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Junker : “Maintenant, il va falloir que Tsipras explique aux grecs qu’il ne remplira pas ses promesses”

Thursday 2 April 2015 at 00:17

Junker à la presse espagnole…

 

A Bruxelles, la semaine dernière : Junker derrière son bureau, tenant une copie d’un entretien précédent donné à EL PAÍS. [NdT : quotidien espagnol] / DELMI ALVAREZ

A un moment, au cours des deux dernières années, après avoir perdu les élections au Luxembourg, Jean-Claude Junker (né à Redange en 1954), caressa l’idée d’abandonner la politique et d’écrire ses mémoires. Puis, il a réalisé que ce qui ne peut pas être dit doit être tu : “Il aurait fallu confesser des secrets inavouables.” Juncker a rangé le projet pour revenir à son milieu naturel : après avoir gagné les élections européennes, malgré les réticences de Berlin, il dirige la Commission européenne, qu’il appelle lui-même “de la dernière chance” à cause de la nécessité de sortir définitivement la tête de cette combinaison de crises multiples assaisonnées d’un formidable désenchantement quant à l’UE. Il continue de taire certaines choses après plusieurs décennies en première ligne européenne, même si, hors micro, il égrène des anecdotes juteuses parfaitement impubliables. Et, dans cette entrevue avec El PAIS, il offre une vision modérément optimiste de l’Europe, même s’il s’autorise le doute : il applaudit l’Espagne pour ses réformes, mais prévient que, pour être honnête, il faut ajouter que la crise perdurera tant que le chômage ne baissera pas ; il concède qu’Alexis Tsipras a assumé ses responsabilités, mais il affirme qu’il lui faudra encore expliquer aux grecs que certaines de ses promesses sont intenables. Les partis comme Syriza ou Podemos, dit-il, établissent un bon diagnostic de la situation, mais leurs propositions mèneraient au “blocage total” du projet européen.

L’Europe continue d’être un lieu intéressant et contradictoire : un ex-vice-président de Goldman Sachs, Mario Draghi, défie l’orthodoxie allemande. Et le leader conservateur d’une sorte de paradis fiscal, Juncker, fait obstacle aux recettes de Berlin en ajoutant une dose de flexibilité dans ses règles fiscales. Il lance un plan d’investissements d’un contorsionnisme financier inusité, à la saveur pseudo keynésienne. Il promet d’en finir avec les magouilles fiscales des multinationales, alors qu’il est lui-même dans l’œil du cyclone à cause des abus de son pays. Entre le discours churchillien de sang, de sueur et de larmes incarné par Merkel et le “I have a dream” à la Martin Luther King de Tsipras, Juncker – qui vient aujourd’hui en Espagne – cherche un compromis plus pragmatique, moins proche du ton moralisateur de ces (très germaniques) derniers temps. Il alerte contre la tentation de l’échec en rappelant que certaines choses n’éveillent une loyauté passionnée qu’après avoir été perdues. Et il déplore que le pire de la crise “soit le retour de vieilles rancœurs.”

Question : Quel est le problème majeur de l’Europe ?

Réponse : Le désenchantement des gens par rapport aux institutions est un défi, mais le problème majeur reste le chômage. Avec des chiffres du chômage des jeunes aussi élevés en Espagne, même si les choses sont en train de s’améliorer, nous ne pouvons dire aux gens, ni à nous-mêmes, que la crise est finie. Il est plus honnête de dire que nous continuerons à subir de graves difficultés tant que le chômage ne sera pas redescendu à des niveaux normaux. Nous sommes au milieu de la crise : celle-ci n’est pas terminée.

Q : Un tel réalisme surprend : l’Espagne a fait trois réformes sur l’emploi en cinq ans, la Commission que vous présidez les montre en exemple jour après jour, alors que le chômage atteint 23% et que le chômage des jeunes dépasse 50%.

R : Mon impression est la suivante : le gouvernement espagnol a réformé l’économie, a pris des décisions compliquées, a approuvé de dures réformes structurelles, même si nous pouvons discuter de leur envergure et de leur ambition, a résolu la crise bancaire, et la reprise est là. Peut-être n’en a-t-on pas encore suffisamment fait pour aboutir à l’emploi, cela peut donner aux espagnols l’impression trompeuse que les choses ne vont pas dans la bonne direction.

Q : Personne ne met en doute les statistiques mais expliquez-les à 5,5 millions de chômeurs.

R : Les réformes structurelles tardent à donner des résultats. Je comprends l’impatience, les citoyens exigent des résultats immédiats. Mais il faut donner du temps au temps.

Q : N’avons-nous pas eu déjà suffisamment de temps pour voir les résultats des politiques européennes ? Nous en sommes déjà à cinq années de sauvetage en Grèce, et il ne semble pas que les choses soient si faciles pour Tsipras. Il n’était pas approprié que les gouvernements négocient des ajustements avec des fonctionnaires.

R : Tsipras a franchi une étape fondamentale ; Il a commencé à assumer ses responsabilités. Mais il a un problème : il doit encore expliquer que certaines des promesses qui lui ont fait gagner les élections ne seront pas réalisées.

Savoureux, quelle belle vision de la Démocratie – c’est ça finalement les “valeurs européennes” ?

Tsipras a le mérite d’avoir posé les bonnes questions. Mais il n’a jamais donné de réponses. S’il a donné quelques réponses, celles-ci étaient exclusivement nationales, alors qu’il est évident que sur ce qui touche à la Grèce et à son programme, il y a 19 opinions publiques qui comptent. Les élections ne changent pas les traités : il est clair que vous pouvez avoir une autre approche de la crise grecque ; Il peut y avoir plus de flexibilité, mais la victoire de Tsipras ne lui donne pas le droit de tout changer. L’image de la Grèce prend diverses couleurs selon qui la regarde : les Allemands, les Grecs, les Portugais ou les Espagnols.

Q : Le dernier accord a évité une secousse sur les marchés. Et pourtant, n’est-ce pas là l’un de ces croche-pieds que vous dénonciez en quittant la direction de l’Euro-groupe ?

R : La marge de manœuvre s’est réduite. De nombreux pays ont l’impression que l’histoire de la Grèce n’en finit pas, de deux programmes on va passer à trois ; les grecs ont le même sentiment. Les choses se sont améliorées : le déficit public et le chômage ont chuté, la situation s’était éclaircie jusqu’aux élections. Mais même ainsi, pour un grec de 27 ans qui n’a jamais travaillé les statistiques ont peu d’intérêt : il est préoccupé parce qu’il n’a pas d’emploi. Et cela, qui vaut pour la Grèce comme pour l’Espagne, n’est pas si facile à changer à court terme, même avec des réformes.

Q : Tsipras a été élu sur un message anti-austérité, anti-troïka, avec la promesse de restructurer la dette. Craignez-vous que d’autres partis, comme Podemos, brandissent ce drapeau ?

R : Ce nouveau genre de parti analyse souvent la situation de façon réaliste, ils pointent avec acuité les énormes défis sociaux. Mais s’ils gagnent les élections ils sont incapables de réaliser leurs promesses, de transformer leurs programmes en réalités. Les propositions de certains de ces partis ne sont pas compatibles avec les règles européennes : ils mèneraient à une situation de blocage total.

Q : “Mort à la troïka”, disait un haut responsable de la dernière Commission. Ce moment est-il arrivé ?

R : Les gens découvrent aujourd’hui que cela fait des années que je dis qu’il faut en finir avec la troïka. En partie pour une question de dignité : peut-être n’avons nous pas été suffisamment respectueux.

Q : C’est ce que dit Tsipras.

R : C’est différent. Mon approche consiste à souligner que les pays secourus siégeaient lors des négociations non pas face à la Commission ou à l’Euro-groupe, mais à des fonctionnaires. Ce n’était pas adéquat. Second problème : lorsque nous lançons un programme d’ajustement, une évaluation de l’impact social est indispensable. Cela n’a pas été fait, et nous voyons aujourd’hui que 25% des grecs ont été chassés du système de sécurité sociale. Nous devrions anticiper ce genre de conséquences.

Q : Au-delà de la Grèce, l’Europe prend un tournant : plus de flexibilité fiscale, d’investissements et une BCE plus active. Les États-Unis ont une croissance du double et moitié moins de chômeurs, peut-être parce que d’autres politiques ont été appliquées. Est-ce trop tard ? Y-a-t’il eu des erreurs ici ?

R : Les États-Unis et la zone euro ne sont pas comparables. Nous continuons à penser en Europe que la consolidation fiscale et les réformes sont importantes, mais il est clair que cela seul ne suffit pas : il faut investir pour éviter que 23 millions d’européens soient toujours privés d’emploi. Pour cela nous avons conçu ce plan d’investissements de 315 000 millions d’euros. Les banques publiques d’Allemagne et d’Espagne ont déjà répondu au projet. Nous sommes sur la bonne voie.

Q : Mais ils écartent l’investissement dans le capital du fonds. Ils injecteront seulement des fonds durant la phase finale des projets de leurs pays respectifs. Cela vous déçoit ?

R : Je ne partage pas votre point de vue. Quand la photo globale du plan sera prête, nous aurons plus de contributions. Mais même sans elles, le plan est comme un poème : il parle par lui-même.

Q : Vous êtes un des pères des actuelles règles de l’euro, qui n’ont ni empêché la crise ni permis plus tard de la gérer correctement. N’ont-elles pas été faites pour un monde qui n’existe plus ?

R : L’Europe n’est pas un État avec un gouvernement et un trésor public. Dans la conception actuelle de la zone euro, des règles sont indispensables pour coordonner les politiques économiques. Le pacte de stabilité permet déjà la flexibilité ; l’union bancaire est un bond en avant pour éviter que ne se déclenche une réplique de la crise financière. L’union économique et monétaire est un processus en continuelle construction.

Q : Pourquoi au sud avons-nous l’impression que les règles deviennent flexibles seulement quand les problèmes atteignent la France, comme cela s’est déjà produit au cours de la dernière décennie pour l’Allemagne ?

R : Vous mélangez les dates : l’Allemagne n’a pas suivi la lettre du pacte en 2003, et la réforme se fit en 2005. Par rapport à la décision de donner deux ans à la France, différents pays, incluant ceux du sud, ont critiqué cette mesure. Et je ne vois cependant pas de grand enthousiasme en France, qui se trouve obligée de revoir son budget et de tenir ses engagements. On peut avoir l’impression que la France a reçu un cadeau, mais c’est un cadeau empoisonné.

Q : Comment expliquez-vous à un espagnol que, après trois réformes du code du travail et une des retraites, l’Espagne ait obtenu deux ans en 2013 pour réduire son déficit, et que la France ait obtenu quatre ans depuis lors sans une seule réforme de cette ampleur ?

R : La France n’a pas fait suffisamment de réformes, mais elle a mis en marche ce processus. Elle a réformé sa structure régionale, et elle a adopté la loi Macron, bien que celle-ci ne soit pas suffisamment ambitieuse. Paris a envoyé un document de 47 pages qui explique comment elle va aborder les réformes. Elle sait ce qu’elle doit améliorer. Et elle le fera.

Q : Il y aura des amendes ?

R : Je suis sûr que le gouvernement français a compris que les sanctions sont une possibilité.

Q : Il semble que le traditionnel axe franco-allemand soit une chose révolue. Que vous évoque ce que Tony Judt appelait l’”inquiétant pouvoir de l’Allemagne” ?

R : La Grèce est l’exemple même que ce sentiment d’une Allemagne leader européen à la poigne de fer ne correspond pas à la réalité. Il y a eu des pays plus sévères que l’Allemagne : la Hollande, la Finlande, la Slovaquie, les pays baltes, l’Autriche. Ces dernières semaines, l’Espagne et le Portugal ont été très exigeants envers la Grèce.

Q : Comment votre relation avec Merkel a-t-elle évolué ? Votre Commission veut être plus politique : est-ce que cela inclut d’agir comme contrepoids à Berlin ?

R : Ca ne m’intéresse pas de défier Merkel, ni aucun premier ministre. Ma relation avec elle est excellente.

Q : L’un des défis de votre mandat est le référendum britannique sur son appartenance à l’UE. N’êtes-vous pas lassé par tant d’apocalypses ?

R : Mon expérience me dit que les révolutions ne s’annoncent jamais : les ruptures du statu quo ne réussissent que si elles arrivent par surprise. Je veux réfléchir aux propositions du Royaume-Uni. Eux ont leurs propres lignes rouges et moi, j’ai les miennes : la libre circulation des personnes n’est pas négociable. Mais je suis surpris que des pays du sud comme l’Espagne, ou ceux de l’Est, avec une grande tradition d’émigration, ne réagissent pas avec plus de fermeté.

Q : Quelle proposition va faire la Commission sur l’immigration ?

R : Je comprends l’importance qu’accordent certains pays à la lutte contre les abus, mais la réponse n’est pas de changer les règles européennes, mais la législation nationale. Si on remet en cause aujourd’hui la libre circulation, dans deux ans il y aura des attaques contre d’autres libertés.

Q : Ce type de proposition accompagne l’avancée du populisme. Mais d’autres choses gênent les Européens : l’évasion fiscale, par exemple. Êtes vous la personne adéquate pour régler cette affaire après le Luxleaks ?

R : Le problème du Luxembourg est le même que celui de beaucoup d’autres pays. Mais l’écosystème a changé : plusieurs membres se sont vus obliger de faire des ajustements qui minent leur état-providence, et ne tolèrent plus ces comportements avec les impôts. Les européens n’acceptent plus que les multinationales, avec l’aide de consultants, échappent au paiement de l’impôt si facilement. En ce qui concerne Luxleaks, au Luxembourg les règles sont claires, bien que probablement elles ne furent pas respectées : ce n’est pas le ministre des finances qui prend ces décisions, mais l’administration fiscale. Je sais que personne ne le croit, mais c’est ainsi.

Q : L’Europe a un problème en son sein (la Grèce), à sa périphérie (la Russie) et court le risque de perdre une ou deux générations de jeunes à cause du drame du chômage. Voyez-vous les symptômes du malaise ?

R : Nous vivons dans un monde de plus en plus complexe et périlleux. L’UE a pris des mesures afin d’améliorer sa gouvernance, mais il est difficile de partager sa souveraineté et de surmonter les pulsions nationalistes de désagrégation : la crise a fait émerger des problèmes qui étaient en gestation depuis des années. Mais je ne vois pas d’alternative au projet européen, en dehors des utopies régressives portées par quelques populismes démagogiques. Quel aurait été le déroulement des évènements si les pays n’avaient pas partagé la monnaie ?

Hmmm, comme le Royaume-Uni ?

Aurions-nous eu une réponse commune à une Russie qui fait tout ce qu’elle peut afin de nous diviser ?

Diplomate le gars…

Q : Sans une reprise digne de ce nom, il est inévitable que resurgissent les vieux démons. Quelles sont les conséquences de la fracture nord sud ?

R : Le plus triste de ces trois dernières années, c’est de constater que les vieilles rancœurs que nous croyions disparues persistent. De nombreuses analyses allemandes sur la Grèce sont inacceptables ; beaucoup de réactions grecques aux décisions de l’Allemagne sont inacceptables. Non seulement la reprise est fragile, mais l’intégration européenne dans son ensemble est menacée. C’est une fleur délicate.

Et elle aura donc duré ce que durent les roses. RIP.

Source : El Pais, le 03/03/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/junker-maintenant-il-va-falloir-que-tsipras-explique-aux-grecs-quil-ne-remplira-pas-ses-promesses/


Jean-Claude Junker : “Il faudrait une armée européenne”

Thursday 2 April 2015 at 00:14

Jean-Claude Juncker , à la presse allemande…

Le chef de la Commission européenne, Juncker, souligne les grands points communs qu’il partage avec la chancelière fédérale – qu’il n’appelle que “Angela” – en ce qui concerne la question de la Grèce. Il conseille également aux allemands de lui faire plus confiance.

Par Beat Balzli, Christoph B. Schiltz, André Tauber

“Des déclarations d’amour à la pelle” : Jean-Claude Juncker avec la chancelière fédérale Angela Merkel. Photo : dpa

Des murs blancs chaulés, des couloirs sombres, peu d’œuvres d’art aux murs. A l’intérieur de l’immeuble de la Commission, à Bruxelles, peu de choses pour signaler que l’on se trouve ici dans le centre de la politique européenne. Même le bureau du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, au 13e étage, fait fi des signes pompeux du pouvoir. A l’entrée de ses invités, le jovial luxembourgeois enfile rapidement sa veste. Dans la bibliothèque derrière son bureau se trouvent des livres d’art, l’un d’entre eux traite du Gréco. Ce crétois a quitté autrefois sa patrie parce qu’il s’imaginait trouver le bonheur à l’extérieur de la Grèce.

Die Welt : Monsieur le président, êtes-vous un connaisseur de la Grèce ?

Jean-Claude Juncker : Je m’étonne que vous affirmiez cela. Il faut que nous respections les grecs et que nous comprenions leurs problèmes. Je m’oppose à ce que l’on tape sur les grecs, comme c’est de temps à autre le cas dans les articles allemands. Je ne suis pas un connaisseur de la Grèce, mais quelqu’un qui respecte les grecs.

Die Welt : Alexis Tsipras semble le savoir, il vous a désespérément appelé au téléphone et vous a demandé votre aide.

Juncker : Cela fait déjà plusieurs jours que je discute avec M. Tsipras afin de fixer une date pour une visite à Bruxelles. Nous allons certainement nous rencontrer dans les deux semaines qui viennent. Mais je ne voudrais pas saper par des ententes en sous-main les décisions prises par l’Euro-groupe. C’est pourquoi je ne verrai pas monsieur Tsipras avant lundi, quand les ministres des finances de l’Euro-groupe se rencontreront.

Die Welt : Que pensez-vous du ministre des finances grec, M. Varoufakis ?

Juncker : Je ne suis pas obligé de parler avec le ministre des finances grec. Mes interlocuteurs sont les chefs d’état et les chefs de gouvernement.

Die Welt : Mais Tsipras et lui suivent un parcours chaotique. Est-ce que le gouvernement grec se perd entre les promesses électorales et la réalité ?

Juncker : Vous savez, je ne comprends déjà pas ma propre psychologie, alors comment pourrais-je comprendre celle des autres ?

Die Welt : Concrètement, qu’est-ce que vous attendez d’Athènes ?

Juncker : La Grèce doit s’en tenir aux réformes qui ont été convenues avec ses créanciers. Si le gouvernement veut dépenser plus, il doit compenser par des économies ou des prélèvements complémentaires.

Die Welt : Au début de l’Euro-crise, vous avez mis en garde contre des troubles sociaux en Europe. La situation en Grèce vous conforte-t-elle dans cette idée ?

Juncker : A l’époque j’ai été décrié, les critiques disaient que j’exagérais. Mais j’avais bien raison. Un quart des grecs ne perçoit plus de prestations sociales, le chômage augmente, en particulier celui des jeunes et il y a des manifestations pour protester contre cela. Nous devons faire attention à ce que la situation en Grèce ne dégénère pas davantage. Ce qui me préoccupe c’est qu’au sein de l’Union européenne tous ne semblent pas avoir compris la gravité de la situation en Grèce.

Die Welt : Le problème crucial des grecs est que l’argent manque. Est-ce que l’UE interviendra, quand bien même Athènes n’aura encore livré aucune réforme ?

Juncker : Je suis toujours prudent quand il s’agit de faire publiquement des recommandations à l’Euro-groupe.

Die Welt : Ce n’est pas ce que tout le monde croit. Certains disent que vous vous mêlez trop des négociations des ministres des finances de l’Euro-groupe.

Juncker : Je ne m’occupe pas de la manière dont les autres me perçoivent. Sinon une journée de 24 heures ne suffirait pas. Je ne m’en suis pas mêlé de manière inappropriée, mais seulement en apportant ma contribution pour arriver à une résolution du problème. Dans ce contexte mon action était étroitement coordonnée avec celle du chef de l’Euro-groupe.

Die Welt : En fait, savez-vous de combien d’argent la Grèce a réellement besoin ?

Juncker : Nous connaissons les besoins financiers de la Grèce, mais je ne vais pas contribuer à des spéculations publiques sur des chiffres. Cela enverrait un faux signal à Athènes.

Die Welt : Mais sans nouveaux crédits, la Grèce ne survivra pas. Y aura-t-il un nouveau plan d’aide pour cet été ?

Juncker : Nous ne devons pas spéculer maintenant sur ce qui se passera en juillet. Tant que la seconde moitié du plan d’aide actuel à la Grèce est en cours, nous ne pouvons rien changer à la Troïka (qui a maintenant une autre appellation), et représente les créanciers européens et internationaux d’Athènes Tant que le plan est en cours, c’est ceux qui étaient aux commandes qui doivent y rester.

Photo du Président de la commission européenne Jean-Claude Juncker dans son bureau à Bruxelles – Photo : Sander de Wilde

Die Welt : Et qu’est-ce qui se passe après juillet ?

Juncker : Comme je l’ai déjà souligné lors de la campagne électorale, après juillet il faudra réfléchir à la manière dont les créanciers internationaux doivent se comporter face à des pays dont l’économie a dérapé. Cela ne signifie pas que les négociations sur les programmes d’aide devront être menées de manière moins stricte, mais elle doivent être plus politiques. Ce n’est pas acceptable qu’un premier ministre doive discuter de réformes avec des fonctionnaires. L’un est élu, l’autre pas.

Die Welt : Est-ce que le fonds monétaire international doit rester à bord concernant les crédits pour les programmes des pays ?

Juncker : Le FMI doit continuer à jouer un rôle lors des programmes d’aides. S’il en était autrement, le parlement allemand manifesterait une grande résistance.

Die Welt : Est-ce qu’un “Grexit”, une sortie de la Grèce de l’union monétaire, ne rendrait pas les choses plus faciles ?

Juncker : La Commission européenne a la position suivante : il n’y aura jamais de “Grexit”. Personne parmi les responsables politiques en Europe ne travaille dans le sens d’une sortie de la Grèce de la zone Euro. La sortie de la Grèce conduirait à entacher de manière irréparable la réputation de l’Union européenne dans le monde.

Die Welt : Mais la réputation de l’Europe a déjà souffert depuis longtemps. L’Union européenne est en pleine crise : la monnaie, la politique étrangère, le marché intérieur. Comment voulez-vous redonner de l’enthousiasme aux gens pour l’Europe ?

Juncker : Avant je pensais que l’Europe n’était plus à établir. Mais j’ai compris, qu’en fait il y a une nécessité à le faire. L’Europe a beaucoup perdu en reconnaissance, elle n’est pas non plus bien prise au sérieux en ce qui concerne la politique étrangère.

Die Welt : Cela est apparu entre autre dans la crise ukrainienne. Avons-nous besoin d’une armée de l’Union européenne ?

Juncker : Une armée européenne commune montrerait au monde, qu’il n’y aura plus jamais de guerre entre les pays de l’UE.

Non, il y aura comme ça de plus grosses guerres de l’UE avec d’autres pays, comme les USA – le modèle…

Une telle armée nous aiderait à établir des politiques étrangères et de sécurité communes, et à conforter la responsabilité de l’Europe dans le monde. Avec sa propre armée, l’Europe pourrait intervenir de manière plus crédible devant la paix menacée dans un pays membre ou dans un pays voisin de l’Union européenne.

Die Welt : La Russie aurait-elle renoncé à l’annexion de la Crimée, si une telle armée avait existé ?

Juncker : Les réponses militaires sont toujours les mauvaises réponses. Elles sont l’aveu que les diplomates et les politiques ont échoué. On n’a pas une armée européenne pour tout de suite l’envoyer sur le terrain. Mais une armée commune aux européens donnerait clairement à comprendre à la Russie que nous ne plaisantons pas avec la défense des valeurs européennes.

Ah, les “valeurs européennes”… C’est quoi au fait ?

Die Welt : L’OTAN ne suffit pas à cela ?

Juncker : Tous les membres de l’OTAN ne font pas partie de l’Union européenne. Dans ce cas il ne s’agit pas de concurrence, mais de rendre l’Europe plus forte. De plus une armée européenne conduirait à une meilleure coopération pour le développement et l’achat de matériel militaire et à des économies significatives.

Die Welt : Avec tous les efforts pour se mettre d’accord, il y a aussi suffisamment de divergences. Est-ce que l’union monétaire doit être approfondie pour la consolider ?

Junker : Nous devons éviter de donner l’impression que nous voulons accroître la distance entre les pays de la zone Euro et ceux qui n’en font pas partie.  Dès que les pays de la zone Euro tirent de l’avant, les autres, comme la Grande-Bretagne ont une attitude de défense.

Die Welt : L’Union européenne a-t-elle besoin de son propre budget, afin de la renforcer, et qu’elle ne soit pas dépendante des finances des pays membres ?

Juncker : Je suis pour que les états de la zone Euro, à moyen terme, reçoivent ensemble des budgets pour faire face à la conjoncture.

Die Welt : Pour cela il faudrait un ministre des finances commun.

Juncker : Cette question m’occupe depuis des années. Mon ami, l’ancien président de la Banque Centrale Européenne, Jean-Claude Trichet, y était favorable. Une chose est sûre, un tel ministre des finances devrait disposer d’un pouvoir sur tous les budgets européens et serait contrôlé par le parlement.

Die Welt : Vous voyez une majorité politique pour ça ?

Juncker : Il faudrait d’énormes modifications des traités, pour qu’un tel fonctionnaire soit également doté des instruments nécessaires. Pour cela il faudrait que les états membres soient prêts à renoncer à leur souveraineté. Nous n’avons même pas pu imposer que le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité puisse avoir le titre de ministre européen des affaires étrangères. Aucun ministre national des affaires étrangères ne laisse le champ libre si facilement. Ils invoquent tous la communauté, mais d’autre part ne suivent pas tous les mêmes règles.

Et c’est pas près de changer… – heureusement

Die Welt : Votre décision d’accorder un nouveau délai à la France pour assainir son budget est critiquée.

Juncker : C’était très difficile avec le report pour la France, car je savais quelle serait la réaction de l’Allemagne. Les Allemands ont commenté la décision, avant même qu’elle soit rendue officielle. Mais ce que nous avons décidé était concluant.

Die Welt : L’impression d’un monde à deux vitesses s’instaure quand les grands pays comme la France sont traités avec indulgence et que les petits doivent s’en tenir aux règles.

Juncker : Un ancien premier ministre luxembourgeois ne contribue pas à ce que les différences entre petits et grands pays augmentent. La décision concernant la France est la bonne. Nous exigeons aussi que Paris fasse des réformes.

Die Welt : Mais vous renoncez pour la troisième fois à des sanctions.

Juncker : C’est l’éclairage allemand sur la question. A Berlin on se plaint que la France ait obtenu deux années supplémentaire pour réduire son déficit. En revanche en France, il est question de réformes à faire dans les deux ans et non pas trois comme souhaité. Paris doit économiser environ quatre milliards d’euros au cours de son année budgétaire.

