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Sur Arte, Jean Quatremer psychanalyse la Grèce

Sunday 10 May 2015 at 01:06

Mardi 20 janvier, Arte rediffusait le documentaire coréalisé par Jean Quatremer, « Grèce, année zéro ». S’agissait-il, à l’approche des élections législatives en Grèce, de fournir aux téléspectateurs français l’occasion d’approfondir les enjeux autour de la situation critique du pays et des élections du 24 janvier ? Difficile de l’imaginer, avec ce film de 52 minutes qui enfile les clichés sur la Grèce et la nécessité de « la réforme », en se concentrant presque exclusivement sur la fraude et la corruption. De ces maux bien réels, le documentaire propose une explication culturelle ou historique (ou encore une « psychanalyse », selon les mots de Quatremer lui-même), au détriment d’une mise en perspective économique et politique de la crise et des « remèdes » possibles.

Une question se pose d’emblée : pourquoi confier à Jean Quatremerla réalisation d’un documentaire sur la crise grecque ? On gage que les producteurs d’Arte ont été séduits par l’acuité de son expertise sur la Grèce, qui laisse apparaître certaines de ses qualités : son européisme convaincu, sa répulsion pour les extrêmes-qui-se-touchent, ou encore sa grande connaissance du pays, où il passe régulièrement ses vacances (1).

C’est peut-être à l’occasion d’un séjour dans les Cyclades que le correspondant de Libération a rencontré l’historien gréco-suisse Nicolas Bloudanis, originaire de l’île de Patmos, qui joue dès le commencement du documentaire le rôle de « guide » dans la Grèce en crise. Un choix qui n’a rien d’anodin ; interviewé en 2011 par Quatremer dans les colonnes de Libération, l’historien donnait un avis tranché sur la situation en Grèce : il en appelait alors à« privatiser les entreprises publiques » et « réduire drastiquement la taille de la fonction publique » (2).

Au-delà de ces recommandations originales, Nicolas Bloudanis partage avec Quatremer, une vision « culturelle » de la crise grecque, selon laquelle les problèmes des Grecs – réduits pratiquement à la fraude fiscale et à la corruption – trouvent leur explication dans une certaine « mentalité ». On reviendra sur cette question centrale dans le documentaire ; plus importante même que celle posée dans le sous-titre de l’émission – et qui annonce néanmoins la couleur : « Comment l’amer remède imposé par l’Europe à la crise de la dette apporte aussi à la Grèce une chance inédite de construire un État de droit. » Une version grecque de « Vive la crise », en quelque sorte (3)…

D’une manière générale, le documentaire est fidèle à l’œuvre du correspondant à Bruxelles de Libération, dont la critique acerbe des vicissitudes grecques n’a d’égal que la bienveillance, voire la révérence à l’égard des institutions européennes. Il est difficile de résumer le propos d’un film qui, sur le mode des « choses vues et entendues » et du commentaire ponctuel, s’abstient de tout discours construit et argumenté ; mais à bien écouter, on y reconnaît une petite musique que l’on pourrait décomposer en quatre motifs principaux.
Une petite musique familière

L’austérité est un mal nécessaire. – « Le pays doit profondément changer, il n’a pas le choix » : le ton est donné dès l’ouverture du documentaire, qui évoque rapidement les mesures de rigueur, inéluctables : « À partir de la faillite, le gouvernement n’avait qu’une seule possibilité : prendre l’argent là où il était […] c’est-à-dire chez les fonctionnaires chez les retraités, il pouvait leur retirer une partie de leur revenu, ce qui a provoqué énormément de mécontentement », explique Bloudanis, pragmatique (4). La seule possibilité, vraiment ?

Le narrateur reconnaît en tout cas une « situation terriblement angoissante pour le peuple grec, qui frôle la dépression collective. »Mais se reprend, philosophe : « Le prix à payer pour vivre dans une société libérale peut parfois paraître très élevé. » Un doux euphémisme qui prêterait à sourire, si la situation en Grèce n’était pas si tragique. La pauvreté a doublé entre 2010 et 2012 et le chômage a triplé depuis les débuts de la crise, et cela n’a rien d’une impression. Et si c’est le « prix à payer pour vivre dans une société libérale », que faut-il en conclure ? L’austérité ou le goulag ?

Les Grecs fraudeurs l’ont tout de même bien mérité. – Le documentaire se poursuit en évoquant la question de la fraude fiscale et de la corruption en Grèce. Bien sûr ces deux phénomènes existent, mais ils sont loin de constituer les seules causes de la crise grecque. Or non seulement le documentaire se focalise sur la corruption et la fraude, mais il tend à les généraliser à l’ensemble de la population grecque, évoquant par exemple « la fraude fiscale » comme une pratique uniforme – un « sport national ». La voix-off rappelle par ailleurs que « si chaque citoyen avait payé son dû, [la Grèce] n’aurait tout simplement pas eu besoin d’emprunter ».

Le choix des interlocuteurs, remarquablement monocorde, pose lui aussi question. Qu’il s’agisse du ministre conservateur « chargé de réformer la pléthorique administration grecque », du secrétaire général pour les recettes fiscales, du représentant de la Commission en Grèce, d’un ancien ministre des finances du PASOK, ou encore d’un représentant de la Troïka, tous s’accordent sur la nécessité des « réformes ». Et qui de mieux pour évoquer la corruption et les changements nécessaires que d’authentiques membres du sérail, comme l’ancien ministre des Finances Giorgios Papakonstantinou ? Ou Kyriakos Mitsotakis, issu des grandes familles grecques qui se partagent le pouvoir en Grèce depuis des décennies ? Ou encore Evangelos Venizelos, qui a fait partie, depuis 1993, de presque tous les gouvernements ?

Seules exceptions : Giorgos Stathakis, député de Syriza et Tryphon Alexiadis, vice-président du syndicat des agents du fisc, « proche de la gauche radicale », dont les interventions sont souvent en décalage vis-à-vis des autres témoignages – notamment parce qu’elles émettent un point de vue critique sur « les réformes » ou soulignent l’importance de distinguer les classes possédantes du reste de la population, en matière d’évasion fiscale notamment. Mais le commentaire fait la sourde oreille, ne relève pas ces désaccords et retourne à sa marotte : la fraude expliquée par l’histoire et la culture grecques.

Le populisme, c’est mal. – Non seulement les voix discordantes qui s’expriment dans le documentaire de Quatremer sont rares… mais elles sont d’emblée mises dans le même sac : le populisme. La voix-off pose le décor : « La réforme de l’État, tout le monde s’accorde à la trouver nécessaire dans un système qui a fait faillite. Mais elle n’en est pas moins douloureuse […]. Alors, comme partout dans le monde, la tentation du populisme, de droite ou de gauche, est grande. »

Le premier est représenté par Kostas Moneos, un chauffeur de taxi qui annonce qu’il votera Aube Dorée, par révolte face à la paupérisation généralisée et parce qu’il ne croit plus dans les partis politiques traditionnels. Le second, par le député Giorgos Stathakis de Syriza, formation dont on apprend, en guise de présentation, qu’elle « a longtemps promis que tout pourrait redevenir comme avant », mais que son « discours se nuance » à l’approche des élections. S’ensuit une courte intervention de Stathakis sur la nécessité de lutter contre la fraude fiscale des plus riches.

Ainsi, résume le narrateur, « face au rejet de la classe politique, les Grecs préfèrent voter soit pour Syriza, parti de gauche radicale, soit pour Aube Dorée, un parti néo-nazi. » Heureusement, « un tout nouveau parti créé par un ancien journaliste, Stavros Theodorakis, tente d’éviter cette course dans les extrêmes. » Il s’agit de To Potami, parti pro-européen dont le programme se résume… à« poursuivre les réformes, mais avec des hommes nouveaux qui n’ont jamais été impliqués dans les affaires ». Original.

Heureusement, il y a l’Europe. – Car le véritable rempart face aux « extrêmes », c’est bien l’Europe. Même si son action n’est pas toujours bien perçue. Le représentant de la Commission en Grèce Pavos Karvounis se désole : « On dit que c’est l’Union européenne qui a mis la Grèce à genoux. » Certes, il y a des « sacrifices » ; mais ce n’est pas l’Union européenne qu’il faut blâmer : « La leçon à tirer, c’est que les Grecs se sont plantés. » Et de poursuivre : « Il faudrait médiatiser une image positive de l’Europe, car elle seule a été aux côtés de la Grèce pour l’aider. » À ses côtés, certes… Mais pour l’aider, vraiment ? Cela au moins pourrait faire débat – mais pas dans le documentaire de Jean Quatremer !

Car la suggestion de Pavos Karvounis, « médiatiser une image positive de l’Europe », n’est manifestement pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Et l’on chercherait en vain dans le commentaire en voix-off la moindre évaluation critique des « réformes » imposées par l’Europe en Grèce. Pour notre part, nous n’avons relevé qu’une phrase critique à l’égard des institutions européennes. C’est à la 42e minute : « Un pays n’est pas une entreprise et la Troïka (5) semble l’avoir oublié. » À l’inverse des religieux et des armateurs qui, eux,« l’ont parfaitement compris » et savent en jouer à leur avantage. Trop naïve, la Troïka ?

Une crise « culturelle »

« Grèce, année zéro » développe une petite musique, donc, plutôt qu’un discours construit. Les points de vue exprimés, qui reprennent presque exclusivement le discours officiel sur la situation grecque, sont rarement assumés par le narrateur. Le seul problème que le documentaire accepte de prendre de front, au point de constituer une sorte de fil rouge, est celui des origines culturelles de la fraude et de la corruption.

Dans l’interview précédant le documentaire, le correspondant à Bruxelles de Libération s’en explique d’ailleurs très clairement : « Je voulais montrer aussi que si la Grèce a dérapé, c’est parce qu’il y a des raisons qui sont liées à l’État grec lui-même, à l’histoire grecque, à la culture grecque. Ca ne veut pas dire que les Grecs sont des voleurs […] ». Disons que c’est une façon moins brutale et pseudo-savante de le dire. Et disons surtout que faire un documentaire pour l’expliquer contribue à présenter « les Grecs » dans leur ensemble et sans distinction comme responsables de la crise, tout en dédouanant les autres acteurs.

Cette vision culturaliste n’est pas nouvelle chez Quatremer qui applaudissait déjà en 2012 les propos douteux du philosophe Stelios Ramfos : « Les Grecs ne sont pas du tout rationnels. Ils ne raisonnent pas comme les Européens de l’Ouest. […] Notre structure mentale est restée d’une certaine manière atrophiée, focalisée sur les problèmes du moment.(6) » Dans « Grèce, année zéro », Nicolas Bloudanis lui emboîte le pas : « Le Grec moderne réfléchit exactement comme réfléchissait celui du XIXe siècle, dans le sens où il attend de l’État qu’il assure son avenir […] et c’est ce qui explique son désarroi total face à la crise et aux réformes que cette crise oblige l’État grec à faire. » Bien simplet qui croyait que le désarroi des Grecs était avant tout la conséquence de l’effondrement de l’économie, des salaires, de la protection sociale et des services publics… puisqu’il s’agit, au fond, d’une question de mentalité !

L’histoire permet en tout cas de prendre de la hauteur. Le commentaire nous rappelle que « dans l’Antiquité, la Grèce était constitué de cités-Etats, tour à tour sous le joug de différentes occupations étrangères », et Nicolas Bloudanis remet doctement en perspective la crise actuelle : « La faillite d’aujourd’hui est donc la troisième que connaît la Grèce dans son histoire. La première a eu lieu en 1893 ; la deuxième a eu lieu en 1932, mais on ne peut pas la considérer comme traditionnelle parce qu’elle faisait partie alors de la crise mondiale ; et aujourd’hui à partir de 2009, c’est une troisième faillite, qui est tout à fait classique à la Grèce. »Résumons : une tradition nationale de la faillite, fondée sur deux exemples, les crises de 1893 et de 2009. À condition bien sûr de considérer, comme notre expert, que ces crises n’ont absolument rien à voir avec de quelconques crises mondiales (7)…

« Extrémisme, fraude et corruption ne sont pourtant pas inscrits dans l’ADN grec », nous rassure le commentaire, « mais trouvent leur origine dans l’histoire tourmentée de ce pays ». Ce que confirme Margaritis Schinas, directeur résidant chargé de la liaison avec la Troïka, qui évoque quant à lui non pas l’ADN grec, mais – nuance ! – « des pathologies décennales, voire séculaires » que la crise oblige à dépasser : « Historiquement, il existe une mentalité dans la Grèce moderne qui est un résidu de la période ottomane : pour les Grecs, l’État, ce n’est pas nous […] Ce n’est donc pas grave si on le vole un peu. » Et à la fin du documentaire (voir annexe), le vice Premier-ministre grec, Evangelos Venizelos, conclura ainsi : « Il faut poursuivre cet effort. Nous avons déjà atteint de nombreux objectifs […] Mais, nous devons faire face aux mentalités corporatistes, au populisme, à la théorie de la facilité. » Encore et toujours, la « mentalité »…

La vision de la crise grecque comme crise culturelle fonctionne comme une puissante justification du « calvaire » subi par les Grecs et de l’intervention des institutions européennes : il s’agirait en fait de l’ajustement douloureux mais nécessaire d’une société minée par la fraude et la corruption, inscrites dans la culture et l’histoire grecques. Quatremer se défend d’avoir une vision raciste, en précisant que ces maux ne sont pas « dans l’ADN des Grecs » (ce que personne de sensé ne pourrait soutenir). Mais il développe néanmoins une vision culturaliste qui, sous ses atours scientifiques, demeure très ambiguë (8). Et permet de renvoyer la crise grecque… à un mal grec.

PS : Comme on pouvait s’en douter, Jean Quatremer s’est rapidement réjoui de la victoire de Syriza lors des élections législatives du 25 janvier. En témoigne par exemple ce Tweet, d’une bonne foi à toute épreuve. Question de « mentalité » ?

Annexe : la conclusion de « Grèce, année zéro »

Nous avons retranscrit ici les dernières minutes de « Grèce, année zéro ». Celles-ci sont emblématiques de l’importance donnée aux intervenants « issus du sérail », qui, après avoir célébré les réformes qu’ils sont chargés de conduire, concluent le propos sur la situation de la Grèce et ses perspectives. L’avertissement final, qui semble destiné aux téléspectateurs français, est lui aussi significatif : nous allons payer, « tous ensemble » et sans plus de distinction, pour les maux de la Grèce. Les Grecs auront payé pour leurs péchés, et nous paierons pour notre « cécité » : « Grèce, année zéro », ou le degré zéro de l’analyse politique.

Kostas Moneos, chauffeur de taxi et électeur d’Aube dorée : « Mes espoirs reposent sur les Européens par sur nous. Ils veulent aider la Grèce, ils ne veulent pas la voir détruite. La faillite de la Grèce n’est dans l’intérêt de personne, ni de l’UE ni des grands Etats européens, autrement ils nous auraient déjà mis en faillite… Mon espoir est là. Je n’espère rien des hommes politiques grecs. »

Pavos Karvounis, représentant de la Commission en Grèce : « Beaucoup de temps risque de s’écouler avant que la Grèce ne ressemble à l’Etat français ou à l’Etat allemand. Ici, la société fait des progrès, mais ils se font très lentement. Par ailleurs, je pense que la crise accélère l’adaptation, et depuis peu, nous allons plus vite vers un modèle occidental. La crise comporte beaucoup de points négatifs, mais également beaucoup de points positifs ; elle nous pousse plus rapidement à adhérer à une gouvernance européenne qui n’existait pas en Grèce avant la crise bien que nous soyons membres de l’Union depuis plus de trente ans »

Giorgios Papakonstantinou, ministre des finances de 2009 à 2011 (PASOK) : « Sur le plan budgétaire, nous sommes au bout d’un long marathon. Mais sur le plan structurel, et sur celui des mentalités dans notre pays, nous ne sommes qu’au début. Cela va prendre des générations pour changer. »

Evangelos Venizelos, vice Premier-ministre et ministre des affaires étrangères (PASOK) : « Il faut poursuivre cet effort. Nous avons déjà atteint de nombreux objectifs. Nous avons assaini nos finances publiques en enregistrant un excédent primaire et un déficit budgétaire contrôlable. Nous avons réussi à nous conformer aux règles budgétaires, ce qu’aucun pays dans l’histoire n’a réussi. Et dans le même temps, nous avons procédé à des changements structurels et institutionnels très importants. Nous avons un marché du travail différent, un système de sécurité sociale différent que nous essayons de rendre viable. Nous avons une administration que nous essayons de moderniser. Mais, nous devons faire face aux mentalités corporatistes, au populisme, à la théorie de la facilité. Les nombreuses subventions distribuées par l’Etat sont des habitudes profondément ancrées dans les structures de la société ; non seulement en Grèce, mais aussi dans d’autres pays. »

Nicolas Bloudanis, historien : « Tout ce qu’on vient de voir, tous ces dysfonctionnements, les grecs ne les ont jamais réellement cachés, et l’Europe avait le moyen de savoir. Alors, pourquoi est-ce qu’on a laissé entrer la Grèce dans l’Euro sans exiger au préalable les réformes nécessaires ? »

Voix-off : « Reste que la Grèce n’est pas seule responsable du chaos actuel. Les autres Etats européens, en l’acceptant dans l’Union et dans l’Euro, ont été bien aveugles. Et maintenant, ce qui est sûr, c’est qu’il faudra payer tous ensemble la facture de cette cécité. »

Source : Frédéric Lemaire et Olivier Poche, pour Acrimed, le 28 janvier 2015.

Notes

(1) Lire Notes de voyage d’un touriste en Grèce

(2) http://www.liberation.fr/economie/2…

(3) « Vive la crise » est une émission lancée en 1984 sur Antenne 2. Son objectif affiché était de convaincre les téléspectateurs que la crise était une « opportunité » pour une révolution libérale de la société française. Pour plus d’information, lire ce commentaire d’une émission de Là-bas si j’y suis.

(4) Idée reprise et développée – de quelle savoureuse manière ! – à la fin du documentaire, par Pavos Karvounis, représentant de la Commission en Grèce : « Au début de la crise, l’État grec n’a pris de l’argent qu’à ceux qui semblaient en avoir : les retraités et les salariés. Il n’en a pas collecté auprès des médecins, des avocats, des très riches. Cela a été fait seulement dans un second temps, lorsque nous avons compris que ça n’allait plus, que la classe moyenne s’est retrouvée totalement démunie. »

(5) La Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne, qui supervise la mise en œuvre des plans de rigueur.

(6) http://bruxelles.blogs.liberation.f…

(7) Pour la crise de 2009, difficile de ne pas faire le lien entre la crise grecque et la crise financière mondiale. Quant à celle de 1893, lire la page wikipedia qui lui est consacrée.

(8) À ce sujet, lire « Culture et culturalisme » sur le site LMSI.

Source: http://www.les-crises.fr/sur-arte-jean-quatremer-psychanalyse-la-grece/


Poutine, l’Ukraine et le révisionnisme historique, par BHL

Sunday 10 May 2015 at 00:45

Poutine, l’Ukraine et le révisionnisme historique, par Bernard-Henri Lévy (Conférence prononcée, le 16 avril 2015, à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences-Po), lors du colloque International « La Seconde Guerre mondiale dans le discours politique russe »)

colloque-russie-bernard-henri-levy

« Sa guerre d’agression contre l’Ukraine, Poutine la livre avec des missiles sol-air Buk, avec des chars et des chiens de guerre dont certains viennent de Russie, avec des camions bâchés et sans plaques d’immatriculation.
Mais il la livre aussi avec des mots, des slogans, des bouts de mémoire trafiqués,un travail (grossier ou subtil, ça dépend…) sur l’histoire récente ou ancienne de son pays et de l’Ukraine ; et, de cette guerre dans l’Histoire, de ces jeux sur les mots et sur la langue, de ces actes de piraterie langagiers ou mémoriels, j’avoue n’avoir pas connu d’équivalent depuis très longtemps – et je voudrais tenter d’en distinguer et détailler, devant vous, quelques-unes des figures les plus marquantes.

Il y a, d’abord, la réévaluation du passé – et, en particulier, du passé le plus criminel.
Un seul exemple.
La figure de Staline.
Dans les premières années du poutinisme, il y avait une sorte de nostalgie honteuse, non dite, du stalinisme.
Là, ce n’est plus honteux. C’est dit. C’est pensé et clairement articulé. Et c’est toute une réévaluation du rôle historique du Petit Père des peuples à laquelle on est en train d’assister.
Je ne parle pas des statues réinstallées à Gori.
Ni des portraits que l’on commence de revoir à Iakutsk et dans les villes reculées de l’extrême-orient russe.
Je pense aux manuels scolaires qui seront mis en circulation à la prochaine rentrée scolaire et où l’on insiste sur le patriotisme de Staline, sur son côté grand dirigeant et, en particulier, grand chef de guerre – et où, s’il est question du Goulag, c’est à la double condition a) de rester dans le flou des chiffres ; b) de le rendre indissociable des progrès industriels réalisés dans les mêmes années et qui ont permis à l’URSS d’accéder au rang de super puissance.

Il y a, au titre de la même réévaluation– mais, si j’ose dire, dans l’autre sens – une série d’opérations de défiguration de l’Histoire dont je ne prendrai, de nouveau, qu’un exemple.
La Perestroïka, vous le savez, avait permis qu’éclosent, ici ou là, un certain nombre de lieux de mémoire témoignant des crimes du stalinisme.
Eh bien, voyez ce qui est en train de se passer avec le site de Perm-36, dans l’Oural.
Ce fut un camp de concentration terrible par lequel sont passés, entre autres, Chalamov et Boukovski.
Et les débris de ce camp, de ce Perm-36, avaient été transformés, et cela était très beau, en un musée – le seul du genre – pour les victimes du goulag.
Or ce musée vient d’être fermé à la suite d’une sombre histoire de désaccord entre les autorités locales et l’ONG qui le gérait.
Et il est question, à l’heure où je vous parle, soit de le laisser fermé (ce qui serait une terrible régression) ; soit de lui maintenir son statut de musée, mais en prenant le point de vue, désormais, des gardiens du camp (cela paraît fou, mais c’est pourtant vrai…) ; soit, enfin, de prendre prétexte du fait que nombre de nationalistes baltes et ukrainiens ont eu des sympathies hitlériennes pour le « réorienter » en direction des « moyens mis en œuvre » par la glorieuse Union Soviétique pour se protéger (sic) « de la cinquième colonne et des nazis ukrainiens ».
Dans tous les cas, une belle saloperie.

Troisième opération qui me frappe beaucoup lorsque je lis les textes des historiens mais aussi lorsque j’écoute les déclarations des plus hauts dirigeants russes d’aujourd’hui : les trafics de mots, les jeux sur les mots et le climat d’hystérisation sémantique dont Moscou est devenu le théâtre.
Un seul exemple, là encore. Ou plutôt deux. Mais ils sont significatifs !
Le mal que se donnent ces gens, à Moscou donc, pour nous expliquer qu’« Ukraine », en russe, veut simplement dire « frontière », ou « territoire frontalier », ou « marche ».
Je ne parle pas le russe.
Et je n’ai donc pas la moindre idée de l’exactitude, ou non, de cette thèse.
Mais je sais que c’est un argument utilisé pour dénier à l’Ukraine réelle sa légitimité de nation et, donc, son indépendance ; et je sais aussi qu’avec le même genre d’argument il y a bien des pays que l’on effacerait de la carte – à commencer par les Etats-Unis d’Amérique qui, eux, n’ont carrément pas de nom (a-t-on idée de s’appeler « Etats-Unis » ?) et qui, lorsqu’ils en ont quand même un, choisissent de s’appeler « l’Amérique » qui n’est pas davantage un nom de pays puisque c’est celui d’un cartographe (Amerigo Vespucci…).
Et puis – deuxième exemple – les gens (souvent les mêmes) qui se donnent une peine folle pour nous expliquer que l’origine de la Russie c’est la « Rus de Kiev », ce vaste territoire qui, au IXe siècle, englobait la Biélorussie, le nord de la Russie et le nord de l’Ukraine et dont le nom signifierait, là encore, que Kiev est le berceau de la Russie.
Je crois que cela n’a pas grand sens, là non plus.
J’ai lu, je ne sais où, que « Rus » était le nom, à l’époque, d’une compagnie commerciale scandinave.
Mais peu importe.
Ce qui importe c’est qu’on se sert de cette analogie, de cette assonance, de cette homonymie sémantique entre « Rus » et « Russie » pour dire que la Russie a son berceau à Kiev et pour dénier à l’Ukraine, de nouveau, la possibilité d’un destin séparé de celui de la Russie.
La sémantique au secours de la politique.
La guerre des mots au service de celle des armes et des tanks.
C’est la troisième méthode.
Et elle ne vaut guère mieux que les deux autres.

Mais voici la quatrième.
Le choix des éléments que l’on décide de mémoriser et de ceux que l’on préfère oublier – la façon que l’on a de procéder à une véritable écriture, ou réécriture, de l’Histoire.
Vous me direz que toutes les nations font cela et que c’est le principe même de la construction des grands récits qui établissent la généalogie et la légende des peuples.
C’est vrai.
Mais il y a des limites.
Or, si je prends l’affaire de Crimée par exemple, il est évident que les limites sont allègrement franchies.
On nous rappelle à tout bout de champ que la Crimée n’appartient à l’Ukraine que depuis le jour, en 1954, où Khroutchev lui en a fait cadeau – et c’est formellement exact.
Mais pourquoi les mêmes se taisent-ils sur son annexion par Catherine II à la fin du XVIIIe siècle ?
Pourquoi, si on veut vraiment jouer au petit jeu de savoir qui sont les occupants, sinon les plus naturels ou les plus légitimes, du moins les plus anciens de la région, faire silence sur le fait que, lors de son rattachement, en 1921, à l’Union soviétique, la péninsule de Crimée est majoritairement composée de Tatars ?
Et pourquoi ne pas dire que, si ce n’est plus le cas, si 90 et quelques % de sa population parle aujourd’hui russe et si un grand nombre (pas autant que l’a dit le referendum bidon organisé au lendemain de l’Anschluss de l’an dernier – mais un grand nombre, quand même…) de ces habitants n’est pas contre le rattachement à la Russie, c’est parce qu’un certain Joseph Staline a procédé, en 1944, à une élimination méthodique des dits Tatars ?
C’est une autre réécriture de l’histoire.
Et c’est une autre façon de légitimer auprès des gogos, ou des lâches, ou, tout simplement, de certains diplomates, la politique actuelle du Kremlin…

Et puis, à l’inverse, une autre opération encore, que j’appellerai une opération de désécriture.
C’est l’opération consistant à arrêter l’écriture de l’Histoire, à la stopper, à un point qui vous convient et qui sert vos desseins.
Là, l’exemple le plus frappant c’est la question de l’antisémitisme ukrainien.
Que l’Ukraine ait été un pays ravagé par l’antisémitisme, c’est une évidence.
Qu’elle ait été le terrain de ce que le père Patrick Desbois a appelé la « Shoah par balles », cela n’est pas niable.
Mais n’est pas niable non plus un processus qui reste à analyser ; que certains, du reste, ont commencé d’analyser ; et qui est un processus de travail sur soi-même, de deuil de sa propre Histoire – tout un travail sur cet antisémitisme national que le peuple ukrainien a commencé d’accomplir avec un courage, une lucidité historique, que je trouve, pour ma part, tout à fait exceptionnels.
Lorsque je pense au temps qu’il a fallu à mon pays, la France, pour regarder en face son propre passé criminel, lorsque je pense aux efforts qu’il en a couté à l’Europe pour revenir sur cette grande ombre qu’a été la révolution nazie sur l’ensemble du continent et pour la dissiper, je ne peux qu’être admiratif de la manière dont le virus antisémite a été désactivé en Ukraine.
Je ne dis pas qu’il a « disparu ».
Car je ne crois pas, hélas, que ce type de virus disparaisse jamais tout à fait.
Mais qu’il ait été désactivé, qu’il soit devenu un virus dormant, tapi dans les profondeurs de la société mais ne se manifestant plus guère et ne commettant plus ses ravages que très sporadiquement dans l’Ukraine d’aujourd’hui, cela, oui, je le pense.
Qu’est-ce qu’un virus « désactivé » ?
Comment opère ce processus de « désactivation » dont je parle ?
Cela reste à définir.
Et je vous avoue n’avoir, sur ce point, pas achevé ma réflexion.
Mais le fait est là.
Il se trouve que je connais un peu cette Ukraine contemporaine.
Je me suis plus d’une fois porté sur le Maïdan de Kiev où j’ai eu l’honneur, à deux reprises, de prendre la parole.
Et j’ai été très attentif, évidemment, aux traces que je pouvais voir, ou ne pas voir, de cette folie criminelle ancienne.
Or la réalité est bien celle que je dis.
Sur cette place de toutes les libertés qu’était le Maïdan de 2014, en ce lieu où la parole était absolument libre et où pouvaient s’exprimer toutes les folies, toutes les fantaisies, toutes les opinions les plus démentes, les plus farfelues et, si elles le voulaient, les plus criminelles, sur ces tréteaux en plein air où aucune « opinion » ne pouvait être censurée (et on en a vu des opinions absurdes ! des graffitis insensés ! et on en a entendu des paroles cinglées, ou aberrantes, sur cette scène de toutes les libertés, sur ce Hyde Park Corner à la mode ukrainienne, qu’était devenu le Maïdan !) il y a un délire dont nul n’a signalé la moindre occurrence, il y a une forme de folie politique qui n’a pas été une seule fois documentée et dont il faut donc croire qu’elle n’a pas eu droit de cité sur le Maïdan – et c’est la folie antisémite.
Alors, il ne faut pas perdre de vue Babi Yar, évidemment !
Mais ne pas prendre en considération ce travail remarquable que le peuple ukrainien a fait sur lui-même ce serait une autre malhonnêteté, ce serait une autre forme de ce trafic de mémoire, ce serait une autre version de la même réécriture de l’Histoire – ce serait une désécriture, oui, qui consisterait à figer l’enregistrement des traces dignes d’être mémorisées au moment qui arrange les scripteurs russes de l’Histoire ukrainienne.
Il faut s’y refuser.
Nous sommes réunis, ici, pour nous arc-bouter contre cette filouterie.

