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[Reprise] Ah, au fait, Poutine a tiré du nucléaire ce week-end, par Philippe Grasset

Tuesday 23 September 2014 at 00:45

Reprise d’un billet de DeDefensa

Le ministre de la défense ukrainien, le Colonel-Général Valery Geletey, vient d’effectuer un voyage en Pologne, chez les amis. Des journalistes l’accompagnèrent, pour recueillir précieusement ses confidences. L’une d’elles concernait l’aéroport de Lougansk, où des forces ukrainiennes avaient tenu bon contre l’encerclement des forces de Novorussia, avant, semble-t-il, d’en être délogées. C’est alors que Geletey expliqua la perte de l’aéroport par le fait que les Russes vinrent à l’aide de Novorussia en amenant un mortier 2S4 Tyulpan, avec au moins deux obus à charge nucléaire de 3 kilotonnes, puisqu’effectivement, toujours selon les précisions du Colonel Général, ils utilisèrent deux obus nucléaires de 3 kilotonnes, forçant la défaite ukrainienne dans cette bataille. «S’il n’y avait eu les Tyulpan [et les deux obus nucléaires, cela va de soi], nous aurions pu tenir l’aéroport pendant des mois et personne n’aurait pu nous en déloger». Voilà… Cela aurait dû être le Fort Alamo de la vaillante armée de Kiev-la-vertueuse mais l’immonde Poutine, bousculant toutes les règles de la civilisation et envahissant l’Ukraine une fois de plus, façon-Stealth, a tiré du nucléaire. Il y avait Hiroshima et Nagasaki (dont la destruction pourrait bien avoir été manipulée in vitro par une action de désinformation prémonitoire du futur bébé Vladimir Vladimirovitch), il y a désormais sur le banc de l’infamie Lougansk et ses deux obus de 3 kilotonnes.

L’affaire a fait tout petit bruit tant on a admis ici et là, en-dessus et en-dessous, etc., que son ridicule était tel qu’il risquait d’emporter à peu près tout des miettes de cohérence et de bon ordre qu’on retrouve encore dans l’Ukraine de Kiev, éparses, dispersées, orphelines… Russia Today n’a tout de même pas résisté, le 21 septembre 2014, à nous en faire un compte-rendu où le sarcasme côtoie les yeux grand ouverts d’ébahissement…

«The allegations, by Col. Gen. Valery Geletey, were first reported by Roman Bochkala, one of the Ukrainian journalists accompanying the minister in his recent trip to Poland. “So Russia did use tactical nuclear weapons against Ukrainian troops,” the journalist wrote on his Facebook page, citing Geletey’s words.

»The nuclear weapons in question are rounds for 2S4 Tyulpan self-propelled mortars. The journalist reported the minister as saying that Russia supplied some of those to rebel forces and used at least two 3-kiloton nuclear rounds in the battle for Lugansk airport. “If it were not for the Tyulpans, we could have been holding the airport for months and nobody would have ousted us from it,” the general was cited as saying…»

• Réactions diverses chez les Russes, de l’incrédulité à l’ironie, et jusqu’à la défense du ministre ukrainien (“non, il nous paraît impossible qu’un général ait dit une chose pareille…”).

«The allegations understandably provoked a small media storm in Ukraine and even comments from the Russian Defense Ministry, which expressed doubt that a general could actually have said it. If the minister did say all that, the Russians joked, then “the Ukrainian security service should investigate what the Polish friends slipped into Geletey’s glass.” “Speaking seriously, Geletey’s habit of justifying the failures of the punitive operation in southeastern Ukraine with the alleged actions of the Russian armed forces start to resemble paranoia,” the Russian ministry added…»

• Devant les premières réactions suivant ses affirmations, le Colonel Général ukrainien a songé à rétropédaler. Ses explications sont embrouillées, difficilement compréhensibles sinon inaudibles. Elles ont au moins l’avantage de donner du crédit à cette succulente et étrange histoire postmoderniste, dans la mesure où lorsqu’un ministre dément, essentiellement à Kiev, c’est que l’histoire impliquée nous a rendu compte d’une vérité par inadvertance. Impitoyable avec ses explications, Russia Today prend tout de même la peine de réduire à bien peu de chose l’argumentation “nucléaire” du ministre («The minister apparently is not completely honest, since direct access is not required to collect evidence of a nuclear detonation, even a small one»).

«The Ukrainian general himself later denied the nuclear allegations, saying that the journalist had misinterpreted his words. “Everyone knows that Russia is de facto using Ukrainian territory as a testing range for its new weapons,” Geletey wrote on his Facebook page. “What else than for testing did the Russians send 2S4s into our territory?” “I stress that only competent specialists armed with special equipment may test whether or not a nuclear or any other weapon that we don’t know of was used. In particular they need to take radiation samples on the ground. Unfortunately, we cannot do that because Lugansk airport is currently under control of the terrorists and the Russian military,” he added…»

• Les déclarations du ministre ont attiré des réactions à Kiev même, du côté du ministère de l’intérieur, sous la rubrique “à force d’être ridicule, le ministre de la défense va finir par ridiculiser l’Ukraine aux yeux de la Russie et du reste du monde”. Il semble en effet que le Colonel-Général, nommé à la va-vite en mai dernier pour tenter de redresser la situation militaire, n’en soit pas à son coup d’essai, du moins aux yeux du ministère de l’intérieur. Il s’agit d’une confirmation parmi d’autres, derrière le ridicule de l’affaire, de dissensions sérieuses au sein de la direction à Kiev.

«If anything, the defense minister and the journalist, who misreported his words, have given ammo to critics of Ukraine, said Anton Gerashchenko, an aide to Interior Minister Arsen Avakov. “Why would anyone make such statements that can be easily checked and proven false?” he wrote on his Facebook page. “In the end Russia and the entire world will now ridicule us. Too bad, it’s nothing new for us.”

»The two Ukrainian ministries involved in the military campaign against rebel forces in the east have been trading accusations lately. The latest round of bickering this week came after Geletey said in an interview that “there were no real heroes” among the commanders of the Interior Ministry’s National Guard, who are now seeking seats in parliament. Avakov responded with a demand for an apology from his fellow minister.»

Cet épisode représente, dans son outrance même, un excellent symbole de la situation en Ukraine-Kiev, d’une part par rapport au sérieux qu’on peut attribuer aux représentants de la direction, d’autre part par rapport à la stabilisation-confusion de la situation dans la partie du pays “sponsorisée” par le bloc BAO. Mais il s’agit d’abord de distinguer dans quelle mesure le procédé de la narrative, passant ici de la “fantasy-narrative” (l’“invasion-Stealth” et le reste) déjà largement utilisée à la “narrative-ridicule”, finit par coûter de plus en plus cher à ceux qui l’utilisent, dans un gracieux mouvement d’inversion selon le grand art de la surpuissance du mensonge engendrant l’autodestruction par le mensonge. Il y a là une limite de capacité et de validité à déterminer, c’est-à-dire une limite de mesure du mensonge qui doit être appréciée en fonction des possibilités que la situation puisse ou non l’absorber, et si cette possibilité est dépassée les dégâts engendrés pour celui qui les émet. La sortie du Colonel-Général a notamment provoqué cette réaction cynique d’une source européenne indépendante, dont on pourrait observer qu’elle allie dans ses jugements fatalisme et ironie méprisante : «Il faut savoir bâtir des scénarios-bidons dans les limites des possibilités et de la crédibilité, si l’on veut parvenir à susciter un engagement des alliés extérieurs, même les plus crédules, ou même simplement maintenir leur niveau d’engagement… Il faut être vague, lancer des accusations difficilement vérifiables, donc difficilement niables, et vraiment la sortie du ministre de la défense, qu’il ait été ou non mal compris, est à cet égard complètement contre-productive.»

La question du mensonge dans la partie qui se joue en Ukraine devient un cas de plus en plus délicat pour la direction de Kiev, de plus en plus Kiev-guignol, et de plus en plus divisée à mesure qu’on approche des élections, avec une opposition farouche entre le président Porochenko, qui aurait parfois des velléités d’arrangement de la situation, et son premier ministre Yatsenouk, qui est plutôt de la partie extrême alimentée par les neocons et tous leurs relais de type “société civile” ou centre d’agitation type-Soros. Dans ce cadre général, le Colonel-Général Geletey, recruté en hâte en mai dernier comme on l’a dit et ainsi insuffisamment rôdé au jeu de billard à multiple bandes qu’est la politique à Kiev-guignol avec les multiples influences du bloc BAO, fait plutôt figure d’“électron libre” un peu irresponsable, prenant la licence du mensonge, que ce soit indirectement et presque toujours sans conscience réelle de ce qu’il déclenche, pour un jeu sans limites ni bornes d’équilibre et recherche d’une certaine apparence de cohérence. La sortie “nucléaire” de Geletey, qu’elle ait été exprimée comme telle ou bien interprétée par un journaliste parce que Geletey laissait la place à l’interprétation, montre que le poids du mensonge en politique, notamment par le biais de la “narrative-ridicule”, risque de mettre dans l’embarras même les forces les plus disposées à soutenir cette politique dans le cadre d’une communication russophobe à outrance. Même l’outrance, et nous dirions même “surtout l’outrance” a ses règles, ce que Geletey semble ignorer ; plus l’on ment outrageusement, plus l’on est tenu à une grande rigueur morale dans l’observation des règles opérationnelles de la chose.

Depuis le mois de mars où le courant de la narrative antirusse avait de la tenue, jusqu’au paroxysme de la destruction du vol MH17 en juillet, la narrative antirusse, passant à la phase-fantasy puis à la phase-ridicule, est en train de perdre son efficacité et sa puissance d’impact. C’est une orientation dangereuse. Lorsqu’on monte des narrative à ce point mensongères, effectivement, une tension psychologique extrêmement forte est nécessaire, pour étouffer dans l’intellect des protagonistes divers toute velléités l’esprit critique, pour ne pas prendre le risque de passer pour un constructeur de fausses-vérités de situation, notamment auprès de certains segments du système de la communication puis auprès des électeurs quand il s’agit d’hommes politiques qui tiennent à leur onction démocratique vertueuse et régulière. Des “coups” comme celui du Colonel-Général avec ses obus poutiniens de 3 kilotonnes, avec cette allure de tragédie si énorme qu’on croirait une tragédie-bouffe (de l’italien buffo, pour “ridicule”), font brusquement tomber la tension, faisant passer la gravité tragique qui compose habituellement le masque de carnaval des réunions de l’OTAN, en un éclat de rire nerveux qu’on n’arrive plus à retenir. Il y a un risque sérieux de “dérapage”, comme on dit dans les salons de la politique politicienne et parisienne ; il y a le risque très préoccupant que, soudain, la vérité de la situation apparaisse plus crédible, plus “vendable”, voire plus sexy (cela pour la presse-Système), que les déclarations des ministres amateurs du type Kiev-guignol. Il s’agit là d’un sérieux problème stratégique qui devrait déclencher une réflexion approfondie à l’OTAN et une revue critique de la doctrine de défense du Monde Libre Postmoderniste.

… Effectivement l’OTAN, exactement l’OTAN, – où existent quelques spécialistes de la narrative qui pourraient servir de coaches aux ministres-guignols de Kiev. C’est le cas du général Breedlove, de l’USAF, détaché comme proconsul de la Pax Americana auprès de l’OTAN, comme SACEUR et commandant en chef des forces alliées en Europe. Sur Strategic-Culture.org, le 22 septembre 2014, Finian Cunningham nous rapportait la dernière sortie de Breedlove, – un excellent exemple de l’art consommé de la “fantasy-narrative”, exercée par un vrai professionnel. Au Colonel-Général Geletey, ci-devant ministre de la défense de l’Ukraine démocratique, d’en prendre de la graine.

«Given the appalling humanitarian situation in eastern Ukraine, an observer would think that all reasonable parties should be striving to bolster the chances of success for any ceasefire initiative. Moscow has evidently demonstrated its political commitment. But not, it seems, Washington or its General Breedhate. The American military commander was speaking at a NATO military conference in the Lithuanian capital, Vilnius, on Saturday just hours after the latest peace plan was unveiled in Minsk. The General dismissed the ceasefire as being “there only in name” and he repeated unsubstantiated claims that Russian forces were operating in Ukraine. That’s hardly a constructive attitude.

»As German newspaper Deutsche Welle reported, the Four-Star General “could not pinpoint how many” or where exactly these alleged Russian soldiers are operating in eastern Ukraine. “The fluidity of movement of Russian forces and Russian-backed forces back and forth across [the Ukrainian] border makes it almost impossible to understand the numbers,”said the General with telling, and conveniently, vague assertion. “The ceasefire is still there in name, but what is happening on the ground is quite a different story,”Breedlove added.»

Source : Philippe Grasset, DeDefensa, 22/09/2014

Source: http://www.les-crises.fr/ah-au-fait-poutine-a-tire-du-nucleaire-ce-week-end/


[Reprise] La construction européenne a transformé l’histoire, par Serge Sur

Monday 22 September 2014 at 10:13

Intervention de M. Serge Sur, professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas, directeur de l’Annuaire Français de Relations Internationales (AFRI), rédacteur en chef de Questions internationales, à la table-ronde l’Europe sortie de l’histoire ? Réponses du lundi 20 janvier 2014.

Vous m’avez donné la redoutable charge d’être le premier à vous répondre et je dois me situer par rapport à vous, par rapport à votre ouvrage, par rapport à votre question : « L’Europe sortie de l’histoire ? ». C’est une question mais ce sont aussi deux dates « 1914 – 2014 ». Je me suis donc demandé quelles places respectives il fallait accorder au conflit et à la situation actuelle de l’Europe. Il m’a semblé que c’était cette deuxième perspective qui devait nous retenir davantage. Mais comme vous avez parlé vous-même de la guerre, peut-être me limiterai-je à deux brèves remarques à ce sujet. Le souci de ne pas être trop long veut que je simplifie un peu mon propos, que je lui donne un caractère un peu abrupt qu’il n’aurait pas s’il était plus nuancé, plus développé. Mais c’est aussi la logique d’un premier tour d’horizon où l’on se prépare à débattre.

– I –

Sur la Guerre de 1914, j’ai des idées assez claires et assez simples.

– Première remarque : il y a une responsabilité politique claire, c’est celle de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne. Je n’en veux pour preuve que les Mémoires du chancelier Von Bülow [1] qui, établissant très clairement ce processus d’entrée en guerre, ne cache pas les fautes de l’Allemagne qu’il décrit, qu’il critique. Je voudrais aussi me référer très brièvement à une lettre écrite en 1905 à l’empereur, qui figure dans sa correspondance, publiée en 1931 chez Grasset [2]. À cette époque, vous avez tout à fait raison, on envisageait une guerre anglo-allemande. Et cette guerre fut effectivement plus anglo-allemande que franco-allemande, ce qu’avait très bien vu Thibaudet en 1922 dans son ouvrage La Campagne avec Thucydide [3]. Nous sommes dans l’équivalent d’une guerre du Péloponnèse, écrivait-il, qui oppose une puissance continentale et une puissance maritime. La puissance maritime, c’est l’Angleterre. Précisément, dans la lettre que je viens d’évoquer, Von Bülow envisage l’hypothèse que l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne ou attaque l’Allemagne et il écrit à l’empereur :

« Il faut que Votre Altesse envoie aussitôt un télégramme à Bruxelles et un à Paris, avec sommation de se déclarer dans les six heures pour ou contre nous. Nous entrerons immédiatement en Belgique quelle que soit sa réponse. Pour la France, il s’agit de savoir si elle restera neutre, ce qui est peu vraisemblable mais non impossible. Si la France mobilise, c’est une menace de guerre dirigée contre nous au profit de l’Angleterre. Il faudra alors que les régiments russes marchent avec nous. Et je crois que la perspective de se battre et de se livrer au pillage dans la belle France sera un appât suffisant à les attirer. À l’occasion, on pourrait voir s’il ne serait pas possible d’offrir une compensation à la France afin qu’elle se comporte bien à notre égard, comme par exemple un arrondissement de territoire au détriment de la Belgique. Cela la dédommagerait de l’Alsace-Lorraine. »

On observe là une vision allemande de conquête, de partage qui n’était pas du tout celle de la France entrant en guerre.

– Deuxième remarque, sur la mémoire de cette guerre. Nous allons commémorer en cette année 2014 l’entrée dans la Grande Guerre. Je redoute beaucoup d’être exposé à une logique victimaire nous expliquant que les soldats ont été massacrés et, en partie, massacrés par nos propres généraux. Je dois dire que je trouve ce discours insupportable. Je crois qu’il faut au contraire considérer que ces soldats furent des héros. Ils se sont battus pour défendre le sol français. Pour moi qui suis de famille alsacienne, cette Guerre de 1914 signifie quelque chose. Ils doivent être célébrés comme de vaillants combattants qui sont morts les armes à la main. S’ils sont dignes de compassion, ils méritent surtout qu’on les admire parce que cette génération est tout à fait admirable.

– II –

Ayant dit ceci, qui peut évidemment prêter à controverse, je voudrais en venir à la question principale : « L’Europe sortie de l’histoire ? »

L’Europe, c’est l’Union européenne, aussi bien dans son processus – les communautés (CECA, CEE, CEEA) puis la Communauté puis l’Union – que dans son état actuel. Cette question, a priori, m’est apparue un peu paradoxale parce qu’on pourrait dire, à l’inverse, que c’est la construction européenne qui a réintroduit l’Europe dans l’histoire. En 1945, l’Europe était sortie de l’histoire. Elle était occupée, détruite, divisée. Elle était déconsidérée, par le nazisme pour les uns, par le colonialisme pour les autres.

Où en est l’Europe aujourd’hui ?

