ». Plaider coupable, amende administrative ?  Dans les deux cas, le patronat échappe au procès-pénal et accède à tous les arrangements possibles entre amis.

Enfin, l’expérience de la recodification en 2008 permet de prévoir que l’abrogation des dispositions « devenues sans objet » vaut qu’on y regarde de plus près, ainsi que les « renvois au sein des codes », la recodification de 2008 ayant éclaté le code du travail en de multiples codes, permettant ainsi de ne plus assurer le même droit pour tous les salariés.

La loi MACRON n’oublie pas de supprimer d’ores et déjà quelques attributions des inspecteurs du travail.

Ce qu’elle ne donne pas encore, aux D.I.R.E.C.C.T.E, elle l’octroie aux juges qui vont remplacer « l’autorité administrative » (nouveaux articles L.2312-5, L.2314-11, L.2314-31, L.2322-5, L.2324-13, L.2327-7) ou même directement « l’inspecteur du travail » (nouveaux articles L.2314-20 et L.2324-18)

Ces transferts de décision ne sont pas anodines :

L’actuel article L.2312-5 permet à « l’autorité administrative » de décider de la mise en place de délégués du personnel dans les établissements de moins de 11 salariés, mais sur un site où sont employés plus de 50 salariés (centres commerciaux par exemple). Jusqu’à la recodification de 2008, l’autorité était le directeur départemental du travail, depuis ce pouvoir a été transféré à l’indispensable D.I.R.E.C.C.T.E.  A défaut d’accord électoral avec les organisations syndicales, le D.I.R.E.C.C.T.E décide du nombre et de la composition de collèges électoraux ainsi que du nombre de sièges et de leur répartition entre les collèges. Des questions souvent très importantes qui font souvent la différence entre avoir un délégué qui soit vraiment un délégué du personnel ou bien un délégué du patron.

Transférer ces décisions relatives aux élections à un juge n’est sans doute pas de bon augure : outre l’asphyxie judiciaire, les décisions de la hiérarchie de l’inspection du travail étaient au moins préparées par les agents de contrôle compétents.

Le même transfert (nouveaux articles L.2314-11, L.2324-13) est prévu pour toutes les élections de délégués du personnel dans les établissements de plus de 11 salariés et pour les élections au comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 50 salariés

Passerait également à l’autorité judiciaire (nouveaux articles L.2314-31, L.2322-5, L.2327-7) la reconnaissance d’un « établissement distinct » qui permet d’organiser dans une entreprise autant d’élections de délégués du personnel ou de membres de comité d’établissement qu’il y a d’établissements considérés comme distincts du point de vue de la gestion du personnel. Un enjeu parfois important dans de grandes ou moyennes entreprises, pouvant permettre à l’employeur de peser sur le choix des délégués.

Enfin, l’inspecteur du travail perd au profit du « juge judiciaire » (une formule nouvelle introduite dans la recodification de 2008 qui, déjà, prévoyait derrière ce terme générique la disparition à terme des juges prud’homaux, car dans la plupart des articles du code, juge judiciaire voulait évidemment dire juge des tribunaux d’instance ou de grande instance) les décisions de dérogation aux conditions d’ancienneté pour les électeurs et les éligibles aux élections de délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise. Au passage, le juge ne sera apparemment plus obligé pour cette décision de consulter les organisations syndicales pour les élections de délégués du personnel et seulement pour les éligibles pour les élections aux comités d’entreprise.

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« Dialogue social »

Derrière cet euphémisme qui cache depuis des lustres le monologue patronal ou le duo qu’il forme avec le gouvernement, le projet de loi MACRON a inscrit les dispositions précédentes de dessaisissement de l’inspection du travail, qui n’a aucun rapport ; un gadget (la transmission rapide des PV des élections professionnelles aux organisations syndicales), destiné sans doute à nourrir les divisions et distractions qui sont l’effet des nouvelles règles de représentativité ; et enfin l’ajout de la possibilité pour les entreprises, conséquences de l’ANI du 11 janvier 2013, de réduire désormais le « dialogue social », par exemple pour les licenciements pour motif économique à la fourniture au comité d’entreprise de la « base de données unique » dont le contenu limitatif est fixé par décret. Il eut été plus logique de verser ce prétendu progrès dans la rubrique intitulée par le projet MACRON « Simplifications pour les entreprises »

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« Simplifications pour les entreprises »

Pour pouvoir se soustraire à l’obligation d’embaucher des travailleurs handicapés, les employeurs pouvaient déjà passer des contrats à des « entreprises adaptées », des « centres de distribution de travail à domicile », des « établissements ou services d’aide par le travail.

Le projet de loi MACRON voit plus loin (articles L.5212-6 et L.5212-7-1) : désormais, il suffirait de faire appel :

-  à des personnes que l’employeur ne paierait pas et qu’il n’aurait pas l’obligation d’embaucher (« personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionneldans les conditions fixées par les articles L. 5135-1 et suivants » – la mise en situation en milieu professionnel est issue d’une loi scélérate du 5 mars 2014 qui permet de fournir de la main d’œuvre gratuite sous couvert de « découvrir un métier »,  de « confirmer un projet professionnel » ou d’ « initier une démarche de recrutement »)

-  ou à des non salariés (« travailleurs indépendants handicapés »), ce qui constituera sans nul doute une occasion supplémentaire de travail non déclaré.

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Lutte contre la prestation de service internationale illégale

On en est à 350 000 « travailleurs détachés » sur le territoire francais, faute de contrôles suffisants et de sanctions assez fortes. On trouve à Clermont-Ferrand des ouvriers du bâtiment pour 2,86 euros de l’heure, et en Gironde on vient d’en découvrir à 2,22 euros de l’heures payés 7 jours sur 7,  travaillant 11 h 30 payés 8 h. Ce sont des salariés que des patrons français surtout du bâtiment, qui touchent du CICE, et des millions d’aides de l’état, font venir de Hongrie, de Bulgarie, ou de Roumanie en les payant, au tarif de là-bas en matière de salaire brut, de cotisations sociales. C’est illégal au regard du droit francais, mais le gouvernement le ministre du travail et de l’intérieur laissent faire. Il parait tous les jours des annonces de pseudo agences d’intérim qui proposent aux « employeurs » (délinquants) des salariés roumains ou bulgares « souples, à faibles couts », et « en toute qualité et légalité ». Elles ecrivent sans etre sanctionnées : c’est « la solution pour vos recrutements » par le « détachement de personne » au titre de l’article L 1262-1 du Code du travail. Elles affirment que l’utilisateur n’aura « rien à gérer » et qu’elles se chargent de toutes les formalités, dont la déclaration de détachement auprès de l’inspection du travail ». Elles mentent : « vous n’aurez aucune formalité à accomplir, pas de bulletin de salaire, pas de déclaration URSSAF, pas de cotisation sociale ». Les règlements se feraient sur la base d’une « facture hebdomadaire » et cela serait possible, dans les métiers du bâtiment (carreleurs, plaquistes, maçons, couvreurs, plombier, électriciens), de l’hôtellerie (femmes de ménages, serveurs, plongeurs) les métiers du bois (menuisier, charpentiers..) les métiers de service (aide soignante, chauffeur, jardinier, secrétariat) les métiers de l’industrie…

En fait elles jouent les intermédiaires entre des sociétés bidon de là-bas (que parfois, elles créent elles mêmes) et des sociétés d’ici pour court-circuiter l’emploi local. Parfois ce sont des cache sexe de grands patrons français. Elles imposent que ne soit payé ici qu’un Smic net, et non pas le Smic brut sous prétexte que la partie liée à la protection sociale serait prise en charge dans le pays d’origine…

En fait, on pourrait les contrôler, les sanctionner et empêcher ce grossier trafic de main d’œuvre à bas prix. On peut en effet, partir du fait que c’est le droit du travail français qui s’applique sur notre territoire, qu’il faut des « déclarations préalables à l’embauche », respecter les conventions collectives en matière de salaire, et forcément payer le Smic brut sur le bulletin de paie personnalisé (lequel n’est pas une facture hebdomadaire). On peut, en effet… avoir une inspection du travail forte et indépendante avec des effectifs et moyens suffisants pour dresser suffisamment de procès-verbaux suivis de condamnations des tribunaux correctionnels assez massives et brutales pour dissuader ces trafiquants.  Mais encore faut-il en avoir la volonté politique : car il s’agit de s’en prendre aux donneurs d’ordre notamment les gros « majors » du bâtiment qui tirent fortune de ce trafic infâme. Qu’attend-on pour mener une campagne combinée, syndicats, inspection du travail, police, juges et mettre fin à ce scandale en renforçant la loi. En allant jusqu’au bout, viser le donneur d’ordre, en haut : quand un pseudo travailleur détaché est découvert dans un chantier Bouygues que ce soit Bouygues qui soit sanctionné ! Mais non Macron rend plus compliqué la traque de ce trafic, et supprime les sanctions pénales contre les employeurs.