Mais vous avez encore une autre opération.
Il y a la réécriture, il y a la desécriture, il y a l’hystérie sémantique que j’évoquais à l’instant, il y a la réévaluation de certains épisodes, la défiguration de certains autres et des lieux de mémoire qui y sont attachés– mais il y a, aussi, le révisionnisme historique pur et simple.
Un exemple à nouveau.
Une affaire particulièrement sensible.
Et une affaire qui a connu un rebondissement récent, au moment du 70ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, avec les déclarations du ministre des affaires étrangères polonais, Grzegorz Schetyna, et la réaction de Vladimir Poutine à ces déclarations.
Très intéressante, cette passe d’armes entre, d’un côté, le président de toutes les Russies qui se veut l’héritier, donc, de Staline mais aussi du tsar Nicolas 1er – et, de l’autre, le ministre des affaires étrangères d’un pays où l’on a payé pour savoir, mieux qu’ailleurs, ce qu’Auschwitz, nazisme et libération du nazisme veulent dire.
Ce que chacun sait c’est qu’Auschwitz a été libéré, le 27 janvier 1945, par la centième Division de la soixantième Armée du « premier front ukrainien » ou, plus exactement, par un corps d’armée constitutif de ce qui s’appelait alors le « premier front ukrainien ».
Mais ça veut dire quoi, au juste, qu’Auschwitz a été libéré par le « premier front ukrainien » ?
Il est exact – et, sur ce point, la narration russe n’a pas tort – qu’à l’époque soviétique les « fronts » étaient nommés moins en fonction de l’origine des soldats qui les constituaient qu’en fonction de leur situation et de leur rôle stratégiques.
Le premier front biélorusse était celui qui se battait en Biélorussie.
Le premier front ukrainien était celui qui avait libéré une part de l’Ukraine du cauchemar nazi (auquel l’Ukraine a, par parenthèse, payé un tribut au moins aussi lourd que le reste de l’Union Soviétique et, en particulier, que la Russie).
Et c’est donc un fait, il est impossible de le nier, qu’Auschwitz a été libéré par un corps d’armée soviétique qui s’appelait ukrainien parce qu’il avait opéré en Ukraine et pas parce qu’il était composé uniquement d’Ukrainiens.
Mais ce qui est non moins exact, ce qui est non moins attesté et incontestable, et ce qui est méthodiquement désécrit, pourtant, dans les textes de propagande du Kremlin, ce qui est systématiquement raturé et recouvert par les palimpsestes frauduleux de ces révisions en série, c’est trois choses.
D’abord le fait que, sans doute parce qu’il venait de se battre en Ukraine, sans doute parce qu’il venait donc de « ramasser » sur son passage tout ce qu’il a pu de soldats mobilisables et, par la force des choses, souvent d’origine et nationalité ukrainiennes, ce corps d’armée, ce « front ukrainien », était composé, non pas certes en totalité, mais pour moitié, d’Ukrainiens : on comptait, de mémoire, dans ce « premier front ukrainien », un millier de biélorusses ; quelques centaines de tchétchènes ; quelques centaines, puisqu’ils étaient comptabilisés comme tels, de « juifs » ; et, approximativement, quarante mille russes et quarante mille ukrainiens, à peu près le même nombre autrement dit, en sorte que c’est est un fait, oui, que la libération du camp d’Auschwitz a été faite par une armée de cent mille hommes où les Ukrainiens étaient surreprésentés – 50% du bataillon, en somme, et c’est énorme ! ce n’est pas tout le bataillon, bien sûr, mais c’est quand même énorme ! et je ne crois pas que c’eût été le cas dans quelque autre corps d’armée soviétique que ce fût…
Autre fait. Deuxième réalité qui donne raison, que cela plaise ou non, au ministre polonais contre Poutine et ses autres contradicteurs du Kremlin. L’unité qui est entrée à Auschwitz, la première, la toute première à avoir découvert et vu, de ses yeux vu, l’enfer sur terre qu’était le plus vaste camp d’extermination construit par les nazis, était commandée par… un officier ukrainien ! Il s’appelait, je crois, Anatoly Shapiro. Et c’était un major, un juif ukrainien. Prenez la chose comme vous voudrez. Voyez y une coïncidence ou un signe. Un hasard ou une preuve. C’est surtout un fait historique. C’est cet officier juif ukrainien qui était à la tête de la colonne qui a pénétré à Auschwitz et qui l’a donc, si les mots ont un sens, libéré. C’est un fait. Et les faits, comme dirait l’autre, sont têtus.
Et puis, troisièmement, à la tête de la tête de cette unité, il y avait une unité de tanks. Et le premier tankiste de cette unité de tanks, le premier homme à soutenir, ou pas, le regard des squelettes vivants qui y étaient encore, le premier à avoir vu les tas de cadavres ou de chaussures dont les images ont fait ensuite le tour du monde, le premier à avoir découvert les visages hébétés derrière les barbelés, les silhouettes qui n’en croyaient plus leurs yeux et avaient perdu jusqu’au souvenir de ce que pouvait être l’espérance, le premier à avoir vu, et permis que soient vus par le reste du monde, les vestiges de cette barbarie absolue qu’avait été le nazisme, est encore un ukrainien, un tankiste ukrainien, qui s’appelait, je crois, Igor Pobirchenko.
Il peut y avoir, dans ces considérations, quelque chose qui semble dérisoire face à l’horreur dont il est question et à la scène dont il s’agit.
Mais c’est cela que voulait dire le ministre polonais quand il a rappelé que ce sont des Ukrainiens qui ont libéré Auschwitz et l’élémentaire probité historique oblige à dire qu’il avait raison : renvoyer l’Ukraine à son antisémitisme congénital, l’assigner, comme à une espèce de fatalité, à cette haine du Juif dont son histoire ne fut, hélas, pas avare et faire l’impasse sur cet autre aspect des choses, voilà, encore, un geste ignoble, voilà encore un mensonge intéressé, voilà encore un épisode de cette guerre des mémoires que livrent les historiens en civil du Kremlin et c’est pour cela, et c’est en ce sens, que je parle de révisionnisme historique.
Je me suis accroché, il y a quelques mois, à Prague, avec un historien russe sur cet épisode et j’ai été sidéré par sa volonté d’ignorance et sa capacité d’aveuglement.
En revanche, je me rappelle comment, lorsque le président Hollande a décidé, sur la suggestion de quelques-uns, d’inviter le futur président Porochenko en Normandie où il avait déjà invité Poutine, c’est à partir de cet argument qu’il l’a fait – c’est à partir de cette idée que la « grande guerre patriotique » comme on disait du temps de l’URSS, la libération d’Auschwitz, la victoire sur le nazisme, ne pouvaient pas devenir la propriété privée de tel ou tel ; c’est à partir de l’idée que cette mémoire, et cette gloire, ne pouvaient pas être l’objet de cette appropriation injuste et frauduleuse…
L’Ukraine était là dans les armées soviétiques.
Elle était là, et bien là, dans ce bataillon de l’armée rouge qui est entré dans le lieu ô combien symbolique qu’est Auschwitz.
Et c’est, aussi, pour cela que le Président Hollande a invité Petro Porochenko à participer de ce « Normandy Format » qui est resté, depuis, le cadre diplomatique des discussions entre lui, Hollande, mais aussi Angela Merkel et, naturellement, les présidents russes et ukrainiens.
Ces points d’Histoire ne sont pas seulement des points d’Histoire.
Ils peuvent avoir, ils ont, une importance colossale pour les débats, les combats, les arbitrages d’aujourd’hui…

Et puis, enfin, et je terminerai avec cela, il y a des opérations de pur négationnisme.
J’emploie le mot à dessein, et vous savez le poids qu’il a dans le vocabulaire politique français et dans nos discussions d’aujourd’hui.
Mais, là aussi, c’est un fait.
Et, même si les choses ne sont pas comparables, même si je suis de ceux qui pensent que la Shoah est un crime à nul autre pareil, sans précédent, sans succédant, il est de fait que, dans la façon dont les historiens et les responsables russes, depuis quelques années, traitent la question de l’Holodomor, se manifeste quelque chose qui s’apparente à un négationnisme.
L’Holodomor c’est cette tuerie par la faim, c’est ce massacre par la faim, du début des années 1930 qui a fait, au bas mot, cinq millions de morts en Ukraine.
Et cette tuerie, si elle a été niée, occultée, effacée du temps de l’Union soviétique, a quand même commencé d’émerger à la surface des mémoires avec la pérestroïka et les années qui ont suivi.
Or que voit-on aujourd’hui ?
Un processus de réoccultation, de réengloutissement depuis le début des temps poutiniens – et cela, de plusieurs manières.
Vous avez le trafic sur les mots : il suffit de dire que l’Holodomor n’est pas un « génocide » mais une « tragédie » pour que l’événement change de sens.
Vous avez la discutaillerie sur les faits : il suffit de dire que cette tragédie a existé certes, mais qu’elle n’a pas frappé l’Ukraine spécifiquement mais l’Union soviétique dans son ensemble – et c’est une deuxième façon de la nier.
Vous avez le doute porté sur le nombre des morts, voire sur les raisons et les circonstances de leur mort – et, de nouveau, le phénomène se voit enveloppé dans une brume d’incertitude qui est la forme même de ce que nous appelons le négationnisme.
Et sur tous ces points, le moins que l’on puisse dire est que Poutine s’affaire !
Ici, ce sont des commissions parlementaires ad hoc.
Là, la commission des affaires étrangères de la Douma votant une résolution afin de nier qu’il se soit agi d’un génocide.
Là, on légifére sur le fait que les morts ukrainiens n’ont été qu’une goutte d’eau dans l’océan d’une famine générale et monstrueuse embrassant toute l’Union soviétique.
Et là, enfin, vous avez une intense activité diplomatique, auprès des organisations internationales et, en particulier, les Nations unies – je recommande, si ce n’est déjà fait, aux historiens ici présents de compiler le paquet de déclarations, projets de résolutions, ou oppositions à des projets de résolutions, qui se sont multipliés, depuis 2003, de la part des ambassadeurs de Russie auprès des Nations unies, à New York, pour voir l’importance que cette affaire-là a pu prendre.
Et puis, ça passe par la mobilisation des plus grands esprits : je pense, en particulier, à mon chagrin lorsque j’ai entendu l’immense Alexandre Soljenitsyne enrôlé, dans l’une de ses dernières déclarations publiques, dans cette sale affaire – je pense à l’image navrante de l’auteur de L’Archipel du Goulag embrigadé dans cette petite troupe d’escrocs, de manipulateurs de mémoire, pour venir dire, lui aussi, que l’Holodomor était une fable, qu’il n’était rien d’autre qu’un totem autour duquel venait se constituer le sentiment national ukrainien ; il venait, ce jour-là, apporter son immense autorité à l’appui de l’opération de négationnisme russe.

Voilà ce que j’observe depuis un an et demi que je vais et viens en Ukraine.
Voilà la série d’opérations frauduleuses qui se jouent dans l’espace de cette mémoire en guerre, ou de cette Histoire en feu, que devient, chez les idéologues du Kremlin, la mémoire de l’Ukraine.
Poutine, historien en chef…
Les historiens russes, mercenaires au service d’une politique, embrigadés par une dictature d’un nouveau type…
Rarement m’a semblé aussi précisément vérifié le mot de Georges Orwell sur l’Histoire posée sur la table de nuit des tyrans, tel leur livre de chevet favori. »

Source : BHL, pour bernard-henri-levy.com, le 5 mai 2015.

Avec le son :

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-lukraine-et-le-revisionnisme-historique-par-bhl/


Revue de presse internationale du 10/05/2015

Sunday 10 May 2015 at 00:15

Cette semaine, plusieurs articles en traduction. La chasse à l’argent liquide semble ouverte, un avenir sombre promis aux USA et Royaume-Uni, alors que certains ont eu de l’humour lors des nominations d’experts à la commission des affaires fiscales européennes. Un grand merci à nos contributeurs et bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-du-10-05-2015/


9 mai 1945, par Jacques Sapir

Saturday 9 May 2015 at 05:01

Les commémorations du 70ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre Mondiale les 8 et 9 mai prochain ont une très forte charge symbolique. Elles nous invitent à regarder notre propre histoire, mais aussi ce que nous en faisons. La Première Guerre Mondiale, dont les commémorations du centenaire vont se poursuivre jusqu’en 2018 a marqué la fin du XIXème siècle. Elle contenait, ainsi que les autres guerres du début du siècle calendaire, des éléments que l’on va retrouver dans le second conflit mondial. Ainsi, les « camps de reconcentration », imaginés par Kitchener lors du second conflit Anglo-Boer[1] ou encore le génocide des arméniens, commis par les autorités ottomanes en 1915. Ceci est aussi vrai pour les formes de la guerre ; la « guerre des tranchées » a été imaginée lors du siège de Port-Arthur lors du conflit Russo-Japonais de 1904-1905. On doit donc reconnaître que le premier conflit mondial a signifié le basculement de l’Europe, et au-delà du monde, dans un nouvel univers fait de violence industrialisée, avec un effacement progressif de la distinction entre civils et militaires. Mais, le second conflit mondial a construit largement nos imaginaires et nos références politiques. Il n’est pas, il n’est plus, le « continuation de la politique par d’autres moyens » pour reprendre la formule de Clausewitz. La Seconde Guerre Mondiale est le premier conflit où l’idéologie à progressivement pris le dessus sur le calcul rationnel.

Causalités

Il n’est plus de bon ton, dans l’enseignement, d’évoquer la question des causes des conflits. On préfère se complaire dans une victimisation générale. Non que le point de vue du « soldat de base » ou du simple civil ne soit pas important. Mais, il ne doit pas obscurcir la question des responsabilités du conflit. Et pour comprendre cette question des responsabilités, il faut nécessairement enseigner les causes mais aussi le déroulement du conflit. A cet égard, les nouveaux programmes d’histoire en Collège et en Lycée sont largement fautifs.

On ne peut traiter de la Seconde Guerre Mondiale sans aborder la question des accords de Munich, et en particulier le fait que les franco-britanniques se séparèrent des russes pour traiter avec Hitler[2]. On peut discuter longuement si la France et la Grande-Bretagne avaient réellement besoin de ces accords. On sait aujourd’hui toute la dimension du bluff d’Hitler dont l’aviation n’est nullement prête, même si elle aligne des matériels plus modernes que ceux des britanniques et des français. Les manœuvres de début septembre 1938 se solderont d’ailleurs par un taux incroyable d’accidents. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’aide que l’Union soviétique était prête à apporter, en particulier par la livraison d’avions modernes (I-16) à la France. Enfin, l’armée tchécoslovaque était loin d’être négligeable. Il faut ici signaler que les chars tchèques équipaient deux divisions blindées allemande en mai 1940. Mais, l’importance de ces accords est qu’ils ont convaincu Staline, dont la paranoïa suspicieuse était déjà naturellement en éveil, que les français et les britanniques ne voulaient pas la guerre contre Hitler. En Grande-Bretagne, seul Winston Churchill eut des mots forts et prémonitoires sur la guerre à venir[3].

Il fut conforté dans cette pensée par l’accord entre l’Allemagne et la Pologne (qui profita de l’accord de Munich pour s’approprier un morceau de territoire tchécoslovaque) qui aboutit au dépeçage de la Tchécoslovaquie restante en mars 1939. Il faut ici souligner la stupidité du gouvernement polonais (et son aveuglement). Il s’allie avec l’Allemagne alors qu’il est le prochain sur la liste des victimes.

Cela éclaire le pacte Germano-Soviétique d’août 1939. De ce pacte, une partie est pleinement justifiée. Comprenant que les britanniques et les français ne sont pas fiables, Staline cherche à mettre l’URSS hors de danger. Une autre partie éclaire cependant les tendances impérialistes de Staline, celle où il négocie en secret avec Hitler l’annexion des Pays Baltes et d’une partie de la Pologne. En déduire cependant à une « alliance » entre Hitler et Staline est allé vite en besogne. Les troupes soviétiques qui entrent en Pologne le 17 septembre 1939 ont ordre, si les troupes allemandes ne respectent pas leur « zone d’occupation » de les « balayer ».

Staline face à Hitler.

En fait, Staline sait qu’une guerre avec l’Allemagne nazie est inévitable. Il espère simplement en retarder le déclenchement le plus longtemps possible. L’interruption du programme naval du 3ème plan quinquennal en septembre 1940, et le transfert de l’acier vers la construction de chars supplémentaires, est bien la preuve que Staline sait un affrontement inévitable. Mais, il commet l’erreur de prendre Hitler pour une personne rationnelle. Persuadé que l’Allemagne n’attaquera pas l’URSS tant que se poursuit la guerre contre la Grande-Bretagne, Staline, et avec lui la direction soviétique, se laisse surprendre par la décision d’Hitler de l’attaquer en juin 1941.

En janvier 1941 se tinrent deux « jeux de guerre » (Kriegspiel) au Kremlin, le premier du 2 au 6 janvier et le second du 7 au 14 janvier[4]. Le premier fut un jeu défensif dans lequel les forces soviétiques furent confiées au maréchal Pavlov et les forces allemandes (ou « bleues » dans la terminologie soviétique) au général G.K. Zhukov. Ce dernier encercla les forces soviétiques et déboucha vers l’Est rapidement. Les cartes de ce premier « jeu » sont intéressantes car elles se révèlent très proches de la manœuvre faite dans la réalité par les forces allemandes. Notons déjà que, si Staline avait réellement cru en la parole d’Hitler, on ne voit pas la nécessité de ce « jeu », tenu sur son ordre, et sous sa présence, au Kremlin. Le second « jeu» avait pour but de tester une contre-offensive et vit les adversaires de hier échanger leurs camps respectifs. Zhukov, à la tête désormais des forces soviétiques non seulement stoppa l’avancée allemande mais mena une contre-offensive qui devait le mener aux portes de la Roumanie et de la Hongrie.

Un troisième « jeux », qui nous est encore plus mal connu, se tint toujours au Kremlin au début de février 1941. Ce nouveau « jeu » testa une offensive allemande qui serait lancée depuis la région de Bobrouïsk vers Smolensk et l’important « pont de terre » entre la Dvina et le Dniepr qui commande l’accès à Moscou. Il implique donc que Staline s’était résolu à l’idée d’une pénétration en profondeur des armées allemandes sur le territoire de l’URSS. Dans ce « jeu », Zhukov appliqua une défense échelonnée pour épuiser d’abord le potentiel des divisions blindées allemandes, puis passa à une contre-offensive à partir des deux ailes. Ceci correspond au scénario qui sera appliqué à Koursk en juillet 1943. Ce « jeu » démontra la supériorité d’une bataille d’arrêt, suivie d’une contre-offensive, sur une offensive préemptive. Il démontre qu’à cette date on ne peut plus douter du sérieux avec lequel la possibilité d’une attaque allemande était envisagée.

Mais Staline reste persuadé que cette guerre n’éclater pas avant 1942 ou 1943. Ce en quoi il se trompe. Et, dans l’atmosphère de terreur et de suspicion qui règne au Kremlin, cela suffit à discréditer les informations qui remontent dès mars-avril 1941 sur les préparatifs allemands. Ajoutons que l’Armée Rouge était au milieu de ce que l’historien militaire américain David Glantz a appelé une « crise institutionnelle »[5], à laquelle s’ajoute la perte des transmissions avec les échelons avancés. Ce fut, en effet, l’une des principales raisons de la confusion qui régna dans les premiers jours de l’attaque à Moscou.

Ajoutons que Staline acquiesça aux demandes de Zhukov du mois d’avril et de mai 1941[6], à l’exception de la mise en alerte des districts frontaliers, qui fut jugée comme pouvant apparaître comme une « provocation » par les Allemands. La phrase par laquelle Vassilevski réveilla Zhukov au matin du 22 juin, « cela a commencé »[7], montre bien que les chefs de l’Armée savaient à quoi s’en tenir.

Les trois guerres d’Hitler.

Il faut aussi rappeler que dans ce conflit, et si l’on met de côté les affrontements de Chine et du Pacifique, trois guerres se sont superposées. Cette superposition donne aussi à ce conflit sa nature profonde.

La première des guerres est une guerre pour la domination européenne. Quand Hitler attaque la Pologne, puis se tourne contre la Grande-Bretagne et la France, il ne fait que reprendre à son compte les rêves de Guillaume II et de l’Allemagne impériale. Mais, en gestation dans cette guerre, contenu dans les atrocités encore limitées certes que l’armée allemande commet en Pologne, mais aussi dans le nord de la France ou des soldats britanniques et de l’infanterie coloniale française sont sommairement exécutés, se trouve la seconde guerre des nazis. Il faut donc ici rappeler que les violences et les crimes de l’armée allemande ne furent pas que le fait des troupes nazies, et qu’ils commencèrent très tôt dans le conflit.

Cette seconde guerre se déploie totalement lors de l’attaque contre l’Union Soviétique en 1941. C’est une guerre d’asservissement des populations slaves, et en particulier – mais non exclusivement – de la population russe. La France commémore avec horreur et tristesse la mémoire du massacre commis en juin 1944 par la Das Reich à Oradour-sur-Glane ; mais c’est par centaines que se comptent les villages martyrisés par l’armée allemande, et pas nécessairement les unités de la SS, en Biélorussie, en Russie et en Ukraine orientale. La sauvagerie de la soldatesque allemande envers la population, mais aussi de la population allemande envers les travailleurs, hommes et femmes, raflés et traités en esclave sur le territoire du Reichn’a pas connue de bornes. La violence de cette guerre arme le ressort d’une haine inexpiable qui s’abattra sur le peuple allemand en 1945.

La troisième guerre commence au même moment, mais va prendre une signification particulière au moment où les perspectives de victoire de l’Allemagne s’effondrent, c’est la guerre d’extermination contre les populations juives. La question de ce qui est connu sous le non de « Shoah par balles » montre que toute l’armée allemande collabore, à des rares exceptions, à ces massacres. Mais, la « Shoah par balles » met aussi en lumière la participation des supplétifs, essentiellement ukrainiens, dans ces massacres où périrent entre 1,3 millions de personnes. Cependant, c’est à la suite de la défaite subie devant Moscou que cette troisième guerre se radicalise avec la volonté avérée du régime nazi d’exterminer tous les juifs des territoires qu’il contrôle. Cette guerre va prendre un tournant obsessionnel comme en témoigne l’allocation de moyens de transport dont l’armée allemande avait pourtant désespérément besoin au programme d’extermination. A l’été 1944, alors que l’armée allemande bat en retraite sous le coups des offensives des l’armée rouge, que ce soit Bagration ou l’opération Iassy-Kichinev, le pouvoir nazi réquisitionne des centaines de trains, dépense des centaines de tonnes de carburant, pour conduire à la mort plus de 400 000 juifs hongrois. En cela, la guerre d’extermination et son symbole, les chambres à gaz, est tout sauf un détail.

Une guerre idéologique.

De fait, cette troisième guerre devient la « vrai » guerre pour Hitler et ses séides, la seule qu’ils espèrent gagner. Elle sert aussi au régime nazi à souder autour de lui la population allemande, et les alliés de circonstances qu’il a pu trouver, en raison de l’horreur des crimes commis. Si la guerre d’asservissement menée contre les populations slaves rendait peu probable une paix de compromis à l’Est, la guerre d’extermination, dont le principe fut connu des soviétiques dès le début de 1942 et des britanniques et des américains dès la mi-1942, eut pour effet de durcir jusqu’à l’inimaginable le conflit à l’Ouest. Du fait de ces deux guerres, l’Allemagne nazie ne pouvait que vaincre ou périr et, dès le début de 1943, Hitler lui même est convaincu qu’il ne peut plus triompher militairement.

Il ne lui reste plus qu’à organiser, sous des prétextes divers, le gigantesque bucher funéraire que fut la Bataille de Berlin. Aucune des actions militaires entreprises après Koursk ne fait sens militairement. On peut même s’interroger sur la réalité de la croyance des nazis dans les « armes secrètes » qui constituent certes un fort noyau de la propagande, mais dont l’efficacité militaire se révèle en réalité très faible. La réalité est que, ayant commis l’irréparable, le régime nazi a coupé les ponts avec le monde du calcul rationnel, de la logique clausewitzienne de la guerre. Cette dernière n’a plus de sens hors le sens idéologique du darwinisme social qui est consubstantiel à l’idéologie nazie.

La guerre d’asservissement et surtout la guerre d’extermination transforment la nature du second conflit mondial. Ce dernier n’est pas la répétition, en plus violente, de la guerre impérialiste de 1914. Quand les troupes soviétiques libèreront Maïdanek[8] à la fin du mois de juillet 1944, le monde – horrifié – aura les preuves du projet meurtrier de l’Allemagne nazi. On doit signaler qu’il faudra attendre plusieurs mois pour que la presse britannique et américaine reprenne de manière large ces informations. En fait, il faudra attendre que les troupes britanniques et américaines libèrent à leur tour des camps de concentration. Mais, la totalité des camps d’extermination fut libérée par les troupes soviétiques.

Le tribunal de Nuremberg prit acte de la spécificité du second conflit mondial. En créant la notion de « crimes contre l’humanité » et en déclarant leur nature imprescriptible, il a voulu signifier la différence fondamentale entre le premier et le second conflit mondial. Mais, la guerre froide empêcha cette logique d’être pleinement reconnue.

Commémoration et politique

La commémoration de la victoire sur le nazisme n’est donc pas celle d’une victoire d’un pays (ou d’un groupe de pays) sur un autre, parce que la Seconde Guerre mondiale n’est pas une guerre comme une autre. La dimension de la victoire est ici bien différente. Les guerres d’asservissement et d’extermination ont donné à cette victoire une portée universelle, celle d’une libération. C’est ce que cherche à nier le pouvoir de Kiev avec le projet de loi 2538-1 mettant sur un pied d’égalité les bourreaux et les victimes. Cela a suscité des protestations d’historiens du monde entier[9]. Cette victoire, compte tenu de sa signification, ne peut pas, et ne doit pas, être instrumentalisée à des fins politiciennes.

L’Union soviétique porta le fardeau le plus lourd, et eut à faire face, jusqu’en novembre 1943 à près de 70% des troupes hitlériennes. Il serait normal, il serait juste, que, au-delà des conflits qui peuvent opposer les dirigeants français et russes, le Président français, ou à tout le moins son Premier-ministre, se rende à Moscou pour le 9 mai. Il y va de l’honneur et de la crédibilité de la République.

[1] Farwell, Byron (1976). The Great Anglo-Boer War. New York: Harper and Row.

[2] Michel Winock, Nora Benkorich, La Trahison de Munich : Emmanuel Mounier et la grande débâcle des intellectuels, CNRS éditions, 2008.

[3] « They had to choose between war and dishonor. They chose dishonor; they will have war. » Hyde, Harlow A. (1988). Scraps of paper: the disarmament treaties between the world wars. page 307: Media Publishing & Marketing,

[4] B. Fulgate et L. Dvoretsky, Thunder on the Dnepr, Presidio Press, 1997, 2001.

[5] D. Glantz, Before Stalingrad: Barbarossa, Hitler’s Invasion of Russia 1941, Tempus, 2003.

[6] En particulier le rappel de 800 000 réservistes et le transfert de 4 armées des districts militaires de l’intérieur du pays vers les frontières occidentales. Voir Général S.P. Ivanov (ed.) Nachal’nyj Period Vojny, [La période initiale de la guerre] – Moscou,Voenizdat, 1974, chap.8

[7] En russe « Eto natchalo ».

[8] Jozef Karszalek, Maïdanek, histoire et réalité du camp d’extermination, Rowohlt, Hambourg, 1982

[9] http://krytyka.com/en/articles/open-letter-scholars-and-experts-ukraine-re-so-called-anti-communist-law

Source: http://www.les-crises.fr/9-mai-1945-par-jacques-sapir/


Revue de presse du 09/05/2015

Saturday 9 May 2015 at 04:46

La revue de presse de la semaine. Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-09-05-2015/


La Presse en campagne contre la Grèce, par Acrimed

Saturday 9 May 2015 at 00:01

Alexis Tsipras : idiot, aux abois ou fainéant ?

Un seul objectif pour la presse française : décrédibiliser Alexis Tsipras par la titraille.

Les titres de la presse française consacrés à Alexis Tsipras depuis son arrivée au poste de Premier ministre de la Grèce le 26 janvier 2015 contribuent – en décrédibilisant son action – à construire un« monstre anthropologique » (1) :

- Le 28 janvier 2015, Le Figaro : « Alexis Tsipras déclenche un krach bancaire à Athènes »

- Le 28 janvier 2015, L’Opinion : « Tsipras déstabilise l’économie grecque »

- Le 2 février 2015, TF1 : « Tsipras, “cauchemar de l’Europe” et “pilote fantôme” pour le Spiegel »

- Le 9 février 2015, L’Opinion : « Sur les indemnités de guerre, Tsipras crie seulement plus fort que les autres »

- Le 1er mars 2015, Le Figaro : « Alexis Tsipras déclenche la colère de l’Espagne et du Portugal »

- Le 2 mars 2015, Les Echos : « Plan de sauvetage : Tsipras contraint de céder »

- Le 2 mars 2015, Le Monde : « Alexis Tsipras se met à dos l’Espagne et le Portugal »

- Le 18 mars 2015, Le Monde : « Alexis Tsipras fait l’unanimité contre lui à Bruxelles »

- Le 19 mars 2015, Le Figaro : « Grèce : la fuite des capitaux s’accélère, Alexis Tsipras aux abois à Bruxelles »

- Le 20 mars 2015, Les Echos : « Réformes en Grèce : Merkel et Hollande recadrent Alexis Tsipras »

- Le 20 mars 2015, Le Figaro : « Grèce : Tsipras promet de se mettre au travail »

- Le 23 mars 2015, Le Figaro : « Merkel tend la main à Tsipras, en détresse financière »

- Le 30 mars 2015, Le Monde : « Grèce : le discours d’Alexis Tsipras vire à la foire d’empoigne »

- Le 30 mars 2015, Valeurs actuelles : « Tsipras rentre dans le rang »

- Le 4 avril 2015, Le JDD : « Tsipras otage consentant de Poutine ? »

- Le 8 avril 2015, L’Obs : « Alexis Tsipras, l’”idiot utile” de Poutine ? »

- Le 8 avril 2015, Jean-Marc Sylvestre sur son blog titre : « Et Tsipras commit l’irréparable : la Grèce part chercher de l’argent à Moscou »

Tout laisse à penser que les préposés à la titraille semblaient vouloir faire passer Alexis Tsipras pour le « mauvais élève » de l’Union Européenne. On aurait du mal à s’imaginer une telle accumulation de titres (ayant le même ton que ceux recensés ci-dessus) consacrés, par exemple, à Angela Merkel.

Source : Denis Souchon, pour Acrimed, le 30 avril 2015.

(1) Ce terme renvoi à un concept développé par Pierre Bourdieu : « L’homo œconomicus tel que le conçoit (de manière tacite ou explicite) l’orthodoxie économique est une sorte de monstre anthropologique : ce praticien à tête de théoricien incarne la forme par excellence de la scholastic fallacy, erreur intellectualiste ou intellectualo-centrique, très commune dans les sciences sociales (notamment en linguistique et en ethnologie), par laquelle le savant place dans la tête des agents qu’il étudie, ménagères ou ménages, entreprises ou entrepreneurs, etc., les considérations et les constructions théoriques qu’il a dû élaborer pour rendre compte de leurs pratiques. » (Les Structures sociales de l’économie, Seuil, 2000, p. 256)


Grèce : la Gauche Radicale inquiète la Presse

Lundi 29 décembre, la coalition au pouvoir en Grèce (le parti conservateur Nouvelle Démocratie et les sociaux-démocrates du PASOK) n’a pas obtenu la majorité pour faire élire son candidat à la présidence de la République. Cet échec ouvre la voie à des élections législatives anticipées fin janvier qui pourraient voir la victoire de Syriza, parti de gauche opposé aux politiques d’austérité, actuellement en tête des sondages. L’occasion, pour une partie de la presse, de rejouer la petite mélodie de l’irresponsable « chantage grec », sur fond de promesses d’apocalypse européenne en cas de victoire de la gauche aux élections.

De longue date, la Grèce est un sujet d’inquiétude pour les éditocrates. À l’approche de chaque échéance démocratique, commentateurs et experts autoproclamés se posent la même question lancinante : les Grecs seront-ils assez responsables pour accepter qu’ils n’ont pas le choix ? Comprendront-ils qu’il n’y a pas d’alternative aux politiques menées par les gouvernements successifs, conservateurs et sociaux-démocrates, sous la houlette de l’Union européenne ? Que l’effondrement de l’économie, l’explosion du chômage et de la pauvreté (1) sont des sacrifices nécessaires pour payer la dette grecque à l’égard des pays du nord et pour sauver l’euro ? (2)

Les inquiétudes du Monde

Fin 2011, l’annonce d’un référendum sur l’adoption du plan de rigueur avait déjà semé la panique chez les éditocrates qui s’étaient empressés de décrier l’irresponsabilité d’une telle initiative. Quelques mois plus tard, la victoire du conservateur Samaras face à Syriza avait provoqué un soulagement général dans les chefferies éditoriales, qui s’étaient inquiétées d’une possible victoire de la gauche anti-austérité. Au point de menacer les Grecs : « Il n’est pas admissible qu’un petit pays, par son refus des règles du jeu, puisse continuer à mettre en danger l’ensemble du continent » rageait Erik Israelewicz, dans l’éditorial du Monde daté du 12 mai 2012. « Aux Grecs de choisir. En espérant qu’ils feront le bon choix. Sinon, l’Europe devra en tirer les conséquences. Sans état d’âme. » Le« chantage grec » faisait aussi l’objet d’une émission à charge au café du commerce d’Yves Calvi.

C’est donc sans surprise que l’annonce de la tenue d’élections anticipées en janvier 2015, et la possible victoire de Syriza, ont suscité des réactions vives au sein de l’establishment médiatique. À commencer par Le Monde, qui avait anticipé l’échec de l’élection présidentielle grecque en dédiant dès le 26 décembre un dossier sur l’« envolée de la gauche radicale [qui] affole l’Europe », dédié à Syriza et au parti Podemos en Espagne. Dans une analyse disponiblesur son blog, Antoine Léaument dénonce la « propagande » du quotidien contre les deux partis. Il pointe un certain nombre de biais lexicaux et idéologiques qui contribuent soit à qualifier ces partis de dangereux, populistes, « extrêmes » – au même titre que l’extrême-droite – et anti-européen dans la mesure où l’« Europe » est identifiée à « Bruxelles » ; soit à faire de ces partis de simples « épouvantails » dont les marges de manœuvres seraient, quoi qu’il en soit, limitées de fait.