Die Welt : Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques et financières, ancien ministre français des finances, serait intervenu pour une ligne de traitement douce.

Juncker : Je ne participe pas aux spéculations pour savoir quel commissaire aurait dit quoi et quand. Je suis le président de la Commission. Si d’autres veulent se livrer à ces petits jeux sur le dos de l’institution, c’est leur affaire.

Die Welt : Lors de votre visite il y a quelques jours, la Chancelière allemande Angela Merkel ne vous a-t-elle pas sermonné ?

Juncker : Madame Merkel, en fait je dirai plutôt “Angela et moi” partageons le même avis et avons donné à profusion des déclarations d’amour publiques. C’est bien le journal “Die Welt” , il n’y a pas si longtemps, qui nous a qualifiés de vieux couple (rire). Je l’ai aussi lu à Angela, quand elle était assise là sur le divan.

Die Welt : Et a-t-elle ri aussi ?

Juncker : Naturellement.

Photo: Infographie Die Welt

Die Welt : Ça sonne très harmonieux. Mais pour traiter avec ceux qui ont des déficits budgétaires, vous avez de grosses divergences.

Juncker : Je vous en prie ! Quand Mme Merkel dit que nous avons de bonnes relations de travail, et qu’elle fait confiance au président de la République française pour remplir les exigences, eh bien vous ne remettez pas en question ses évaluations. Faites confiance à ce que cette femme dit. C’est ce que je fais.

Die Welt : Qu’en est-il de votre programme d’investissement ? Vous voulez mettre 21 milliards d’euros sur la table de manière à ce qu’ils génèrent 315 milliards d’investissements. Berlin voit ça d’un œil critique.

Juncker : Pas à ma connaissance. Lundi dernier, lors de ma visite à Berlin, la Chancelière allemande a publiquement soutenu le programme d’investissement de l’UE et l’institut de crédit allemand pour la reconstruction, ainsi que la banque française pour le développement, contribueront à hauteur de huit milliards d’euros. Nous voulons tous, avec l’aide de bailleurs de fonds privés changer les paradigmes budgétaires. Au lieu de donner des moyens pour des subventions, nous réorganisons ces moyens. Ce qui ne dédouane pas les états membres de leurs obligations, mettre en place les réformes structurelles et tenir leur budget.

Die Welt : Cela ne risque-t-il pas de mener à des affrontements lors de la distribution ?

Juncker : Bien que cela irrite beaucoup de personnes dans mon entourage, j’attache beaucoup d’importance au fait que ce n’est pas la Commission européenne qui gère le programme d’investissements, mais des experts de la Banque Européenne d’Investissement. La raison en est simple : La Commission serait objet de pressions. Les gouvernements des états membres ne cesseraient de nous influencer pour que nous privilégions leurs projets.

Die Welt : Vous-même êtes critiqué, car le Luxembourg a accordé des privilèges fiscaux aux multinationales.

Juncker : Je sais que l’affaire des LuxLeaks n’a pas joué en ma faveur. Je suis suffisamment réaliste. Mais j’ai déjà annoncé en juillet que nous allions établir un plan d’action contre l’évasion et la fraude fiscales. Je le maintiens, même si tout le monde ne me croit pas. Le Commissaire européen Pierre Moscovici va présenter prochainement un projet reprenant les grandes lignes.

Die Welt : Est-ce que vous êtes en accord avec vous-même ?

Juncker : Absolument. Malheureusement là je dois partir, pour appeler le chef du l’Euro-groupe Jeroen Disjsselbloem.

Source : Die Welt, le 08/03/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/il-faudrait-une-armee-europeenne/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 1 April 2015 at 04:00

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute d’Olivier Delamarche: Chômage: “L’alignement des planètes ? Je le cherche encore !”

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (1/2): A qui profite la hausse du CAC 40 ? – 30/03

Olivier Delamarche VS Pierre Sabatier (2/2): Croissance en Europe: “Il ne faut pas croire tout ce qu’on nous dit” – 30/03

II. Philippe Béchade

La minute de Béchade: “L’investissement en bourse c’est comme des penaltys sans gardien!”

Philippe Béchade VS Julien Nebenzahl (1/2): Le CAC 40 prend une pause – 25/03

Philippe Béchade VS Julien Nebenzahl (2/2): Qu’est-ce qui pourrait enrayer la hausse des marchés européens ? – 25/03

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : “La Grèce sera à court d’argent le 14 avril” – 31/01

Jacques Sapir VS Pierre Barral (1/2): La zone euro affiche un premier trimestre exceptionnel – 31/03

Jacques Sapir VS Pierre Barral (2/2): L’Europe doit-elle craindre le ralentissement de l’économie américaine ? – 31/03


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

 

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-du-mercredi-01-04-2015/


L’assassinat de la Grèce, par James Petras

Wednesday 1 April 2015 at 01:09

L’asphyxie de Syriza fait partie intégrante d’un processus qui dure depuis dix ans en vue de l’élimination de la Grèce par l’UE.

Par James Petras – le 22 février 2015

 

by Dr. James Petras

Le gouvernement grec est aujourd’hui enfermé dans une lutte à mort face à l’élite qui domine les banques et les centres du pouvoir politique de l’Union Européenne.

Ce qui est en jeu, ce sont les conditions de vie de 11 millions de travailleurs, fonctionnaires et artisans grecs, ainsi que la viabilité de l’Union Européenne. Si le gouvernement de Syriza capitule face aux exigences des banquiers de l’Union Européenne et accepte de poursuivre la politique d’austérité, la Grèce sera alors condamnée à des décennies de régression, de misère et de domination coloniale. Si la Grèce décide de résister et si elle est contrainte de quitter l’Union Européenne, il lui faudra répudier une dette extérieure de 270 milliards d’euros, provoquant la chute des marchés financiers internationaux et l’effondrement de l’Union Européenne.

 

Les dirigeants européens : des fantoches impuissants

Les dirigeants de l’Union Européenne misent sur un reniement par les dirigeants de Syriza des promesses faites à l’électorat grec qui, au début du mois de février 2015, voulait, à une écrasante majorité (plus de 70 %), en finir avec l’austérité et le paiement de la dette, développer les investissements de l’état dans l’économie nationale et le développement social (Financial Times 7-8/2/15, p. 3). Les choix sont douloureux, leurs conséquences auront une portée historique mondiale. Les enjeux vont bien au-delà de l’aspect local, ou même régional à court terme. C’est à l’échelle mondiale que tout le système financier en sera affecté (FT 10/2/15, p. 2).

Bien au-delà de l’Europe, le non-remboursement de la dette va se propager à tous, débiteurs ou créanciers ; la confiance des investisseurs à l’égard de l’empire financier occidental sera ébranlée. Avant tout, toutes les banques occidentales ont des liens directs ou indirects avec les banques grecques (FT 2/6/15, p. 3). Quand ces dernières s’effondreront, elles seront profondément affectées au-delà de ce que leurs gouvernements peuvent supporter. L’intervention massive de l’état sera à l’ordre du jour. Le gouvernement grec n’aura plus alors d’autre choix que de prendre le contrôle de l’ensemble du système financier… l’effet domino affectera en premier lieu l’Europe du Sud puis se propagera aux “régions dominantes” du nord ainsi qu’à l’Angleterre et à l’Amérique du Nord (FT 9/2/15, p. 2).

Afin de comprendre les origines de ces crises et des choix auxquels la Grèce et l’Union Européenne sont confrontées, il est nécessaire de passer rapidement en revue les développements économiques et politiques des trois dernières décennies. Nous procéderons en examinant les relations grecques et européennes entre les années 1980 et 2000, puis la crise actuelle et l’intervention européenne dans l’économie grecque. Dans la section finale, nous discuterons de l’ascension et de l’élection de Syriza et de sa soumission grandissante dans le contexte 0de domination et d’intransigeance de l’Union Européenne, mettant en évidence la nécessité d’une cassure radicale avec les anciennes relations de ‘seigneur à vassal’.

Histoire ancienne : la fondation de l’empire européen

En 1980 la Grèce fut admise dans la Communauté économique européenne (CEE) comme un état vassal de l’empire émergent franco-allemand. Avec l’élection d’Andreas Papandréou, chef du parti panhellénistique socialiste grec qui disposait d’une majorité absolue au Parlement, l’espoir d’un changement radical dans les affaires intérieures et extérieures se faisait jour. 1/ En particulier, pendant la campagne électorale, Papandréou avait promis la sortie de l’OTAN et de la CEE, l’annulation des accords autorisant les États-Unis à maintenir des bases militaires en Grèce et une économie fondée sur la “propriété sociale” des moyens de production. Après avoir été élu, Papandréou a immédiatement assuré à la CEE et à Washington que son gouvernement resterait au sein de la communauté européenne et de l’OTAN et renouvelé les accords sur les bases militaires des États-Unis. Des études, commandées par le gouvernement au début des années 80, montrant les résultats à moyen et long terme du maintien de la Grèce dans la CEE, notamment la perte de contrôle du commerce, des budgets et des marchés, ont été ignorées par Papandréou qui a choisi de sacrifier l’indépendance politique et l’autonomie économique sur l’autel des transferts de fonds à grande échelle, des prêts et des crédits venant de la CEE. Depuis son balcon, Papandréou a parlé aux masses d’indépendance, de justice sociale, alors qu’il conservait des liens avec les banquiers européens et les oligarques grecs, armateurs comme banquiers. L’élite européenne à Bruxelles et les oligarques grecs à Athènes ont gardé la mainmise sur les hautes sphères du système politique et économique de la Grèce.

Papandréou a conservé les pratiques de clientélisme politique mises en place par les précédents gouvernements de droite, remplaçant uniquement les fonctionnaires de droite par des membres du parti PASOK.

La CEE a balayé la rhétorique radicale bidon de Papandréou et s’est focalisée sur le fait qu’elle achetait le contrôle et la soumission de l’état grec en finançant un régime clientéliste corrompu, qui détournait les fonds des projets de développement de la compétitivité économique grecque au profit d’un système de favoritisme fondé sur une consommation accrue.

Les élites européennes savaient, au final, que la mainmise financière sur l’économie leur permettrait de dicter la politique grecque et de la garder au sein de l’empire européen émergent.

En dépit de la rhétorique démagogique “tiers-mondiste” de Papandréou, la Grèce était profondément ancrée au sein de l’Union Européenne et de l’OTAN. Entre 1981 et 1985, Papandréou a rejeté sa rhétorique socialiste en faveur d’une augmentation des dépenses sociales pour les réformes de l’aide sociale, l’augmentation des salaires, des pensions et de la couverture de santé, tout en renflouant les entreprises en faillite économique mises à terre par des capitalistes kleptocrates. Résultat, tandis que le niveau de vie augmentait, la structure économique de la Grèce ressemblait toujours à celle d’un état vassal fortement dépendant de la finance de l’Union Européenne, des touristes européens, et à une économie de rente basée sur l’immobilier, la finance et le tourisme.

Papandréou a consolidé le rôle de la Grèce comme avant-poste vassalisé de l’OTAN, une plate-forme pour une intervention militaire américaine au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale doublée d’un marché pour les produits manufacturés d’Allemagne et d’Europe du Nord.

D’octobre 1981 à juillet 1989 la consommation grecque a augmenté tandis que la productivité stagnait. Papandréou a remporté les élections en 1985 en utilisant les fonds de la CEE. Pendant ce temps la dette grecque européenne s’envolait… Les dirigeants de l’UE ont condamné la mauvaise utilisation des fonds par la vaste armée de kleptocrates de Papandréou mais pas trop bruyamment. Bruxelles reconnaissait que Papandréou et le PASOK représentaient le meilleur moyen pour museler l’électorat radical grec et garder la Grèce sous tutelle de la CEE et comme fidèle vassal de l’OTAN.

Des leçons pour Syriza : les réformes à court terme et la stratégie vassaliste du PASOK

Qu’il soit dans le gouvernement ou en dehors, le PASOK a suivi les traces de son adversaire de droite (Nouvelle Démocratie) en acceptant la camisole de force de l’OTAN-CEE. La Grèce a continué à maintenir les dépenses militaires par habitant au niveau le plus élevé de tous les membres européens de l’OTAN. Résultat, la Grèce a reçu prêts et crédits pour financer des réformes sociales à court terme et la corruption à grande échelle à long terme, tout en élargissant l’appareil politique de l’état-parti.

Avec l’ascension du premier ministre ouvertement néolibéral Costas Simitis en 2002, le régime du PASOK a manipulé les comptes, fabriqué des données gouvernementales sur son déficit budgétaire, avec l’aide des banques d’investissement de Wall Street, et est devenu un membre de l’Union Monétaire Européenne. En adoptant l’euro, Simitis a favorisé une plus grande subordination financière de la Grèce aux fonctionnaires européens non élus de Bruxelles, dominés par le ministère allemand des finances et les banques.

Les oligarques grecs ont fait de la place au sommet pour une nouvelle espèce d’élite kleptocratique issue du PASOK, qui a détourné des millions sur les achats militaires, commis des fraudes bancaires et s’est livrée à une évasion fiscale massive.

Les élites bruxelloises ont permis à la classe moyenne grecque de vivre l’illusion d’être des “européens prospères” car elles conservaient une influence décisive à travers les prêts et l’accumulation des dettes.

Une fraude bancaire à grande échelle – trois cent millions d’euros – a même impliqué le bureau de l’ex-premier ministre Papandréou.

Les relations clientélistes à l’intérieur de la Grèce n’avaient d’égales que les relations clientélistes entre Bruxelles et Athènes.

Même avant le krach de 2008 les créanciers de l’UE, banquiers privés et prêteurs officiels, fixaient les paramètres de la politique grecque.

Le krach mondial révéla les fondations fragiles de l’état grec – et conduisit directement à l’intervention directe et brutale de la Banque Centrale Européenne, du Fonds Monétaire International et de la Commission Européenne – la tristement célèbre « Troïka ». Cette dernière a imposé les politiques « d’austérité » comme condition du “sauvetage”, qui ont dévasté l’économie, provoquant une crise économique majeure, appauvrissant plus de 40% de la population, réduisant les revenus de 25% et générant 28% de chômage.

La Grèce : captivité par invitation

Prisonnière de l’UE politiquement et économiquement, la Grèce était impuissante au plan politique. Mis à part les syndicats qui ont lancé trente grèves générales entre 2009 et 2014, les deux principaux partis, PASOK et Nouvelle Démocratie, ont amené la prise de contrôle par l’UE. La dégénérescence du PASOK en un appendice de l’UE constitué d’oligarques et de vassaux collaborateurs a vidé de son sens la rhétorique ‘socialiste’. Le parti de droite Nouvelle Démocratie a renforcé et rendu plus profonde encore la mainmise de l’UE sur l’économie grecque. La Troïka a prêté à son vassal grec des fonds (“de sauvetage”) qui furent utilisés pour rembourser les oligarques financiers allemands, français et anglais et renforcer les banques privées grecques. La population grecque était ‘affamée’ par les politiques “d’austérité” destinées à maintenir le flot des remboursements sortant vers le haut.

L’Europe : Union ou Empire ?

La crise de L’Union Européenne de 2008/2009 eut plus d’impact sur ses maillons faibles, l’Europe du Sud et l’Irlande. L’Union Européenne a révélé sa véritable nature d’empire hiérarchique, dans lequel les états puissants, l’Allemagne et la France, pouvaient ouvertement et directement contrôler l’investissement, le commerce, les politiques monétaires et financières. Le “sauvetage” de la Grèce tant vanté par l’UE était en fait le prétexte pour imposer de profonds changements structurels. Ceux-ci incluaient la dénationalisation et la privatisation de tous les secteurs économiques stratégiques, les remboursements de dettes perpétuels, les diktats étrangers sur les politiques de revenus et d’investissements. La Grèce a cessé d’être un état indépendant : elle a été totalement et absolument colonisée.

Les crises perpétuelles de la Grèce : la fin de “l’illusion européenne”

L’élite grecque et, au moins depuis 5 ans, la plupart des électeurs, ont cru que les mesures régressives (“austérité”) adoptées – les licenciements, les coupes budgétaires, les privatisations, etc., étaient des traitements amers de courte durée qui mèneraient rapidement à une réduction de la dette, à l’équilibre budgétaire, à de nouveaux investissements, à la croissance et au redressement. Du moins, c’est ce que leur disaient les experts économiques et les dirigeants de Bruxelles.

En réalité, la dette a augmenté, la spirale descendante de l’économie s’est poursuivie, le chômage s’est amplifié, la dépression s’est aggravée. “L’austérité” était une politique de classe instaurée par Bruxelles pour enrichir les banquiers étrangers et piller le secteur public grec.

La clé du pillage par l’UE a été la perte de la souveraineté grecque. Les deux partis majoritaires, Nouvelle Démocratie et le PASOK, en étaient des complices actifs. Malgré un taux de chômage de 55% chez les 16-30 ans, la coupure de l’électricité de 300 000 foyers et un exode de masse (plus de 175 000), l’UE (comme on pouvait le prévoir) a refusé d’admettre que le plan d’”austérité” avait échoué à redresser l’économie grecque. La raison pour laquelle l’UE s’obstinait dans cette “politique ayant échoué” résidait dans le fait qu’elle bénéficiait du pouvoir, des privilèges et des profits du pillage et de sa suprématie impériale.

De plus, la reconnaissance par l’élite de Bruxelles de son échec en Grèce aurait probablement pour résultat qu’il lui serait demandé de reconnaître également ses échecs dans le reste de l’Europe du Sud et au-delà, y compris en France, en Italie et chez d’autres membres clés de l’UE (Economist 17/1/15, p. 53). Les élites dirigeantes, financières et entrepreneuriales, d’Europe et des USA ont prospéré par les crises et la dépression, en imposant des coupes budgétaires dans les secteurs sociaux, les salaires et les traitements. Admettre un échec en Grèce aurait des répercussions en Amérique du Nord et en Europe, remettant en question leurs politiques économiques, leur idéologie et la légitimité des dirigeants. La raison pour laquelle tous les régimes de l’UE soutiennent l’insistance de l’UE à ce que la Grèce continue à respecter cette politique “d’austérité” manifestement perverse et rétrograde et impose des “réformes structurelles” réactionnaires, est que ces mêmes gouvernants ont sacrifié le niveau de vie de leur propre population active au cours des crises économiques (FT 13/2/15, p. 2).

Les crises économiques, de 2008/2009 jusqu’à aujourd’hui (2015), demandent toujours de durs sacrifices pour perpétuer les profits des classes dirigeantes et financer les subventions publiques des banques privées. Toutes les institutions financières majeures – la BCE, la Commission Européenne et le FMI – suivent la même ligne : aucune contestation ou écart ne sera toléré. La Grèce doit accepter les diktats de l’UE ou faire face à d’énormes représailles financières. “Etranglement économique ou servage perpétuel envers la dette” est la leçon que Bruxelles envoie à tous les états membres de l’UE. Alors que, ostensiblement, elle parle à la Grèce – c’est un message destiné à tous les états, mouvements d’opposition et syndicats qui mettraient en question les diktats de l’oligarchie bruxelloise et de ses suzerains allemands.

Tous les principaux médias et grands pontes de l’économie ont servi de mégaphone aux oligarques de Bruxelles. Le message répété sans cesse par les libéraux, conservateurs et sociaux démocrates aux nations persécutées, aux travailleurs dont les revenus baissent, qu’ils soient salariés ou payés à la tâche, ainsi qu’aux petits entrepreneurs, est qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’accepter des mesures rétrogrades, taillant dans le vif de leurs conditions de vie (les “réformes”) s’ils veulent espérer la ‘reprise économique’ – qui, bien sûr, n’a pas eu lieu depuis cinq ans !

La Grèce est devenue la cible principale des élites économiques en Europe car les grecs sont passés de manifestations sans conséquence au pouvoir politique. L’élection de Syriza, sur la base d’une souveraineté convalescente, rejetant l’austérité et redéfinissant ses relations avec les créditeurs en faveur d’un développement national marque les prémices d’une éventuelle confrontation à l’échelle du continent.

L’ascension de Syriza : héritage douteux, luttes de masse et promesses radicales (non tenues)

La croissance de Syriza, d’une alliance de petites sectes marxistes en un parti électoral de masse, est largement due à l’incorporation de millions de fonctionnaires des classes moyennes, de retraités et de petits entrepreneurs. Beaucoup soutenaient le PASOK auparavant. Ils ont voté Syriza pour retrouver leurs conditions de vie et la stabilité de l’emploi de la précédente période de “prospérité” (2000-2007) qu’ils avaient obtenue au sein de l’UE. Le rejet total du PASOK et de la Nouvelle Démocratie fut l’aboutissement de 5 années de profondes souffrances qui auraient pu provoquer une révolution dans un autre pays. Leur radicalisme commença par des manifestations, des marches, et des grèves qui furent autant de tentatives de pression sur les régimes de droite pour qu’ils changent le cap de l’UE et que cesse l’austérité tout en restant au sein de l’UE.

Ce secteur de SYRIZA est ‘radical’ en ce qu’il oppose le conformisme présent à la nostalgie du passé – le temps des vacances à Londres et Paris financées par l’euro, du crédit facile pour acheter voitures et mets importés, pour ‘se sentir moderne’ et ‘européen’ et parler anglais !

La politique de Syriza reflète, en partie, cette part ambigüe de son électorat. D’un autre côté, Syriza s’est assuré le vote des jeunes radicaux, chômeurs et travailleurs, qui n’ont jamais fait partie de la société de consommation et qui ne s’identifient pas à “l’Europe”. Syriza s’est imposé comme un parti de masse en moins de 5 ans et ses sympathisants comme ses dirigeants reflètent un haut degré d’hétérogénéité.

La branche la plus radicale, idéologiquement, est représentée principalement par des groupes marxistes qui à l’origine se sont regroupés pour former un parti. La branche des jeunes chômeurs s’y est jointe suite aux émeutes contre la police déclenchées par l’assassinat d’un jeune activiste lors des premières années de la crise. La troisième vague est composée en majorité de milliers de fonctionnaires licenciés et de retraités qui ont souffert de larges coupes dans leurs pensions sur ordre de la troïka en 2012. La quatrième vague représente les membres de l’ex PASOK qui ont fui le naufrage d’un parti en faillite.

La gauche de Syriza se trouve principalement dans la base populaire et parmi les dirigeants des mouvements locaux issus des classes moyennes. Les grands dirigeants de Syriza qui tiennent les postes-clés sont des universitaires, dont certains étrangers. Beaucoup sont des membres récents voire ne sont même pas membres du parti. Peu d’entre eux ont pris part aux luttes de masse – et beaucoup n’ont que peu de liens avec les militants de base. Ils sont les plus enclins à signer un “accord” trahissant des grecs appauvris.

Depuis que Syriza a remporté les élections en 2015, le parti a commencé à enterrer son programme initial de changements structurels radicaux (socialisme) et à adopter des mesures visant à s’adapter aux intérêts du secteur des affaires grec. Tsipras a parlé de la “négociation d’un accord” dans le cadre d’une Union Européenne dominée par les allemands. Tsipras et son ministre des finances ont proposé de renégocier la dette, l’obligation de payer et 70% des réformes ! Quand un accord a été signé, ils ont complètement capitulé !

Pendant un court moment, Syriza a maintenu une position double : “s’opposer” à l’austérité et parvenir à un accord avec ses créanciers. Cette politique “réaliste” reflète les positions des nouveaux ministres universitaires, des anciens membres du PASOK et de la classe moyenne qui s’enfonce. La rhétorique et les postures radicales de Syriza sont révélatrices de la pression des chômeurs, de la jeunesse et de la masse pauvre, qui seraient ceux qui auraient à perdre si un accord de paiement aux créanciers était négocié.

Union Européenne – SYRIZA : les concessions avant la lutte ont mené à la reddition et à la défaite

La “dette grecque” n’est pas vraiment une dette des grecs. Les créanciers institutionnels et les banques européennes ont prêté sciemment et à grand risque de l’argent à des kleptocrates, des oligarques et des banquiers qui en ont siphonné la plus grande partie dans des comptes en Suisse, dans de l’immobilier de grand standing à Londres et à Paris, activités incapables de générer des revenus afin de rembourser la dette. En d’autres termes, la dette est en grande partie illégitime et a été mise à tort sur le dos des grecs.

Syriza, depuis le début des “négociations”, n’a pas remis en question la légitimité de la dette ni identifié les catégories spécifiques de personnes et les entreprises qui devraient la payer.

De plus, pendant que Syriza contestait la politique “d’austérité”, il ne remettait pas en cause les organisations et les institutions européennes qui l’imposaient.

Depuis ses débuts, Syriza a accepté l’adhésion à l’Union Européenne. Au nom du “réalisme”, le gouvernement Syriza a accepté de payer la dette ou une partie de celle-ci comme base de négociation.

Structurellement, Syriza a développé une direction très centralisée dans laquelle toutes les décisions majeures sont prises par Alexis Tsipras, ce qui limite l’influence des militants de base radicalisés. Cela a facilité les “compromis” avec l’oligarchie de Bruxelles qui vont à l’encontre des promesses de campagne et qui peuvent mener à la perpétuelle dépendance de la Grèce aux dirigeants et créanciers de l’UE.

De plus, Tsipras a resserré la discipline au sein du parti au lendemain de son élection, s’assurant qu’aucun compromis douteux ne ferait l’objet d’un quelconque débat public ou d’une révolte extra-parlementaire.

L’Empire contre le succès démocratique grec

 

Lors des élections parlementaires grecques, probablement les plus importantes depuis la seconde guerre mondiale, les travailleurs grecs ont défié une incroyable campagne médiatique de peur et ont voté massivement pour le parti de gauche, anti-austérité, SYRIZA.

Dès l’instant où Syriza a reçu un mandat démocratique, l’élite de l’UE a suivi la route autoritaire typique de tous les monarques impériaux. Elle a exigé de Syriza (1) une reddition inconditionnelle, (2) le maintien des structures, politiques et pratiques du précédent régime vassal de coalition (PASOK-Nouvelle Démocratie) (3) que Syriza suspende toute réforme sociale, (augmentation du salaire minimum, augmentation des dépenses dans le secteur des retraites, de la santé, de l’éducation et de la lutte contre le chômage) (4) que SYRIZA se plie aux directives économiques strictes et à la supervision développées par la “troïka” (la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne, et le Fonds Monétaire International) (5) que SYRIZA conserve l’objectif actuel d’excédent budgétaire primaire de 4,5% du PIB en 2015-2017.

Pour renforcer sa stratégie de strangulation du nouveau gouvernement, Bruxelles a menacé de couper brusquement toutes les facilités de crédit présentes et futures, de réclamer tous les paiements de dette, de mettre fin à l’accès aux fonds d’urgence, et de ne pas soutenir les obligations bancaires grecques – lesquelles fournissent les prêts aux entreprises locales.