Le projet de loi MACRON a eu raison de ne pas inscrire cette question dans la rubrique « Simplification ». Il s’agit ici (nouveaux articles L. 1263-3 et L. 1263-4) de l’organisation du laisser-faire pour les infractions au détachement illégal de salariés.

Si un agent de contrôle constate des infractions au salaire minimum, à la durée du travail ou « des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine », il doit…donner un « délai » (qui sera fixé par décret…) à l’employeur pour se mettre en règle !

Si rien n’est fait au terme du délai, l’agent de contrôle doit…faire un « rapport administratif » à l’ « autorité administrative » (non désignée par le projet de loi, mais ce sera le D.I.R.E.C.C.T.E).

Celui-ci, au vu de ce rapport et « eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés » pourra, par « décision motivée » suspendre la prestation en question pour « une durée ne pouvant excéder un mois » ; il met bien sûr fin à la mesure si l’employeur justifie de la cessation de ses manquements ; et si l’employeur refuse de suspendre son activité, il peut fixer une amende administrative mais avec circonspection : il doit en effet tenir compte, non seulement les « circonstances et la gravité du manquement » mais aussi le « comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges ». Les employeurs ne sont décidemment pas des citoyens comme les autres.

5°)  Médecine du travail

Macron avait prévu de supprimer la médecine du travail, mais cela, semble t il est renvoyé a une loi parallèle de Thierry Mandon dite « de simplification » du code du travail et qui supprime celle-ci en douce.

La médecine du travail a été progressivement usée, déconsidérée, et le Medef veut l’abattre totalement.

Tous les arguments sournois et stupides sont utilisés : la médecine du travail serait déjà inutile ou asphyxiée, les médecins du travail seraient déjà en voie de disparition ou bien déjà vendus au patronat, la santé au travail serait déjà tellement mise à mal que ce serait un combat d’arrière-garde, il faudrait tellement la « moderniser » que, finalement, elle serait à ranger au rayon des vieilleries !

Hé, bien non, il faut une médecine de prévention, une  spécialité médicale, ancrée sur l’étude, le suivi des conditions de travail au sein même des entreprises. La médecine du travail n’est pas « généraliste » c’est une spécialité concentrée sur la connaissance pratique des postes, des atmosphères, des cadences, des risques psychosociaux au travail. Oui, la médecine du travail est déjà mal en point, oui, il manque déjà 600 médecins, et 1700 d’entre eux partent en retraite de façon imminente, oui certains centres font des visites de routine, ou bien « ratent » des gros problèmes de santé, faute de moyens et de suivi… mais cela provient d’une mauvaise gestion délibérée, du numerus clausus, de la démobilisation idéologique et pratique orchestrée par le patronat autour de la santé au travail.

Gattaz ne veut il pas aussi supprimer les CHSCT ?

Pourtant depuis 1998, c’est aux patrons de payer les conséquences des risques qu’ils font courir à leurs salariés ! Ce n’est pas à eux de contrôler la façon dont ces risques sont pris en charge,   combattus, et soignés !  Il faudrait davantage de médecins, davantage de visites, davantage de moyens, d’examens, au plus près de chaque entreprise, de chaque branche, de chaque métier, il faut dépister les maladies professionnelles et chaque accident sur le terrain, et tout cela doit échapper totalement au contrôle des patrons ! Ce n’est pas aux profiteurs de diriger les services de santé au travail, c’est aux exploités et à leurs syndicats, leurs institutions représentatives de les gérer. Les médecins doivent être totalement libres et indépendants dans l’exercice déontologique de leurs fonctions.

Voilà pourquoi PCF, PS, Europe-Ecologie Les VERTS, PG, NPA, LO, FASE, GU, CGT IEG, Solidaires, FSU, SNPTS, SSMT, Attac, Copernic, appel des 21 000 dont 1100 médecins et inspecteurs du travail bataillaient en 2011 pour défendre la médecine du travail ! (Cf D&S en 2001 : http://www.non-mort-médecine-travail.net/

Des considérations générales du projet de loi Macron (« mesures relevant du domaine de la loi relatives à la constatation de l’inaptitude médicale et à ses conséquences au regard du salarié et de l’employeur, ainsi qu’au regard de l’organisation des services de santé au travail et des missions des personnels concourant à ces services, notamment celles des médecins du travail en vue de déterminer des priorités d’intervention au bénéfice d’une application plus effective du droit du travail dans les entreprises. ») ainsi que de l’ « étude d’impact » de la loi MACRON, on peut déduire le sort réservé à la médecine du travail.

L’étude d’impact a l’avantage de donner à voir les soubassements des changements législatifs :

-  il est expliqué clairement que l’obligation légale de la visite d’embauche ne peut être effectuée car il manque de médecins du travail et que « les employeurs sont donc dans une situation d’insécurité juridique » car la Cour de cassation sanctionnerait « lourdement » le non respect de l’obligation de sécurité.

-  La larme vient également aux paupières quand il est expliqué que les médecins du travail rédigent beaucoup trop d’avis d’aptitude comportant des restrictions d’aptitude ou des aménagements de poste (plus d’un million par an), pas toujours clairement (« difficultés d’interprétation ») et surtout empêcheraient par ce biais tout licenciement ! (« Tant que l’avis mentionne l’« aptitude », aucun licenciement ne peut être envisagé même si l’employeur est dans l’incapacité de suivre les recommandations et propositions du médecin du travail.”).

Dès lors, les « enjeux » selon l’étude d’impact, sur ces deux points : « Sécuriser les employeurs » et les solutions qui sont envisagées : moins de visites, moins de visites faites par les médecins (on ferait appel à « d’autres professionnels ») ; des avis d’aptitude faits par des « collaborateurs médecins» et un encadrement voire une suppression des « réserves ».

Au total, licencier plus et plus vite pour inaptitude, tel est la sécurisation recherchée par le projet de loi.

Mandon propose pour « simplifier »… des visites tous les quatre ans, et qu’elles puissent etre faites par les médecins généralistes..

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6°)  Amélioration du dispositif de « sécurisation de l’emploi » sic ?

L’ANI du 11 janvier puis la loi du 14 juin 2013 facilitaient déjà les licenciements. Le 5 juillet 2013, les personnels des DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ont été formés sur les nouvelles règles d’encadrement des PSE découlant de la loi du 14 juin de « sécurisation de l’emploi » issue de l’ANI.

Ce jour-là, sous l’autorité de Pierre-André Imbert, Conseiller au cabinet de Michel Sapin et de Jean-Denis Combrexelle, Directeur général du travail (DGT), Nadine Richard, chef de mission au fonds national de l’emploi (DGEFP), avait détaillé l’article 18 de la loi relative à la refonte du licenciement économique collectif et les DIRECCTE ont reçu pour consigne de se tenir à la disposition des entreprises pour qu’un accord puisse exister face a chaque PSE (plan de licenciements). L’objectif a été fixé : « zéro refus d’homologation ou de validation des PSE ».

C’est là que s’est mis en place une complicité assez inouïe et scandaleuse du ministère du travail avec les licenciements et l’extension du chômage. Michel Sapin et François Rebsamen, a contrario de leurs discours officiels qui prétendaient « inverser » la courbe du chômage, en fait, ont opté pour donner des « preuves d’amour » aux patrons : accepter tous leurs plans de licenciements. Zéro refus !

Pour la loi Macron, il s’agit en effet d’améliorer la loi scélérate du 14 juin 2013 qui a copié-collé l’ANI du 11 janvier 2013 qui, sur cette question, avait déjà beaucoup sécurisé…les licenciementsLe projet MACRON améliore cette sécurité-là.

En effet, après avoir dessaisi la justice civile et transféré à l’administration (le D.I.R.E.C.C.T.E) le soin de mettre dans un délai expéditif un coup de tampon (validation si accord collectif ou sinon « homologation »  du plan unilatéral de l’employeur), le but du MEDEF semblait atteint tant il craignait peu un simple regard sur la procédure de la part d’un directeur Régional si peu indépendant. Hélas, quelques tribunaux administratifs, saisis par des recours, ont osé critiquer ces coups de tampon trop expéditifs. Qu’à cela ne tienne, ce que MEDEF et Commission européenne veulent doit être exaucé sans traîner ; alors, si des tribunaux appliquent la loi d’une façon qui leur déplaît, on change la loi.

1/ Grâce à la loi du 14 juin 2013, l’employeur pouvait déjà, sur les quatre critères de choix des licencié(e)s, retenir prioritairement le critère qu’il voulait, par exemple le critère arbitraire de la « qualité professionnelle » au détriment des critères sociaux (charges de famille, âge, handicap, ancienneté). Le projet MACRON permet à l’employeur, en modifiant l’article L.1233-5 du Code du travail, de moduler même les critères choisis en  les fixant « à un niveau inférieur à celui de l’entreprise ». En clair, pouvoir choisir de licencier qui on veut, où on veut.

