les-crises.fr

Ce site n'est pas le site officiel.
C'est un blog automatisé qui réplique les articles automatiquement

Henri Laborit aurait eu 100 ans : plaidoyer pour une relecture de son œuvre, par David Batéjat

Sunday 23 November 2014 at 00:50

Itinéraire d’un fils de médecin militaire vendéen.

Henri Laborit naît le 21 novembre 1914 à Hanoï (Tonkin) où son père, officier médecin de la Coloniale, était en poste. Interne à 22 ans, il deviendra chirurgien de la Marine juste avant la guerre et embarque en 1940 sur le torpilleur Sirocco qui sera coulé en mai au large de Dunkerque. Il opérera jusqu’à la fin de la guerre de nombreux blessés graves. Ces années de confrontation avec la douleur et la mort le pousseront à vouloir analyser les mécanismes biologiques du choc traumatique et le dirigeront vers la recherche.

Après la guerre, il oriente donc son travail vers la biochimie et la pharmacologie ; son approche transversale lui permet de développer de nombreuses molécules (chlorpromazine, Gamma OH, etc.) et méthodes (hibernation artificielle) qui révolutionneront des disciplines comme l’anesthésie ou encore la psychiatrie et lui vaudront en 1957 le prestigieux prix Albert Lasker de la recherche médicale, équivalent américain du Nobel de médecine.

C’est logiquement que ses travaux et son insatiable soif de comprendre l’amèneront à créer en 1958 le laboratoire d’eutonologie (qu’il définit comme l’étude du comportement humain), dont il sera le directeur jusqu’à sa mort en mai 1995.

De l’inhibition de l’action à l’établissement des hiérarchies de dominance sociale

Pionnier de la cybernétique en biologie, il défend une approche systémique (poly-conceptualiste) par « niveau d’organisation » dont le contrôle se fait par des servomécanismes au niveau d’organisation supérieur.

Inspiré par les travaux de Mac Lean qui décrit dans « Triune Brain » les 3 niveaux d’organisation du système nerveux central (Cerveau reptilien, Système limbique et Néocortex), il résumera ainsi les comportements de base : « Boire, manger pour maintenir sa structure, et copuler pour maintenir l’espèce. ». Et ajoutera : « Confronté à une épreuve, l’homme ne dispose que de trois choix : 1) fuir ; 2) combattre ; 3) ne rien faire ». Ses études notamment sur le comportement des rats l’amèneront à définir l’inhibition de l’action comme « le résultat de la non-possibilité pour un individu de contrôler son environnement au mieux de son plaisir, de son équilibre biologique et de son bien-être ».

Ces travaux seront utilisés par Alain Resnais dans le film Mon Oncle d’Amérique (1980) dont voici quelques extraits :

L’observation des conséquences de l’inhibition de l’action à l’échelle de l’individu l’amène à critiquer vivement le productivisme et ses conséquences pour les sociétés humaines et la biosphère.

Partagé entre un certain fatalisme sur l’incapacité de l’Homme à dépasser le stade des hiérarchies de dominance et une énergie vitale dont la source est certainement à chercher dans ses combats contre la mort et la souffrance pendant la guerre, Henri Laborit s’est rapproché de la politique en fondant avec Robert Buron, Jacques Robin et Edgar Morin le Club des Dix à la fin des années 60. Ces réunions informelles qui dureront jusqu’en 1976 lui permettront de côtoyer d’autres chercheurs dans des disciplines variées (sciences humaines, mathématiques, etc.), des hommes politiques comme Michel Rocard et d’approfondir ses connaissances sur la Théorie de l’information.

Dans le Groupe des Dix, Henri Laborit, René Passet (premier président du conseil scientifique d’ATTAC, dans « L’économique et le vivant », 1979), Edgar Morin, et bien d’autres, aboutissent rapidement à la conclusion que la croissance ne peut être qu’une impasse.

Alors que se dessine la notion d’équilibre socio-économico-technico-environnemental, Laborit ajoute les données bio-anthropologiques : si l’Homme a un effet sur son biotope, s’il est urgent de limiter sa capacité à le détruire, il semble indispensable d’éduquer nos enfants au respect de leur environnement. Mais même cette éducation pourra être encore détournée pour alimenter la compétition, il faut donc remonter aux déterminismes individuels, aux « mécanismes de fonctionnement de l’outil qui a permit de les établir dans leurs statuts actuels : le cerveau humain en situation sociale ».

Henri Laborit dans Mon Oncle d’Amérique d’Alain Resnais (1980)

« Conscience, connaissance, imagination » bases d’une biopédagogie

Pour mettre sa grille à l’épreuve, Henri Laborit a cherché inlassablement à corréler comportement et recherche de la dominance en démystifiant ce qu’il appelait les « formules langagières », ou les « jugements de valeurs qui tentent de justifier les systèmes hiérarchiques de dominance ». Sa rigueur scientifique mêlée à une insoumission frisant souvent la subversion l’amenait à traiter de sujets que nous oublions trop souvent de remettre en cause.

Henri Laborit interviewé en avril 1975 sur RTS

(Attention, l’interview débute à partir de 7’04)

Cliquer sur la photo ou ici pour la voir

Ainsi, sur la liberté il écrivait dans La Nouvelle Grille :

« La liberté commence où finit la connaissance. Avant, elle n’existe pas, car la connaissance des lois nous oblige à leur obéir. Après elle n’existe que par l’ignorance des lois à venir et la croyance que nous avons de ne pas être commandées par elles puisque nous les ignorons. En réalité, ce que l’on peut appeler « liberté », si vraiment nous tenons à conserver ce terme, c’est l’indépendance très relative que l’homme peut acquérir en découvrant, partiellement et progressivement, les lois du déterminisme universel. Il est alors capable, mais seulement alors, d’imaginer un moyen d’utiliser ces lois au mieux de sa survie, ce qui le fait pénétrer dans un autre déterminisme, d’un autre niveau d’organisation qu’il ignorait encore. »

Il aimait à rappeler que quand Freud jeta les bases de la psychanalyse on ne connaissait pas même l’existence des hormones, sans pour autant invalider cette grille de lecture qu’il engloba dans une grille plus générale, La Nouvelle Grille (1974) qui reste certainement son ouvrage de référence dans lequel il définit l’inconscient comme « tout ce qui est automatisé par l’environnement social» plus que comme ce qui est refoulé.

Henri Laborit prônait une « biopédagogie » et se basait sur l’hypothèse qu’un être humain est « compétent ». Il participera en 1969 à l’université de Vincennes à l’invitation des étudiants en urbanisme, interventions dont il tirera un ouvrage, l’Homme et la ville, en 1971.

Voir extraits en pdf.

Son inquiétude pour le futur et son anarchisme traduisaient sa défiance vis-à-vis de la politique, mais pas une résignation. Il avait ainsi pour espoir que nous puissions transformer l’éducation afin de permettre aux prochaines générations d’échapper à ces strates de jugements de valeur, comme le montre cet extrait d’un exposé fait à l’invitation des inspecteurs généraux de l’éducation nationale sur le thème « Réforme de pensée et système éducatif » le 14 septembre 1994 :

“Mais quand on parle de l’éducation que tout le monde s’accorde à développer pour lutter contre la violence, les intégrismes, les jugements de valeur, l’intolérance, on ne précise jamais ce que doit contenir cette éducation. Or de plus en plus, il s’agit d’une information focalisée et les étudiants n’entrent à l’université que dans l’espoir d’y acquérir des connaissances réduites à une activité professionnelle capable de leur procurer un job.

Or je ne vois pas comment ce type d’éducation pourrait faire échec à la violence de la guerre économique qu’elle ne peut que renforcer en renforçant la compétition économique à tous les niveaux d’organisation des individus aux états. Même l’initiation universitaire aux sciences dites humaines (psychologie, sociologie, économie et politique) sera exploitée dans un but de rentabilité marchande au sein des entreprises et toujours dans l’ignorance totale des mécanismes de fonctionnement de l’outil qui a permis de les établir dans leurs statuts actuels : le cerveau humain en situation sociale.”

Pdf de l’intervention intégrale

Mur en trompe l’œil (fresque d’Alan Sonfist) dans le film Mon Oncle d’Amérique

 « Alors Quoi ? » Quel futur ?

Il a fallu presque 200 ans après le début de la révolution industrielle pour que l’Homme prenne conscience des déterminismes environnementaux et des dangers que sa logique expansionniste cause à la biosphère. Combien de temps faudra-t-il pour que l’Homme comprenne que ces déterminismes sont le fruit d’autres déterminismes, biologiques, ancrés dans son cerveau et qui jusqu’ici l’ont toujours poussé à un comportement de dominance ?

Dans un siècle où l’on nous vend de la liberté, parler de déterminisme, qui plus est biologique, dérange. Faut-il y voir la raison pour laquelle Laborit est aujourd’hui savamment ignoré ? A moins que la cause ne soit sa relecture volontairement provocatrice des évangiles ou encore son aversion pour les « bons sentiments » d’un « humanisme de bon ton »…

Sommes-nous encore capables d’accepter que la liberté, telle qu’elle nous est présentée (l’absence de limites ou de contraintes ; la « technologisation » sans fin) est un mythe qui nous enferme et nous asservit plus qu’il ne nous libère ?

Avons-nous renoncé à utiliser l’incroyable potentiel de l’imaginaire issu de notre cortex associatif pour ainsi refuser d’en accepter ses quelques déterminismes ?

Il devient urgent que les parents, les professeurs incluent à leurs enseignements des notions comme « système », expliquent le fonctionnement du cerveau, des régulations, des hormones.

 « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »

Henri Laborit prônait que toute personne passe 2h par jour de son temps libre « pour accroître ses connaissances sur les relations interhumaines sous toutes leurs formes (biologique, psychologique, sociologique, économique, politique) » afin que « la politique devienne son activité fondamentale ». Plus qu’une intuition, Henri Laborit a démontré que si l’on ne raisonne pas en transversal et en transgressant les niveaux d’organisation auxquels nous sommes confinés d’un point de vue sociétal, on ne peut imaginer effectuer de contrôle sur un système. En cela, son travail devrait inspirer toutes les dissidences.

A nous de ne pas laisser le travail de cet exceptionnel penseur de côté, de nous en inspirer pour imaginer ensemble le monde de demain avant que d’autres pressions ne nous fassent revenir aux urgences de la (sur)vie… et aux hiérarchies de dominance.

David Batéjat

Administrateur de www.nouvellegrille.info

Remerciements :

Sites dédiés à Henri Laborit :

Vidéos, audios et autres nombreuses ressources  à consulter  sur ces sites

Livres d’Henri Laborit (entre autres) :

Livres sur Henri Laborit :

Film : Mon Oncle d’Amérique (Alain Resnais, 1980)

 

Source: http://www.les-crises.fr/henri-laborit-aurait-eu-100-ans-plaidoyer-pour-une-relecture-de-son-oeuvre-par-david-batejat/


Revue de presse internationale du 23/11/2014

Sunday 23 November 2014 at 00:01

La revue de presse internationale du dimanche. Bonne lecture !

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-du-23-11-2014/


[Vidéo] Une nouvelle crise financière nous pend au nez, par Jean-Michel Naulot

Saturday 22 November 2014 at 03:00

Vidéo du 11/11/2014

Source: http://www.les-crises.fr/video-une-nouvelle-crise-financiere-nous-pend-au-nez-par-jean-michel-naulot/


[Reprises] Le Colonel Schneider et le général exilé

Saturday 22 November 2014 at 02:20

Un regard intéressant – à prendre comme toujours avec recul et esprit critique…

Une nouvelle insolite m’a récemment incitée à réfléchir une fois de plus à l’histoire de la prétendue mission de l’OCDE [en Ukraine] au mois d’avril dernier : un général allemand a été nommé chef d’État-major de l’armée US en Europe.

Le général Markus Laubenthal, ancien commandant de la 12ème brigade blindée d'Amberg, Bavière, est depuis le 29 août 2014 chef d'État-major de l'US Army Europe (USAREUR)

Comment en suis-je venue à faire un lien entre les deux? Eh bien, ledit général était auparavant chef d’État-major des troupes allemandes en Afghanistan et vient des divisions blindées. Et un autre personnage avait lui aussi servi dans l’État-major du commandement afghan et les blindés : justement Axel Schneider, le colonel allemand, qui a été fait prisonnier fin avril à Slaviansk.

Récapitulons toute l’affaire : à l’époque il a été dit qu’une troupe d’observateurs de l’OCDE sous commandement allemand avait été faite prisonnière le 25 avril à un barrage de la milice à Slaviansk. Deux jours après ces personnes ont donné une conférence de presse. Au bout d’une semaine de négociations, elles ont été libérées.

