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Un parent porte plainte après audition de son fils de 9 ans pour apologie du terrorisme

Saturday 18 April 2015 at 00:11

Le procureur de la République, Jean-Baptiste Bladier.

Après Nice, Villers-Cotterêts. Un enfant de neuf ans a été entendu dans l’Aisne par la gendarmerie le 15 janvier car un témoin affirmait qu’il avait crié «Allah akbar» pendant une minute de silence en hommage à Charlie Hebdo. Mais ici, c’est apparemment faux, et son père a décidé de porter plainte pour diffamation.

Les soupçons pesant sur l’enfant «sont sur le plan de la matérialité des faits totalement infondés», a affirmé à l’AFP le procureur de Soissons, Jean-Baptiste Bladier, vendredi soir. «On est dans une cantine municipale qui accueille plusieurs écoles, pendant la minute de silence il n’y a aucun témoin qui entend ce garçon de neuf ans venir dire “Allah akbar, vive le Coran”. C’est un autre enfant qui vient (le) dire après coup à sa mère qui est l’une des employées de la cantine, qui le dit à la personne qui encadre la cantine, un signalement est rédigé, (…) on prévient la brigade de gendarmerie», a détaillé le procureur.

Dénonciation calomnieuse et diffamation

L’enfant avait été entendu le 15 janvier par la gendarmerie de Villers-Cotterêts, en présence de son père, dans le cadre d’une enquête pour apologie du terrorisme.

Mécontent, le père dépose plainte le 23 janvier pour dénonciation calomnieuse et diffamation, a ajouté le procureur, qui a souhaité que les conclusions de l’enquête servent pour l’avenir à «éviter de s’emballer inutilement».

Source : 20 Minutes avec l’AFP

Source: http://www.les-crises.fr/un-parent-porte-plainte-apres-audition-de-son-fils-de-9-ans-pour-apologie-du-terrorisme/


[Reprise] Le «Bouc émissaire », par René Girard

Saturday 18 April 2015 at 00:01

Le mécanisme sacrificiel

Introduction

Tout le monde sait grosso modo ce qu’est un « bouc émissaire » : c’est une personne sur laquelle on fait retomber les torts des autres. Le bouc émissaire (synonyme approximatif : souffre-douleur) est un individu innocent sur lequel va s’acharner un groupe social pour s’exonérer de sa propre faute ou masquer son échec. Souvent faible ou dans l’incapacité de se rebeller, la victime endosse sans protester la responsabilité collective qu’on lui impute, acceptant comme on dit de « porter le chapeau ». Il y dans l’Histoire des boucs émissaires célèbres. Dreyfus par exemple a joué ce rôle dans l’Affaire à laquelle il a été mêlé de force : on a fait rejaillir sur sa seule personne toute la haine qu’on éprouvait pour le peuple juif : c’était le « coupable idéal »… Ainsi le bouc émissaire est une « victime expiatoire », une personne qui paye pour toutes les autres : l’injustice étant à la base de cette élection/désignation, on ne souhaite à personne d’être pris pour le bouc émissaire d’un groupe social, quel qu’il soit (peuple, ethnie, entreprise, école, équipe, famille, secte).

Cette expression, employée le plus souvent au sens figuré, trouve sa source dans un rite de la religion hébraïque : dans la Bible (Lévitique) on peut lire que le prêtre d’Israël posait ses deux mains sur la tête d’un bouc. De cette manière, on pensait que tous les péchés commis par les juifs étaient transmis à l’animal. Celui-ci était ensuite chassé dans le désert d’Azazel (= traduit fautivement par « émissaire ») pour tenir les péchés à distance. Ce bouc n’avait rien fait de mal, il était choisi au hasard pour porter le blâme de tous afin que ces derniers soient dégagés de toute accusation. On voit par là que le sens figuré est relativement proche du sens religieux d’origine, axés tous deux sur l’idée d’expiation par l’ostracisation d’un individu jouant en quelque sorte le rôle de « fusible » (bête ou homme).

Avec René Girard (né en 1923), le bouc émissaire, cesse d’être une simple expression pour devenir un concept à part entière. La théorie du Bouc Émissaire est un système interprétatif global, une théorie unitaire visant à expliquer le fonctionnement et le développement des sociétés humaines. La réflexion de René Girard s’origine dans un étonnement, qui prend la forme de deux questions successives.

  1. D’où naît la violence dans les sociétés humaines, quel en est le ressort fondamental ?
  2. D’où vient que cette violence ne les dévaste pas ? Comment parviennent-elles à se développer malgré elle ?

Autrement dit : quel mécanisme mystérieux permet aux sociétés humaines archaïques, enclines à l’autodestruction, de se développer quand même (la logique voudrait en effet qu’elles aient disparu depuis longtemps). À cette question, René Girard apporte une réponse univoque, martelée depuis des décennies dans plusieurs de ses livres, notamment La Violence et le Sacré, et Des Choses cachées depuis la fondation du Monde : le mécanisme du bouc émissaire…

Le désir mimétique

La théorie du bouc émissaire est adossée à une autre théorie qui lui sert de support : à l’origine de toute violence, explique René Girard, il y a le « désir mimétique », c’est-à-dire le désir d’imiter ce que l’Autre désire, de posséder ce que possède autrui, non que cette chose soit précieuse en soi, ou intéressante, mais le fait même qu’elle soit possédée par un autre la rend désirable, irrésistible, au point de déclencher des pulsions violentes pour son appropriation. La théorie mimétique du désir postule en effet que tout désir est une imitation (mimésis) du désir de l’autre. Girard prend ici le contre-pied de la croyance romantique selon laquelle le désir serait singulier, unique, imitable. Le sujet désirant a l’illusion que son désir est motivé par l’objet de son désir (une belle femme, un objet rare) mais en réalité son désir est suscité, fondamentalement, par un modèle (présent ou absent) qu’il jalouse, envie. Contrairement à une idée reçue, nous ne savons pas ce que nous désirons, nous ne savons pas sur quoi, sur quel objet (quelle femme, quelle nourriture, quel territoire) porter notre désir – ce n’est qu’après coup, rétrospectivement, que nous donnons un sens à notre choix en le faisant passer pour un choix voulu (« je t’ai choisi(e) entre mille ») alors qu’il n’en est rien – mais dès l’instant qu’un Autre a fixé son attention sur un objet, aussi quelconque soit-il, alors cet objet (que nul ne regardait jusqu’alors) devient un objet de convoitise qui efface tous les autres !

En clair, le désir n’est pas direct, mais indirect (ou médié), entre le sujet et l’objet : il fonctionne de manière triangulaire en ce sens qu’il passe par un modèle (ou médiateur). L’exemple que donne Girard pour illustrer sa théorie est celui des enfants qui se disputent des jouets en quantité suffisante. Cet exemple montre de manière édifiante qu’on ne désire pas une chose pour ce qu’elle est (sa valeur propre) mais pour ce qu’elle représente aux yeux de l’autre (un objet de désir). Les cas de « désir mimétique » sont nombreux dans la littérature. Don Quichotte, par exemple, ne désire pas être un chevalier, il ne fait qu’imiter Amadis de Gaulle, et tous les autres chevaliers qu’il a lus dans les livres. La médiation est ici littéraire. Don Quichotte est une victime d’autant plus spectaculaire du désir mimétique qu’il désire – c’est la source du comique cervantésien – une chose absurde : être chevaleresque dans un monde déféodalisé. Dans l’univers publicitaire qui est le nôtre, le mécanisme mimétique fonctionne aussi à plein. Les consommateurs ne désirent pas une marchandise parce qu’elle est utile, nécessaire ou aimable, mais parce qu’elle est convoitée, ou supposée l’être, par un tiers (star de cinéma, ami ou groupe d’amis). Le consumérisme moderne est un désir « selon l’autre », quand bien même il nous donne l’illusion de faire un choix personnel, voire unique. La mode et la publicité jouent à plein sur le désir mimétique, raison pour laquelle elles connaissent du succès, alors que ce succès ne repose objectivement sur aucune base rationnelle (beauté, robustesse, originalité de l’objet).

Du désir mimétique à la violence généralisée

Le désir mimétique serait bien innocent s’il ne débouchait sur des conflits en chaîne, et à terme sur la violence généralisée. Que se passe-t-il en effet quand deux individus (ou plus) désirent la même chose ? Ils se battent, voire s’entretuent, pour l’obtenir. Pour René Girard, le désir mimétique, en mettant en concurrence le sujet désirant et son modèle fait naître une rivalité meurtrière. L’objet désiré n’étant généralement pas partageable (pensons au jugement de Salomon : peut-on partager en deux un bébé que deux femmes revendiquent comme le leur ?), le modèle devient nécessairement un obstacle pour le sujet désirant, autrement dit une figure à abattre. C’est ici que la thématique du désir, via le mécanisme de la rivalité, rejoint celle de la violence… Son recours étant, on l’aura compris, le seul moyen de satisfaire le désir mimétique.

Prenons un exemple. Shakespeare écrit dans ses Sonnets : « Tu l’aimes, toi, car tu sais que je l’aime. » On voit bien ici que l’amour qu’éprouve le destinataire du poème (« tu ») est motivé avant tout (« car ») par l’amour qu’éprouve Shakespeare et non par l’objet lui-même de cet amour. Tu l’aimes « toi », insiste le poète, de manière mimétique, alors que moi je l’aime de manière authentique. Nous sommes bien dans le cas de figure du jouet sans valeur que se disputent deux enfants, dont l’issue est bien connue : chamaillerie, cris, crêpage de chignon, et… intervention des adultes, pour séparer les belligérants. Mais que se passe-t-il quand, dans la même situation de rivalité, deux adultes se disputent un objet ? Sans l’intervention providentielle d’un tiers situé au-dessus de la mêlée (Dieu ?), les adultes vont jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’élimination du rival, obstacle insupportable à la réalisation de leur désir. Les faits divers et les romans (pensons au Rouge et le Noir de Stendhal : Julien Sorel y désire triangulairement Madame de Rénal) sont remplis de crimes passionnels, motivés à l’origine par un désir mimétique, quoique ces motivations, comme l’explique René Girard, soient toujours dissimulées par le criminel derrière l’idée fallacieuse que son désir est légitime, car premier :

Seul l’être qui nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d’abord lui-même en raison de l’admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-même, cette admiration éperdue, il ne veut plus voir qu’un obstacle dans son médiateur. Le rôle secondaire de ce médiateur passe donc au premier plan et dissimule le rôle primordial de modèle religieusement imité. Dans la querelle qui l’oppose à son rival, le sujet intervertit l’ordre logique et chronologique des désirs afin de dissimuler son imitation. Il affirme que son propre désir est antérieur à celui de son rival ; ce n’est donc jamais lui, à l’entendre, qui est responsable de la rivalité : c’est le médiateur.

Pour masquer sa brutalité, le sujet mimétique n’hésite pas à ruser avec son désir, c’est-à-dire à faire passer le modèle pour l’imitateur…

Cette violence serait soutenable socialement (maintien de la paix civile), si elle demeurait le propre de quelques individus isolés. Or, ce qui la rend éminemment dangereuse, nous dit Girard, c’est qu’elle est contagieuse. Le désir mimétique se propage à la société tout entière, par effet « boule de neige » : si deux individus désirent la même chose il y en aura bientôt un troisième, un quatrième, et ainsi de suite. Rapidement – à la vitesse d’une traînée de poudre – , le conflit mimétique se transforme en antagonisme généralisé. Un fait divers récent illustre exemplairement cette propagation du désir mimétique, avec son corollaire agonistique de la « guerre de tous contre tous » (Hobbes). « Gaz lacrymogènes, bagarres, échauffourées violentes, arrestations musclées, lit-on dans Le Monde.fr du 25 décembre 2012, telle était l’ambiance apocalyptique dans laquelle plusieurs magasins américains ont ouvert pour la sortie des dernières paires de baskets Nike créées pour l’ancien basketteur Mickael Jordan : […] des milliers de personnes se sont ainsi rassemblées très tôt ce vendredi, parfois dès deux heures du matin, pour figurer parmi les chanceux se procurant les 150 paires seulement disponibles ; […], la même scène s’est déroulée un peu partout aux États-Unis, conduisant notamment à plusieurs arrestations à Atlanta, des personnes légèrement blessées, à la suite de piétinements à l’entrée du magasin ou encore une mère abandonnant ses deux enfants de 2 et 5 ans dans la voiture en pleine nuit. Dans la banlieue de Seattle, Avant l’ouverture, la foule avait déjà enfoncé deux portes. Des bagarres ont commencé à éclater, des bousculades, certaines personnes essayaient de couper la file d’attente. Les officiers ont utilisé du gaz incapacitant pour interrompre certaines bagarres. » Aucune de ces personnes n’avait besoin, à strictement parler, de ces chaussures, pourtant toutes se sont battues, presque au risque de leur vie, pour se les approprier. Telle est l’implacable loi du désir mimétique lorsqu’elle s’applique à grande échelle : son escalade conduit à la destruction sociale généralisée. Pire, la violence engendre la violence, dans une chaîne infinie, sous l’empire du mécanisme de la vengeance. « Chaque fois qu’elle surgit en un point quelconque d’une communauté elle tend à s’étendre et à gagner l’ensemble du corps social. » (La Violence et le Sacré). De crimes en représailles (regardons comment les bandes de la Mafia s’autodétruisent), la vengeance menace la société d’éclatement. La loi du Talion, (« œil pour œil, dent pour dent »), qui répond à la violence par une violence égale, et non supérieure, limite certes son risque d’extension et d’escalade, mais ne l’arrête pas. La spirale de la violence est en principe, dans les sociétés primitive où n’existe pas la Justice, incoercible. Le cycle de la violence réciproque est littéralement infernal : elle l’était dans la Grèce antique (voir les Atrides) elle l’est encore dans certains pays où dominent la loi du Talion ou l’usage de la Vengeance (au Mexique dans les Cartels de la drogue, dans la Mafia corse, ou sicilienne).

Le bouc émissaire, rempart contre la violence

Et pourtant, force est de constater que la société a survécu à cette loi effroyable, que les peuples de la terre ont surmonté tant bien que mal le phénomène. Pourquoi ? se demande Girard. Comment se fait-il que le désir mimétique, dont la puissance de nuisance est universellement prouvée (voir Mensonge romantique et Vérité romanesque) ne nous ait pas dévasté totalement ? Comment les sociétés sont-elles parvenues à trouver un antidote à ce poison ? C’est ici qu’intervient la deuxième intuition de Girard, consistant à relier l’apparition du sacré avec le problème de la violence (d’où le titre de son livre majeur : La Violence et le Sacré). L’anthropologue observe en effet, à partir d’une lecture attentive des mythes ancestraux (de toutes origines), que ces mythes nous racontent la même histoire, à savoir la conjuration, ou plutôt la neutralisation de la violence (cette épée de Damoclès qui plane sur l’Humanité) par le sacrifice d’une victime, appelée « bouc émissaire ».

Là encore, pour résoudre l’énigme, Girard renverse une idée unanimement reçue dans la communauté scientifique et a fortiori dans le grand public, le préjugé selon lequel le sacrifice « religieux » (égorger un animal ou un être humain) serait destiné à calmer la colère des Dieux (chez les Grecs), ou à tester la foi des croyants (on pense au sacrifice d’Isaac par Abraham interrompu in extremis par un ange descendu du Ciel). Aux yeux du philosophe, le sacrifice n’est pas une affaire religieuse mais une affaire humaine. Si les hommes vont jusqu’à tuer l’un de leurs semblables, ce n’est pas pour faire plaisir aux dieux, mais pour mettre fin à l’hémorragie de violence qui frappe le groupe, et partant le menace d’extinction. En proie à une violence meurtrière, la société primitive se choisit spontanément, instinctuel ement, une victime, qui jouera le rôle à la fois de pansement et de paratonnerre. De pansement, parce qu’elle va recueillir en sa seule personne toute l’agressivité diffuse et soigner le mal ; de paratonnerre parce qu’elle sera remobilisée, sous forme symbolique, chaque fois que la communauté replongera dans la violence. Ainsi se met en place, selon Girard, le rite du bouc émissaire, dont la vertu première est de transformer le « tous contre tous » en « tous contre un ». Le bouc émissaire humain n’est pas tiré au hasard ; c’est un personnage que ses qualités victimaires prédisposent à occuper la fonction de bouc émissaire. Afin d’expulser cette violence intestine, le bouc émissaire doit en effet correspondre à certains critères. Premièrement, il faut que la victime soit à la fois assez distante du groupe pour pouvoir être sacrifiée sans que chacun se sente visé par cette brutalité et en même temps assez proche pour qu’un lien cathartique puisse s’établir (on ne peut expulser que le mal qui est en nous…). Aussi, le véritable bouc émissaire de la tradition hébraïque est à la fois différent par sa qualité d’animal et semblable par son caractère domestiqué. Deuxièmement, il faut que le groupe ignore que la victime est innocente sous peine de neutraliser les effets du processus. Troisièmement, le bouc émissaire présente souvent des qualités extrêmes : richesse ou pauvreté, beauté ou laideur, vice ou vertu, force ou faiblesse. Enfin, la victime doit être en partie consentante afin de transformer le délire de persécution en vérité consensuelle. Dans les mythes, c’est souvent un prisonnier de guerre, un esclave, un enfant informe, un mendiant…

Le sacrifice du bouc émissaire permet donc à la fois de libérer l’agressivité collective (exutoire) et de ressouder la communauté autour de la paix retrouvée (pacte) Dans l’optique girardienne, le rite sacrificiel est donc une violence ponctuelle et légale dont la fonction est d’opérer une catharsis des pulsions mauvaises sur une victime indifférente à la communauté parce que marginale. Ainsi, se produit, aux dépens d’un être innocent, une sorte de solidarité dans le crime, qu’on retrouve dans les scènes de lynchage dans l’Histoire (pogrome, lapidations, etc.) ou dans la fiction (La Nuit du Chasseur1, M. le Maudit2). Le bouc émissaire permet par ailleurs d’expliquer l’émergence du Sacré, car, par un retournement paradoxal, la victime se voit divinisée pour avoir ramené la paix. La victime gît devant le groupe, apparaissant tout à la fois comme la responsable de la crise et l’auteur de ce miracle de la sérénité retrouvée. Elle devient sacrée, c’est-à-dire porteuse du pouvoir prodigieux de déchaîner la crise comme de ramener la paix. En reliant le mécanisme du bouc émissaire à celui du rite sacrificiel, René Girard rend compte ni plus ni moins que de la genèse du religieux archaïque.