Bruxelles offre à Syriza la funeste “solution” de commettre un suicide politique en acceptant le diktat qui lui est imposé, s’aliénant ainsi son électorat. En trahissant son mandat, Syriza se confronterait à des manifestations de colère populaire. En rejetant le diktat de Bruxelles et en mobilisant son électorat, Syriza pourrait chercher de nouvelles sources de financement, en imposant un contrôle des capitaux et en s’orientant vers une « économie d’urgence » radicale.

Bruxelles s’est retranché sur ses positions et a fait la sourde oreille aux premières concessions de Syriza, préférant interpréter celles-ci comme une avancée vers une capitulation totale, au lieu d’y voir des efforts pour parvenir à un “compromis”.

Syriza a déjà abandonné ses demandes d’effacement de grandes parts de la dette, en faveur d’une extension de la période de recouvrement de celle-ci. Syriza a accepté de continuer à payer ses échéances, du moment qu’elles soient liées au taux de croissance économique. Syriza accepte la supervision de l’UE, tant qu’elle n’est pas menée par la “troïka” honnie, laquelle a des connotations toxiques pour la plupart des grecs. Malgré tout, les changements sémantiques ne changent pas la substance de la “souveraineté limitée”.

Syriza a déjà accepté une dépendance structurelle à moyen et long terme dans le but de s’assurer le temps et la marge de manœuvre nécessaires afin de financer ses programmes populaires à court terme. Tout ce que Syriza demande c’est un minimum de flexibilité fiscale sous la supervision de “radicaux” ayant la qualité de ministre des finances allemand !

Syriza a temporairement suspendu les privatisations en cours de secteurs clés de l’infrastructure (infrastructures portuaires et aéroportuaires), de l’énergie et des télécommunications. Cependant, elle n’y a pas mis fin, ni révisé les privatisations passées. Mais pour Bruxelles, la “liquidation” des lucratifs secteurs stratégiques grecs est une partie essentielle de son agenda de “réformes structurelles”.

Les propositions modérées de Syriza et ses efforts pour opérer dans le cadre structurel de l’UE établi par les précédents gouvernements vassaux ont été rejetés par l’Allemagne et ses 27 larbins de l’UE.

L’affirmation dogmatique de politiques extrémistes, ultra néolibérales de l’UE, y compris le démantèlement de l’économie nationale grecque et le transfert des secteurs les plus lucratifs dans les mains d’investisseurs impériaux, est répétée dans les pages de tous les principaux quotidiens. Le Financial Times, le Wall Street Journal, le New York Times, le Washington Post, le Monde sont des armes de propagande de l’extrémisme de l’Union Européenne. Confronté à l’intransigeance de Bruxelles et face au ‘choix historique’ de la capitulation ou de la radicalisation, Syriza a essayé de persuader des gouvernements clés. Syriza a tenu de nombreuses réunions avec des ministres de l’UE. Le premier ministre Alexis Tsipras et le ministre des finances Yanis Varoufakis sont allés à Paris, Londres, Bruxelles, Berlin et Rome pour chercher un accord de ‘compromis’. Cela n’a servi à rien. L’élite bruxelloise martelait sans relâche :

La dette devra être payée entièrement et dans les temps.

La Grèce devrait restreindre ses dépenses pour accumuler un surplus de 4,5% ce qui assurerait les paiements aux créanciers, aux investisseurs, spéculateurs et kleptocrates.

Le manque de toute flexibilité économique de l’Union Européenne, comme de toute disposition à accepter le moindre compromis, est une décision politique : humilier et détruire la crédibilité de SYRIZA en tant que gouvernement anti-austérité aux yeux de ses soutiens nationaux et de ceux qui seraient susceptibles de l’imiter à l’étranger, en Espagne, en Italie, au Portugal ou en Irlande (Economist1/17/15, p. 53).

Conclusion

 

Yánis Varoufákis and Aléxis Tsípras (Voltaire)

L’étranglement de Syriza fait partie intégrante du processus, long de 10 ans, visant à l’assassinat de la Grèce par l’Union Européenne. Une réponse brutale à la tentative héroïque d’un peuple entier, projeté dans la misère, condamné à être dirigé par des conservateurs kleptocrates et des sociaux-démocrates.

Les empires ne se défont pas de leurs colonies par des arguments raisonnables ni par la faillite de leurs “réformes” régressives.

L’attitude de Bruxelles envers la Grèce est guidée par la politique du “diriger ou ruiner”. “Sauvetage” est un euphémisme pour recycler les financements, traversant la Grèce et retournant aux banques contrôlées par la zone euro, pendant que les travailleurs et salariés grecs sont accablés par une dette toujours plus importante et une domination durable. Le “plan de sauvetage” de Bruxelles est un instrument de contrôle par des institutions impériales, qu’elles s’appellent “troïka” ou autre.

Bruxelles et l’Allemagne ne veulent pas de membres contestataires, ils peuvent néanmoins condescendre à faire de petites concessions afin que le ministre des finances Varoufakis puisse revendiquer “une victoire partielle” – une comédie grotesque ayant pour euphémisme “rampez ! Sinon…”

Le plan de sauvetage sera décrit par Tsipras-Varoufakis comme étant “nouveau” et “différent” des accords passés ou encore comme un repli “temporaire”. Les allemands peuvent “accorder” à la Grèce de réduire son excédent de budget primaire de 4,5 à 3,5% ‘l’an prochain’ – mais elle devra toujours réduire les fonds destinés à stimuler l’économie et “reporter” la hausse des retraites, des salaires minimums…

Les privatisations et autres réformes régressives ne s’arrêteront pas, elles seront “renégociées”. L’état ne gardera qu’une “part” minoritaire.

On demandera aux ploutocrates de payer quelques taxes supplémentaires mais pas les milliards d’euros d’impôts non payés au cours des dernières décennies.

De même les kleptocrates du Pasok-  Nouvelle Démocratie ne seront pas poursuivis en justice pour pillage et vol.

Les compromis de SYRIZA démontrent que la définition délirante donnée par la droite (the Economist, Financial Times Times, NY Times, etc.) de Syriza comme appartenant à la “gauche dure”, ou ultra-gauche n’est nullement fondée sur la réalité. Car “l’espoir pour l’avenir” de l’électorat grec pourrait à présent virer à la colère. Seule une pression populaire peut inverser l’apparente capitulation de Syriza, et les infortunés compromis du ministre des finances Varoufakis. Comme celui-ci manque de soutien dans son parti, Tsipras peut facilement le démettre pour avoir signé un “arrangement” qui sacrifie les intérêts fondamentaux du peuple.

Cependant, si, dans les faits, le dogmatisme de l’Union Européenne et son intransigeance excluent même les accords les plus favorables, Tsipras et Syriza (contre leur volonté) pourraient être forcés de quitter l’Empire de l’Euro et faire face au défi de bâtir une politique et une économie vraiment nouvelles et radicales, en tant qu’état libre et indépendant.

Une sortie réussie de la Grèce de l’empire germano-bruxellois entraînerait probablement la dissolution de l’UE, car d’autres états vassaux se rebelleraient et suivraient l’exemple grec. Ils renieraient non seulement l’austérité mais aussi leurs dettes extérieures et le paiement éternel des intérêts. L’empire financier tout entier – le prétendu système financier mondial pourrait être ébranlé… La Grèce pourrait redevenir le “berceau de la démocratie”.

 

Post-scriptum : Il y a trente ans, je fus un participant actif et un conseiller pendant trois ans (de 1981 à 1984), du premier ministre Papandréou. Tout comme Tsipras, il a commencé avec des promesses de changement radical et a fini par capituler devant Bruxelles et l’OTAN, se rangeant aux côtés des oligarques et des kleptocrates au nom de “compromis pragmatiques”. Espérons que face à une révolte de masse, le premier ministre Alexis Tsipras et Syriza prendront un tout autre chemin. L’Histoire n’est pas obligée de se répéter comme une tragédie ou une farce.

[1] Le compte-rendu du régime d’Andreas Papandreou s’appuie sur mon expérience personnelle, des interviews et des observations et sur mon article (écrit en collectif) “Socialisme grec : L’état patrimonial revisité” paru dans Paradoxes méditerranéens : la structure politique et sociale de l’Europe du Sud, James Kurth et James Petras (Oxford : presse de Berg 1993/ pp. 160-224)

Source : James Petras, My Catbird Seat, le 22/02/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/l-assassinat-de-la-grece/


[Inde] La victoire du parti Aam Aadmi du point de vue pakistanais

Wednesday 1 April 2015 at 00:01

Juste parce que personne n’en a parlé, que l’Inde ça existe (ça fait terriblement colonialiste ce silence, non ?), nos médias étant de plus en plus abonnés aux (tragiques) faits divers…

Lahore : Le parti Aam Aadmi (AAP) [NdT : « parti de l'homme ordinaire »] d’Arvind Kejriwal a remporté une écrasante victoire dans l’élection territoriale de l’état de Delhi, raflant 67 sièges sur 70 possibles, concédant seulement 3 sièges au parti au pouvoir le BJP [NdT : « parti du peuple indien »], tandis que le Parti du Congrès n’en remportait pas un seul. Ainsi le BJP et le Parti du Congrès ont tous les deux été battus lors des élections territoriales de la capitale indienne. L’AAP a remporté plus de 90% des sièges dans la capitale. L’écrasante victoire de ce parti découle de sa persévérance dans le soutien des aspirations des classes pauvres, spécialement en milieu urbain, de son soutien aux revendications concernant la réduction du prix de l’électricité, l’accès gratuit à l’eau, ou encore les exigences de retenue et de professionnalisme en direction de la police de Delhi.

Delhi, petit état et capitale de l’Inde, a une assemblée très en vue. L’échec total du BJP est à coup sûr un coup rude porté au parti au pouvoir bien que cela ne représente pas pour lui une menace immédiate, puisqu’il a récemment remporté les élections territoriales des états du Maharashtra et de l’Haryana, qui ne sont pas réputés être des bastions du BJP. Le BJP a déjà remporté de nombreuses élections territoriales. Mais l’irruption de l’AAP en tant que puissance politique montante a dû faire froid dans le dos aux dirigeants du BJP. Un observateur politique notait à juste titre que la défaite à Delhi annonçait certainement la fin de l’état de grâce du premier ministre Modi. Le BJP est vu comme un parti de financiers et d’affairistes, tandis que l’AAP est devenu le parti des masses populaires pauvres en Inde. L’AAP a toujours une réputation sans tache, alors que le BJP a déjà été mis en cause pour ses profonds préjugés à l’encontre des 160 millions d’Indiens musulmans et pour son positionnement sur la ligne politique dure de son aile droite.

A présent, la question principale est : l’AAP inspirera-t-il le reste de l’Inde comme il l’a fait à Delhi ? Les principaux sujets de campagne de ces élections étaient la corruption, la fourniture d’eau, l’énergie, la loi et le maintien de l’ordre, etc. Le grand sérieux avec lequel Kejriwal de l’AAP s’est attaqué à ces problèmes dans son précédent mandat a fait naître dans l’électorat une confiance dans les capacités de son parti à trouver les solutions adéquates. Aujourd’hui, même s’il ne devrait plus y avoir de surprises en magasin pour le parti au pouvoir, c’est une réussite suffisante pour l’AAP que d’avoir fait éclater la vitrine d’invincibilité politique dont le BJP se targuait jusqu’alors. Le refus du BJP de prendre en compte les minorités, et sa propension à diviser les électeurs pour des raisons de caste, de classe ou de religion le rendra tôt ou tard impopulaire. Son attirance pour ce stupide suprématisme indien, les identités religieuses et le chauvinisme commence déjà à lui faire mauvaise presse, en Inde comme à l’international, et devrait tôt ou tard provoquer sa chute. Nous en voyons les premiers signes dans les résultats des récentes élections territoriales de l’état de Dehli.

Comment devons-nous, au Pakistan, percevoir cette élection territoriale en Inde, et comment devons-nous réagir face à de tels changements en cours ? Tout d’abord, au Pakistan, il est hautement improbable qu’un petit parti politique, vieux d’à peine deux ans, puisse corriger de la sorte un parti au pouvoir fort et bien implanté dans quelque élection que ce soit. C’est quelque chose qui n’est jamais arrivé jusqu’ici dans notre pays. Ici, même si une telle bataille électorale arrivait, le fait qu’elle implique une entité politique inexpérimentée ferait qu’à la moindre chance de succès de ce parti, la totalité de la machine gouvernementale se mettrait en action pour s’assurer qu’il n’en soit rien. Deuxièmement, dans l’éventualité d’un résultat défavorable, agiter l’épouvantail du vote truqué est une pratique éprouvée, qui permettrait de discréditer entièrement le scrutin.

On pourrait seulement souhaiter que nos politiciens aient, eux aussi, obtenu leurs postes au service de la population à la sueur de leur front, et qu’ils aient constaté et subi les rigueurs de la vie comme tout homme normal, afin de comprendre la misère et les privations subies par les populations pauvres. A moins que la direction politique ne sorte de sa répulsion pour « l’homme ordinaire », aucun changement, réel et de grande portée, ne pourra avoir lieu au Pakistan.

Zafar Aziz Chaudhry

Source : The Express Tribune, le 14/02/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/la-victoire-du-parti-aam-aadmi-du-point-de-vue-pakistanais/


Actu’Ukraine 31/03

Tuesday 31 March 2015 at 02:30

 Actu’Ukraine semaine du 23 au 29 mars 2015

Petits arrangements entre amis… ou rififi à Kiev !


Focus de la semaine : Kolomoïski 

• Petit retour en arrière pour comprendre… Igor Kolomoïski (ou Ihor Kolomoyskyy) est un oligarque ukrainien à la triple nationalité (ukrainien, chypriote et israélien) dont la fortune est estimée par Forbes à 1,35 milliard USD (forbes.com). Il est le troisième milliardaire ukrainien (1415eme mondial) derrière  Victor Pinchuk  (1,5 milliard USD, 1250eme mondial forbes.com) et  Rinat Akhmetov (6,7 milliards USD 201eme mondial forbes.com). Il contrôle(rait) les deux sociétés d’état du secteur pétrolier : UkrNafta (extraction) (ukrnafta.com) et UkrTransnafta (gazoducs et oléoducs)(ukrtransnafta.com),  ainsi que la première banque commerciale du pays PrivatBank (privatbank.ua, wikipedia) qui représente à elle seule 15% du système bancaire ukrainien.

Carte des actifs de Urknafta (ukrnafta.com)

Carte des actifs de Ukrtransnafta

Carte des implantations de Privatbank (privatbank.ua)

 

Présentation de Igor Kolomoïski sur Forbes (forbes). With partner and fellow billionaire Henadiy Boholyubov, Ihor Kolomoyskyy controls Privat group, a banking and industrial conglomerate. He’s stepped up his political game by sponsoring a volunteer battalion fighting against Russian separatists making incursions into the Dnipropetrovsk region where he became governor last spring. To be sure, self-interest plays a part – a large portion of his industrial assets are located in Ukraine’s eastern regions and he wants to keep order and control. Kolomoyskyy has been buying up assets and companies owned by him have been suing the Ukrainian government to make sure they get favorable treatment. With Boholyubov, he is fighting a lawsuit brought by fellow Ukrainian billionaire, Victor Pinchuk, in London for more than $2 billion in damages for unfulfilled pledges on mining investments. Both are generous donors to Jewish causes. 

Présentation de Igor Kolomoïski par Jacques Sapir (russeurope).  Kolomoisky était jusqu’à cette date (le 26 mars) le gouverneur de la région de  Dnepropetrovsk et, à tous les égards, un des grands barons de cette  Ukraine semi-féodale qui a émergé depuis les événements de la place  Maïdan. Igor Kolomoisky est un homme très riche. Il a un passeport  chypriote (et un passeport israélien), est résident suisse, tout cela  sans avoir renoncé à sa nationalité ukrainienne. Il détient notamment  PrivatBank, la première banque d’Ukraine, et la chaîne de télévision  1+1. Il possède aussi 43% des parts de la compagnie nationale de pétrole  et de gaz UkrNafta et de sa filiale UkrTransNafta,  qui gère plusieurs oléoducs. Dans les faits, il contrôle une large part  de la circulation des carburants en Ukraine. Sa position stratégique  s’est affirmée depuis le début de la crise. Il a consacré une partie de  sa fortune, évaluée entre deux et trois milliards de dollars, à la mise  sur pied de bataillons de volontaires. Aujourd’hui, ce sont 10  bataillons de la Garde Nationale qui sont directement financés par Igor  Kolomoisky. Ces bataillons sont largement présents dans le sud de  l’Ukraine, autour de Mariupol. Cette initiative s’est révélée cruciale  alors que l’armée gouvernementale ne pouvait faire face seule aux  séparatistes dans l’Est du pays. Le mécène a donc endossé un rôle  politique en devenant gouverneur de Dnipropetrovsk, une province  stratégique car voisine de celle de Donetsk. En l’espace de quelques  mois, il s’est ainsi imposé comme un « rempart » contre la rébellion des  provinces de l’Est de l’Ukraine, et il a passé pour ce faire des  alliances étrange avec le groupe fascisant « Secteur Droit ».

Ces bataillons de la Garde Nationale constituent cependant une  « armée privée », dont même la logistique ainsi que l’armement échappent  au contrôle réel de l’armée régulière. On peut comprendre que le  Président nouvellement élu, M. Poroshenko, en ait pris ombrage et ait  cherché à réduire le pouvoir de M. Kolomoiski. C’est dans ce cadre qu’il  faut comprendre les événements qui se sont produits ces derniers jours.  Ils s’apparentent au scénario du roi cherchant à réduire le pouvoir  d’un grand féodal. L’histoire de France est remplie de l’écho de ces  conflits. Mais, ils se sont achevés il y a maintenant près de trois  siècles. Le fait qu’ils se produisent aujourd’hui en Ukraine est un  indicateur indiscutable du fait que ce pays n’est pas encore un État au  sens moderne du terme.

 

Igor Kolomoïski est (était) très influent politiquement dans le gouvernement actuel. Il est gouverneur de l’oblast (région) de Dnipropetrovsk (wikipedia) voisine de la région de Donetsk. Dnipropetrovsk est considérée comme la plus grande région industrielle d’Ukraine et sa  capitale du même nom, située à 500km au sud-est de Kiev, est la quatrième grande ville du pays. Il a été nommé à ce poste en mars 2014 pour “mettre fin aux pulsions séparatistes dans cette région industrielle clé“, ce qu’il a parfaitement réussi à faire jusqu’à dire que “Poutine s’est cassé les dents sur Dnipropetrovsk” (fortruss) !

Région de Dnipropetrovsk (wikimedia)

De plus, il  « sponsorise »  (en clair « finance ») plusieurs « bataillons de volontaires » (en clair « armée privée composée d’hypernationalistes/nazis »). Selon l’enquête menée en septembre 2014  (colonel cassad), il sponsoriserait seul les bataillons Aydar (versé récemment dans l’armée régulière),  Dnepr-2, Donbass, Chernigov et le bataillon 43… et co-sponsorise avec Arsen Avakov (ministre de l’intérieur) Azov (qui tient la ville de Marioupol et mène les combats à Shirokino) et Dniepr-1.

A qui ira la  loyauté de ces bataillons en cas d’affrontements au sein du gouvernement, difficile à dire… Cependant, Igor Kolomoïski dispose, sur le papier du moins, d’une vraie armée privée (geab.eu)…

Au niveau politique, après avoir « aidé » ou financé plusieurs leaders (Dmytro Iaroch, et Arseni Iatseniouk en particulier), il semble vouloir à présent voler de ses propres ailes en créant, début mars 2015, un nouveau parti (d’opposition) nommé “Renaissance’ (ria novosti).

Début mars également, il raconte “beaucoup de choses” à la commission du parlement sur les privatisations (kyiv post) dont il a lui-même bénéficié… et évoque les suicides douteux de  Mikhaïl Tchetchetov et  de Valentina Semeniouk-Sansonenko (qui avaient tous les deux dirigé le  Fonds des biens d’état, de 2003 à  2005 pour le premier, de 2006 à 2008  pour la seconde) (les crises.fr).

En représailles, un projet de loi est introduit le 12 mars 2015 au parlement pour nationaliser Privatbank (dnr-news)… Puis, le parlement vote une loi modifiant l’organisation des conseils d’administration des entreprises publiques afin de réduire le contrôle exercé par les actionnaires minoritaires. Ceci permet au gouvernement d’évincer le directeur en place de Ukrtransnafta et donc de reprendre le contrôle de cette entreprise à Kolomoïski. L’oligarque se fâche tout rouge devant les caméras (discours obscène envers le journaliste de radio “Svoboda” : youtube). Vzgliad fait une longue synthèse des événements lors de la “descente” de Kolomoïski dans les bureaux d’Ukrtransnafta : vzgliad). La police place les bureaux de Uktransnafta sous protection (unian, dnr-news) et  Porochenko inflige un blâme à Kolomoïski “pour violation des règles d’éthique professionnelle” et comportement qui le déshonore en tant que fonctionnaire d’Etat (ria novosti, dnr-news). De plus, des renforts de gardes nationaux sont envoyés dans la région de Dnepropetrovsk (dont Kolomoïski est gouverneur) pour “prévenir des émeutes”. Les journaux ukrainiens se demandent alors si Kolomoïski va conserver encore longtemps son poste de gouverneur…

Vindicatif, Kolomoïski fait bloquer tous les comptes de Porochenko dans la banque Privatbank pour un montant de 50 millions USD (vzgliad).  Enfin dimanche 22 mars, il se serait barricadé avec plusieurs dizaines d’hommes armés dans les bureaux de UrkNafta à Kiev (sputnik news, zn.ua).

 

• Analyses tout azimuts de la situation

Interview de l’ambassadeur US en Ukraine (22 mars youtube)

Analyse d’Oleg Tsarev  : “In Ukraine, Oligarchs’ War of Words May Turn Into War of Bullets and Bombs” (22 mars sputnik news).

Analyse de Vzgliad : “Порошенко готовится разоружить Коломойского” (“Porochenko se prépare à désarmer Kolomoïski”) (23 mars vzgliad). A  la fin l’article remarque qu’il ne s’agit pas seulement d’un conflit  entre Porochenko et Kolomoïski. Firtach et les Etats-Unis sont également  impliqués.

Analyse du New York Times : “Dispute Between Poroshenko and Billionaire Governor Threaten Ukraine Alliance” (24 mars new york times)

Analyse de Strapol : “Ukraine, la guerre oligarchique” par Xavier Moreau (24 mars youtube)

Analyse de Robert Parry : ” Ukraine’s Oligarchs Turn on Each Other” (24 mars consortium news)

Analyse de Regnum : “Второй фронт против Порошенко” (“Un second front pour Porochenko”) (24 mars regnum)

Analyse de Carnegie : “Ukraine: The Kingdom of the Oligarchs”  (carnegie)

Analyse de la Pravda :  “Шість днів Коломойського. Як президент позбавив олігарха влади” (“Six jours de Kolomoiski, ou comment le president a privé un oligarque de pouvoir”) (26 mars pravda.com.ua)

Analyse de Jacques Sapir :  “Ukraine : la guerre des oligarques” (26 mars russeurope)

 

• Les événements de la semaine…

Lundi : remise au pas des bataillons de volontaires. Nalivaytchenko,  le chef de SBU, accuse l’entourage de Kolomoïski de la création de groupe criminel (le bataillon de volontaires Dnepr-1) qui est soupçonné, entre autres, dans le  meurtre d’un officier du SBU près de la ville de Volnovakha dans la partie de l’Oblast de Donetsk sous contrôle ukrainien (wikipedia, pravda.com.ua). Selon TASS, d’importants bataillons de volontaires auraient quitté la ligne de front et se seraient diriger en masse sur Kiev (tass.ru). D’autres éléments armés se seraient assurés le contrôle de la raffinerie d’Odessa (fortruss). Plus tôt dans la journée, Porochenko avait déclaré qu’ “aucun gouverneur (de région) ne serait dorénavant autorisé à posséder des armées privées” (ce qui est une attaque directe sur Kolomoïski qui avait déclaré jeudi dernier que, sur son ordre, 2000 hommes en armes pourraient se rassembler à Kiev) et que les bataillons de volontaires (comprendre “les armées privées”) devraient être “intégrés verticalement” dans l’armée régulière ukrainienne (new york times).

Interview de Kolomoïski non sous-titrée (youtube)

Mardi : Histoire de rajouter un peu d’huile sur le feu…  Zakharchenko, le leader de la république de Donetsk, suggère à Kolomoïski de créer la “république de Dnipropetrovsk (fortruss) répondant à l’appel de l’oligarque à “fédéraliser financièrement” l’Ukraine (politnavigator via fortruss) et à reconnaître le pouvoir de facto des républiques de Donetsk et Lougansk (ria novosti).

Cela ne va pas plaire aux USA… Un ange (ou un démon) passe…

Tentative de rattrapage ! L’adjoint de Kolomoïski, Guennadi Korban, déclare que “la région de Dniepropetrovsk ne se prépare pas à faire sécession de l’Ukraine” (http://www.vz.ru/news/2015/3/24/736061.print.html )… Trop peu, trop tard… En tout cas raté…

Des choses doivent se passer en coulisses parce que la Vetche (assemblée populaire traditionnelle) (wikipedia) convoquée par plusieurs députés de la Rada fidèles à Kolomoïski (vzgliad) à Dnipropetrovsk pour le mercredi 26 est repoussée à samedi 28 (dnr-news, dnr-news) peut-être pour se muer en une sorte de meeting politique (fortruss)…

De son côté, le gouvernement a décidé de retirer les fonds d’Oukrtransneft de la banque de Kolomoïski (vzgliad). Juste ou cas où…

Mercredi  :  Grosse journée ! Lancement d’une purge des “banderistes”, limogeage/démission (ou les deux à la fois) de Kolomïski du poste de gouverneur de Dnipropetrovsk et limogeage/arrestation de deux ministres.  

Porochenko fait un lapsus révélateur dans un discours sur l’assassinat de l’agent du SBU lors de l’anniversaire de la création du SBU. Voulant dire “bandits  cyniques”, il dit “bandéristes cyniques”. les bandéristes étant le nom des Ultra-nationalistes ukrainiens (du nom de Bandera, leur héros et maître à penser). Donc, Porochenko met la mort de l’agent sur le dos des ultra-nationalistes, donc des bataillons de volontaires, donc des oligarques qui les financent, donc de Kolomoïski (fortruss, youtube )… Ce qui ne l’empêche pas de proposer, jeudi 26 mars, à un des plus puissants de ces Bandéristes en question, Dimitri Yarosh, le leader de Secteur Droit (Praviy Sektor), un poste au ministère de la  Défense… sans doute en compensation de la mise sous tutelle de l’armée du corps de volontaires de Praviy Sektor (l”intégration verticale” du lundi ) (offguardian, fortruss).