Elle a surmonté tout cela. Elle est en bien meilleur état aujourd’hui qu’elle ne l’était en 1945. Alors que l’après Première Guerre mondiale avait été pour elle un désastre, l’après Deuxième Guerre mondiale a été plutôt une réussite. Réussite due à une innovation conceptuelle, qu’on peut très longuement discuter, de Jean Monnet. Ce dernier avait certes une ambition à laquelle on peut ne pas souscrire mais l’instrument qu’il a dégagé, le concept de communauté, était une innovation intellectuelle extrêmement féconde. À vrai dire, dans le domaine des relations internationales – où les institutions, les concepts sont relativement rares et où nous vivons depuis la fin du Moyen-Âge sur le concept d’État – le concept de communauté a été une innovation majeure, et nous vivons toujours sur son héritage. De sorte que je crois que la construction européenne et le concept de communauté qui en a été l’instrument ont permis à l’Europe d’entrer à nouveau dans l’histoire et d’y entrer avec un nouveau visage.

Où serait aujourd’hui l’Europe sans l’Union européenne ? Il me semble qu’on ne peut pas répondre à cette question. On ne peut pas répondre aux questions qui n’ont pas d’objet. Mais mon sentiment est qu’elle serait dans une situation moins favorable qu’elle ne l’est, même aujourd’hui. Je ne veux pas être l’Européen de service. Je ne suis pas un militant de l’Europe. Je suis idéologiquement neutre sur ce plan et je suis très attaché à l’idée nationale. Mais il me semble que, précisément, l’idée nationale a tiré profit de la construction européenne, notamment en Europe. Construction européenne et idée nationale, loin d’être antagonistes, sont selon moi indissociables.

La question : « L’Europe est-elle sortie de l’histoire ? » tourne autour de l’histoire et de l’idée qu’on se fait de l’histoire. Que va-t-on appeler « histoire » ? De quelle histoire l’Europe sortirait-elle ? Sans prétendre répondre à la question, j’essaierai d’en dégager quelques éléments, quelques sens possibles. Il s’agit de savoir ce qu’est l’histoire. Nietzsche écrivait, dans Généalogie de la morale : « […] n’est définissable que ce qui n’a pas d’histoire » [4]. C’est une observation que je livre au Président Soutou. Il ne sera peut-être pas d’accord sur ce point, mais cela me semble vouloir dire que l’histoire non plus n’est pas définissable. Simplement il peut y avoir plusieurs perceptions de l’histoire. Alors je vais me fonder sur différentes perceptions pour tenter d’analyser la question : L’Europe est-elle sortie de l’histoire… mais de quelle histoire ?

– La première idée qui vient à l’esprit, c’est que l’histoire, c’est la guerre. Carl Schmitt, qui était juriste, n’écrivait-il pas en substance que l’histoire du droit international depuis son origine n’est rien d’autre que l’histoire de la guerre [5] ? C’est juste, mais je me demande si l’on ne peut pas généraliser son propos à l’histoire tout court. Il est vrai que l’histoire de l’Europe et du monde – et l’histoire du monde façonnée par l’Europe – a été longtemps celle de la guerre, jusqu’aux guerres paroxystiques du XXe siècle. Indiscutablement, de ce point de vue l’Europe est sortie de l’histoire, elle est sortie de l’histoire de la guerre. Personne ne contestera que c’est une bonne chose. Elle a réussi à créer une paix structurelle entre ses membres, à partir de l’entente franco-allemande et à condition que cette entente franco-allemande se maintienne, ce qui veut dire que c’est une entente à laquelle chacun de nous doit veiller comme à la prunelle de ses yeux. Une condition clé du maintien de la paix en Europe, et une condition permanente est le maintien de l’entente franco-allemande.

Si l’Europe, du point de vue de la conception guerrière de l’histoire, est sortie de l’histoire et pour son bien, je crois qu’en revanche on peut dire que l’histoire n’est pas sortie de l’Europe. L’histoire n’est pas sortie de l’Europe dans la mesure où elle n’a pas eu les moyens d’universaliser son modèle. Elle n’a d’abord pas servi de modèle à l’extérieur. Le modèle de la réconciliation franco-allemande aurait pu servir de base pour la question palestinienne. Il pourrait aussi servir de base pour les relations entre l’Inde et le Pakistan, par exemple. Certains de ces couples infernaux que connaissent les relations internationales pourraient, tout d’un coup, transcender leurs conflits par leur entente même, et transformer des conflits stériles en un jeu à somme positive. Cela ne s’est malheureusement pas produit, et l’Union européenne est demeurée une entreprise tout à fait singulière.

L’histoire extérieure, ensuite, a frappé et frappe encore l’Europe. Elle l’a frappée avec la guerre froide, puis avec le phénomène des États défaillants, y compris à ses portes. Le terrorisme international ne l’a pas épargnée, soit que certains réseaux y aient trouvé refuge, soit qu’ils l’aient prise pour cible. En d’autres termes, l’Europe a su pacifier son espace entre ses membres, mais elle n’a su ni exporter cette pacification ni se protéger entièrement des tribulations d’origine extérieure. On l’a bien vu à ses frontières même, pratiquement en son cœur, avec l’affaire yougoslave. Face à l’effondrement du pays, à sa partition en plusieurs étapes, elle a été largement défaillante tant politiquement, diplomatiquement que militairement. Je me borne là pour cette première approche de l’histoire, présentée de façon très sommaire comme le veut la logique du propos.

– Deuxième approche possible : on peut dire que l’histoire, c’est la compétition pour la puissance. C’est la conception de Paul Kennedy : l’histoire des relations internationales n’a jamais été que celle de l’ascension et de la chute des grandes puissances [6]. Il est vrai que l’Union européenne a rompu avec un modèle de puissance qui était le modèle historique de la domination, de la force, de la prépondérance sur autrui, celui de l’empire – domination sur l’Europe elle-même – comme celui de l’hégémonie – domination du monde extérieur. On peut dire que l’Europe a échangé avec les États-Unis ce modèle de puissance auquel elle avait renoncé, ou qui lui a échappé avec la destruction des empires – Première Guerre mondiale – et la destruction des empires coloniaux – Deuxième Guerre mondiale.

Au moment où les États-Unis ont triomphé après les deux guerres mondiales, ils ont en quelque sorte repris à leur compte ce modèle de puissance abandonné par l’Europe. Très éclairant est à cet égard l’ouvrage de Robert Kagan sur Mars et Vénus [7] symbolisant les vertus viriles des États-Unis et les faiblesses féminines de l’Europe. Très significatif également dans l’imaginaire américain cet archétype du western, High Noon ou Le train sifflera trois fois [8]. On voit dans ce film le shérif Kane (Gary Cooper) affronter seul des truands, confronté à la lâcheté de la ville qu’il défend et qui l’abandonne. Il est très intéressant de noter qu’au moment de la guerre d’Irak, en 2003, les journaux américains présentaient les Européens comme des sissies (tapettes), des lâches… les comparant aux habitants de Hadleyville, le village de Kane, tandis que Kane se dresse seul face à ses ennemis. High Noon [9] est, selon leur dire, le film préféré des présidents Bill Clinton et George W. Bush. Il y a là une sorte d’ethos consensuel américain très révélateur.

Ceci étant, si l’Union européenne a rompu avec un modèle de puissance, elle n’a pas rompu avec la puissance. Elle incarne une autre forme de puissance, les normes, les valeurs, la conditionnalité, les partenariats, l’attractivité et, en dépit des difficultés internes qu’elle peut connaître, l’Union européenne reste très attractive. Tous ses voisins souhaitent appartenir à l’Union européenne. Elle reste aussi la première puissance économique et commerciale du monde, même dans le cadre de la mondialisation, et sa capacité de négociation au sein de l’OMC est forte. On ne peut donc pas dire que l’Union européenne est inexistante sur ce plan.

Si elle a une faiblesse – et là je rejoins tout à fait les observations du président Chevènement – c’est sur le plan monétaire. Mais il ne s’agit pas seulement de l’euro. Le problème est beaucoup plus large, c’est celui du dollar. Il n’existe pas de système monétaire international. C’est une carence – pas pour tout le monde – à laquelle l’euro sert un peu de palliatif. L’euro a cherché à compenser l’absence de système monétaire international, absence qui entraîne fragilité sur le plan bancaire et dépossession de la capacité de décision en matière monétaire. Au fond, aujourd’hui, ce sont les États-Unis qui maîtrisent la monnaie. Le dollar est à la fois monnaie nationale et monnaie internationale dominante, ce qui est sans exemple dans l’histoire. De là un phénomène de domination qui n’a pas de précédent : une monnaie nationale est en même temps la monnaie internationale exclusive ou quasi exclusive. L’euro ne l’est que de façon très secondaire.

En définitive, l’économie mondiale dépend des décisions de la FED et non des décisions de la Banque centrale européenne. L’euro est donc une monnaie dominée. Le véritable problème est ainsi moins celui de l’euro que celui du système monétaire international. Pour y remédier, il conviendrait que non seulement les États européens mais tous les États du monde, et notamment les puissances émergentes, dont cela serait également l’intérêt, s’assemblent pour mettre en place un véritable système monétaire international. Quel qu’il soit, un système monétaire international serait préférable à la domination du dollar.

Cette domination du dollar va de pair avec celle des normes. Les normes américaines (normes bancaires, normes comptables, normes industrielles…) sont en train de se répandre voire de se mondialiser. Toutes les normes ne sont pas juridiques mais les plus importantes le sont, et la loi américaine aspire à s’universaliser. Derrière les États-Unis comme derrière l’Union européenne il y a des normes. Or aujourd’hui une sorte de lutte pour le droit est menée pour déterminer les systèmes juridiques qui seront dominants, voire pourront faire l’économie de régulations internationales. Sur beaucoup de plans, de façon assez discrète, ce sont aussi bien les normes américaines que la compétence des tribunaux américains qui se développent. Internet notamment repose très largement sur la loi américaine, sur des contrats qui, soumis à une loi californienne, échappent totalement à une régulation internationale – avec, d’ailleurs, la complicité tacite des gouvernements.

Au-delà du plan commercial, économique, on assiste sur le plan des droits de l’homme à une lutte sourde entre le Premier amendement (qui consacre une totale liberté d’expression) et la conception européenne des droits de l’homme (la Convention européenne des droits de l’homme pose des limites à la liberté d’expression). La liberté d’expression n’est qu’un exemple particulier de conceptions différentes des droits de l’homme entre l’Europe et les États-Unis. On voit bien, notamment à propos d’internet que les systèmes juridiques peuvent être en conflit ouvert et que le Premier amendement l’emporte de plus en plus grâce à l’ubiquité d’internet. Si l’Union européenne n’est pas dépourvue de moyens de lutte contre cette pression diffuse et multiple, il n’est pas certain qu’elle ait la volonté de les mettre en œuvre.

– III –

On peut alors retenir une approche plus prospective de la question. Le Plan Marshall a certes joué un rôle au départ de la construction européenne, mais la dynamique communautaire s’était depuis lors largement autonomisée. Pour l’Europe, la sortie de l’histoire ne risque-t-elle pas finalement d’être la dissolution de l’Union européenne dans l’Otanie ? C’est le cœur du problème. Je ne crois pas du tout que l’Union européenne soit sortie de l’histoire mais elle peut en sortir, voire elle serait en passe d’en sortir – et avec elle les nations qui la composent – dans la mesure où elle se dissoudrait dans une Otanie qui est en gestation – Otanie que l’on baptise du doux nom d’Occident.

– Cette perspective est évidemment liée à la zone de libre-échange transatlantique. Si cette zone de libre-échange est mise en place, la conception britannique qui dès les années cinquante s’opposait au marché commun, l’emporterait. Il en résulterait une domination totale de l’anglosphère. L’Europe telle que nous la connaissons serait vassalisée si cette zone de libre-échange voyait le jour. Ce risque, qui pour certains Européens mêmes est une chance, est très présent parce que la pression américaine est très forte. Les lobbies américains en particulier sont extrêmement puissants et très présents à Bruxelles. Sur ce point, je rejoins tout à fait le président Chevènement : le Parlement européen est aujourd’hui totalement dominé par les lobbies, notamment américains. Il y a quelques semaines, James Baker s’est ainsi rendu à Bruxelles pour féliciter les lobbies américains de leur activité et de leurs succès.

Une telle domination viendrait compléter la domination monétaire et bancaire des États-Unis. Cette tutelle économique et financière serait la deuxième mâchoire, la première étant celle de l’OTAN qui exerce déjà une tutelle militaire, une tutelle sécuritaire sur l’Europe. Je me souviens d’avoir entendu l’ambassadeur Gabriel Robin, après la chute de l’URSS, devant la Société d’histoire générale et d’histoire diplomatique, utiliser une image antique. J’ai évoqué la guerre du Péloponnèse, et lui parlait de triomphe (triumphus) à la romaine. Et il décrivait le « triomphe » de l’OTAN… et derrière le char de l’OTAN s’avancent les vaincus qui sont présentés à la foule… d’abord les anciennes démocraties populaires, le Pacte de Varsovie, l’URSS, et un peu plus loin l’Europe. Avec ce projet, nous y sommes.

Un élément clef est l’industrie de défense. Une bataille, ouverte ou souterraine, se livre entre les industries américaines et les industries européennes. La question du Rafale est très caractéristique. Les États-Unis ont lancé une fatwa contre le Rafale. Personne ne doit l’acheter. C’est une manière de domestiquer l’industrie européenne. C’est aussi l’une des dimensions du problème ukrainien. Derrière les accords d’association avec l’Union européenne il y a les normes OTAN. L’Ukraine, en cas de ratification, devrait commercer selon les normes OTAN. Dès lors firmes et produits américains s’implanteraient. Ce sont au demeurant des dirigeants américains, pas les Européens, qui sont venus haranguer la foule [10] en Ukraine. C’est pourquoi la question de la présence de l’Europe dans l’histoire est selon moi interne à l’Europe.

– Mais l’Union peut-elle dégager et défendre un intérêt européen commun ? Cela suppose des conditions qui ne sont pas remplies aujourd’hui. Nous rejoignons la problématique du livre : quelle que soit la conception qu’on s’en fait, il n’y a pas de puissance sans identité politique. L’Europe cherche son identité politique autour de la démocratie, de la liberté, de la solidarité sociale, des droits de l’homme. Mais la démocratie suppose un peuple. Or il n’y a pas de peuple européen, il n’y a pas de démos européen. Il y a différents peuples dont certains tendent d’ailleurs à se définir comme ethnos plutôt que comme démos. La conception ethnique de la nationalité tend malheureusement à se développer en Europe, autre menace pour l’Union.

De même que la démocratie, les droits de l’homme ne peuvent être garantis que dans un cadre national. On peut avoir une conception déclaratoire des droits de l’homme, comme avec la Convention européenne des droits de l’homme, mais la véritable garantie se trouve dans les systèmes juridiques nationaux. Ils peuvent présenter entre eux certaines différences, liées à leur culture et à leur tradition politique. L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme est liée à la bonne volonté des États et à l’efficacité de leur système judiciaire. Un certain nombre de décisions prises par la Cour européenne des droits de l’homme ne sont pas appliquées, purement et simplement. Je pense à l’Irlande, je pense à la Pologne et encore, me limitant aux pays membres de l’Union européenne, je ne parle pas de la Turquie ni de la Russie.

Je crois que les nations restent au cœur de l’Union européenne. Elles l’ont été au départ. Je ne sais pas si Jean Monnet voulait vraiment détruire les identités nationales. Il était certainement hostile au nationalisme mais, pour avoir lu ses très intéressants Mémoires [11], je n’ai pas le sentiment qu’il était un ennemi de l’idée nationale. Le rôle qu’il a joué pendant les deux guerres mondiales montre qu’il avait un sens national indiscutable. De Gaulle et lui ont défendu deux conceptions différentes de l’intérêt national. Ceci étant, je ne défends pas l’Europe de Jean Monnet. Elle a eu sa part d’efficacité, elle doit aujourd’hui être dépassée. L’Europe est toujours l’Europe des nations. L’intergouvernementalisme de l’Union tend au demeurant à l’emporter aujourd’hui sur les institutions communautaires intégrées.

Au cœur de cette Europe des nations, l’entente franco-allemande. Nous en partons et nous y revenons. Le problème actuel me semble être d’en persuader l’Allemagne, parce que je crois qu’en France tout le monde en est convaincu. Mais on a un peu le sentiment qu’aujourd’hui l’Allemagne est de plus en plus attirée par le grand large et qu’elle souhaite jouer son destin seule, que l’Europe est un héritage dont elle aimerait bien accepter l’actif et rejeter le passif. C’est peut-être une perception inexacte, peut-être M. Maldacker me contredira-t-il… j’en serais tout à fait heureux.

– IV –

Je conclurai sur une observation qui rejoint également le propos du président Chevènement. Il me semble qu’un des grands échecs de l’Europe est d’avoir manqué la Russie. Après la guerre froide et la chute de l’URSS, la Russie était en quelque sorte en jachère. Elle était dans une situation flottante, ne savait pas très bien où elle allait. Or l’on a recréé des antagonismes artificiels, un nouveau « rideau de fer », une fausse guerre froide. On a eu grand tort. L’élargissement nous a amenés à épouser un peu trop vite les antagonismes et les frustrations des pays d’Europe centrale et orientale. Nous aurions peut-être mieux fait de nous intéresser au grand partenaire qu’est la Russie.