La conférence de presse à Slaviansk le 27 avril 2014

Cette histoire comportait cependant quelques points bizarres. Tout d’abord il ne s’agissait pas d’observateurs de l’OCDE. C’est l’OCDE elle-même qui l’avait déclaré, dès le 25 avril. Et de fait le colonel Schneider, qui commandait la mission, avait déclaré le 23 avril sur la Bayrische Rundfunk (Radio bavaroise) que sa tâche consistait à vérifier les capacités d’intervention de l’armée ukrainienne. Ce qui faisait plutôt penser à du conseil militaire.

Officiellement cette mission s’inscrivait dans le cadre du document de Vienne sur le contrôle des armements et l’instauration d’un climat de confiance [adopté en 1990 par les 57 États-membres de l'OSCE et fortement remanié en 2011, NdT]. Schneider officie au Centre pour les tâches de vérification de la Bundeswehr (ZVBw) qui emploie au total 140 personnes, et où il est chef de section de ce genre de missions ; le directeur du Centre est le général de brigade Jürgen Beyer. Ce dernier commandait auparavant la Centrale de renseignement de la Bundeswehr, destiné par la Bundeswehr à devenir son propre service de renseignements, mais qui a été dissouteen 2007, ses tâches étant transférées au BND (Bundesnachrichtendienst, le SDECE allemand). Au sein du ZVBw on trouve, selon la Süddeutsche Zeitung, une « filiale » du BND. Axel Schneider , « l’otage » de Slaviansk , avant d’être muté au ZVBw, était colonel de l’État-major en Afghanistan où il était chargé, d’après un article paru dans la revue suisse ASMZ, du renseignement militaire: une activité que l’on peut qualifier de proche des services secrets. Ajoutons que le seul supérieur de Schneider, dans son nouveau poste, est le général de brigade Beyer ; il semble peu probable qu’il soit allé en Ukraine pour compter les blindés de l’armée.

Le groupe fait prisonnier à Slaviansk se composait de quatre Allemands, un Polonais, un Tchèque, un Suédois, un Danois, et cinq officiers ukrainiens. D’après un article du Neues Deutschland, ils étaient accompagnés de véhicules de la police. Et pourtant cette troupe est allée droit dans un barrage routier à 4 km de Slaviansk, bien qu’ils aient été en possession d’une carte des barrages. Et tous les membres du groupe étaient en civil.

À l’époque la situation à Slaviansk n’était rien moins que détendue, même si rien n’indiquait de quelle férocité les Ukrainiens se montreraient capables. Le massacre d’Odessa n’avait pas encore eu lieu. Les premiers ballons d’essai de la junte pour lancer les unités spéciales de la police, les « Alpha », à l’assaut de la ville s’étaient heurtés à un refus de celles-ci. Tous les jours des escarmouches se produisaient aux barrages, à Izioum on avait déjà rassemblé des moyens considérables en hommes et en matériel, à Slaviansk des intrus isolés membres du Secteur Droit avaient été fait prisonniers. Les hélicoptères des milices avaient effectué des sorties et le 25 à Kramatorsk un hélicoptère ukrainien avait été abattu. La veille, des avions de l’armée ukrainienne avaient largué sur Slaviansk des tracts expliquant à la population comment se comporter en cas d’assaut sur la ville. Les jours suivants on redouta en permanence cet assaut. Vu de loin, on aurait pu à juste titre s’attendre ce que les choses tournent autrement lorsque le prétendu groupe de l’OCDE tomba sur les milices au barrage.

À peine la première nouvelle de l’arrestation du groupe fut-elle apparue sur les écrans que déjà les médias allemands déversaient un flot démesuré de propagande. Ces « terroristes capables du pire » avaient pris des « otages » dont plusieurs Allemands. La conférence de presse du 27 avril où ils avaient été présentés, « tait un “véritable show” » ; Vyacheslav Ponomarev, le maire de Slaviansk, fut décrit sous les traits d’un demi-fou sanguinaire, dont on pouvait attendre n’importe quoi. Les « observateurs de l’OCDE », des gens au-dessus de tout soupçon, étaient en si grand danger qu’il fallait songer à envoyer les troupes du KSK (Unité de forces spéciales de la Bundeswehr).

Le Bild du 29 avril : « Le KSK va-t-il libérer les otages ? »

Ce fut cette conférence de presse qui me troubla. Très exactement l’attitude physique de Schneider, qui durant toute la conférence a semblé extrêmement tendu ; il se tenait raide comme s’il avait avalé une canne. Graham Philips a enregistré la conférence dans son intégralité ; tout le monde peut la visionnersur Youtube (voir ici) et s’en faire une idée. Ceux qui l’entourent ont tous l’air plutôt détendu, y compris les autres membres du groupe. On peut les comprendre ; en définitive la présence des nombreuses caméras crée un espace sécurisé, non violent, où ils ont davantage le contrôle de leur situation que les jours précédents. Pourquoi Schneider avait-il un comportement à part ?

J’ai pensé à deux états d’âmepouvant engendrer cette attitude ; l’une : la panique, l’autre : la fureur contenue. J’ai écarté la panique (de façon un peu précipitée, je sais) ; elle me semblait invraisemblable parce que je pensais que sa profession l’avait habitué à des situations dangereuses, et qu’en outre (voir plus haut) il ne courait effectivement aucun danger immédiat. Restait donc la fureur. Mais contre quoi ? Et pourquoi pendant la conférence de presse ? Le moment et le lieu excluaient qu’elle soit dirigée contre les gens de Slaviansk. En conséquence elle était dirigée contre la presse. La colère de Schneider s’adressait à l’Allemagne.

Revenons une fois de plus sur le moment même de l’arrestation. Un petit détail revêt une grande importance : tous les membres du groupe étaient en civil. Or si nous admettons que toutes les personnes impliquées considèrent qu’à cet instant l’on est déjà en guerre (nous savons bien que le numéro de la lutte contre le terrorisme est un petit jeu destiné au FMI), la présence de militaires sur la ligne de front ou en territoire ennemi a de très lourdes conséquences. Selon le droit de la guerre, il s’agit alors d’espions, même si on ne peut prouver à ce moment précis qu’ils se livrent à une activité d’espionnage. Les juger et les fusiller ne constitue pas un crime de guerre. Cela fait partie des connaissances de base de tous les membres de la Bundeswehr. Il est probable que Schneider, qui avait fait du renseignement, n’avait pas oublié cette règle. Il serait invraisemblable qu’il ait changé de tenue seulement parce qu’il faisait beau. En définitive, le document de Vienne lui-même précise que les missions doivent être accomplies en uniforme. Il est probable que quelqu’un lui a suggéré ainsi qu’à tout le groupe de se mettre en civil pour une raison quelconque. Si c’était le cas, on les a envoyés sciemment dans un piège sans doute mortel. Ce qui expliquerait sa colère.

Ponomarev, toujours présenté par la télévision allemande comme le maire « autoproclamé » de Slaviansk

Cet aspect juridique explique aussi pourquoi Ponomarev a parlé au début de « prisonniers », mais ensuite d’hôtes. Les médias allemands ont présenté cette dénomination comme une façon de se moquer des « otages » ; or en fait Ponomarev délivrait un message : nous savons ce que nous serions en droit defaire. Et nous vous informons que nous le savons, mais que nous ne le ferons pas. L’accent mis sur la parole d’honneur au cours de la conférence de presse renforçait encore ce message. Derrière cette forme de communication, nettement trop subtile au moins pour la presse allemande on peut supputer la main d’Igor Strelkov [alors chef des forces d'autodéfense du Donbass, accusé par Kiev d'être un agent actif du GRU, le service de renseignements militaires russe, entretemps disparu de la scène, NdT]. Schneider savait en tout cas qu’on l’avait jeté dans la gueule du loup. Lui et tous les autres membres du groupe. Il devait aussi être bien conscient que son apparition en public était la seule chose à même de le sécuriser ; c’est seulement à ce prix qu’il devenait impossible de les tuer lors d’une attaque lancée contre la ville et de déclarer ensuite qu’ils avaient été assassinés par les « séparatistes ». Et en déclarant que cette conférence de presse avait été demandée par ses « hôtes », Ponomarev devait dire la vérité.

Schneider, accueilli à son retour de « captivité » par la ministre de la Défense Ursula von der Leyen

Trois indices étayent cette théorie. Le premier, c’est que l’on aurait tiré sur la voiture qui emportait les « observateurs » vers la liberté sur le trajet convenu en territoire ukrainien (je pars du principe qu’ils étaient de toute façon dans un autre voiture empruntant une autre route). Le deuxième, c’est le curieux silence qui s’est abattu dès que l’affaire a été terminée. Que la presse n’ait pas davantage exploré les coulisses de l’événement n’est pas étonnant. Mais qu’on ait aussitôt cessé de l’utiliser à des fins de propagande, que le colonel Schneider n’ait pas été promené de talk-show en talk-show pour y discourir sur les affreux « séparatistes », voilà qui est plus surprenant. Une si magnifique occasion de jeter de l’huile sur le feu, d’habitude, ça ne se rate pas.

Le troisième indice, c’est le seul cas où les médias allemands ont effectivement rompu le blocus de l’information. Début mai, est sortie une information selon laquelle le BND faisait état de la présence de mercenaires US en Ukraine. Cette information est malheureusement restée sans suite. Ce n’était donc pas une tentative sérieuse de changer de cap. Mais ce pourrait être un petit signal indiquant que quelque chose clochait. Comme le ZVBw est en relation étroite avec le BND, on peut envisager que cette nouvelle soit en lien avec l’affaire de « l’OCDE ». Le but de toute la manœuvre semble avoir été d’impliquer directement et aussi vite que possible l’Allemagne dans le conflit. Vu la manière dont les évènements réels ont été exploités, on peut s’imaginer ce qui se serait passé si les « observateurs de l’OCDE » avaient été fusillés, ce qui était sans doute le plan prévu. Le tabloïd Bild aurait sûrement hurlé à la vengeance en première page, en termes dignes des âges farouches et exigé une attaque immédiate sur Moscou.

Pourtant un jour quelqu’un, dans le vaste paysage médiatique allemand, aurait bien dû demander : qui a pu faire en sorte que ce groupe soit en civil ?

Ce qui suit est pure spéculation. D’accord, ce qui précède interprète les évènements comme une sorte « d’opération sous faux pavillon ». Mais c’était encore fort vraisemblable. Maintenant nous nous aventurons dans des sables mouvants. Mais cette version explique de manière logique deux étranges histoires d’un seul coup (et bien sûr je dis ça pour ne pas risquer de suites judiciaires, car finalement il est ici question de graves délits).

Qui aurait pu faire en sorte que le groupe soit en civil ? On peut sans doute exclure que l’ordre ait été donné directement. Bien sûr je ne connais pas l’armée, mais je connais bien l’administration publique, et elle exige que toute consigne soit expressément documentée. Je pars du principe qu’il en va de même pour les ordres militaires, surtout quand ils constituent une infraction aux règles en vigueur. Il est donc peu probable que le supérieur direct du colonel Schneider lui ait donné l’ordre de se promener en civil.

Il est assez peu probable qu’une telle idée de ce type ait pu être agréée, si elle avait été suggérée par les officiers ukrainiens ou leurs supérieurs. Finalement c’est Schneider qui commandait la mission et les officiers allemands ne sont franchement pas incapables d’attitudes colonialistes. La suggestion d’un Allemand, sous forme d’un conseil amical venant de milieux bien informés, avait les plus grandes chances d’être acceptée. Le personnel militaire ayant tendance à se regrouper également sur le plan privé par rang hiérarchique et armes, le candidat idéal pour transmettre ce conseil amical aurait été un officier des blindés, un grade ou tout au plus deux au-dessus de Schneider et entretenant avec lui des relations amicales (si tel est le cas, cette amitié doit maintenant appartenir au passé). Au-dessus des colonels, il n’y a que les généraux, et comme leur nombre dans la Bundeswehr ne dépasse pas les 200, on a vite fait le tour des candidats potentiels.

Et maintenant passons à la deuxième histoire étrange. Le nouveau général allemand dans l’État-major de l’armée US en Europe vient des blindés et son grade est immédiatement supérieur à celui de Schneider- toutefois depuis deux ans seulement.

Nous l’avons dit : il s’agit là de pures spéculations. Je n’ai aucun moyen de vérifier que Schneider et Laubenthal se soient jamais rencontrés. Il est simplement troublant qu’une personne dont le profil répond le mieux à celui de « l’homme qui a tendu le piège » se retrouve à un poste qui pourrait être la conséquence de cette action (cette mutation étant somme toute assez insolite pour avoir soulevé quelque indignation aux USA).

Admettons qu’il existe un personnage X, qui a donné ce coup de téléphone prétendument amical. Nous avons alors deux possibilités : ou cet appel - et donc toute la manœuvre - était connu et approuvé par une partiedu gouvernement allemand, ou il était télécommandé par une puissance étrangère. Dans le dernier cas, on pourrait tranquillement supposer que notre X aurait connu une fin rapide et discrète, même si l’idée émanait d’une puissance amie. Nous parlons après tout d’une chose qui correspondrait parfaitement au §80 du Codé pénal, préparation d’une guerre d’agression, et en plus par le biais d’une conjuration, et donc d’une organisation terroriste (dès que plus de deux personnes sont impliquées) et par suite d’une trahison d’envergure conséquente. Ou bien ça déclenche une crise au niveau de l’État ou bien on passe discrètement l’éponge.