Dans le même discours, Porochenko annonce le début d’une “opération de sécurité à grande échelle en Ukraine avec la participation de toutes les structures d’Etat” et ajoute que trouver le meurtrier de l’agent du SBU est une “question d’honneur.” (dnr-news)… Comme par hasard, cela concerne la région de Kolomoïski que le chef du SBU appelle à “nettoyer” . De plus, il dit avoir en sa  possession des documents liés au récent assassinat d’un fonctionnaire du  SBU qui permettrait de lever l’immunité parlementaire de plusieurs  députés de cette région (vzgliad).

mais pas que… le SBU préparerait aussi une opération de “nettoyage” dans la région d’Odessa (dnr-news).

Le chef du SBU, Nalivaitchenko,  appelle à “nettoyer la région de Dniepropetrovsk” (la région de Kolomoïski). Il dit avoir en sa possession des documents liés au récent assassinat d’un fonctionnaire du SBU qui permettrait de lever l’immunité parlementaire de plusieurs députés de cette région (vzgliad).

Dans la foulée, Porochenko limoge Igor Kolomoïski de son poste de gouverneur de la région de Dnipropetrovsk. Dans un communiqué publié sur le site de la  présidence,  Porochenko explique que Kolomoïski a lui-même offert de quitter ses fonctions de gouverneur lors d’une réunion mardi soir, au  terme de  plusieurs jours de bras de fer (fortruss, washington post, sputnik news, rt, cdn.rt.com/, russia-insider., russia-insider, tass.ru, colonel cassad, kyiv post). Porochenko nomme à sa place Valentin Reznitchenko. C’est un ingénieur de 43 ans qui a occupé divers postes de responsabilité dans les médias ukrainiens  depuis 1996.  Il avait été nommé auparavant à la tête de l’administration de Zaporojie, il y a tout juste un mois.  Selon Serguei Lechtchenko, Kolomoïski a été renvoyé de son poste de  gouverneur de Dniepropetrovsk après un coup de fil du Vice-Président Joe Biden à Yatseniouk (vzgliad).

Enfin, deux ministres proches de Kolomoïski sont arrêtés en direct à la TV lors d’une réunion ministérielle (voir l’actu plus bas le mercredi 25 mars). Il semble que les Américains ont mis également leur grain de sel dans cette histoire puisque le ministre de  l’intérieur  Avakov déclare  publiquement dans un entretien à la  chaine de télévision ukrainienne  “5″, que le FBI a “aidé” dans  l’enquête qui a mené à l’arrestation des ministres  pour corruption (rusvesna.su).

Jeudi : De l’eau dans le gaz ukrainien !  Le Journal Vzgliad reprend un article d’Agora Vox indiquant que les Etats-Unis veulent prendre le contrôle des gazoducs traversant l’Ukraine vers l’Europe ,ce qui constitue l’arrière fond du conflit Kolomoloïski Porochenko (vzgliad). L’actuel “compromis” entre Porochenko et Kolomoïski pourrait être l’étincelle qui mettra le feu à toute l’Ukraine (vzgliad, new york times, fortruss). Ce qui renvoit à l’interview de Sahra Wagenknecht (Die Linke) qui voit la main des intérêts économiques US dans la crise en Ukraine (sputnik news).

D’un autre côté, une sorte d’accord a dû être conclu entre les deux hommes parce que  Kolomoïski et Porochenko ont l’air totalement réconciliés (du moins en facade)… Kolomoïski dans une interview au journal “Sevodnia” déclare : “Porochenko et moi avons des relations excellentes. Il est très patient. A sa place, j’aurais mis fin à mon poste de gouverneur après trois mois” (vzgliad). Kolomoïski a également déclaré sur la chaîne de TV “1 plus 1″ qu’il ne reviendrait pas à la politique et qu’il continuera à faire du business “pour le bien de l’Ukraine”. Il a ajouté qu’il s’occuperait peut-être “d’activités sociales” (vzgliad).

Porochenko et Kolomoïski donnent une conférence de presse commune (unian, unian). Porochenko remercie Kolomoiski “pour le travail accompli, notant sa contribution au pays à un moment difficile pour notre nation” et a également déclaré que “Les entreprises privées ne doivent gérer que leurs propres actifs, l’Etat doit contrôler l’Etat”… A ce stade, la défaite de Kolomoïski semble totale et est actée dans les médias (colonel cassad).

interview de Kolomoïski non sous-titrée (youtube). Remarquez le bracelet…

Vendredi : Paix réelle ou juste une pause dans l’affrontement ? La Banque centrale d’Ukraine renfloue la banque de Kolomoïski ; elle lui  accorde un crédit de 34 millions de dollars sur deux ans (vzgliad). Sympa Porochenko ! Au delà ce n’est que rumeurs et supputations. Kolomoïski appelerait à un nouveau Maidan samedi lors de la Vetche (russia-insider). Kolomoïski et Porochenko ne se seraient entendus sur rien.  ils font juste une pause et se préparent à de nouvelles batailles (vesti-ukr). Enfin,  après Kolomoïski, Porochenko préparerait une attaque sur les actifs énergétiques d’Akhmetov (vesti-ukr). Bref… personne ne sait vraiment ce qui va se passer et retient son souffle !

Samedi : La vetche de Dnipropetrovsk muée en meeting politique… mué en flop.  Kolomoïski y a reçu l’hommage d’Anton Gerachenko qui, devant les participants du meeting (ex Vetche) pour l’unité de l’Ukraine à Dnipropetrovsk a déclaré: “Si en mars (2014) Dnipropetrovsk n’avait pas résisté, d’autres régions du sud et de l’est seraient tombées comme des dominos”.

Il a ajouté que c’est justement ce qu’escomptait le président de la Russie, Vladimir Poutine, mais les habitants de Dnipropetrovsk et Igor Kolomoïski ont empêché cette issue. “S’il n’y avait pas eu cette détermination, nous aurions peut-être perdu l’Ukraine” (unian, colonel cassad). Dis autrement : “Travail accompli, maintenant retourne jouer avec dans ton tas de sable,ou plutôt ton tas de neige en Suisse”.

Les photos du meeting samedi à Dnepropetrovsk (pauluskp.livejournal). A première vue, pas grand monde ! La montagne accouche-t’elle d’une souris? A noter que Kolomoiski n’a pas fait son apparition , il avait juste la video avec son discours projeté devant la foule, les rumeurs courent qu’il serait parti en Suisse.

Dimanche : Une grosse médaille pour Kolomoïski ! Pour finir cette semaine un peu lourde sur une note comique,  Kolomoïski et son second viennent d’être  décorés de la médaille “Pour le dévouement et l’amour portés à  l’Ukraine” (the kiev times). Assez cocasse, Kolomoïski étant surtout animé par un dévouement et un  amour pour son argent. Pour ce qui est du dispensateur de la dite  médaille, le patriarche de l’Eglise orthodoxe de Kiev Philarète, il  convient de se remémorer le discours (publié antérieurement dans  lescrises.fr) dans lequel il disait que Poutine était l’envoyé de Satan.  Mais il a encore fait mieux récemment en exprimant un petit  “arrangement” avec la foi chrétienne et l’un de ses commandements: il a  déclaré que les Ukrainiens ne violent pas le commandement très important  “tu ne tueras point” quand ils tuent des civils pacifiques en  “défendant leur terre, au Donbass (ridus). Philarète est un authentique “homme de paix”

Et le mot de la fin pour Libération (une fois n’est pas coutume…) Dans le Libération du 24 mars, un certain Volodymyr Omelchenko, qualifié  d’’ “expert en politique énergétique au centre Razumkov à Kiev” déclare  : “Pour de véritables actions contre les oligarques, il faudrait  déjà  que  le Président ne soit pas lui-même un oligarque” (liberation).

 

• Les bataillons de volontaires, enjeu collatéral de l’affrontement Kolomoïski Porochenko…

Kolomoïski aurait apparemment reconnu sa défaite dans l’épreuve de force avec Porochenko. Certains disent que les USA ont clairement choisi leur camp… Effet collatéral, les bataillons de volontaires, financés par Kolomoïski et d’autres oligarques n’ont plus la faveur du gouvernement. Ils sont sans doute jugés trop proches des oligarches en question et pas assez contrôlés par l’appareil de l’état. Du coup, c’est une bonne occasion de faire le point sur ces bataillons et la remise au pas qu’ils subissent actuellement… avec la campagne de presse qui va avec (vox).

D’abord, combien sont-ils (infographie du 16 mars 2015  uacrisis.org traduction fortruss) ?

Selon Fortruss (fortruss), le nombre de volontaires serait relativement limité, environ 10 000 (sur environ 40 millions d’habitants),  mais d’autres sources donnent des chiffres plus importants. De toute façon, ils ne sont pas assez pour gagner la guerre, mais assez pour peser localement sur le front ou dans une région…

- Certains font partie de la garde nationale (et dépendent donc du ministère de l’intérieur) :  Azov, Kulchinskogo et Donbass.

- D’autres servent de forces de police (et dépendent aussi du ministère de l’intérieur) :  Kiev-1, Dnepr-1, Storm, Golden Gates, Peacekeper (Mirotvorets), Artemovsk, Saint Maria, Svityaz et 25 autres bataillons.

- D’autres ont le titre de bataillons territorial de défense (et dépendent du ministère de la Défense) : Kievan Rus, Chernigov-1, Batkivshina (Fatherland), Krivbas, Dnepr-2 et 38 autres bataillons.

- Certains sont intégrés aux forces armées (ministère de la Défense) : Phoenix (3rd battalion of the 79th air-mobile brigade), UNSO (54th recon-subversive battalion of the 30th mechanised brigade) et récemment Aidar.

- Enfin, certains “coordonnent” leurs activités avec les deux ministères (en clair, ils font ce qu’ils veulent…) : Le corps de volontaires de Secteur Droit (Praviy Sektor) et le bataillon OUN (Organisation of Ukrainian Nationalists)

Une étude incomplète réalisée en septembre 2014 donne les noms de certains des sponsors/financeurs (colonel cassad).

Ces bataillons, dont le gouvernement doute certainement de la loyauté dans un contexte d’affrontement entre oligarques, sont cette semaine le sujet de plusieurs accusations, opérations de police et de remises au pas. Le gouvernement parle “d’intégration verticale” dans les forces armées (voir plus haut “événements de la semaine – Lundi”), ce qui veut dire la transformation des bataillons en unités militaires régulières répondant aux seuls ordres de l’état major. Le meurtre d’un agent du SBU leur est imputé. Quand un bus saute sur une mine au Donbass, mardi, ce ne sont pas les  novorusses qui sont montrés du doigt, mais les volontaires de Praviy Sektor (fortruss)! Enfin, dans le secteur de Marioupol, l’armée demande aux  “formations non régulières” d’intégrer l’armée ou de quitter les lignes de front autour de  Marioupol (ce qui concerne en premier lieu le corps des volontaires de  Praviy Sektor) (colonel cassad, podrobnosti.ua, unian, unian). Secteur Droit n’entend pas obéir et parle même de “trahison” (kyiv post, vzgliad). “Les unités concernées ne quitteront pas leurs positions et n’obéiront qu’aux ordres de  leur chef, Dmitri Yarosch”, a déclaré sur la chaîne “112.ua” le chef du centre  d’information de Praviy Sektor, Artem Skoropadski (112.ua). Il est même prévu de faire venir une unité en renfort a déclaré Oleg  Sushinskiy, qui est un autre officier de “Secteur Droit”  sur place (rusvesna).

Un Expert du journal Vzgliad estime que Kiev n’aura pas les moyens d’imposer son ultimatum, contrairement au cas du  bataillon “Aidar” qui a récemment accepté d’intégrer les forces de l’armée régulière . Les choses seront plus difficiles avec “Secteur droit”  qui pose ses conditions pour une éventuelle intégration dans les forces armées, à savoir garder leur structure actuelle ainsi que leur chef  Dmitri Yaroch. Les dernières violations du cessez le feu dans le Donbass sont généralement attribuées à “Secteur Droit”.  “Secteur Droit” ne figure pas officiellement dans la liste des bataillons de  volontaires financés par Kolomoïski mais il est estimé qu’il y contribue. Le leader de “Secteur Droit”, Dmitri Yarosch, est lié à Kolomoïski. “Secteur droit” a sans doute aussi d’autres sponsors. Le chef du SBU, Nalivaitchenko, a protégé “Secteur droit” à ses débuts et les  liens de Nalivaitchenko avec la CIA sont connus (sputnik news). “Secteur droit “a  fait des sessions d’entraînement en Pologne et en Lituanie, ce qui  confirmerait des liens avec la CIA. L’expert  interrogé par Vzgliad estime également que Kolomoïski continuera à financer ces  bataillons de volontaires parce qu’il pourrait avoir rapidement besoin  d’eux, “se trouvant sur une voie qui peut le conduire soit vers la  prison, soit vers la tombe”. “Secteur droit” compterait actuellement plus de 10.000 hommes (vzgliad).

Dmitri Yarosh et “Praviy Sektor” semblent avoir le dessus sur Porochenko. Tout d’abord, les bataillons de volontaires se permettent de déclencher une attaque sur Shirokino samedi alors qu’ls devraient se retirer (un baroud d’honneur ?) (fortruss, colonel cassad). Puis Yarosh devrait être nommé “conseiller du chef de l’état-major général des Forces armées d’Ukraine” (lb.ua). Il donne d’ors et déjà la couleur en disant qu’il faut dissoudre l’état-major général actuel et réduire le nombre d’officiers supérieurs… Petit détail amusant, il prend exemple sur la création de l’armée rouge par Trosky pour imager la méthode qu’il préconise… En somme, des purges staliniennes pour les officiers et une création d’une toute nouvelle armée. Une armée “rouge-noir” ?…

Et pour finir sur Dmitri Yarosh, deux déclarations de cette semaine à méditer…

Il s’ennuie comme député (ukrhome.net): “Ce est (un député – Ed.) -. Absolument pas mon truc je le savais avant même les élections et ne voulait pas courir Ce était une décision collective de la direction SS plus les gars, même provenant de différents camps politiques (national-étatique) -.., Eux aussi, a déclaré Dmitry aller, parce que ce est là que vous apporter des avantages et tout ça. Mais je suis bien conscient que pas tout dans ce système de coordonnées, le clan oligarchique, qui est resté en Ukraine, peut être résolu par BP. Bien sûr, je me amuse à certaines attentes, il y aura toujours des gens qui vont avoir une masse critique pour le changement dans le pays, à la réforme dans les différentes sphères de la vie publique, “

Et une autre sur sa méthode pour régler la question du Donbass (vzgliad). Vzgliad reprend une déclaration de Yaroch sur le Donbass publiée dans le journal ukrainien “Obozrevatel’ : “Il faut d’abord “neutraliser les provocateurs” et ensuite pratiquer une politique d’”ukrainisation caressante”… Il ne dit pas avec quoi il entend “caresser” la population…

 

Lundi 23 mars 2015  

• La semaine commence fort avec un test de lancement de missile nucléaire (non armé) US de Californie vers Guam (youtube)

• Continuons avec les USA et leur convoi de blindés en Europe de l’Est. Il devrait passer par la République Tchèque, mais l’opposition de la population est apparemment si importante que le gouvernement a déclaré qu’il ferait protéger les soldats américains… par des soldats tchèques ! Dixit Sputnik News : “ The initiative has already sparked public outrage in the country prompting the Czech military to announce that it will protect the US military convoy » (sputnik news).

• Le SBU arrêtent 16 officiers de police du SBU et de l’armée accusés de crimes divers dans la partie du Donbass sous contrôle ukrainien (unian)

 • Poisson d’avril avant l’heure ? L’Ukraine veut arrêter d’acheter du gaz russe à partir du 1er avril ! (unian, russia-insider)

• Un conseiller du ministre de l’intérieur ukrainien demande aux USA de faire entrer un de leurs porte-avions en Mer Noire et de bombarder le Donbass (fortruss)… Avec la Crimée en plein exercice militaire (sputnik news) dont des bombardiers armés de missiles anti-navire,  c’est vraiment une très bonne idée !

• Retour sur la semaine dernière. Ca chauffe à Schuster, une émission de débat avec la participation d’un député un ultra-nationaliste Oleg Liashko (Parti Radical). Des  choses qui fâchent apparaissent au grand jour… Dans cette émission, les téléspectateurs ont appris que l’armée  ukrainienne kidnappe des gens, commet des vols et se livre à l’extorsion de fonds.  Par exemple, pour quitter la zone de conflit, il est demandé de 500 à 1000 dollars par personne… La tête et le silence des invités sont  révélateurs (youtube)…

 

Mardi 24 mars 2015  

• Les USA répondent aux Russes dans le point quotidien du Département d’Etat. Marie Harf , porte-parole du Département d’Etat US  répond à la déclaration de Sergeï Lavrov du 16 mars (les crises). Rien de neuf, c’est toujours  la même rengaine : « nous on est les gentils, les russes sont les méchants… ». (video : state.gov, transcript : state.gov)

Transcript de la partie sur l’Ukraine : 

On Ukraine, we continue to see an increasing disparity between what Russia and the separatists say and what they do. This disparity threatens the Minsk agreements and stability in the region. Russia and the separatists claim to be honoring the ceasefire, but in reality they are violating it on a regular basis and are encroaching further beyond the ceasefire line, including recent attacks on an important bridgehead in northern Luhansk. Yesterday Russia-backed separatists also launched an attack on the village of Pisky, where OSCE monitors were inspecting a checkpoint. We condemn this attack, which ended up – injured up to seven Ukrainian troops and placed the OSCE monitors in danger. We commend the OSCE for continued monitoring, even at the risk of personal harm, and we reiterate our call for unfettered access for OSCE monitors. Russia and the separatists it backs will face increasing costs if they do not implement their Minsk commitments. Finally, we take note of yesterday’s so-called International Russian Conservative Forum meeting and look forward to the day when groups from across the political spectrum may once again gather and speak freely in Russia. As always, we will judge Russia and the separatists by the actions, not their words.

And last, in the category of some good news because we don’t often get a lot of this in the briefing room: The World Wildlife Fund is currently hosting the prime minister of Bhutan to promote their collaboration on a joint initiative called Bhutan for Life, which will raise financing to support setting aside more than 50 percent of Bhutan’s territory to preserve forests and wildlife. We welcome the innovative initiative and applaud Bhutan’s commitment to sustainable economic development and environmental preservation.

• Et la chambre des représentants des USA vote une résolution pour demander à Obama de permettre la fourniture d’armes « létales » à l’Ukraine (H.RES. 162 : Calling on the President to provide Ukraine with military assistance to defend its sovereignty and territorial integrity) (c-span, texte complet : congress.gov ou house.gov) … Pas de panique, c’est juste une requête et il y a sur le sujet une opposition radicale entre le Président des USA (qui a quand même son mot à dire) et le corps législatif. Donc c’est une tempête dans un verre d’eau qui est surtout un événement intra USA (ron paul institute, bigstory.ap.org, belsat.eu, dw.de, majorityleader.gov, defensenews.com). Pour preuve, les russes restent calmes tass, rt, sputnik news, the moscow times). D’ailleurs, Obama en personne leur envoie un message très clair en refusant de rencontrer le secrétaire général de l’OTAN de passage au Canada et aux USA (russia-insider, sputnik news).

De manière tout à fait fortuite, un rapport vient de sortir aux USA sur la “perte” d’environ 500 millions USD d’armes dans  ce qu’il convient d’appeler une “déroute américaine” au Yémen (zerohedge).

De plus, des indiscrétions fort à propos font état du financement de la fondation Clinton par la fondation Pinchuk (zerohedge) et une offensive en règle est lancée sur Nuland et son mari Robert Kagan  affublés du sobriquet de « la famille de la guerre perpétuelle » (ron paul institute, russia-insider).

Les débats de cette résolution 40 minutes entre 50 mn et 1h25mn30  (c-span)

Morceaux choisis : 

David Scott (01:19:39) :  IF WE DON’T ACT HERE, THERE WILL BE A DEVASTATION ON THE EUROPEAN CONTINENT THE LIKES THAT WE HAVE NOT SEEN SINCE WORLD WAR II. WE DON’T NEED TO REPEAT THAT. LET US RISE TO THIS OCCASION. LET US DO THE RIGHT THING. LET US BE THAT SHINING LIGHT ON THE HILL THAT SHOWS THE WAY OUT OF THIS DARKNESS. THERE’S SOMETIMES IN LIFE YOU’VE JUST GOT TO STAND UP TO THE BULLY. THE UNITED STATES MUST STAND UP TO PUTIN AND LET HIM KNOW THAT THERE’S A LIGHT IN THIS WORLD AND THE UNITED STATES IS GOING TO SHOW THE WAY. AND THE BEST WAY TO DO THAT TODAY IS TO PASS THIS RESOLUTION AND LET’S SEND UKRAINE THE MILITARY HELP THAT THEY NEED TO PROTECT THEMSELVES AND THE LEGACY OF THIS FINE COUNTRY.

Eliot Engel (01:21:09): WE ARE THE UNITED STATES OF AMERICA, WE’RE A BEACON OF FREEDOM TO THE WORLD, AND IF WE DON’T ACT NOW, WHO WILL? AGAIN, LET ME REITERATE, THE PEOPLE OF UKRAINE ARE NOT LOOKING FOR AMERICAN TROOPS. THEY’RE NOT LOOKING FOR AMERICAN BOOTS ON THE GROUND. THERE IS NO SLIPPERY SLOPE HERE. THEY ARE JUST LOOKING FOR THE WEAPONS TO DEFEND THEMSELVES. THEY DON’T HAVE THOSE WEAPONS. WE DO. IF WE CARE ABOUT FREEDOM AND WE CARE ABOUT FIGHTING AGGRESSION, WE NEED TO GIVE PEOPLE OF UKRAINE THE RIGHT AND THE MEANS TO DEFEND THEMSELVES.

Le vote de cette résolution en 10 minutes entre 29mn et 39mn (span) :  348 pour, 48 contre et 37 abstentions

• Vue de Shirokino, côté ukrainien (bataillon Azov) (youtube)

• Les forces ukrainiennes tirent sur des observateurs de l’OSCE à Shirokino (russia-insider, youtube). Le president de l’OSCE Dačić demande aux belligérants de respecter le cessez-le-feu dans le sud-est de l’Ukraine (http://www.osce.org/cio/146141 ). Le chef de la mission de l’OSCE, Alexander Hug, s’est rendu  sur place le 25 et le 26 mars. Il a écrit “what we saw today in   #Shyrokyne was catastrophic. Not one building our team saw was  untouched  by live fire or shrapnel damage” (ce que nous avons vu  aujourd’hui à  Shirokino est catastrophique. Pas un seul bâtiment, que  notre équipe a  vu, n’a été épargné par le feu ou par les éclats d’obus) (facebook, unian). Vendredi, les  Ukrainiens accusent les novorusses de tirer sur les observateurs de  l’OSCE dans le même secteur, ce que dément l’OSCE (unian).

Les forces ukrainiennes sur place sont des éléments de la Garde nationale (“Azov”, “Donbass”,…) et des volontaires de “Secteur Droit” (Praviy Sektor). Un officier de “Secteur Droit” sur place, Artem Lutsak surnommé “le docteur”, à indiqué que les combats ont lieu douze heures par  jour (rusvesna.su).

• Les accrochages continuent à Peski, un peu à l’ouest de l’aéroport de Donetsk  (centre-est de l’Ukraine) (youtube)

• Ballets de drones au dessus de  Peski.  Un drone novorusse montre des blindés ukrainiens qui seraient des armements lourds  en violation des accords de Minsk 2 (youtube). Ce type de drone a été utilisé plusieurs fois des deux côtés. Il s’agit de jouets assez courant, fabriqués en Chine.  Ils  sont petits, environ 50x50cm. Ils donnent d’assez bonnes images.  Leur   point faible est qu’ils utilisent les ondes radio des amateurs de modélisme. Mais en cas de brouillage, certains modèles reviennent  automatiquement à leur point de départ. Les novorusses ont d’ailleurs réussi à faire tomber un exemplaire ukrainien en utilisant un dispositif de brouillage des ondes radio. Ce drone était parti du côté ukrainien. Le film contenu dans la carte mémoire a pu  être  extrait. Au début, il survole des tanks ukrainiens garés dans une  cour,  ce qui est une information précieuse pour les novorusses (youtube, news-front.info)

• Un bus de civils saute sur une mine ukrainienne. Vers  20h30, la roue arrière d’un bus a roulé sur une mine anti-char. Le bus  transportait 26 passagers sur la route entre Atermovsk et Gorlovka. Quatre personnes (toutes des femmes) sont mortes et onze personnes ont été  blessés, dont  quatre grièvement et 7 personnes sont disparues. Le chauffeur du bus avait choisi de passer dans un champ pour contourner un point de contrôle situé dans une zone contrôlée par Kiev (colonel cassad). Les Novorusses excluent une provocation de la part des ukrainiens et  parlent d’accident. Les ukrainiens, eux, rendent les bataillons de  volontaires de Secteur Droit responsables de ce drame (russia-insider.com)! Ce qui semble  clair c’est que les désignations des  responsables/coupables ont plus à voir avec le  sens du vent qu’une  quelconque recherche de vérité…

Cet incident rappelle celui du bus qui roulait près de Volnovakha, le 13 janvier 2015, dans lequel 12 personnes étaient mortes et 17 avaient été blessées, pour lequel il subsiste des incertitudes. L’OSCE, après avoir étudié les cinq cratères proches du bus, avait  finalement déclaré qu’ils avaient été causés par des roquettes venant du nord/nord-est (osce), mais sans pouvoir déterminer la distance. La ligne de front se trouvait à une vingtaine de kilomètres de là, ce qui semble un peu loin, mais pas assez pour exclure l’hypothèse d’un tir des séparatistes.

Mercredi 25 mars 2015

• Les oligarques sont aussi dangeureux que l’aggression russe !  Ces propos tenus par le président du parlement Ukrainien résument bien l’atmosphère en Ukraine (dnr-news).