2/ Le projet MACRON simplifie les « petits licenciements » (de 2 à 9 salariés) dans les entreprises de plus de 50 salariés : plus besoin pour le D.I.R.E.C.C.T.E de vérifier si les représentants du personnel ont été « réunis, informés et consultés » selon les dispositions légales et conventionnelles, si les obligations relatives aux mesures sociales ont été respectées, et si les mesures pour éviter les licenciements et pour faciliter le reclassement « seront effectivement mises en œuvre » (nouvel article L.1233-53)

3/ Le projet MACRON simplifie les efforts de reclassement pour les grandes entreprisesimplantées sur plusieurs pays : elles n’auront plus l’obligation de chercher un reclassement en dehors du « territoire national » (nouvel article L.1233-4).

Le lien avec la disposition suivante qui est modifiée est peut-être subtil : en effet, le projet MACRON n’impose plus à ces grandes entreprises de demander au salarié dont le licenciement est envisagé  s’il accepte de recevoir des « offres de reclassement » à l’étranger, il impose une humiliation supplémentaire au salarié à qui il revient désormais de « demander à l’employeur » de recevoir des « offres d’emploi situés hors du territoire national disponibles dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient. »

Outre l’humiliation, un décret doit préciser les modalités d’application de ce nouvel article L.1233-4-1 du Code du travail : recevoir une offre de reclassement est-elle la même chose que recevoir une offre d’emploi disponible ?

4/ Le projet MACRON simplifie beaucoup les licenciements dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire en modifiant l’article L.1233-58.

En effet, «  au regard des moyens dont dispose l’entreprise », en clair au regard de son expertise en trémolos, elle pourra désormais s’exonérer de ses obligations prévues par les pourtant tout récents articles L.1233-61 à L.1233-63 : faciliter le reclassement des salariés, notamment des âgés et des fragiles.

En outre, pour les entreprises qui font partie d’un groupe, il n’y aura plus d’obligation de formation, d’adaptation et de reclassement au niveau du groupe, mais seulement « dans l’entreprise ». L’employeur, l’administrateur ou le liquidateur est simplement invité à « solliciter » les entreprises u groupe pour avoir une liste de postes disponibles.

5/ Le projet MACRON simplifie beaucoup le licenciement sans retour et sans indemnités des salariés pour lesquels le tribunal administratif aurait annulé la décision de validation ou d’homologation du plan de licenciement.

L’actuel article L.1235-16 prévoit qu’en dehors du cas où le tribunal administratif annule la décision du D.I.R.E.C.C.T.E pour « absence ou insuffisance » du plan de sauvegarde de l’emploi (ce qui entraîne la nullité de la procédure de licenciement), l’annulation pour un autre motif entraîne soit la réintégration du salarié, soit, en cas de refus de l’employeur, le versement d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Désormais, par la modification de ce tout récent article L.1235-16, si la décision de l’administration a été cassée pour « insuffisance de motivation », on est un peu dans Ubu : la loi prévoit benoîtement que l’administration « prend une décision suffisamment motivée »…( !) ; que le jugement du tribunal administratif ne modifie pas la « validité du licenciement »… et donc « ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge  de l’employeur ».

7°)   Insécurisation des représentants du personnel

Le dossier de presse remis le 10 décembre pour la présentation du projet MACRON permet de savoir, enfin, ce qui se cachait derrière la volonté, discrètement affichée, de modifier la sanction pénale pour les entraves au droit syndical et aux fonctions de représentant du personnel (DP, CE , CHSCT) : rien de moins que la suppression de la peine d’emprisonnement associée jusqu’ici au délit d’entrave (« susceptible de dissuader les sociétés étrangères d’investir dans les entreprises françaises… »).

Et, peut-être plus encore, suppression de toute peine pénale, la formulation du dossier de presse (« les sanctions pénales associées au délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel seront remplacées par des sanctions financières. ») pouvant laisser entendre que les sanctions financières pourraient n’être plus qu’administratives…

Le délit d’entrave devient moins sanctionnable

Est-ce si choquant qu’un patron qui fait entrave aux lois d’ordre public social concernant l’instauration et le fonctionnement des institutions representatives du personnel, (comité d’entreprise, délégués du personnel…) soit punissable de peines de prison ? Cette peine figurait dans le Code du travail.

En fait, les juges n’ont jamais prononcé de peine de prison pour délit d’entrave. Mais la menace existait quand même. En mai 2010 deux dirigeants de l’usine Molex, appartenant à un groupe américain, avaient été condamnés à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Toulouse pour ne pas avoir informé les représentants du personnel avant d’annoncer la fermeture de l’usine.

Certains grands patrons étrangers auraient dit leur inquiétude face à ce risque pénal, exceptionnel et si peu appliqué. Leurs avocats auraient souvent agité ce chiffon rouge, leur conseillant la plus grande prudence et les mettant en garde contre « la tentative de délit d’entrave ». Evidemment on nous raconte, sans preuve, non pas que cela aurait dissuadé certaines entreprises de violer nos droits, mais que cela les aurait empêchées de s’installer en France.

Aussi, le président de la République lui-même a t il annoncé lors du deuxième « conseil stratégique de l’attractivité » ouvert aux patrons étrangers qui s’est tenu le dimanche 19 octobre à l’Elysée. que cet article du droit pénal du travail serait annulé. « Les peines pénales associées au délit d’entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prisons qui n’étaient bien sûr jamais prononcées mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières, et c’est mieux qu’il en soit ainsi »,

Macron execute cette volontés présidentielle pro patronale. En contrepartie de la suppression de cette peine, le ministre du Travail avait envisagé que les contraventions, aille au-delà des modestes 3.750 euros actuels. Mais quel niveau d’amende sera assez dissuasif envers des actionnaires milliardaires lointains pour leur faire respecter notre droit du travail ?

Poser la question c’est y répondre : si la menace de prison n’était qu’un chiffon rouge, l’amende les fera rire. Une fois de plus, on est loin du Francois Hollande au Bourget, menacant la délinquance financière : “La République vous rattrapera”. Au moment de prendre leur decision de fermer, pour causes boursières, des entreprises, rien ne sera plus capable, même à l’état de menace, d’empêcher les spéculateurs de ne pas consulter les salariés.

8°)  On peut gagner dans l’unité et battre le projet de loi Macron :

Il y a cette fois des centaines de députés qui peuvent voter contre. Plus de 120 députés dont 10 ministres actuels, se sont opposés au travail du dimanche en décembre 2008. On vient de le leur rappeler. Mais il faut argumenter serré, sur le fond. En detail.

Le rejet du travail du dimanche, ce n’est qu’une accroche, une approche de la loi. Mais c’est aussi une entrée : on peut convaincre aussi contre le “travail en soirée”. Et pour proteger les prud’hommes et l’inspection… On peut souligner que faciliter les licenciements, c’est faciliter le chômage…

Donc il y a possibilité de victoire à l’Assemblée. Certes la menace de dissolution avait été formulae par Francois Hollande et la menace d’exclusion par Jean-Christophe Cambadelis au moment du possible non-vote sur le budget 2015 et sur la LFSS… (cf argumentaire ci après sur la possibilité d’équilibrer les comptes de la sécu…)

Mais là, contre la loi Macron, un coup de force retrograde par ordonnance, il doit être possible de rassembler assez de députes conscients et courageux pour la rejeter. C’est donc significatif que le gouvernement envisage de procèder par ordonnance et menace de 49-3.

Mais cette fois, le PS, en tant que tel, est officiellement opposé à l’ordonnance et à son contenu sur plusieurs points : le travail du dimanche et en soirée notamment. Et, derriere sur les questions des seuils sociaux, de la déréglementation du droit du travail… Il y a aussi de fortes oppositions et contradictions : la Mairie de Paris par exemple, à reculons, recherche le compromis à 7 dimanches, cinq de moins.

Et la pression syndicale est grande, et il y a une certaine unité là-dessus. Comme sur le reste de l’ordonnance Macron, il y a place pour une réaction unitaire syndicale. C’est souhaitable, comme en Belgique.

La preuve de la faiblesse de l’ordonnance où loi Macron c’est qu’elle a déjà été épurée lorsqu’elle est passée une premiére fois en Conseil des ministres :  elle a été diminuée de 160 articles à 107, et probablement ca va continuer. Ce qui n’enleve pas les dangers : ils annoncent des lois ad hoc sur l’inspection du travail, ou sur la medecine du travail qui complèteront le dispositif, mais elles seront votes à part, pour masquer les plus méchants des projets.

