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[Alerte Wikileaks] TISA : encore un infâme traité qui avance dans le dos des peuples…

Friday 20 June 2014 at 03:10

Hier, Wikileaks a révélé un important document concernant le traité TISA (Trade in Services Agreement à ne pas confondre avec le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP)) : il s’agit de la divulgation de l’annexe visant à déréguler encore plus les services financiers… (sic.)

L’idée d’un accord sur le commerce des services (ACS, TISA en anglais) a été lancée par les Etats-Unis et proposé à un groupe de membres de l’OMC, le groupe dit “Really Good Friends” (22 pays plus les 28 pays de l’Union Européenne), à la suite de l’impasse des négociations du cycle de Doha. Depuis février 2012, le groupe se réunit de manière régulière à Genève sous la conduite conjointe des Etats-Unis et de l’Australie. Les négociations devraient être terminées en 2015.

Une lettre de protestation a été signée par 350 organisations de 115 pays. Dans un rapport publié lundi, l’Internationale des services publics dénonce la volonté d’ouvrir à la concurrence internationale de nombreux services.

Selon ce document, l’ACS instaurerait un environnement plus favorable à la privatisation des services publics et entraverait la capacité des gouvernements à remunicipaliser les services publics ou à en créer de nouveaux. L’accord limiterait aussi la capacité des gouvernements à légiférer dans des domaines tels que la sécurité des travailleurs, l’environnement, la protection du consommateur et les obligations de service universel.

“Ce qui est terriblement inquiétant, c’est que l’ACS est négocié en dehors du cadre commercial multilatéral par les pays les plus favorables à la libéralisation, qui ne cachent pas leur volonté d’entraîner le reste du monde dans cet accord, une fois ce dernier finalisé”, a affirmé Rosa Pavanelli. (Lire sur Bilan.ch)

Je vous recommande l’analyse de Magali sur l’excellent site Contre La Cour (en avril dernier).

Je précise enfin que les négociations du traité n’est pas encore terminées.

 

Dans son communiqué de presse, Wikileaks souligne que cet accord aboutira à une dérégulation encore plus importante du secteur des services financiers. L’organisme souligne que ‘la nature exclusive du TiSA” va également affaiblir la position des BRICS dans les futures négociations multilatérales sur les services, puisqu’ils ne sont pas parties à l’heure actuelle de cet accord. Est souligné que les États-Unis et l’UE sont les principaux auteurs des changements proposés dans les textes.

L’annexe secrète du TISA sur les services financiers (Wikileaks) publié par les-crises

Wikileaks publie une analyse du texte fournie par le professeur Jane Kelsey, Professeure à la faculté de Droit d’Auckland (Nouvelle Zélande), opposante au texte, qui n’en est pas moins instructive pour percer les détails techniques.

Analyse de l’annexe secrete financière du tisa publié par les-crises

ENTRAIDE : J’ai à peine survolé le texte inquiétant. Ce serait bien que certains d’entre vous signalent les passages problématique en commentaire, dans l’idéal en les traduisant…

Source: http://www.les-crises.fr/alerte-tisa/


[U3-4] L’invasion nazie en 1941 et la guerre

Friday 20 June 2014 at 01:24

Suite du billet précédent sur l’Histoire des Juifs en Galicie.

Index de la série

Le 22 juin 1941, l’opération Barbarossa est déclenchée : l’Allemagne envahit l’Union soviétique dans la plus grande invasion de l’histoire militaire. Au total, ce sont près de 4 millions de soldats de l’Axe qui pénètrent en Union soviétique, mobilisant 600 000 véhicules et 600 000 chevaux.

Le 22 juin 1941, l’opération Barbarossa est déclenchée -

Panzer III avec infanterie

Ce même jour, les leaders de l’OUN se rencontrent à Cracovie et établissent un plan pour créer un État ukrainien. Ils envoient une lettre à Adolf Hitler lui proposant une entière coopération en échange de l’indépendance de l’Ukraine.

Bien entendu, au vu de sa proximité géographique de la frontière, Lvov est aux avant-postes, et voit les soldats allemands arriver dès le 30 juin 1941.

Le front Est en 1941

Hitler libérateur

L’accueil des troupes nazies est très contrasté suivant les zones.

A l’Ouest de l’Ukraine, dans les territoires polonais annexés en 1939 par l’URSS (anciennement autrichiens puis polonais), l’accueil est enthousiaste et on construit des arcs de triomphe à la gloire des Allemands, vus comme des libérateurs. Cette arrivée est perçue comme un retour à l’ancien régime, plus favorable aux aspirations nationales ukrainiennes par opposition à l’attitude russe refusant de reconnaître les spécificités de l’Ukraine.

Accueil des allemands en Ukraine en 1941

Ukrainiens éminents accueillent les Allemands dans l’ouest de l’Ukraine en 1941

Arrivée des Allemands à Lviv en Juin 1941

Le bataillon Nachtigall dans les rues de lviv en Juin 1941

L’accueil est au contraire très mauvais dans le centre et l’Est de l’Ukraine (territoires anciennement russes, et restés soviétiques), où rien de semblable ne se produit. L’attitude de la population ukrainienne varie entre l’apathie et une haine dissimulée.

Ainsi, au moment où, dans les rangs des districts de l’Ukraine occidentale, la population locale continue à traquer et à capturer, dans les bois, « des opposants, communistes et des Juifs », dans la partie soviétique de l’Ukraine orientale, les nazis fusillent des habitants de la région qui aident ou cachent les partisans et les opposants.

Par ailleurs, le 30 juin 1941, le bataillon Nachtigall est arrivé quelques heures avant les nazis ; l’OUN-B proclama alors à Lviv l’indépendance de l’Ukraine.

Acte de Proclamation de l’Indépendance de l’Ukrainien

1. De par la volonté du peuple de l’Ukraine, l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, sous la direction de Stepan Bandera, proclame la formation de l’Etat ukrainien, pour lequel ont combattu des générations entières des meilleurs fils de l’Ukraine.

L’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, qui, sous la direction de son fondateur et chef Yevhen Konovalets a mené au cours des dix dernières années, une bataille sanglante contre les esclavagistes moscovito-bolcheviques dans une combat énergique pour la liberté, appelle tous les Ukrainiens à ne pas baisser les armes avant que toutes les terres ukrainiennes ne soient unies pour former un gouvernement ukrainien souverain.

Le gouvernement ukrainien souverain garantira au peuple ukrainien l’ordre, le développement unilatéral de toutes ses énergies et tous ses besoins.

2. Dans les terres occidentales de l’Ukraine, un gouvernement ukrainien est formé, qui est subordonné au Gouvernement National Ukrainien qui sera formé dans la capitale de l’Ukraine – Kiev.

3. Le nouvel État d’Ukraine collaborera étroitement avec la Grande Allemagne national-socialiste, sous l’autorité de son leader Adolf Hitler, qui est en train de mettre en place un Nouvel ordre Européen et Mondial, et qui est en train d’aider le peuple ukrainien à se libérer de l’occupation moscovite.

L’armée populaire révolutionnaire de l’Ukraine qui a été formé sur les terres ukrainiennes, continuera à se battre aux-côtés de l’armée allemande alliée contre l’occupation moscovite et pour un État souverain et uni et un nouvel ordre mondial.

Vive l’Ukraine Souveraine et Unie ! Vive l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens ! Vive le leader de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens et du peuple ukrainien – Stepan Bandera.

GLOIRE À UKRAINE !

“Source : Wikipedia
Un décret signé de Stepan Bandera nomme le même jour Yaroslav Stetsko comme chef de l’État.

Le 30 juin 1941 les habitants de lviv attendent la proclamation d’indépendance

Proclamation d’Indépendance de l’Ukraine , 1941

Convoqué le 2 juillet par les Allemands, qui lui expliquent que seul Hitler pouvait décider de la création d’un État à l’Est, Bandera leur répond obstinément qu’une telle décision n’a pas besoin du consentement des Allemands, car la seule chose qui importait était la volonté du peuple ukrainien.

Stetsko écrit le 4 Juillet à Hitler : « Votre Excellence. Je vous exprime la sincère gratitude et l’admiration des Ukrainiens pour votre armée héroïque, qui se couvrit d’une gloire immortelle sur les champs de bataille de l’Europe avec le pire ennemi – le bolchevisme moscovite. Nous vous envoyons, ô grand Führer, au nom du peuple ukrainien et de son gouvernement, qui a été créé dans Lemberg libérée, nos félicitations et nos souhaits chaleureux de voir finir ce combat dans la victoire complète.

La victoire des armées allemandes vous permettra d’étendre la création de la nouvelle Europe à ses territoires de l’Est. Ainsi, le peuple ukrainien espère qu’il aura l’occasion de participer activement à la mise en œuvre de cette grande idée, en tant que membre à part entière de la famille européenne des nations libres, uni dans l’Etat ukrainien souverain. Pour le Gouvernement ukrainien, le chef de l’État Yaroslav Stetsko »

Stetsko

Andrei Melnyk

Le 6 juillet 1941, Melnyk écrit pour sa part au Führer : « Le peuple ukrainien comme aucun autre, lutte pour sa liberté, l’âme imprégnée des idéaux de la nouvelle Europe. Le désir du peuple ukrainien est de participer à la mise en œuvre de ces idéaux. Nous, vieux combattants de la liberté des années 1918-1921, vous demandons de nous faire l’honneur d’accepter la participation de la jeunesse ukrainienne à la croisade contre la barbarie bolchevique. Nous demandons de nous permettre de marcher coude à coude avec nos libérateurs de la Wehrmacht et d’établir pour cela une force de combat ukrainien. »

Beaucoup pensèrent donc que cette proclamation avait la bénédiction allemande – ce qui n’était pas le cas. Ce nouvel État n’est pas reconnu par Hitler et le 4 juillet 1941, la déclaration d’indépendance de l’Etat ukrainien est annulée par les Allemands. Devant le refus de Bandera de revenir sur cette déclaration, les nazis l’arrêtent le 5 juillet et le conduisent à Berlin, puis ils arrêtent le 12 juillet Yaroslav Stetsko. Les deux passeront la guerre en détention dans un camp de prisonniers politiques. Environ 1 500 membres de l’OUN-B furent arrêtés par la Gestapo.

En novembre 1941, les consignes nazies sont durcies : « Le mouvement de Bandera est en train de préparer un soulèvement dans le Reichskommissariat dans le but ultime d’établir une Ukraine indépendante. Tous les cadres du mouvement de Bandera doivent être arrêtés sur le champ, et doivent, après interrogatoire poussé, être liquidés. » En décembre 1942, Hitler lui-même demande d’utiliser « les procédés les plus brutaux » contre les soutiens de l’OUN, « même contre les femmes et les enfants ».

Début 1942, l’OUN-M, qui collaborait toujours avec les Nazis, est à son tour réprimée par ceux-ci, son activité nationaliste étant vue comme préjudiciables aux projets nazis de transformer les territoires de l’Est en simples colonies allemandes.

