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[Réparations 2] L’occupation de la Ruhr

Tuesday 27 October 2015 at 01:22

Suite du billet sur Le traité de Versailles

L’occupation de la Ruhr

Le Royaume-uni déclara alors que cette occupation était illégale et immorale. En effet, si, initialement, les gouvernements britanniques soutinrent des demandes élevées de dédommagement (le Royaume-Uni se trouvant davantage endetté que la France), John Maynard KeynesLloyd George et Balfour plaideront ensuite pour une annulation “multilatérale” de toutes les dettes publiques liées au conflit et à la reconstruction. Ceux-ci espéraient que le Royaume-Uni – comme la plupart des autres pays européens – puisse sortir de cette annulation comme profiteur net, pour autant que le Trésor public américain renonce également à ses propres créances. Mais en 1923, les Britanniques accepteront de rembourser partiellement leur dette envers les États-Unis, s’élevant à 4,6 milliards de dollars.

Cependant, le premier ministre français Raymond Poincaré était extrêmement réticent à ordonner l’occupation, et n’avait pris cette mesure qu’après que les Britanniques eurent rejeté ses propositions de sanctions plus modérées contre l’Allemagne. Les socialistes tentent de démontrer les dangers d’une occupation. Clémenceau s’y opposait et le Maréchal Foch parlait d’un “terrible nid de guêpes” où la France avait mis la main. Poincaré était sous pression, car la France avait besoin de l’argent allemand pour rembourser sa dette envers les États-Unis et l’Angleterre. La France et la Belgique tentèrent donc de faire respecter par la force les obligations financières qui étaient imparties aux vaincus par le traité de Versailles avant de commencer leurs propres remboursements.

Rappelons enfin que, selon le traité de Versailles, l’Allemagne devait payer aux alliés 20 milliards de marks-or (MdMo) avant mai 1921 puis 5 milliards d’ici le 31 décembre 1922, soit 25 MdMo. Elle n’en a versé en fait que 7,5 puis 2,9 MdMo, soit 10,4 MdMo, somme sur laquelle la France n’a touché que 2 MdMo environ en raison de la priorité de remboursement belge.

Le 11 janvier 1923, 47 000 hommes dans cinq divisions, trois françaises et deux belges, traversent la zone démilitarisée et occupent la Ruhr (Ruhrbesetzung), base de la puissance industrielle allemande. Une vague d’indignation secoue alors toutes les couches de la population dans le Reich vaincu. Le chancelier allemand Wilhelm Cuno proteste et appelle ses concitoyens à la « résistance passive » (passiver Widerstand) face à l’occupation. Mais les Français ripostent en faisant tirer sur des grévistes et en instaurant une barrière douanière entre la Ruhr et le reste de l’Allemagne.

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Par l’appel à la résistance passive, toute la vie économique de la région occupée fut paralysée. Les hauts fourneaux furent éteints et les mines fermées. Les cheminots se mirent en grève et les fonctionnaires allemands s’en tinrent à la convention prise, d’éviter tous contacts avec les autorités occupantes. Pour transporter les minerais et le charbon de la Ruhr vers la France, des milliers de techniciens et de cheminots furent mobilisés pour travailler dans la région occupée. Mais dès que les transports se remirent à rouler, des vétérans allemands, dont d’anciens combattants des corps francs comme Heinz Oskar Hauenstein et Albert Leo Schlageter, passèrent à la résistance active et organisèrent des actions de sabotage. Ils firent sauter des ponts, des lignes de chemin de fer et des canaux pour empêcher le transport vers l’étranger des biens économiques allemands. Le 12 mars, les deux premiers Français sont assassinés.

Les autorités occupantes réagirent avec dureté. La région occupée fut complètement verrouillée et la police allemande désarmée. Krupp et d’autres industriels furent condamnés à quinze ans de prison. Partout des confrontations sanglantes eurent lieu. Le 31 mars, la direction des usines Krupp, d’Essen, a excité les ouvriers contre un détachement français qui opérait des réquisitions ; celui-ci tire pour se défendre : on relève 13 tués et 30 blessés. L’incident fut exploité par la propagande allemande. D’innombrables citoyens furent arrêtés ou expulsés. Lorsque les Français arrêtèrent Schlageter suite à une trahison, alors qu’il venait de faire sauter un pont près de Calkum, tous les recours en grâce furent inutiles, les Français voulant faire un exemple. L’officier de la Grande Guerre, âgé de 28 ans, fut fusillé le 26 mai.

A Francfort, les manifestations d’hostilité de la foule envers les soldats coloniaux honnis s’achèvent par un drame le 7 avril : des tirailleurs malmenés font usage de leurs armes pour se dégager et abandonnent morts et blessés sur la chaussée. Pour les Allemands, qui parlent de dix morts et de trente blessés, les Marocains ont tiré sans motif sur des civils désarmés, mais pour les Français, les tirailleurs sont tombés dans un vrai guet-apens ”provoqué sur ordre de Berlin”. Le général Mordacq justifie la tuerie sans états d’âme :  ”Cette leçon calma complètement la population qui, jusqu’à la fin de l’occupation, ne récidiva plus. En présence de la force, les Allemands s’inclinent toujours.” L’émoi est considérable pourtant, autant en Allemagne qu’à l’étranger, et l’implication de soldats indigènes ne fait qu’augmenter l’indignation. En France même, les journaux socialistes, hostiles à la politique militariste et à la paix de Versailles, se déchaînent. L’Humanité ironise : “Ainsi qu’il fallait s’y attendre, le sang a coulé, avant-hier, dans les rues de Francfort, où les vaillantes troupes marocaines, auxquelles est confiée là-bas la cause de la civilisation et du droit, [...] ont gagné sans péril un supplément de gloire.”

La résistance se poursuivit néanmoins sans discontinuer. Ainsi, le 10 juin à Dortmund, deux officiers français furent abattus en pleine rue. La réaction des Français coûta la vie à sept civils.

inflation allemagne 1923

Exécution de Heinz Oskar Hauenstein

Les tentatives françaises de détacher des régions rhénanes du Reich avec l’aide de mouvements séparatistes ne connurent aucun succès. Des attentats perpétrés contre des chefs séparatistes et la résistance de toute la population ruinèrent ces tentatives. Le 26 septembre, le nouveau chancelier déclare que la résistance passive doit se terminer. À ce moment-là, 132 Allemands avaient été tués; onze d’entre eux avaient été condamnés à mort mais un seul avait été exécuté. 150 000 personnes avaient été expulsées de la région; d’innombrables autres avaient écopé d’amendes ou avaient subi des peines de prison.

Galerie photos, en vrac…

“L’ingénieur et le douanier français” – L’Illustration 13 janvier 1923

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

À Essen :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

À Dortmund :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

La “Kommandantur” française à Essen :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

La résistance anti-française dans la Ruhr

Rassemblement de 500 000 Berlinois contre l’occupation de la Ruhr à la KonigsPlatz le 14 janvier 1923 :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Ouvriers en grève :

“Ici, on ne sert pas les Français ni les Belges”

affiche allemandeOccupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Une affiche allemande appelant à la résistance passive durant la crise de la Ruhr : “Non, vous ne me soumettrez pas”!

affiche allemande Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

« Le droit est mort, vive la brutalité ! », Kladderadatsch, 1923. Ce journal satirique présente une Marianne revêtue de l’uniforme français en train d’assassiner une femme qui est probablement Germania. Marianne est présentée comme une prostituée immorale et diabolique. En arrière-plan, les usines de la Ruhr, prises par les Français comme gage des réparations financières décidées par le traité de Versailles.

affiche allemandeOccupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

“Les mains de la Ruhr !”

affiche allemande Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

“Le massacre d’Essen : Bah, la conscience mondiale ! Mon avocat s’appelle Poincaré” (Dans Simplicissimus. Heine Thomas Theodor)

Le 10 avril 1923, enterrement des ouvriers Krupp tués par les Français à Essen :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Traces de la mitraille sur le mur de l’usine Krupp

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Enterrement des deux adjudants français tués par un policier allemand le 10 juin :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Discours du général Jean-Marie Degoutte, commandant en chef de l’armée du Rhin

Démonstration de chasseurs alpins suite au meurtre des deux soldats :

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Plaque commémorative sur un passage souterrain de RuhrtalBahn (SNCF locale) pour une victime de l’occupation de la Ruhr à Wenger, Wetter (Ruhr) :

“Le 15 VIII 1923 est tombé dans la lutte pour la Ruhr, victimes de Occupation dans l’accomplissement son devoir, le serrurier de Reichsbahn Ernst B [illisible], de Witten”

 

D’autres dessins à connotation raciste présentaient les troupes françaises comme presque exclusivement composées de soldats coloniaux barbares et violeurs. Rappelons que sur les 250 000 soldats français en Rhénanie en 1920, seuls 25 000 étaient non-européens (surtout nord-africains), dont seulement 5 000 étaient noirs.

La « force noire », qui désigne les troupes africaines, devient sous la plume des journalistes « la honte noire » (Schwarze Schmach), qui apparaît lors de l’occupation de la Rhénanie (conformément au traité de Versailles). On retrouve là un des poncifs de la pensée coloniale qui considère l’Africain comme incapable de réprimer ses instincts sexuels. L’idée d’abâtardissement de la race allemande par le métissage est aussi sous-jacente. Pour beaucoup, les coloniaux seraient en outre porteurs de maladies exotiques ou sexuelles.

Après une première vague d’indignation vers mars 1919, tout débuta véritablement en avril 1920. Contrevenant aux clauses du traité de Versailles, la Reichswehr était entrée dans la région de la Ruhr pour mater les ouvriers insurgés depuis le putsch de Kapp. Les Français occupaient alors en représailles Francfort et Darmstadt. Des troupes marocaines, prises de panique, tirèrent à la mitrailleuse dans la foule lors d’une manifestation, causant plusieurs morts. Dès lors, la campagne se radicalisa.

Lancée à l’origine par la presse d’extrême-droite allemande, cette rumeur fut reprise par les autorités gouvernementales, qui y virent un moyen de contester le bien-fondé de l’occupation de la Rhénanie, le gouvernement français étant accusé de soumettre une population occidentale blanche au joug de ressortissants de peuples « primitifs. L’objectif du gouvernement allemand était de convaincre les alliés de la France (États-Unis et Angleterre, …), que celle-ci se comportait d’une manière indigne d’une nation civilisée.

La gouvernement allemand indiqua dans une note interne : « L’Allemagne a tiré les enseignements du conflit mondial ; elle sait le poids des opinions publiques et l’impact d’une propagande massive dans la bataille diplomatique qui l’oppose à la France. En montrant la France comme une nation belliqueuse, assoiffée de revanche, qui ne pense qu’à « humilier » et « asservir » l’Allemagne, le Reich entend déstabiliser la position de la France dans les négociations de l’après-guerre. Sont notamment en jeu l’occupation du territoire et le paiement des réparations… » (Le Naour) Il émit ensuite une protestation officielle, via les autorités suisses : «la mise en place de troupes de couleur en territoire allemand est une insulte au sentiment de la communauté de la race blanche. Ce sentiment devrait aussi animer nos adversaires qui ont déclaré vouloir fonder une Société des nations»

On lit alors dans les Frankfurter Nachrichten du 7 juillet 1921 : «Des jeunes filles ont été conduites chez des médecins sans connaissance et les veines presque vides de sang. Les Noirs coupent souvent les artères à leur victime ou les mordent et sucent ensuite leur sang. Ce sont évidemment des bêtes sauvages. »

En France, le journal Le Populaire s’emporta : “Quel est le crétin, l’intégral crétin [...] qui a trouvé bien glorieux de loger dans la maison de Goethe des Noirs également remarquables pour leur courage à tout faire, pour leur excellence à propager la vérole, pour leur inaptitude à bien articuler un langage européen, et pour leur ignorance, et partant leur mépris pour l’auteur de Faust?