De ce point de vue, la responsabilité est partagée parce que la Russie a connu quant à elle une sorte de « bovarysme politique ». Ne se consolant pas de la fin du duopole américano-soviétique, elle voulait à tout prix maintenir ce dialogue, elle considérait que l’Europe était trop petite pour elle, que ses seuls interlocuteurs dignes d’elle étaient les « grands ». On voit bien aujourd’hui la résurgence de cette aspiration au duopole. Mais nous avons laissé passer la chance d’avoir un partenariat réel. Or il serait plus utile à mon sens d’avoir une zone de libre-échange ou un partenariat paneuropéen avec la Russie qu’un partenariat transatlantique avec les États-Unis. Puisque nous avons ici de grands ambassadeurs, je terminerai par une conclusion à la Norpois : « La route de Berlin, pour la France, passe par Moscou ». [12]

Jean-Pierre Chevènement
Merci, Monsieur le professeur. Votre exposé était tout à fait passionnant. Il y a un point avec lequel je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, c’est Jean Monnet. Il faudrait que nous en reparlions à l’occasion…

Serge Sur
Je ne suis pas monnetiste mais je suis indulgent pour Monnet.

Jean-Pierre Chevènement
Vous savez que le 18 juin il a refusé de suivre le Général de Gaulle et qu’il est devenu chef adjoint de la mission britannique d’approvisionnement aux États-Unis. Pour le reste, je vous renvoie à un excellent petit livre : La faute de M. Monnet [13].

Serge Sur
À Alger, en 1943, il a soutenu de Gaulle.

Jean-Pierre Chevènement
Non, il était là pour soutenir Giraud…

Serge Sur
Oui mais il a lâché Giraud et a soutenu de Gaulle.

Jean-Pierre Chevènement
Giraud s’est planté tout seul. Et de Gaulle, qui n’avait que lui « en magasin », a fait de Monnet son commissaire à l’approvisionnement, ce qui était sa fonction depuis toujours.

Serge Sur
… puis au Plan où il a quand même été extrêmement efficace.

Jean-Pierre Chevènement
En effet.


    1. Mémoires du Chancelier Prince de Bülow :
      • 1849-1896 Sa jeunesse et sa carrière de diplomate, t. 4
      • 1897-1902 Le Secrétariat d’État des Affaires étrangères et les premières années de Chancellerie, t. 1
      • 1902-1909 Du renouvellement de la Triplice jusqu’à la démission du Chancelier, t. 2
      • 1909-1919 La Grande Guerre et la Débâcle, t. 3
      • Denkwürdigkeiten, Bernhard von Bülow (trad. Henri Bloch et Paul Roques), Paris, éd. Plon, 1931

    1. Correspondance secrète de Bülow et de Guillaume II, Guillaume II, Bernhard von Bülow. Préface de Maurice Muret, éd. Grasset, 01/01/1931.

    1. La Campagne avec Thucydide, Albert Thibaudet, Collection Blanche, Gallimard, Parution : 01 06-1922

    1. In La Généalogie de la morale (Zur Genealogie der Moral), Friedrich Nietzsche publié à Leipzig, éd. C.G. Naumann en 1887. 2e dissertation La « faute », la « mauvaise conscience », ce qui leur ressemble (16).

    1. Carl Schmitt, Le Nomos de la Terre, 1950 ; avec présentation de Peter Haggenmacher, PUF, Quadrige, 2008.

    1. Paul Kennedy, The Rise and Fall of Great Powers, 1987 ; Naissance et déclin des grandes puissances, Payot, 1989.

    1. Of Paradise and Power: America and Europe in the New World Order, Robert Kagan, New York, Knopf, 2003. Tiré d’un essai paru dans la revue Policy, cet ouvrage est paru en français aux éd. Plon en mars 2003 sous le titre La puissance et la faiblesse, l’Europe et les États-Unis ont-ils encore un avenir commun ?

    1. Le train sifflera trois fois (titre original : High Noon), western réalisé en 1952 par Fred Zinnemann. Avec Gary Cooper, Grace Kelly, Thomas Mitchell…

    1. High Noon, au sens propre, signifie « plein midi » et, au sens figuré, désigne l’« heure de vérité »

    1. Les sénateurs américains Christopher Murphy et John McCain sont intervenus le dimanche 15 décembre 2013 devant les militants pro-UE rassemblés sur la place de l’Indépendance (Maïdan Nezalejnosti) à Kiev pour leur exprimer leur soutien. « L’avenir de l’Ukraine est dans l’Europe et les États-Unis soutiennent ce choix », a déclaré le démocrate Murphy. Mais Mme Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État des États-Unis en charge de l’Europe et de l’Asie, est à la manœuvre. On connaît son propos sommaire, fin janvier 2014 dans un entretien téléphonique avec l’ambassadeur américain en Ukraine : « Fuck Europe! ». Mme Nuland est l’épouse de Robert Kagan, néoconservateur précité.

    1. Mémoires, Jean Monnet, éd. Fayard, Paris, 1976

    1. « Si tous les chemins mènent à Rome, en revanche, la route qui va de Paris à Londres passe nécessairement par Pétersbourg », citation du Marquis de Norpois dans À la recherche du temps perdu, (volume 3) Marcel Proust.

  1. La faute de M. Monnet, Jean-Pierre Chevènement, coll. « L’idée Républicaine », publié en octobre 2006 aux éditions Fayard avec le soutien de la Fondation Res Publica.

Source : colloque de la Fondation Res Publica

La construction européenne, Gilbert Le Clainche (republikart.free.fr)

Source: http://www.les-crises.fr/la-construction-europeenne-a-transforme-lhistoire/


[Reprise] Afghanistan : Amnesty dénonce les crimes des Américains

Monday 22 September 2014 at 03:30

Vous n’en avez pas trop entendu parler dans nos médias ? C’est normal…

Selon l’ONG, les soldats américains auraient tués des milliers de civils. Sans être poursuivis et sans accorder de compensations aux familles.

Les forces américaines ont tué des milliers de civils afghans sans être poursuivies ni avoir donné des compensations à leurs familles, dénonce lundi 11 août Amnesty international dans un rapport cinglant, à quelques mois du départ de l’Otan du pays.

L’organisation de défense des droits de l’Homme dit y avoir rassemblé des preuves « de l’échec profond du système de justice américain » qui « cimente une culture de l’impunité » pour ses troupes qui ont tué des civils en Afghanistan, où elles sont déployées depuis la chute du régime des talibans à la fin 2001.

Le président afghan Hamid Karzaï a souvent dénoncé les victimes civiles des bombardements de la force de l’Otan (Isaf), à majorité américaine. Cette dernière répond invariablement qu’elle prend ces accusations au sérieux et enquête sur chacune.

Plusieurs milliers de civils ont ainsi péri depuis 2001, note Amnesty à partir de plusieurs sources, dont les rapports de l’ONU. L’organisation souligne toutefois, comme l’ONU, que « la vaste majorité » des victimes civiles du conflit afghan sont victimes des groupes armés locaux, rebelles talibans et autres.

« Laissés dans l’ignorance »

Pour ce rapport, Amnesty dit avoir interrogé 125 Afghans détenteurs d’informations de première main sur 16 bombardements qui ont fait des victimes civiles, et rassemblé des informations sur une centaine d’autres depuis 2007.

« Après chaque événement où des civils ont été tués par des forces américaines » et où il y a « des preuves crédibles » en ce sens, les Américains devraient « s’assurer que les suspects sont poursuivis en justice », souligne Amnesty dans de rapport intitulé Laissés dans l’ignorance (Left in the dark).

Le rapport donne notamment en exemple un bombardement américain de 2012 qui a selon lui visé des femmes qui ramassaient du bois dans la province de Laghman (est), tuant sept femmes et filles et blessant sept autres.

Il cite Ghulam Noor, un habitant qui a perdu dans cette attaque sa fille de 16 ans, Bibi Halimi, et a amené les dépouilles des victimes au siège de l’administration locale après que l’Isaf eut affirmé n’y avoir tué que des combattants rebelles.

« Nous devions leur montrer que c’étaient des femmes qui avaient été tuées », a-t-il déclaré à Amnesty, en ajoutant, amer : « Je n’ai aucun pouvoir pour demander aux forces étrangères pourquoi elles ont fait cela. Je ne peux pas les poursuivre en justice. »

« La principale pomme de discorde »

Selon Amnesty, les villageois ont porté plainte auprès du gouverneur local, mais l’affaire n’a aucun aucune suite car les forces étrangères en Afghanistan ne peuvent être poursuivies par la justice locale.

Ces cinq dernières années, Amnesty ne dénombre que six affaires où des soldats américains ont été traduits en justice pour avoir tué des civils afghans, dont la plus grave, celle du sergent américain Robert Bales, condamné à la prison à vie pour en avoir tué 16 en 2012.

Le président Karzaï, sur le départ, a salué ce rapport.

« Je suis très heureux que vous vous soyez concentrés sur ce qui constitue la principale pomme de discorde entre l’Afghanistan et les États-unis », a-t-il déclaré dimanche aux représentants d’Amnesty, invités au palais présidentiel, ajoutant : « Ensemble, nous pouvons y mettre fin. »

Interrogée par l’AFP, l’Isaf a renvoyé sur le gouvernement américain, qui n’était pas immédiatement joignable.

Près de 45.000 soldats étrangers, dont 30.000 Américains, sont actuellement déployés en Afghanistan, après un pic de 150.000 en 2012, pour soutenir Kaboul face à la rébellion menée par les talibans.

Les États-Unis ne prévoient de laisser dans le pays que 10 000 hommes, si un accord en ce sens est signé avec le gouvernement afghan, après le retrait du reste de l’Isaf prévu à la fin de cette année.


Source : Le Nouvel Observateur, 11/08/2014

Des soldats américains et un policier afghan, le 3 juin 2014, à proximité de Kandahar. Photo d'illustration. (AFP PHOTO/Brendan SMIALOWSKI)

Source: http://www.les-crises.fr/afghanistan-amnesty-denonce-les-crimes-des-americains/


Loi anti-terrorisme, Interdiction de sortie du territoire : “Nous sommes en guerre”

Sunday 21 September 2014 at 02:52

Au delà même de la censure par l”État d’Internet, moi, ce qui me FASCINE, c’est qu’en 2014, la gôôôôôche ait pu joyeusement voter un nouveau truc : “L’interdiction de sortie du territoire” pour ses propres citoyens, sans que personne ne bronche !

“L’interdiction de sortie du territoire” : non mais, sérieusement, ça ne vous rappelle rien ?

Loi anti-terrorisme: les députés votent l’interdiction de sortie du territoire des personnes soupçonnées de jihadisme

POLITIQUE – Les députés ont approuvé mardi 16 septembre dans la soirée l’interdiction administrative de sortie du territoire visant à empêcher le départ de candidats au jihad en Syrie et en Irak, l’une des mesures clé du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme.

Cette interdiction de sortie d’un ressortissant français pourra être prise “dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de croire qu’il projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ou sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français”.

D’une durée de six mois, renouvelable jusqu’à deux ans, cette interdiction conduira au retrait immédiat du passeport et de la carte d’identité de la personne concernée qui recevra un récépissé valant justification de son identité.

Le manque de contrôle judiciaire inquiète

“Six mois c’est un délai raisonnable car c’est une mesure grave”, a jugé le rapporteur du texte Sébastien Pietrasanta (PS) en réponse à des amendements de Pierre Lellouche (UMP) voulant porter cette durée à un an. La personne ciblée pourra être entendue, assistée par un avocat, par le ministre ou son représentant dans les 15 jours.

Elle pourra aussi saisir en référé le juge administratif devant lequel l’administration “ne pourra se prévaloir d’éléments classifiés”, a assuré le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve aux écologistes inquiets d’un manque de contrôle judiciaire. En effet, l’absence de recours à un juge avant la procédure d’interdiction est pointée du doigt par quelques médias et institutions qui dénoncent un texte liberticide.

Les personnes faisant l’objet de cette interdiction seront signalées dans le Système d’information Schengen utilisé par les pays de l’espace européen sans frontière. Les compagnies de transport auront interdiction de prendre ces personnes dès lors qu’elles auront été alertées par les autorités de leur présence dans leur système de réservation.

La violation de cette interdiction, punie de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende, constituera un motif pour arrêter à leur retour ceux qui auront réussi à se rendre en Syrie.

Un volet sur internet également prévu

Selon Bernard Cazeneuve, environ 930 Français sont impliqués dans des filières vers la Syrie et l’Irak (350 sur place, 180 repartis de Syrie, 170 en transit vers la zone et 230 ayant des velléités de départ), nombre en “augmentation de 74% en huit mois”. 36 sont morts sur place. Pour Sébastien Pietrasanta (PS), cette mesure peut aussi servir à “protéger contre eux-mêmes” des jeunes, notamment des filles, encore peu radicalisés et qui risquent de le devenir en se rendant dans les zones de lutte armée.

Depuis le printemps, il existe une plate-forme de signalements grâce à laquelle “au moins 70 départs” ont pu être évités selon le ministre. Le projet de loi, qui cible également l’apologie du terrorisme sur internet, devrait être voté en procédure d’urgence (une seule lecture) à l’issue des débats mercredi.

Source : www.huffingtonpost.fr

Loi antiterroriste: menace sur la liberté d’expression!

Par Alexis Kraland, Candidat aux élections européennes et Porte-Parole du Parti Pirate en Ile-de-France

Face à la menace terroriste liée à la guerre en Syrie, le gouvernement socialiste réagit par une offensive sécuritaire et médiatique. Examiné mercredi en conseil des ministre, le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorismepassera bientôt en procédure accélérée devant les députés.

L’objectif annoncé: réactualiser l’arsenal législatif afin d’endiguer le départ au Djihad de ressortissants français, et stopper la spirale radicale des loups solitaires, ces candidats au terrorisme qui agissent seuls. Pour Bernard Cazeneuve, faisant référence au cas Merah et Nemmouche “les événements récents ont mis en lumière quelques manques de notre législation qu’il importe de combler afin de mieux prévenir et mieux réprimer de tels actes.”

Pourtant, selon le dernier rapport d’Europol, 58 actes terroristes sur 63 commis en France durant l’année 2013 furent le fait de séparatistes. Se tromperait-on de cible ?

Mesure phare, l’institution d’une interdiction administrative de sortie du territoire

Dans un entretien paru dans Libération, le président de la Licra a cependant pointé des éléments anticonstitutionnels pour cette interdiction dont l’objectif est d’endiguer le départ en Syrie ou en Irak de certains ressortissants, majeurs ou mineurs, et pouvant représenter une menace à leur retour. Il serait injuste de restreindre la liberté de circulation à moins d’avoir des “documents incontestables” concernant la dangerosité des individus soupçonnés.

La procédure choisie fait également débat

“aucune garantie judiciaire n’est prévue avant que l’interdiction administrative ne soit prononcée. Il n’y a aucune intervention du magistrat du siège alors qu’il est le garant des libertés fondamentales” s’indigne la présidente de la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans un entretien paru Le Monde.

Pour éviter l’escalade radicale qui mènerait au terrorisme, le gouvernement mise aussi sur un dispositif de blocage administratif des sites de propagande terroriste. Pour Cazeneuve, “Le recrutement se fait essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, par Internet”. D’après les faits récents, le recrutement s’effectue pourtant ailleurs, comme en prison.

Le blocage risque donc d’être à côté de la plaque, en plus d’être antidémocratique. Cette forme de censure ne relève en effet pas du judiciaire mais de l’administratif, tout comme l’interdiction de sortie. Autrement dit, aucun procès n’aura lieu pour décider si un site sera bloqué ou non: le ministère de l’intérieur décidera. Seul un magistrat pourra observer à postériori ce qui aura été bloqué. Vu le risque évident de surblocage, le projet de loi menace directement la liberté d’expression d’individus ou d’organisations qui n’incitent pas au terrorisme.

Les mesures visant le “cyberdjihad”, quelle que soit la définition de ce mot, sont en partie vouées à l’échec, et ce par leur nature même. ll est difficile d’imaginer des terroristes capables d’observer le champ de vision d’un drone mal protégé et qui seraient incapables de contourner un blocage. Ainsi, le petit torrent du djihadisme transnational le plus avancé coulera certainement dans un autre lit, à l’abri des mesures de blocage. De même, on peut également douter du découragement d’un candidat au Djihad devant la censure des sites webs le concernant directement.

Ce blocage pourrait même s’avérer néfaste en entrainant une complication du travail d’investigation des services de renseignement. Ce serait une balle tirée dans le pied de l’antiterrorisme tandis que des sites web légitimes risquent d’être bloqués. Au Royaume-Uni, le filtrage des contenus pornographiques bloque ainsi des contenus qui n’ont rien à voir avec la pornographie.

La lutte contre les actes terroristes et leurs auteurs doit cependant avoir lieu, mais dans le strict respect de l’Etat de droit. Réagissons donc face à la menace du blocage administratif qui sera toujours intempestif dans un régime qui se veut démocratique.

Source : www.huffingtonpost.fr

“Nous sommes en guerre”, ou comment légitimer la censure de l’ennemi

Par Guillaume Champeau, Numerama

Lundi soir lors de l’ouverture des débats sur le projet de loi de lutte contre le terrorisme, qui prévoit notamment la censure sur ordre de l’Etat des sites faisant l’apologie du terrorisme, les députés ont justifié la mesure par l’état de “guerre” dans laquelle la France serait plongée. Ou comment le blocage doit servir à la contre-propagande de guerre.

Nous sommes en guerre“. Lors de la discussion générale à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de lutte contre le terrorisme présenté par Bernard Cazeneuve, l’expression est revenue lundi soir à de nombreuses reprises, pour justifier les mesures d’atteintes aux libertés prévues par le texte. Si la formule a surtout été prononcée par la droite de l’hémicycle, le gouvernement et la majorité ne l’ont pas contestée, loin s’en faut. Les débats doivent donc reprendre ce mardi soir, dans une inquiétante ambiance belliqueuse de renoncement à nos propres valeurs, signe ultime de la victoire du terrorisme qui, par la peur, parvient à faire reculer les libertés.