Le problème de ce mécanisme régulateur de la violence est cependant son caractère temporaire. En effet, la violence endémique générée par le désir se fait, tôt ou tard, ressentir. Pour contenir la violence, et l’empêcher de ressurgir, il faut trouver un nouveau bouc émissaire. Solution au coût (humain) exorbitant, à laquelle les premières sociétés ont remédié en substituant progressivement des simulacres au victimes humaines : ainsi seraient nés les rites des religions primitives vivantes : le sacrifice d’un animal permet d’apaiser symboliquement les pulsions agressives, par ce subterfuge (l’animal est substitué à la « cible » humain), les membres de la communauté sont préservés, la paix est maintenue à ce prix. À chaque crise mimétique, la société répond par des sacrifices symboliques, fortement ritualisés, censés rétablir magiquement l’ordre. C’est ce qui fait dire à René Girard, dans une formule fulgurante : « Le sacré, c’est la violence. » Le sacré est en effet indissociable de la violence, en ce sens qu’il naît de lui, tout du moins de la volonté des hommes de l’éradiquer.

Relecture du mythe d’Œdipe

Cette approche révolutionnaire du rite religieux – révolutionnaire parce qu’elle fait découler le sacré du profane – ouvre sur une réinterprétation du fameux mythe d’Œdipe3. Là encore, le philosophe prend le contre-pied de tout le monde. Rappelons en deux mots l’histoire : un oracle prédit au roi de Thèbes, Laïos, que s’il a un fils, celui-ci tuera son père et épousera sa mère, Jocaste. Quand Œdipe naît, Laïos l’abandonne. Mais des bergers le recueillent et le portent au roi de Corinthe, Polybe, qui l’élève. Adulte, Œdipe consulte l’oracle de Delphes qui lui conseille de ne pas retourner dans son pays s’il ne veut pas tuer son père et épouser sa mère. Il se dirige donc vers la Béotie, mais à un carrefour, il tue un vieillard, qui se révèle être son père. Plus tard, pour avoir débarrassé la ville de Thèbes du Sphinx (en résolvant l’énigme), on le fait roi, de sorte qu’il épouse sa mère, Jocaste, à son insu. Une peste s’abat sur la ville. La Pythie annonce que la maladie persistera tant que le meurtrier de Laïos ne se sera pas dénoncé. Œdipe mène l’enquête lui-même et découvre, horrifié, qu’il est le coupable. Pour se punir de son aveuglement, Œdipe se crève les yeux ; on le chasse de Thèbes.

Généralement, les exégètes adoptent spontanément le point de vue du narrateur (Sophocle), en rendant Œdipe responsable de la calamité qui s’abat sur la ville. C’est, nous explique-t-on, parce qu’il a tué son père et couché avec sa mère que la peste décime les thébains, aussi n’est-ce que justice que le coupable, une fois découvert, soit banni de la communauté. Faux, écrit Girard, car Œdipe n’est en réalité qu’un bouc émissaire, un homme auquel on fait endosser, sans raison valable, la responsabilité de l’épidémie qui frappe la cité. La peste n’a aucun lien de cause à effet avec les « crimes » de son roi, crimes qui, du reste, d’après Girard, ne sont que des bruits son fondement : en somme, Œdipe est victime d’une mystification : des rumeurs courent sur son compte (le parricide, l’inceste) mais ce ne sont que des affabulations, des prétextes pour exposer le roi à la vindicte populaire. Ce que raconte le mythe d’Œdipe n’est donc pas la punition d’un coupable, mais au contraire la persécution d’un innocent, l’histoire scandaleuse d’un lynchage collectif. Bref, au lieu d’en faire un Monstre qui se repend, Girard en fait un Martyr à qui l’on ment. Comme tous les boucs émissaires, Œdipe se soumet en effet au verdict de la foule. René Girard en déduit, au plan général, que l’adhésion de l’accusé au processus qui l’élimine (ex : pression policière pour obtenir des aveux) n’est en aucun cas le signe, et encore moins la preuve de sa culpabilité. Au lieu de se révolter contre cette accusation sans fondement, Œdipe l’accepte docilement ; ce faisant, il renforce le mécanisme du bouc émissaire, qui a certes l’avantage de stopper le cycle de la violence, mais l’inconvénient d’alimenter l’injustice par le sacrifice d’un innocent. Si l’on regarde les choses d’un point de vue pragmatique, ce système est d’une grande efficacité ; au point de vue moral, en revanche, il est scandaleux. Le mécanisme du bouc émissaire est en effet basé sur un mensonge collectif (ou déni de réalité), qui est reconduit d’autant plus aisément qu’il arrange la communauté. Tout le monde a intérêt à entretenir le mythe de la résolution surnaturelle et irrationnelle de la violence par la désignation arbitraire d’une victime émissaire. On ne voit pas, dans ces conditions, pour quelles raisons ce phénomène ne durerait pas éternellement… Heureusement, il se trouve quelqu’un pour dénoncer ce mensonge, et ce quelqu’un, d’après Girard, c’est Jésus Christ !

L’Évangile : la vérité sur le bouc émissaire

René Girard considère le Nouveau Testament comme un événement capital de l’histoire de l’Humanité, non pas parce qu’il marque la naissance d’une nouvelle religion (le Christianisme) mais parce qu’il met fin au scandale de la culpabilité du bouc émissaire. Jusqu’alors toutes les victimes émissaires acceptaient de se sacrifier au nom de leurs fautes ou de leurs défauts (tares). Mais voici que le Christ met un coup d’arrêt à cette logique, en jetant une lumière crue sur le mécanisme mystificateur du bouc émissaire. Non que le Sauveur refuse d’assumer son rôle de bouc émissaire, au contraire, il se laisse torturer sans protester et crucifier comme s’il était coupable, mais à la différence des autres victimes émissaires, il clame haut et fort son innocence. Jésus se présente ouvertement comme l’agneau de Dieu qu’on sacrifie sur l’autel de la violence collective (il prend sur lui « tous les péchés du monde »), sauf que sa démarche a un tout autre sens que celle des boucs émissaires classiques qui subissaient leur sort, dans la mesure où elle est annoncée comme l’ultime sacrifice, après lequel devrait régner l’ordre et la paix. En dévoilant le mécanisme caché (depuis la fondation du monde) du bouc émissaire, à savoir que la victime est sacrifiée non par ce qu’elle est coupable (alibi grossier), mais parce qu’il faut un coupable, l’Évangile rend impossible son recours ultérieur. Désormais, la société devra trouver d’autres remèdes pour exorciser la violence (en l’occurrence elle s’appuiera sur le message évangélique de la non- violence). Si le Nouveau Testament marque un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité, c’est que la gestion de la violence, à partir de cette date, prend un aspect tout différent. L’une des conséquences inattendues de cette révélation du « pot aux roses » du bouc émissaire, c’est que le monde, privé de sa solution préférée, devient, selon Girard, de plus en plus violent, et cela bien que les formes de civilisations ne cessent d’évoluer pour contenir, dans les deux sens du terme, cette violence.

René Girard se montre en effet très pessimiste sur l’évolution de l’Humanité, à partir du moment où elle se prive de la possibilité d’user de la carte victimaire. L’efficacité du bouc émissaire reposait en effet sur la méconnaissance/ignorance du phénomène de la part de ses usagers : les peuples ancestraux croyaient sincèrement qu’il suf isait de sacrifier une victime, ou d’accomplir un rite symbolique équivalent, pour régler les conflits. À partir du moment où les peuples ont perdu cette foi, ils doivent inventer des solutions alternatives, soit recourir à l’Évangile et sa morale naïve de la non violence (l’amour du Prochain), soit se tourner vers la Justice et son droit compliqué (proportionnalité des peines au crime commis). Or, nous dit René Girard, il n’est pas sûr que les communautés puissent se passer de la fonction régulatrice du bouc émissaire : force est d’observer que les sociétés modernes, dans les périodes de forte crise mimétique, y ont recours, tout se passant comme si elles avaient oublié qu’elle était un procédé barbare et irrationnel. Dans l’entre deux guerres par exemple, l’Allemagne, frappée par une crise économique grave, est animées de tensions sociales extrêmes et de débordements de violence qui mènent le pays au bord de la guerre civile. Or cette violence intestine va se trouver spontanément redirigée vers des boucs émissaires tels que les homosexuels, les communistes, les Tsiganes et vers les Juifs. La propagande – ce travail de sape de la connaissance, cet apprentissage de l’ignorance – se chargera pour sa part de conforter la population allemande dans l’idée que les Juifs ne peuvent pas, par définition, être innocents, ouvrant grand la porte à la tragédie de la Shoah. En dehors de ces cas exceptionnels, le fait que nos sociétés ne soient plus protégées par le mécanisme victimaire constitue paradoxalement un danger majeur, car, sauf à convertir la population entière à l’amour chrétien (idée illusoire), il n’existe désormais plus aucun frein à la violence. Dans son dernier ouvrage, Achever Clausewitz (2007), Henri Girard va jusqu’à nous promettre l’apocalypse. On aimerait que l’avenir lui donne tort, mais l’explosion de violence à laquelle on assiste sur toute la planète semble hélas aller dans sons sens.

Conclusion

La théorie du bouc émissaire serait-elle trop belle pour être vraie ? Le fait est qu’elle est séduisante, et même fascinante, en ce qu’elle fournit une clé de compréhension simple et efficace pour des problèmes fort complexes. Avec Girard, tout devient lumineux : la question du désir (réglée via le principe du mimétisme), la question de la violence (résolue par l’intervention du mécanisme victimaire), la question enfin de l’apparition du sacré (expliquée par les pouvoirs miraculeux attribués à la Victime). Il n’a évidemment pas manqué de spécialistes de chacune des disciplines dont Girard s’est emparé sans prévenir pour contester les thèses du philosophe : jusqu’à ces dernières années sa pensée était très discutée, voire contestée par ses confrères, mais peu à peu elle s’est imposée ; elle fait désormais partie du paysage intellectuel. Le désir mimétique, la théorie du bouc émissaire, sont cités dans les travaux d’anthropologie4.

Le système girardien présente néanmoins, sinon des failles, quelques zones d’ombre. Le principal reproche qu’on pourrait lui faire, c’est de ne pas laisser de place à la singularité, à la différence, à la complexité. Soucieux avant tout de faire triompher sa théorie, Girard généralise sans nuance, parfois à outrance. N’existe-t-il pas des sacrifices qui n’entrent pas dans la logique du bouc émissaire (les sacrifices d’offrandes) ? Ne peut-on pas trouver des peuplades qui usent du bouc émissaire sans sacraliser ce dernier (ex : les aborigènes d’Australie qui ignorent les dieux). La théorie est aussi fragile à la base, en ce sens qu’elle s’appuie sur une conception du désir qui écarte toute dimension pulsionnelle (vouloir instinctivement une chose pour elle-même). Le désir, pour Girard, n’est que mimétique, c’est-à-dire un processus cérébral. Or, peut-on faire l’économie de la libido dans les rapports humains ? Ne peut- on pas penser que la difficulté d’assouvir son désir est autant sinon plus génératrice de violence que la rivalité mimétique ? Enfin n’est-ce pas accorder une importance exagérée au message évangélique que d’en faire le seul et unique texte à dire la Vérité sur le mécanisme victimaire ?

Reste que, en dépit de son caractère totalisant (une seule explication pour tout !) cette théorie est particulièrement bienvenue aujourd’hui pour expliquer ce qui nous arrive, à savoir la prolifération du désir consumériste, la résurgence de la violence en contexte civilisationnel, le processus de désignation du coupable (l’immigré, l’étranger, etc.), la recherche effrénée de spiritualité. La pensée de Girard n’a pas perdu de son efficacité car, contrairement aux apparences, ce qu’il y a de primitif en chaque homme n’est pas éradiqué et peut ressurgir à tout moment, surtout en temps de crise. Grâce à cette pensée originale, nous sommes donc en mesure de mieux comprendre conjointement la nature biaisée de notre désir, les causes profondes de notre violence, et notre aspiration instinctive au sacré.

Bibliographie

Notes

1 La Nuit du chasseur (titre original : The Night of the Hunter) est un film américain réalisé par Charles Laughton en 1955. Le pasteur Harry Powell, le méchant persécuteur d’enfants, est lynché par les « bons » américains.

2 M le maudit (M – Eine Stadt sucht einen Mörder) est un film allemand réalisé par Fritz Lang, sorti en 1931. Un meurtrier d’enfant jette les habitants d’une grande ville allemande dans la terreur et l’hystérie si bien que la police et même la pègre, tous alliés contre lui, se mettent toutes les deux à sa poursuite.

3 Œdipe roi (en grec ancien Οἰδίπoυς τύραννoς / Oidípous Týrannos, en latin Œdipus Rex) est une tragédie grecque de Sophocle, entre 430 et 415 avant J.-C.

4 La consécration du philosophe a eu lieu récemment, en 2005, avec son élection à l’Académie.

René Girard

René Girard

Source : Le « Bouc émissaire ».

Pour aller plus loin : Violence mimétique et géopolitique d’après une lecture systémique de René Girard, par Gérard Donnadieu.

Source: http://www.les-crises.fr/le-bouc-emissaire-par-rene-girard/


[IMPORTANT] Le centre Simon Wiesenthal condamne fermement les décisions prises par le parlement ukrainien d’assimiler le Nazisme et le Communisme et de reconnaître les collaborateurs nazis locaux comme des « combattants de la liberté »

Friday 17 April 2015 at 13:41

Je vous avoue que c’est le genre d’information qui remotive – on se sent moins seul, et du bon coté de la barrière…

Mentions spéciale à nos médias pour la reprise de cette information, que vous avez donc probablement déjà vue sur TF1, France culture, Libération…

Le communiqué du centre Simon Wiesenthal du 12/04/2015

Le centre Simon Wiesenthal condamne fermement les décisions prises par le parlement ukrainien d’assimiler le Nazisme et le Communisme et de reconnaître les collaborateurs nazis locaux comme des « combattants de la liberté »

12 avril 2015 (Source)

Jérusalem – Le centre Simon Wiesenthal a durement critiqué ce jour les deux décisions prises la semaine dernière par le Parlement ukrainien (Verkhova Rada) d’assimiler les crimes du Nazisme et du Communisme en interdisant les deux régimes et de reconnaître les collaborateurs nazis locaux comme des « combattants de la liberté », leur permettant ainsi de bénéficier d’avantages particuliers.

Dans une déclaration réalisée ce jour par son Directeur pour l’Europe orientale, l’historien de l’Holocauste Efraim Zuroff, le Centre a qualifié ces décisions de distorsion scandaleuse de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste.

Selon Zuroff :

« Le vote d’une interdiction du nazisme et du communisme consiste à mettre à égalité le régime le plus génocidaire de l’histoire humaine avec le régime qui a libéré Auschwitz et contribué à mettre fin au règne de la terreur du Troisième Reich.

Dans le même esprit, la décision d’honorer les collaborateurs nazis locaux et de les gratifier d’aides spéciales transforme les hommes de main d’Hitler en héros, en dépit de leur participation active et zélée au meurtre de masse de Juifs innocents.