Et si cette loi Macron est cadeau au Medef, si elle est le complement des 41 milliards de CICE… le Medef n’en est pas du tout reconnaissant au gouvernement ! Il manifeste même contre lui ! Contrairement à ce que prétend Manuel Valls sur les televisions  (démentant Macron qui, lui, a reconnu, un temps, l’échec du Pacte de responsabilite) il n’y a pas 7 signatures de branches mais une seule (la branche chimie et elle n’apporte aucun emploi).

Enfin, la loi va arriver sur le bureau des Assemblées vers les 20 ou 22 janvier 2015. Elle sera discutée tout au long de février et mars. Or on est à deux mois des cantonales. Des metiers et branches vont se mobiliser pendant les mois a venir…Une poussée syndicale a de fortes chances d’être entendue. Encore faut il que toutes les forces de gauche s’associent pour créer un climat d’indignation et de lutte dés janvier.

La gauche socialiste sera en pointe, c’est une occasion pour elle de s’unifier en pratique, sur le terrain, à la veille du depôt des motions pour le congrès du Parti socialiste des 6 et 7 juin.

Cet article a été écrit par Gérard Filoche, publié le 11 décembre 2014

Source: http://www.les-crises.fr/projet-de-loi-macron-en-route-pour-le-regressisme-par-gerard-filoche/


Les salaires des PDG sont sans rapport avec leurs performances

Sunday 4 January 2015 at 02:57

Pour la première fois en France, une grande école de management ose analyser les rémunérations des PDG de grandes entreprises.

Patrick Fauconnier

Patrick Fauconnier

L’enquête a passé 132 entreprises au crible. (DPA / MaxPPP)

“Quatre patrons français distingués parmi les 100 meilleurs PDG mondiaux”, a récemment titré notre confrère “Le Monde”. Un titre qui soulève une vaste question : qu’entend-on par “meilleur PDG” ? Celui qui a prouvé une judicieuse vision stratégique sur le long terme ? Qui innove ? Qui crée de l’emploi ? Celui dont l’entreprise a pris la plus grande valeur en bourse ? Ce dernier critère, très quantitatif, est celui du classement cité par Le Monde : il a été établi par l’Insead, une grande business school internationale, à partir des performances financières des entreprises sur plusieurs années. Les 100 meilleurs patrons ont accru la valeur de leurs entreprises de 40 milliards de dollars, les 100 moins bons ont fait baisser cette valeur de 14 milliards.

 132 entreprises passées au crible

Cette façon d’évaluer la performance des dirigeants incite à penser que leurs salaires, souvent exorbitants pour cause de primes sur résultats, sont indexés sur leurs performances. Sauf que cela restait à prouver. A ce jour, aucune grande école française de management n’avait osé publier un travail de recherche sur cette question. C’est désormais chose faite avec les trois études qu’ont publié deux chercheurs de  l’Ecole de Management de StrasbourgGéraldine Broye et Yves Moulin. Après avoir épluché manuellement les rapports annuels de 132 entreprises françaises cotées en bourse au SBF 120, ils ont publié trois papiers de recherche consacrés aux rémunérations des administrateurs, des présidents non exécutifs, et des P-DG (ou Chief Executive Officers – CEO -en anglais), ce dernier papier ayant été publié dans la revue de recherche Finance Contrôle Stratégie.

Ces travaux aboutissent à trois conclusions qui interpellent :

1 – Il n’existe pas de corrélation entre la rémunération des P-DG et les performances financières de leurs entreprises.

2 – Le fait qu’une entreprise crée en interne un Comité des Rémunérations a plutôt pour effet de faire monter le salaire des dirigeants.

3 – La présence d’administrateurs indépendants au CA de l’entreprise ne garantit aucunement une modération du salaire du P-DG.

Géraldine Broye, spécialiste de la gouvernance des entreprises et professeur des universités à l’EM de Strasbourg, reconnaît :

Ce sujet était jusqu’ici plutôt tabou en France, alors qu’il fait l’objet de nombreux travaux dans les pays anglo-saxons”.

L’étude de ces deux chercheurs montre que la mise en place de nouveaux mécanismes de gouvernance et de contrôle (notamment la Loi Breton de 2005 imposant plus de transparence dans les rémunérations) n’ont pas eu d’effet modérateurs sur les politiques de rémunérations des dirigeants. Ils montrent notamment que :

Les P-DG français bénéficient de salaires moyens parmi les plus importants d’Europe, devant la Belgique, les Pays Bas, la Suède, mais derrière le Royaume Uni ou l’Allemagne. Les parts variables ne sont pas les plus fortes d’Europe, mais elles se sont fortement accrues”.

L’audace d’une grande école universitaire

L’Ecole de Management de Strasbourg résulte de récente la fusion d’une grande école de commerce – l’IECS – et de l’IAE de Strasbourg. A ce titre, c’est la seule école de management française dépendant de l’université selon le modèle de beaucoup de grandes business schools anglo-saxonnes. Elle ne dépend donc pas des entreprises, contrairement aux grandes écoles comme HEC, l’ESSEC, l’ESCP et beaucoup d’ESC qui sont administrées et/ou financées par des Chambres de Commerce. Voilà sans doute ce qui explique que l’EM de Strasbourg a pu faire preuve avec ces travaux sensibles d’une audace que n’ont pas eu d’autres écoles.

 Le cas Sciences Po

De façon assez saisissante cette analyse semble s’appliquer à la lettre à l’affaire de la rémunération de Richard Descoings, le directeur décédé de Science Po. Le président de cette école, le financier Michel Pébereau, avait créé en interne un comité des rémunérations, création qui semble avoir eu pour effet de doubler la rétribution du directeur via des primes sans que les administrateurs soient vraiment au courant.  Un contre exemple de gouvernance transparente en milieu universitaire.

Par Patrick Fauconnier
Source : Le nouvel observateur

 

Top 3 salaires PDG USA

Source: http://www.les-crises.fr/les-salaires-des-pdg-sont-sans-rapport-avec-leurs-performances/


[Mediapart, c'est aussi ça...] Affaire Piketty : histoire d’une amnésie collective par Hubert Huertas

Sunday 4 January 2015 at 01:00

Parce que Mediapart, c’est aussi ça – et ça vaut donc le coup de les soutenir, malgré les fortes réserves sur l’international…

L’affaire Piketty ne se résume pas à une histoire de breloque et de vanités. Elle est un symbole ravageur. Elle ne parle pas d’un homme qui refuse une médaille, mais d’un chef de l’État qui ne tient pas sa parole. C’est ce face-à-face avec soi-même qui donne son côté accablant à une affaire au départ insignifiante.

Des artistes, des savants, des acteurs publics qui refusent la légion d’honneur, il y en a des dizaines, pour des motifs les plus divers. L’indépendance, comme Edmond Maire l’ancien patron de la CFDT ; la protestation, comme la chercheuse Annie Thébaud-Mony en 2012 ; la colère, comme Hector Berlioz à qui l’État devait de l’argent ; le haussement d’épaules comme le dessinateur Jacques Tardi en 2013 ; Georges Brassens en son temps, se moquant du « fatal insigne qui ne pardonne pas », ou Léo Ferré dénonçant « ce ruban malheureux et rouge comme la honte ». Claude Monet, Georges Bernanos, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Albert Camus, Georges Sand, Pierre Curie, à chaque refus son anecdote et son bon mot.

La différence avec Piketty, c’est que l’État n’a pas écrit de roman avec Georges Sand, n’a pas cherché avec Pierre Curie, n’a pas chanté avec Brassens ou Ferré, ni dessiné avec Tardi, alors que le candidat François Hollande n’avait à la bouche que « la grande réforme fiscale » inspirée par un économiste en vue, dont le nom circulait sur toutes les lèvres.

Thomas Piketty, dans la campagne victorieuse de François Hollande, de l’automne 2011 au printemps 2012, ce n’était pas un conseiller parmi tant d’autres, c’était l’inspirateur, et la caution. La preuve que les quelques hardiesses économiques du candidat n’étaient pas improvisées. Si l’équipe entourant le futur président, et si le candidat lui-même promettaient d’agir sur la relance en pleine période de crise, c’est qu’une répartition plus juste de l’argent public recueilli par l’impôt allait créer un choc de confiance. À chaque question sur le déficit, ou sur la faisabilité de telle ou telle mesure, François Hollande répondait par « la grande réforme fiscale », et cette grande réforme fiscale, avec, entre autre, la fusion de la CSG et de l’Impôt sur le revenu, était issue des travaux de Thomas Piketty…

“Piketty”, c’était le Sésame, un mélange de magie et de science… La réponse globale et la réponse à tout.

Après les élections, la réponse globale s’est transformée en une succession d’ajustements qui ne répondaient qu’aux exigences de la droite et des organisations patronales, et le Sésame fut renvoyé à ses chères études, ses conférences, ses critiques, puis son best-seller mondial, tandis que le nouveau Président se consacrait aux 20 milliards d’allègements de charge du CICE, puis aux 40 milliards du pacte de responsabilité.