Monsieur le ministre, notre pays est en guerre“, entama ainsi le député UMP Eric Ciotti. “Notre pays est en guerre contre le terrorisme et contre l’expression qu’il revêt aujourd’hui : celle du fanatisme religieux et de l’extrémisme, celle qui arbore le visage de l’État islamique. (…) Face à cette situation de guerre, nous devons manifester notre unité“.

Pierre Lellouche (UMP) jugeait en effet la situation similaire à la première guerre mondiale. “Seule s’impose, comme ici même il y a un siècle, l’union sacrée de toute la représentation nationale, de tous les républicains, face à ce qu’il faut bien appeler une guerre. Cette guerre nous est imposée par une frange fanatique du monde musulman“. “Il nous faut prendre conscience que nous n’en sommes qu’au début de cette guerre“, a-t-il même ajouté.

On vient de nous déclarer la guerre. La France, unie autour de son président et de son gouvernement, unie autour de son assemblée, saura y répondre“, promettait à son tour Alain Tourret, député radical du Calvados.

Des formules similaires ont été prononcées par les députés UMP Guillaume Larrivé (“Un ennemi nous a déclaré la guerre. Cet ennemi, il faut le nommer, il faut le regarder pour ce qu’il est, il faut le combattre : c’est l’islamisme radical armé, le djihadisme, qui veut détruire, par la terreur la plus barbare, nos sociétés démocratiques“), Jacques Myard (“La réalité est simple et tragique, comme l’Histoire : nous sommes en guerre“), Thierry Mariani (“La France peut considérer qu’elle est en guerre contre le terrorisme“), ou encore Xavier Bertrand (“Nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre contre le terrorisme, nous sommes en guerre contre le terrorisme djihadiste“).

“SAVOIR SUSPENDRE LES LIBERTES DEMOCRATIQUES”

Ainsi les choses sont claires. Il n’est pas de guerre sans propagande de guerre, où chaque camp défend sa conviction d’être dans celui du bien et de combattre le camp du mal. Il faut mobiliser ses troupes et faire accepter à son peuple les efforts de guerre. Les pertes de libertés en font partie.

Il n’est pas non plus de propagande de guerre sans contre-propagande. Il faut répondre avec force à la propagande de l’adversaire. Or au 21ème siècle, cela consiste notamment à contrôler les réseaux sociaux que peut utiliser l’ennemi, et à bloquer l’accès aux sites web qui leur permettent de faire connaître non seulement leurs actes de guerre les plus atroces, mais aussi leurs motivations qui peuvent apporter des nuances que le manichéisme d’une guerre ne saurait tolérer.

Alain Tourret l’expliquait très bien lundi soir, en convenant qu’il fallait “suspendre des libertés démocratiques” au nom de cette guerre contre les terroristes. “Je n’ai pas dit « supprimer », j’ai dit « suspendre » ! Nous avons su, dans notre histoire, suspendre à un moment donné les libertés démocratiques. Celles-ci, en effet, ne peuvent pas avoir le même contenu en temps de paix et en temps de guerre. Or la guerre nous a été déclarée.”

C’est aussi l’avis de Philippe Goujon (UMP). “Puisque la guerre a lieu aussi sur internet, la responsabilisation des hébergeurs de sites quant aux contenus publiés ainsi que la procédure de blocage prévue par ce projet de loi démontrent qu’internet ne saurait constituer une zone de non-droit (…) Ne laissons subsister aucune faille dans notre arsenal juridique pour gagner la guerre contre le terrorisme et la barbarie“.

C’est le député Alain Marsaud (UMP) qui laissa le plus éclater la franchise, dans un discours qui a gêné jusqu’à son propre camp. Il reprocha au ministre Bernard Cazeneuve d’avoir cherché à expliquer “que vous n’étiez pas en train de vous asseoir sur les libertés individuelles et les libertés publiques“, alors que “ce n’est pas là le procès que nous vous ferons, bien au contraire !“.

Vous m’invitez à m’asseoir sur les libertés pour faire en sorte que la sécurité soit assurée dans notre pays. Tant que ce gouvernement sera en situation de responsabilité et que je serai ministre de l’intérieur, ce ne sera jamais le cas“, lui répondit Bernard Cazeneuve. En ne convaincant que les quelques députés présents dans l’hémicycle.

Source : Guillaume Champeau, Numerama, 16/9/2014

Source: http://www.les-crises.fr/loi-anti-terrorisme-2/


Revue de presse internationale du 21/09/2014

Sunday 21 September 2014 at 00:01

Merci aux participants de cette revue internationale qui recevront aussi des renforts à partir de la semaine prochaine !

P.S. j’aurais toujours besoin d’un petit service rapide d’un lecteur résidant aux USA… Me contacter merci…

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-21-09-2014/


Actu’Ukraine, 20 septembre, par Nicolas

Saturday 20 September 2014 at 03:55

Situation dans le Donbass

carte-18-09

carte du Donbass au 18/09

L’armée de Novorossie a été créé, et dans la foulée les commandants les plus importants (Bezler, Mauvais Soldat, Strelkov, Mozgovoï, Tsar…) ont été élevés au rang de “général-major”. Le commandant en chef de l’armée est le lieutenant-général Korsun. Cette décision fait râler Oleg Tsayov, le porte-parole de l’Assemblée de Novorossie (et ancien député d’Ukraine, parti des régions), puisque cette décision ne s’est pas prise dans les règles du cadre confédéral, qui imposait que les républiques en décident ensemble. Et de fait, le document fondateur de cette armée est un accord entre les commandants des bataillons de volontaires, selon sa première page qui a été publiée. Il faudra se pencher sur le projet politique novorusse et voir si les généraux n’essaient pas de prendre le pouvoir de façon anti-démocratique. Mozgovoï pour sa part a été très clair, il estime qu’il acquiert sur le champ de bataille la légitimité qui lui permettra de briguer un poste politique important, et il a enjoint tous ceux qui veulent jouer un rôle polotique en Novorossie à se battre pour la Novorossie.

Les échanges de prisonniers se poursuivent, y compris de civils pro-novorusses qui était détenus en raison de leur soutien aux rebelles. Goubaryov est rentré à Donetsk et leur a offert du soutien. Je rappelle que Goubaryov avait été fait prisonnier au début de conflit et échangé pour près de 20 soldats de Kiev (18, de mémoire).

RPD

La situation reste difficile dans l’aéroport de Donetsk. Les troupes de Kiev qui y sont encerclées sont lourdement armées et résistent. Igor Strelkov a affirmé qu’à cause d’un ordre strict de ne pas tirer, les rebelles ont laissé 24 tanks ennemis entrer dans l’aéroport le 16 septembre. “Mauvais soldat” (Plokhoï Soldat), le général major qui gère l’encerclement de l’aéroport, affirme que la majorité de ces tanks sont sortis le lendemain matin avec des blessés. Après cela, les combats ont repris. Les rebelles continuent le “nettoyage” de l’aéroport, et les bombardements de Donetsk par les troupes encerclées se poursuivent. Un couvent de Donetsk a été bombardé. Une école (numéro 45) a également été touchée par un bombardement.

L’encerclement de Debaltsevo évoqué précédemment se poursuit, mais la route Debaltsevo – Artemovsk n’est toujours pas sous le contrôle de la RPD, qui toutefois y a des groupes de saboteurs qui empêchent les renforts ou ravitaillements d’arriver. Pour ceux qui voudraient savoir comment se déroulent une embuscade sur un convoi de Kiev par les rebelles, une vidéo extrêmement violente a été récemment postée sur la chaîne Youtube de Novorussia, sur laquelle on voit comment une compagnie du bataillon Aïdar a été massacrée le 5 septembre. On voit aussi que les 2 prisonniers ne reçoivent pas le moindre coup ni même d’insulte (ça ne va au-delà de “Qu’est-ce que tu es venu faire chez nous?”). Le premier prisonnier, indemne, semble avoir déjà réalisé qu’il s’était fait berner par la propagande.

Un nouveau kotyol aurait été formé le 17 septembre, entre Gorlovka, Enakievo et Makeevka (nord-est de Donetsk), encerclant 2500 soldats de Kiev lourdement armés. L’histoire se répète, les stratèges de Kiev n’ont pas dû remarque le désastre des kotyols précédents, ce qui confirment que les Zuniens ne tirent pas de leçons de l’Histoire. Ce nouveau kotyol est indiqué par le numéro 13, sur la carte de dragon-first (qui a pris la suite de kot-ivanov).

Pas de changement autour de Marioupol, mais les rebelles qui sont dans la banlieue est se font bombarder à l’artillerie lourde. Les autorités de Kiev veulent couper la région de Donetsk en 2 pour créer une région ayant Marioupol comme capitale. La Novorossie réduite au Donbass sans Marioupol dépendrait entièrement de la Russie, alors qu’avec Marioupol elle peut devenir un pays relativement riche (Le Donbass était avant la guerre un gros exportateur net (~8G$, de mémoire) vers le monde entier, grâce au port de Marioupol. Sans le port, le seul débouché est la Russie.

RPL

Au nord de Lougansk, une centrale électrique a été endommagée. Kiev affirme que c’est à cause d’un obus (évidemment tiré par les rebelles / terroristes tchétchènes/ soldats russes / envahisseurs martiens /séparatistes écossais) on y croirait si Sergueï Melnitchouk, un commandant de Kiev, n’avait pas menacé devant une caméra de faire sauter cette centrale, qu’ils avaient déjà minée, en cas de progression des rebelles. Un transformateur, d’une valeur de plus de 10 millions d’euros, a été détruit. C’est pas grave, c’est l’Europe qui paiera, ou la Russie, mais sûrement pas Kiev. La centrale fonctionne encore partiellement. Une usine de Pervomaïsk qui employait 1500 personnes a été détruite.

Les déchets n’étant plus ramassés depuis des semaines à Lougansk, la mairie a demandé à la population de participer

Kiev

dialogue Porochenko-Cameron

dialogue Porochenko-Cameron

Il y a beaucoup d’ambiance ces temps-ci à Kiev. Si vous n’avez toujours pas vu le député Vitaliy Jouravskiy jeté dans une poubelle par des “activistes”, c’est par là. Les “activistes” ont toujours la même idéologie, on voit un drapeau rouge et noir sur la vidéo.

Le célèbre bataillon de police d’élite “Berkut”, dont une grande partie a démissionné, a été supprimé, pour le remplacer par des S.W.A.T, à la sauce américaine.

À cause de la guerre, 300 millions d’euros d’impôts ne sont pas arrivés dans les caisses de l’État. Pas grave, les É-U devraient fournir 350 millions de dollars en armes à l’Ukraine en 2015 si le projet de loi passe (selon la radio russe BFM ). En Ukraine, le volume des constructions a baissé de 63% entre août 2013 et août 2014., la production de charbon s’est écroulée de 60% sur la même période, et la production industrielle s’est de 21,4% , et de 12% entre juillet et août : pas facile sans les commandes russes. La situation sociale continue de se dégrader, mais c’est rien tout ça, Porochenko a promis que l’Ukraine rendra l’Europe plus riche et plus stable. Ah bah oui, entre la guerre et la chute des exportations européennes vers la Russie, c’est du pur bonheur, merci l’ami !

Tout va mal, donc il faut continuer d’accuser la Russie. Aleksandr Danilyuk, citoyen ukro-britannique qui a eu un rôle important lors du coup d’état de Maïdan (il s’est occupé de la prise par la force de ministères) affirme qu’il y a non seulement 5000 soldats russes en Ukraine, mais aussi plus de 15000 mercenaires. Donc en gros il n’y a personne parmi la population qui participe à la rébellion. Bah c’est chouette, ils vont pouvoir arrêter de bombarder la population et recommencer à verser les retraites, et les aides sociales et les salaires des fonctionnaires, des travailleurs médicaux et des employés municipaux alors ?

Statut spécial du Donbass

Les nationalistes n’aiment pas la loi sur le statut spécial du Donbass, qu’ils jugent être une capitulation. Yaroch, un extrêmiste parmi les extrêmiste (il aurait été blessé dans le Donbass) a tout simplement menacé Porochenko d’un coup d’état. Les rebelles aussi, dans l’ensemble, considèrent que ce texte ne les concerne pas puisque c’est une loi ukrainienne. Comme ça tout le monde est content.

Porochenko, en tournée commerciale (d’achat d’armes lourdes) en Amérique du Nord, a déjà expliqué qu’il n’y aura pas de semi-autonomie du Donbass. Bah non, vous vous rendez-compte, l’autonomie, c’est la pente glissante vers la démocratie, demandez aux Écossais ou aux Québécois. Il s’agit seulement de mesures temporaires, 3 ans, pour arriver à la normalisation de la situation dans le Donbass. 3 ans, ça doit être le temps qu’il estime nécessaire pour que les habitants du Donbass oublient que les armées de Kiev ont bombardé leurs maisons, tué leurs voisins, détruit l’infrastructure de la région, et se mettent à chanter “qui ne saute pas est un moskal !”. Et 3 ans est un maximum, le statut spécial peut être annulé au bout d’un an voire de 6 mois.

Quel est ce statut magique qui résout tout ? Le statut spécial du Donbass décrète une amnistie générale, et légalise les milices populaires du Donbass, ce qui évidemment semble totalement inacceptable pour les nationalistes ukrainiens. Le contour de la zone concernée sera décidé par le SBU, alors qu’il aurait dû être décidé par les députés selon le texte qui a été voté. L’Ukraine est une démocratie moderne, européenne : pas besoin que les députés se mêlent de tous les aspects des lois. Le SBU, c’est la branche ukrainienne de la CIA. Difficile de savoir ce que signifie ce changement en douce de la loi, mais on pourra comparer les limites de la zone à statut spécial à la carte des gisements de combustibles fossiles, juste par curiosité. Le statut spécial permettra aussi à la Russie de contribuer au budget du Donbass. Bah elle essaie déjà, avec un 3e convoi humanitaire en préparation, mais faire payer à la Russie les destructions causées par l’armée de Kiev, c’est une idée qui paraît vraiment dépasser toutes les bornes. En novlangue, ça donne quelque chose comme “permettre au Donbass de conserver des liens étroits avec la Russie”.

La fête du nationalisme, c’est tous les jours

Les nationalistes, justement, se font de plus en plus visibles. S’ils continuent, les journalistes de France TV pourraient finir par les remarquer (je plaisante, tant qu’ils ne crient pas “Heil Hitler !” en faisant le salut hitlérien sous des svastikas ya aucun risque, par contre les journalistes allemands et anglais vont finir par se poser des questions sérieuses).

Sur cette vidéo on voit un Secteur Droit parler de près de 10 000 soldats de Kiev tués à la guerre et surtout promettre d’aller jusqu’à Moscou si les troupes russes ne se retirent pas. Le premier joyeux drille porte de façon très visible sur le bras gauche un symbole qui ne devrait pas échapper aux lecteurs les plus attentifs du blog, celui de la division de volontaires SS “Galizien” (Galicie)

SS-Galicie

SS-Galicie

Un autre nazillon, de l’OUN, est très en colère contre le statut spécial du Donbass et explique que ce qu’il faut, c’est arrêter les élections (il a ensuite édité son message, mais FB les laisse disponible). Une bonne dictature militaire, ya que ça de vrai pour intégrer pleinement les valeurs morales du Bloc Américano-Occidental (qui a soutenu des dictatures militaires au Chili, au Brésil, en Grèce, en Espagne etc.)

À Lvov l’OTAN joue à la guerre, parce que la situation n’est pas encore assez grave. Et les nationalistes manifestent pour accueillir l’OTAN. Le joli symbole qui ressemble à une svastika sans en être une, c’est le symbole de l’Union Slave, groupe national-socialiste russe, en version ukrainienne. Néonazis de tous les pays, unissez-vous ? Notez que les initiales d’union slave, en russe, sont “SS” (pour Slavianskiy Soyouz), et que l’indémodable slogan “Idée de la Nation” (toujours la même référence au WolfsAngel inversé de la division “Das Reich”) est visible sur la bannière en tête de cortège.

Le Bataillon Azov a récemment annoncé fièrement sur son compte Facebook:

Aujourd’hui, selon l’ordre du ministre des Affaires intérieures de l’Ukraine Arseniy Avakov, et pour services exceptionnels rendus à l’Ukraine,  du bataillon “Azov” est créé le régiment “Azov”. “Azov” – est l’armée de l’avenir… …Gloire à l’Ukraine!

C’est-à-dire que le bataillon de volontaires devient un régiment “régulier”. Pour ceux qui n’ont pas suivi, Cf. le billet du 12 septembre où je parlais du premier Congrès du Front Populaire. Biletskiy (bataillon Azov) et Avakov étaient ensemble. Notons pour ceux qui n’auraient pas encore compris que le Bataillon Azov est un bataillon de néonazis que parmi les 2 pages que le Bataillon Azov “aime” sur Facebook, il y  l’Assemblée Social-Nationale.

Au parlement européen, Nigel Farage a proposé un truc complètement fou : que l’Europe arrête de provoquer la Russie.

Que Farage s’occupe de l’Angleterre, il n’y a rien à reprocher aux Ukrainiens, qui sont de bons européens, eux, pas comme lui. Et ils savent parfaitement éduquer leur jeunesse. Dans cette vidéo les enfants jouent au jeu des slogans néonazis. Ils crient “Deutschland über alles !”, mais en ukrainien, et saute en chantant “qui ne saute pas est un moskal !”. Une grande partie d’entre eux a probablement une majorité d’arrières grand-parents russes mais c’est pas grave, c’est mignon à cet âge là.