La politique nazie des Allemands d’occupation du territoire est orientée vers l’affaiblissement de tous les facteurs potentiels d’indépendance nationale, qui peuvent devenir les bases de mouvements d’indépendance. Cela apparaît, par exemple, dans l’organisation de l’ensemble de l’enseignement général vers une étroite spécialisation professionnelle pratique, la fermeture des institutions scientifiques, des musées et bibliothèques, leur pillage, l’infantilisation du niveau de la culture dans la presse, le théâtre… L’affaiblissement des possibilités de la population est atteint par la faim, par l’ensemble des services médico-sanitaires, par les conditions inhumaines de travail imposées aux Ukrainiens envoyés en Allemagne et aux prisonniers de guerre soviétiques. Mais, aussi, par des exécutions massives de différents groupes de populations, pour des prétendus soutiens de mouvements de résistants.

En 1943, mécontente de la politique nazie en Ukraine, l’OUN-B entame la lutte armée contre les Allemands, contre les partisans ukrainiens pro-soviétiques, contre les partisans polonais et, à l’occasion, contre ses rivaux nationalistes de l’OUN-M, qui sont de facto obligés de se rallier ou de cesser leurs activités. L’OUN-B forme pour cela l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) qui compta jusqu’à 100 000 soldats. Bandera s’y oppose d’abord, car il croit qu’une armée clandestine ne peut pas gagner la guerre. Cependant, lorsque l’UPA devient réalité, Bandera lui donne son appui. Ses hommes ont mené des raids sur des centaines de stations de police allemandes et des convois militaires. Vers la fin de 1943 et au début de 1944, l’UPA contrôlait la majeure partie du territoire de Volhynie, en dehors des grandes villes. En mai 1944, l’OUN envoya une instruction pour « basculer complètement d’une lutte, menée contre les Allemands, vers une lutte totale contre l’URSS ».

Drapeau de l’UPA

l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA)

l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA)

Cependant, avec l’avancée soviétique, les choses changent. Le début des discussions et de l’établissement de liens entre les Allemands et l’OUN-UPA a lieu à la fin de 1943. Début 1944, l’Obergruppenführer SS Hans Prützmann signale : « Dans les territoires ennemis occupés, l’UPA envoie systématiquement les résultats de ses reconnaissances au Département du Ier groupe d’armée du front Sud. ». De mars à mai 1944, à Lviv, des discussions ont lieu entre les représentants de l’OUN et des Allemands à propos des accords sur les modalités pratiques de coopération. Le 9 mars 1944, une ordonnance du groupe UPA–Nord déclare : « Aujourd’hui il subsiste un ennemi au moins. Luttons contre l’impérialisme moscovite, contre les partis, le NKVD et ses valets, qui sont prêts à aider tous les ennemis du peuple ukrainien ! ».

En avril 1944, Bandera est approché pour discuter de plans de sabotages contre l’Armée Rouge. Les banderistes sont tous libérés en septembre 1944 ; Bandera est autorisé à fixer son quartier général à Berlin. Les Allemands équipent l’OUN-B et l’UPA en matériel. Encore début 1945, des leaders de l’OUN-B sont évacués par avion par les Allemands.

Après la reconquête soviétique, l’OUN-B continue son action armée contre les Soviétiques, et maintient une activité politique et militaire clandestine en Ukraine jusque dans les années 1950 : les combats ne cessent qu’en 1953-1954.

En 2010, après la reclassification de milliers de pages d’archives sur la Guerre, les Archives nationales américaines publièrent un document intitulé Hitler’s Shadow : Nazi War Criminals, U.S. Intelligence, and the Cold War, par Richard Breitman et Norman Goda, qui incluait un compte-rendu détaillé sur la collaboration de Bandera avec les nazis et leur rôle dans les exécutions de masse de Juifs et de Polonais – dont son tirées les informations suivantes.

“Source : the National Archives
“Source : CIA

Après la guerre, Bandera resta en RFA, où il créa en février 1946, la Section des Affaires étrangères de l’OUN, branche en exil du groupe Bandera, dans laquelle il a maintenu « une ligne ferme sur toutes les questions, l’éducation politique, l’unité idéologique et politique, et la discipline de ses membres. » Bandera avait pour but de créer une dictature en exil, qu’il pourrait transférer ensuite dans une Ukraine libérée. Selon des observateurs du service contre-espionnage de l’armée américaine CIC, la Section des Affaires étrangères OUN utilisait régulièrement l’intimidation et même la terreur contre ses ennemis politiques. Les rapports du CIC classent Bandera comme « extrêmement dangereux » car il était prêt à recourir à la violence contre des rivaux ukrainiens en Allemagne. Il était « constamment en déplacement, souvent déguisé » avec des gardes du corps prêts à « en finir avec toute personne qui pourrait être dangereuse pour [Bandera] ou son parti. »

Une querelle éclata en 1947 entre Bandera et Stetsko d’une part, et Hrinioch et Lebed (l’ancien assistant de Bandera qui dirigeait sur le terrain la police secrète du groupe) de l’autre. Bandera et Stetsko insistaient pour aboutir à une Ukraine indépendante avec un parti unique, l’OUN, dirigé par un seul homme, Bandera. Hrinioch et Lebed déclarèrent que les résistants dans le pays avaient créé le gouvernement clandestin UHVR, et qu’ils n’accepteraient jamais Bandera comme dictateur. Ces derniers furent alors expulsés de l’OUN.

Bandera fut recruté en avril 1948 par les services secrets britanniques – la liaison fut arrangée par Gerhard von Mende, un ancien nazi de haut niveau, qui travaillait pour les Britanniques à travers une société écran, qui recrutait en grande majorité des rebelles musulmans à l’intérieur de l’Union soviétique. Cet ancien dignitaire nazi joua ainsi un rôle déterminant dans la mise en place d’une plate-forme d’opérations des Frères islamiques à Munich et à Genève.

Grâce à von Mende, le MI-6 entraîna des agents de l’OUN-B qui étaient ensuite envoyés en Union soviétique pour y commettre des actes de sabotage et des assassinats entre 1949 et 1950. Un rapport du MI-6 de 1954 fait l’éloge de Bandera en tant qu’« agent professionnel muni d’une expérience terroriste et de notions impitoyables concernant les règles du jeu ». Il a ensuite eu des contacts avec les services secrets italiens.

Les forces de police voulurent ensuite démanteler l’organisation de Bandera, en raison de crimes allant de la contrefaçon au kidnapping. Mais Von Mende, qui était alors devenu un officiel du gouvernement de la RFA la protégea. En avril 1959, Bandera sollicita l’aide des services secrets allemands pour mener des opérations clandestines en Ukraine. Ils acceptèrent de soutenir au moins une mission sur la base du fait que « Bandera et son groupe avaient cessé de trancher des gorges ». Une équipe formée et financée par le BND a traversé la Tchécoslovaquie à la fin juillet, et le BND a promis à Bandera de le soutenir pour des opérations futures, si celle-ci devait être couronnée de succès.

Cette dernière décision lui fut fatale. À l’évidence, les Soviétiques ne pouvaient tolérer une nouvelle alliance entre les services secrets allemands et les fanatiques ukrainiens. Stepan Bandera fut alors assassiné par le KGB en octobre 1959.

La CIA et le Département d’État américain refusèrent catégoriquement de travailler avec Bandera. Un rapport de la CIA indiqua que : « Par nature, Bandera est un dirigeant politique intransigeant, doté d’une grande ambition personnelle, qui s’est opposé depuis avril 1948 à toutes les organisations politiques de l’émigration qui favorisent une forme de gouvernement représentatif en Ukraine, défendant l’idée d’un parti unique, le régime OUN / Bandera. […] Bandera est aussi un assassin condamné. » À partir de 1951, Bandera fit des déclarations anti-américaines, car ceux-ci ne soutenaient pas l’idée d’une Ukraine indépendante.

En revanche, comme par rapport à Bandera, Hrinioch et Lebed représentaient un groupe plus modéré, stable, sécurisé et opérationnel avec des connexions solides avec les nationalistes ukrainiens clandestins en URSS, la CIA décida de les soutenir. Et ce, même si un rapport du CIC américain de juillet 1947 qualifiait Mikhaïl Lebed de « leader fasciste ukrainien » et de « sadique bien-connu et de collaborateur des Nazis ». On constate ainsi que de telles qualités n’embarrassaient nullement la Maison blanche – pas plus que les penchants pronazis des dirigeants actuels à Kiev…

La CIA n’a pas cessé pendant la guerre froide de coopérer avec Lebed. Celui-ci recruta les agents de l’OUN-B qui n’avaient pas suivi Bandera au MI-6 et participa à de nombreux programmes de sabotage derrière le Rideau de fer, incluant l’« Opération Cartel » et l’« Opération aérodynamique ». Lebed fut ensuite envoyé à New York pour le protéger, où il établit une société écran pour le compte de la CIA, Prolog Research Corporation. Prolog fut actif jusqu’au cours des années 1990, après avoir obtenu un fort soutien de la part de Zbigniew Brzezinski qui était alors le conseiller du président Jimmy Carter en matière de sécurité nationale.

En 1985, le département de la Justice ouvrit une enquête sur le rôle de Lebed dans le génocide en Pologne et en Ukraine au cours de la Deuxième Guerre mondiale, mais la CIA fit de l’obstruction et l’enquête fut étouffée. Lebed mourut impuni en 1998 à 89 ans…

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/l-invasion-nazie-en-1941/


L’Ukraine, terre de tolérance (avec les néonazis…)

Friday 20 June 2014 at 00:45

Je précise juste en passant que ça continue les plaisanteries…

On a déjà parlé du sympathique bataillon Azov de nationalistes (vidéo du 9 mai ici) :

Ils étaient à Marioupol le 13 juin, dans une vidéo de propagande montrant leurs combats :

Pas de bol, le long du mur à droite du casque, un petit “détail” (à 2’11) – cela montre l’ambiance locale :

Apparemment ceci (à 6’45) n’émeut donc pas Caroline Fourest :

Autre chose, on a évoqué ici la manifestation (l’attaque ?) devant l’ambassade de Russie à Kiev.

La presse en a (un peu) parlé. Souvent en des termes et photos mesurés, comme ici RFI et France 24 (signalé par Dahu) :

Bizarre, si certains montrent un peu de dégâts, je n’ai vu aucun montrer ça apparemment :

Mais bon, l’essentiel est là quand même :

(Bon comme c’est Le Monde, le 27 juin c’est donc “avant l’été”, mais passons. La suite est plus intéressante :

“Alors que l’Est du pays est toujours très instable, le nouveau président ukrainien, Petro Porochenko, a annoncé jeudi qu’il signerait le volet économique de l’accord crucial d’association avec l’Union européenne (UE) le 27 juin à Bruxelles.

C’est un accord de libre-échange : on n’ose plus appeler un chat un chat ?

L’UE et l’Ukraine étaient convenues de signer cet accord en novembre, mais le président ukrainien de l’époque Viktor Ianoukovitch avait fait volte-face sous la pression de Moscou, déclenchant la crise qui a conduit à sa chute.

Le gouvernement par intérim présidé par le premier ministre Arseni Iatseniouk avait signé le volet politique de cet accord à Bruxelles le 21 mars, lequel reconnaissait notamment « les aspirations du peuple ukrainien à vivre dans un pays s’appuyant sur des valeurs, la démocratie et l’état de droit ».

UN PARTENARIAT INÉDIT

Kiev avait repoussé la signature du volet économique parce qu’il impliquait une levée des barrières douanières ukrainiennes visant à protéger d’une compétition européenne directe les paysans et les aciéries dans l’Est.