Le Commissariat général des troupes noires, chargé depuis le 11 octobre 1918 de la tutelle morale et matérielle des troupes noires en service en Europe, fit procéder en Rhénanie, en février, juin et septembre 1921, à des enquêtes. Ces enquêtes démontrent le caractère totalement infondé de ces diverses accusations. En 1922, le capitaine Bouriand est chargé par l’État-major français de mener une enquête sur La campagne allemande contre les troupes noires  (les Anglais et les Américains feront la même chose par la suite) : «En plus d’un an de séjour, il n’y a eu qu’une plainte et la plainte faute de preuves a été suivie d’un acquittement par le conseil de guerre», notera-t-il, en précisant que les troupes sénégalaises avaient quitté le Rhin au 1er janvier 1920, et les troupes malgaches, le 1er novembre 1921. Dans un courrier, -et les Américains arriveront à la même conclusion- il dénoncera la propagande politique allemande et ses «tracts calomnieux».

Le ministre des Affaires étrangères socialiste Adolf Köster alla pourtant jusqu’à dénoncer « le danger sanitaire que fait peser sur l’Allemagne et l’Europe le recours aux cinquante mille hommes d’une race étrangère » (NdR : chiffre exagéré, le nombre réel n’en a jamais dépassé la moitié) alors que le président socialiste de la République Friedrich Ebert affirma qu’« il faut que soit proclamé dans le monde que les habitants de la Rhénanie considèrent l’utilisation de troupes noires de la plus basse culture, pour contrôler une population représentant une haute civilisation et une puissante économie, comme une atteinte insolente aux lois de la civilisation européenne ».

Mais ce qui n’est encore que protestations isolées se transforme en vaste mouvement d’opinion et de pression à la suite d’un article de l’anticolonialiste anglais Edmund Morel dans le Daily Herald. Le 10 avril paraît à la une de ce quotidien du Labour Party un long article au retentissement formidable dénonçant «le fléau noir en Europe» : non contents d’employer pendant la guerre «des centaines de milliers de barbares africains primitifs qui remplissaient leurs musettes d’yeux, d’oreilles et de têtes de l’ennemi», les militaristes français inondent l’Allemagne occupée de troupes noires, au nombre de 30 à 40 000 rien que dans le Palatinat. «Ils y sont devenus un effroi et une épouvante pour toute la population par le viol des femmes et des jeunes filles.» L’horreur ne s’arrête pas là puisque le viol est suivi «presque toujours» de la maladie, étant donné que les Noirs ont tous la syphilis. Enfin, Morel s’attarde sur les disparitions, les fameux cadavres découverts dans le fumier d’une caserne, l’ignoble contrainte pesant sur les municipalités mises en demeure d’ouvrir des maisons de tolérance et de les pourvoir en jeunes filles et en jeunes garçons, les suicides des femmes déshonorées par les Noirs. «Les choses sont de telle nature que des étrangers les jugeraient de pure invention qu’elles soient imprimées ou racontées», ajoute-t-il pour mieux convaincre. Les Noirs sont-ils pour autant les vrais responsables de ces atrocités quotidiennes? Les militaristes français sont en effet bien plus coupables: ils ont recruté leurs troupes coloniales parmi les peuples les plus primitifs, à dessein, et les laissent libres de violenter la population civile, leurs instincts ne pouvant être contrôlés. Il est vrai que «les races africaines sont de toutes les races les plus sexuellement développées. [...] Elles sont insatiables sur le plan sexuel. C’est un fait parfaitement connu

Ce sont d’abord les socialistes qui ont relayé les propos d’Edmund Morel, et il n’est pas rare que leurs journaux aient traduit fidèlement l’article du Daily Herald. Dès le 11 avril, en France, le socialiste Jean Longuet en donne communication dans un meeting réunissant féministes et internationalistes. Deux jours plus tard, il livre un article violent au Populaire qui lui vaudra les poursuites du ministre de la Guerre : «Les révélations douloureuses publiées par E. D. Morel, dans le Daily Herald, viennent souligner le scandale de l’emploi de demi-sauvages d’Afrique comme troupes d’occupation en un pays européen. Les viols accompagnés des pires violences – voire de véritables assassinats -, les terribles progrès faits par les maladies vénériennes, et en particulier par la syphilis, parmi les jeunes femmes du bassin de la Sarre et de la rive gauche du Rhin, livrées à toute la brutalité des Sénégalais et des Marocains, voilà quelques-uns des crimes que le Daily Herald dénonce.»  (Le Naour)

On lira donc avec effroi ce pamphlet du journaliste britannique socialiste E.D. Morel : The Horror on the Rhine, paru à la suite des articles en 1920, monument de propagande… (si quelqu’un peut trouver une version française…)

Au vu de la vive émotion internationale (en particulier aux États-Unis), le gouvernement, en même temps qu’il rejetait comme calomnieuses ces accusations, remplaça piteusement les troupes coloniales (Sénégalaises, Marocaines, Malgaches) progressivement stationnées sur le Rhin par des troupes métropolitaines, y-compris les troupes antillaises, lesquelles, ulcérées, protestèrent à l’Assemblée par la voix du député de la Martinqiue Gratien Candace.

 

En Allemagne, cette campagne de propagande fut répercutée par des films, pièces de théâtre, romans, affiches, etc.

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

“Occupation française de la Ruhr”, brochure illustrée de A.M. Cray, 1923.

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzunglocar

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

Elle fut ensuite reprise par Adolf Hitler :

« Car il faut qu’on se rende enfin clairement compte de ce fait : l’ennemi mortel, l’ennemi impitoyable du peuple Allemand est et reste la France. [...] C’est pour cette raison que la France est, et reste, l’ennemi que nous avons le plus à craindre. Ce peuple, qui tombe de plus en plus au niveau des nègres, met sourdement en danger, par appui qu’il prête aux Juifs pour atteindre leur but de domination universelle, l’existence de la race blanche en Europe. Car la contamination provoquée par l’afflux de sang nègre sur le Rhin, au coeur de l’Europe, répond aussi bien à la soif de vengeance sadique et perverse de cet ennemi héréditaire de notre peuple qu’au froid calcul du Juif, qui y voit le moyen de commencer le métissage du continent européen en son centre et, en infectant la race blanche avec le sang d’une basse humanité, de poser les fondations de sa propre domination. Le rôle que la France, aiguillonnée par sa soif de vengeance et systématiquement guidée par les Juifs, joue aujourd’hui en Europe, est un péché contre l’existence de l’humanité blanche et déchaînera un jour contre ce peuple tous les esprits vengeurs d’une génération qui aura reconnu dans la pollution des races le péché héréditaire de l’humanité. » [Adolf Hitler, Mein Kampf]

Le récit de ces atrocités rencontre un immense écho dans toute l’Allemagne. Seules les enquêtes internationales menées permettront de convaincre les démocrates, les socialistes, les féministes germaniques de l’inanité de telles affirmations. Pour autant, le gouvernement allemand ne formule pas de protestations. Les ligues nationalistes n’abandonnent pas leur campagne de dénigrement et mènent une intense propagande (conférences, diffusion de tracts).

Dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir a lieu le recensement des métis allemands. Une des lois de Nuremberg édictées par le régime national-socialiste en 1935 dispose, en son article 13 que « la terre ne peut appartenir qu’à celui qui est de sang allemand ou apparenté. N’est pas de sang allemand celui qui a, parmi ses ancêtres, du côté paternel ou du côté maternel, une fraction de sang juif ou de sang noir ». Les Afro-Allemands sont alors déchus de leur nationalité, leurs passeports sont confisqués et les études universitaires, le service militaire et les bains publics leur sont progressivement interdits, ainsi que le mariage avec des Allemands; ceux prononcés antérieurement sont même progressivement annulés. En 1937, les Nazis lancèrent une loi instituant la stérilisation forcée des métis allemands : la moitié de ces adolescents “bâtards du Rhin” (RheinlandBastarde) furent effectivement stérilisés (environ 400) – pour donner une apparence de légalité, 90 % des mères donnèrent leur accord, menacée sinon de camp de rééducation. Les massacres de tirailleurs sénégalais prisonniers en 1940 ont également été décrits comme étant une conséquence de cette campagne de propagande de l’immédiat après-guerre.

Sources :

Jean-Yves Le NaourLa Honte noire : L’Allemagne et les troupes coloniales françaises, 1914-1945, Hachette, Paris, 2004.

Jean-Yves Le Naour, Synthèse sur la Honte Noire, 2006

À suivre dans le prochain billet : L’hyperinflation allemande de 1923

Source: http://www.les-crises.fr/reparations-2-l-occupation-de-la-ruhr/


Actu’Ukraine 27/10/2015

Tuesday 27 October 2015 at 00:00

ACTU’UKRAINE DU 19 AU 25 OCTOBRE 2015

FOCUS : LES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET RÉGIONALES

Le dimanche 25 octobre eurent lieu les élections municipales et régionales. Elles sont importantes car les prochaines lois sur la décentralisation vont augmenter les pouvoirs des élus locaux.

Le maire de Kiev, Vitaly Klitchko, vote avec sa femme Natalie et son frère Vladimir.

La nouvelle loi électorale du 14 juillet 2015 comporte quelques nouveautés. Le seuil minimum pour avoir un élu est fixé à 5% des voix au lieu de 3%. Les partis doivent présenter au moins 30% de femmes sur leurs listes, mais aucune sanction n’est prévue si cette condition n’est pas remplie. Un deuxième tour est prévu le 15 novembre, dans 35 grandes villes, si aucun candidat n’obtient plus de 50% au premier tour.

Pour voter, il faut cocher des cases sur plusieurs pages, comme le fait Ioulia Timochenko avec son mari.

Certaines conditions sont défavorables aux Ukrainiens de culture russe.

Les hommes de pouvoir en place peuvent contrôler plus ou moins directement les commissions électorales locales pour qu’elles soient scrupuleuses ou pas à l’égard de certaines infractions au moment du vote ou du décompte des voix. Quelques irrégularités seront mises en évidences dans les paragraphes des journées ci-dessous.

Résultats

La fin du dépouillement du premier tour est prévu pour le 4 novembre et les résultats doivent être annoncés dans les 5 jours suivants. En 2010 à Odessa, le décompte avait duré très longtemps, ce qui avait fait penser que le résultat final aurait été arrangé (brianmefford.net). Pour le moment, on ne dispose que de sondages (bbc.com).

A Kiev, Vitaly Klitchko du parti de Porochenko est en tête avec 40% des voix. Il est suivi par trois candidats ayant chacun obtenu environ 10% des voix : Volodymyr Bondarenko du parti de Timochenko ; le propriétaire de restaurants, Serhiy Gusovsky de Samopomish (dirigé par le maire de Lviv) ; et Borislav Beriosa du Parti des Citoyens Résolus (Secteur Droit).