Je mentionnais précédemment que quand on n’impose pas l’ukrainien, il n’est pas très populaire. Personne n’impose quoi que ce soit aux personnes qui sont devant leur ordinateur personnel. Comme certains l’ont déjà mentionné en commentaires, Google révèle que le russe est beaucoup plus populaire que l’ukrainien, y compris dans l’ouest. La région où l’ukrainien est le plus populaire est la région de Rivine où 29,7% des utilisateurs font des recherches en ukrainien contre 67,6% en russe. À Donetsk les pourcentages sont de 1,6% et 93,8%

Lustration

Une loi de lustration a été voté à la Rada. La lustration, c’est l’élimination parmi les fonctionnaires de ceux qui ont collaboré avec le précédent pouvoir, que l’on accuse de tous les maux. Ici, il s’agit de ceux qui ont collaboré avec le président Yanoukovitch (2010-2014), ou qui avaient un rôle important dans le Parti communiste jusqu’en 1991. Un million de personnes sont visées, et seront passées au crible. Logiquement, Porochenko, Tymoschenko et Tourtchinov, tous anciens ministres de Yanoukovitch, devraient être les premiers à dégager. Surtout quand on voit les résultats du ministre de la croissance économique, Porochenko. Mais non, la lustration ne touchera apparemment pas les élus. C’est pratique quand même quand les copains font les lois.

Le Grand Fossé d’Ukraine

klitchko-pensees

Bientôt au rayon “Philosophie de comptoir”, les “Pensées” de Klitchko : “Le plancher du premier étage, c’est le plafond du rez-de-chaussée…®”

La saga du Grand Fossé continue. Vitali Klitchko, le fils d’un attaché militaire du consulat d’Ukraine en Allemagne et à l’OTAN, le grand philosophe qui nous a déjà apporté ses lumière sur le fait que “plus un homme est vieux, plus il a d’années”, “Vladimir Klitchko est comme un frère pour moi”, ou plus récemment “pour que de l’eau froide devienne chaude, il faut la chauffer” et autres perles du même tonneau  a demandé l’aide de l’Allemagne pour construire le grand Mur (Fossé) d’Ukraine. L’ancien boxeur ayant longtemps vécu en Allemagne, il devrait pourtant savoir que ce n’est pas exactement un sujet à évoquer à Berlin. Il est pourtant allé jusqu’à dire que l’Ukraine avait besoin du savoir-faire allemand dans ce domaine.

Klitchko n’a pas la sympathie de l’Augsburger Allgemeine. Il avait 18 ans quand les Berlinois dansaient sur le mur, ça ne lui a pas laissé de souvenir. Ni celle de la Süddeutsche Zeitung, qui estime qu’il a du mal à parler une autre langue que celle des poings et titre “Klitchko et le mur mystérieux”. Les Allemands ont aussi des doutes sur le sérieux de ce projet. Kolomoïskiy, qui devrait pourtant savoir compter, a annoncé que le Mur coûtera 100 millions d’euros, ce qui fait 50 euros par mètre (en fait, un peu plus si le tracé ne suit pas chaque zigzag de la frontière, mais moins de 100 €/m). Le journaliste ironise, en disant qu’à ce prix là on peut peut-être payer un parterre de fleur à Dnipropetrovsk, mais sûrement pas un mur, et rappelle que la Grande Muraille d’Israël (environ 2 fois plus courte) coûte plusieurs milliards de dollars.

D’après Vesti, le coût annoncé du Fossé est même passé à 100 millions de hryvnias, soit 6 millions d’euros. Si vous savez commet poser un grillage de jardin pour moins de 5€ par mètre, ça intéresse Porochenko (et moi aussi en fait). Il s’agit d’une pure opération de communication. On s’en doutait mais maintenant c’est clair.

 Pendant ce temps en Russie

À Moscou le 21 septembre se tiendra une “marche pour la paix”, qui exige que la Russie arrête sa propagande, retire ses troupes d’Ukraine (les troupes que l’OSCE ne voit pas sur place, mais ils les voient depuis Moscou), et arrête sa guerre du gaz contre l’Ukraine (exiger qu’un client paie pour ce qu’il achète, quelle infamie !). Une foule de journaliste et célébrités y seront, Echos de Moscou et le parti de Kasparov en tête. La cinquième colonne est en marche. Évidemment ils veulent l’annulation des mesures anti-sanctions contre les produits européens mais ne disent rien des exactions des soldats de Kiev. Visiblement le fait de ne plus pouvoir acheter de fromage français les désole plus que les bombardements de Donetsk et des autres villes.

La Russie, croyant toujours que le langage des lois vaut mieux que celui des armes, a déposé environ 180 requêtes aux tribunaux d’Ukraine et à la Cour européenne des droits de l’homme concerne les crimes de guerres commis dans le Donbass. Il y aura des centaines de requêtes déposées d’ici la fin de l’année. Ces requêtes sont accompagnées de très nombreuses preuves photographiques et vidéos de meurtres de civils par fusillades ou tirs d’artillerie. Ceci fait suite au rapport d’Amnesty International constatant des dizaines d’infractions du bataillon Aïdar aux droits de l’homme.

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-19-septembre-par-nicolas/


Revue de presse du 20/09/2014

Saturday 20 September 2014 at 00:04

Suite et fin de la série sur le dollar et second article sur les pathologies du pouvoir, toute ressemblance avec une réalité…
Merci à tous nos contributeurs et, pour la suite, bienvenus aux nouveaux volontaires qui nous ont rejoints.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-20-09-2014/


Ukraine, journalisme corrompu et foi atlantiste, par Karel van Wolferen

Friday 19 September 2014 at 02:57

Karel van Wolferen est un journaliste Néerlandais et un professeur émérite de l’Université d’Amsterdam.  Depuis 1969, il a publié plus de vingt livres sur les politiques publiques, qui ont été traduits en onze langues et vendus à plus d’un million d’exemplaires dans le monde. En tant que correspondant étranger pour NRC Handelsblad, l’un des journaux-phares de la Hollande, il a reçu la plus haute récompense néerlandaise pour le journalisme, et au cours des années, ses articles ont été publiés dans le New York Times, le Washington Post, The New Republic, The National Interest, Le Monde, et de nombreux autres journaux et magazines.

Source : Karel van Wolferen, Unz.com, 14 aout 2014

L’Union Européenne n’est plus guidée par des politiques dotés d’une solide compréhension de l’ histoire, d’une sobre capacité d’évaluation de la réalité du monde, ou d’un simple bon sens joints à l’intérêt à long terme de ceux qu’ils dirigent. S’il nous en fallait encore la preuve, elle aura certainement été donnée par les sanctions décidées, la semaine dernière, pour « punir » la Russie.

Une bonne manière de comprendre les raisons de leur stupidité est de commencer par les médias puisque quelle que soit leur compréhension du problème, quel que soit leur intérêt personnel, ces politiques doivent être perçus comme prenant la bonne décision. C’est le travail des journaux et des télévisions.

Dans la majeure partie de l’Union Européenne, la compréhension générale de la réalité mondiale, depuis l’affreux destin des passagers de la Malaysian Airline, provient des journaux et des télévisions grand public, lesquels se sont alignés sur l’approche des médias « mainstream » anglo-américains, et ont présenté des « informations » où les insinuations et les calomnies prennent la place de vrais reportages. Des publications respectées comme le Financial Times ou le jadis respecté journal néerlandais NRC Handelsblad, pour lequel j’ai travaillé seize ans en tant que correspondant de l’Asie de l’Est, n’ont pas seulement participé à cette corruption du journalisme, mais ont aidé à le pousser à un stade délirant. « L’expertise » et les éditoriaux qu’a produits ce terreau sont allés plus loin que tout ce que je peux me rappeler d’exemples d’hystérie médiatique entretenue à des fins politiques. L’exemple le plus flagrant nous vient d’un chef de file des anti-Poutine, dans l’édition du 26 juillet de l’Economist Magazine. Son ton est celui d’Henri V haranguant ses troupes avant la bataille d’Azincourt dans la pièce de Shakespeare.

Ce qu’il faut garder présent à l’esprit, c’est qu’à l’échelle européenne, il n’y a aucune publication, aucun journal qui soutienne un espace public européen et fournisse aux Européens intéressés par la politique un moyen de réfléchir et discuter entre eux des grands événements internationaux

Parce que ceux qui s’ intéressent à l’actualité mondiale lisent habituellement l’édition internationale du New York Times ou du Financial Times, questions et réponses à propos des développements géopolitiques sont formatées de façon routinière ou fortement influencées par ce que les éditeurs à New York et à Londres auront considéré comme important.

La pensée qui pourrait significativement en dévier, comme actuellement dans le Spiegel, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le Zeit et l’ Handelsblatt, reste confinée à l’intérieur des frontières allemandes. Par conséquent, nous ne voyons se dessiner aucune opinion européenne sur les évènement mondiaux, même quand ceux-ci ont un impact direct sur les intérêts de l’Union Européenne elle-même.

La complaisance générale qu’entretient le peuple néerlandais pour les événements mondiaux susceptibles de l’affecter a brutalement pris fin lorsque 193 de ses compatriotes (ainsi que de 105 personnes d’autres nationalités) ont péri dans le crash de la Malaysian Airlines, et ses médias se sont empressés de suivre les accusations américaines qui désignaient Moscou. Les explications qui ne mettaient pas en cause d’une façon ou d’une autre la culpabilité du président russe étaient hors-jeu.

Un empressement aux antipodes des propos très sobres tenus par le Premier Ministre néerlandais, qui bien que subissant une pression énorme l’incitant à se joindre aux accusateurs, insistait pour qu’on attende les résultats de l’enquête.

Les journaux télévisés que j’ai regardés les jours suivants avaient invité, entre autres commentateurs anti-russes, des présentateurs télé liés aux néoconservateurs américains, pour présenter l’information à un public déconcerté et vraiment bouleversé.

Un spécialiste néerlandais de politique étrangère a expliqué que le ministre des Affaires étrangères ou son représentant n’avait pu rejoindre le site du crash (comme avaient pu le faire les officiels malaisiens) pour récupérer les restes des citoyens néerlandais, parce que cela aurait signifié la reconnaissance implicite d’un statut diplomatique pour les « séparatistes ». Quand l’Union Européenne reconnaît en bloc un régime né d’un coup d’Etat fomenté par les Américains, diplomatiquement elle est coincée.

Les habitants et les combattants anti-Kiev sur le site du crash ont été dépeints, images de Youtube à l’appui, comme des criminels non coopératifs, ce qui aux yeux de nombreux spectateurs était la confirmation de leur culpabilité. Cela a changé plus tard, lorsque des reportages de vrais journalistes ont montré des villageois profondément choqués et émus, mais cette contradiction n’a pas été expliquée, et les suppositions infâmantes précédentes n’ont pas laissé place à une analyse objective des raisons de leur combat.

Les tweets tendancieux et les « informations » de Youtube étaient devenus le socle de l’indignation officielle néerlandaise envers les Ukrainiens de l’est, et de là est né le sentiment général que quelque chose devait être fait. Mission accomplie, toujours selon le sentiment général, grâce à une grande cérémonie nationale télévisée de réception des restes humains néerlandais (récupérés par l’entremise d’une médiation malaisienne).

Rien de ce que j’ai vu ou lu n’a jamais laissé entendre que la crise en Ukraine – qui a conduit au coup d’Etat et à la guerre civile – avait été créée par les néo-conservateurs et quelques fanatiques “R2P” (« responsabilité de protéger ») du Département d’Etat et de la Maison-Blanche, auxquels le président Obama avait apparemment laissé les mains libres. Les médias néerlandais semblaient également ignorer que la catastrophe avait immédiatement été transformée en un sujet de disputes politiques prolongées pour les besoins de la Maison-Blanche et du Département d’Etat. Ne fut pas évoquée non plus la possibilité que Poutine aurait eu raison de dire que la catastrophe ne serait pas arrivée si sa demande insistante d’un cessez-le-feu avait été acceptée.

De fait, Kiev a rompu le cessez-le-feu – le 10 juin – dans sa guerre civile contre les Ukrainiens de l’Est russophones qui ne souhaitent pas être gouvernés par un regroupement de voyous, de descendants de nazis ukrainiens et d’oligarques amourachés du FMI et de l’Union européenne. Les supposés « rebelles » n’ont fait que répliquer à un début de nettoyage ethnique (terreur par bombardements systématiques et atrocités – au moins 30 Ukrainiens brûlés vifs) mené par les forces de Kiev, à propos desquelles rien ou fort peu n’a été dit dans les reportages européens.

Il est peu probable que les ONG américaines, dont il a été admis officiellement qu’elles avaient dépensé cinq milliards de dollars dans leur campagne de déstabilisation politique, en préalable au putsch de février à Kiev, aient soudainement disparu d’Ukraine. Il est aussi peu probable que les troupes spéciales et les conseillers militaires américains soient restés à se tourner les pouces tandis que les officiers de Kiev et les milices établissaient leur stratégie de guerre civile. Après tout, les nouveaux voyous au pouvoir sont les représentants d’un régime sous perfusion financière de Washington, de l’Union Européenne et du FMI. Ce que nous savons, c’est que Washington encourage les massacres ayant lieu dans le cadre de la guerre civile qu’il a aidé à déclencher.

Mais Washington a toujours eu l’avantage dans cette guerre de propagande qui l’oppose à un adversaire très réticent, contrairement à ce que les médias grand public ont voulu nous faire croire. La propagande, qui prend sa source à Washington, est construite de manière à coller à l’hypothèse d’un Poutine qui, guidé et soutenu par un nationalisme exacerbé par la chute de l’empire soviétique, tente de repousser les frontières de la Fédération de Russie jusqu’aux anciennes limites du défunt empire. Les experts les plus téméraires, touchés par la fièvre néoconservatrice, vont jusqu’à considérer la Russie comme menaçant d’englober l’Ouest. A partir de là, on fait croire aux Européens que Poutine refuse toute diplomatie, alors que c’est ce à quoi il a toujours exhorté. Par conséquent la propagande en cours a eu pour effet de donner une image dangereuse et extrême des actions non pas de Washington , mais bien de Poutine. Quiconque ayant vécu une expérience personnelle montrant Poutine ou la Russie sous un mauvais jour doit se manifester immédiatement ; les éditorialistes néerlandais en sont particulièrement friands en ce moment.

Il ne fait aucun doute que la propagande de Moscou, à laquelle il est souvent fait référence, existe réellement. Mais il y a des moyens, pour les journalistes sérieux, de mettre en balance les propagandes des différents bords et de discerner la part de vérité ou de mensonges ou de foutaises qu’elles contiennent. De ce que j’ai pu voir, cet exercice n’a été fait qu’en Allemagne, et de manière restreinte. Pour le reste, nous devons reconstituer la réalité politique en nous reposant sur les sites web américains, maintenant plus que jamais indispensables, qui accueillent des lanceurs d’alertes et des journalistes d’investigation à l’ancienne et qui, spécialement depuis l’avènement de la « guerre contre le terrorisme » et l’invasion de l’Iraq ont constitué une forme continue de publication samizdat [NdT : « samizdat » d'après Wikipédia : « Le samizdat (en russe : самиздат) était un système clandestin de circulation d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel. »]

Aux Pays-Bas, presque tout ce qui vient du Département d’Etat est pris pour argent comptant. L’histoire américaine depuis l’effondrement de l’Union Soviétique est faite de mensonges à couper le souffle : sur le Panama, l’Afghanistan, l’Iraq, la Syrie, le Venezuela, la Libye et la Corée du Nord; renversements de gouvernement, coups tordus et opérations sous fausse bannière. Et l’existence discrète d’environ mille bases militaires américaines disséminées sur toute la planète est opportunément absente des débats.

La quasi hystérie pendant la semaine qui a suivi la destruction de l’avion de ligne a empêché les gens ayant connaissance de faits ou de récits pertinents de s’exprimer.
De nos jours, la sécurité de l’emploi dans le monde du journalisme est assez incertaine et aller à contre-courant équivaut presque à se retrouver sur une voie de garage avec le diable, car c’est nuire à sa « crédibilité » de journaliste.

Ce qui frappe une ancienne génération de journalistes sérieux et les fait douter de la crédibilité des médias grand public, c’est le fait d’ignorer les indices qui pourraient miner ou démolir la version officielle; une version officielle qui a déjà imprégné la culture populaire comme en témoignent les commentaires désinvoltes qui ornent les critiques de livres, de films, et beaucoup d’autres choses.

Aux Pays-Bas la version officielle est déjà gravée dans le marbre, ce à quoi on devait s’attendre lorsqu’elle a été répétée dix mille fois. Elle ne peut être écartée, bien sûr, mais elle n’est pas basée sur le moindre morceau de preuve.

La présence de deux avions de combat ukrainiens près de l’avion de ligne malaisien, relevée par les radars russes, pourrait constituer un indice intéressant si j’enquêtais comme journaliste ou membre de la commission d’enquête dirigée officiellement par les Pays-Bas.

Ce fait est, semble-t-il, corroboré par la BBC relatant des témoignages oculaires de villageois ayant vu clairement un autre avion, un chasseur, non loin de l’avion de ligne, peu de temps avant le crash et ayant entendu des explosions provenant du ciel.

Ce reportage a récemment attiré l’attention, car il a été retiré des archives de la BBC.

J’aimerais parler avec Michael Bociurkiw, un des premier inspecteurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à atteindre le site du crash et a passé plus d’une semaine à examiner les restes de l’avion et a décrit sur CBC Worlds News deux des trois morceaux de fuselage « vraiment grêlés ». « Cela ressemble à des tirs de mitrailleuse; une très très grosse mitrailleuse qui a laissé ces marques uniques que nous n’avons vu nulle part ailleurs ».

J’aimerais également jeter un oeil aux enregistrements radars et voix, dont on dit qu’ils ont été confisqués, de la tour de contrôle de Kiev, pour comprendre pourquoi le pilote malaisien a dévié de sa route et a rapidement perdu de l’altitude peu de temps avant que son avion ne s’écrase, et découvrir si effectivement les contrôleurs aériens étrangers à Kiev ont été remerciés tout de suite après le crash.