Note : un éclair de lucidité. Cela a été refusé “sous la pression de Moscou”. Mais bon, c’est vrai aussi que ça allait foutre en l’air l’agriculture et l’industrie ukrainiennes, et ferait plein de chômeurs… Mais le Président Ianoukovytch n’a pas refusé pour cette raison, hein, ce ne serait pas logique…

Mais bon, heureusement, depuis, les choses ont changé, et cette fois, ces secteurs vitaux seront protégés et ils ser…

Oups, ah ben non, rien n’a changé… Mais le journaliste du Monde en reste là (2 millions d’emplois dans le pays le plus pauvre d’Europe, c’est du détail pour Bruxelles), et poursuit…

Certains médias américains, notamment le Wall Street Journal, avaient dans un premier temps indiqué que le nouveau président ukrainien envisageait de repousser la signature de l’accord jusqu’à ce que le pays parvienne à sortir de la récession et jusqu’à une résolution de l’insurrection séparatiste prorusse.

Ce qui serait juste NORMAL..

Inédit dans l’histoire de l’UE, l’accord d’association vise à arrimer l’Ukraine à l’Union, sans pour autant déboucher sur son adhésion au bloc des 28.

AHAHAHAHAHAH

UN RAPPROCHEMENT SUR LE GAZ

Le même jour que cette annonce, une autre décision importante a été prise par les députés ukrainiens. Confronté à une coupure de l’approvisionnement russe en gaz, le Parlement a accepté jeudi d’examiner un projet de loi confiant la gestion des infrastructures gazières de l’Ukraine à une coentreprise ouverte aux investisseurs européens ou américains.
Cette nouvelle entité, détenue à 51 % par l’Ukraine et à 49 % par des partenaires étrangers, s’occuperait de louer les gazoducs et les sites souterrains de stockage du gaz, dans le but de réduire la dépendance de Kiev vis-à-vis de Moscou tout en garantissant un transit fiable du gaz russe vers l’Europe.

Ah, c’est donc du bi-zi-nesse alors… Pensée pour les morts à Maïdan : votre sacrifice n’aura pas été vain, GDF vous remercie…

Le gouvernement fait valoir que la coentreprise permettrait l’apport de capitaux et ne justifierait plus la construction par le groupe russe Gazprom et ses partenaires du gazoduc South Stream, qui doit contourner le territoire ukrainien en reliant la Russie à la Bulgarie via la mer Noire.

Ahhh, ils vont être contents Gazprom… Et puis ils ne vont pas augmenter le prix de notre gaz alors pour se refaire… Et comme il y a une révolution tous les 6 mois en Ukraine, ne sécurisons surtout pas nos flux gaziers par un plan B surtout…

Le gazoduc South Stream risque de faire perdre à l’Ukraine les frais de transit qu’elle touche sur la livraison de gaz russe à l’Europe occidentale. Kiev espère aussi que la création d’une coentreprise sur le gaz lui permettra de racheter plus facilement à l’Europe une partie de son gaz importé de Russie. Arseni Iatseniouk a estimé que cette inversion des flux pourrait atteindre quinze milliards de mètres cubes par an.

Je ne suis pas spécialiste, mais je vois mal Gazprom qui vend son gaz à des prix très différents en Europe autoriser ça - étrange…

 

Bon, en tous cas, comme je l’ai déjà écrit, la signature ou pas de ce papelard montrera la finesse de Porochenko, et son sens de l’intérêt général.

Car comme dès qu’il va signer, la Russie va sortir l’Ukraine de ses accords de libre-échange (pas pour la punir, juste pour se protéger, comme on résilierait Schengen si Madrid signait un accord de libre circulation des personnes avec l’Algérie), et va donc nitrater l’industrie de l’Est de l’Ukraine. D’où d’énormes problèmes sociaux et donc politiques à venir.

Du suicide pour moi, de la pure inconscience de la part de l’UE : signer un accord de libre échange et d’association avec un pays dont une partie est en guerre civile et qui a un contentieux territorial fort avec la Russie.

Ils iront jusqu’au bout de la folie…

PS. sinon, ancien, de mi-2013, on en a déjà parlé, mais comme on m’a envoyé ce jour cette vidéo – on ne s’en lasse pas, surtout le député Svoboda à la fin…

Source: http://www.les-crises.fr/l-ukraine-terre-de-tolerance/


Le scandale des fonds vautours face à l’Argentine…

Thursday 19 June 2014 at 17:00

Reprise de 2 articles, je manque de temps, partant uen semaine en Crète demain pour un peu de repos bien mértié (la modératon sera donc très lente).

Cependant, je lance simplement deux règles simples, qui devraient être inscrites dans le Droit international pour règler une fois pour toutes le sort des fonds vautours :

1. Un État ne rembourse jamais le titulaire d’une obligation publique pour plus cher que 100 % (ou même 130 %, si on veut un peu de liquidité en cas de problèmes) du prix qu’a été achetée l’obligation. 

2. La loi régissant une obligation publique est toujours celle du pays émetteur – aucun autre État n’a donc de compétence pour en condamner un autre.

Les États-Unis disjonctent de plus en plus :

To be continued…

Pourquoi des fonds vautours ont-ils gagné face à l’Argentine ?

Reprise d’un article de La Croix

 La Cour suprême des États-Unis a refusé de se saisir d’un ultime recours de l’Argentine sur sa dette. 

La haute Cour confirme ainsi la décision d’une cour d’appel de New York qui, en août 2013, avait condamné l’Argentine à rembourser ses créances aux fonds spéculatifs – dits « vautours » – NML Capital et Aurelius Management. La présidente argentine Cristina Kirchner a assuré que le pays n’allait « pas se déclarer en défaut de paiement ». 

Par Michel Aglietta, conseiller scientifique au CEPII :

« Cette décision est navrante. Elle est le résultat d’une campagne de lobbying menée à Washington avec des moyens considérables par ces fonds vautours. C’est la victoire de la vision anglo-saxonne de la justice, fondée sur le droit coutumier. Ce droit donne plus d’importance aux intérêts privés qu’aux intérêts collectifs. Les spéculateurs ont ainsi gain de cause face au peuple argentin. Dans cette vision, le droit de la propriété privée doit l’emporter sur tout autre intérêt économique.

« C’est l’argent qui fait de l’argent qui a gagné face à l’argent qui a une utilité économique et sociale »

Revenons sur l’histoire récente de la dette argentine. En 2002, face à l’écroulement du pays, ses créanciers ont accepté des rabais, des rééchelonnements, histoire de ne pas perdre la totalité de leur mise. C’est dans ce climat que des hedge funds – ces fonds vautours – ont racheté des titres de la dette argentine, dont la majorité des investisseurs voulait se débarrasser. Ils les ont rachetés à bas prix. Ils ont ensuite dépensé leur énergie à exiger un paiement du pays. Ils ont donc eu gain de cause. C’est l’argent qui fait de l’argent qui a gagné face à l’argent qui a une utilité économique et sociale.

On pouvait espérer que la crise financière de 2008 avait modifié les comportements. Ce n’est pas le cas. Les spéculateurs purs et durs ont gagné sur les investisseurs à long terme. C’est regrettable d’un point de vue moral. C’est également regrettable sur le plan financier. Depuis la crise de 2008, les banques centrales soutiennent l’activité en injectant massivement des liquidités. L’économie réelle a besoin que ces liquidités se fixent sur le long terme dans des investissements qui relancent la croissance, qui luttent contre le changement climatique.

« La croissance actuelle se fait sur la base de la spéculation »

Or, les détenteurs de ces liquidités préfèrent spéculer. Ils se portent, par exemple, sur les pays émergents, avant d’en sortir à la moindre annonce d’un possible relèvement des taux d’intérêt aux États-Unis, ce qui leur assurerait une meilleure rémunération. Voilà, pourquoi les pays développés courent après une croissance solide. La croissance actuelle se fait sur la base de la spéculation. C’est le cas en Grande-Bretagne où elle s’explique par une nouvelle flambée immobilière. Dans ce contexte, ce n’était pas le moment d’envoyer le type de signal que vient de donner la Cour Suprême ! »

Recueilli par Pierre Cochez

L’Argentine souhaite rembourser sa dette mais refuse de payer les fonds vautours

Article de La Tribune

L’Argentine rejette le jugement américain qui l’oblige à rembourser sa dette aux fonds vautours, qui pourrait l’exposer à hauteur de 15 milliards de dollars. Mais elle insiste aussi sur sa volonté de rembourser ses créanciers “coopératifs”.

L’Argentine veut honorer ses dettes, mais se refuse à appliquer sous sa forme actuelle un jugement américain la contraignant à payer plus d’un milliard de dollars à deux fonds spéculatifs, ce qui pourrait provoquer à terme un nouveau défaut de paiement.

15 milliards de dollars potentiels à rembourser

Le gouvernement de la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner a en effet annoncé mardi qu’elle entendait négocier avec Thomas Griesa, le juge qui a prononcé l’arrêt de la Cour d’appel de New York, confirmé lundi par la Cour suprême des Etats-Unis.

Nous allons envoyer nos avocats pour parler avec le juge Griesa“, a déclaré le ministre argentin de l’Economie Axel Kicillof. Car, “si le jugement s’applique, l’Argentine se verrait obligée de payer aux fonds vautours non pas 1 milliard de dollars mais 15 milliards, et cela conduirait l’Argentine au défaut de paiement. Mais soyez tranquilles, nous n’arriverons pas à ce stade“, a-t-il ajouté.

Certes, le jugement condamne l’Argentine à ne verser que 1,4 milliard de dollars à NML Capital et à Aurelius Management. Mais ce jugement a créé un précédent, et les autres fonds qui ont refusé les restructurations de la dette argentine pourraient exiger le même traitement. Comme le dit Axel Kicillof, Buenos Aires pourrait alors avoir à verser quelque 15 milliards de dollars.

Or, un remboursement aussi important serait impossible à l’heure où la banque centrale d’Argentine ne dispose que de 28,5 milliards de réserves en dollars, sur fond de déficit énergétique et d’amorce de récession économique.

“Mettre au tapis la restructuration de la dette argentine”

Depuis la faillite de 2001, Buenos Aires rembourse progressivement sa dette envers 93% des créanciers privés qui ont consenti en 2005 et 2010 une remise de dette d’environ 70%. Mais les 7% restant, des fonds spéculatifs, ont refusé cet accord et activé l’option judiciaire pour réclamer 100% de la valeur nominale de bons qu’ils avaient achetés à bas prix.

“Ils veulent mettre au tapis la restructuration de la dette argentine (…) Une clause dans les bons et dans la législation argentine dit que nous ne pouvons pas faire une meilleure offre à un autre créancier”, a mis en avant le ministre argentin.

“Si une sentence nous dit ‘suicidez-vous’, on ne peut pas l’accepter”, a lancé le ministre, un proche de Mme Kirchner.

Il a ensuite souligné que les deux fonds spéculatifs victorieux de leur combat judiciaire contre l’Argentine n’avaient jamais prêté d’argent à l’Argentine. “Ils ont racheté des titres pour 48,7 millions de dollars et un juge des Etats-Unis leur dit qu’il doivent encaisser 832 millions“, dénonce-t-il.

Buenos Aires n’emprunte plus sur les marchés de capitaux

Surfant depuis 2002 sur d’importants revenus tirés des exportations agricoles dopées par la flambée du prix des matières premières, l’Argentine a soldé sa dette avec le FMI en 2006 et conclu le mois dernier un accord avec le Club de Paris.