Ces tentatives de réécrire l’Histoire, qui sont répandues à travers les pays anciennement communistes d’Europe de l’Est, ne pourront jamais effacer les crimes commis par les collaborateurs nazis de ces pays, et ne font que prouver qu’ils ne disposent clairement pas des valeurs occidentales qu’ils prétendent avoir adoptées lors de leur transition vers la démocratie. »

Pour plus d’information : Dr. Efraim Zuroff 972.50.721.4156 Twitter: @EZuroff, rejoignez le Centre sur Facebook, www.facebook.com/simonwiesenthalcenter, ou suivez @simonwiesenthal pour des mises à jour envoyées directement sur votre compte Twitter.

Le Centre Simon Wiesenthal est une des plus vastes organsiations juives internationales de défense des Droits de l’Homme avec plus 400 000 familles membres aux États-Unis. C’est une ONG reconnue par des agences telles que les Nations Unies, l’UNESCO, l’OSCE, l’OEA, le Conseil de l’Europe et le Latin American Parliament (Parlatino).

La référence

Je vous renvoie à l’étude de ces collaborateurs ukrainiens réalisée sur le blog l’été 2014 (je me doutais bien que ça ressortirait cette histoire…) :

http://www.les-crises.fr/le-sort-des-juifs-en-galicie-1/

https://www.les-crises.fr/le-sort-des-juifs-en-galicie-2/

https://www.les-crises.fr/u3-6-l-upa-en-action-et-les-massacres-de-la-volhynie/

En mai 1941, lors d’une réunion à Cracovie la direction de l’OUN-B (l’organisation des nationalistes ukrainiens) indiqua que « Les Juifs en URSS constituent le soutien le plus fidèle du régime bolchevique, et l’avant-garde de l’impérialisme moscovite en Ukraine. Le gouvernement moscovito-bolchévique exploite les sentiments anti-juifs des masses ukrainiennes pour détourner leur attention de la véritable cause de leur malheur et de les canaliser dans un moment de frustration dans les pogroms contre les Juifs. L’OUN combats les Juifs en tant que pilier du régime moscovito-bolchévique et, simultanément, il rend les masses conscientes du fait que l’ennemi principal est Moscou. »

Lors de cette réunion, l’OUN a adopté le programme « Lutte et l’action de l’OUN pendant la guerre » qui décrit le plan d’action lors du début de l’invasion nazie de l’URSS. Dans la section G de ce document – « Directives pour les premiers jours de l’organisation du nouvel État ukrainien », est dressée la liste des activités à mener durant l’été 1941. Dans le paragraphe « Politique envers les minorités » l’OUN-B ordonne :

« Les Moscovites, les Polonais et les Juifs nous sont hostiles et doivent être exterminés dans cette lutte, en en particulier ceux qui résisteraient à notre régime : il faut les reconduire dans leurs terres, surtout : détruire leur intelligentsia qui pourrait être dans des positions de pouvoir. […] Les soi-disant paysans polonais doivent être assimilés, et il faut détruire leurs leaders. […] Les Juifs doivent être isolés, relevés de leurs fonctions gouvernementales pour empêcher le sabotage, et ceux qui sont jugés nécessaires ne pourront travailler qu’avec un surveillant. […]L’assimilation des Juifs n’est pas possible. »

Le 25 juin 1941, Stetsko – le futur « chef de l’État », donc -, dans un rapport à Bandera, écrivait déjà :

«Nous créons une milice qui aidera à éliminer les Juifs et à protéger la population. ».

Déclaration de I. Stetsko, nationaliste ukrainien désigné comme président de l’éphémère “Ukraine libérée” en juillet 1941 :

« Bien que je considère que c’est Moscou, qui en fait tient l’Ukraine en captivité, et non pas les Juifs, comme l’ennemi principal et décisif, je considère tout de même pleinement le rôle indéniablement nuisible et hostile des Juifs, qui aident Moscou à asservir Ukraine. Je soutiens donc la destruction des Juifs et la pertinence de l’apport des méthodes allemandes d’extermination des Juifs en Ukraine, plutôt que de tenter de les assimiler. » (aout 1941…)

À droite, un nouveau “héros” ukrainien, emmenant des Juifs à l’abattage en 1941…

Un ghetto de 120 000 Juifs est créé à Lviv fin 1941. Il sera entièrement liquidé en deux ans dans le camp d’extermination de Belzec. Au retour des Soviétiques en juillet 1944, il ne restait environ que 800 Juifs survivants – dont le célèbre chasseur de nazis Simon Wiesenthal – dont on comprend la vigilance du centre en Ukraine…

Simon Wiesenthal

La nouvelle loi 2558

Vous notez que notre presse n’a pas repris l’information sur la loi 2558, votée par 254 députés sur 450, à l’initiative du député Youri Choukhevytch, fils du chef de l’UPA Roman Choukhevytch (qui avait déjà organisé plsuieurs assassinats politiques avant la guerre, comme celui du ministre de l’Intérieur polonais, Bronisław Pieracki).

En revanche, la presse israélienne l’a fait, comme le Jerusalem Post ici

On apprend ici et ici (merci la BBC) que  :

Vous aurez compris que la condamnation du nazisme, si elle est toujours bonne à prendre, est le paravent de l’objectif réel de l’interdiction du communisme. J’attends de voir comment ils vont faire pour appliquer cette loi dans les bataillons armés fascistes…

Bref, ENFIN, une vraie loi de réconciliation nationale qui va souder le pays !

politique ukraine

Vous lirez ici les exploits de l’UPA, tel (ici sur Wikipédia) le massacre de 60 000 civils Polonais en 1943

Victimes polonaises de l’UPA à Lipniki

Victimes polonaises de l’UPA

Donc pour finir, merci au nouveau parlement “pro-occidental” (élu en octobre 2014 pour mémoire, sous les vivas de not’ bonn’ presse) !

Et on finit par Libération :

et :

RIP Ukraine…

Source: http://www.les-crises.fr/centre-simon-wiesenthal-nazisme-communisme-ukraine/


[Attention] Bernard Cazeneuve qualifie de “terroriste” la cyberattaque contre TV5 Monde

Friday 17 April 2015 at 13:07

Ils sont forts quand même…

Alors comme ça, un délit condamnable visant à couper une chaine quelques heures est désormais du TERRORISME.

Et donc, approuver ceci, même sur le ton de l’humour, dans un esprit de “bonne leçon aux merdias” (ce que nous ne faisons nullement sur le blog www.les-crises.fr, je précise), c’est donc de l’apologie du terrorisme, prison toutçatoutça alors…

Question au ministre : dans ce cas, une grève du personnel de France Inter ou des NMPP, ça qualifie aussi comme “terroriste” alors  ?

Hmmm, je commence à mieux voir la forme qu’aura le prochain régime autoritaire… Merci aux fauxcialistes en tous cas pour bien préparer le terrain ! - ce ne sera pas la première fois

P.S. amusant ce papier de Arrêts sur Images, ou on voit que ces crétins de TV5 ont mis à l’antenne en arrière-plan de leur locaux le mot de passe hautement sécurisé de leur compte Youtube : lemotdepassedeyoutube !

Source: http://www.les-crises.fr/attention-bernard-cazeneuve-qualifie-de-terroriste-la-cyberattaque-contre-tv5-monde/


Le défi Tsípras, par Jean-Michel Naulot

Friday 17 April 2015 at 05:25

Le silence qui entoure les négociations entre la troïka – car c’est bien d’elle qu’il s’agit – et le gouvernement grec ne laisse rien présager de bon. Il rappelle ces quelques jours qui ont précédé la faillite de Lehman Brothers où le gouvernement américain et les autorités monétaires décidèrent de ne pas secourir la banque d’affaires pour «faire un exemple». Dans les jours qui suivirent, quelques banquiers se félicitèrent de voir tomber un concurrent. Ils regrettèrent vite leurs propos en apercevant l’onde de choc terrible qui arrivait, avec une crise de liquidités sans précédent. Cette fois, l’onde de choc pourrait être non pas financière mais politique. A moins que la raison ne finisse par l’emporter sur un bras de fer destructeur pour l’Europe tout entière.

D’où vient donc la tranquille assurance des dirigeants de l’Eurogroupe, alors même que la situation financière de la Grèce se détériore de jour en jour avec la fuite des capitaux ? De la certitude que la Grèce n’a pas le choix et qu’elle ne peut qu’accepter les réformes. Les dirigeants européens ont le sentiment qu’avec une dette publique financée à 80% par les Etats, le FMI et la BCE, le rapport de force est en leur faveur. De plus, ils savent qu’en cas de sortie de l’euro sans restructuration de la dette, celle-ci bondirait immédiatement puisque, lorsque la dette est financée par des prêts intergouvernementaux, ce n’est pas le droit des titres qui s’applique mais le droit des Etats prêteurs. Avant les élections, Angela Merkel avait tenu à faire passer le message : pour les Grecs, ce sera à prendre ou à laisser, soit l’acceptation des réformes dans la continuité de la politique précédente, soit la sortie de l’euro. Jean-Claude Juncker avait ajouté après les élections :«Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités.» La Grèce ne pouvait que supporter le prix des fautes commises.

On a un peu oublié que tout au long de l’hiver 2010, Angela Merkel s’était déjà opposé à toute aide à la Grèce, même minime. Jusqu’à ce fameux week-end de mai 2010 où elle prit conscience que si elle n’aidait pas la Grèce, les banques françaises et allemandes se retrouveraient en grande difficulté. Celles-ci détenaient en effet une vingtaine de milliards d’euros de dette grecque et leur exposition au risque approchait la centaine de milliards ! Le système financier menaçait de s’effondrer. Les aides débloquées par les Etats européens et le FMI permirent de faire face à un vrai risque systémique en substituant les contribuables aux banques et aux investisseurs. Aujourd’hui, Angela Merkel fait logiquement l’analyse que ce risque systémique n’existe plus puisque les banques ne sont plus en première ligne. Mais elle sous-estime le risque politique qui, lui, s’est accru.

Aléxis Tsípras sait en effet que les prêts gigantesques de la zone euro à la Grèce sont une arme politique redoutable entre ses mains, la seule qu’il lui reste. Demain, s’il décidait de rompre sur le programme de réformes, et s’il était dans l’impossibilité de faire face aux échéances financières, dans quelle situation se retrouveraient les dirigeants européens ? Comment pourraient-ils expliquer à leurs électeurs et surtout à leurs contribuables qu’ils viennent de perdre plus de 300 milliards d’euros en l’espace de cinq ans (195 milliards au titre des prêts intergouvernementaux ; 27 milliards au titre des achats de dette souveraine par la BCE ; 91 milliards au titre de l’Eurosystème Target2 garanti par les Banques centrales nationales, donc par les Etats, un montant qui a doublé depuis trois mois), soit au total plus de vingt fois le montant des aides accordées à l’Argentine au début des années 2000 ? Et, comment expliquer qu’après cinq ans de réformes imposées par la troïka, ils laissent la Grèce avec un produit national en baisse de 25%, un taux de chômage de 26% (51% chez les jeunes), une dette qui a progressé de 120% à 175% du PIB et une pauvreté honteuse dans une zone euro pourtant censée faire converger les politiques (plus de 80% de la population au chômage sans indemnité) ?

Face à Aléxis Tsípras, Angela Merkel se retrouve dans la position de l’ambassadeur d’Union soviétique venu voir De Gaulle en pleine crise de Cuba. A l’ambassadeur qui le menaçait d’une guerre nucléaire si les Occidentaux ne renonçaient pas à leurs missiles, De Gaulle avait répondu : «Eh bien, Monsieur l’ambassadeur, nous mourrons ensemble !» Compte tenu de l’opinion publique allemande à l’égard de la Grèce, Angela Merkel pourrait jouer son avenir politique sur un défaut de paiement de la Grèce. Derrière la fermeté de la chancelière, il y a une grande fragilité que l’on se garde bien d’évoquer.

Pour surmonter ce dilemme – une crise démocratique grave en Grèce en faisant respecter les «règles» ou bien une crise politique grave au sein de la zone euro en provoquant le défaut de paiement – il existe une solution qu’un homme d’Etat de 89 ans vient d’évoquer : la «friendly exit». Prenant acte de l’impasse dans laquelle la troïka et la Grèce sont arrivées, Valéry Giscard d’Estaing a proposé d’organiser une sortie amicale de la Grèce de la zone euro. On peut en dessiner les contours : rétablissement de la drachme, conservation de l’euro pour les échanges extérieurs (cohabitation de deux monnaies comme ce fut le cas au sein de l’ensemble de la zone euro de 1999 à 2002), annulation partielle de la dette, maintien de la Grèce dans l’UE.

Aléxis Tsípras impressionne par sa capacité de résistance et sa force de caractère. Jusqu’où ira-t-il ? Dans Les chênes qu’on abat… De Gaulle confiait à Malraux : «Au fond, vous savez, mon seul rival international, c’est Tintin ! Nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands.» A la politique hégémonique des deux superpuissances, De Gaulle opposait la détermination, l’habileté, parfois la ruse. Face à des dirigeants pour le moins intransigeants et financièrement tout-puissants, Alexis Tsípras fera-t-il usage de qualités semblables ? Il rendrait un grand service à tous ces peuples qui, d’élection en élection, ne savent plus comment se faire entendre du côté de Bruxelles.

Jean-Michel Naulot, tribune dans Libération, 15/04/2015

 

 

 

Source: http://www.les-crises.fr/le-defi-tsipras-par-jean-michel-naulot/


L’isolement de la Russie 3/6 : La Russie ne produit rien, par Nicolas

Friday 17 April 2015 at 04:30

Ceci est la troisième partie d’une série sur l’isolement de la Russie. La première partie est : L’isolement de la Russie 1/5 : l’effondrement de 1991. La deuxième partie est L’isolement de la Russie 2/5 : Forces de l’économie russe face aux sanctions, dans laquelle j’ai montré que l’économie russe avait quelques points forts typiques des pays sous-développés : raffinage, industrie spatiales, aviation militaires, tanks, centrales hydro-électriques et nucléaires… Dans cette troisième partie, je me concentre sur les secteurs industriels les plus faibles de l’économie russe, qui pèsent le plus lourd sur la balance commercial russe, pour vous montrer qu’en dehors des quelques petits domaines cités, l’économie russe est en lambeaux. Sinon, ça reviendrait à dire qu’Obama ment, ce qui serait vraiment impensable.

Structure des importations vers la Russie en 2012

Structure des importations vers la Russie en 2012 : 92,6 Md$ de «machines», 58,1 Md$ dans le secteur «transport», 32,2 Md$ de produits chimiques (inclut les médicaments), 16,3 Md$ de plastiques et caoutchoucs (MIT)

6. Chimie

Production chimique russe

Production chimique russe. Attention aux échelles, choisies pour montrer ensembles des données très différentes. Chiffres GKS, graphe moi. J’ai appliqué des coefs pour faire “coller” les données 1991-2008 au reste : quelques % d’imprécision.

Concernant la chimie dans son ensemble, Dmitry Medvedev a annoncé en février 2015 qu’il fallait réduire les importations, c’est à dire que, sans fermer la porte aux importations chinoises, allemandes et autres, les entreprises devaient tenir compte des intérêts du pays. Pas de mesure concrète pour l’instant, mais le gouvernement est attentif à la situation dans ce secteur. La Russie a importé 48,5 Md$ de produits chimiques et plastiques en 2012, contre 33,1 Md$ d’exportations, c’est donc un secteur qui pèse encore très négativement sur la balance commerciale russe. Les exportations sont dominées par les engrais (près de 12 Md$), secteur traditionnellement important de l’industrie chimique russe, encore renforcé en 2014 avec une nouvelle usine.

La production russe de pneus (principal produit importé dans la catégorie produits chimiques selon la classification «HS» =  «Standard harmonisé») reste insuffisante, mais une usine Bridgestone ouvrira en 2015, et la grande usine Continental ouverte en 2013 s’agrandit et atteindra 16 millions de pneus par an. Les besoins d’importations de pneus sont donc en baisse rapide.

La Russie est depuis les années Ieltsine un grand importateur plastiques, notamment PS, PVC, PETF, tuyaux en PE, et films barrières pour l’emballage alimentaire. Mais sa production de plastique est en forte croissance (environ 9% par an depuis 1996 soit +350% jusqu’en 2013), et au moins un site de production pour chacun des produits cités a été ouvert depuis mars 2014. Ces sites pourraient rendre la Russie autosuffisante en chacun de ces produits : L’usine de PVC de Rusvinil (Solvay / BASF) est l’une des plus grandes du monde avec plus de 300 000 tonnes par an.