Or qu’en serait-il, si cette seconde version était la bonne ? Si donc il s’agissait d’une conjuration où sont impliqués des membres du gouvernement et où notre X n’a été que l’exécuteur ? Notre X est alors bien difficile à manier. S’il faisait partie de la Bundeswehr (ce qui est pour le moins logique), il est exclu qu’il y reste. Toute cette histoire est somme toute fort peu édifiante et ne devrait pas vraiment accroître la confiance mutuelle au sein des gradés de haut rang. Parallèlement la solution qui serait de mise dans le deuxième cas est dans celui-ci pour le moins malavisée. Qui peut savoir si notre X n’a pas déposé quelque part une assurance-vie comportant tous les détails, peu ragoûtants, de l’histoire? Et comment conserver le minimum de confiance mutuelle requis pour exécuter de telles manœuvres ?

La solution idéale serait une mutation à un poste en-dehors de la Bundeswehr. Par exemple : dans l’État-major de l’armée US en Europe.

Je l’ai dit : c’est une spéculation. Et normalement il existe des instances étatiques qui devraient se consacrer à de telles questions dès qu’elles prêtent à suppositions. À dire vrai, la question décisive, restée sans réponseque pose l’ensemble de l’affaire des « observateurs de l’OCDE » relève des services du procureur fédéral allemand. Mais nous savons, au moins depuis l’affaire du NSU, que d’éventuelles manœuvres anticonstitutionnellesau sein de l’appareil d’État ne sont pas poursuivies. Il s’agissait alors de fonds publics alloués volontairement par les services secrets à des néo-nazis pour leur permettre d’édifier leurs structures. Malgré l’instauration de nombreuses commissions d’enquête, cette affaire n’a jamais été traitée comme elle l’aurait dû. Dans le cas présent il pourrait s’agir d’une conspiration contre la Constitution émanant du gouvernement,qui ne sera jamais poursuivie.

Des rapprochements avec la République de Weimar ne sauraient être que pertinents.

Matériel utilisé


 

Source : Dagmar HENN, Tlaxcala, 10/10/2014 – traduit par Michèle Mialane.

Source: http://www.les-crises.fr/le-colonel-schneider-et-le-general-exile/


[Reprise] Ukraine : qui nous défendra à notre tour ?, par Danielle Bleitrach

Saturday 22 November 2014 at 01:43

Quelques billets du blog Histoire et Société de la sociologue Danielle Bleitrach (communiste), qui voyage sur place en ce moment. (félicitations pour le boulot réalisé au passage !)


Qui nous défendra à notre tour ?

Jeune femme brandissant un portrait de Stepan Bandera.

Est-il possible déjà de tirer certains enseignements de ce que nous voyons dans cette malheureuse Ukraine ? D’abord un état des lieux, le pays est en proie non seulement à la guerre civile, à la crise économique sociale, mais aussi à la peur face à d’inquiétantes figures. Comment vous dire à quel point cela est palpable ici à Odessa qui parait si tranquille ?… On le sent dans le silence des habitants : ce chauffeur de taxi qui se tait ou répond « ça va… (un silence) si on peut dire » et dont on ne peut pas tirer un mot de plus… La ville entière paraît en pleine torpeur tandis que des jeunes gens, de la racaille, roulent les mécaniques, fixent des regards qui se baissent… Dans cette ville célèbre pour son impertinence… Le soir, dans la nuit des bandes de fêtards, on entend mal et on devine leur cri : « pour notre victoire ! » et ils sautent…

Le fait que des partis fascistes n’aient pas obtenu des voix en masse signifie comme l’abstention un désaveu, mais toutes les listes présentées comme démocratiques, c’est-à-dire « pro-occidentales », ont en tête, éligibles, des fascistes. Parmi les plus excités, il y a des « héros » de la répression dans le Donbass. Et surtout, les fascistes sont devenus partout les auxiliaires zélés de la politique des oligarques qui ont le pouvoir « à fiction démocratique ». Le bilan du Maïdan tient en ce résultat électoral : sur 250 anciens députés de la Rada, 200 ont été réélus, en revanche ont été exclus les communistes et ceux qui tentaient de combattre le FMI, l’OTAN… Voilà pour la Révolution… Et au quotidien, c’est cette enseignante que ses élèves interrogent sur le Donbass et qui le lendemain est renvoyée sur dénonciation de l’un d’entre eux… La « lustration », la purge, cette liste que l’on sait établie mais qui n’est pas encore diffusée… Ces mères qui ne peuvent obtenir justice et dont nous avons déjà parlé… Cette inquiétude devant ces adolescents, quand un peuple a peur de sa jeunesse…

Ce communiste sans parti nous dit: « c’est de notre faute, nous n’avons rien dit quand on nous a imposé la fin de l’Union Soviétique, puis nous n’avons rien dit quand il y a eu l’attaque contre la Yougoslavie, qui aujourd’hui va descendre dans la rue pour nous défendre ? » L’envie nous prend alors d’interpeller les communistes français, les antifascistes et ceux qui plus largement ont une autre vision de la France, de notre rôle dans le monde : qui nous défendra à notre tour ?

Trois pistes de réflexion s’imposent.

1. La responsabilité de notre gouvernement et de l’UE

Il y a un fait incontournable, la responsabilité du gouvernement français comme de l’UE dans l’ouverture de cette crise ukrainienne. Incontournable l’appui à un coup d’État, qui n’a pas été toléré par la moitié de la population et a déclenché tous les autres événements, depuis le référendum d’indépendance de la Crimée et le choix du rattachement à la Russie jusqu’à la guerre civile dans le Donbass et le massacre d’Odessa. Une intervention de l’Europe, longtemps préparée en sous main par les États-Unis qui ont installé leur procurateur en la personne de madame Nuland et pour qui les dirigeants actuels ne sont que des marionnettes. Des ingérences qui ne se sont traduites par rien d’autre que des milliers de victimes civiles et une crise de plus en plus profonde pour la population. On peut accuser Poutine d’intervention, il reste encore à en faire la preuve, alors que celle des États-Unis ne se cache pas.

Ce déni du droit auquel nos gouvernants ont participé n’est pas simplement manifestation de leur incompétence criminelle, mais il a aussi des causes structurelles. Il faut les chercher dans ce qu’est l’UE et la manière dont désormais la France est ligotée à cette réalité institutionnelle.Il faut les chercher dans l’évolution de l’intervention des États-Unis et de ses alliés depuis les années 1990.Encore accélérée par la crise de 2008, qui a engendré une fièvre mercantiliste concurrentielle avec une raréfaction de la demande qui aujourd’hui tend vers la déflation.

L’analyse léniniste de « l’impérialisme stade suprême du capitalisme » n’est pas dépassée même si des événements nombreux sont intervenus et si il y a eu avec la financiarisation des monopoles une transformation de l’impérialisme. Depuis la première grande boucherie européenne et mondialisée, il y a toujours la même concurrence inter-monopoliste à l’échelle mondiale avec la guerre devenue structurelle dans l’accumulation capitaliste autant que dans le mode d’expression des concurrences inter-capitalistes et dans la forme de tentative de maintien des rapports d’exploitation. L’étape de 2008 et les choix d’austérité, d’exaspération concurrentielle face à la raréfaction de la demande a porté à son plus haut niveau cette dimension structurelle de la concurrence intermonopoliste, de la guerre et de la répression des peuples.

La création d’institutions chargées d’assurer la pérennité de ce système au lendemain de la deuxième guerre mondiale a représenté une sorte d’équilibre, baptisé celui de la terreur à cause du nucléaire, l’hégémonie des monopoles subsistait mais était obligée de tenir compte de l’existence d’un camp socialiste et de sa capacité de riposte. La Russie continue d’ailleurs plus ou moins à être de ce fait suspecte d’entretenir ledit équilibre alors même que monte le challenge économique de la Chine et des BRICS. L’Ukraine n’ intéresse les monopoles occidentaux, le complexe industrialo-militaire que comme une marche vers cet affrontement-là.

Avec l’effondrement de l’URSS, alors que demeure d’un côté l’obstacle nucléaire, et que le challenge concurrentiel économique monte avec la Chine, de l’autre côté, le système institutionnel de négociation international, le droit international lui-même, a perdu sa relative stabilité antérieure. Une ivresse de toute puissance semble s’être emparée des monopoles, brisant toute résistance au pillage sur leur passage, a succédé à cette période de relatif équilibre. Comme d’ailleurs la même fièvre les a gagné en matière d’exploitation de la force de travail comme de l’environnement, le caractère sénile et destructeur du capital s’accroit.

L’Europe colonialiste sortie exsangue de la première et deuxième guerre mondiale s’était placée dans le sillage de son rejeton sanglant les États-Unis, qui lui avait bénéficié des guerres. Elle a poursuivi l’allégeance à la chute de l’Union Soviétique. Non parce que les Européens avaient des craintes face aux ennemis caricaturaux – il s’agissait de puissances secondaires, de « terroristes » relevant d’opération de simple police, créatures occidentales et de leurs alliés, mais pour lesquelles était créées des coalitions sous l’hégémonie des États-Unis. L’allégeance n’était donc plus une protection mais parce que l’UE ne pouvait exister autrement qu’en tant que participant à l’impérialisme américain et ses institutions de régulation, le FMI, la banque mondiale, le dollar autant que la puissance militaire à laquelle elle a été annexée. Avec une triple dimension, économique – une politique monétariste régulée par l’austérité – un militarisme qui réclamait la guerre et une mise en concurrence des forces de travail sous la pression des délocalisations et des forces de travail des ex-pays colonisés, puis celle des pays de l’ex-Union soviétique.

Il y a eu une sorte d’illusion gorbatchévienne, qui s’est poursuivie longtemps dans l’ex-Union soviétique et singulièrement en Russie sur la possibilité d’une entente, illusion dont le dernier avatar a été l’idée que l’occident hégémonique accepterait un monde multipolaire, l’Ukraine a fait tomber les masques et montré à quel point la guerre était consubstantielle à ce stade du capitalisme, avec des concurrences n’autorisant aucun développement.

On ne comprend rien à la résurgence du fascisme en Europe si on ne le relie pas à ces caractéristiques capitalistes et impérialistes de l’Europe, pas plus d’ailleurs qu’à l’utilisation de ces forces fascistes comme prétexte à la guerre dans d’autres lieux, l’exemple type étant le Moyen-orient. Le fascisme sert à empêcher par la peur les protestations du monde du travail, les revendications à la souveraineté, le contrôle populaire sur les ressources autant qu’à donner des aliments à la guerre indispensable au profit. C’est ce que vit la malheureuse Ukraine.

Face à ce caractère destructeur , sénile de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme à son stade monopoliste financiarisé, il y a donc l’ébranlement des institutions internationales nées de la seconde guerre mondiale, avec le fait que la disparition du contrepoids que constituait l’Union Soviétique a rompu les digues de la négociation, du compromis. La brutalité du plus fort, d’un monde sans loi est devenu la règle comme l’ont prouvé un certain nombre d’interventions depuis 1991.

Incontestablement l’ingérence de notre gouvernement et de l’UE en Ukraine pour y soutenir les seuls intérêts de l’OTAN et des États-Unis, relève de ces déséquilibres structurels dans lesquels il n’y a plus aucun respect du droit. Mais pour la première c’est avec un cynisme total en Europe et directement avec la Russie en ligne de mire. Il faut donc bien comprendre ce que nos gouvernants cherchent et savoir intervenir en particulier sur la question essentielle de la paix.

Au-delà de la responsabilité en Ukraine, cela devrait nous inciter à une réflexion en profondeur sur la manière dont le France intervient dans ces institutions internationales avec comme but la recherche de la souveraineté du peuple français sur les dites institutions en faveur de la paix, de la justice et de l’élaboration d’un droit démocratique.

2. La remise en cause des droits de l’Homme

Cette crise du mode de production et l’ébranlement des institutions nées de la seconde guerre mondiale ont également leur dimension morale et individuelle autant qu’environnementale. L’Ukraine est l’illustration la plus caractéristique de ce qui est apparu à la chute de l’Union Soviétique. Face aux appétits déchaînés et sans frein de la classe capitaliste et de toutes les formes de pillage, de corruption qu’elle engendre dans son sillage, la crise profonde des institutions internationales et du droit s’accompagne d’une remise en cause des bases mêmes de ce que l’on peut considérer comme les droits de l’homme dans leur aspect le plus universel.

Ce dont a témoigné et ce dont témoigne la situation ukrainienne, en particulier le répression terrible, le génocide dans le Donbass et les événements du 2 mai à Odessa, c’est à quel point il y a un deux poids deux mesures à partir du moment où les intérêts monopolistes et occidentaux sont menacés ou au contraire préservés.