Comme les « VIPS » [anciens collaborateurs des services secrets pour le bon sens], j’exhorterais les autorités qui ont accès aux images satellite de montrer les preuves, qu’ils prétendent avoir, de batteries de missiles BUK entre les mains des « rebelles » et d’implication des Russes et leur demanderais pourquoi ils ne l’ont pas déjà fait.

Jusqu’à maintenant Washington a agi comme un chauffeur qui refuse un test d’alcoolémie. Et comme des officiels des services secrets ont fait fuiter vers certains journaux américains leurs doutes à propos des certitudes américaines telles que présentées par le Secrétaire d’Etat, ma curiosité serait insatiable.

Pour situer le degré de fidélité médiatique à Washington dans le cas ukrainien, et aussi mettre en perspective le comportement servile des politiciens européens, nous devons connaître et comprendre l’Atlantisme. C’est une foi européenne. Il n’a pas produit une doctrine officielle, bien sûr, mais il fonctionne comme tel.

Il est bien résumé par le slogan néerlandais au moment de l’invasion de l’Irak: « zonder Amerika gaat het niet » (sans les Etats-Unis les choses ne marcheront pas).

Inutile de dire que la guerre froide a donné naissance à l’atlantisme. Ironiquement, celui-ci a gagné en puissance , lorsque la menace de l’Union soviétique est devenue moins convaincante pour une part croissante de l’élite politique européenne, probablement en raison de l’arrivée d’une nouvelle génération : plus on s’éloigne de la deuxième guerre mondiale, moins les gouvernements européens se rappellent ce que peut vouloir dire avoir une politique étrangère indépendante pour les problèmes à l’échelle mondiale. Les chefs actuels des gouvernements européens ne savent pas avoir de délibérations stratégiques réalistes. La réflexion habituelle sur les relations internationales et la politique globale est profondément marquée par le contexte de la guerre froide .

Ceci inévitablement imprègne aussi les politiques éditoriales « responsables ». L’atlantisme est une grave maladie de l’Europe : elle génère une amnésie historique, un aveuglement têtu et une colère politique dangereusement déplacée. Mais elle s’épanouit sur un mélange de certitudes sur la protection qui perdurent depuis la guerre froide, de fidélités issues de la guerre froide intégrées à la culture populaire, d’inculture européenne pure et simple, et d’une réticence compréhensible à admettre qu’on a été, ne serait-ce qu’un petit peu, conditionné. Washington peut se permettre tous les excès sans que l’atlantisme ne soit remis en cause, du fait de la distraction de chacun, que les médias font tout pour entretenir. Je connais des néerlandais dégoûtés par la campagne de diabolisation de Poutine, mais pour eux, l’idée de pointer un doigt accusateur sur Washington, dans l’affaire de l’Ukraine, est quasiment inacceptable. De telle sorte que les publications néerlandaises, tout comme beaucoup d’autres en Europe, n’arrivent pas à se résoudre à placer la crise de l’Ukraine dans sa juste perspective en admettant que la responsabilité en revient à Washington, et que Washington, et non Poutine, a la clé de sa résolution.

Cela signifierait un renoncement à l’atlantisme.

L’atlantisme tire en grande partie sa force de l’Otan, son incarnation institutionnelle. La raison de l’existence de l’Otan, qui a disparu avec l’Union Soviétique, a souvent été oubliée. Formée en 1949, elle était fondée sur l’idée d’une coopération transatlantique pour la défense et la sécurité qui était devenue nécessaire après la Seconde Guerre mondiale, face au communisme orchestré par Moscou, qui souhaitait faire main basse sur la planète. On parlait beaucoup moins de la méfiance interne en Europe, alors que les Européens entamaient leur marche vers l’intégration économique. L’Otan constituait, en quelque sorte, la garantie américaine qu’aucune puissance européenne ne tenterait de dominer les autres.

L’Otan est, depuis quelque temps, un handicap pour l’Union européenne, parce qu’elle bloque le développement de politiques concertées d’affaires étrangères et de défense, et a forcé les pays membres à devenir les instruments du militarisme américain. C’est aussi un handicap moral parce que les gouvernements participant à la « coalition militaire en Irak » ont dû vendre un mensonge à leur population : les soldats européens morts en Irak et en Afghanistan auraient représenté un sacrifice nécessaire pour protéger l’Europe des terroristes. Les gouvernements qui ont fourni des troupes à des zones occupées par les États-Unis l’ont généralement fait avec une grande réticence, à telle enseigne qu’une succession d’officiels américains leur ont reproché leur manque d’enthousiasme dans la défense collective de la démocratie et de la liberté.

Comme toutes les idéologies, l’atlantisme est anhistorique. Comme remède de cheval contre le tourment de l’ambiguïté fondamentale de la politique, elle fournit sa propre histoire : celle qui peut être réécrite par les médias grand public américains, dans leur assistance à la diffusion de la parole de Washington.

On peut difficilement rêver meilleure illustration que l’expérience néerlandaise actuelle. Au cours de mes conversations de ces dernières trois semaines, j’ai rencontré des surprises sincères quand j’ai rappelé à des amis que la guerre froide s’était achevée par la diplomatie, avec un traité entre Gorbachev et Bush père, à Malte en décembre 1989. Traité où James Baker avait obtenu de Gorbachev l’acceptation de la réunification de l’Allemagne et le retrait des troupes du Pacte de Varsovie, contre la promesse que l’Otan ne s’étendrait pas d’un pouce de plus à l’est. Gorbachev promit de ne pas utiliser la force en Europe de l’Est, où les Russes avaient 350 000 soldats rien qu’en Allemagne de l’Est, contre une promesse de Bush : les USA ne chercheraient pas à tirer profit du retrait des Soviétiques d’Europe de l’Est. Bill Clinton renia ces promesses américaines quand, pour des raisons purement électorales, il s’est vanté d’un développement de l’Otan, et, en 1999, quand il y intégra la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Dix ans plus tard, neuf pays de plus sont devenus membres, de sorte que le nombre des pays de l’Otan a doublé depuis la guerre froide. Le grand spécialiste américain de la Russie, l’ambassadeur George Kennan, qui est à l’origine de la politique d’endiguement de la guerre froide, a appelé la décision de Clinton « l’erreur la plus tragique de la politique américaine de toute l’ère post-guerre froide ».

L’ignorance de l’histoire encouragée par l’atlantisme se montre de façon saisissante dans l’assertion que la preuve à charge définitive dans le procès fait à Poutine serait son invasion de la Crimée. Encore une fois, la réalité politique a été fabriquée, ici, par les médias grand public américains. Il n’y a pas eu d’invasion, des soldats et des marins russes étaient déjà sur place en toute légalité, puisque la Crimée héberge la base militaire navale russe de la mer Noire. La Crimée a fait partie de la Russie depuis aussi longtemps que les Etats-Unis existent. En 1954, Khrouchtchev, lui-même ukrainien, l’a donnée à la République Socialiste d’Ukraine, ce qui revenait à déménager une région dans une province différente, puisque la Russie et l’Ukraine appartenaient toutes deux au même pays. La population russophone de Crimée était parfaitement heureuse de la situation, puisqu’elle a voté par reférendum d’abord pour se libérer du régime putschiste de Kiev, puis pour sa réunification avec la Russie.

Ceux qui soutiennent que Poutine n’avait pas le droit d’agir ainsi ne sont pas conscients d’un autre fil conducteur de l’histoire récente : Les Etats-Unis ont continuellement rapproché leur système de défense antimissiles (Guerre des Étoiles) des frontières russes, sous prétexte d’intercepter des missiles hostiles venus d’Iran ; mais ces missiles n’existent pas. Les discours moralisateurs sur l’intégrité territoriale et la souveraineté n’ont pas de sens dans un tel contexte, et venant d’un gouvernement qui s’est débarrassé du concept de souveraineté dans sa politique étrangère, c’est complètement grotesque.

Une détestable décision atlantiste fut l’exclusion de Poutine des sommets et réunions liés à la commémoration du débarquement de Normandie, ainsi, pour la première fois en 17 ans, le G8 est devenu de fait le G7. L’amnésie et l’ignorance ont rendu les Néerlandais aveugles à leur propre histoire, l’URSS ayant détruit le cœur de la machine de guerre nazie (qui occupait les Pays-Bas) au prix d’un nombre de morts incomparable et inimaginable ; sans eux, le débarquement de Normandie n’aurait pas été possible.

Il n’y a pas si longtemps, les désastres militaires en Irak et en Afghanistan semblaient prédire la fin inéluctable de l’Otan. Mais la crise ukrainienne et le caractère décidé manifesté par Poutine lorsqu’il empécha la Crimée et sa base navale de peut-être tomber aux mains de l’alliance contrôlée par les Etats-Unis fut du pain bénit pour l’institution chancelante.

Le commandement de l’OTAN est déjà en train d’envoyer des troupes pour renforcer sa présence dans les Pays Baltes, des missiles et des avions d’attaque en Pologne et en Lituanie, et depuis l’affaire de l’avion de ligne malaisien abattu, il s’est préparé à d’autres actions militaires qui peuvent dégénérer en provocations dangereuses contre la Russie. Clairement, le ministre des affaires étrangères polonais, avec les Pays Baltes, qui n’avaient pas pris part à l’OTAN quand sa raison d’être pouvait encore être défendue, est devenu l’un de ses moteurs. Un vent de mobilisation a soufflé au cours de la semaine dernière. On peut compter sur les pantins ventriloques Anders Fogh Rasmussen et Jaap de Hoop Scheffer pour fulminer, sur les plateaux de télé, contre d’éventuelles reculades de la part d’états-membres. Rassmussen, le Secrétaire général, a déclaré, le 7 août dernier à Kiev, que le soutien de l’OTAN à « la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine est sans faille » et qu’il cherche à renforcer le partenariat avec le pays au Sommet de l’Alliance, au Pays de Galles en septembre. Le partenariat est déjà solide, a-t-il déclaré, « et en réponse à l’agression russe, l’OTAN s’est encore rapprochée de l’Ukraine pour réformer ses forces armées et ses institutions de défense ».

Pendant ce temps, au Congrès américain, 23 sénateurs républicains ont proposé une loi, le « Russian Aggression Prevention Act » [Loi sur la prévention de l'agression russe], censée permettre à Washington de faire de l’Ukraine un allié non-OTAN, qui pourrait ouvrir la voie à un conflit militaire direct avec la Russie. Nous devrons probablement attendre que les élections de mi-mandat américaines soient passées pour savoir ce qu’il adviendra, mais elle aide déjà à trouver une excuse politique à ceux qui à Washington veulent gravir un échelon de plus dans leurs manœuvres en Ukraine.

En septembre de l’année dernière (2013), Poutine a aidé Obama en lui permettant d’arrêter une campagne de bombardement sur la Syrie, encouragée par les néo-conservateurs, et l’a également aidé en désamorçant le différend nucléaire avec l’Iran, un autre projet néo-conservateur.

Ceci à mené à un engagement des néo-conservateurs à rompre le lien Poutine-Obama.

C’est un secret de polichinelle que les néo-conservateurs veulent le renversement de Poutine et le démembrement final de la Fédération de Russie.
Ce qui est moins connu en Europe c’est l’existence de nombreuses ONGs en poste en Russie, qui les aideront dans ce but. Vladimir Poutine pourrait attaquer maintenant ou bientôt pour devancer l’OTAN et le congrès américain en prenant l’Est ukrainien, quelque chose qu’il aurait probablement dû faire juste après le référendum en Crimée. Cela aurait été évidemment la preuve de ses intentions diaboliques dans les salles de rédaction européennes.

A la lumière de tout ceci, l’une des questions les plus décisives à se poser dans les affaires mondiales actuelles est la suivante: que doit-il arriver pour que les Européens comprennent que Washington joue avec le feu et a cessé d’être le protecteur sur lequel ils comptaient, et qu’il menace désormais leur sécurité ?

Ce moment arrivera-t-il lorsqu’il deviendra clair que l’objectif de la crise ukrainienne est avant tout d’installer des batteries de missiles de la Guerre des Etoiles (Initiative de défense stratégique) le long d’une longue portion de la frontière Russe, ce qui donnerait à Washington – dans le jargon délirant des stratèges nucléaires – l’avantage d’une « première frappe » ?

La vieille Europe réalise-t-elle que les USA ont des ennemis qui ne sont pas les ennemis de l’Europe, parce qu’elle en a besoin pour des raisons de politique intérieure, pour sauvegarder une industrie de guerre économiquement importante, et pour tester la bonne foi politique des candidats à la fonction publique. Mais, alors que l’utilisation d’états-voyous et de terroristes comme cibles de « guerres justes » n’a jamais été convaincante, la Russie de Poutine, telle que diabolisée par un OTAN militariste, peut aider à prolonger le statu quo transatlantique. La vérité sur la fin du vol commercial malaisien, ai-je pensé à la minute où j’en ai entendu parler, allait être déterminée politiquement . Ses boîtes noires sont à Londres. Dans les mains de l’OTAN ?

D’autres obstacles à un réveil restent gigantesques ; la financiarisation et les politiques néolibérales ont produit un enchevêtrement transatlantique d’intérêts ploutocratiques. Ajoutées à la foi atlantiste, elles ont aidé à contrecarrer le développement politique de l’Union européenne, et avec cela, la capacité de l’Europe à prendre des décisions politiques indépendantes. Depuis Tony Blair, la Grande-Bretagne est tombée dans l’escarcelle de Washington, et depuis Nicolas Sarkozy, la même chose peut plus ou moins être dite de la France.

Ce qui laisse l’Allemagne. Angela Merkel était ouvertement mécontente des sanctions, mais elle a fini par suivre le mouvement parce qu’elle veut rester du bon côté du président américain, et parce que les États-Unis, en tant que vainqueurs de la Seconde guerre mondiale, ont encore du poids à travers un certain nombre d’accords. Le ministre des affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier, cité dans les journaux et à la télé, a répudié les sanctions et dénoncé l’Irak et la Lybie comme autant d’exemples de résultats désastreux des escalades et des ultimatums, et malgré cela, lui aussi change d’avis et, au bout du compte, suit le mouvement général.

Der Spiegel est l’une des publication allemandes qui offrent un espoir. L’un de ses chroniqueurs, Jakob Augstein, attaque les « somnambules » qui sont tombés d’accord sur les sanctions, et blâme ceux de ses collègues qui montrent Moscou du doigt. Gabor Steingart, qui publie Handelsblatt, s’en prend à la « tendance américaine à l’escalade verbale, puis militaire, à l’isolement, à la diabolisation et à l’attaque d’ennemis » et conclut que « le journalisme allemand est passé de la pondération à l’agitation en quelques semaines. Le spectre des opinions s’est réduit au champ de vision d’une lunette de tireur d’élite ». Il doit y avoir d’autres journalistes, en Europe, qui disent la même chose, mais leurs voix ne passent pas la cacophonie de la diabolisation.

Nous voyons l’histoire s’écrire une fois de plus. Ce qui pourrait décider du sort de l’Europe est que, même hors des zélateurs de la foi atlantiste, des Européens de bon sens n’arrivent pas à croire en la dysfonctionnalité et l’irresponsabilité totale de l’Etat américain.

Karel van Wolferen, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr 

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-journalisme-corrompu-et-foi-atlantiste-par-karel-van-wolferen/


Actu’Ukraine, 19 septembre, par Nicolas : Duel de fausses informations

Friday 19 September 2014 at 00:01

P.S. rien à voir mais je cherche quelqu’un résidant aux états-unis qui pourrait me rendre un petit service… Merci de me contacter… Olivier

Duel de fausses informations

Bon, le journal Libération a trouvé une femme qui aurait été maltraitée à Donetsk. Environ 15% d’habitants de Novorossie sont pour l’unité de l’Ukraine, selon les rebelles eux-mêmes. Ils ont (selon les Constitutions de la RPD et de la RPL) droit à leurs convictions, et on les laisse tranquilles. Dans les villes contrôlées par Kiev, ceux qui sont pour la séparation risquent souvent de se faire humilier, tabasser, voire brûler, comme à Odessa. Nos médias ont dû oublier ce détail. Passons sur ce fait divers à la propagande que l’on trouve des deux côtés de la guerre civile. On en trouve de nouveaux exemples tous les jours, essayons de revenir sur les exemple de fausses informations les plus significatives du conflit.

Mensonges sur médias sociaux

Un moyen très simple de faire de la propagande pour montrer les atrocités du camp d’en face, c’est d’utiliser des photos d’autres conflits. La campagne #SaveDonbassPeople a utilisé des photos d’enfants de Syrie, du Liban, et même d’un film russe sur la seconde guerre mondiale pour illustrer les malheurs du Donbass.

Film

Film “Brestskaya Krepost”. Donetsk et Lougansk ne manquent pas de civils tués, mais faire une photo comme ça n’est pas facile. Et puis il faut y aller…

Ensuite, parce que des civils qui se font bombarder n’inspirent visiblement plus aucune compassion (sinon nous ne serions pas une petite minorité à nous indigner du bombardement des villes du Donbass par les armées de Kiev), il faut augmenter le niveau d’horreur. Des messages sont donc apparus sur les réseau sociaux, affirmant que des têtes de rebelles avaient été envoyées à leur famille, dans des boîte en bois. Il n’est pas difficile d’apprendre que les images qui accompagnent ces messages ont été prises en Syrie. D’ailleurs, les mêmes messages sont tournés dans l’autre sens, avec les mêmes images, affirmant que les rebelles envoient des têtes de soldats ukrainiens à leurs familles. Difficile de savoir qui a commencé ces mensonges macabres, et peu importe. Certains pro-rebelles diffusent également sur les réseaux sociaux des photos de tanks détruits dans différents conflits pour illustrer les victoires des rebelles. Dans l’ensemble, il s’agit  de messages diffusés sur internet de façon essentiellement anonyme. Du fait de l’anonymat, beaucoup s’en donnent à cœur joie, dans les 2 camps, en espérant que leur message sera repris par des milliers de personnes.