Depuis 2001, Buenos Aires a renoncé à lever des fonds sur les marchés internationaux de capitaux. Lundi soir, la présidente de centre gauche s’est adressée aux 41 millions d’Argentins, et s’est élevée contre les fonds vautours coupables selon elle d’”extorsion“. Mais elle a réaffirmé sa volonté de rembourser les créanciers “coopératifs“. Pour gagner du temps, elle peut notamment demander à la Cour suprême des Etats-Unis une révision du jugement.

S&P dégrade, le FMI s’inquiète

L’agence de notation financière Standard and Poor’s a abaissé mardi de deux crans la note de la dette de l’Argentine, soulignant que le jugement américain “augmente les risques” d’un défaut de paiement argentin.

S&P établit toutefois une stricte délimitation: selon elle, l’Argentine ne sera considérée en défaut que dans la seule hypothèse où elle ne parviendrait pas à payer ses créanciers coopératifs. Le non-remboursement des deux fonds “vautours” ne suffira en revanche pas à lui attribuer ce statut redouté par les pays et les investisseurs, précise l’agence.

Selon les experts, le litige autour de la dette argentine pourrait menacer les futures restructurations de dette publique en incitant les créanciers à refuser tout compromis avec les États. Mardi, le FMI s’est notamment dit “inquiet de potentielles implications plus vastes pour l’ensemble du système“, estimant que le jugement pourrait menacer dans le monde les futures restructurations de dette publique.

Source: http://www.les-crises.fr/le-scandale-des-fonds-vautours-face-a-largentine/


[Reprise] Crise sur deux fronts (DeDefensa)

Thursday 19 June 2014 at 16:27

Très bon papier de DeDefensa - ça fait plaisir de voir qu’il reste des penseurs de géopolitique dans le pays…

18 juin 2014 – L’Irak a-t-elle fait oublier l’Ukraine ? Ou, question posée autrement, de façon plus appuyée : la crise irakienne est-elle survenue à point pour faire oublier la crise ukrainienne ? On a fort peu lu ni entendu d’explications bien informées sur une sorte de “stratégie de crises” comme il est coutume d’envisager parfois. C’est un exercice dialectique qui ne déplaît pas d’habitude aux mêmes esprits qui échafaudent les scénarios explicatifs des divers Grands Jeux et “complots” manipulateurs (en général du chef des USA) expliquant tel ou tel événement inattendu. On n’a guère entendu ni lu, par exemple, d’hypothèses concernant la corrélation possible entre la crise irakienne et la crise ukrainienne, notamment du point de vue de la communication ; puisque certains en sont à dire que l’offensive d’ISIS en Irak a été manipulée par les mains obscures et expertes qu’on sait, pourquoi ne pas pousser l’hypothèse et avancer que la crise irakienne vient à point pour détourner l’attention de l’Ukraine alors que la bande de Kiev poursuit son entreprise de liquidation (de tentative de liquidation) de la révolte du Donbass ? Ainsi les belles âmes humanitaires du bloc BAO n’auraient-elles pas quelque vague remord à détourner le regard des bombardements divers des villes et villages de la zone, puisque la crise irakienne force à ce détournement, le rend presque nécessaire et le justifie parfaitement.

… Mais l’hypothèse est absurde, parce que “les belles âmes humanitaires” n’éprouvent aucun “vague remord”, ignorant parfaitement ce qu’il faut ignorer en Ukraine et s’en tenant à la narrative de l’“agression russe” assaisonnée du mutisme le plus complet pour ce qui concerne la situation en Ukraine russophone, et notamment la campagne de terreur des force “contre-terroristes” de Kiev. Aussi nous abstiendrons-nous à ce point de quelque hypothèse que ce soit, pour en venir au constat qu’il est difficile, à cause des événements eux-mêmes et de la tournure qu’ils prennent, de ne pas envisager une situation où ces deux crises se trouveraient à leur paroxysme en même temps, – et, dans ce cas, que fait-on, que se passe-t-il ?

Cette proximité chronologique de paroxysme est-elle possible ? Il semble bien que oui. En effet, les deux crises, qui ont déjà connu un paroxysme initial qui caractérise toute crise normalement constituée, semblent dans une situation qui pourrait mener à un second paroxysme, éventuellement en parallèle, la crise irakienne rattrapant à grands pas le temps perdu. (On se trouve là devant le caractère exceptionnel des “crises” dans ce temps crisique, où le Système fait partout feu de toute sa surpuissance et où les arrangements métahistoriques influent directement sur les événements. Les “crises” ne se résument plus à un paroxysme suivi d’un apaisement et de leur résolution, dans un sens ou l’autre, mais bien à des crises qui se transforment très rapidement, après leur “paroxysme initial”, en une situation chronique où d’autres paroxysmes se manifestent, tout cela dans le cadre de ce que nous nommons infrastructure crisique.)

• D’une part, on connaît la situation en Irak, qui peut être résumée selon le constat que le premier choc de l’invasion d’ISIS (paroxysme initial) a établi une situation de crise mais n’a pas résolu cette crise. Le régime Maliki ne s’est pas effondré, la débandade de l’armée irakienne a été contenue, une situation d’un certain équilibre se rétablit et l’affrontement se met en place. Au contraire, Maliki, loin d’accepter la défensive sinon la contrition et éventuellement les conseils nécessairement éclairés de Washington, choisit la résistance agressive, dans tous les cas au niveau de la communication et, espère-t-il, sur le terrain avec une mobilisation générale des ressources guerrières annexes de la population chiite (milices, “armées” spécifiques, etc.). Maliki réagit dans un mouvement d’humeur, sinon de révolte, aux “conseils nécessairement éclairés de Washington”, comme le rapporte ZeroHedge.com le 17 juin 2014 :

«Shortly after the US revealed that, in addition to aircraft carriers and amphibious assault ships it was also sending a few hundred “special forces” on the ground in Iraq, contrary to what Obama had stated previously, Washington made quite clear it wants Prime Minister Nuri al-Maliki to embrace Sunni politicians as a condition of U.S. support to fight a lightning advance by forces from the Islamic State of Iraq and the Levant. Then something unexpected happened: Iraq’s Shi’ite rulers defied Western calls on Tuesday to reach out to Sunnis to defuse the uprising in the north of the country, declaring a boycott of Iraq’s main Sunni political bloc and accusing Sunni power Saudi Arabia of promoting “genocide.” In fact, as Reuters reported moments ago, the Shi’ite prime minister has moved in the opposite direction of Obama’s demands, announcing a crackdown on politicians and officers he considers “traitors” and lashing out at neighbouring Sunni countries for stoking militancy.»

Outre l’attitude de Maliki vis-à-vis de BHO, ce qui est intéressant, dans cette situation c’est l’accusation du même Maliki contre l’Arabie. Cela pourrait signifier que l’Irakien cherche à impliquer l’Arabie en exposant au grand jour son “Grand Jeu” déstabilisateur développé depuis 2-3 ans, notamment en Syrie et depuis bien plus longtemps, derrière tous les groupes terroristes. L’ironie de la chose est bien que cette circonstance se produit au moment où l’Arabie, après la liquidation en douceur de Prince Bandar qui a officiellement perdu en avril son poste de maître déstabilisateur à la tête des SR, semble tentée de changer de stratégie pour une position plus défensive et plus conciliante, et alors l’agressivité de l’Irak à son encontre ne facilite pas ses affaires. Cette tension à la fois extrême et confuse sur cet axe Bagdad-Ryad ne facilite pas la tâche des washingtoniens, qui est de décider quelque chose, alors que l’offensive d’ISIS a divisé d’une façon extraordinaire le camp interventionniste, – avec le symbole effectivement extraordinaire des sénateurs-siamois Graham et McCain s’opposant, pour et contre une coopération USA-Iran contre ISIS dans la crise irakienne. On voit de quel côté, aujourd’hui, se trouvent la confusion, l’indécision, la paralysie, alors que l’Iran est partout sollicité par le bloc BAO pour tenir le rôle qu’il entend naturellement jouer, de protecteur du régime Maliki contre l’ISIS et la révolte sunnite. Washington-Système envoie un porte-avions dans le Golfe, – c’est peu pour une crise de cette puissance mais il n’en a guère plus à disposition, – et barbote dans l’impuissance et dans les querelles internes du pouvoir américaniste.

• En même temps, il apparaît possible que la crise ukrainienne se dirige rapidement, elle aussi, vers un nouveau paroxysme. La tension entre l’Ukraine et la Russie a progressé à pas de géant ces derniers jours. Pêle-mêle, on citera la poursuite de la campagne dite-“anti-terroriste” en Ukraine russophone ; l’interruption de livraison de gaz russe à l’Ukraine ; l’attaque contre l’ambassade russe à Kiev, avec l’étrange performance du ministre des affaires étrangères ukrainien au milieu de la foule ; la mort de deux journalistes russes en Ukraine russophone, au cours d’une attaque d’éléments ukrainiens dont on peut croire que l’opinion publique russe jugera qu’elle était préméditée…

L’opinion publique russe, justement… Dans ce pays souvent présenté, dans les salons parisiens où l’on cultive la parabole surréaliste, comme étant avec Poutine dans un régime de dictature à l’égal de celle de Staline, il se trouve que cela compte, l’opinion publique, comme dans une vulgaire démocratie occidentale, et peut-être plus encore. Effectivement, nous avons toujours pensé que l’un des grands problèmes de Poutine, dans sa tactique de containment face aux pressions et aux provocations ukrainiennes, ce serait l’impatience de l’opinion publique. L’une des grandes réussites de Poutine dans cette crise, le rassemblement patriotique autour de lui, peut s’avérer être la pression décisive qui le forcerait à changer sa politique. C’est notamment l’appréciation du Saker, de The Vineyard of the Saker, qui juge, le 17 juin 2014, que Poutine ne pourra plus, très, très rapidement, écarter l’option de l’intervention…

«…Second, the level of outrage in Russia over the apparent Russian non-action in the face of what has now clearly become a systematic terror campaign against the people of Novorossia is immense. If Putin does not take action very soon he will face a very serious challenge from many sectors of Russian society including the media, the Duma and even his own party “United Russia”. My personal opinion is that this “wait and see” game was probably aimed at deliberately getting the Russian public opinion in a state of rage similar to the one which preceded the 2nd Chechen war but if that is so, then now the Russian society has reached boiling point and that if Putin does not act very soon a political explosion will take place in Russia. Every day now I see already “not so veiled at all” criticisms and expressions of disbelief at the Kremlin’s “shameful passivity”, and I am not talking about some small extremist party websites, but of the most watched and best known TV news and talkshows of mainstream Russian TV. Reporters which used to be very pro-Putin are now clearly and openly expressing frustration maybe not at Putin personally (yet), but at “Moscow”. But the writing is on the wall for Putin now. Furthermore, representatives of Novorussian authorities are now spending their time in Moscow going from one talk-show to another and making truly dramatic pleas for help. In other words, Putin is days away from what will become his political suicide unless he takes action. I would say that things have become so bad that even if the Novorossian Defense Forces have what it takes to keep the neo-Nazi death-squads mostly in check (and I believe that they do), the humanitarian situation is so bad (over 110.000 refugees already) that the pressure to have Russia intervene will continue to grow regardless of the military equation.»