Nous avions l’habitude d’une partialité de nos médias, de nos «élites » en matière de traitement de l’information et des faits, qu’il s’agisse du Moyen orient, de l’Amérique latine, de l’Asie, de l’Afrique, et dans nos pays, la partialité dans le traitement des faits était la règle, mais là nous avons eu droit à un véritable négationnisme, à l’omerta, le silence sur les faits eux-mêmes pour transformer le mal en bien et vice versa. Jamais nous n’avons assisté à une telle manière de justifier le fascisme, de le présenter sous la figure de la démocratie.

Ce qui surgit là à travers ce deux poids deux mesures, ce silence en appui de génocide c’est une conception de l’humanité avec des droits différents, la reconnaissance d’un surhomme, l’allié de l’occident et le sous-homme, le « pro-russe » ou défini comme tel.
Les complicités dans une telle vision sont nombreuses dans notre pays, comment s’étonner de l’emprise du fascisme quand on utilise les droits de l’homme pour une telle remise en cause de ce qui les fonde.

3. Le rôle des partis communistes

Il est frappant de constater qu’au moment où l’on aurait le plus besoin de partis communistes, ceux-ci sont entrés partout et en particulier en France dans une crise profonde faute peut-être d’avoir su repenser à temps la nouveauté de la situation née de la chute de l’Union soviétique. À titre de piste de réflexion, je voudrais suggérer ces quelques idées.

Non seulement l’analyse faite par les communistes eux-mêmes de l’Union Soviétique et de ce qu’elle avait représentée réellement pour les peuples a été évacuée et on s’est contenté de l’analyse de la bourgeoisie, mais encore la stratégie des communistes n’a pas été repensée.

Ainsi le parti communiste français avait élaboré sa stratégie de passage pacifique au socialisme sous la guerre froide. D’un côté, il y avait encore l’équilibre représenté par l’existence d’un camp socialiste, un point d’appui pour penser une stratégie pacifique. Mais dans le même temps, la déstalinisation, accomplie dans de mauvaises conditions idéologiques et politiques, avait encouragé une vision du rassemblement qui nous soumettait à terme à la social démocratie. A débuté alors le primat de l’alliance sur les contenus du rassemblement et ce défaut s’est encore trouvé aggravé quand il y a eu l’effondrement de l’URSS.

La stratégie de passage pacifique au socialisme n’a pas été revue et au contraire ont été privilégiées les alliances et les positions dans les institutions alors que celles-ci faisaient de plus en plus la preuve de leur inadaptation à permettre l’expression des intérêts populaires. De surcroît sans parti communiste capable de vraiment ancrer à gauche ladite gauche, celle-ci n’a manqué de dériver vers le capital et au niveau international en appui d’une adhésion à l’UE et à l’atlantisme.

Le miracle, qu’il s’agisse des ex-pays soviétiques comme des partis communistes occidentaux, a été de se maintenir dans un état de plus en plus faible, de moins en moins crédible dans une telle situation d’absence de stratégie, autant que d’organisations aptes à favoriser l’intervention populaire.

La réflexion de Simonenko, le secrétaire du parti communiste d’Ukraine dont on ne peut qu’admirer le courage, témoigne d’une prise de conscience importante. Au lendemain des élections où il n’a plus été représenté à la Rada, à la fois parce que ses bases traditionnelles avaient soit rejoint la Russie comme pour la Crimée, étaient en guerre civile comme le Donbass ou s’étaient refugiées dans l’abstention comme Odessa, il a déclaré : « »j’ai un grand plaisir à me réinvestir à plein temps dans la vie du Parti. Avant je devais diviser mon temps en deux, la première moitié de ma journée je la consacrait aux activités parlementaires, et l’après-midi aux affaires du parti. Par conséquent, je vais avoir beaucoup plus de temps pour organiser le travail du Parti ».

« Nous allons maintenant rencontrer le peuple. Le potentiel du Parti est resté, et nous pourrons l’engager renforcer nos idées auprès des citoyens d’Ukraine » conclu Petro Simonenko.

S’il n’est pas question de sous-estimer le rôle des élus, en particulier dans la défense des populations qui en ont plus que jamais besoin, cette prise de conscience de la coupure qui a tendu à se développer entre les partis communistes et les populations menacées par la crise et le fascisme nous parait essentielle non seulement pour l’Ukraine mais pour la France.

Danielle Bleitrach


De la désinformation et des pseudos défenseurs des droits de l’homme

En illustration de ce que nous avancions dans le précédent article « Qui nous défendra » sur le dévoiement des droits de l’homme pour mieux instituer un deux poids deux mesures entre êtres humains et appréciation des crimes contre l’humanité, voici encore une autre démonstration. Elle témoigne de la façon dont certaines organisations officiellement de défense des droits de l’homme sont en fait à la solde de l’impérialisme américain. Dans la première image un appel pour protester contre la politique répressive de M. Poutine est accompagné d’une image représentant une femme désespérée près d’un cordon de policiers. La combinaison de l’image au message contre Poutine suggère que la photographie représentent une contrainte de la police de la Fédération de Russie. En fait, l’image a été prise à Odessa, à l’extérieur du Palais des syndicats, brûlé par les Nazis à Kiev, et la police représentée dans le tableau est de la police d’Ukraine.

Désinformation : une photo, deux commentaires.

Danielle Bleitrach


Qu’est-ce qui permet de dire qu’il y a fascisme en Ukraine aujourd’hui ?

Un groupe d’amis avec lequel nous avons eu une après-midi de discussion à Odessa, nous ont dit leur opinion sur « la démocratie » en Ukraine. L’un d’eux a pris la parole en premier pour nous décrire ce qui permettait de parler de la fascisation de l’Ukraine. Une situation dont ils ressentent particulièrement les effets dans le sud et l’est, mais dont les effets se font sentir dans toute l’Ukraine.

Le pouvoir en Ukraine aujourd’hui, selon lui, est représenté par une alliance entre oligarques et fascistes, il s’agit d’une dynamique en évolution. Pour le moment la force principale est celle des oligarques, mais le fascisme peut devenir la force dominante.

1) Le poids du fascisme dans la Rada nouvellement élue

Pour les élections à la rada, si l’on prend les partis que l’occident veut considérer comme démocratiques, puisque pro-occidentaux, il suffit de voir les personnages pour mesurer qu’il s’agit d’un simple toilettage des néo-nazis. Il y a le tout nouveau Front mal dit populaire, né d’une scission de « Patria », le parti de la blonde Timochenko, avec :

Et parmi le bureau militaire du nouveau parti, il y a plusieurs membres de haut rang des bataillons de défense territoriale de l’Ukraine, qui combattent dans la guerre du Donbass, sont membres du bureau militaire du parti. Il faut être clairs, ces bataillons jouent le rôle de la SS par rapport à la Werhmacht et à ce titre sont souvent considérés par l’armée régulière et par les conscrits comme des dangereux psychopathes. Par exemple, André Bilestski sur la liste du Front populaire est le leader des « patriotes d’Ukraine », il s’affirme nazi tout à fait ouvertement nazi. Patriote d’Ukraine (ukrainien : Патріо́т Украї́ни, translittération : Patriot Ukrayiny) est une organisation paramilitaire ukrainienne raciste et néonazie, qui est depuis 2005 sous la direction d’Andriy Belitsky. Il a été crée à l’origine à Lviv, par le parti social national d’Ukraine, sous la direction de Oleh Tyahnybok. L’organisation paramilitaire est officiellement dissoute le 14 février 2004, lorsque le parti social national d’Ukraine prend le nouveau nom d’Union panukrainienne « Liberté », également connu sous le nom de Svoboda. Si le parti a officiellement rompu ses liens avec ce groupe en 2007 en raison de divergences, ceux-ci restent informellement liés. Leurs actions de répression sont soutenues par le ministère des Affaires intérieures, il est sous-colonel dans les forces de police. Par ailleurs ont été élus des commandants des forces armées des bataillons répressifs, par exemple Youri BEREZA, commandant du bataillon Dnieprotsky, reconnu coupable de crimes de guerre dans le Donbass.

Si Svoboda a été éliminé sans doute parce que trop voyant au gré des maîtres américains, un nouveau parti politique est arrivé en troisième position. Il est mené par le maire en exercice de Lviv, Andriy Sadovyi. Il a été fondé le 29 décembre 2012 et se réclame d’une idéologie « de la moralité Chrétienne et du bon sens. » Ce qui ne mange pas de pain, mais on retrouve en deuxième position donc élu un personnage qu’Amnesty International a désigné et dont nous avons déjà parlé dans ce blog à plusieurs reprises y compris son voyage aux États-Unis pour se faire adouber : Semen Semenchenko. « Semenchenko » a établi le Bataillon Donbass parce que « Notre défense a besoin d’État et nous avons décidé que si l’armée ne pouvait pas le faire, nous devrions le faire nous-mêmes ». Il a été désigné par le Ministre des Affaires Interieures Arsen Avakov.

L’élimination des partis fascistes s’accompagne donc de l’élection de vrais néo-nazis qui ont fait leurs preuves dans la répression dans le Donbass et des dirigeants fascistes qui revendiquent l’idéologie nazie. Par ailleurs, les partis dits démocratiques au pouvoir utilisent très ouvertement et très activement les fascistes pour appliquer leur politique[1].

2) La stigmatisation des habitants de l’Est

Notre interlocuteur nous dit que l’idéologie nazie repose sur la définition de sous-hommes face à la race des seigneurs. Les gens de l’est et du sud-est sont décrits dans les médias comme des sous-hommes, on emploie pour les nommer des sobriquets, par exemple colorado. Doryphores à éliminer comme des nuisibles.

Et pour convaincre les gens de leur aspect nuisible, non humain, les crimes commis dans le Donbass par les bataillons fascistes sont attribués aux habitants insurgés. Quand on écoute la télévision ukrainienne ou qu’on lit la presse, pour rétablir l’information, il suffit de mettre à la place des « séparatistes », les forces armées ukrainiennes. Parfois on en arrive à des situations cocasses puisque les « séparatistes » ne cessent de se bombarder eux-mêmes. Ainsi pour les événements du 2 mai à Odessa, la version officielle est qu’il y a eu des bagarres lancées par des « séparatistes russes » contre d’innocents citoyens d’Odessa qui se seraient défendus et les séparatistes se seraient brûlés eux-mêmes avec leurs cocktails molotov.

Il faut criminaliser les gens du sud et du sud-est, en faire un corps étranger de criminels, alors qu’ils sont chez eux et qu’ils sont victimes souvent de gens venus d’une autre partie de l’Ukraine qui accomplissent contre eux des actes criminels.

3) Le maïdan : une révolution démocratique ?

On tente de bâtir une représentation de ce qui s’est passé au Maïdan à Kiev et de ses suites qui n’a rien à voir avec la réalité. Comment pourrait-il s’agir d’une révolution démocratique alors que le rôle déterminant a été joué par les éléments d’extrême-droite sous l’influence manifeste de puissances étrangères ?

Comment peut-on parler de révolution démocratique alors que cela s’est traduit par une répression totale de tous les droits en particulier pour les habitants du Sud-est ? Nous exigions seulement un référendum sur le fédéralisme, nous avons été taxés de « séparatisme » et à ce titre nous subissons la plus terrible des répressions. Même en ce moment où Porenchoko veut faire croire qu’il lâche du lest, il n’y a aucune réponse à la revendication fédéraliste, pas de mesures concrètes, aucun projet n’a été déposé. À Minsk a été arrachée une concession concernant une mesure limitée dans le temps. Et cette décision a été prise après des mois de combat sanglant et de destruction des bâtiments et des populations civiles. Mais ils ne font pas le geste de reconnaître les élections qui ont lieu dans le Donbass, c’est une manœuvre tactique. Pourtant la preuve est faite que cette affaire ne peut pas être résolue par la guerre.

Nous subissons en matière de lois un double standard. Ainsi à Odessa, nous avons fourni les photos de gens qui ont tué des hommes à terre, ils ont tous été libérés, alors que des gens qui ont été arrêtés le même jour et qui tentaient de se défendre sont encore en prison sans jugement.

Comment peut-on parler de démocratie quand il y a une telle inégalité des individus devant la loi en fonction non seulement de leurs opinions mais encore de leur origine ethnique ?

Comment peut-on parler de démocratie quand la presse est muselée, quand les journaux qui tentent de décrire simplement les faits subissent des répressions. Ici il y avait un journal influent, 2000, un hebdomadaire, il était très modéré, on l’a empêché de paraître durant un mois et demi. Il a été refusé à l’imprimerie. Vesti (les Nouvelles) dans son édition ukrainienne a subi par deux fois des perquisitions au mois d’août, à son siège et à l’imprimerie. Un autre journal qui lui soutenait la révolte dans l’Est et qui était issu du parti communiste ukrainien, « classe ouvrière », a été interdit. Des journalistes ont été chassés en mars, parce qu’à gauche, de la chaîne Academia d’Odessa, dès le début. Récemment un jeune blogueur Eugène Anokhine, 28 ans a été arrêté avec comme seule accusation d’avoir collaboré avec des gens arrêtés.