Le « quotidien de référence » récidive dans son édition du 31 décembre. Dans son éditorialLe Monde oppose d’une part l’irresponsabilité des députés grecs qui « ont précipité le pays dans une nouvelle période d’incertitude politique en échouant à élire le président » ; et de l’autre la vertu des partis traditionnels suédois qui « ont conclu une alliance pour faire front contre le parti d’extrême droite, préférant la stabilité à des élections anticipées ». Le quotidien y voit le « symbole du contraste entre les deux Europe », du Nord et du Sud. Ce qu’omet de préciser Le Mondedans sa lumineuse comparaison, c’est que ce sont précisément les voix de l’extrême-droite néo-nazie – courtisées par Samaras (3)– qui ont manqué à la coalition gouvernementale.

Pour l’éditorialiste du Monde, « contribuable » d’Europe du Nord (et donc, quelque part, créancier de la Grèce), il est légitime de s’interroger sur les intentions « mystérieuses » de Syriza. Renégocier la dette ? Les créanciers ne se laisseront pas faire, et le rapport de force sera nécessairement défavorable au parti grec.« ”Raser gratis” n’est plus une option en Grèce, ni demain, ni même après-demain » prévient le quotidien. Dès lors, une seule question se pose : comment accommoder « l’indispensable poursuite des réformes engagées pour assainir durablement la situation économique de leur pays » et « la frustration compréhensible des électeurs grecs […] épuisés par les sacrifices » ? En d’autres termes, comment continuer à imposer les « sacrifices » aux électeurs épuisés par les « sacrifices » ? Mais cela n’est pas l’affaire du Monde, qui botte en touche et renvoie la question à la « classe politique grecque » et aux « Européens ».

… et des autres

Les coups bas à destination de la gauche radicale, et en particulier de Syriza, sont cependant loin d’être le monopole du Monde. Une brève revue de presse montre que les travers dénoncés par Léaument dans son article sont récurrents dans le traitement médiatique de l’échec des présidentielles grecques et des enjeux des législatives anticipées. Ainsi pour Le Parisien, Syriza serait un parti« antieuropéen » (4)… quand bien même, note le quotidien dans un second article, son leader Alexis Tsipras « ne cesse d’affirmer que son parti est en faveur du maintien de la Grèce à la fois dans l’Union européenne et dans la zone euro » (5). Sans convaincre Le Parisien, semble-t-il… C’est que, pour le quotidien, comme c’est largement le cas dans le reste de la presse, les « Européens » ce sont les dirigeants européens, ceux de la Commission et de l’Allemagne en tête.

Le Figaro joue lui aussi peu ou prou la même partition que Le Monde avec le sens de la nuance qui est le sien. Jean-Jacques Mevel se désole ainsi, dans les colonnes du quotidien de Serge Dassault, que la Grèce puisse passer à l’ennemi : « Athènes pourrait être la première capitale du sud de l’UE à passer sous la coupe d’un mouvement populiste, Syriza, propulsé en tête par cinq ans d’austérité et de mécontentement » (6).

La correspondante multicarte Alexia Kefalas évoque quant à elle les critiques à l’égard de Syriza sur son « manque de programme politique et économique », ainsi que l’inquiétude des « créanciers du pays », de la Commission et de l’Allemagne qui « craignent, comme en 2012, que cette fragilité politique ne mène au chaos économique et ne déteigne sur toute la zone euro ». L’incertitude quant à la possible venue au pouvoir de Syriza aurait pour conséquence de faire fuir les touristes et investisseurs. La journaliste note d’ailleurs « une baisse du rythme des réservations effectivement constatée du côté des agents de voyage, hôteliers et autres professionnels du tourisme, ainsi que quelques annulations de séminaires ». Mais « personne ne veut, pour le moment, céder à la panique dans un pays où le tourisme est le deuxième pilier de l’économie ». Ouf…

Dans son édition du 30 décembre, Libération consacre une double page et deux articles aux élections anticipées en Grèce. Le premier, signé Maria Malagardis, est une synthèse informative et sans parti pris apparent, qui revient sur l’échec des élections présidentielles. Elle a notamment le mérite de rappeler, information qui n’apparait dans aucun des autres articles cités ici, la main tendue par Samaras aux députés d’extrême droite d’Aube dorée, dans la perspective de l’élection présidentielle.

« Une capacité de perturbation voire de nuisance »

Dans le second article de ce dossier, Jean Quatremer développe une des thèses du dossier du Monde sur les « extrêmes » en Europe : Syriza serait un tigre de papier, une « gauche radicale en voie de modération » pour reprendre le titre de son article. La formation politique serait devenue « plus raisonnable », anticipant les réactions des marchés et des institutions européennes.

Pour le correspondant de Libération à Bruxelles, « Syriza n’est plus le parti radical qui, en 2010, voulait sortir de l’euro ». Sauf que Syriza n’a jamais porté dans son programme la sortie de l’euro. Quatremer note par ailleurs que la formation souhaiterait désormais« négocier un allégement de la charge de la dette avec les autorités européennes » plutôt qu’une suspension unilatérale du paiement de la dette. « Une demande qui n’a rien de révolutionnaire, Antónis Samarás ne disant pas autre chose », commente Quatremer. Les revendications de Syriza seraient-elles équivalentes à celles de la droite grecque ? On se permet d’en douter. D’autant que Syriza n’exclut pas la suspension de paiement, si l’on en croit les propos récents d’un responsable du parti (7).

L’analyse contestable de Jean Quatremer est largement reprise dans le dossier de Libération consacré, lundi 5 janvier, au « Printemps de la gauche rouge » en Europe du Sud. Cette « révolte colorée d’un rouge vif mâtiné de vert se lève au sud » a le « verbe radical »notent Luc Peillon et Marc Semo… mais « il y a un grand écart entre leur rhétorique et leur programme » selon Marc Lazar, seul « expert » commandité par le quotidien. L’historien étale sur toute une page une « analyse » à charge : les propositions keynésiennes de Syriza et de Podemos seraient anachroniques, renverraient aux positions des années 1960 d’une « gauche réformiste en Europe, qui estime aujourd’hui ce modèle non viable dans un monde toujours plus globalisé ». La gauche radicale « a une capacité de perturbation voire de nuisance pour le reste de la gauche » mais, à part en Espagne et en Grèce, « pas la possibilité de devenir conquérante et hégémonique. » De l’art de dresser des cordons sanitaires… Au cas où le message ne serait pas assez clair, la page opposée revient sur les errements de la gauche radicale en France, en contraste aux succès de Syriza et de Podemos.

L’« expertise » de Marc Lazar inspire vraisemblablement l’éditorial de Laurent Joffrin, qui louvoie entre critique de l’austérité« excessive » et rejet des « médications keynésiennes de la gauche des Trente Glorieuses ». Il faudrait « essayer autre chose ». Mais quoi ? Mystère. Joffrin se contente d’appeler Syriza et Podemos à cesser de « lancer des anathèmes » et « endosser les responsabilités de la gestion ». La Grèce et l’Espagne seraient les « laboratoires d’un nouveau compromis social », qui ressemblerait étrangement… à un réformisme social-démocrate new-look. C’est aussi la thèse que suggèrent Luc Peillon et Marc Semo : sous des allures radicales, Podemos et Syriza auraient revu l’ambition de leurs programmes à la baisse et seraient de possibles substituts à un « réformisme » (celui de Tony Blair et de François Hollande) qui « passe mal dans les pays mis en coupe réglée par la troïka (Commission, FMI et BCE) ». Qui passe mal ? L’art de l’euphémisme…

L’analyse de Libération semble partagée par Les Echos, qui voit dans Syriza un « épouvantail », un parti « fragile » aux portes du pouvoir, qui aurait évolué vers une forme de « pragmatisme » en matière d’économie et de relations avec l’Union européenne. Une démonstration néanmoins indigente en comparaison de l’analyse plus fouillée publiée par La Tribune, qui en prend le contrepied. Le quotidien économique évoque la véritable rupture qu’entrainerait l’application du programme de Syriza, et les tenants et aboutissants d’un possible bras de fer entre l’Union européenne et une coalition gouvernementale menée par la formation grecque.

On serait tentés, à ce stade, de consulter l’avis éclairé des tauliers deL’Express et du Point. Pour rappel, le premier, Christophe Barbier, envisageait en 2012 la « mise sous tutelle » de la Grèce par l’Union européenne ; tandis que Franz-Olivier Giesbert considérait, facétieux, de « rendre la Grèce à la Turquie  » pour en finir avec les solutions « débiles et ridicules » de Syriza (8). Las – vacances obligent ? – il faudra se contenter de publications ponctuelles sur les sites des deux hebdomadaires. À noter, par exemple, ce sondage en ligne évocateur sur le site du Point : « Avez-vous peur que la crise en Grèce gagne le reste de l’UE ? » Ou encore cette publication au titre mystérieux sur le site de L’Express : « Syriza : Jean-Luc Mélenchon applaudit la Grèce, Marine Le Pen aussi ».

Une manière plus ou moins subtile de rejouer le thème de l’équivalence des extrêmes… reprise avec non moins de subtilité par le correspondant de Libération à Bruxelles sur son compte Twitter :

… ainsi que par le Huffington Post, comme le note Antoine Léaument sur son blog :

***

Ce tour de piste des réactions médiatiques à l’annonce des élections anticipées en Grèce n’a pas vocation à être exhaustif. Il aurait néanmoins été intéressant de rendre compte du traitement de l’information par les chaînes de télévision en continu. En témoignent les titres évocateurs de deux articles publiés sur le site de la chaîne BFM Business : « Élections grecques : faut-il avoir peur du parti Syriza ? » ; « Grèce : jusqu’où peut aller la menace Syriza ? ».

Il ne nous a pas non plus été possible de rendre compte du traitement par les grandes chaînes de radio. Des indices semblent pourtant indiquer que l’on y retrouve les mêmes biais que dans la presse, avec notamment l’absence de point de vue critique sur les propos des dirigeants européens (les « Européens ») sur France Inter ou des économistes dominants sur RFI.

Enfin, il faut noter que les biais en question ne concernent pas l’ensemble de la production de la presse. Certains articles proposent des analyses sans caricature, comme ceux de La Tribune ou de Maria Malagardis dans Libération, citées précédemment ; ou encore l’article de « décryptage » sur Syriza d’Elisa Perrigueur sur Lemonde.fr.

Ces productions semblent néanmoins noyées dans l’océan d’une vulgate, volontiers manichéenne, où tout ce qui s’éloigne de l’extrême-centre et contredit les vues des « Européens » (ou des marchés) serait suspect et relèverait soit d’une radicalité illusoire, soit d’un extrémisme anti-européen, dangereux comme une maladie contagieuse… À se demander si, pour certaines chefferies éditoriales qui se gargarisent par ailleurs du rôle démocratique de la presse, la démocratie ne serait pas, elle-même, devenue suspecte.

Source : Frédéric Lemaire, pour Acrimed, le 7 janvier 2015.

Notes

(1) Quelques chiffres sur les conséquences de l’austérité en Grèce ici.

(2) Pour plus de détails sur la terminologie médiatique de la « vulgate de l’austérité », lire« Misère de l’information sur l’Europe des mobilisations sociales ».

(3) Comme le rappelle un article de Libération

(4) http://www.leparisien.fr/internatio…

(5) http://www.leparisien.fr/internatio…

(6) http://www.lefigaro.fr/internationa…

(7) http://www.leparisien.fr/flash-actu…

(8) http://www.acrimed.org/article3853.html


Grèce : les rodomontades d’Éric Le Boucher contre Syriza

Dans un article paru le 22 février sur le site Slate.fr, Éric Le Boucher, qui est aussi le directeur de la rédaction d’Enjeux-Les Échos et une vieille connaissance d’Acrimed(1), fait part de ses observations sur l’accord imposé par ses créanciers internationaux au gouvernement grec dirigé par Syriza – et sur l’échec de ce dernier à obtenir des concessions plus importantes et plus conformes à son programme. Qu’Éric Le Boucher jubile devant ce qu’il appelle « La capitulation grecque » (c’est le titre de l’article), cela n’est guère surprenant et c’est son droit le plus strict. Encore faudrait-il que ses opinions, plus que ses analyses, soient un tant soit peu étayées… Or force est de constater que si en termes d’invectives la coupe est pleine, le compte en arguments économiques et politiques est loin d’y être. Petite explication (consternée) de texte.

Journalisme économique ou guérilla idéologique ?

Dès le chapeau introductif du papier, Le Boucher passe à l’attaque, sans nuance :

« Contrairement aux rodomontades, le gouvernement grec a fini par accepter les conditions de la troïka. Une dure leçon pour les populistes d’extrême gauche comme d’extrême droite. »

On ne sait pas trop ici à quoi renvoie le terme de « rodomontades »… Le Boucher cherche-t-il plutôt à disqualifier le programme de Syriza, les premières annonces du nouveau gouvernement ou certaines déclarations d’Alexis Tsipras ou d’autres ministres ? Visiblement, en tout cas, pour ce grand journaliste, le fait même de discuter, de critiquer et de contredire les recommandations de la troïka est en soi une provocation. Dans la deuxième phrase, deuxième malveillance à l’égard de Syriza, tout aussi floue et gratuite. Le Boucher en appelle en effet à un procédé vieux comme la paresse intellectuelle et le journalisme à gages : le qualificatif de « populiste » lui permet de mettre dans le même sac et sans autre forme de procès « extrême gauche » et « extrême droite ».

Un début en fanfare, donc, n’ayant rien à voir avec du journalisme économique, mais tout avec des techniques sommaires de guérilla idéologique, et que surpasse encore la suite de l’article, qui puise aux meilleures sources :

« Le quotidien allemand Bild raconte cette histoire inouïe. Le gouvernement grec a envoyé une lettre à Bruxelles, jeudi 19 février, qui énumérait ses nouvelles propositions dans la difficile négociation avec ses partenaires, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI. La fameuse troïka dont le gouvernement grec ne voulait plus entendre parler ! Une lettre de capitulation sous conditions : Athènes accepte de se plier à l’intégralité de ce que demandent la troïka mais que c’est provisoire, il y aura « des inflexions à venir ». L’Allemagne sitôt cette missive connue a répondu sèchement : c’est « nein ». Encore du flou cet « à venir ». Berlin ne signera qu’un accord ultra-précis. Le ministre des finances Wolfgang Schaüble, insulté par son homologue grec, Yanis Varoufakis qu’il ne supporte plus, campe alors sur une position inflexible. La Grèce doit revenir à la situation d’avant l’élection législative, au programme d’aide signé par son prédécesseur. Point. Et c’est l’accord qui a été finalement conclu vendredi 20 février en dépit des tentatives de communication d’Athènes pour sauver la face.

La faute de la Poste !

Bild raconte que les Grecs, gênés par ce nouveau renvoi dans les cordes par l’Allemagne, ont alors expliqué que la lettre envoyée n’était… pas la bonne, qu’il y avait eu une erreur de courrier, et qu’une nouvelle lettre, la bonne, plus conforme aux demandes allemandes, venait de partir ! La faute de la Poste ! Un véritable enfantillage qu’on peine à croire. »

On s’étonnera d’abord que Le Boucher, ce « grand analyste économique », en principe aussi clairvoyant que bien informé, s’en remette à Bild pour rendre compte des négociations entre le gouvernement grec et ses bailleurs. En effet, Bild, est plutôt connu pour sa couverture du football, sa grande photo quotidienne de jeune femme dénudée et son nationalisme échevelé que pour la rigueur de son traitement des questions européennes et des politiques économiques. Choix d’autant plus étonnant que l’anecdote qui nous est livrée par le truchement de Le Boucher est tout bonnement ridicule. D’ailleurs, Le Boucher signale par la suite que Varoufakis démentira cette histoire grotesque d’erreur de courrier…

Surtout, que la diplomatie et l’économie sont simples lorsqu’elles sont expliquées par Bild et Le Boucher : oubliées les semaines d’allers et retours entre Athènes et Bruxelles depuis la victoire de Syriza le 25 janvier, oubliés la BCE, le FMI, la Commission et les 25 autres pays européens, tout se serait joué les 19 et 20 janvier dans des échanges de courriers entre les ministres des finances allemand et grec – qui s’insulteraient et ne se supporteraient plus – l’inflexibilité du premier contraignant le second à une reddition pure et simple. Un point de vue très « germano-centré » qui, aussi puissante soit l’Allemagne, occulte les positions et le rôle joué par les autres institutions et pays européens, qui fait fi des assouplissements obtenus qui permettront au gouvernement grec quelques mesures sociales d’urgence, et qui ignore ce qui reste à discuter lors des négociations à venir, puisque l’accord signé ne vaut que pour les quatre prochains mois.

Mais peu importe. Ce qui compte pour Le Boucher c’est l’affrontement entre l’Allemand, inflexible car insulté, et le Grec, puni car arrogant et inconvenant :

« Mais cette histoire, fausse ou véridique, dit deux choses : ce qui est devenue l’hystérie allemande contre les Grecs de Syriza, à force d’avoir été insultés, constamment comparés aux nazis, et appelés « à payer », toujours « à payer » pour un pays qui triche en permanence et qui continue de filouter avec les disciplines européennes. J’avais vu cette colère monter en Allemagne mais je n’imaginais pas qu’elle avait atteint ce niveau. Dans une Union, il ne faut insulter aucun de ses partenaires. Les Grecs le paient cher. »

L’ « amateurisme » et la « naïveté » de Syriza

Sur quoi repose cette petite leçon de bonne mœurs totalement gratuite ? Quand un responsable de Syriza a-t-il insulté un dirigeant allemand ou l’a-t-il « comparé aux nazis » ? En quoi la Grèce continue-t-elle à « filouter » avec les disciplines européennes ? Tout ceci, Le Boucher ne le dit pas, mais il embraye sur un procès en « impréparation », en « naïveté » et en « amateurisme » de Syriza :

« La deuxième leçon vient de l’incroyable impréparation de Syriza. Ce parti populiste prétendait gouverner son pays sur une ligne opposée à celle de ses prédécesseurs depuis le début de la crise des dettes en 2010. Il croyait détenir la voie d’une solution par la croissance, malgré les engagements européens signés, malgré la situation de dépendance financière et budgétaire du pays. Il croyait que le peuple grec ayant voté, tous les autres peuples européens, soit allaient se soulever pour les rejoindre, soit allaient accepter le nouveau programme du valeureux gouvernement Tsipras.

Naïveté et amateurisme

C’était une naïveté complète, une méconnaissance totale des lois européennes, une erreur grave sur le rapport de force et, surtout, il faut insister sur ce point : une prétention qu’il y a une voie, « un autre chemin », une autre politique, bien meilleure, bien moins douloureuse, facile même. Laquelle ? « Il suffit de refuser l’austérité », il faut tout simplement revenir en arrière, augmenter les salaires et les retraites, réembaucher les fonctionnaires, pratiquer une politique de relance tout azimut. »

Ce que Le Boucher qualifie d’« impréparation », d’« amateurisme » et de « naïveté » est donc le simple fait pour Syriza d’avoir fait campagne et de s’être fait élire sur un programme proposant une voie alternative à l’austérité, ou tout au moins, permettant d’en réduire les effets les plus mortifères – et en aucun cas de « tout simplement revenir en arrière ». Ainsi, pour Le Boucher, la démocratie doit s’arrêter là où commencent les exigences des institutions financières internationales (et de l’Allemagne) – au-delà c’est du populisme et de la naïveté. Quant à savoir si les dirigeants de Syriza ont jamais cru qu’il leur serait aisé de le faire accepter et de le mettre en œuvre dans l’Europe telle qu’elle est, c’est évidemment une libre interprétation supplémentaire de Le Boucher dont il est permis de se demander si elle est simplement plausible…

À ce moment de sa « démonstration », Le Boucher semble en rabattre sur son intransigeance toute germanique :

« Le malheur vient non pas du constat. Il n’est pas faux le constat, du moins en apparence : l’austérité en Grèce a été trop forte, elle a provoqué une récession qui a fait dériver le pays de tous les objectifs budgétaires. […] Donc en effet la balance n’est pas favorable à la solution de l’austérité, beaucoup le reconnaissent aux Etats-Unis et en Europe. Il faut chercher à marier rigueur et croissance. »

Mais c’était pour mieux en revenir à ses vitupérations insultantes contre les nouveaux dirigeants grecs :

« A partir de là, Alexis Tsipras a cru que c’était joué, les partenaires allaient faire pression sur Berlin et le programme de relance allait être accepté. Mais tout s’est écroulé par impréparation et prétention.

Le ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, a passé son temps à faire le gros malin dans les réunions, sur les TV et sur les réseaux sociaux, sans avoir de programme précis, concret, qui sache jouer finement avec les engagements passés, et qui soit acceptable. Il n’a cessé de passer d’un plan vague à un plan impossible jusqu’à la filouterie de derrière minute de l’erreur de la poste ! (qu’il a démentie). »

C’est entendu, si la troïka n’a consenti à desserrer qu’à la marge le garrot de l’austérité qui étrangle le peuple grec depuis 2010, c’est du seul fait de la nullité et de l’arrogance de Tsipras et de Varoufakis… Le premier ayant toutefois, des circonstances atténuantes ; en effet, Le Boucher, toujours perspicace, a débusqué les vrais coupables :

« Imposture

Son pays paie aujourd’hui très fort ses fanfaronnades et sa totale incompétence. Mais ce n’est pas un hasard. Les populistes font appel à des économistes de la marge, qui se disent alternatifs. Tous ne sont pas sans intérêt bien entendu. Mais beaucoup sont dans l’illusion d’un « savoir ». Ceux d’hier, ânonnaient un prêchi prêcha néo-marxiste de base. Ceux d’aujourd’hui ont compris qu’il fallait afficher des connaissances sur la grande réalité contemporaine, celle qui compte : la finance. L’économie est devenue une science de créativité. Ils balancent des propositions obscures : des obligations gagées sur la croissance, par exemple. On n’y comprend rien mais çà en jette. Yanis Varoukakis est de ceux là, de ces gourous imposteurs qui passent de fac en fac, qui ont des blogs à succès pour les alternatifs en mal d’une autre politique. […]

Yanis Varoufakis a dû empapahouter Alexis Tsipras et les autres chefs de Syriza, exactement comme les mathématiciens traders inventent des produits toxiques pour les vendre à leur direction. Des mirages, des fausses solutions, des idées aussi savantes que creuses. […]

La Grèce n’avait pas perdu d’avance. Elle aurait pu obtenir un assouplissement substantiel de son programme d’aide. L’Allemagne aurait pu, une nouvelle fois, accepter beaucoup de ce qu’elle rejette au départ. Mais sa chance a été gâchée par arrogance et méconnaissance. »

En résumé, ce seraient donc les économistes hétérodoxes qui seraient la cause de l’échec du gouvernement grec à obtenir davantage de ses créanciers : ces « gourous imposteurs » qui seraient « dans l’illusion d’un savoir  », « balancent des propositions obscures », qui « en jettent » mais auxquelles « on [Le Boucher en tout cas] ne comprend rien », et auraient « empapahout[é] Alexis Tsipras et les autres chefs de Syriza, exactement comme les mathématiciens traders inventent des produits toxiques pour les vendre à leur direction »… Ouf !

On ne reviendra pas sur chacune des nombreuses absurdités et incohérences de ce passage. On se contentera de regretter qu’Éric Le Boucher, qui affirme qu’un meilleur accord était négociable, n’ait pas encore distillé ses conseils aux autorités grecques ! À moins que l’imposture ne soit pas du côté où Le Boucher croit la voir, et qu’il n’ait rien d’autre à proposer que sa propre morgue nourrie de fanatisme de marché…

On épargnera enfin au lecteur le paragraphe intitulé « Une capitulation par étape » dans lequel Le Boucher égrène les renoncements supposés ou réels de Syriza avec la délectation sadique d’un enfant arrachant une par une les pattes d’une araignée… On ne s’attardera pas non plus sur la conclusion qui se contente de reprendre l’équation insoluble posée dans le corps de l’article et qui se confond avec la posture de demi-habile de l’auteur : 1. Le Boucher est un humaniste et un démocrate – il y a trop d’austérité en Grèce, il y a des alternatives à cette politique ; 2. Le Boucher est responsable – les efforts ne sont pas évitables, les mesures proposées avec suffisance par Syriza, comme par tous les « populistes », sont irréalistes, il faut donc laisser faire les pragmatiques pleins d’humilité qui détiennent le vrai « savoir » économique ; 3. Le Boucher, a le sens de la morale civique – c’est une leçon que les électeurs de toute l’Europe devraient retenir avant de voter n’importe comment.

Et déception là encore : Le Boucher n’avait pas gardé pour la fin ses propositions miracles qui auraient permis d’aller plus loin que ce qu’a obtenu le gouvernement emmené par Alexis Tsipras, tout en satisfaisant « les Allemands »…

***
Voilà donc la production ordinaire de la crème des journalistes économiques… Un article dont l’objectif principal est de couvrir de ridicule le gouvernement dirigé par Syriza. La liste des termes employés pour définir la stratégie, l’attitude et l’action des ministres est éloquente : « rodomontades », « enfantillages », « filouterie », « ânonner », « prêchi-prêcha », « naïveté complète », « empapahouter », « gros malin », « fanfaronnades », « arrogance », « méconnaissance », « amateurisme », « incompétence », « imposture », « magie », et bien sûr « populiste ».

En revanche, cet article ne contient aucune donnée factuelle et précise sur les demandes initiales des Grecs, sur le contenu des négociations et sur leurs résultats, sur les rapports de force au sein du conseil européen ou entre les institutions composant la troïka, et encore moins sur les échéances à venir, leurs enjeux, etc… Un journalisme de pur commentaire, ou plutôt, en l’occurrence, d’élucubrations et de vociférations, tant le propos est outrancier et peu ou mal informé.

Source : Blaise Magnin, pour Acrimed, le 28 février 2015.

(1) Notamment quand il sévissait au Monde : voir la rubrique consacrée à ses exploits.

Source: http://www.les-crises.fr/la-presse-en-campagne-contre-la-grece-par-acrimed/


[Immanquable] Todd : “L’optimisme de Manuel Valls, c’est l’optimisme de la révolution nationale et du maréchal Pétain. Lui aussi accusait les Français résistants d’être des Français pas bien !”

Friday 8 May 2015 at 13:52

Ce matin sur BFM, Todd grandiose chez Bourdin :

“Pour moi, l’optimisme de Manuel Valls, c’est l’optimisme de la révolution nationale et du maréchal Pétain. Lui aussi accusait les Français résistants d’être des Français pas bien”

“Valls et Hollande hurlent les mots de liberté et d’égalité en faisant des politiques économiques radicalement inégalitaires, qui détruisent une partie de la société française, et des politiques concernant les libertés publiques qui sont potentiellement liberticides. En ce sens, ils sont les représentants de la ‘mauvaise France’, ce sont des imposteurs”

Il a également dénoncé les “interventions de l’exécutif français dans la vie intellectuelle du pays”. “Ça aussi, c’est du pétainisme.”

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Jean-Jacques Bourdin (JJB) : « Notre invité, Emmanuel Todd, anthropologue, historien, bonjour »

Emmanuel Todd (ET) : « Bonjour »

JJB : « On parle beaucoup de vous, Emmanuel Todd, à l’occasion de la sortie de votre livre intitulé « Qui est Charlie ?, sociologie d’une crise religieuse » aux éditions du Seuil. Le Premier Ministre a même écrit une tribune hier, dans le Monde, pour vous répondre (hé bah) d’une manière assez sèche d’ailleurs. Vous l’avez lue, évidemment. Je vais revenir sur ce qu’a dit Emmanuel Vall mais … votre livre est présenté ici où là comme un pamphlet contre le 11 janvier, contre ce qui s’est passé dans les rues de France le 11 janvier. C’est çà ou pas ? »

ET : « Non, il y a une amorce, il y a une introduction qui peut paraître assez brutale, une mise en question de la bonne conscience des gens du 11 janvier … »

JJB interrompt : « Vous parlez de manifestation de fausse conscience d’ailleurs je crois. »

ET : « Oui, oui c’est çà. Je dis bien que moi je n’y suis pas allé parce que je désapprouvais … »

JJB : « Vous n’y êtes pas allé. »

ET : « … l’idée de caricaturer, se battre pour l’obligation de caricaturer (il bafouille un peu ce mot) Mahomet, personnage central de la religion d’un groupe plutôt périphérique de la France, çà me paraissait pas très classe parce que y’a quoi, 1/20 ème de population musulmane en France. Mais je suis tout à fait pour le droit au blasphème. Moi je suis, simplement pour le droit au … au contre-blasphème si on peut dire. Mais l’essentiel du livre euh n’est pas dans l’ordre de l’émotion ou de la morale, c’est une tentative de, de reprise en main scientifique et de réflexion sur ce qui s’est vraiment passé. Et donc, en fait au lendemain de la manifestation, euh, en regardant la carte des intensités et du nombre de manifestants dans toute la France, j’ai eu immédiatement l’intuition qu’il y avait un phénomène de fausse conscience. Ce que les gens, ce que les journalistes racontaient sur les manifestations et probablement sur ce que les manifestants, spécialement parisiens d’ailleurs se racontaient sur l’ensemble des manifestations était faux. Parce que quand on fait la carte des intensités des manifestations … »

JJB : « Oui. Qu’est-ce qu’on voit ? Qu’est-ce qu’on voit ? »

ET : « … On, on voit des intensités, je veux dire très fortes dans les anciennes provinces euh de tradition catholique, on voit des intensités très faibles dans les anciennes provinces de tradition laïque, et donc si vous êtes … si vous êtes historien, anthropologue, spécialiste de sociologie religieuse, vous voyez des gens qui défilent au nom de la laïcité, de la défense de la laïcité euh en masse dans les régions qui jusqu’à très récemment étaient très religieuses et vous voyez les vieilles régions laïques beaucoup moins motivées et vous vous dîtes, il y a quelque chose qui cloche, il y a quelque chose qu’il faut interpréter. »

JJB : « Alors qu’est-ce qui cloche ? Alors dans l’introduction, on va … parler de l’introduction puis après on va parler du reste du livre parce que c’est un tout ce livre et dans l’introduction vous êtes euh vous parlez d’accès d’hystérie, vous dîtes il y a une islamophobie des classes moyennes … »

ET : « Oui »

JJB : « … une dévotion européiste des élites … »

ET : « Oui oui »

JJB : « un mépris du peuple … »

ET : « Oui »

JJB : « … une partie de la France n’était pas là, un flashe totalitaire euh »

ET : « Oui, oui »

JJB : « euh enfin bon, une manifestation de fausse conscience je le disais, enfin vous y allez très rude. »

ET : «Non, non. Ecoutez, on peut voir çà comme çà, on peut vois çà comme çà mais je veux dire faut voir l’ambiance de l’époque. Je veux dire les gens ne pouvaient vraiment … d’abord on entendait des choses affreuses ce qui est actuellement nié mais c’est tout à fait vrai qu’il y avait au-delà de, de, de la belle conscience des manifestations, on entendait tout autour de soi, dans ces classes moyennes, auxquelles j’appartiens, c’est mon milieu, je le connais … »

JJB : « Oui, oui »

ET : «… des trucs. Les gens se lâchaient »

JJB, en même temps : « Les classes moyennes privilégiées, nous sommes, nous faisons partie de ces classes moyennes »

ET reprenant : « Il y a eu, j’ai senti, tout à fait, le lynchage sur, euh islamophobe, des choses que j’avais jamais entendues, des choses euh, je dirais très étranges. Et souvenez-vous, je veux dire c’était cette époque où on a convoqué des gamins de 8 ans dans des commissariats de police parce qu’ils avaient dit des absurdités sur les frères Kouachi, euh c’était une époque où on impose, l’Etat impose des minutes de silence dans les écoles et les élèves indisciplinés ou qui sont réticents et qui n’obéissent pas à l’injonction sont traités comme des terroristes potentiels… »

JJB en même temps : « Etat totalitaire »

ET : «… C’est çà que j’appelle un flash totalitaire. La France se raconte des histoires sur sa propre tradition politique. C’est-à-dire que, moi je suis historien donc … C’est vrai que la France, c’est l’un des lieux de naissance de la démocratie libérale et d’une démocratie libérale égalitaire. Les deux autres lieux de naissance c’est l’Angleterre et les Etats-Unis. Mais la France a en elle-même quelque chose dont les Etats-Unis et l’Angleterre ne sont pas capables, c’est-à-dire la sécrétion de régimes autoritaires et de tendances autoritaires à des moments particuliers. Y eu, y a eu les deux Bonaparte, y a eu le régime de Pétain, çà n’est pas vrai que la tradition française est simplement libérale. Et y’a toujours, dans ce pays la menace que des forces, des zones, des secteurs, prennent le contrôle et entraînent la France vers des formes d’expériences autoritaires. »

JJB : « Alors je vous pose une question. Il y a une tentation autoritaire aujourd’hui ? »

ET : « Y’a, y’a une composante autoritaire dans la culture française qui est plutôt logée dans la vieille tradition … »

JJB : « Et elle s’est affirmée le 11 janvier donc ? »

ET : « … qui est plutôt je dirais euh associée à la tradition hiérarchique catholique. »

JJB : « Oui »

ET : « … c’est-à-dire, la France centrale est vraiment libérale, même, on peut le dire, anarchiste, incontrôlable. Et, comme elle est vraiment majoritaire, elle assure que dans la durée du temps, euh, euh, la France est incapable d’un régime totalitaire. Elle est même probablement incapable d’avoir un régime autoritaire très longtemps mais dans la périphérie de tradition catholique hiérarchique, y’a des traditions d’obéissance, de soumission à l’Etat ou à l’Eglise qui font que, vous vous vous pouvez avoir des moments dans l’Histoire de France où l’autoritarisme peut l’emporter dans certaines circonstances. »

JJB : « Alors je vais aller jusqu’au bout parce que vous parlez d’autoritarisme, vous dîtes nous sommes en train de vivre l’avènement d’une néo République inégalitaire… »

ET : « Oui »

JJB : « … euh vous dîtes nous vivons une hystérie laïciste et vous posez la question : est-ce que le PS est xénophobe ? »

ET : « Alors … Là c’est un peu vaste hein, c’est une question qui prend tout le sort du bouquin ! Cest bien mais … »

JJB : « Mais Oui c’est tout le sort du livre. Parce qu’on a réduit ce livre à l’introduction »

ET : « Alors.  Est-ce que vous pouvez diviser la question en trois ? La première c’était quoi ? »

JJB : «Bon. La première c’était l’avènement d’une néo République inégalitaire »

ET : « Une néo République inégalitaire. Alors quand on constate que cette manifestation euh était remplie de profession  intellectuelles supérieures et des cadres euh de gens plutôt de tradition … »

JJB : « Mais enfin il n’y avait pas que çà dans les défilés.»