A Kharkov/Kharkiv, Gennady Kernes l’emporte dés le premier tour avec presque 60% des voix. C’est un score meilleur que prévu. Il est suivi par Taras Sitenko du parti Samopomish dont les 16% des voix constituent aussi un bon score pour ce parti qui n’était pas connu dans cette ville.

Le maire sortant de Kharkov/Kharkiv, Kernes, surnommé, Gepa, vient voter. Il est en fauteuil roulant depuis qu’il a reçu une balle dans le dos, le 28 avril 2014, par un tireur non identifié.

A Odessa, le maire sortant Gennadiy Trukhanov obtient 48% des voix. Il est suivi par Sacha Borovik de Samopomish soutenu par Saakachvili, dont les 31% sont un très bon score. Le troisième est Edouard Hurvits, qui déçoit avec seulement 10%, alors qu’il avait fait près de 50% en 2010 (news.pn).

A Dniepropetrovsk, Boris Filatov du parti Ukrop financé par Kolomoïsky obtient 40%, devant Alexandre Vilkul avec 33%, ancien vice premier ministre de Ianoukovitch, soutenu par Rinat Akhmetov et Viktor Pintchouk.

A Lviv, le maire sortant, Andri Sadovy, chef de Samopomish, est juste en dessous de 50%. Il est suivi de Ruslan Koshulynskoho du parti Svoboda.

Des résultats plus précis devraient être consultables bientôt sur uk.wikipedia.org et ru.wikipedia.org.

LUNDI 19 OCTOBRE 2015

Problème de bulletins de vote à Marioupol

Des activistes patriotes sont entrés de force dans l’imprimerie, appartenant à Rinat Akhmetov, qui est chargée d’imprimer les bulletins de vote (dialog.ua). Le leader des “forces démocratiques”, Petr Andriouchenko, a écrit sur sa page facebook (facebook) : “Nous avons passé le premier cordon (NDR: de policiers). Le directeur de l’imprimerie se cachait dans les locaux de l’imprimerie. Les bulletins contestés se trouvaient devant nous, empaquetés. Il y avait aussi des clichés détruits et des parties de bulletins. Nous exigeons la tenue d’une réunion extraordinaire de la commission électorale territoriale et l’entrée dans la commission de contrôle de représentants de tous les participants au processus électoral.” Cette affaire est étrange. Comment les activistes ont-ils eut l’idée d’aller dans l’imprimerie ? Pourquoi Akhmetov saboterait l’impression des bulletins de vote des “patriotes” ? La population de Marioupol soutient largement Akhmetov et très peu les partisans d’EuroMaidan qui refuse que la langue russe soit une langue régionale officielle. Pour rappel, au dernier recensement, en 2001, 89,53% des habitants de Marioupol déclaraient avoir pour langue maternelle la langue russe, et seulement 9,87% la langue ukrainienne. Aux élections de 2010, le parti des Régions avait obtenu 52%, loin devant le Parti communiste 9% et le Front pour le changement 8% (ru.wikipedia.org). Au cours de la semaine, une autre imprimerie sera proposée. Finalement, l’élection sera annulée (lefigaro.fr).

 

MARDI 20 OCTOBRE 2015

Attaque des forces armées ukrainiennes sur une position des soldats de la DNR des abords de Donetsk

Les combats ont duré une heure et demie, un rebelle a été tué (ria.ru).
Mais Edouard Bassourine, le porte-parole des milices de la DNR a déclaré que cette attaque – qui a été repoussée par les rebelles – n’aurait aucun impact sur le déroulement du retrait des armes de moins de 100 mm (vegchel.ru).

Gorlovka a besoin de l’électricité de produite du côté ukrainien

Des négociations sont en cours pour rétablir une ligne à haute tension dont a besoin la ville de Gorlovka, et plus particulièrement une usine de production mécanique qui emploie 2500 personnes à Kirov dans sa banlieue (). Nous avions déjà parlé d’un problème similaire pour la ville de Lougansk qui dépend d’une usine électrique qui se trouve de l’autre côté de la ligne de démarcation.

L’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe

Carte de la richesse par pays selon une étude de la banque Crédit Suisse.

L’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe, suivi par la Biélorussie. Les résultats détaillés sont consultables dans un document PDF téléchargeable depuis la page credit-suisse.com.

 

MERCREDI 21 OCTOBRE 2015

Blocus économique de la Crimée (suite)

Dans la nuit de mardi 20 à mercredi 21, des inconnus ont tenté de faire sauter deux pylônes de la ligne haute-tension Melitopol-Dzhanka qui alimente la Crimée en électricité (dnr-news.com). Ils ont été abîmés mais ne sont pas tombés. D’après les constatations faites sur place, l’acte aurait été perpétré à l’aide d’un mortier de 82 mm.

Yatseniouk met en accusation 8 juges du tribunal constitutionnel

Au cours d’une session du gouvernement, le premier ministre Arseni Yatseniouk a annoncé que l’effectif actuel du tribunal constitutionnel n’a pas le droit d’examiner la loi sur la lustration, car huit juges parmi ceux qui le composent tombent sous le coup de la lustration. Entre 2010 et 2013, ces juges ont pris cinq décisions qui ont permis à Viktor Yanoukovitch d’avoir le contrôle sur tous les organes du pouvoir (pravda.com.ua).

 

JEUDI 22 OCTOBRE 2015

Fraude électorale déjouée à Ternopol

Les forces de l’ordre ont découvert, dans les locaux de l’une des imprimeries de Ternopol, environ 1800 bulletins de vote mis de côté, ainsi que huit clichés, communique le service de presse du ministère des affaires étrangères (novosti.dn.ua).

Des affiches électorales

Les amateurs d’art graphique, de publicité, et de portraits sérieux trouveront une grande sélection d’affiches diverses et variées sur la page colonelcassad.

 

VENDREDI 23 OCTOBRE 2015

Porochenko présente le nouveau chef des Douanes d’Odessa


Ioulia Maroushevskaïa s’est tout d’abord illustrée lors des manifestations de la place Maïdan, en tournant une vidéo intitulée “Im an Ukrainian” (en.wikipedia.org). Après des études littéraires à Kiev et à l’université de Stanford en Californie, elle s’est mariée avec l’homme d’affaires de Lviv, Markian Protsiv, directeur commercial de la chaîne de télévision “24″ (podrobnosti.ua).

 

SAMEDI 24 OCTOBRE 2015

Combats à Shirokino entre soldats ukrainiens

Un conflit armé s’est déclenché la nuit du 23 au 24 octobre entre des détachements des FAU (Forces armées ukrainiennes) qui sont déployées dans la région de Shirokino. Ces heurts ont duré plusieurs heures (eadaily.com).

Vol de bagages

Un observateur britannique des élections, Lord Richard Balfe, ancien député conservateur au parlement européen, s’est fait volé ses bagages lors de son trajet en avion entre Kiev et Dniepropetrovsk, soit au départ, soit à l’arrivée. Une enquête a été ouverte (bbc.com). Il avait déjà surveillé les élections en Ukraine en 2004, 2007, et 2014, mais c’est la première fois qu’il se fait voler (a href=”http://news.bbc.co.uk/democracylive/hi/representatives/profiles/27663.stm”>bbc.co.uk).

 

DIMANCHE 25 OCTOBRE 2015

Elections régionales

Les bureaux de vote ont ouvert à 8h du matin et se sont fermés à 18h00 (heure d’hiver, car l’Ukraine fait le changement d’heure en même temps que les pays d’Europe, contrairement à la Russie qui ne change pas d’heure).

La participation globale s’élève à 46,62%. Elle est plus forte à l’ouest, dans les oblasts de Ternopil (56,50%) et de Lviv (56,31%), et plus faible à l’est, dans les oblasts de de Lougansk (35,27%) et de Donetsk (31,65%) (pravda.com.ua).

Le Ministère de l’intérieur a initié 450 procédures pénales pour irrégularités (pravda.com.ua). Quelques exemples :

Coup de balai dans les services fiscaux ukrainiens

Arseni Yatseniouk annonce que lundi 26 octobre, 42% de l’effectif des chefs de haut rang des services fiscaux d’état seront démis de leurs fonctions en application de la loi sur la “lustration” (pravda.com.ua). Ce sont des agents du fisc et des douanes. Un certain nombre d’entre eux ont demandé à partir d’eux-mêmes.

Journée du drapeau à Donetsk

Dix mille personnes se sont rassemblées sur la place principale de Donetsk à l’occasion de la journée du drapeau de la République. La foule a entonné “Le Donbass parle russe, longue vie à notre Donbass”. Des élections y sont prévues le 20 avril 2016.

 

Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-27102015/


[Réparations 1] Les réparations allemandes de la première guerre mondiale

Monday 26 October 2015 at 01:32

Début d’une grande série Histoire aujourd’hui (qu’on peut d’ailleurs relier à l’actualité) : les réparations financières allemandes liées à la première guerre mondiale, et leurs conséquences…

Le traité de Versailles de 1919

Tout d’abord, je vous propose une version complète du traité de Versailles (cliquez sur l’image ou le lien) :

Téléchargez ici le traité de Versailles en pdf  (version en ligne ici)

Rappelons que ce traité de paix entre l’Allemagne et les Alliés à été signé le 28 juin 1919 à Versailles :

Pour l’anecdote, l’original a été perdu durant la seconde guerre mondiale…

Il prévoit de nombreuses dispositions territoriales, militaires et économiques – que vous pouvez consulter ici sur Wikipédia.

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

 

Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Elles sont prises sur le fondement de l’article 231, qui a causé tant de problèmes par la suite, étant en effet assez rude (la Russie tsariste n’a pas été non plus que blanche dans cette affaire…)  :

Article 231.

Les Gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés.

En conséquence, le traité prévoit :

Article 232.

Les Gouvernements alliés et associés reconnaissent que les ressources de l’Allemagne ne sont pas suffisantes en tenant compte de la diminution permanente de ces ressources qui résulte des autres dispositions du présent traité, pour assurer complète réparation de toutes ces pertes et de tous ces dommages.

Les Gouvernements alliés et associés exigent toutefois, et l’Allemagne en prend l’engagement, que soient réparés tous les dommages causés à la population civile de chacune des puissances alliées et associées et à ses biens pendant la période où cette puissance a été en état de belligérance avec l’Allemagne [...]

Article 233.

Le montant desdits dommages, pour lesquels réparation est due par l’Allemagne, sera fixé par une commission interalliée qui prendra le titre de commission des réparations [...] .

Les conclusions de cette commission, en ce qui concerne le montant des dommages déterminés ci-dessus, seront rédigées et notifiées au Gouvernement allemand le 1er mai 1921 au plus tard, comme représentant le total de ses obligations.

La commission établira concurremment un état de payements en prévoyant les époques et les modalités de l’acquittement par l’Allemagne de l’intégralité de sa dette dans une période de trente ans, à dater du 1er mai 1921. Au cas cependant où, au cours de ladite période, l’Allemagne manquerait à l’acquittement de sa dette, le règlement de tout solde restant impayé pourra être reporté aux années suivantes, à la volonté de la commission, ou pourra faire l’objet d’un traitement différent, dans telles conditions que détermineront les Gouvernements alliés et associés, agissant suivant la procédure prévue à la présente partie du présent traité.