On sait que la thèse la plus courante de la situation ukrainienne hors des narrative et de la presse-Système, c’est celle de la pression et de la manipulation US de la direction ukrainienne pour provoquer à toute force une intervention russe en Ukraine russophone, de façon à pouvoir mettre la Russie en accusation, éventuellement aggraver la situation en Russie même, etc., avec au bout du compte l’habituelle perspective du regime change. (…Et plus encore, avec le mot de l’ancien chef du renseignement russe, Leonid Chebarchine, selon lequel «l’Ouest ne veut qu’une seule chose de la Russie : que la Russie n’existe plus.»). D’une certaine façon, on pourrait dire que la crise en Irak facilite, en en détournant l’attention, la mission du pouvoir de Kiev, pour ce qui regarde la campagne “anti-terroriste”. (Quoique l’on peut discuter ce jugement du simple fait que, dans tous les cas, même lorsque l’attention était fixée sur l’Ukraine, l’aveuglement volontaire du bloc BAO sur les événements en Ukraine russophone faisait fort bien l’affaire…) Bien évidemment, si la pression interne pousse Poutine à l’intervention, – sous la forme d’un “corridor humanitaire” en Ukraine orientale, par exemple, – l’argument se retourne et c’est la Russie qui profite du détournement d’attention.

De toutes les façons, la pression de la crise irakienne est si énorme qu’on voit mal comment un nouveau paroxysme ukrainien (intervention russe) pourrait ramener la concentration des moyens de guerre de la communication, et d’autres styles de guerre plus ou moins “douce”, contre la Russie. On peut même imaginer que certains acteurs des deux crises, surtout dans le camp anti-US, ou antiSystème si l’on veut, peuvent être amenés à jouer de cette “concurrence” des tensions. Dans tous les cas, on découvre alors des possibilités extraordinaires de contradictions antagonistes lorsqu’on considère les positions respectives et relatives des uns et des autres : ici, les USA dans une position aventuriste de provocation directe de la Russie à l’aide d’une direction ukrainienne complètement faussaire ; là, les USA dans la position de quémander une aide de l’Iran, éventuellement de la Syrie, pour soutenir un régime qu’ils critiquent contre des groupes terroristes qu’ils ont eux-mêmes financés, – tout cela, alors qu’on sait les liens unissant la Russie d’une part, la Syrie, l’Irak et l’Iran de l’autre. Qu’on imagine également les “concurrences” de priorité à Washington, où déjà l’idée de “coopérer” avec l’Iran divise le War Party en son cœur même … Tout cela, alors que les moyens militaires de pression des USA, voire pour un affrontement, sont notablement amenuisés.

(Comme on l’a rappelé plus haut, on a beaucoup annoncé, comme pour signaler la puissance US, le déploiement dans le Golfe du USS George H.W. Bush, le bien-nommé et le plus récent [CVN-77] des grands porte-avions d’attaque de l’US Navy. Ce déploiement signale au contraire l’extraordinaire faiblesse de l’US Navy par rapport à ses missions et à ses structures historiques depuis 1945, puisque cette unité est le seul porte-avions US pour toute la zone Méditerranée-Océan Indien, au lieu des 2-4 présents jusqu’à ces dernières années selon les crises en cours ou non. [Voir le déploiement des porte-avions US restant en service sur ZeroHedge.com, le 13 juin 2014.] On découvre à cette occasion que les USA n’ont plus d’unité centrale de contrôle et de projection de force déployée en permanence dans le Golfe comme ce fut le cas depuis 9/11 jusque fin 2013 et les premiers effets de la séquestration.)

Connexion des paroxysmes

Toute réflexion stratégique sensée inscrit parmi ses grands principes le précepte de ne pas ouvrir de second front lorsqu’on est déjà suffisamment occupé avec un premier. Mais comme nous soupçonnons les USA de beaucoup moins planifier et manigancer tous les événements du monde à la façon que nous annoncent les analystes du complot, nous ne jugerons pas que les USA sont en l’occurrence coupables de déroger à cette règle essentielle du second front. Pour nous, la crise ukrainienne reste, dans sa mécanique, dans son déclenchement, dans son “exploitation”, le travail de centres de pouvoir et d’individualités (Nuland & Co) hors de toute coordination et planification centralisées ; idem pour la crise irakienne, qui est le produit d’un monstre de plus accouché par les USA-Système (ISIS et sa nébuleuse diverse), et dont on a évidemment complètement perdu le contrôle. Voilà à quoi se résume “leurs plans” divers et, par conséquent, le “second front” n’est pas de leur propos. Il n’empêche que si les deux crises parviennent, comme on en fait l’hypothèse, à un paroxysme parallèle et chronologiquement aligné, les conséquences deviennent absolument imprévisibles et hors de tout contrôle. (Et nous parlons, notamment et principalement, d’abord des conséquences à Washington même.)

Dans les deux crises, la faiblesse des USA, principaux instigateurs inconscients des causes et des conséquences, sinon de l’acte lui-même, tient en ce qui sembla jusqu’alors faire leur force. Dans des crises qui impliquent des acteurs régionaux, qui ont pour la plupart leurs destins engagés, ils figurent comme un acteurs global, désengagé quant à l’essentiel de leur destin voire de leur ontologie ; c’était jusqu’alors leur puissance apparente, puisqu’ils semblaient ne pas risquer trop dans chaque crise ainsi déclenchée, mais c’est désormais leur faiblesse parce que, à cause de la dissolution interne de leur puissance, jusqu’à la comptabilité de la quincaillerie (les porte-avions), les USA apparaissent comme un acteur global qui a perdu sa capacité globale d’intervention, comme un usurpateur dépassé par le poids de ses usurpations. S’il n’y avait qu’une seule crise, – l’ukrainienne, pour prendre le cas chronologique dominant, – on pourrait débattre sur leur capacité à donner le change. Mais, dès posé ce cas des deux fronts ouverts en même temps, avec possible rencontre des paroxysmes, les USA se trouvent affaiblis sur les deux fronts, et sans l’irrésistible ardeur que donne le sentiment de lutter pour son propre destin, justement.

Comme on a vu plus haut, nous bannissons de notre analyse toute hypothèse sérieuse, centrale, d’une planification réellement élaborée selon des buts stratégiques sérieux et réalistes, – de la part de tous les acteurs d’ailleurs, y compris des bandits de la clique de Kiev et des allumés de ISIS… (Il est entendu que nous ne pouvons désigner comme un “but stratégique sérieux et réaliste” l’ambition de mettre en place un pseudo-califat djihadiste, non parce qu’il ne peut pas se faire mais parce qu’il ne peut l’être que par l’effet d’une violence nourrie par la surpuissance des dynamiques en cours, donc à considérer comme un accident de la crise générale d’effondrement.) Les seuls acteurs sérieux, la Russie et l’Iran principalement dans chacune des deux crises, ne font que réagir, n’ayant en rien déclenché les crises, parce que leurs diplomaties repoussent par leur nature même le procédé de la crise, parce que leur raison politique a horreur du procédé de la déstructuration et de la dissolution.

Cela nous laisse avec deux crises, et peut-être deux paroxysmes de crise interconnectés en une espèce de super-crise touchant tout le Système, sans manipulateur, sans ordonnateur humain, sans Grand Jeu comme règle du jeu. Nous-mêmes, nous nous en passons bien, sans rien laisser pour autant au hasard. Notre appréciation est métahistorique, comme nous aimons à le répéter, et l’activité métahistorique se manifeste aujourd’hui directement, dans des ensembles d’événements qui interfèrent avec une puissance considérable dans les rangements humains (trop-humains) qui relèvent de plus en plus souvent de la narrative de convenance. Le résultat est que les événements eux-mêmes dévoilent les terribles vérités de situation, et notamment les tromperies d’inversions ; ainsi, en ne cessant de vouloir manifester leur puissance qui n’est plus qu’une narrative, les USA ne cessent de manifester leur impuissance.

Pour nous, il s’agit, dans le chef de ces deux crises et, surtout, de la possibilité d’une conjonction de leurs paroxysmes, d’une de ces grandes conjonctions d’événements déstabilisateurs des dynamiques de surpuissance nées du Système ; et l’on sent évidemment que ces “grandes conjonctions” sont de plus en plus fréquentes à s’esquisser, à se préparer, à s’offrir en opportunité. Dans ce cas, on admettra que l’opportunité est considérable et recèle, si elle se développe jusqu’à l’opérationnalité complète, des effets non moins considérables, et d’abord dans le coeur des terres pseudo-impériales. L’establishment, le War Party dominant, sont déjà dans des positions extrêmement difficiles, à Washington même, un peu comme le sont les USA dans le monde : s’accrochant à l’affirmation de leur toute-puissance, alors qu’il ne leur reste plus que l’impuissance qui se révèle avec la division dans leurs rangs eux-mêmes. Des revers extérieurs, dans l’une ou l’autre crise en cours, dans un enchaînement dont nul ne peut s’assurer du contrôle, auraient un effet direct au cœur même de l’establishment et dans le public, avec la possibilité d’une concrétisation intérieure et institutionnelle presque instantanée lors des élections mid-term de novembre. A cet égard, la défaite d’Eric Cantor (voir le 12 juin 2014) constitue un avertissement extrêmement sérieux, et un signe de la rapidité que peuvent acquérir certaines dynamiques de bouleversement, même au sein des appareils-Système qui semblent les mieux verrouillés.

Dans les deux cas de crise, Washington joue très gros, et cette mise est d’autant plus fragile qu’elle est répétée deux fois, dans les deux crises, dans les mêmes conditions à la fois d’incertitude et d’improvisation. Washington est divisée, incertain, fatigué, contraint au poison psychologique de l’affirmation d’une puissance (la doctrine de l’exceptionnalisme, si l’on veut) qui n’existe certainement plus au niveau où on la proclame, pourtant incapable de vivre, sinon de survivre, sans cette drogue de l’affirmation sans fin de son hybris. La mise a la grandeur et l’importance des voies qui ménageraient une évolution fulgurante vers le cœur de la crise d’effondrement. Ce qui domine aujourd’hui dans la perception de cette énorme surpuissance qui tourne presque à vide, c’est sa fragilité, c’est-à-dire le moyen d’une évolution décisive vers l’autodestruction.

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-crise-sur-deux-fronts/


[U3-3] Les Juifs de Galicie & Les mouvements nationalistes ukrainiens

Thursday 19 June 2014 at 01:51

Suite du billet précédent sur l’Ukraine
Index de la série

3.3 Les Juifs de Galicie

La Galicie a une riche histoire multiculturelle, marquée au cours des siècles par, entre autres, les Juifs et les Arméniens. Aucune autre province autrichienne n’était habitée par autant de peuples que la Galicie : Ruthènes (Ukrainiens), Polonais, Allemands, Arméniens, Juifs, Moldaves, Hongrois, Tziganes etc. Les Polonais, Ruthènes et Juifs représentaient la majorité de la population.

Cependant, les Polonais habitaient très majoritairement l’Ouest de la province, tandis que les Ruthènes se trouvaient à l’Est.

La Galicie

Au début du XXe siècle, la Galicie orientale comptait 65 % de Ruthènes (Ukrainiens), 20 % de Polonais et près de 15 % de Juifs. Ces Juifs de Galicie appartenaient en majorité aux Ashkénazes, immigrés d’Allemagne au Moyen Âge.