• Combo Limogeage/arrestation médiatisée de hauts responsables du gouvernement pour corruption  (rt, youtube, unian, energynews, colonel cassad)

Le ministre  des Situations  d’urgence Sergueï Botchkovski et  son vice-ministre Vassili Stoïetski ont  été interpellés pendant une  séance du Cabinet des ministres retransmise à la télé et aussitôt limogés ( et tous leurs échelons n-1 dans la foulée). Il est question d’avoir accordé des marchés de fourniture d’essence et d’huile de moteur à des compagnies pétrolières proposant des prix “beaucoup plus élevés” que ceux des autres concurrents. La différence servant en partie à “remercier” les décideurs pour leur choix… Yatseniouk, le premier ministre,  a autorisé le Parquet à mener des enquêtes anti-corruption  contre des membres de son cabinet. Ces enquêtes visent en particulier  les responsables de l’inspection financière (unian). Yatseniouk se fend d’une tirade ” Lorsque le pays est en guerre, tous les kopecks comptent. Or ils  volent les gens et le pays. Cela arrivera à tous ceux  qui enfreignent  la loi et se moquent de l’Etat ukrainien. “. Et c’est un ex Goldman Sachs qui dit ça ! Soit il a eu une révélation divine, soit il prend les ukrainiens pour des poires… Cela sent plutôt la bonne purge façon stalinienne avec tout le décorum (voir la vidéo plus haut…). D’ailleurs les opérations de “nettoyage” menées par le SBU se multiplient en Ukraine (voir le focus sur Kolomoïski) … Incidemment, et comme par coincidence, les personnes arrêtées semblent être liées à Kolomoïski, donc on serait bien dans une purge politique…

Quelques jours plus tard, un politologue ukrainien, Andreï  Zolotarev, suggère que ce geste est une tentative de la part de Yatseniouk de montrer à l’opinion que le gouvernement lutte effectivement contre la corruption, objectif qui faisait partie des  points mis en avant lors des événements de Maïdan… mais jamais mis en oeuvre… et aussi de sauver son poste qu’il doit en grande partie à Kolomoïski (ridus à 18h58, communication reprenant un article de TASS)… Mais cela ne suffira peut-être pas… Il y a des rumeurs de remaniement ministériel à Kiev avec éjection de premier ministre (vzgliad)…

Mais la cour annule les actes d’arrestation pour “manque de preuves” le 27 mars (kyiv post, unian) alors que la purge dans le ministère se poursuit (unian)… Puis les deux ministres sont de nouveau considérés comme arrêtés, mais libérables sous caution de 1,18 million de hryvnias, puis juste 1 million tout rond… (unian, unian)…

• Réception des premiers Humvees livrés par les USA. Porochenko est allé à l’aéroport Borispol/Borispil (Kiev) pour réceptionner des véhicules blindés américains débarqués d’une avion cargo de l’Air Force (kp.ru, fortruss, youtube, colonel cassad, lb.ua). Deux remarques intéressantes… Les véhicules sont couleur sable, donc viennent de pays “chauds” (recyclage des stocks d’Afghanistan ?) et Porochenko porte une arme de poing, ce qui est apparemment de plus en plus le cas pour lui… Un signe sans doute de la tension dans le camp ukrainien entre Porochenko et Kolomoïski. Porochenko a aussi annoncé que des instructeurs militaires des Etats-Unis débuteront une formation à Yarovsk, près de Lviv.

• Petit souci budgétaire…  L’augmentation des effectifs de l’armée (168 000 au début de 2014, 250 000 prévu en 2015) votée quelques semaines plus tôt a un petit souci d’intendance… Le ministère de la Défense a annoncé qu’il manquerait 677 millions de hryvnas (27 millions EUR) ne serait-ce que pour nourrir tout ce petit monde. Oups !  En 2014, le budget de défense était déjà  le plus élevé depuis les 10 dernières années (équivalent de 1,8 % de PIB). En 2015 le budget défense représente maintenant presque 5% de PIB, mais personne n’a apparemment pensé que la chair à canon ça mange aussi (vesti-ukr)…

• les-crises.fr avait raison !  Reuters fait un long article pour parler du déploiement du bataillon Azov à Marioupol et on pourrait le croire issu du blog Les Crises tant tout y est (reuters)… Rune de loup, lien avec les partis nazis, la seule entorse est une tentative de réécriture de l’histoire : selon cet article, c’est la Russie ET l’Occident qui s’inquiètent de ce type de présence sur le terrain, comme si l’Occident n’avait pas initialement soutenu sans réserve ces sympathiques et idéalistes jeunes hommes (et femmes, comme le rappellait obligemment Elle)… En haut lieu, il est clair que l’on a décidé de diaboliser/se débarrasser des bataillons financés par des oligarques (dont Kolomoïski, voir le focus de la semaine…) qui forment des armées privées, mal ou peu contrôlées par l’état. Ukraine à part et plus sérieusement, ce type de revirement des médias à 180°, sans explication sur ce changement de cap, ressemble fort à celui sur la composition à forte dominante d’islamistes radicaux de l’opposition au gouvernement Assad, après deux années de déni surréaliste. C’est le moment où l’on peut et doit se poser des questions sur la qualité de nos médias et l’intégrité journalistique de ceux qui écrivent ces articles… Et faire le bilan de qui a incontestablement désinformé la population et ne s’en excuse pas, espérant sans doute que personne ne le remarque…

De sympathiques et idéalistes personnes (dfedbees.livejournal)!

• Les banques ukrainiennes refusent les billets de banque provenant de la zone contrôlée par les novorusses. en 2014, les banques avaient reçu l’ordre de Kiev de marquer ou de détruire les billets pour éviter que les “terroristes” puissent les utiliser. par manque de temps, il était possible de juste les asperger d’huile ménagère pour les marquer. Du coup, tout billet tant soit peu taché est refusé par les banques ukrainiennes.  (dnr-news).

• Un peu de romantisme dans ce monde de brutes… Le mariage du fils de Rihnat Akhmetov, Damir, avec la fille du “roi du sucre” serbe (vesti-ukr). Du lourd en somme !

 

Jeudi 26 mars 2015

• La Russie s’inquiète à nouveau des mouvements de troupes de l’OTAN à ses frontières. Constatant les déploiements de tanks et d’avions de l’OTAN dans l’Europe de l’Est, de la Mer Baltique à la Mer Noire, le porte-parole du ministère des affaires étrangères russes réagit comme aux provocations précédentes par un avertissement sobre mais clair : “Nous  recommanderions à Washington, qui s’est servi de la crise en Ukraine  pour faire jouer ses muscles, de penser sérieusement aux conséquences de  ses actions qui détériorent la sécurité de l’espace euro-atlantique” (rt, tass.ru, vzgliad). Impossible pour un russe de ne pas faire le paralléle avec les préparatifs de l’invasion allemande de la seconde guerre mondiale ‘Barbarossa’ (russia-insider)… Ce à quoi le secrétaire de l’OTAN répond : “Ce n’est pas l’OTAN qui avance vers l’est, mais l’est qui veut rejoindre l’OTAN” (unian).

• La Lettonie, via son président, se démarque de la position hystéro parano russophobe de la Présidente de la Lituanie (vzgliad). En résumé, le président letton qu’il est “totalement en désaccord avec la présidente lituanienne sur le fait que la Russie est un pays aggresseur” et qu’il préfère “ne pas chercher pas des ennemis, mais des solutions”… La Lituanie n’apprécie pas du tout la nouvelle position lettone (sputnik news)…

• Discours de Poutine devant le Service de Sécurité Fédérale (kremlin). Il y a, à mon sens, deux informations à retenir. Tout d’abord, Poutine fait état de la volonté des USA de violer les traités sur les armes nucléaires en déployant de manière accélérée des systèmes anti-missiles ballistiques (ABM) en Europe (en Pologne) et dans le Pacifique. Ensuite, le discours contient des éléments sur le paysage Web en Russie avec 74 millions d’attaques bloquées sur les sites officiels, 25 000 “ressources internet” à caractère illégal identifiées et 1500 sites “extrémistes” bloqués. Ceci est à remettre dans le contexte de la Russie (2 guerres en Tchétchénie, des attentats réguliers dans les républiques du Caucase, un nombre important de combattants dans les rangs des radicaux islamistes en Syrie et Irak, la crise avec l’Ukraine, une augmentation de 15% en 2014 des crimes “extrémistes” mais une baisse de 260% des actes terroristes…) et même si les chiffres des fermetures de sites sont énormes, ils ne sauraient justifier par une comparaison hâtive le récent durcissement des lois anti-terroristes en France.

Intégralité du discours (kremlin)

PRESIDENT OF RUSSIA VLADIMIR PUTIN:

Good afternoon, colleagues. 
We  always attach great importance to the work of the key power agencies  pertaining to national security. Today, within the framework of this  expanded board meeting we will summarise the results of Federal Security  Service operations in 2014 and set priority goals for the future. 
I  would like to begin by saying that, as you all know, the past year was  not an easy one. The world situation has exacerbated. We witnessed  growing tensions in the Middle East and a number of other areas of the  world, while a state coup provoked civil war in Ukraine.
Russia  is making significant efforts to reconcile the parties and normalise  the situation. We have already received and continue receiving  thousands, even hundreds of thousands of refugees and are doing all we  can to prevent a humanitarian catastrophe.
However,  our position, our independent policy and even attempts to help those in  need, including in Ukraine and some other areas, are causing outright  irritation on the part of those we traditionally call our colleagues and  partners.
They  are using their entire arsenal of means for the so-called deterrence of  Russia: from attempts at political isolation and economic pressure to  large-scale information war and special services operations. As it was  recently stated quite openly: those who disagree will have their arms  twisted periodically. However, this does not work with Russia; it never  has and never will.
Meanwhile,  NATO is developing its rapid deployment forces and building up its  infrastructure near our borders. Attempts are being made to violate the  existing nuclear parity, European and Asia-Pacific segments of the ABM  system are being created at an increased pace.
I  would like to remind you that the unilateral withdrawal by the United  States from the Anti-Ballistic Missile Treaty has toppled the very  foundation of the modern international security system. Completely new  systems are being developed capable of dealing a ‘lightning global blow’  and conducting operations in outer space.
However,  it is obvious that nobody has ever managed to intimidate this country  or put pressure on it, and nobody ever will. We have always had and  always will have a proper response to all internal and external threats  to national security.
Another  point I would like to make is that the situation cannot remain like  this forever. It will change, for the better I hope, including the  situation around this country. However, it will not change for the  better if we succumb and yield at every step. It will only change for  the better if we become stronger.
Today  I would like to thank you and your colleagues for your precise and  coordinated work last year, for your immaculate implementation of the  tasks and the courage you have demonstrated, for the reliable protection  of Russia’s security and national interests.
 
 Colleagues,
Your  overall workload and responsibility will obviously grow this year. You  are facing the challenge of enhancing efficiency in all areas of your  activity. Combatting terrorism remains your most important task. A few  positive trends have emerged in this area in the past few years.
There  were 2.6 times fewer terrorist-related crimes in 2014 than in 2013.  While if we look at the previous 5 years, their overall number went down  9-fold.
Such  results have clearly been made possible through the concerted actions  of the FSB, security and law enforcement agencies, coordinated by the  National Anti-Terrorism Committee. We must reinforce the positive  dynamics and consistently squeeze out the underground criminal groups.
This  is not easy; the militants are fighting back and making attacks similar  to the one that took place in Grozny last year. Statistical analysis  shows that they still posses a significant amount of arms.
You are also aware of the fact that citizens of Russia and other CIS  states are being trained at the so-called hot-spots, including within  groups of the Islamic State on the territory of Syria and other  countries. Later they may be used against us, against Russia and its  neighbours.
It  is therefore vitally important to take additional measures to destroy  the terrorists’ international ties and resource bases and block their  entry to and exit from Russia. They should not be able to move between  regions or penetrate the new regions of the Russian Federation – Crimea  and Sevastopol.
Your  direct mission is to provide the highest possible level of  anti-terrorist protection for the international events to be held in  Russia this year. This is, first and foremost, celebrations of the 70th anniversary of the Great Victory and the BRICS and SCO summits in Ufa.
In  addition, we must step up measures aimed at preventing terrorism,  radicalism and extremism, primarily among young people, migrants and  underprivileged groups and more actively involve influential public and  religious organisations in these efforts.
At  the Interior Ministry board meeting in early March, I noted that last  year the number of extremist crimes unfortunately went up by almost 15  percent. Obviously, we need to increase coordination between special  services and law enforcement agencies in this area and use all the  latest methods and equipment, including cutting edge information  technology.
Counter-intelligence  agencies worked efficiently and steadily last year. Their special  operations resulted in the suspension of activity of 52 officers and 290  agents of foreign special services.
Today  it is especially important to improve the protection of data that  pertains to national secrets and to prevent information leaks regarding  the development of our military organisation, mobilisation plans and  defence and industrial technologies.
Western  special services continue their attempts at using public,  non-governmental and politicised organisations to pursue their own  objectives, primarily to discredit the authorities and destabilise the  internal situation in Russia. They are already planning their actions  for the upcoming election campaigns of 2016-2018.
As  I have said on numerous occasions, and will repeat again: we are ready  for dialogue with the opposition, we will continue our partnership with  the civic society in the broadest sense of the word. We always listen to  constructive criticism of the authorities’ actions or the lack of such  actions at any level.
Such  dialogue and partnership are always useful, they are vital for any  country, including ours. However, it is pointless entering into a  discussion with those who are operating on orders from the outside in  the interests of some other country rather than their own.
Therefore,  we will continue paying attention to non-governmental organisations  that have foreign funding sources; we will compare their stated goals  with their actual activities and terminate any violations.
 
 Colleagues,
Ensuring  economic stability and combatting corruption remain among your priority  areas. I would like to ask you to pay special attention to cases of  misuse and embezzlement of budget funds, including those allocated for  the state defence order.
You  should cooperate closely with the Accounts Chamber, the Federal  Financial Monitoring Service and other oversight agencies. You should be  more active in revealing and thwarting shady deals on the Russian stock  and currency markets that may lead to sharp exchange rate fluctuations  and destabilise the financial system of the entire nation.
We  must continue our efforts to support Russian companies abroad and to  protect their interests. Economic competition is tough, as you know. Not  all the competitors of Russian companies are willing to work honestly.
Common  principles of trade, cooperation and investment are being violated. We  see attempts to compromise the business reputation of Russian companies  in any way possible. You have to respond to this without delay and  competently, within your authority.
Serious  tasks are facing the FSB Border Service. The border infrastructure  needs to be improved along the entire perimeter of our borders, while  traditionally complicated segments in the North Caucasus, Central Asia  and the Russian Arctic shelf need to be strengthened.
The  Russian-Ukrainian border requires our special attention, of course. The  situation there is complicated: thousand of people are trying to escape  from the extended armed conflict in southeast Ukraine and are crossing  over to Russian territory, sometimes even without their basic documents.
It  is important to continue ensuring the unhindered passage of refugees  and movement of vehicles with humanitarian cargo. At the same time, we  need to reveal those who voluntarily took part in punitive actions  against peaceful residents, who are trying to cover their tracks or are  planning crimes on the territory of the Russian Federation.
Next.  The protection of national information resources should remain under  special control. The number of cyberattacks on official websites and  information systems of Russian authorities is not diminishing; about 74  million such attacks were curtailed last year alone.
Moreover,  over 25,000 internet resources have been identified that carry illegal  publications. More than 1,500 extremist websites have been shut down. We  must continue efforts to rid the Russian cyberspace of illegal,  criminal materials, more actively use modern technologies for this  purpose and take part in creating an international information security  system.
We  are not speaking of limiting online freedom, far from it. We are  speaking of ensuring safety, law and order, while strictly complying  with appropriate Russian and international norms and standards, without  preventing people from communicating online and posting legitimate,  valid and correct information.
 
 Colleagues,
In  the past years, we have done much to improve material and technical  support of the Federal Security Service. Salaries, pensions and social  benefits for acting and retired personnel have grown significantly.
We  have practically resolved the issue of permanent housing. In 2014  alone, 65 designated apartment buildings were commissioned (5,200  apartments). We are simultaneously working to increase the stock of  service housing.
The  state will continue providing the best service conditions for you,  taking care of the families of those who were killed in the line of  duty. We will certainly do everything necessary to ensure that all FSB  units are equipped with the latest in armaments, technology and special  gear.
At  the same time, just like all the other agencies, you are facing the  task of more rationally using state funding and other resources. You  have to show maximum responsibility and concentration in resolving all  the tasks facing you.
In conclusion, I would like to wish you success and new, visible results in your service that the country needs so much.
 Thank you for your attention.

 

• Un nouveau convoi d’aide humanitaire russe arrive à Donetsk et à  Lougansk. Il est composé de 140 véhicules transportant 1600 tonnes de produits dont des médicaments, de la nourriture et majoritairement des graines pour les semis du printemps (orge, maïs et tournesol).  C’est le 22eme convoi d’aide provenant de la Russie depuis août 2014 pour un total de 27 000 tonnes de produits à ce jour. A noter que, pour la première fois, ce convoi inclut des véhicules de la Croix Rouge (provenant de la branche de Moscou) (rusvesna.su).

• Mobilisation forcée d’étudiants à Kiev et démotivation de l’armée.  Un étudiant de l’Institut polytechnique de Kiev raconte que les recruteurs de l’armée sont venus directement dans leur internat pour prendre 60 d’entre eux, et leur faire passer la visite médicale qui précède leur enrôlement (rusvesna.su). Par  ailleurs, il a déjà été rapporté que les recruteurs ont fait ces sortes de “rafles” dans des usines et des bureaux, ce qui est plus  facile  pour eux que d’attendre que des volontaires se présentent dans  les  casernes, ou d’aller sonner aux portes des habitations…

Ces méthodes d’enrôlement sont à rapprocher de statistiques faites sur les mobilisés de janvier 2015. Il est question d’une augmentation des pertes hors combat par manque de discipline (sputnik news), de la faible proportion des personnes répondant à l’appel (entre 20et 30%), de la volonté d’un tiers des mobilisés de se rendre à la première occasion et de la désillusion face aux promesses non tenues du gouvernement. Ainsi, le 17 mars, 500 soldats ont bloqué une rue de Kiev pour demander le respect des engagements du gouvernement à leur donner des terres (sputnik news).

• Des nouvelles de Vita Zavirukha, une des héroines du reportage d’Elle. La jeune femme de 22 ans (qui fait apparemment toujours partie du bataillon “Aïdar”) s’amuse à tirer au RPG7 sur le village de Shirokino où se produisent certains des affrontements les plus intenses depuis la mise en place du cessez-le-feu, le 15 février 2015. Elle  demande à son ami de la filmer (fortruss, youtube). Qu’est ce que l’on s’amuse… C’est so girly 2.0 de balancer une roquette sur des maisons de sous-hommes…

L’égérie de Elle sans maquillage mais avec son accessoire de mode (une roquette ou est écrit “mort aux chrétiens orthodoxes”)

 

Certains des chrétiens orthodoxes / sous-hommes en question (avec en prime des volontaires français) (youtube.com)

• Et, pour faire bonne mesure, deux témoignages de jeunes femmes se battant côté novorusse (youtube, youtube)

 

Vendredi 27 mars 2015  

• Moodys abbaisse la note de l’Ukraine de “Caa3″ à “Ca” assortie d’une perspective négative (challenges, pravda.com.ua). Cela correspond, traduit en français, à  “En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”, juste un cran avant le défaut de paiement (note “C”) (wikipedia)…

Les notes de l’Ukraine des trois agences de notation US sont les suivantes countryeconomy) :

Moody’s : Ca (“En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”) avec perspective négative

Fitch (fitchratings, fitchratings) : CC (équivalent Ca de Moody’s)

Standard & Poor’s (standardandpoors) : CCC- avec perspective négative (équivalent Moody’s Caa3 “En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”)

et la chinoise Dagong (wikipedia, dagongcredit) : CCC (entre “risque élevé” et “En défaut, avec quelques espoirs de recouvrement”)

Porochenko a donc du souci à se faire !  Cette décision, datant du 25 mars, pourrait avoir une influence négative sur les paiements du FMI (ridus.ru), d’autant que les notes de Dagong, Fitch et S&P datent de quelques mois et pourraient être également révisées bientôt. A l’évidence, si le FMI se faisait prier, cela serait très néfaste pour l’Ukraine.  L’ancien chef de la Banque nationale d’Ukraine, Serhiy Arbuzov, a  déclaré qu’en 2013, la dette publique était égale à 40,3% du PIB. Elle  est passée à 71.5%. Le principal problème n’est pas tellement le montant  de la dette que celui des intérêts à payer car le taux moyen se situe à  8% par an. Pour comparaison, la dette de la France s’approche des 100%  du PIB mais a un taux moyen de 2%…

De plus, les banques ne se portent pas bien. En deux mois, leurs pertes se chiffrent à 74,5 milliards de hryvnias (unian) et une cinquantaine d’entre elles risquent de faire faillite cette année (fortruss)…  Trois ont d’ailleurs été déclarée en faillite le même jour, le 26 mars (novorossia). Ce qui fait écrire à Georges Soros que “l’UE commet une erreur en n’accordant pas d’aide financière suffisante à l’Ukraine” (tass.ru).“Il faut que l’Europe soutienne l’Ukraine et fasse tout ce qu’elle peut pour cela. En premier lieu, il faut prendre la décision politique affirmant qu’il est important d’apporter de l’aide à l’Ukraine et que l’Europe fera tout son possible pour aider l’Ukraine, à condition qu’elle ne viole pas le cessez-le-feu et qu’elle ne se lance pas tout droit dans l’affrontement militaire”, a-t-il également déclaré lors d’une interview accordée à la BBC. Le fait qu’il détienne de la dette ukrainienne n’a bien sûr rien à voir dans ses inquiétudes. Une idée folle comme ça… s’il effaçait la dette qu’il détient ! Qu’il paye le premier, ce brave homme, spéculateur à ses heures… Il s’en émeut aussi à l’oral (youtube).

• Restructuration de la dette ukrainienne. Comme par hasard, cette semaine, il est question de “restructurer” la dette. Dans ce cadre, la  ministre des Finances ukrainien, Nathalie Jaresko, montre la volonté de son gouvernement d’’éradiquer, ou à tout le moins de commencer à  sanctionner les cas de détournement de fonds et de corruption de plus en plus visibles (sauf pour les médias occidentaux). Les USA, par la voix du vice-président américain Joe  Biden, aurait exigé, lors d’’une conversation téléphonique “franche et  directe”, un geste fort contre cette corruption de moins en moins rampante (Alexis Nemiroff, 25 mars 2015, realpolitik.tv). L’ambassadeur en Ukraine, Geoffrey Pyatt, s’en est aussi mêlé eti a adressé à Kolomoïsky le tweet suivant : “Les lois de la  jungle font partie du passé, Monsieur Kolomoïsky” (letemps.ch). Porochenko, lui, assure que “une ére de justice devrait commencer en Ukraine” (unian).

Dans une interview donnée aux Echos (les echos), le  ministre de l’’Economie, Ivaras Abromavicius (” jeune  ministre d’origine lituanienne, naturalisé fin 2014″, selon Le Monde du  27 mars (le monde) confirme  ces discussions : “Le gouvernement ukrainien a choisi Lazard comme  banque-conseil pour la restructuration de sa dette, qui se traite  actuellement à 50 cents pour 1 dollar.” Il en profite pour mettre en avant l’’arrestation des deux dirigeants du Service des Situations d’’Urgence (!) en plein Conseil des ministres et la “démission” d’’Igor  Kolomoïski comme des  signes forts de cette volonté.

Et  comme il ne manque pas d’’humour (noir), il annonce qu’’il va augmenter  le tarif du gaz – dans un pays en pleine récession et avec de plus en  plus de pauvres – pour réduire la dépendance de l’Ukraine vis-à-vis du  gaz russe car “les gens en consommeront moins” (à moins de s’endetter comme l’état) et veut encourager les économies d’’énergie !  En conclusion, il déclare sans rire, quant aux  investisseurs recherchés, qu’il est “préférable d’’éviter les oligarques  ukrainiens”. Le président/oligarque Porochenko  appréciera.

• Assassinat d’un commandant de la milice de Donetsk.  Le commandant du bataillon “Mirazh” (illusion) et député de la DNR, Roman Voznik a été assassiné en plein Donetsk.  Lui et son garde du corps ont été mitraillés à bord de leur voiture, entre 23 h et 23 h. 30 jeudi soir. Voznik avait pris part au mouvement de protestation depuis le tout début, il avait été sur les barricades. Après le référendum et la formation de la république, il était devenu député de la DNR. Par la suite, il avait été nommé député de Novorussie. (ridus.ru  à 12 h 03, novorossia). Ce soir, Denis Pouchiline, le porte-parole politique de la DNR, a déclaré que ce meurtre serait à imputer à un groupe de saboteurs venus de Kiev. Le parallèle doit être fait avec la tentative d’assassinat, quelques jours plus tôt d’un autre commandant emblématique de la milice novorusse : Givi, le libérateur de l’aéroport de Donetsk (youtube, version non sous-titrée youtube).

• Le ministre de l’Intérieur Avakov regrette de ne pas avoir fait “exploser les protestataires” au tout début des troubles au Donbass. “il  fallait faire sauter les bâtiments administatifs occupés par les protestataires dans le sud-est de l’Ukraine au début du conflit dans le Donbass : l’administration de la région de Donetsk et le siège du Service de sécurité à Lougansk… Une cinquantaine de terroristes auraient été tués,  mais on aurait évité 5000 morts dans la région” estime Avakov (sputnik news, vzgliad).

On remarquera que Kiev a essayé de “rattraper son erreur” par la suite, en faisant bombarder le centre de Lougansk début juin 2014 par un avion armé de bombes à sous-munitions, ce qui a été l’un des premiers bombardements dont les victimes ont été exclusivement des civils (youtube).

• La Crimée accuse l’OSCE de partialité. “L’Occident n’arrive toujours pas à  digérer la réunification de la Crimée avec la Russie et continue à  présenter de manière tendancieuse les processus en cours sur la  péninsule” estime le chef de la république de Crimée, Sergueï Aksenov qui poursuit : “Lors des rencontres avec les représentants de  l’OSCE, ces derniers ont attentivement  écouté notre avis sur les événements en cours dans la république, mais  de retour chez eux, ils ont donné une information complètement fausse  sur ces rencontres. Nous lisons avec un grand étonnement les  commentaires de différents journalistes occidentaux et nous nous  demandons : quand les faits décrits se sont-ils produits?” (sputnik news)

Reportage RT d’un cinéaste américain, Miguel Francis Santiago : “La Crimée pour les nuls”  (youtube)

• Depuis l’été 2014, le gouvernement ukrainien ne paie plus les retraites des habitants  de la Novorussie. De plus, depuis le 1er décembre 2014, toutes les  autres prestations sociales ne sont plus payées. Les retraités de  Novorussie, environ 1 million de personnes, doivent donc déménager dans la partie ukrainienne s’ils  veulent toucher leur retraite donc le montant moyen est de 1600 UAH,  soit 62 euros par mois. De plus, le paiment se fait avec un retard qui  peut aller de plusieurs semaines à quelques mois. La location d’un  studio s’élève à environ 2500 UAH par mois, soit 100 euros par mois. “Le  12 mars, le FMI a exigé que l’Ukraine paie les retraites des novorussiens, mais ce n’est toujours pas le cas” ,  déclare Konstantin Dolgov, co-président du Front populaire de la  Novorussie. Des procès sont en cours à Kiev à ce sujet (novorossia). La république de Donetsk (DNR), après la mise en place d’allocations pour les femmes enceintes, commencera à verser des pensions de retraite en roubles dès avril (russia-insider)

• De toutes les façons, l’argent manque ! La Caisse de Retraite est déficitaire. Le  ministre de travail et de la politique sociale , Pavel Rozenko, a  annoncé que la situation est “catastrophique”. Pour lui, les fonds disponibles ne sont pas suffisant pour payer toutes les retraites (avec ou sans les novorusses ?). Sans l’aide de l’état, la Caisse de Retraite pourrait carrément disparaître : “80 billion UAH  is a subsidy to the  Pension fund of Ukraine, which will not even  suffice for the payment of  all pensions. I want to say that this is a  catastrophic situation for  any country, when the Pension fund does not  have enough money not even  to raise pensions, but in order to timely  and fully pay the minimum,  which we have today in our country. The  Pension fund today is bankrupt  and without the help of the state, it  would cease to exist…” (politnavigator.net/ via fortruss).