ET : « … Si, si, çà les coefficients de corrélation, la technique statistique utilisée montre une corrélation extrêmement élevée. Les régions de … les villes de population ouvrière ont très peu manifesté et donc vous avez ces gens qui sont sympas, c’est mon monde, c’est autour de moi,  bon vous voyez ? Bon »

JJB : « Oui »

ET : « Et qui sont là et qui agitent les idées de liberté, d’égalité et qui elles-mêmes se pensent dans la tradition euh républicaine française traditionnelle mais qui sont en fait le support je dirais euh d’un régime économique très dur pour les populations ouvrières, très dur pour les gosses d’immigrés. La France, la France a une vision. Ca sort toujours quand on parle des pays Anglo-Saxons, on les regarde de haut comme si c’étaient les lieux de l’inégalité, d’un libéralisme sauvage et les français se gargarisent toujours de satisfaction en pensant à leur Etat social. Mais la France, c’est aussi la seule des grandes démocraties avancées qui accepte de vivre avec un taux de chômage supérieur à 10 % comme si c’était normal. Vous voyez ? »

JJB : « Hmmm hmmm »

ET : « C’est tout à fait extraordinaire. Donc y’a une sorte de décalage entre ce qu’est la France est vraiment et je dirais ce que le discours national se raconte sur lui-même. Et bien entendu, le Parti Socialiste je dirais est au cœur de cette fausse conscience. Il est, il est, à vrai dire, ce que montre le livre c’est que le Parti Socialiste euh dont la croissance a commencé dans les années 60, qui a, qui a si on peut dire remplacé le Parti Communiste comme parti central de la Gauche est probablement, c’est la conclusion fondamentale de ce livre … »

JJB : « Oui, oui. Finalement c’est très politique hein ? »

Et : « Nan, c’est-à-dire que la manifestation … »

JJB : « Oui »

ET : « … du 11 janvier, sa structure, socio-professionnelle, religieuse, qui est la même d’ailleurs que celle du « oui » à Maastricht, il y a une sorte d’isomorphisme total … »

JJB : « Oui »

ET : « … est une clé d’entrée extraordinaire pour comprendre le système de pouvoir. »

JJB : « Oui mais vous parlez des européistes. La plupart de ceux qui ont manifesté sont des européistes euh euh euh vraiment forcenés même »

ET : « Nan nan, on ne dirait plus çà aujourd’hui. C’est-à-dire que, au moment de Maastricht si vous voulez on retrouve le même bloc. Y’a un concept  euh qui est le bloc MAZ, si vous voulez (il sourit). Alors « M » c’est pour classes moyennes, « A » c’est pour personnes âgées et « Z » c’est pour catholique zombie. Vous avez le bloc MAZ qui tient la France donc au moment de Maastricht en 92, le bloc MAZ, on le voit sur la carte ans souvenir du vote … »

JJB : « Oui »

ET : « … le bloc MAZ est optimiste donc il, il accouche grâce au Parti Socialiste du traité de Maastricht, du projet de monnaie unique, de l’Euro. Comme on est dans un contexte de reflux des croyances religieuses, j’aurais tendance à penser que l’Euro est un substitut… »

JJB : « Alors là. Vous dîtes qu’il faut quitter l’Euro d’ailleurs. »

ET : « … la monnaie unique est un substitut du Dieu unique mais là on est plus de 20 ans plus tard et il est parfaitement clair que le projet d’Euro a totalement foiré, le rêve européiste est en capilotade, on est dans un monde qui ne sait plus où il va, qui désespère et ce qui m’effraie, c’est que, ce que symbolisait pour moi cette manifestation pleine de bonne conscience, c’est que ces classes moyennes ou ce bloc MAZ comme on peut dire, ce bloc MAZ qui était optimiste est en train de virer pessimiste, anxieux, il est comme au centre d’un monde assiégé avec euh je dirais des ouvriers relégué au fond des départements où l’industrie pourrie, des gosses d’immigrés euh désocialisés euh par des taux de chômage crées par la gestion économique et dans ce bloc MAZ, l’européisme sympa, est en train euh, menace d’être remplacé par une forme assez subtile mais quand même assez ferme d’islamophobie. »

JJB : « D’islamophobie. J’allais vous parler … »

ET : « Mais c’est vrai, c’est une interprétation globale ou une tentative d’interprétation globale de ce qui se passe en fait, dans la société française mais … »

JJB : « Il n’y a pas que l’islamophobie qui est, qui est, qui conduit les réactions de la société française Emmanuel Todd. Parce qu’on résume d’ailleurs, on résume votre livre à çà. »

ET : « Mais nan. Alors je, je vais d’abord vous contredire et puis abonder dans votre sens. Alors je vous contredis pour commencer. »

JJB : « Allez-y. »

ET : « Euh, l’islamophobie, on a atteint le stade où des gamines de 16 ans n’ont plus le droit d’arriver en jupe longue à l’école … »

JJB en même temps : « J’allais vous en parler. »

ET : « Bon alors on est au niveau de la phobie, je veux dire c’est clair qu’on est plus … On est dans un délire mystique euh anti quelque chose. Je veux dire les gens maintenant, parlent, se définissent comme athées, l’athéisme est devenu comme une religion. Avant, on était sceptiques religieux. »

JJB : « Alors que 70% des français ne veulent pas … disent ne pas croire. »

ET : « Voilà. Mais alors, vous me dîtes, j’atteins le stade du j’abonde dans votre sens. Il n’y a pas que l’islamophobie en France. Mais moi en fait, çà n’a pas tellement été remarqué dans le livre ou peut-être les gens ne veulent pas le voir. Bon c’est vrai que c’est un livre qui dans ses conclusions plaide pour un accommodement avec l’Islam, ce n’est pas si important qu’on le dit. Mais la vraie inquiétude du livre et je dirais, ce qui m’a mis en mouvement pour écrire ce livre, en me pourrissant la santé en 1 mois et  dans l’urgence, je veux dire pour faire 240 pages à peu près argumentées euh et se lever à 3 heures du matin etc il faut être motivé par quelque chose de fort. »

JJB : « Oui. Qu’est-ce qui vous a motivé ?»

ET : «  C’est la montée de l’antisémitisme. C’est-à-dire, moi je suis d’origine juive, d’autres origines aussi, je, je viens d’une famille juive assimilée, mélangée etc et je n’avais jamais cru possible de voir le retour d’un antisémitisme quelconque en France. Et donc, j’ai dû accepter, j’ai finalement après l’histoire de Coulibaly et de l’hyper casher, j’ai fini par accepter, alors que je résistais encore au moment de l’affaire Merah à Toulouse et de l’affaire du musée juif de Bruxelles, j’ai fini par admettre le retour, je dirais d’un problème de l’antisémitisme et d’un antisémitisme véritablement ( +un mot que je n’arrive pas à déterminer même après plusieurs écoutes) … »

JJB : «C’est … »

ET : « Mais ! Je voudrais terminer parce que  c’est vraiment fondamental pour moi. »

JJB : « Allez-y. »

ET : « Simplement, comme je suis historien et sociologue, je ne me suis pas arrêté à la surface des choses, c’est-à-dire qu’en première analyse, les gens vont vous dire « Ah bah oui, vous voyez bien, je veux dire ce sont des gosses d’origine arabe, musulman dans les banlieues qui tuent des juifs. » Et çà aboutit à une surdiabolisation de l’Islam. Moi, c’est autre chose, c’est-à-dire, je vois bien l’interaction perverse qui existe entre le déchainement de l’islamophobie et l’antisémitisme. Et je pars d’un modèle sociologique euh  générale, de sociologie religieuse générale qui me permet de comprendre ou qui force à admettre que il est évident que le développement, de n’importe quelle passion religieuse, ou antireligieuse aboutira au développement de toutes les passions antireligieuses … »

JJB : « Oui, je comprends. »

ET : « … Et donc toute croissance de l’islamophobie va mener à plus d’antisémitisme. »

JJB : « Entraîne un antisémitisme aggravé. »

ET : « Et par ailleurs, je termine … »

JJB : « Oui. Très vite car je voudrais vous parler de Manuel Valls. »

ET : « Et si, et si vous êtes arrivés avec votre travail cartographique, à une vision euh je dirais d’une manifestation antimusulmane suractive dans les vieilles régions catholiques, qui étaient autrefois les lieux de support de l’antisémitisme, vous vous dîtes, quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays, la menace en fait pour les personnes d’origine juive, n’est pas forcément là où on croit qu’elle est. C’est çà la motivation fondamentale du livre. »

JJB : « Alors, que répondez-vous ce matin à Manuel Valls ? Vous avez lu sa tribune, que lui dîtes-vous ? »

ET : « Rapidement hein rapidement parce que c’est pas … Alors je lui dit, j’ai pris des notes. Alors je dis que d’abord, pour moi, le Premier Ministre de la France devrait être en train de gouverner et ne pas s’occuper du débat intellectuel en France. Je veux dire, seul un Premier Ministre désœuvré peut perdre son temps à faire faire des notes par des collaborateurs euh sur un livre qu’il n’a pas lu. Manifestement. Je veux dire, là c’est de l’effet d’annonce, la première chose que montre quand on a 10% de chômage euh on ne perd pas son temps. Vous voyez il y a d’autres personnes au Parti Socialiste qui pourraient discuter çà, qui pourraient … donc çà c’est la première chose, çà montre que euh Manuel Valls ne gouverne pas.

La deuxième question que je me pose c’est, alors je me suis demandé si euh, cette espèce de … je me suis demandé s’il voulait faire vendre mon livre. C’est quand même curieux parce qu’en fait il fait une publicité énorme que je lui ai absolument pas demandé. Donc il doit avoir ses objectifs, peut-être que çà l’occupe je sais pas mais  çà çà çà indique que soit il n’a pas lu le livre, une possibilité, soit qu’il est vraiment bête. Les deux ne s’excluent pas d’ailleurs. Parce que si les gens de gauche qui lisent, qui vont lire ce livre grâce à Manuel Valls vont y découvrir les raisons ultimes de toutes les trahisons du PS. Ils vont découvrir dedans, dans une analyse scientifique … »

JJB : « C’est donc le traître numéro 1 quoi. »

ET : « … sérieuse, ils vont comprendre pourquoi le PS a mis en place des politiques économiques inégalitaires qui détruisent le monde populaire français, qui détruisent euh les enfants d’immigrés, ils vont découvrir que les zones de force du Parti Socialiste en France sont toutes les régions qui historiquement, çà s’analyse au niveau des structures familiales, ne croient pas en l’égalité. Ils vont découvrir que le PS a été, je dirais, subverti par des gens venus du catholicisme qui croient en l’inégalité et l’autorité. En principe, Manuel Valls attire l’attention sur un livre je veux dire, un homme de gauche qui lit mon livre et qui en accepte les conclusions, logiquement, en le fermant, doit faire le vœu de ne plus jamais voter pour le parti socialiste. Je ne comprends pas pourquoi il fait de la publicité pour çà. »

JJB : « Bien. Alors il dit. Je résume ce que dit Manuel Valls pour ceux qui ne l’ont pas lu. Cette manifestation du 11 janvier fut un cri lancé, avec dignité pour la tolérance et pour la laïcité condition de cette tolérance. Un cri contre le djihadisme, un refus d’amalgames. La caricature a toujours eu un rôle essentiel dans la construction de l’opinion publique. Elle est le plus souvent du côté des faibles et des discriminés. Dans les cortèges, chaque citoyen comptait à égalité quelles que soient ses croyances, ses origines, sa couleur de peau, sa classe sociale. Le cynisme ambiant de la part d’intellectuels qui ne croient plus en la France, là c’est pour vousc’est pour vous. Alors cynisme ambiant, vous ne croyez plus en la France ? »

ET : « C’est à çà que je vais répondre. Tout le reste c’est le blabla du système médiatique du 11 janvier. Mais le seul truc auquel je crois qu’il est nécessaire pour un type comme moi de répondre parce que c’est quand même très important. Il dit, en fait ce qu’il dit, il accuse des gens qui n’y sont pour rien. A ma connaissance je ne suis pas au pouvoir, je me suis battu contre l’Euro qui bousille la société euh depuis maintenant euh un certain temps et je me trouve, avec d’autres comme il dirait en situation d’accusé, du mec qui ne fait pas son boulot, qui est un cynique, qui crache sur la France. C’est tout à fait étonnant. Et qui surtout a le pêché, commet le péché de ne pas être euh optimiste. Alors, renversons, vous voyez, vous avez Manuel Valls  est optimiste. Alors peut-être que pour lui çà ne va pas mal, je suis sûr que son plan de carrière … »

JJB : « Mais vous le … »

ET : « Nan nan, je termine. Il est optimiste. Alors nous avons un Premier Ministre qui est optimiste, le taux de chômage est à 10%, il augmente, l’islamophobie se répand, l’antisémitisme se répand, il trouve que la France va bien. Mais ce type je veux dire, c’est juste insensé. Vous savez ce qui me vient à l’esprit ? C’est lui qui m’a accusé donc j’ai tous les droits en termes de réponses. Pour moi, l’optimisme de Manuel Valls c’est l’optimisme de la Révolution Nationale et du Maréchal Pétain. Lui aussi accusait les français résistants, je veux dire, d’être des français pas biens. Il est … et là on retombe sur la logique du livre, on se dit mais oui, peut être que c’est … »

JJB : « Même logique entre Manuel Valls et la Maréchal Pétain ? »

ET : « Je, je dis que accuser des gens qui sont critiques de la situation épouvantable dans laquelle est leur pays d’être des défaitistes, euh je dirais des mauvais français quelque part, de pas faire leur boulot alors qu’on est soi-même responsable de la gestion des choses, qu’on est au pouvoir, qu’on pourrait tirer la France de l’ornière, on pourrait la sortir de l’eau, on pourrait faire quelque chose c’est juste, ce n’est pas acceptable moralement. Un Premier Ministre de la France n’a pas la droit de faire des choses comme çà. D’abord il n’a pas le droit, on n’a pas à avoir d’intervention de l’exécutif français dans la vie intellectuelle du pays, çà aussi c’est du Pétainisme. Vous ne vous rendez pas compte, on ne se rend plus compte. Les gens qui prennent l’intervention de Manuel Valls comme une élévation du débat ou une contribution au débat ne se rendent pas compte que c’est quelque chose qui va euh avec la reprise en main dans l’audiovisuel du secteur public, avec les obligations de faire des minutes de silence avec … Peut-être qu’il est en train d’essayer de faire passer euh le fait que le parlement euh est en train de voter ou à déjà voté je n’ai pas suivi une loi sur le renseignement euh … »

JJB : « C’est voté. »

ET : « … une loi sur le renseignement qui est potentiellement liberticide. C’est dans ce contexte, je veux dire, il faut prendre les menaces pour la liberté au sérieux mais c’est comme le 11 janvier, les menaces à la liberté ne viennent pas de là où on croit. Vous avez en France en ce moment, c’est le bloc MAZ, avec à sa tête le Parti Socialiste, Manuel Valls et François Hollande, faut pas le laisser hors du coup celui-là quand même, lui aussi c’est un catholique zombie qui hurlent le mot de liberté, qui hurlent le mot égalité et qui font des politiques économiques radicalement inégalitaires et qui détruisent une partie de la société française et puis je dirais qui font des politiques, politiques concernant les libertés publiques etc qui sont potentiellement liberticides. Vous voyez ? Ils sont les représentants de la mauvaise France dans l’histoire mais ils prétendent être les représentants de la liberté et de l’égalité. Et en ce sens ce sont des imposteurs. »

JJB : « Emmanuel Todd, « Qui est Charlie, sociologie d’une crise politique », c’est aux édition du Seuil. Il est 8h57. »

Source: http://www.les-crises.fr/immanquable-todd-l-optimisme-de-manuel-valls/


Le 8 mai 1945, la fin de la guerre en Europe

Friday 8 May 2015 at 00:30

Article du site Hérodote

La Seconde Guerre mondiale se termine officiellement en Europe le 8 mai 1945, à 23h01, au lendemain de la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie, signée le 7 mai à Reims.

Défaite totale de l’Allemagne nazie

Le tournant de la guerre s’est produit lors de la bataille d’El-Alamein, en octobre 1942.

À partir de cette date, les armées allemandes subissent défaite sur défaite et reculent sur tous les fronts. En février 1945, Dresde est écrasée sous les bombes. La jonction des troupes soviétiques et anglo-américaines a lieu le 25 avril 1945 au milieu de l’Allemagne, sur l’Elbe.

Le 30 avril, le suicide de Hitler, terré dans son bunker de Berlin avec son dernier carré de fidèles, sonne le glas des espoirs allemands.

Il revient à son successeur, l’amiral Dönitz, de demander la cessation des combats aux puissances alliées. Celui-ci envoie le général Alfred Jodl, chef d’état-major de la Wehrmacht, à Reims, au quartier général des forces alliées du général Dwight Eisenhower.

Signature de la capitulation à Reims (7 mai)

Le général Alfred Jodl signe dans la nuit du 6 au 7 mai, à 2h41 du matin, lacapitulation sans condition de l’Allemagne. Quelques mois plus tard, il sera condamné à mort par le Tribunal de Nuremberg pour avoir contresigné des ordres d’exécution d’otages ou de prisonniers.

Le chef d’état-major du général Eisenhower, commandant suprême des Alliés, et le général soviétique Ivan Sousloparov signent l’acte de capitulation au nom des vainqueurs. Le général français François Sevez, chef d’état-major du général de Gaulle, est invité à le contresigner à la fin de la cérémonie en qualité de simple témoin.

La cessation des combats est fixée au lendemain 8 mai, à 23h01.

Ratification de la capitulation à Berlin (8 mai)

Pour Staline, il ne suffit pas que la capitulation ait été signée à Reims, dans la zone occupée par les Anglo-Saxons. Il faut aussi qu’elle soit ratifiée à Berlin, au coeur du IIIe Reich, et accessoirement dans la zone d’occupation soviétique. Cette formalité est accomplie le lendemain, au quartier général des forces soviétiques du maréchal Joukov.

Bien que la France se fût officiellement retirée de la guerre avec l’armistice du 22 juin 1940, le gouvernement du général de Gaulle est représenté à Berlin par le chef de la 1ère armée française, le général Jean de Lattre de Tassigny.

La capitulation n’est pas la paix

Les chefs d’État et de gouvernement alliés, dont le général de Gaulle, peuvent annoncer simultanément sur les radios la cessation officielle des hostilités en Europe.

Mais malgré la capitulation de l’Allemagne nazie, son allié le Japon poursuit un combat désespéré contre les Américains dans l’océan Pacifique. Il faudra les deux explosions atomiques de Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945, pour le contraindre à capituler, près de quatre mois après l’Allemagne.

La Capitulation vue de Paris

Les Français n’ayant eu aucune part à la capitulation militaire de l’Allemagne, à Reims, le 7 mai 1945, ils ont choisi par la suite de commémorer exclusivement la fin des combats, le 8 mai 1945.

En 1975, le président Giscard d’Estaing a souhaité mettre un terme à cette commémoration dans le désir de se réconcilier avec les Allemands… mais au grand scandale des associations d’anciens combattants.

En 1981, le président Mitterrand a voulu prendre le contrepied de son prédécesseur. Il ne s’est pas contenté de refaire du 8 mai un jour férié. Il en a aussi fait un jour chômé… sans rencontrer d’objections chez les citoyens (faut-il s’en étonner ? un jour de congé supplémentaire, ça ne se refuse pas). Cela fait, avec le 11 novembre, deux jours chômés pour autant de victoires sur nos « amis allemands » ! L’attention portée à cette célébration paraît d’autant plus incongrue que le 8 mai 1945 est aussi marqué par la répression sanglante de Sétif.

À noter que ni les Anglais, ni les Américains ne chôment le 8 mai bien qu’ils aient les meilleures raisons du monde de commémorer cet anniversaire. Quant aux Russes, c’est le 9 mai qu’ils célèbrent la capitulation de l’Allemagne, la cessation des combats ayant été enregistrée ce jour-là à Moscou en raison du décalage horaire.

Notons enfin que cette date du 8 mai 1945 marque avant tout une victoire militaire. Le nazisme proprement dit est mort avec son fondateur dans le bunker de Berlin, le 25 avril précédent.

Source : Hérodote, le 25 février 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/le-8-mai-1945-la-fin-de-la-guerre-en-europe/


Le 11 janvier a été une imposture, par Emmanuel Todd

Thursday 7 May 2015 at 15:16

Je vous recommande évidemment chaudement le nouveau livre d’Emmanuel Todd, que j’ai trouvé brillantissime.

Même si vous ne partagez pas son point de vue, vous lirez ENFIN des analyses profondes (bien loin de la caricature qu’en dressent les médias) suscitant la réflexion et aidant à l’analyse.

Interview d’Emmanuel Todd* parue dans le Nouvel Obs du 30 avril

Quatre mois après les manifestations post-attentats, l’historien et démographe Emmanuel Todd publie « Qui est Charlie ? ». Un livre réquisitoire contre une France pétrie de bonne conscience, qui a fait sécession de son monde populaire.
Il reste encore quelques écriteaux « Je suis Charlie » qui jaunissent aux murs des rédactions. Sur les réseaux sociaux, des crayons à papier décorent encore çà et là les profils Facebook. Quatre mois après les tueries de janvier, tout se passe pourtant comme si rien ne s’était passé, comme si le réservoir de l’indignation avait flambé d’un coup dans le noir de la nuit française, sans laisser aucune empreinte. Ni nouveau pacte républicain, ni fraternité régénérée, ni main tendue à une fraction de la jeunesse des quartiers socialement et mentalement désorbitée. Une pure orgie émotionnelle, infertile politiquement, et dont la seule efficacité tangible aura été de demeurer aujourd’hui encore spectralement menaçante pour ceux qui refusèrent de « marcher » – à tous les sens du terme.
C’est le moment qu’a choisi l’historien et démographe Emmanuel Todd pour publier « Qui est Charlie ? » (Seuil), réquisitoire terrible contre la France de François Hollande. Un texte écrit dans la fièvre, en trente jours à peine. Son angle d’attaque, particulièrement original, consiste à observer l’origine régionale et sociopolitique des manifestants du 11 janvier.  Une fois encore, Todd fait parler les cartes et les statistiques pour comprendre, sous les bons sentiments brandis, la signification profonde de ce qui restera comme le plus important rassemblement de l’histoire moderne du pays. Et ce qu’il voit n’est pas destiné à plaire. Ce qu’il voit, c’est un épisode de « fausse conscience » (Marx) d’une ampleur inouïe. Ce qu’il voit, ce sont des millions de somnambules se précipiter derrière un président escorté par tous les représentants de l’oligarchie mondiale, pour la défense du droit inconditionnel à piétiner Mahomet, « personnage central d’un groupe faible et discriminé ». Ce qu’il voit, c’est un mensonge d’unanimisme aussi, car, ce jour-là, le monde populaire n’était pas Charlie, les jeunes de banlieue, qu’ils fussent musulmans ou non, n’étaient pas Charlie, les ouvriers de province n’étaient pas Charlie.
Après le temps de la stupeur, celui du dégrisement. La charge de Todd est rude, mais : d’un intérêt considérable pour le débat public. On pourrait bien sûr la discuter de bout en bout. On pourrait notamment trouver très insouciants les raccourcis par lesquels l’auteur  ramène tout l’enjeu  des affaires dites  de « caricatures » à des violences idéologiques infligées à une religion minoritaire. On pourrait craindre aussi que son approche des problèmes posés au pays par un islam conquérant ne pèche par excès d’optimisme, lorsqu’il préconise des accommodements pragmatiques avec la laïcité, dont l’acception française actuelle est à ses yeux trop rigoriste.
Reste l’avertissement lancé à une France inégalitaire et autoritaire, en sécession totale avec son peuple, mais n’hésitant pas, encore et toujours, à se parer des oripeaux révolutionnaires d’hier et à se voir si belle dans la devise de ses frontons républicains. Une France qui, ainsi, avance inexorablement vers l’abîme.
A. L.