La Russie deviendra même exportatrice nette de polymères à l’ouvertures de deux usines dont la construction est en cours. La première est celle de Sibour à Tobolsk (9,5 Md$ investis) qui produira 500 000 tonnes de PE et 1 500 000 tonnes de PP par an. La seconde est celle de Kabardino-Balkarie, qui sera la première usine d’un grand centre dédié à la pétrochimie et à l’industrie agro-alimentaire (la production de l’usine servira donc avant tout à emballer les produits agricoles du Nord-Caucase). Ce centre produira «tous types de polymères» et pourrait employer 75 000 personnes. La Kabardino-Balkarie étant une région pauvre, ce serait un progrès économique important. Selon le responsable, le Caucase Nord pourrait cesser d’être une région à charge de la Russie grâce à ce projet.

Si la Russie reste importatrice de plastiques techniques, sa production ne se limite pas aux polymères les plus basiques, avec notamment l’ouverture en 2015 d’une usine de «compounds» de polymères pour l’isolation électrique. L’usine est également exportatrice de polyamide et de caoutchouc synthétique (SBR). Le POM (polyformaldéhyde) est le dernier polymère importé en très grandes quantités.

En dehors des polymères, l’usine Rusvinil produit également de la soude caustique, et d’énormes investissements sont en cours en Extrême-Orient pour des sites de production d’ammoniac (1 Mt par an), de méthanol (1 Mt par an) et d’urée (2 Mt par an), avec un début d’exploitation prévu dès 2018 après des investissements qui se comptent en centaines de milliards de roubles. La Russie était le deuxième exportateur d’ammoniac en 2012, et devrait prendre la première place grâce à ce projet.

7. Automobile et transports

Production de voitures en Russie

Production de voitures en Russie. 2009 fut catastrophique, 2015 ne sera qu’une bourrasque, en comparaison. Les USA n’arrivent pas à nuire autant à l’économie russe en y mettant tous leurs efforts que quand ils ne le font pas exprès (Cf. “subprimes”).

La Russie a hérité de l’époque soviétique une industrie automobile importante mais technologiquement en retard sur la concurrence internationale. Afin de favoriser son industrie automobile, le gouvernement russe a imposé des droits de douane élevés sur les automobiles importées, ce qui a forcé la plupart des producteurs à construire des usines en Russie pour d’abord assembler des voitures à partir de pièces produites à l’étranger, puis à augmenter progressivement la proportion de pièces produites en Russie dans leurs voitures. Cette volonté politique ferme a permis de moderniser progressivement l’industrie automobile russe. Le résultat se fit sentir dès 2003 à travers une forte croissance de la production locale jusqu’à 2012 (avec une interruption en 2009). Renault-Nissan, qui contrôle le géant russe AvtoVAZ (Lada), est le principal acteur étranger en Russie, mais de nombreux autres y sont présents : Peugeot, Citroën, Mitsubishi, Volvo, Ford, Volkswagen, Toyota, Hyundai, Kia, Audi, Mercedes-Benz, Scania, MAN, Navistar, Iveco, Ssang Yong, GM (Opel, Chevrolet et Cadillac), Mazda, BAW, BYD, Chery, Lifan et Great Wall ont tous au moins un site d’assemblage en Russie, en propre ou partagé avec un partenaire local. En 2012, la Russie a dépassé la France et l’Espagne en nombre de voitures produites.

La dernière usine de Continental en Russie

La dernière usine de Continental en Russie, ouverte en juin 2014.  De nombreux investisseurs étrangers ont apporté la qualité allemande à l’industrie automobile russe, réduisant rapidement la demande en véhicules importés. Entre pièces de voitures et pneus, Continental emploie environ 1300 personnes en Russie.

En 2012, le secteur automobile plombait la balance commerciale russe de plus de 40 Md$ (en additionnant les voitures, les pièces de voitures, les châssis de voitures, les camions et les tracteurs). Aucun autre secteur n’est aussi déficitaire dans la balance commercial de la Russie. Cependant grâce à la politique volontariste du gouvernement et grâce aux énormes investissements ce secteur, notamment par les compagnies étrangères qui veulent leur part du marché russe, la Russie pourrait devenir exportatrice nette de véhicules avant 2025. Le processus est évidemment progressif, il faut encore ouvrir beaucoup de nouvelles usines dans ce secteurs, et il faut donc encore beaucoup d’investisseurs étrangers. Au moins 26 sites de production ou ligne de production dans le domaine des transports ont ouvert depuis mars 2014 (en incluant les tracteurs, bus, trolleybus, chasse-neiges, motos), soit 2 par mois, et d’autres sont en construction. Il s’agit essentiellement de production d’éléments spéciaux à l’industrie automobiles qui restent majoritairement importés (câbles électriques, jauges d’essence, boulons…) mais aussi des usines d’assemblages de constructeurs qui n’étaient pas encore présents en Russie. Tous ces développements permettent de fortement réduire les importations de voitures (-16% en 2013) et d’augmenter les exportation (+21% en 2013). Les consommateurs russes ont désormais l’embarras du choix, et seuls ceux qui souhaitent des véhicules haut-de-gamme achètent des véhicules importés : Environ 700 000 en 2014, probablement moins de 600 000 en 2015.

Concernant les nouveaux sites d’assemblage, l’usine en construction à Toula devra produire 150 000 voitures par an dès 2020. On constate que les autres projets récents sont fortement orientés vers l’exportation, avec deux clusters en cours de construction. Le premier cluster est à Vladivostok et assemble déjà des voitures Toyota et est en cours d’agrandissement. Le second cluster, “Avtotor”est très ambitieux puisque 21 usines doivent se consacrer à la production automobile dans la région de Kaliningrad. 7 sont déjà construites, 3 en construction, et ce cluster doit produire 350 000 voitures dès 2020 (270 000 en 2014). L’emplacement d’Avtotor, entre la Pologne et la Lituanie, sur la Mer Baltique, devrait lui permettre d’exporter vers l’Europe du Nord. L’objectif annoncé est de vendre au moins 20% de la production à l’étranger.

Pour faire face à la crise qui frappe actuellement le secteur (les ventes de voitures pourraient baisser de 40% en 2015), le gouvernement dépense des milliards de roubles afin de préserver les emplois, et le ministère de l’industrie subventionne l’achat par les communes de trolleybus et de tramways, ce qui permettra d’augmenter de 50% leur production par rapport à 2014. Du côté des mauvaises nouvelles, notons qu’Opel (groupe GM) cesse sa production en Russie, car elle cette production était trop peu localisée et que l’heure n’est pas aux gros investissements. Dans la foulée, le sud-coréen Ssan Yong a annoncé qu’il n’importerait plus de voitures vers la Russie jusqu’à ce que le cours du rouble remonte. Cependant, sa production de véhicules tous terrains à Vladivostok se poursuit. C’est à dire que les marques étrangères qui utilisent le plus des pièces produites localement s’en tirent le mieux, et que les importations s’effondrent. Seat, Peugeot, Dodge, Honda et Mazda ont également annoncé la fin de leurs modestes exportations vers la Russie. Selon les chiffres de janvier-février 2015, parmi les constructeurs ayant importé plus de 500 véhicules en janvier-février 2015, seules les voitures Mercedes-Benz, BMW, Lexus et Porsche ont augmenté leurs ventes. Ces marques représentent ensemble 6,3% du nombre de voitures vendues en Russie (dont une petite part assemblée en Russie), à comparer aux 34,7% du total des ventes du groupe Renault-Nissan et 11,3% du second, le groupe VW (Audi incluses). Plusieurs sites d’assemblage sont également à l’arrêt, mais ceux qui sont les plus touchés sont ceux, comme Opel, dont la production utilise le moins des pièces produites localement. Il faut donc s’attendre à ce que le poids du secteurs automobile dans la balance commerciale de la Russie s’allège de plusieurs milliards de dollars en 2015. Mercedes, qui assemble des voitures en partenariat avec AvtoGAZ, pourrait même annoncer en mai la création de son propre site d’assemblage en Russie pour satisfaire la demande.

Concernant les camions, Kamaz se montre optimiste, grâce à la baisse du cours du rouble qui devrait permettre d’augmenter sensiblement les exportations dans le monde entier. Dans l’ensemble, l’augmentation des exportations permettront de compenser une partie (de l’ordre de 10% ou 15%) de la chute du marché intérieur. Avtovaz espère par exemple presque doubler ses exportations et arriver à 100 000 voitures exportées, principalement vers le Kazakhstan. AvtoVAZ comme GAZ prévoient de commencer en 2015  à exporter vers l’Europe.

Dans le domaines des innovations, Kamaz et la société russe “Cognitive Technologies” (impliquée dans la conception du Technopôle de Skolkovo) commenceront à produire des camions sans chauffeur en 2015. Les véhicules électriques se développent doucement, principalement des voitures de golf (quelques centaines par an), et les premières motos électriques russes seront commercialisées à l’été 2015.

Tracteur Torum 740

Les voitures russes s’exportent encore très peu, et surtout en CEI. Les tracteurs Rostselmach par contre s’exportent déjà en Allemagne et au Canada (Rostselmach)

De 2007 à 2012, la part des importation de voitures et pièces de véhicules est passée de 12,0% du total des importations russes à 10,5%. Cette baisse devrait s’accélérer par l’ensemble des facteurs mentionnés : les nouvelles usines en Russie, les subventions aux constructeurs, le renforcement de la localisation de la production, et la faiblesse du rouble. Dans le même temps, les exportations de véhicules deviennent significatives, partant de 1 Md$ en 2012.

Le seul secteur des transports dans lequel la Russie restera encore longtemps importatrice est celui des trains à grande vitesse : c’est Siemens qui produit les TGV russes près de Düsseldorf. Début de progrès dans ce domaine, la production de roues de TGV a commencé en Russie en 2014. Siemens emploie environ 3000 personnes en Russie, et aura bientôt un centre d’entretien des TGV en banlieue de Saint-Pétersbourg, qui permettra d’importer des compétences dans ce domaine.

Un point sur l’Ukraine : La Russie importait encore en 2013 plus de 5000 voitures ukrainiennes par an (10% de la production). Les deux producteurs ukrainiens ont annoncé, dès les premiers mois de la crise, la fin de leur livraisons vers la Russie. Les deux producteurs ukrainiens se consacrent désormais aux véhicules militaires. Dans le domaines du transport ferroviaire, les usines russes prendront quelques dizaines de milliers d’emplois ukrainiens : en effet la Russie importait encore en 2012 2,6 milliards de dollars de matériel ferroviaire ukrainien. En revanche, la Novorossie souhaite s’intégrer à l’espace économique russe, en contribuant par son industrie au programme russe de remplacement des importations. Par exemple, une usine de matériel ferroviaire de Lougansk a partiellement déménagé près de Rostov mais passe des commande à Lougansk, tandis qu’une autre usine de la banlieue de Lougansk est en cours de réparation après sa destruction par l’armée de Kiev.

8. Hautes technologies

dima-solaire

Dmitry Medvedev tague le premier panneau solaire produit en Russie, février 2015 (Rosnano)

Le champion du secteur est Rosnano, un fond d’investissement visant à développer, en partenariat avec des entreprises privées, la production d’équipements de haute technologie en Russie, en particulier dans les domaines de l’énergie (solaire notamment), des nano-matériaux, des biotechnologies, de l’ingénierie mécanique, de l’optoélectronique. Rosnano a créé une filiale dans la Silicon Valley et en Israël pour y développer des partenariats. Parmi les projets déjà développés récemment ou en cours de production : une usine d’opto-électronique et de micro-électronique (Mapper-Lythography) à Moscou, une production de détecteurs neutroniques d’explosifs (Neutron Technologies) près de Moscou, une usine de plastiques à effet barrière (Ouralplastic, pour l’emballage alimentaire notamment) près de Iekaterinbourg, une production de panneaux photovoltaïques (Hevel) en Tchouvachie, une production de puces RFID près de Moscou, et enfin une usine de production de verre à “nano-revêtements” (meilleure isolation thermique) près de Moscou. Des projets “hi-tech” en tous genre activement soutenus par le gouvernement russe. Rosnano doit être partiellement privatisé, mais le président russe a exclu de la privatiser entièrement.

Le champion des technologies militaires, Rostec, participe également de façon soutenue aux secteur des hautes technologies civiles. On peut citer sa composante Chvabe, spécialisée dans l’opto-électronique. Parmi ses innovations des derniers mois, citons un nouveau procédé, beaucoup plus efficace et économique, de fabrication de verre au phosphate pour la production de lasers. Chvabe a également annoncé en janvier 2015 la construction à Kazan d’une ville scientifique axée sur l’optoélectronique, qui développera également une école basée sur internet pour les enfants surdoués.


Technopôle Skolkovo Présentation en anglais. Comparable à Sophia-Antipolis, mais plus moderne. C’est l’un des deux grands technopôles russes en construction, avec Innopolis en banlieue de Kazan, qui sera beaucoup plus grand. Plusieurs pôles d’innovation plus spécialisés (titane, opto-électronique) sont également en préparation ou en cours de construction.

Également porté par Rosnano, il faut signaler la cité d’innovation Skolkovo à Moscou : un nouveau pôle d’innovation, prévu pour qu’environ 25 000 personnes (comme à Sophia-Antipolis) travaillent dans différents domaines des hautes technologies. Le gouvernement russe y consacrera au moins 125 milliards de roubles, mais les investissements privés doivent aussi apporter au moins la moitié des fonds.

Dans le domaine des imprimantes 3D, la Russie a démarré avec un temps de retard : Boeing produit déjà des centaines de pièces, pour 10 avions différents, avec cette technologie. Les leaders du secteurs sont aux États-Unis, en Allemagne et en Chine. La Russie a commencé à prendre des mesures pour rattraper le retard. En février 2015, lors d’une conférence consacrée aux “additifs”[1], le vice premier-ministre Rogozine a fixé l’objectif d’avoir une production industrielle d’équipements militaires et civils dès 2020 ou 2025 au plus tard. Mais les industriels russes n’attendent pas. En février 2015, une imprimante 3D («la meilleure du monde» en terme de solidité des produits obtenus, selon la source) a été construite à Skolkovo, et sera utilisée pour la production de pièces destinées à l’industrie aérospatiale. Le moteur d’avion PD-14 en cours de développement a reçu sa première pièce imprimée en février 2015. Dans les autres domaines, parmi d’autres projets, une entreprise de Tver prépare des additifs pour l’impression de maisons. Ces additifs pourraient être disponibles dès 2016. Une équipe scientifique de Tomsk commence à préparer des «additifs» destinés aux conditions extrêmes : l’Arctique, le fond de l’Océan, l’espace (à imprimer dans la station spatiale). Les technologies d’imprimantes 3D se développent également dans le domaine médical. Cela permet déjà de produire des prothèses fonctionnelles (e.g. avec des doigts articulés) à un prix fortement réduit. Il n’y avait pas en Russie de production de prothèses fonctionnelles. Cela a changé en 2014 grâce aux imprimantes 3D, ce qui pourrait améliorer la vie de nombreux Russes handicapées qui ne peuvent obtenir des prothèses américaines trop chères.

8.1 Production micro-électronique et radio-électronique

mapper-lithography

Mapper-lithography, dans la région de Moscou, produit des équipements lithographiques (pour la production de circuits intégrés). C’est l’un des nombreux projets Rosnano qui ont abouti depuis un an.

L’électronique, ce ne sont pas que des smartphones et des consoles de jeux produits en Asie avec des technologies de lithographie 28 nm et moins. En avril 2014, un Su-24 équipé du système Khibiny a brouillé le systèmes américain Aegis, rappelant à ceux qui en doutait que la Russie avait encore quelques compétences dans le domaine. Brouiller le système Aegis des navires américains, c’est un peu les transformer en tigre sans dents ni griffes : une peluche, mais en plus cher. Le cœur de la microélectronique russe reste Zelenograd, une ville nouvelle créée en 1956 au nord de Moscou et dédiée à la microélectronique. À la chute de l’URSS, la microélectronique russe a commencé à prendre un retard technologique considérable, stagnant pendant plus de 10 ans. Le marché intérieur en cartes SIM puis en diverses cartes électroniques (cartes de transports en commun, cartes bancaires, cartes d’accès…) a permis de faire émerger les entreprises privées du secteur.

Parmi les nombreuses nouveautés concernant la production microélectronique russe depuis 2014 on peut citer :

Le groupe Mikron (Zelenograd, 3000 employés, 9,8 Md roubles de CA en 2013) a acquis, en partenariat avec STMicroelectronics, la technologie de lithographie 180 nm en 2006, puis 90 nm en 2012. Début 2014, Mikron a commencé à produire le processeur Elbrous-2SM, et a maîtrisé la technologie 65 nm. Mikron  produit également, outre des processeurs, des puces pour les appareils utilisant le système GLONASS et des puces pour adaptateurs électriques (très peu chers mais produits par millions). Elbrous est un processeur conçu par MCST (Moscou). MCST a lancé la production (à Taïwan, car la Russie n’a pas encore de “fab” 28 nm) du successeurs, l’Elbrous-8S, qui est plus puissant que l’Intel iCore 7 (250Gflops, il est possible d’en unir 4 pour faire un serveur de 1 Tflops).