Lors d’une interview du premier ministre, Yatsenuk à Assosiated Press, celui ci déclare : “La Russie veut detruire l’Ukraine en tant que l’état independant et prepare une nouvelle offensive à l’est” (bigstory.ap.org). Rien de nouveau, mais “l’idée nationale” de l’aggresion exterieure permettra peut-être de mieux faire passer la pilule des mesures d’austérité: hausses des tarifs, gélee des salaires des fonctionnaires. A noter le très intéressant commentaire à cet interview de Yatsenuk sur le site Pravda.com.ua (pravda.com.ua), site mainstream ukrainien : “Poutine n’a pas besoin de detruire l’Etat de l’Ukraine de ses propres mains car Yatsenuk et son l’équipe le font très bien eux-mêmes”.  A rapprocher des rumeurs sur le départ de Yatseniouk de son poste de premier ministre (voir plus haut le focus de la semaine et plus bas l’actu du samedi 28).

• La république de Donetsk arrête de rendre les corps des soldats ukrainiens tant que l’Ukraine ne rendra pas corps des soldats novorusses (novorossia).

 

Samedi 28 mars 2015

• Revalorisation des salaires/purge politique des procureurs. Ce matin Unian déclare que les traitements des procureurs ukrainiens pourraient être revalorisés de 30% à 40%. Le ministre de la justice Sakvarelidze (produit d’importation géorgien comme chacun le sait), a déclaré que les traitements sont une composante importante. “Nous faisons tout ce que nous pouvons pour que, au prix de la réduction du nombre de collaborateurs des parquets, se mette en route une augmentation de 30 à 40% des traitements versés aux procureurs. Pour que naissent, parmi les anciens et les nouveaux collaborateurs des parquets, l’espoir, la stimulation et l’enthousiasme” a promis Sakvarelidze (unn.com.ua).  Est-ce juste un effet d’annonce pour dire “Vous voyez, en augmentant ainsi les traitements des magistrats, ils seront moins tentés de procéder à des petits arrangements lucratifs”? Ou est-ce le début d’un travail sérieux contre la corruption, ou encore une purge déguisée des éléments “non lustrés” (voir mercredi l’histoire du juge qui refuse les arrestations des deux ministres) ?

Toujours dans ce domaine (lutte anti-corruption) on apprend ce matin qu’Oleg Liashko, chef du Parti radical, et Youri Tshizhmar, un député de sa fraction, ont déposé devant la Rada le projet de loi N° 2845, selon lequel n’importe quelle personnalité de haut rang, ayant démissionné ou ayant été limogée, n’aurait pas le droit de quitter le pays durant une période de trois mois, le temps que le bureau anti-corruption se soit assuré qu’elle ne trempe pas dans des affaires de corruption. C’est Youri Tshizhmar qui l’a publié sur sa page facebook (facebook).

• Bientôt le départ de Yatseniouk? Une bonne nouvelle pour les Ukrainiens (et pour nous aussi) : des politologues ukrainiens estiment que Yatseniouk  pourrait bien se retrouver bientôt jeté aux orties, pour n’avoir entamé aucune des réformes promises (ridus.ru qui cite un article de ria novosti ): “La popularité des politiciens ukrainiens qui occupent des postes dans le “cabinet des ministres” – selon l’expression en cours dans ce pays – a fortement baissé, et nombre d’entre eux pourraient perdre bientôt leur fonction, comme le montrent les données recueillies par le centre d’études économiques et politiques Razoumovka. Seulement 12% des Ukrainiens soutiendraient actuellement les actions du président Porochenko.” (voir à ce propos le sondage paru dans la précédente Actu’Ukraine ).

• Porochenko-Kolomoïski, le feuilleton (suite): Article intéressant dans le journal économique allemand “Wirtschaftswoche” (wiwo.de). Sous le titre: “Combats pour le pouvoir à Kiev”, ce journal écrit: “La population ne devrait pas voir beaucoup la couleur des 40 milliards de dollars d’aide accordés à l’Ukraine. Il est plus vraisemblable que l’essentiel passe dans des achats d’armement, et les oligarques cherchent à prendre le pouvoir.” Et plus loin: ” Depuis le week-end dernier, c’est la lutte pour le pouvoir, à Kiev. Et un putsch des oligarques contre le gouvernement n’est plus à exclure ” Vers la fin de l’article, le journaliste affirme qu’en prêtant de l’argent à l’Ukraine alors que le conflit n’est pas réglé, le FMI ne fait que saper l’accord de cessez-le-feu que Merkel et Hollande ont si péniblement arraché, cessez-le-feu qui tient tant bien que mal.

• Vicissitudes au sein des FAU: On lisait encore récemment, dans les commentaires de lecteurs d’un certain journal que les Russes étaient tous des brutes alcooliques. Et quand de bonnes  âmes donnaient des contre-exemples provenant d’Ukraine, elles expérimentaient la sacro-sainte liberté d’expression de notre beau pays… Elles se faisaient immédiatement traiter de “porte-parole de l’armée poutinienne” et étaient assimilées à des agents du KGB (qui, rappelons-le, n’existe plus depuis 1991) . Aujourd’hui, ce sont les ukrainiens eux-mêmes qui le disent… Première couche ! Le site ukrainien “Antikor” (antikor.com.ua), qui relate l’intervention d’Anatoli Matioss, le porte-parole du procureur général d’Ukraine, sur le plateau de la chaîne ukrainienne “Kanal 5″:  Le nombre des pertes au sein des FAU non dues aux opérations militaires a été multiplié par 50 par rapport à 2014 (cela paraît énorme…). Deux causes principales: l’alcoolisme et la détérioration de la discipline. Deuxième couche ! Le gouverneur militaire du région de Donetsk ( partie de l’Oblast de Donetsk sous contrôle de Kiev) vient de signer un ordre qui interdit aux commerçants de vendre les boissons alcoolisées aux militaires (zn.ua). Même chose à Zaporozhya, entre 22 h et 8 h 00 (ukrinform.ua).

Les responsables ont quand même mis un sacré moment avant de réagir contre ce fléau, car dès novembre 2014, le groupe de hackers “Cyber Berkuts” avait publié sur son site (cyber-berkut.net)  un texte trouvé dans l’ordinateur du procureur général Yarema, on y lisait entre autres ceci: “Le 22 octobre 2014, deux militaires d’une unité combattante – unité postale de campagne B0095 -, qui se trouvaient sous l’emprise de boissons alcoolisées, ont maltraité puis tué deux civils.”

“Le 18 octobre, aux environs de 21 heures, deux soldats de l’unité combattante PP V3217, se trouvant sous l’emprise de boissons alcoolisées, se sont mis à tirer au fusil automatique AK 74, à la suite de quoi 4 soldats ont été tués et 1 a reçu des blessures par balles.” 

On pourra certes objecter que ce groupe est un groupe de hackers, et s’adonne donc à une activité illégale. Toutefois, en temps de guerre – et même en temps de paix – toute activité de renseignement a forcément recours à des actions illégales. Il demeure néanmoins que, grâce aux Cyber Berkuts, on a eu très rapidement connaissance de données que les autorités ukrainiennes cachaient à leur opinion publique:

- les données sur le matériel “donné” aux séparatistes par les combattants ukrainiens eux-mêmes (en échange de leur libération après le premier “chaudron) (ridus.ru le 28/08/2014 à 10 h 55),

- les chiffres des pertes ukrainiennes dans le “chaudron” d’Ilovaïsk (ridus.ru à 12 h 38), en août également,

- la liste des matériels que les Ukrainiens ont demandé aux USA de leur envoyer, en novembre 2014 (cyber-berkut.org, cyber-berkut.org, cyber-berkut.org, cyber-berkut.org liste de matériel de guerre avec les quantités demandées).

• Il y a ceux qui trinquent et ceux qui bossent !  Pendant ce temps,  les républiques de Donetsk (DNR) et Lougansk (LNR) travaillent et réparent les dégâts provoqués par leurs adversaires: on se rappelle qu’aussitôt après avoir pris le contrôle de Debaltsevo, et avoir déminé la ville, ils ont réparé les moyens de communication (téléphonie) , qui avaient été délibérément détruits par les soldats ukrainiens.

En ce moment, ils réparent le pont autoroutier récemment démoli à l’explosif par les Ukrainiens  près de Stantsiya Louganska (https://www.youtube.com/watch?v=74q2kjwkkbY )

En DNR, la ligne ferroviaire passant par Debalstevo est réparée. Le premier train de passagers reliant les deux républiques DNR et LNR  a circulé aujourd’hui entre Yasinovata et Lougansk. Il est prévu entre 1 et 3 trains par semaine pour l’instant  (http://novorossia.today/transportation-ministry-of-the-dpr-passenger-train-is-launched-on-saturday-28th-march/, http://www.liveleak.com/view?i=8f5_1427547386, http://colonelcassad.livejournal.com/2113500.html )

En LNR, les sapeurs ont promis que tous les cimetières seraient déminés pour les fêtes de Pâques (Nota: les Pâques orthodoxes 2015 se dérouleront le dimanche 12 avril : icalendrier). Mais il n’y a pas que les cimetières, et les sapeurs ont fort à faire, entre les mines et les munitions non explosées (youtube).

• Vive la démocratie et la pensée unique ! Oleg Lyashko, le leader du parti radical et le député Yuri Tchijmar ont enregistré à la Rada Suprême le projet de loi N 2486 modifiant le code pénal (Проект Закону про внесення змін до Кримінального  кодексу України (щодо відповідальності за публічне заперечення факту  військової агресії країною, яка визнана Верховною Радою України  країною-агресором : rada.gov.ua). Ce projet  propose des poursuites pénales  en cas de désaveu en public de l’agression de l’Ukraine par un pays qui a été reconnu comme pays agresseur par le parlement ukrainien (devinez, qui est ce pays agresseur?). La peine peut atteindre jusqu’à 5 ans d’emprisonnement avec confiscation des biens personnels. Les députés considèrent que la “cinquième colonne”, soutenue par la Russie, “commence à relever la tête” et qu’elle impose à la société l’idée que “la Russie n’est pas un pays agresseur mais pays  partenaire dans le processus de paix” , cette idée destinée à nuire l’armée et attiser les conflits civils en Ukraine… On pourrait presque commencer à croire à l’existence des micro mondes parallèles vu que les députés ukrainiens vivent dans l’un d’eux ! (politnavigator.net).

• L’OTAN se couche. Après avoir été snobbé par Obama mardi, le secrétaire général de l’OTAN déclare aujourd’hui qu’il serait “faux” (pour lui) de spéculer sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN : “Some years ago, they [Ukraine] applied for membership, and I respected that. Then they decided to be a non-bloc country. Now they have started the process of reforming with the aim to apply for membership later on. If and when they apply, we will assess that application,” (unian)

Dimanche 29 mars 2015

• Ce qui s’est vraiment passé à Debaltsevo. C’est dimanche, l’occasion de prendre un peu de recul. Pour ce faire, trois longs articles, pas tous tout récents et d’origines distinctes  nous donnent des éclairages complémentaires sur la bataille cruciale de Debaltsevo. Ces  trois articles se recoupent sur les points suivants: les combats ont  été très durs pour les deux côtés,  il y a au moins des volontaires et de l’armement (“Voentorg”) d’origine  Russe, il y a une majorité sur le  terrain de combattants qui sont bien  de la région de Donetsk et Lougansk et l’armée Ukrainienne  reste une énorme menace pour la NAF. Si participation de l’armée Russe  il y a, elle aura été relativement discrète (même certains commandants ukrainiens ont admis ne pas avoir vu de troupes russes).

“The battle for Debalcevo. Results” (2 mars 2015) (colonel cassad). “Colonel Cassad” est un blog pro Russe d’un habitant de Crimée connu pour la qualité de ses infos de terrain et une indépendance d’esprit n’hésitant pas à révéler les vérités déplaisantes pour son camp. Dans cet article il fait un bilan de l’écart entre ce que dessinait les rapports de terrains pendant l’action et de ce que les retours après l’action ont révélé

En résumé, la victoire de la NAF a bien failli ne jamais arriver. Les premiers plans n’ont pas marché, l’armée Ukrainienne s’est battu considérablement mieux qu’en été, des erreurs inutiles et coûteuses ont été faites. En outre on comprend que la logique de Poroshenko durant Minsk II était loin d’être aussi délirante qu’elle avait pu le sembler. Il avait alors des raisons réelles de croire que son armée aurait finalement le dessus. Selon Cassad, il n’y aurait pas eu d’intervention Russe (contrairement à ce qui serait passé à l’été 2014)

“Bitter truth about Debaltsevo operation (both parts)” (24 mars 2015) (kenigtiger.livejournal via kazzura, youtube). Traduction réalisée par Kazzura (principal traducteur de l’information novorussienne) du témoignage d’un officer de la NAF extrêmement critique de l’état de son armée et de son commandement. Comme pour le “Colonel Cassad” ont peut noter une aptitude indépendante appréciable.

Ce témoignage indique l’écart énorme entre les dépêches de guerre et le terrain. Il détaille tout ce qui ne marche pas du tout comme pourraient le penser les internautes. Par exemple, il rappelle qu’un char sans radio (ou une vingtaine d’autres composants) est inutile ou dangereux, donc ne devrait pas être compté comme “opérationnel”, ce qui relativise les décomptes sur photo ou video… L’article est un bon remède à l’attitude de “la fleur au fusil” et  “la victoire en chantant”. En résumé, les nouvelles recrues ont été inutiles, mal utilisées, décimées, générant beaucoup de désertions, désobéissances, fuites devant le combat ; l’artillerie si souvent vantée des novorusses (NAF) ne mérite pas tant d’éloges, la logistique a pris l’eau de toute part, le commandement de la NAF serait dangereusement irréaliste et selon lui s’il ne se reprend pas il commettra bientôt des erreurs terribles . De son coté les forces ukrainiennes (UAF) s’est comportée pour lui de façon bien plus efficace qu’en été. Au final il juge que la NAF est mauvaise, qu’elle a gagné contre l’UAF (avec un ratio de perte à peu près conforme à celui de Cassad (c’est à dire un ratio tout de même assez bon de “1 pour 3″ dans les phases les plus dures pour la NAF) uniquement parce que les ukrainiens seraient encore plus mauvais que les novorusses… et que les deux se feraient balayer par n’importe quelle armée réellement professionnelle.

Ah, et il affirme qu’il y a bien eu une intervention militaire Russe… en été, mais pas en Hiver (à son vif regret). En été pour lui la résistance de la NAF était très limitée (mais bien plus compétente/efficace/professionnelle) sur le terrain. Il est intéressant aussi de noter que pour lui l’issue idéale est la réconciliation et qu’il l’exprime sans avoir à s’en défendre.

“Dorji, 20 ans, soldat russe blessé en Ukraine” (12 mars) (http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/03/12/le-recit-bouleversant-dun-soldat-russe-blesse-en-ukraine/ ) Et dans la série “penser contre son camp”, le troisième article, une fois n’est pas coutume,  vient… du blog “Big Browser” du site lemonde.fr. Cet article est certainement le “meilleur effort” du camp occidental pour prouver une implication de l’armée Russe sur le terrain et de prime abord il est très crédible. Le tankiste en question a été filmé, l’entretien vient de la presse Russe (Novaia Gazeta) et il a été “fact checké” par Belling Cat (https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2015/03/11/vreditel-sobaka/ ). Certes aucune de ses sources n’est neutre mais avant de rejeter ce qu’il dit, il faut admettre que ce qu’il dit de la situation est assez proche de l’article précédent (Bitter truth about Debaltsevo operation (both parts), avec notamment une mauvaise organisation des novorusses  et un mauvais comportement de beaucoup de ses recrues. Il montre aussi comment l’armée russe joue sur les mots pour pouvoir nier son application : elle amènerait selon lui directement les troupes à la frontière puis leur laisserait le choix d’aller intervenir sur le mode “Monsieur Phelps”. On n’est toutefois pas dans le simple volontariat puisque ces troupes utiliseraient néanmoins le matériel, la chaine de commande et le renseignement de l’armée Russe, dans une situation de fait hybride. Et on ne peut que faire le lien avec la distinction de “gardes” accordée à trois unités de l’armée russe récemment sans donner les raisons de cette décision…

• Pendant ce temps-là, à Odessa, on s’éclate: Déjà, dans la nuit du 24 au 25 mars, il y avait eu un jet de cocktails Molotov sur le siège du parti communiste (youtube).

Maintenant, c’est un local de de bénévoles apportant de l’aide aux forces de l’ATO ainsi qu’au bataillon “Azov”  qui a été visé par une bombe artisanale (youtube, dumskaya.net, sputnik news, colonel cassad).

Sans parler du meurtre du directeur d’un restaurant de prestige ‘Le passage” , situé dans la partie historique d’Odessa, Roman Kameniouk, poignardé dans le hall du restaurant. Selon les médias ukrainiens, le meurtrier aurait déjà été arrêté (pravda.com.ua). Aux dernières nouvelles, il s’agirait d’un récidiviste de 41 ans, qui a déjà fait 13 années de prison pour divers crimes, dont un meurtre (dumskaya.net) On peut donc supposer que son acte n’a rien à voir avec la situation politique, mais plutôt avec des luttes d’influence mafieuses…

Mais le fait est qu’à Odessa, cela bouge beaucoup. Et le mois de mai approche, avec le triste anniversaire de l’incendie criminel du 2 mai 2014…Il faut s’attendre à une recrudescence d’actes de ce genre, qui prouvent l’existence d’antagonismes forts et d’une résistance certaine au pouvoir de Kiev.

• Rumeur du dimanche : Washington sur le point de lâcher le président Ukrainien Piotr Porochenko?  Selon le quotidien allemand Deutsche Wirtschafts Nachrichten (deutsche-wirtschafts-nachrichten.de via sputnik news),  Washington serait sur le point de lâcher l’actuel président Ukrainien Porochenko au profit de l’oligarque chyprio- israélo-ukrainien / résident suisse Igor Kolomoïski.

Le journal allemand écrit: “Plusieurs jours se sont écoulés depuis le limogeage de l’oligarque Kolomoïski par le président Porochenko. Jusqu’à présent, il n’est pas clair si les Américains continuent de soutenir Porochenko ou bien s’ils commencent à prendre le parti de Kolomoïski” 

Le “limogeage” de l’ex-gouverneur de  Dniepropetrovsk pourrait s’avérer dangereux pour Porochenko tant que  Kolomoïski dispose d’une armée privée forte (que le gouvernement s’emploie à affaiblir) et  il pourrait déstabiliser  la partie centrale de l’Ukraine. Aux Etats-Unis,  les partisans de guerre avec la Russie, (John McCain,  Victoria “guerre éternelle” Nuland en tête) pourraient  donner  leurs préférences à Komoloïski qui leur semblerait un meilleur “partenaire” pour tout faire sauter…

• Rumeur du dimanche 2, le retour : Obama serait-il du côté des russes ? Un média ukrainien écrit aujourd’hui: “Le principe de l’envoi d’armes létales en Ukraine par les USA est acquis et il ne manque plus que la signature du président Obama” (rbc.ua). Seulement, même s’ils ont une envie folle d’aller conquérir Moscou, les Ukrainiens commencent à douter, ainsi Paroubiy: “S‘ils (les USA) nous donnent des armes létales, Poutine leur donnera encore plus d’armes létales. Et n’a-t-il pas déjà rendu opérationnelles des armes nucléaires? Tout ce que possède la Russie combat sur notre front”. Comment dire… S’il y avait 1 million de soldats russes, des centaines d’avions, des milliers de chars d’assaut et de pièces d’artillerie sans parler des armes nucléaires contre l’armée ukrainienne, je ne pense pas que la ligne de front serait là où elle est actuellement !

• Confirmation par Arseni Yatseniouk de la revalorisation des traitements des juges d’instruction (voir samedi 28 mars), dimanche 29 mars à 19 h 29 (unn.com.ua) : “Nous allons donner des salaires élevés à ces juges d’instruction qui instruisent des affaires particulièrement importantes. Le ministre (Avakov) a proposé 30.000 hryvnas par mois”.

• Après les ministres, les directeurs.  Arseni Yatseniouk a annoncé la mise au concours des postes de direction d’Ukrnafta, Ukrtransnafta et Ukrtratnafta ainsi que des autres compagnies d’Etat. Le gouvernement de Kiev souhaite en effet confier ces postes à des étrangers (interfax.com.ua).

• Nouvelle affaire de corruption médiatisée. Le directeur du Service principal du Parquet général d’Ukraine et chef de la division des enquêtes traitant les faits de corruption, Pavel Zhebrivski, a déclaré à l’antenne de Kanal 5 qu’au début du mois d’avril, il sera procédé à des vérifications concernant d’éventuels faits de corruption au sein du Cabinet des ministres et à la destitution de ses fonctions du chef de l’Inspection  des finances d’Ukraine, Nikolaï Gordienko (interfax.com.ua, lb.ua)

Quant au nouveau Procureur général d’Ukraine, Viktor Chokine, il a déclaré : “Для меня нет неприкасаемых, будет это президент страны, премьер-министр или другое должностное или государственное лицо”. (Pour moi, il n’y a pas d’intouchables, que ce soit le président du pays, le premier ministre ou haut fonctionnaire ou membre du gouvernement ) . Belle déclaration, réconfortante en tout cas, qu’il faudra impérativement traduire en actes. (segodnya.ua).

• Il y a comme un parfum de révolte en Ukraine.  Une cérémonie en l’honneur du 71 ème anniversaire de la libération de  Nikolaïev ne tourne pas comme c’était prévu: une foule de retraités qui brandissent des drapeaux soviétiques se met à crier des injures à l’égard du  représentant de l’armée ukrainienne pendant son discours ,  traitant  les militaires ukrainiens de “fascistes” et “assassins” (youtube)

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-31-03-2015/


Crash de l’A320 : l’hystérie médiatique

Tuesday 31 March 2015 at 01:35

Fascinant de voir ce délire médiatique autour de ce triste drame.

Cela illustre la dérive de plus en plus inquiétante de nos médias, accentuée par l’effet réseaux sociaux.

En l’espèce, je rappelle qu’il y a 80 000 vols par jour, soit près de 30 millions de vols par an. Et que là dessus, on a beau prendre toutes les précautions, le risque zéro ne sera jamais atteint, et il y aura bien un drame de ce type tous les 10 ou 20 ans…

Il est donc hallucinant de voir comment le n’importe quoi se répand à vitesse grand V sous la pression.

Aucune réflexion, aucun recul, il faut ABSOLUMENT essayer de décider quelque chose pour calmer l’ogre médiatique et “rassurer” les passagers terrorisés par le matraquage.

Exemple : des compagnies ont déjà décidé de demander d’avoir toujours 2 personnes dans le cockpit :
1/ le suicidaire devra donc modifier son plan de “A/ s’isoler B/ crasher l’avion” à “A/ tuer l’autre pilote B/ crasher l’avion” – révolutionnaire quoi…
2/ quand un pilote sort, un steward rentrera dans le cockpit. Donc A/ soit il finira égorgé, comme vu ci dessus B/ soit, nouveauté, comme les stewards sont loin d’avoir le suivi médical des pilotes, c’est peut-être le steward qui sera suicidaire, et tuera le pilote avant de crasher l’avion… Bref, on a en fait augmenté le risque.

Avec le 11/09, on a vu qu’il fallait protéger le cockpit des passagers, maintenant, il faut protéger les passagers des pilotes, et, euh, bon alors je propose que les avions roulent simplement sur l’autoroute sans décoller, il y aura moins de risque…

P.S. finalement, il va sans doute falloir arriver à boycotter les médias dans leur ensemble, ils nuisent grandement à la santé de nos sociétés…

Crash de l’A320 : hystérie médiatique autour de la nationalité


Un hélicoptère survole les lieux de l’accident de l’A320 à Seyne, le 24 mars 2015

Pour savoir si le crash de l’A320 dans les Alpes de ce mardi est d’origine accidentelle ou terroriste, de nombreux journalistes s’appuient sur une équation surprenante, qu’on pourrait résumer ainsi : dites-moi s’il y avait des musulmans dans l’avion, je vous dirai si c’est une attaque terroriste.

La méthode Elkabbach

Il est toutefois difficile de poser la question discrètement.

Mercredi sur Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach s’est donc essayé à l’exercice en tentant de formuler une question incompréhensible, mais « suffisamment précise » pour que le secrétaire d’Etat aux Transports accepte d’y répondre :

« Dans les noms que vous avez des passagers, y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils sont en mission suicidaire ?

– Il n’y a aucun nom de cette nature, pour répondre précisément à votre question. »


L’INTERVIEW D’ELKABBACH (À PARTIR DE 3’30)

Ce jeudi, on a appris que le copilote s’était enfermé dans le cockpit dix minutes avant que l’avion ne s’écrase contre une montagne. Suicide ? Attentat ?

Pour beaucoup de confrères, connaître sa nationalité paraissait de nouveau essentielle.

« C’est politiquement incorrect, mais… »

Et c’est un journaliste étranger qui a montré la voie ce jeudi en posant LA question (de manière très cash) au procureur de Marseille, Brice Robin (à la 15eminute) :

« Pouvez-vous donner le nom, la nationalité et l’origine ethnique du copilote ? »


CONFÉRENCE DE PRESSE AVEC LE PROCUREUR DE MARSEILLE

Et le procureur de répondre de façon encore plus directe :

« Il est de nationalité allemande, j’ignore son origine ethnique. [...] Et il n’est pas répertorié comme terroriste, si c’est ça que vous voulez dire. »

Cela n’a pourtant pas rassuré tous les journalistes présents dans la salle puisqu’une autre personne insiste quelques minutes plus tard (20’54), quitte à dévoiler clairement son amalgame :

« C’est politiquement incorrect, mais est-ce qu’on peut donner la religion du copilote ?
– Je vous ai donné sa nationalité, mais je ne connais pas sa religion. Le jour où je l’aurai, je la donnerai, mais je ne pense pas que ce soit de ce côté-là qu’il faille chercher [..] Il s’appelle Andreas Lubitz. »

Sur Twitter, l’obsession autour de la nationalité du copilote n’est en tout cas pas passée inaperçue.