Il y a au-delà de ces exemples les plus voyants, la chasse aux sorcières. Le cas de cette enseignante dans un lycée qui sur demande de ses élèves parle du Donbass, et sur dénonciation de l’un d’entre eux qui a enregistré ses propos en cachette, est chassée.

À ce moment de l’exposé, d’autres intervenants racontent leur propre expérience d’étudiant ou d’enseignant. Il y a dans l’établissement un étudiant, un vrai malade, qui n’est même pas inscrit régulièrement mais dont tout le monde a peur parce qu’il fait partie de Pravy sektor. Ainsi le directeur de l’établissement a convoqué l’enseignant pour lui demander d’être prudent. Ces gens sont très dangereux, ils pratiquent la délation, frappent et sont des auxiliaires précieux de ceux qui veulent faire taire les Odessites. L’abstention dans la zone d’Odessa qui a été très importante avec le vote pour l’opposition (le parti communiste a fait environ 8 % même s’il s’agit quasiment d’un vote visible de tous dans les urnes transparentes vue la taille des bulletins) marque une résistance silencieuse à ce danger permanent. D’ailleurs Simonenko a déclaré hier 1er novembre à Minsk que selon leur décompte parallèle des voix, les communistes auraient dépassé la barre des 5 %.

Un des intervenants insiste sur le fait que tout le monde a peur mais que le désaccord existe, ainsi même dans l’armée il y a des refus. D’abord les appelés sont massivement contre la guerre, la guerre leur apparait injuste, ils refusent le fascisme bien qu’à cause de la propagande la plupart considèrent que la Russie est l’agresseur. Il y a un sentiment anti-guerre instinctif, totalement apolitique, c’est un simple « on ne veut pas de la guerre ! » Il y a des officiers pourtant patriotes. Et il cite le cas de cet officier qui a été le seul dans la Mer Noire qui a marché avec le drapeau ukrainien et celui de son régiment d’infanterie pour aller discuter et dire son désaccord. Il a aussi déclaré que si Pravy sektor attaquait des citoyens innocents, il les défendrait avec son bataillon d’infanterie de marine.

Est-ce qu’ils ont tué l’esprit d’Odessa, ce goût de la plaisanterie, cet air de liberté ? Hier nous sommes allées au marché central. Assises sur de petits bancs devant leur étal d’herbes, deux babouchkas, emmitouflées dans leurs hardes, les mains rouges de froid se sont interpellées, l’une a dit : « Tu te souviens du temps de l’union soviétique ? » Et l’autre en bonne élève du nouveau régime a répondu moqueuse : « je ne voudrais pas retourner en ce temps là !!! »

Danielle et Marianne

Marché d'Odessa.

[1] auquel il faut ajouter le cas extraordinaire de pravy sektor, si cette organisation réalise un score plus que médiocre de l’ordre de 2 %, son chef Dmitry Iarosch est élu sur une liste indépendante de la région de Dnipropetrovsk, où le gouverneur , l’oligarque iisraélo-chypriote-ukrainien Igor Kolomoïsky fait à peu près ce qu’il veut. Nous avons avec ce cas tout de même extraordinaire de « judéo-bandériste », l’exemple de la relation nouée entre oligarchie et extrême-droite néo-nazie.


Le camp de la « démocratie » occidentale se renforce

Des « démocrates »…


Les « camarades » de l’Union slave russe arrivent en Ukraine pour entrer dans le bataillon Azov y combattre les rebelles de la République populaire. Leur chef Dmitriy Dyomushkin annonce une marche à Kiev le 4 novembre, la « marche des Slaves ». Tout est convenu avec les autorités de Kiev qui se félicitent de ce soutien « démocratique » russe… Les organisateurs de la manifestation déclarent qu’ils ont négocié avec leur « frères » du bataillon Azov . L’Union slave a des positionnements anti-impérialiste, anti-communiste et « anti-Poutine »… Dans un article du Guardian de février 2009, intitulé Le pire cauchemar de Poutine, voici comment étaient présentés ces charmants individus :

Leur mission est de nettoyer la Russie de ses « occupants » ethniques, avec une position d’anti-immigrant soutenue par une bonne partie de la population. Et depuis 2004 les plus extrémistes ont assassiné plus de 350 personnes.

Le bataillon Azov a pour sa part été formé le 5 mai à l’initiative du député Oleh Liachko qui le finance en partie, et qui a été soutenu dès le départ par des organisateurs des manifestations de l’Euromaïdan de Kiev : Igor Mossiyitchouk (porte-parole de l’« assemblée sociale-populaire »), Igor Krivoroutchko (membre du conseil politique de l’organisation Pravy Sektor et dirigeant de l’« assemblée sociale-populaire »), Iaroslav Gontchar (un des organisateurs des manifestations d’Automaïdan en marge de l’Euromaïdan) qui vient d’être élu à la Rada dans un liste régionale de Dnipropetrovsk. Azov dont les insignes sont ceux des nazis, qui est financé par l’oligarque ukraino-chyprio-israélien Igor KolomoÏsky, gouverneur de Dnipropetrovsk, organisateur du massacre d’Odessa, et 2e ou 3e fortune du pays. Les premiers membres font partie des services d’ordre de ces différentes organisations, comme le groupuscule d’extrême-droite « Patriotes d’Ukraine » . Le vice-commandant du bataillon, Iaroslav Gontchar, reconnaît que le noyau des hommes est issu des services d’ordre (et de manifestants) de l’Euromaïdan depuis le 21 novembre 2013.

Le commandant Chpara déclare à la presse que ce bataillon « est formé de patriotes ukrainiens ayant déjà une expérience du combat de guerre ». Jusqu’au 18 mai, le bataillon n’a guère que 70 combattants au maximum, lorsqu’arrive à cette date un deuxième groupe d’environ cinquante hommes de 20 à 46 ans, venant de différentes régions d’Ukraine. Certains viennent du mouvement Bratstvo (« Fraternité »), mouvement de Dimitri Kortchinsky un grand nombre d’autres des « Patriotes d’Ukraine », et le reste sans dénomination politique. C’est le véritable départ des opérations.

Le 3 juin 2014, le bataillon intègre une quarantaine de volontaires entre 20 et 30 ans et son chiffre atteint déjà 250 combattants. Ils viennent de toute l’Ukraine et l’un d’eux est citoyen italien. Un noyau dur vient des ultras du stade dynamo de Kiev. On trouve aussi dans cette promotion quelques néofascistes de Suède, d’Italie, de France, mais aussi de Russie déjà, venus ensemble en train. Désormais c’est le gros de la troupe qu’ils rejoignent officiellement après que leur bataillon ait défilé à Kiev.

Ce bataillon est accusé d’actes monstrueux, et la plupart des charniers que l’on découvre dans les zones libérées du Donbass lui sont attribuées.

J’espère que nos médias occidentaux vont être satisfaits de voir que le camp de la démocratie de nos alliés de Kiev se renforce. Parce que le grand vainqueur des récentes élections, le très pro-États-Unis leader du « Front populaire » est l’homme de ces gens-là, celui d’une lutte jusqu’au bout contre le Donbass… L’allié du sanglant oligarque ukraino-chyprio-israélien Igor KolomoÏsky, l’ami de notre ignominie nationale Bernard-Henry Levy, qui a toujours soutenu ces gens-là et a même entraîné des « intellectuels » comme Jacques Weber dans une récente opération à Odessa autour de la promotion de son dernier spectacle dans cette ville martyrisée par ses amis néo-nazis, un spectacle qui, comble de dérision, tournait autour de l’intellectuel européen « engagé ».

Danielle Bleitrach


Sources : billets du blog Histoire et Société de la sociologue Danielle Bleitrach.

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-qui-nous-defendra-a-notre-tour/


Revue de presse du 22 novembre 2014

Saturday 22 November 2014 at 00:45

La revue commence cette semaine avec deux articles pédagogiques sur la crise bancaire et s’achève avec deux autres, dont une étude, sur la TTIP. Entre les deux une “spéciale” Junker côté Europe, divers regards sur la France et le pétrole dans tous ses états. Merci aux participants de nos revues.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-22-novembre-2014/


[Entraide] Modération – Recherches à la BNF – Dessins de Presse – Organisation – Photoshop – Le Monde

Friday 21 November 2014 at 05:26

Je continue mes appels à l’entraide – je ne peux pas avancer sans votre aide…

Il nous faudrait 1 ou 2 modérateurs de plus pour que cela prenne peu de temps aux volontaires.

J’ai besoin de quelqu’un pour un travail de photographie de documents à la BNF (j’ai les références), donc si vous avez l’habitude d’y aller et avez un peu de temps, ce serait génial (pas de grande urgence).

J’ai un vrai souci, car je n’arrive pas à trouver des volontaires pour une veille régulière de sites de dessins de presse humoristiques (français et/ou américains), pour les miscellanées. C’est assez étrange, car c’est pourtant une activité des plus plaisantes à faire, et toute simple – si vous êtes sensible à cet humour…

On a aussi besoin de personnes ayant un petit peu de temps à consacrer régulièrement pour l’organisation et le suivi des reprises de billets et des traductions. Pas de gros pré-requis : être organisé, s’y connaitre un peu en bureautique, avoir un peu de temps et de la motivation…

J’ai aussi besoin d ‘un pro de Photoshop pour réaliser des cartes sur l’Ukraine. (c’est assez simple, j’ai le fond prêt)

 

Il est enfin temps de suivre de plus près le journal Le Monde. Je cherche donc des personnes pouvant aider :

 

Tout ceci n’est pas censé prendre trop de temps aux volontaires – si vous êtes nombreux… On compte donc sur vous.

Contactez-moi ici  (merci de préciser en objet le (ou les) domaine(s) de volontariat, pour aider au tri)

Merci d’avance !

Olivier Berruyer

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-11-2014-2/


« Je n’ai ni plus ni moins d’affection pour la Russie que pour le Pérou » (+ dialogue)

Friday 21 November 2014 at 05:00

Interview que m’a récemment demandé le journal “Le Courrier de Russie”…

Le Courrier de Russie : Comment avez-vous commencé à vous intéresser à ce qui se passait en Ukraine ? Votre blog est avant tout économique, pas géopolitique.

Olivier Berruyer : Justement, je m’y suis intéressé avec un regard économique au départ, puis politique. Globalement, il faut dire que lorsqu’on voit qui sont les dirigeants de l’Union européenne, on est inquiet – on se dit que ce sont les bonnes personnes pour faire précisément n’importe quoi ! Et leur volonté habituelle d’élargir le périmètre de l’empire européen et d’aller faire du libre-échange avec l’Ukraine m’a donc alerté.

LCDR : Vous attendiez-vous à un tel succès ?

O. B : 500 à 600 000 visites par mois, c’est un joli succès individuel, certes, mais ce n’est pas TF1 non plus ! Et à vrai dire, je m’en fiche, moi, je me contente de dire ce que j’ai à dire, et si ça intéresse quelqu’un, tant mieux. Il n’y a pas de démarche commerciale, ce n’est pas à but lucratif. Ce que je fais n’est même pas très vendeur – il y aurait bien d’autres moyens d’être racoleur…

LCDR : Justement, vous diffusez des analyses qui sont largement à contre-courant et qui, dans cette crise ukrainienne, prennent plutôt la défense de la Russie. Pourquoi ?

O. B : Vous savez, si on tente de faire la somme de ceux qui, dans cette crise, n’ont pas un regard biaisé, qui ne sont ni pro-russes, ni pro-ukrainiens – moi-même, au 1er janvier de cette année, je ne savais presque pas où situer l’Ukraine ! –, le constat est un peu triste. En outre, côté européen, l’affaire ukrainienne est gérée avec une totale inconscience des risques. Il aurait fallu avoir un peu de modération, dont la Russie fait preuve d’ailleurs, à la manière de Kissinger, en demandant que l’Ukraine reste militairement neutre. Mais vu l’intégrisme européiste qui règne dans les instances communautaires européennes, il était évident que ça risquait de mal tourner. Personnellement, j’estime qu’il vaut toujours mieux négocier que recourir aux armes…

LCDR : Est-il vraiment possible de convaincre les gens de cette « modération » de la Russie, que vous soulignez ?

O. B : C’est quasiment impossible. Vous savez, je suis un grand admirateur de Noam Chomsky et de tous ses travaux sur la fabrication de l’opinion publique. Et quand vous avez lu ce genre d’ouvrages, vous vous efforcez par la suite d’avoir une position neutre, de vous dire que tout n’est pas tout blanc ou tout noir… Ici, en France, les gens regardent TF1 et France 2, écoutent France Inter, lisent Le Mondeou Libération… qui disent tous la même chose ! Et quand vous vous faites l’écho d’un autre son de cloche, dans le meilleur des cas on vous prend pour un simplet, et au pire, pour un russophile acharné, payé par la Russie : les gens ne peuvent même pas s’imaginer que l’on peut simplement être intellectuellement honnête – et éventuellement en désaccord avec l’analyse des choses la plus répandue. Mais parfois, il apparaît évident que l’on est en train de faire une grosse bêtise. Et rien ne semble pouvoir l’empêcher….