Monokub de MSCT

Ordinateur Monokub, conçu et assemblé en Russie par MCST, autour d’un microprocesseur Elbrus-2SM conçu par MCST et produit en Russie par Mikron. Cet ordinateur est fourni avec l’OS russe “Elbrous” (Linux), certifié sans “backdoor”, et certifié protégé contre les accès non autorisés. Les récentes avancées russes en informatique devraient leur permettre de ne plus dépendre ni de Microsoft ni d’Intel pour leurs systèmes sensibles. Mais à part ça la Russie ne produit rien. Image MCST

La holding Électronique Russe* (ou “Rosselektronika”, partie de Rostec) est un acteur majeur des hautes technologies en Russie dans le domaine militaire comme civil. Parmi ses contributions aux hautes-technologies civiles on peut mentionner sa production d’équipements médicaux, de circuits intégrés, d’électronique quantique, d’électronique pour les biens de consommation etc. Rosselektronika a divers partenariats avec des entreprises étrangères, notamment, Alcatel-Lucent et Sumitomo.

De leur côté, Rosnano, Rostec* et T-platforms (son dernier superordinateur est le 22ème plus puissant du monde, il produit également des caisses enregistreuses) préparent le microprocesseur Baïkal, qui devrait être produit en Russie. Ce microprocesseur devrait être utilisé par les structures gouvernementales, ce qui permet de s’assurer de la sécurité des données, sans s’inquiéter d’éventuelles “backdoors” de la NSA dans les microprocesseurs américains. Les structures gouvernementales représentent un marché de 300 000 serveurs et 700 000 ordinateurs par an. Des partenaires privés tels que Depo pourraient diffuser Baïkal auprès des entreprises privées et du grand public.

Angstrem produit notamment des systèmes microélectroniques prévus pour les conditions extrêmes. Cette entreprise permet d’illustrer en quoi la politique économique russe diffère du modèle “investissements publics – bénéfices privés” à l’américaine. En effet une entreprise privée russe peut recevoir une aide du gouvernement, mais seulement en échange d’une part de l’entreprise. Lorsqu’Angstrem a eu besoin d’argent, elle a accepté un apport du gouvernement, qui possède désormais 31% d’Angstrem via Russelektronika. Au contraire, Mikron retarde son passage à la technologie 45 nm (qui était prévu pour 2014) par manque de moyens et de certitude quant au débouché, mais aussi parce que les actionnaires refusent ce que les actionnaires d’Angstrem ont accepté. En occident, on ne sait pas très bien ce que le gouvernement reçoit en échange d’aides massives aux banques ou aux marchands de canons. Quoi qu’il en soit, Angstrem s’est très nettement développé en 2014 avec un contrat de 400 M$ pour exporter des micro-circuits en Corée du Sud, et a élargi sa gamme en commençant l’utilisation de lithographie 110 nm.

Micran (1300 employés), entreprise privée de Tomsk, commence à faire parler d’elle en exportant vers l’Asie du Sud-Est différents systèmes radio-électroniques, notamment pour permettre l’installation d’internet dans des régions vallonnées en utilisant la bande UHF.

La fonderie de Krokus Nanoelektronika, issu d’un partenariat entre Rusnano et Crocus Technology (Grenoble), a commencé sa production de MRAM a  en 2014.

3-Q, qui assemble des tablettes depuis 2011lancé en janvier 2014 la tablette la plus fine du monde (6,44 mm).

Pour les besoins de l’armée, OPK* (la branche “production d’instruments” de Rostec*, 110 Md roubles de CA) a conçu une tablette très résistante, pouvant fonctionner sous l’eau, avec un OS sécurisé. Cette tablette est actuellement testé par l’armée. Et pour un public plus large, OPK a conçu la tablette Rupad, avec un OS sécurisé (ROMOS). Les deux tablettes sont assemblées en Russie.

OPK* produit également en Russie un navigateur satellite pour le système ERA-GLONASS (sur le principe «eCall» européen) : navigateur GLONASS qui appelle les secours en cas d’accidents et sert de boîte noire. À partir de 2017, toutes les nouvelles voitures vendues dans l’UÉE devront être équipée de ce système. Les principaux effets attendus d’ERA-GLONASS sont une baisse importante des accidents de la route, et la popularisation des services payants de GLONASS qui pourrait ainsi devenir rentable.

En 2014, PNPPK, une entreprise de Perm a commencé la production de circuits intégrés photoniques.

En octobre 2014 des chambres propres totalisant 7200 m² ont été créées à Moscou pour la production de semi-conducteurs et les bio-technologies.

Un laboratoire universitaire de Tomsk a créé en février 2015 une imprimante pour imprimer des écrans OLED (pour smartphones etc), et cherche un partenaire industriel pour lancer la production d’écrans en Russie.

Dans un domaine un peu différent, les robots de fabrication russe commencent à se développer. Si un robot-soldat a été présenté fin 2014, c’est peut-être un robot-sauveteur (fonctionnant en mode “avatar”) qui sera massivement utilisé en premier. Le ministère des situation d’urgence souhaite notamment les utiliser  pour les opérations de déminages et pour entrer dans les bâtiments qui menacent de s’effondrer. Ce ministère bénéficie déjà grandement des hautes technologies russes puisque la surveillance du territoire par satellite a permis de réduire fortement les conséquences des feux de forêts. Un robot-cosmonaute de fabrication russe a déjà été présenté en 2013, et le Centre Gagarine de préparation des cosmonautes a annoncé la possibilité d’envoyer prochainement un tel robot sur la Station Spatiale Internationale. Un robot canadien a déjà fait la preuve de son utilité sur la SSI.

Globalement, la production microélectronique russe est un secteur économique encore très faible, avec un chiffre d’affaire de 1000 milliards de roubles en 2013, soit environ 1% du CA mondial du secteur. Pour permettre à la Russie de développer ce secteur, le «Programme de développement de l’électronique et radioélectronique 2008-2015» prévoit 187 milliards de roubles de roubles d’investissements, dont 110 milliards du budget fédéral, pour développer de nouveaux produits électroniques de toutes sortes, à destination du grand public comme de l’armée, puis les produire à partir de 2018. 181 partenariat ont été conclus en ce sens avec des dizaines d’entreprises et d’instituts de recherche, prévoyant notamment la création de 37 parcs technologiques. En 2014, la construction de ce qui est peut-être le plus important d’entre eux, mené par KRET, a commencé à Kazan, tandis qu’un autre a commencé à travailler à Omsk. Omsk aura également un centre de recherche CISCO, comme Skolkovo, Iekaterinbourg,  et Kazan. Certaines des avancées mentionnées ci-dessus ont été rendues possibles par ce programme.

Au-delà de 2015, l’objectif est de porter le CA de la microélectronique russe à 4000 milliards de roubles en 2025, soit 1,5% ou 2% du marché mondial. suffisant pour couvrir une grande part du marché national et exporter. Cet objectif est soutenu par des aides gouvernementales qui devraient atteindre 517 milliards de roubles d’ici 2025. Cela permettra d’aider le secteur, mais un expert fait remarquer que cette somme n’est que le tiers du budget annuel de recherche de Samsung. Au-delà de ce programme d’aide prévu de longue date, la nouvelle politique de remplacement des importations, qui répond aux sanctions occidentales, contribuera à dynamiser fortement le secteur microélectronique russe. Le président de Rosselektronika affirme que la Russie est prête à produire 80% des équipements microélectroniques qui sont actuellement importés.

La production micro-électronique russe reste économiquement faible et conserve des lacunes. Mais, comme on le voit, les progrès réalisés par différentes entreprises privées ou instituts de recherches publiques, une forte volonté politique, et des partenariats internationaux importants permettent à la Russie de progresser dans ce domaine.

Finissons ce tour de la production électronique en notant que les grands importateurs d’appareils électroniques grand public se sont engagé à réaliser toutes leurs importations de façon transparente au lieu d’utiliser les techniques «grises» utilisées actuellement. Cela n’aidera pas les producteurs locaux, mais c’est un  véritable changement de paradigme dans le secteur du commerce russe, qui réduira la corruption tout en augmentant les revenus de l’État de plusieurs milliards de roubles. Les prochains secteurs visés par ce grand nettoyage sont les secteurs pharmaceutique et de la joaillerie, et la production locale de ces secteurs pourrait en profiter.

8.2 Conception d’appareils électroniques

Le Yotaphone 2, du russe Yota Devices, a un second écran de type papier électronique.

En dehors de la conception de microprocesseurs déjà mentionnée, la Russie pourrait en outre commencer à se faire une place dans le domaine des téléphones portables, avec le développement à l’international de Yota Devices qui a lancé le Yotaphone 2 (produit en Chine, comme les appareils Apple américains ou les Archos français…).  C’est un smartphone haut de gamme recommandé par Forbes, et qui devrait se vendre à plus d’un million d’exemplaires en 2015. Cela leur donnera une part de marché mondiale très modeste de 0,1% ou 0,2%, mais c’est un bon début pour une société créée en 2011. Le Yotaphone 3 est déjà en préparation.

Dans un tout autre segment de marché, la société R-Style a conçu un smartphone adapté aux besoin de la compagnie ferroviaire nationale (RJD) : pouvant être utilisé avec des gants, sous la pluie, résistant aux chocs, lecteur de cartes à puces, très grande autonomie, sécurisé, récepteur GLONASS, etc.

Les ordinateurs et serveurs conçus et assemblés par la société russe Depo sont parmi les plus vendus en Russie. Depo conçoit et assemble également des stations de travail et propose des services “cloud”. ETegro Technologies concurrence Depo avec ses serveurs également, et est également présent sur le marché des commutateurs (conception et assemblage).

 8.3 Systèmes d’exploitation, programmation

Monopole US dans le software

Pour chaque domaine informatique, proportion de logiciels américains en Russie et dans le monde. Dans le domaine du «software», les États-Unis disposent d’un quasi-monopole qui inquiètent les pays qui souhaitent être indépendant de l’Uncle Sam. Image du ministère russe des télécoms et des médias traduite par moi. (Ce sont leurs chiffres… LibreOffice est international, basé en Allemagne)

Dans le domaines des systèmes d’exploitation, le problème de la sûreté des données avait conduit le gouvernement russe, peu après les révélations de Snowden, à demander à tous les fonctionnaires de ne plus acheter de produits Apple et de leur préférer leurs équivalents Samsung (OS américain mais «ouvert», donc moins suspect d’espionner pour le compte de l’Oncle Sam). Dès le lancement de la guerre économique par les États-Unis, le ministère russe des télécoms et des médias a commencé à chercher des moyens de favoriser les grandes entreprises russes du secteur (Diasoft, LANIT, IBS, Prognoz…). Début 2015, 6 axes d’importance critique ont été cernés et seront soutenus par le gouvernement : OS clients, OS serveurs et moyens de virtualisation, systèmes de gestion de bases de données, bureautique pour le travail collectif, programmes d’ingénierie et de modélisation mathématique, systèmes de géo-information. Ce nouveau domaine de la politique économique russe est encore en cours d’élaboration, mais quelques points commencent à avancer. D’abord, concernant les OS, dès l’été 2014 Rossatom et RJD ont commencer à créer le système d’exploitation Sinergia, basé sur Linux, qui leur permettra de ne pas utiliser Windows pour contrôler les systèmes informatiques les plus sensibles : centrales nucléaires, gestion des trains. L’armée russe et le FSB utilisent déjà au moins depuis 2002 des systèmes d’exploitations sûr, tels qu’Astra-Linux (disponible au grand public, basé sur Debian et certifié pour les systèmes traitant des documents top-secret) et le MSVS développé par VNIINS pour l’armée. Ceci est une approche diamétralement opposée à celle de la France, qui installe Windows sur tous les ordinateurs, donc presque directement de transmettre toutes les information militaires à l’Oncle Sam. On peut appeler ça de la haute trahison, mais quand le commandant en chef de l’armée française est un “Young Leader” de la Fondation franco-américaine, il est bien normal que l’armée française serve les intérêts américains. D’ailleurs ceux qui font carrière dans l’armée française doivent s’en réjouir.

D’autre part, 3 milliards de roubles serviront à subventionner la migration de nombreux systèmes informatiques gouvernementaux vers des systèmes libres. La migration des systèmes de gestion de bases de données vers PostgreSQL est jugée prioritaire. Cet effort destiné à ne plus dépendre de systèmes propriétaire américains (qui ont par exemple la possibilité à tout moment de rompre leur contrat de service) est un effort colossal qui pourra prendre 5 ans. Notons que le ministre des télécoms et des médias, Nikolaï Nikiforov, connaît bien le sujet : c’est un spécialiste de bases de données.

Le SMEV, immense système de base de données qui gère les services aux personnes et aux organisations (qui permet par exemple aux personnes  de ne pas avoir à présenter à un organisme de l’État des documents qui sont déjà dans la base de données car entrés dans le SMEV par un autre organisme), a déjà migré sur PostgreSQL, et la Poste de Russie est en cours de migration. Nikiforov soutient l’interdiction pour les organes de l’État d’acheter des programmes propriétaires étrangers si des programmes libres peuvent être utilisés à la place.

Parallèlement à cet effort, la Russie a adopté une loi qui favorisera la croissances des entreprises du secteurs. D’une part les entreprises de 7 à 29 employés disposeront d’une réduction d’impôt qui était jusque là réservée aux entreprises de 30 employés et plus, et d’autres part les spécialistes étrangers qualifiés (salaire annuel d’un million de rouble minimum) bénéficieront de procédure d’immigration simplifiée. L’objectif est d’attirer jusqu’à 1000 programmeurs et autres spécialistes qualifiés par an.

Les deux leaders du marché russe de l’informatique dans son ensemble sont les holdings LANIT et NKK (CA total de 216 Md roubles en 2013). Elles sont toutes les deux impliquées dans divers domaines : conception et assemblage de de matériel informatique, cloud, formation, outsourcing, programmation, progiciels… 21 autres sociétés ou holding ont eu en 2013 un CA supérieur à 10 milliards de roubles (~comme OVH). Le chiffre d’affaire des entreprises russes du secteur informatique dans son ensemble est d’un peu plus de 1000 milliards de roubles, un peu plus que le CA du secteur en France (22,2 Md€, mais cela compte l’activité des entreprises étrangères, IBM en tête avec 2,5 Md€).

Les entreprises russes réalisent dans l’ensemble moins de ventes de services IT à l’étranger que les géants français du secteur (Atos et Capgemini) qui réalisent environ 80% de leur CA à l’étranger. Cependant, il s’agit en grande partie d’exportations par les bureaux russes des entreprises russes (donc contribuant totalement à l’économie russe), alors que côté français il s’agit essentiellement de travail réalisé dans des bureaux hors de France. La Russie est exportatrice nette de ces services (surtout programmation) depuis déjà 2007. En 2009 les entreprises russes exportaient déjà 1400 M$ en 2009 (72% de programmation), et 5100 M$ en 2013 (58% de programmation). En 2011, la Russie était déjà à la 20ème place au classement des pays exportateurs de services IT, devant l’Allemagne et loin devant la France, et pourrait donc continuer de progresser et éventuellement passer en 2015 devant les États-Unis (si ce n’est pas déjà fait en 2014) grâce à la faiblesse du cours du rouble. Selon Global Services, 6 des 100 meilleures entreprises dans le domaine de l’outsourcing IT étaient russes en 2013. En dehors du domaine de l’outsourcing, une autre entreprise russe du secteur IT a particulièrement réussi à l’international : le Laboratoire Kaspersky, spécialisé dans la sécurité informatique, a aujourd’hui plus de 3000 employés et des clients dans le monde entier.

8.4 Sites et services sur internet

VK

Page d’accueil de VK, le plus grand réseau social européen. Toute ressemblance esthétique avec un autre réseau social n’est pas forcément fortuite.

Dans le domaine des services sur internet, la Russie n’a rien à envier aux pays européens : Parmi les 100 sites internet les plus visités au monde (selon Alexa) on trouve VK (réseau social), mail.ru (email, blogging, et possède VK) et Yandex (moteur de recherche). Pour comparaison, le seul site français de cette liste est Dailymotion, qui devance largement le russe rutube.com.

Parmi les autres entreprises russes du secteur, mentionnons Rambler&Co, qui possède le portail Rambler, la célèbre plate-forme de blogs LiveJournal, des sites d’information et d’autres sites connus en Russie. Notons que les autorités antitrusts russes s’étaient opposé en 2008 à l’achat par Google de la branche de Rambler consacrée aux publicités contextuelles, ce qui explique que Google ne domine pas le marché russe comme il domine certains marchés européens. Mais que pourrait-on attendre d’un gouvernement incapable de préserver une entreprise aussi importante qu’Alstom contre l’hégémonie américaine ?