Source : David Perrotin, pour Rue89, le 26 mars 2015.

 


“Le Petit Journal” chez BFM TV et iTELE lors du crash de l’A320 : révélateur

LE PLUS. Par le plus grand des hasards, les caméras du “Petit Journal” tournaient un reportage au coeur des rédactions d’iTELE et BFMTV quand l’annonce est tombée : un avion s’est écrasé dans les Alpes. S’enclenche alors la folle machine. Notre vidéo du jour est très révélatrice du fonctionnement des médias d’aujourd’hui.

"Le Petit Journal" était chez iTELE et BFMTV le jour où l'Airbus A320 s'est écrasé dans les Alpes. (Capture d'écran Canal Plus)
“Le Petit Journal” était chez iTELE et BFMTV le jour où l’Airbus A320 s’est écrasé dans les Alpes. (Capture d’écran Canal Plus)

Hasard surprenant : “Le Petit Journal” préparait justement un reportage sur les chaînes d’info en continu quand l’Airbus A320 s’est écrasé dans les Alpes. L’occasion de vivre de l’intérieur le traitement d’une grosse actualité dans ces médias si critiqués (et si regardés).

Qui fait le bandeau ? Qui décide de lancer l’édition spéciale ? Les chaînes se copient-elles ? Comment les journalistes vont-ils sur place ? Comment les infos passent-elles de la rédaction au plateau ? Comment se décident les titres ?

Les caméras de Canal Plus ont pu capturer ces moments d’une grande intensité :

Des médias très réactifs

Alors que voit-on ?
D’abord une dépêche AFP qui tombe, implacable : “Un Airbus A320 s’est écrasé dans la région de Digne-les-Bains dans les Alpes-de-Haute-Provence.”
À ce moment-là, l’info n’est relayée que sur les bandeaux de BFMTV et iTELE. Et puis très vite, en coulisses, la rédaction se met en ébullition : recherche de témoins, d’experts, vérification des infos, recherche de renseignements supplémentaires… Les rédacteurs en chef passent de bureaux en bureaux. Tout va vite, très vite.
Au-delà de la pure information du téléspectateur, un autre objectif se dessine : être le premier. Il faut pouvoir nourrir le direct, obtenir des “exclus”. Car en fond, on regarde l’autre, la chaîne concurrente. Parfois, le scoop vient d’ailleurs, comme les premières images du lieu du crash, sur France 24… Et c’est la surprise.
Puis arrive l’envoi de journalistes sur place, qui partent “à l’aveugle”, pour être au plus près de l’info. Faut-il les faire marcher dans la montagne ?

Fascinant ou malaise ?

Régulièrement critiquées, les méthodes des chaînes d’info sont-elles vraiment scandaleuses ? La mort de 150 personnes ne mérite-t-elle pas de prendre un peu le temps d’avoir de vraies infos ? Ou bien, au contraire, n’ont-ils pas raison de traiter l’actu au plus près ? L’effervescence des journalistes est-elle dérangeante ou professionnelle ?

Observer le travail de ces rédactions, est-ce fascinant ou malaise ? Les avis sont partagés.

Source : Louise Pother, pour l’Obs, le 26 mars 2015.


Mention spéciale à cet article de l’Obs

Crash de l’A320 : les pieds de biche et les haches, secrets bien gardés des avions

On imagine guère que des haches et des pieds de biche se trouvent bien cachés dans la cabine ou le cockpit des avions, et pourtant… Le crash de l’Airbus A320 de la Germanwings dans les Alpes-de-Haute-Provence met en lumière la présence de ces outils dans certains appareils, au risque pour les compagnies de devoir revoir tous leurs protocoles de sécurité par crainte que des pirates de l’air aient pris bonne note de ces informations.

Oui oui, la journaliste a bien écrit ça… Ils ont changé l’image après, conscient de leur connerie j’imagine…

Sorti du cockpit pour “satisfaire un besoin naturel”, le commandant de bord s’est vu refuser l’accès à la cabine de pilotage par son copilote, qui semble en avoir entièrement verrouillé l’accès. Le commandant appelle à plusieurs reprises son second via l’interphone de la cabine, en vain. Puis cogne violemment la porte. ”Juste avant l’impact final, on entend des coups portés violemment comme pour enfoncer la porte”, expliquait le procureur de la République de Marseille, Brice Robin, lors de la conférence de presse qu’il donnée jeudi 26 mars.

“Il n’y a plus de hache dans la cabine”

Le journal allemand “Bild” affirme que le commandant de bord aurait fini par tenter de défoncer l’entrée à coups de hache, quelques instants avant le crash.

Faux, répond le président du Syndicat des pilotes de ligne (SNPL) Eric Derivry au micro de RMC et BFMTV. “Il n’y a plus de hache dans les cabines. La seule hache qui se trouve dans l’avion se trouve dans le cockpit. Depuis un certain nombre de menaces et de capacités d’utiliser des instruments pour prendre le contrôle de l’avion, il n’y a plus de hache dans la cabine. Les uniques outils disponibles dans la cabine sont des pieds de biche.”

“Pour des raisons de sûreté, sur toute la flotte Air France, la hache de bord a été retirée de la cabine et se trouve au poste de pilotage. Elle peut servir par exemple à retirer des garnitures en plastique pour trouver un feu qui pourrait être d’origine électrique. A l’arrière nous disposons d’un pied de biche”, ajoute Frédéric Girot, membre du personnel naviguant d’Air France et pilote privé, qui représente la CGT Air France pour la partie civile dans l’affaire du vol Air France 447 Rio-Paris.

De son côté, le vice-président du SNPL, Jean-Jacques Elbaz, confirme auprès de “l’Obs” la présence de haches dans les cockpits et non dans les cabines :

Les haches, dont le nombre est déterminé en fonction du nombre de passagers, se trouvent dans les cockpits. Leur principale fonction est de permettre de s’extirper de l’avion en cas de crash.”

Qu’en est-il des pieds de biche, présents dans les cabines ? ”Nous pouvons être amenés à intervenir sur des feux et sur toutes situations où il y a émanation de fumée”, rapporte Frédéric Girot. “C’est dans ces cas-là que le pied de biche peut être utilisé pour retirer des garnitures en plastique.” De son côté, ”le Monde” affirme qu’un pied de biche “aurait pu être utilisé pour rentrer dans le cockpit en défonçant les cloisons à côté de la porte d’entrée. Mais l’équipage n’a sans doute pas eu le temps de l’utiliser”.

Source : Margaret Oheneba, pour l’Obs, le 27 mars 2015.

P.S. bah oui, il y a des haches cachées dans l’avion ; on ne peut accéder au cockpit avec, mais ça aide en cas d’évacuation d’urgence…


Crash de l’A320 : l’hystérie médiatique suscite le malaise en Allemagne

Les spéculations sur le crash de l’Airbus de la Germanwings occupent tous les médias allemands. Jusqu’à l’écoeurement et l’autocritique.

De notre correspondante à Berlin, Pascale Hugues

C’est Thomas Enders, PDG d’Airbus, qui tire la sonnette d’alarme. Et ce n’est pas un hasard si ce patron très en vue choisit les colonnes de Bams, le Bild am Sonntag, l’édition du dimanche du premier tirage de la presse européenne, pour s’exprimer. Il veut que son message soit entendu. Il veut aussi défendre la réputation des pilotes de ligne “qui, comme avant, méritent notre confiance”. Thomas Enders ne peut plus supporter les commentaires des experts autoproclamés qui donnent leur avis à longueur de talk-shows.

Chaque jour depuis la catastrophe, la télévision allemande programme éditions spéciales et débats à n’en plus finir. Rarement un événement n’a suscité un tel déchaînement médiatique… et un appétit aussi vorace de la part des Allemands. Spécialistes en aéronautique, experts en sécurité, anciens pilotes de ligne, médecins agréés en médecine aéronautique, psychologues et psychiatres, ophtalmologues depuis qu’est tombée la nouvelle qu’Andreas Lubitz aurait eu des problèmes de vision se succèdent sur les plateaux de télé, à l’antenne des radios et sur la Toile pour tenter d’élucider les circonstances de la catastrophe de l’Airbus. “Ce que l’on devrait remettre en question, dit le patron d’Airbus en colère, ce sont les sottises que disent certains “experts” sur les plateaux des talk-shows. Ce ne sont parfois que de pures spéculations qui ne s’appuient sur aucun fait, des fantaisies et des mensonges. Souvent des absurdités qui dépassent toutes les bornes. C’est une insulte pour les victimes.”

Et Thomas Enders n’est pas le seul à s’insurger. Margot Kässmann, ancienne chef de l’Église évangélique, une autorité morale de poids en Allemagne toujours très présente dans les médias, essaie dans un éditorial de Bams de rappeler les Allemands à la raison et les incite au recueillement silencieux : “Je ne peux plus supporter les commentaires de tous ceux qui savent mieux que tout le monde après un accident. Durant la semaine qui vient de s’écouler, que n’a-t-on pas entendu de spéculations et d’interprétations, de critiques, de commentaires et de blogs ? On a tout entendu : que les compagnies aériennes bon marché sont coupables, que les avions étaient trop vieux, qu’il s’est agi d’une défaillance humaine. Et, pour terminer un choc supplémentaire, c’était un acte perpétré en toute conscience… Tout cela est irresponsable… Nous avons besoin de calme. Plus de photos. Plus d’éditions spéciales à la télévision. Plus de reproches. Plus de tentatives d’explications. Plus de réponses à tout.” Margot Kässmann prêche pour le recueillement : “Rester silencieux un moment et penser à ceux qui nous ont quittés.”

“Pourquoi est-ce que nous nous y mettons tous ?”

Le public, aussi, sature. “J’ai l’impression que l’expert en aéronautique de l’ARD est installé dans mon salon, se plaint un auditeur à la radio. Pardonnez-moi, mais je ne peux plus voir sa gueule !” Un journaliste allemand sur place dans les Alpes françaises dit avoir assisté à de véritables scènes de chasse pour arriver à photographier les parents des victimes, “transformés en gibier de choix”, commente-t-il sèchement. Plusieurs grands journaux allemands se livrent à une sévère autocrititique. L’envoyé spécial du journal Die Zeit raconte dans son reportage comment, dans le train qui l’amène à Montabaur, la petite ville où Andreas Lubitz a passé son enfance et où ses parents vivent toujours, il a presque honte de faire ce métier. Il raconte son errance à travers les rues de la petite vide, le ridicule de la situation : ceux – la famille, les amis, les proches – qui auraient quelque chose à dire sont barricadés chez eux et gardent le silence. Ceux qui ne connaissaient le pilote que de vue ou, pire encore, qui ne l’avaient même jamais aperçu sont pendus aux micros des reporters venus du monde entier.

“Pourquoi est-ce que nous nous y mettons tous ?” titre en grosses lettres rouges le très respectable FAZ, le Frankfurter Allgemeine Zeitung : “On a l’impression que les médias ont perdu la tête, dit-il, et on a envie de leur poser ces questions : Pourquoi embêtez-vous les voisins, la famille, les connaissances ? Pourquoi fouillez-vous les sites internet et les profils dans les médias sociaux ? Pourquoi publiez-vous des photos et des noms, des spéculations et des rumeurs ?” Une question que se posent même les deux rédacteurs en chef de Bild qui ont cru bon, sur Facebook, de justifier la couverture qu’ils font de cet événement tragique. Spiegel Online explique à ses lecteurs que si la rédaction a décidé de citer dans son intégralité le nom d’Andreas Lubitz, elle s’engage néanmoins à ne pas publier de photos de sa famille : “Cela n’est pas nécessaire, à moins que les personnes en question ne souhaitent ouvertement s’exprimer dans les médias. Nous respectons leur sphère privée.”

Source : Le Point, 29/03/2015

Source: http://www.les-crises.fr/crash-de-la320-lhysterie-mediatique/


Grèce : pourquoi le blocage semble indépassable, par Romaric Godin

Tuesday 31 March 2015 at 00:44

Petite piqûre de rappel sur la Grèce, avec cet article de ce grand journaliste qu’est Romaric Godin…

La troisième liste de réformes du gouvernement grec ne semble pas convenir aux Européens. La question de la nature des réformes et l’enjeu politique rendent un accord improbable.

Encore une fois, la Grèce a présenté ce week-end une liste de réformes au « groupe de Bruxelles » (nouveau nom trouvé à la troïka qui regroupe les représentants du FMI, de la Commission européenne et du FMI). Et encore une fois, la situation semble bloquée. Le jeu du chat et de la souris continue, pendant que la situation de l’économie grecque se détériore à vue d’œil.

La troisième liste de réformes grecques

Le vendredi 27 mars, Athènes a donc envoyé à Bruxelles une nouvelle – la troisième – liste de réformes. D’après ce qu’on en sait, les autorités grecques prévoient de dégager avec ces réformes 3 milliards d’euros et un excédent primaire de 1,5 % du PIB en 2015 – cet objectif a toujours été celui visé par Syriza. Le tout avec une croissance estimée à 1,4 % qui semble optimiste, mais rappelons que le 20 février, l’Eurogroupe avait promis de définir l’objectif d’excédent primaire « en relation avec les circonstances économiques. »

Que prévoit exactement cette « liste de réformes » qu’Alexis Tsipras avait promise à ses partenaires européens à l’issue du mini-sommet du 19 mars ? Il s’agirait d’abord largement d’améliorer les rentrées fiscales du pays, notamment par une modernisation de la collecte d’impôts, et sur le combat contre l’évasion fiscale. Le gouvernement grec entend aussi vendre des licences de jeux en ligne et de radiodiffusion (les licences de télévision n’ont jamais été officiellement attribuées) et prend en considération certaines privatisations. Un relèvement progressif de 42 % à 45 % du taux supérieur d’imposition sur le revenu (un des plus aisés à collecter, car prélevé à la source) est également au menu.

Globalement, cette liste ressemble aux deux précédentes envoyés les 23 février et 6 mars. Athènes serait cependant prête à relever certains taux de TVA sur les produits de luxe et sur les boissons alcoolisées pour satisfaire ses partenaires européens, mais on est loin du programme qui avait « fuité » dans la presse allemande lundi 23 mars et qui prévoyait un relèvement de la TVA sur les séjours dans les îles égéennes et un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Cette « fuite » apparaît désormais plus comme un message envoyé aux autorités grecques que comme une « information » issue de ces dernières.

Blocage entre Bruxelles et Athènes

Au regard de ce programme, il semble évident qu’Alexis Tsipras n’a pas cédé aux vœux des Européens. Il a repris et développé ses « réformes » précédentes. Déjà, ce lundi 30 mars, les informations qui transpiraient dans le Wall Street Journal laissaient entendre que le « groupe de Bruxelles » n’était guère satisfait de cette liste qui était jugée « incomplète et trop imprécise. » Du reste, il semble improbable qu’un accord soit trouvé cette semaine, notamment après l’Eurogroupe téléphonique prévue ce mercredi. On n’a donc en réalité guère avancé.

Pourquoi ? Là encore, les informations parues dans la presse financières anglo-saxonnes ne laissent aucun doute. Le refus de cette liste de réformes repose sur l’absence de deux réformes : celle des retraites et celle du marché du travail. Il semble désormais évident que le « groupe de Bruxelles » ne donnera son feu vert au financement grec que si et seulement si le gouvernement d’Athènes accepte de mettre en place ces deux réformes. On conçoit donc dans ces conditions la réalité de l’initiative théoriquement laissée au gouvernement grec pour réaliser sa liste de réformes.

Les deux raisons de la position des créanciers

Pourquoi les créanciers insistent-ils sur ces deux réformes ? Pour deux raisons. La première est financière. Les dirigeants européens et leurs administrations sont persuadés que ces «réformes structurelles » sont des leviers de croissance potentielle qui, en favorisant la compétitivité coût du pays, lui permettront de mieux rembourser ses dettes. Mais au-delà de cette position, il existe évidemment aussi une raison politique (car rappelons que c’est là le seul véritable objectif de ce groupe de créanciers). Mais il serait naïf de ne pas non plus y voir un but politique : en faisant accepter ces mesures par un gouvernement « de la gauche radicale », on fait évidemment perdre toute radicalité à ladite gauche, on fait plier Syriza et on le ramène dans la logique économique qui est celle de la zone euro : seules les « réformes » qui visent à réduire le coût du travail sont d’authentiques réformes. La victoire que visent les créanciers est aussi idéologique. Il s’agit de détruire toute alternative.

On voit donc mal les Européens céder sur ces principes. Du reste, leur attitude prouve qu’ils n’y sont pas prêts. Depuis le 20 février, ils rejettent systématiquement les propositions de réformes venant d’Athènes afin d’imposer – sous la pression d’une situation financière et bancaire de plus en plus tendue – « leurs » réformes. Alexis Tsipras peut-il alors céder ? En réalité, le contenu de cette troisième liste montre aussi que le gouvernement grec est arrivé au bout de ses concessions. Contrairement à ce qu’on pouvait attendre la semaine passée, il n’y a pas eu de reddition de l’exécutif hellénique. Il y a eu quelques concessions supplémentaires, par exemple, sur des mesures ciblées de TVA et sur les privatisations, mais l’essentiel, le rejet de la logique austéritaire est conservé.

La réhabilitation de la parole politique en Grèce

Surtout, là aussi, il semble peu probable qu’Athènes cède sur les deux « réformes » exigées par les Européens. D’abord, parce qu’elles seraient en contradiction totale avec les engagements de Syriza et ses alliés. Certes, les promesses, peut-on dire, sont faites pour être oubliées. Sauf que Syriza a déjà oublié plusieurs de ses promesses : le gouvernement a ainsi convenu qu’il fallait relever progressivement le salaire minimum. On peut imaginer qu’il puisse renoncer à la réévaluation des retraites. Mais ce que demandent les européens est différent : c’est un oubli total des engagements par l’adoption d’une politique opposée à celle visée par Syriza. Or, les Européens oublient ce que peut valoir le respect de la parole politique dans un pays où elle a tant été dévaluée. La popularité d’Alexis Tsipras tient à ce respect de ses engagements et c’est une popularité qui dépasse les seuls rangs de Syriza. Quiconque s’est rendu en Grèce pendant la campagne électorale a pu mesurer les attentes de ce point de vue. Trahir cette attente serait mettre en danger rien moins que la démocratie hellénique. Alexis Tsipras n’est pas prêt à prendre ce risque.

Le refus de la logique économique des créanciers

Mais ce refus se base aussi sur une logique économique qui dénote un fossé immense sur la vision économique. Pour le gouvernement grec, ces réformes désirées par les Européens sont des mesures austéritaires. Elles ne permettront pas le redressement du pays. Du reste, n’oublions pas que le gouvernement précédent, pourtant « pro-européen », n’en voulait pas. Du point de vue grec, en effet, ces réformes représentent un « toujours plus » difficilement acceptable dans un pays qui a perdu plus de 24 % de son PIB et pour une population qui a vu son patrimoine fondre d’un tiers. Sur le marché du travail, ce que veulent les Européens, c’est réduire encore la capacité de négociations collectives salariales des syndicats (on notera que l’on est, ici, assez loin de la fameuse « économie sociale de marché » présentée souvent pourtant comme un modèle pour l’Europe). Or, cette capacité a déjà été largement amputée depuis 2010 et les salaires ont beaucoup baissé en Grèce, sans que pour autant, ni la croissance, ni les exportations n’en profitent réellement.

Quant au système des retraites, demander de nouvelles coupes ou un allongement du report du départ à la retraite, c’est refuser de voir l’envers de la médaille, notamment le développement de la pauvreté dans le pays et l’importance qu’ont ces retraites pour soutenir le niveau de vie des plus jeunes. C’est aussi refuser de reconnaître que dans un pays où le taux de chômage est de 26 %, il n’y a pas de sens à reporter l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans (date totémique qui fait référence à la réforme allemande de 2007 qui prévoit, rappelons-le, l’application de cette réforme en… 2030 et qui a déjà été écornée par le gouvernement d’Angela Merkel qui a permis des départs à 63 ans).

Sacrifier le « court terme », encore une fois ?

Chacun sait que le problème du budget grec, c’est d’abord l’efficacité de la récolte des impôts – le gouvernement grec veut précisément s’y attaquer – et l’absence de vraie croissance dans le pays. Athènes demande que l’on enlève l’épée de Damoclès de ces « réformes » négatives pour l’emploi et la consommation au-dessus du pays afin, précisément, de favoriser la croissance. Face à lui, les Européens reprennent leur vieille chanson des « sacrifices d’aujourd’hui pour le bonheur futur. » Dans un pays dévasté depuis 5 ans par la crise et l’austérité, cette chanson n’est plus à la mode. Non seulement le « court terme » s’est mué en « long terme », mais il semble désormais vain de croire encore que la confiance des investisseurs renaîtra par ce type de « réformes. » Ce qu’il faut à la Grèce, c’est un soutien à sa demande intérieur et un plan de reconstruction industrielle. En théorie, l’intérêt des créanciers serait de participer à cette tâche. Mais la dimension politique de l’affaire leur ôte apparemment le sens de leurs intérêts.

La rupture inévitable ?

Bref, le blocage est total. Alexis Tsipras, par cette troisième liste de réformes a confirmé qu’il ne veut pas des deux « réformes » des retraites et du marché du travail que les Européens placent comme conditions absolues à leur soutien à la Grèce. Comme les créanciers ont tout intérêt à jouer la montre pour que le « nœud coulant » financier se resserre, un compromis est peu probable. La perspective d’une rupture semble désormais de plus en plus proche et il semble que chacun s’y prépare. Lors du défilé de la fête nationale du 25 mars, une femme a lancé un message d’encouragement à Yanis Varoufakis, le ministre hellénique des Finances. Ce dernier a répondu : « il faudra nous soutenir aussi après la rupture. » Faut-il y voir la preuve que cette rupture est acquise ? L’accord avec les créanciers semblent en tout cas désormais très difficile.

Source : Romaric Godin, La Tribune, 30/03/2015

“L’eruope, c’est la paix” : Une de Der Speigel, 21/03/2015, Lire ici par exemple…

Source: http://www.les-crises.fr/grece-pourquoi-le-blocage-semble-indepassable-par-romaric-godin/


“Avec leurs sanctions contre la Russie, les États-Unis ont enfreint le droit international”, par Valéry Giscard d’Estaing

Monday 30 March 2015 at 00:01

Oubliez le début sur le projet utopique Europa, et appréciez la pertinence de la vision internationale de cet homme de 89 ans…

Entretien avec Valéry Giscard d’Estaing (Président de la République française de 1974 à 1981)

La France, l’europe, le monde…

Cet entretien a été conduitpar Isabelle Lasserre (Rédactrice en chef adjointe au service étranger du Figaro)

Dans ce stimulant entretien exclusif, Valéry Giscard d’Estaing a accepté, pour Politique Internationale, de décrypter les turbulences qui agitent la planète. De la crise ukrainienne au conflit israélo-palestinien en passant par l’avancée de Daech en Irak et en Syrie, l’ancien président livre son interprétation des principaux dossiers du moment. Comme le lecteur s’apprête à le découvrir, celui qui est également le maître d’oeuvre de l’ambitieux projet Europa – la création, au sein de l’UE, d’un ensemble fort et fédératif qui permettra à l’Union de progresser sur la voie tracée il y a soixante ans par les Pères fondateurs (1) – n’a rien perdu de sa profondeur de vues, de sa force de conviction et de son humour.

Isabelle Lasserre – Monsieur le Président, quelles sont les principales raisons qui vous ont poussé à concevoir Europa ?

Valéry Giscard d’Estaing – Mon projet repose, d’abord, sur un constat. Dans le monde actuel, caractérisé par la montée des grands États, la France est une puissance moyenne, tant par sa population que par sa taille. Elle a une histoire ancienne très glorieuse qui lui a valu, par le passé, une influence mondiale et une culture toujours vivante. Mais, aujourd’hui, son économie est très affaiblie ; son produit intérieur brut stagne ; et elle est, par surcroît, en cours de désindustrialisation rapide. L’une des raisons principales à cela, en dehors du laxisme économique et financier de sa politique, tient au fait que la trajectoire qu’avaient dessinée les créateurs français de l’Europe, Jean Monnet et Robert Schuman, a été interrompue au début des années 1990. Le traité de Maastricht a été signé en 1992 entre douze États membres, dont les six États fondateurs. Or le système européen s’est brusquement élargi à seize nouveaux États membres, sur un laps de temps relativement court, sans que ses structures aient été adaptées pour accueillir les nouveaux entrants et sans que les objectifs poursuivis par l’Union leur aient été précisés. Lorsqu’il avait été suivi, entre 1950 et 1992, le chemin tracé par les pères de l’Europe avait permis d’obtenir de brillants résultats, en particulier la mise en place d’une monnaie commune. Aujourd’hui, il faut impérativement reprendre la bonne voie. C’est le sens du projet Europa qui permet aux pays qui veulent poursuivre l’intégration européenne d’en franchir de nouvelles étapes.

I. L. – L’Europe manque de leaders charismatiques, de leaders d’envergure. Qui donc peut incarner ce projet Europa ?

V. G. E. – C’est bien le problème. De tels leaders n’existent pas de nos jours. Nous assistons à la fin d’une génération. Avec l’avènement de la société de consommation, les responsables politiques se sont détournés des grands objectifs pour se consacrer à la satisfaction des besoins individuels, à dimensions electorales. Les dirigeants d’exception ont disparu. Certes, on voit apparaître une nouvelle génération dans les élections locales, en Italie, en Pologne et même en France – une nouvelle génération qui produira en son temps des leaders d’envergure internationale. Mais, en attendant, nous pourrions quand même avancer. La carence est avant tout française dans la mesure où toutes les grandes initiatives européennes ont, jusque-là, été proposées par la France. L’Allemagne, elle, s’est plus rarement mobilisée pour fournir des idées. Voilà pourquoi la France devrait aujourd’hui proposer de réunir plus régulièrement le Conseil des chefs d’État de la zone euro et de le doter d’un indispensable secrétaire général, qui devrait être français. L’Europe possède la deuxième monnaie internationale – ce qui, dans un monde en crise, comme on le constate en ce moment avec les secousses du rouble, n’est pas sans importance. Or les plus hauts responsables des États de la zone euro ne se réunissent que rarement, deux fois par an tout au plus. La situation de la France est si faible aujourd’hui qu’elle n’ose plus avancer de propositions audacieuses. Elle traverse une crise de crédibilité. Il lui faut reprendre l’initiative.