La plupart des Juifs en Galicie vivaient pauvrement, en travaillant principalement dans de petits ateliers et petites entreprises comme artisans. Ainsi, près de 80 % des tailleurs de Galicie étaient Juifs. Toutefois, l’importance accordée par les Juifs aux études leur permettait de renverser les barrières sociales : les Juifs occupant des professions intellectuelles étaient proportionnellement beaucoup plus nombreux que les Polonais ou les Ukrainiens de Galicie. Parmi les 1 700 médecins de Galicie, 1 150 étaient juifs ; 41 % des travailleurs de la culture, du théâtre et du cinéma, 43 % des dentistes, 45 % des infirmières étaient Juifs ; et il y avait 2 200 avocats juifs contre 450 avocats ukrainiens. Quatre lauréats du prix Nobel et d’autres, comme des médecins aussi connus que Sigmund Freud et Léo Kanner, étaient d’origine galicienne.

En raison des possibilités d’éducation et de promotion sociale offertes par la monarchie autrichienne à l’ensemble de ses minorités, la renommée de la Galicie s’est aussi fondée sur le fait qu’elle fut le terreau fertile de la constitution d’une intelligentsia nationale (autrichienne, polonaise, ruthéno-ukrainienne ou juive) de premier plan. La Galicie fut le laboratoire de mouvements nationaux modernes, polonais, ukrainiens et juifs. Au regard des persécutions ultérieures, la période de l’Empire austro-hongrois fait figure d’ère de liberté. À cette époque la seule université enseignant l’ukrainien et publiant des ouvrages dans cette langue était située à Lemberg (Lviv).

Quand la Galicie devient polonaise en 1920, les Juifs sont immédiatement victimes de discrimination. Ainsi, ni les Juifs galiciens, ni les Ukrainiens n’ont été autorisés par le gouvernement polonais à travailler dans des entreprises d’État, des institutions, des compagnies de chemins de fer, aux PTT, etc. Ces mesures ont été appliquées strictement. Les Juifs galiciens et les Ukrainiens subirent une discrimination ethnique, sous la forme d’une polonisation forcée (par exemple, en 1912, il y avait 2 420 écoles ukrainiennes en Galicie et en 1938 il n’en restait plus que 352).

Il faut également savoir que la Galicie a été depuis le milieu du XIXe siècle une terre d’émigration. Une proportion considérable des « Galiciens » se trouvent aujourd’hui hors de Galicie. Près d’un million de Galiciens ukrainiens, dits « Ruthènes », ont émigré au début du siècle aux États-Unis, au Canada et en Europe occidentale, tout comme de nombreux Galiciens polonais. Des 800 000 Juifs galiciens d’avant la Première Guerre mondiale, 200 000 à 300 000 ont fui pogroms et guerres vers les capitales occidentales et les États-Unis entre 1880 et 1914.

En novembre 1918, les Juifs ont été victimes de violences et des vols perpétrés par des Polonais ; entre 50 et 150 Juifs ont été tués et des centaines ont été blessés ; 3 synagogues ont été brûlées.

Panorama de Lviv

En 1931, Lviv comprend 30 % de Juifs parmi ses 300 000 habitants.

En 1940, le nombre de Juifs passe d’environ 140 000 à 240 000, des dizaines de milliers de Juifs fuyant les parties de la Pologne occupées par les Nazis vers ce relatif (et temporaire) sanctuaire occupé par les soviétiques.

La plupart de ces Juifs galiciens ont été massacrés durant la Shoah. Les quelques survivants ont émigré en Israël ou aux États-Unis.

3.4 Les mouvements nationalistes ukrainiens

Les nationalistes ukrainiens acceptent très mal le transfert de la Galicie à la Pologne en 1919.

Un groupe d’anciens officiers créa à Lviv dès 1920 l‘Organisation Militaire Ukrainienne (UVO), mouvement révolutionnaire clandestin militaire, ayant mené de multiples opérations de sabotage en Pologne. Durant les années 1920, l’UVO livra une lutte acharnée contre les Polonais, et des violences eurent lieu de part et d’autre.

l’Organisation Militaire Ukrainienne : UVO

Assassinat du poète ukrainien Sydir Tverdohlib

L’Organisation Militaire Ukrainienne, militant pour l’indépendance, organisa un certain nombre d’assassinats à l’encontre de politiciens polonais et de personnalités ukrainiennes (tentatives contre le représentant de la ville de Lviv, contre le président de Pologne et son vice-président, assassinat du ministre de l’Intérieur polonais ou du poète ukrainien Sydir Tverdohlib (considéré comme collaborant avec les Polonais).

À partir de 1923, les services secrets allemands (Abwehr) financèrent et équipèrent l’UVO en échange d’activités d’espionnage contre la Pologne.

les services secrets allemands (Abwehr) financèrent et équipèrent l’UVO

les Sections d’Assaut nazies – Ernst Röhm

Dès 1930, l’UVO prend contact avec les Sections d’Assaut nazies d’Ernst Röhm. En 1933, les SA autorisent des détachements de l’UVO à recevoir une formation militaire. En 1938 sont créés, par l’Abwehr, des centres d’entraînement, en vue de la création d’une cinquième colonne pour des actions futures sur les territoires de la Pologne et de l’URSS. En 1939, sont formés près d’un millier de nouveaux volontaires ukrainiens. L’Abwehr arme également illégalement des groupes ukrainiens en URSS. Mais la coopération resta limitée, en raison des préjugés raciaux d’Hitler contre les Ukrainiens. En effet, si ces nationalistes se voyaient comme des Européens à la différence des « russes semi-asiatiques », ils n’tétaient pour les nazis que des slaves, une « race inférieure ».

Par ailleurs, en 1929 à Vienne est créée l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN), qui regroupe l’UVO et d’autres associations étudiantes nationalistes, qui est dirigée par Yevhen Konovalets. Son emblème issu de ces armoiries de l’Ukraine laisse peu de doute sur ses méthodes…

En 1929 à Vienne est créée l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN) dirigée par Yevhen Konovalets

Les armoiries de l’ukraine

Emblème de l’OUN issu des armoiries de l’Ukraine et qui laisse peu de doute sur ses méthodes

Au début des années 1930, l’UVO et l’OUN commirent des centaines d’actes de sabotage, avec de très nombreux attentats à la bombe, détruisant de multiples voies de chemin de fer, bâtiments de police et réseaux de télégraphe et de téléphone, et elles procédèrent à des braquages réguliers. Les assassinats continuèrent : une centaine au total entre 1921 et 1939.

Plus la répression polonaise augmenta, plus des jeunes rejoignirent l’OUN, qui comptait environ 20 000 membres au début de la guerre.

Yevhen Konovalets, qui œuvra pour la reconnaissance internationale des aspirations des Ukrainiens, est finalement assassiné par le NKVD soviétique en 1938.

Or, il y eu toujours des tensions dans l’OUN entre les jeunes radicaux galiciens et les plus vieux vétérans militaires en exil, tensions que l’habileté politique de Konovalets arriva à gérer. Les plus anciens avaient grandi dans une société stable et avaient servi dans l’armée régulière ; ils se considéraient comme une élite, disposant de grades militaires, adhéraient à un code de l’honneur et une discipline militaire, et étaient plus modérés politiquement ; ils admiraient certains aspects du fascisme italien de Mussolini, mais ils condamnaient fortement les méthodes nazies. En revanche, les plus jeunes n’avaient connu que la répression polonaise et la lutte clandestine ; ils étaient plus impulsifs, violents et impitoyables ; ils admiraient le fascisme et les méthodes des Nazis, estimant que la fin justifie tous les moyens.

Konovalets est alors remplacé par Andriy Melnyk, 48 ans, ancien colonel de l’UVO. Calme et posé, sa nomination est vue comme une tentative de rapprocher l’OUN de l’Église et de modérer ses actions. Cela déplut fortement aux jeunes de Galicie, qui formaient la majorité du mouvement. L’OUN se scinde alors en 1940, entre la modérée OUN-M (Melnyk) et la radicale OUN-B, en référence à son nouveau Leader Stepan Bandera.

Stepan Bandera

la radicale OUN-B, B en référence à son nouveau Leader Stepan Bandera

Celui-ci est un nationaliste galicien, d’abord condamné avec 11 personnes à mort en 1934 pour le meurtre du ministre de l’Intérieur polonais puis emprisonné à vie. Libéré en 1939 lors de l’invasion nazie. Il participe à l’organisation de deux bataillons ukrainiens au sein de l’armée nazie en vue de l’opération Barbarossa : le bataillon Nachtigall (« Rossignol », 400 soldats) et le bataillon Roland (300 soldats), qui formèrent la Légion ukrainienne de la Wehrmacht.

le bataillon Nachtigall qui forma la Légion ukrainienne de la Wehrmacht

le bataillon Nachtigall qui forma la Légion ukrainienne de la Wehrmacht

Au printemps 1941, l’OUN-B, soutenue par l’Abwehr, a reçu 2,5 millions de marks pour des activités subversives en URSS – soit autant que l’OUN-M, soutenue, elle, par le RSHA allemand.

À suivre dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/les-juifs-de-galicie/


Les coupes de l’interview de Poutine

Thursday 19 June 2014 at 00:59

Je termine sur le sujet des coupes de l’interview de Poutine.

J’ai remis le billet à jour en rajoutant les 2 vidéos suivantes que nous avons créées :

1/ La vidéo avec seulement les coupes – bref, tout ce que TF1 n’a pas jugé de bon de montrer :

2/ La vidéo en version complète, TF1 + les coupes traduites :

Merci à Olivier pour le sous-titrage…

Source: http://www.les-crises.fr/les-coupes-de-poutine/


[L'horreur ordinaire] Massacre à Kramatorsk

Thursday 19 June 2014 at 00:46

Je le fais rarement, mais des petites piqures de rappel s’imposent parfois.

Donc vidéo des dégâts causés par l’armée ukrainienne dans l’Est, à Kramatorsk, le 16 juin :

IMAGES INSOUTENABLES, POUR UN PUBLIC AVERTI…

 

À peine une ligne dans nos médias - alors que si les Russes faisaient ça, on en parlerait un peu plus sans doute…

Quand je pense que les Occidentaux parlaient d’envoyer Ianoukovytch à La Haye lors du Maïdan sanglant…

Selon que vous serez, etc, etc.

Source: http://www.les-crises.fr/massacre-a-kramatorsk/


[Reprise] L’aveuglement des Occidentaux n’est pas seulement ridicule et regrettable, il devient dangereux – par Emmanuel Todd

Wednesday 18 June 2014 at 01:11

Un intéressant article de Todd…

L’affaiblissement de la puissance américaine, le délitement de l’Union européenne et le retour de la Russie sur la scène internationale redessinent la géopolitique du monde. Un nouveau paradigme dans lequel la France peine à trouver sa place.

Atlantico : Après avoir un temps cru à l’émergence d’une démocratie modèle en Ukraine, les chancelleries européennes et américaines semblent avoir été prises de court par la diplomatie de Moscou et les mouvements dans l’Est du pays. En quoi l’engagement de l’Occident a-t-il pu reposer sur un malentendu ?

Emmanuel Todd : Lorsque je repense à cette crise, je m’étonne de voir qu’elle ne s’inscrit pas dans la logique qui était en train de se dessiner en Europe jusqu’ici. Le début du XXIe siècle avait été marqué par un rapprochement des “Européens” et des Russes, avec l’établissement de positions communes assez fortes dans des moments de crise. On se souvient de la conférence de Troyes en 2003, où Chirac, Poutine et Schroeder avaient manifesté ensemble leurs refus de l’intervention américaine en Irak. Cet événement laissait l’impression d’un Vieux Continent évoluant globalement vers la paix tandis que l’Amérique de Georges W.