La grande réforme fiscale fut vaguement évoquée par Jean-Marc Ayrault en décembre 2013 avant d’être définitivement enterrée par la nomination de Manuel Valls au printemps 2014.

Si bien que l’attribution de cette Légion d’honneur apparaît, au seuil de 2015, comme une brassée de fleurs et de couronnes jetées sur la tombe d’une promesse, plutôt que l’aboutissement d’une carrière au service de la Nation… Geneviève Fioraso, la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur, à l’origine de cette proposition, aurait pu deviner que cette “récompense” ne chatouillerait pas la vanité du bouillant Piketty, mais l’agacerait plutôt.

Elle n’a pas réalisé. Elle n’a pas mesuré la dimension symbolique de cette décision a priori anecdotique, et elle n’est pas la seule. Quand l’affaire a éclaté, c’est tout le gouvernement qui a semblé frappé d’amnésie. Piketty n’était plus l’homme qui avait travaillé avec les ministres d’aujourd’hui, autour du candidat devenu Président, il était un intello, une espèce d’allumé, une star de l’édition dont on moquait les caprices…

Pour l’excellent Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, il y a d’un côté quelqu’un « qui a des idées intéressantes mais qui est un chercheur dans son bureau, qui fait des calculs », et de l’autre « la politique, qui est confrontée à la réalité ». Ah bon… Donc, François Hollande ne faisait pas de politique pendant sa campagne présidentielle !

Pour le secrétaire d’État Thierry Mandon, la réforme fiscale de Thomas Piketty est simplement inapplicable. Ah bon… Une réforme peut donc être inapplicable et promise à la fois !

Pour Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, Thomas Piketty « confond peut-être le fait qu’une légion d’honneur est une récompense pour un mérite reconnu par la Nation, et pas une adhésion à une politique économique »… Ah bon. Donc, François Hollande n’adhérait pas au discours de sa campagne.

De bout en bout, de l’attribution de la médaille aux éléments de langage distillés dans les médias, le gouvernement et le Président se retrouvent confrontés à eux-mêmes, dans une sorte d’amnésie collective, et c’est ce face-à-face avec soi-même qui donne son côté accablant à cette affaire au départ insignifiante.

Pire encore. En opposant le mauvais coucheur Piketty au bon récipiendaire Jean Tirole, prix Nobel d’Économie, qui a accepté la médaille, les ministres confirment leur virage politique, c’est-à-dire la “trahison” que leur reproche le Front de gauche, la plupart des écologistes, et les frondeurs du PS. Car Tirole, pour Nobelisé qu’il soit, n’est pas un homme de gauche. Il a dû frémir au discours du Bourget (« mon ennemi, c’est la finance ») inspiré par Piketty. Jean Tirolle, le nouveau compagnon de route, est d’abord un libéral, et c’est lui le bon élève.

Pour compléter le tableau, notons encore ce “détail” de l’histoire… L’année éditoriale de la France a été marquée par deux livres. La vengeance de Valerie Trierweiller, et les errances d’Éric Zemmour. Tout le monde en parle parce qu’ils se sont beaucoup vendus. Le succès de Zemmour serait même un symptôme de l’extrême droitisation de la société française. Or Piketty, dans un pavé de 900 pages, publié en 2013, un ouvrage exigeant qui démonte les excès d’un libéralisme tout puissant en Europe, a vendu trois fois plus, et que trouve à déclarer le gouvernement PS, vexé : que cet économiste ferait mieux de retourner à ses chères études.

Si ce n’est pas un divorce, c’est carrément une fracture.

Source : Hubert Huertas, Mediapart, 3/1/2015

Source: http://www.les-crises.fr/mediapart-cest-aussi-ca-affaire-piketty-histoire-dune-amnesie-collective-par-hubert-huertas/


Revue de presse internationale du 04/01/2015

Sunday 4 January 2015 at 00:20

La revue de presse internationale avec l’Allemagne (aussi) qui veut du Yuan, la Grèce qui aimerait la démocratie, le Traité Transatlantique, les réformes en France – pour une fois commençons par le haut…, la Russie entre terrorisme, rouble et or, or que recommande Alan Greenspan. Merci à nos contributeurs et bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-du-04-01-2015/


[Mediapart suite] Martine Billard à “Objections”

Saturday 3 January 2015 at 02:16

Du “grand” Mediapart à partir de la minute 14 – rrrr, toujours ces soucis avec l’international…

A la veille d’un vote crucial au parlement grec, que toute l’Europe attend, et au bout de la Présidence européenne du Premier ministre italien Matteo Renzi, Martine Billard, secrétaire nationale aux questions internationales du Parti de gauche, est l’invitée d’Objections. Elle espère que l’année 2015 sera celle de Syriza.

Source: http://www.les-crises.fr/mediapart-suite-martine-billard-a-objections/


Sortie de l’euro : Bernard Maris vire sa cuti

Saturday 3 January 2015 at 00:41

Témoignage très intéressant.

Ceci étant, j’ai une vision assez simple : l’euro est un très grave echec (largement prévisible). Et il est impossible (politiquement) d’en sortir. Pas la peine de débattre pendant des mois.

DONC, on s’assoit, on se protège du mieux possible, et on attend qu’il meure par attaque des marchés financiers, comme ses prédécesseurs (étalon-or, étalon-dollar…)

 

Je vire ma cuti Par Bernard Maris

J’ai voté oui à Maastricht, oui au traité Constitutionnel. Aujourd’hui je pense qu’il faut quitter la zone euro.

Il n’est jamais trop tard (même s’il est bien tard) pour reconnaître qu’on s’est trompé. J’ai cru, pauvre nigaud, qu’une monnaie unique nous mettrait la voie d’une Europe fédérale.

(Pourquoi une Europe fédérale et non la « France éternelle », d’ailleurs ? Parce qu’une Europe unie me semblait plus civilisée que le reste du monde et mieux à même de contrer ces crétins d’Amerloques, ces brutes de Russes, cette affreuse dictature chinoise et le reste du monde. Bien.)

Donc monnaie unique, pouvoir régalien de battre monnaie supranational, tout ça conduisait à un État fédéral.

Idiot.

Les Etats conservaient l’autonomie fiscale, il n’y avait pas de budget fédéral. Dès lors au lien de s’unir, à cause de la monnaie unique, les Etats allaient se lancer dans une concurrence fiscale et budgétaire : ils allaient organiser leur budget à leur manière, sous le parapluie de l’euro. Les Grecs par exemple empruntaient en Euro, mais remboursaient en « économie grecque », c’est-à-dire en féta et fromage de chèvre. Les Allemands empruntaient en euros, et remboursaient en Porsche et Mercédès, les Français en sacs Vuitton, etc etc.

De sorte que les emprunts en monnaie unique, n’empêchaient pas la séparabilité des dettes : une dette grecque vaut du fromage, une dette allemande des machines outils et de la technique de pointe. Chacun son truc.

Plus l’euro était fort, plus les Allemands étaient contents, car ils vendent des machines dont personne ne peut se passer : ils les vendaient donc de plus en plus cher, investissaient dans des machines de plus en plus performantes et un service après vente impec, tandis que les grecs ne parvenaient plus à vendre leur fromage ; à tel point que l’industrie agroalimentaire allemande finit par récupérer la fabrication de fromage grec (authentique).

Quel intérêt ont les Grecs à rester dans la zone euro ? Aucun. Ils finiront d’ailleurs par être foutus dehors par « les marchés » (les prêteurs en euros qui, comme tous les prêteurs, préfèrent prêter aux riches qu’aux pauvres).

Les français ont également payé affreusement la politique de l’euro fort. Pourquoi une politique de l’euro fort ? Parce que l’industrie allemande est heureuse avec un euro fort, et parce que les rentiers du monde entier sont heureux avec un euro fort. Quand tu prêtes, tu souhaites que ton capital garde de la valeur. Plus l’euro monte, plus ton capital prend de la valeur, plus tu es content. Une monnaie forte est faite pour les prêteurs (les rentiers), une monnaie faible pour les emprunteurs (les ménages, les entreprises si elle sont situées en bas de l’échelle de production, si leurs produits sont en concurrence).

L’euro fort a détruit l’industrie française. D’autres facteurs ont aidé : la nullité des patrons français, l’insuffisance de la recherche, le transfert massif des « intelligences » (sic) vers la finance au détriment de l’industrie. Soit on reste dans l’euro, et on accepte qu’il n’y ait plus aucune industrie en France, qu’il ne reste que du tourisme et un peu d’industrie informatique liée aux média, mais ni avions, ni industrie pharmaceutique, ni biotechnologies, ni voitures évidemment, ni rien, soit ont sort de l’euro et on sauve ce qui peut être sauvé.