Dans le domaine des services sur internet,le grand projet “Russie Électronique” devrait contribuer à l’économie russe de façon significative en rendant l’administration plus efficace. Le portail des services de l’État (gosuslugi.ru) a été profondément modernisé en 2014. Ce portail permet aux citoyens d’accéder en ligne à tous les services de l’État, telle que déclarations d’impôts, aides sociales, prises de rendez-vous à l’hôpital, changement de passeport, paiement d’amendes, enregistrement de véhicules ou de société etc. Ce portail, une fois son utilisation entrée dans les mœurs, devrait simplifier les procédures administratives et donc avoir un impact économique non négligeable. Dans ce domaine, la Russie n’a donc plus beaucoup à envier aux pays européens, puisque les Russes disposent aussi d’une Carte Électronique Universelle (qui est une carte d’identité, “Carte Vitale”, permet de payer ses amendes, recevoir son salaire, faire des achats sur internet, signer électroniquement, etc). Autre élément de Russie Électronique, le service d’information sur le logement (GIS-JKX) est actuellement en cours de construction. En plus de fournir de nombreuses information concernant le logement et tous les services liés au logement, le GIS-JKX offrira des services comme la possibilité de voter en ligne aux réunions de co-propriétaires. La qualité des services de “Russie Électronique” a largement contribué (avec les simplifications administratives) à la très nette progression de la Russie au classement “Doing Business” dressé par la Banque Mondiale (pas soupçonnée de biais poutinophile). La Russie est en effet à la 62ème place (juste derrière l’Italie) au dernier classement, partant de la 112ème place il y a 2 ans.

8.5 Infrastructure télécoms

Concernant l’infrastructure, la Russie dépend bien sûr de compagnies étrangères, comme CISCO. Mais CISCO produit en Russie, et a augmenté cette production fin 2014 avec le lancement de la production de nouveaux routeurs. Rosnano contribue également à ce secteur avec notamment un partenariat pour la construction d’une usine d’équipement pour serveurs informatiques (Aquantia) à Saint-Pétersbourg. Concernant le secteur des “data centers“, leur surface totale en Russie devrait atteindre cette année les 100 000 m², avec un chiffre d’affaire de 26 milliards de roubles en 2013 (le double d’OVH). Ça ne fait pas de la Russie un leader du secteur, mais la croissance reste forte (+36,5% en terme de surface utilisée en 2014) dans ce domaine. En juillet 2014, une loi a été passé pour obliger toutes les entreprises détenant des informations sur les citoyens russes à n’utiliser à partir de septembre 2016 que des bases de données se situant sur le territoire russe. Google, Facebook, Twitter, Instagram, eBay et d’autres ont donc besoin de construire d’ici 2016 d’énormes «data centers» en Russie, ce qui évidemment dynamisera fortement ce secteur.

Dans le cadre du programme de remplacement des importations, 2,7 milliards de roubles sont investis pour créer le premier site de production de fibre optique en Russie (à Saransk). Dès 2017, toute la fibre optique russe sera produite en Russie., et l’utilisation de fibre optique produite en dehors de l’UÉE sera interdite. En 2014, un grand plan de développement de la fibre optique a été préparé : 163 milliards de roubles seront investis pour déployer 200 000 km de fibres optiques, connecter 13 600 villages, toutes les écoles, les bibliothèques et les hôpitaux du pays. Les autorités espèrent que ce développement apportera 1,5% de croissance du PIB.

9. Industrie textile

secteur textile en Russie

Le secteur textile russe est gravement en crise depuis la fin de l’URSS. Chiffres de GKS, graphe de moi.

L’industrie textile russe a été presque anéantie à la chute de l’URSS, et est totalement submergée par les importations. En 2012, la Russie a importé pour 20,5 milliards de dollars de textiles, chaussures et chapeaux, à comparer à un chiffre d’affaire de seulement 6 milliards de dollars en 2013 pour l’ensemble de l’industrie textile russe (et moins de 900 M$ d’exportation). On note tout de même une croissance moyenne de 10% par an environ dans les dernières années. Les entreprises qui ont survécu se sont modernisées et sont nettement plus productives qu’elles n’étaient il y a 10 ans. Quelques usines ont été ouvertes depuis un an ou sont en construction, dont au moins 3 prévues pour environ 1000 employés, à Tcherkessk, en Ingouchetie, et dans la région de Ryazan. On  assiste donc à un début de renaissance de l’industrie textile russe.

Usine de tissu de Volgograd

Usine de tissus de Volgograd. Le “cluster” textile de Volgograd a reçu 5 milliards de roubles d’investissements.

Cette renaissance du secteur est depuis quelques mois fortement aidée par la baisse du cours du rouble, qui rend les vêtements importés comparativement plus cher que les vêtements produits en Russie : en janvier 2015, les importation de produits textiles et chaussures ont baissé de 39%, et des marques étrangères ont quitté la Russie tandis que d’autres (Adidas, Reebok…) ont conclu des accords pour faire produire certains vêtements en Russie.

La région d’Ivanovo est le cœur historique de l’industrie textile russe et reste actuellement une des régions les plus pauvres de Russie du fait de l’effondrement de l’industrie qui avait fait sa richesse. 40% de son industrie est dans le secteur textile, c’est beaucoup plus que n’importe quelle autre région de Russie. Un grand projet conçu depuis 2007 devrait enfin s’y mettre en place au troisième trimestre de 2015 : la construction d’une usine de fibres de PETF, d’une capacité de 180 000 tonnes par an, dont 50 000 tonnes par an seront utilisés par des entreprises locales pour la production de vêtement et autres textiles, ce qui permettra la création de milliers d’emplois dans des entreprises textiles de très grande productivité. Ce projet de 20 milliards de roubles bénéficie d’une aide massive du gouvernement, tant pour la production de PETF que pour les usines textiles locales qui devront l’utiliser. Ainsi, l’industrie textile d’Ivanovo pourrait redevenir prospère vers 2020. D’ici là, les entreprises textiles existantes profiteront du faible cours du roubles pour prendre des parts de marché et continuer leur modernisation.

La croissance du secteur a le potentiel de créer des centaines de milliers d’emplois, notamment en ramenant des emplois à des villes qui ont perdu leur principale industrie (e.g. fermeture d’une mine), mais pour parvenir à des résultats significatifs, la Russie aura besoin d’investissements étrangers tels qu’elle en en a obtenu pour dynamiser son industrie automobile. À suivre…

10. Pharmacie – équipement médical

La Russie est un énorme importateur de médicaments (notamment français et allemands) et de matériel médical : 10,9 Md$ de médicaments emballés, et 2,95 Md$ de matériel médical, en 2012, contre moins de 500 M$ d’exportations pour les deux catégories ensemble. Le ministère de la santé a préparé un plan pour remplacer les importations de médicaments contre le cancer. Concernant le secteur des médicaments dans leur ensemble, la Russie réduira sa dépendance aux fournisseurs français, allemands, belges et autres européens qui dominent très largement le marché russe (Cf. partie 4/5). Rusnano déjà mentionné ci-dessus est également impliqué dans le secteur des médicaments. Parmi les projets récemment réalisé ou en cours de construction, on peut citer une usine de médicaments (Farmsintez) à Saint-Pétersbourg, une usine de vaccins (Selecta) près de Moscou et une production de médicaments à bases de composites biodégradables (Biosyntez). Rostec de son côté participe à la production de matériel médical, notamment avec Chvabe qui, en dehors de sa branche opto-électronique, a une branche consacré au matériel de médecine néo-natale (incubateurs, appareils de respiration artificielle…).

Technopôle pharmaco-médical de Novo-ouralsk

Le nouveau technopôle de Novo-ouralsk doit aider la Russie a moins dépendre des importations pour les produits pharmaceutiques et les équipements médicaux.

En dehors de Rusnano et Rostec, de nombreuses entreprises privés, généralement étrangères, investissent massivement en Russie. Depuis mars 2014 au moins 9 sites de production de produits pharmaceutiques et d’équipement médical ont ouvert, en plus de l’inauguration du technopôle de Novo-ouralsk. Ce technopôle contient 25 000 m² de bâtiments destinés à ce secteur, et 5 entreprises y sont déjà installées. On assiste donc à une rapide modernisation de l’industrie médicale russe, soutenue par des investissements étrangers massif et une volonté politique ferme. Cette modernisation permettra de réduire significativement le poids du secteur dans la balance commerciale russe.

11. Production de machines

Difficile de faire le tour d’un secteur aussi vaste. Je ne donne que quelques éléments clés, en commençant avec les machines-outils : un consortium, “Stankoprom”, a été formé sur le modèle d’OAK, OSK et ODK, en plus modeste (9000 employés), afin d’améliorer la compétitivité des producteurs de machines-outils appartenant à l’État. Un producteur de Rostov, MTE Kovosvit MAS, réalise des investissements important qui lui permettront de de tripler sa production en 2015. En mai 2014, Takisawa a lancé sa production de machines-outils en Russie, suivie le mois suivant par l’usine d’une joint-venture entre Siemens et Mori qui produira jusqu’à 1000 machines-outils par an. On voit ainsi que dans ce domaine aussi les investissements étrangers permettent à la Russie de combler son retard et de réduire rapidement ses besoins en importations.

SGT5-4000F

Turbine SGT5-4000F. 295 MW de qualité allemande, désormais produite à Saint-Pétersbourg. Image Siemens.

Du côté des turbines, la Russie avaient beaucoup de lacunes sur les leaders du secteurs que sont GE, Alstom, Siemens et Mitsubishi. Ces lacunes sont en train d’être comblées. En octobre 2014 un partenariat entre ODK et GE a lancé la production de turbines de 77 MW à Yaroslavl. Cette production devrait permettre à la Russie de devenir autosuffisante en turbines de puissance moyenne. En banlieue de Saint-Pétersbourg, l’usine de Silovye Machiny (17 000 employés, des turbines exportées dans le monde entier) produira des turbines de 172 MW et 295 MW, en partenariat avec Siemens, dès 2015. Ces nouveaux sites de productions, qui apportent de nouvelles technologies en Russie et 650 emplois qualifiés, réduisent très sensiblement le besoin en turbines importées. Dans le même temps, afin de garantir la confidentialité des données sur les entreprises russes, une nouvelle loi oblige le «monitoring» des turbines à se faire uniquement en Russie. Or le «monitoring» est une activité qui représente un CA aussi important que la construction des turbines. Ceci obligera les grandes entreprises du secteurs à importer en Russie des centaines d’emplois très qualifiés, et des compétences utiles à l’industrie russe.

Concernant les excavatrices et les gros engins de constructions, les grandes compagnies étrangères dominent largement le marché russe, mais quelques unes des principales ont commencé depuis quelques années à produire en Russie (Caterpillar, Komatsu, Volvo). Hitachi a également lancé sa production en Russie en juin 2014, avec l’objectif de n’utiliser à l’avenir que des pièces produites en Russie. Ainsi, avec quelques années de retard, ce secteur suit le même mouvement que la production automobile, les importations vont progressivement diminuer dans ce secteur. De plus, en février 2015 le gouvernement a interdit l’importation de 54 types de véhicules par toutes les structures gouvernementales ou communales, ce qui aidera grandement les producteurs russes et UÉE d’excavatrices, bulldozers, camion-citernes, camions-grues, ambulances, camions de pompiers, tramways, tracteurs, autobus etc. La Biélorussie profitere également de cette mesure à travers notamment ses célèbres tracteurs.

13. BTP

La production de ciment a plus que doublé depuis 1998 mais n’est toujours pas revenue à son niveau de 1991. Le niveau actuel est supérieur à celui de l’Allemagne et l’Italie (les leaders européens) réunis.

Quand le bâtiment va, tout va, dit-on. Parmi d’autres exemples : des stations de métros sont en construction dans 4 villes, le célèbre théâtre Mariinsky a une deuxième scène, un nouveau terminal est en construction dans les aéroports de Poulkovo (Saint-Pétersbourg), Vnoukovo et Cheremetyevo (Moscou), et un grand programme de construction de piscines publiques suit son cours. En 2014, 81 millions de m² de logements ont été construits en Russie, ce qui constitue un record historique.

En moyenne 2 ou 3 nouvelles usines dédiées au secteur de la construction ouvrent chaque mois. Parmi les plus importantes, on peut mentionner que deux nouvelles usines de ciment qui produiront chacune 2 millions de tonnes par an fonctionnent depuis mai 2014, et que la 8ème usine russe de Saint-Gobain, une usine de mélanges à base de ciment, a récemment ouvert. Le secteur de la construction n’est pas totalement étranger au hautes technologies, avec par exemple l’inauguration du complexe de construction Grad, créé en partenariat entre le groupe de construction Morton et Rosnano, et qui rassemble différentes solutions de haute technologie pour permettre de projeter et construire 450 000 m² d’appartements par an. Ce projet utilise plusieurs produits de Rosnano, dont un verre à nano-revêtement qui permet une meilleure isolation thermique que les doubles vitrages.

La Russie profite dans le domaine de la construction d’une série d’événements sportifs internationaux : Les Universiades de 2013 à Kazan, puis les JO d’hiver à Sotchi, et enfin les championnats du Monde de football de 2018 qui auront lieu dans 11 villes russes, de Kaliningrad à Iekaterinbourg, et pour lequel des stades sont en construction ou en rénovation. Dans le domaine des transports, la Russie a besoin de développer son infrastructure, et des ponts, des routes et des chemins de fer sont en construction dans tout le pays. La Russie a besoin d’investisseurs privés pour développer ces chantiers, en particuliers les aéroports.

Pont Russe reliant Vladivostok à l'île Russe
Pont Russe reliant Vladivostok à l’île Russe, à travers le Bosphore oriental. C’est le plus long pont à haubans du monde, et l’un des trois grands ponts inaugurés à Vladivostok en août 2012. (photo wiki, haubans par Freyssinet, cocorico).

Parmi les projets récents de construction, il faut citer le pont vers l’île Roussky (île Russe), au large de Vladivostok, achevé en 2012. De nombreux médias russes d’oppositions raillaient ce projet très coûteux, en disant qu’il s’agissait d’un pont vers nulle-part, un exemple flagrant d’argent public gaspillé, puisque l’île Roussky n’était alors pratiquement pas habitée. Il est vrai qu’il faut réfléchir 2 secondes pour comprendre que l’île Roussky était peu habitée parce qu’il n’y avait pas de pont. Depuis l’ouverture du plus long pont à haubans du monde, elle se développe à grande vitesse, ce qui donne à Vladivostok un nouvel espace à urbaniser, dont la ville avait besoin pour se développer. Un grand campus universitaire est en construction, incluant un centre hospitalier très moderne, et une zone touristique est envisagée. En même temps que le Pont Russe s’est construit le “Pont d’Or”, qui traverse la Corne d’Or, baie qui coupe Vladivostok en deux parties. Un troisième pont, le pont traversant la Baie de l’Amour (ne pas confondre avec l’embouchure du fleuve Amour qui est à environ 1300 km plus au nord), de 5330 m, a comme les 2 précédents été inauguré en août 2012, juste à temps pour le sommet de l’APEC qui s’est tenu à Vladivostok. Si Saint-Pétersbourg est la Fenêtre sur l’Europe voulue par Pierre le Grand au siècle de l’Europe, le développement actuel de Vladivostok en fait la Fenêtre sur l’Asie voulue par Vladimir Poutine, au siècle de l’Asie.

Au-delà de Vladivostok, c’est tout l’Extrême-Orient russe qui a terriblement besoin d’investissement pour développer son infrastructure et attirer des Russes. La région fait 6,17 millions de km² pour 6,2 millions d’habitants, dont la moitié sont répartis dans moins de 20 villes. Il faut développer les aéroports, les ports, les voies de chemins de fers etc pour commencer à exploiter le potentiel économique de la région. La Russie a 20% du potentiel forestier mondial mais seulement 5% de l’industrie forestière, cela ne pourra pas s’améliorer sans améliorer la capacité à transporter ce bois (même chose pour les céréales). Un grand plan d’investissements pour l’Extrême-Orient a été annoncé. et 40 000 emplois industriels seront créé en Extrême-Orient, avec des investissements dans l’industrie chimique déjà mentionnés ci-dessus, mais aussi l’industrie pétrolière, la construction et modernisation d’infrastructure, l’industrie automobile, avec des investissements privés pouvant atteindre 50 milliards d’euros. Des incitations à s’installer en Extrême-Orient commencent à se mettre en place pour y développer l’agriculture et l’industrie forestière.