LCDR : Par exemple ?

O. B : Lors de la guerre en Irak, beaucoup de gens ont alerté sur le danger de bombarder Saddam Hussein – et c’était une idée encore plus difficile à défendre, à l’époque, que de prendre position pour la Russie sur le dossier ukrainien aujourd’hui. Mais aujourd’hui, on voit bien que si l’on n’avait pas bombardé l’Irak, certes, tout n’y serait pas rose et il y aurait sans doute eu des morts – mais pas 500 000 ! Et le plus triste, c’est qu’on s’en fiche ! Les Américains disent que c’était le « prix à payer ». Le prix pour quoi ? Est-ce que ça va tellement mieux aujourd’hui ? Et il faut reconnaître que cette incapacité à dire les choses est un problème assez particulièrement français.

LCDR : Comment ça ?

O. B : Je ne dis pas que les choses sont idéales aux États-Unis ou en Angleterre, mais entre la lecture du Guardian, qui publie des avis assez divers sur la Russie et l’Ukraine, et celle du Monde, il y a quand même une grande différence. Le Monde a conservé son aura d’il y a trente ans – les lecteurs sont persuadés que leur journal cherche toujours LA vérité. Mais personne ne l’a, cette vérité ! Et pourtant le fondateur du Monde, Hubert Beuve-Méry, le disait lui-même : « Je ne peux pas vous garantir l’objectivité, mais je peux vous garantir l’honnêteté. » Aujourd’hui, ce quotidien est devenu un instrument malhonnête de propagande sidérante, et dangereuse ; on doit faire extrêmement attention à ce qu’on dit dès que l’on touche aux questions internationales, et surtout diplomatiques.

LCDR : Et à quoi ce « problème français » est-il dû, selon vous ?

[...]

Lisez les 2 autres tiers de l’interview sur le site du Courrier de Russie

==================================================

DIALOGUE : J’en profite pour engager ici un dialogue avec vous sur la question ukraino-russe, le rôle des médias, le blog.

Si vous avez des questions à me poser directement, faites-le en commentaire, j’essaierai d’y répondre… (commencez le commentaire par QUESTION : , ce sera plus simple)

Merci de votre fidélité…

Source: http://www.les-crises.fr/je-nai-ni-plus-ni-moins-daffection-pour-la-russie-que-pour-le-perou-dialogue/


Une catastrophe se produira si on soutient la russophobie en Ukraine, par Vladimir Poutine (ARD)

Friday 21 November 2014 at 00:10

Vladimir Poutine a accordé en Russie, à Vladivostok le 13 novembre 2014, une interview à la télévision allemande « ARD ». Cette interview est à visionner ici pour les germanophones.

Cette interview porte principalement sur les rapports de la Russie avec l’Allemagne, sur l’OTAN et le déploiement des forces de part et d’autre, sur la Crimée, sur la crise ukrainienne et ses enjeux économiques, et bien sûr la Novorossiya.

__________________

Traduction en français pour Media Presse Info

Les inter-titres ont été ajoutés par la Traduction

Vladimir Poutine a répondu aux questions de Hubert Seipel pour la télévision allemande ARD. L’entrevue a été enregistrée le 13 Novembre à Vladivostok.

HUBERT SEIPEL: Bonjour, Monsieur le Président. Vous êtes le seul président russe qui ait jamais donné un discours au Bundestag. Cela se passait en 2001. Votre discours a été un succès. Vous avez parlé des relations entre la Russie et l’Allemagne, de la coopération de la Russie à la construction de l’Europe, même si vous aviez donné un avertissement. Vous avez dit que les idées de la guerre froide devaient être éradiquées. Donc vous avez noté que nous partagions les mêmes valeurs, encore  que vous ne fassiez pas confiance aux autres. Pourquoi étiez-vous un peu pessimiste à l’époque?

VLADIMIR POUTINE: Tout d’abord, je ne donne aucun avertissement ou remontrance et je ne voulais pas être pessimiste. Je voulais juste analyser la période précédente dans le développement de la situation dans le monde et en Europe, après l’effondrement de l’Union soviétique. Donc je me suis permis de prédire la situation en fonction de différents scénarios de développement. Naturellement, cela  reflète la situation comme nous la voyons, à travers le prisme, à la façon des diplomates, du point de vue de la Russie, mais encore, je pense qu’il s’agissait d’une analyse plutôt objective.

Je réitère: il n’y avait pas de pessimisme que ce soit. Aucun. Au contraire, je voulais être optimiste. Je suppose que, après avoir reconnu tous les problèmes du passé, nous devons aller vers un processus de renforcement des relations beaucoup plus confortables et mutuellement avantageuses dans le futur.

HUBERT SEIPEL: La semaine dernière a marqué le 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin, qui n’aurait pas été possible sans le consentement de l’Union soviétique. Ce fut ainsi à l’époque. A présent, l’OTAN mène des exercices dans la mer Noire, près des frontières russes, tandis que les bombardiers russes procèdent à des exercices dans l’espace aérien international de l’Europe. Le ministre de la Défense a dit, si je ne me trompe pas, ils ont volé aussi loin que le golfe du Mexique. Tout cela souligne une nouvelle guerre froide.

Et, bien sûr, les partenaires échangent des déclarations virulentes. Il y a quelque temps, le président Obama  a dit que la Russie est une menace équivalente au virus Ebola et aux extrémistes islamiques. Vous avez qualifié  l’Amérique de nouveau riche, qui se considère comme le vainqueur de la guerre froide, et maintenant l’Amérique tente de façonner le monde suivant ses propres idées sur la vie. Tout cela rappelle la guerre froide.

L’OTAN

VLADIMIR POUTINE: Voyons, vous avez dit en 2001 et je vous ai dit que mon point de vue était plutôt optimiste. Nous avons assisté à deux vagues d’élargissement de l’OTAN depuis 2001. Si je me souviens bien, sept pays – la Slovénie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie et trois États baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie – ont rejoint l’OTAN en 2004. Deux autres pays l’ont rejoint en 2009. Cela signifie que le jeu géopolitique change. De plus, le nombre de bases militaires est en accroissement. Est-ce que la Russie possède des bases militaires dans le monde ? L’OTAN et les Etats-Unis ont des bases militaires disséminées dans le monde entier, y compris dans les zones à proximité de nos frontières, et leur nombre est en augmentation.

De plus, tout récemment, il a été décidé de déployer les Special Opérations Forces, de nouveau à proximité de nos frontières.  Vous avez mentionné divers exercices, vols,  mouvements des navires, et ainsi de suite. Oui, c’ est ainsi en effet.  Cependant, tout d’abord, vous avez dit – ou peut-être est-ce une traduction inexacte – qu’ils ont été menés [les exercices ndlr] dans l’espace aérien européen international. Eh bien, c’est soit l’espace international (neutre) soit l’espace européen. Alors, s’il vous plaît notez que nos exercices ont été menées exclusivement dans les eaux internationales et l’espace aérien international.

En 1992, nous avons suspendu les vols stratégiques de nos avions et ils sont restés à leur bases aériennes depuis de nombreuses années. Pendant ce temps, nos partenaires américains ont poursuivi les vols de leurs avions nucléaires dans les mêmes domaines qu’avant, y compris les zones proches de nos frontières. DONC, il y a plusieurs années, ne voyant pas de développements positifs, personne n’étant prêt à nous rencontrer à mi-chemin, nous avons repris les vols de notre aviation stratégique dans des régions éloignées. C’est tout.

HUBERT SEIPEL: Alors, avez-vous pensé que vos intérêts en matière de sécurité n’ont pas été pris en compte?

Permettez-moi de revenir à la crise actuelle et à son déclenchement. La crise actuelle a été déclenchée par l’accord entre l’Union européenne et l’Ukraine. Le titre de cet accord est relativement inoffensif. Il est appelé l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Le point clé de cet accord est d’ouvrir le marché ukrainien de l’UE et vice versa. Pourquoi est-il une menace pour la Russie? Pourquoi vous êtes-vous opposé à cet accord?

l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine

VLADIMIR POUTINE: En réalité, l’économie suit presque le même chemin que la sécurité. Nous prêchons le contraire de ce que nous pratiquons. Nous avons dit qu’un seul espace  serait construit et  de nouvelles lignes de division ont été construites à la place.

Penchons-nous sur ce que l’accord UE-Ukraine Association stipule. Je l’ai dit plusieurs fois, mais il semble que je doive le répéter encore une fois: il élimine les droits d’importation pour les produits européens entrant sur le territoire ukrainien, cela leur apporte zéro. Maintenant, comme l’Ukraine est membre d’une zone de libre-échange au sein de la CEI, zéro droits de douane ont été mis en place entre la Russie et l’Ukraine. Qu’est-ce que cela veut dire? Cela signifie que tous les produits européens iront à travers le territoire ukrainien directement sur le territoire douanier de la Fédération de Russie.

Il y a beaucoup d’autres choses qui peuvent ne pas être évidentes pour les personnes qui ne sont pas éclairées concernant ces matières, mais elles existent. Par exemple, Il y a des règlements techniques qui sont différents entre la Russie et l’UE, nous avons des normes différentes. Ce sont les normes de contrôle technique, les normes phytosanitaires et des principes qui déterminent l’origine des marchandises.

A titre d’exemple, je citerai l’assemblage des composants de voitures sur le territoire ukrainien. Selon L’accord d’association, les biens manufacturés sur le territoire de l’Ukraine sont destinés à notre marché dans le cadre de la zone de libre-échange russo-ukrainienne. Vos entreprises ont investi des milliards d’euros dans des usines en Russie (Volkswagen, BMW, Peugeot, Citroën, US Ford, et d’autres) entrées sur notre marché en des termes complètement différents, à condition d’une localisation profonde de la production. Comment pourrions-nous accepter cela? Nous l’avons dit dès le début, « Nous sommes d’accord, mais laissez-nous  procéder étape par étape et prendre en compte les vrais problèmes qui peuvent émerger entre la Russie et l’Ukraine. » Qu’est-ce qu’on nous a répondu? «Ce ne sont pas vos affaires, aussi sortez votre nez  de nos affaires! »

L’enclenchement de la crise ukrainienne

HUBERT SEIPEL: je voudrais revenir sur le passé. Lorsque l’accord d’association UE-Ukraine était discuté. Cela a provoqué des rassemblements sur la place Maidan à Kiev. Je me réfère à des manifestations durant lesquelles les gens demandaient une vie meilleure sans l’Union européenne. Mais Ils protestaient également contre le système ukrainien. En fin de compte tout cela a entraîné une vague de violence.

Après, le président d’alors n’a pas signé l’accord, ça a provoqué au début de la violence, et des gens ont été tués sur le Maidan. Puis le ministre allemand des Affaires étrangères est arrivé et a essayé de trouver un compromis entre les manifestants et le gouvernement, et il a réussi à le faire. Un accord qui prévoyait un gouvernement d’union nationale. Il est resté en vigueur pendant environ 24 heures, puis il a disparu.  Vous avez suivi de près l’évolution du 21 Septembre et vous vous souvenez que vous avez parlé avec M. Obama et Mme Merkel.

VLADIMIR POUTINE: Oui. En effet, le 21 février, non seulement le ministre allemand des Affaires étrangères, mais aussi ses homologues de Pologne et de France sont arrivés à Kiev pour agir en tant que garants de l’accord conclu entre le Président de l’Ukraine Viktor Ianoukovitch et l’opposition.L’accord stipule que le seul chemin que prendrait le processus serait pacifique.

En tant que garants, ils ont signé un accord entre les autorités officielles et l’Opposition. Et la forme assurait qu’il serait  observé.   Il est vrai que j’ai parlé par téléphone avec le président des États-Unis ce jour même, et cela était le contexte de notre conversation. Cependant, le jours suivant, en dépit de toutes les garanties prévues par nos partenaires de l’Ouest, un coup d’État est arrivé et l’administration présidentielle et le siège du gouvernement ont été occupés.

Je voudrais dire à cet égard la chose suivante: soit les ministres des Affaires étrangères d’Allemagne, de Pologne et de France n’ont pas signé l’accord entre les autorités et l’opposition comme garants, soit, car ils l’ont  signé après tout, ils auraient du insister sur sa mise en œuvre au lieu de se dissocier de cet accord. Qui plus est, ils préfèrent maintenant ne pas le mentionner du tout, comme si l’accord n’avait jamais existé. C’est de mon point de vue, absolument faux et contre-productif.