Pourquoi faudrait-il sauver l’industrie, ducon ? Parce que la recherche appliquée peut booster la recherche fondamentale : il y a une synergie entre les deux. Si l’on veut une recherche de qualité, il faut un minimum d’industrie (cela dit, on peut se foutre complètement de la recherche et dire « vive les Amish », ce que je comprends). Si l’on veut une « transition énergétique », il faut un minimum d’industrie.

Mais si on sort de l’euro, tout se casse la gueule, non ?

Et non… (A Suivre)

Bernard Maris

 

 

Le sophisme de Benoit Apparu Par Bernard Maris

Faut-il sortir de l’euro ? Oui.

Est-ce possible ? C’est une autre paire de manches.

Comment vivait la France avant l’euro ? Sa monnaie fluctuait au gré des dévaluations par rapport au dollar décidées par les gouvernement en fonction des « attaques » contre le Franc (autrement dit des ventes massives de francs par les résidents ou les étrangers, autrement dit des sorties massives de capitaux). En ce temps-là les marchés de capitaux étaient plus faciles à contrôler. D’abord il n’y avait pas de capitaux « off-shore », flottants entre les Etats. Ensuite le volume de l’épargne cherchant à se placer ici ou là était beaucoup plus faible ; malgré tout le capital circulait, et les Etats contraient cette circulation par le contrôle des changes ou la dévaluation. Arrivant au pouvoir, de Gaulle dévalue de 20%. L’économie repart à tour de bras.

Les temps ont changé. Les marchés de capitaux « off shore », internationaux, brassent des sommes considérables. En zone euro, les marchés ne peuvent plus attaquer directement les monnaies (le franc à disparu) mais les contreparties de l’euro, les supports de l’euro. Il y a en trois : l’or (négligeable), les créances sur les économies (la dette Suez, la dette Renault, etc.) et surtout les dettes publiques, les dettes sur les Trésors publics. Tout se passe exactement comme avant, sauf que les Etats ne peuvent plus répliquer en jouant sur la valeur de leur monnaie.

Avant d’envisager de sortir de l’euro, il faut réfuter le sophisme de Benoit Apparu. Sur une chaine de télé il dit : « La dette française est de 2000 milliards (dont 1300 détenue par des étrangers). Sortir de l’euro dévalue l’eurofranc (la nouvelle monnaie) de 25%. Automatiquement on doit 400 milliards de plus. Autrement dit un budget annuel de l’Etat. Donc on peut pas sortir, cqfd. »

Sauf que c’est faux. La dette, le jour où l’on sort de l’euro, n’est plus libellée en euros, mais en eurofrancs. Donc on doit illico 2000 milliards d’eurofrancs. Et on rembourse en eurofrancs émis par la Banque de France. Benoit Apparu raisonne comme si on changeait de monnaie sans sortir de la zone euro. Sophisme.

Le 15 Août 1971, Nixon a aboli la convertibilité du dollar, pourtant garanti urbi et orbi 35 dollars l’once d’or. L’or s’est mis à flamber, et la Fed à émettre des dollars. A un journaliste du Monde qui lui demandait si un jour les Etats-Unis parviendrait à rembourser leur dette colossale, Milton Friedman répondit justement : « Notre dette est en dollars, donc on ne vous doit rien ».

Petit bémol néanmoins, car tout semble trop facile. De quelle juridiction dépend une dette ? Les pauvres pays d’Afrique se sont endettés jusqu’à l’os et n’ont jamais pu rembourser leurs dettes parce qu’elles étaient gérées et défendues par les tribunaux des nations prêteuses. Pour passer en douce de l’euro à l’eurofranc, encore faut-il que les dettes publiques françaises dépendent de juridiction françaises. Est-ce le cas ? Oui, à 93% (1). 93% des contreparties de la dette, des OAT (Obligations assimilables du Trésor, les « bons » entre 5 et 50 ans émis par le Trésor et garantis par l’Etat) sont de droit français. Il n’en va pas de même pour les banques et les entreprises ; elles sont endettées pour 300 milliards d’euros, et sont soumises au droit luxembourgeois, britannique, et pour certaine au droit des Iles Caïman.

Difficile d’imaginer une renationalisation de la dette. Donc il faudrait refinancer les banques et les entreprises en euro-francs, afin de leur permettre de rembourser leurs dettes. Mais alors… l’inflation ?

(A suivre)

Bernard Maris

(1) Lire l’excellent bouquin de Franck Dedieu, Benjamin Masse Stamberger, Béatrice Mathieu, et Laura Raim, Casser l’euro pour sauver l’Europe, Les liens qui libèrent.

 

 

La deuxième guerre civile Par Bernard Maris

En 1992, François Mitterrand a ouvert une deuxième guerre de 30 ans en croyant par la monnaie unique arrimer l’Allemagne à l’Europe.

L’Allemagne réalise sans le vouloir par l’économie ce qu’un chancelier fou avait déjà réalisé par la guerre : elle détruit à petit feu l’économie française. Certes, elle n’est pas responsable de cette situation, au contraire ; elle n’est jamais intervenue dans la politique intérieure de la France, elle a tendu la main aux Français du temps de Balladur pour réaliser un début d’unité fiscale et budgétaire (qui lui fut refusée).

C’est François Mitterrand qui a deux reprises a voulu arrimer la politique monétaire de la France à celle de l’Allemagne, détruisant une industrie qui n’allait pas bien fort : en 1983 d’abord, avec le tournant de la rigueur et la politique du « franc fort », en 1989 ensuite, en paniquant après la réunification Allemande, et en avalisant celle-ci au prix d’une monnaie unique et d’un fonctionnement de la BCE calqué sur celui de la Bundesbank.

Plus de vingt ans de guerre économique ont passé, et l’industrie Allemande a laminé les industries italienne et surtout française. Aujourd’hui la guerre est terminée et gagnée. La part des exportations de l’Allemagne en zone euro représente 10% du total. Le reste est hors zone euro, aux Etats-Unis et en Asie. L’Allemagne n’a plus besoin de la zone euro. Au contraire : la zone euro commence à lui coûter cher, à travers les plans de soutien à la Grèce, au Portugal, et à l’Espagne, à tel point qu’elle songe elle aussi à quitter l’euro.

Il est bien évident que ni la Grèce, ni le Portugal, ni l’Espagne, ni même la France et l’Italie ne pourront jamais rembourser leur dette avec une croissance atone et une industrie dévastée. La zone euro éclatera donc à la prochaine grave crise de spéculation contre l’un des cinq pays précités.

La Chine et les Etats-Unis contemplent avec ravissement cette deuxième guerre civile interminable, et se préparent (pour les Etats-Unis une deuxième fois) à tirer les marrons du feu. La Chine et les Etats-Unis pratiquent une politique monétaire astucieuse et laxiste. On pourrait ajouter à la liste des pays pratiquant une politique monétaire intelligente la Corée du Sud, et aujourd’hui le Japon. La Grande Bretagne, elle, prépare tout simplement un référendum pour sortir de l’Europe.

On a le choix : sortir de l’euro ou mourir à petit feu. Sinon, le dilemme pour les pays de la zone euro est assez simple : sortir de façon coordonnée et en douceur, ou attendre le tsunami financier.

Une sortie coopérative et en douceur aurait le mérite de préserver un peu de construction européenne, un tsunami sera l’équivalent du Traité de Versailles, les perdants étant cette fois les pays du Sud. Et au-delà des pays du Sud, toute l’Europe.

La sortie douce et coordonnée est assez simple, et a été déjà envisagée par nombre d’économistes. Il s’agit tout simplement de revenir à une monnaie commune, servant de référentiel aux différentes monnaies nationales. Cette monnaie commune, définie par un « panier de monnaies » nationales, atténue les spéculations contre les monnaies nationales.

C’est un retour au SME (Système monétaire européen) ? Oui. Des marges de fluctuations autour de la monnaie commune. Une stabilisation de la spéculation par des limitations des mouvements de capitaux, stabilisation qui pourrait être accrue par une taxe type Tobin sur ces mêmes mouvements de capitaux. Mais le SME a échoué direz vous… Oui, parce que le SME ne s’était pas donné de lutter contre la spéculation, et n’avait pas adopté une « Chambre de compensation » comme la souhaitait Keynes dans son projet pour Bretton Woods (abandonné au profit du projet américain).

Le meilleur moyen de rendre l’Europe odieuse, détestable pour longtemps, de faire le lit des nationalismes les plus étroits, est de poursuivre cette politique imbécile de monnaie unique associée à une « concurrence libre et non faussée » qui fait se pâmer de joie ceux qui en profitent, Chinois, Américains et autres BRICs.

Bien évidemment la mainmise du politique sur la monnaie ne suffit pas à faire une économie puissante : la recherche, l’éducation, la solidarité sont certainement aussi importantes. Mais laisser les « marchés » gouverner les pays est tout simplement une honteuse lâcheté.