Article 235

Afin de permettre aux puissances alliées et associées d’entreprendre dès maintenant la restauration de leur vie industrielle et économique, en attendant la fixation définitive du montant de leurs réclamations, l’Allemagne payera, pendant les années 1919 et 1920 et les quatre premiers mois de 1921, en autant de versements et suivant telles modalités (en or, en marchandises, en navires, en valeurs ou autrement} que la commission des réparations pourra fixer, l’équivalent de 20.000.000.000 (vingt milliards) marks-or à valoir sur les créances ci-dessus ; sur cette somme les frais de l’armée d’occupation après l’armistice du 11 novembre 1918 seront d’abord payés, et telles quantités de produits alimentaires et de matières premières, qui pourront être jugées, par les Gouvernements des principales puissances alliées et associées, nécessaires pour permettre à l’Allemagne de faire face à son obligation de réparer, pourront aussi, avec l’approbation desdits Gouvernements, être payées par imputation sur ladite somme. Le solde viendra en déduction des sommes dues par l’Allemagne à titre de réparations.

John Maynard Keynes était le représentant officiel du Trésor anglais à la conférence de paix de Paris, avant d’en démissionner.  Il écrivit, en 1919, un ouvrage basé sur ses objections Les Conséquences économiques de la paix. Il ajouta qu’il croyait « que la campagne pour faire payer l’Allemagne, l’ensemble des frais de la guerre était l’un des actes les plus graves manquant de sagesse politique que nos hommes d’État eut déjà été responsable » et qualifia le traité de « paix carthaginoise » qui affecterait économiquement toute l’Europe ». Keynes déclara que les sommes des réparations du traité « dépassaient généralement la capacité de l’Allemagne » à payer et affirma que 10 milliards de dollars était le « chiffre maximal » (environ 40 Milliards de marks-or), mais même alors, il ne « croyait pas que [l'Allemagne pouvait] payer autant »

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

honte noire schwarze schmach Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung

Le mythe du “coup de poignard dans le dos”

L’évaluation des dommages : 1919-1921

La constitution de Weimar fut adoptée ne 1920. Rompant avec la tradition de décentralisation de l’Allemagne impériale, elle concentrait les pouvoirs fiscaux entre les mains du gouvernement central. Les nouveaux barèmes élargissaient l’assiette fiscale et prévoyaient des taux d’imposition nettement plus élevés que par le passé.

Si ceci a été possible, c’est que les Allemands pensaient que le coût des réparations serait élevé, mais supportable. Ils tablaient sur un montant équivalent à l’indemnité française de 1871, additionnée d’une fraction de la dette interalliée – espérant que les États-Unis annuleraient une grande partie de cette dette. Il tablaient donc sur 20 milliards de marks-or, et on fait une première offre de 10-15 MdMo. Mais les alliés étaient bien loin de ce chiffre…

L’évaluation de la réparation des dommages posait évidemment de gros problèmes.

Le ministre français des Régions Libérées d’alors, Charles Reibel, indiqua dans un rapport, que la France avait à reconstruire 280 147 maisons et 4084 établissements industriels, à réparer 422 736 maisons, 53 976 km de routes et 1112 km de voies navigables en plus d’avoir à remettre en valeur 3337000 hectares de terres de culture. Les coûts reliés à ce nécessaire effort de reconstruction, en plus des pensions à verser aux Français victimes de la guerre, étaient estimés à 170 milliards de marks-or.

On a ici une évaluation générale desdits dommages (Vogelgsang, 2014) :

On arrive ainsi à un coût de 145 Md$ pour les alliés – soit environ 600 milliards de marks-or. On note aussi les 63 Md$ pur les empires centraux.

Lors des conférences préparatoires de San-Rémo, Lympne, Boulogne, Bruxelles permirent d’avancer. L’idée d’un paiement fixe minimal annuel en marks-or prit forme.

La conférence de Spa fit alors suite en 1920 au traité de Versailles « pour discuter l’application pratique du chapitre des réparations ». On y décida de la répartition des réparations – non encore fixées. Les indemnités de guerre seraient ainsi versés à :

Lors de la conférence, les Français estiment que le montant total des dommages subis par les Alliés s’élève à 226 milliards de marks-or, chiffre refusé par l’Allemagne. En conséquence, la France occupa le 8 mars 1921 Dusseldorf, Duisburg et Ruhrort.

Lors de la conférence de Londres de mars 1921, les Allemands estimèrent que leur pays pourrait payer 50 milliards de marks-or, pour eux 20 ayant déjà été versés à cette date.

La Conférence de Londres d’avril-mai 1921

La commission des réparations ne l’entendait évidemment pas de cette oreille…

En février 1921, elle consolida les demandes des Alliés :

On arrivait à 213 MdMo (milliards de marks-or).

Ceci étant, elle se rendit compte que les demandes de la Roumanie, de l’Italie et d’autres pays étaient irréalistes.

Elle prit donc le chiffre France+Royaume-Uni+Belgique, soit 144,3 MdMo, et utilisa une bonne vieille règle de trois, vu que ces pays avaient 82 % de la créance d’après les accords de Spa. Elle arriva à 176 MdMo :

De nouveau réunis à Londres, en avril 1921, les Alliés eurent une discussion de marchands de tapis à propos du montant total des dommages de guerre (Vogelgsang, 2014) :

Finalement, la commission se fixa sur un compromis suggéré par les Belges, et fixa la facture à 132 milliards de marks-or. le 27 avril 1921.

Les Alliés lancèrent alors un ultimatum à l’Allemagne le 5 mai :

Grosse précision, la série C ne serait honorée que si la Commission le juge possible en fonction des capacités de l’Allemagne.

En fait, ceci a fait dire à certains historiens, comme Sally Marks, que ces bons C étaient “chimériques”, que les 50 MdMo des séries A+B correspondaient à l’estimation que les Alliés faisaient de la capacité réelle de l’Allemagne à payer. Ces obligations fictives visaient à tromper l’opinion pour lui faire croire que les 132 MdMo seraient bien payés… Le montant réel des réparations était donc de 50 MdMo.

On peut rapprocher ce montant de l’indemnité due par la France en 1871 : 5 milliards de francs-or, à payer en 3 ans, soit 4 milliards de marks-or. Le montant facial du traité de Versailles était donc 33 fois plus élevé que l’indemnité de 1871, et 12,5 fois plus en pratique. L’indemnité de base, hors prêts interalliés, était égale à 4 fois celle de 1871.

Les difficultés de paiement

Au vu du montant astronomique des réparations, il y eu un début de révolte fiscale en Allemagne, l’État n’arrivant plus à faire rentrer correctement les impôts – et n’acceptant pas en pratique les paiements attendus des réparations. Il s’en suivit un financement par la Banque centrale, déclenchant une poussée d’inflation, qui a paralysé le système financier dont dépendait le transfert régulier des réparations.

Quand la Banque centrale faisait les fins, moyens puis débuts de mois de l’État… (Orléan)

L’été 1921, l’Allemagne paya le milliard convenu – principalement car ses postes de douane et la région de Düsseldorf était sous occupation alliée depuis le mois de mars.

Par la suite, l’Allemagne paya une petite partie de l’indemnité due en novembre 1921, puis effectua quelques autres petits paiements début 1922, puis cessa ses paiements en espèces, demandant un moratoire de deux ans et demi. Elle continua à réaliser des versements en nature (charbon, machines…), mais ils ne correspondaient jamais entièrement à ses engagements.

À ce moment, l’Allemagne entrait dans une spirale de dépréciation du mark. Les Allemands arguaient que c’était le montant des réparations qui détruisait leur monnaie, alors que les experts français et britanniques s’accordaient pour expliquer que l’Allemagne ruinait délibérément le mark, en partie pour éviter de douloureuses réformes budgétaires et monétaires, mais principalement pour échapper aux réparations.

La plupart des historiens estiment désormais que les experts alliés avaient raison ; en effet, l’inflation a commencé à surgir entre l’été 1921 et la fin 1922, alors que Allemagne payait très peu en réparations. De même, une période de basse inflation a accompagné la fin des années 1920, période où les plus forts paiements ont été effectués – les Allemands avançant même dans les années 1930 que les réparations causaient de la déflation… En fait, les archives de la chancellerie pour 1922 et 1923 montrent que les leaders allemands ont choisi de différer des reformes fiscales et monétaires pour obtenir une réduction substantielle des réparations. [Marks, 1973]

Le 16 avril 1922 fut signé en Italie le Traité de Rapallo entre l’Allemagne et l’URSS – deux pays placés jusque-là en “quarantaine diplomatique”. Traité par lequel ces pays renoncent aux réparations de guerre qu’ils se doivent l’une à l’autre, et rétablissent des relations diplomatiques et commerciales. Ce traité créa une psychose sécuritaire en France, ramenant la question rhénane au premier plan.

Les délégations allemande et soviétique à Rapallo

En réponse aux difficultés de paiement, la Commission des Réparations déclara le 22 décembre 1922 l’Allemagne en défaut pour ses livraisons de bois, puis le 9 janvier 1923 pour ses livraisons de charbon. Dans ce dernier vote, elle vota l’occupation de la Ruhr sous la pression française (France, Belgique, Italie votant pour – le Royaume-uni votant contre).

Dans notre prochain billet, nous nous intéresserons à l’occupation de la Ruhr

Source: http://www.les-crises.fr/les-reparations-allemandes-de-la-premiere-guerre-mondiale/


Revue de presse du 25/10/2015

Sunday 25 October 2015 at 09:00

Avec notamment cette semaine pas mal à entendre entre Michel Onfray “uncut” et le documentaire de Judith Absalem, mais aussi la politique étrangère française en question et les dettes dans le monde. Bonnes écoute et lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-25102015/


Qui est à blâmer pour le gâchis syrien ? Poutine ! Par Robert Parry

Sunday 25 October 2015 at 01:24

Source : Consortium News, le 13/09/2015

Exclusif : Un nouveau “groupe de réflexion” officiel de Washington est en train d’accuser le président de Russie, Poutine, d’être responsable de la crise syrienne, alors que ce sont les néoconservateurs et le président George W. Bush qui ont commencé à mettre le désordre actuel au Moyen-Orient en envahissant l’Irak, les Saoudiens qui ont financé Al-Qaïda, et les Israéliens qui ont comploté pour un « changement de régime », dit Robert Parry.

Par Robert Parry

Le sénateur Lindsey Graham s’est peut-être trompé sur à peu près tout ce qui concerne le Moyen-Orient, mais au moins il a l’honnêteté de dire aux Américains que la direction prise actuellement par la guerre en Syrie et en Irak exigera une ré-invasion de la région par les États-Unis et une occupation militaire pour une durée indéterminée de la Syrie, drainant la richesse américaine, tuant d’innombrables Syriens et Irakiens, et condamnant des milliers, sinon des dizaines de milliers de soldats américains.

La sombre prévision de Graham d’une guerre sans fin influera peut-être sur les intentions de vote pour sa personne que pour moins de un pour cent, signe que même les républicains aux discours violents ne sont pas désireux de revivre la guerre désastreuse en Irak. En ce qui concerne le désordre en Syrie, il y a, bien sûr, d’autres options, telles que la coopération avec la Russie et l’Iran pour résister aux conquêtes de l’État Islamique et de Al-Qaïda et un accord de partage du pouvoir négocié à Damas. Mais ces idées pratiques sont encore exclues.

Le “groupe de réflexion” officiel de Washington maintient toujours que le président syrien Bashar al-Assad “doit partir”, que les diplomates américains devraient simplement poser un ultimatum pour un “changement de régime”, ne pas s’engager dans un compromis sérieux, et que le gouvernement américain doit faire obstruction à l’aide de la Russie et de l’Iran, même au risque de faire s’effondrer le régime laïc d’Assad en ouvrant la porte à une victoire d’Al-Qaïda et de l’État Islamique.