Bush, fidèle à la ligne Brzezinski, restait dans un esprit de confrontation à l’égard de Moscou en s’appuyant sur d’anciens satellites soviétiques, avec les Pays baltes et la Pologne comme partenaires anti-russes privilégiés.

L’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche a coïncidé avec un retournement de la posture américaine. Sa ligne, telle que je la percevais à l’époque, était d’apaiser les tensions avec l’Iran et la Russie pour mieux pouvoir engager le fameux “pivot” vers l’Asie où réside la menace de long-terme pour la puissance américaine. Ce retrait de Washington aurait dû renforcer la volonté des Européens, et particulièrement des Allemands, de se rapprocher de Poutine pour parachever un grand partenariat commercial, énergétique et industriel. Aurait ainsi pu se dessiner une Europe d’équilibres basée sur un moteur franco-germano-russe. Il est difficile de contester que l’Histoire a pris une toute autre direction : nous sommes en pleine confrontation entre la Russie et l’Union européenne, désormais sous leadership économique et diplomatique allemand.

Ce renversement s’explique je crois par un changement rapide de la posture allemande. On me déclare souvent germanophobe mais je ne pense être ni insultant, ni très loin de la vérité, en diagnostiquant que les élites de ce pays souffrent d’une certaine “bipolarité”psychologique et historique dans leurs rapports avec la Russie, hésitant, oscillant sans cesse entre bienveillance et conflit. Cette dualité est manifeste dans le glissement de Bismarck à Guillaume II, le premier souhaitant devenir le partenaire de l’Empire des Tsars, le second rentrant brutalement dans l’engrenage menant à 1914. Dans une séquence encore plus courte, nous aurons le Pacte Molotov Ribbentrop d’août 1939 , rapidement annulé par l’invasion par Hitler de la Russie en 1941. Les historiens évoqueront-ils un jour un basculement de Schröder à Merkel ?

C’est bien l’Allemagne qui désormais fait le jeu du côté occidental, mais un jeu hésitant entre phases agressives et moments de repli durant lesquels elle reprend sa posture conciliante, moments il est vrai de plus en plus brefs. C’est bien le voyage en Ukraine du ministre allemand des Affaires étrangères, Steinmeier, qui a marqué le début de la séquence actuelle. La présence de son homologue polonais Sikorski à Kiev était comme la garantie d’une posture agressive de la mission. On ne peut jamais soupçonner la Pologne de bipolarité vis-à-vis de la Russie : son hostilité est stable, atemporelle, une sorte de manie qui ne fait jamais place à la dépression. Laurent Fabius, fidèle à lui-même, ne savait sans doute pas ce qu’il faisait-là. Un Rainbow Warrior de plus à sa collection. Au-delà du blabla sur les valeurs libérales et démocratiques, rendu ridicule par le nouveau partenariat européen avec l’extrême-droite ukrainienne,le voyage de Kiev nous a révélé une nouvelle politique de puissance de l’Allemagne, dont l’objectif à moyen terme est dans doute de rattacher l’Ukraine (unie ou divisée, c’est secondaire) à sa zone d’influence économique en tant que source de main-d’œuvre bon-marché. C’est une opération que le Schroeder de 2003 n’aurait jamais mené.

Selon vous, Vladimir Poutine jouerait l’apaisement et non l’escalade. L’Occident n’aurait-il donc rien compris ?

J’ai commencé ma “carrière” avec un livre qui prédisait l’effondrement du système soviétique, qu’on ne m’accuse donc pas de soviétophilie régressive. Je suis pourtant effaré de constater que durant les vingt dernières années s’est développée à l’inverse une véritable russophobie des élites occidentales. Les médias français sont en pointe dans ce délire, avec Le Monde en pole position. Pour suivre les évènements d’Ukraine je dois consulter les sites du Guardian, du Daily Telegraph, du New York Times, du Washington Post, du Spiegel et même du journal israélien Haaretz pour les questions d’antisémitisme. Tous hostiles à la Russie, ces journaux contiennent néanmoins de l’information exacte. Le Monde ne relaie même pas correctement les informations les plus élémentaires.

J’ai eu, ces derniers mois, le sentiment angoissant de vivre dans un pays sous-développé, coupé du monde réel, totalitaire d’une façon subtilement libérale. Mais je dois lire aussi les sites russes Ria Novosti en français et Itar-Tass en anglais parce qu’ aucun média occidental n’est capable de nous informer sur le point de vue russe. Exemple : au beau milieu d’une crise que nous devons d’abord analyser en termes de rapports de force géopolitiques, j’ai pu voir passer une foultitude d’articles, français comme anglo-saxons, s’acharnant sur l’”homophobie” du régime Poutine. Il est inquiétant pour l’anthropologue que je suis de voir les relations internationales sortir d’une logique rationnelle et réaliste pour rentrer dans des confrontations de moeurs dignes de sociétés primitives.

On surreprésente les différences culturelles, différences qui d’ailleurs ne sont en général pas celles que l’on croit. La question du machisme et de l’antiféminisme du régime russe a été de nouveau soulevée suite aux récents propos de Poutine sur Madame Clinton mais sur la base d’une ignorance radicale du statut des femmes en Russie. On compte à l’université russe 130 femmes pour 100 hommes, contre 115 en France, 110 aux Etats-Unis et… 83 en Allemagne. Selon ces critères la Russie est l’un des pays les plus féministes du monde, tout juste derrière la Suède (140 femmes pour 100 hommes)…

Le point de vue diplomatique russe dans cette crise n’est pas culturaliste et il est très simple: le groupe dirigeant russe ne veut pas de bases de l’Otan en Ukraine, s’ajoutant à l’encerclement balte et polonais. Point. La Russie veut la paix et la sécurité. Elle en besoin pour achever son redressement et elle a désormais les moyens de l’obtenir ainsi qu’on vient de le voir en Crimée. Un conseil final d’anthropologue : les Occidentaux agressifs qui veulent imposer leur système de moeurs à la planète doivent savoir qu’ils y sont lourdement minoritaires et que les cultures patrilinéaires dominent quantitativement. Notre mode de vie me convient personnellement, je suis heureux du mariage pour tous. Mais en faire la référence principale en matière de civilisation et de diplomatie, c’est engager une guerre de mille ans, que nous ne gagnerons pas.

Vous voyez les Etats-Unis comme dépassés par la situation ukrainienne. En quoi le sont-ils ?

Les Américains ne savent pas où ils vont. La crise née en Europe les a lancés sur une trajectoire régressive et agressive parce qu’ils ont peur de perdre la face. L’affaire de Géorgie en 2008 avait déjà sérieusement entamé leur crédit de protecteurs du Continent. C’est ce qui peut expliquer le retour de bellicisme impérial qui s’est manifesté avec l’Ukraine, à rebours de la doctrine “nationale et reconstructrice “dessinée jusqu’ici par Obama. J’espère que ce revirement n’est que temporaire et que l’actuel locataire de la Maison Blanche saura reprendre le contrôle de sa politique étrangère, ce qui pour l’instant est loin d’être acquis.

Etant donné l’opposition toujours majoritaire de l’opinion américaine vis-à-vis d’une intervention militaire en Ukraine, j’ose toutefois me dire que cet espoir n’est pas totalement vain.

Bien qu’ils se soient fait assez brutalement ”moucher” par Poutine avec le rattachement de la Crimée, les Américains ont toutefois une autre crainte, plus profonde, celle de voir l’Allemagne s’émanciper complètement de leur sphère d’influence. Si vous lisez Le grand échiquier de Brzezinski, œuvre majeure pour comprendre la diplomatie actuelle, vous comprendrez que la puissance américaine d’après-guerre repose sur le contrôle des deux plus grands pôles industriels de l’Eurasie : le Japon et l’Allemagne. La crise économique nous a montré que la Maison Blanche n’a pas su contraindre Berlin à abandonner les politiques d’austérités, de changer la politique monétaire de l’euro et plus largement de prendre part aux dispositifs de relance mondiale. L’inavouable vérité est qu’aujourd’hui les Etats-Unis ont perdu le contrôle de l’Allemagne et qu’ils la suivent en Ukraine pour que cela ne se voie pas. .

Le recul de la puissance américaine devient réellement préoccupant. Washington est en état de choc après la prise de Mossoul en Irak par des combattants djihadistes. La stabilité du monde ne saurait donc dépendre de la seule puissance américaine. Je vais faire une hypothèse surprenante. L’Europe devient instable, simultanément rigide et aventuriste. La Chine est peut-être au bord d’un effondrement de croissance et d’une crise majeure. La Russie est une grande puissance conservatrice. Un nouveau partenariat américano-russe pourrait nous éviter de sombrer dans une « anarchie mondialisée » dont l’éventualité semble chaque jour plus réalisable.

Dans toute cette analyse la France semble totalement absente du jeu…

La France n’a selon moi pas à s’impliquer outre-mesure dans la crise ukrainienne, son histoire et sa géographie l’en éloignent naturellement. La seule place qu’elle pourrait concrètement occuper serait celle d’un bras droit de Berlin, une “ligne Charlemagne” aggravant le potentiel déstabilisateur du nouveau cours diplomatique allemand. L’idée d’une puissance française autonome n’a ici pas de sens. Trois nations ont une réelle importance dans le jeu ukrainien et plus largement européen : deux sont résurgentes, l’Allemagne et la Russie, l’une est dominante depuis 70 ans : les Etats-Unis.

Peut-on voir cette croisade du camp occidental en Ukraine comme le symptôme d’une difficulté toujours plus grande à se définir et à définir ce qui l’entoure ? Comment en est-il arrivé là ?

Les Occidentaux ont effectivement un grand mal à savoir ce qu’ils sont : les Allemands hésitent entre pacifisme et expansionnisme économique, les Américains oscillent entre la ligne impériale et la ligne nationale, et les Français ne savent plus vraiment où se placer dans cette situation confuse. Tout cela entraîne une lecture assez pauvre par les élites occidentales des événements, fait qu’illustre assez bien les interrogations de nombreux journalistes sur “ce que veut Poutine”, interrogations qui aimeraient sous-entendre que les “Européens” et les Américains savent très bien à l’inverse ce qu’ils veulent. C’est en vérité l’exact opposé qui est à l’œuvre, les Russes étant dans une volonté de puissance définie, importante mais limitée, tandis que l’Occident n’a in fine aucun objectif clair et lisible dans cette affaire. On peut même aller jusqu’à dire dans le cas des “Européens” que la russophobie est peut-être inconsciemment le seul cordon qui reste capable de faire tenir ensemble un espace politique et monétaire qui ne signifie déjà plus grand-chose.

Dans un contexte de résurgence des Nations et de l’Histoire et sur fond de déliquescence de la zone euro, cet aveuglement des Occidentaux n’est pas seulement ridicule et regrettable, il devient dangereux. On doit cependant relativiser : nos problèmes comportent paradoxalement des avantages pour la stabilité du Continent. L’Europe de l’Ouest est habitée par une population vieille, encore très riche, et qui a beaucoup à perdre tandis que les Russes commencent tout juste à “souffler” après des années d’un déclin économique ravageur. La mortalité s’inverse , l’économie se stabilise, l’agriculture repart, et l’on peut parier qu’en dépit d’une véritable fierté d’appartenance nationale les Russes ne sont pas prêts à tomber d’ici demain dans un délire belliciste incontrôlable.