I. L. – Ces dernières années, la France a-t-elle commis des erreurs en matière de politique européenne ?

V. G. E. – La principale erreur de la France, c’est de ne pas avoir réalisé les réformes indispensables, qui sont bien connues. L’autre est d’avoir refusé d’appliquer les accords qu’elle a signés et votés dans le domaine budgétaire. Nous refusons l’application du Pacte de stabilité et de croissance (2) et nous demandons des dérogations à nos partenaires pour pouvoir maintenir un déficit budgétaire excessif et accroître encore notre endettement, ce qui constitue pour nous une bombe à retardement dans la perspective confirmée de la hausse des taux d’intérêt américains en 2015 ! Si l’on met de côté la Grèce et l’Italie, la France est, dans ce domaine, le dernier pays du groupe de la zone euro. C’est une erreur grave : elle a affaibli notre crédibilité européenne, qui avait déjà été largement entamée par le non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne (3).

I. L. – David Cameron est-il l’homme qui fera sortir la Grande-Bretagne de l’Union européenne ? Pensez-vous qu’une telle tournure des événements serait une bonne ou une mauvaise chose ?

V. G. E. – Je souhaite vivement que la Grande-Bretagne reste dans l’Union européenne des 28 États membres. Elle agit correctement dans ce cadre, où elle a tout à fait sa place. Mais la Grande-Bretagne a peur d’être embarquée dans un système d’intégration dont elle ne veut pas et ne voudra jamais. L’Union à 28 est un espace commercial doté de très peu de compétences d’intégration et qui n’a rien à voir avec la zone euro. Il vaut mieux que la Grande-Bretagne demeure dans l’UE : pour elle, pour nous et pour tout le monde. Son histoire est très mêlée à celle de l’Union, elle appartient au groupe des trois ou quatre grands pays européens. Ses soldats ont combattu sur le sol de la France pendant les deux dernières guerres. Ce qu’elle demande, à savoir l’arrêt de la prolifération de textes émis par les institutions européennes et le respect strict des compétences de l’Union, n’a, en réalité, rien d’excessif ; je n’en regrette que davantage la réaction négative que ces requêtes suscitent chez ses partenaires européens ; je déplore, surtout, le fait qu’il n’y ait aucune négociation avec Londres. Le ministre français des Affaires étrangères serait bien inspiré de conduire des discussions avec la Grande-Bretagne, dont les demandes devraient être calmement étudiées par les Européens et faire si possible l’objet d’un accord. Certes, la situation est difficile et compliquée depuis la victoire du parti Ukip aux élections européennes (4) et le référendum sur l’indépendance en Écosse (5) – ce qui, comme vous le savez, a suscité un débat parmi les Gallois et les Anglais. Je crois que David Cameron n’en souhaite pas moins rester dans l’Union européenne, mais il ne pourra le faire que si le prix politique à payer pour cela n’est pas trop élevé.

I. L. – Quelles seraient les conséquences d’une sortie de la Grande-Bretagne ?

V. G. E. – À court terme, il n’y aurait pas tellement de conséquences. C’est sur le plan de la vocation de Londres, une capitale monétaire largement investie dans l’euro, que les choses changeraient. On assisterait à une érosion de la position de la Grande-Bretagne. Mais pour l’Europe continentale, il n’y aurait pas de conséquences majeures.

I. L. – Quel regard portez-vous sur l’annexion de la Crimée et la déstabilisation de l’est de l’Ukraine par la Russie ?

V. G. E. - Concernant le « retour » de la Crimée en Russie, très franchement je l’ai jugé conforme à l’Histoire. J’ai relu des livres décrivant l’histoire russe du XVIIIe siècle. La Crimée a été conquise sous le règne de Catherine II, avec l’action prédominante du prince Potemkine, lorsque la Russie descendait vers le sud en direction de la Turquie dans l’idée de reconquérir Constantinople. La conquête de la Crimée fut assez dure. Elle ne s’est pas faite au détriment de l’Ukraine, qui n’existait pas, mais d’un souverain local qui dépendait du pouvoir turc. Depuis, elle n’a été peuplée que par des Russes. Quand Nikita Khrouchtchev a voulu accroître le poids de l’URSS au sein des Nations unies qui venaient de naître, il a « inventé » l’Ukraine et la Biélorussie pour donner deux voix de plus à l’URSS, et il a attribué une autorité nouvelle à l’Ukraine sur la Crimée qui n’avait pas de précédent. À l’époque, déjà, je pensais que cette dépendance artificielle ne durerait pas. Les récents événements étaient prévisibles. D’ailleurs, le retour de la Crimée à la Russie a été largement approuvé par la population. Ce n’est que lorsque les problèmes se sont étendus à l’est de l’Ukraine qu’on s’en est inquiété…

I. L. – De nombreux analystes et responsables politiques plaident pour une plus grande « compréhension » à l’égard de Vladimir Poutine. Bien que vous ayez toujours été un partisan de la détente vis-à-vis de Moscou, à l’époque de la guerre froide comme aujourd’hui, acceptez-vous qu’on puisse ainsi violer le droit international et déstabiliser un pays ?

V. G. E. – Les règles conventionnelles adoptées lors de la paix de Westphalie en 1648 (6) posaient le principe du respect de la souveraineté nationale et des frontières. En vertu de ce principe, certains estiment que l’Ukraine doit absolument conserver la totalité du territoire qui était le sien au moment de son indépendance en 1991. Mais n’oublions pas que la décomposition de l’URSS s’est faite dans la débandade et a provoqué un émiettement des frontières ! La méthode de Vladimir Poutine aurait pu être différente. Mais, aujourd’hui, la question de la Crimée doit être laissée de côté. Celle de l’est ukrainien est, en revanche, plus difficile. N’oubliez pas que l’Ukraine a longtemps été russe, Kiev fut la capitale de la Russie. Lorsque, ministre des Finances, je suis allé en Union soviétique à la demande du général de Gaulle, j’ai été reçu par Khrouchtchev à Kiev…

Pour y voir vraiment clair, il faut se demander ce qui s’est réellement passé il y a un an dans la capitale ukrainienne. Quel rôle la CIA a-t-elle joué dans la révolution du Maïdan ? Quel est le sens de la politique systématiquement anti-russe menée par Barack Obama ? Pourquoi les États-Unis ont-ils voulu avancer leurs pions en Ukraine ? Existe-t-il un lobby ukrainien influent aux États-Unis ? Les Américains ont-ils voulu « compenser » leur faiblesse au Moyen-Orient en conduisant, sur le continent européen, une politique plus « dure » contre la Russie ?

I. L. – Pensez-vous vraiment que les États-Unis sont responsables de la crise ukrainienne ? N’est-ce pas plutôt la corruption de l’équipe au pouvoir qui a provoqué le ras-le-bol des Ukrainiens ?

V. G. E. – Les deux éléments sont à prendre en compte. Il est indéniable que le pouvoir ukrainien était insupportable et corrompu. Ce qui explique, au moins partiellement, que le président Ianoukovitch ait été contraint au départ. Mais la situation est restée confuse et il faut reconnaître que la transition ukrainienne a un aspect peu démocratique. Ce sont des clans dirigés par des oligarques qui mènent le jeu. Quant aux États-Unis, ils ont probablement soutenu et encouragé le mouvement insurrectionnel. Et, ensuite, ils ont pris la tête de la politique de sanctions visant la Russie - une politique qui a enfreint le droit international. Qui peut s’arroger le droit, en effet, de dresser une liste de citoyens à qui l’on applique des sanctions personnelles sans même les interroger, sans qu’ils aient la possibilité de se défendre et même d’avoir des avocats ? Cette affaire marque un tournant préoccupant. Concernant les sanctions économiques visant non des personnes mais l’État russe, comment ne pas considérer qu’elles font du tort aux deux protagonistes – Russie et Occident – en altérant leurs échanges commerciaux ? Cette montée des tensions va continuer de faire du mal à l’économie russe. Soit dit en passant, quel est le nom de l’expert qui avait prévu et annoncé la chute des cours du pétrole ? Aucun expert n’avait anticipé cet événement ! Quoi qu’il en soit, aujourd’hui l’économie russe est fragilisée en raison de la spéculation contre le rouble qui est à son cours le plus bas, par rapport au dollar, depuis 1998. Les Américains ont-ils intérêt à provoquer la chute de l’économie russe ? Pour l’Europe, les Russes sont des partenaires et des voisins. Dans le désordre international actuel, face à la flambée des violences au Moyen-Orient, devant l’incertitude provoquée par les élections de mi-mandat aux États-Unis, il serait irresponsable de souhaiter que l’économie russe s’effondre.

I. L. – Quelle solution proposeriez-vous pour tenter de résoudre la crise ?

V. G. E. – L’Ukraine telle qu’elle est n’est pas en état de fonctionner démocratiquement. Il faut donc qu’elle se réorganise. Je souhaite que la diplomatie française prenne le leadership européen de la recherche d’une solution politique en Ukraine. Cette solution pour l’Ukraine semble être celle d’une confédération multiethnique, sur le modèle suisse des cantons, avec une partie russophone, une partie proche de la pologne et une partie centrale. Un système à la fois fédéral et confédéral, sponsorisé par les Européens et soutenu par les Nations unies.

I. L. – Dans un tel scénario, qu’advient-il de la Crimée ? On la fait passer par pertes et profits ?

V. G. E. – Je n’aime pas cette expression ; mais la Crimée, conquise – je le répète – alors qu’elle était gérée par un souverain d’allégeance turque et non ukrainienne, et où les Alliés de la dernière guerre sont venus tenir la conférence de Yalta, a vocation à rester russe !

I. L. – Si vous étiez au pouvoir, que diriez-vous à Vladimir Poutine pour lui faire entendre raison ?

V. G. E. – La gestion de la crise par Vladimir Poutine n’a pas été judicieuse. Le président russe poursuit un rêve : rétablir l’influence qu’avait jadis l’Union soviétique. Mais ce rêve n’est pas réalisable car une partie de l’empire soviétique a été construite par la force. Et quand la force n’est plus ce qu’elle était, ces méthodes ne sont plus envisageables. La Pologne et les pays baltes ne risquent rien. La Russie ne va pas se lancer dans ce type d’aventure. Mais dans les endroits qui sont en désordre politique, c’est moins évident. Il aurait fallu recommander à Vladimir Poutine de ne pas jouer avec le feu, et essayer de rechercher avec lui des solutions raisonnables. Ce qui est sûr, c’est que l’Ukraine n’entrera pas dans le système européen : c’est impossible ! Elle n’a ni la maturité économique ni la pratique politique nécessaires. Sa place est entre deux espaces, la Russie et l’Union européenne, avec lesquels elle doit entretenir des rapports normaux. Quant à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, il n’en est, bien évidemment, pas question et la France a raison d’y être défavorable ! À présent, voulez-vous ma prophétie ? La voici : l’Ukraine risque la faillite financière. Elle demandera des aides. Qui les lui donnera ? Sans doute le FMI puisque l’Union européenne n’a pas le dispositif pour le faire.

I. L. – Sur la place Maïdan à Kiev, des Ukrainiens sont morts en défendant les valeurs européennes et en brandissant le drapeau de l’Union. Est-il possible de décevoir l’enthousiasme de ces hommes qui regardent vers nous avec autant de confiance ?

V. G. E. – Les aspirations européennes de Kiev étaient un songe. Comme ils n’entrevoyaient aucune perspective, il fallait bien que les Ukrainiens rêvent de quelque chose. Mais soyons réalistes : les Hongrois, qui sont dans l’Europe, n’en veulent plus (7), et l’Union, après sept ans, n’a pas réussi à régler de manière satisfaisante l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie… Pour des gens qui se sentent abandonnés, l’Union européenne est tentante. C’est une zone pacifique. Mais tout cela ne suffit pas à justifier une adhésion. En tant qu’ancienne partie de la Russie, l’Ukraine ne peut pas être dans l’Union européenne.

I. L. – Quel regard portez-vous sur Barack Obama ? On avait espéré qu’il serait un mélange de Roosevelt et de Kennedy ; finalement, il fait plutôt songer à Jimmy Carter… Quel bilan dressez-vous de sa politique étrangère ?

V. G. E. – Barack Obama est un homme humainement sympathique et chaleureux, et qui cherche à être utile. Il apporte la preuve que, surtout dans le monde actuel, l’exigence de compétences est un élément essentiel ! Prenez le président chinois actuel : il avait occupé quatre ou cinq postes d’envergure avant d’arriver là où il est…

Au début, Barack Obama était très déterminé. Il a voulu se démarquer de George W. Bush en décidant le retrait d’Irak. Mais il a commis des erreurs dans la façon dont il a géré ce retrait. Car il a voulu le compenser, aux yeux d’une partie de l’opinion américaine, par l’annonce d’un engagement supplémentaire en Afghanistan, ce qui était une cause perdue d’avance, comme l’ont expérimenté les Britanniques, puis les Soviétiques.

Quant aux comparaisons que vous effectuez, je dirais que, s’il est vrai qu’Obama ne ressemble pas à Roosevelt, il ne ressemble pas davantage à Jimmy Carter. En effet, il ne change pas d’avis, il renonce à certains projets. Mais il ne faut pas se montrer trop sévère vis-à-vis de Barack Obama, pour la raison suivante : à notre époque, l’élection se fait avant tout sur l’appréciation audiovisuelle bien davantage que sur les compétences requises pour la fonction…

I. L. – En Syrie, personne ne voit de porte de sortie à court ou moyen terme à cette guerre qui a déjà fait plus de 200 000 morts. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelle fut la première erreur commise, quand et par qui ? Qu’aurait-on dû faire ou ne pas faire à l’époque ? Que faire aujourd’hui ?

V. G. E. – Je n’ai aucune réponse à vos questions. Nous ne comprenons pas le phénomène, ces affrontements historiques, ces querelles de frontières, cet islam extrême. Au début, s’agissait-il d’un mécontentement populaire à caractère social vis-à-vis d’un pouvoir dictatorial? D’une révolte contre la brutalité du régime ? Il fallait, d’abord, essayer de voir si le système était réformable. Il l’était sans doute. C’est alors que, progressivement, nous avons assisté à la montée d’un islam fanatique qui n’a pas de rapport direct avec la situation politique et que nous ne nous expliquons pas. La rivalité entre chiites et sunnites remonte au VIIe siècle. Pourquoi ressort-elle avec une telle violence maintenant alors qu’elle était plus modérée dans l’Empire turc ? Pourquoi exerce-t-elle autant d’attrait sur des jeunesses lointaines ? C’est une réflexion très difficile à mener mais qu’on doit conduire au niveau européen.

I. L. – Le péril que font peser sur la planète ces djihadistes de Daech ne mérite-t-il pas que la coalition s’implique davantage pour en venir à bout ? Ne faudrait-il pas aller jusqu’à envoyer des troupes au sol ?

V. G. E. – Je suis totalement opposé à une telle intervention au sol. D’ailleurs, elle ne se fera pas. Ce n’est pas à la coalition occidentale mais aux pays arabo-musulmans de régler ce problème. La solution, à mes yeux, ne peut être que régionale. Naturellement, on peut effectuer des bombardements quand c’est nécessaire techniquement pour interdire une conquête. Ce qui est plus difficile, c’est de savoir quel avenir les intéressés veulent se donner…

L’Occident, cela va de soi, doit être hostile à Daech. Mais « être contre » ne veut pas dire « éradiquer ». Ne serait-ce que parce que c’est impossible. C’est à l’Iran et à l’Arabie saoudite d’agir !

I. L. – Comment jugez-vous le jeu trouble mené par le Qatar et l’Arabie saoudite dans la région ?

V. G. E. – Ils ont fait de grandes erreurs et en subiront vraisemblablement les conséquences dans leur propre pays.

I. L. – Pensez-vous que l’initiative du Sénat et de l’Assemblée nationale visant à reconnaître un État palestinien soit une bonne chose ?

V. G. E. – C’est leur responsabilité. Pour dire les choses franchement, je ne crois pas qu’une négociation directe israélo-palestinienne puisse aboutir à un accord : les exigences des deux parties sont trop substantiellement incompatibles. Un gouvernement israélien ne peut pas accepter les demandes auxquelles l’Autorité palestinienne, quant à elle, ne peut pas renoncer ! En fait, Israël a joué de cette proposition de négociation pour apaiser son allié américain. La diplomatie israélienne mise à 90 % sur le soutien de Washington… Je pense que la solution devra nécessairement passer par les Nations unies : un vote unanime du Conseil de sécurité, sans que les Américains n’utilisent leur droit de veto, actualisant la résolution fondatrice de l’État d’Israël.

I. L. – Un vote unanime proposant quel schéma ?

V. G. E. – Un retour aux frontières de 1967 ; Jérusalem comme capitale commune d’Israël et de l’État palestinien ; mais le contenu nouveau consistera en des garanties de sécurité énergiquement défendues par la communauté internationale et, au premier chef, par les États-Unis.

I. L. – Mais le Hamas refuse de reconnaître Israël !

V. G. E. – Je le répète : on imposera au Hamas la solution qui serait décidée par un vote unanime du Conseil de sécurité.

I. L. – En quelques mots, quels sont, depuis deux ans, les points forts et les points faibles de la diplomatie française ?

V. G. E. – La conduite de la diplomatie française par le ministre des Affaires étrangères est raisonnablement compétente, dans un gouvernement qui ne l’est guère. Elle représente et défend bien les intérêts de la France.

Deux remarques : il convient d’éviter les interventions isolées dans des conflits lointains, qui font apparaître la faiblesse de nos moyens ; et de mettre fin à l’absence de la France dans les postes clés de l’Union européenne (présidences du Parlement européen, de la Commission européenne, du Conseil européen et de la Banque centrale européenne), Union qu’elle a contribué à créer.

Deux tâches diplomatiques, que j’ai déjà évoquées, sont urgentes : proposer une démarche politique pour l’Ukraine, à égale distance de l’Union européenne et de la Russie, et s’opposer à son entrée dans l’Otan ; et contribuer à la recherche d’une solution permettant à la Grande-Bretagne de rester membre de l’UE.

I. L. – Qu’auriez-vous fait de différent, dans tous ces domaines, si vous aviez été au pouvoir ?

V. G. E. – J’aurais proposé aux États membres de la zone euro qui le souhaitent de franchir une étape importante de l’intégration européenne en allant vers une Union fiscale à l’échéance de 2030 ; et j’aurais proposé, aussi, la création d’un Trésor européen gérant la dette commune.

I. L. – Monsieur le Président, si vous deviez décerner le « Prix du courage politique », à qui l’attribueriez-vous aujourd’hui ?

V. G. E. – Des géants tels de Gaulle, Roosevelt et Churchill, il n’y en a plus. Ce sont les grands événements qui mettent en valeur les grands hommes. Des Kennedy, il nous en faudrait pour s’adresser à la jeunesse. Ne désespérons pas. Peut-être, un jour, les verrons-nous apparaître…

Source : Politique Internationale, mars 2015

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RT a pu obtenir un entretien exclusif avec l’ancien président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing, qui est intervenu lors de l’Assemblée générale de l’Association Dialogue Franco-Russe qui s’est tenue le 26 mars 2015.

L’ancien président de la France a abordé plusieurs questions d’actualité liées à la politique internationale, en particulier la situation en , la Crimée et la France.

RT : Que pourrez-vous dire sur la situation qui existe aujourd’hui sur les frontières de la Russie, en Ukraine ?

Valéry Giscard d’Estaing (VGE) : Je crois que d’abord il faut être très raisonable. Nous célébrons en commun les anniversaires des deux conflits mondiaux. Et il faut se rappeler qu’avant ces conflits mondiaux, il y a eu des situations qui ressemblaient un peu à la situation actuelle. C’est-à-dire des malentendus sur des sujets qu’on pouvait regler, qu’on aurait pu régler. Pensez, par exemple, au fameux accident de Sarajevo. Il n’y avait pas de raison qu’il enflamme . Donc nous devons être capable maintenant, lorsqu’il y a des problèmes, de les aborder avec ouverture d’esprit et exactitude. La situation en Ukraine est très difficile parce que l’Ukraine est un pays composite, dans lequel il y a des communautés humaines, historiques différentes. La question est de savoir comment ces communautés peuvent-elles finalement s’organiser pour vivre ensemble. La solution de la force n’est pas la bonne. Parce que ni d’un côté ni de l’autre, on exterminera ou éliminera les partenaires. Donc la solution, c’est de proposer un système d’organisation politique – il existe beaucoup de systèmes dans le monde – dans lequel ces deux communautés pourront vivre facilement. Et je pense qu’il faut attendre le moment ou on pourra ouvrir une vraie conférence sur l’organisation d’une confédération ukrainienne. Où est-ce que ça doit se passer, est-ce que ça doit se passer aux Nations Unies, est-ce que ça doit se passer en Europe autour des structures de l’Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe, je n’en sais rien. Mais je pense qu’il serait bien qu’en 2015, on ouvre une discussion sur l’avenir de l’organisation politique de l’Ukraine, avenir pacifique. Car l’Ukraine ne doit pas être une menace pour la Russie et ne doit pas être une menace pour l’Europe.

RT : La Crimée est souvent vue comme une menace de la Russie. Est-ce que c’est vraiment le cas?

VGE : Non. Je crois que pour la Crimée il faut être prudent, il faut regarder l’histoire. La  n’a pas été conquise par l’Ukraine au XVIIIème siècle.  Elle a été conquise par la Russie. En fait c’est l’impératrice Catherine II, c’est le fameux général Potemkine, qui ont ravi la Crimée non pas aux Ukrainiens, mais aux Turcs ou aux vassaux des Turcs. Et ensuite, la Crimée s’est developpée comme une province de Russie. La preuve, c’est que la dernière conférence de la dernière guerre s’est tenue à Yalta. Tous les dirigeants Occidentaux y sont venus. Et ils sont venus à l’invitation de la Russie, en Crimée. Donc je crois que pour la Crimée, la seule chose qu’il faudrait dire c’est que s’il y a des doutes sur le déroulement du referendum – puisqu’il a été quelque peu improvisé – et bien, dans un delai raisonnable de deux ou trois ans, il faudra faire un réferendum avec les garanties internationales classiques sur la question de savoir ce que souhaitent les habitants de la Crimée.

RT : Et si vous permettez une question concernant la France, puisque nous sommes dans ce pays merveilleux. Le premier tour des élections départementales le weekend dernier et le second à venir montrent peut-être une tendance? Les gens votent d’une nouvelle manière, est-ce que c’est vraiment une tendance?

VGE : Il y a un changement, pas seulement en France, mais dans la plupart des pays. C’est le cas aux , c’est le cas en Espagne, c’est le cas en France. Il y a de nouvelles formes d’expression politique. C’est probablemement dû au dévéloppement des nouveaux moyens de communication, notamment des moyens de communication des réseaux. L’opinion souhaite s’exprimer. Et donc il faut faire très attention: ces votes n’expriment pas l’adhésion à un programme. Ils expriment le désir d’exprimer quelque chose, ce qui est différent. Et donc il faut les prendre comme une contribution, et non pas comme une provocation.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

Source : RT, mars 2015

Source: http://www.les-crises.fr/vge-avec-leurs-sanctions-contre-la-russie-les-etats-unis-ont-enfreint-le-droit-international/


[Ils sont drôles quand même...] L’Obs – Front national : l’échec du “marinisme”

Monday 30 March 2015 at 00:00

“Une” de l’Obs ce soir…

C’est sûr que la branlée du PS c’est accessoire, l’essentiel reste de parler sans cesse du FN – c’est sûr qu’avec nos modes de scrutin non démocratiques, le danger que le FN rafle moult départements était gigantesque…

Seul (maigre car inutile) point positif : nombre de faucialistes sont au chômage ce soir…

Bon, une tous cas, cela me confirme dans le fait que mon amour propre et mon sens de l’éthique font que je ne pourrais jamais exercer certains métiers : vendeur de drogue, fabricant de cigarettes, homme politique sous la Ve, journaliste dans un média mainstream

Par Renaud Dély, L’Obs, 30/03/2015

L’incapacité du parti d’extrême droite à conquérir un département signe l’échec de la stratégie de la présidente du FN.

Caramba, encore raté ! Bien sûr, avec 25 % des voix, le Front national a remporté lors du premier tour de ces élections départementales son meilleur score à l’occasion d’un scrutin local.

Certes, il dispose désormais d’une soixantaine de sièges de conseillers généraux – sur plus de 2.000 cantons -, alors qu’il n’avait jusqu’ici qu’un sortant. Enfin, c’est vrai, le FN a progressé d’un tour à l’autre dans les cantons où il était encore présent, signe qu’il profite du renfort d’électeurs venus de la droite et, dans une moindre mesure, de la gauche.

Et pourtant, ce second tour des élections départementales est un échec pour le parti d’extrême droite. C’est surtout l’échec d’une stratégie, le “marinisme”, cette ligne concoctée par le tandem Marine le Pen – Florian Philippot qui prétend faire du FN la seule opposition au fameux “système UMPS”.

Echec aux portes du pouvoir

Le retour du clivage droite-gauche, qui fait de l’UMP, grande gagnante de ce scrutin, l’alternative naturelle au PS en 2017 est une fort mauvaise nouvelle pour la présidente du Front National. Et l’avènement du “tripartisme” claironné par le FN, et repris en choeur par nombre d’observateurs peu attentifs, est une illusion. La vie politique française continue d’être régie par un affrontement bipolaire droite-gauche.

Marine Le Pen le sait : elle ne pourra démontrer que le FN est susceptible de devenir un parti de gouvernement capable d’exercer des responsabilités nationales que s’il conquiert des positions de pouvoir au niveau local. Et s’il y fait la preuve de ses capacités de gestion.

Bien placé dans le Var, plus fort encore dans l’Aisne, et favori dans le Vaucluse qui semblait lui tendre les bras, le parti d’extrême échoue aux portes du pouvoir et ne décroche finalement aucun département. Son seul élu sortant, Laurent Lopez, est même battu à Brignoles (Var), ce qui confirme que le bilan du FN lorsqu’il est aux affaires n’est pas mieux jugé que celui des sortants qui portent d’autres étiquettes.

Parti “sans-ami”

Surtout, une fois encore, preuve est faite lors de ce tour final des départementales que, s’il demeure seul et sans allié, le FN ne peut quasiment jamais l’emporter en duel au mode de scrutin majoritaire. L’isolement confine le parti lepéniste à l’impuissance, et, à terme, à l’inutilité. Ce triste sort avait conduit le FN à exploser à la fin des années 90. Il ne manquera pas de réveiller les tensions internes dans les semaines à venir. Sans doute ceux qui ont rejoint récemment le parti d’extrême droite parce qu’ils piaffent de conquérir des mandats et d’exercer des responsabilités finiront ils par douter de la pertinence de leur choix.

C’est la raison pour laquelle il faut exhorter la droite républicaine à résister aux sirènes frontistes. Et à conforter le cordon sanitaire qui maintient le FN, seul, tout au bout de l’échiquier politique, bien calé à l’extrême droite. Comme on dit dans les cours de collège, le Front National est un “sans-ami”. Et tous les ados savent que ce statut n’a rien d’enviable…

Renaud Dély, L’Obs

Source: http://www.les-crises.fr/ils-sont-droles-quand-meme-lobs-front-national-lechec-du-marinisme/