Bien sûr, si cette victoire se produit, beaucoup de doigts accusateurs se lèveront, partageant le blâme entre le président Barack Obama, pour n’avoir pas été assez « dur », et le président russe Vladimir Poutine, qui, pour tout problème géopolitique, est devenu une sorte d’aimant attirant les accusations. Ce vendredi, lors d’un discours à Fort Meade dans le Maryland, Obama a carrément fait une déclaration publique attribuant les torts à Poutine.

Obama a accusé Poutine de ne pas s’être joint au mouvement pour imposer le « changement de régime » en Syrie que désirent les États-Unis. Mais le “Assad doit partir !” d’Obama comporte ses propres risques, comme cela devrait être évident à la suite des expériences américaines en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Ukraine. Evincer un « méchant » désigné ne conduit pas nécessairement à ce que ce soit un « bon gars » qui prenne la suite.

Le plus souvent, ce “changement de régime” produit un chaos sanglant dans le pays cible avec des extrémistes qui comblent le vide. L’idée que ces transitions peuvent être manipulées avec précision est une fiction arrogante qui est peut-être populaire dans les conférences des groupes de réflexion à Washington, mais la manœuvre ne fonctionne pas aussi bien sur le terrain.

Et, dans la construction du procès fait à Assad, il y a eu un élément de « communications stratégiques » – la nouvelle formule du gouvernement américain pour désigner un mélange d’opérations psychologiques, de propagande et de relations publiques. Le truc est d’user et d’abuser de l’information pour contrôler ce que perçoivent les Américains et la population mondiale afin de promouvoir les objectifs stratégiques de Washington.

Donc, même s’il est sûrement vrai que les forces de sécurité syriennes ont parfois riposté violemment dans cette guerre civile brutale, une partie de ce qu’on en a rapporté a été exagérée, comme les accusations à présent discréditées selon lesquelles les forces d’Assad auraient lancé une attaque au gaz sarin dans la banlieue de Damas le 21 août 2013. Les preuves amènent maintenant à la conclusion que ce sont les extrémistes islamistes qui ont mené une opération sous faux drapeau dans le but de leurrer Obama pour qu’il bombarde l’armée syrienne, une tromperie qui a presque fonctionné. [Voir Consortiumnews.com "The Collapsing Syria-Sarin Case."]

Encore bien avant, des observations indépendantes de la façon dont la crise syrienne s’est développée en 2011 révèlent que les extrémistes sunnites faisaient partie de la coalition de l’opposition depuis le début, tuant policiers et soldats syriens. Que cette violence, à son tour, a provoqué des représailles du gouvernement qui ont aggravé les divisions en Syrie en exploitant les ressentiments de la part de la majorité sunnite, qui s’était depuis longtemps sentie marginalisée dans un pays où alaouites, chiites, chrétiens et laïcs sont mieux représentées dans le régime d’Assad. [Voir "Origines cachées de la guerre civile en Syrie." de Consortiumnews.com]

Une solution évidente

La solution manifeste serait un arrangement de partage du pouvoir qui donne aux sunnites plus d’influence, mais ne nécessite pas immédiatement d’exiger d’Assad, qui est considéré comme le protecteur des minorités, de démissionner comme condition préalable. Si Obama optait pour cette approche, de nombreux opposants politiques sunnites d’Assad employés par les États-Unis pourraient être conviés à accepter un tel arrangement ou à perdre leur financement. Beaucoup si ce n’est tous rentreraient dans le rang. Mais cela nécessite qu’Obama abandonne son mantra “Assad doit partir !”.

Ainsi, alors que la voix officielle de Washington continue à tenir des propos durs contre Assad et Poutine, la situation militaire en Syrie continue de se détériorer avec l’État Islamique et la filiale d’Al-Qaïda, le Front al-Nosra, qui gagnent du terrain, aidés par un soutien financier et militaire des “alliés” régionaux des États-Unis, dont la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar et d’autres états du Golfe persique sunnite. Israël a également fourni une aide au Front al-Nosra, prenant soin des soldats blessés le long des hauteurs du Golan et bombardant les forces pro-gouvernementales à l’intérieur de la Syrie.

Le président Obama peut avoir l’impression que ses négociations avec l’Iran pour restreindre son programme nucléaire – alors que les dirigeants israéliens et les néoconservateurs américains sont favorables à une campagne de bombardement-boum-boum – l’ont mis dans l’obligation d’apaiser Israël et l’Arabie Saoudite, y compris dans le soutien qu’apportent ces deux pays au « changement de régime » qu’ils désirent en Syrie, et en tolérant l’invasion menée par l’Arabie au Yémen. [Voir Consortiumnews.com "On Syria, Incoherence Squared."]

On m’a dit en privé qu’Obama a été d’accord avec le soutien accru de Poutine au régime d’Assad – et peut-être même l’a encouragé, réalisant que c’est là le seul véritable espoir d’éviter une victoire sunnite extrémiste. Mais publiquement Obama sent qu’il ne peut pas approuver cette démarche rationnelle. Aussi, Obama, qui est devenu très expérimenté dans l’art de parler de plusieurs voix, a rejoint le camp du dénigrement de la Russie – se partageant la scène avec les suspects habituels, ce qui comprend la page éditoriale du New York Times.

Dans un éditorial en première page samedi, intitulé “Manœuvres militaires risquées de la Russie en Syrie”, le Times écorchait vif la Russie et Poutine, leur reprochant d’essayer de sauver le gouvernement d’Assad. Bien que Assad ait gagné dans une élection multi-parti qui s’est tenue en 2014 dans les régions de la Syrie où un vote était possible, le Times juge qu’il est un “dictateur impitoyable”, et semble se délecter du fait que “son emprise sur le pays aille en s’affaiblissant”.

Puis le Times reprend l’affirmation du “groupe de réflexion” rejetant sur Poutine la responsabilité de la crise syrienne. “La Russie a été depuis longtemps le principal soutien de M. Assad, le protégeant des critiques et des sanctions au Conseil de sécurité des Nations-Unis et fournissant des armes à son armée”, affirme le Times. “Mais la dernière aide apportée peut augmenter l’engagement de la Russie dans le conflit jusqu’à un nouveau et plus dangereux niveau.”

Citant l’arrivée signalée d’une équipe russe de précurseurs, le Times a écrit : “Les Américains disent que les intentions des Russes ne sont pas claires. Mais ils sont si inquiets que le secrétaire d’état John Kerry a appelé le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov deux fois ce mois-ci pour le prévenir d’une possible “confrontation” avec les États-Unis, si l’accroissement des forces russes conduisaient à des opérations offensives russes en soutien aux forces de M. Assad pouvant atteindre les formateurs américains ou leurs alliés.

“Les États-Unis mènent des frappes aériennes en Syrie contre l’État Islamique, qui cherche à établir un califat en Syrie et en Irak, et cherchent aussi à entraîner et armer des groupes d’opposition modérée pouvant sécuriser le terrain pris aux extrémistes.”

Double standard, au carré

En d’autres termes, dans le monde bizarre de l’opinion de l’élite américaine, la Russie s’engage dans des actions “dangereuses” quand elle porte assistance à un gouvernement reconnu internationalement en lutte contre une menace terroriste, mais il est parfaitement normal que les États-Unis s’engagent dans des actions militaires unilatérales à l’intérieur même du territoire Syrien sans l’accord de son gouvernement.

Dans ce contexte des USA prenant ombrage de l’aide apportée par la Russie au gouvernement syrien, on doit aussi remarquer qu’il est habituel pour le gouvernement étatsunien de fournir une aide militaire à des régimes partout dans le monde, y compris des conseillers militaires au régime assiégé qu’ont créé les États-Unis en Irak et des armes sophistiquées à des pays qui mènent des attaques au-delà de leurs propres frontières, comme Israël et l’Arabie Saoudite.

Clairement le Times croit que ce qui est bon pour les oies américaines n’est pas bon pour les jars russes. Et en effet, si l’aide russe au gouvernement syrien conduit à une “confrontation” avec les forces américaines ou alliées, c’est la Russie qui doit en être blâmée, bien que ses forces soient là avec la permission du gouvernement, et pas celles des États-Unis et de ses alliés.

Le Times défend aussi les bizarres efforts faits la semaine dernière par le Département d’État pour mettre en place un blocus aérien destiné à empêcher les Russes de réapprovisionner l’armée syrienne. Le Times déclare :

“Les Etats-Unis ont demandé aux pays dans le couloir aérien entre la Russie et la Syrie de fermer leur espace aérien aux vols russes, sauf si Moscou peut prouver qu’ils ne sont pas utilisés pour le réapprovisionnement de l’armée du régime d’Assad. La Bulgarie l’a fait, mais la Grèce, autre membre de l’OTAN, et l’Irak, qui dépend des États-Unis s’il veut être sauvé de l’État Islamique, jusqu’à présent ne l’ont pas fait. Les dirigeants du monde doivent profiter de l’Assemblée générale des Nations Unies ce mois-ci pour faire connaître clairement les dangers qu’un engagement croissant des Russes poserait aux efforts visant à mettre fin aux combats.”

Étant donné le bilan tragique du New York Times et d’autres organes de presse ayant promu les plans désastreux de “changement de régime”, dont l’invasion de l’Irak par George W. Bush en 2003 et la campagne de bombardement de la Libye par Obama en 2011, vous penserez peut-être que les rédacteurs devraient comprendre que les plans les mieux conçus par les guerriers d’opérette finissent souvent par mal tourner.

Et, dans le cas qui nous occupe, le calcul fait que destituer Assad pour le remplacer par quelque homme politique agréé-par-les-penseurs-de-Washington résoudrait d’une façon ou d’une autre les problèmes syriens peut très bien finir par la chute du gouvernement largement laïc de Damas et l’arrivée des coupeurs de têtes de l’État Islamique et des bandes de comploteurs terroristes d’Al-Qaïda.

Avec le pavillon noir de l’État Islamique flottant sur l’ancienne cité de Damas, la sinistre prédiction du sénateur Graham, une invasion militaire de la Syrie suivie d’une occupation pour un temps indéterminé, pourrait bien s’avérer prophétique, au moment où les États-Unis entrent dans la phase finale de leur transformation, passant d’une république de citoyens à un État impérial autoritaire.

Source : Consortium News, le 13/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/qui-est-a-blamer-pour-le-gachis-syrien-poutine-par-robert-parry/


Pascal Boniface : pourquoi je suis attaqué…

Sunday 25 October 2015 at 00:19

Source : Association France Palestine, le 24 septembre 2015.

Géopolitologue de formation, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, Pascal Boniface est l’auteur de nombreux ouvrages de politique internationale. Défenseur des droits des Palestiniens, il est au cœur de polémiques depuis sa publication en 2011 des Intellectuels faussaires, où il dénonce, notamment, Bernard Henri-Lévy, Caroline Fourest ou Philippe Val. Il publia également en 2014 La France malade du conflit israélo-palestinien, avant de revenir en 2015 avec Les Pompiers pyromanes. C’est l’invité de l’AFPS.

Les Intellectuels faussaires (2011), Les Intellectuels Intègres (2013), Les Pompiers pyromanes (2015), et entre temps, La France malade du conflit israélo-palestinien (2014). Dans quelle mesure la Palestine joue-t-elle un rôle déterminant dans les catégories mises en avant dans vos livres, intègres ou faussaires ?