Fausses informations sur les crimes de Kiev

Les rebelles affirment encore que les armées de Kiev bombardent les villes rebelles avec des bombes à sous-munitions illégales, et avec des bombes au phosphore. Les deux informations sont fausses. La première information est fausse parce que Kiev n’a jamais signé la convention interdisant les bombes à sous-munitions (comme la Chine, l’Inde, Israël, la Russie et les É-U), et la seconde est fausse parce que les bombes incendiaires utilisées par Kiev ne sont pas des bombes au phosphore mais des bombes incendiaires à la thermite et au pyrogel. L’expression “bombe au phosphore” est utilisée dans les pays ex-soviétiques comme une expression générique pour désigner les bombes incendiaires (comme certains disent Frigidaire pour “réfrigérateur”, ou Le Monde pour “torchon”) depuis que la propagande soviétique a démonisé l’usage de ces armes par les É-U et Israël dans les années 1970 et 1980. L’URSS avait renoncé à ces armes. Notons que la convention sur certaines armes classiques n’interdit pas spécifiquement les bombes au phosphore, mais l’usage de bombes incendiaire sur des zones habitées par des civils. Reste à savoir si le soutien occidental à Kiev qui bombarde ses populations est moralement acceptable parce que l’Ukraine ne s’interdit pas les bombes à sous-munitions ou parce qu’elle bombarde les villes avec des bombes à la thermite plutôt qu’avec des bombes au phosphore blanc.

Le soldat sur le fil

Du côté de Starobechevo ont eu lieu de très lourds combats avant la trêve, de très nombreux soldats de Kiev y sont morts. L’un d’eux a eu le malheur de sauter à plus de dix mètres de haut et de rester accroché à un câble de haute tension (220 kV). Les médias de Kiev en ont profité pour montrer à quel point les rebelles étaient des monstres puisqu’ils ont laissé le corps de ce soldat pendu pendant plusieurs jours. La réalité (que l’on peut voir sur Youtube en cherchant en russe, je laisse à la curiosité des lecteurs le soin de trouver les vidéos montrant des cadavres) est que pour venir chercher ce corps il a fallu mobiliser plusieurs personnes, et un camion disposant d’une échelle suffisamment haute. Avant cela, il a aussi fallu couper l’électricité d’une “grande ville d’un gouvernement ami” (Tangarog, en Russie ? L’auteur ne précise pas), ce qui n’était donc pas une mince affaire. Mais surtout, les troupes de Kiev présentes tout près n’ont absolument pas voulu aider cette opération de récupération d’un de leurs soldats, il a fallu que des rebelles s’en mêlent pour que cela se fasse. De toute cette histoire, ce que retiennent les spectateurs des médias de Kiev est que les maudits terroristes russes ont laissé un héros accroché à un câble électrique…

Kiev et ses alliés racontent n’importe quoi

Cela devient plus embêtant lorsque les mensonges sont le fait de représentants officiels de gouvernements. Les exemples ne manquent malheureusement pas. Récemment, le proconsul américain de la province d’Ukraine a cherché à faire croire que des tanks allemands étaient arrivés à Lvov, pour les exercices avec l’OTAN, en publiant une photo de tank Leopard sur Twitter. Cette photo est en fait une image tirée de cette vidéo datant de 2013 (vers 0:25) à laquelle a été ajouté un peu de ciel blanc. Geoffrey Pyatt est donc un menteur, ce qui n’étonnera personne. Mais on peut s’étonner : pourquoi l’Empire américain promet tant à Kiev et apporte si peu ? Le journal canadien Globe and Mail (pas exactement de la propagande russe) apporte une réponse : parce que la corruption est généralisée en Ukraine. Le journal rappelle que lorsque l’armée américaine a commencé à envoyer des rations de combat, ces rations se sont retrouvées  sur un site de vente sur internet. Les milliards qui ont été fournis à l’Ukraine par le FMI etc ne sont jamais arrivés là où ils devaient aller. Ce qui est destiné à l’armée ukrainienne s’évapore en descendant la hiérarchie, et presque rien n’arrive aux soldats. Certains (dont le blogueur Colonel Cassad) spéculent que le plus grand soutien russe consiste à acheter du matériel de l’armée ukrainienne pour le fournir à l’armée novorusse. Tout se vend.

Le convoi humanitaire russe

C’est d’ailleurs essentiellement le problème avec l’aide humanitaire russe, dont le deuxième convoi d’environ 2 000 tonnes est arrivé récemment à destination. Kiev a protesté, en disant qu’il fallait que les camions passent par la frontière sous leur contrôle, puis qu’il fallait que les chargements soient transbordés sur des camions ukrainiens, puis qu’il fallait que les camions russes portent des plaques d’immatriculation ukrainienne, etc. Le fait que les garde-frontière ukrainiens ont pu contrôler tous les camions sans y trouver autre chose que de l’aide humanitaire n’a aucune importance, puisque l’objectif des accusations était d’essayer de voler une part de l’aide, en revendre, exiger des pots-de-vin, récupérer l’aide et l’envoyer en disant qu’elle venait de Kiev, etc. Les médias français n’ont pas hésité à apporter leur soutien à cette corruption qui cherche à profiter du malheur de millions de personnes. Notez que dans la vidéo du Monde, on apprend seulement qu’un camion de 20 tonnes contient “seulement” 8 tonnes de lait concentré, et donc que le convoi pourrait être constitué de moins de camions. La BBC a constaté que dans l’ensemble les camions étaient chargés environ à moitié, soit 10 tonnes par camion. On peut se demander pourquoi le convoi utilise 2 fois plus de camions que nécessaire. L’explication officielle est que d’une part des camions pleins vont moins vite, et que d’autre part, si un camion a un problème et que les conducteurs doivent transborder à la main le chargement d’un camion vers un autre, cela poserait des gros problèmes avec des camions pleins. La deuxième explication n’est pas absurde, mais on peut imaginer qu’il y a aussi une part d’opération de communication : annoncer “plus de 200 camions”, c’est plus impressionnant que “100 camions”. On peut aussi se poser 2 autres questions :
- D’une part, pourquoi la France, éternelle donneuse de leçons, n’envoie pas d’aide humanitaire ? Ne serait-ce que 8 tonnes dans un camion de 20 tonnes? D’autant que la Russie ayant fermé ses portes aux produits agricoles français, de nombreux agriculteurs manquent de débouchés pour leur produits. Nourrir les populations bombardées par nos alliés ne serait-il pas mieux que de jeter ces produits ?
- D’autre part, pourquoi la Russie envoie beaucoup plus d’aide humanitaire vers le Donbass, et de bien meilleure qualité, que Kiev (par exemple un camion envoyé par Kiev contenait des pains sales, non emballés) ? Imaginons que la Bretagne soit frappée par une catastrophe, imagine-t-on l’Angleterre envoyer beaucoup plus d’aide que la France ?

L’invasion russe

C’est bien connu, la Russie a envahi l’Ukraine. D’ailleurs, il y a des preuves :

Bon, certes, cette photo a été prise en août 2008 en Ossétie du Sud, au sujet de laquelle on a bien fini par admettre à demi-mots, 5 ans après les faits, que la Russie a plutôt bien fait d’arrêter les bombardements de la Géorgie sur les villages ossètes, un peu comme elle n’a pas tout à fait eu tort de ne pas soutenir les “freedom fighters” de Syrie que l’OTAN veut maintenant combattre après les avoir soutenus pendant plusieurs années, tout comme elle combat les “freedom fighters” d’Afghanistan après les avoir soutenus, financés et armés à la fin de la guerre froide. La Russie a toujours tort, quoi qu’elle fasse, mais après les faits, si on y réfléchit un peu…

Plusieurs de ces preuves ont été démontées, comme, dès le début de la guerre, la photo d’un barbu en Ossétie du Sud qui ne pouvait être qu’Aleksandr Mojaev (le Cosaque “Babaï”) puisque bien sûr Babaï est le seul barbu. Peu importe, les politiciens ukrainiens continuent d’utiliser cette invasion pour réclamer plus de milliards, plus de soutien militaire, et une intégration à l’UE et à l’OTAN plus vite. Ils sont dans leur rôle : ils ont pris le pouvoir pour ramasser autant de pognon que possible, ils font ce qu’il faut pour qu’on leur en envoie. Ce qui est plus étonnant, c’est pourquoi les gouvernements occidentaux, que les oligarques de Kiev prennent pour des distributeurs de billets, continuent de les prendre au sérieux ?

Encore une “preuve” largement diffusée par les médias de Kiev : l’enterrement en Russie de soldats russes. Selon Kiev, 2 000 soldats russes ont été tués dans le Donbass. Il y a une photo qui le prouve :

Enterrrement de soldats russes

C’est vrai, il s’agit de l’enterrement de soldats russes. Ou soviétiques. Morts il y a plus de 70 ans. Déjà, à l’époque, la Russie s’opposait aux valeurs européennes, immuablement supérieures à la barbarie russe.

Cette photo vient de ce blog, et parle de la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle 300 000 soldats sont morts sur le front de Leningrad. Des restes récemment retrouvés ont été enterrés dans une fosse commune. Quand Kiev affirme avoir tué 2 000 soldats et illustre ce massacre par une photo qui n’a rien à voir avec le conflit en cours (et a été prise en 2013, peu importe), on peut se demander pourquoi 2 000 seulement, pourquoi pas 200 000, tant qu’on est dans le n’importe quoi absolu.

La théorie de “l’invasion russe” a été largement diffusée après le début de la contre-offensive rebelle. En effet, si les troupes de Kiev avançaient et dominaient leur adversaire, comment peut-on expliquer le retournement de situation soudain ? En fait, il suffisait de lire les journaux de Kiev pour apprendre que, dès la fin juillet, la situation avait changé, que les troupes n’avançaient plus, étaient démoralisées, n’avaient qu’un repas par jour, etc., cela 3 semaines avant le début de la contre-offensive. Les rebelles ont attendu le bon moment pour attaquer, il n’y a pas eu de grand changement dans le rapport de force, simplement l’évolution logique des semaines précédentes.

Pour savoir si la Russie a ou non envahi l’Ukraine, on peut aussi se demander se qui se passerait si l’armée russe décidait vraiment d’envahir l’Ukraine, et comparer avec la situation en cours. Certains signes devraient nous aider deux jours après l’invasion :
-Fin des bombardements sur les villes. L’artillerie de Kiev a été anéantie pendant les premières heures de l’invasion,
-Flot incessant de blindés et de camions de soutien en provenance de Russie, impossible de cacher aux satellites (tout comme la moindre colonne de blindés est impossible à cacher),
etc.
On ne voit rien de tout ça, donc on peut tranquillement affirmer que la Russie n’a pas envahi l’Ukraine et que ceux qui disent le contraire se moquent de nous.

On peut aussi se demander tout simplement : si les habitants du Donbass sont victimes d’une invasion par des terroristes tchétchènes / russes / martiens / basques / écossais, pourquoi Kiev les punit en détruisant leurs maisons et leur infrastructure ? Pourquoi Kiev les punit en arrêtant de payer les retraites, les aides sociales, etc.? Tout cela ne tient pas. En fait, tout ce passe comme si Kiev était l’envahisseur. Ce qui n’est pas possible bien sûr, puisque la “communauté internationale” (=BAO) dit le contraire, mais c’est troublant.

MH17

Dans les heures qui ont suivi la catastrophe de l’avion de Malaysian Airlines, les autorités de Kiev ont diffusé (via les médias sociaux, comme d’habitude) un enregistrement audio prouvant que les rebelles avaient abattu l’avion. Une analyse audio permet de discréditer totalement cet enregistrement, qui est un montage assez mal fait. Cela n’a pas empêché les médias, y compris occidentaux, d’utiliser cette “preuve” pour accuser les rebelles d’avoir abattu cet avion. Et cela pose une question : si Kiev est innocent, pourquoi se sont-ils empressés de créer et diffuser une fausse preuve ?

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-19-septembre/


La nouvelle guerre froide et la nécessité d’une hérésie patriotique, par Stephen Cohen

Thursday 18 September 2014 at 04:29

Stephen F. Cohen est Professeur émérite d’Études et Politiques Russes à l’Université de New-York et à l’Université de Princetown. Auteur contributeur au journal The Nation, ses livres les plus récents, désormais disponibles en livres de poche, sont “Destins soviétiques et alternatives perdues : du stalinisme à la nouvelle guerre froide” ; et “Le retour des victimes : les survivants du goulag après Staline”.

Source : Stephen F. Cohen, The Nation, 12 août 2014

J’ai préparé le texte ci dessous pour remarques concernant le forum annuel Etats-Unis – Russie à Washington, DC, le 16 Juin. Malgré le fait qu’il se tienne dans le Hart Senate Office Building, et que l’audience y était nombreuse, l’évènement était organisé en privé, sous aucun auspice officiel. De façon à rester dans les temps alloués aux intervenants, j’ai dû abréger mon texte. Ici, j’ai restauré les suppressions effectuées et transcrit un certain nombre de mes commentaires impromptus. De plus, je me réfère à quelques événements postérieurs pour illustrer certains de mes thèmes. Cependant, je n’ai pas changé significativement mes formulations pour qu’elles soient plus adaptées à la prose que je préfère pour le format écrit.

Nous nous rencontrons aujourd’hui pendant la pire et potentiellement la plus dangereuse confrontation américano-russe depuis plusieurs décennies, probablement depuis la crise des missiles de Cuba de 1962. La guerre civile ukrainienne, précipitée par le changement illégal du gouvernement de Kiev en février, est déjà en train de se transformer graduellement en une guerre par procuration entre les Etats-Unis et la Russie. Ce que l’on croyait impensable est en train de devenir imaginable : une réelle guerre entre l’OTAN, dirigée par les Etats-Unis, et la Russie post-Soviétique. Nous sommes certainement déjà dans une nouvelle guerre froide, que les sanctions à sévérité croissante ne pourront qu’aggraver et institutionnaliser, une guerre potentiellement plus dangereuse que la précédente, à laquelle le monde a à peine survécu. Et ceci pour plusieurs raisons :

- L’épicentre de la nouvelle guerre froide n’est plus à Berlin mais sur la frontière russe, en Ukraine, qui aux yeux de Moscou est une région absolument essentielle à sa sécurité nationale et même à sa civilisation. Ceci veut dire que le genre d’erreurs de calcul, d’incidents et de provocations dont le monde a été témoin il y a des décennies seront encore plus dangereux cette fois-ci. (L’abattage mystérieux d’un avion de ligne malaisien au-dessus de l’Ukraine en juillet en était un exemple alarmant).

- Un risque encore plus sérieux est que la nouvelle guerre froide pourrait inciter à l’utilisation d’armes nucléaires d’une manière que la guerre Etats-Unis – Soviétiques n’incitait pas. J’ai en tête l’argument avancé par certains stratèges militaires russes que si la Russie était menacée directement par les forces conventionnelles supérieures de l’OTAN, elle pourrait recourir à son arsenal bien plus large d’armes tactiques nucléaires. (L’actuel encerclement effectué par les Etats-Unis / l’OTAN de la Russie avec des bases militaires, ainsi qu’avec des défenses anti-missiles terrestres et navales, ne peut qu’augmenter cette possibilité).

- Cependant, un autre facteur de risque réside dans le fait que dans cette nouvelle guerre froide, il manque les règles de modération réciproque qui s’étaientt développées durant les quarante années de la guerre froide, en particulier après la crise des missiles de Cuba. De fait, de lourdes suspicions, rancœurs, idées reçues et désinformations à la fois à Washington et Moscou peuvent rendre cette modération réciproque d’autant plus difficile. Il en va de même pour l’entreprise de diabolisation surréaliste du président russe, Vladimir Poutine – un genre de diffamation personnelle sans précédent, du moins depuis la mort de Staline. (Henry Kissinger a fait remarquer que la “diabolisation de Vladimir Poutine n’est pas une politique, c’est l’alibi pour palier son absence.” Je pense que c’est pire : une abdication de l’analyse factuelle et de l’élaboration d’une politique rationnelle.)

- Enfin, cette nouvelle guerre froide pourrait être encore plus dangereuse puisque, à la différence de la précédente, il n’y a aucune véritable opposition américaine – ni dans l’administration, ni au Congrès, ni dans les média, les universités et les think tanks, ni ailleurs dans la société. À cet égard, nous devons comprendre dans quelle situation difficile nous nous trouvons. Nous, opposants aux politiques américaines qui ont participé si terriblement à la crise actuelle, sommes peu nombreux, sans partisans influents et désorganisés. Nous étions une minorité, mais une minorité substantielle avec des alliés dans les hautes sphères, même au Congrès et au Département d’État. Nos opinions étaient sollicitées par les journaux, la télévision et la radio. En plus d’un soutien populaire, nous avions aussi nos propres organisations de lobbying à Washington, l’American Commitee on East-West Accord, dont le Conseil d’Administration incluait des chefs d’entreprise, des hommes politiques, d’éminents chercheurs et des hommes d’État de la stature d’un George Kennan.

Nous n’avons rien de tout cela aujourd’hui. Nous n’avons pas accès à l’administration Obama, pratiquement aucun au Congrès, qui est un bastion bipartite de la politique de la guerre froide, très peu aux médias traditionnels. (Depuis l’agravation de la crise ukrainienne, qui se souvient d’avoir lu nos points de vue sur les pages éditoriales ou “dissidentes” du New York Times, du Washington Post ou du Wall Street Journal, ou de les voir présentés sur MSNBC ou Fox News, qui diffèrent peu dans leurs émissions asymétriques ?). Nous avons accès à d’importants médias alternatifs, mais ils ne sont pas considérés comme faisant autorité, voire indispensables, à l’intérieur du sérail. De toute ma longue vie, je ne me souviens pas d’un tel échec du discours démocratique américain dans une telle période de crise. (Gilbert Doctorow, spécialiste américain de la Russie et dirigeant expérimenté de multinationale, vivant en Belgique, tente de créer une version américano-européenne de la Commission sur l’Accord Est-Ouest.)