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Vous avez refusé de réagir à chaud aux événements de janvier. Seul un journal japonais avait fait part de votre méfiance par rapport au mouvement « Je suis Charlie ». Pourquoi ce silence, qu’avez-vous craint alors ?
Pour la première fois de ma vie, j’ai eu le sentiment d’être confronté à une vague irrésistible face à laquelle il ne servirait à rien de parler, et même face à laquelle ça pouvait être dangereux de parler. Donc j’ai attendu. Et ce qui m’a probablement décidé à faire ce livre, c’est la déformation professionnelle. Lorsque j’ai commencé à voir la carte des manifestations du 11 janvier, leur distribution selon des paramètres régionaux, socio-professionnels et religieux, j’ai eu la révélation instantanée que les discours unanimistes étaient bidon. Je me suis mis à écrire, mobilisant quarante années de recherche. Olivier  Bétourné, le patron du Seuil, m’a dit de foncer. Je l’ai écrit en trente jours secs, porté par une véritable exaspération.
Pourquoi porter un jugement aussi dur sur la réaction de masse qui a suivi les attentats ? N’est-il pas permis de la voir simplement comme l’expression d’une révolte face à l’horreur de ces crimes, voire aussi comme un sursaut face au sentiment de délitement du corps collectif que chacun ressent bien depuis des années ? Imaginez si rien ne s’était produit après, si l’atonie avait été totale après des événements pareils, que n’aurait-on pas dit !
On a voulu y voir un salutaire sursaut collectif. Moi, j’y vois au contraire une perte de sang-froid de la part du pays. Pour la première fois de ma vie là encore, je n’ai vraiment pas été fier d’être Français. Dans tous les livres que j’avais jusque-là écrits sur la France, il y avait une dimension patriotique. Même un livre comme « le Destin des immigrés », je l’ai fait en 1994 pour répondre aux Anglo-Saxons qui nous renvoyaient sans arrêt à la face le phénomène Le Pen. Je voulais leur dire : mais regardez les taux de mariages mixtes en France ! J’ai toujours défendu mon pays. Et là, pour la première fois, je me suis dit : si c’est en train de devenir ça, la France, eh bien ce sera sans moi. Lorsqu’on se réunit à 4 millions pour dire que caricaturer la religion des autres est un droit absolu – et même un devoir ! –, et lorsque ces autres sont les gens les plus faibles de la société, on est parfaitement libre de penser qu’on est dans le bien, dans le droit, qu’on est un grand pays formidable. Mais ce n’est pas le cas. Il faut aller au-delà du mensonge, au-delà des bons sentiments et des histoires merveilleuses que les gens se racontent sur eux-mêmes. Un simple coup d’œil à de tels niveaux de mobilisation évoque une pure et simple imposture. Il y a certainement une quantité innombrable de gens qui ne savaient pas ce qu’ils faisaient là le 11 janvier. Mais nul n’est censé ignorer pour quoi il manifeste, tout de même.
Qu’est-ce qui vous a à ce point troublé dans ces manifestations monstres ?
A la suite des travaux de Durkheim sur le suicide, ou de ceux de Max Weber, mon but, c’est de faire comprendre aux gens les valeurs profondes qui les font agir et qui ne sont généralement pas celles qu’ils imaginent. Quand on observe la carte des manifestations, la première chose qui frappe, c’est ce que l’Insee appelle avec élégance la prédominance  des « cadres et professions intellectuelles supérieures ». C’est elle qui permet de comprendre l’importance qu’elles ont prise à Paris, Toulouse, Grenoble, etc. L’autre variable qui, pour moi, d’une certaine manière, est encore plus importante encore, c’est la surmobilisation des vieilles terres issues du catholicisme. Là, il faut que je rappelle ma théorie des deux France, un modèle avec lequel je fonctionne depuis longtemps déjà. D’un côté nous avons la vieille France laïque et républicaine – le Bassin parisien, la façade méditerranéenne, etc. –, la France qui a fait la Révolution en somme. De l’autre, il y a la France périphérique : l’Ouest, une partie  du Massif central, la région Rhône-Alpes, la Lorraine, la Franche-Comté. Ce sont les régions qui ont résisté à la Révolution et dans lesquelles l’imprégnation catholique est restée très forte jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Quand on descend au niveau des structures familiales de ces zones, que j’appelais « catholiques zombies» dans mon précédent livre « le Mystère français », écrit avec Hervé Le Bras, on remarque  une absence de valeurs d’égalité, notamment entre frères et sœurs concernant l’héritage.
Eh bien, ce qui a inspiré ma méfiance immédiate, c’est que le 11janvier, la mobilisation a été du simple au double entre la France de tradition athée et révolutionnaire et cette France périphérique, historiquement antirépublicaine. Ce sont les régions les moins républicaines par le passé qui ont le plus manifesté pour la laïcité, avouez qu’il y a là quelque chose d’étrange. En somme, les bastions ex-catholiques sont les endroits où on a le plus milité pour le droit au blasphème. Sion compare Marseille et Lyon, on voit même que l’intensité des manifestations est du simple au double. Qu’on ne vienne pas me dire dans ces conditions qu’il s’agit de la même laïcité que celle d’hier !
Tout le débat actuel sur la laïcité ne s’inscrit pas dans la continuité des valeurs laïques, écrivez-vous en effet dans ce livre. Les forces qui se réclament aujourd’hui le plus des valeurs laïques sont les forces en réalité les moins républicaines. Comment en est-on arrivé à un tel paradoxe ?
Ce que j’ai eu, au fond, face à ces manifestations, c’est une sorte d’illumination concernant la vraie nature du système social et politique français. C’est-à-dire pas du tout une République prenant en compte toute la population, plutôt ce que j’appelle une « néo-République » qui n’aspire à fédérer que sa moitié supérieure éduquée, les classes moyennes et les gens âgés. Tous ceux-là forment un bloc hégémonique qui a une incroyable puissance d’inertie et paralyse tout le système français. Il y a là à l’œuvre une formidable dynamique d’exclusion: exclusion des électeurs du FN – ce qui en termes sociologiques signifie aujourd’hui l’exclusion des ouvriers – et exclusion des enfants d’immigrés, qui ne sont pas venus manifester. La « néo-République » est cet objet sociopolitique étrange qui continue à agiter les hochets grandioses de la liberté, de l’égalité, de la fraternité qui ont rendu la France célèbre dans le monde, alors qu’en fait le pays est devenu inégalitaire, ultraconservateur et fermé. En gros, la France qui est aux commandes, c’est la France qui a été antidreyfusarde, catholique, vichyste. Mais lorsqu’on le dit comme ça, les gens sont évidemment stupéfaits.
Votre livre est particulièrement cruel pour le PS, dont vous faites aujourd’hui la principale incarnation de cette  idéologie inégalitaire…
En effet, l’objet politique nouveau et important dans l’histoire de France aujourd’hui, ce n’est pas le Front national, c’est en réalité que le PS soit devenu la composante principale de la gauche. A la veille des années 1960 et 1970, il n’en était qu’une composante secondaire, très forte dans le Sud-Ouest, région d’héritier unique qui ne croit pas à l’égalité. La montée en puissance du PS, cela a signifié la prise de contrôle du pays par des régions sortant du catholicisme. Notre illusion fondamentale, notre erreur à tous, ça a été alors de se dire que c’était la gauche qui avait conquis les régions catholiques, au moment même où c’étaient les régions catholiques qui faisaient en réalité la conquête de la gauche. Il y a eu une subversion de ce qu’était la gauche française. Cette dernière, aujourd’hui dominée par le PS, est en vérité tout à fait autre chose que ce qu’elle prétend être. C’est une gauche qui n’adhère pas aux valeurs égalitaires, et qui n’est pas claire sur la question de l’homme universel, au contraire de la vieille gauche républicaine communiste ou radical­socialiste. Il faut voir les choses en face : l’agent le plus actif et le plus stable des politiques économiques qui nous ont menés au chômage de masse actuel, c’est tout de même le PS. Le franc fort, la marche forcée à l’euro, toute cette création idéologique extrêmement originale s’est faite sous Mitterrand, traînant Giscard derrière lui  comme un bateleur. Le niveau de bonne conscience de ce pays est devenu littéralement insupportable. La France actuelle se gargarise de bons sentiments. Mais la réalité de ce pays, c’est que c’est peut-être la seule des sociétés les plus développées européennes qui accepte de vivre avec 10% de chômage, en massacrant son monde ouvrier et en excluant massivement les jeunes, à commencer par ceux qui sont d’origine maghrébine. Le PS avait jusqu’ à encore récemment réussi à faire passer l’idée qu’il était le défenseur naturel des enfants d’immigrés. Il est en fait la force  Politique principale qui  les condamne à la mort sociale.
En quoi François Hollande est-il, comme vous l’écrivez, l’apothéose de ce « catholicisme zombie » qui s’était politiquement incarné en 1992 dans le moment Maastricht et s’est aujourd’hui réinvesti dans I’« esprit du janvier » ?
On voit souvent ce président comme l’incarnation de l’univers torride du conseil général de la Corrèze [rires]. On pense que sa capacité à ne rien faire, à ne prendre aucune décision, est un produit dérivé du radical-socialisme. Mais en fait, François Hollande est un catholique zombie typique, avec un père catholique d’extrême droite et une mère catholique de gauche. Et, d’ailleurs, Manuel Valls lui-même vient de Catalogne, province de famille souche différentialiste, et, qui plus est, lui aussi vient d’un milieu catholique catalan parmi les plus durs. A cet égard, Hollande aura eu un rôle historique : celui de révéler que la gauche pouvait se concilier avec les structures les plus inégalitaires, prouvant par là même que le système politique français est totalement détraqué. On pour­ rait bien sûr me reprocher d’évoquer les origines de ces gens, et moi-même d’ailleurs, je ne devrais pas avoir à faire ma généalogie personnelle, celle d’une famille juive mélangée à des origines bretonnes et anglaises. Mais il est désormais impératif de le faire, parce que si on renvoie tout le temps les musulmans à leur origine, on doit renvoyer tout le monde à son origine. C’est un acte de justice.
Vous considérez que l’islam ne compromet nullement en France le ciment républicain et ne pose pas de problème particulier aux sociétés occidentales. Ne peut-on toutefois penser que la vigueur d’une religion, quelle qu’elle soit, lorsqu’elle vient percuter un vieux pays dévitalisé métaphysiquement comme la France, pose au contraire certains problèmes spécifiques ?
Tout le monde est dans une logique d’anxiété par rapport à l’islam. Le point de départ du livre, c’est justement de renverser la perspective : d’apercevoir que c’est la France des classes moyennes centristes qui est en état de crise religieuse, qui a été ébranlée par la disparition ultime de toutes ses croyances, qui est dans un état de vide métaphysique abyssal et joue donc un jeu tout à fait pervers avec les musulmans pour se trouver des boucs émissaires. Or c’est dans cette ambiance de reflux inexorable du religieux que la France se découvre d’un seul coup obsédée par les symboliques religieuses. Tout est religieux désormais. Mais tout est religieux parce que la religion s’éclipse, et parce que rien ne l’a supplantée.
Le sous-titre de votre livre est : « Sociologie d’une crise religieuse ». A tort, ce dernier peut donner le sentiment que vous prenez au sérieux les histoires de « choc des civilisations », d’affrontement entre bloc occidental et bloc musulman qui fournissent une grille d’interprétation à la fois facile et tendancieuse depuis  les années 2000…
On doit prendre la religion au sérieux, surtout quand elle disparaît Je suis totalement sceptique sur le plan religieux, mais il n’a jamais été prouvé qu’une société pouvait vivre sans croyance. Or la réalité de la société française aujourd’hui, c’est quoi ? Une société dominée par des classes moyennes qui ne croient plus à rien, qui ne savent plus où elles vont, qui se sont seulement lancés dans la construction d’un euro qui ne mène nulle part. Tout l’objet du livre est de ne pas tomber dans le panneau manifeste du problème. Ainsi, ce qui m’inquiète n’est pas tant la poignée de déséquilibrés mentaux qui se réclament de l’islam pour commettre des crimes que les raisons pour lesquelles, en janvier dernier, une société est devenue totalement hystérique jusqu’à aller convoquer des gamins de 8 ans dans des commissariats de police. On entend vraiment dire n’importe quoi au sujet des musulmans de France.  Ceux-ci sont tout sauf un bloc. Ils sont au contraire fragmentés par des niveaux de croyance très différents, des nationalités très différentes et on y observe des taux de mariages mixtes extrêmement élevés. Ils sont souvent beaucoup plus assimilés de par leurs unions matrimoniales que les intellectuels néo-réactionnaires comme Eric Zemmour ou Alain Finkielkraut qui les ciblent constamment.
La vraie question aujourd’hui pour la France, écrivez-vous, ce n’est pas le droit ou non à la caricature, c’est la « montée de l’antisémitisme dans les banlieues ». Pour expliquer ce renouveau de la haine antijuive, vous mettez en cause la politique économique menée depuis des décennies, qui, en fragilisant les jeunes musulmans, aurait à nouveau livré les juifs à la vindicte nationale…
Pour le moment, anxiétés religieuse et économique mises à part, ça ne va pas trop mal pour les classes moyennes françaises qui tiennent le pays… On lance les minorités les unes contre les autres, c’est génial, c’est du billard ! Les ouvriers « de souche » marginalisés et maltraités s’en prennent aux milieux populaires arabes, les jeunes Maghrébins s’en prennent aux juifs et réciproquement, et pendant ce temps rien ne se passe, le système reste intact. Vous voyez que je ne fais pas dans l’angélisme : l’antisémitisme des banlieues doit être accepté comme un fait nouveau et indiscutable. Ce que je ne peux pas accepter cependant, c’est l’idée qui est en train de s’installer selon laquelle l’islam, par nature, serait particulièrement dangereux pour les juifs. Il n’existe qu’un continent où les juifs aient été massacrés en masse : c’est l’Europe. D’ailleurs, l’une des choses que je reproche fondamentalement à la manifestation charliste, c’est d’avoir considéré que la tuerie de l’Hyper-Cacher était secondaire par rapport au problème de crayons à papier et de caricatures. Quant à ce nouvel antisémitisme issu des banlieues, je maintiens que je suis incapable de dire là-dedans ce qui vient de la tradition égalitaire républicaine française et ce qui vient spécifiquement de l’islam. Les deux se conjuguent probablement. Mais j’attends de pied ferme, après la percée de l’islamophobie, le retour de l’antisémitisme dans les classes moyennes catholiques zombies.
Il y a tout de même une pointe d’optimisme certain dans ce livre, c’est le moment où vous expliquez qu’un islam de France lui-même devenu zombie pourrait contribuer à un rééquilibrage positif de notre culture politique. Autrement dit, que la culture musulmane pourrait participer au rétablissement d’une véritable culture républicaine en France… Il y a peu de chances que vous soyez entendu sur ce point.
Peut-être est-ce excessif. Mais en fait je m’en suis tenu à deux scénarios dans ce livre : le scénario de la confrontation hystérique avec l’islam et le scénario de l’accommodement. Or la confrontation, c’est 100% de chances de désastre pour la France. Donc là c’est une question de règle de vie fondamentale : si tu as le choix entre la mort et l’incertitude, tu choisis l’incertitude, c’est tout. Alors oui, je plaide pour qu’on les laisse tranquilles, les musulmans de France. Qu’on ne leur fasse pas le coup qu’on a fait aux juifs dans les années 1930 en les mettant tous dans le même sac, sous la même catégorie sémantique, quel que soit leur degré d’assimilation, quel que soit ce qu’ils étaient vraiment en tant qu’êtres humains. Qu’on arrête de forcer les musulmans à se penser musulmans. Qu’on en finisse avec cette nouvelle religion démente que j’appelle le « laïcisme radical », et qui est pour moi la vraie menace.
Propos recueillis par Aude Lancelin

(*) – Historien et démographe, Emmanuel Todd vient de publier « Qui est Charlie ? ».

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P.S. Il sera ce soir 7 mai au Grand Journal de Canal Plus : quelqu’un peut-il l’enregistrer pour que je le mette sur Dailymotion après ? Merci

Source: http://www.les-crises.fr/le-11-janvier-a-ete-une-imposture/


Actu’Ukraine 7/5

Thursday 7 May 2015 at 04:45

Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont participé à cette actu’Ukraine ! Ceci est une nouvelle version de l’actu’Ukraine “allégée”. Le nombre élevé de vidéos intégrées à l’article rendait la pare trop lourde à charger, surtout pour les tablettes. Nous en avons réduit le nombre… les vidéos sont toujours accessibles par les liens.

ACTU’UKRAINE DU 27 AVRIL AU 3 MAI 2015

FOCUS DE LA SEMAINE – LE MASSACRE D’ODESSA DU 2 MAI 2014

A Odessa, le 2 mai 2014, entre 40 et 100 personnes s’opposant au nouveau gouvernement ukrainien issu du coup d’état sont mortes, brûlées vives, asphyxiées ou battues à mort, dans la maison des syndicats. A cette époque, la Crimée est déjà rattachée à la Russie après un référendum tout à fait légal et des tensions sans grande gravité avec les troupes ukrainiennes sur place. Dans l’est de l’Ukraine, l’Opération Anti Terroriste Ukrainienne a encore des allures de son nom. Il s’agit de lever des barricades sur les routes, principalement autour de la ville stratégique de Slavyansk, à l’entrée de l’Oblast de Donetsk. Dans le reste du pays, des manifestations anti-gouvernementales se déroulent ça et là dans une illusion de logique démocratique qui va vite disparaître.

Tout change avec Odessa ce 2 mai 2014. Des heurts entre pro et anti maidan sont provoqués, ce qui a pour conséquence de déchaîner une foule encadrée par Praviy Sektor (Secteur Droit) qui parcourt plus de 2 kilomètres en pleine ville pour aller attaquer le camp des anti-maidan installé devant la Maison des Syndicats. Les antimaïdan se réfugient à l’intérieur du bâtiment qui est rapidement incendié avec une police, au mieux dépassée par les événements, au pire complice, et des services d’urgence entravés dans leurs interventions par les pro Maidan, comme par exemple un camion de pompier vandalisé. Certains de ceux qui cherchent à échapper aux flammes en sautant des fenêtres sont roués de coups (les-crises.fr). On voit même un homme en gilet pare-balles (Cotnik Mikola. Décédé en février 2015) (ridus.ru à 15 h 03) tirer avec une arme à feu sur les personnes réfugiées sur les rebords de fenêtre (youtube à 6mn20 environ). Le bilan s’élève à entre 40 et 100 morts et environ 200 blessés.

 

Le ton est donné pour la suite de la crise ukrainienne. Slavyansk va connaître un siège en règle de 3 mois avec des bombardements à l’artillerie lourde et l’Opération Anti Terroriste va se transformer en guerre civile dans tout l’est de l’Ukraine.

 

• Les articles de Les Crises à l’époque

4 mai 2014 : [SCOOP - À LIRE] Finalement, Svoboda, c’est ça… (Mis à jour) (les-crises.fr)

5 mai 2014 : [Odessa] Sans commentaires, à ce stade… (les-crises.fr)

8 mai : [Important] Actu’Ukraine du 8 mai 2014 : l’Idée de la Nation (ÉDITÉ) (les-crises.fr)

 

• L’analyse de Réseau Voltaire

12 mai 2014 : Les massacres d’Odessa sonnent le glas de l’unité ukrainienne (http://www.voltairenet.org/article183721.html)

 

• Le documentaire de la Série “Roses have Thorns”

15 juillet 2014 : Roses Have Thorns (Part 6) The Odessa Massacre (youtube)

 

• Les événements côté pro maidan avant le déchainement de la violence

5 mai 2014 : 2 мая в Одессе (материалы для следствия) (May 2 in Odessa (materials for investigation)) (youtube, reprise sur un autre channel 5 jours plus tard youtube). Début des bagarres en ville, sur la Place de Grèce, puis dans une rue. On y voit des nationalistes s’emparer d’un camion de pompiers (38′ 11″), un homme de Paviy Sektor tire au pistolet sur la foule (53′ 36″). Plus tard, la milice tente de le protéger contre la foule (à 1′ 00″ 58, les gens crient “Litso” = “son visage”), puis à ‘ 0″ 55, c’est la course vers les champs de Koulikovo et l’attaque sur les tentes des anti-maïdan, aux cris de “mettez le feu” (ce qui est fait à 1 11″ 07). Des gens sont déjà dans la maison des syndicats, on les voit aux fenêtres. La suite, on la connaît.

23 mai 2014 : Активисты Майдана взяли Дом профсоюзов штурмом (les activistes ont pris la maison des syndicats) (youtube). Vidéo prise le 2 mai, on constate la violence des attaques des nationalistes, qui parviennent, à coup de pavés et de cocktails Molotov, à faire reculer un barrage de miliciens qui protégeaient les anti-maïdan (dernier tiers de la vidéo)

7 février 2015 : 2 МАЯ ОДЕССА (youtube)

 

• Les événements côté anti maidan avant le déchainement de la violence

10 mai 2014 : Odessa 2 mai 2014 from Koulikovo Pole (youtube)

 

• Reportage sur les événements

11 janvier 2015 : Tuerie d’Odessa 2 mai 2014 – Reportage complet (sous titré français youtube)

2 mai 2015 : “By the black sea…” documentary about Odessa massacre (youtube). Reportage de TV Novorossia sous-titré anglais par Kazzura, donc côté des républiques de Donetsk et Lougansk.

 

• Le traitement de Skynews à l’époque

3 mai 2014 : Breaking News : Dozens Die In Odessa Blaze… (youtube)

 

• Discours au Bundestag de Gregor Gysi en mars 2014 et video des corps calcinés des victimes

5 mai 2014 : scandal in Bundestag Odessa Ukraine 2 may Nazi (attention images très dures à partir de1mn50 : youtube)

 

• Videos anti fascistes en réaction à l’événement

4 mai 2014 : Ukraine Krise, Odessa 2 Mai, Genozid an russischer Bevölkerung (18+) (attention certaines images sont très dures youtube)
1er mai 2015 : Vidéo de synthèse, sous-titrée en anglais (18+, images très dures à partir de 3′ 27″) (youtube via fortruss, version française youtube)

 

• Les premiers pas en tant que journaliste engagé de Graham Phillips. Graham Phillips est un citoyen anglais qui a l’époque réside à Odessa (youtube). Les événements du 2 mai vont faire naitre en lui une vocation de journaliste. Il a depuis largement contribué à faire connaître la crise ukrainienne dans le monde, ce qui lui a valu des menaces de mort et des ennuis sérieux avec l’armée ukrainienne, entre autres (channel youtube, compte twitter, blog thetruthspeaker.co). Graham Phillips a souvent été sur le front, il a même été blessé en novembre 2014 par un éclat de projectile, malgré le gilet pare-balles, et touché non loin de la colonne vertébrale. Opéré, il a heureusement retrouvé l’usage de ses jambes. A son retour en Grande-Bretagne en mars 2015, il a été arrêté par la police britannique à Heathrow et interrogé durant plusieurs heures, puis relâché (rt).

6 mai 2014 : The Odessa Massacre – A Personal Tribute (web.archive.org)

28 avril 2015 : Graham Phillips’ Personal Account of the Grim Day Odessans Burned (version mise à jour de l’article du 6 mai 2014 russia-insider).

 

• Journée de recueillement à Berlin pour les 6 mois du massacre

2 novembre 2014 : LIVE: Odessa massacre victims remembered in Berlin (sous-titre anglais youtube, version originale youtube)

 

• Documentaire allemand rassemblant des témoignages

14 mars 2015 : Lauffeuer – Die Tragödie von Odessa -eine Dokumentation (youtube)

21 mars 2015 : Version sous titrée anglais (youtube)

 

• Série d’articles sur la chronologie des événements parus dans le média local Timer Odessa

Ces articles ukrainiens contiennent beaucoup de vidéos amateurs et un déroulé détaillé des événements. A noter que la Pravda ukrainienne n’a apparemment pas publié l’article sur les événements de la maison des syndicats (partie 3) et s’est contenté de celle sur les affrontements entre les manifestations de pro et anti maidan (partie 1).

26 mars 2015 : Хронология событий в Одессе 2 мая 2014-го года (часть 1) Chronology of events in Odessa, May 2, 2014 (Part 1) (bak.timer-odessa.net, pravda.com.ua)

Journalistic Commission of Inquiry on May 2 produced a chronology of the first part of the event: clashes in the Greek area and its surroundings.

It includes a chronology of events that took place May 2, 2014, the year in the central part of Odessa (Cathedral Square, Greek area, Alexander Avenue and surrounding blocks) from the beginning of the collection of activists Kulikova field until the end of arrests of armed men in the shopping center “Athena”.

21 avril 2015 : Хронология событий в Одессе 2 мая 2014-го года (часть 3) Chronology of events in Odessa, May 2, 2014 (Part 3) (bak.timer-odessa.net)

Journalistic Commission of Inquiry on May 2 produced a chronology of events of the first part: the collision of Kulikovo in the House of Trade Unions.

It includes a chronology of events that took place May 2, 2014, the year in the area of Kulikov field and inside the House of Trade Unions of the central part of Odessa (Cathedral Square, Greek area, Alexander Avenue and surrounding blocks) from the beginning of the collection of activists Kulikova field at 14:00 and till the end the work of forensic experts inside the building at 15:00 the next day. Also shown are the key events that took place that day in other parts of the city.

La deuxième partie de la chronologie n’est apparemment pas accessible.

 

• Témoignages de survivants

11 mars 2015 :[eng subs] Interview with Odessa massacre survivor, recently released from UA prison (youtube)

1er mai 2015 : [eng subs] Interview about events of Odessa massacre with one of its anti-govt activists survivors (youtube)

 

• Les visages des 40 victimes officiellement recensées

Chacun d’eux est accompagné de la cause de la mort. L’article cité en source contient les 40 visages (fortruss).

 

Vadim Papura. J’ai été jeté d’une fenêtre.

Kristina Bezhanitskaya. J’ai été battue à mort.

Andre Brazhevsky. J’ai sauté d’une fenêtre et ensuite j’ai été battu à mort.

Vadim Negaturov. Je suis mort de mes brûlures.

Irina Yakovenko. J’ai été étranglée.

Vladimir Brygar. J’ai été tué par balles.

Svetlana Pikalova. Je suis morte asphyxiée.

Petr Kair. Je suis mort brûlé vif.

Maksim Nikitenko. J’ai été battu et jeté dans les escaliers.

 

• En Ukraine, cette semaine : Odessa. Le tribunal a renvoyé au Parquet les actes d ‘accusation des prévenus arrêtés la semaine dernière pour leur participation aux événements du 2 mai 2014. Les juges se sont ralliés aux arguments des défenseurs : trop de considérations idéologiques et politiques, pas assez de faits ni de preuves convaincantes. C’est ce que rapporte “Timer, le média odessite”. (timer-odessa.net). Ceci démontre bien que l’affaire tragique d’Odessa n’est pas près d’être éclaircie, tout comme celle des snipers de Maidan. De même, ceux qui se trouvent dans le box des accusés ne sont sans doute que des lampistes/idiots utiles. Une nouvelle datant du 4 décembre 2014 évoquait en effet des soupçons portant sur des personnages relativement haut placés. “L’ex-gouverneur de l’oblast de Donetsk Vladimir Nemirovski est peut-être impliqué dans l’organisation des événements d’Odessa le 2 Mai 2014. Comme le communique RBC-Ukraine (rbc.ua), une transcription de conversations téléphoniques entre l’ex-chef du service de coordination avec les organes de sécurité de l’OGA d’Odessa (OGA = service gouvernemental d’administration) Igor Bolianski et le chef des ‘Euromaïdan’ d’Odessa Dmitri Goumeniouk en témoignerait.. (youtube , lb.ua) ”

Voici la transcription et traduction de ce qui apparaît en russe dans la vidéo qui illustre l’article de rbc.ua (youtube) :

Les infos qui apparaissent à l’écran:

écran 1 : 2 mai 2014

Tragédie d’Odessa

Qui est accusé?

écran 2 : Igor Bolianskiy (proche collaborateur du gouverneur de l’oblast d’Odessa Vladimir Niemirovski) a ordonné personnellement à des “euromaïdanistes” d’aller disperser ceux qui étaient rassemblés sur les champs de Koulikovo)

écran 3 : Igor Bolianskiy appelle plusieurs fois Dmitri Goumeniouk, qui dirigeait les actions des “euromaïdanistes” sur la place de Grèce et exige que celui-ci “lance des gens” sur les champs de Koulikovo.

C’est là, comme on le sait, que se déroula un massacre sanglant, au cours duquel plus de 40.personnes ont trouvé la mort.

écran 4, à 0′ 20″ : – en haut : Igor Bolianskiy, chef d’une section de coordination avec les organes de maintien de l’ordre, de travaux de défense et de lutte contre la corruption.

– en bas : Dmitri Goumeniouk, coordonateur de “Autodéfense d’Odessa”.

Conversation 1, à 0′ 25″.

Goum.: Allo!

Bol. : Dim?

Goum. : Oui?

Bol. : Tu as vu mon SMS?

Goum.: Oui-oui-oui.

Bol. : Regarde…

Goum. : Nous essayons de percer, mais…

Bol. : Non, non, non. Le mieux, c’est de faire comme selon le programme spécial, pour l’instant tout est lié

Bol. : Ni les uns, ni les autres n’iront nulle part.

Bol. : Si tu as la possibilité d’organiser ça à un autre endroit et de tous les choper…

Goum.: Compris. OK.

Bol. : Parce que là, on a une sacrée chance, une belle

Bol. : Vas-y!

Goum.: On y va!

 

Conversation 2, à 1′ 00″ :

Goum. : Allo!

Bol. : Dim?

Goum. : Oui?

Bol. : Alors, est-ce que tu peux lancer des gens sur le champ de Koulikovo ?

Les propos échangés semblent donc se référer à une manoeuvre qui avait été prévue et préparée (“programme spécial”), et la saisie d’une opportunité (“on a une sacrée chance”).

Un nouveau suspect dans l’affaire d’Odessa? Le Parquet général d’Ukraine a fait savoir que des soupçons de négligence professionnelle pèsent à présent sur un ex-responsable des services locaux du ministère de l’intérieur de l’oblast d’Odessa qui avait été révoqué juste après les événements du 2 mai 2014 (on peut se demander à juste titre pourquoi il n’a pas été inquiété jusqu’ici). C’est ce que l’on peut lire aujourd’hui sur le média “Novoe Vremia” (nv.ua). La communication du Parquet général ne cite pas de nom, mais il en est un qui se chuchote beaucoup, celui d’un certain Petr Loutsiouk, est-il écrit dans l’article de Novoe Vremia.

Le média kp.ua publie un article rappelant encore fois les faits (kp.ua). Il y est dit que “les spécialistes qui s’intéressent à l’enquête estiment que celle-ci est freinée à dessein, et qu’elle pourrait durer encore plusieurs années”.

Elena Zigoulskaya, de la chaîne “112″ écrit de son côté que “De nombreux Odessites constatent avec regret qu’il s’écoulera encore beaucoup de temps jusqu’à la découverte de la vérité et au châtiment de tous les coupables” dans un long article d’analyse (112.ua).

 

• En Ukraine, cette semaine : Odessa (suite).

Dans la nuit du 29 au 30 avril, un tag laser a été projeté sur l’immeuble de l’administration régionale d’Odessa avec deux slogans : “Le Fascisme ne passera pas” et ” Porochenko assassin” (novorosinform.org via fortruss).

Les fêtes de mai – et l’anniversaire de la tragédie de la Maison des Syndicats – approchant, les autorités d’Odessa ont commencé à prendre leurs précautions. Les masques sont interdits, ainsi que les rubans de St. Georges et les appareils sonores (timer-odessa.net). De plus, la police met à l’ombre un certain nombre de personnes qu’elle estime capables d’organiser des actions médiatiques, d’y participer ou de les relayer. Le média local “Timer” avait déjà mentionné l’arrestation de 12 personnes le 28 avril (timer-odessa.net). Dès le matin de mercredi 29 avril, le SBU a encore arrêté 5 personnes, parmi lesquelles un journaliste, rédacteur en chef du journal “Haspravdi”, correspondant free lance de Vzgliad à Odessa et organisateur de la “République populaire de Bessarabie”, Artem Bouzila (vz.ru) ; Davidenko qui a participé activement aux actions sur le Champ de Koulikovo (lieu de rassemblement des anti Maidan à Odessa le 2 mai 2014) et l’activiste de la “République populaire de Bessarabie”, Véra Shevshenko. Le SBU affirme avoir empêché une tentative de proclamer à Odessa une “Bessarabie indépendante”.

Des perquisitions ont été menées au domicile des personnes arrêtées. Selon des informations qui n’ont pas été confirmées, deux autres personnes non nommées auraient été arrêtées. (timer-odessa.net). Sixième arrestation le 29 : le journaliste du média “Centre d’information”, Petr Pakoul (timer-odessa.net). A 18 h 09, “Timer” énonce le score de la journée pour le 29 : 18 arrestations. (timer-odessa.net)

 

• En Ukraine, cette semaine : Svoboda. Les néo nazis / ultra nationalistes sont plutôt fiers de leur exploit du 2 mai 2014 jusqu’à qualifier le 2 mai de “jour de la victoire”, un vocable réservé à la victoire contre le nazisme : “May 2, 2014 was a historic day for Odessa. Odessans bravely repulsed Kremlin gangs and their local leaders, thus protecting the city from the arrival of the “Russian world”. This day was decisive in months-long stand off between the members of Odessa “Maidan” and the anti-government and staunchly pro-Moscow “AntiMaidan”. It culminated in Ukrainian victory and the beginning of a new page in the history of the city” (timer-odessa.net via fortruss).

 

L’article complet du site officiel de Svoboda (traduction google ukrainien vers anglais svoboda.org.ua)

April 29 – May 2 to Odessa – Day of liberation and victory over Kremlin factions

May 2, 2014 was a historic event in Odessa. Odessans courageously gave rebuff Kremlin groups and their local guide, thus protecting the city from joining “russkava measure.” This day became decisive in confronting several months members of the anti-state Odessa Square and clearly pro-Moscow “Antymaydan” crowned Ukrainian victory and start a new page in history.

Latent supporters “russkava measure” are trying to level the event, focusing on the consequences of fire in the House of Trade Unions. The same make and local liberals. The tragedy really was and it is connected with the death of Ukrainian heroes who resisted the Kremlin armed militants. So-called activists “Kulikov field” that burned in the House of trade unions and which are associated with numerous myths Kremlin propaganda, deliberately doing anti-state crimes terrorized townspeople, committed attacks on journalists provoked public clash. Some of them really was the victim zombies and getting easy money for participating in anti-Ukrainian actions. But hold events in memory of people who wanted to bring the war to Odessa – it’s like to honor the memory of Russian invaders and their local guides who were killed in eastern Ukraine.

Doubtless fact remains: May 2, decided whether stand Odessa after years of propaganda of ideas “ruskava measure” betrayal officials in the management of law enforcement agencies and government offices. Odessans patriots gave a fitting rebuff Kremlin occupiers, saved the city and prevented conversion of Odessa on the “people’s republic”. If a troop “Colorado” on May 2 did not stop, then to Odessa plunged into terrible realities of a number of regions of Donetsk and Lugansk regions. After that there is now, no doubt about correct action of Ukrainian patriots should not be. Regardless of political position, all that was on the Ukrainian side, May 2, committed a heroic act, protecting the city from the attempts of the Kremlin factions to commit armed rebellion with the ultimate goal of the occupation of Odessa Russian Federation.

May 2 should be a citywide day of victory over the Kremlin terrorist groups, day cleaning of the Kremlin infection. Instead, we see attempts to leveling the event. But anyway today was not that day – a worthy page in the history of the city. Decent courage and bravery of Odessa, who gave rebuff the aggressor.

Basil Sydorak

Avec en prime une tentative de blanchiment des auteurs des violences côté ukrainien… “C’est la faute de ceux qui se sont barricadés dans la maison des Syndicats! ” Tel est, en bref, le contenu d’un récit que publie, pile le 2 mai, le média “Apostrophe” (apostrophe.com.ua), récit des événements que fait un activiste appartenant au “Groupe du 2 mai”, qui s’occupe d’enquêter sur les événements. Il commence par dire que la tragédie est “le résultat d’un concours de hasards malheureux”. L’ennui est que ses paroles sont rapportées par “Radio Svoboda”, dont on peut raisonnablement douter de l’objectivité.

 

• En Ukraine, cette semaine : Parubiy. A l’époque de forts soupçons pesaient sur Parubiy par rapport aux tristes événements d’Odessa. L’anniversaire approchant, Kiev allume un contre-feu en liant toute insinuation que Parubiy est impliqué dans Odessa, à un complot de Moscou et l’appartenance de celui qui les profère au FSB (24tv.ua) !…

 

• En Ukraine, cette semaine : Praviy Sektor. Pravii Sektor veut organiser un meeting à Odessa le 2 mai pour proclamer la “victoire sur les occupants” (vzgliad.ru).

 

• En Ukraine, cette semaine : Persona non grata. Le journaliste italien Franco Fracassi a été arrêté à l’aéroport de Kiev le 2 mai alors qu’il venait d’arriver pour prendre part aux cérémonies de commémoration de la tragédie d’Odessa. Il n’ pas eu d’autre choix que d’attendre un vol et de repartir à Rome (tribunal.today).. Vzgliad rappelle que Fracassi avait fait des reportages l’an dernier sur le massacre et avait été l’un des premiers à mettre en cause les radicaux de droite (vz.ru). Apparemment seule l’Italie (popoffquotidiano.it, omniroma.it, contropiano.org, facebook) et la Russie en parlent (vk.com). Un peu.

 

• Odessa, le 2 mai. Toutes les précautions ont été prises à Odessa. La Maison des Syndicats, lieu du massacre, est protégée par des blindés et 2000 militaires (korrespondent.net, vz.ru, youtube, youtube). Le site internet de la ville d’Odessa a informé ses administrés qu’il y aura des “perturbations” dans les réseaux de téléphonie mobile ce 2 mai 2015 (dnr-news). “Les raisons n’en sont pas connues. Nous rappelons que des opérations antiterroristes sont effectuées dans la ville par le SBU.”, est-il écrit dans la communication (048.ua). De même, côté informations, il a été impossible pendant au moins une journée de se connecter au média local “Timer” (timer-odessa.net) : toute connexion était automatiquement dirigée vers la page d’accueil du serveur, qui expliquait qu’il n’y avait pas (plus?) de site à cette adresse. Muselage ? A présent, le 2 mai, le site est accessible, mais l’adresse dirige vers une version de sauvegarde datant du 6 avril (bak.timer-odessa.net).

 

 

Le site Timer est accessible normalement le 3 mai, avec les infos du jour, mais toujours sur une adresse de sauvegarde. Il propose un reportage photo sur la commemoration du 2 mai à Odessa (bak.timer-odessa.net) où plusieurs milliers de personnes sont venues se receuillir devant la maison des syndicats.

 

La foule a essayé de chasser de Koulikovo (la place devant la maison des syndicats) l’équipe de journalistes d’une chaîne de télévision unkrainienne venue filmer les gens qui se recueillaient et déposaient des fleurs devant la galerie de photos des victimes du 2 mai. Les journalistes se sont fait aposropher : “le fascisme ne passera pas”, “Salauds, pouilleux, dégagez, on a du chagrin”. Un membre de la foule a essayé de faire tomber la caméra de l’épaule du caméraman (112.ua).