(A suivre)

Bernard Maris

 

Source: http://www.les-crises.fr/sortie-de-leuro-bernard-maris-vire-sa-cuti/


Revue de presse du 03/01/2015

Saturday 3 January 2015 at 00:15

Une petite revue de presse francophone pour bien recommencer l’année. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-03-01-2015/


[Reprise] Le FMI veut que les contribuables garantissent les prêts octroyés aux entreprises

Saturday 3 January 2015 at 00:01

Le Fonds Monétaire International (FMI) a exhorté les gouvernements des pays européens à apporter leur garantie pour inciter les banques à augmenter l’octroi de prêts aux entreprises afin de stimuler la reprise économique.

Autrement dit, il recommande que les contribuables financent des garanties pour permettre aux banques de prêter de l’argent lorsqu’elles sont dans l’incapacité de le faire, ou lorsque consentir un crédit est trop risqué.

Dans son Rapport sur la stabilité financière mondiale publié mercredi, le FMI constate que six ans après la faillite de la banque Lehman Brothers, les banques qui représentent 40% des actifs bancaires mondiaux ne sont toujours pas en position de fournir suffisamment de crédits pour soutenir une relance de l’économie. Dans la zone euro, cela est même vrai pour les banques qui détiennent près de 70% des actifs bancaires.

Ce sont surtout les PME qui manquent d’accès au crédit, car les grandes entreprises ont la possibilité de se refinancer sur le marché obligataire, et elles ont de ce fait bénéficié du tsunami de liquidités avec lequel les banques centrales ont inondé les marchés. Or, les petites entreprises représentent 99,8% de l’économie européenne, et elles ont désespérément besoin de fonds pour investir et recruter des employés, et stimuler ainsi l’économie.

Selon les économistes du FMI, ce problème est particulièrement vrai dans la zone euro :

«Alors qu’aux États-Unis, on constate une réelle amélioration dans le domaine des prêts consentis par les banques,  la croissance de l’offre de crédit réelle demeure en deçà de la moyenne qui a été enregistrée au cours des crises bancaires précédentes dans la zone euro et le Royaume-Uni »

 

Cette inquiétude est aussi ce qui a motivé la BCE à présenter un plan de rachat d’actifs du secteur privé aux banques européennes, pour fournir des liquidités à ces dernières et leur permettre ainsi d’augmenter leur offre de prêt à l’égard des entreprises. Cependant, le FMI propose qu’en plus de cela, les gouvernements cautionnent directement ou indirectement les prêts ainsi octroyés. (Page 31).

Le FMI veut que les banques prêtent de l’argent aux personnes et aux entreprises, plutôt que d’acheter des obligations et des actions, avec l’argent que les banques centrales leur distribuent.

Toutefois, cette pénurie de crédit s’observe surtout dans les pays les plus touchés par la crise de l’euro, ceux où le chômage est le plus élevé, les taux de défaillance de crédit les plus forts, et là où les gouvernements ont le plus réduit leurs dépenses. Autrement dit, dans ces pays, l’environnement économique n’est guère favorable aux prêts, ce qui explique pourquoi les banques sont réticentes à consentir des prêts.

Dans les faits, le FMI demande donc aux gouvernements européens d’émettre des garanties sur le dos du contribuable pour contourner le problème de cette réticence des banques à prêter de l’argent dans les pays les plus vulnérables. On peut s’attendre à ce que cette nouvelle proposition ne réjouisse pas particulièrement les Allemands…

Les législateurs allemands se sont toujours battus pour que l’on évite de solliciter plus avant les contribuables allemands pour la survie de l’euro. Mais cette fois-ci, le message que leur envoie le FMI est clair: « vous n’avez pas le choix ».

Source : Express.be, 10/2014

Source: http://www.les-crises.fr/le-fmi-veut-que-les-contribuables-garantissent-les-prets/


[Vidéo] TV Lobotomie – La vérité scientifique sur les effets de la télévision

Friday 2 January 2015 at 02:33

Pour les spécialistes, tel Michel Desmurget, il n’y a plus de doute : la télévision est un fléau. Elle exerce une influence profondément négative sur le développement intellectuel, les résultats scolaires, le langage, l’attention, l’imagination, la créativité, la violence, le sommeil, le tabagisme, l’alcoolisme, la sexualité, l’image du corps, le comportement alimentaire, l’obésité et l’espérance de vie.

Analyse du livre de Michel Desmurget : TV Lobotomie

Ce livre gagnerait sans doute le prix de la couverture la plus laide s’il existait, mais, malgré cette erreur de l’éditeur, il vaut tout de même la peine d’être lu. Michel Desmurget, chercheur à l’INSERM, dans TV Lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision (Paris : Max Milo, 2011) nous propose rien de moins qu’une synthèse de tout ce que les scientifiques savent sur les liens entre la consommation télévisuelle et les attitudes, comportements, capacités, des êtres humains qui consomment de la télévision. Ce bilan scientifique, à partir de 4000 articles selon l’auteur, serait en fait effrayant. Plus on regarde la télévision,  plus on a regardé la télévision, plus on l’a fait jeune, plus on augmente toutes choses égales par ailleurs les probabilités d’événements défavorables pour soi-même  à tous les âges de la vie.  De fait, pour croire aux résultats cités de cette étude, il faut fondamentalement être accessible à la pensée statistique. Comme le montre, le “débat” organisé le 7 février 2011 autour de ce livre sur Europe 1 et la réaction d’une auditrice qui cite son propre cas de téléphagie ne l’ayant pas empêchée d’être, à l’en croire, un génie, c’est un point fondamental.

Ainsi, si l’on a accès au raisonnement en probabilité, typique en épidémiologie par exemple, Michel Desmurget établit à partir de la littérature disponible que :

a) “la télévision est un véritable désastre ontogénétique” (p.136) (conclusion du chapitre II La télé étouffe l’intelligence, p. 71-137), autrement dit des preuves solides existent que, toutes choses égales par ailleurs, le développement intellectuel des enfants se trouve profondément affecté par la consommation de télévision, avec un effet d’autant plus fort que la consommation s’effectue massivement très  jeune (dans les toutes premières années 0-3 ans). Des études montrent même qu’à cet âge précoce, le simple fait d’avoir la télévision allumée dans une pièce  sans la regarder aurait des effets sur le développement intellectuel. La raison profonde de cette déficience en matière de maturation de l’intelligence ne serait pas liée à la qualité déficiente (ou non) des programmes, mais à la nature non interactive de la télévision. Dans le fond, notre chercheur retrouverait dans la littérature savante contemporaine la vérité marxienne selon laquelle la vérité de l’homme (comme de tout animal) n’est autre que la praxis, et que la télévision constitue une forme extrêmement appauvrie d’(in)activité.  En tant que professeur d’université, je dois dire que la courbe historique des scores obtenues aux tests d’admission dans les universités américaines, corrélé avec un retard d’une vingtaine d’années avec la pénétration de la télévision dans les foyers  (p. 92),  m’a plutôt impressionné. L’auteur cite quelques exemples d’études ayant pu montrer que l’introduction de la télévision détraque les comportements enfantins, et qu’inversement, le sevrage télévisuel peut avoir des effets positifs assez rapides (si l’on valorise la réussite scolaire, le sommeil, le calme, etc.).

b) la consommation de télévision est un facteur déterminant d’augmentation des risques de santé suivants : obésité, tabagisme, alcoolisme, sexualité mal contrôlée chez les adolescents, et j’en oublie quelques autres dont la sénescence précoce (cf. chap. III, “La télé menace la santé”, p. 139-201). Sur le tabagisme par exemple, des études montrent que, pour des adolescents, le simple fait de voir des films plutôt anodins dans lesquels apparaissent massivement des cigarettes fumées par des acteurs sympathiques augmentent la probabilité de devenir soi-même fumeur. En conclusion, indirectement, la télévision tue purement et simplement, et, avant cela, coûte cher en dépenses de santé – mais rapporte beaucoup aux entreprises qui manipulent ainsi nos comportements.

c) Enfin, la consommation de télévision rend violent et /ou anxieux (chap. IV“La télévision cultive la peur et la violence”, p. 203-238). Pour l’auteur, sur le premier point, à savoir le fait de voir de la violence et de devenir en conséquence soi-même, toutes choses égales par ailleurs, plus violent et/ou indifférent à la violence, aurait atteint un tel point de consensus parmi les scientifiques que les recherches se sont ralenties sur ce point depuis quelques années. Inutile de continuer à prouver que la terre est ronde. Pour l’anxiété, due au visionnage massif de la télévision, elle s’exerce d’autant plus puissamment sur les plus jeunes esprits.