La Crimée et le Kosovo

HUBERT SEIPEL: vous avez agi rapidement. Vous avez, pour ainsi dire, annexé la Crimée et justifié cela sur le moment  par le fait que 60 % de la population de Crimée était Russe, que la Crimée a été russe sur une longue partie de son histoire et, enfin, du fait que sa flotte est stationnée là-bas. L’ Ouest a a prétendu qu’il s’agissait d’une violation du droit international.

VLADIMIR POUTINE: Quelle est votre question exactement?

HUBERT SEIPEL: Avez-vous sous-estimé la réaction de l’Occident et les sanctions possibles, qui furent imposées la Russie?

VLADIMIR POUTINE: Nous croyons que ces sortes de réaction sont totalement disproportionnées par rapport à ce qui s’est passé.

Chaque fois que j’entends des plaintes concernant le viol par la Russie du droit international je suis tout simplement amusé.

Qu’est-ce que le droit international? C’est tout d’abord la Charte des Nations Unies, la pratique internationale et son interprétation par les institutions internationales pertinentes.

De plus, nous avons un précédent clair récent – le Kosovo.

HUBERT SEIPEL: Vous voulez parler de la décision de la Cour internationale de Justice sur le Kosovo? Celui dans lequel elle avait déclaré que le Kosovo a le droit à l’autodétermination et que les Kosovars avaient le droit à se déterminer sur l’avenir de leur État ?

VLADIMIR POUTINE: (En allemand.) Exactement. (Suite en russe.) Mais pas seulement. Le point principal était le procédé à prendre concernant leur autodétermination suivant lequel  les personnes vivant dans un territoire ne sont pas tenues de demander l’avis des autorités centrales de l’État où elles vivent. Cela ne nécessite pas l’approbation par les autorités centrales, par le gouvernement, de prendre les mesures nécessaires pour l’auto-détermination. Tel est le point central.

Et ce qui a été fait en Crimée n’est en aucune manière différent de ce qui a été fait au Kosovo.

Je suis profondément convaincu que la  Russie n’a pas commis de violation du droit international. Oui, ce n’est pas un secret, c’est un fait et nous n’avons jamais caché nos forces armées, soyons clairs, ni bloqué les forces armées ukrainiennes stationnées en Crimée, ni forcé quelqu’un à voter, ce qui aurait été impossible, mais [nous avons agi] pour éviter une effusion de sang, pour donner aux gens la possibilité d’exprimer leur avis sur la façon dont ils voulaient façonner  leur avenir et celui de leurs enfants.

Le Kosovo, dont vous avez parlé, n’a déclaré son indépendance que par voie parlementaire seulement. En Crimée, les gens n’ont pas seulement pris une décision parlementaire, ils ont tenu un référendum, et ses résultats ont été tout simplement magnifiques.

Qu’est-ce que la démocratie? Vous et moi connaissons bien la réponse. Que signifie Démos? Demos c’est le peuple, et la démocratie est le droit des peuples. Dans ce cas particulier, c’ est le droit à l’autodétermination.

La Novorossiya

HUBERT SEIPEL: Cela montre immédiatement que vous êtes un avocat.

Mais vous connaissez aussi bien les arguments de l’Ouest. L’Occident dit que les élections ont eu lieu sous  contrôle de l’armée russe. Tel est le raisonnement de l’Occident.

Permettez-moi d’aborder la question suivante. Aujourd’hui, l’Ukraine est plus ou moins divisé. Quatre mille personnes sont mortes, des centaines de milliers sont réfugiées et se sont enfuies, entre autres lieux, en Russie. Dans l’est du pays, les séparatistes russophones réclament une large autonomie, certains veulent se joindre à la Russie. Conformément à l’accord de Minsk, un cessez-le-feu a été déclaré, mais les gens meurent tous les jours. Le pays est en faillite. Fondamentalement tout le monde est perdant dans ce conflit. L’Ukraine semble avoir perdu le plus, mais l’Europe et la Russie aussi. Comment voyez-vous l’avenir de l’Ukraine?

VLADIMIR POUTINE: L’Ukraine est un pays complexe, et pas seulement en raison de sa composition ethnique, c’est ainsi, mais aussi du point de vue de sa formation tel qu’elle est aujourd’hui.

Y a t-il un avenir et comment sera-t-il? Je pense qu’il y en aura un certainement. C’est un grand pays, une grande nation avec une population de 43 à 44 millions de personnes. C’est un grand pays européen avec une culture européenne.

Vous savez, il ne manque qu’une seule chose. Je crois que, ce qui manque c’est la compréhension que pour réussir, être stable et prospère, les gens qui vivent sur ce territoire, quelle que soit la langue qu’ils parlent (hongrois, russe, ukrainien ou polonais), doivent sentir que ce territoire est leur patrie. Pour parvenir à cela ils doivent sentir qu’ils peuvent réaliser leur potentiel ici aussi bien que dans tous les autres territoires et peut-être même mieux dans une certaine mesure. Voilà pourquoi je ne comprends pas la réticence de certaines forces politiques en Ukraine à entendre parler de la possibilité de fédéralisation.

Nous avons entendu récemment que la question qui se pose n’est pas la fédéralisation mais la décentralisation. Il s’agit d’un jeu de mots. Il est important de comprendre ce que ces notions signifient: décentralisation, fédéralisation, régionalisation. Vous pouvez reprendre une douzaine d’autres termes. Les personnes qui vivent dans ce territoire doivent RÉALISER qu’elles ont droit à quelque chose, qu’elles peuvent décider quelque chose pour elles-mêmes dans leur vie.

HUBERT SEIPEL: La question centrale dans l’Ouest est la suivante: l’Ukraine veut-elle rester un Etat indépendant? C’est la question centrale aujourd’hui à l’ordre du jour. La deuxième question est de savoir ce que la Russie peut faire de plus? Peut-être que la Russie a plus de possibilités pour accélérer ce processus en Ukraine, particulièrement en ce qui concerne les accords de Minsk?

Les accords de Minsk

VLADIMIR POUTINE: Vous savez, quand quelqu’un nous dit que nous avons des occasions spéciales pour résoudre tel ou tel crise, cela me trouble et m’alarme toujours. Nous avons entendu à plusieurs reprises que la Russie dispose d’une clé pour la solution du problème syrien, que nous avons des possibilités spéciales pour résoudre un autre problème ou la crise ukrainienne. Je commence toujours à soupçonner une intention de nous mettre la responsabilité sur le dos et de nous faire payer pour quelque chose. Nous ne voulons pas cela. L’Ukraine est un Etat indépendant, libre et souverain.

Pour parler franchement, nous sommes très préoccupés par de possibles nettoyages ethniques et la possibilité que l’Ukraine se retrouve un État néo-nazi. Que sommes-nous censés penser si les gens portent des croix gammées sur leurs manches? Ou que dire des emblèmes SS que nous voyons sur les casques de certaines unités militaires combattant maintenant dans l’est de l’Ukraine? Si c’est un état civilisé, que recherchent les autorités? Au moins, ils pourraient se débarrasser de cet uniforme, ils pourraient faire supprimer ces emblèmes des nationalistes. Voilà pourquoi nous avons peur que tout cela puisse finir de cette façon. Si cela se produisait, ce serait une catastrophe pour l’Ukraine et les Ukrainiens.

Les accords de Minsk ont surgi seulement parce que la Russie a participé activement à cet effort; nous avons travaillé avec les milices du Donbass, les combattants du sud-Ukraine, et nous les avons convaincus qu’ils devraient se contenter de certains accords. Si nous ne l’avions pas fait, cela n’aurait tout simplement pas eu lieu. Il y a quelques problèmes avec la mise en œuvre de ces accords, c’est vrai.

Quels sont ces problèmes? En effet, les défenseurs, par exemple, devaient laisser quelques-unes des villes qu’ils avaient encerclées, ils ne les ont pas quitté. Savez-vous pourquoi? Je vous le dis tout net, ce n’est pas un secret: parce que les gens qui se battent contre l’armée ukrainienne disent, « Ce sont nos villages, nous venons de là, nos familles et nos proches vivent ici. Si nous partons, les bataillons nationalistes vont venir.. tuer tout le monde. nous ne partirons pas, vous pouvez nous tuer vous-mêmes. » Vous savez, c’est un difficile problème. Bien sûr, nous essayons de les convaincre, nous parlons, mais quand ils disent des choses comme ça, vous savez, il n’y a pas grand chose à répondre.

Et l’armée ukrainienne  non plus n’a pas laissé quelques-unes des villes qu’elle était censée quitter. Les miliciens sont des gens qui se battent pour leurs droits, pour leurs intérêts. Mais si les autorités ukrainiennes centrales choisissent tout simplement de ne pas déterminer la ligne de démarcation, qui est très importante aujourd’hui pour arrêter les bombardements et les meurtres, mais si elles veulent préserver l’intégrité territoriale de leur pays, chaque village ou ville en particulier ne sont pas significatifs ; ce qui est important est d’arrêter immédiatement l’effusion de sang et les bombardements et de créer les conditions pour entamer un dialogue politique. Voilà ce qui est important. Si elle ne le font pas, il n’y aura pas de dialogue politique.

Je suis désolé pour ce long monologue, mais vous me faites revenir à l’essence du problème.

Quelle est l’essence? Le coup d’Etat a eu lieu à Kiev. Une partie considérable du pays l’a supporté, et ils étaient heureux en partie parce qu’ils croyaient que, après la signature de, disons, l’accord d’association, il y aurait l’ouverture des frontières, des possibilités d’emploi, le droit de travailler dans l’Union européenne, y compris en Allemagne. Ils pensaient que ce serait ainsi. En fait, ils n’ont rien eu de semblable.

L’autre partie du pays, le sud-est, ne l’a pas supporté et a dit: «Nous ne vous reconnaissons pas. » Et au lieu d’entamer un dialogue, au lieu d’expliquer aux gens que les autorités centrales de Kiev ne vont pas faire quelque chose de mal, et qu’au contraire, elles allaient proposer différentes formes de coexistence et le développement d’un Etat commun, qu’ils seraient  prêts à leur accorder leurs droits; au lieu de cela, ils ont commencé à faire des arrestations de nuit. Une fois que les arrestations de nuit ont commencé, les gens du sud-est ont pris les armes. Une fois qu’ils ont pris les armes, au lieu d’arrêter (les autorités devraient avoir la sagesse de le faire) et à la place du dialogue ils ont envoyé l’armée, l’armée de l’air, tanks et lance-roquettes multiples. Est-ce un moyen de résoudre les problèmes? Et finalement on est arrivé à une impasse. Est-il possible de sortir de cela? Je suis sûr que c’est possible.

La Russie ne laissera pas anéantir la population du Donbass

HUBERT SEIPEL: La question ou, plus exactement, le reproche fait par Kiev aujourd’hui est que la Russie fournit des armes aux séparatistes et envoie ses militaires là-bas.

VLADIMIR POUTINE: Où ont-ils vu les véhicules blindés et les systèmes d’artillerie? Aujourd’hui, les gens qui luttent et considèrent que cela est juste obtiendront toujours des armes. Ceci est le premier point.

Mais je tiens à souligner que ce n’est pas le problème. La question elle-même est tout à fait différente. Le problème est que nous ne pouvons pas avoir une vision unilatérale du problème.

Aujourd’hui il y a des combats dans l’est de l’Ukraine. Les autorités centrales ukrainiennes ont envoyé les forces armées là-bas et ils utilisent même des missiles balistiques. Est-ce que quelqu’un en parle? Pas un seul mot. Et qu’est-ce que cela signifie? Qu’est-ce que cela nous dit? Cela souligne le fait que les autorités centrales ukrainiennes veulent anéantir tout le monde là-bas, tous leurs ennemis et opposants politiques. Est-ce ce que c’est ce que vous voulez? Nous certainement pas. Et nous ne laisserons pas cela se produire.

Les sanctions contre la Russie

HUBERT SEIPEL: Après que la Crimée eut rejoint la Russie, l’Ouest a expulsé la Russie du Groupe des Huit, ce club exclusif des pays industrialisés. Dans le même temps les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont imposé des sanctions contre la Russie. A présent, vous partez pour le sommet du G20 des pays industriels les plus importants de la planète. L’accent y sera mis sur la croissance économique et l’emploi. Ils disent qu’il n’y a plus de croissance et que le chômage devrait augmenter; que les sanctions commencent à avoir un effet; qu’à la fois le rouble et le prix du pétrole ont connu des records de baisse. Les prévisions pour parvenir à une croissance de 2 pour cent en Russie sont impossibles. D’autres pays sont dans la même situation. Cette crise a un caractère contre-productif, y compris pour le prochain sommet, vous ne trouvez pas?

VLADIMIR POUTINE: Vous voulez dire la crise ukrainienne?

HUBERT SEIPEL: Oui.