D’autres slogans étaient plus directs… “Nous n’oublierons pas, nous ne pardonnerons pas” et “Nous nous souviendrons et nous nous vengerons” (youtube)…

Vidéo du rassemblement devant la Maison des Syndicats (vidéo compilée par Radio Svoboda, sans commentaires, vues générales, capture de webcam de la ville, foule, discours lointains) (youtube)

Article officiel de la mairie d’Odessa sur la commemoration du 2 mai 2014 (omr.gov.ua). Drapeau en berne, dépot de gerbes, office à la cathédrale. La ville rend hommage à tous ses morts, aussi bien pro Maidan qu’anti Maidan (40 anti-Maidan sont officiellement morts dans le massacre de la Maison des syndicats et 8 autres personnes ont péri, essentiellement par balles, bien avant le massacre, à 2 km de la Maison des Syndicats).

 

• Moscou, le 2 mai. Plus d’un millier de personnes se sont réunies devant l’ambassade ukrainienne à Moscou pour rendre hommage aux victimes d’Odessa du 2 mai 2014 (sputniknews, dnr-news).

 

• Kiev, le 2 mai. Manifestation pour honorer la mémoire des victimes d’Odessa et d’une manière générale les victimes du régime comme Oles’ Buzina. Le cortège arbore des drapeaux ukrainiens, soit parce qu’ils considèrent que c’est encore le symbole de l’unité du pays, soit parce qu’ils ne veulent pas avoir trop d’ennui avec les autorités (youtube, youtube, dnr-news, dnr-news).


 

• Donetsk, le 2 mai. il y a eu un meeting à Donetsk et toutes les sirènes ont été déclenchées en même temps. Le commandant Givi, un des plus charismatiques de la milice de la DNR, a donné une interview à cette occasion qui résume bien l’état d’esprit des novorusses et ukrainiens russophiles : chagrin et colère (youtube).

 

• Le reste du monde, le 2 mai. Cérémonies et manifestations dans le monde en souvenir des victimes d’Odessa tuées le 2 mai 2014. Toutes ces manifestations sont mentionnées sur le site Ridus (ridus.ru à différentes heures), mais il faut pouvoir lire le russe et naviguer dans la chronologie de la journée , ce site ne possède malheureusement pas de page en anglais. Il sera difficile de mettre tous les liens, en voici la liste :

A Londres, manifestation devant l’ambassade d’Ukraine.

A Berlin, un meeting avec concert.

A Paris, une manifestation d’une centaine de personnes et quelques journalistes. La pianiste ukrainienne interdite de concert au Canada était présente (rg.ru). Pendant ce temps, l’AFP sortait une brève “Ukraine: Odessa rend hommage aux 48 prorusses et pro-ukrainiens morts il y a un an” (actu.orange.fr).

A Bruxelles, une manifestation “Je suis Odessa” (sputniknews, sputniknews)

En Italie, Rome et Milan ont eu chacune leur manifestation.

A Stockholm, meeting. Et un média en parle (jinge.se)

A Zürich (Suisse)

A Casablanca (Maroc)

A Tel-Aviv, manifestation devant l’ambassade d’Ukraine.

Les antifascistes d’Irlande ont également manifesté.

 

• Eveil des consciences en Europe. Enfin, un blog sur la désinformation apporte une bonne nouvelle : selon lui, des médias de taille commencent tout doucement à rétropédaler pour sauver la face (histoireetsociete.wordpress.com), il en dresse la liste. En Allemagne les téléspectateurs se plaignent de certains silences, comme en témoigne un très long article en allemand (jasminrevolution.wordpress.com). On y trouve une répartition des plaintes de lecteurs (jasminrevolution.files.wordpress.com) où il apparaît que 35% des mécontents se plaignent du manque d’information sur l’Ukraine. Mis ensemble, Ukraine+Poutine+ Yatseniouk arrivent à 46% des avis negatives quant à l’information fournie. Cela concerne surtout les chaînes televises ARD et ZDF.

 

 

LUNDI 27 AVRIL 2015

• Revue de presse du Gorshenin Institute sur la semaine du 20 au 26 avril 2015 (gorshenin.eu)

 

• Revue de presse du Central European Policy Institute (CEPI) sur la semaine du 18 au 24 avril 2015 (cepolicy.org)

 

Histoire de wagons. Au cours des deux semaines précédentes, les médias ukrainiens, mentionnaient, de temps à autre, des wagons remplis de charbon qui se seraient “volatilisés”. Un éclairage nouveau – et officiel – sur cette affaire vient d’apparaître dans un article qui donne la parole à Guennadi Moskal, le gouverneur de l’oblast de Lougansk (interfax.com.ua). Il annonce vouloir porter plainte devant le Parquet général d’Ukraine pour un incident bizarre : “La question se pose, de savoir comment deux locomotives de triage appartenant au dépôt de Popasna et 20 wagons de marchandises ouverts de Popasna ont pu aller de la gare de Santianivka, noeud ferroviaire en territoire occupé (sous-entendu: par les séparatistes) jusqu’à la gare de Svitlanivka (territoire sous contrôle ukrainien), si la circulation des trains sur cette portion de voies a été interdite par ordre de G. Moskal” est-il écrit dans le paragraphe 3 de l’article. Et plus loin : “Dire que la RPL est une “organisation terroriste” et en même temps faire avec elle du commerce non officiel, n’est pas possible. Cela sape l’autorité du pouvoir aussi bien dans l’oblast que dans toute l’Ukraine… Pourquoi manque-t-on de wagons et de locomotives pour décharger sur le territoire ukrainien le charbon livré, ainsi que pour la construction de fortifications militaires, mais en trouve-t-on pour du commerce non officiel avec une organisation terroriste ?” Toutefois, son exposé n’est pas clair, parce qu’il parle de ces wagons, qui seraient revenus vides du territoire contrôlé par les séparatistes, mais dit qu’ils auraient facilement pu transporter des “terroristes”. terroristes qui seraient donc allés d’Ukraine en Novorussie ?

 

• La mobilisation a toujours aussi peu de succès. Même le Washington Post le note (washingtonpost.com). Couplée à la crie économique qui frappe l’Ukraine, cela entraine des conséquences a priori illogiques. En effet, certains appelés ukrainiens préfèrent aller en prison plutôt qu’au front, tel ce jeune métallo de 26 ans qui déclare: “Je préfèrerais faire trois ans de prison – où je serai nourri et en sécurité – plutôt que de servir. Cela fait un an que ce gouvernement est au pouvoir et nous, nous devons travailler deux jours pour nous acheter une miche de pain. Je ne veux pas partir me battre pour un gouvernement comme ça.”. Un autre homme déclare notamment “Le gouvernement ne nous dit pas pourquoi nous faisons cette guerre, et ne dit même pas qu’il s’agit d’une guerre.”

 

• Le MH17 fait à nouveau parler de lui. Plusieurs médias allemands (le journal Süddeutsche Zeitung, les chaînes de télévision WDR et ARD) révèlent que les autorités allemandes étaient au courant du danger de survol de l’Ukraine avant même la chute du MH17, le boeing si a été abattu au dessus de l’Ukraine en juillet 2014. (sueddeutsche.de), mais ielles n’ont pas tranmis l’information aux compagnies aériennes : “Dans les fils d’information du 15 juillet 2014, donc deux jours avant le crash du MH17, le ministère des affaires étrangères écrivait que “la situation dans l’est de l’Ukraine” était “très préoccupante”. Raison: dans les documents classés “VS” – réservé aux services” (ce qui conrrespond à “Confidentiel restreint” en France), on mentionnait des tirs ayant provoqué la veille le crash d’un Antonov militaire, abattu à une altitude de 6.000 mètres. Ceci “représente une qualité nouvelle” (“In den Drahtberichten vom 15. Juli 2014, also zwei Tage vor der Katastrophe, schrieb das Auswärtige Amt, die “Lage in der Ostukraine” sei “sehr besorgniserregend”. Als Grund wird in den als “VS – nur für den Dienstgebrauch” eingestuften Unterlagen der Abschuss einer Antonov-Militärmaschine in Höhe von mehr als 6000 Metern am Vortag genannt. Dies stelle “eine neue Qualität” dar.”). L’article du journal allemand précise que certaines compagnies se font leur “carte de sécurité” à elles, et que plusieurs compagnies aériennes avaient d’elles-mêmes décidé d’éviter de survoler l’Ukraine. Le jour du vol MH17, il y a eu trois vols Lufthansa dans l’espace aérien ukrainien, dont un quelques minutes avant l’avion abattu. Inutile de préciser qu’en ce moment, la direction de Lufthansa et le gouvernement allemand sont la cible de vives critiques pour n’avoir pas tenu compte de l’information qu’ils détenaient, même si le sort a épargné les avions allemands. De son côté, le gouvernement allemand nie ce que déclare le Süddeutsche Zeitung (dw.de). Il faut souligner que l’article du journal laisse planer des sous-entendus. Il fait croire que les avions de Lufthansa auraient suivi la même trajectoire que celui du MH-17, ce qui est faux car il sont passés suffisamment au nord et au sud pour éviter la zone dangereuse. Il parle d’une hauteur de survol de 6000 mètres, alors que l’estimation qui a été donnée est plus haute. Et enfin il oublie surtout de parler des NOTAM (Notice to Airmen) A1383/14 du 1er juilet (tweedekamer.nl) et A1492/14 (tweedekamer.nl) et A1483/14 (tweedekamer.nl) du 14 juillet qui ont bien été publiées et qui interdisaient le survol de la région en dessous d’une certaine altitude (FL260 pour la A1383 et FL320 pour la A1492/1493) (whathappenedtoflightmh17.com) . Le gouvernement allemand n’a donc pas commis d’erreur. Le seul élément nouveau qui apparaît est la mention d’un Antonov 26 dans sa réponse, alors que le rapport en néerlandais ne parle que d’un Antonov 24 (mais en réalité, il s’agissait bien d’un AN-26). Cela indique que le gouvernement allemand dispose d’informations qui n’ont pas encore été rendues publiques… ou que le rapport hollandais contient une coquille !

 

 

• Intervention de Xavier Moreau sur l’Ukraine et les sanctions contre la Russie (https://www.youtube.com/watch?v=gv4TNbl92S0).

 

• Résultats du sommet UE Ukraine du 27 avril 2015. Il s’agit du premier sommet UE Ukraine depuis l’accord d’association et le début de la guerre civile (ec.europa.eu). Le précédent avait eu lieu en 2013. Même si l’UE semble toujours fermement du côté de l’Ukraine, il semble également avoir quelques bémols. Tout d’abord, L’UE et l’Ukraine ne sont arrivés que dimanche 26 vers 23h00 à un compromis sur la déclaration commune du sommet (17h41: unian.info, 22h54 : unian.info). La déclaration commune en question est disponible en anglais (consilium.europa.eu, ec.europa.eu). Si avant l’ouverture de la séance, Donald Tusk a rendu hommage aux “héros de la Centurie céleste ” (les morts de Maïdan) et fait un bref discours en ukrainien, il a aussi appelé les Ukrainiens à ne pas compter seulement sur l’aide de l’Europe (pravda.com.ua). De même l’UE repousse la suppression du régime de visas pour les citoyens ukrainiens à une date ultérieure, au moins jusqu’à 2016 (vesti-ukr.com) et propose l’envoi au Donbass d’une mission d’évaluation civile au lieu d’une mission militaire pour étudier les possibilités d’action dans le cadre de la politique de Sécurité et de Défense (rbc.ua, unian.net). Cerise sur le gâteau, l’UE, via Juncker, déclare que l’entrée de l’Ukraine de l’UE n’est pas à l’ordre du jour dans un avenir très proche (vzgliad.ru) et recommande à l’Ukraine à s’armer de patience sur le chemin de l’UE (lb.ua) tout en indiquant les conditions pour accueillir l’Ukraine dans “la famille européenne” (unian.net). En clair, selon Vesti, le bilan du sommet est “attendez et soyez patients” (vesti-ukr.com). Pour VZgliad, l’UE a de nouveau dit “non” à l’Ukraine : adhésion à l’EU, visas, envoi d’une mission militaire et elle a exigé des réformes et l’application des accords de Minsk (vz.ru). Le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE sera, toujours selon VZgliad, éternel : “L’UE prend ce qui lui est utile et se contente de donner des promesses” (vz.ru). Côté USA, le Wall Street Journal écrit que les résultats du Sommet UE-Ukraine ont mis Porochenko en colère (vz.ru).

Factsheet sur l’aide de UE à l’Ukraine : “European Commission support for Ukraine” (http://ec.europa.eu/news/pdf/euua_factsheet.pdf)

Assistance financière de l’UE à l’Ukraine : “UE Macro Financial Assistance for Ukraine” (http://ec.europa.eu/news/pdf/mfa_infograph.pdf)

Le sommet en Live (doublé en ukrainien) (youtube via vesti-ukr.com)

 

Conférence de presse à l’issue du sommet (ec.europa.eu, ec.europa.eu, ec.europa.eu, ec.europa.eu)

 

Allocution de Donald Tusk, président de l’UE, à l’issue du sommet (consilium.europa.eu)

Nous venons de clore le 17e sommet UE-Ukraine. Il s’agissait toutefois du premier sommet organisé dans le cadre du nouvel accord d’association UE-Ukraine. C’était aussi le premier depuis l’agression russe et le conflit dans le Donbass et en Crimée. Nous avons consacré une grande partie des débats à la crise ukrainienne, ce qui nous a permis de procéder à un échange de vues sur la situation sur le terrain et sur les mesures à prendre.

Nous sommes d’avis que la mise en œuvre intégrale des accords de Minsk reste le meilleur moyen de trouver une solution politique. Nous continuons de surveiller de près la mise en œuvre du cessez-le-feu. Si le niveau des violences a baissé depuis l’accord intervenu en février, des violations du cessez-le-feu se produisent tous les jours et l’OSCE ne constate toujours aucun retrait des armes lourdes. En outre, nous sommes très préoccupés par les informations qui nous parviennent selon lesquelles des armes continuent de pénétrer dans l’est de l’Ukraine.

Nous poursuivrons nos efforts diplomatiques. Nous attendons de la Fédération de Russie qu’elle prenne ses responsabilités et respecte ses engagements, en procédant notamment au retrait des forces armées et des équipements russes. Il convient de rappeler que les sanctions et les mesures restrictives adoptées par l’UE sont liées à la mise en œuvre intégrale des accords de Minsk. Nous comptons sur la libération à bref délai de tous les otages, y compris de Nadia Savchenko.

Nous avons évoqué les tâches relevant de la surveillance et la sécurité. L’Union européenne renforce d’ores et déjà son soutien à l’OSCE mais nous avons aussi débattu de questions plus générales. Nous sommes conscients des attentes de l’Ukraine dans ce domaine. La tâche ne sera pas facile mais nous allons nous y atteler. Nous enverrons dès que possible une mission civile d’évaluation.

Nous avons procédé à un échange de vues sur la situation humanitaire et constaté qu’il fallait intensifier les efforts visant à soulager les populations touchées. Cela suppose que l’Ukraine adopte des mesures d’ordre législatif et institutionnel. L’Union européenne et ses États membres font partie des plus gros contributeurs à l’aide internationale et nous sommes prêts à augmenter cette contribution.

Le sommet fut également l’occasion de débattre des préparatifs du sommet du Partenariat oriental qui se tiendra à Riga le mois prochain. À nos yeux, cet événement important marque la continuité de notre profond engagement dans ce cadre et nous permet en même temps de définir nos priorités pour les années à venir.

Permettez-moi de conclure par une réflexion faisant suite à ma visite sur la place Maïdan ce matin. Maïdan a marqué un tournant pour l’Ukraine – et pour l’Europe. Nous devons maintenant faire en sorte que ce tournant débouche sur une amélioration de la situation. Dans l’intérêt de tous les Ukrainiens. Je suis persuadé que vous êtes sur la bonne voie. Mais je suis aussi pleinement conscient des nombreux obstacles qu’il reste à franchir et, pour être honnête, des sacrifices qu’il faudra encore consentir.

Je le sais à travers l’expérience vécue par mon pays, la Pologne, qui, à de nombreux égards, a dû suivre le même cheminement, souvent douloureux, même en l’absence de conflit armé à l’intérieur de nos frontières. Mais je peux aussi affirmer sincèrement qu’il n’existe pas de meilleure solution. Les réformes, les sacrifices, le rapprochement vis-à-vis de l’Europe et de l’Occident, tous ces efforts porteront leurs fruits.

Je peux vous garantir que l’Europe restera à vos côtés tout au long du processus et qu’elle vous soutiendra du mieux qu’elle pourra. C’est également le principal message que j’ai adressé aujourd’hui au président Porochenko et au Premier ministre Iatseniouk. Mais l’Europe ne peut pas faire ce difficile travail à votre place. C’est à vous et uniquement à vous, nation ukrainienne, gouvernement et parlement ukrainiens, d’entreprendre ce difficile travail de réforme de l’Ukraine. Pour faire de l’Ukraine un pays plus prospère, plus juste et plus équitable. Bref, pour des jours meilleurs en Ukraine. Je vous remercie.

 

La déclaration commune du 17eme sommet EU-Ukraine (consilium.europa.eu)

1. The 17th EU-Ukraine Summit took place in Kyiv on 27 April 2015. The European Union was represented by President of the European Council Donald Tusk and President of the European Commission Jean-Claude Juncker. Ukraine was represented by President Petro Poroshenko. It was the first Summit in the framework of the EU-Ukraine Association Agreement, implementation of which will represent a fundamental step in the process of deepening the political association and economic integration of Ukraine with the EU on the basis of respect for common values and their effective promotion.

2. The leaders welcomed the holding of free and fair Ukrainian Presidential and Parliamentary elections in Ukraine in 2014 in which the Ukrainian people used their right to choose their own future and which marked an important step in Ukraine’s aspirations to consolidate its democratic development in line with its international commitments. The leaders recalled the unprecedented public support for Ukraine’s political association and economic integration with the EU as well as for its democratic aspirations. They remembered the tragic events of early 2014 and paid tribute to all those who had lost their lives. They reconfirmed the common objective to build a democratic, stable and prosperous country with guaranteed human rights and fundamental freedoms for all its citizens, and confirmed Ukraine’s commitment to building a deep and sustainable democracy and market economy. The leaders acknowledged the European aspirations of Ukraine and welcomed its European choice, as stated in the Association Agreement.

3. The leaders welcomed the signing and the beginning of the provisional application of the relevant parts of the Association Agreement and the progress in preparation for the provisional application of the DCFTA as of 1 January 2016. They highlighted the importance of swift ratification of the Association Agreement by Member States in accordance with their internal procedures. A reinvigorated reform process will be crucial in view of Ukraine’s political association and economic integration with the EU.

4. The leaders welcomed Ukraine’s strong commitment to an ambitious reform process as set out in Ukraine’s Strategy 2020, the Government Programme and the Coalition Agreement. They also welcomed the EU’s package to support Ukraine in its efforts for launching this renewed reform process, as well as the EU’s Ukraine Support Group and the EU Advisory Mission for Civilian Security Sector Reform. In this context, leaders welcomed the update of the Association Agenda, an important tool agreed jointly to facilitate the implementation and the monitoring of the Association Agreement.

5. They welcomed the first reform steps taken by Ukraine in key areas, notably constitutional reform, decentralisation, the fight against corruption, the reform of the justice sector, the restructuring of the energy sector and the improvement of the business climate. They underlined that implementation of these reforms will be key and should rapidly achieve further concrete results. In particular, they welcomed:

- the launch of the work of the constitutional commission; – the progress made in the decentralisation process (laws on voluntary merger and on cooperation of communities adopted, the tax code and budget law amended)

- the amendment of the public broadcasting law; – the adoption of an anti-corruption package including a national strategy (2014-2017) and of the laws on the Public Prosecutor’s Office as well as on the judiciary and the status of judges; – the appointment of the Head of the National Anti-corruption Bureau; – the submission to the Parliament of laws on civil service including in local self-government bodies; – the adoption of the law on the Accounting Chamber of Ukraine and the state aid framework, the amendments to the public procurement law and the increased transparency in managing state-owned companies; – the ongoing energy price and tariff reform, the adoption of a new gas market law in line with Energy Community Treaty commitments and the submission to the Parliament of a law on the gas and electricity regulatory authorities; – the progress in reducing regulatory and licensing requirements as to facilitate business.

6. The leaders agreed on the need to further accelerate the reform process on key systemic issues such as:

- the finalisation of an inclusive constitutional reform to enable a thorough Justice reform, decentralisation process and the ratification of the Rome Statute of the International Criminal Court; – the finalisation of the reform of the legislative framework in due time before local elections; – the fight against and the prevention of corruption, through appropriate institutions and independent investigations and the setting up of the National Centre for the Prevention of Corruption;

- the increased transparency, accountability and independence of the Judiciary; – the professionalisation and depoliticisation of the public administration including self- governance bodies; – the restructuring of the energy sector in line with the Third Energy Package notably with Naftogaz unbundling and increased attention to energy efficiency; – the reform of the civilian security sector; – the modernisation of the public finance management system through a more transparent public procurement, improved fiscal governance and stronger external audit.

7. In this context, the leaders welcomed the organisation by Ukraine of the International Conference on Support for Ukraine the day after the Summit, which would allow Ukraine to communicate its reform efforts to the wider world and reflect with the international community on the next steps in the reform process and the necessary support measures.

8. The leaders welcomed the EUR 11 billion financial support pledged by the European Union and European Financial Institutions in March 2014 in support of Ukraine’s political, economic and financial stabilisation. Since then, already some EUR 6 billion has been mobilised in the form of loans and grants, including the recently approved additional third macro-financial assistance programme of EUR 1.8 billion and last week’s disbursement of the final tranche of EUR 250 million under a previous programme. The leaders agreed to swiftly conclude the Memorandum of Understanding and Loan Agreement of the third

macro-financial assistance programme to allow for a swift disbursement of the first tranche possibly by mid-2015.

9. The leaders reiterated their strong condemnation of the clear violation of Ukrainian sovereignty and territorial integrity by acts of aggression by the Russian armed forces since March 2014. These actions are in clear breach of the UN Charter and the OSCE Helsinki Final Act, as well as Russia’s specific commitments to respect Ukraine’s sovereignty and territorial integrity under the Budapest Memorandum of 1994 and the bilateral Treaty on friendship, cooperation and partnership of 1997.

10.The leaders reconfirmed their strong condemnation of the illegal annexation of the Autonomous Republic of Crimea and the City of Sevastopol by the Russian Federation, which they will not recognise. Faced with this continued violation of the sovereignty, independence and territorial integrity of Ukraine and of international law, they confirmed their commitment to fully implement a non-recognition policy, including through restrictive measures and called upon UN Member States to respect the United Nations General Assembly Resolution No. 68/262 of 27 March 2014. They affirm their deep concern at the continuous military build-up and deterioration of the human rights situation in the Crimean Peninsula, including the denial of free speech and the persecution of persons belonging to minorities, including the Crimean Tatars. They call for the provision of full, free and unrestricted access to the Autonomous Republic of Crimea and the City of Sevastopol to international human rights actors.

11. The EU side reiterated its commitment to strongly support Ukraine’s unity, sovereignty, independence and territorial integrity. The leaders underlined their strong support for the efforts aimed at de-escalation and a political solution based on respect for Ukraine’s independence, sovereignty and territorial integrity, in particular in the framework of the Normandy format. They expressed their full support for the Minsk Agreements including the Package of Measures of 12 February 2015, endorsed by UNSC Resolution 2202 of 17 February 2015.

12. The leaders called on all parties to swiftly and fully implement the Minsk Agreements and honour their commitments and underlined the Russian authorities’ responsibility in this regard. They called for the urgent release of all hostages and unlawfully detained persons, including Nadia Savchenko. In this framework, they expressed their full support for the OSCE Special Monitoring Mission, as well as the efforts of the Special Representative of the OSCE Chairperson-in-Office in the Trilateral Contact Group. The leaders called upon all parties to cooperate with the international investigations and criminal proceedings to hold to account those who are responsible for the downing of MH17.

13. The leaders took note of the European Council Conclusions of 19 March 2015 regarding the EU restrictive measures against the Russian Federation.

14. The leaders stressed the need to challenge Russia’s ongoing disinformation campaigns and agreed on the need to strengthen their respective strategic communication efforts.

15. The leaders deplored the massive humanitarian crisis. Ukraine thanked the EU and its Member States for the significant humanitarian support provided. The leaders agreed to enhance their relief efforts to address the needs of the population affected by the conflict, wherever they are and discussed prospects for a more active use of the resources provided by the international community. They agreed on the necessity to provide social assistance to the internally displaced persons at short and long term as well as to improve the coordination mechanism and address remaining legal and administrative obstacles to unhindered international humanitarian assistance to those who need it.

16. The leaders welcomed the progress in the trilateral talks between the EU, Ukraine and the Russian Federation on the delivery of gas from Russia to Ukraine with the goal to increase the security of gas supply for Ukraine and its citizens as well as ensuring stable, sufficient and uninterrupted transit of gas to the EU. While underlining the importance of a stronger energy partnership between Ukraine and the EU, taking into account international commitments, including in the field of nuclear energy safety, the leaders expressed their readiness to continue cooperation between Ukraine and the EU on urgent energy sector reforms in Ukraine, on the joint modernisation and operation of the Ukrainian gas transportation system and storages and on securing gas supplies from Europe to Ukraine, and specifically welcomed the adoption of the new gas law. They agreed to further cooperate in promoting market integration, including through the development of interconnections and standard Interconnection Agreements between Transmission System Operators of Ukraine and bordering EU Member-States.

17. The leaders look forward to the provisional application of the Deep and Comprehensive Free Trade Area (DCFTA) between the EU and Ukraine starting on 1 January 2016 and the positive impact its implementation will bring about. They also noted the importance of continuing the trilateral consultations on EU-Ukraine DCFTA implementation in a constructive manner, using the existing flexibilities available to the contracting parties in the DCFTA.

18. The leaders reconfirmed their commitment to achieve the shared objective of visa-free travel provided that conditions for well-managed and secure mobility set out in the Visa Liberalisation Action Plan are in place. They welcomed the progress made by Ukraine underlining the necessity for a full and effective implementation of all benchmarks and emphasising in this regard the importance of the upcoming release of the next progress report on the Visa Liberalisation Action Plan ahead of the Riga Summit.

19. The leaders welcomed the deepening of EU-Ukraine cooperation notably with the meeting of the first Association Council, which put in place the institutional framework of enhanced cooperation, as well as the signing of the agreement associating Ukraine to Horizon 2020. Leaders praised the deepening of people-to-people contacts notably through Ukraine’s participation in the Erasmus+ programme supporting student mobility, academic cooperation and youth exchanges. In addition, they welcomed the willingness of both sides to associate Ukraine to Creative Europe, the Research and Training Programme of Euratom (2014-2018) and the EU programme for the Competitiveness of Enterprises and Small and Medium-sized Enterprises (COSME 2014-2020). The leaders reconfirmed the importance of concluding the EU–Ukraine Agreement on Common Aviation Area, as referred in the Association Agreement, at the earliest possible date in 2015.

20. The leaders exchanged views on international and regional matters, notably in light of the upcoming Eastern Partnership Summit in Riga and the review of the European Neighbourhood Policy. They highlighted the importance of renewing constructive engagement on the peaceful settlement of the Transnistrian conflict with respect to the 5+2 settlement talks. The leaders welcomed the role of the European Commission’s Border Mission to Moldova and Ukraine in the development of border management and reforming of the border and customs services of Ukraine, welcoming the extension of the mandate of the mission for another two years until December 2017. They also expressed satisfaction with the increase in Ukraine’s alignment with the EU Common Foreign and Security Policy (CFSP) declarations as well as with Ukraine’s participation in the EU-led Naval Military Operation (EUNAVFOR Somalia Atalanta) and in the EU Battlegroups in 2014. The leaders welcomed the launch of the negotiations on the administrative arrangement between the European Defence Agency and the Ministry of Defence of Ukraine.

 

• American days à Vinnytsia. Le même jour s’ouvrait les American Days dans la ville de Vinnytsia. L’ambassadeur des USA en Ukraine, Geoff Pyatt, y a fait une allocution pour cette occasion (youtube, ukraine.usembassy.gov). Pyatt parle des “trois fronts” de l’Ukraine, un front militaire contre la Russie, un deuxième pour la vérité, toujours contre la Russie et le troisième pour la modernisation du pays contre la corruption.

Présentation de l’ambassadeur par lui-même (youtube)

Video de l’allocution (youtube)

Remarks by Ambassador Pyatt to Mark the Opening of America Days in Vinnytsia (ukraine.usembassy.gov)

April 27, 2015 As prepared for delivery

Good afternoon. It is my great pleasure to be here today, and to take part in America Days in Vinnytsia. Special thanks to Acting Mayor Sergey Morgunov, Governor Valeriy Koroviy, and Oblast Council Speaker Serhiy Svytko for your warm welcome. Thanks to all our partners in Vinnytsia’s schools, museums, concert halls, libraries, and universities who will host America Days events.

Over the next three days, we invite you to explore the United States through art, history, and music. Several of my colleagues from the Embassy are here with me. They are ready to tell you about opportunities to study in the United States, about programs and projects we sponsor, and the partners we work with in Vinnytsia and around the country. Vinnytsia residents who have participated in our exchange programs will share their experiences of American libraries, U.S. sports management, and making public places accessible for people with disabilities.

The folk/bluegrass group The Tumbling Bones, who hail from Portland, Maine – about eight thousand kilometers away – are here to give a concert tonight. We also brought six award winning American documentary films, and an exhibit of Native American crafts from the collection of the Smithsonian Institution. In short, there’s something for everyone.

And in the spirit of America Days, I bring more good news to Vinnytsia today. It is my pleasure to announce that the United States Peace Corps will be returning to Vinnytsia soon. As many of you know, Peace Corps Volunteers are Americans of all ages who dedicate two years to working in communities around the world. When they return to the United States, volunteers share their experiences with their communities. I remember one of my first trips on Ukraine two years ago when I visited the town of Drohobych. I was deeply impressed by the impact our Peace Corps volunteer had there – and am delighted that we will now return that program. Since 1992, Vinnytsia oblast has welcomed nearly 100 Volunteers into your schools, civic organizations, and business associations. I’m delighted that Volunteers will be back in Ukraine very soon, and that four of them will come to Vinnytsia to work with local NGOs. We already know that Vinnytsia is a great host for Peace Corps and look forward to continuing the tradition.

People have asked why we decided to bring America Days to Vinnytsia now. It was a natural choice. Your lively cultural scene is well known. Vinnytsia’s annual jazz festival is famous, as are your other international festivals that show your city’s connections with creative people all over the world.

Second, we have a strong record of cooperation with partners here. USAID has worked intensively with local officials in the Vinnytsia region, providing opportunities for exchanges and expert consultations for legislative amendments on local government reforms. Through grants from our Public Affairs Section, we work with Vinnytsia organizations and media outlets to foster participation in free and fair elections. With our partners, we are building awareness of the rights of the disabled, helping students learn more about human rights and rule of law, and encouraging media partnerships with other regions of Ukraine. These activities underscore what America Days is about: bringing the people of Vinnytsia and the people of the United States together to do things that matter to all of us.

But there is another reason why I wanted to come to Vinnytsia now. Ukraine’s democratic institutions including the Verkhovna Rada are moving rapidly to meet the Ukrainian people’s demand for delegation of powers, and Vinnytsia’s local government serves as a model for the transparent, effective, and responsive structure that Ukrainians deserve. As President Poroshenko, Prime Minister Yatsenyuk, and Rada Chairman Hroysman continue to push forward implementation of constitutional reform, we look to successful cities such as Vinnytsia to continue to lead by example.

As the U.S. Ambassador to Ukraine, it has been my privilege to dedicate myself over the past year and a half to helping our own leadership in Washington to understand the truly transformational moment this country is experiencing.

A few words about where I believe Ukraine is today. This country is fighting on three fronts. The first battle is a military one against Russian-led and Russian-supplied forces in the East. It is being fought with tanks, artillery and rocket launchers sent from Russia. As a result of this Russian-manufactured war, more than six thousand people are dead. Over a million have fled the violence and need to be fed, housed, given jobs, and integrated into communities.

The second is a war for the truth, a fight against the lies and misrepresentations coming from the Kremlin. Moscow’s propaganda machine drowns the truth with made-up tales of death, torture and fascism. Russia’s goal is to confuse, demoralize, and distract not only Ukraine, but Europe and the United States as well. By doing so, the Kremlin hopes to prevent the people of Ukraine from living the life they choose, with a government they choose, to build the future they want.