Pour le reste de mon temps limité, je vais parler de façon générale de cette situation désastreuse – presque certainement un tournant fatidique dans les affaires du monde – selon mes trois capacités propres: en tant que participant à ce petit débat autorisé des grands médias ; comme historien académique de longue date de la Russie et des relations américano-russes ; et comme observateur averti qui croit qu’il y a encore un moyen de sortir de cette terrible crise.

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Quant à ma participation épisodique aux débats extrêmement limités des médias mainstream, je parlerai ici d’une facon plus personnelle que je ne le fais habituellement. D’un point de vue extérieur, je voyais mon rôle comme double. Rappelant le vieux dicton américain “Il y a toujours deux parties dans chaque histoire”, j’ai cherché à expliquer le point de vue de Moscou sur la crise ukrainienne, ce qui manque presque intégralement dans sa couverture médiatique. (Sans l’indispensable “Liste Russie” (“Russia List”) quotidienne de David Johnson, des lecteurs non-russophonnes auraient peu d’accès à des perspectives alternatives). Par exemple – que signifiait Poutine quand il disait que les hommes politiques occidentaux “cherchent à nous acculer”, “nous ont menti à plusieurs reprises” et en Ukraine “ont franchi la ligne”, ? . En deuxième lieu, comme je l’ai soutenu depuis les années 1990, la double politique de Washington à l’égard de la Russie pouvait conduire à une nouvelle Guerre Froide et à une crise comme celle d’aujourd’hui— voir mes articles dans The Nation et mes livres Failed Crusade (Croisade échouée) et Soviet Fates and Lost Alternatives (Fatalités Soviétiques et Alternatives perdues) – je voulais apporter mon analyse de longue date sur la crise actuelle.

En conséquence, j’ai été à plusieurs reprises assailli et traité – et pas moins dans les publications prétendument libérales – d’ Américain “apologiste” nº1 de Poutine, d’”idiot utile”, de “dupe”, de “meilleur ami” et peut-être à un niveau encore plus bas dans l’immaturité, d’”homme de paille”. Je m’attendais à être critiqué, comme je l’ai été pendant près de vingt ans en tant que commentateur de CBS News -Nouvelles CBS-, mais pas d’une telle façon personnelle et si calomnieuse. (Quelque chose a changé dans notre culture politique, ceci est peut-être lié à l’Internet.)

Jusqu’à présent, je n’ai répondu à aucune de ces attaques diffamatoires. Je le fais aujourd’hui parce que je pense maintenant qu’elles sont adressées à plusieurs d’entre nous dans cette salle, en effet à toute personne critique de la politique de Washington sur la Russie et pas seulement à moi. (Pas même Henry Kissinger ni le très brillant Ambassadeur du Président Reagan à Moscou, Jack F. Matlock, n’ont été à l’abri). En relisant les attaques, j’en suis arrivé aux conclusions suivantes :

- Aucun de ces assassins en mots ne présente de réfutations factuelles de tout ce que j’ai dit ou écrit. Ils se livrent uniquement à des insultes ad hominem fondées sur des distorsions et sur le principe général que tout Américain qui cherche à comprendre le point de vue de Moscou est un “apologiste de Poutine” et donc antipatriotique. Une telle prémisse n’encourage que la possibilité de la guerre.

- Certains de ces écrivains, ou les gens qui se tiennent derrière eux, sont des partisans de longue date des vingt ans de politique américaine qui ont conduit à la crise ukrainienne. En nous diffamant, ils cherchent à dissimuler leur complicité dans la catastrophe qui se déroule et leur réticence à la reconsidérer. L’incapacité à reconsidérer nous condamne au pire résultat.

- Tout aussi important – ces sortes de néo-maccarthystes essaient d’étouffer le débat démocratique en nous stigmatisant d’une manière qui nous rend « indésirables », tant dans les émissions grand public, les éditoriaux, que chez les décideurs politiques. Et ils y réussissent en grande partie.

Soyons clair. Cela signifie que nous, pas les gens de gauche et de droite qui nous diffament, sommes les vrais démocrates américains et les vrais patriotes de la sécurité nationale des États-Unis. Nous ne cherchons pas à ostraciser ou faire taire les nouveaux guerriers de la guerre froide mais à les engager dans le débat public. Et nous, pas eux, nous comprenons que l’actuelle politique des États-Unis peut avoir des conséquences catastrophiques sur la sécurité internationale et nationale. Les dangers et les coûts d’une nouvelle et longue guerre froide affecteront nos enfants et petits-enfants. A tout le moins, cette politique irresponsable, formulée même à haut niveau en diabolisation incessante de Poutine, est déjà en train de coûter à Washington un partenaire de première importance au Kremlin, dans des domaines vitaux pour la sécurité étatsunienne – de l’Iran, la Syrie, et l’Afghanistan,jusqu’aux efforts pour contrer la prolifération nucléaire et le terrorisme international

Mais je dois ajouter que nous sommes également à blâmer pour le débat unilatéral, voire inexistant. Comme je l’ai dit, nous ne sommes pas organisés. Trop souvent, nous ne nous défendons pas publiquement l’un l’autre, même si je suis personnellement reconnaissant à James Carden, Gilbert Doctorow et Robert Legvold d’être venus à ma défense. Et souvent, nous ne parlons pas avec assez d’audace. (Il ne faudrait pas nous inquiéter, par exemple, si nos arguments coïncident parfois avec ce qui est dit par Moscou car ce faisant, nous ferions de l’auto-censure.)

En effet, certaines personnes qui partagent nos préoccupations en privé – encore une fois, au Congrès, dans les médias, les universités et les groupes de réflexion – n’en parlent pas du tout. Pour une raison quelconque – crainte d’être stigmatisés, crainte pour leur carrière, ou disposition personnelle – ils demeurent silencieux. Mais dans notre démocratie, où le coût de la dissidence est relativement faible, le silence n’est plus une option patriotique. (Personnellement, en tant qu’Américain, j’en suis venu à le ressentir plus fortement, même une indignation morale, quand je regarde et vois le régime pro-américain à Kiev infliger une dévastation inutile, une catastrophe humanitaire et peut-être des crimes de guerre envers ses propres citoyens dans l’Est de l’Ukraine.)

Cependant, je dois aussi mettre l’accent sur le fait que nous devrions exempter de cet impératif les jeunes gens, eux qui ont plus à perdre. Certains ont recherché mes conseils et je leur dis toujours : “Même si les pénalités sont mineures pour une dissidence américaine à propos de la Russie, elles pourraient nuire à votre carrière professionnelle. A ce stade de votre vie, votre obligation première, c’est votre famille et donc votre carrière. Le temps de votre combat viendra plus tard .”

Enfin, dans le cadre de notre lutte pour une politique américaine plus sage, je suis arrivé à une autre conclusion. La plupart d’entre nous ont appris que la modération dans la pensée et la parole est toujours le meilleur principe. Mais dans une crise fatidique comme celle à laquelle nous sommes confrontés maintenant, la modération en soi n’est pas une vertu. Elle devient conformisme, et le conformisme devient complicité.

Je me souviens que cette question était discutée il y a longtemps dans un contexte très différent – par des dissidents de l’ère soviétique quand je vivais parmi eux à Moscou dans les années 1970 et 1980. Quelques-uns de nos supporters qui connaissent cette histoire (y compris Edward Lozansky, un ancien dissident soviétique, républicain reaganien et l’organisateur de l’événement d’aujourd’hui) nous ont récemment appelé «dissidents américains”. L’analogie est imparfaite: mes amis soviétiques avaient beaucoup moins de possibilités de dissidence et risquaient des conséquences bien pires.

Mais l’analogie nous suggère bien une leçon. Les dissidents soviétiques protestaient contre une orthodoxie retranchée faite de dogmes et l’élaboration sans discernement de politiques, ce qui explique pourquoi ils ont été dénoncés comme hérétiques par les autorités soviétiques et les médias. Depuis les années 1990, en commençant par l’administration Clinton, des notions extrêmement imprudentes sur la Russie post-soviétique et la rectitude politique de la politique des USA ont figé une orthodoxie américaine bipartisane. La réponse naturelle historique à l’orthodoxie est l’hérésie. Soyons donc des hérétiques patriotiques, indépendamment des conséquences personnelles, dans l’espoir que d’autres se joindront à nous, comme cela a souvent été le cas dans l’histoire.

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J’en viens maintenant, en ma qualité d’historien, à cette orthodoxie. Le regretté sénateur Daniel Patrick Moynihan a si bien dit : « Tout le monde a droit à ses propres opinions, mais pas à ses propres faits. » L’orthodoxie de la nouvelle guerre froide repose presque entièrement sur des opinions fallacieuses. Cinq de ces erreurs sont particulièrement importantes aujourd’hui :

- Erreur n ° 1 : Depuis la fin de l’Union soviétique en 1991, Washington a traité la Russie post-communiste généreusement comme un ami et un partenaire souhaité, en faisant tous les efforts pour l’aider à devenir un membre démocratique et prospère du système occidental de sécurité internationale. Par refus ou incapacité, la Russie a rejeté cet altruisme américain, et ceci avec force sous Poutine.

Faits : Au début des années 1990, de nouveau avec l’administration Clinton, chaque Président et Congrès américain a traité la Russie post-soviétique comme une nation vaincue avec des droits légitimes inférieurs à l’intérieur comme à l’extérieur. Cette approche triomphaliste, du gagnant-prend-toute-la-mise (“winner-takes-all) a été le fer de lance de l’expansion de l’OTAN, accompagnée par des négociations non réciproques et maintenant des missiles de défense dans les zones de sécurité nationale traditionnelles de la Russie, tout en l’excluant en réalité du système de sécurité de l’Europe. Dès le début, l’Ukraine, et dans une moindre mesure la Géorgie, étaient les objectifs ultimes. Comme un influent chroniqueur du Washington Post l’a expliqué en 2004, « L’Occident veut finir le travail commencé avec la chute du mur de Berlin et poursuivre la marche de l’Europe vers l’Est… Le grand prix est l’Ukraine. »

- Erreur n°2 : Il existe un Etat nommé “Ukraine” et un peuple, “Le Peuple Ukrainien”, qui a voulu échapper à des siècles d’influence russe pour rejoindre l’Ouest.

Fait : Comme toute personne informée le sait, l’Ukraine est un pays depuis longtemps divisé par des différences ethniques, linguistiques, religieuses, culturelles, économiques et politiques, particulièrement dans ses régions de l’Ouest et de l’extrême Est, mais pas uniquement. Quand la crise actuelle a éclaté en 2013, l’Ukraine était encore un Etat entier, mais pas un peuple unique ou une nation unie. Certains de ces clivages ont été agravés après 1991 par les élites corrompues, mais la plupart d’entre eux s’étaient déjà développés au fil des siècles.

- Erreur n° 3 : En novembre 2013, l’Union européenne, soutenue par Washington, a offert au Président de l’Ukraine, Viktor Ianoukovitch, une association bénigne avec la prospérité de la démocratie européenne. M. Ianoukovitch était prêt à signer l’accord, mais Poutine l’a intimidé et l’a corrompu pour qu’il le rejette. C’est ainsi que les manifestations de protestation de Maidan à Kiev ont commencé et tout ce qui a suivi depuis.

Faits : La proposition de l’UE était une provocation irresponsable obligeant le président démocratiquement élu d’un pays profondément divisé à choisir entre la Russie et l’Occident. Il en a été de même avec le rejet de la contre-proposition de Poutine d’un plan russo-américano-européen pour sauver l’Ukraine de l’effondrement financier. À elle seule, la proposition de l’UE n’était pas économiquement réalisable. Offrant peu d’aide financière, elle demandait que le gouvernement ukrainien adopte des mesures sévères d’austérité et restreigne fortement ses relations économiques de longue date avec la Russie. La proposition de l’UE n’était pas non plus entièrement bénigne. Elle comprenait des protocoles d’exigence d’adhésion de l’Ukraine aux politiques européennes “militaires et de sécurité”, ce qui signifiait en effet, sans parler de l’alliance, l’OTAN. En bref, ce n’est pas la prétendue “agression” de Poutine qui a initié la crise d’aujourd’hui, mais plutôt une sorte d’agression de velours par Bruxelles et Washington pour apporter toute l’Ukraine à l’Ouest, y compris (en filigrane) à l’OTAN.

- Erreur n°4 : La guerre civile qui se déroule aujourd’hui en Ukraine a été provoquée par la réaction agressive de Poutine aux manifestations pacifiques de Maidan contre la décision de Ianoukovitch.

Les faits : En février 2014, les manifestations radicalisées de Maidan, fortement influencées par des forces de la rue nationalistes extrêmes et même semi-fascistes, sont devenues violentes. Dans l’espoir d’un règlement pacifique, les Ministres des Affaires Etrangères européens ont négocié un compromis entre les représentants parlementaires de Maidan et Ianoukovitch. Il serait resté en tant que président d’une coalition, un gouvernement de réconciliation, jusqu’aux nouvelles élections de décembre 2014. En quelques heures, des violents combattants de rue ont fait avorter l’accord. L’Europe et Washington n’ont pas défendu leur propre accord diplomatique. Ianoukovitch a fui en Russie. Des partis parlementaires minoritaires représentant Maidan et principalement l’Ouest de l’Ukraine, parmi lesquels Svoboda, un mouvement ultra-nationaliste déjà frappé d’anathème par le Parlement européen pour incompatibilité avec les valeurs européennes, ont formé un nouveau gouvernement. Ils ont également annulé la constitution existante. Washington et Bruxelles ont approuvé le coup d’Etat et en paient le prix depuis. Tout ce qui a suivi – l’annexion de la Crimée par la Russie et la propagation de la rébellion dans le sud-est de l’Ukraine, la guerre civile et l’opération “anti-terroriste” de Kiev – tout cela a été déclenché par le coup d’Etat de février. Les actions de Poutine ont surtout été réactives.

Erreur n°5 : La seule porte de sortie à cette crise, c’est que Poutine mette fin à son “agression” et rappelle ses agents de la partie sud-est de l’Ukraine.

Fait : Les causes sous-jacentes de cette crise sont les propres divisions internes de l’Ukraine, et non à l’origine, les actions de Poutine. Le principal facteur d’escalade de la crise depuis mai a été la campagne militaire “anti-terroriste” de Kiev contre ses propres citoyens, maintenant principalement dans les villes du Donbass, de Donetsk et de Lougansk. Poutine influence et aide les membres de l’”auto-défense” du Donbass, sans aucun doute. Compte tenu de la pression exercée sur lui à Moscou, il va probablement continuer à le faire, voire les aider davantage, mais il ne les contrôle pas. Si l’offensive de Kiev cesse, Poutine peut probablement contraindre les rebelles à négocier. Mais seule l’administration Obama peut contraindre Kiev à arrêter, et elle ne l’a pas fait.

En bref, vingt ans de politique étrangère des USA ont mené à cette confrontation fatidique entre les Etats-Unis et la Russie. Poutine peut y avoir contribué en route, mais son rôle pendant ses quatorze années au pouvoir a été essentiellement réactif – les faucons de Moscou ne se privent pas de le lui reprocher d’ailleurs.

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En politique, comme en histoire, il y a toujours des alternatives. Au moins trois issues à la crise ukrainienne sont envisageables :

En attendant, la tragédie humanitaire ukrainienne continue à s’amplifier. Des milliers d’innocents ont déjà été tués ou blessés (nous sommes en août), selon les représentants des Nations Unies, et près d’un million d’autres sont devenus des réfugiés en fuite. C’est une tragédie inutile car les gens sensés de tous les bords connaissent les termes généraux des pourparlers de paix :

Si ces principes sont adoptés, ils devraient être garantis, tout comme l’intégrité territoriale actuelle de l’Ukraine, par la Russie et l’Ouest, éventuellement par une résolution du conseil de sécurité de l’ONU. Mais de telles négociations ne pourront débuter tant que les opérations militaires de Kiev dans l’est de l’Ukraine n’auront pas cessé. La Russie, l’Allemagne et la France ont à maintes reprises appelé à un cessez-le-feu mais les “opérations anti-terroristes” ne peuvent s’achever que là où elles ont commencé : à Kiev et Washington. Hélas, cette volonté n’existe pas ici à Washington. Le Président Obama s’est complètement effacé en tant qu’homme d’Etat au cours de cette crise ukrainienne. Le Secrétaire d’Etat John Kerry parle en public plus comme un ministre de la guerre que comme un diplomate. Le Sénat prépare une législation encore plus guerrière. Les médias grand public reprennent sans distance aucune la propagande de Kiev et applaudissent à sa politique. Contrairement au matraquage de l’anéantissement de Gaza, la télévision américaine montre rarement – voire pas du tout – la destruction, par Kiev, de Lugansk, Donetsk ou d’autres villes ukrainienne. De ce fait, il n’y a ni scrupules ni questions à venir de la population.

Alors nous, les patriotes hérétiques, nous nous retrouvons pour la plupart seuls et souvent fort décriés. La perspective la plus optimiste que je peux offrir est de rappeler que l’amélioration dans l’Histoire commence fréquemment par l’hérésie. Et pour citer le témoignage personnel de Mikhaïl Gorbatchev, qui un jour où il s’exprimait sur sa lutte pour le changement au sein de la nomenklatura soviétique d’une rigidité tout orthodoxe : “en philosophie, tout ce qui est nouveau apparait comme une hérésie et en politique, comme l”opinion d’une minorité.”

Stephen F. Cohen

Source: http://www.les-crises.fr/la-nouvelle-guerre-froide-et-la-necessite-dune-heresie-patriotique-par-stephen-cohen/