Le conflit israélo-palestinien est très paradoxal. Ca n’est pas un conflit majeur, comparé à d’autres, en terme de nombre de morts, même si l’été dernier a été particulièrement meurtrier. Il occupe une place centrale sur l’échiquier politique et sociétal français parce qu’il est celui qui déclenche le plus de passion, celui qui fait que des gens ne vont plus se parler, celui qui amène le plus d’irrationalité. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un clivage entre intègre et faussaire, mais ce que j’observe c’est que beaucoup de gens n’osent pas prendre position sur le conflit israélo-palestinien de peur d’être pris à partie, de peur, s’ils s’engagent dans une voie critique du gouvernement israélien, d’être accusé d’antisémitisme, ce qui est l’une des accusations les plus lourdes à supporter en France.

D’ailleurs, je croise tellement d’universitaires ou de journalistes, sans parler de responsables politiques, qui me disent : « Je pense comme toi sur le conflit israélo-palestinien, mais jamais je n’oserais m’exprimer en public ». Ca veut bien dire qu’il existe des pressions directes ou indirectes, ou de l’autocensure. En tout cas, je note qu’il y a un climat plus lourd sur ce conflit.

Récemment, sur Beur FM, vous accusiez très clairement Bernard Henri-Lévy et ses réseaux d’essayer de vous mettre au placard médiatique. Sur quoi appuyez-vous votre plainte ? Et surtout, pensez-vous que vos positions sur la Palestine en sont à l’origine ?

C’est un ensemble en réalité, et pas spécifiquement Bernard Henri-Lévy. Ce qui m’étonne aujourd’hui, c’est que les mêmes qui me disent « Je suis Charlie », veulent empêcher d’autres de s’exprimer. Il y a tout de même une profonde contradiction entre le fait de vouloir plaider pour la liberté d’expression, en tant que valeur fondamentale de la République, tout en empêchant ceux qui ne sont pas en accord avec vous de s’exprimer. Effectivement, certains médias m’accueillent, et d’autres me bannissent. . Or, on ne trouvera dans aucun de mes écrits, aucune de mes interventions, une phrase pouvant être qualifiée d’antisémite. Ce sont des procès calomnieux qui me sont faits, et notamment dans les milieux de gauche, puisqu’il devient de plus en plus complexe de se dire de gauche tout en soutenant un gouvernement d’extrême droite en Israël. Et pour cela, ils refusent le débat politique car ils savent que dans le combat contre l’antisémitisme, je suis un allié, mais dans la protection de l’actuel gouvernement israélien, je suis un homme à abattre. Vous comprendrez donc qu’ils placent le second objectif devant le premier.

Justement, vous avez quitté le Parti Socialiste en 2003. Il est aujourd’hui au pouvoir. Comment visualisez-vous son évolution, sur le Proche-Orient, depuis que vous l’avez quitté ?

Il y a une évolution. Le fait que le groupe socialiste à l’Assemblée Nationale ait porté le projet de reconnaissance de l’Etat de Palestine, et que seulement quelques individus, très minoritaires dans leur parti, n’aient pas soutenu l’initiative, cela aurait été inimaginable il y a encore une dizaine d’années. Cependant, le PS reste divisé sur l’attitude à adopter sur le conflit israélo-palestinien, avec d’un côté des gens très engagés en faveur de la défense d’Israël, et d’un autre ceux qui sont, je dirais, modérément engagés en faveur des Palestiniens. Mais la majorité des députés et des sénateurs socialistes ont bien voté la résolution.

Cela est lié d’abord à une nouvelle génération d’adhérents, et à une évolution claire de la société française. L’idée qui prétend qu’un petit pays démocratique au Proche-Orient est menacé par des dictatures l’entourant ne tient plus, et surtout, la réalité de l’occupation et ses conséquences sautent chaque jour de plus en plus aux yeux.

Le CRIF est fréquemment accusé d’influencer les principaux partis français sur le Proche-Orient, mais aussi de bloquer les médias dans leur couverture du conflit. En tant qu’intervenant dans certaines émissions médiatiques, quel est votre avis ?

Il ne faut pas tomber dans le complotisme, et d’ailleurs celles et ceux qui sont en faveur de l’auto-détermination du peuple palestinien doivent être intraitables sur l’antisémitisme et les théories du « complot juif ». Mais en même temps, le CRIF est une réalité. Cette organisation fait sa politique et dit publiquement avoir deux objectifs : lutter contre l’antisémitisme et défendre le gouvernement israélien. Ne surestimons pas le poids du CRIF dans notre société. Je pense d’ailleurs que l’autocensure est bien plus présente que la censure. Il y a une peur fantasmée de journalistes, personnalités ou politiques sur les conséquences que l’on pourrait avoir si on adoptait pour la Palestine un langage quelque peu différent. Il faut essayer de dialoguer avec le CRIF, certains d’ailleurs sont ouverts au débat, d’autres non, signe de l’hétérogénéité de ses membres. Mais, certains membres du CRIF privilégient la protection du gouvernement israélien à la lutte contre l’antisémitisme.

J’ai pu observer sur les réseaux proches de la mouvance Soral-Dieudonné, des attaques virulentes à votre encontre. Dans le même temps, des individus, comme Patrick Klugman récemment, vous placent dans le même camp politique que Soral et Dieudonné. Comment tenir sur cette ligne de crête ?

Pour ceux qui, comme Patrick Klugman, mettent la défense du gouvernement israélien au premier plan de leurs priorités, je dois poser un problème. D’ailleurs, il dénonce mon « obsession israélienne », alors que si l’on suit mes publications et travaux, c’est évident qu’Israël m’intéresse moins que lui. Ce que vous dîtes est vrai, pour Klugman je suis un antisémite, pour Soral je suis vendu aux Juifs. C’est une facilité de dire que lorsque l’on est attaqué par deux extrêmes on est dans la vérité, et je n’aurai pas cette facilité là, mais j’assume clairement les deux. Je n’accepte pas les thèses de Soral qui parlent des Juifs de manière générale, qui les essentialisent alors même qu’il y a une grande diversité d’opinions chez les Juifs sur ces questions qui nous intéressent. Je le répète, il faut être intraitable vis-à-vis de l’antisémitisme, mais dans le même temps ne pas céder sur notre soutien au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, y compris les Palestiniens.

J’entends bien votre réponse, mais les attaques à votre encontre vont parfois jusqu’à des accusations d’être un agent de l’étranger, vendu aux russes ou aux qataris. Beaucoup d’individus cèderaient fassent à une telle virulence. La ligne de crête est périlleuse, non ?

Je n’ai pas trop le choix. Je suis tellement attaqué que si je cédais d’un pouce sur telle ou telle question je donnerais raison à mes accusateurs. Je suis assez tranquille car je sais que ceux qui sont de bonne foi voient ma ligne politique constante, et les positions que je prends depuis une vingtaine d’années sur les questions géopolitiques peuvent être jugées cohérentes. Je suis sur une ligne gaullo-miterrandienne en politique étrangère, qui ne varie pas et qui peut expliquer toutes mes positions de l’Ukraine à la Chine en passant par l’Amérique Latine, l’Afrique, le Proche-Orient et les relations aux Etats-Unis. Souvent, je constate que les gens qui m’adressent les attaques les plus violentes refusent de débattre avec moi, j’imagine que cela vient d’un manque d’arguments de leur part. Leur dernière arme c’est la calomnie. J’ai ainsi été vendu aux Arabes, aux Chinois, aux Russes, aux Turcs. Or, je crois, et l’histoire le prouve puisque les faits sont bien documentés, que mes prises de positions ont valu de nombreux déboires à ma personne et à l’IRIS. Certes, je passe dans les médias et l’IRIS a survécu, mais je sais qu’elle aurait été dans une pérennité financière sans commune mesure si j’avais été plus prudent dans l’expression de mes opinions. Sauf que je n’ai pas choisi ce métier pour me censurer, et il est un peu tard, selon moi, pour devenir courtisan.

Vous semblez d’ailleurs moins présent dans les médias comparés à quelques années auparavant…

Je suis toujours invité à C dans l’air, sur France 5, mais c’est vrai qu’auparavant je publiais assez facilement des tribunes dans Libération, Le Monde, et même Le Figaro, et aujourd’hui c’est refusé quasi systématiquement. Les réseaux sociaux permettent un petit peu de compenser, mais cela reste limité. J’étais par exemple fréquemment invité à France Inter, et puis cela a cessé avec l’arrivée de Philippe Val, et ça continue maintenant encore. France Culture est aussi compliquée. D’ailleurs, pour les trois ouvrages que vous avez évoqués au départ, j’ai eu du mal à les faire publier. Certains éditeurs qui m’avaient approché pour que je travaille avec eux ont refusé ces manuscrits. Symbole de la fermeture de nos milieux éditoriaux, où on revendique l’espace de liberté, dire « Je suis Charlie », mais dans le même temps ils ont peur. Certains me l’ont dit très clairement : « vous attaquez des gens qui sont vindicatifs et qui risquent de nous provoquer des ennuis si on vous publie ».

N’y a-t-il pas un paradoxe, puisque depuis le début de l’entretien nous avons évoqué les évolutions de la société française, sur la Palestine ou d’autres questions, et là on constate avec vos propos, à l’inverse, un renfermement dans certains milieux ?

Justement, c’est contradictoire et complémentaire. C’est parce que la société change que le combat devient plus essentiel. Défendre la cause d’Israël était plus simple il y a trente ans que maintenant. Affirmer qu’Israël est un petit Etat tolérant, démocratique, ouvert, est plus compliqué aujourd’hui. Du coup, les plus ardents défenseurs d’Israël se crispent, et on ressent une sorte de terrorisme intellectuel, qui peut devenir très dangereux à terme. L’accusation d’antisémitisme est brandie de façon quasi automatique par certains dès que l’on émet des critiques à l’égard d’Israël, ce qui tétanise de nombreuses personnes. Mais dans le même temps, cela crée une colère et une rancœur qui alimentent un phénomène que les amis du gouvernement israélien prétendent vouloir combattre. C’est odieux d’accuser d’antisémitisme des gens qui ne font que prôner le respect de valeurs universelles.

En tant que directeur de l’IRIS, comment analysez-vous le traitement de la question palestinienne dans le monde universitaire français ?

Il est éclaté. Ca n’est pas un espace très contraint. Evidemment, quiconque entame une carrière de chercheur sur la Palestine peut avoir des craintes pour sa carrière, s’inquiéter des nombreux obstacles qu’il risque d’avoir sur sa route. Cependant, ce n’est pas dans le monde universitaire que la contrainte est la plus importante. Vous avez de nombreux enseignants et universitaires qui prennent explicitement positions pour les droits du peuple palestinien, et inversement. La diversité des opinions est tout de même respectée.

Source: http://www.les-crises.fr/pascal-boniface-pourquoi-je-suis-attaque/


Exclusif : 50 agents de renseignement disent que leurs rapports sur ISIS ont été trafiqués

Saturday 24 October 2015 at 01:26

Source : The Daily Beast,

Dans le milieu des professionnels du renseignement, qui sont payés pour donner leur vraie évaluation de la guerre avec ISIS et qui constatent que leurs rapports sont transformés en discours lénifiants, on parle de “révolte”.

Plus de 50 analystes du renseignement travaillant pour le Central Command militaire des États-Unis se sont officiellement plaints de ce que leurs rapports sur ISIS et la branche d’al-Qaïda en Syrie étaient altérés de façon inappropriée par de hauts responsables. Le Daily Beast l’a appris.