VLADIMIR POUTINE: Bien sûr, qui pourrait en bénéficier? Vous voulez savoir comment la situation évolue et quelles sont nos attentes ? Nous attendons, bien sûr, que la situation change pour le mieux. Bien sûr, nous attendons que la crise ukrainienne prenne fin. Bien sûr, nous voulons avoir des relations normales avec nos partenaires, y compris aux États-Unis et en Europe. Bien sûr, la situation avec les soi-disant sanctions est dommageable pour l’économie mondiale (elle est dommageable pour nous et pour l’économie mondiale de la même façon.) et elle est dommageable par-dessus tout pour les relations UE-Russie.

Cependant, il y a certains avantages: les restrictions imposées à certaines entreprises russes sur l’achat de certains produits en provenance des pays occidentaux, d’Europe et des États-Unis, nous ont incité à produire ces marchandises nous-mêmes. La durée de vie confortable, quand tout ce que nous avions à faire était de produire plus de pétrole et de gaz, et d’acheter tout le reste, fait partie du passé.    En ce qui concerne la croissance, il convient de noter que cette croissance a été modeste sur l’année, mais elle était néanmoins d’ environ 0,5-0,6 pour cent. L’année prochaine, nous prévoyons d’atteindre une croissance de 1,2 pour cent, l’année après de 2,3 pour cent et 3 pour cent en trois ans. Habituellement, ce ne sont pas les chiffres que nous aimerions avoir, mais c’est  néanmoins de la croissance et nous sommes confiants que nous allons atteindre ces chiffres.

« ont-ils quelque chose de déconnecté dans leurs cerveaux »?

HUBERT SEIPEL: Un autre thème qui sera discuté à Brisbane sera la stabilité financière. La situation en Russie peut également se compliquer parce que les banques russes ne peuvent plus se refinancer sur les marchés mondiaux. En outre, il est prévu de fermer pour la Russie le système des paiements internationaux.

VLADIMIR POUTINE: les banques russes ont actuellement étendu un prêt de 25 milliards de dollars à l’économie ukrainienne. Si nos partenaires européens et américains veulent aider l’Ukraine, comment peuvent-ils saper la base financière et limiter l’accès de nos institutions financières sur les marchés de capitaux mondiaux? Veulent-ils la faillite de nos banques? Dans ce cas, ils mettront en faillite l’Ukraine. Ont-ils pensé à ce qu’ils font à tous ou pas? Ou bien, leurs politiques sont-ils aveugles? Comme nous le savons les yeux constituent une partie périphérique du cerveau. Ont-ils  quelque chose de déconnecté dans leurs cerveaux?

La banque que j’ai mentionnée est Gazprombank, qui cette année seulement, cette année civile, a accordé un prêt de 1,4 plus 1,8 milliards de dollars au secteur énergétique ukrainien. Combien est-ce au total? 3,2 milliards. Ceci est la somme qu’elle a allouée. Dans un cas, elle a émis un emprunt à l’ukrainien Naftogaz, qui est une entreprise publique; dans l’autre cas, elle a alloué 1,4 milliard de dollars à une entreprise privée afin de soutenir l’industrie chimique de l’Ukraine. Dans les deux cas, aujourd’hui, cette banque a le droit de demander le remboursement anticipé parce que les partenaires ukrainiens ont violé leur accord de prêt.

HUBERT SEIPEL: La question est de savoir s’ils paieront ou pas?

VLADIMIR POUTINE: (En allemand.) Pour le moment Ils paient. (Repris en russe.) Ils honorent le prêt. Naftogaz honore l’un des prêts. Cependant, il y a certaines conditions qui sont violées. Par conséquent, la banque a le droit formel d’exiger le remboursement anticipé.    Mais si nous le faisions, l’ensemble du système financier ukrainien s’effondrerait. Et si nous ne le faisions pas, notre banque peut s’effondrer. Que devrions-nous faire?

De plus, lorsque nous avons prolongé un prêt de 3 milliards de dollars il y a un an, il y avait pour condition que si la dette totale de l’Ukraine venait à dépassé 60 pour cent du PIB, nous, le ministère russe des Finances, serait en droit d’exiger un remboursement anticipé. Encore une fois, si nous le faisons, l’ensemble du système financier va s’effondrer. Nous avons déjà décidé que nous ne le ferons pas. Nous ne voulons pas aggraver la situation. Nous voulons que l’Ukraine se remettre sur pied à la fin.

HUBERT SEIPEL: Avez-vous l’intention de proposer des solutions pour résoudre la crise en Ukraine?

VLADIMIR POUTINE: Madame la Chancelière est très consciente de toutes les nuances de ce conflit. Quant au problème de l’énergie, elle a fait beaucoup pour sa solution. [En effet, ce sont les Français et les Allemands qui payent pour l'Ukraine! ndlt]

En ce qui concerne les questions de sécurité, je dirais que dans ce domaine nos points de vue et approches ne coïncident pas toujours. Ce qui est clair est que la Russie et la République fédérale d’Allemagne veulent que la situation dans cette région soit réglée. Nous sommes intéressés dans ce domaine et nous allons travailler pour l’observation des accords de Minsk. Il y a juste une chose à laquelle je porte toujours attention. On nous dit encore et encore: les séparatistes pro-russes doivent faire ceci et cela, vous devez les influencer de cette façon, vous devez agir de la sorte. Alors je demande toujours: « Qu’avez-vous fait pour influencer vos clients à Kiev? Qu’est-ce que vous faites pour lutter contre les sentiments russophobes? »Cela est une voie très dangereuse. Une catastrophe se produira si quelqu’un soutient subrepticement la russophobie en Ukraine. Ce sera une véritable catastrophe! Ou bien, allons-nous chercher une solution commune? Pour cela, nous allons aider les positions des parties à se rapprocher. Je vais vous dire quelque chose que certaines personnes dans ce pays peuvent ne pas aimer. Essayer de réaliser un seul espace politique dans ces territoires. Nous sommes prêts à aller dans cette direction, mais seulement ensemble.

HUBERT SEIPEL: Il est très difficile de corriger les erreurs commises par d’autres. Parfois, il est seulement possible de corriger ses propres erreurs. Je voudrais vous demander: avez-vous commis des erreurs?

Les relations Russie-Allemagne

VLADIMIR POUTINE: Les gens font toujours des erreurs. Chaque personne fait des erreurs dans les affaires, dans la vie privée. Est-ce vraiment important? La question est que nous devrions donner une réponse rapide, efficace et opportune pour réparer les conséquences de ces erreurs. Nous devons les analyser et nous rendre compte qu’elles sont des erreurs. Nous devons les comprendre,  les corriger et progresser vers la solution du problèmes plutôt que rester dans une impasse.    Il me semble que c’est la façon dont nous avons agi dans nos relations avec l’Europe dans son ensemble et la République fédérale d’Allemagne en particulier, au cours de la dernière décennie. Regardez l’amitié qui a été établie entre la Russie et l’Allemagne au cours des 10-15 dernières années. Je ne sais pas si nous avions jamais joui de telles relations avant. Je ne pense pas. Je vois cela comme une très bonne base, une bonne base pour le développement des relations non seulement entre nos deux Etats, mais aussi entre la Russie et l’Europe dans son ensemble, pour l’harmonisation des relations dans le monde. Il serait dommage que nous laissions perdre cela.

HUBERT SEIPEL: Monsieur le Président, je vous remercie pour l’interview.

Traduction pour Medias Presse Info à partir de la traduction anglaise : Emilie Defresne 

P.S. vous pouvez comparer le journaliste allemand avec la qualité des journalistes français sur l’interview TF1 / Europe 1 (transcription, vidéo avec les coupes) – contrairement à nous, les Allemands ont au moins eu la vision de Poutine sur la Crimée…

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-ard/


“Leurs enfants se terreront dans des caves” : Porochenko, une certaine idée de l’Humanisme

Thursday 20 November 2014 at 04:00

Au moment de l’élection de Petro Porochenko, François Hollande l’a félicité, le soutenant pour mener à bien “le dialogue national” :

Barrosso a indiqué que sa soif de “dialogue” serait “un “nouveau départ pour l’Ukraine” :

Mission accomplie ce week-end – dans indifférence générale de notre presse :

« Chez nous il y aura du travail — chez eux, non.
Chez nous, il y aura des retraites — chez eux, non.
Chez nous, on s’occupera des enfants et des retraités — chez eux, non
Chez nous, les enfants iront à l’école et dans les jardins d’enfants — chez eux, ils se terreront dans les caves.
Parce qu’ils ne savent rien faire.
C’est comme ça que nous gagnerons la guerre. » [Petro Porochenko, discours à Odessa, 14/11/2014]

(ps : pour éviter toute manipulation, j’ai fais retraduire depuis l’ukrainien)

Ukraine : Il n’y aura plus de services de l’État dans les villes prorusses

A partir du 21 novembre, toutes les institutions de l’Etat ukrainien cesseront leurs activités dans les zones tenues par les séparatistes. Une décision compréhensible, mais dont les conséquences sont incalculables.

L’Ukraine entend sanctionner les régions prorusses du Donbass, où les hostilités se poursuivent. C’est dans cette optique que le président Petro Porochenko a signé, le 14 novembre, un décret par lequel il “ordonne au gouvernement d’interrompre toutes les activités des institutions de l’Etat dans la zone de l’opération antiterroriste”, écrit le quotidien de LvivVissoki Zamok. Les administrations devront avoir “évacué leur personnel d’ici le 21 novembre”.

Une liste de villes

“Des mesures doivent être prises pour suspendre le fonctionnement des entreprises, institutions et organisations de l’Etat dans les régions de Donetsk et Louhansk. Il faut également prévoir l’évacuation des membres du personnel (avec leur consentement). [...] En outre, le gouvernement, avant le 21 novembre, devra régler le problème du paiement de l’énergie et veiller à ce que l’électricité et le gaz continuent à être fournis sans interruption à d’autres districts de ces régions.”

Plusieurs villes du Donbass sont concernées, “des villes où l’on estime qu’il n’y a pas d’autorités ukrainiennes approuvées officiellement”,souligne l’hebdomadaire Dzerkalo Tyjnia, qui en donne la liste. “Dans la région de Donetsk, [entre autres] Horlivka, Yenakiieve, Thorez, et dans celle de Louhansk : Altchevsk, Antratsit ou encore Krasny Loutch”. Autant d’agglomérations qui font l’objet de violents combats depuis des semaines.

Aveu d’impuissance ?

La nouvelle a été très mal accueillie dans le Donbass même. “En dépit des actes ouvertement hostiles de Kiev, aurait déclaré Denis Pouchiline, un des dirigeants séparatistes, cité par Oukraïnska Pravda, nous ne fermons pas complètement la porte à une solution négociée du conflit.” Toutefois, ironise le quotidien en ligne ukrainien, “les militants, après leur pseudo-référendum, ont déclaré leur indépendance. Et ils appellent régulièrement leurs ‘citoyens’ à ne plus payer leurs impôts au fisc ukrainien. [...] Ce qui ne les empêche pas de se dire outrés par cette décision.”

Vu de Russie, cette nouvelle évolution est considérée comme un aveu d’impuissance de la part de l’Ukraine. “Kiev reconnaît de fait la séparation du Donbass”, titre ainsi la Nezavissimaïa Gazeta. Selon le quotidien moscovite, le dernier point du document signé par Petro Porochenko est officiellement qualifié par Kiev de “blocus financier” des républiques séparatistes.

“Acte de génocide”

Les leaders des républiques séparatistes exigent du gouvernement central qu’il continue de financer la région, arguant du fait que le Donbass a toujours permis au Trésor ukrainien de faire des bénéfices, et que les retraités actuels avaient travaillé dans des entreprises ukrainiennes. Il y a un mois déjà, les autorités séparatistes de Donetsk avaient reconnu être dans l’incapacité de verser les pensions de retraite et les salaires des fonctionnaires.

Le leader de la république populaire de Louhansk a quant à lui qualifié les mesures de Porochenko d’”acte de génocide et [de] ruine de notre peuple”. Il a lancé : “Ce nouveau riche arrivé au pouvoir sur les cadavres de Maïdan agit selon les pires traditions nazies : il veut transformer le Donbass en camp de concentration.” Les autorités séparatistes de Donetsk, dans un communiqué, se sont déclarées “profondément offensées par la décision du gouvernement ukrainien de confisquer les pensions, allocations et autres avantages légaux de nos vétérans, retraités, invalides et mères de famille”. Elles ont estimé que si Kiev ne restaurait pas ces versements, la région risquait de se retrouver en proie à une catastrophe humanitaire.

Source : Raymond Clarinard et Laurence Habay – Courrier International

Le best-Of des derniers tweets OFFICIELS du président ukrainien

Guerre totale contre la Russie ? Alors que l’armée entière du pays n’arrive pas à reprendre la moitié d’une région ?

Au moins…

Ben voyons ! Il défend Paris aussi…

Tiens qui ne fait pas partie du “monde civilisé” ?

Bah, comme le Premier Ministre parle de “sous-hommes“, il y a une cohérence…

 

Source: http://www.les-crises.fr/leurs-enfants-se-terreront-dans-des-caves-porochenko-une-certaine-idee-de-lhumanisme/