Vous semblez beaucoup moins critique à l’égard des Etats-Unis que du temps d’Après l’Empire. Vous vous dites même “pro-américain de gauche”…

Après l’Empire a effectivement été considéré un peu trop vite comme un classique de l’anti-américanisme alors que je m’étais donné du mal, tant dans les entretiens de promotions que dans le livre lui-même, pour expliquer qu’il n’était en rien motivé par une phobie . En vérité je prenais le contre-pied du Grand échiquier de M. Brzezinski, personnalité que je suis obligé de respecter pour son intelligence mais dont les rêves sont assez loin des miens. Ma posture était finalement celle d’un démocrate de gauche, et c’est d’ailleurs comme tel que le livre a été compris outre-Atlantique.

Je pense en réalité que la prédominance américaine en Europe est, à l’instar de la démocratie comme régime politique, la moins pire des solutions étant donné l’état d’effondrement idéologique dans lequel se trouve notre continent. Je pourrais même accepter sans inquiétude cette prédominance si était respecté le principe des contre-pouvoirs, principe si cher aux Pères Fondateurs. La Russie pourrait jouer le rôle salutaire de garde-fou, bien que le système interne en vigueur là-bas soit loin d’être ma tasse de thé. Il s’agirait là non seulement d’un équilibre bénéfique à la stabilité des relations internationales dans leur ensemble mais aussi bénéfique aux Américains eux-mêmes. Il n’est jamais sain pour soi-même de se croire tout puissant. Après l’échec du couple franco-allemand, je me dis, avec un brin d’ironie, qu’un couple américano-russe pourrait tenter sa chance. Ma déclaration n’est en rien un acte de “foi” à l’égard du modèle américain, j’y suis simplement poussé par l’inévitable deuil d’une Europe aujourd’hui dénuée de projet et d’identité.

Vous avez justement parlé récemment d’une faillite de l’Europe nouvelle. Le Vieux Continent porte-t-il une responsabilité particulière dans l’incapacité de l’Occident à définir une nouvelle politique ?

Il n’y a selon moi plus rien à attendre de l’Europe. Que peut-on sérieusement attendre d’un espace qui n’arrive même pas à se débarrasser de l’euro alors que cela représente un intérêt crucial pour sa survie ? C’est en ce sens que je m’avoue aujourd’hui plus intéressé par ce qui se passe aux Etats-Unis. Le premier mandat d’Obama ne m’avait pas particulièrement impressionné mais force est de constater que la politique menée depuis la réélection de 2012, particulièrement la politique étrangère jusqu’à la crise ukrainienne, faisait preuve d’une réelle intelligence innovatrice… La vraie question reste donc de savoir si les Etats-Unis seront à même de se maintenir ou même de rebondir ou s’ils sombreront dans le déclin. Le cas européen est selon moi réglé.

Vous disiez en 1995 lors de la réédition de L’Invention de l’Europe : “ce livre permettra de comprendre, dans vingt ans, pourquoi une unification étatique imposée en l’absence de conscience collective a produit une jungle plutôt qu’une société”. Comment envisagez-vous aujourd’hui l’avenir ?

Si j’ai pu réussir quelques « coups » prédictifs par le passé avec la chute de l’URSS, l’affaiblissement des Etats-Unis, les révolutions arabes et l’échec d’un euro mort-né, je suis bien obligé de reconnaître que l’aspect totalement nouveau de la situation actuelle me déroute. Si je n’arrête évidemment pas mes recherches, je suis bien obligé d’admettre que la multiplication des facteurs inédits rendent la prédiction quasiment impossible.

L’Europe est aujourd’hui riche, vieille, très civilisée et paisible, en dépit d’une dynamique incontestable de renaissance des nations. C’est un contresens historique d’affirmer que le racisme y progresse. Quand je compare cette époque à celle des années 1970 je suis frappé de voir à quel points les gens sont devenus plus tolérants aux différences(physiques, sexuelles…). Nous vivons dans un monde où la violence à grande échelle, la guerre, est difficilement concevable. Je resterais donc sceptique quant à un scénario apocalyptique au cœur même du Vieux Continent.

Pour ce qui est de l’euro, on voit bien aujourd’hui que cette monnaie ne pourra jamais fonctionner dans une accumulation de sociétés dont les langues, les structures et les mentalités n’ont finalement que très peu en commun. D’un autre côté, il est clair pour moi que le seul pays qui serait à même de casser la zone euro et sa logique destructrice, c’est la France. Mais j’ai fait le deuil d’une élite politique française capable d’affronter la réalité de son échec et de passer à autre chose.

Mais je suis historien avant tout. Ma tristesse de citoyen est atténuée par la possibilité d’observer une histoire qui continue, même gérée par des idiots, et qui est sur le point de s’accélérer.

Propos recueillis par Théophile Sourdille

Source : Atlantico

Source: http://www.les-crises.fr/le-dangereux-aveuglement-des-occidentaux-emmanuel-todd/


[Encore du boulot sérieux de l'AFP] La Russie et le gaz ukrainien

Tuesday 17 June 2014 at 02:09

C’est fascinant : on prend une information sur l’Ukraine dans un journal (enfin, si j’ose dire…), au pif, on décide de vérifier, et zou, on a un taux d’erreur hallucinant…

Libération a repris une dépêche AFP en choisissant un titre presque neutre :

(comme d’habitude, ne cherchez pas trop les papier titrés “d’après Moscou”, ils sont très rares…)

Le papier indique :

“La Russie a coupé le gaz à l’Ukraine lundi après l’échec de leurs négociations, une mesure qualifiée par Kiev de «nouvelle agression» contre l’Etat, qui risque d’affecter l’approvisionnement en Europe cet hiver. [...] [NB. : la crise a 24 heures, mais attention, danger pour notre gaz cet hiver... ! Par ailleurs, amicale pensée à tous les pauvres qui se font "agresser" par EDF et GDF tous les ans...]

La Russie a «réduit à zéro» les livraisons de gaz à l’Ukraine, ne laissant entrer que les volumes destinés aux pays européens, a souligné le ministre ukrainien de l’Energie Iouri Prodan, assurant que son pays ne perturberait pas le transit vers l’Europe.

Le directeur général du géant gazier russe Gazprom, Alexeï Miller, a estimé qu’il n’y avait «plus matière à discussion» avec l’Ukraine, qu’il a accusé de «chantage» après l’échec des négociations qui a conduit à la décision de cesser les approvisionnements.

Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a dénoncé de son côté une mesure pour «détruire l’Ukraine». «C’est une nouvelle étape de l’agression russe contre l’Ukraine», a-t-il affirmé. [...] [NB. : je me répète, mais à l'évidence ce type est fou de parler ainsi...]

A l’expiration de son ultimatum lundi à 06H00 GMT, Gazprom a annoncé qu’il ne fournirait à l’Ukraine, dont la dette gazière atteint 4,5 milliards de dollars, que ce qu’elle règlerait à l’avance.

La compagnie ukrainienne «Naftogaz reçoit son gaz pour les volumes qu’elle paye. Rien n’a été payé, donc rien» ne sera livré, a résumé le porte-parole de Gazprom, Sergueï Kouprianov.

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a appelé lundi la Russie et l’Ukraine à «faire un effort» pour trouver un accord en vue d’une reprise des livraisons de gaz.

Les Etats-Unis ont qualifié lundi le compromis présenté par l’Union européenne d’«équitable et de raisonnable» et exhorté la Russie «à se réengager sur cette base» de négociations, a déclaré le porte-parole du département d’Etat Jennifer Paski. Les discussions sous l’égide de l’UE ont échoué mercredi, l’Ukraine ayant refusé une proposition du président russe Vladimir Poutine de 385 dollars les 1.000 m3. [...]

Cependant le groupe public a annoncé qu’une délégation ukrainienne se rendrait mardi à Budapest pour demander aux Européens de leur céder une partie du gaz russe qu’ils importent.

[N.N. non, c'est interdit par contrat Gazprom pour les raisons évidentes exposées ci-après]

«Des compagnies européennes sont prêtes à fournir du gaz à l’Ukraine. Elles proposent à l’Ukraine du gaz bon marché à 320 dollars les 1.000 m3», a déclaré le PDG de Naftogaz, Andriï Kobolev.

[NB. : ben, qu'il l'achète à 320 $ alors, où est le problème, pourquoi il perd son temps le gars ? Mais la Russie estime que se passer d'elle amènerait le gaz euroépen à 550 $]

L’Ukraine a refusé la hausse des prix décidée par Moscou après l’arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux fin février, conséquence de la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch : les 1.000 mètres cubes de gaz sont alors passés de 268 à 485 dollars, un prix sans équivalent en Europe. Dans sa «dernière offre», Moscou avait proposé 385 dollars.”

Résumé (je passe sur l’agression, etc.) : offre de départ de négociation à 485 $ “sans équivalent en Europe”, puis dernière offre à 385 $, refusée par l’Ukraine.

Mais la Russie vend combien son gaz à l’export ?

En fait, on n’a officiellement qu’une moyenne pour les pays étrangers (Europe + Chone + Japon). Pas bien compliqué à trouver, c’est dans le rapport annuel Gazprom (lecteur journaliste, Google est ton ami…):

Prix du gaz exporté depuis 3 ans :

et depuis 5 trimestres :

Donc le prix actuel moyen de Gazprom est de 375-380 $.

Il y une réduction de 25 % pour les pays de l’ex-URSS :

Mais ce n’est pas tout.

Le prix du gaz a fortement augmenté depuis 2004, étant indexé sur le pétrole :

En 2012, une indiscrétion de cadres de Gazprom au journal Izvestia a donné le prix du gaz vendu par pays au premier semestre 2012. En effet, le prix varie en fonction de la dépendance énergétique au gaz, des autres sources d’énergie, etc. :

Les écarts étaient donc très importants !

On note que le prix moyen d’alors 385 $ couvrait en  fait une échelle de 313 $ en Angleterre à 526 $ en Pologne et 564 $ en Macédoine.

Depuis 2012, le prix moyen a à peine baissé, et même avec quelques fortes baisses sur les clients aux prix les plus hauts, il est faux de laisser croire que la proposition initiale de la Russie était “sans équivalent en Europe”…

Pour mémoire, l’immense contrat de 30 ans avec la Chine a été signé à… 350 $ !

Pour rappel, la dépendance au gaz russe :

En conclusion, la Russie a finalement proposé à l’Ukraine de lui vendre son gaz au tarif moyen (en supprimant l’avantage de 25 % spécial “allié de la Russie” – elle payait 268 $ avant le coup d’Etat), ce qui est très avantageux pour un pays en tension énorme avec elle, et qui lui doit plusieurs milliards de dollars d’impayés…

Mais l’Ukraine a refusé et parle d’agression quand la Russie propose de lui livrer tout ce qu’elle veut, tant qu’elle paye d’avance !

Bref, nouvelle manipulation de Kiev avec la complicité de nos journaux… (ils sont forts quand même les fascistes – le gouvernement ne changeant pas pour le moment, ce qui est un détail j’imagine…)

Source: http://www.les-crises.fr/le-gaz-ukrainien/