The third is a war to modernize Ukraine’s political system and economy and root out corruption. I use the imagery of war deliberately, to underscore the seriousness of the challenge ahead. As I have said many times, corruption and business as usual are as much a threat to Ukraine today as Russian tanks. Ukraine’s political leaders know they must carry out difficult reforms and live up to the expectations of the Maidan for justice and rule of law. They must do so while laying the foundations of a strong, sustainable European democracy.

Fighting simultaneously on three fronts is hard. It will be hard for a long time. But you will have our support.

To succeed, Ukraine needs a strong foundation of constitutional reforms, and delegation of powers that makes government more accountable to the citizens and ensures that their taxes are used in the people’s best interest. The goal is for individual citizens and their chosen leaders to make many of the decisions that directly affect their lives and livelihoods. Local authorities best understand the needs of their communities. Putting more tax revenue and decision making power at that level meets European standards, as local leaders can respond more efficiently to needs for government services, and for jobs.

A key step in that direction is to implement new legislation on consolidating communities. Getting that done is important, so that people know who they will be voting for in municipal elections in October.

Decentralization can strengthen Ukraine’s democracy and complete the process of building a new country that began on the Maidan. By incorporating the views of more people into local decision-making around the country, decentralization can be a powerful tool for countering Russian generated separatist movements in the east.

Decentralization can strengthen Ukraine’s economy. By providing opportunities for local governments to have a stronger influence on their tax base and to project tax revenues, mayors and city councils will have more sway over local budgets.

This decentralization reform has just begun. Fiscal decentralization legislation passed in December 2014 will deliver almost 35 billion hryvnia to local budgets, increasing funding for education and health care. The United States will continue to support these reform efforts as communities begin the hard work of consolidating and rearranging services. Specifically, the U.S. government will provide financial support, and technical assistance to the Ministry of Regional Development to implement key reforms in consolidating communities through Local Government Reform Implementation Support Offices, including one in Vinnytsya oblast.

History offers many examples of how to manage such change. Prime Minister Yatsenyuk and Rada chairman Hroysman are looking to Poland, whose experience offers a road map for Ukraine. In 1989, when it held its first partially free elections, Poland was a centralized state. Local governments had little power and control. Today, the country is divided into 16 regions, 379 counties, and 2,479 municipalities, each with its own government. How did they successfully consolidate local communities, and empower local and regional councils to govern effectively?

Good European analysis draws four lessons from the Polish experience that I think are applicable to the situation Ukraine is facing today.

First, it is important to have support from political parties, the government, and parliament. Right now, Ukraine has that. I know that President Poroshenko, Prime Minister Yatsenyuk, Verhovna Rada Chairman Hroysman and the major faction leaders are all on board with this vision of reform.

Second, the government needs to write and implement new laws and procedures, at both the national and local levels. Right now, Ukraine has that ability. Its new, reform-minded government has brought in experts and advisers from a wide range of fields, many with international experience and credentials.

Third, it is vital to mobilize broad public support for reform, both from opinion leaders and the general public. Ukraine’s leaders are working on this one. The Maidan movement shows that people are ready for change and that Ukraine’s strongest attribute is its civil society. There is a will for change.

And fourth, leaders must seize the moment. The window of opportunity for reforms is limited. That window of opportunity is now.

It will be difficult, but consider the alternative.

For too long municipal governments were powerless. They existed to serve the Center. I remember talking to leaders in Odesa about their lives under the Yanukovich government. As far as I could tell, the main responsibility of local leaders was to siphon resources from the port of Odesa and channel them efficiently to the Yanukovich “Family.”

The Ukrainian people deserved better. They now demand better.

For skeptics who say that decentralization won’t work, who believe that it is not worth the effort, I say: look right here in Vinnytsia. Come here and see how effective municipal government makes a difference.

For example, the Vinnytsia City Council posts public information about city procurements and Council proceedings online, easily accessible to citizens who want to see how decisions are made and how money is spent. The city has invested in technology to monitor and respond to citizen messages with questions, complaints, and reports of service disruptions. The system’s geo-location feature allows service managers to pinpoint problems and dispatch crews to fix them.

Vinnytsia is a leader in bringing e-Governance to its people. More than 3,000 people use one of the city’s four service centers to access automated public services, including real estate and housing transactions, school enrollment and local residency registration.

And here’s one more way Vinnytsia is leading. Like many other cities across Ukraine, Vinnytsia has welcomed thousands of people who have fled the war in the East. Libraries, schools, and civic organizations are helping people who are rebuilding their lives to feel at home here. The five thousand students of Donetsk National University who refused to live and learn under an occupying force came here. International donors, including the United States, are looking for ways to help renovate classrooms and build dormitories so that the students can get back to their books.

Of course, strengthening municipal governments, and giving local leaders more power and resources, are not ends in themselves. These political reforms do not exist in a vacuum. They will have – in fact, are already having – an effect on the economy.

The government of Ukraine recognizes that it must empower the private sector to help the country realize its true economic potential. To do so, Ukraine’s leaders have undertaken an ambitious program to change how business gets done. They are simplifying the tax code. They are battling the culture of corruption that saps money, resources and public trust. I applaud the recent appointment of Artem Sytnyk as head of the new national anti-corruption bureau. This is a tremendous first step – but it is just a step. Now we look for the government to empower the bureau, and provide Mr. Sytnyk with the independent and competent team he needs to take on the important task ahead. My government, to include the FBI and Departments of Justice and State are ready to help.

Ukraine’s reform-minded government is also committed to reducing the influence of oligarchs in business. President Poroshenko and Prime Minister Yatsenyuk have rejected the “law of the jungle,” and insist that backroom deals that further enrich Ukraine’s wealthiest at the expense of the nation will no longer be tolerated. No one should be above the law.

This will be difficult, but the United States and our European partners are with you.

Through the IMF, we are contributing to a $17.5 billion, four-year program to support Ukraine’s reform efforts. I look forward to soon signing our second $1 billion loan guarantee agreement since May 2014, which will help Ukraine regain its financial footing. We expect to provide an additional $1 billion in 2015 contingent on further progress on those reforms.

Along with other partners in the international community, we are providing expertise and advice. American advisors are now working alongside Ukrainian government counterparts to help bring about the kind of changes to processes and regulations that the business community so desperately craves.

While Ukraine’s leadership has made great progress, much remains to be done. The government needs to go further to root out corruption and allow Ukrainians the chance to make an honest living. We will continue to work together to strengthen Ukraine’s criminal justice system, and to create a more efficient energy sector. Here is how we are helping.

The U.S. Department of Justice and the Federal Bureau of Investigation, are actively supporting the National Anti-Corruption Bureau and the Prosecutor General’s Office. We are providing short-term advisers to make sure that the Bureau has the tools it needs to investigate and stop corruption and to facilitate a strong working relationship between the Bureau and the Prosecutor’s Office.

The U.S. government is also working with the Ministry of the Interior to support Ukraine’s new patrol police. The Ministry aims to create a Western-model force to replace the unpopular and corrupt traffic police. This is the Ministry of Interior’s top reform priority and is a direct response to the demands of the Maidan and the people of Ukraine. U.S. law enforcement officers have come to Ukraine to help set up training programs according to U.S. standards and best practices. It is clear that Ukrainians are ready for change. More than 11,000 Kyivites, including over 3,000 women, applied to join the new force. Professionals from the California Highway Patrol are working today to train a new Patrol Police

Of course, real reform doesn’t happen overnight and is not only top down. It is a long-term process that will take commitment, patience, and honest assessments from government leaders about what they are doing, how much it costs, and how long it will take. It requires honesty from citizens about what they expect, and what they are willing to do to help. And it will need support from Ukraine’s partners around the world.

This is Ukraine’s moment.

Facing the simultaneous challenges of a Russian invasion, a struggling economy, and a humanitarian crisis of millions of internally displaced, Ukraine’s population is willing to support their leaders. There is a sense that the country has passed an inflection point: that the price Ukraine has paid, in combat deaths, in homes and families destroyed, is already so high that failure is not an option.

But we must remember, as we gather today amid a war on multiple fronts for Ukraine’s future, that these issues are for Ukrainians to decide. No one outside of Ukraine has any right to make decisions about the path Ukraine will choose. Only Ukrainians can decide what the future of sovereign, democratic, independent Ukraine will be, and it is explicitly not for Russia to dictate how Ukrainians should govern themselves – - or where your strategic future should lie.. Ukraine will keep moving forward. The United States will be with you, today and in the future.

And now, I invite you all to enjoy America Days in Vinnytsia. Thank you for bringing me and my team to this great city. I am sure the next three days will be interesting, informative, and enjoyable for all.

Slava Ukraini.

 

Aperçu des American Days (youtube, youtube, youtube)

 

• Une voix sensée, hélas bien isolée. Jim Dean, un journaliste américain, vétéran des forces armées américaines, éditeur et rédacteur d’un média nommé veterans today et de New Eastern Outlook (journal-neo.org), a commenté le 25 avril les déclarations de John Kerry demandant à la Russie d’influer sur les séparatistes pour qu’ils respectent le cessez-le-feu et a affirmé qu’au Donbass pratiquement toutes les violations du cessez-le-feu sont l’oeuvre de Kiev (presstv.ir) : “most of the ceasefire violations were on Kiev’s part. And as this went on, there was never a word in the public Western media about what’s the West was going to do to make Kiev comply” with the terms of the Minks agreement.” “la plupart des violations du cessez-le-feu étaient le fait de Kiev. Et quand cela a continué, il n’y a jamais eu un seul mot dans les médias publics occidentaux sur ce que l’Ouest était en train de faire pour faire respecter les accords de Minsk par Kiev”. “The senior American journalist stated that French President François Hollande “never said a word about it, [German Chancellor Angela] Merkel never said a word about it, and as part of the cover for this, hiding their own non-compliance.”

 

• Forte effervescence politique en Ukraine. Au cours des 4 premiers mois de 2015, 27 nouveaux partis politiques sont nés en Ukraine (2 par semaine environ). Ce fait a été révélé au cours d’une conférence de presse par le directeur général du Comité électoral d’Ukraine, Alexeï Koshel (korrespondent.net). Il semble que la coalition au pouvoir soit en voie d’implosion. Ceci est sans doute lié à la volonté de redistribuer les cartes dans le secteur de l’energie. Vesti écrit : “Coalition deadlocked. Attempts by the President to undertake a global redistribution of the energy market (and in the future, possibly, other major markets) have led to a number of hidden and open conflicts within the government and to the almost total paralysis of Parliament, which we have seen last week.” (“Коалиция в тупике. Попытки президента осуществить глобальный передел энергетического рынка (а в будущем, возможно, и других важнейших рынков) привели к ряду скрытых и открытых конфликтов внутри власти и к практически полному параличу парламента, который мы наблюдали на прошлой неделе. “) (vesti-ukr.com).

 

• Début à Tbilissi du procès de Saakachvili sur l’utilisation de l’argent de l’état. Il s’agit de plus de 5 millions USD dépensés sur le budget de l’état par l’ex président géorgien en massages, régimes d’amaigrissement, séjours à l’étranger, cadeaux, etc (vz.ru).

 

• Une boulangerie française à Odessa intimidée par un groupe d’hommes en noir (news.pn et o1.ua). Le lundi 27 avril, une vingtaine d’hommes se sont rassemblés devant le siège d’une chaîne de boulangeries (ОАО Одесский каравай) au 14 rue du Général Petrov à Odessa. Ils sont habillés de noir, et prennent soin de remonter un foulard sur leur visage pour ne pas être reconnus. Il portent des drapeaux ukrainiens sur lesquels est imprimé le Wolfsangel inversé, qui est l’emblème du régiment Azov, et l’ancien logo du parti Svoboda. Deux d’entre eux portent un drapeau rouge et noir du Secteur Droit (img.o1.ua). Ils réclament une division par cinq du prix du pain du “repas” (батон “Обеденный”) pour qu’il soit vendu à 1,5 hrynias (6 centimes d’euros) au lieu de 7,75 (33 centimes). Ils accusent le propriétaire de l’usine de vivre tranquillement en France sans se soucier du sort des Odessites.

Les Ukrainiens consomment moins de pain que les Français, mais ils en mangent néanmoins assez souvent, notamment au repas du soir avec de la soupe ou un peu de charcuterie. Le “baton”, comme son nom l’indique, est un pain de forme plutôt allongée pesant 300 grammes.

Les soviétiques ont construits des usines de panification qui ont été privatisées après l’indépendance. En 1997, celles d’Odessa se sont retrouvées dans une société anonyme (ОАО) nommée Odessky Korovai, le korovai étant un pain traditionnel que l’on mange dans les mariages. Les usines ont été modernisées avec du matériel occidental haut de gamme, dont les fours de la société française Bongar. Un réseau de distribution a été créé qui compte actuellement 136 boulangeries dans Odessa et sa région. Odessky Korovai a été racheté en 2004 par la holding T et S (“Холдинг T i C”) présidés par Vladimir Slabovsky, originaire de Donetsk, et Michael Tabachnik originaire de Kiev. Les usines produisaient alors 700 tonnes de pain par jour, soit 6% de la production ukrainienne totale. Le groupe s’étend à la Crimée avec les boulangeries, Krymkhleb. En 2007, la marque Monsieur Boulkine est créée avec un logo qui montre la Tour Eiffel (simf.com.ua). En 2012, T et S est racheté par la société Lauffer qui possède déjà des boulangeries à Kiev et à Donetsk. Cet ensemble devient le plus important d’Ukraine dans son domaine. Son propriétaire est un oligarque très discret, Alexander Leszczynski. Né à Dnepropetrovsk, il a passé son enfance à Donetsk. Il a monté plusieurs affaires, en coopération avec Rinat Akhmetov. Vers 1993, Leszczynski a choisi de vivre en France d’où il continue à diriger ses entreprises ukrainiennes (forbes.ua).

Revenons à Odessa, près de l’usine et près du musée du pain, où se sont rassemblés les hommes en noir. Leur chef s’appelle Oleg Svargoslav. Il est membre des Patriotes d’Ukraine. Il a soutenu Maidan à Kharkov. Il a combattu dans le groupe Storm du régiment Azov (vesti-ukr.com), où il a rencontré le sniper Suédois, Michael Skilt. Svargoslav est retourné à Odessa, où il s’occupe du “Corps civil du régiment Azov”, une organisation para-militaire qui fait règner sa loi à Odessa, bien que 73% de la population ait voté pour Ianoukovitch en 2010. Svargoslav est présent sur le réseau social VKontacte (vk.com). Sa page héberge des brochures à télécharger qui indiquent comment faire face à l’administration (vk.coml) . Elles sont publiées par Kharkhiv Human Rights Protection Group, financé par l’International Renaissance Foundation basée à Kiev (opensocietyfoundations.org, irf.ua, wikipedia.org). Cette “ONG” est dirigée par George Soros et est financée en grande partie par le congrès américain, via la National Endowment for Democracy (wikipedia).

 

• Quelques nouvelles d’Angleterre. Graham Phillips nous convie à une visite mouvementée à l’exposition Stepan Bandera à Londres (youtube). Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas le bienvenu…

Des photos de l’exposition :

 

 

• Quelques nouvelles d’Angleterre, suite. Selon Vzgliad, Oleg Liachko aurait rendu un hommage étrange à la Reine d’Angleterre Elizabeth II en la traitant de “banderiste” et de “grand-mère punitive” en commentant sur sa page Facebook une photo où elle apparaît vêtue de bleu et avec un bouquet de fleurs jaunes. “Elle est une vraie adepte de la junte de Kiev, a-t-il ajouté. Elle garde sa jeunesse en buvant tous les matins le sang frais de nourissons de la DNR et de la LNR” (vz.ru).

 

• Le SBU arrêtent des employés de la banque centrale d’Ukraine. ils sont accusés de trahison et de divulgation de secrets d’état. Ils risquent entre 2 et 15 ans de prison (vesti-ukr.com).

 

• Bataille pour Sébastopol, film russo ukrainien (youtube, imdb.com, youtube). Ce film, sorti en Russie et en Ukraine le 2 avril, est une bizarrerie dans le contexte actuel. Il a été co financé par les deux pays du temps de l’ancien gouvernement ukrainien et raconte l’histoire d’une tireuse d’élite née en république socialiste soviétique d’Ukraine dans l’Oblast de Kiev, Lioudmila Pavlitchenko (wikipedia) durant la défense héroïque de Sébastopol contre les allemands en 1941-1942 (wikipedia). Sous Yanoukovitch, tout était clair : une héroïne ukrainienne, soviétique et russe à la fois dans un passage héroïque de la Grande Guerre Patriotique dans un film à sortir pour le 70eme anniversaire de la victoire. Rien à dire. A présent, tout est un peu plus compliqué, mais le film sort toujours dans les deux pays !

Côté russe, rien ne change sauf que le rattachement de la Crimée est passé par là et que le gouvernement ukrainien actuel est perçu comme une résurgence du nazisme. Plutôt qu’une évocation d’un passé glorieux, le film devient une piqûre de rappel.

Côté ukrainien s’est un peu plus schizophrénique. Le film raconte le destin héroïque d’une ukrainienne (bon) se battant pour l’URSS (pas bon) dans une bataille gagnée par les nazis et qui achève la conquête de la Crimée d’où ils chassent l’armée russe (bon). Dans la seconde partie du film, l’héroïne ukrainienne (bon), en visite aux USA, plaide pour obtenir des américains l’ouverture d’un second front (re bon) pour aider l’armée soviétique (pas bon) à vaincre les nazis (re pas bon)…

 

MARDI 28 AVRIL 2015

• Le 1er mai risque d’être agité à Kiev. Les autorités de la ville de Kiev ont annoncé qu’à la date du 27 avril, elles ont reçu 8 annonces de manifestations pour le 1er mai. Parmi elles, le Parti communiste ukrainien, qui veut organiser un défilé allant de la Place de Bessarabie jusqu’à la Place de l’Europe en passant par la rue Kreshatki. L’union ukrainienne “Svoboda” a fait savoir qu’elle ne laisserait pas faire (rus.newsru.ua) et envisage de s’y opposer. “Nous estimons que les communistes n’ont absolument aucun droit à organiser quelque action que ce soit sur le territoire ukrainien. Il faut interdire le parti communiste, traîner ses chefs devant le tribunal (c’est déjà le cas) pour “actions contre l’Ukraine” – a déclaré le leader de la délégation de “Svoboda” à Kiev, Andreï Mokhnik. “Je crois que dans le cas où les communistes essaieraient de faire quelque chose, ce sera un trouble de l’ordre public et il faut essayer d’arrêter cela. Je crois qu’alors, non seulement les “svobodistes” y participeront, mais aussi tous les Ukrainiens qui comprennent qu’actuellement les communistes travaillent pour les intérêts de la Russie, et en temps de guerre, en fait, sont des traîtres envers le gouvernement” – a-t-il encore déclaré.

 

• Feu de forêt à proximité de Tchernobyl. Un incendie qui a déjà détruit de 400 à 600 hectares de forêt pose de gros problèmes aux pompiers ukrainiens parce que le vent le pousse vers la zone d’exclusion de Tchernobyl (unian.net) et qu’une partie des arbres touchés sont contaminés faisant planer le risque de propagation de poussière radioactive (vesti-ukr.com). Vers 17 heures, 182 pompiers et 32 véhicules techniques, soutenus par 130 hommes du Service ukrainien des situations d’urgences (ГСЧС) travaillaient déjà depuis quatre heures pour l’éteindre. Le service des forêts a également engagé 3 camions-citerne, 3 tracteurs équipés de charrues et 52 hommes. Le ministère des situations d’urgences manque d’équipement, car plusieurs véhicules ont été envoyés dans l’est du pays, dans la zone du conflit (pravda.com.ua, youtube). Arsène Avakov, ministre de l’intérieur, annonce en fin d’après-midi sur sa page Facebook : ” A 18 h 30, la situation à cause de l’incendie de forêt autour de la centrale de Tchernobyl s’est aggravée. le feu attaque à nouveau le massif boisé en direction de la centrale nucléaire. Le feu de forêt et des rafales de vent menacent sérieusement de propager l’incendie à la zone d’exclusion de 20 km autour de la centrale.” (bigmir.net, youtube). Dans la nuit, vers 21 h 40, les bombardiers d’eau ont fini par vaincre l’incendie, annonce Zorian Shkiriak, chef du Service ukrainien des situations d’urgences (ria.ru).

 

 

• Les crédits de la BERD pour le nouveau sarcophage de la centrale de Tchernobyl se négocient le lendemain, 29 avril, à Londres (ukrinform.ua). L’Allemagne a déjà promis 615 millions d’euros (http://rusvesna.su/news/1430039076) et Jean-Claude Juncker, au nom de la Commission Européenne, 70 millions (epravda.com.ua, ria.ru, lb.ua). Il manque encore un demi-milliard, selon Victor Zalizetskyy, le chef adjoint responsable du projet, qui estime le coût total à 1,4 milliards d’euros. Bonne nouvelle, la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) a trouvé 180 millions d’euros, qui viennent s’ajouter aux 350 millions qu’elle avait promis en novembre. Les Etats-Unis donneront 40 millions de dollars (rusvesna.su). Le déficit ne s’élève plus qu’à 85 millions d’euros (lemonde.fr).

 

• Clips ukrainiens pour le 9 mai ou comment inverser les valeurs et réécrire l’histoire. Il s’agit de 2 clips mettant en scène des anciens combattants de la seconde guerre mondiale : une femme et un homme (sprotyv.info, youtube, youtube). Des jeunes gens les appellent au téléphone, style passation de témoin entre générations (jusque là, rien de problématique) et hop ! Un petit coup de 1984 ! Les clips finissent sur des soldats ukrainiens s’entrainant et une infirmière soignant un soldat blessé. Message subliminal, les combattants d’aujourd’hui sont les héritiers des héros d’hier… Sauf que les héros d’hier se battaient dans l’armée soviétique contre les armées nazies dont les aïeuls des combattants d’aujourd’hui faisaient partie ! Et que, parallèlement, les combattant d’aujourdhui, héritiers “spirituels” de l’UPA et de la division SS Galicie se battent contre d’autres ukrainiens… Au 2 mai 2015, le clip sur l’homme avait été vu 837506 fois et celui de la femme 410881 fois !

 

 

• Estimation du coût des sanctions contre la Russie. Poutine estime que la Russie a perdu 160 milliards de dollars d’investissements à cause des sanctions (lenta.ru).

 

• Ukraine : PIB et inflation du premier trimestre 2015. Rien de nouveau, le PIB de l’Ukraine a chuté de 15% ce premier trimestre (vestifinance.ru) et la hausse des prix s’accelère : +45% (vestifinance.ru).

 

• Au point où on en est… Une prière pour la paix et l’harmonie en Ukraine de 2000 “mediums, mages et même des sorcières” est prévue à Kiev le 30 avril devant la cathédrale Saint Michel. La mairie n’est pas au courant (vesti-ukr.com). 10 personnes ont finalement participé (au lieu de 2000 annoncées) et ont été aussitôt chassées par les passants : “ Prier, c’est à l’église! Arrêtez vos diableries!”

 

• Sondage dans les pays du partenariat oriental sur l’appartenance à une culture. Le sondage a été mené en Georgie, Armenie, Azerbaïdjan, Moldavie, Ukraine and Biélorussie durant les mois d’octobre et novembre 2014 dans le cadre du “EU sponsored ENPI Barometer survey” (finchannel.com). Tous les pays se sentent plus proches de la culture russe et regardent majoritairement des films locaux à part la Moldavie et la Biélorussie qui préfèrent les films américains…

 

• Plongée dans la psychée ultra nationaliste ukrainienne : Dmitry Yarosh (Praviy Sektor). Yarosh veut rétablir les traditions cosaques et en particulier le droit au port d’armes (sharij.net, tsn.ua, zbroya.info, lb.ua, 24today.net) et il est contre la contre revolution (faut bien compter le nombre de contre, sinon on se perd…) : “We will do everything possible to oppose anti-national counter revolution, which began in Ukraine. Secondly, we have to complete the national liberation revolution and build a state of the Ukrainian nation on the Ukrainian lands, we have provide freedom, justice and prosperity for all Ukrainian people. We live for this, we fight for this, we are sacrificing our lives for this. I want to assure you that we will never reject the ideals, for which have fought during the Maidan. “ (ukrainiancrusade.blogspot.fr).

 

• Rétropédalage polono-ukrainien. Le président de la rada s’embourbe dans le lisier OUN. Il tente de s’en sortir en déclarant que “l’héroïsation” des “bandervotsy” n’est pas une opération anti-polonaise mais anti-soviétique (vz.ru) et que la reconnaissance des OUN ne s’applique pas a leurs crimes (interfax.com.ua), mais a priori le mal est fait… Les relations entre la Pologne et l’Ukraine se sont dégradées.

 

• Guerre Avakov-Khernes. La guerre continue, Avakov, le ministre de l’intérieur ukrainien, demande l’arrestation de manière préventive de Khernes, le maire élu de Kharkov (korrespondent.net).

Khernes repond que tout le dossier est une vengeance d’Avakov à son encontre (korrespondent.net). Pour rappel, Avakov a effectivement fait de Khernes une guerre personnelle et ça depuis longtemps. Avakov avait été battu de justesse par Khernes pour la mairie de Kharkov (moins de 1% d’écart entre les deux). Avakov avait alors accusé Khernes de tricherie. Avakov n’est pas un ange. Durant son gouvernerat de l’oblast de Kharkov, Il avait été mis sur les listes interpol pour des magouilles financiéres en 2012 puis arrêté pour corruption (kyivpost.com). Il avait par ailleurs utilisé une milice appelée les patriotes d’Ukraine pour faire des sales coups, cette milice qui depuis s’appelle Azov… sans oublier la tentative d’assassinat sur Khernes en 2014 (korrespondent.net).

Khernes ne s’est pas présenté à une audience aujourd’hui, il est en Italie jusqu’au 2 mai pour des soins : “It is reported that as of 10:47 Kernes did not show up at the courthouse. His lawyers argue that the mayor did not receive summons and until May 2 is being treated at a rehabilitation center in Italy.” Une nouvelle audience est prévue le 18 mai (lb.ua).

 

• Anniversaire de la création de la division SS Galicie. Chaque année, une marche est organisée à Lvov pour cet événement. Voici la vidéo et les images de celle de 2014 (youtube, rt) et de 2013 (kyivpost.com).Cette année, svoboda a organisé une table ronde à Ternopil sur le sujet de la SS Galicie (svoboda.org.ua). Les anciens de la division ont un site internet qui leur est dédié (infoukes.com).

• Une bonne nouvelle pour les gens du Donbass ? La Pologne et l’Allemagne s’allient pour envoyer de l’aide humanitaire au Donbass sans préciser s’il s’agit du Donbass sous contrôle ukrainien ou novorusse. Tout ce qui importe est de “gagner la guerre de l’information : “Cela fait trop longtemps que nous laissons le champ libre aux Russes. Cela ne peut pas continuer ainsi, que l’aide qui est envoyée aux gens qui ont enduré la guerre provienne exclusivement de Russie. Il faut que l’Ukraine et l’Europe soient plus actives.” – a déclaré un participant de la rencontre entre Angela Merkel et le premier-ministre polonais Eva Kopatsh qui a été relayée par Censor.net, l’un des médias ukrainiens les plus propagandistes contre la Russie (censor.net.ua). Le premier convoi serait envoyé mi-mai. Tiendront-ils le rythme des Russes, qui en sont en gros à un convoi par mois ? Peut-être, mais malheureusement le sujet n’est pas là. Selon la teneur de l’article en question il s’agit d’abord d’un affichage médiatique. Vu le black out sur les convois d’aide humanitaire russe dans les médias européens (Combien de Français, pour ne parler que de notre pays, seraient-ils capables de dire combien de convois la Russie a déjà envoyé au Donbass ? Et combien de tonnes de matériel, de nourriture et de médicaments cela représente ?), un seul convoi européen pourrait occuper tout l’espace médiatique ! Il faut se rappeler que le premier convoi russe en août 2014 avait déclenché une hystérie médiatique ahurissante anti-russe et que “Der Spiegel”, un journal allemand, avait publié un article remettant les choses en place (spiegel.de): “Entre-temps, les journalistes ont pu se rendre compte que, derrière les bâches blanches, il n’y a réellement que de la nourriture pour enfants, de l’eau et des sacs de couchage. Et que les hommes en uniforme kaki sont vraiment des chauffeurs routiers qui se soucient avant tout de revenir sains et saufs à la maison. Il était à prévoir que les Russes, en cas de doute, amèneraient le convoi jusqu’à Louhansk sans accompagnement de la Croix Rouge et sans contrôle par les douaniers ukrainiens – tout comme la réaction hystérique du côté ukrainien. Les mots exagérés de “invasion directe” démontrent l’impuissance : Kiev comprend qu’elle ne peut pas stopper ce convoi. Et qu’elle a perdu cette bataille de propagande avec la Russie.”. A priori il s’agit à présent pour l’UE de gagner une autre bataille de propagande.

Il y a eu jusqu’à présent un seul convoi humanitaire allemand, en octobre 2014. “Die Welt” en avait alors parlé (welt.de). Ce convoi avait d’ailleurs été stoppé un moment à cause d’un accident (ridus.ru, ridus.ru) puis il avait été déchargé à Kiev (unn.com.ua) sans que l’on sache ce qui est advenu des marchandises…

 

MERCREDI 29 AVRIL 2015

• Réunion des “Elders” à l’initiative de Poutine, à Moscou (russia-insider). Les “Elders” (theelders.org) est un groupe d’anciens dirigeants d’états ou d’organisations internationales créé par Nelson Mandela en 2007. Les Elders se définissent comme un groupe indépendant de leaders internationaux travaillant ensemble pour la paix et les droits de l’homme. Les membres actuels sont : Martti Ahtisaari (Finlande), Kofi Annan (ONU), Ela Bhatt (Inde), Lakhdar Brahimi (Algérie), Gro Harlem Brundtland (Norvège), Fernando H Cardoso (Brésil), Jimmy Carter (USA), Hina Jilani (Pakistan), Graça Machel (Mozanbique), Mary Robinson (Irlande), Desmond Tutu (Afrique du Sud) et Ernesto Zedillo (Mexique). Parmi eux Martti Ahtisaari, Kofi Annan, Lakhdar Brahimi, Gro Harlem Brundtland, Jimmy Carter et Ernesto Zedillo étaient à Moscou pour 3 jours (theelders.org).

 

 

Koffi Annan, président en titre des Elders, a donné une interview à RT à cette occasion (youtube, theelders.org)

 

Communiqué de presse des Elders (theelders.org)

The Elders, concerned about increasing international confrontations and geopolitical tensions, held constructive and open talks with President Putin. The Elders intend to continue their discussions on these deeply worrisome developments with other governments.

Kofi Annan, former UN Secretary-General said:

“We are pleased to have had the opportunity to discuss Russia’s role in international affairs with the President. To be successful in defusing conflicts and building trust, high-level dialogue and effective action are essential.”

Apart from President Putin, the Elders held in-depth discussions with Foreign Minister Sergey Lavrov, former Soviet President Mikhail Gorbachev and former Prime Minister Yevgeny Primakov, as well as the heads of leading Moscow-based think tanks.

As this was the first visit by The Elders as an organisation to Moscow, the delegation was keen to listen to their Russian interlocutors. The Elders wanted to hear how the Government views current geopolitical crises around the world, in particular the situation in Ukraine and prospects for implementation of the Minsk II agreement. The Elders emphasised the importance of the urgent implementation of the agreement.

A recurrent topic of discussion was the complex and dangerous situation in the Middle East today. The Elders agreed with their Russian hosts on the dangers posed by the rise of terrorism and extremism in Syria and Iraq, and the worrying spread of its influence to other regions.

They also spoke with their interlocutors in Moscow about the need to bring the Iranian nuclear discussions with the “P5+1” group of major states, including Russia, to a successful conclusion by the end of June, and then to make sure the agreement is fully implemented.

As an independent organisation dedicated to the pursuit of peace worldwide, The Elders are keen to encourage steps by all concerned that can help de-escalate global tensions and the risk of further conflict.

Those Elders who participated in the mission to Russia were: Martti Ahtisaari, former Finnish President; Kofi Annan, former UN Secretary-General; Lakhdar Brahimi, former Algerian Foreign Minister; Gro Harlem Brundtland, former Norwegian Prime Minister; Jimmy Carter, former US President; and Ernesto Zedillo, former Mexican President.