À l’autre bout de la Russie, la Crimée a été pratiquement laissée à l’abandon pendant 23 ans, et est donc terriblement en retard du point de vue de son infrastructure. Il y a donc énormément à faire dans cette région. Un pont est prévu pour relier la Crimée au reste de la Russie en traversant le détroit de Kertch, et de nombreux autres projets sont en cours pour moderniser la péninsule. Le plus urgent concerne la dépendance de la Crimée envers l’Ukraine pour son approvisionnement en eau (toute l’eau d’irrigation) et en électricité (80%), et c’est une situation très périlleuse, puisque l’Ukraine n’hésite pas à fermer ces approvisionnements. La situation des Criméens est encore compliquée par le blocus économique de l’Empire du Bien. Par exemple, la Crimée aurait besoin de 5 turbines pour sa production d’électricité, mais les principaux producteurs sont GE, Siemens et Alstom. Une solution partielle a été trouvée avec une turbine de 230 MW en stock au Tartastan, et le reste viendra par des câbles sous-marins à travers le détroit de Kertch, et qui seront posés en 2016. Le pont routier et ferroviaire, qui coûtera des milliards d’euros, viendra plus tard. La situation très difficile de la Crimée explique que son développement soit prioritaire et force à retarder d’autres projets, dont le fameux pont sur la Lena dont la Yakoutie aurait tant besoin pour se développer. Le gouvernement devrait dépenser 655 milliards de roubles pour développer la Crimée (République de Crimée et Sévastopol).

L’autre région qui a besoin de nouvelles infrastructures est le grand Nord russe. Les compagnies pétrolières nationales ont reçu le droit d’exploiter 2 zones de la mer de Barents. Des ports sont en cours de rénovation pour anticiper la croissance du trafic maritime sur la route du Nord-Est, qui est facilitée par le réchauffement climatique. Une base militaire permanente sera rétablie dans l’Arctique (archipel de Nouvelle-Sibérie).

Les autorités souhaitent favoriser l’utilisation de matériels et matériaux russes dans les grands projets, et un plan a été dressé pour limiter de 60% la part de l’équipement étranger pour les constructions en cours pour le Championnat du Monde 2018, et de 90% la part de métal étranger.

14. Secteur financier

Développement du crédit en Russie

Développement du crédit en Russie : crédits et dépôts en Russie en milliards de roubles à la fin de l’année, corrigés pour l’inflation (référence 2013). Chiffres de GKS, calcul et graphe de moi. L’argent, c’est des dettes : plus il y a de dettes, plus il y a d’argent. On constate qu’en 1998, il y avait en Russie plus de dollars que de roubles.

Le secteur financier en Russie est notoirement sous-développé. La Russie ne compte que deux banques, Sberbank* et VTB*, parmi la liste des 100 plus grandes banques du monde par actifs (la Belgique et le Brésil par exemple en ont 3 chacun). Les autres banques russes importantes sont Gazprombank*, Rosselkhozbank*, et Vneshekonombank*, toutes attaquées à la fois par les É-U et par leurs vassaux européens et japonais. Comme l’indique la progression des emplois dans le secteur financier depuis 15 ans, il y a beaucoup de progrès, mais la place financière de Moscou reste très petite. La plupart des grandes entreprises russes sont cotées à Londres ou New-York. Il y a peut-être un aspect positif de ce problème, en ce que le secteur financier russe a peut-être, du fait même de sa faiblesse, moins de pouvoir qu’en occident où les hommes politiques sont souvent des larbins aux services des grands banquiers, qui gagnent même lorsqu’ils perdent (Cf. «Bailout»).

Notons que les médias occidentaux ont été forcé d’admettre la très grande adresse des financiers du gouvernement russe, qui maintiennent les finances de la Russie à un bon niveau dans une situation extrêmement compliquée. Je rappelle pour le plaisir que la très compétente présidente de la banque centrale russe, Elvira Nabioullina, est une Bachkire : en Russie cette remarque n’a à peu près aucun intérêt tellement le fait est banal (sauf qu’on se doute bien que les Bachkirs doivent être fiers d’elles, comme les Touvains sont à juste titre fiers de Choïgou), mais on attend encore de voir un Cherokee à la présidence de la Fed  (mais bon je dis ça je dis rien, c’est la Russie qui reçoit des leçons de démocratie et tout ça de l’Oncle Sam…). Et le ministre russes de l’économie Alekseï Oulyoukaev est un docteur de l’université de Grenoble, comme quoi la France forme des personnes extrêmement compétentes, faut juste pas prendre ceux qui sont allé à l’ÉNA après avoir fait d’excellentes études.

La Russie a un énorme besoin d’investissements étrangers. Elle était jusqu’en 2013 l’un des pays du monde recevant le plus d’investissements étrangers , derrière le Brésil mais devant l’Allemagne. C’est aussi un axe important de la guerre économique contre la Russie. Nous verrons dans les parties suivantes si la Russie a réussi a retenir quelques investisseurs.

14.1 Dédollarisation

La banque centrale russe est face à  des défis considérables.

La Banque Centrale de Russie est face à des défis considérables.

Ce point mériterait un article à lui seul. En réalité, des livres entiers seront consacrés à ce sujet. La fin du dollar-roi signifie la fin de l’Empire du Bien et marquera le départ d’un monde multipolaire, c’est à dire où aucun pays ne peut “tordre le bras” de ceux qui n’agissent pas selon sa volonté. En Russie, le projet de dédollariser la Russie a été émis par Sergueï Glazyev avant le début de la crise. Il paraissait excessivement ambitieux, voire absurde, tant l’économie mondiale, en particulier dans le secteur énergétique, dépend du dollar, y compris en Russie. Il s’agit d’un projet à long terme qui pourrait à terme considérablement affaiblir l’influence des États-Unis. En effet, les États-Unis contrôlant actuellement la monnaie mondiale, ils peuvent décider qui a le droit de l’utiliser ou non. L’Iran et Cuba refusant de se soumettre à l’hégémonie mondiale, ces deux pays ont subit l’utilisation de l’arme géopolitique de l’interdiction du dollar. Le dollar est encore utilisé y compris dans le commerce intérieur russe, par exemple pour les achats d’avions ou l’achat de gaz ou de pétrole entre les société. Cette situation anormale est en train de prendre fin, ce qui permet de commencer à réduire la dépendance russe au dollar. On parle par exemple de traduire les contrats de leasing pour les SSJ-100 de dollars en roubles, mais aussi de vendre du gaz et du pétrole en roubles sur le marché intérieur. La dédollarisation de l’économie russe part donc de très loin, mais elle est en marche :

Un système de paiements parallèle à SWIFT a été mis en place en février 2015 pour atténuer les conséquences économiques que subirait la Russie si elle était déconnectée de SWIFT, comme les États-Unis avaient menacé de le faire. SWIFT est basée en Belgique, mais on sait que les États-Unis sont capable d’exercer beaucoup de pressions sur l’Europe. Ce système russe de paiement était prévu depuis longtemps, mais c’est grâce à la guerre économique voulue par les États-Unis que ce système longtemps au point mort a enfin pu aboutir.

En 2014, le gouvernement russe a massivement vendu ses bons du trésor américain, et a au contraire acheté des tonnes d’or.

Le Système National des Cartes de Paiement (NSPK) immunise la Russie contre toute nouvelle décision illégale de VISA /Mastercard de bloquer les cartes de leurs clients russes.

La banque de développement des BRICS se met en place, avec une loi votée à la Douma en février 2015, et sera le grand projet de la Russie dans le cadre de sa présidence des BRICS. La banque asiatique d’investissement menée par la Chine a été rejointe par le Royaume-Uni, puis par la France, l’Italie et l’Allemagne, au grand dam de l’oncle Sam qui vois d’un mauvais œil un projet international important qu’il ne contrôle pas et porte atteinte à son leadership en matière financière. Une agence de notation commune aux BRICS se met également en place afin de limiter le rôle des agences américaines. Ces deux points contribuent également à réduire la dépendance des BRICS à la finance américaine. Les agences américaines de notations sont en effet un instrument politique, comme on peut le constater avec la note très basse de la Russie qui a pourtant un endettement très faible et est parfaitement solvable. La Russie a en revanche la meilleure note donnée par l’agence chinoise Dagong.

Conclusion

J’espère que ce tour de l’économie russe et de ses développements récents, bien qu’incomplet (de nombreux secteurs d’activités ne sont pas mentionnés, de l’agro-alimentaire au tourisme, il a bien fallu faire des choix) suffit pour comprendre que l’économie russe est diversifiée et a de quoi faire face à la guerre économique lancée par Washington.

L’Europe s’enfonce dans la crise, et dans la vassalité par rapport à Washington en continuant le cercle stupide de sanctions illégales (puisque non voté au conseil de sécurité de l’ONU, la Russie s’est adressée à l’OMC à ce sujet) contre la Russie. Les sanctions posent des difficultés à l’économie russes, et de nombreux programmes industriels russes sont retardés par l’arrêt de la coopération d’entreprises européennes. Mais ces problèmes forcent la Russie à augmenter la part de la production nationale dans les équipements stratégiques, et à chercher des partenaires fiables en Asie et ailleurs pour obtenir ce qu’elle ne produit pas.

Une conséquence des mesures illégales lancées contre la Russie est que cela semble suspendre toutes les règles de commerce internationale régies par l’OMC. En effet l’OMC interdit de favoriser la production nationale. La Russie profite à fond de cette situation comme l’illustrent plusieurs mesures récentes évoquées ici.

Cette guerre économique est donc pour la Russie l’occasion rêvée de renforcer son industrie en prenant des mesures qui n’auraient été acceptées ni par la “Communauté internationale”, ni par la population, si l’Empire du Bien n’avait pas ouvertement cherché à la ruiner. En effet ces mesures retardent une très grande quantité de projet, complique la tâche des industriel, et auront des effets négatifs sur l’économie pendant un an ou deux. Mais le résultats de telles mesures sera un renforcement très important de la compétitivité de l’industrie russe. La recette n’est pas nouvelle : L’Empereur Aleksandr II avait décrété dans les années 1870 qu’il fallait produire en Russie toutes les locomotives, au lieu de les importer d’Allemagne. Le résultat se fait encore sentir aujourd’hui, avec l’importance de ce secteur dans l’économie russe.

Il y a tout de même un bémol : la Russie ne pourra pas mener la modernisation de son économie avec ses seuls moyens. La tâches est immense, les besoins financiers colossaux, et des investissements étrangers sont indispensables dans les prochaines années comme il l’ont été dans la décennie écoulée. D’où les énormes efforts diplomatiques américains pour isoler la Russie. S’ils parviennent à faire de la Russie un paria sur la scène internationale, la Russie pourrait ne plus avoir assez de partenaires pour mener à bien la suite de son programme de modernisation, et la crise sera beaucoup plus profonde qu’un tunnel de 2 ans menant à une économie beaucoup plus forte. Nous verrons dans la suite si les Américains ont réussi à isoler la Russie autant qu’il le souhaitent.

Notes:

1. Dans le domaine des technologies d’impression 3D, on appelle “additif” tous les matériaux utilisés comme matière première : l’impression 3D forme des objets par addition de matière, au contraire des techniques traditionnelles (usinage etc.) qui fonctionnent par soustraction de matière. Retour au texte

L’auteur : je suis un citoyen franco-américain, polyglotte, traducteur et consultant export. Vous pouvez me contacter ici, (surtout si vous voulez une traduction ou de l’aide pour entrer sur le marché russe. La Russie n’est pas encore complètement fermée, loin de là).

Source: http://www.les-crises.fr/l-isolement-de-la-russie-3-la-russie-ne-produit-rien/


[Reprises] Je suis secouriste, pas terroriste !

Friday 17 April 2015 at 02:33

Un secouriste belge suspecté de “terrorisme” après s’être porté volontaire au sein de la Croix Rouge pour participer à des matches de foot.

Source : Oumma.com, 02/02/2015

Abdelrahim a vu débouler la police chez lui un dimanche matin

Abdelrahim a vu débouler la police chez lui un dimanche matin

En ces temps où l’agitation est extrême, les esprits en surchauffe, et le délire à son paroxysme, il est des vocations, nées pendant l’enfance, qu’il ne fait pas bon réaliser à l’âge adulte, quand un nom à consonance maghrébine suffit à contrarier un rêve de carrière plein de noblesse, et pire encore, à rendre suspect celui qui était en passe de le toucher du doigt…

Telle est l’affligeante réalité qui a fait brutalement descendre de son petit nuage, et sans palier de décompression, Abdelrahim, un jeune belge de 29 ans, au demeurant fort méritant et honorable, dont l’aspiration à devenir ambulancier a donné lieu à une descente de police à son domicile, le figeant sur place en brisant net ses illusions de petit garçon.

Dans la Belgique de 2015, l’incroyable affolement des forces de l’ordre – aisément transposable dans notre douce France d’aujourd’hui… – , autour de ce secouriste breveté de la localité d’Ans, au seul motif qu’il souhaitait intégrer la Croix Rouge comme volontaire, n’augure rien de bon en ce début d’année hystérisée, où la répression policière frappe aveuglément dans une société en proie à la déraison et la délation.

“Les policiers ont frappé à ma porte, ils étaient armés. Je suis sorti de ma chambre, j’ai été braqué. Je me suis mis à genoux et j’ai levé les mains en l’air. J’étais sous le choc, je n’avais jamais vu ça ! Je vis la stigmatisation depuis mon enfance. Mais je ne m’attendais pas à ça…”, a-t-il relaté aux médias locaux, en précisant que la raison de cet ahurissant déploiement policier est à trouver du côté de la Croix Rouge.

“En octobre, j’ai passé le BEPS. J’ai enchaîné avec le brevet de secouriste en novembre. J’ai réussi avec 82 %. Vous savez, je m’investis beaucoup dans cette formation. Ambulancier, c’est un objectif que j’ai à l’esprit depuis plusieurs années. Je savais qu’il me restait la formation TMS (Transport Médico-Sanitaire) pour y parvenir. J’ai donc pris rendez-vous avec une dame de la Croix Rouge avec qui je devais avoir un entretien”, a-t-il poursuivi, en indiquant qu’il s’était porté tout naturellement volontaire pour participer à des matches de foot caritatifs, en grand amateur du ballon rond qu’il est.

Bien mal lui en a pris, puisque cette démarche spontanée, et animée des meilleures intentions du monde, a éveillé la suspicion de la jeune femme qui l’a reçu… En guise de réponse, Abdelrahim a eu la désagréable surprise de voir la police débouler chez lui un dimanche matin, à l’aube : “J’ai été interrogé seul, dans ma chambre, par un policier qui m’a demandé ma tenue de volontaire. Mais je n’ai pas encore effectué de mission, je n’ai pas d’uniforme. Et ce que je n’ai pas non plus, c’est un casier judiciaire ! Je suis un garçon honnête qui veut y arriver dans la vie. Je suis musulman, et je condamne les attentats terroristes ! On dit qu’il ne faut pas stigmatiser, mais c’est ce qui arrive… À plusieurs reprises, j’ai répété à la police que j’étais secouriste, pas terroriste”, se défend-il avec force.

De la force, il en a fallu à Abdelrahim qui, à peine remis de ses émotions, entendait la police judiciaire frapper à sa porte, quelques jours après la première intervention fracassante, pour l’interroger sans ménagement au sujet de la plainte émanant toujours de la même jeune femme, laquelle prétendait avoir été menacée à son domicile. Là encore, il avait tout du coupable idéal…

L’épidémie de l’islamophobie pathologique se propage par-delà des frontières européennes très poreuses en la matière, comme en a témoigné ce jeune belge profondément marqué et blessé, qui continue de s’accrocher à son rêve malgré tout, en signe de résistance contre tous ceux qui voudraient lui interdire de nourrir des projets d’avenir.


« Je suis secouriste, pas terroriste »

Par les temps qui courent, serait-il dangereux de porter un nom de famille à consonance maghrébine C’est en tout cas ce qui transpire de l’histoire racontée par Abdelrahim, un jeune Ansois de 29 ans. Dimanche, alors qu’il se trouvait dans sa chambre, la police a débarqué à son domicile. « Les policiers ont frappé à ma porte, ils étaient armés. Je suis sorti de ma chambre, j’ai été braqué. Je me suis mis à genoux et j’ai levé les mains en l’air. J’étais sous le choc, je n’avais jamais vu ça ! »

HEURE TARDIVE

La raison de cette intervention policière serait à trouver du côté de la Croix Rouge. Titulaire du brevet de Secouriste. Abdelrahim se porte candidat pour travailler comme volontaire, ce qui lui permettrait de suivre la formation d’ambulancier gratuitement. En grand fan de foot qu’il est, il veut travailler sur les matchs de foot et les événements. Un comportement qui semble suspect à la femme qui le reçoit…

Du Côté de la Croix Rouge de Belgique, on indique qu’Abdelrahim s’est présenté dans les locaux à une heure plus que tardive « Monsieur est arrivé à 1h15 demandant à être bénévole » explique Nancy Ferroni, porte-parole de la Croix Rouge de Belgique. « Nous avons effectivement trouvé ça suspect. »

Selon Abdelrahim, ce créneau horaire était pourtant prévu. « Nous avions rendez-vous à 21h car la dame que je devais rencontrer faisait la nuit » riposte le jeune homme. «J’avais un empêchement. Elle m’a proposé de venir plus tard. Avant d’arriver vers 1h15 du matin, je lui ai passé un coup de fil et elle m’a dit que je pouvais venir. ».