Les plaintes ont incité l’inspecteur général du Pentagone à ouvrir une enquête sur les manipulations supposées des rapports du renseignement. Le fait que tant de gens se soient plaints suggère l’existence de problèmes systémiques et profonds dans la façon qu’a le commandement militaire en charge de la guerre contre l’État Islamique autoproclamé d’évaluer les renseignements.

« Le cancer était au niveau des hauts responsables des services de renseignement », a dit un officier de la défense.

Deux analystes en chef du CENTCOM [Commandement central, NdT] ont adressé en juillet une plainte écrite à l’inspecteur général du département de la défense affirmant que les rapports, dont certains ont servi à informer le président Obama, donnaient des groupes terroristes une image plus faible que ce qu’en pensaient les analystes. Les analystes affirment que le rapport a été modifié par les gros bonnets du CENTCOM pour le mettre en accord avec la thèse des pouvoirs publics selon laquelle les ÉU sont en train de gagner la bataille contre ISIS et al-Nosra, la branche d’al-Quaïda en Syrie.

La plainte a été confirmée par 50 autres analystes, dont certains s’étaient déjà plaints depuis des mois de la politisation des rapports du renseignement. Ceci selon les déclarations faites au Daily Beast sous couvert d’anonymat par 11 personnes connaissant bien les détails du rapport.

Ces accusations suggèrent qu’un grand nombre d’agents surveillant le fonctionnement interne des groupes terroristes pensent que leurs rapports ont été modifiés pour l’adapter à une présentation destinée au public. Ces affirmations font écho aux accusations selon lesquelles de hauts responsables politiques avaient soigneusement choisi les renseignements recueillis sur le programme supposé d’armes de destruction massives en Irak en 2002 et 2003.

Les deux signataires de la plainte ont été présentés comme ceux qui l’ont officiellement déposée, et les autres analystes sont prêts à étayer leurs affirmations par des exemples concrets.

Certains des analystes du CENTCOM ont parlé du noyau déjà nombreux de ceux qui protestent comme d’une “révolte” des professionnels du renseignement qui sont payés pour donner une vraie évaluation, fondée sur des faits, et non influencée par la politique nationale. Les analystes ont accusé les chefs de haut niveau, y compris le directeur du renseignement et son adjoint au CENTCOM, de modifier leur exposé pour être plus en accord avec l’affirmation du gouvernement Obama selon laquelle la lutte contre l’État Islamique et al-Qaïda fait des progrès. Les analystes ont une vision plus pessimiste des efforts militaires faits pour détruire ces groupes.

Le grand nombre d’analystes qui se sont plaints à l’inspection générale du Pentagone n’avait pas été divulgué auparavant. Certains d’entre eux sont affectés au CENTCOM, le commandement pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, mais sont officiellement employés par l’Agence de Renseignement de la Défense.

La plainte prétend que dans certains cas des éléments essentiels des rapports ont été retirés, avec pour conséquence un document qui ne représentait plus correctement les conclusions des analystes, nous disent des sources qui la connaissent bien. Mais elle va aussi au-delà d’une accusation de manipulation des rapports et elle accuse certains hauts dirigeants du CENTCOM de créer un cadre de travail non professionnel. Une personne qui a connaissance du contenu de la plainte envoyée à l’inspecteur général a déclaré qu’on y trouvait le mot “stalinisme” pour décrire l’atmosphère imposée par les superviseurs des analyses du CENTCOM.

Beaucoup ont décrit un climat où les analystes sentent qu’ils ne peuvent pas donner d’estimation sincère de la situation en Irak et en Libye. Certains avaient l’impression que des commandants cherchaient à protéger leur avancement dans la carrière en enjolivant les nouvelles de la guerre.

Certains rapports élaborés par les analystes qui étaient trop négatifs dans leur évaluation de la guerre ont été enterrés ou n’ont pas été diffusés aux échelons élevés, déclarent plusieurs analystes. Et d’autres, sentant le climat où ils baignaient, s’autocensuraient de sorte que leurs rapports confirment les opinions déjà en place.

“Alors que nous ne pouvons commenter les détails de l’enquête citée dans l’article, nous pouvons parler de la procédure. La communauté du renseignement fournit systématiquement un large éventail d’appréciations subjectives de l’état présent de la sécurité. Ces rapports et les analyses qu’ils fournissent sont absolument vitaux pour nous, étant donné la complexité incroyable des nombreux conflits multi-fronts en cours en Irak et en Syrie.” a déclaré le colonel de l’US Air Force Patrick Ryder, porte-parole du CENTCOM. “Les hauts responsables civils et le commandement militaire examinent ces évaluations pendant la phase de planification et de prise de décision, ainsi que les renseignements venus dune variété d’autres sources, comme les idées fournies par des commandants sur le terrain et d’autres conseillers clés, la masse de renseignements collectés, et ceux résultant de l’expérience passée.”

Deux des officiels qui se sont confiés au Daily Beast affirmèrent que les analystes ont commencé à se plaindre au mois d’octobre dans une tentative de règlement du problème en interne, et  ne se tournèrent vers l’inspecteur général que quand ils eurent échoué. Quelques-uns de ceux qui portèrent plainte furent poussés à prendre leur retraite, d’après un officiel proche du rapport du Daily Beast. Certains ont accepté de partir.

Ces derniers mois, des membres de l’administration Obama ont tenté de peindre la lutte contre ISIS en rose – malgré la prise par “l’armée de la terreur” de villes importantes comme Mossoul et Falloujah.

“ISIS est en train de perdre” a dit en juillet John Allen, le général des “Marines” à la retraite chargé de la coordination de la campagne ISIS.

“J’ai confiance qu’à la longue, nous allons battre, que nous allons vraiment endommager et finalement détruire ISIL”, a dit le secrétaire d’État John Kerry, en mars, utilisant l’acronyme préféré du gouvernement pour désigner ce groupe.

Le Président Obama a dit en mai “Non, je ne crois pas que nous soyons en train de perdre.”

Cependant, un groupe toujours plus nombreux d’analystes maintenaient leurs protestations. Certains, à CENTCOM depuis plus de dix ans, gardaient des cicatrices de l’escalade vers la guerre en Irak en 2003, quand des rapports écrits à la va-vite suggéraient que l’Irak possédait des armes de destruction massive, alors que ce n’était pas le cas, justifiant ainsi l’administration Bush pour partir en guerre.

Selon un officiel de la défense, “ils étaient frustrés parce qu’à ce moment-là, ils n’ont pas fait ce qu’il fallait” et n’ont pas exprimé leurs doutes sur le programme d’armement de l’Irak.

Source : The Daily Beast, le 09/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/exclusif-50-agents-de-renseignement-disent-que-leurs-rapports-sur-isis-ont-ete-trafiques/


L’urbanisme et la loi Macron, par Olivier Soria

Saturday 24 October 2015 at 00:01

Par Olivier Soria, Professeur de droit à KEDGE, pour le site www.les-crises.fr

Loi du 12 août 2015 Loi n°2015-990 du 6.8.15 : JO du 7.8.15  (art. 111 / CU : L.480-13)


Le Code de l’urbanisme réglemente les conditions de l’action en démolition consécutive à l’annulation d’une autorisation de construire par le juge administratif (CU : L.480-13). Jusqu’à présent, il prévoyait que, lorsqu’une construction était édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne pouvait être condamné par le juge judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis avait été annulé par la juridiction administrative.Or, lorsqu’une autorisation d’urbanisme était contestée, l’existence d’un recours en annulation était susceptible de faire craindre une démolition ultérieure à l’ensemble des acteurs de la construction. Bien que juridiquement rien ne s’oppose à la poursuite des travaux, le contentieux contre les autorisations de construire avait un effet paralysant, et ce, quelle que soit la nature du projet (construction d’une maison individuelle ou opération immobilière comprenant plusieurs logements). D’ailleurs, les banques n’autorisaient le déclenchement des prêts que sous la condition que le permis soit purgé de ses voies de recours.Dorénavant cet article n’autorise une action en démolition à la suite de l’annulation d’un permis de construire que sur certaines zones à risques ou particulièrement sensibles du point de vue patrimonial ou environnemental. Désormais, l’article L.480-13 du CU liste les zones concernées de manière exhaustive.Ainsi, cette liste comprend notamment :

  • certains espaces vulnérables : les réserves naturelles et leur périmètre de protection (Code de l’environnement : L.332-1), la bande littorale de cent mètres (CU : L.146-4, III), les espaces, paysages et milieux du patrimoine naturel et culturel montagnard (CU : L.145-3, II) ou encore les sites désignés Natura 2000 (Code de l’environnement : L.414-1).
  • un ensemble de sites sensibles : les zones figurant dans les Plans de Prévention des Risques Technologies (PPRT) dans lesquelles les aménagements, constructions ou extensions sont interdits ou subordonnés au respect de certaines prescriptions (Code de l’environnement : L.515-16, I), ou encore les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) lorsque les servitudes instituées comportent une limitation ou une suppression du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages (Code de l’environnement : L.515-8).
  • certaines zones ou périmètres de protection au titre de la préservation du patrimoine architectural et urbain : les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (Code du patrimoine : L.642-1), ou encore les périmètres de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques (Code du patrimoine : L.621-30, alinéas 4 et 5).

L’action en démolition doit toujours être engagée dans un délai, au plus tard de deux ans suivant la décision devenue définitive de la juridiction administrative annulant le permis de construire.

En fait, le problème qui se posait pour le gouvernement était comment assurer les investissements des promoteurs sans pour autant mettre en cause le pouvoir des Maires dans le cadre de l’élaboration des SCOT et des PLU ?

En réalité si nous regardons de plus près, toutes les zones de protection spéciales, comme les EBC (Espace boisé à conserver), les zones Natura 2000 ou encore les zones agricoles et naturelles etc restent protégées, seules les zones U ou AU sont concernées par cette réforme. En effet, ces zones sont des espaces dévolus à la construction ou à des futures constructions et ne sont plus protégées, sauf, celles concernant le patrimoine architectural et urbain. Dès lors, un promoteur qui ferait construire un immeuble non conforme à la réglementation de la zone, par exemple une hauteur de façade, ou encore un éco-quartier ne verra plus son immeuble démoli, malgré l’annulation de son permis de construire. De même, un particulier pourra déposer un permis bidon, avoir l’autorisation de sa Mairie et construire tout autre chose, par exemple augmenter les surfaces de construction, faire des lots dans sa propriété, alors que c’est interdit par une réglementation de zonage, même mieux construire un immeuble dans une zone consacrée à l’habitat individuel et avoir un certificat de conformité avec le permis, si la Mairie ne fait pas d’objection dans un délai de 3 mois. Comme les Mairies n’ont pas le temps et le personnel pour vérifier la conformité, le projet deviendra légal. Impressionnant, d’un point de vue juridique c’est tout simplement un déni de justice. C’est-à-dire que quelle que soit la décision de justice, elle ne s’appliquera pas, et c’est un gouvernement dit « socialiste » qui fait voter cette loi, sans que le C. Constitutionnel ait à redire de quoi que ce soit sur la constitutionnalité d’une telle mesure ??? On mesure sur cet exemple les limites d’un C. Constitutionnel bien plus politique que juridique.