En résumé, à en croire l’auteur, la communauté scientifique se trouve sur les divers effets négatifs de la télévision dans un consensus semblable par son ampleur que celui que connaissait cette même communauté sur les effets cancérigènes du tabac  alors que l’industrie du tabac et ses affidés  et idiots utiles niaient encore farouchement tout lien – avec la même difficulté donc, à savoir que cette “vérité scientifique” n’arrive pas du tout à s’imposer  dans l’espace public. La plus grande partie des études citées se trouvent être nord-américaines, et l’on découvrira que, sur la foi de ces recherches, les sociétés savantes des Etats-Unis ont multiplié les avis sur les différents points évoqués, sans à ma connaissance aucun effet sur la civilisation télévisuelle de ce pays. Pisse dans ce violon, camarade savant, tu nous intéresses!

Cependant, bien que Michel Desmurget ne fasse pas la différence, il faut distinguer deux séries d’effets : le plus grave, celui du média télévision en soi, par la passivité qu’il implique et qui s’avère  en tout point imparable  dans ses effets à tous les âges de la vie (point a));  et les plus remédiables, ceux qui sont liés au contenu des programmes (incitation à la malbouffe, à la violence, etc.) (point b) et c)). On peut remarquer de fait qu’il existe déjà beaucoup de règlementations pour limiter ce qui est montrable à la télévision. Par exemple, aucun pays n’autorise à ma connaissance de la  vraie pornographie en clair sur des chaînes accessibles à tous; beaucoup de pays disposent d’un système de classification des œuvres selon  le degré de violence; des programmes pour enfants sont conçus et diffusées; on limite ou on interdit la publicité visant les enfants, etc. ; autrement dit, sur les points b) et c), on pourrait, à la limite, imaginer de règlementer en vue d’une télévision qui éviterait les principaux écueils repérés par la recherche. Cela serait sans doute un peu ennuyeux pour beaucoup de gens (plus de séries criminelles, plus de sexe suggéré, plus de fumeurs positifs, etc.) et ressemblerait aux recommandations en la matière de laVie (encore) catholique en 1968 – ou, au contenu de la télévision actuellement gérée par le Patriarcat de Roumanie. Comme le montre l’auteur avec soin (dans le premier chapitre I, p. 33-69), les enfants regardent en gros la même chose que les adultes; donc, à moins de supposer des parents devenus tous raisonnables et ne laissant voir à leurs enfants que ce qui est de leur âge, il faudrait revenir à un terrible degré de censure des programmes. (Dans le cas des Etats-Unis, le principe intangible de la liberté d’expression rend toute réflexion en ce sens largement caduque, mais en Europe, des avancées seraient possibles.)

En revanche, sur le point a), la télévision en soi (quelque soit le contenu) s’avère un désastre ontogénétique pour les enfants (et, accessoirement, tend à aider les adultes à devenir sénile avant l’heure), les perspectives d’action publique me semblent  plus limitées; de fait, l’objectif de l’ouvrage semble être bien essentiellement d’obtenir que les parents, prévenus par l’auteur, arrêtent de laisser la télévision à disposition de leurs jeunes enfants (cf. la conclusion en ce sens p. 246 : “pendant les cinq ou six premières années de vie, toute exposition audiovisuelle devrait être strictement proscrite par les parents tant la télévision trouble le sommeil, promeut l’obésité à long terme et interfère avec le développement intellectuel, affectif, physique et social de l’enfant.” ), et, ensuite, contrôlent strictement la qualité et la quantité de ce qui est regardé par ces derniers. Or, comme il croit pouvoir le montrer, ce sont les adultes eux-mêmes  qui veulent que les (très) jeunes enfants s’intéressent à la télévision (ou à des DVD) afin d’obtenir du répit dans la lourde tâche de l’éducation qui leur incombe. Bien que n’ayant pas d’enfants, cela m’a rappelé que des amis, n’ayant d’ailleurs pas la télévision chez eux pour des raisons fort semblables à celles invoquées par l’auteur,  amis avec lesquels je passais des vacances il y a quelques années, utilisaient sciemment en dernier recours la télévision (cachée jusque là dans un coin du logement)   pour paralyser littéralement leur chère progéniture, plutôt remuante par ailleurs, en cas de nécessité absolue (faire les bagages et le ménage à la fin du séjour). Cela m’avait plutôt amusé à l’époque que de voir cet effet de fascination – un peu le rayon paralysant des séries télévisées de mon enfance -, mais je me rends compte à la lecture de Michel Desmurget que là se trouve largement la clé du problème. Tous les adultes n’ont pas l’énergie pour interagir tout le temps avec  leur progéniture. Se passer de fait de la télévision supposerait une réorganisation des vies familiales.

Plus généralement, si l’on admet que Michel Desmurget, chercheur à l’INSERM, a fait correctement son travail de compilation et engage ainsi sa responsabilité de savant, on peut en tirer trois conclusions.

Tout d’abord, le peu de sympathie exprimée par quelques grands penseurs du siècle dernier à l’égard de la télévision, Karl Popper, Pierre Bourdieu, et Giovanni Sartori, pour citer des grands noms, semble recevoir une confirmation empirique forte de toutes ces études  si l’on partage l’idéal d’une humanité forte et adulte.

Ensuite, on possèderait là un exemple supplémentaire d’écart abyssal entre ce qu’exigeraient les résultats scientifiques et les pratiques socioéconomiques en vigueur. Bien qu’il ne l’ait pas calculé, l’externalité négative de la télévision comme activité sociale parait au total énorme – surtout si l’on compte les effets de long terme qui semblent étonnamment forts. Même si Michel Desmurget se montre très prudent dans ses interventions médiatiques en visant surtout à protéger les enfants d’aujourd’hui et à se présenter comme quelqu’un qui n’est pas contre la télévision en soi, la conclusion logique de son travail serait en fait une suppression pure et simple de la télévision, ou, tout au moins,  dans une société de liberté d’entreprendre, la fin de tout soutien public à cette activité économique nocive. Par exemple, si la télévision en soi creuse la tombe de la performance scolaire et nous promet en plus des générations d’obèses, il n’est peut-être pas nécessaire de financer cela sur fonds publics. Ou, du moins, pourrait-on se limiter à une seule chaine exempte de tout effet nocif par le contenu et ne visant que les plus de six ans. Bien évidemment, on  n’en fera rien! C’est là un aspect fascinant de nos sociétés, cette capacité à payer des gens pour savoir qu’on se détruit en faisant telle ou telle chose, tout en s’en souciant peu au total. Je pourrais aussi citer la prison comme institution criminogène, ou les deux roues comme cause de mortalité massive sur les routes. Mais, dans le fond, après tout, nous pouvons (encore) nous payer ces luxes.

Dernier point :  M. Desmurget nomme sans aménité aucune “pipeaulogue” les spécialistes des médias ou  les essayistes qui nient ou minimisent les effets qu’il décrit à la suite de cette littérature qu’il a dépouillé.  Son livre prend en effet parfois le ton d’un pamphlet, mais c’est sans doute un choix de sa part pour atteindre un plus vaste public qu’avec un rapport de synthèse et pour rendre le contenu moins austère.  Au delà des termes dépréciatifs utilisés à l’encontre de quelques-uns cités dans l’ouvrage, je suis confondu par la divergence entre les conclusions qu’il tire à partir de cette littérature, trouvée essentiellement dans les revues de médecine, d’épidémiologie, de psychologie, et ce que j’avais perçu comme le consensus présent des spécialistes des médias, qui insistent plutôt sur les filtres sociaux à la réception, sur le côté anodin de toute ces contenus.  Par exemple sur le cas de la violence et de la sexualité, l’écart me parait énorme. Il est vrai que le souhaitable que dessine en creux le consensus scientifique auquel se réfère Michel Desmurget ressemble fort à la bonne vieille morale éducative de la bourgeoisie  catholique du début du siècle dernier. L’auteur s’en défend et s’en amuse même parfois, mais il reste qu’il casse totalement le lien entre “progressisme” (entendu comme recherche de l’autonomie pleine et entière de l’individu) et “libéralisme culturel” (entendu ici comme extension du domaine du montrable). Finalement, cela voudrait dire que des films-culte comme Pulp Fiction ou simplement  Avatar sont porteurs de maux pour les jeunes qui en sont les plus friands consommateurs. Si la violence, le sexe et le tabagisme montrés aux masses adolescentes ne sont plus aussi anodins que cela, où va-t-on arriver ma brave petite dame? Chez Benoit XVI? Chez les talibans? Et puis, par ailleurs, si l’on n’a plus de faits divers bien gores pour le JT, de quoi peut-on parler alors? Où sera l’émotion?

Source : Bouillaud’s Weblog

 

P.S. Dans un autre registre, comme signalé en commentaire, je vous conseille le film Idiocracy (Planet Stupid “en français”, de 2007). Au 1er degré, ça ne vole pas super haut, mais au second, c’est une critique assez radicale et bien vue…

P.P.S. : et pour le coup, sans aucun rapport avec tout ça, je vous conseille vraiment d’aller voir au cinéma le film La famille Belier, c’est remarquable de sensibilité et une belle façon de commencer l’année… :)

Source: http://www.les-crises.fr/tv-lobotomie/