 

• Saisie de biens appartenant à Roshen en Russie. 2 milliards de roubles de biens appartenant à Roshen, l’enreprise de Porochenko, ont été saisis à Lipetsk en Russie dans le cadre d’une enquête pour fraude fiscale. il est reproché à Roshen de ne pas avoir payé 180 millions de roubles. Roshen va faire appel (ria.ru).

 

• Sanctions, pas sanctions. Le représentant de l’UE à Washington, David O’Sullivan, a déclaré à Bloomberg que les sanctions contre la Russie seraient prolongées au minimum jusqu’à la fin de l’année lorsque l’UE pourrait apprécier l’état d’application des accords de Minsk. Le quotidien rappelle qu’Angela Merkel avait déclaré lundi que l’UE examinerait la prolongation des sanctions vis à vis de la Russie en juillet (vzgliad.ru). Sauf que l’Italie a d’ores et déjà indiqué qu’elle ne voterait pas en faveur de la prolongation des sanctions contre la Russie. C’est ce qu’à déclaré Federico Eichberg, haut fonctionnaire italien travaillant au Ministère du développement économique, au cours d’une conférence à Milan, le 27 avril. (agi.it). En 2013, l’Italie était le deuxième pays européen exportateur vers la Russie avec un montant de 10,8 milliards d’euros. En 2014, les exportations ont diminué de 1,2 milliards d’euros, et pourraient chuter encore de 3 milliards d’euros en 2015 (eurointegration.com.ua). L’ambassadeur d’Ukraine en Italie a réagi en protestant auprès du ministère italien des Affaires étrangères le 29 avril (pravda.com.ua, news.online.ua, vz.ru).

 

• Acte 1 : Tentative de mise au pas de “Praviy Sektor” par des troupes régulières la nuit dernière (unn.com.ua qui cite le service de presse de Praviy Sektor)

Le 28 avril, des détachements de la 95ème brigade aéroportée et de la 25ème brigade de parachutistes ont établi des postes de blocage au tour d’une base de “Praviy Sektor” située dans la localité de Velikomikhaïlovska, secteur de Pokrovski, oblast de Dnipropetrovsk. “Notre base a été bloquée sans avertissement par des détachements de parachutistes de la 95ème et de la 25ème brigade, équipées de blindés et d’armes lourdes, mais il s’agissait seulement de jeunes soldats, tout juste enrôlés. Ils ont arrêté un de nos véhicules et ont demandé à nos soldats de leur donner leurs armes. Le chef de l’état-major général, Viktor Mouzhenko, n’a pas répondu à mon appel téléphonique, et nous n’avons pas pu résoudre cette situation immédiatement. Il était pourtant évident que cette opération ne pouvait pas avoir eu lieu sans ordre de l’état-major général. Je me suis mis en relation avec le commandant des parachutistes, avec lesquels nous avons combattu toute l’année, et les commandants m’ont assuré qu’ils ne lèveraient pas les armes contre leurs frères de “Praviy Sektor”, à moins que les politicards n’aient donné des ordres tordus en ce sens. J’ai ordonné à tous mes détachements de ne pas rendre leurs armes. Personne ne peut nous interdire de défendre notre terre et de nous battre contre l’agresseur russe. ” a dit Dmitri Yarosh, le leader de Praviy Sektor et député du peuple. Selon le moment, les informations varient et il est difficile de savoir vraiment où l’on en est (lb.ua, lb.ua). En tout cas, praviy Sektor a annoncé son intention de manifester aujourd’hui devant l’administration présidentielle (unian.net).

 

• Acte 2 : manifestion de Praviy Sektor devant l’administration présidentielle à Kiev aujourd’hui (pravda.com.ua, vz.ru). Certains étaient en uniforme, d’autres portaient des drapeaux rouge-noir (twitter.com) et scandaient les slogans patriotiques de leur mouvement : “Gloire à l’Ukraine !”, “Gloire aux héros !”, “Mort aux ennemis !”. Certains brandissaient des pancartes “Touche pas à Praviy Sektor !” (img.pravda.com). Ils auraient même menacé de mettre le feu au bâtiment (korrespondent.net) ! Leur chef, Dmitri Yarosh, ne s’est pas exprimé à cette occasion, mais il l’a fait ailleurs, sur un thème plus général : dans une interview accordée au média “Obozrevatiel” (L’Observateur”), il a parlé de l’éventualité d’un troisième Maïdan (obozrevatel.com). Quant aux postes de filtrage établis autour de la base de Velikomikhaïlovska, ils sont restés en place, les militaires réguliers les occupent, malgré les visites que leur ont faites Yarosch et divers commandants de détachements de Praviy Sektor (lb.ua, lb.ua). Le journal ultra nationaliste Gordon.ua s’étend sur les dessous du conflit entre Pravii Sektor et les autorités de Kiev (gordonua.com), mais n’apporte rien de probant ni d’étayer. En quelques mots, pour Gordon.ua c’est un “complot russe”.

 

 

• Acte 3 : le gouvernement ukrainien cède devant Praviy Sektor. Parubiy est venu defendre les membres de Praviy Sektor, accusant la propagande russe de vouloir diffamer les gentils benevoles de Praviy Sektor (bbc.co.uk). Du coup le parlement va passer une loi pour integrer la notion de “bénévoles” dans l’armée, avec toujours l’ami Parubiy aux manettes (pravda.com.ua). A noter que Porochenko lui-même a dû se prononcer sur l’affaire en rappelant qu’il est confiant dans la bonne marche de l’integration des bataillons de volontaires dans l’armée (bbc.co.uk). Et Dmitri Yarosh pousse son avantage en demandant/exigeant au gouvernement la légalisation des bataillons de Praviy Sektor (tribunal.today, youtube) ! Bref, Yarosh et Praviy Sektor ont un poids non négligeable ou une capacité réelle de nuisance dans la politique ukrainienne.

 

• Le Comité des mères de soldats ukrainiens publie des documents personnels sur son site, en l’accompagnant d’une courte communication qui montre que de nombreux Ukrainiens savent très bien à quoi s’en tenir par rapport à leurs dirigeants actuels: ” En raison du silence que font régner nos nouvelles autorités sur les pertes subies par les Forces armées ukrainiennes dans la guerre sanglante qui se déroule dans le sud-est, la moindre information concernant le sort de nos pères, maris et fils possède pour nous une immense valeur. Plus personne ne doute du fait que monsieur Porochenko et ses amis politiques dissimulent le nombre des tués de la zone OAT, violant ainsi eux-mêmes les droits des membres des familles de ces morts et augmentant le fardeau que représente l’attente pour ceux qui n’ont encore reçu aucune information sur le sort de leurs proches. Ceux dans la maison desquels arrivent en ce moment des convocations ont également besoin d’honnêteté de la part des militaires.

Les papiers personnels des soldats tués à Debaltsevo ont été transmis au Comité des mères de soldats ukrainiens. Nous publions ces documents sur notre site à l’intention de tous ceux qui sont préoccupés par le sort de leurs proches.

Vous pourrez voir sur leur site (materi.com.ua) les documents d’identité dont il est question, 18 listes de noms, et toute une série de lettres envoyées par le Comité à Porochenko, Poltorak, aux généraux de l’état-major pour réclamer la vérité.

 

Quelques exemples:

 

• Porochenko et la guerre. Porochenko exige des autorités locales qu’elles règlent les problèmes de réintégration, notamment professionnelles, des soldats démobilisés. “Pas un seul des rats de l’arrière n’a le droit de mépriser les combattants”, a t il déclaré (vzgliad.ru). En corollaire, il est signalé dans un très long article sur les réformes en Ukraine que la Rada a adopté, le 25 avril, une réglementation facilitant l’adoption de la nationalité ukrainienne par les soldats étrangers qui combattent dans l’armée ukrainienne (kyivpost.com).

Sur une chaîne de Tv ukie, Porochenko indique que “la guerre s’arrêtera lorsque l’Ukraine récupérera la Crimée et le Donbass”, ce qui est une déclaration peu optimiste quant à une issue pacifique au conflit (vzgliad.ru).

Porochenko, toujours lui, annonce par ailleurs qu’il prévoit un risque d’escalade militaire sous peu, peut-être dès la mi-mai, après les fêtes de la Victoire (unian.net, pravda.com.ua, ridus.ru à 10 h 10, korrespondent.net). Sachant que la plupart des violations du cessez-le-feu ont été le fait des Ukrainiens (voir plus haut le paragraphe “Une voix sensée, hélas bien isolée”, lundi 26 avril), on peut imaginer qu’il est au courant et sait ce dont il parle. De son côté, Bassourine, le représentant officiel de la DNR, déclare que Kiev a l’intention d’organiser d’énormes provocations les 8 et 9 mai et d’en accuser la DNR (vz.ru)…

 

• Effet boomerang de la désoviévétisation à outrance. Des députés de Lvov, dans l’extrême ouest de l’Ukraine, demandent à la Rada de dénoncer le Traité d’amitié, de coopération et de partenariat de 1997 entre la Russie et l’Ukraine (oblrada.lviv.ua) appelé plus communément “Grand traité” (ridi.org) qui entre autre établissait les relations entre ces deux pays “sur la base du respect mutuel, de l’égalité souveraine, de l’intégrité territoriale, de l’inviolabilité des frontières, du règlement pacifique des litiges, du non-recours à la force ni à la menace par la force, y compris par des moyens de pression économiques ou autres” (sputniknews). Logique, les deux pays ne sont pas/plus amis, voire même ennemis, donc le grand traité d’amitié n’a plus lieu d’être . Sauf que, petit détail insignifiant, ce traité établissait des frontières entre les deux états et que le dénoncer leur ôteraient du coup toute légitité juridique et interdirait à l’Ukraine tout recours international…comme le fait remarquer Kiev, en traitant d’idiots les députés en question (politnavigator.net).

 

 

JEUDI 30 AVRIL 2015

• Explosion devant un bureau de la milice à Lvov. Il n’y a eu aucun blessé, presque pas de dégâts matériels, mais c’est quand-même un signe. (ukrinform.ua).

 

• Le Parti Communiste Ukrainien annonce qu’il fera un meeting à Kiev le 1er mai. Déclaration faite par le leader du PCU (Parti communiste ukrainien) , Petr Simonenko, dans une lettre ouverte au gouvernement (lb.ua).

 

• Les Etats-Unis ont passé une loi pour la fourniture de 200 millions de dollars d’armes létales à Kiev. La proposition a été émise par le républicain MacThornberry dans le cadre du National Defense Authorization Act for 2016 (abcnews.go.com). Ce jeudi 30 avril, cette “aide” a été approuvée par 60 voix contre 2 (armedservices.house.gov).

 

• Israël veut aider l’Ukraine. Annonce faite par l’ambassadeur d’Israël en Ukraine, Eliyav Belotserkovskiy : Israël propose d’aider l’Ukraine sous la forme d’un centre de rééducation pour les victimes de blessures par armes à feu (kp.ru).

 

• Les chaines de télévision russes seront remplacées par des chaines érotiques. Le président du Conseil national de l’Ukraine sur la télévision et la radiodiffusion, Yuriy Artemenko, a déclaré à RBK-Ukraina, que des discussions étaient en cours pour accueillir des “chaines érotiques, mais pas pornographiques”, sur les canaux vacants suite à l’interdiction des chaines russes (rusvesna.su).

Pour rappel, le 25 mars 2014, un tribunal de Kiev avait ordonné que 443 des 703 émetteurs d’Ukraine arrêtent la diffusion des quatre principales chaines russes : Pervuy Kanal, RTR-Planeta, Russia-24, et NTV-World (lefigaro.fr et voiceofrussia.com). Pervuy Kanal est l’équivalent de TF1 ou France2, à la fois par son ancienneté, sa popularité, et le genre d’émissions qu’elle diffuse : émissions de variétés comparables à celles de Michel Drucker ou de Patrick Sébastien, la Fabrique des étoiles qui est la version russe de la Star Academy, Fort Boyard en russe, des séries policières, des séries romantiques, des émissions sur la santé, le bricolage, et un journal d’informations d’une vingtaine de minutes qui ressemble beaucoup à nos journaux télévisés. Il y a aussi l’émission KVN qui existe depuis plus de 50 ans, et met en compétition des équipes d’étudiants dans toute une série d’épreuves musicales, de sketches humoristiques sur l’actualité ou sur la vie quotidienne. Un certain nombre de participants y ont gagné leurs galons de vedettes, par exemple Maxim Galkine – le Laurent Gerra russe-, Mikhaïl Galoustian. Y participaient également des équipes d’Ukraine, d’Abkhazie, du Daghestan, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de Géorgie, des Pays Baltes. Le PDG de Piervuy Kanal, Konstantin Ernst, a fait partie de la toute première “charrette” de personnalités russes “sanctionnées” par les mesures occidentales. Pervuy Kanal était une chaine très regardée en Ukraine, même à l’ouest, notamment par les retraités qui sont nombreux puisque beaucoup de jeunes ont émigré pour trouver du travail. Russia 24 et NTV sont des chaines d’information en continue comme BFM, LCI, ou CNN.

Le 9 septembre 2014, la censure des télévisions russes s’était amplifiée avec l’interdiction totale de diffusion de 15 chaînes russes (rusvesna.su). En revanche, Voice of America, Fox News, CNN, et la BBC sont bien sûr les bienvenues sur les ondes.

Enfin, le 20 février 2015, Porochenko a signé un décret permettant de bloquer tous les médias indésirables (vesti.ru).

 

• Klitschko, étoile montante de la politique ukrainienne ? Le média “Obozrevatiel” publie ce jeudi 30 avril un article sur le maire de Kiev intitulé ” Aux USA, on considère Klitschko comme un politicien ukrainien d’avenir.” (obozrevatel.com). Klitschko a fait un voyage aux USA du 24 au 28 avril et a rencontré là-bas des personnalités comme Victoria Nuland (Fuck EU) et le sénateur d’Arizona et lobbyist de l’Ukraine John McCain. Il a, de plus passé deux heures avec le vice-président Joe Biden. Tout cela signifie que Vitali Klitschko est l’objet d’une certaine attention à la Maison Blanche et au sénat américain. “Il est l’une des rares personnes du pays à être en contact téléphonique permanent avec les centres de décision de Washington” écrit l’expert Nikolaï Volgov que cite Єдність.інфо (ednist.info). On peut voir là, un nouveau casting américain pour remplacer des poulains quelque peu usés comme Yatseniouk, Porochenko ou Tourchinov. Le tout est de savoir si Klitschko, ancien boxeur poids lourd, aura plus de finesse et de charisme que ses prédécesseurs… Pas sûr sûr, vu qu’en janvier 2015, ce même Klitschko avait affirmé aux habitants de Kiev que l’eau verte qui coulait des robinets “avait passé tous les tests et était saine” (news.rin.ru) alors que plus de soixante personnes avaient été intoxiquées (acsimed.ru)…

L’idée d’une ascension de Klitschko ne plait pas à tout le monde. Le Kyiv Post reprend par exemple un article de Radio Free Europe sur l’implication de Klitchko dans un gros projet immobilier illégal ą Kiev (rferl.org via kyivpost.com).

 

 

• Un petit coup d’oeil sur l’économie ukrainienne. La “Pravda” ukrainienne (pravda.com.ua) cite l’article d’un média américain qui évalue l’économie ukrainienne comme l’une des pires du monde (eastkorr.net) et publie un graphique éloquent (en anglais) : pbs.twimg.com . Dans ce graphique, la Russie n’est qu’à deux places de l’Ukraine, mais cela est dû en grande partie aux sanctions décrétées par les USA et l’UE. L’Ukraine, elle, est arrivée toute seule à ce niveau lamentable, et ce malgré les milliards de dollars et d’euros d’aide qui lui sont accordés – et le seront vraisemblablement encore – par les USA, le FMI, l’UE… mais jusqu’à quand ? Un autre média, autrichien celui-là, “Die Presse”, écrit justement à ce propos que “la patience des bailleurs de fonds va bientôt se tarir” (diepresse.com).

Ensuite, la Banque mondiale pronostique une nouvelle chute de l’économie ukrainienne (glagol.su) : “La Banque mondiale a évalué la chute du PIB en 2014 à 6,8% et a aggravé son pronostic concernant la chute de l’économie ukrainienne en 2015, passant de 2,3% en janvier à 7,5%“, a communiqué le directeur de la Banque mondiale pour l’Ukraine, le Bélarus et la Moldavie, Qimiao Fan (worldbank.org) Le contenu en français rédigé par AFP a été publié… en Suisse (romandie.com).

 

• La Fête de la Victoire du 9 mai sera pleine de couleurs, en Ukraine. Porochenko a ajouté un symbole fort à celui du drapeau ukrainien : le drapeau rouge-noir de “Praviy Sektor”, l’organisation ultra nationaliste ukrainienne, interdite en Russie (president.gov.ua) : “Porochenko a confirmé le drapeau bandériste comme symbole du 9 mai. “C’est très bien que cette année, l’Ukraine soit ornée des couleurs rouge-noires, et nous fêterons le 9 mai en honorant et vénérant ces vétérans qui ont vécu jusqu’au 70ème anniversaire de la Victoire de la Seconde Guerre Mondiale, et aussi les vétérans de notre Guerre patriotique de 2014-2015, parce que c’est la seule Guerre patriotique dans laquelle nous protégeons notre Patrie contre l’agresseur”.

 

• Approcherait-on de la vérité sur le MH 17 ? Lors d’un communiqué, Edouard Bassourine, porte-parole du ministère de la défense de la République Populaire de Donetsk, a révélé qu’au cours de l’analyse de documents pris aux soldats ukrainiens, une carte datant de juillet 2014 la mention d’une position de batteries de missiles BUK a été dcouverte : “C’est une carte de travail du commandant du 1er bataillon de la 95éme brigade aéroportée, qui est datée du début du mois de juillet. Le plus remarquable est la mention de la position de départ de batteries de missiles moyenne portée “BUK“. ” (dan-news.info).

Photo de la carte en question

 

Rappelons qu’à plusieurs reprises, les volontaires des RPD et LNR ont eu l’occasion de saisir des documents divers (cartes, ordres confidentiels, listes d’effectifs etc…) abandonnés par des officiers des Forces Armées Ukrainiennes. Ce fut notamment le cas lors des combats pour Debaltsevo, en février 2015. Le site Ridus.ru avait mis en ligne (ridus.ru à 14 h 40) une vidéo dans laquelle on découvre un poste de commandement ukrainien entier, abandonné tel quel quand ses occupants se sont enfuis (youtube). La carte dont nous parlons plus haut provient peut-être de ce poste de commandement…

 

 

VENDREDI 1er MAI 2015

• Premier mai (relativement) calme en Ukraine.

A Kiev, les communistes de Kiev avaient annoncé qu’ils feraient aujourd’hui, au Musée de la Grande guerre patriotique, une manifestation festive et joyeuse. Déclaration faite par le leader du PCU (Parti communiste ukrainien), Petr Simonenko, dans une lettre ouverte au gouvernement (lb.ua). Le rassemblement a réuni quelque 1000 personnes. Les miliciens ont arrêté en tout 15 personnes (112.ua). Il s’agirait de membres de “Svoboda” que la milice a empêchés de pénétrer dans le musée, alors qu’elle laissait passer les visiteurs “normaux” (unian.net). Unian précise que “L’arrestation a été agressive, les miliciens ont blessé l’un des participants à la tête, le sang a coulé” rapporte Unian (unian.net). Un milicien a même été blessé, il a dû être hospitalisé (korrespondent.net). Le leader du PCU, Petr Simonenko, a été aspergé de kéfir par un “svobodiste” au moment où il allait répondre aux questions des journalistes. Pourquoi du kéfir ? Bonne question.

Autre trouble à Kiev: (youtube) Des jeunes gens qui se désignent eux-mêmes comme “nationalistes autonomes” ont attaqué un groupe d’anarchistes qui revenaient à Kiev, de retour de leur meeting à Podola. Ensuite, quand la milice a arrêté plusieurs des attaquants, une voiture portant des autocollants “Praviy Sektor” est arrivée et a réussi à enlever leurs camarades des mains des miliciens.

 

A Lvov, les “Praviy Sektor” ont essayé de perturber un rassemblement des anti-fascistes (une centaines de membres du mouvement “Opposition autonome”), mais cela s’est relativement bien passé (ridus.ru à 18 h 49): les miliciens ont encadré toute la manifestation et fait en sorte que les membres de chacun des groupes ne puissent pas s’approcher de l’autre groupe. Il n’y a pas eu de heurts.

A Odessa, les communistes ont fait leur manifestation (unian.net), ils ont même brandi des drapeaux rouges avec la faucille et le marteau, quelques uns avec l’inscription “CCCP”, des portraits de Lénine, une grande banderole avec “Non à l’augmentation des prix” et “Non au génocide tarifé”. Il y avait même des rubans de Saint-George accrochés à certains des drapeaux. Voyant cela, les nationalistes se sont plaints aux miliciens. Ceux-ci ont demandé qu’on enlève les rubans, ce qui a été fait.

On ne ne plaisante pas avec cela, à Odessa : un milicien a été surpris par des radicaux de Praviy Sektor alors qu’il avait dans sa voiture un drapeau russe et un ruban de Saint-Georges. Il a été renvoyé de la milice (kp.ua)

A Tchernigov, la manifestation des communistes a rassemblé environ 70 personnes, relativement âgées. (unian.net).

A Lougansk, a eu lieu “le plus grand défilé du premier mai depuis la fin de l’URSS” selon la video de l’événement (youtube via fortruss).

Quant aux soldats du bataillon “Aïdar”, ils ont fêté le 1er mai à leur manière en faisant tomber au sol un buste de Lénine dans une localité de l’oblast de Lougansk sous contrôle ukrainien.

 

• Des soldats du bataillon Azov ont pris le contrôle d’un poste d’observation de l’OSCE à Shirokino. “On 1 May approximately seven members of the Azov volunteer battalion took over an SMM observation point 4km north-west of Shyrokyne. Despite being informed that the place was regularly used by the SMM and despite subsequent intervention on the part of Ukrainian Armed Forces officers from the Joint Centre for Control and Co-ordination (JCCC), the members of the battalion refused to vacate the position.” rapporte l’OSCE dans son rapport du 2 mai (osce.org, sputniknews).

• Interview de la personne la plus recherchée d’Odessa : Alena Babinina dite “Viper”. Le SBU la considère comme le chef des terroristes de la ville (fortruss).

• L’Ukraine réclame 16 milliards de dollars à Gazprom. C’est le dernier épisode de la guerre judiciaire qui oppose l’Ukraine et Gazprom au sujet de prix du gaz du contrat décennal signé entre les deux parties en 2009 (challenges.fr). A priori, légalement, il n’y a aucune chance que l’Ukraine ait gain de cause. Cependant l’opposition entre les USA et la Russie “perturbent le déroulement serein des débats”.

 

 

SAMEDI 2 MAI 2015

• Le mois commence mal pour les Ukrainiens: à partir du 1er mai, les tarifs de la poste augmentent de 19,5%. C’est ce que l’on appelle un “prix psychologique” (unn.com.ua).

 

• En Crimée, arrestation d’un soldat du bataillon “Azov” soupçonné de préparer un acte terroriste. C’est OukraïnskaYa Pravda qui l’annonce (donc un média très pro Kiev), il ne peut donc s’agir de propagande russe (pravda.com.ua). Le vocabulaire employé par le journal ne laisse aucun doute là-dessus, il est question des “forces des autorités d’occupation” et d’une “soi-disant procureure de Crimée Natalia Pokonskaïa”. L’info est reprise par Russia Insider (russia-insider.com).

 

• Tout un symbole: Donetsk a repris son nom russe. C’est assez subtil pour un non russophone. Donetsk s’écrit Донецьк en ukrainien et Донецк en russe (vk.com), d’où le “ь” au sol sur la photo ! A leur tour, les emblèmes ukrainiens subissent une “lustration” en Novorussie…

 

• Collection de 12 clips officiels ukrainiens commémorant la victoire en Europe. (youtube, youtube, youtube, youtube, youtube, youtube, youtube, youtube, youtube, youtube, youtube, youtube). En voila 3 comme exemples…

 

• Angela Merkel n’ira pas à Moscou le 9 mai, mais elle y sera le 10, annonce “Novaïa Gazeta” (novayagazeta.ru). Un voyage “très important”, souligne-t-elle. Il est vrai qu’on ne l’a plus trop entendue depuis les accords de Minsk, peut-être a-t-elle des choses nouvelles à dire ? Nous qui avons toujours cru les Allemands très ponctuels, voilà qu’elle arrive avec une journée de retard. Les usages se perdent…

 

 

DIMANCHE 3 MAI 2015

Bombardements à l’artillerie lourde de quartiers d’habitation à Donetsk la nuit dernière . Donetsk a été bombardée à l’artillerie lourde de 122 et 152 mm une partie de la nuit dernière, affirment les séparatistes (ridus.ru à 01 h 08), vidéos à l’appui (youtube et youtube, youtube).

Ces tirs à l’arme lourde ne sont pas seulement une nouvelle rupture du cessez-le-feu, mais aussi une remise en question d’un des rares points du protocole de MInsk 2 ayant été mené à bien, c’est à dire le retrait des armes lourdes de la ligne de front. Il n’est donc pas étonnant que cela ait suscité une réaction de Sergueï Lavrov en personne, qui a appelé l’OSCE pour lui demander d’exiger de Kiev que les tirs cessent (tass.ru, rt.com). Ivan Prikhodko, directeur de l’administration des quartiers Kievski et Kouibishevski de Donetsk (novorosinform.org) fait état de dégâts importants et d’incendies dans plusieurs rues, citant avec précision les adresses concernées (novorosinform.org) : Rue de la Zoologie, n° 21 et 29, Rue Napaev, n° 2, Rue des Partisans n° 31a, 37b, 70, 66a etc. Vidéo de NTV (en russe, non sous-titrée, mais les images sont parlantes (youtube). Heureusement, il n’y a eu personne de tué, mais plusieurs soldats de RPD/DNR ont été blessés. En revanche, à Marinka (oblast de Donetsk), un habitant a été tué.

Le calibre des projectiles tirés (120 – 122 mm) prouve que les FAU utilisent de l’artillerie lourde. En outre, Dmitri Stechine, correspondant de Komsomolskaïa Pravda, rapporte que selon les spécialistes du ministère de la défense de RPD/DNR, certains obus tirés étaient d’un calibre que les armées russe et ukrainienne, issues de l’ex-URSS, ne possèdent pas (ni les armes capables de les tirer): “По данным МО город обстреливали из артсистем западного производства. Действительно,необычный звук выстрела и разрыва,скорость перезарядки.” : “D’après les données du ministère de la défense, la ville a été bombardée à l’aide de systèmes de production occidentale. Les sons du départ de tir et de l’explosion ainsi que la vitesse de rechargement sont différents 8:55 AM – 3 мая 2015 “. Dans un autre tweet, Stechin rapporte l’avis des habitants qui ont eu la malchance de recevoir un obus dans leur maison: ils ont remarqué des nouveautés : “un bruit très sec lors de l’explosion, et puis ils ne déclenchent pas d’incendie comme d’habitude.” (ridus.ru à 17 h 51)

 

• “Tribunal”, la riposte de Donetsk à Mirotvorets”. Depuis mars, la RPD/DNR (République populaire de Donetsk /Donetsk National Republic) possède un site nommé “Tribunal” (tribunal.today), site qui semble beaucoup inquiéter les nationalistes, fascistes, les soldats de l’OAT (Opération anti-terroriste) et autres “karatiéli” (“répresseurs”). Il publie une page sur le réseau social “VKontakt” (vk.com). Le site est organisé de la façon suivante: une colonne, à gauche sur la page d’accueil, permet de filtrer les informations selon le lieu géographique. Ensuite, un bandeau propose les divisions suivantes: Page d’accueil / Citer devant le tribunal (on trouve sur la page un formulaire permettant de communiquer les informations concernant une personne que l’on sait être particulièrement néfaste) / Crimes (on peut y retrouver tous les faits marquants: bombardements meurtriers pour les civils, enfants tués, etc…) / Informations importantes / Evénements tragiques / Le projet.

Sur la page publique Vkontakt, comme sur tous les réseaux sociaux, il y a un mélange de moquerie, de plaisanterie et de sérieux, voire d’agressivité. On y apprend certains noms gentils donnés aux néos-nazis de Kiev : “faschingtoniens”, aux Américains (“pindossi”), on y lit des commentaires pertinents, idiots ou violents, voit des photos et caricatures des médias occidentaux (vk.me), bref un réseau social militant. On y trouve également un texte qui se rapporte à une de nos news (Klitschko, étoile montante de la politique ukrainienne ? le 30 avril): “Госдеп готовит замену Порошенко. США готовит нового президента для Украины, который будет жёстким диктатором. По мнению США, Порошенко не справляется с ситуацией на Украине.” “Le département d’état prépare le remplacement de Porochenko. Les USA préparent un nouveau président pour l’Ukraine, qui sera un dictateur dur. Selon les USA, Porochenko n’est pas à la mesure de la situation qui sévit en Ukraine”.

Comme on l’aura compris, la DNR utilise donc les mêmes armes que l’adversaire. Toutefois, il existe une différence notable : même si le site existe depuis mars, personne, du côté des gens nommés dans ses pages, n’a été assassiné comme l’ont été Kalachnikov et Bouzina. On objectera sans doute qu’il est plus facile de tuer par surprise un journaliste désarmé qui rentre chez lui qu’un “karatiel” armé d’un gros flingue et entraîné à la guerre, voire à la guérilla. C’est évident, mais surtout, ce n’est pas le but poursuivi par ce site, qui vise plutôt le moment où ces gens-là pourront être, réellement et légalement, traînés devant un tribunal, jugés et condamnés, et non pas “liquidés”.

 

• Prise de position officielle de l’Italie. Le Ministre des Affaires Etrangères italien appelle l’Ukraine à donner son autonomie au Donbass : “L’italie soutient l’Ukraine, mais les autorités ukrainiennes doivent mener à bien les nécessaires réformes économiques et constitutionelles dont le fait d’accorder l’autonomie au Donbass”. Paolo Gentiloni sera à Kiev le 5 mai (lastampa.it via lenta.ru, sputniknews).

Détail intéressant, le titre de l’article de la Stampa est “L’Italia non può chiudere le porte alla Russia” “L’Italie ne doit pas fermer la porte à la Russie”. Le rapprochement entre la déclaration sur l’autonomie du Donbass et ce titre est très révélateur…

Une autre nouvelle risque de compliquer de très hypothétiques accords quant à cette autonomie. La LNR/RPL (république de Lougansk) envisage de commencer à fournir dès ce mois-ci à ses administrés des passeports (http://tribunal.today/upload/resize_cache/iblock/b50/302_302_2/b501dcdc5781cd1d00933ec333ebbd8f.jpg).

 

• Nouvelles du Conseil de sécurité nationale et de défense de l’Ukraine (SNBO). Il fait tout d’abord fait état de menaces d’attentat sur la conduite de transport d’ammoniac “Tolyatti – Odessa” venant de Russie et traversant tous les oblasts ukrainiens du sud jusqu’à Odessa dont le SNBO, selon un media russe, serait l’instigateur (news-front.info).

Ensuite, Andreï Lissenko, porte-parole du Centre d’analyses et d’information du SNBO a déclaré que les “boïéviki” (les soldats, mais cela s’approche plutôt de “soudards”. C’est la désignation officielle des combattants de DNR/RPD et LNR/RPL, vus du côté ukrainien) prévoient de créer à la frontière russo-ukrainienne des marchés de contrebande (112.ua). “En particulier, les leaders des bandes armées de la “DNR” sont en train de mettre en place ce qu’ils appellent ” un concept de développement de marchés de gros pour une coopération commerciale avec les producteurs russes. Ces marchés, sur lesquels des marchandises de contrebande venant de Russie seront amenées illégalement, les bandits envisagent e les déployer sur la ligne de la frontière russo-ukrainienne qui se trouve provisoirement sous contrôle des “soudards”. En particulier, cela concerne les postes-frontière “Ouspienka – Matveev Kourgan” et “Novoazovsk-Veceloïé-Voznesenka”. Le lecteur appréciera le vocabulaire spécifique : bandits, contrebande, soudards.

Avec le cessez-le-feu, tout bancal qu’il soit, Lissenko n’avait plus trop de raisons de venir au premier plan dans les nouvelles. Mais le voici qui reprend du service, ce qui n’est pas du tout bon signe. Il représente en effet le niveau de la propagande basique, celle qui impressionne les esprits simples et pas trop curieux. Et la plus efficace, malheureusement, celle qui fait prendre les armes à ceux qui croient pouvoir devenir des héros. Lissenko est capable de vous faire voir des colonnes entières de chars russes dans la plaine la plus vide qui soit…

 

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-07-05-2015/