Certes les possibilités des requérants qui souhaiteraient interrompre la construction demeurent sur le papier puisqu’ils peuvent toujours agir par voie de référé suspension. Dès lors qu’elle a un intérêt à agir, toute personne peut déposer dans les deux mois suivant la délivrance et l’affichage du permis de construire, un référé suspension devant le juge des référés. Ce dernier statue dans un délai de quinze jours. Cependant, c’est oublier la pratique jurisprudentielle des tribunaux à leur sujet. En effet, il faut soit démontrer l’urgence, soit préciser qu’il y a une violation manifeste du droit. Dans la réalité, très rare sont les décisions de référé suspendant l’action. De plus, la pratique des tribunaux judiciaires de condamner à la démolition d’un immeuble est très rare en France. En général, et tous les défenseurs de la nature le savent, une fois la bâtisse construite, elle n’est quasiment jamais détruite. Nous avons de quoi nous inquiéter pour l’avenir de notre cadre urbain, car cette réforme est la porte ouverte à de nombreux abus de la part des promoteurs  qui aboutiront à une explosion des contentieux privés pour troubles anormaux du voisinage…Cela pourrait induire de même une augmentation des demandes d’indemnités de la part des requérants au titre de l’article L.480-13 du CU en lieu et place de la démolition. Ces indemnités pourraient être reportées sur les maires auteurs des autorisations d’urbanisme.

Enfin pour finir et constater le grand n’importe quoi, il suffit d’aller faire un tour sur les questions écrites déposées par les députés. C’est éloquent, personne ne sait comment appliquer cette loi. De nombreux députés s’inquiètent qu’en cas de construction sans permis de construire, le Maire en temps normal a la possibilité de régulariser après coup le permis de construire et ceci au mépris des règles d’urbanisme, mais un particulier ou une association pouvaient demander la démolition de l’immeuble devant les tribunaux, qu’en sera-t-il demain ?

Hé bien nous pouvons en douter…

Source: http://www.les-crises.fr/lurbanisme-et-la-loi-macron/


Le Pentagone vient de dépenser 41 millions de dollars pour entraîner « quatre ou cinq » combattants syriens, par Paul McLeary

Friday 23 October 2015 at 02:27

 

Mercredi, un officier militaire haut gradé a révélé que, après avoir dépensé 41 millions de dollars plus tôt dans l’année pour entraîner et équiper un petit groupe de 60 combattants, seuls « quatre ou cinq » combattants syriens entraînés par les États-Unis restaient sur le terrain pour combattre l’État islamique.

Après des mois d’entraînement par les forces spéciales américaines sur des bases turques, ceux qu’on appelle les combattants de la « Nouvelle Armée Syrienne » ont été renvoyés en Syrie en juillet, a déclaré le général Lloyd Austin, chef du commandement central des États-Unis. En quelques jours, ils ont presque tous été anéantis après une attaque d’Al-Nosra, un groupe affilié à Al-Qaïda, qui a capturé, tué, ou dispersé la majorité des troupes soutenues par les États-Unis.

Le programme d’entraînement et d’équipement de 500 millions de dollars a été vendu au Congrès fin 2014 et visait à former 5 400 combattants syriens avant la fin de l’année. Mercredi, Austin et la “sous-secrétaire à la politique de Défense”, Christine Wormuth, ont tous les deux admis que ces chiffres ne seront pas atteints.

Interrogé à plusieurs reprises au sujet de la taille actuelle du programme, Wormuth a dit que “entre 100 et 120″ combattants supplémentaires sont en train d’être formés en Turquie.

La commission sénatoriale n’était pas contente.

« Regardons les choses en face, c’est une plaisanterie », a dit Kelly Ayotte, sénatrice du New Hampshire (républicaine), réagissant à l’annonce du nombre de Syriens encore au combat.

“Ainsi, alors que nous envisagions 5 400 combattants pour la fin de l’année, ils se comptent sur les doigts de la main“, a dit la sénatrice Claire McCaskill (démocrate, Missouri).

« C’est tout simplement un échec complet », s’est lamenté le sénateur Jeff Sessions (républicain, Alabama).

Cependant, le programme d’entraînement et d’équipement est peut-être sur le point de subir quelques grands changements. La Maison-Blanche et le Pentagone se préparent à se rencontrer dans les jours qui viennent pour discuter d’un éventail d’options pour une révision du programme, selon une information exclusive rapportée mardi par la revue Foreign Policy. L’idée serait d’attacher aux larges groupes de forces établies en Syrie du Nord un petit nombre de combattants entraînés faisant la liaison avec les avions militaires des États-Unis qui les survolent.

Mais aucun calendrier n’est joint à cet effort de réorganisation du programme, originellement financé en décembre par le Congrès grâce à un budget de guerre complémentaire.

Crédit Photo : Ahmet Sik/Getty Images

Source : Foreign Policy, le 16/09/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Pour ceux qui croient à une blague, l’audition est visualisable ici, et la transcription est dessous :

Deb Fischer
General Austin, when Senator Carter was here before this committee in July, he testified there were only about 60 Syrian fighters that had been trained…
We’ve heard reports about the attacks on those individuals when they were reinserted back into Syria. Can you tell us what the total number of trained…

Lloyd J. Austin III
It’s a small number. The ones that are in the fight is we’re talking, four or five.

Kelly Ayotte

Because as I see it right now this four or five U.S. trained fighters — let’s not kid ourselves, that’s a joke. And so if they are the only force on…

Claire McCaskill
At what point in time and what is the discussion on going about the $600 million you are requesting for next year? That seems very unrealistic to me…

Christine E. Wormuth
Senator McCaskill, it’s between 100 and 120 basically.

Claire McCaskill
OK. So we’re counting on our fingers and toes at this point when we had envisioned 5400 by the end of the year and I — I’m just worried that this is…

Jeff Sessions
We have to acknowledge that this is a total failure. It’s just a failure. I wish it weren’t so, but that’s the fact. It’s time to — way past time to…

Source: http://www.les-crises.fr/le-pentagone-vient-de-depenser-41-millions-de-dollars-pour-entrainer-quatre-ou-cinq-combattants-syriens/


Le Qatar finance la révolte syrienne avec du cash et des armes, par Roula Khalaf et Abigail Fielding Smith

Friday 23 October 2015 at 01:10

Article d’archive, toujours intéressant à rappeler :)

Source : Financial Times, le 16/05/2013

Par Roula Khalaf et Abigail Fielding Smith

L’État gazier du Qatar a dépensé jusqu’à 3 milliards de dollars ces deux dernières années au profit de la rébellion syrienne, soit bien plus qu’aucun autre gouvernement, bien que l’Arabie Saoudite soit en train de devenir le principal fournisseur d’armes des rebelles.

Le coût de cette intervention représente pour le Qatar une fraction de ses investissements à l’international. Mais ce soutien financier qatari à une révolution qui s’est transformée en guerre civile féroce ne doit pas masquer le soutien occidental à l’opposition.

De nombreux entretiens avec des leaders de la rébellion vivant à l’étranger ou en Syrie ainsi qu’avec des officiels occidentaux, relatés par le Financial Times ces dernières semaines, révèlent dans le détail le rôle du Qatar dans le conflit syrien, et donnent lieu à une polémique grandissante.

Ce petit État à l’appétit gargantuesque est le plus gros mécène de l’opposition politique syrienne, fournissant même de généreuses primes aux déserteurs (estimées à 50 000 $ par an par déserteur et sa famille) sans compter l’énorme dépense dédiée au soutien humanitaire.

En septembre, de nombreux rebelles de la région d’Alep reçurent ainsi un bonus de 150 $ de la part du Qatar. D’après des sources proches du gouvernement qatari, la dépense totale approcherait plutôt les trois milliards, alors que les sources diplomatiques l’estiment, elles, à un milliard de dollars.

Pour le Qatar, qui détient la troisième réserve de gaz au monde, cette intervention fait partie d’une agressive quête de reconnaissance mondiale et n’est que le dernier épisode en date afin de s’imposer en tant qu’acteur majeur de la région, après son soutien aux rebelles libyens qui renversèrent Kadhafi en 2011.

D’après le Stockholm International Peace Research Institute qui surveille les transferts d’armes, le Qatar a effectué les plus importantes livraisons d’armes en Syrie, soit 70 vols d’avions cargos militaires à proximité de la Turquie entre avril 2012 et mars 2015.

Si le Qatar s’est d’abord voulu pragmatique et opportuniste plus que dogmatique, cet État s’est néanmoins retrouvé engagé entre des politiques exclusives qui ont provoqué les critiques envers les qataris. “Vous ne pouvez pas vous payer une révolution”, assure un homme d’affaires de l’opposition.

Le soutien du Qatar aux groupes islamistes dans le monde arabe, en désaccord avec ses pairs des pays du Golfe, alimente aussi sa rivalité avec l’Arabie Saoudite. L’émir régnant Hamad bin Khalifa al-Tani voudrait être le Nasser d’un monde arabe islamique, affirme un politicien arabe, évoquant feu le leader égyptien du panarabisme.

L’intervention du Qatar suscite une attention croissante. Des rivaux régionaux lui reprochent de vouloir simplement s’acheter de l’influence en finançant de la puissance de feu, quitte à atomiser l’opposition syrienne. Toujours et encore pour concurrencer l’Arabie Saoudite en tant que soutien plus volontaire des rebelles syriens, quitte à renchérir en terme d’engagement.

De récentes tensions au sein de l’opposition à l’occasion des élections pour choisir un Premier ministre par intérim qui emporterait le soutien des Frères Musulmans de Syrie avaient conduit l’Arabie Saoudite à resserrer ses relations avec l’opposition syrienne, une position auparavant abandonnée aux mains des Qataris.

La relégation du Qatar à la deuxième place en tant que fournisseur d’armes répond à l’inquiétude formulée par l’Ouest et d’autres pays du Golfe selon laquelle ces armes pourraient finir dans les mains d’Al-Nosra, groupe proche d’Al-Qaida.

Des diplomates assurent que le Qatar peine à assurer une distribution d’armes constante et stable, alors que les Saoudiens en ont été capables grâce à leurs réseaux plus développés.

Une route d’acheminement d’armes à travers la Jordanie vers le sud de la Syrie a été ouverte ces derniers mois (printemps 2013). Le gouvernement jordanien, terrifié à l’idée de voir les djihadistes contrôler le voisinage de son royaume, a été réticent à autoriser ces livraisons par les Saoudiens.

Le fait que l’Ouest répugne à intervenir plus radicalement en Syrie contraint les opposants à Bachar al-Assad à être dépendants du soutien qatari, saoudien et turc, même si depuis l’an dernier les Émirats Arabes Unis et la Jordanie constituent aussi des partenaires, même mineurs.

Le ministre qatari des affaires étrangères, Khalid al-Attiyah, qui dirige l’intervention en Syrie, assure qu’il n’y a pas de rivalité avec l’Arabie Saoudite et nie toutes allégations quant à l’atomisation de l’opposition syrienne et quant à l’affaiblissement des institutions de l’opposition émergeantes dus à sa politique d’aide aux rebelles.

Dans un entretien avec le Financial Times, il assure que chaque initiative qatarie s’est faite en collaboration avec le mouvement Amis de la Syrie et les pays occidentaux. “Notre problème au Qatar est que nous n’avons pas de plans secrets et donc on nous en attribue toujours à notre place”, dit-il.

Source : Financial Times, le 16/05/2013

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-qatar-finance-la-revolte-syrienne-avec-du-cash-et-des-armes/