Source: http://www.les-crises.fr/reprises-je-suis-secouriste-pas-terroriste/


[Euh, on peut m'expliquer ?] Silence sur les assassinats politiques en Ukraine

Thursday 16 April 2015 at 17:30

Quand c’est un opposant ou un journaliste russe assassiné, toute la presse se mobilise – et accuse d’ailleurs le président russe sans le moindre début de preuve.

Quand ce sont des opposants ou journalistes ukrainiens “pro-russes”, tout le monde s’en moque…

Dur métier, la propagande de guerre… CQFD

Ukraine: un opposant proche de l’ex-président abattu à son domicile (16/04)

Évidemment, Sputnik en parle correctement :

Proche de l’ancien président Ianoukovitch, M. Kalachnikov était l’un des organisateurs de la filiale de Kiev du mouvement Anti-Maïdan, hostile aux manifestations pro-européennes suivies d’un coup d’Etat début 2014.

Oleg Kalachnikov, ancien [membre] de la Rada suprême (parlement ukrainien) pour le Parti des régions (opposition), a été abattu mercredi à son domicile, rapporte le site MigNews citant le service de presse du ministère de l’Intérieur.

“Aujourd’hui à 19h20 à Kiev, on a découvert le corps du citoyen Oleg Kalachnikov à son domicile. La cause de la mort est une blessure par balles”, indique le communiqué du service de presse.

Proche de l’ancien président Ianoukovitch, M. Kalachnikov était l’un des organisateurs de la filiale de Kiev du mouvement Anti-Maïdan, hostile aux manifestations pro-européennes suivies d’un coup d’Etat début 2014. Il avait reçu des menaces à plusieurs reprises, sans qu’aucune mesure n’ait été prise afin de garantir sa sécurité.

L’assassinat de M. Kalachnikov a également été confirmé par le conseiller du ministre ukrainien de l’Intérieur Anton Guerachtchenko. Selon M. Guerachtchenko, des poursuites ont été engagées conformément à l’article 115 du Code pénal ukrainien (« meurtre avec préméditation »). Selon lui, l’enquête examine plusieurs pistes: l’activité politique de la victime (financement du mouvement Anti-Maïdan), des problèmes financiers (le défunt avait des dettes), ses relations personnelles, et un meurtre commis en vue d’un vol.

Mikhaïl Tchetchetov (archives)
© SPUTNIK. GRIGORY VASILENKO

Dernière lettreLe jour de sa mort, M. Kalachnikov avait envoyé à un de ses amis un courrier électronique dans lequel dénonçait les pressions subies par les opposants aux nouvelles autorités du pays.

“Le génocide éhonté des dissidents, les menaces d’élimination physique et les insultes incessantes pour avoir appelé à fêter les 70 ans de la Victoire lors de la Grande Guerre patriotique (victoire de l’URSS dont la célébration est décriée par les autorités de Kiev, proches des mouvements néonazis, ndlr) sont devenues la norme dans l’Ukraine actuelle occupée par les nazis”, stipule la lettre.

Suicides en série

Ce meurtre s’ajoute à la longue liste de mystérieux suicides survenus dans l’entourage de l’ancien président Viktor Ianoukovitch, déposé à la suite d’un coup d’Etat en février 2014.

Le 29 janvier 2015, Alexeï Kolesnik, ancien président du gouvernement local de la région de Kharkov et membre du Parti des régions, s’est suicidé par pendaison. Le 24 février 2015, Stanislav Melnik, du Parti des régions, retourne son arme contre lui.

On peut en outre citer la mort de l’ex-patron du Fonds des biens d’Etat ukrainien chargé des privatisations Mikhaïl Tchetchetov, ancien membre du Parti des régions, qui se serait défenestré fin février. L’ex-gouverneur de la région de Zaporojie Alexandre Peklouchenko, qui aurait dû comparaître devant la justice pour la dispersion des manifestations pro-européennes locales (Euro-Maïdan), s’est suicidé à l’aide d’une arme à feu. Le maire de Melitopol Sergueï Valter, pour lequel le parquet avait réclamé 14 ans de prison pour “pillage des entrepreneurs”, a quant à lui été retrouvé pendu dans sa propre maison.

“Les opposants vivent dans la terreur”

Les membres du Parti des régions toujours présents en Ukraine vivent dans la terreur, écrit l’édition britannique The Guadian. “Tout le monde a peur. Ils ne veulent pas avoir à sauter par la fenêtre ou à se loger une balle. Ou qu’on les y aide”, a déclaré dans une interview au quotidien un ancien membre du Parti des régions, qui a rejoint le Bloc d’opposition (force hostile à l’Euro-Maïdan).

Sergueï Larine, un autre membre du Bloc d’opposition, a confié à la publication qu’en province, des centaines de personnes sont chaque jour convoquées pour être interrogées par les enquêteurs. “Le Bureau du Procureur général a été transformé en un organe punitif”, estime-t-il. “Des interrogatoires sans fin, la pression des enquêteurs, des menaces directes — l’objectif n’est pas la suprématie du droit, mais d’obtenir des avantages politiques C’est une justice aux ordres”, a indiqué M. Larine, dont les propos sont cités dans la publication.

Source : Sputnik, 16/04/2015

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(Rappel) Kiev salue les suicides dans l’entourage de l’ex-président Ianoukovitch (17/03)

Une vague de suicides présumés dans l’entourage du président déchu Viktor Ianoukovitch a déferlé sur l’Ukraine.

Le conseiller du ministre ukrainien de l’Intérieur et député à la Rada (parlement) Anton Guerachtchenko a qualifié de “positive” la vague de suicides d’anciens membres du Parti des régions du président déchu Viktor Ianoukovitch.

Un an après la chute du régime du président Viktor Ianoukovitch, ses anciens collaborateurs restés en Ukraine semblent succomber à une curieuse “épidémie”. Depuis le mois de janvier, ils sont plusieurs à s’être suicidés. Les analystes font remarquer que ces décès ressemblent bien à des meurtres masqués sous des suicides.

“Ce dernier mois, nous constatons un point très positif. Enfin, le principe de l’inéluctabilité du châtiment a commencé à se réaliser en Ukraine. Aussi, les causes des suicides des +régionaux+ sont-elles faciles à expliquer. Les gens ont compris que désormais, les violations de la loi seront punies”, a déclaré M.Guerachtchenko sur la chaîne de télévision Inter.Et de rappeler que l’ex-gouverneur de la région de Zaporojie Alexandre Peklouchenko, qui aurait dû comparaître devant la justice pour la dispersion des manifestations pro-européennes locales (Euro-Maïdan), s’était suicidé à l’aide d’une arme à feu.

Il a aussi évoqué la mort de l’ex-patron du Fonds des biens d’Etat ukrainien chargé des privatisations Mikhaïl Tchetchetov qui se serait défenestré. Selon le conseiller du ministre, Tchetchetov aurait eu “peur de faire face à sa responsabilité”.Le député a aussi mentionné le maire de Melitopol Sergueï Valter, pour lequel le parquet avait réclamé 14 ans de prison pour “pillage des entrepreneurs”. On l’a trouvé pendu dans sa propre maison.

“En Ukraine, les fonctionnaires commencent à répondre de leurs crimes”, s’est félicité M.Guerachtchenko.

Source : Sputnik, 17/03/2015

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La réaction du même Anton Guerachtchenko ce jour (16/04)

L’ex-député du Parti des régions anciennement au pouvoir en Ukraine, Oleg Kalachnikov, a été assassiné dans la soirée du 15 avril, à Kiev. L’ex-parlementaire a reçu des coups de feu sur le seuil de son appartement, alors qu’il sortait de l’ascenseur, à 19h20.

Notez qu’il est mort EXACTEMENT comme la pauvre journaliste Anna Politkovskaïa, dont on nous parle sans cesse.

[...]

Charmant l’officiel ukrainien… Vous imaginez la même chose dite par un officiel russe au moment du meurtre de Nemtsov ?

« Ces dernières années, nous avons pu constater que Kalachnikov était le meneur de tous les responsables des Régions. Il y a des témoignages disant que c’est lui précisément qui était impliqué dans l’organisation des groupes de « titouchkys » (provocateurs, ndlr) qui ont assassiné et frappé des citoyens pacifiques pendant l’Euromaïdan. J’ai demandé au Parquet général d’enquêter sur tous les faits et gestes de Kalachnikov au sujet de son implication dans de tels agissements, parce qu’il y a une vidéo qui circule sur toutes les chaînes télévisées, montrant que c’est précisément ce membre des Régions qui était à la tête de ces crimes », affirmait alors Olga Tchervakova.

L’adjoint du ministre ukrainien de l’intérieur Anton Guerachtchenko a commenté la mort de l’ex-député des Régions sur sa page Facebook par ces mots :

« Il y a quelques heures, l’ancien parlementaire Oleg Kalachnikov a été tué par balles sur le seuil de son appartement, situé dans le complexe résidentiel Vinogradar. La police de Kiev a ouvert une enquête selon l’article 115 du Code pénal, pour « meurtre avec préméditation ».

Les principales versions suivantes seront envisagées :

  1. L’activité politique de Kalachnikov, notamment liée à une participation à l’organisation, au financement et à la modération de ce qu’il est convenu d’appeler le mouvement Antimaïdan des titouchkis, dans le parc Mariynski.
  2. Ses intérêts dans le business, et notamment la question des emprunts et des dettes.
  3. Les relations personnelles
  4. Un assassinat avec intention de vol
  5. D’autres versions de l’assassinat.

Il ne fait aucun doute que le défunt savait beaucoup de choses sur les organisateurs et le financement du mouvement Antimaïdan, qui a coûté à Ianoukovitch et sa camarilla plusieurs millions de hryvnias par jour.

Il emporte ces secrets dans la tombe. Mais Kalachnikov n’est pas le seul à en savoir beaucoup sur les organisateurs et le financement de l’Antimaïdan.

Comme on dit : les manuscrits ne brûlent pas !

Source : Le Courrier De Russie, 16/04/2015

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Les réactions de la presse française :

ÉNOOOOORME Buzzz sur Google News comme on le voit :

 

12 articles quand même dans les actualités !
Euh, bon 7 en fait : Le Figaro, Agence Tunis Afrique Presse, Sputnik, i24news, Ouest France, LaPresse.ca, SudInfo.be…
Et en plus, les médias diront toujours “ben si si, on en a parlé, (une fois, page 12 en 2 lignes).
À chacun de comparer ce qu’il a perçu de ses médias pour assassinat en Russie et les assassinats en Ukraine…

Voilà ce qu’en dit le Figaro :

Un proche de Ianoukovitch tué à Kiev :

Un ancien député ukrainien partisan de l’ex-président Viktor Ianoukovitch a été retrouvé mort aujourd’hui à Kiev, tué par balle, a annoncé le ministère ukrainien de l’Intérieur.  Ancien élu du Parti des régions, Oleg Kalachnikov, qui était âgé de 52 ans, avait une solide connaissance des groupes opposés au mouvement pro-européen de “Maïdan” qui a emporté Ianoukovitch en février 2014, a déclaré un conseiller du ministre de l’Intérieur. 

“Il ne fait aucun doute que le défunt en savait beaucoup sur ceux qui ont financé l’anti-Maïdan et de quelle manière. Il emporte ses secrets avec lui dans sa tombe”, a ajouté Anton Guerachtchenko.

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On note donc qu’on redonne la parole au sympathique Anton, et qu’ne plus il conclut la brève brève, façon “il l’a bien cherché”… Avez-vous vu beaucoup de billets sur Nemtsov finir de la sorte avec un officiel russe ?

Soulignons la qualité du papier d’Ouest France en revanche.

Mais on ne lira nulle part que Kalashnikov était Vice-président du Forum civil anti-corruption “Assez!” – information pas inintéressante…

Après je n’en fais nullement une oie blanche dans ce pays hautement corrompu, mais je compare juste le traitement de cas assez proches, dont, au fond, on ne sait pas grand chose…

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(Bonus Spécial journaliste) Un journaliste prorusse tué par balle 16/04

Un journaliste ukrainien prorusse connu, Oles Bouzina, a été tué aujourd’hui à Kiev, deuxième meurtre par balles d’une personnalité prorusse dans la capitale ukrainienne en 24 heures.

“Le journaliste Oles Bouzina vient d’être tué au 58, rue Degtiarivska”, non loin du centre-ville, a écrit sur sa page Facebook le conseiller du ministère de l’Intérieur, Anton Guerachtchenko. Le service de presse du ministère a confirmé cette information.

Source : LeFigaro.fr, 16/04

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Toujours un article de fond, toujours la même source humaniste.

Et bien entendu, toujours le “journaliste prorusse” alors que le type est un journaliste ukrainien…

Un peu comme si on parlait d’un de de nos journaleux assassiné de “journaliste panaméricain” – sympa.

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P.S. mes excuses, Vincent Jauvert de l’Obs vient de réagir :

Oups, non, en fait, désolé…

Notez, en Une, le mot “TSAR” (et bientôt Führer ?) :

Source: http://www.les-crises.fr/silence-sur-les-assassinats-politiques-en-ukraine/


[Je suis Charlie] Les magazines (grand jeu !)

Thursday 16 April 2015 at 02:58

Toi aussi, trouve où est Charlie… (N.B. : regardez au moins la fin de la liste) :

 

 

 

 

 

 

P.S. un vilain canard s’est glissé dans la masse ! (par chance, c’est un magazine régional…)

Source: http://www.les-crises.fr/je-suis-charlie-les-magazines/


Le basketteur Akin Akingbala licencié après un tweet sur “Charlie Hebdo”

Thursday 16 April 2015 at 00:01

Son avocat porte l’affaire devant le conseil des prud’hommes de Rouen, estimant que le message concerné “n’a rien d’infamant”.

Le pivot nigérian de Rouen Akin Akingbala a été licencié pour faute grave par son club après avoir partagé sur son compte Twitter un message évoquant les attentats contre “Charlie Hebdo”

Le pivot nigérian de Rouen Akin Akingbala a été licencié pour faute grave par son club après avoir partagé sur son compte Twitter un message évoquant les attentats contre Charlie Hebdo, a-t-on appris mercredi auprès de sources concordantes. “Je ne suis pas Charlie, je suis Ahmed, le policier mort. Charlie a ridiculisé ma foi et je suis mort en défendant son droit de le faire”, avait retweeté en anglais Akingbala, le 9 janvier, au surlendemain de la tuerie dans les locaux du journal satirique.

C’est ce message, diffusé la veille par un chroniqueur du quotidien flamand Standaard, Dyab Abou Jahjah, qui a valu au basketteur de 31 ans d’être renvoyé du SPO Rouen, actuel quatorzième de la Pro A. “Le club estime qu’il a porté atteinte à son image en partageant ce tweet”, explique l’avocat d’Akingbala, Romuald Palao, qui a porté l’affaire devant le conseil des prud’hommes de Rouen. “Ce message n’a rien d’infamant. Akin Akingbala est chrétien. Dans son esprit, cela n’avait rien à voir avec la religion. C’était une manière de dire qu’il fallait aussi parler des policiers et pas seulement de Charlie Hebdo“, souligne Me Palao, confirmant des informations de presse.

Le club de Rouen n’a pas donné suite aux sollicitations de l’AFP. Son président, Yvan Gueuder, indique dans un communiqué avoir procédé au licenciement du joueur pour “non-respect des clauses de son contrat de travail”, précisant qu’il avait fait l’objet de “plusieurs avertissements” et qu’il a quitté le club mardi matin.

“Prétexte”

D’après l’avocat du joueur, le retweet a plutôt été utilisé comme un “prétexte” par son club qui “voulait s’en séparer depuis plusieurs mois”. L’intérieur nigérian, qui s’est vu notifier son licenciement le 17 février, cinq jours après son entretien préalable, réclamera devant les prud’hommes ses salaires jusqu’à la fin de saison, d’un montant total évalué à environ 45 000 euros par son conseil. L’affaire doit être plaidée le 4 juin.

Le géant de 2,08 m s’était fait connaître en France sous les couleurs du Sluc Nancy, avec lequel il avait remporté le championnat en 2011. Après un passage en Ukraine et en Belgique, Akingbala avait été recruté pour un an par Rouen, mais ses statistiques faméliques (11 matches disputés, 10 minutes, 1,8 point de moyenne) avaient poussé les dirigeants à le mettre sur la touche. “Il estime qu’on ne lui a jamais donné sa chance”, a affirmé son avocat.

Source : Le Point, le 25 février 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/le-basketteur-akin-akingbala-licencie-apres-un-tweet-sur-charlie-hebdo/